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La Chambre d’appel annule l’acquittement de Radovan Karadžić pour génocide dans certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine

CHAMBRE D’APPEL
COMMUNIQUE DE PRESSE
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel)
La Haye, 11 juillet 2013
CS/PR1574f

La Chambre d’appel annule l’acquittement de Radovan Karadžić  pour génocide dans certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine

Radovan Karadžić

La Chambre d’appel, composée des Juges Theodor Meron (Président), Patrick Robinson, Liu Daqun, Khalida Rachid Khan et Bakhtiyar Tuzmukhamedov, a annulé aujourd’hui, à l’unanimité, l’acquittement prononcé en faveur de Radovan Karadžić à la fin de la présentation des moyens à charge, concernant les accusations de génocide formulées à raison des faits survenus dans certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine. La Chambre d’appel a renvoyé la question devant la Chambre de première instance pour qu’elle prenne les mesures qui s’imposent suite à cette décision.

À l’audience du 28 juin 2012, la Chambre de première instance III a maintenu la plupart des chefs d’accusation retenus contre Radovan Karadžić mais l’a acquitté des accusations portées au chef 1 selon lesquelles il se serait rendu coupable de génocide en participant à une entreprise criminelle commune visant à chasser à jamais les Musulmans et les Croates de Bosnie de certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine du 31 mars 1992 au 31 décembre 1992. La Chambre de première instance a estimé à cet égard qu’« il n’y avait pas d’éléments de preuve, même pris au sens le plus incriminant, susceptibles de justifier une condamnation pour génocide dans ces municipalités au titre de l’article 4 3) du Statut ».

La Chambre d’appel a souligné dans sa décision qu’elle n’avait pas apprécié la crédibilité des éléments de preuve présentés contre Radovan Karadžić. Elle s’est contenté d’examiner la décision rendue par la Chambre de première instance en vertu de l’article 98 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal. Lors de la phase du procès consacrée à l’application de cet article, c’est-à-dire à la fin de la présentation des moyens de l’Accusation et avant le début de la présentation des moyens de la Défense, la Chambre de première instance décide si un juge du fait pourrait raisonnablement conclure à la culpabilité de l’accusé au-delà du doute raisonnable pour tel ou tel chef d’accusation. Si aucun juge du fait ne pourrait raisonnablement conclure que les éléments de preuve présentés par l’Accusation pourraient, pris au sens le plus incriminant, prouver la culpabilité de l’accusé au-delà de doute raisonnable, la Chambre de première instance prononce l’acquittement.

La Chambre d’appel a estimé, entre autres, que la Chambre de première instance avait commis une erreur en concluant que les éléments de preuve présentés par l’Accusation ne permettaient pas d’établir certains actes constitutifs de génocide.

La Chambre d’appel a souligné, en particulier, que certains éléments de preuve montraient que des détenus musulmans et/ou croates de Bosnie avaient été frappés à coup de pied et violemment battus avec un grand nombre d’objets différents. Elle a en outre tenu compte d’éléments de preuve montrant que dans certains cas, les détenus avaient été battus jusqu’à perdre connaissance et que ces sévices avaient entraîné de graves blessures, notamment des côtes cassées, des fractures du crâne, de la mâchoire et des vertèbres, ainsi que des commotions. La Chambre d’appel a conclu que, pris au sens le plus incriminant, ces éléments de preuve pourraient permettre d’établir que des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe, acte constitutif de génocide, avaient été portées, et qu’aucun juge du fait ne pourrait raisonnablement conclure le contraire.

La Chambre d’appel a également tenu compte d’éléments de preuve montrant que des Musulmans de Bosnie et/ou des Croates de Bosnie étaient détenus dans des endroits surpeuplés, parfois dans une seule pièce avec des centaines d’autres personnes. La Chambre a en outre tenu compte d’autres éléments de preuve donnant à penser que les détenus ne recevaient pas de soins médicaux ou que, s’ils en recevaient, ils étaient insuffisants ; qu’ils ne recevaient pas ou peu de nourriture et souffraient par conséquent de malnutrition, de famine et de graves pertes de poids ; qu’ils étaient parfois privés d’eau ; et qu’ils n’avaient pas accès à des installations sanitaires appropriées, ce qui avait entraîné la propagation de maladies. La Chambre d’appel a conclu que, pris au sens le plus incriminant, ces éléments de preuve pourraient permettre d’établir l’application délibérée de conditions de vie visant à entraîner la destruction physique des victimes, acte constitutif de génocide, et qu’aucune Chambre de première instance ne pourrait raisonnablement conclure le contraire.

La Chambre d’appel a conclu également que la Chambre de première instance avait commis une erreur en concluant que les éléments de preuve présentés par l’Accusation ne permettaient pas d’établir que Radovan Karadžić était animé de l’intention génocidaire requise.

Plus précisément, la Chambre d’appel a tenu compte d’éléments de preuve apportés par certaines déclarations faites par Radovan Karadžić ou par d’autres membres présumés de l’entreprise criminelle commune, éléments susceptibles de montrer qu’ils étaient animés d’une intention génocidaire. La Chambre d’appel a fait remarquer par exemple que, selon des éléments de preuve présentés à la Chambre de première instance, « il avait été décidé [lors de rencontres avec Radovan Karadžić] qu’un tiers des Musulmans seraient tués, qu’un tiers serait converti à la religion orthodoxe et qu’un tiers partirait d’eux-mêmes » et que de cette façon tous les Musulmans disparaîtraient de Bosnie. La Chambre d’appel a également examiné des éléments de preuve concernant des actes criminels commis contre des Musulmans et des Croates de Bosnie dans certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine, tels que des meurtres, des sévices corporels, des viols et des violences sexuelles. Ayant examiné les arguments présentés par l’Accusation dans leur totalité, la Chambre d’appel a conclu que les éléments de preuve versés au dossier, pris au sens le plus incriminant, suffisaient à prouver que Radovan Karadžić était animé d’une intention génocidaire et qu’aucune Chambre de première instance ne pourrait raisonnablement conclure le contraire.

Radovan Karadžić est l’ancien Président de la Republika Srpska, chef du Parti démocratique serbe et commandant suprême de l’Armée des Serbes de Bosnie. Il est accusé de génocide, de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre, perpétrés en Bosnie Herzégovine entre 1992 et 1995. Il a été placé sous la garde du Tribunal le 30 juillet 2008.

Radovan Karadžić, qui a assuré lui-même sa défense en appel, a reçu l’aide de Peter Robinson lors de l’audience consacrée à l’appel qui s’est tenue le 17 avril 2013.

Le Bureau du Procureur était représenté par Peter Kremer.

Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit humanitaire perpétrées sur le territoire de l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 136 d’entre elles ont pris fin et celles concernant 25 accusés sont en cours.


Décision de la Chambre d'appel (article 98 bis) (en anglais)

Résumé du jugement (en anglais)

Informations relatives à l’affaire

La porte-parole du Greffe et des Chambres, Magdalena Spalińska, peut être jointe au +31 (0)6 5127 1242 ou au +31(0)70 512 5066 et par courriel à l’adresse suivante :  spalinska [at] un.org

Pour tout complément d’information, veuillez appeler le Service de presse au : +31 (70) 512-8752 ou -5343 ou -5356.