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Déclaration du Procureur, Carla Del Ponte

PROCUREUR
Communiqué de presse
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel.)
La Haye, le 29 juin 2001
F.H/P.I.S./598-f

Déclaration du Procureur, Carla Del Ponte

Mesdames, Messieurs,

L’arrivée de Slobodan Milošević au quartier pénitentiaire du Tribunal constitue un événement important pour la justice pénale internationale. Il est à La Haye, et je m’en réjouis.

Je me félicite de la décision prise par les autorités de la République de Serbie de le transférer à La Haye ; je sais que vous avez tous suivi de très près l’évolution de cette affaire. La décision n’a pas fait l’unanimité en Yougoslavie. Certains parlaient hier soir de défaite pour la Serbie. Mais aujourd’hui, il ne s’agit ni de défaite ni de victoire. Ce n’est pas le peuple serbe qui est au banc des accusés, ni l’histoire de la Serbie qui est en cause. C’est Slobodan Milošević qui va à présent répondre personnellement des accusations portées à son encontre à raison de ses actes. Il y a lieu de se féliciter de cette évolution. La décision de le transférer à La Haye était la bonne ; elle se justifie au regard des obligations internationales qui s’imposent en commun à tous les États Membres des Nations Unies. La justice prend la relève et, en tant que Procureur, je suis très heureuse que les événements entrent dans cette nouvelle phase. Je saisis cette occasion pour remercier mes collaborateurs qui n’ont épargné aucun effort dans cette affaire, mais je suis consciente qu’il nous reste encore beaucoup de travail.

Comme vous le savez, ces derniers mois, je me suis employée à faire pression pour que toutes les personnes mises en accusation soient arrêtées et transférées. Aujourd’hui, je souhaite saluer le soutien diplomatique que la communauté internationale apporte à mes services. S’agissant de ce transfert, je suis particulièrement reconnaissante aux États-Unis de leur contribution, et plus spécialement au Secrétaire d’État, Colin Powell, au Chancelier allemand, M. Schroeder, et envers le Président français, M. Chirac, avec qui j’ai été personnellement en rapport ces derniers jours. Quant à l’opération d’hier, je tiens à souligner le soutien apporté par le Royaume-Uni et les autorités néerlandaises.

Le transfert de Slobodan Milošević marque un véritable début de coopération de la part de la Yougoslavie ; je souhaite remercier particulièrement le Premier ministre Ðinđić et le gouvernement de Serbie de leur action décisive. Tous les États Membres doivent apporter leur soutien afin que le Tribunal puisse remplir la mission qui lui a été confiée et que justice soit faite.

Je suis convaincue qu’avec le transfert de Slobodan Milošević, les arrestations des suspects encore en liberté vont prendre un nouvel essor. N’oublions pas qu’à ce jour, de nombreuses autres personnes mises en accusation par ce Tribunal ne sont pas encore en détention. Cela fait près de six années que Radovan Karadzić et Ratko Mladić ont été mis en accusation pour la première fois. Il est scandaleux qu’ils n’aient pas été arrêtés, alors que nous préparons le procès d’autres dirigeants serbes de Bosnie. Tous nos accusés doivent être traduits en justice. Le transfert de Slobodan Milošević représente un tournant dont toutes les autorités en ex-Yougoslavie doivent prendre conscience.

Le Tribunal a été créé par le Conseil de sécurité de l’ONU pour contribuer au rétablissement et au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Je suis convaincue qu’il ne peut y avoir de paix durable au sein d’une société que si l’on permet au système de justice pénale de suivre son cours. Une fois mis en accusation, même les plus hauts dirigeants doivent répondre des allégations formulées à leur encontre. Il faut montrer aux victimes des atrocités qu’il existe un véritable mécanisme permettant de traduire ces accusés devant une juridiction pour qu’ils rendent compte de leurs actes. Nul n’est au-dessus des lois ni hors d’atteinte de la justice internationale. Aujourd’hui, la communauté internationale se montre résolue à ce que les victimes ne tombent pas dans l’oubli et à ce que leur histoire passe à la postérité.

Vous avez reçu copie de l’acte d’accusation et vous pouvez vous rendre compte de la gravité des crimes retenus contre Slobodan Milošević. Ce n’est ni l’heure ni l’endroit de débattre des faits qui lui sont reprochés. L’arrivée d’un accusé n’est que le début du processus. L’acte d’accusation que vous voyez aujourd’hui a été confirmé le 24 mai 1999. Il ne contient pas les accusations définitives sur la base desquelles le procès va se dérouler. Un acte d’accusation modifié a été confirmé ce matin par M. le Juge Hunt, et notifié cet après-midi. Cet acte d’accusation concerne également les crimes commis au Kosovo, mais les accusations qu’il contient ont été étendues à un plus grand nombre de faits et de victimes. L’acte d’accusation modifié ne mentionne pas encore les éléments de preuve qui pourront être obtenus dans le cadre des exhumations actuellement en cours à proximité de Belgrade.

Nous préparons actuellement d’autres actes d’accusation pour des crimes commis durant le conflit en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. L’affaire mettant en cause Slobodan Milošević ne fait que commencer. Vous assisterez à l’évolution de son procès dans les semaines et les mois qui suivront.

En fait, j’aimerais aujourd’hui vous rappeler que chaque accusé a droit à un procès équitable et vous demander de réserver votre jugement sur les événements eux-mêmes jusqu’à ce que les preuves en soient apportées, ce qui sera fait en audience publique. Comme nous en avons été témoins cette semaine à la conclusion du procès du général Krstić relatif aux massacres de Srebrenića, le procès pénal est un moyen efficace d’établir la vérité et de déterminer la responsabilité des individus. Certes, des faits nouveaux tels que la découverte de cadavres dans un conteneur frigorifique dans le Danube susciteront un très grand intérêt dans les médias. De telles découvertes choquent l’opinion, à juste titre. Nous pourrons ainsi bénéficier d’éléments de preuve nouveaux à l’appui des accusations, mais le procès se déroulera au Tribunal, et non dans les médias. L’affaire est en cours d’instance et je vous demande de ne pas compromettre son issue.