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Anto Furundžija a été reconnu coupable des deux chefs d’accusation retenus contre lui et condamné à 10 ans d’emprisonnement

Communiqué de presse
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, le 10 décembre 1998
JL/PIU/372f



Jugement rendu dans l’affaire Furundžija

Anto Furundžija a été reconnu coupable des deux chefs d’accusation retenus contre lui et condamné à 10 ans d’emprisonnement
 

Aujourd’hui, jeudi 10 décembre 1998, la Chambre de première instance II, composée des Juges Florence Mumba (Présidente), Antonio Cassese et Richard May, a prononcé son  jugement dans l’affaire Le Procureur contre Anto Furundžija. Ce jugement est le troisième rendu à l’issu d’un procès devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). La peine prononcée est la sixième infligée par le Tribunal.

Les peines

La Chambre de première instance a déclaré qu’Anto Furundžija était, en qualité de coauteur, COUPABLE de torture, une violation des lois ou coutumes de la guerre, et l’a condamné à 10 ans d’emprisonnement.

La Chambre de première instance a également déclaré qu’Anto Furundžija était COUPABLE, d’avoir aidé et encouragé des atteintes à la dignité des personnes y compris le viol, lesquelles constituent une violation des lois ou coutumes de la guerre, et l’a condamné à 8 ans d’emprisonnement.

La Chambre a ordonné que ces deux peines soient confondues.

Contexte

Après qu’un acte d'accusation sous scellés a été établi à son encontre, Anto Furundžija a été arrêté par la SFOR le 18 décembre 1997. Dans une version modifiée de l’acte d'accusation, confirmée le 2 juin 1998, il était allégué que l’accusé était le commandant local des « Jokers », une unité spéciale de la police militaire du Conseil de la défense croate (HVO). C’est en cette qualité qu’il a, avec un autre soldat, interrogé le témoin A. Pendant qu’elle était interrogée par Anto Furundžija, l’autre soldat frottait son couteau contre sa cuisse intérieure et le bas de son ventre et la menaçait d’introduire son couteau dans son vagin si elle ne disait pas la vérité. Selon l’acte d’accusation, Anto Furundžija a continué à interroger le témoin A et la victime B, un Croate de Bosnie qui avait auparavant aidé la famille du témoin A, alors que l’autre soldat les frappait sur les pieds avec une matraque. Anto Furundžija n’est intervenu d’aucune façon lorsque le témoin A a été forcé de pratiquer une fellation à l’autre soldat et d’avoir un rapport sexuel vaginal avec lui.

Le procès d’Anto Furundžija s’est ouvert le 8 juin 1998 et s’est poursuivi jusqu’au 22 juin 1998, date des réquisitoire et plaidoirie. Le jugement a alors été mis en délibéré. Faisant droit à une requête de la Défense, la Chambre de première instance a ordonné la réouverture du procès. Celui-ci s’est poursuivi pendant quatre jours et a été définitivement clos le 12 novembre 1998.

Le jugement est un document d’environ 100 pages et ce communiqué de presse n’en est pas un résumé. Il ne s’agit là que d’un compte-rendu des principaux aspects juridiques du jugement et d’une vue d’ensemble des conclusions de la Chambre.

Le texte complet du résumé du jugement officiel lu à l’audience par le juge président, ainsi que le jugement lui-même, seront envoyés sur demande par le Service d’information publique.

Les principaux aspects juridiques

Pour que soit applicable l’article 3 du Statut (violations des lois ou coutumes de la guerre), l’existence d’un conflit armé doit être établie. La Chambre de première instance a appliqué le critère énoncé par la Chambre d’appel dans l’affaire Tadić. En conséquence, sur le fondement des moyens de preuve soumis par les deux parties, la Chambre de première instance a conclu qu’il existait en Bosnie-Herzégovine centrale, durant toute la période couverte par l’acte d’accusation, un conflit armé qui opposait le HVO et l’Armée de Bosnie-Herzégovine. La Chambre de première instance a en outre établi un lien entre ce conflit armé et les chefs d’accusation pour lesquels Anto Furundžija était mis en cause.

La reprise du procès, en novembre 1998, avait essentiellement pour but de savoir si la crédibilité du Témoin A était ou avait pu être entamée par quelque trouble psychologique dont elle aurait pu souffrir à la suite de l’épreuve endurée. Les éléments de preuve apportés par les experts ont permis d’établir que même si une personne souffre du syndrome de stress post-traumatique, son témoignage n’est pas nécessairement erroné. La Chambre a estimé que les souvenirs que le Témoin A avait gardés des aspects essentiels des événements n’avaient pas eu à souffrir des troubles dont elle avait pu être atteinte.

Le jugement apporte par ailleurs une définition de la torture au regard du droit international humanitaire. La Chambre a conclu à ce sujet que l’interdiction de la torture avait atteint le statut de jus cogens, à savoir une norme impérative en droit international, à laquelle il ne saurait être dérogé en aucune façon.

Le résumé du jugement  précise que la Chambre de première instance a défini le viol ainsi : tout acte ou omission entraînant l’infliction intentionnelle d’une douleur ou de souffrances aiguës, physiques ou mentales à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir, de l’intimider, de l’humilier ou de faire pression sur elle ou afin d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit à l’encontre de la victime ou d’une tierce personne. Il s’agit de torture si au moins l’une des personnes associées à la séance de torture est un responsable officiel ou, en tout cas, n’agit pas à titre privé mais, par exemple, en tant qu’organe de fait d’un État ou de toute autre entité investie d'un pouvoir.

Ayant conclu qu’il est indéniable que le viol et les autres violences sexuelles graves en période de conflit armé engagent la responsabilité pénale des individus qui s’y livrent, la Chambre de première instance a retenu la conclusion, rendu récemment lors du jugement dans l’affaire Čelebići, selon laquelle le viol s’assimile dans certains cas à la torture, au regard du droit international. La Chambre a toutefois jugé approprié d’élargir la définition du viol formulée initialement par la Chambre de première instance I du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) dans l’affaire Akayesu, puis dans celle de Čelebići, jugée par le TPIY.

Il est précisé dans le résumé du jugement que pour la Chambre de première instance, le viol, en droit international : «…s’analyse comme la pénétration sexuelle, fût-elle légère, du vagin ou de l’anus de la victime par le pénis ou tout autre objet utilisé par le violeur; ou de la bouche de la victime par le pénis du violeur; par l’emploi de la force, de la menace ou de la contrainte contre la victime ou une tierce personne. »

S’agissant de la responsabilité pénale individuelle sanctionnée par l’article 7(1) du Statut, la Chambre de première instance a conclu que les éléments juridiques constitutifs de la complicité sont les suivants : une aide, un encouragement ou un soutien moral pratique ayant un effet important sur la perpétration du crime (actus reus) et le fait de savoir que ces actes aident à la perpétration du crime (mens rea).

La Chambre a en outre conclu que, selon ce critère, pour être reconnu coupable de torture en tant que co-auteur, l’accusé doit prendre part à des actes qui en font partie intégrante et être associé au but recherché par la torture, c’est-à-dire obtenir des informations ou des aveux, punir, intimider, contraindre ou faire subir une discrimination à la victime ou à une tierce personne.

Décompte de la durée de la détention préventive

Aux termes du Règlement de procédure et de preuve, Anto Furundžija a droit à ce que soit prise en compte la durée de la période pendant laquelle il a été gardé à vue en attendant d’être remis au Tribunal ou en attendant d’être jugé par une Chambre de première instance ou par la Chambre d’appel. La Chambre de première instance a par conséquent ordonné qu’une période de 11 mois et 22 jours soit déduite de la peine appliquée à Anto Furundžija, ainsi que toute période supplémentaire de détention dans l’attente d’un éventuel arrêt.

 

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