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Stjepan Mesić

Stjepan Mesić a été le Premier ministre de Croatie en 1990, membre de la Présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY), dont il a été le dernier Président.


Stjepan Mesić donne à la Chambre son point de vue  sur les buts et les méthodes de Slobodan Milošević: « Les Serbes de Croatie ont été trompés parce que Milošević leur a dit que tous les Serbes habiteraient dans un seul et même Etat, et que tel était leur droit parce qu'ils avaient le droit à l'autodétermination;  il trompait le monde parce qu'il disait qu'il se battait pour la Yougoslavie alors qu'en fait, il faisait tout pour la détruire. »

Stjepan Mesić décrit une conversation avec Borisav Jović qui dirigeait la Présidence Fédérale de la RSFY et était un proche associé de Milošević, au sujet des raisons pour lesquelles le service de contre-espionnage de l'Armée nationale yougoslave armait les Serbes de Croatie et créaient des provocations:

« J’ai demandé à Borisav Jović: "Pourquoi font-ils ça? Pourquoi se mettent-ils à armer les Serbes? S'ils continuent à le faire, il y aura une catastrophe; parce que 10% de Serbes dans l'ensemble de la population ne sauraient jamais résister aux Croates. »

« Alors je lui ai dit "Cette fois-ci, vous rendez un mauvais service, vous faites quelque chose qui est tout à fait préjudiciable à vos concitoyens en Croatie." »

Borislav Jovic m’a dit: « Ce ne sont pas les Serbes de Croatie qui nous intéressent. C'est la Bosnie-Herzégovine qui nous intéresse, à savoir que nous sommes intéressés par 66% du territoire de Bosnie-Herzégovine qui avait toujours été un territoire serbe et qui le demeurera.»

Stjepan Mesić donne son avis sur les relations que Milošević entretenaient avec Jović: « Borisav Jović ne jouissait d'aucune autonomie, d'aucune indépendance. Tout ce qu'il faisait, il le faisait de concert et avec l’accord de Slobodan Milošević. Voilà pourquoi je plaisantais souvent pour dire que toutes les fois où il a fallu prendre des décisions, Borisav Jović quittait d'abord le lieu de la réunion en s'excusant et, à sa sortie, je lui disais toujours: "Dis bonjour à Milošević".»

Stjepan Mesić, le représentant croate de la Présidence de la République socialiste fédérale de Yougoslavie (RSFY), a rencontré Slobodan Milošević à plusieurs reprises. Il a décrit de façon exhaustive et détaillée ce qui s’était passé dans les plus hautes sphères politiques et avait conduit aux guerres yougoslaves, et le rôle de Milošević dans leur déclenchement. Lors de la désagrégation de la Yougoslavie, selon Mesić, la politique de Milošević consistait principalement à repousser les frontières serbes au détriment de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Stjepan Mesić a déclaré que Milošević considérait le recours à la force comme une solution pratique pour arriver à ses fins.

Mesić a aussi souligné le contrôle total exercé par Slobodan Milošević en Serbie, y compris sur les plus hauts responsables politiques, qui ne prenaient pas de décision sans l’avoir consulté au préalable. Mesić a déclaré que Milošević contrôlait aussi les dirigeants des minorités serbes des autres républiques yougoslaves.

Pour Mesić, le début des discours publics agressifs de Milošević correspond à un discours qu’il avait donné au Kosovo le 27 juin 1989 à l’occasion du 600ème anniversaire de la bataille du Champ des merles. Milošević a dit ce jour-là qu’ « on devait faire des préparatifs, de toutes catégories, pour militer », sans faire exception d'un combat armé. Pour Mesić, cette déclaration a marqué un tournant car «c'était la première fois qu'on entendait quelqu'un mentionner en Yougoslavie l’option de la guerre.»  Mesić a soutenu que les remarques de Milošević avaient fortement motivé ceux qui soutenaient l'éclatement des structures fédérales.

Afin d’informer la Chambre des intentions de Milošević, Mesić a également mentionné ce que Milošević déclarait fréquemment lorsqu’il le rencontrait, à savoir qu’il ne tolèrerait pas que deux millions et demi de Serbes vivent en dehors de la Serbie, quitte à ce que la Yougoslavie soit désintégrée. Mesić a apporté des éléments de preuve indiquant que Milošević agissait conformément à ces déclarations, exacerbant le mécontentement des Serbes quant à la perspective de vivre au sein d'une Croatie indépendante. Lorsque les premiers ralliements et les premiers heurts se sont produits dans les secteurs serbes de la Croatie, en 1990, Mesić a invité tous les chefs des municipalités majoritairement serbes à se réunir pour trouver une solution pacifique au conflit. Malgré leur accord initial, aucun d’entre eux n’est finalement venu : le maire de Knin, Milan Babić, qui a par la suite plaidé coupable de crimes commis en Croatie et a témoigné contre Milošević, est revenu d’entretiens avec Milošević avec le message qu’une telle réunion était « hors de question ».

Selon Mesić, le pouvoir serbe savait que les forces serbes de Croatie constituaient une petite minorité et, sur le long terme, seraient battues par les forces croates. Ils ne constituaient toutefois que le premier pas vers un objectif plus large. De l’avis de Mesić, « Les Serbes de Croatie étaient nécessaires pour allumer la mèche afin que la guerre puisse ensuite être transférée sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.»

Mesić a rapporté à la Chambre la conversation (extrait plus haut) qu’il avait eu en 1991 avec le Président de la RSFY Borisav Jović, dans laquelle ce dernier admettait que les Serbes de Croatie ne présentaient aucun intérêt, et que la Bosnie-Herzégovine représentait le gain ultime.

Mesić a apporté des éléments de preuve qui ont conforté l’Accusation dans l’idée que Milošević avait l’intention de découper la Bosnie-Herzégovine. Mesić est l’un des nombreux témoins à avoir déposé au sujet de la rencontre décisive entre Milošević et le président croate de l’époque, Franjo Tudjman, dans un pavillon de chasse de Karadjordjevo, près de Belgrade, en mars 1991. Mesić a soutenu qu’il était facile de déduire de cette rencontre que Milošević avait convaincu Tudjman (accusé plus tard par le Tribunal d’être un coauteur du nettoyage ethnique en Bosnie), que la Serbie et la Croatie devaient se partager la Bosnie-Herzégovine. Pour Mesić, « jusqu'à ce qu'il revienne de Karadjordjevo…Tudjman était toujours pour que la Bosnie-Herzégovine demeure intégrale… Mais, après leur réunion, il a changé d'opinion … il s'est fait persuader par Milošević de la manière dont on pouvait procéder pour partager la Bosnie. » Tudjman a rapporté à Mesić que le dirigeant serbe lui avait dit: « Franjo, tu n'as qu'à prendre Cazin, Kladuša et Bihać [en Bosnie-Herzégovine occidentale]; c'est la Croatie turque, je n'en ai guère besoin ».

Mesić a aussi fait part d’une déclaration de Milošević qui indiquait clairement ce qu’il envisageait pour le Kosovo. En août 1990, lorsque Mesić lui avait fait part de ses inquiétudes concernant la façon dont la Serbie traitait le problème du Kosovo, Milošević a répondu « Il faut bien les frapper sur le nez et, les Albanais une fois obéissants, la question sera résolue. »

Mesić a aussi donné son avis à la Cour sur la personnalité de Milošević, qui corroborait celui d’autres témoins. Il a déclaré que le dirigeant serbe ne s’était jamais soucié du coût humain de sa politique : des gens tués, mutilés et déplacés. Il ne montrait aucun sentiment. « Il n'était habité que par les objectifs qu'il poursuivait.» Il avait la même attitude envers ses subordonnés, qu’il considérait remplaçables. « Il s'est servi de ses collaborateurs dont il avait absolument besoin pour obtenir ce qu'il voulait avant de s'en débarrasser.»

Stjepan (Stipe) Mesić est devenu Président du Parlement en 1992, dans la Croatie nouvellement indépendante, poste qu’il a conservé jusqu’en 1994. En 1998, Stjepan Mesić a témoigné dans deux affaires portées devant le Tribunal : du 16 au 19 mars 1998 au procès du Général croate  Tihomir Blaškić,et le 20 mars 1998 contre Slavko Dokmanović dirigeant serbe local dans la municipalité croate de Vukovar. À la mort de Franjo Tudjman, Mesić a été élu à la plus haute fonction du pays, en 2000. Mesić était encore président de Croatie lorsqu’il a témoigné au procès de Milošević en 2002.

Stjepan Mesić a déposé du 1er au 3 octobre 2002. Pour lire les transcriptions de son témoignage complet, voir  Les affaires.