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Enquêtes

Les enquêtes jouent un rôle crucial au TPIY, car elles constituent la base de toutes les poursuites et de tous les procès. Il n’y a pas de juge d’instruction au Tribunal - les procédures judiciaires sont initiées par le Procureur sur la base des informations reçues ou obtenues de différentes sources, par exemple des individus, des gouvernements, des organisations internationales, intergouvernementales ou non gouvernementales, ou bien par des organes de l’ONU. Lorsque le Procureur établit qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour soutenir raisonnablement que des crimes relevant de la compétence du Tribunal ont été commis, une enquête commence.

Une Division des enquêtes, au sein du Bureau du Procureur, était responsable du rassemblement des éléments de preuve et des informations qui sont ensuite utilisés pour dresser des chefs d’accusation contre des suspects présumés de crime. Le Procureur a établi les derniers actes d’accusation fin 2004, et depuis, les enquêtes conduites n’ont concerné que les mises en état ou les procès en cours, ou bien la recherche des fugitifs.

Le Procureur est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d’instruction, par exemple sur les lieux où se trouvent des charniers et où l’on procède à des exhumations. Conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et au Statut du Tribunal, les États doivent coopérer aux enquêtes et aux poursuites. Toutefois, dans la pratique, cela n’a pas toujours été le cas.

S’il décide qu’au vu des présomptions il y a lieu d’engager des poursuites, le Procureur établit un acte d’accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes présumés de l’accusé et le soumet à un juge pour confirmation. Le juge peut confirmer ou rejeter un acte d’accusation, accepter certains chefs d’accusation et en rejeter d’autres, ou demander au Procureur de présenter des éléments supplémentaires a l’appui de ces chefs d’accusation. Les derniers actes d’accusation du TPIY ont été confirmés au printemps 2005.

Quand un acte d’accusation est confirmé, le juge peut, à la demande du Procureur, établir un mandat d’arrêt ou une ordonnance pour la détention, la reddition ou le transfert de l’accusé, et  produire toute ordonnance nécessaire à la conduite du procès. Le Tribunal ne disposant pas de sa propre force de police, il n’est pas habilité à arrêter des suspects et dépend entièrement de l’aide des autorités des États et des organismes internationaux pour l’arrestation et le transfert des accusés.

Les crimes

Le Bureau du Procureur enquête sur quatre catégories de crimes: Infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, Violations des lois ou coutumes de la guerre, Génocide et Crimes contre l’humanité.

>> En savoir plus sur le Statut du Tribunal

Les crimes faisant l’objet d’enquêtes du Bureau du Procureur ne sont pas des crimes ordinaires. Il s’est souvent agi d’évènements à grande échelle commis sur de vastes portions de territoire, durant parfois plusieurs mois et extrêmement organisés. Ces crimes constituent certaines des pires atrocités perpétrées en Europe depuis la Seconde guerre mondiale – meurtres à grande échelle, torture, déportation, persécutions, réduction en esclavage, pillage, destruction sans motif des villes ou des villages et endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion.

Certains des pires crimes perpétrés en ex-Yougoslavie ont eu lieu dans les secteurs de Srebrenica, Prijedor, Foča, Sarajevo et Mostar en Bosnie-Herzégovine, Vukovar en Croatie, et le Kosovo.

Les différents types de responsabilités pénales

Le Bureau du Procureur peut engager des poursuites pour deux types de responsabilités pénales individuelles. La première concerne quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis un crime ou en a été complice. Cette responsabilité englobe la doctrine d’ « entreprise criminelle commune », expression qui a été fréquemment utilisée pour décrire des situations où plusieurs personnes poursuivant un but commun s’engagent dans l’exécution d’une entreprise criminelle. Quiconque prend part aux crimes perpétrés par un groupe ou des membres d’un groupe dans l’exécution d’une entreprise criminelle commune, peut être tenu pour pénalement responsable.

Le second type de responsabilité pénale individuelle concerne quiconque était en position d’autorité et savait, ou avait des raisons de savoir, qu’un subordonné s’apprêtait à commettre un acte criminel ou l’avait fait sans prendre les mesures nécessaires pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs. Il s’agit là de la « responsabilité du supérieur hiérarchique ».

Le Procureur ne peut engager de poursuites à l’encontre d’États, d’organisations ou de groupes ethniques.

L’origine des éléments de preuve

La première phase de toute enquête consiste à découvrir qu’un crime a été commis dans la juridiction du TPIY et en évaluer la gravité. Pour cela, le Bureau du Procureur examine les premiers éléments de preuve, issus de différentes sources.

Durant ses premières années d’enquêtes, le Bureau du Procureur utilisait comme source d’information initiale le travail de la Commission d’experts de l’ONU, un corps d’enquête établi par le Conseil de Sécurité en octobre 1992 pour établir si de graves infractions du droit humanitaire international étaient commises en ex-Yougoslavie.

Les témoins étaient essentiels dans la construction des premières affaires. Quand le conflit faisait encore rage, il était difficile, voire impossible, de se rendre sur les scènes de crimes et de contacter les témoins. Par conséquent, les enquêtes ont commencé dans les centres de réfugiés un peu partout dans le monde, où des centaines de milliers de personnes avaient cherché refuge pendant les conflits. Leurs témoignages ont apporté des éléments de preuve d’une valeur inestimable et ont mené à des personnes ayant physiquement commis les crimes, tels que des soldats, des gardiens de camp, et des directeurs de quartier pénitentiaire.

En travaillant avec les victimes, les réfugiés et les personnes déplacées, ainsi qu’avec plusieurs organisations humanitaires et d’autres institutions, ils ont été en mesure de rassembler des premiers témoignages concernant des évènements, et d’autres informations, et ces éléments étaient ensuite transmis au Bureau du Procureur pour examen.

La coopération avec la région s’améliorant, les secteurs où les crimes avaient été commis, parmi lesquels les charniers, et certains documents constituant des preuves et conservés dans les archives nationales, sont devenus plus accessibles et ont contribué à engager des poursuites contre un plus grand nombre de hauts responsables politiques issus des différentes parties du conflit.

Les différentes catégories de témoins

Le Bureau du Procureur agit avec de nombreuses catégories de témoins lors des enquêtes, parmi lesquels se trouvent des victimes et des survivants, des experts, des représentants de la communauté internationale et des témoins du premier cercle.

Les victimes et les témoins survivants constituent une source de preuves essentielle, car ils sont en mesure de décrire des événements et d’identifier les personnes impliquées, ce qui est fondamental dans la préparation de l’acte d’accusation et peut fréquemment conduire à de nouvelles sources de preuves. A vrai dire, trouver le premier témoin peut parfois être difficile. Les enquêtes ont souvent commencé des années après les évènements et les témoins pouvaient être partis ou décédés. Par exemple, dans l’enquête sur les évènements des environs de Ćelibići, les enquêteurs ont retrouvé le premier témoin à Chicago.

Le temps écoulé et le fait d’habiter loin des lieux des évènements peuvent altérer la mémoire de certains témoins. Souvent, alors que les éléments de preuve donnés indiquent qui était directement impliqué, les personnes identifiées ont tendance à être des suspects de rang subalterne, et les témoins oculaires ne peuvent pas identifier qui donnait les ordres où qui était les officiers responsables. Enfin, les témoins peuvent décider de ne pas déposer parce qu’ils souhaitent oublier les événements ou ne sont psychologiquement pas en mesure de témoigner. Il est aussi possible qu’ils craignent d’être victimes d’intimidation ou de représailles.

Les témoins experts sont liés à l’enquête, d’une certaine manière, mais n’ont pas été directement impliqués dans les évènements. Il peut s’agir, par exemple, d’analystes militaires et politiques contactés pour fournir un contexte aux évènements survenus dans le pays ou pour interpréter des documents. Il peut s’agir aussi de chercheurs scientifiques qui ont pu aider à mettre à jour des preuves, comme les charniers, ou à examiner des aspects essentiels des éléments de preuve, telles que des séquences ADN.

Les témoins internationaux peuvent être des diplomates ou des officiers hauts gradés en activité sur les lieux du conflit à l’époque peuvent apporter des informations de valeur au Bureau du Procureur, particulièrement s’ils avaient des réunions avec les suspects ou d’autres civils et militaires de hauts rangs. Ils peuvent par exemple être en mesure d’apporter la preuve qu’un suspect était informé de certaines atrocités ou de certaines opérations militaires.

Les témoins du premier cercle peuvent fournir des éléments de preuve de valeur en faisant le lien entre l’accusé et le lieu du crime, directement ou indirectement. Ces témoins ont fréquemment « du sang sur les mains », ou avaient connaissance des ordres donnés.

>> Paroles de victimes : leurs histoires et leurs témoignages au Tribunal

La division des enquêtes

Jusqu’en 2008, le Bureau du Procureur disposait de sa propre Division des enquêtes, chargée d’examiner les éléments de preuve, d’identifier et d’interroger les suspects et de mener des enquêtes sur les lieux des crimes. Les enquêtes relèvent à présent de la division des poursuites qui emploie une cinquantaine d’enquêteurs de tous les continents, dont la formation et l’expérience dans les techniques d’enquêtes criminelles au sein de systèmes juridiques nationaux, ont fusionné pour créer un système unique de poursuites internationales.

Ces crimes relevant de la compétence de spécialistes, le Bureau du Procureur comporte aussi une Équipe d’analystes militaires, dont la majorité des membres vient du secteur militaire et un Groupe de recherche des principaux responsables, dont le personnel a une formation universitaire et linguistique variée et se spécialise dans l’ex-Yougoslavie. Le travail consiste à analyser des documents, des conversations téléphoniques interceptées et des documents de source publique permettant de faire le lien entre les principaux responsables des crimes et les crimes eux-mêmes.

Lorsque les éléments de preuve conduisaient à des crimes graves commis dans la juridiction du TPIY, le Bureau du Procureur formait une équipe chargée d’approfondir les recherches. Alors que dans la plupart des systèmes nationaux, c’est la police qui est investie de ce rôle d’enquête, dans le cas du TPIY une équipe d’enquête pluridisciplinaire est mise en place avec des membres du Bureau du Procureur. Il s’agit en général d’enquêteurs, de juristes, d’analystes et de responsables des recherches. Les interprètes jouent aussi un rôle essentiel, non seulement pour les traductions écrites, mais aussi parce qu’ils doivent fréquemment faire de l’interprétation dans des situations délicates, impliquant des informations politiques ou militaires sensibles, ou éprouvantes psychologiquement, comme les témoignages de victimes de viol ou de torture.

Cette équipe mène des enquêtes plus profondes, plus détaillées, qui impliquent une révision plus poussée des éléments de preuve, et suppose  de retrouver et interroger des témoins, d’analyser les lieux de crime, et de procéder à des enquêtes médicolégales et des examens. Le TPIY ne dispose pas de sa propre unité de police et donc dépend étroitement de différents organismes d’État pour procéder à des analyses médicolégales dans certains secteurs et faire un rapport en conséquence.

Par exemple, lors des enquêtes conduites après le génocide de Srebrenica, l’Institut médicolégale des Pays-Bas a procédé à des analyses textiles sur des bandeaux ayant servi à couvrir les yeux, et ont effectué des analyses ADN. Le Bureau américain de l’Alcool, du Tabac et des Armes a eu à examiner des éléments de preuve balistiques, tandis qu’un spécialiste britannique de l’analyse des sols comparait les prélèvements faits dans ce domaine. On a ainsi découvert que l’on avait creusé la terre des charniers et que les corps en avaient été extraits afin de tenter de dissimuler les crimes. Grâce à des enquêtes médicolégales sur les charniers secondaires, et à l’utilisation d’analyses balistiques, de l’ADN, du textile et du sol, il a été possible d’établir le parallèle avec les charniers primaires et d’identifier certains corps.

La stratégie d’enquête

Lorsqu’une enquête est attribuée à une équipe, le chef d’équipe et les conseillers juridiques décident d’une stratégie d’enquête et des responsabilités précises sont attribuées à chacun des membres. Des éléments de preuve continuent à être rassemblés pendant toute la durée du procès. Des délais sont fixés pour l’enquête et des missions sur les lieux présumés des crimes sont planifiées.

Pendant les premières années du Tribunal, les enquêtes devaient être conduites avec des moyens limités et dans des circonstances dangereuses, car le conflit faisait encore rage. La légitimité du Tribunal n’était pas reconnue par certaines autorités de la région, qui refusaient aux enquêteurs l’accès aux lieux des crimes, parfois même lorsqu’il s’agissait d’enquêtes sur des crimes commis à l’encontre des gens de leur propre État, qu’ils étaient censés représenter.

En conséquence, le Bureau du Procureur a décidé de suivre ce qu’on a appelé une stratégie d’enquête « pyramidale », en partant du bas, c’est à dire en partant d’éléments de preuve, et d’auteurs de crimes de rang subalterne ayant directement ordonné ou commis des crimes. Les enquêtes ont commencé dans des centres de réfugiés partout dans le monde, où les victimes et les témoins ont pu donner des éléments de preuve impliquant ceux qui avaient physiquement perpétré les crimes, par exemple les hommes des camps où ils étaient détenus ou les chefs de ces camps.

Les preuves rassemblées étant de plus en plus nombreuses, les enquêteurs ont commencé à remonter la pyramide jusqu’aux personnes qui pouvaient être considérées comme principalement responsables des crimes.

Pendant la phase d’enquête menée « de haut en bas », les difficultés consistaient à établir le lien entre les crimes commis et ceux qui, bien que ne les ayant pas physiquement commis, étaient susceptibles de les avoir ordonnés, planifiés, incités à commettre ou commis, ou d’en avoir facilité la réalisation, dans le cadre d’une  entreprise commune, d’une stratégie ou d’un plan. Comme dans toutes les enquêtes sur le crime organisé et les violations des droits de l’homme, établir le lien juridique entre les personnes les plus haut placées et les crimes perpétrés n’est pas une tâche facile et nécessite du temps. Alors que les premiers éléments de preuve étaient identifiés, de nombreux membres du Bureau du Procureur travaillaient à rassembler des profils de suspects potentiels et à identifier et regrouper de la documentation, des conversations interceptées et des éléments de preuve fournis par des témoins du premier cercle. Cela ne pouvait être réalisé du jour au lendemain et a nécessité plusieurs années de travail pour ceux qui s’investissaient ou s’investissent encore pour le Bureau du Procureur. 

La plupart du travail d’enquête est réalisé à La Haye, où les documents et les autres éléments de preuve sont rassemblés et analysés. Les affaires sont choisies selon des critères décidés par le Procureur et traitées en priorité en fonction des moyens disponibles.

Une partie de l’enquête se déroule sur les lieux des crimes et commence en général par l’interrogatoire de témoins. Après avoir obtenu des déclarations, avec l’aide d’interprètes, les enquêteurs chargés de conduire des enquêtes sur les lieux des crimes se rendent sur place, vérifient les informations reçues et cherchent à corroborer les faits. Les lieux des crimes sont photographiés, dessinés, filmés et passés au peigne fin pour retrouver des douilles ou des fragments de balles et des projectiles.

Si les recherches laissent à penser que des crimes de masse ont été perpétrés, les enquêteurs demandent l’aide d’équipes médicolégales. Une fois que sont obtenus suffisamment d’éléments de preuves présageant la présence d’un charnier, les exhumations commencent.

Lors de certaines enquêtes, le Bureau du Procureur a pu interroger les suspects eux-mêmes. En ce cas, les enquêteurs devaient faire savoir à la personne concernée qu’elle avait le droit de garder le silence, que tout ce qu’elle dirait pourrait être retenue contre elle, et qu’elle avait le droit d’avoir un avocat. Si un suspect n’est pas averti de la sorte, comme il se doit, les éléments de preuve apparaissant dans l’interrogatoire peuvent être irrecevables. Certains accusés ont accepté de communiquer des informations au Bureau du Procureur après leur transfert au Quartier pénitentiaire du Tribunal.

La mise en accusation

Lorsque le Procureur estime qu’au vu des présomptions il y a lieu de dresser un acte d’accusation, un acte d’accusation est rédigé dans lequel le suspect est identifié et où apparaît la liste des chefs d’accusation retenus contre lui ou elle. Un seul acte d’accusation peut concerner de nombreux accusés et presque tous les actes d’accusation contiennent plus d’un chef d’accusation. Dans le cas d’une « jonction d’instances », deux crimes ou plus peuvent aussi être regroupés dans un acte d’accusation unique s’ils ont été commis dans le cadre d’une entreprise criminelle commune et perpétrés par les mêmes accusés.

Le Bureau du Procureur organise une consultation interne pour décider si les éléments de preuve réunis sont suffisants pour soutenir les chefs de l’acte d’accusation et pour préciser exactement de quelle manière les actes de l’accusé entrent dans la juridiction du TPIY. Cette phase implique en principe une discussion avec un conseil de pairs, qui écoutent la présentation des éléments de preuve de l’équipe et aide à identifier les points faibles et les domaines dans lesquels il sera nécessaire de poursuivre les enquêtes et d’obtenir plus de preuves afin de convaincre les juges.

L’usage consistait à regrouper autant d’accusés que possible dans le même acte d’accusation afin de réduire la réitération des faits et d’éviter la multiplication des travaux du Tribunal. L’inconvénient de cette pratique était qu’il fallait regrouper tous les accusés au même moment et au même endroit afin de les juger. La coopération des États était alors essentielle, mais faisait souvent défaut.

Quand un acte d’accusation a été établi, le Procureur le transmet au Greffier, à qui il communique également les éléments pour soutenir l’acte d’accusation. Le Greffier consulte le Président, qui en réfère alors au Bureau (composé du Président, du Vice-président et des juges présidents des Chambres de première instance.) Lorsque le Bureau estime que l’acte d’accusation présente les critères requis, le Président confie l’affaire à un juge de Chambre de première instance qui a été désigné pour l’examiner.

Un acte d’accusation doit être confirmé par un juge avant qu’un suspect ne soit mis en accusation ou que n’ait lieu une arrestation. La procédure de confirmation obéit à des règles. Le juge désigné examine les éléments de preuve présentés par le Procureur, qui ne doivent être considérés comme justifiant des poursuites qu’au vu des présomptions, laissant le stade de la conviction au-delà de tout doute raisonnable pour plus tard dans le procès.

Le juge ne se contente pas de simplement confirmer ou rejeter les actes d’accusation. Il peut retenir certains chefs d’accusation et en rejeter d’autres. Il peut demander davantage de moyens de preuve au Procureur quant à certains chefs d’accusation, ou demander des clarifications relatives à certains points de droit. Il ne peut pas demander l’ajout de chefs d’accusations, mais il a le droit de recommander l’abandon de certains d’entre eux s’il estime qu’il ne pourrait raisonnablement pas aboutir à une condamnation.

Lorsque l’acte d’accusation est confirmé, le juge peut, à la demande du Procureur, établir un mandat ou une ordonnance pour l’arrestation, la détention, la reddition ou le transfert de l’accusé.

Un acte d’accusation n’est pas immuable. En raison de la complexité des affaires traitées par le Tribunal, il est fréquemment arrivé que des enquêtes soient encore en cours lorsque l’accusé était conduit au Quartier pénitentiaire du Tribunal. Certains actes d’accusation ont profondément changé avec l’apport de nouveaux éléments de preuve et la révélation des évènements, en particulier ceux concernant des accusés mis en examen depuis longtemps. Le général Mladić par exemple, a été mis en accusation pour la première fois le 24 juillet 1995, puis une seconde fois en novembre 1995. Le second acte d’accusation détaillait les chefs d’accusation à son encontre, relatifs à sa participation aux évènements entourant la prise de Srebrenica et engageant le destin de milliers d’hommes musulmans de Bosnie arrêtés par les forces des Serbes de Bosnie. Ces actes d’accusation séparés ont été joints en 2002.

Les actes d’accusation peuvent être publics ou sous scellés. Ils étaient sous scellés lorsque le Tribunal estimait que c’était dans l’intérêt de la justice. Cela réduisait le risque que l’accusé(e) ne prenne la fuite ou ne se cache avant son arrestation. Par exemple, l’arrestation et le transfert par la police autrichienne du général Momir Talić s’est faite suite à un acte d’accusation sous scellés. Il a été arrêté alors qu’il se rendait à Vienne pour participer à une conférence organisée par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), en août 1999.

Bien que critiqués parce qu’ils interrompent de hauts responsables gouvernementaux dans l’exercice de leurs fonctions, les actes d’accusation sous scellés peuvent s’avérer nécessaire en cas de non- coopération permanente. Louise Arbour, le Procureur du Tribunal entre 1996 et 1999, défendait les actes d’accusation sous scellés, mentionnant les mandats d’arrêt à l’encontre de 20 accusés de hauts rangs, adressés aux autorités serbes de Bosnie, et reprochant à celles-ci de ne faire aucun effort pour les mettre à exécution.

Dans le cas des actes d’accusations sous scellés, lorsqu’un accusé est arrêté ou s’est rendu volontairement, un juge ordonne que l’acte d’accusation soit rendu publique. En 2006, tous les actes d’accusations ont été rendus public, aucun n’est resté sous scellés.

Reddition, arrestation et transfert de l’accusé

La dernière étape de l’enquête est le moment de l’arrestation de l’accusé et son transfert à La Haye. Depuis la création du TPIY par le Conseil de Sécurité, conformément au chapitre VII de la Charte de l’ONU, tous les États sont obligés d’obéir à tout ordre du Tribunal, y compris lorsqu’il s’agit de l’arrestation et du transfert d’accusés. Cette coopération a  malheureusement souvent fait défaut.

Même si les États sont tenus de localiser et d’arrêter les accusés, le Bureau du Procureur a également formé une équipe de recherche (« Tracking Team ») qui réunit des informations sur les déplacements des fugitifs et les lieux où ils se cachent. De telles informations sont alors communiquées aux autorités locales et aux forces internationales qui peuvent agir en conséquence, car le Bureau du Procureur n’est pas habilité ou équipé pour procéder lui-même à l’arrestation des fugitifs. L’équipe de recherche, composée d’agents d’informations de différents pays, a contribué à l’arrestation de plusieurs accusés. En communiquant aux autorités nationales des informations précises sur les lieux où se trouvent les fugitifs, il est possible de contrebalancer la passivité que témoignent de nombreux États pour les recherches.

La manière dont l’accusé est appréhendé est variable, allant de la reddition volontaire à l’arrestation par la police. En 2005, Ramush Haradinaj, qui était alors président du Kosovo, s’est rendu volontairement lorsqu’un  acte d’accusation à son encontre a été rendu public. Il a été transféré à La Haye sans délai. Le général croate Ante Gotovina, en revanche, avait juré de ne jamais se rendre et est parvenu à échapper à la justice pendant plus de quatre ans. Il a été arrêté par la police espagnole dans les îles Canaries, puis transféré à La Haye.

L’accusé a le droit d’être rapidement informé de la nature de l’accusation ou des accusations retenues contre lui, et dans une langue qu’il comprend. Après son transfert au quartier pénitentiaire de La Haye, l’accusé comparaît devant un juge, en comparution initiale, pour s’assurer que tous ses droits sont respectés.

Au final, tous les accusés ne sont pas jugés à La Haye. Conformément à l’article 11bis du Règlement de procédure et de preuve, le TPIY peut transférer un accusé pour qu’il soit jugé devant un tribunal national. La stratégie du Bureau du Procureur a consisté à réunir les éléments fondamentaux du crime puis  à mettre en accusation les plus hauts responsables. Apres avoir établi les principaux éléments du crime, le TPIY a commencé à transférer les accusés de rang subalterne aux États de la région pour qu’ils y soient jugés par les tribunaux nationaux.

Le TPIY opère dans le plus grand respect de l’État de droit, et veille à ce que les droits de l’accusé soient respectés conformément aux critères des droits de l’homme. Le TPIY croit au principe de l’égalité des armes, c'est-à-dire au fait que la Défense et l’Accusation doivent avoir les mêmes ressources pour « livrer bataille » dans la salle d’audience. L’accusé a le droit d’avoir un conseil de la défense, financé par le Tribunal s’il n’a pas les ressources suffisantes pour le financer lui-même. Il peut obtenir un conseil de son choix, à ses frais, ou partage les dépenses occasionnées avec le TPIY. Ce programme d’aide juridique correspond à environ 8% du budget du Tribunal. L’accusé a également le droit d’assurer sa propre défense.