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Le Vice-Président de Herceg-Bosna est inculpé avec cinq hauts responsables croates de Bosnie pour le « nettoyage ethnique » dans la Vallée de la Lašva

Communiqué de presse
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 13 novembre 1995
                                                                                                                           CC/PIO/025F

Le Vice-Président de Herceg-Bosna est inculpé avec cinq hauts responsables croates de Bosnie pour le « nettoyage ethnique » dans la Vallée de la Lašva

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a annoncé aujourd’hui l’inculpation du Vice-Président de la Communauté croate de Herceg-Bosna (HZ-HB), du chef d’État major du Conseil de la Défense croate (HVO) et de quatre autres hauts responsables du HZ-HB.

Les six accusés sont tenus responsables de « persécutions pour des raisons politiques, raciales, ethniques ou religieuses de la population civile musulmane de Bosnie » dans la région de la Vallée de la Lašva (Bosnie centrale), de mai 1992 à mai 1993.

Les crimes dont ils sont accusés « ont été commis sur une échelle si grande et une base si large, et appliqués de façon si systématique, qu’ils ont effectivement détruit ou éliminé la quasi totalité de la population civile musulmane des régions de la vallée ».

Les accusés

Les six accusés sont: Dario Kordić, Tihofil (également nommé Tihomir) Blaskić, Mario Čerkez, Ivan (également nommé Ivica) Santić, Pero Skopljak, Zlatko Aleksovski.

Dario Kordić (né en 1960) est un responsable politique croate influent de Bosnie, devenu Vice-Président de la Communauté croate de Herceg-Bosna en septembre 1992. Il occupe toujours cette fonction.

Tihofil Blaskić (né en 1960), était un commandant régional au sein du Conseil de défense croate avant de devenir, en août 1993, le chef d’état-major du HVO dont le quartier général est à Mostar.

Mario Čerkez (né en 1959) était le commandant de la brigade du HVO stationnée dans la municipalité de Vitez.

Ivan Santić (né en 1942) a été le maire de la municipalité de Vitez au moins à partir de mai 1992 et a occupé ces fonctions durant toute la période couverte par l’accusation.

Pero Skopljak (né en 1943) a été chef de la police au poste de la sécurité publique, de la municipalité de Vitez d’octobre 1992 à mai 1993. Il est actuellement membre du Bureau de Dario Kordić.

Zlatko Aleksovski (né en 1960) est devenu chef de la prison de Kaonik en janvier 1993, avant de prendre la tête de la prison « Heliodrom » du HVO de la municipalité de Mostar, en mai 1993. 

Les faits allégués dans l’acte d’accusation

En 1993, après une année de coopération formelle entre les forces de l’Armée de Bosnie-Herzégovine (ABIH) et les forces croates de Bosnie (HVO), les forces du HVO ont attaqué la population civile musulmane de la région de la Vallée de la rivière Lašva, en Bosnie centrale. La population civile de la municipalité de Busovača a été attaquée et persécutée au cours d’une période généralement comprise entre la fin du mois de janvier 1993 et la fin du mois de mai 1993 au moins. Certains civils ont été tués et beaucoup ont été détenus. Le 16 avril 1993, presque toutes les forces de l’ABiH stationnées en Bosnie centrale avaient été déployées afin de protéger la Vallée de la Lašva en combattant contre l’Armée des Serbes de Bosnie, sur les lignes de front, situées dans l’est et dans l’ouest de la vallée. Il n’y avait par conséquent pratiquement aucune force de l’ABiH dans la vallée lorsque le HVO a attaqué la population civile musulmane. À 5h30 au matin du 16 avril 1993, le HVO a lancé une attaque surprise, systématique et de grande envergure contre la population musulmane de la région de la Vallée de la Lašva, dont la ville de Vitez et de nombreux villages environnants.

Dans un village, environ mille civils musulmans de Bosnie ont été détenus, et beaucoup d’entre eux ont été forcés de creuser des tranchées sur les lignes de front entre les forces de l’Armée de Bosnie et celles du HVO. Certains prisonniers ont été tués en conséquence. D’autres détenus ont été utilisés comme boucliers humains par les soldats du HVO lors de leur attaque, plus de 200 femmes et enfants ayant été placés autour du quartier général du HVO de Vitez, qui avait pris feu lors de la contre-attaque de l’Armée de Bosnie. Les civils musulmans qui n’étaient pas détenus ont été transportés sur les lignes de front, ou ont dû fuir la Vallée de la Lašva parce qu’ils étaient terrorisés, avaient peur ou manquaient de nourriture ou d’abris. Outre l’attaque lancée sur la Vallée de la Lašva, le HVO de Vitez a également, le 19 avril 1993, tiré 10 obus extrêmement explosifs sur le centre commercial du centre de la ville de Zenica, majoritairement peuplée de Musulmans, tuant au moins 18 civils et en blessant au moins 30.

Avant et après ces attaques, l’administration municipale du HVO et des groupes paramilitaires ont persécuté les Musulmans de Bosnie vivant dans le secteur en lançant des attaques contre leurs personnes ou leurs biens, en les menaçant d’avoir recours à la force et en assignant les Musulmans qui occupaient de hautes fonctions à des postes subalternes. Dans la municipalité de Busovača, le harcèlement et les intimidations des Musulmans ont débuté en janvier 1993 au plus tard, et ont duré au moins jusqu’à la fin du mois de mai 1993. Dans la municipalité de Vitez, quatre ou cinq mille civils musulmans ont été expulsés lors des attaques menées en avril 1993, à savoir pratiquement toute la population musulmane de la région. À l’heure actuelle, le HVO contrôle encore la région, et les Musulmans qui ont été expulsés ne peuvent plus revenir dans leurs maisons ou leur propriété, ni reprendre possession de leur bétail.

L’enquête

En septembre 1994, le Bureau du Procureur a ouvert une enquête sur les événements survenus en 1993 dans la Vallée de la rivière Lašva, en Bosnie centrale. Dans le cadre de cette enquête, une Chambre de première instance du Tribunal a ordonné le 11 mai 1995, à la demande du Procureur, que les juridictions internes de la République de Bosnie-Herzégovine se dessaisissent en faveur du Tribunal de leurs enquêtes concernant les événements survenus dans la Vallée de la Lašva  

Les crimes et les chefs d’accusation

Les crimes reprochés dans l’acte d'accusation comprennent, sans toutefois s’y limiter :

- Les bombardements et les attaques d’un grand nombre de villes, de villages et d’habitations non défendus, entraînant la mort de plus de 100 civils de Bosnie de la Vallée de la Lašva et de la ville de Zenica, faisant également de nombreux blessés.

- L’internement de Musulmans de Bosnie qui ont été soumis à des interrogatoires cruels et ont été victimes de sévices physiques et psychologiques, ou utilisés pour effectuer des travaux sous la contrainte (creusement de tranchées), ou utilisés comme boucliers humains.

- Les attaques, les bombardements et la destruction de biens privés appartenant à des Musulmans de Bosnie, ainsi que la destruction de leurs commerces, de leurs bâtiments, de leurs biens privés et de leur bétail. Ces attaques avaient pour but de tuer, de terroriser ou de démoraliser la population musulmane. Des centaines de civils ont été tués ou blessés en divers endroits d’Ahmići et de Vitez.

Chacun des accusés est mis en cause, sur le fondement de sa responsabilité pénale individuelle, pour avoir planifié, incité à commettre, ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes reprochés dans l’acte d'accusation.

Chaque accusé est également mis en cause sur le fondement de sa responsabilité pénale pour les actes de ses subordonnés: à savoir que les accusés savaient, ou avaient des raisons de savoir, que leurs subordonnées s’apprêtaient à commettre des crimes, ou l’avaient fait, et n’ont pas pris les mesures nécessaires pour les en empêcher ou en punir les auteurs.

«  Par ces actes et omissions », les accusés doivent répondre des crimes suivants:

Dario Kordić: Crimes contre l’humanité, infractions graves aux Conventions de Genève de  1949 et violations des lois ou coutumes de la guerre.

Tihofil Blaskić: Crimes contre l’humanité, infractions graves aux Conventions de Genève de  1949 et violations des lois ou coutumes de la guerre.

Mario Čerkez:  Infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, violations des lois ou coutumes de la guerre.

Ivan Santić, Pero Skopljak et Zlatko Aleksovski : une infraction grave aux Conventions de Genève de 1949, une violation des lois ou coutumes de la guerre.

L’acte d’accusation et la procédure

Le Procureur a transmis l’acte d'accusation au Greffe le jeudi 2 novembre 1995.

L’acte d'accusation a été examiné par le Juge Gabrielle Kirk McDonald qui l’a confirmé le vendredi 10 novembre 1995, et a signé des mandats d’arrêt à l’encontre des accusés.

Les actes d’accusation et les mandats d’arrêt seront transmis aux autorités compétentes de Sarajevo, Mostar et Zagreb.

 

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