Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/1-A

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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4 Vendredi 24 mars 2000

5 L'audience est ouverte à 09 heures 03.

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8 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

9 M. le Président (interprétation) - L'objet de la présente

10 audience est que la Chambre d'appel rende son arrêt en l’espèce et

11 prononce la sentence. Après avoir entendu les exposés des parties le

12 9 février de cette année, la Chambre a rejeté l'appel interjeté par

13 l'appelant contre sa condamnation pour des motifs qui seront exposés plus

14 tard. La Chambre a réservé son jugement sur les deux premiers motifs de

15 l'appel interjeté par l'accusation, mais a accueilli l'appel de cette

16 dernière contre la sentence prononcée.

17 Il convient tout d'abord de s'arrêter sur deux points.

18 Tout d'abord, les Juges Robinson et Wang ont pris part aux

19 audiences, aux délibérations et à l’élaboration de l'arrêt. En raison de

20 circonstances exceptionnelles, le Juge Robinson et le Juge Wang ne sont

21 pas en mesure de siéger en audience aujourd'hui. Le vice-Président du

22 Tribunal a rendu une ordonnance autorisant la tenue en leur absence de la

23 présente audience.

24 Deuxième chose à souligner, des copies du texte de l’arrêt

25 seront communiquées aux parties par le Greffe. Le texte dont je vais

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1 donner lecture à présent n'est pas celui de l'arrêt mais, conformément à

2 la pratique du Tribunal, un résumé de l'arrêt de la Chambre d’appel.

3 Premièrement, je vais aborder la question de l’appel interjeté

4 par l'appelant.

5 L'appel repose sur les quatre motifs suivants :

6 "Premier motif d'appel.

7 La Chambre de première instance n'est pas parvenue à établir que

8 l’appelant était animé d'une intention discriminatoire laquelle, selon

9 l'appelant, est nécessaire pour le condamner pour les crimes visés à

10 l'article 3 du Statut du Tribunal. Ce motif d'appel est rejeté. Rien dans

11 la nature des crimes relevant de l'article 3 du Statut, ni dans le Statut

12 en général ne permet de conclure que pareils crimes ne sont punissables

13 que s'ils sont commis dans une intention discriminatoire. Les conditions

14 générales qui doivent être réunies pour sanctionner les crimes visés à

15 l'article 3 du Statut ont été exposées par la Chambre d'appel dans l'arrêt

16 relatif à la compétence qu'elle a rendu dans l'affaire Tadic en

17 octobre 1995.

18 En l'occurrence, la violation du droit international humanitaire

19 doit être grave, au sens où elle doit constituer une infraction aux règles

20 protégeant des valeurs importantes et cette infraction doit emporter de

21 graves conséquences pour la victime. Cela n'implique, en aucun manière,

22 que la violation doit être commise avec une intention discriminatoire.

23 Rien dans les dispositions des principaux instruments du droit

24 international, dont les principes sont consacrés à l’article 3 du Statut,

25 ne permet de conclure que les violations doivent s'accompagner d'une

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1 intention discriminatoire. Le fait que l'article commun 3/1C des

2 conventions de Genève évoque explicitement la préaudition de toute

3 distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la

4 religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout

5 autre critère analogue, ne restreint en aucun cas le champ de la

6 prohibition aux seuls actes commis dans une intention discriminatoire.

7 De même, aucun élément en droit international coutumier ne

8 montre l'existence d'une telle restriction. La Chambre d'appel est d'avis

9 qu'une intention discriminatoire spécifique n'est requise que dans le cas

10 des crimes internationaux de persécution et de génocide.

11 Pour ces motifs, la Chambre d'appel conclut que ni l'intention

12 discriminatoire ni les atteintes à la dignité de la personne ne sont des

13 éléments constitutifs des crimes visés à l'article 3 du Statut. Ce motif

14 d'appel est par conséquent rejeté.

15 Deuxième motif d'appel.

16 Ce motif repose sur deux éléments. Tout d’abord, le fait que la

17 conduite établie, en particulier les actes de violence commis à l'encontre

18 de détenus, n'était pas suffisamment grave pour justifier une condamnation

19 en vertu de l'article 3 du Statut.

20 Ensuite, le fait que la conduite de l’appelant ait pu être

21 justifiée par un état de nécessité. Au cours de l'audience qui s’est tenue

22 le 9 février 2000, le conseil de l’appelant a apparemment renoncé à

23 invoquer le premier de ces éléments. Toutefois, la Chambre s'est attachée

24 à déterminer qu’il fallait considérer que la conduite de l’appelant était

25 suffisamment grave pour constituer une violation de l'article 3 du Statut.

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1 La Chambre d’appel n'a aucune raison de douter de la gravité des

2 crimes commis. Les victimes ont subi des sévices physiques et

3 psychologiques et des atteintes à leur dignité.

4 Deuxièmement, l'appelant fait valoir que l'argument de nécessité

5 extrême s'applique en l'espèce, étant donné qu'en gardant des civils en

6 détention au camp de Kaonik , il a essayé de les protéger de souffrances

7 plus importantes auxquelles ils auraient été exposés en dehors du camp.

8 On voit mal comment cet argument aurait été invoqué lors du

9 procès, et la Chambre d'appel considère que, d'un point de vue général,

10 les personnes accusées par le Tribunal doivent produire tous les arguments

11 de leur défense au cours du procès et ne peuvent pas attendre l'appel pour

12 en soulever un pour la première fois.

13 Toutefois, la Chambre s'est attachée à déterminer si un tel

14 argument pouvait être invoqué par l'appelant pour sa défense.

15 Selon la Chambre d'appel, ce motif n'est absolument pas fondé.

16 L'appelant ne peut faire valoir en l'espèce que seules deux

17 possibilités s'offraient à lui, à savoir de maltraiter les détenus ou de

18 les relâcher. L'appelant qui avait effectivement le choix de maltraiter ou

19 non les détenus a été condamné pour avoir opté pour la première solution.

20 Ce motif d'appel est, par conséquent, rejeté.

21 Troisième motif d'appel.

22 L'appelant fait valoir que l'accusation n'a pas prouvé au-delà

23 de tout doute raisonnable que les atteintes à la dignité de la personne

24 alléguées ont été effectivement commises.

25 Il conteste en particulier le fait que la Chambre de première

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1 instance se soit appuyée sur les témoignages de témoins subjectifs sans

2 disposer de rapports médicaux ou de rapports d'experts.

3 La Chambre d'appel estime que ni le Statut ni le Règlement du

4 Tribunal ne dispose que la Chambre de première instance est tenue d'exiger

5 des rapports médicaux ou d'autres preuves scientifiques pour établir des

6 faits matériels.

7 De même, le témoignage d’un témoin qui serait le seul à déposer

8 sur des faits matériels n'exige pas d'un point de vue juridique d'être

9 corroboré.

10 Les Chambres de première instance sont mieux placées pour

11 entendre, évaluer et donner leur importance aux éléments de preuve, y

12 compris les dépositions de témoins lorsqu'ils sont présentés lors du

13 procès. C'est à elles qu'il revient de juger si un témoin est digne de foi

14 et si les éléments qu'ils présentent sont crédibles.

15 La Chambre d'appel est, dans une certaine mesure, tenue de

16 s'appuyer sur l’évaluation que la Chambre de première instance a faite des

17 éléments de preuve présentés au procès. Elle ne peut infirmer les faits

18 établis par la Chambre de première instance que si les éléments sur

19 laquelle s'est appuyée cette dernière n'auraient pas raisonnablement pu

20 être acceptés par un Tribunal ou lorsque l’évaluation des éléments

21 présentés est complètement erronée.

22 La Chambre d'appel est convaincue que la Chambre de première

23 instance a correctement usé de son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a

24 évalué le témoignage des différents témoins.

25 La Chambre de première instance a jugé ces témoignages

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1 suffisants et crédibles et elle était fondée à le faire.

2 Elle a, par conséquent, correctement appliqué le critère

3 d'établissement de la preuve.

4 Ce motif d'appel est rejeté.

5 Quatrième motif d'appel.

6 L'appelant fait valoir que la Chambre de première instance n'a

7 pas correctement appliqué l'article 7.3 du Statut. Il conteste les

8 conclusions de la Chambre selon lesquelles il exerçait un pouvoir -de

9 facto- sur les gardes et qu'il a omis de rendre compte de leurs actes aux

10 autorités supérieures. Il avance l'argument selon lequel il n'avait pas un

11 contrôle suffisant sur la police militaire du HVO et que son rôle était

12 purement administratif, un rôle d'exécution, et que ses attributions

13 étaient d'ordre exclusivement civil.

14 Ce motif d'appel repose essentiellement sur un point de fait.

15 La Chambre d'appel estime qu'il n'importe guère que l'appelant

16 ait été un civil ou un supérieur militaire. Ce qu'il convient de prouver,

17 c'est qu'il avait le pouvoir au sens de l'article 7.3 d'empêcher que

18 lesdits actes soient commis ou de les punir.

19 A moins qu'il existe de bonnes raisons de croire que la Chambre

20 de première instance a tiré des conclusions non fondées, après avoir

21 examiné les éléments qui lui ont été présentés, il n'appartient pas à la

22 Chambre d'appel de revenir sur les conclusions factuelles de la Chambre de

23 première instance.

24 En l'espèce, l'appelant n'a pas convaincu la Chambre d'appel que

25 les conclusions de la Chambre de première instance -à cet égard- n'étaient

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1 pas fondées.

2 Le quatrième motif d'appel doit, par conséquent, être rejeté au

3 fond.

4 J'en viens maintenant à l'examen des motifs d'appel de

5 l'accusation qui sont au nombre de trois.

6 Premier motif d'appel.

7 L'accusation soutient que la Chambre de première instance en

8 acquittant l'appelant des chefs d'accusation 8 et 9 s'est méprise sur

9 l'application de l'article 2 du Statut et, ce, pour les raisons suivantes.

10 Tout d'abord, la Chambre de première instance a appliqué un

11 critère juridique erroné pour déterminer si le conflit armé considéré en

12 l'espèce était de type international.

13 L'accusation soutient que le bon critère est celui du contrôle

14 global tel qu'exposé dans l'arrêt Tadic de juillet 1999.

15 Ensuite, selon l'accusation, la Chambre de première instance a

16 eu tort d'appliquer une condition de nationalité stricte pour déterminer

17 si les victimes étaient des personnes protégées au sens de l'article 4 de

18 la IVe convention de Genève.

19 L'accusation soutient qu'en l'espèce les deux conditions

20 d'application de l'article 2 du Statut sont remplies. Elle fait valoir que

21 le dossier de première instance peut établir la responsabilité pénale de

22 l'appelant sous les chefs 8 et 9, puisque celle-ci naît des mêmes

23 allégations factuelles que celles fondant le chef d'accusation 10 dont

24 l'appelant a été reconnu coupable par la Chambre de première instance.

25 La première question est celle de savoir si la Chambre d'appel

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1 est liée par l'arrêt qu'elle a antérieurement rendu dans l'affaire Tadic.

2 La Chambre reconnaît que, tant dans les systèmes de common law

3 que dans ceux de droit romano-germanique, les juridictions suprêmes, qu'il

4 s'agisse d'un point de doctrine ou de pratique, se conforment normalement

5 aux décisions qu'elles ont rendues auparavant et ne s'en écartent que dans

6 des circonstances exceptionnelles et ce, pour préserver les principes de

7 cohérence, de sécurité et de prévisibilité.

8 La nécessité de préserver ces principes se fait particulièrement

9 sentir en droit pénal, puisque celui-ci met en jeu la liberté de la

10 personne.

11 Ces mêmes principes s'appliquent aux tribunaux internationaux.

12 Le but fondamental de ce Tribunal est de poursuivre des

13 personnes présumées responsables de violation grave du droit international

14 humanitaire.

15 La Chambre d'appel considère que, pour servir ce but, il

16 convient d'adopter une attitude qui, tout en reconnaissant que la

17 sécurité, la stabilité et la prévisibilité sont nécessaires, admet

18 également qu'il est des cas dans lesquels une application stricte et

19 absolue de cette règle peut conduire à une injustice.

20 La Chambre conclut donc qu'une bonne interprétation du Statut,

21 tenant dûment compte de son texte et de son objectif, amène à la

22 conclusion suivante.

23 Dans l'intérêt de la sécurité et de la prévisibilité, la Chambre

24 d'appel devrait se conformer à ces décisions antérieures, mais elle

25 devrait être libre de s'en écarter pour des raisons impérieuses dans

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1 l'intérêt de la justice.

2 Il est nécessaire de souligner que la règle générale est de se

3 conformer aux décisions antérieures et que seules des circonstances

4 exceptionnelles justifient de s'en écarter.

5 La Chambre d'appel se conforme donc aux conclusions auxquelles

6 elle est parvenue dans l'arrêt Tadic s'agissant de l'article 2,

7 puisqu'après une analyse approfondie elle ne voit aucune raison impérieuse

8 de s'en écarter.

9 Le critère du contrôle global exposé dans l'arrêt Tadic par la

10 Chambre d'appel est bien le critère juridique qui s'applique ici. Il

11 assure une meilleure protection aux victimes civiles de conflits armés et

12 il est conforme à l'objectif fondamental de la IVe convention de Genève

13 qui est de garantir la protection des civils dans toute la mesure du

14 possible.

15 En l'espèce, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de

16 première instance n'a pas appliqué le critère qui convenait. La Chambre

17 d'appel convient également avec l'accusation que, si le conflit en

18 l'espèce est de caractère international, les victimes étaient donc des

19 personnes protégées en application de l'article 4 de la IVe convention de

20 Genève.

21 Toutefois, il est possible de donner une interprétation large de

22 cet article qui permet à une personne de se voir accorder le statut de

23 personne protégée, bien qu'elle soit de même nationalité que ses

24 détenteurs. Cette application élargie de l'article 4 est particulièrement

25 pertinente dans le contexte des conflits interethniques contemporains. En

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1 l'espèce, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance a

2 versé dans l'erreur en décidant que les victimes n'étaient pas des

3 personnes protégées.

4 Par conséquent, la Chambre d'appel s'est penchée sur la question

5 de savoir si elle devait revenir sur l'acquittement de l’accusé pour les

6 chefs 8 et 9. Elle est parvenue à la conclusion que le faire ne servirait

7 aucun objectif utile et ce, pour deux raisons.

8 Premièrement, les éléments de fond permettant de trancher ce

9 motif d'appel sont des points de droit plutôt que de fait.

10 Deuxièmement, les actes à l’origine de ces chefs et du chef

11 d'accusation 10 sont identiques. Par conséquent, toute peine

12 supplémentaire correspondant à ces chefs serait prononcée sous le régime

13 de la confusion et ne conduirait à aucune majoration de la peine. C'est

14 pourquoi la Chambre d'appel ne renverra pas l'affaire devant la Chambre de

15 première instance et elle refuse de revenir sur l’acquittement.

16 Deuxième motif d'appel.

17 L'accusation fait valoir que la Chambre de première instance n'a

18 pas statué sur une partie des éléments versés à l'appui du chef

19 d'accusation 10, à savoir que les atteintes à la dignité des personnes

20 fondées sur des violences physiques et psychologiques n'ont pas uniquement

21 eu lieu à l'intérieur du complexe, mais également à l’extérieur de celui-

22 ci, là où les prisonniers travaillaient sous le contrôle du HVO.

23 Au cours du procès, nombre d'anciens prisonniers ont témoigné au

24 sujet des mauvais traitements qu'ils ont subis alors qu'ils creusaient des

25 tranchées à l'extérieur du complexe. En fait, la défense n'a pas contesté

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1 ces mauvais traitements.

2 La Chambre de première instance a conclu que l'accusé en avait

3 connaissance, mais elle ne l'en a pas tenu responsable, bien qu'elle ait

4 conclu qu'il s'était fait complice du système de travail forcé et de

5 l'utilisation de prisonniers comme boucliers humains à l'extérieur de la

6 prison.

7 La Chambre d'appel convient que la seule conclusion à laquelle

8 la Chambre de première instance aurait raisonnablement dû aboutir au vu de

9 ces autres conclusions était que l'appelant était responsable des mauvais

10 traitements que le HVO infligeait aux prisonniers à l'extérieur de la

11 prison. Elle conclut donc que l'appelant est coupable d’avoir aidé et

12 encouragé les mauvais traitements infligés par le HVO à l'extérieur de la

13 prison. Cette conclusion ne modifie pas la déclaration de culpabilité

14 retenue par la Chambre de première instance pour le chef d'accusation 10.

15 A strictement parler, cette conclusion supplémentaire devrait être prise

16 en compte par la Chambre d'appel pour la fixation d'une nouvelle peine

17 pour le chef d'accusation 10.

18 Cependant, au vu de sa portée limitée, la Chambre d’appel ne

19 pense pas que cette conclusion supplémentaire suffise en elle-même à

20 justifier une majoration de la peine.

21 Troisième motif d'appel.

22 L'accusation soutient que la Chambre de première instance a

23 imposé à tort à l'appelant une peine de deux ans et demi au motif que

24 cette peine est clairement disproportionnée par rapport aux crimes commis.

25 Ayant examiné l'ensemble des conclusions et des circonstances de l'espèce,

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1 la Chambre d'appel est parvenue à la conclusion que la peine prononcée par

2 la Chambre de première instance est erronée et, plus précisément, que

3 cette dernière s'est fourvoyée en ne tenant pas suffisamment compte de la

4 gravité de la conduite de l'appelant.

5 Cette conclusion se fonde sur les raisons suivantes. Ces crimes

6 n'étaient pas insignifiants. Au lieu d'empêcher la perpétration d'actes de

7 violence contre les personnes qu'il aurait dû protéger, l'appelant, en sa

8 qualité de supérieur, y a lui-même participé et a permis que ces personnes

9 soient soumises à des actes de terreur psychologique. Il a également

10 manqué à son devoir de punir les responsables.

11 Plus gravement, en participant à la sélection de détenus qui

12 allaient être utilisés comme boucliers humains, ou pour creuser des

13 tranchées, comme il devait le savoir, l'appelant mettait en danger la vie

14 des personnes placées sous sa garde. En tant que commandant, sa

15 participation directe encourageait en outre ses subordonnées à commettre

16 des actes similaires. La conjonction de ces facteurs aurait donc dû

17 entraîner une peine plus longue et certainement pas constituer un motif

18 d'atténuation de la peine.

19 La Chambre d'appel convient avec l'accusation que la dissuasion

20 est une considération généralement importante dans le cadre de la

21 détermination de la peine pour des crimes internationaux. Mais en

22 revanche, elle confirme sa déclaration faite dans l'arrêt Tadic selon

23 laquelle ce facteur ne doit pas se voir accorder un poids excessif dans

24 l'évaluation générale des sentences à infliger aux personnes condamnées

25 par le Tribunal international.

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1 Le châtiment est un facteur tout aussi important. Cela ne doit

2 pas être perçu comme l'assouvissement d'un désir de vengeance, mais comme

3 l'expression appropriée de l'outrage de la communauté internationale

4 devant de tels crimes.

5 La Chambre d'appel est convaincue que la Chambre de première

6 instance s'est fourvoyée en condamnant l’appelant à deux ans et demi

7 d'emprisonnement.

8 La question qui se pose maintenant est celle de le savoir s'il

9 convient que la Chambre d'appel révise la sentence. La révision en appel

10 de la sentence est une procédure que prévoient la plupart des grands

11 systèmes juridiques mais qui n’est généralement que peu utilisée.

12 Dans l'affaire Tadic, la Chambre d'appel a conclu qu'elle devait

13 laisser à la Chambre de première instance sa liberté d'appréciation en

14 matière de fixation de la peine, à moins que celle-ci n'ait commis une

15 erreur d'appréciation manifeste.

16 La Chambre d'appel conclut de l'application de ce critère à

17 l'espèce que la Chambre de première instance a bien commis une erreur

18 d'appréciation manifeste en déterminant la peine.

19 Cette erreur consistait à n'accorder qu'un poids insuffisant à

20 la gravité de la conduite de l'appelant et à ne pas considérer ses

21 fonctions de commandant comme une circonstance aggravante de la

22 responsabilité qui lui est imputable en application de l'article 7.1 du

23 Statut.

24 La peine imposée par la Chambre de première instance était

25 manifestement inappropriée.

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1 En révisant la sentence en l'espèce, la Chambre d'appel n'oublie

2 pas l'élément de remise en cause de l'autorité de la chose jugée puisque

3 l'appelant est jugé deux fois pour la même conduite, qu’il souffre de

4 l'angoisse et de la détresse qui s'attachent à un jugement, et qu’il a été

5 remis en détention après neuf mois de liberté.

6 En l'absence de ces facteurs, sa peine aurait été

7 considérablement plus longue.

8 Par ces motifs, la Chambre d'appel, à l'unanimité :

9 - Rejette les quatre motifs auxquels l'appelant a interjeté

10 appel du jugement.

11 - Accueille partiellement le premier motif de l'appel de

12 l'accusation, mais refuse de revenir sur les acquittements prononcés au

13 titre des chefs d'accusation 8 et 9.

14 - Fait droit au deuxième motif d'appel de l'accusation.

15 - Fait droit au troisième motif d'appel de l'accusation.

16 - Et révise la sentence fixée en première instance.?

17 Monsieur Zlatko Aleksovski, veuillez vous lever, s’ils vous

18 plaît.

19 (L’accusé se lève.)

20 Zlatko Aleksovski, la Chambre d'appel vous condamne à 7 années

21 d'emprisonnement, dont seront déduits 3 ans et 12 jours correspondant au

22 temps passé en détention préventive.

23 La Chambre d'appel donne instruction que la peine

24 d'emprisonnement soit purgée dans un Etat qui sera désigné par le Tribunal

25 international en application de l'article 27 du Statut et de l’article 103

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1 du Règlement du Tribunal.

2 L'audience est levée.

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4 L'audience est levée à 9 heures 32.

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