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Jugement rendu dans l'affaire le Procureur c/ Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo Zaric

Communiqué de presse
 CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 17 octobre 2003
CC/P.I.S./792-f


Jugement rendu dans l'affaire le Procureur c/ Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo Zaric

 

 

Blagoje Simic condamné : 17 ans d’emprisonnement
Miroslav Tadic condamné : 8 ans d’emprisonnement
Simo Zaric condamné : 6 ans d’emprisonnement

Veuillez trouver ci-dessous le résumé du jugement rendu par la Chambre de 1ére instance II composée des Juges Florence Mumba (Président), Sharon Williams et Per-Johan Lindholm, tel que lu le Juge Président :

Contexte

1. La Chambre de première instance II est réunie ce matin pour rendre son jugement dans le procès des trois accusés Blagoje Simic, Miroslav Tadic et Simo Zaric, conjointement inculpés, aux termes du Cinquième acte d’accusation modifié du 30 mai 2002, d’avoir engagé leur responsabilité pénale individuelle en vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal, à raison de deux chefs de crimes contre l’humanité sanctionnés par l’article 5 du Statut — persécutions et expulsions — et d’un chef d’infraction grave aux Conventions de Genève de 1949 sanctionnée par l’article 2 du Statut — expulsions et transferts illégaux. Aux fins de la présente audience, la Chambre de première instance présente un résumé de ses constatations et conclusions. Il s’agit uniquement d’un résumé qui ne fait pas partie intégrante du jugement. Seul fait autorité l’exposé des constatations, conclusions et motifs de la Chambre que l’on trouve dans le texte écrit du jugement, dont des copies seront mises à la disposition des parties et du public à l’issue de l’audience. Le résumé présenté aujourd’hui reflète la décision de la majorité des juges. Une opinion individuelle et partiellement dissidente du Juge Lindholm est jointe au jugement.

2. Dans le Premier acte d’accusation en date du 21 juillet 1995, les accusés étaient inculpés avec trois autres personnes : Slobodan Miljkovic alias « Lugar », Milan Simic et Stevan Todorovic. Suite aux plaidoyers de culpabilité de Stevan Todorovic et Milan Simic, l’instance contre ces derniers a été disjointe de celle des autres accusés. Quant à la procédure à l’encontre de Slobodan Miljkovic, elle a pris fin avec le décès de celui-ci.

3. Le procès contre les accusés a porté sur des événements qui se sont produits dans les municipalités de Bosanski Samac et d’Odzak, situées à l’endroit indiqué sur la carte annexée au jugement, ainsi qu'ailleurs en Bosnie-Herzégovine. La ville de Bosanski Samac était d’une importance stratégique pour la conduite des opérations militaires. En effet, cette municipalité faisait partie de ce que l’on appelle le corridor de la Posavina, étroite bande de terre plate longeant la Save, qui reliait les régions de Croatie contrôlées par les Serbes aux territoires serbes de Bosnie et à la République de Serbie. Ce corridor représentait le moyen le plus facile et le plus rapide de mettre en place un axe terrestre reliant, d’ouest en est, les régions de Croatie contrôlées par les Serbes (Republika Srpska Krajina) à la Serbie.

Constatations

4. Les Accusés occupaient des postes clés dans les régions mentionnées dans l’acte d’accusation. Blagoje Simic, médecin, était Président de la section locale du Parti démocrate serbe et Président de la cellule de crise serbe de la municipalité de Bosanski Samac, qu’il a continué de présider lorsqu’elle a été rebaptisée Présidence de guerre. Il occupait le rang le plus élevé dans la hiérarchie civile de la municipalité. Miroslav Tadic, enseignant du secondaire à la retraite, était commandant adjoint chargé de la logistique dans le Quatrième Détachement, chef de l’état-major de la protection civile, membre de plein droit de la cellule de crise et membre dirigeant de la Commission d’échanges dans la municipalité de Bosanski Samac. Simo Zaric était commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance, du moral et de l’information dans le Quatrième détachement, chef du Service de sécurité nationale à Bosanski Samac, du 29 avril 1992 au 19 mai 1992, et adjoint du président du Conseil civil à Odzak.

5. La Chambre de première instance considère que les événements qui se sont produits dans les municipalités de Bosanski Samac et d’Odzak du 17 avril 1992 au 31 décembre 1993 ont constitué une attaque généralisée et systématique contre la population civile. Cette attaque a notamment consisté dans la prise du pouvoir par la force, à Bosanski Samac, par des membres des groupes paramilitaires et de la police serbe, et dans des actes de persécution et d’expulsion commis ensuite contre des civils non serbes. La Chambre de première instance est également convaincue que certains membres du 17e Groupe tactique de la JNA se trouvaient dans la ville de Bosanski Samac le 17 avril 1992. La République de Bosnie-Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé pendant la période mentionnée précédemment, et il existait un lien entre ce conflit armé et les actes des accusés.

6. La Chambre de première instance ne se saisit pas de la question de savoir si le conflit armé avait ou non un caractère international. Elle estime que les arguments que l’Accusation a avancés dans l’acte d’accusation à l’appui de l’existence d’un conflit armé n’ont pas informé la Défense des faits importants permettant de fonder juridiquement les accusations d’expulsions ou de transferts illégaux basées sur l’article 2 du Statut. La Chambre estime que, pour se prononcer sur les accusations portées contre les accusés, elle ne peut pas prendre en considération des faits dont il n’est pas fait état dans l’acte d’accusation, et rejette par conséquent le chef 3 de l’acte d’accusation.

7. La Chambre conclut que l’acte d’accusation modifié et les arguments avancés par l’Accusation n’étaient pas suffisamment détaillés et précis pour informer la Défense que l’Accusation entendait invoquer l’existence d’un type d’entreprise criminelle commune allant au-delà de la forme élémentaire. Partant, la Chambre de première instance n’a envisagé que la forme élémentaire de l’entreprise criminelle commune fondée sur l’article 7 1) du Statut, en plus des autres formes de responsabilité pénale mentionnées dans cette disposition.

8. La Chambre va à présent exposer ses constatations et conclusions concernant la responsabilité pénale individuelle de chaque accusé pour les actes sous-jacents constitutifs du crime de persécution tel que reproché au chef 1 de l’acte d’accusation. Elle commencera par exposer ses constatations et conclusions relatives à la participation des accusés à une entreprise criminelle commune visant à commettre des persécutions.

Responsabilité pénale individuelle, entreprise criminelle commune, article 7 1) du Statut

9. Sur la base des éléments de preuve produits, la Chambre de première instance est convaincue que des membres de la cellule de crise, dont Blagoje Simic en tant que son Président ; des membres de la police serbe, dont le chef de la police Stevan Todorovic, lequel était également membre de la cellule de crise ; des membres de groupes paramilitaires serbes, dont « Debeli » (Srcko Radovanovic, « Pukovnik »), « Crni » (Dragan Ðordevic), « Lugar » (Slobodan Miljkovic) et « Laki » (Predrag Lazarevic) ; et des membres du 17e Groupe tactique de la JNA ont participé à une forme élémentaire d’entreprise criminelle commune, et qu’ils partageaient l’intention de mettre à exécution un plan commun de persécution des civils non serbes dans la municipalité de Bosanski Samac.

10. La Chambre de première instance conclut à l’existence de ce plan commun propre à l’entreprise criminelle commune sur la base de l’ensemble des circonstances. Il existe suffisamment d’éléments de preuve permettant d’affirmer que les participants à l’entreprise criminelle commune ont agi de concert pour mettre à exécution un plan qui prévoyait, entre autres, la prise de la ville de Bosanski Samac par la force, l’occupation d’installations et d’institutions clés de la ville, et la persécution de civils non serbes de la municipalité de Bosanski Samac durant la période couverte par l’acte d’accusation. Ce plan commun visait à commettre des persécutions contre des non-Serbes, y compris des actes d’arrestation et de détention illégales, des traitements cruels et inhumains, et notamment des sévices corporels, la torture, les travaux forcés, l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, les expulsions et le transfert forcé.

11. En tant que Président de l’Assemblée municipale et de la cellule de crise (rebaptisée par la suite Présidence de guerre), Blagoje Simic a dirigé l’entreprise criminelle commune à l’échelon municipal. Il occupait la place la plus élevée dans la hiérarchie civile de la municipalité de Bosanski Samac et savait que son rôle et son autorité étaient essentiels pour mettre à exécution le dessein commun, à savoir les persécutions. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic et les autres participants ont agi dans l’intention partagée d’œuvrer à ce but commun. Elle estime toutefois que si Blagoje Simic a bien participé à l’entreprise criminelle commune, rien ne permet de conclure que tel ait également été le cas pour Miroslav Tadic et Simo Zaric.

12. La Chambre va maintenant présenter ses constatations détaillées relatives à la participation de Blagoje Simic à l’entreprise criminelle commune ayant visé à commettre les actes sous-jacents de persécutions. Elle exposera également ses conclusions sur la responsabilité de Miroslav Tadic et de Simo Zaric au regard de l’article 7 1) du Statut, pour le crime de persécution reproché dans le chef 1 de l’acte d’accusation.

Crimes contre l’humanité, Persécutions, Chef 1

a) Prise de pouvoir par la force

13. S’agissant de la prise de pouvoir par la force, qualifiée d’acte constitutif de persécutions au chef 1, la Chambre de première instance conclut que cet acte n’atteint pas le degré de gravité requis pour les autres crimes contre l’humanité et qu’il n’est pas à lui seul assimilable à des persécutions. La Chambre note cependant qu’une prise de pouvoir par la force peut donner lieu à la commission d’autres actes de persécution car elle crée les conditions nécessaires à l’adoption et à l’exécution de décisions privant les citoyens de leurs droits fondamentaux pour des raisons politiques, ethniques ou religieuses.

b) Arrestations et détentions illégales

14. La Chambre de première instance est convaincue qu’après la prise de la municipalité de Bosanski Samac le 17 avril 1992, et durant toute l’année 1992, des arrestations massives de civils musulmans et croates de Bosnie ont été effectuées dans la municipalité par des membres de la police locale serbe et d’unités paramilitaires venues de Serbie. Certains membres du Quatrième détachement ont également procédé à des arrestations. Les non-Serbes ont été arrêtés pour des raisons politiques et raciales, et non parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir commis des infractions réprimées par le droit interne ou international. Les civils non serbes ont été détenus à Bosanski Samac, dans différents lieux, au poste de police (SUP), dans les locaux de la Défense territoriale (TO), à l’école primaire et au lycée, à Zasavica et à Crkvina, ainsi que dans d’autres lieux de Bosnie-Herzégovine, y compris Brcko et Bijeljina. Les arrestations et le maintien en détention de ces personnes étaient arbitraires et illégaux. Les détenus n’ont reçu aucune explication justifiant leur arrestation et leur maintien en détention, et lors des rares procès qui ont eu lieu à Bijeljina et Batkovic, le droit à un procès équitable et le droit à la liberté et à la sûreté des personnes, consacrés aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et aux articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont été bafoués.

15. La Chambre de première instance conclut que la seule déduction qu’elle puisse raisonnablement tirer de ces faits est que Blagoje Simic partageait l’intention des autres participants à l’entreprise criminelle commune, à savoir l'exécution du plan commun de persécutions, et qu’il a pris part à cette entreprise criminelle commune en permettant l’arrestation et la détention illégales de civils non serbes. La police, les unités paramilitaires, la cellule de crise et le 17e groupe tactique de la JNA ont œuvré ensemble au maintien de ce système d’arrestations et de détentions. À la tête de la cellule de crise, Blagoje Simic a présidé des réunions portant sur le fonctionnement des autorités municipales. Le chef de la police, Stevan Todorovic, rendait compte à la cellule de crise des arrestations et des placements en détention à Bosanski Samac. Blagoje Simic occupait un poste qui lui assurait une influence et un pouvoir considérables, et à ce poste, il n’a pris aucune mesure significative pour mettre fin aux arrestations et aux placements en détention.

16. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que les éléments de preuve établissent à suffisance que Miroslav Tadic a participé aux arrestations et détentions illégales de non-Serbes. Même si Miroslav Tadic, en tant que membre de la Commission d’échanges, avait connaissance de l’intention discriminatoire présidant à l’entreprise criminelle commune, on ne peut considérer que ses actes ou omissions ont eu un effet important sur les arrestations et détentions illégales, et par conséquent, il n’a pas participé en tant que complice à l’entreprise criminelle commune.

17. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que Simo Zaric a participé à l’arrestation et à la détention illégales de non-Serbes. En tant que commandant adjoint chargé du renseignement, de la reconnaissance, du moral et de l’information du Quatrième détachement, il a interrogé des détenus au SUP et à Brcko. La Chambre n’est pas convaincue que ces actes ont eu un effet important sur les arrestations et les détentions illégales. Simo Zaric n’a pas ordonné d’arrestations et il a, à plusieurs reprises, recommandé la libération de détenus.

c) Interrogatoires

18. Concernant l’allégation selon laquelle Simo Zaric aurait interrogé des Croates et des Musulmans de Bosnie ainsi que d’autres civils non serbes, qui avaient été arrêtés et détenus, et les aurait contraints à signer de fausses déclarations, la Chambre conclut que s’il a été établi que Simo Zaric a interrogé des détenus au SUP à Bosanski Samac et à Brcko, rien ne prouve qu’il les ait contraints à signer de fausses déclarations. La Chambre estime en outre que les interrogatoires, qualifiés à eux seuls d’actes de persécution, ne présentent pas le degré de gravité requis pour constituer des persécutions et un crime contre l’humanité. La Chambre de première instance a donc examiné les interrogatoires sous le chef de persécutions, en tant que traitements cruels et inhumains.

d) Traitements cruels et inhumains

19. La Chambre de première instance considère que l’accusation de « traitements cruels et inhumains […], y compris des sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines » [non souligné dans l’original] était trop vague et générale pour permettre à la Défense d’être informée des faits qui n’étaient pas expressément mentionnés dans l’acte d’accusation modifié, et elle estime que cela a considérablement nui à la capacité des Accusés de préparer efficacement leur défense. Par conséquent, la Chambre n’a examiné aucun traitement cruel et inhumain ne relevant pas des sévices corporels, des travaux forcés et de l’emprisonnement dans des conditions inhumaines. Elle est toutefois convaincue que les tortures n’étaient pas qualifiées d’actes constitutifs de traitements cruels et inhumains, mais qu’elles étaient, au même titre que les traitements cruels et inhumains, qualifiées d’actes constitutifs de persécutions.

20. La Chambre de première instance constate que les détenus ont subi, de manière répétée, des sévices corporels qui leur ont été infligés par des membres des unités paramilitaires et de la police serbe. Ces sévices qui ont provoqué des douleurs et des souffrances aiguës à la fois physiques et mentales constituaient des traitements cruels et inhumains. Ces actes ont été commis pour des motifs discriminatoires et constituent, de ce fait, des persécutions. D’autres, tels que les violences sexuelles, l’extraction de dents et les menaces d’exécution, constituent, quant à eux, des tortures. Ces actes qui ont provoqué des douleurs et des souffrances aiguës, physiques et mentales, ont été commis dans le but d’opérer une discrimination au détriment des victimes, pour des motifs ethniques. Les civils non serbes détenus dans les centres situés à Bosanski Samac, Crkvina et Bijeljina, ont été emprisonnés dans des conditions inhumaines, ce qui constituait un traitement cruel et inhumain. Les détenus manquaient de place, de nourriture ou d’eau, et faisaient l’objet de traitements humiliants et dégradants. Ils souffraient du manque d’hygiène et étaient privés des soins médicaux nécessaires. La Chambre de première instance conclut qu’ils ont été détenus dans des conditions inhumaines pour des motifs discriminatoires. Toutefois, elle n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que la détention des non-Serbes à Zasavica constituait un emprisonnement dans des conditions inhumaines.

21. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic a pris part à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les prisonniers non serbes dans les centres de détention de la ville de Bosanski Samac, en leur infligeant des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions inhumaines. Toutefois, elle n’est pas convaincue qu’il ait participé à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter, par des traitements cruels et inhumains, les civils non serbes détenus dans les centres de Crkvina, Brcko et Bijeljina.

22. La Chambre n’est pas convaincue que les éléments de preuve produits par l’Accusation suffisent à établir que le comportement de Miroslav Tadic a eu un effet important sur la commission du crime. Elle n’est pas convaincue que Miroslav Tadic avait le pouvoir d’empêcher les auteurs de commettre des persécutions, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, à l’encontre de prisonniers non serbes détenus dans les centres de Bosanski Samac, Crkvina, Brcko ou Bijeljina.

23. La Chambre est convaincue que Simo Zaric a participé en tant que complice à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les prisonniers non serbes dans les centres de détention de Bosanski Samac, en leur infligeant des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions inhumaines. Simo Zaric a interrogé des prisonniers non serbes qui avaient été battus. La Chambre de première instance reconnaît qu’il n’a pas pris part aux sévices et qu’il ne les a pas approuvés. Toutefois, la Chambre considère que sa participation aux interrogatoires et son rôle lors de l’interview de prisonniers non serbes par TV Novi Sad ont apporté des encouragements et un soutien moral aux auteurs des traitements cruels et inhumains infligés aux prisonniers non serbes. Dans ce contexte, la Chambre de première instance a pris en compte le fait que Simo Zaric était un ancien chef du SUP de Bosanski Samac, qu’il était le commandant adjoint chargé du renseignement au sein du Quatrième détachement, ainsi que son rôle très actif dans la vie sociale et culturelle de Bosanski Samac, où il jouissait aussi d'un grand respect. La Chambre n’a pas pris en considération sa nomination en tant que chef du service de sécurité nationale. La Chambre conclut que ces éléments prouvent au-delà de tout doute raisonnable que la participation de Simo Zaric aux interrogatoires a eu un effet important sur la perpétration des mauvais traitements. Bien qu’elle ne soit pas convaincue que Simo Zaric partageait l’intention discriminatoire des auteurs de ces actes, la Chambre conclut que l’accusé avait connaissance de cette intention. Pour ces raisons, la Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric est pénalement responsable de persécutions, en tant que complice. Il est pénalement responsable des traitements cruels et inhumains infligés jusqu’en juillet 1992, date à laquelle il a été nommé vice-président du conseil militaire civil de la municipalité d’Odzak.

24. Toutefois, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que Simo Zaric partageait l’intention discriminatoire des auteurs de persécutions, ayant infligé des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, à Brcko et Bijeljina, ni qu’il avait connaissance de cette intention. Les éléments de preuve produits par l’Accusation n’établissent pas au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric avait connaissance de cette intention. Simo Zaric lui-même a seulement reconnu qu’il avait connaissance des persécutions dont ont été victimes les civils non serbes dans les centres de détention de Bosanski Samac. La Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric a contribué de manière importante à la persécution des prisonniers non serbes auxquels ont été infligés des traitements cruels et inhumains, à savoir notamment des sévices corporels, des tortures et leur emprisonnement dans des conditions inhumaines, à Crkvina.

e) Travaux forcés en tant que traitements cruels et inhumains

25. La Chambre de première instance est convaincue qu’en violation des normes du droit international humanitaire, des civils étaient contraints de creuser des tranchées, de construire des casemates et d’effectuer d’autres travaux de caractère militaire sur la ligne de front, où ils étaient exposés au danger et couraient de grands risques d’être blessés ou tués. La Chambre de première instance convient que le fait de forcer des civils à travailler dans des conditions mettant leur vie en péril viole l’obligation, consacrée par les Conventions de Genève, de les traiter humainement, et constitue un traitement cruel et inhumain. La Chambre de première instance est convaincue que ces travaux forcés obéissaient à des motifs discriminatoires et qu’ils atteignent le degré de gravité requis pour constituer des persécutions.

26. En outre, la Chambre de première instance est convaincue que les civils non serbes étaient affectés à des travaux forcés humiliants. Si les exemples isolés de travaux humiliants peuvent demeurer en-deçá du degré de gravité requis pour être qualifiés de persécutions, la Chambre de première instance tient pour constant que ces travaux s’inscrivaient dans le cadre d’une série d’actions visant les Musulmans et Croates de Bosnie exerçant des fonctions politiques et économiques importantes. La Chambre de première instance est convaincue que les travaux humiliants atteignent le degré de gravité requis pour être qualifiés de persécutions.

27. La Chambre de première instance admet que certains types de travaux, notamment la préparation des repas, l’entretien du réseau électrique et du système d’approvisionnement en eau et les travaux agricoles, étaient nécessaires pour le bien de la communauté et que ceux-ci, bien qu’effectués sous la contrainte, sont autorisés par le droit international humanitaire. Il n’a pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que les conditions dans lesquelles ces travaux étaient accomplis étaient telles qu’elles constituaient des traitements cruels et inhumains, ni que les travaux présentaient un degré de gravité suffisant pour constituer des persécutions.

28. La Chambre de première instance tient pour constant que les Musulmans et les Croates de Bosnie contraints de piller les maisons appartenant à des personnes qu’ils connaissaient bien parfois et qu’ils tenaient en haute estime, étaient soumis à des traitements humiliants. Toutefois, la Chambre n’est pas convaincue qu’il ait été établi au-delà de tout doute raisonnable que la cellule de crise, par sa participation au programme de travail forcé, a contraint les civils à des actes de pillage.

29. La Chambre de première instance estime que le Secrétariat à la défense nationale, l’organe responsable de la gestion du programme de travail forcé, rendait des comptes à la cellule de crise. Elle conclut, en conséquence, que cette dernière assumait en dernier ressort la responsabilité de faire travailler des personnes dans des conditions dangereuses.

30. La Chambre de première instance est convaincue que les travaux forcés dangereux et humiliants auxquels étaient astreints les Musulmans et les Croates de Bosnie s’inscrivaient dans le cadre de l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes des municipalités de Bosanski Samac et d’Odzak. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic avait l’intention de contraindre les Musulmans et les Croates de Bosnie à accomplir des travaux dangereux ou humiliants. En sa qualité de président de la cellule de crise, et plus tard de la présidence de guerre, il a pris part à la nomination et au licenciement du chef de la direction municipale de la défense. Il avait connaissance de la situation générale régnant dans la municipalité et savait que des civils étaient employés au creusement des tranchées et à d’autres travaux militaires dangereux. Il n’a pris aucune des mesures en son pouvoir pour mettre fin à cette pratique.

31. Si la Chambre de première instance est convaincue que Miroslav Tadic connaissait l’existence du programme de travail forcé, elle n’est pas convaincue, en revanche, qu’il ait partagé, ni même connu, l’intention de Blagoje Simic et celle des autres membres de l’entreprise criminelle commune, de contraindre les Musulmans et les Croates de Bosnie à effectuer des travaux dangereux ou humiliants. Bien que les éléments de preuve établissent que Miroslav Tadic a pris part au programme de travail forcé, la Chambre de première instance n’est pas convaincue qu’il ait, par sa participation, contraint les non-Serbes à accomplir des travaux dangereux ou humiliants.

32. La Chambre de première instance n’est pas convaincue que les éléments de preuve présentés permettent de conclure que Simo Zaric a contribué de manière importante à contraindre des non-Serbes à effectuer des travaux forcés dangereux ou humiliants.

f) Pillage

33. La Chambre de première instance convient que des actes isolés de pillage ont été perpétrés à grande échelle immédiatement après la prise par la force de Bosanski Samac. S’il a été établi que des unités paramilitaires, des membres du Quatrième détachement et de la police, ainsi que des civils serbes ordinaires ont pris part aux actes de pillage de biens appartenant aux non-Serbes, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que le rôle joué par la cellule de crise dans ces actes ait été établi au-delà de tout doute raisonnable. La Chambre de première instance retient les dépositions des témoins à décharge selon lesquelles la cellule de crise a pris certaines mesures pour protéger les biens abandonnés par les familles ou les biens des entreprises publiques.

34. La Chambre de première instance tient pour acquis que certains civils qui se rassemblaient chaque matin devant le bâtiment de la commune locale pour être affectés à des travaux ont pris part aux actes de pillage, mais elle n'est pas convaincue qu'il a été établi de manière concluante au-delà de tout doute raisonnable que la cellule de crise a ordonné ces actes. Les témoins contraints de se livrer au pillage ont déclaré qu’ils recevaient parfois des ordres de civils serbes qui pillaient en même temps qu'eux ou de conducteurs qui agissaient pour leur propre compte. Ces témoins ont indiqué que les biens pillés étaient chargés dans des véhicules privés et qu’il n’existait aucun contrôle d’aucune sorte.

35. Au vu de ce qui précède, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que les pillages généralisés de biens appartenant aux Musulmans et aux Croates de Bosnie s’inscrivent dans le cadre du plan commun visant à persécuter les civils non serbes. Si, en l’espèce, la connaissance qu’avaient les Accusés des actes de pillage ne prête pas à controverse, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que leur participation délibérée à ces actes, sous quelque forme que ce soit, ait été prouvée au-delà de tout doute raisonnable.

g) L’émission d’ordres, de mesures, de décisions et autres dispositions réglementaires au nom de la cellule de crise serbe et de la présidence de guerre

36. Bien que la cellule de crise de la municipalité serbe de Bosanski Samac ait pris certaines décisions enfreignant le droit des civils non serbes à un traitement égal, la Chambre de première instance n'est pas convaincue que ces décisions présentent un caractère suffisamment grave pour constituer des persécutions.

h) Expulsion et transfert

37. La Chambre de première instance est convaincue que des civils non serbes ont été expulsés de la municipalité de Bosanski Samac vers la Croatie et de Batkovic vers Lipovak. D’autres civils non serbes ont également été déplacés à l’intérieur de la Bosnie-Herzégovine, à savoir de la municipalité de Bosanski Samac vers Dubica. La Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable que les transferts de civils non serbes de la municipalité de Bosanski Samac vers Zasavica et Crkvina aient été effectués dans l’intention de les déplacer de façon définitive. Elle conclut, en conséquence, que ces non-Serbes n’ont pas fait l’objet de transferts forcés. De même, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que le transfert de prisonniers non serbes d’un centre de détention à un autre à l’intérieur du territoire contrôlé par les Serbes en Bosnie-Herzégovine constitue un transfert forcé dès lors qu’il n’a pas été constaté que l’intention des Accusés était d’empêcher le retour des victimes. La Chambre de première instance conclut qu’aucun des Accusés n’est pénalement responsable du transfert forcé de prisonniers non serbes d’un centre de détention vers un autre, et elle n’est pas non plus convaincue que les Accusés aient été animés de l’intention de déplacer définitivement ces prisonniers.

38. S’agissant de la responsabilité pénale de Blagoje Simic, la majorité des Juges est convaincue qu’il a pris part à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes au moyen d’expulsions et de transferts forcés. La Chambre de première instance a estimé que la cellule de crise, présidée par Blagoje Simic, était régulièrement informée des échanges de prisonniers effectués par Miroslav Tadic. Le 2 octobre 1992, Blagoje Simic, à la tête de la présidence de guerre, a signé la lettre portant nomination des membres de la Commission d’échanges de civils qui transmettait tous les mois à la présidence de guerre un rapport sur ses activités. La Chambre de première instance a également estimé que le système d’échanges a duré environ un an et demi et elle conclut que Blagoje Simic n’a pas pris des mesures suffisantes pour empêcher le déplacement illégal de non-Serbes. La Chambre de première instance est convaincue que Blagoje Simic savait que les personnes illégalement déplacées étaient des non-Serbes. Elle est convaincue que les mauvais traitements infligés à grande échelle et de manière continue aux civils non serbes et les mesures de déplacement dont ceux-ci ont été victimes par la suite prouvent que les participants à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter ces civils partageaient l’intention de les déplacer de manière définitive. La seule déduction que l’on puisse raisonnablement tirer de ces actes de persécution est que leurs auteurs n’entendaient pas que leurs victimes retournent chez elles. Aussi, la Chambre de première instance est-elle convaincue que Blagoje Simic était animé d’une intention discriminatoire en ce qui concerne le déplacement illégal de ces civils non serbes. Pour ces raisons, la Chambre conclut que Blagoje Simic a participé à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes au moyen d’expulsions et de transferts forcés.

39. En ce qui concerne la responsabilité pénale de Miroslav Tadic, la Chambre de première instance conclut qu’il n’a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que ce dernier a participé à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes en les déplaçant de manière illégale. Elle est toutefois convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Miroslav Tadic a largement contribué à l’expulsion de civils non serbes en se faisant le complice de cet acte. Miroslav Tadic savait que les participants à l’entreprise criminelle commune visant à persécuter les civils non serbes au moyen d’expulsions étaient animés d’une intention discriminatoire. À cet égard, la Chambre prend en considération le fait que Miroslav Tadic savait que les prisonniers détenus à Bosanski Samac et déplacés par la suite étaient des non-Serbes et qu’il avait connaissance de leur arrestation, de leur détention et des traitements cruels et inhumains qui leur étaient infligés dans les centres de détention à Bosanski Samac. Quant à la question de savoir si Miroslav Tadic entendait déplacer de façon définitive les civils non serbes, la Chambre rejette les déclarations de ce dernier lorsqu’il affirme qu’il n’a jamais souhaité que certains de ses concitoyens quittent définitivement la région et qu’il était toujours possible pour eux de revenir. La Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que les éléments de preuve produits par l’Accusation démontrent à suffisance que Miroslav Tadic entendait bien déplacer de façon définitive les civils non serbes en les obligeant à quitter leur domicile dans la municipalité de Bosanski Samac. Pour la Chambre, il ne fait aucun doute que la seule conclusion pouvant être déduite de la participation substantielle et ininterrompue de Miroslav Tadic aux échanges de civils non serbes est que ce dernier entendait que les civils non serbes ne retournent jamais chez eux, ou savait du moins que ses actes auraient pour conséquence probable leur déplacement définitif, et qu’il ne s’en est pas soucié. Pour ces raisons, la Chambre estime que la responsabilité pénale de Miroslav Tadic est engagée pour avoir aidé et encouragé les persécutions au moyen d’expulsions.

40. S’agissant de Simo Zaric, la Chambre de première instance conclut que ce dernier, à l’instar de Miroslav Tadic et Bozo Ninkovic, a été chargé par la cellule de crise d’établir la liste des Serbes détenus à Odzak avant l’échange organisé à Dubica les 25 et 26 mai 1992, étant donné qu’il était originaire de Trnjak Zorice, dans la municipalité d’Odzak, et pouvait fournir des informations concernant bon nombre de ces détenus serbes. Toutefois, la Chambre n’est pas convaincue que les éléments de preuve produits par l’Accusation suffisent à établir au-delà de tout doute raisonnable que Simo Zaric ait agi en étant animé d’une quelconque intention discriminatoire ou qu’il ait eu connaissance de l’intention des participants à l’entreprise criminelle commune de persécuter les civils non serbes au moyen de transferts forcés. La Chambre n’est pas non plus convaincue que Simo Zaric ait participé à l’expulsion illégale de civils non serbes les 4 et 5 juillet 1992 à Lipovac. Bien que la Chambre accepte les éléments de preuve faisant état de la présence de Simo Zaric sur le lieu de l’échange, elle estime que l’Accusation n’a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que, par sa présence sur place ou par tout autre acte accompli avant cet échange, il y aurait participé.

Crimes contre l’humanité, expulsion, chef 2

41. La Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que Blagoje Simic et Miroslav Tadic sont pénalement responsables de l’expulsion de civils non serbes, un crime contre l’humanité sanctionné par l’article 5 d) du Statut, et ce, à raison du même comportement que celui constituant l’acte constitutif du crime d’expulsion visé au chef 1.

42. Pour ce qui est de Simo Zaric, la Chambre estime que les éléments de preuve produits par l’Accusation ne suffisent pas à établir au-delà de tout doute raisonnable que la responsabilité pénale de celui-ci est mise en cause pour les expulsions reprochées en application de l’article 5 d) du Statut.

Fixation de la peine

43. La Chambre de première instance va se pencher maintenant sur la question de la fixation de la peine. Conformément à la jurisprudence de la Chambre d’appel en matière de cumul de déclarations de culpabilité, la Chambre de première instance, en déterminant la peine à infliger, a pris en considération le fait que le cumul de déclarations de culpabilité à raison de crimes sanctionnés par différentes dispositions du Statut mais fondés sur le même comportement n’est possible que si chacun des crimes comporte un élément nettement distinct qui exige la preuve d’un fait que n’exigent pas les autres. Si l’un seulement des crimes reprochés comporte un élément nettement distinct, la Chambre se fondera uniquement sur ce crime, en l’occurrence le plus spécifique, pour prononcer une déclaration de culpabilité.

44. Alors que l’expulsion en tant que crime contre l’humanité ne comporte pas d’élément nettement distinct de la persécution, cette dernière en revanche exige la preuve d’une intention discriminatoire. Aussi la Chambre conclut-elle que le cumul de déclarations de culpabilité à raison du crime d’expulsion en tant que crime contre l’humanité et du crime de persécution au moyen d’expulsions n’est pas possible. Elle se fondera donc uniquement sur le crime de persécution, le plus spécifique, pour prononcer une déclaration de culpabilité.

45. La Chambre de première instance a par conséquent reconnu Blagoje Simic coupable de crimes contre l’humanité à raison de persécutions, pour l’arrestation et la détention illégales de civils croates et musulmans de Bosnie, de traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, ainsi que de la déportation et du transfert forcé, tels qu’allégués au chef 1. Compte tenu du cumul de déclarations de culpabilité, aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée à son encontre pour le chef 2. Miroslav Tadic est reconnu coupable de crimes contre l’humanité à raison de persécutions, pour la déportation et le transfert forcé, tels qu’allégués au chef 1. Compte tenu du cumul de déclarations de culpabilité, aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée à son encontre pour le chef 2. Simo Zaric est reconnu coupable de crimes contre l’humanité à raison de persécutions, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, tels qu’allégués au chef 1.

46. S’agissant de Blagoje Simic, la Chambre de première instance considère que son rôle majeur au sein de l’entreprise criminelle commune dont l’objectif était de prendre par la force le pouvoir dans la municipalité de Bosanski Samac et d’en expulser les Musulmans et les Croates de Bosnie au moyen de persécutions odieuses constitue un facteur aggravant. En outre, la Chambre souligne qu’en sa qualité de dirigeant civil le plus haut placé de la municipalité, Blagoje Simic avait des responsabilités particulières à l’égard de l’ensemble de la population. La Chambre reconnaît par ailleurs que l’état de vulnérabilité des victimes placées en détention et le fait qu’en sa qualité de médecin, Blagoje Simic avait parfaitement conscience de leurs souffrances, constituent des circonstances aggravantes. Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient la reddition volontaire de Blagoje Simic au Tribunal, son attitude générale au cours du procès, sa bonne conduite en détention et son casier judiciaire vierge.

47. S’agissant de Miroslav Tadic, la Chambre de première instance a pris en considération le rôle actif qu’il a joué dans les échanges, ainsi que la situation des victimes, qui, en raison de leur placement en détention et d’autres facteurs, n’étaient pas en mesure de véritablement faire un choix concernant leur échange. Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient l’aide apportée par Miroslav Tadic à plusieurs Musulmans de Bosnie pendant la guerre, sa reddition volontaire au Tribunal, les remords qu’il a exprimés, sa situation personnelle, ainsi que l’absence de condamnations antérieures.

48. S’agissant de Simo Zaric, la Chambre de première instance estime que le rôle qu’il a joué en tant que membre actif du Quatrième détachement, la position d’autorité qu’il occupait, ainsi que l’état de vulnérabilité des victimes qui étaient régulièrement soumises à des mauvais traitements lors de leur détention, constituent des circonstances aggravantes. Au titre de circonstances atténuantes, la Chambre retient les efforts entrepris par Simo Zaric pour atténuer la souffrance de certaines victimes et pour prendre des mesures contre certains des crimes commis, les remords qu’il a exprimés, sa reddition volontaire, sa situation personnelle, ainsi que l’absence de condamnations antérieures.

Dispositif

La Chambre de première instance conclut par le dispositif suivant :

49. S’agissant de Blagoje Simic, ce dernier est déclaré coupable du chef 1, persécutions, un crime contre l’humanité, pour l’arrestation et la détention illégales de civils croates et musulmans de Bosnie, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines, ainsi que pour la déportation et le transfert forcé. Aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée pour le chef 2, la Chambre de première instance ayant jugé impossible que des déclarations de culpabilité soient prononcées cumulativement pour les chefs 1 et 2. Le chef 3 est rejeté au motif que l’acte d’accusation modifié est entaché de vices de forme. En application de l’article 101 C) du Règlement, suite à la reddition volontaire de Blagoje Simic au Tribunal le 12 mars 2001 et à sa détention ultérieure au Quartier pénitentiaire du Tribunal, une période de 949 jours sera déduite de la peine qui lui sera infligée. Sera également déduite la période passée en détention en attendant que le Président du Tribunal, en application de l’article 103 A) du Règlement, choisisse l’État où il doit purger sa peine. Dans l’attente de cette décision, Blagoje Simic restera sous la garde du Tribunal.

Blagoje Simic est condamné à 17 ans d’ emprisonnement.

50. S’agissant de Miroslav Tadic, ce dernier est déclaré coupable du chef 1, persécutions, un crime contre l’humanité, pour la déportation et le transfert forcé. Aucune déclaration de culpabilité n’est prononcée pour le chef 2, la Chambre de première instance ayant jugé impossible que des déclarations de culpabilité soient prononcées cumulativement pour les chefs 1 et 2. Le chef 3 est rejeté au motif que l’acte d’accusation modifié est entaché de vices de forme. Une période de 1 568 jours sera déduite de la peine qui lui sera infligée. Sera également déduite la période passée en détention en attendant que le Président du Tribunal, en application de l’article 103 A) du Règlement, choisisse l’État où il doit purger sa peine. Dans l’attente de cette décision, Miroslav Tadic restera sous la garde du Tribunal.

Miroslav Tadic est condamné à 8 ans d’emprisonnement.

51. S’agissant de Simo Zaric, ce dernier est déclaré coupable du chef 1, persécutions, un crime contre l’humanité, pour les traitements cruels et inhumains, y compris les sévices corporels, la torture, les travaux forcés et l’emprisonnement dans des conditions inhumaines. La Chambre de première instance acquitte Simo Zaric du chef 2. Le chef 3 est rejeté au motif que l’acte d’accusation modifié est entaché de vices de forme. Une période de 1 558 jours sera déduite de la peine qui lui sera infligée. Sera également déduite la période passée en détention en attendant que le Président du Tribunal, en application de l’article 103 A) du Règlement, choisisse l’État où il doit purger sa peine. Dans l’attente de cette décision, Miroslav Tadic restera sous la garde du Tribunal.

Simo Zaric est condamné à 6 ans d’emprisonnement.

Opinion dissidente du Juge Lindholm

En accord avec les observations de la Chambre de première instance concernant le cumul de déclarations de culpabilité,
a) Je conclus comme la majorité à la culpabilité de Blagoje Simic s’agissant du chef 1 : persécutions, un crime contre l’humanité.
Je considère qu’une peine de sept (7) d’emprisonnement est proportionnée et juste.
b) J’estime en outre que Miroslav Tadic et Simo Zaric ne sont coupables ni du chef 1 ni du chef 2.
c) Je rejette comme la majorité le chef 3.

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Le texte intégral du jugement est disponible sur le site Internet du Tribunal, ainsi que sur demande auprès des Services d’Information publique.


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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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