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Allocution du Président Meron pour le dixième anniversaire du génocide de Srebrenica

PRÉSIDENT
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel.)
La Haye, le 11 juillet 2005
CVO/MOW/988_f

Allocution du Président Meron pour le dixième anniversaire du génocide de Srebrenica

Veuillez trouver ci-joint le texte intégral de l’allocution que le Président a prononcée à Potočari le 11 juillet 2005, à l’occasion du dixième anniversaire du génocide de Srebrenica.

Commémoration du génocide de Srebrenica

C’est une journée, je crois que nous en conviendrons, qu’aucun d’entre nous ne voudrait célébrer. Non que cette commémoration ne soit pas appropriée, bien au contraire, c’est le moins que l’on puisse faire. Mais c’est une commémoration triste et les évènements évoqués sont traumatisants. Chacun d’entre nous voudrait de tout cœur qu’ils ne se soient jamais produits.

Mais ces événements ont eu lieu, et nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre hommage à ceux qui sont morts et nous interroger sur les causes et les conséquences de cette tragédie. Par la commémoration, nous espérons empêcher que de telles atrocités se reproduisent un jour. Tel est, en effet, l’un des principaux objectifs du Tribunal international : rendre justice par la raison plutôt que par la force ; affirmer les principes fondamentaux des droits de l’homme et des garanties de procédure et en finir avec l’impunité non par la vengeance, mais par l’état de droit.

Les juges du Tribunal ont été clairs sur ce qui s’est passé ici. Comme la Chambre d’appel l’a déclaré dans l’affaire concernant le général Krstić, le commandant du Corps de la Drina de l’armée serbe de Bosnie, à l’issue d’un examen minutieux des éléments de preuve par le Tribunal :

« En cherchant à éliminer une partie des Musulmans de Bosnie, les forces serbes de Bosnie ont commis un génocide. Elles ont œuvré à l’extinction des 40 000 Musulmans de Bosnie qui vivaient à Srebrenica, un groupe qui était représentatif des Musulmans de Bosnie dans leur ensemble.

Elles ont dépouillé tous les hommes musulmans faits prisonniers, les soldats, les civils, les vieillards et les enfants de leurs effets personnels et de leurs papiers d’identité, et les ont tués de manière délibérée et méthodique du seul fait de leur identité. Les forces serbes de Bosnie savaient, quand elles se sont lancées dans cette entreprise génocidaire, que le mal qu’elles causaient marquerait à jamais l’ensemble des Musulmans de Bosnie.

La Chambre d’appel affirme clairement que le droit condamne expressément les souffrances profondes et durables infligées, et elle donne au massacre de Srebrenica le nom qu’il mérite : un génocide. Les responsables porteront le sceau de l’infamie qui s’attache à ce crime, et les personnes qui envisageraient à l’avenir de commettre un crime aussi odieux seront dès lors mises en garde. »

Ces mots prononcés par la Chambre d’appel du Tribunal sont sans équivoque : les crimes qui ont été commis ici ne sont pas simplement des meurtres ; ils visaient la destruction d’un groupe humain tout entier. Ils sont si odieux qu’ils méritent le plus grave des qualificatifs : celui de génocide. Il nous appartient, au Tribunal, de nous assurer que justice est rendue pour ceux qui ont perdu la vie ici, et que les responsables de ces crimes inqualifiables sont jugés et punis.

Les travaux réalisés par le Tribunal pour rendre justice et contribuer à la réconciliation dans la région resteront inachevés tant que les principaux accusés seront en liberté. Il convient, en cette occasion, de demander de nouveau instamment l’arrestation et le transfert à La Haye de Radovan Karadžić et de Ratko Mladić. Ceux qui continuent à protéger ces fugitifs ne font que servir la cause de l’impunité et font preuve de mépris à l’égard de la mémoire des victimes, à qui nous rendons aujourd’hui hommage. En remettant Radovan Karadžić et Ratko Mladić au Tribunal, non seulement les autorités serbes s’acquitteraient de leurs obligations juridiques internationales, mais elles serviraient également les intérêts de leur population. Le temps des fugitifs doit être révolu, non pas le mois prochain, mais ce mois-ci, non pas demain, mais aujourd’hui même. Les victimes de Srebrenica le mérite et la justice l’exige.

L’imagination humaine ne peut véritablement concevoir les crimes qui ont été commis ici il y a dix ans. Mais une chose est certaine : de simples mots ne sauraient rendre compte de l’horreur de ces atrocités. Ce que l’on en perçoit s’exprime dans les vies qui ont été perdues, dans les prières qui s’élèvent encore, dans les cœurs qui continuent de pleurer. Par solidarité pour les victimes et pour leurs êtres chers, nous continuerons, au Tribunal, à nous efforcer de rendre justice et de faire respecter les principes fondamentaux des droits de l’homme. Et nous faisons notre possible pour que nos efforts soient un hommage humble mais juste rendu aux victimes dont nous honorons aujourd’hui la mémoire.