Site Internet consacré à l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Depuis la fermeture du TPIY le 31 décembre 2017, le Mécanisme alimente ce site Internet dans le cadre de sa mission visant à préserver et promouvoir l’héritage des Tribunaux pénaux internationaux.

 Consultez le site Internet du Mécanisme.

Le Procureur c/. Biljana Plavsic : La Chambre de Première Instance condamne l'accusée à onze (11) années d'emprisonnement.

Press Release . Communiqué de presse

(Exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel)


TRIAL CHAMBER:
CHAMBRE DE 1ère INSTANCE


La Haye, 27 février 2003

CC / P.I.S / 734f




LE PROCUREUR c/. BILJANA PLAVSIC




LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE CONDAMNE L’ACCUSÉE À ONZE (11) ANNÉES D’EMPRISONNEMENT, ET AFFIRME QUE "AUCUNE PEINE NE SAURAIT ÊTRE À LA MESURE DE L’HORREUR DES ÉVÉNEMENTS SURVENUS OU DE L’IMPACT TERRIBLE QU’ILS ONT EU SUR DES MILLIERS DE VICTIMES"




Biljana Plavsic a participé à un " crime (…) d’une extrême gravité puisqu’il s’est accompagné notamment d’une campagne de séparation ethnique faisant des milliers de morts et entraînant l’expulsion de milliers d’autres personnes dans des conditions d’une extrême brutalité" Le plaidoyer de culpabilité de l’accusée (associé aux remords qu’elle a exprimés et à son rôle dans
la réconciliation), sa reddition volontaire, son comportement après le conflit, et son âge "constituent d’importantes circonstances atténuantes"

Le plaidoyer de culpabilité de l’accusée et la reconnaissance de sa responsabilité "devraient favoriser la réconciliation en Bosnie-Herzégovine et dans l’ensemble de la région".

Veuillez trouver ci-dessous le texte du résumé du Jugement portant condamnation rendu ce jour par la Chambre de première instance III, composée des Juges Richard May (président), Patrick Robinson et O-Gon Kwon. Ce texte a été lu par le Juge Président. Il ne fait pas partie du Jugement.


1. Introduction


À l’audience du 2 octobre 2002, l’accusée a plaidé coupable de persécutions, un crime contre l’humanité qui lui était reproché au chef 3 de l’acte d’accusation. L’accusée a plaidé coupable suite à un accord sur le plaidoyer conclu entre les parties. Aux termes de cet accord, l’Accusation consentait à demander le retrait de tous les autres chefs retenus contre l’accusée après que
celle-ci eut plaidé coupable. Ces chefs ont été en conséquence retirés. Un exposé des faits se rapportant au crime et à la part que Biljana Plavsic y a prise a été déposé conjointement avec l’accord sur le plaidoyer de culpabilité.


Une audience consacrée à la fixation de la peine s’est tenue du 16 au 18 décembre 2002. À l’issue de cette audience, la Chambre de première instance a mis le jugement en délibéré.


2. Les faits


Les faits de l’espèce sont les suivants. Au chef 3, pour lequel l’accusée a plaidé coupable, il est allégué qu’entre le 1er juillet 1991 et le 30 décembre 1992, Biljana Plavsic, agissant seule ou de concert avec d’autres, dans le cadre d’une entreprise criminelle commune, a planifié, incité à commettre, ordonné et aidé et encouragé les persécutions à l’encontre des populations non
serbes de Bosnie, notamment les populations musulmane et croate de Bosnie, dans 37 municipalités de Bosnie-Herzégovine.


Née le 7 juillet 1930 à Tuzla, en Bosnie-Herzégovine, Biljana Plavsic est actuellement âgée de 72 ans. Doyen de la faculté de Sarajevo, l’accusée était une universitaire de renom spécialiste des sciences naturelles. Biljana Plavsic s’était tenue à l’écart de la politique jusqu’en juillet 1990, date à laquelle elle a adhéré au parti démocratique serbe. Cela ne l’a pas empêché d’en
devenir très vite l’un des membres les plus influents, et le 11 novembre 1990, elle a été élue comme représentant des Serbes à la Présidence de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, fonctions qu’elle a occupées jusqu’en décembre 1992. L’accusée a également été membre de la Présidence de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, avant de faire partie des présidences
collégiales ou élargies qui ont gouverné la Republika Srpska.


À propos du rôle joué par chacun des participants dans les persécutions, l’exposé des faits indique que de nombreux individus ont pris part à leur planification et à leur exécution. Néanmoins, il existe des différences quant à leur degré de connaissance des tenants et des aboutissants de la campagne de persécutions et quant à leur participation à son exécution. Pour sa part,
Biljana Plavsic a approuvé et soutenu l’objectif de cette campagne, et a contribué à sa réalisation. Elle n’a toutefois pas pris part à sa conception ni à sa planification, et elle a pris à son exécution une part moindre que d’autres membres de l’entreprise criminelle.


Le soutien apporté par l’accusée à l’objectif de la campagne de persécutions a pris diverses formes :


en tant que membre de la présidence collégiale, elle a soutenu et contribué à maintenir en place les autorités civiles et militaires qui, à l’échelon local et national, ont śuvré à la réalisation de cet objectif ; elle a encouragé la participation à cette campagne en déclarant publiquement que le recours à la force était justifié car certaines parties de la Bosnie-Herzégovine
revenaient de droit aux Serbes, lesquels étaient menacés de génocide par les Musulmans et les Croates de Bosnie ; par ses encouragements, elle a incité des groupes paramilitaires de Serbie à venir en aide aux forces serbes de Bosnie dans la campagne qu’elles menaient pour imposer une séparation ethnique.


Śuvrant de concert avec la JNA, le MUP de Serbie et les unités paramilitaires pour imposer une séparation ethnique, les forces serbes de Bosnie ont mené une campagne de persécutions qui a notamment pris la forme de :



meurtres commis durant les attaques lancées contre des villes et des villages, traitements cruels et inhumains commis durant et après ces attaques, transfert forcé et expulsion, détention illégale et meurtre, travail forcé et utilisation de boucliers humains, traitements cruels et inhumains et conditions inhumaines de vie dans les centres de détention, destruction du patrimoine
culturel et religieux, et pillage et destruction sans motif.

Les dirigeants serbes de Bosnie, y compris Biljana Plavsic, ont ignoré les accusations de crimes portées contre leurs forces. L’accusée n’a tenu aucun compte de ce qui lui était rapporté à propos d’un nettoyage ethnique de grande ampleur, campagne qu’elle a publiquement expliquée et justifiée. Biljana Plavsic savait que les principaux dirigeants de la République serbe de Bosnie
fermaient les yeux sur ces crimes en dépit du pouvoir qu’ils avaient de prévenir et de punir.


3. Éléments à prendre en compte dans la sentence


a) La gravité du crime


La Chambre de première instance examinera tout d’abord la gravité du crime commis, sans perdre de vue que, ce faisant, il lui faut tenir compte des circonstances particulières de l’espèce, tout comme de la nature et du degré de la participation de l’accusée dans ce crime.


Selon l’Accusation, la campagne de persécutions de grande ampleur à laquelle l’accusée a pris part, a entraîné l’expulsion de centaines de milliers de personnes et a fait un très grand nombre de morts. Cette campagne, d’une violence et d’une cruauté exceptionnelle, a été notamment marquée par des actes de torture et des violences sexuelles.


La Chambre de première instance estime que le crime commis est d’une extrême gravité puisqu’il s’est accompagné notamment d’une campagne de séparation ethnique faisant des milliers de morts et entraînant l’expulsion de milliers d’autres personnes dans des conditions d’une extrême brutalité. La gravité du crime s’illustre notamment par :



l’ampleur et l’étendue des persécutions, le nombre des victimes tuées, expulsées ou transférées de force, les traitements particulièrement inhumains infligés aux détenus, et l’ampleur des destructions sans motif causées aux biens et aux édifices religieux.

b) Les circonstances aggravantes


S’agissant des circonstances aggravantes, l’Accusation en a retenu trois :


i) les hautes fonctions exercées par l’accusée,


ii) la vulnérabilité des victimes, et


iii) l’ignominie des actes qui leur ont été infligés.


La Chambre considère que les hautes fonctions exercées par l’accusée constituent une circonstance aggravante en l’espèce, même si le pouvoir suprême était dévolu à d’autres. L’accusée n’a pas participé à la planification du crime et a joué un rôle moins important que d’autres dans son exécution. Cependant, durant la campagne de persécutions, Biljana Plavsic était membre de la
Présidence, la plus haute instance civile, et par là même et par ses déclarations, elle a encouragé et soutenu les persécutions.


Même si elle estime que les autres éléments cités par l’Accusation peuvent constituer des circonstances aggravantes, la Chambre de première instance considère que, dans les circonstances de l’espèce, ces éléments sont pour l’essentiel contenus dans la gravité générale du crime. En conséquence, elle ne les retiendra pas comme circonstances aggravantes.


L’Accusation a fait valoir que le rôle éminent joué par l’accusée dans une telle campagne appelle à l’évidence une peine d’emprisonnement à vie. Durant l’audience consacrée à la peine, l’Accusation a déclaré qu’en l’absence d’un plaidoyer de culpabilité, une condamnation à la réclusion à perpétuité aurait été justifiée.


La Chambre doit donc fixer une peine qui s’impose pour une accusée qui a occupé un poste de premier plan et qui a été impliquée dans un crime d’une gravité exceptionnelle. La Chambre ne saurait accepter l’argument de l’Accusation selon lequel en l’absence de plaidoyer de culpabilité, il serait juste d’infliger la peine la plus lourde que ce Tribunal puisse prononcer. En revanche,
elle est d’avis qu’il serait malvenu de faire preuve d’une clémence injustifiée et qu’une lourde peine d’emprisonnement s’impose.


c) Les circonstances atténuantes


Il existe en l’espèce d’importantes circonstances atténuantes. De fait, l’Accusation reconnaît que Biljana Plavsic a pris des mesures sans précédent pour réparer le crime contre l’humanité dont elle est responsable. Les parties ont fait valoir que parmi les circonstances atténuantes pertinentes, il fallait prendre en compte :


le plaidoyer de culpabilité et la reconnaissance par l’accusée de sa responsabilité, les remords exprimés, la reddition volontaire, son comportement après le conflit, sa bonne moralité avant le conflit, et son âge.

Nul ne conteste que ces circonstances, conjuguées à des efforts de réconciliation, constituent des circonstances atténuantes que la Chambre de première instance doit prendre en compte. Toutefois, il est nécessaire d’examiner au préalable les dispositions applicables en matière de circonstances atténuantes.


Le sérieux et l’étendue de la coopération de l’accusé avec le Procureur constituent l’unique circonstance atténuante explicitement prévue par le Règlement. L’appréciation portée sur cette coopération dépend de la quantité et de la qualité des informations fournies par l’accusé.


Cependant, l’Accusation a affirmé qu’aucune coopération de cette nature n’a été apportée en l’espèce. Pour sa part, la Défense a soutenu qu’en plaidant coupable, Biljana Plavsic avait largement coopéré.


Comme il a été dit, la coopération avec le Procureur constitue certes une circonstance atténuante mais l’absence d’une telle coopération ne constitue pas pour autant une circonstance aggravante. En conséquence, la Chambre de première instance ne saurait tenir compte, dans sa sentence, du refus de l’accusée de témoigner.


Une Chambre de première instance peut prendre en compte d’autres circonstances qu’elle considère comme atténuantes.


La Chambre de première instance examinera tout d’abord le plaidoyer de culpabilité de l’accusée, les remords qu’elle a exprimés et sa contribution à la réconciliation. Biljana Plavsic a plaidé coupable avant l’ouverture du procès et cela doit être retenu comme circonstance atténuante.


La Chambre de première instance considère que la déclaration que l’accusée a faite lors de l’audience consacrée à la fixation de la peine, et celle, antérieure présentée à l’appui de sa requête aux fins de revenir sur son plaidoyer de non-culpabilité, l’accusée a exprimé des remords qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de la circonstance atténuante retenue pour son
plaidoyer de culpabilité. De fait, on peut faire valoir qu’en plaidant coupable, Biljana Plavsic a déjà exprimé des remords.


Si l’on ajoute à cela qu’en plaidant coupable avant l’ouverture du procès, elle a grandement ménagé le temps et les ressources de la communauté internationale, l’accusée est en droit d’obtenir une réduction de la peine qui, autrement, s’imposait. Toutefois, il existe une autre circonstance importante qui doit être prise en compte, à savoir le fait qu’un plaidoyer de culpabilité
permet d’établir la vérité sur les crimes commis et favorise la réconciliation entre les communautés de l’ex-Yougoslavie.


Cet argument a été évoqué pour la première fois dans la déclaration que Biljana Plavsic a présentée à l’appui de sa requête aux fins de revenir sur son plaidoyer de non-culpabilité. L’accusée y expliquait que la reconnaissance des crimes commis pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine était une étape nécessaire à l’instauration de la paix et à la réconciliation entre les
communautés. L’accusée y exprimait également l’espoir que la reconnaissance de sa responsabilité permettrait à son peuple de se réconcilier avec ses voisins. Elle concluait en ajoutant qu’une paix durable et une réconciliation en Bosnie-Herzégovine n’étaient possibles que si « les violations graves du droit humanitaire commises pendant la guerre ₣étaientğ reconnues par ceux qui en
port₣aientğ la responsabilité, quelque soit le groupe ethnique auquel ils appart₣enaientğ. Cette reconnaissance est un préalable nécessaire ».


La Chambre de première instance admet que la reconnaissance et la révélation des crimes graves sont très importantes parce qu’elles permettent d’établir la vérité sur ces crimes. Tout comme la reconnaissance de ses responsabilités dans les forfaits commis, cela favorisera la réconciliation. À ce propos, la Chambre de première instance conclut que le plaidoyer de culpabilité de
Biljana Plasvic et la reconnaissance de sa responsabilité devraient, compte tenu en particulier de ses fonctions passées, favoriser la réconciliation en Bosnie-Herzégovine et dans l’ensemble de la région.


En conséquence, la Chambre de première instance accorde un poids important au plaidoyer de culpabilité de l’accusée, ainsi qu’aux remords qu’elle a exprimés et à leur effet positif sur le processus de réconciliation.


La Chambre de première instance estime que la reddition volontaire de l’accusée constitue une circonstance atténuante à prendre en compte dans la sentence.


S’agissant du comportement de l’accusée après le conflit, l’Accusation a reconnu qu’après l’arrêt des hostilités en Bosnie-Herzégovine, Biljana Plasvic, en qualité de Présidente de la Republika Srpska, a apporté un soutien considérable aux Accords de Dayton. L’Accusation a également admis qu’en cette qualité, l’accusée a tenté de démettre de leurs fonctions les responsables qui
faisaient obstacle à l’application de ces accords, et a largement contribué à faire avancer le processus de paix dans des circonstances difficiles où elle a fait preuve de courage.


Des témoignages relatifs au comportement de l’accusée après le conflit ont été apportés lors de l’audience consacrée à la fixation de la peine. Ainsi, Mme Madeleine Albright a présenté l’accusée comme celle qui a veillé à l’application des Accords de Dayton en Republika Srpska : « Elle a défendu les accords de paix quand c’était difficile et quand d’aucuns voulaient les torpiller
».


M. Robert Frowick a déclaré que pour lui, l’accusée « avait déclaré la guerre à la corruption et à l’injustice et elle s’était faite le héraut de la lutte contre la criminalité en Republika Srpska ».


De même, M. Carl Bildt a loué le courage dont avait fait montre l’accusée lorsqu’elle avait favorisé la mise en śuvre des accords de paix. Selon ce témoin, l’accusée était une fervente partisane de la constitution pour laquelle « elle n’a pas hésité à prendre des risques ».


Le fait que ces témoins, tous de renommée internationale, soient venus pour apporter un tel témoignage plaide un peu plus en faveur d’une atténuation de la peine. La Chambre de première instance est convaincue que Biljana Plavsic a joué un rôle important dans l’acceptation et la mise en śuvre des Accords de Dayton en Republika Srpska. Ainsi, elle a considérablement aidé à
l’instauration de la paix dans la région, et elle est en droit de s’en prévaloir pour demander une réduction de peine. La Chambre de première instance lui accorde un poids important.


S’agissant de l’âge de l’accusée, la Chambre de première instance rejette l’argument de la Défense selon lequel toute peine supérieure à 8,2 années équivaudrait à un emprisonnement à vie et constituerait une sanction inhumaine ou dégradante. Rien dans le Statut ni dans les règles du droit international relatives aux droits de l’homme n’interdit de condamner (y compris à la
réclusion à perpétuité) à un accusé d’un âge avancé. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que dans certains cas, la détention prolongée d’une personne âgée pouvait soulever la question de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. De tels traitements doivent atteindre un degré de gravité suffisant pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention
européenne des droits de l’homme. Toutefois, il faut tenir compte des circonstances particulières de chaque espèce. La Chambre de première instance ne voit en l’espèce aucune circonstance pertinente. En effet, rien dans le rapport médical présenté par l’accusée n’indique que son état de santé interdirait son incarcération.


La Chambre de première instance n’est pas convaincue par l’argument de la Défense selon lequel une évaluation de l’espérance de vie de l’accusée est un élément crucial à prendre en compte dans la sentence. Toutefois, la Chambre estime devoir tenir compte de son âge, et ce pour deux raisons : premièrement, la dégradation de l’état physique liée à la vieillesse peut rendre
l’exécution d’une même peine plus pénible pour une personne âgée que pour une jeune. Deuxièmement, une fois libéré, un criminel âgé peut ne plus avoir devant lui que peu d’années à vivre.


La Chambre de première instance préfère fixer la peine en fonction de la gravité de l’infraction, en tenant compte de l’âge et de la situation personnelle de l’accusée. C’est pour cela qu’elle considère comme une circonstance atténuante l’âge avancé de Biljana Plavsic et, ce faisant, elle tient compte du rapport médical déposé au nom de l’accusée.


En conséquence, la Chambre de première instance estime qu’en l’espèce constituent d’importantes circonstances atténuantes :


le plaidoyer de culpabilité prononcé par l’accusée (associé aux remords qu’elle a exprimés et à son rôle dans la réconciliation), sa reddition volontaire, son comportement après le conflit, et son âge.

La Chambre de première instance accorde du poids à chacune de ces circonstances. En particulier, elle attache une grande importance au plaidoyer de culpabilité prononcé par l’accusée et à son comportement après le conflit. Ensemble, ces deux circonstances plaident fortement en faveur de l’atténuation de la peine.


4. Conclusions


Lors du réquisitoire, l’Accusation a soutenu que la Chambre de première instance devait fixer une peine qui tienne compte du comportement de l’accusée non seulement envers les victimes immédiates des crimes mais également envers l’humanité tout entière dans le cadre d’une campagne de persécutions qui a annihilé d’innombrables vies et communautés.


Tout en reconnaissant que l’ampleur de ces crimes donne raison à l’Accusation, la Chambre de première instance tient également compte du fait que les crimes n’ont pas touché un groupe anonyme de personnes, mais des individus, hommes, femmes et enfants, qui ont été maltraités, violés, torturés et tués. Ce fait et le fait que ces actes odieux se soient répétés si souvent appellent
une lourde peine de prison. La Chambre a déjà conclu qu’il s’agissait d’un crime d’une extrême gravité. Tel est le point de départ pour fixer la peine.


En outre, la Chambre de première instance estime que le crime est encore aggravé par le fait que l’accusée était une dirigeante de haut rang. Au lieu d’empêcher ou de limiter ces crimes de façon générale, elle a encouragé et soutenu ceux qui en étaient responsables. La peine doit être fixée en conséquence.


L’Accusation soutient qu’en l’espèce, la peine de prison doit être de 15 à 25 ans.


La Chambre de première instance estime que, dans ses conclusions sur la peine à infliger, l’Accusation n’a pas accordé suffisamment de poids à l’âge de l’accusée ni aux importantes circonstances atténuantes que constituent son plaidoyer de culpabilité et à son comportement après le conflit.


Par ailleurs, la Défense n’a adressé aucune recommandation quant à la peine à infliger, en se contentant de faire valoir que l’espérance de vie de l’accusée étant de huit ans, toute peine d’emprisonnement plus longue équivaudrait à une condamnation à la réclusion à perpétuité et serait excessive. La Chambre de première instance a déjà déclaré que la référence à l’espérance de vie
n’était pas pertinente. Elle considère également qu’une peine de huit ans ne rendrait pas compte de la gravité du crime.


La Chambre de première instance doit condamner l’ancienne présidente, âgée de 72 ans, pour sa participation à un crime des plus graves. Par ailleurs, comme la Chambre l’a constaté, il existe des circonstances atténuantes très importantes, en particulier le plaidoyer de culpabilité et le comportement de l’accusée après le conflit. Toutefois, il serait déplacé de faire preuve d’une
indulgence excessive. Aucune peine infligée par la Chambre ne saurait être à la mesure de l’horreur des événements survenus ou de l’impact terrible qu’ils ont eu sur des milliers de victimes.


Biljana Plavsic,


compte tenu des éléments exposés, la Chambre de première instance vous condamne à une peine de onze (11) années de prison.


À ce jour, vous avez été détenue au quartier pénitentiaire de l’Organisation des Nations Unies pendant 245 jours en tout. Cette période peut être déduite de la durée totale de votre peine.


Le texte intégral du Jugement est disponible en anglais sur le site Internet du Tribunal. Sa traduction est en cours, et sera rendue publique aussi vite que possible.