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Dragan Kolundžija

 Avant la guerre, je fréquentais tout le monde, peu m’importait l’appartenance ethnique ou religieuse. Aujourd'hui encore, je n'ai aucune idée préconçue à ce sujet-là [...] Je regrette tous les crimes et je regrette aussi de ne pas avoir fait ce que j'aurais pu faire de plus. Je suis conscient du fait que ceci ne peut pas fournir de compensation à mes concitoyens de Prijedor

Dragan Kolundžija était commandant d’une équipe de gardes au tristement célèbre camp de Keraterm, administré par les Serbes de Bosnie à Prijedor, en Bosnie-Herzégovine, en 1992. Il savait que les prisonniers étaient détenus dans des conditions inhumaines et qu’ils étaient battus, victimes de viols, de violences sexuelles et de meurtres. La Chambre de première instance a cependant entendu de nombreux témoignages attestant de ses efforts pour améliorer les conditions de vie extrêmement pénibles des détenus. Dragan Kolundžija a été condamné à 3 ans d’emprisonnement.

Lire son aveu de culpabilité

9 octobre 2001 (extrait du compte rendu d'audience)

[interprétation]: Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Merci de m'avoir permis de m'exprimer brièvement.

Aujourd'hui, je souhaite dire que je regrette pour toutes les personnes qui ont été à Keraterm et pour leurs familles. Pendant toute ma vie, j'ai essayé de ne pas faire aux autres ce que je ne souhaite pas que l'on me fasse. Mais, à cause de ma faiblesse ou parce que c’était impossible, j'ai renoncé à cela au moment clé. Je n’ai appris l’existence du camp que lorsque j’y ai été affecté comme policier de réserve. Pendant toute la période de mon travail, je voyais tout le monde d'un même œil, qu'il s'agisse ou non de personnes que je connaissais. Les événements qui se sont déroulés par la suite ont prouvé que j'étais naïf.

Il est vrai que je me suis plaint plusieurs fois, à cause des conditions de vie des personnes qui étaient détenues à Keraterm, mais je vois que ce n'était pas suffisant. Il est vrai qu'arbitrairement, j'ai permis à des personnes que je connaissais et que je ne connaissais pas d’ apporter de la nourriture, des médicaments et des couvertures aux personnes détenues; mais je vois que ce n'était pas suffisant. J'empêchais toutes sortes de mauvais traitements infligés aux personnes détenues; mais je vois maintenant que ce n'était pas suffisant, même si ceci ne se passait pas pendant que moi, j'étais le prétendu chef d'équipe.

Je ne me suis jamais limité à ne protéger que les gens que je connaissais. Je traitais toujours tout le monde de la même manière. Je suis moi-même responsable de mes propres erreurs. Il est vrai que le « massacre dans la pièce 3 » s'est déroulé pendant que je travaillais moi-même,au moment de l’équipe de nuit. Dieu est le témoin que j'ai tout essayé afin de sauver ces gens, afin d'empêcher le crime, mais, malheureusement, je n'ai pas réussi à le faire contre un grand nombre de personnes armées.

Jusqu'à la fin de ma vie, je n'oublierai pas cette nuit sanglante. De même, je n'oublierai pas tout ce qui s'est passé avec mes concitoyens qui ont été détenus de manière injustifiée et illégitime. Il m'est difficile de me rappeler ces personnes, qui vivaient dans ces conditions-là, et il m'est difficile de constater que je n'ai pas fait encore plus pour eux. Je n'ai jamais souhaité rester à Keraterm. Et je n'ai pas été d'accord avec les conditions qui y régnaient. Mais je considérais que si je restais, je pouvais faire en sorte que les malheurs des gens détenus là-bas soient réduits.

En tant que simple policier de réserve ou ledit chef d'équipe, je pensais avoir fait tout ce que je pouvais. Avant la guerre, je fréquentais tout le monde, peu m’importait l’appartenance ethnique ou religieuse. Aujourd'hui encore, je n'ai aucune idée préconçue à ce sujet-là. Maintenant, je suis conscient du fait qu'à l'époque, j'étais un instrument entre les mains d'autres et j'en éprouve un remords profond.

Je regrette tous les crimes et je regrette aussi de ne pas avoir fait ce que j'aurais pu faire de plus. Je suis conscient du fait que ceci ne peut pas fournir de compensation à mes concitoyens de Prijedor, mais j'espère que je contribue ainsi à un nouveau début. Mes remords ne vont certainement pas effacer les cicatrices du passé, mais j'espère que ceci aidera à guérir les blessures.

Encore une fois, je présente mes excuses et j'exprime mes remords par rapport à tout ce qui s'est passé. Pour l'avenir de nos enfants et pour notre avenir à tous, je vais essayer, dans la mesure de mes possibilités, de faire en sorte que quelque chose de semblable ne se reproduise plus jamais.
Merci.

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