Site Internet consacré à l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

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Général Philippe Morillon


General Philippe Morillon était commandant de la Force de protection des Nations Unies (la « FORPRONU ») en Bosnie-Herzégovine, de 1992 à 1993.

 


Le général Philippe Morillon rapporte une conversation qu’il avait eu avec Slobodan Milošević à la fin du mois de mars 1993, au cours de laquelle il l’avait exhorté d’éviter la catastrophe humanitaire qui menaçait Srebrenica, une zone de sécurité de Bosnie-Herzégovine orientale : 

Question: « Est-ce qu'à un moment donné la situation à Srebrenica est devenue tellement désespérée que vous avez pris une décision, vous avez décidé d'aller à Belgrade pour vous entretenir avec M. Milosevic à propos de ce qui se passait à Srebrenica ?
Réponse : Oui, je savais depuis le départ que le seul qui pouvait m'aider dans ce sauvetage désespéré c'était M. Milošević. Je suis allé lui dire, je m’en souviens très bien: "Monsieur le Président, il y a déjà une tache sur le drapeau de votre république. C'était à Vukovar et vraiment croyez-moi, si vous ne faites pas tout pour m'aider à désarmer cette épouvantable bombe qui menace aujourd'hui toute la population de Srebrenica à cause du degré de haine qui s'y est développée, vous entacherez encore plus votre drapeau, et l'opinion publique mondiale ne le pardonnera pas au peuple serbe. »

Le général Philippe Morillon présente des éléments de preuve selon lesquels les forces de la République fédérale de Yougoslavie, et pas seulement celles de l’armée des Serbes de Bosnie, avaient pris part au pilonnage de la ville de Srebrenica: 

Q. … « Que saviez-vous à propos de la participation de l'artillerie de Serbie aux bombardements de Srebrenica et des environs?
R. J'avais avec moi une petite équipe d'observateurs. C'est elle qui m'a rendu compte du fait que lorsque l'offensive se poursuivait, elle était appuyée par des tirs qui provenaient d'au-delà de la [rivière] Drina, donc, du territoire de la République fédérale de Yougoslavie.
Par ailleurs, vous savez que nous avions pu constater à deux reprises des raids d'avions non identifiés, sans signe apparent, qui étaient venus bombarder le front et, là encore, depuis la Serbie. Enfin, m'ont été rapportées les pièces d'identité de deux soldats serbes, l'un était un milicien domicilié dans la République de Serbie qui avait une autorisation pour se rendre dans la région de Srebrenica, et l’autre était un soldat serbe.

Voilà les quelques éléments qui appuient la conviction qui était la mienne, que tout ce qui se passait dans la région avait le soutien de l'armée fédérale elle-même, de l'armée serbe. Encore une fois, cela ne surprenait personne, puisque cette armée avait cause commune avec celle des Serbes de Bosnie et celle de Mladić [le commandant de l’armée des Serbes de Bosnie]. »

Le général  Philippe Morillon rencontrait les dirigeants militaires et politiques des factions en guerre au moins une fois par semaine à l’époque où il dirigeait la Force de protection des Nations Unies (la « FORPRONU ») en Bosnie-Herzégovine. Il a apporté des éléments de preuve cruciaux pour établir que Slobodan Milošević avait connaissance des conditions particulièrement difficiles qui prévalaient à Srebrenica, déclarée « zone de sécurité », en Bosnie-Herzégovine orientale.

Le général Morillon a rapporté que le mandat de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine consistait essentiellement à appuyer la fourniture de l’aide humanitaire, « pour que les centaines de milliers d'habitants de Bosnie, réfugiés dans des enclaves où ils étaient soumis à un véritable siège, n'ayant aucune ressource pour subsister, puissent ne pas mourir de faim et de froid.» Lors de sa visite de la ville assiégée de Srebrenica, en mars 1993, le général a pu constater qu’elle faisait partie des enclaves où sévissait une réelle crise humanitaire. Il a déclaré avoir vu  un « degré de misère absolu avec un risque réel de dizaines de milliers de morts.»

Comme nombre de représentants de la communauté internationale ayant témoigné devant le Tribunal, le général Morillon partageait l’opinion de l’Accusation selon laquelle Slobodan Milošević était l’homme à qui s’adresser pour obtenir des résultats sur le terrain, en Bosnie. Le général Morillon a témoigné qu’il s’était rendu auprès de Slobodan Milošević pour le convaincre d’intervenir par rapport à la situation à Srebrenica. Il pensait que le commandant de l’Armée des Serbes de Bosnie, Ratko Mladić, qui selon lui « était le seul à exercer véritablement le pouvoir sur le territoire de la Republika Srpska [l’entité de Bosnie-Herzégovine orientale contrôlée par les Serbes de Bosnie], était « encore susceptible d'obéir aux ordres venus de Belgrade.»

Le témoignage du général a également été très important pour soutenir que la Yougoslavie encourageait les opérations de nettoyage ethnique à Srebrenica. Comme l’indique l’extrait rapporté plus haut, le général Morillon a déclaré à la Chambre que Srebrenica était bombardée depuis le territoire yougoslave, et que des raids aériens étaient également lancés depuis la rive de la rivière Drina située en Yougoslavie.

Le général Morillon a aussi témoigné au sujet des attaques lancées par les forces des Musulmans de Bosnie, sous les ordres du commandant Naser Orić -condamné par la suite par le Tribunal- contre des villages serbes des environs de Srebrenica. Ces attaques ont été lancées le 7 janvier 2003, c'est-à-dire le jour de Noël selon le calendrier orthodoxe serbe. « Ceci avait créé un degré de haine extraordinaire dans la région et ceci avait conduit…l'ensemble de la population serbe à se révolter contre la simple idée, que l'on pourrait continuer à part l'aide humanitaire, à aider la population qui était présente là-bas » a déclaré le général. Après avoir vu des corps de victimes serbes qui avaient été jetés dans une fosse commune dans un des villages ayant subi les attaques d’Orić, Morillon a déclaré qu’il comprenait « à quel point cet engrenage infernal du sang et de la vengeance  [il faisait allusion au livre du reporter du New York Times Chuck Sudetić intitulé ‘Blood and Vengeance’, ‘sang et vengeance’] avait conduit à une situation dramatique. [Il avait] personnellement craint que le pire se produise si les Serbes de Bosnie pouvaient pénétrer dans l'enclave et rentrer dans Srebrenica. »

Officier de l’armée  française, le général Phillipe Morillon était adjoint au commandant responsable de la Croatie à la Force de protection des Nations Unies (la « FORPRONU ») de mars à septembre 1992. Il est alors devenu commandant de la FORPRONU pour la Bosnie-Herzégovine jusqu’en juillet 1993. Au moment de son témoignage en 2004, le général Morillon était membre du Parlement européen. 

Le général Philippe Morillon a témoigné le 12 février 2004. Lire son témoignage complet.