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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14/1-T
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3 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
4 Vendredi 8 mai 1998
5 L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 (L'accusé M. Aleksovski est introduit dans la salle d'audience.)
7 M. le Président. – Bonjour Mesdames, Messieurs, bonjour à la
8 défense, bonjour à l'accusation, bonjour aux cabines techniques.
9 Mesdames, Messieurs les interprètes, êtes-vous prêts ?
10 Les interprètes. – Oui, merci.
11 M. le Président. - Nous allons reprendre notre séance avec le
12 professeur Bianchini à qui je dis bonjour aussi.
13 Maître Mikulicic, vous avez la parole.
14 M. Mikulicic (interprétation). – Bonjour, Monsieur le Président,
15 bonjour Messieurs les Juges, bonjour chers collègues et confrères. Ce
16 matin, nous allons reprendre le fil de nos travaux. Nous avions, donc, les
17 questions que posait la défense. Je demanderai à l'huissier de remettre au
18 professeur Bianchini, la pièce 116, la pièce 119 et la pièce 126. Nous
19 allons les comparer. Je répète 116, 119 et 126.
20 (Les pièces sont remises aux témoins)
21 Hier, nous avions dit que lors de la réunion à villa Konak, les
22 7 et 8 mars 1992, réunion qui permettait à Boban, Izetbegovic et Karadzic
23 de se rencontrer, le nouvel ordre à établir pour la Bosnie-Herzégovine a
24 été discuté.
25 Nous avons cette carte, la pièce 116, résultat de ces
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1 discussions. L'avons-nous ?
2 M. Bianchini (interprétation). - Oui.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Hier, nous avons également
4 déclaré que la division reprise dans cette carte correspondait
5 pratiquement au plan Vance-Owen, lequel a été formulé un an plus tard à
6 peu près. Si l'on examine ces deux cartes, avec cette division selon les
7 lignes ethniques en Bosnie-Herzégovine, je vais vous demander vos
8 commentaires, professeur, s'agissant de la décision reprise à la
9 pièce 126, sur l'établissement de la communauté croate d'Herceg-Bosna.
10 Vous voyez que ceci a été publié au Journal Officiel, en
11 septembre 1992, après la cession du 3 juillet 1992, lorsque la décision,
12 sous cette forme-ci, a été adoptée, êtes-vous d'accord ?
13 M. Bianchini (interprétation). - Pas tout à fait. En effet, le
14 problème que je rencontre est celui-ci : ce document que vous voyez date
15 du 18 novembre 1991, il a été publié en septembre 1992 au Journal
16 Officiel, c'est-à-dire près d'un an plus tard, pour une raison simple me
17 semble-t-il, c'est qu'en novembre 1991, il n'existait pas de
18 Journal Officiel. La publication n'a commencé qu'après juillet 1992. C'est
19 sans doute cette raison-là qu'il me faut invoquer. Il voulait donner un
20 caractère et une signification plus officielle à la décision prise un an
21 plus tôt.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Je suis d'accord avec vous,
23 Professeur. Toutefois, j'aimerais attirer votre attention sur un fait de
24 la décision initiale, celle de novembre 1991. Elle a été modifiée et elle
25 a reçu un supplément d'éléments lors de la réunion du 3 juillet 1993. Par
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1 conséquent, la forme définitive que va prendre la décision publiée au
2 Journal Officiel s'est faite le 7 juillet 1993 ?
3 N'oubliez pas le préambule, la partie liminaire de la décision.
4 M. Bianchini (interprétation). - J'étais en train de réfléchir,
5 tout simplement, je me demandais, si les éléments qui furent ajoutés
6 concernaient uniquement… je cherche la version en anglais : les motifs,
7 parce que vous avez une décision qui porte sur des éléments fondamentaux,
8 ceci concerne l'article 1er jusqu'à la fin, mais il y a une partie qui a
9 été ajoutée, en effet.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous posais la question
11 suivante : étiez-vous d'accord pour dire qu'à cette réunion du
12 3 juillet 1993, cette décision qui fut publiée au Journal Officiel a reçu
13 sa forme définitive, comme ceci a été précisé dans l'introduction ?
14 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
15 M. Mikulicic (interprétation). – J'appelle vos commentaires sur
16 cette part de la décision, au chiffre I, motif ou raison qui énonce les
17 raisons de la création de la communauté croate de Herceg-Bosna. Quelles
18 sont ces raisons ?
19 M. Bianchini (interprétation). - Vous avez parlé du premier
20 paragraphe qui commence par les mots suivants : "Face à la création
21 impitoyable de l'armée yougoslave et des Chetniks en république de Bosnie-
22 Herzégovine et en république de Croatie avec des pertes humaines
23 nombreuses et des souffrances énormes, étant donné le fait que les
24 territoires appartenant depuis des siècles aux Croates et les propriétés
25 qui leur appartiennent leur sont pris. Ils sont spoliés. Étant donné la
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1 destruction de la République de Bosnie-Herzégovine et le problème que
2 rencontrent ces entités légitimement constituées, la Bosnie se voit en
3 péril et nous sommes conscients que l'avenir de tout le peuple croate est
4 lié à l'avenir de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie".
5 M. Mikulicic (interprétation). - J'aurais voulu avoir vos
6 commentaires sur les raisons pour lesquelles il y a eu création de la
7 communauté croate d'Herceg-Bosna, précisément à partir des mots que vous
8 venez de lire.
9 M. Bianchini (interprétation). - A en croire ce document, il
10 apparaît manifestement que l'on s'inquiète de l'avenir du peuple croate,
11 que ce soit en Croatie ou dans les territoires de Bosnie-Herzégovine où il
12 y a des Croates. Ce paragraphe s'attache surtout à l'avenir du peuple
13 croate et aux liens qu'il y a entre les deux groupes de Croates qui vivent
14 en Bosnie-Herzégovine. C'est donc là leur intérêt primordial.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends. Vous dites que
16 l'accent est mis sur la survie du peuple croate. Mais, pourriez-vous nous
17 préciser ce cadre. Dans quel cadre ceci se présente-t-il ? Je vous
18 rappelle certains éléments de cette décision où l'on parle de la
19 destruction de la Bosnie-Herzégovine ainsi que des tentatives développées
20 en vue d'obtenir une Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante
21 Comment et où souffraient les Croates dans une Bosnie-
22 Herzégovine indépendante et souveraine ?
23 M. Bianchini (interprétation). – On parle de la souveraineté de
24 la Bosnie-Herzégovine et de la destruction de la République qui est déjà
25 considérée comme un fait existant.
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1 Ce document date du mois de juillet. Deux questions : lorsqu'en
2 avril 1992, il y a eu création du HVO, en vertu de l'article 2 du document
3 portant sur la création et signé par Mate Boban, on dit clairement que le
4 HVO a pour devoir d'assurer la protection, l'intégrité territoriale, la
5 souveraineté de la Bosnie et de protéger les Croates. C'est très
6 important.
7 Autre point important, un document dont je dispose est
8 d'ailleurs signé de Mate Boban, deux jours plus tard, le 10 avril. Dans ce
9 document, il est dit que le HVO représente l'armée du peuple croate, car
10 la Défense territoriale, l'armée de Bosnie n'est pas reconnue par ces
11 personnes comme leur propre armée. Donc, ils n'ont pas confiance. Je crois
12 qu'il faut tenir compte de ces documents. Si on les fonce, on comprend par
13 ce paragraphe que la Bosnie-Herzégovine n'existe plus et que ce qui les
14 intéresse particulièrement, même si l'on insiste sur la souveraineté de la
15 Bosnie-Herzégovine, ce qui les intéresse, ici, dans ce document, c'est le
16 sort des Croates en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, mais pas dans le
17 contexte général de la Bosnie-Herzégovine.
18 M. Mikulicic (interprétation). - Je m'intéresse aux commentaires
19 que vous fournissez à ce document. Par la suite, nous nous intéresserons à
20 d'autres documents. Mais seriez-vous d'accord avec moi pour conclure que
21 dans le corps de ce document, lorsqu'on invoque les raisons de la création
22 de la communauté croate d'Herceg-Bosna, on dit que sa création est
23 nécessaire étant donné l'agression impitoyable de l'armée de Yougoslavie
24 et des Chetniks contre la République de Bosnie-Herzégovine et contre la
25 République de Croatie et qu'ils seront favorables à une Bosnie-Herzégovine
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1 indépendante ?
2 Et vous avez aussi l'article 5 de ce document qui dit que "la
3 communauté d'Herceg-Bosna respectera et acceptera les entités légitimement
4 et légalement constituées en Bosnie-Herzégovine" et que ce sont là les
5 raisons de la création de l'Herceg-Bosna.
6 M. Bianchini (interprétation). - Il faut ajouter que, lorsqu'on
7 dit dans le texte : "la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine", on n'a de
8 cesse d'insister sur le fait qu'il protège leur propre territoire
9 historique ainsi que le patrimoine du peuple croate. Ce qui nous montre
10 qu'ils veulent, à tout prix, protéger l'Herzégovine, mais pas
11 nécessairement la totalité de la Bosnie. On peut donner une telle lecture
12 à ce document et il semble qu'une grande prudence soit formulée pour
13 protéger l'Herzégovine et l'on peut comprendre que, très tôt, on avait
14 tenu compte du fait que la Bosnie-Herzégovine avait disparu dans les
15 faits.
16 M. Mikulicic (interprétation).- Je vais vous demander des
17 réponses à la question que j'ai posée et je vous demanderais de ne pas
18 trop digresser sur la base de ce texte qui a fait l'objet d'une
19 publication au Journal Officiel. Ce texte n'indique pas que l'Herceg-Bosna
20 a été créée à cause de l'agression de la JNA et des Chetniks et à cause
21 des destructions causées en vue d'une Bosnie-Herzégovine indépendante ? Ce
22 sont les postulats de cette décision. Êtes-vous d'accord pour dire que
23 s'il y a eu création de l'Herceg-Bosna, on voit ces raisons énoncées dans
24 ce document ?
25 M. Bianchini (interprétation). – Je ne suis pas d'accord sur
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1 l'interprétation que vous livrez de ce texte.
2 M. Mikulicic (interprétation). – Je ne comprends pas.
3 M. Bianchini (interprétation). – Si vous voyez tous les sujets
4 que vous venez d'énumérer et si vous incluez parmi ces facteurs le fait
5 que cette souveraineté ait été respectée, l'Union démocratique croate
6 insiste sur le fait qu'elle protège ses propres territoires historiques et
7 qu'elle veut assurer sa protection. Je crois qu'il faut tenir compte de
8 tous ces éléments.
9 M. Mikulicic (interprétation). – Bien sûr, j'inclus cette thèse,
10 là aussi.
11 M. le Président. - Excusez-moi de vous interrompre. Votre
12 dialogue est très intéressant, mais il faut tenir compte du fait qu'entre
13 vous il y a toujours une interprète très sympathique. Il faut que vous
14 répondiez immédiatement afin que l'interprète ait la possibilité de
15 prendre tout ce que vous dites, c'est important.
16 M. Mikulicic (interprétation). – Nous vous prions de nous
17 excuser, Monsieur le Président, d'avoir agi un peu trop à la hâte. Nous
18 allons tenir compte de vos commentaires, désormais.
19 Monsieur le professeur Bianchini, sans oublier, bien sûr, que la
20 tâche primordiale est de défendre la souveraineté de la Bosnie-
21 Herzégovine, lorsqu'on parle de diverses ethnicités, bien sûr, on tient
22 compte de cet élément-là. Mais, puisqu'il faut défendre ce territoire
23 comme faisant partie du territoire de la Bosnie-Herzégovine, pensez-vous
24 que l'établissement de la Bosnie-Herzégovine soit repris dans le respect
25 des autorités et des pouvoirs, légitimement constitués, comme le dit
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1 l'article 5 de cette décision ?
2 M. Bianchini (interprétation). – Je pense qu'un accent
3 particulier est mis sur la nécessité de protéger les territoires croates
4 plutôt que l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Protection des territoires
6 croates, mais dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine.
7 M. Bianchini (interprétation). – Pour les Croates, mais pas pour
8 les autres, pas pour les Musulmans qui vivent en Bosnie. C'est quand même
9 important.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Je suis d'accord avec vous.
11 Mais quand on parle des tentatives menées par la communauté
12 internationale, notamment pour amener la paix, pour apaiser et calmer la
13 situation, lorsqu'il y a eu aussi la tentative de villa Konak, le plan
14 Vance-Owen, quand on tient compte de tous ces efforts, j'aimerais avoir
15 votre commentaire à propos de cette décision et de son article 2.
16 Là, on détermine les communautés et les collectivités qui feront
17 partie de la communauté croate dl'Herceg-Bosna, vous semble-t-il que ce
18 soit une conclusion ou un enchaînement logique de l'accord, quand on voit
19 la pièce 116 et, par la suite, la formulation du plan Vance-Owen ?
20 J'aimerais que vous passiez en revue le nom de ces localités, de ces
21 municipalités se trouvant sur les cartes 116 et 426.
22 Vous désignez des municipalités dans le cadre de l'établissement
23 de la communauté croate d'Herceg-Bosna, mais ces localités coïncident-
24 elles avec cette vision quelque part entérinée dans les cartes de la
25 communauté internationale ? Ne sera-t-il pas utile, professeur, pour que
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1 vous répondiez à cette question, d'avoir la carte du plan Vance-Owen
2 copiée du livre de Carlo Roti***, sur la défense de l'Herceg-Bosna, où
3 l'on énumère les municipalités ? En effet, sur cette carte, on voit les
4 noms de ces municipalités, ce qui n'est pas le cas sur la carte 116.
5 L'huissier va m'aider et j'ai bien sûr une copie pour l'accusation et une
6 copie pour chacun de vous Messieurs les Juges.
7 Mme Fauveau. - La pièce de la défense D-6.
8 M. Bianchini (interprétation). - La décision portant création de
9 la communauté croate d'Herceg-Bosna a été ajoutée à cette partie.
10 La motivation a été apportée en juillet, mais la communauté elle-même a
11 été créée en novembre 1991.
12 Examinons l'article 2 qui comporte la liste des municipalités
13 que l'on voit sur la carte. Là, les noms sont les mêmes. On peut donc dire
14 sans se tromper qu'en effet, ces territoires inclus dans le plan Vance-
15 Owen, dans la décision de la villa Konak car, en fait, il y a peu de
16 différence... Moi, je dispose d'un document intermédiaire par rapport à ce
17 document dont nous discutons qui date de juillet 1992, mais j'ai aussi la
18 décision antérieure datant de novembre 1991 dans laquelle on trouve la
19 même liste de municipalités.
20 Si on imagine qu'à certains égards la communauté internationale
21 voulait établir des territoires où il y aurait une majorité de Croates et
22 si ceci correspondait à la liste des municipalités que revendiquait la
23 communauté croate d'Herceg-Bosna depuis novembre 1991, alors le texte est
24 correct, depuis novembre 1991.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie.
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1 Revenons à la discussion d'hier que nous avions à propos des
2 documents datant de novembre 1991. Nous avons dit que c'était un document
3 d'un parti politique, de l'Union démocratique croate de Bosnie-
4 Herzégovine, alors que ce qui a été publié au Journal Officiel est un
5 autre document. Ce n'est pas vraiment un document de parti politique qui a
6 été publié au Journal Officiel. Êtes-vous d'accord pour défendre cette
7 hypothèse ?
8 M. Bianchini (interprétation). - Pas particulièrement puisqu'il
9 faut tenir compte de la situation tout à fait particulière et de la
10 culture politique de l'époque, sous l'angle du droit international.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Précisément.
12 M. Bianchini (interprétation). - Ex post, effectivement, on peut
13 dire qu'il y a un document du parti alors que, de l'autre côté, on a une
14 institution, une organisation. De toute façon, il faut rappeler que cette
15 organisation n'avait pas été établie en accord avec la Bosnie-Herzégovine
16 parce que c'était une action unilatérale. Cela n'est pas le fruit d'un
17 accord conclu entre le gouvernement et cette institution, c'est une
18 décision autonome, c'est une revendication, une proclamation.
19 Quoi qu'il en soit, il faut penser aussi au fait que la culture
20 politique, la mentalité de l'époque était telle que l'établissement
21 d'institutions et les partis n'étaient pas deux activités séparées. Il
22 faut tenir compte de cet aspect politique, de cette imbrication entre
23 l'institutionnel et le politique. On ne peut pas s'en tenir à une simple
24 interprétation juridique. Je comprends, bien sûr, que ce soit là ce que
25 vous voulez faire mais je ne peux pas vous fournir une réponse dans ce
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1 sens.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez sans doute raison,
3 Monsieur le professeur. Bien évidemment, la question qui se pose est une
4 question juridique qu'il faudrait peut-être poser à un expert juridique et
5 non pas à vous, un expert en Histoire.
6 M. Bianchini (interprétation). - Ce n'est pas une question
7 relative à mes compétences, c'est une question relative à mes opinions. Je
8 pense que l'on ne peut interpréter ces documents que d'un point de vue
9 légal, juridique.
10 Mais il faut bien, dans le cadre de cette interprétation
11 juridique, ne pas oublier quelle était la culture politique qui prévalait
12 à l'époque. N'oubliez pas quel était l'état d'esprit des hommes politiques
13 qui travaillaient à l'époque au moment où ces documents ont été rédigés.
14 Cela ne dépend pas de ma compétence. Je tiens à préciser cela,
15 cela me touche de très près. J'ai souvent des débats qui m'opposent à
16 d'autres experts qui sont experts sur d'autres questions internationales
17 et, eux, ne souhaitent appliquer que ce point de vue juridique, légal.
18 Mais c'est impossible, vous ne pouvez pas appliquer ce type de cadre à ce
19 qui s'est passé en Yougoslavie. Je le répète, il faut prendre en compte la
20 mentalité politique qui prévalait à l'époque. Si vous ne le faites pas,
21 vous allez arriver à ce qui a été fait dans le plan Vance-Owen. Dans le
22 cadre de ce plan, les auteurs ont pensé qu'ils pouvaient intervenir en
23 tant que médiateurs pour essayer de mettre en place 3, 10, 11 cantons,
24 essayer de créer des régions où il y avait une majorité ethnique, ce qui
25 permettait de préserver la Bosnie, mais ce plan Vance-Owen a été perçu de
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1 l'intérieur comme quelque chose de complètement erroné. C'est la raison
2 pour laquelle les personnes concernées ont pensé qu'à l'époque ce plan
3 visait à effacer la Bosnie-Herzégovine de la carte telle qu'elle existait
4 jusqu'alors.
5 C'est pourquoi je dis que Messieurs Owen, Vance et Stoltenberg
6 sont responsables en partie de ce qui s'est passé parce qu'ils n'ont pas
7 tenu compte de la mentalité des gens qui vivaient sur le territoire. Ils
8 n'ont pas pris en compte l'état d'esprit qui prévalait à l'époque,
9 n'oubliez pas ce point. Excusez-moi d'être intervenu longuement.
10 M. Mikulicic (interprétation). – Je vous comprends bien sûr,
11 Monsieur le Professeur. Il est très facile de se livrer à toutes sortes
12 d'interprétation d'événements et cela peut être un peu dangereux. Mais
13 nous allons laisser ces documents de côté pour l'instant, si vous le
14 voulez bien et passer à une autre série de questions.
15 J'en arrive maintenant à la question de l'établissement de la
16 République souveraine de Bosnie-Herzégovine et j'en viens également aux
17 événements qui ont suivi l'instauration de cette République. Je voudrais
18 également aborder la question des liens qui existaient entre les
19 républiques souveraines de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, toutes les deux
20 issues de l'ancienne RSFY.
21 Revenons-en au tout début si vous le voulez bien, ayez
22 l'obligeance de répéter aux Juges la date de la proclamation de la
23 République souveraine de Bosnie Herzégovine, s'il vous plaît.
24 M. Bianchini (interprétation). - A priori, cela a été déclaré
25 tout de suite après le résultat du référendum dont nous avons précédemment
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1 parlé. Cela s'est fait en mars 1992, mais du point de vue de la
2 reconnaissance au plan de la communauté internationale, la République a
3 été proclamée le 6 avril.
4 M. Mikulicic (interprétation). – Le 6 avril ?
5 M. Bianchini (interprétation). – Le 6 avril 1992.
6 M. Mikulicic (interprétation). – Donc, le 6 avril 1992, la
7 communauté internationale reconnaît la souveraineté de la République de
8 Bosnie-Herzégovine comme État indépendant et souverain. Savez-vous quels
9 sont les États membres de la communauté internationale qui ont été les
10 premiers à reconnaître la Bosnie-Herzégovine comme État souverain et
11 indépendant, plus précisément le 7 avril 1992, quels ont été les premiers
12 États à reconnaître cette nouvelle république ?
13 M. Bianchini (interprétation). - Les États-Unis, la Croatie et
14 d'autres pays encore.
15 M. Mikulicic (interprétation). – Donc, un jour après la
16 proclamation de l'indépendance, la communauté internationale reconnaît la
17 République de Bosnie-Herzégovine, la Croatie reconnaît cette République.
18 Alors, je vous pose la question suivante : comment expliquez-vous cette
19 réaction si rapide de la Croatie, parce que d'autres pays ne se sont
20 prononcés que bien plus tard sur la question ?
21 M. Bianchini (interprétation). - Nous avons parmi les documents
22 à l'appui une déclaration signée par le président Tudjman et j'ai déjà
23 fait un certain nombre de commentaires sur cette question. Donc, je n'ai
24 pas d'autres documents à vous fournir, documents qui nous permettraient de
25 corroborer ce qui s'est passé.
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1 C'est assez facile de comprendre pourquoi la Croatie a reconnu
2 la Bosnie-Herzégovine si vite. Il était normal au yeux de la communauté
3 internationale que la Croatie qui était elle-même un État récemment
4 reconnu, reconnaisse un État qui venait de se créer. Et si la Croatie
5 n'avait pas réagi aussi vite, elle aurait donné lieu à toutes sortes de
6 suspicions quant au fait qu'elle avait peut-être des revendications
7 territoriales vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine.
8 Tout cela s'est passé avant que la commission Badinter ne publie ses
9 conclusions, conclusions publiées entre le mois de décembre 1991 et le
10 mois de janvier 1992.
11 Dans les conclusions de la commission, il était stipulé que la
12 reconnaissance d'un État par un autre signifiait bien que l'État qui
13 reconnaissait la République nouvellement créée n'avait pas de
14 revendication territoriale sur cette république.
15 Il faut préciser que la déclaration signée par le président
16 Tudjman reconnaissait l'idée de citoyenneté. Or, cette idée de citoyenneté
17 a été reconnue de façon unilatérale et n'a pas fait l'objet d'un accord.
18 Tout de suite, cela a donné lieu à toutes sortes de préoccupations et de
19 tensions entre Zagreb et Sarajevo, immédiatement des tensions sont
20 intervenues.
21 M. Mikulicic (interprétation). - Nous reviendrons sur ce point
22 plus tard, Monsieur le Professeur. Donc, le 7 avril, la Croatie reconnaît
23 la République de Bosnie-Herzégovine.
24 Par la suite, si je ne me trompe, un certain nombre de liens ont
25 été tissés entre les deux gouvernements des deux États concernés et je
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1 pense notamment ici aux rapports qui sont intervenus entre le
2 président Izetbegovic et le président Tudjman à Zagreb, le
3 21 juillet 1992. J'ai sous les yeux un texte d'accord passé entre les deux
4 gouvernements. Malheureusement, pour des raisons techniques, nous n'avons
5 pas pu faire traduire ce texte, nous le ferons dès que possible. Cela dit,
6 je dispose d'un exemplaire à votre intention. J'ai des exemplaires
7 également destinés aux membres de l'accusation et aux Juges de cette
8 Chambre. Je souhaite que vous vous penchiez sur ce document, que vous
9 l'analysiez rapidement, car j'aimerais avoir votre opinion sur la
10 question.
11 Monsieur l'huissier, ayez l'obligeance de communiquer ce
12 document. Excusez-moi, j'ai encore d'autres documents à vous faire passer.
13 Monsieur le Professeur, connaissez-vous le texte de cet accord ?
14 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Cet accord est le résultat
16 d'une réunion qui a eu lieu le 21 juillet 1992 entre MM. Izetbegovic et
17 Tudjman. Ayez l'obligeance de nous faire part de vos conclusions sur ce
18 rapport succinctement, s'il vous plaît.
19 M. Bianchini (interprétation). - Excusez-moi, mais j'ai quelque
20 mal à déchiffrer l'exemplaire que vous m'avez donné.
21 M. Mikulicic (interprétation). – Donnez nous simplement les
22 grandes lignes de votre opinion sur la question.
23 M. Bianchini (interprétation). - Oui. C'est un document qui
24 visait à tenter de mettre en place ou de créer une alliance militaire
25 entre la Croatie et la Bosnie. Bien évidemment, cela ne s'est pas produit.
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1 C'était notamment dû à la réaction ultérieure de M. Tudjman. Mais, en
2 fait, l'alliance militaire prévue par ce document a été par la suite
3 entièrement rejetée par Izetbegovic et ce document fait simplement état de
4 la conclusion à laquelle en sont venus les deux chefs d'État à l'époque de
5 la réunion.
6 Voilà d'une façon générale de quoi il s'agit. Nous pouvons
7 entrer un peu plus dans le détail. C'est le point 6 qui est
8 particulièrement intéressant dans ce document. Il est précisé que le HVO
9 est une composante de l'armée croate. On voit bien qu'ici, il n'y a pas de
10 doute possible sur ce point, alors qu'auparavant la question n'était pas
11 aussi clairement tranchée. L'autre point qu'il faut noter, c'est que les
12 deux pays, dans cet accord, acceptent de coopérer militairement, notamment
13 le long des frontières séparant les deux pays.
14 On voit également, au vu de ce document, que les deux
15 gouvernements en viennent à une décision commune. Cela apparaît dans le
16 point 8. Il est déclaré qu'une alliance militaire ne se concrétisera que
17 si la communauté internationale se montre incapable de mettre un terme à
18 l'agression. En ce sens, ce document n'est pas la ratification d'une
19 alliance militaire, comme peuvent le dire d'autres experts. Je crois qu'il
20 faut être un peu plus prudent. C'est un document qui visait à mettre en
21 place une alliance militaire mais il faut bien comprendre que cela n'a pas
22 eu d'effet concret parce que déjà, à l'époque, des tensions commençaient à
23 se faire jour entre la république de Bosnie et la Croatie.
24 M. Mikulicic (interprétation). - C’est votre interprétation,
25 Monsieur le Professeur. Je vous en remercie et je vais vous demander de
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1 préciser un certain nombre de points. Je vais lire une partie du texte
2 afin que les interprètes puissent le traduire et ensuite je vous
3 demanderai vos commentaires.
4 "Point 1 : Le président de la présidence de Bosnie-Herzégovine,
5 ainsi que le président de la République de Croatie se sont mis d'accord
6 sur le point suivant : la création future de l'État de Bosnie-Herzégovine
7 s'inspirera du principe d'égalité pleine et entière entre les trois
8 populations en présence, à savoir les Musulmans, les Croates et les
9 Serbes.
10 La structure constitutionnelle et politique du pays se fondera
11 sur des unités constituantes et dans le cadre de l'établissement de ces
12 unités, un soin tout particulier sera attribué aux éléments nationaux,
13 historiques, culturels, économiques et de communication."
14 Quels sont vos commentaires sur cette citation ?
15 M. Bianchini (interprétation). - Je dirai que, par la rédaction
16 de ce point précis, Izetbegovic accepte l'idée selon laquelle la Bosnie-
17 Herzégovine sera, à terme, transformée en un État qui se fondera sur des
18 territoires où les trois nations titulaires joueront un rôle prédominant.
19 Et l'on précise bien quels sont les points à prendre en compte,
20 les points économiques, culturels, historiques, etc.. Rappelez-vous que
21 ces points apparaissent également dans les actes constitutifs de la
22 communauté croate d'Herceg-Bosna, au mois de novembre 1991.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie.
24 Vous avez précisé que ce document était un document qui servait
25 de base à une éventuelle alliance militaire. Mais maintenant, j'aimerais
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1 attirer votre attention sur le point 2 de ce document qui fait référence à
2 un certain nombre d'autres questions.
3 M. Bianchini (interprétation). - Je ne considère pas que ce
4 document constitue une alliance militaire. Je l'ai précisé. Certains de
5 mes collègues font l'interprétation que vous venez de faire. Mais moi, je
6 suis prudent. Je l'ai dit. J'ai précisé que, d'après moi, c'est un
7 document qui essaye de créer un environnement qui serait favorable aux
8 rapports entre la Bosnie et la Croatie. C'est assez différent.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Je comprends. Passons au
10 point 2. Ce point fait référence au fait que la République de Bosnie-
11 Herzégovine et que la République de Croatie vont établir des rapports de
12 coopération. Je vous renvoie notamment à la ligne 3. Il est dit :
13 "Pour ce qui est des questions économiques, financières et pour
14 ce qui est de la coopération en matière énergétique, pour ce qui est de
15 rétablir des conditions de vie normale dans les régions qui ont le plus
16 souffert des agressions, la coordination des services sociaux des États
17 concernés est particulièrement souhaitée et notamment dans le domaine du
18 travail, des politiques sociales et d'éducation, des politiques
19 culturelles et de développement scientifique".
20 Il faut mettre également l'accent sur la coopération
21 scientifique et technique, culturelle et d'éducation, coopération en
22 matière d'information et de questions religieuses. Donc on parle là d'une
23 coopération qui touche à tous les domaines de la vie quotidienne, d'une
24 coopération extrêmement complexe qui s'applique à tous les secteurs de la
25 société. Quels sont vos commentaires sur ce point ?
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1 M. Bianchini (interprétation). - Nous l'avons déjà dit. Ici, ce
2 sont des grandes lignes générales d'accord qui sont précisées. Il faut se
3 pencher su un certain nombre de détails pour mieux comprendre ce qui s'est
4 passé . Mais dans cet accord, d'une façon générale, les deux dirigeants
5 acceptent de coopérer dans les domaines que vous venez de préciser.
6 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous renvoie maintenant au
7 point 3 de ce document, Monsieur le professeur. Il est précisé que la
8 délégation de l'État de Bosnie-Herzégovine exprime toute sa gratitude à la
9 République de Croatie, car celle-ci a accueilli un certain nombre de
10 réfugiés provenant de la République de Bosnie-Herzégovine, faisant preuve,
11 en ce sens, d'une grande générosité.
12 Je voudrais vous renvoyer à un événement qui s'est produit
13 le 9 mai 1992, lors d'une conférence de presse. Ce jour-là, la Croatie a
14 déclaré qu'elle avait déjà accueilli près de 228.000 réfugiés de Bosnie-
15 Herzégovine, soit 5% de la population totale de la République de Croatie à
16 l'époque. Quel est votre commentaire sur ce point ?
17 M. Bianchini (interprétation). - Une grande partie de la
18 population de Bosnie-Herzégovine, au début de la guerre, a quitté le pays
19 et bien évidemment, du fait de la position géographique du pays, les
20 réfugié se sont dirigés principalement vers la Croatie. Ils ne sont pas
21 sortis de l'ancien territoire de l'ex-Yougoslavie et, effectivement, en ce
22 sens, la Croatie a accueilli toute la première vague des réfugiés de
23 Bosnie-Herzégovine. Le point que vous avez cité dit bien quel a été le
24 degré de participation de la Croatie sur cette question précise.
25 Je confirme ce que vous avez dit.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - Professeur, savez-vous quelle
2 était la composition ethnique de ces réfugiés qui sont arrivés en
3 République de Croatie, en provenance de Bosnie-Herzégovine ?
4 M. Bianchini (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de
5 chiffres exacts mais je sais que l'immense majorité de ces réfugiés était
6 des Musulmans.
7 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous renvoie maintenant au
8 point 4 de cet accord. Il y est dit que la République de Bosnie-
9 Herzégovine et la République de Croatie coopéreront également dans le
10 domaine des affaires intérieures et de la Justice.
11 Le point 5 à présent. Le président de la Bosnie-Herzégovine et
12 le président de la République de Croatie se sont mis d'accord sur le fait
13 que, pour intensifier la coopération, il sera nécessaire que des sommets
14 se tiennent deux fois par an.
15 Seriez-vous d'accord, Monsieur le professeur, pour dire que nous
16 parlons bien ici d'une tentative de coopération à long terme, par le biais
17 de rapports bilatéraux directs ?
18 M. Bianchini (interprétation). - Oui.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Oui, effectivement Monsieur le
20 professeur, pensons aux interprètes qui n'ont pas les documents sous les
21 yeux.
22 Passons au point 6. Je crois d'ailleurs que vous avez déjà fait
23 un commentaire sur ce point. Il est précisé dans ce point 6 que le HVO est
24 une partie intégrante de l'armée de la HV, donc de l'armée de la Croatie.
25 Mais je voudrais vous renvoyer au paragraphe 2de ce point 6. Je vais le
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1 lire et il vous sera interprété.
2 Il y est dit : "Les autorités civiles provisoires qui ont été
3 mises en place dans le cadre du conseil Croate de la défense au moment du
4 conflit agiront en coordination avec le gouvernement de Bosnie-Herzégovine
5 et dans le cadre des textes fondateurs de la République de Bosnie-
6 Herzégovine, conformément aux principes stipulés dans le point 1 de cet
7 accord". Rappelons-nous que le point 1 auquel il est fait référence porte
8 sur l'accord relatif au principe de la totale égalité des trois
9 populations en présence, les Serbes, les Croates et les Musulmans.
10 Pouvez-vous faire quelques commentaires sur le point que je
11 viens de vous lire ?
12 M. Bianchini (interprétation). - Absolument.
13 Je souhaite tout d'abord dire qu'il y a là, manifestement,
14 refus, rejet d'un certain nombre des phrases qui apparaissent dans les
15 documents qui sont à l'origine de la mise en place du HVO et qui sont
16 datés du 8 avril 1992. Ces documents ont également été rédigés par la
17 suite le 10 avril 1992. Il apparaissait donc que le HVO n'était pas
18 considéré comme une autre armée.
19 Dans ce document, il apparaît très clairement que, sous la
20 pression exercée par le gouvernement croate, il est précisé que le HVO
21 fait partie de l'armée croate et que donc la population croate doit
22 reconnaître comme étant son armée l'armée de Bosnie-Herzégovine et
23 non pas seulement sa propre armée. C'est là l'objectif de cette décision.
24 La 2ème phrase que vous avez lue veut dire, en fait, qu'il faut
25 entamer des négociations visant à canaliser l'évolution de la situation,
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1 notamment relative à la création de l'Herceg-Bosna au sein d'un nouvel
2 État de Bosnie-Herzégovine. Voilà les commentaires que je ferais à l'égard
3 de ces deux paragraphes.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur, je
5 voudrais attirer votre attention sur le terme de gouvernement temporaire
6 civil.
7 M. Bianchini (interprétation). - Oui.
8 M. Mikulicic (interprétation). - Êtes-vous d'accord, Monsieur le
9 professeur, pour dire que cet accord avait déterminé que les formes
10 d'organisation du pouvoir civil au niveau de l'Herceg-Bosna sont
11 temporaires ?
12 M. Bianchini (interprétation). - Oui, oui, temporaires. Vous
13 avez raison. Ce n'était pas véritablement temporaire parce que, par la
14 suite, il y a eu une certaine évolution. Mais de tout façon, c'est quelque
15 chose de nouveau et je suis d'accord avec vous.
16 M. Mikulicic (interprétation). - En ce qui concerne l'évolution
17 des événements, il a été convenu que les négociations vont se poursuivre,
18 ce qui a été dit précédemment, Monsieur le professeur, vous êtes bien
19 d'accord avec moi. On n'a pas défini que ceci serait l'aboutissement
20 définitif et que l'on allait poursuivre les négociations. Monsieur le
21 professeur, êtes-vous d'accord avec moi ?
22 M. Bianchini (interprétation). - Oui, vous avez raison c'était
23 l'objectif.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur, vous
25 avez parlé tout à l'heure de cette possibilité d'acquérir la citoyenneté.
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1 Je vais vous demander maintenant de bien écouter la lecture du point 7.
2 "Point 7. La République de Bosnie-Herzégovine et la République
3 de Croatie, permettront réciproquement à leurs citoyens d'acquérir la
4 double citoyenneté".
5 M. Bianchini (interprétation). - Oui, en effet, c'est la
6 reconnaissance de la double citoyenneté. C'est réciproque. J'insiste sur
7 le mot réciproque, c'est extrêmement important. Je pense que nous nous
8 sommes bien mis d'accord.
9 Cela veut dire qu'aussi bien les Bosniaques que les Croates
10 doivent accepter la réciprocité, car un certain nombre d'amendements en
11 décembre dernier ont été apportés à la constitution : les Musulmans
12 n'existent plus en tant que minorité.
13 M. Mikulicic (interprétation). - On ne parle pas de cette
14 période-là.
15 M. Bianchini (interprétation). - Oui, je le sais. Pour le
16 moment, on n'en parle pas, mais on le sait.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Le point 8, vous l'avez déjà
18 commenté, Monsieur le professeur, tout au début. Je vais prendre le
19 paragraphe 2 du point 8 qui suit, en quelque sorte, l'attitude commune des
20 deux présidents, à savoir que la République de Bosnie-Herzégovine est
21 soumise à l'agression des forces serbes et monténégrines. C'est dans ce
22 contexte-là que ce paragraphe 2 a été stipulé.
23 Je cite le paragraphe 2, point 8. "Dans ce but, les deux États
24 poursuivront la coopération fructueuse comme jusqu'à maintenant et une
25 coordination de leurs opérations de défense, notamment dans les zones
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1 frontalières entre les deux États".
2 Monsieur le professeur, seriez-vous d'accord avec moi pour dire
3 que même avant cet accord, il y avait une coopération fructueuse et que
4 cette coopération se poursuivrait, comme il a été libellé au paragraphe 2
5 du point 8 ?
6 M. Bianchini (interprétation). - Non. Non, non, je ne suis pas
7 d'accord. Je ne suis absolument pas d'accord. Il s'agit là d'une phrase
8 par laquelle on essaie de démontrer une ambiance de coopération qui, en
9 fait, n'existait pas. C'est une coopération qui n'existait pas.
10 Tout au début, effectivement, il y avait une coopération, quand
11 ce qui allait se passer n'était pas encore clair. C'était les sept
12 premières semaines de la guerre, on ne savait pas très bien comment la
13 guerre allait évoluer. Vous n'êtes pas sans savoir que les Serbes, les
14 Monténégrins, la JNA avaient organisé des attaques sur le territoire de la
15 Bosnie occidentale et orientale, ceci pour créer un corridor entre les
16 deux régions.
17 Les Musulmans de Bosnie, mais aussi les citoyens en général, qui
18 ne disposaient pas d'armes ont essayé de s'organiser, de protéger leur
19 propre foyer, de protéger la région qu'ils habitaient. C'était le tout le
20 début de la guerre et une fois qu'ils ont vu que d'autres s'organisaient
21 pour faire face à cette agression, il y avait également un certain nombre
22 de Croates en Bosnie centrale qui se sont joints à ce groupement. Je dis
23 bien que c'étaient les sept premières semaines.
24 Mais par la suite, il y a eu la polarisation. Chacun de son
25 côté, chacun dans son groupe. Nous avons beaucoup de documents qui en
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1 parlent. Le 12 avril de cette année, par exemple, Bobetko a donné l'ordre
2 d'enlever, comme je l'ai dit, les insignes de l'armée du HVO en Bosnie.
3 Bien avant l'accord, au moment où Mostar a été libérée par l'armée croate
4 et par le HVO, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait considéré qu'il
5 serait soutenu par les Croates pour défendre Sarajevo encerclée, mais
6 malheureusement le gouvernement de la Croatie ne l'a pas fait. C'est la
7 raison pour laquelle ils sont allés à Zagreb pour négocier et inclure la
8 phrase dont vous avez parlé.
9 Tout ceci pour essayer de réduire les tensions et essayer de
10 coopérer entre les Musulmans et les Croates. Mais personnellement, quand
11 on parle de la coopération auparavant, je pense qu'elle était inexistante.
12 Bien évidemment, il y a les hommes politiques, mais ils parlent un autre
13 langage, c'est un autre vocabulaire. Ils ont plutôt espéré avoir une
14 coopération à l'avenir. Mais ce n'était pas vrai.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Quoi qu'il en soit, Monsieur le
16 professeur, vous êtes d'accord pour dire que nous avons un document qui
17 est officiel et qui a été signé par les deux présidents des deux États ?
18 Cela, c'est un fait. Je suppose que nous ne pouvons pas dire qu'il s'agit
19 d'une phrase que je voulais que vous commentiez et qu'elle ne serait pas
20 importante. Qu'en pensez-vous ?
21 M. Bianchini (interprétation). - C'est une phrase diplomatique.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Dans le paragraphe 3 du même
23 point, il est dit que si l'on n'arrête pas l'agression de manière urgente
24 "on examinera, on entreprendra toutes les démarches possibles pour aboutir
25 à une coopération plus large, plus diversifiée dans le domaine militaire,
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1 pour harmoniser les opérations militaires pour pouvoir faire face aux
2 dangers auxquels ils sont exposés". Pouvons-nous bien constater qu'il
3 s'agit de l'agression des forces serbe et monténégrine sur l'armée
4 bosniaque et sur la République de Croatie ?
5 M. Bianchini (interprétation). - Oui.
6 M. Mikulicic (interprétation). - Je vais demander le versement
7 au dossier. Vous allez prendre le numéro de la cote suivante, s'il vous
8 plaît.
9 M. le Président. – (Hors micro).
10 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous
11 déposons une motion, uniquement au sujet du point qui a été défendu, parce
12 que nous n'avons pas la traduction et nous attendons cette traduction pour
13 pourvoir faire notre commentaire. Je suis sûr que nous ne ferons pas
14 opposition, mais, pour le moment, comme je n'ai pas le document sous les
15 yeux en langue anglaise, je préfère avoir la traduction écrite. Ensuite,
16 nous ferons le commentaire.
17 M. le Président. - Nous ne pouvons pas ajouter le document sans
18 la traduction. On peut parler de cette façon du document, comme nous avons
19 parlé des constitutions. Nous n'avons pas ajouté les constitutions. Mais,
20 comme pièce à conviction, il n'est pas possible de faire la jonction sans
21 avoir la traduction. On peut quand même laisser le document et ensuite
22 vous pourrez faire une requête pour la jonction.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
24 La défense vous a demandé pardon car nous vous avions dit que nous
25 n'avions pas véritablement la possibilité de faire traduire le texte. Mais
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1 nous le ferons. Nous comprenons que c'est à cette époque-là que nous
2 allons demander de verser la preuve au dossier, comme cela se fait
3 régulièrement.
4 Mme Fauveau. - La pièce est marquée pour l'identification comme
5 la pièce de la défense n° D-7.
6 M. Mikulicic (interprétation). – Pour ce qui est de l'accord sur
7 lequel nous avons fait des commentaires, on parle du souhait des deux
8 présidents de poursuivre les réunions et ceci dans le but d'aboutir à la
9 mise en application de l'accord. Je vais demander à M. l'huissier de bien
10 vouloir montrer à M. le professeur la pièce 126-F, s'il vous plaît.
11 Nous voyons qu'il s'agit d'un document des Nations Unies du
12 26 avril 1993, lettre que l'ambassadeur de la République de la Croatie aux
13 Nations Unies, M. Mario Nobilo, avait adressée au Conseil de sécurité.
14 Dans cette lettre, il y a également une annexe, qui est une déclaration
15 conjointe de M. Alija Izetbegovic et de M. Mate Boban de l'autre côté, à
16 l'occasion de la réunion tenue le 24 avril. Faites attention aux dates,
17 c'est deux jours après l'accord Tudjman-Izetbegovic…
18 Excusez-moi, je recommence… Vous avez donc fait le commentaire
19 de cette déclaration. Mais, Monsieur le professeur, il nous reste
20 également à faire maintenant… J'ai fait une chronologie qui n'était pas la
21 bonne. Donc, je retire cette question et je vais recommencer, Monsieur le
22 professeur.
23 Je vais demander à M. l'huissier de bien vouloir montrer à
24 Monsieur le professeur, le document que j'ai dans les mains. J'ai un autre
25 exemplaire pour les Juges et pour le Procureur.
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1 (La pièce est remise au témoin).
2 Mme Fauveau. – La pièce de la défense D-8.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Il s'agit du document du 22
4 avril 1993, l'appel du président de la République de Croatie, Franjo
5 Tudjman.
6 Connaissez-vous cet appel, Monsieur le professeur ?
7 M. Bianchini (interprétation). – Très vaguement. Mais je ne l'ai
8 pas lu.
9 M. Mikulicic (interprétation). – Pourriez-vous juste jeter un
10 coup d'œil sur ce document et faire un commentaire, nous dire quels sont
11 l'objectif et le contenu du document, Monsieur le professeur ?
12 M. Bianchini (interprétation). – Oui. Je le connais, comme je
13 l'ai dit, vaguement. Je sais que M. Tudjman avait lancé un tel appel. Je
14 sais qu'il avait pour objectif d'arrêter les opérations militaires en
15 cours sur le territoire de Bosnie. La guerre était déclenchée. Je pense
16 aux Croates et aux Musulmans qui étaient en conflit à ce moment-là et aux
17 opérations militaires qui avaient commencé entre les deux parties.
18 Mais je pense que cet appel a simplement été lancé parce que
19 M. Tudjman a subi une pression de la communauté internationale à cette
20 époque-là. De l'autre côté, il y avait cette alliance avec les Musulmans,
21 même si cela devait normalement être dans l'intérêt du gouvernement
22 croate, c'était une attitude officielle. Mais, je pense que c'était, tout
23 simplement, sous l'influence, comme je l'ai dit, de la communauté
24 internationale.
25 M. Mikulicic (interprétation). – Vous voulez dire que c'est la
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1 pression de la communauté internationale qui est la cause de l'appel qui a
2 été lancé ?
3 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
4 M. Mikulicic (interprétation). – Pouvons-nous maintenant voir le
5 dernier paragraphe de ce document. En vue d'aboutir à la paix, de
6 maintenir l'alliance importante du point de vue stratégique de l'autre
7 côté pour la mise en application du plan Vance-Owen, les deux parties,
8 Mate Boban et Izetbegovic, se mettent d'accord pour rencontrer Vance et
9 Owen à Zagreb le 24 avril 1993. C'est le dernier paragraphe.
10 Maintenant, nous allons examiner la pièce 226-F, la pièce que
11 j'ai versée tout à l'heure, du 24 avril 1993. Sous les auspices de Owen,
12 une réunion est organisée à laquelle assistent MM. Mate Boban et
13 Izetbegovic. Le résultat de la rencontre est une déclaration commune,
14 comme cela a été indiqué dans le document 126-F.
15 Monsieur le professeur, pourriez-vous commenter cette réunion et
16 ses résultats à travers cette déclaration conjointe ?
17 M. Bianchini (interprétation). - Pour ce qui est de la
18 déclaration, je me dois de vous dire premièrement que le point 2 est le
19 plus important. Il y est précisé que toutes les unités militaires de
20 l'armée bosniaque et du HVO devraient arrêter leurs hostilités. Par
21 conséquent, c'est le paragraphe le plus important de cette déclaration car
22 c'est la preuve qu'il y avait la volonté d'arrêter les opérations
23 militaires dans le but, non seulement de les arrêter, mais dans l'espoir
24 qu'il ne s'agissait que d'incidents, c'était la raison.
25 Pour le résultat, le document n'a pas donné véritablement
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1 d'effets très importants, d'autant plus que les tensions se sont accrues
2 aux mois de mai et de juin. C'était une tentative politique de plus pour
3 arrêter les tensions.
4 M. le Président. - Nous allons nous interrompre. Nous avons un
5 petit problème technique avec la vidéo de Monsieur le Juge Nieto Navia,
6 nous allons faire une pause de vingt minutes.
7 (La séance, suspendue à 10 heures 20, est reprise à
8 10 heures 45)
9 M. le Président. – Maître Mikulicic, vous pouvez continuer.
10 M. Mikulicic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
11 Monsieur le professeur, nous nous sommes arrêtés au document datant du
12 25 avril 1993 adressé par le représentant permanent de la République de
13 Croatie auprès des Nations Unies. Et l'on parle aussi de la réunion
14 conjointe du 25 avril 1993 à Zagreb.
15 Monsieur le professeur, dans votre déposition, vous avez fait un
16 commentaire de ce
17 document. J'aimerais tout simplement vous poser quelques questions
18 supplémentaires.
19 Tout d'abord, nous sommes d'accord, tout du moins je le pense,
20 sur le fait qu'il s'agit d'un document qui est en quelque sorte une
21 conséquence de ce qui s'est passé auparavant et, surtout, l'objectif est
22 d'arrêter les opérations militaires. Je vais attirer votre attention sur
23 le début de ce document, si vous voulez bien faire un commentaire plus
24 détaillé au sujet du point n° 5.
25 M. Bianchini (interprétation). – Personnellement , je considère
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1 que la déclaration est claire. On parle de l'arrêt des hostilités entre
2 les unités militaires du HVO d'un côté, et de l'armée bosniaque, ce qui
3 est contraire à la politique convenue entre les deux peuples. Il était
4 donc indispensable d'arrêter ces opérations militaires, car poursuivre les
5 opérations militaires de ce genre-là ne pouvait que mettre en cause
6 l'intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine.
7 C'est la raison pour laquelle on insiste sur le fait qu'il est
8 indispensable de faire face à l'agresseur qui a pour objectif de disloquer
9 le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Il s'agit d'un document assez
10 clair sur ce plan-là.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Il y a eu, par conséquent, des
12 conflits entre les deux unités militaires et, politiquement parlant, on a
13 surtout demandé dans le document de tenir compte de l'intégrité
14 territoriale de la Bosnie-Herzégovine, en accord avec le plan Vance-Owen.
15 C'est cela le sens même de ce point-là, Monsieur le professeur ?
16 M. Bianchini (interprétation). – Oui, c'est la signification de
17 ce document -j'insiste- diplomatique.
18 M. Mikulicic (interprétation). - Quand vous avez fait le
19 commentaire du document, Monsieur le professeur, vous avez parlé de
20 l'aspect étrange de ce document, c'est-à-dire qu'il a été signé par le
21 Dr Franjo Tudjman. Compte tenu du fait que le document qui avait précédé,
22 l'appel du Président Tudjman que nous avons vu tout à l'heure, a été lancé
23 deux jours auparavant et dans ce document, il invitait, conformément au
24 plan Vance-Owen, les dirigeants croates et bosniaques de Bosnie-
25 Herzégovine à organiser la réunion sous les auspices de Vance-Owen.
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1 Monsieur le professeur, ne pensez vous pas qu'il est étrange que le
2 Dr Tudjman qui a déjà lancé l'appel soit celui qui accueille la réunion ?
3 C'est lui qui avait appelé à une telle action. Pensez-vous que
4 c'est de cette manière-là que nous pourrions expliquer la signature du
5 Dr Tudjman sur le document en question ?
6 M. Bianchini (interprétation). - Dans un certain sens, pas tout
7 à fait. Je pense que si vous avez en vue le fait que l'initiative, donc
8 est effectivement venue du Dr Tudjman, à ce moment-là, le problème ne se
9 pose pas et vous avez raison de donner une telle interprétation.
10 Mais il faut voir cette réunion dans le contexte de la
11 dislocation de la Yougoslavie. C'est un contexte particulier où beaucoup
12 de difficultés ont surgi au niveau de la Bosnie-Herzégovine. Il y avait
13 cette nécessité du Dr Tudjman d'être en bon termes avec Izetbegovic. Je
14 souligne ce fait-là et je vous invite à y réfléchir.
15 En juillet 1992, quand Tudjman et Izetbegovic se sont rencontrés
16 pour signer l'accord dont vous avez parlé et dont nous avons examiné
17 l'objet, l'objectif principal de Tudjman était de créer une alliance
18 militaire afin de légitimer le rôle de l'armée croate en Bosnie-
19 Herzégovine, alors que ce n'était pas l'issue de la réunion.
20 Il a été indispensable d'entreprendre de telles démarches du
21 point de vue juridique. Il est très important d'examiner la pièce à
22 conviction de cette manière-là, mais de l'autre côté, vous avez les hommes
23 politiques. Ceux-ci ont d'autres objectifs, des objectifs politiques. Sur
24 le plan formel, il avait fait un appel mais, de l'autre côté, il faut
25 avoir en vue également le fait que Mate Boban était là également pour
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1 protéger, en quelque sorte. Il faisait part de ce qui se passait sur le
2 terrain et il savait très bien qu'il avait une armée sur place, qu'il
3 voulait maintenir l'alliance et qu'il y avait des offensives du côté du
4 JNA. Il voulait donc protéger sa propre armée. Il faut voir le contexte
5 général.
6 M. Mikulicic (interprétation). - C'est un fait que, sous les
7 auspices de la communauté internationale, la réunion a eu lieu. Êtes-vous
8 d'accord, Monsieur le professeur ?
9 M. Bianchini (interprétation). - Oui.
10 M. Mikulicic (interprétation). - En ce qui concerne le
11 commentaire, page 4, il s'agit d'un accord, l'accord des représentants du
12 peuple bosniaque et du général Halilovic et le général Petkovic.
13 Je vais, Monsieur le professeur, vous demander de nous faire un
14 commentaire sur l'annexe de l'accord en question. Vous avez d'abord le
15 point 1. "L'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO maintiennent donc leur
16 propre identité, leur structure, comprendront tous les aspects, le
17 personnel logistique, administration, entraînement, morale et identité.
18 Ces deux armées auront un commandement conjoint qui va donc contrôler les
19 régions militaires. Le commandement se composera de deux généraux, le
20 général Halilovic et le général Petkovic qui sont les deux commandants en
21 chef".
22 Pensez-vous, Monsieur le professeur, qu'il s'agit là d'un accord
23 qui est la suite de la réunion de Zagreb, de l'accord qui a été signé à ce
24 moment-là ?
25 M. Bianchini (interprétation). - Je ne sais pas si le terme
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1 d'accord militaire est le mieux choisi. Je ne vois pas très bien quelle
2 est la signification de ce terme, en effet.
3 Si vous pensez qu'un accord militaire est un accord passé entre
4 deux armées, par exemple l'armée de Croatie et l'armée de Bosnie-
5 Herzégovine, ce serait un tel accord. Mais ceci ne se présente pas ici. Il
6 s'agit ici d'un accord entre deux unités de l'armée de l'État de Bosnie-
7 Herzégovine. N'oublions pas que nous parlons dans le cadre d'un seul et
8 même État.
9 Document des plus intéressant que celui-ci. En effet, c'est là,
10 peut-être, la dernière tentative déployée en vue de trouver un compromis.
11 Je crois que je préfère ce terme de compromis à celui d'accord militaire.
12 Compromis en vue d'assurer la reconnaissance mutuelle de deux unités
13 militaires. Pour Izetbegovic, ici, c'est un pas en arrière par rapport aux
14 mesures obtenues, par rapport aux vues qu'il voulait défendre au cours de
15 la réunion de juillet 1991, réunion au cours de laquelle il fut dit que le
16 HVO faisait partie de la Bosnie-Herzégovine.
17 Ici, dans ce document-ci, on envisage déjà une espèce de
18 confédération avec deux armées différentes disposant d'un commandement
19 conjoint, lequel peut avoir des réunions hebdomadaires. Là, il s'agit,
20 sous cet angle, d'un compromis qui est restée lettre morte. Nous le
21 savons. Mais c'était une tentative qui visait à enrayer les affrontements.
22 On envisage un accord militaire, peut-être de deux unités dans un seul et
23 même État.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Nous allons abandonner ce
25 document et je demanderai à Monsieur l'huissier de remettre au témoin un
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1 autre document. Nous allons demander que ce document soit versé au dossier
2 comme pièce de la défense et nous aimerions obtenir une cote pour ce
3 document.
4 Mme. Fauveau. - Document de la défense D-9.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur,
6 connaissez-vous cette déclaration formulée à la suite de la réunion de
7 Izetbegovic et Mate Boban à Mostar, le 2 avril 1993 où il est fait
8 référence aussi au document que nous venons d'analyser ?
9 M. Bianchini (interprétation). - Ceci intervient avant les
10 affrontements militaires à Travnik, cinq jours auparavant.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Quel est le commentaire général
12 que vous pourriez formuler à partir de cette déclaration conjointe des
13 représentants de ces deux entités de Bosnie-Herzégovine ? Je me
14 contenterai de vous demander de tenir compte de la date qui est celle
15 du 2 avril ainsi que de la date à laquelle les Musulmans ont signé le plan
16 Vance-Owen, fin mars 1993, en l'occurrence. Il y a donc eu cette signature
17 huit jours après la signature du plan Vance-Owen par les Musulmans, et
18 Mate Boban avait déjà signé en janvier de cette année-là. Quel est votre
19 commentaire ?
20 M. Bianchini (interprétation). – Il s'agit ici d'une autre
21 déclaration faite dans ce
22 contexte que vous venez d'évoquer.
23 Cette déclaration a pour but de mettre un terme aux hostilités
24 qui se produisirent entre les unités du HVO et l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine, c'est le point 5 et le point 1 qui le rappellent. Ce document
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1 en tient compte, puisque qu'il est formulé en avril avant les hostilités
2 de Travnik, mais après les événements de Busovaca en janvier et en
3 février. C'est donc là le contexte dans lequel il faut étudier cette
4 déclaration.
5 Lorsqu'Izetbegovic accepte de signer le plan Vance-Owen, élément
6 important, en fait ils se sont basés sur différents documents qui furent
7 soumis non seulement en janvier, mais aussi en février et en mars, parce
8 que le gouvernement d'Izetbegovic voulait obtenir davantage de garanties.
9 Les tractations se poursuivirent donc. C'est dans ce contexte qu'il faut
10 voit cette déclaration, qui est une nouvelle tentative visant à arrêter
11 ces heurts et ces affrontements qui s'étaient déjà produits depuis la mi-
12 juin 1992.
13 M. Mikulicic (interprétation). – Nous sommes donc d'accord de
14 façon générale pour dire que c'est une nouvelle tentative menée par les
15 deux parties en conflit de mettre un terme et de trouver une solution à
16 ces tensions ?
17 M. Bianchini (interprétation). – Le conflit n'a pas été résolu.
18 Il y a eu des tentatives à cette fin, mais ce furent des tentatives qui
19 avaient pour but d'informer les deux armées pour qu'elles ne se heurtent
20 pas.
21 M. Mikulicic (interprétation). – En gardant à l'esprit l'accord
22 entre Tudjman et Izetbegovic, en juillet 1992 où les deux parties se
23 mirent d'accord pour qu'il y ait des réunions des deux présidents, des
24 contacts poursuivis sur la base de cet accord. De telles réunions ont-
25 elles finalement eu lieu ?
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1 M. Bianchini (interprétation). – De façon générale, on peut dire
2 "oui". Je ne sais pas si ces réunions furent nombreuses ou seulement de
3 deux par an et si elles ont toutes eu lieu. Mais il y a eu des réunions
4 entre ces deux hommes. Il y a eu aussi des réunions entre Tudjman
5 et Milosevic, qui se sont rencontrés quarante-huit fois pendant la période
6 du conflit.
7 M. Mikulicic (interprétation). – Professeur, avez-vous des
8 informations relatives à la réunion des deux présidents en octobre de
9 cette année-là à Genève ou plutôt en septembre ? Je demanderais à
10 M. l'huissier de nous aider et de remettre au témoin cette déclaration que
11 je vais lui donner.
12 (La pièce est remise au témoin).
13 Il y a trois pages à ce document. Et je remets tous les
14 exemplaires nécessaires.
15 Mme Fauveau. - Document de la défense D6-10.
16 M. Mikulicic (interprétation). – Ces deux présidents se sont-ils
17 bien rencontrés en octobre cette année-là à Genève ? Parce qu'il y avait
18 un accord précédent établissant qu'ils auraient des réunions afin de
19 trouver une solution à ce problème. Cette déclaration conjointe constitue-
20 t-elle une autre tentative de trouver une solution au conflit qui
21 sévissait ? Serait-ce là votre avis ?
22 M. Bianchini (interprétation). – Dans une certaine mesure, j'ai
23 lu ce document, bien sûr. Et ce qui m'a intéressé tout particulièrement,
24 c'est un point précis dans lequel j'ai trouvé la source de nouvelles
25 inquiétudes et de nouveaux antagonismes entre la Bosnie-Herzégovine et la
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1 Croatie. J'essaye de retrouver ce point dans le document, là où l'on parle
2 d'une union.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur,
4 essayons d'abord de confirmer certains points. D'après vous, ce document
5 constitue-t-il une tentative menée par ces deux présidents pour essayer de
6 trouver une solution au conflit qui s'est produit en Bosnie-Herzégovine ?
7 Je m'explique : ces deux hommes se sont mis d'accord sur
8 l'établissement de groupes de travail, lesquels auraient pour tâche de se
9 pencher sur le problème lié à la situation qui prévalait en Bosnie-
10 Herzégovine. Je pense surtout au paragraphe 1er, aux points 4, 5 et 6.
11 Puis il y a le point 3 où apparaissent les noms de ceux qui sont
12 à la tête des groupes de travail chargés de résoudre la question. A cet
13 égard, ceux-ci représentent une véritable nouvelle tentative de régler
14 cette situation qui s'était présentée sur le territoire de la Bosnie-
15 Herzégovine. Êtes-vous de cet avis ?
16 M. Bianchini (interprétation). – Mais que partiellement. Certes,
17 une décision a été prise au point 2, ici page 2, de prévoir "le
18 démantèlement bilatéral et inconditionnel de tous les camps de
19 détentions", par exemple. Fin de citation.
20 Il y a eu beaucoup de réunions organisées, des accords ont été
21 passé sur le papier mais pas sur le terrain. Il n'y a rien eu sur le
22 terrain. Je m'attache au point 5 : "constituer un groupe de travail qui se
23 pencherait sur les questions liées à la délimitation territoriale, à
24 établir entre les deux républiques dans cette union de Bosnie-Herzégovine,
25 qui est envisagée, y compris l'accès a à la mer, qui pourrait constituer
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1 une question d'intérêt commun". Tout de suite, cette question s'est posée
2 et cela a été une source de conflit jusqu'aujourd’hui. La question de
3 Ploce se discute encore aujourd’hui entre ces deux hommes, Tudjman et
4 Izetbegovic. Tout ceci pour dire que c'est un document parmi d'autres,
5 resté sans aucun effet.
6 M. Mikulicic (interprétation). - Mais seriez-vous d'accord pour
7 dire que c'est là une de ces tentatives ? Vous même, vous avez dit qu'il y
8 avait toute une série de tentatives déployées pour tenter de trouver une
9 solution à cette question ?
10 M. Bianchini (interprétation). – Si l'on veut utiliser la langue
11 diplomatique, effectivement se sont des termes que l'on pourrait retenir
12 pour qualifier la situation.
13 M. Mikulicic (interprétation). - S'agissant de la période qui
14 nous intéresse depuis la date de la reconnaissance de l'indépendance de
15 la. Bosnie-Herzégovine de 1992 jusqu'en 1993, vous avez parlé de la
16 diplomatie. Quelles étaient les relations diplomatiques entre ces deux
17 pays ? Ces contacts étaient-ils établis au niveau des ambassades ? Y
18 avait-il des échanges d'ambassadeurs ? Y avait-il des échanges
19 diplomatiques ?
20 M. Bianchini (interprétation). – A ma connaissance, ils avaient
21 des représentants diplomatiques. Il y avait un haut représentant à Zagreb
22 de la Bosnie-Herzégovine et, effectivement, ils ont essayé d'avoir des
23 contacts entre eux. Mais je ne sais pas quand il y a eu présence de ces
24 représentants dans ces deux capitales. C'est plus tard qu'il y a eu des
25 ambassadeurs, étant donné la situation tout à fait particulière, pendant
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1 très longtemps. Pour nombre de raisons, il n'était pas possible d'entrer à
2 Sarajevo. Voilà comment se présentait la situation.
3 M. Mikulicic (interprétation). - L'ambassadeur de Croatie à
4 Sarajevo est arrivé à Sarajevo en juin 1994. Mais savez-vous à quel moment
5 l'ambassadeur de Bosnie est arrivé à Zagreb ?
6 M. Bianchini (interprétation). – Je suppose que c'est aussitôt
7 après la reconnaissance de l'indépendance, parce que Zagreb n'était pas
8 menacé de guerre. Il était plus facile, là, d'établir tout de suite des
9 contacts.
10 M. Mikulicic (interprétation). – Il y avait moins de difficultés
11 qu'à Sarajevo ?
12 M. Bianchini (interprétation). – Effectivement.
13 M. Mikulicic (interprétation). - Au cours des années 1992, 1993
14 et 1994, y a-t-il eu des contacts bilatéraux entre la Croatie et la
15 Bosnie-Herzégovine ou ces contacts ont-ils été interrompus ?
16 M. Bianchini (interprétation). - Je pense que des contacts ont
17 été maintenus dans la mesure du possible entre ces deux États et l'on peut
18 comprendre pourquoi.
19 M. Mikulicic (interprétation). - J'ai un autre document qui a
20 subi le même sort que le document sur lequel Me Niemann avait une
21 objection. Je vais me contenter de demander l'enregistrement de ce
22 document et, par la suite, je fournirai la traduction. Le
23 professeur Bianchini comprend le serbo-croate et avec votre accord,
24 Monsieur le Président, je demanderai un commentaire du professeur sur ce
25 document.
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1 Mme Fauveau. - Le document est marqué comme document de la
2 défense D-11.
3 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur,
4 pourriez-vous communiquer la teneur de ce document à l'intention
5 des Juges ?
6 M. Bianchini (interprétation). - C'est une information envoyée
7 par la République ou plus exactement par l'ambassade de la République de
8 Bosnie-Herzégovine au ministre des affaires étrangères de la République de
9 Croatie.
10 Y sont contenus des renseignements relatifs à la désignation de
11 6 personnes d'un côté, et de 21 de l'autre. Ces personnes devront faire
12 office de représentants économiques et militaires à Zagreb, en qualité de
13 représentants du commandement de la République de Bosnie à Zagreb. Si je
14 comprends ce document, il s'agit de renseignements concernant les
15 personnes qui travaillent dans les deux ambassades.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Si l'on en croit ce document et
17 les conclusions tirées dans ce document, document en date du 23 juillet et
18 on voit le sceau, l'accusé de réception du ministère des affaires
19 étrangères...
20 Au vu de tout ceci, pensez-vous, vous aussi, que ce document
21 indique qu'à cette période-là, en juillet 93, il y avait des conflits sur
22 le territoire de la Bosnie-Herzégovine entre des unités croates et des
23 unités musulmanes et que le représentant de l'ambassade de Bosnie-
24 Herzégovine avait recruté beaucoup d'effectifs, depuis les unités de
25 logistique de l'état-major principal des forces armées de la République de
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1 Bosnie-Herzégovine, notamment à Split ?
2 Mais une autre conclusion est également avancée. On traduisait,
3 en réalité, les liens qu'il fallait établir entre les deux États,
4 notamment au niveau militaire et au niveau des ambassades. Êtes-vous
5 d'accord avec la conclusion que je viens de tirer ?
6 M. Bianchini (interprétation). - Pour autant que je connaisse
7 l'organisation des services diplomatiques, en effet, il y a un
8 représentant de la Bosnie-Herzégovine ou du moins une représentation de la
9 Bosnie-Herzégovine qui existait et qui était effective à Zagreb, en
10 Croatie.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Merci. Professeur, nous avons
12 dit aujourd'hui qu'au cours des malheureux événements qui se sont produits
13 en Croatie, en dépit de cette situation, la Croatie a connu un afflux
14 massif de réfugiés et même M. Izetbegovic a manifesté sa gratitude à la
15 République de Croatie dans le cadre des réunions qu'il avait avec Tudjman.
16 Je vais demander, simplement à titre d'illustration, que soit
17 remis ce document au témoin., la pièce P-120. C'est une carte prise d'un
18 atlas mais que vous avez modifiée de telle sorte que la Chambre de
19 première instance puisse mieux se rendre compte de la situation sur le
20 terrain, carte de la Bosnie-Herzégovine dont vous avez dit qu'elle avait
21 été établie à partir de vos instructions.
22 Je vais l'utiliser simplement pour que vous nous expliquiez et
23 que vous expliquiez aux Juges et à nous-mêmes quels sont les États avec
24 lesquels la Bosnie a des frontières au sud-est et au nord-ouest.
25 M. Bianchini (interprétation). – La Bosnie-Herzégovine a des
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1 frontières avec la Croatie le long de ses contours, aussi avec la Serbie
2 et le Monténégro. A d'autres moments de la guerre, la Bosnie avait à ses
3 confins la Krajina serbe auto-proclamée qui s'étendait sur ce territoire-
4 ci, au nord-est, plus ou moins.
5 M. Mikulicic (interprétation). - Et vous pouvez donc corroborer
6 cette conclusion, à savoir que la Bosnie-Herzégovine d'un côté avait une
7 frontière avec la République de Croatie, de l'autre côté avec la
8 République de Serbie et du Monténégro, entité que la Bosnie-Herzégovine
9 avait qualifiée d'agresseur sur le territoire de Bosnie-Herzégovine avec,
10 d'un autre côté, des alliés et il y a aussi la République de Krajina serbe
11 auto-proclamée, et du troisième côté, une partie de la frontière avec la
12 République de Croatie ? C'était à ce moment-là la seule frontière
13 franchissable ?
14 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
15 M. Mikulicic (interprétation). - Alors que la guerre sévit en
16 Bosnie-Herzégovine, vous et moi, tous, nous sommes témoins du secours
17 humanitaire important accordé par la communauté internationale pour aider
18 ces peuples en détresse.
19 Quels furent les itinéraires choisis pour ces convois
20 humanitaires afin d'arriver en Bosnie-Herzégovine ? Je ne parle pas ici
21 bien sûr d'un itinéraire absolument précis. Je vous demande de formuler
22 cela de façon générale.
23 M. Bianchini (interprétation). – La carte le montre, la seule
24 possibilité d'accès à la Bosnie, c'était par le territoire croate, c'est
25 manifeste. Je connais beaucoup de ceux qui ont apporté un soutien
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1 considérable à la population de Bosnie-Herzégovine, je sais qu'il y en a
2 eu en Italie aussi et c'est de Split qu'ils sont partis pour aller vers
3 d'autres parties de la Bosnie, mais ceci de façon très générale.
4 M. Mikulicic (interprétation). – Seriez-vous d'accord pour dire,
5 professeur, qu'en dépit du fait qu'en 1991 il y a eu l'embargo, notamment
6 en matière d'armes, prononcés par les Nations Unies, malgré tout, il y a
7 eu pas mal de contrebande, de telle sorte que des armes sont parvenues sur
8 le territoire de la Bosnie-Herzégovine ?
9 M. Bianchini (interprétation). – Tout à fait.
10 M. Mikulicic (interprétation). - S'agissant de la question du
11 transport d'armes, est-ce que la même chose vaut que ce que nous avons dit
12 pour le secours humanitaire ? Est-ce que cela passait surtout par la
13 Croatie ?
14 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
15 M. Mikulicic (interprétation). – Accepteriez-vous cette thèse
16 selon laquelle la République de Croatie aurait pu interrompre tout secours
17 humanitaire qui était acheminé par son territoire, si elle l'avait voulu ?
18 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
19 M. Mikulicic (interprétation). - Est-ce que ceci signifie que le
20 secours humanitaire,
21 les armes acheminées en Bosnie-Herzégovine l'ont été en toute connaissance
22 de cause de la République de Croatie ?
23 M. Bianchini (interprétation). – Dans une grande mesure. Je n'en
24 suis pas si sûr pour ce qui est des armes provenant des pays islamiques,
25 arabes, mais pour les autres cas, c'est vrai.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - Vous venez de parler des pays
2 arabes ou des intérêts islamiques. Pourriez-vous en quelques mots dire aux
3 Juges quel fut le rôle joué par ces contrées du monde ? Nous avons parlé
4 de l'Union européenne, des États-Unis, de la Russie. Mais quel fut le rôle
5 joué par les payes arabes, islamiques dans le cadre du conflit de Bosnie-
6 Herzégovine ?
7 M. Bianchini (interprétation). - Je me suis déjà prononcé sur le
8 sujet au cours d'audiences précédentes. La communauté islamique était
9 profondément divisée. Il y a eu beaucoup de paroles, beaucoup de discours,
10 mais peu d'actions. Beaucoup de paroles, notamment dans des enceintes
11 internationales. En effet, ces pays voulaient apporter leur soutien aux
12 communautés islamiques de Bosnie-Herzégovine. C'était l'idée.
13 Mais le problème venait du fait qu'une certaine division régnait
14 dans la communauté islamique. Il y avait l'Arabie Saoudite, l'Iran qui ne
15 partageaient pas les mêmes idées quant à la façon dont le monde islamique
16 devrait évoluer. Il y avait un soutien éventuel provenant de l'un ou
17 l'autre pays, soutien qui a peut-être eu des incidences variées. C'est un
18 premier facteur.
19 Deuxième facteur : cette communauté savait que toute action
20 enclenchée par la communauté islamique qui avait l'appui soutenu des
21 Musulmans de Bosnie allait susciter de vives inquiétudes au sein de la
22 communauté internationale et apporter de l'eau au moulin de ceux qui
23 disaient souvent en Bosnie que c'était une guerre de la chrétienté contre
24 l'Islam. Ce même argument a été repris par le HVO au moment du début des
25 affrontements avec les
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1 Musulmans.
2 C'est exactement la même chose dans le document, pour ne prendre
3 que l'exemple d'avril 1993, lorsque le groupe du HVO à Travnik envoie un
4 document à M. Tudjman et à M. Boban pour expliquer ce qui se passe à
5 Travnik, ce sont les Mudjahiddin qui sont accusés de ces faits. Et ces
6 termes sont utilisés. Il est certain que l'Iran a dépêché certains groupes
7 de Mudjahiddin. Et nous savons que, sitôt après la signature des accords
8 de Dayton, les États-Unis ont exercé un contrôle très rigoureux et ont
9 forcé ces personnes à quitter le pays, mais il y avait ces groupes de
10 personnes.
11 Quelle fut l'influence du monde islamique en Bosnie ? Rappelez-
12 vous, la Bosnie en général était assez athée, ne suivant pas vraiment la
13 foi. On voulait être musulman parce que l'on voulait se distinguer en tant
14 que communauté des Croates et des Serbes. C'était davantage cela qu'une
15 affiliation religieuse. Ce qui veut dire que l'incidence n'a été que
16 limitée.
17 Il y a eu certaines coopérations avec un courant du SDA dont
18 j'ai beaucoup parlé hier. C'est ce courant qui était favorable à la
19 division de la Bosnie pour créer un petit État musulman. C'était l'idée
20 défendue par les intégristes qui voulaient ainsi créer un premier noyau
21 destiné à assurer la propagation de la foi musulmane en Europe.
22 Mais si nous parlons de façon générale de la communauté
23 islamique, même en Turquie par exemple, la Turquie a tenu beaucoup de
24 discours, mais a mené peu d'actions, à ce point qu'Izetbegovic a souvent
25 été déçu devant le peu de soutien et de renfort apporté par les pays
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1 islamistes, si l'on compare cette réalité aux attentes qu'il avait.
2 M. Mikulicic (interprétation). - Vous avez déclaré, professeur,
3 que dans le monde islamique tous les pays membres de cette communauté
4 n'étaient pas d'accord sur la position à adopter. Vous avez également
5 déclaré qu'au sein de la population musulmane en Bosnie, les points de vue
6 étaient divergents.
7 Maintenant, je vais vous poser la question suivante : quelles
8 étaient les forces en
9 présence au sein de la communauté musulmane en Bosnie-Herzégovine et
10 quelles étaient leurs opinions vis-à-vis de cette situation ? Quels
11 étaient les courants prévalant et quels étaient les courants
12 minoritaires ?
13 M. Bianchini (interprétation). - C'est difficile à dire, surtout
14 pendant cette période de guerre. Il est difficile d'avoir une idée très
15 précise de la situation. Au vu de l'évolution de la situation, je peux
16 conclure que c'est le courant extrémiste qui était minoritaire.
17 M. Mikulicic (interprétation). - Vous parlez du courant
18 fondamentaliste ?
19 M. Bianchini (interprétation). – Absolument, les extrémistes. Ce
20 courant essayait d'exercer une pression sur Izetbegovic, mais il y avait
21 également un autre courant en présence qui allait dans le sens opposé, un
22 courant qui jouissait du soutien d'une grande partie de la population. Une
23 partie de la population qui n'était pas favorable au SDA mais qui était
24 favorable à d'autres partis politiques, à d'autres organisations
25 politiques telles que le SDP, le parti social-démocrate qui était en fait
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1 un parti issu de l'ancien parti communiste.
2 Une partie de la population était en faveur de la préservation
3 de l'intégrité de la Bosnie en tant que pays multiculturel, pluriethnique.
4 Cette partie de la population était absolument contre la mise en
5 application des plans Vance-Owen, Owen-Stoltenberg, contre l'application
6 de l'accord de Konjic. Et ce courant allait dans le sens contraire du
7 courant que l'on trouve également au sein du SDA. Je crois que l'on peut
8 dire que les extrémistes se trouvaient en minorité au sein du SDA.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Nous avons parlé de cette
10 situation de façon générale, nous avons vu quelle était la situation au
11 point de vue local. Seriez-vous d'accord pour dire que, dans certaines
12 régions de la Bosnie-Herzégovine, ces courants extrémistes étaient très
13 forts, beaucoup plus forts que les courants plus modérés qui circulaient
14 au sein de la population musulmane de Bosnie-Herzégovine ?
15 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
16 M. Mikulicic (interprétation). – Professeur, avez-vous
17 connaissance du fait qu'un certain nombre de membres des pays islamiques
18 au cours des événements de 1992-1993-1994 ont rejoint les rangs de l'armée
19 de Bosnie-Herzégovine ? N'est-il pas vrai également que des unités
20 envoyées par ces pays ont rejoint les rangs de l'armée de Bosnie-
21 Herzégovine ? Je me contenterai de citer l'unité Mudjahiddin qui a rejoint
22 le troisième corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
23 M. Bianchini (interprétation). - Je sais que ce type de brigade
24 existait effectivement et je sais que les États-Unis étaient
25 particulièrement préoccupés par ce type d'occurrence. C'est une des
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1 raisons pour lesquelles les États-Unis ont pris un certain nombre
2 d'initiatives au début de l'année 1994, initiatives visant à intervenir en
3 Bosnie-Herzégovine et à créer cette fédération croato-musulmane.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Vous venez de parler des
5 Nations Unies. Pouvez-vous nous expliquer quelle a été la réaction de la
6 Communauté européenne et des Nations Unies face à cette situation ? Vous
7 avez parlé des États-Unis, mais quelle a été la réaction de la Communauté
8 européenne et de ses membres ?
9 M. Bianchini (interprétation). - Elle était très préoccupée.
10 M. Mikulicic (interprétation). – Et cette préoccupation a-t-elle
11 pris la forme de documents officiellement publiés et rédigés ? Êtes-vous
12 au courant de cela ?
13 M. Bianchini (interprétation). - Je n'ai pas connaissance de ce
14 fait précis. Mais je sais qu'il y avait une grande préoccupation de la
15 part de la communauté internationale.
16 M. Mikulicic (interprétation). - Nous avons parlé de l'unité
17 Mudjahiddin qui faisait partie du troisième corps de Bosnie-Herzégovine.
18 Savez-vous dans quel secteur géographique de la Bosnie-Herzégovine cette
19 brigade était basée ?
20 M. Bianchini (interprétation). – Non. Je sais qu'il y avait une
21 brigade près de Zenica mais je ne peux pas être plus précis sur ce point.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur, nous
23 nous sommes mis d'accord sur le fait que la République de Croatie a
24 accueilli, en son temps, un grand nombre de réfugiés qui tâchaient
25 d'échapper à la guerre qui avait éclaté en Bosnie-Herzégovine.
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1 Nous avons déclaré aussi que la République de Croatie avait fait
2 en sorte que les convois d'aide humanitaire et que les convois d'armes
3 puissent traverser le territoire croate pour atteindre la Bosnie-
4 Herzégovine. Nous avons parlé également d'un accord intervenu entre
5 Izetbegovic et Tudjman, accord qui portait sur un certain nombre de
6 domaines de coopération.
7 Et nous avons également déclaré que dans les zones frontalières
8 entre la Bosnie et la Croatie, il y avait des unités de l'armée croate.
9 Maintenant, étant donné qu'actuellement nous sommes confrontés à un
10 certain nombre de phénomènes de même nature, je pense, par exemple, à la
11 Turquie et à la minorité kurde, je pense à Israël et à la population
12 palestinienne qui vit dans les zones frontalières avec le Liban, pouvez-
13 vous essayer d'établir un parallèle entre la situation qui prévalait en
14 Bosnie-Herzégovine et ce type d'événements, dont nous avons connaissance
15 aujourd'hui ?
16 M. Bianchini (interprétation). - Pour ce qui est de la position
17 adoptée par la Croatie, il faut préciser que celle-ci n'avait pas le choix
18 pour ce qui est de permettre aux convois humanitaires de traverser son
19 territoire et qu'elle n'avait pas le choix non plus pour ce qui était du
20 transport illégal ou légal d'armes à travers les frontières. Ils ne
21 pouvaient pas mettre un terme à ce type de transport.
22 Si cela avait été le cas, si la Croatie avait tenté d'y mettre
23 un terme, la communauté internationale aurait réagi de telle façon qu'il
24 aurait été évident, aux yeux de cette dernière, que la Croatie n'arrivait
25 pas à contrôler un tiers de son territoire et qu'il fallait appliquer
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1 peut-être des sanctions à l'égard de la Croatie, au vu d'une telle
2 situation.
3 Il était clair également, aux yeux de la communauté
4 internationale, que ce type d'action allait acculer la Croatie et que, par
5 la suite, la Serbie aurait une marge de manoeuvre beaucoup plus grande
6 pour ce qui est de menacer les intérêts de la Croatie et de la Bosnie.
7 Il faut bien avoir tous ces éléments à l'esprit. Il faut se
8 souvenir que la Croatie, à l'époque, a essayé d'obtenir le soutien de
9 l'Union européenne et des États-Unis. Je parle, notamment, de ce qui s'est
10 passé en juin 1993.
11 La communauté internationale a été très surprise de la position
12 diplomatique très agressive adoptée par la Croatie à l'égard de la Bosnie.
13 Maintenant, pour ce qui est de la possibilité d'établir des parallèles
14 avec ce qui se passe avec les minorités kurdes et la population
15 palestinienne, il faut dire de prime abord que cette question de la
16 nationalité est une question à laquelle on ne peut pas apporter de réponse
17 à l'heure actuelle, que ce soit pour les Balkans, la Yougoslavie ou la
18 Bosnie. C'est une question qui a directement trait aux relations
19 internationales au sens large. Nombre de pays ne souhaitent pas
20 reconnaître un certain nombre de groupes ethniques.
21 Pensons aux Kurdes, puisque vous en avez parlé. Car cela veut
22 dire que si l'on reconnaît ce groupe en tant que groupe ethnique, il faut
23 leur attribuer une nation et ils ont le droit de revendiquer la création
24 d'un État. Cela veut dire, bien sûr, pour un autre État, menace pesant sur
25 son intégrité territoriale.
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1 C'est la raison pour laquelle la réaction de la communauté
2 internationale, face au démantèlement de la Yougoslavie, a été si limitée.
3 La communauté internationale n'avait pas à sa disposition les outils
4 nécessaires ou les connaissances nécessaires qui lui auraient permis
5 d'interférer dans un sens ou dans un autre.
6 Ce principe de la nation, de la nationalité est extrêmement
7 difficile à manipuler car, à partir du moment où il est reconnu, il rend
8 légitime la création d'un État. Donc, lorsqu'on utilise le terme nation
9 pour un pays comme les États-Unis, cela signifiera quelque chose, mais
10 cela signifiera quelque chose de complètement différent pour un pays
11 différent, comme la Croatie, par exemple.
12 Si l'on parle de droit nationaux, de droit à
13 l'autodétermination, immédiatement, vous donnez lieu à une situation
14 particulière au plan international. Et cela renvoie à l'utilisation d'un
15 certain nombre d'outils, d'instruments juridiques.
16 Pour ce qui est de l'exemple d'Israël et des Palestiniens, là
17 aussi, il y a toutes les questions qui restent sans réponse, notamment au
18 niveau territorial. Moi, je suis en confrontation avec un certain nombre
19 de mes collègues parce que, d'après eux, l'exemple yougoslave montre bien
20 que l'idée de l'État national et de l'État souverain est en train de
21 disparaître.
22 M. Mikulicic (interprétation). - Je me suis peut-être mal
23 exprimé, Monsieur le professeur, ma question n'était peut-être pas très
24 claire, car en fait vous n'y avez pas vraiment répondu.
25 Je parle de l'ingérence militaire sur des zones frontalières
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1 entre deux États et je faisais référence à un certain nombre de situations
2 dont nous avons connaissance aujourd'hui, notamment entre la Turquie et
3 l'Irak et entre Israël et le Liban.
4 M. Bianchini (interprétation). - Vous savez fort bien que la
5 communauté internationale condamne toute ces situations. C'est un fait.
6 Après, on peut essayer de se poser la question de savoir pourquoi certains
7 membres de la communauté internationale condamnent ces situations pour des
8 raisons différentes. Ils font référence à des instruments différents pour
9 condamner la situation, mais là, c'est un autre problème.
10 M. Mikulicic (interprétation). - N'êtes-vous pas d'accord pour
11 dire, qu'aujourd’hui encore, nous avons sous les yeux des exemples de
12 situations où, afin de protéger son propre territoire, un État intervient
13 dans des zones frontalières qui le séparent d'un autre pays afin
14 d'annihiler toute menace pesant sur son propre territoire ? Par exemple,
15 Israël prend des mesures extrêmement drastiques à l'égard des actes de
16 terrorisme qui sont menés à son encontre par l'OLP. Il en va de même pour
17 la Turquie et pour ce qui se passe en Turquie avec la minorité kurde.
18 Mais je ne cherche pas à minimiser l'importance de ces
19 situations. Mais ces actes, qui sont pris par l'un ou l'autre des pays que
20 j'ai cités, ne sont pas en contradiction aux dispositions du droit
21 international ?
22 M. Bianchini (interprétation). - Mais il faut savoir que la
23 réaction des Etats telle que vous l'avez décrite n'est même pas autorisée
24 dans le cadre des textes en vigueur dans le droit international.
25 Ce sont des sujets qui portent terriblement à controverse et,
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1 dans le cas de la Bosnie, il faut prendre en compte le fait que, même les
2 actes de terrorisme qui ont été menés à bien ou perpétrés par les
3 Musulmans en Croatie ne justifient pas les actes qui ont eu lieu par la
4 suite.
5 Quant à l'armée croate, elle n'était pas seulement présente dans
6 les zones frontalières, elle était présente partout et au centre même du
7 pays. Je ne crois pas que l'on peut voir la ville de Mostar comme étant
8 une ville se trouvant sur la zone frontalière. D'un point de vue
9 juridique, on pourrait longuement discuter de ce point.
10 M. Mikulicic (interprétation). - J'ai essayé de faire référence,
11 par le biais de cette comparaison, à des attaques menées par les Serbes et
12 les Monténégrins et par l'armée de ces deux pays, la Serbie et le
13 Monténégro sur la Croatie, attaques lancées par la partie méridionale, à
14 partir de la Krajina notamment.
15 M. Bianchini (interprétation). - Oui, je comprends. Mais dans ce
16 cas précis, le gouvernement croate a dû attendre de recevoir une
17 invitation ou un signe du gouvernement bosniaque pour...
18 M. Mikulicic (interprétation). - Vous parlez de l'accord
19 Tudjman-Izetbegovic ?
20 M. Bianchini (interprétation). - Oui, on peut en voir
21 l'application en Herzégovine dès le 12 avril. L'accord n'a été passé qu'en
22 juillet et ne prévoit pas l'intervention au niveau des frontières. Il ne
23 prévoit qu'une coopération dans les régions frontalières, et non que
24 l'armée croate entre sur le territoire de l'État bosniaque.
25 M. Mikulicic (interprétation). – Mais il est spécifiquement
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1 stipulé dans le document qu'en cas de continuation de l'agression serbe et
2 monténégrine, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine coopéreront de façon
3 accrue dans un certain nombre de domaines.
4 M. Bianchini (interprétation). – Oui, mais seulement si la
5 communauté internationale n'arrive pas à mettre un terme aux actes
6 d'agression. Et, même dans cette situation, il faut qu'Izetbegovic formule
7 expressément une demande d'intervention de la Croatie sur le territoire de
8 la Bosnie.
9 Dans ce cas précis, qui peut juger du moment le plus opportun
10 pour intervenir ? C'est extrêmement difficile. Dans ce cas précis, il faut
11 que ce soit le gouvernement légitimement élu qui formule une demande
12 d'intervention d'un autre État sur son territoire.
13 M. Mikulicic (interprétation). – C'est bien dans ce sens que
14 nombre de négociations dont nous avons parlé ont été menées. Certaines ont
15 été couronnées de succès, d'autre n'ont pas abouti. Mais d'une façon
16 générale, et quelle qu'ait été l'intervention de la communauté
17 internationale, on peut dire de toute façon que les interventions n'ont
18 pas été très fructueuses, n'est-ce pas ?
19 M. Bianchini (interprétation). – Absolument, aucun des accords
20 d'effet concret et positif, aucun n'a été suivi d'action efficace. Il y a
21 eu nombre d'accords. Mais pas un seul de ces accords n'a réussi à définir
22 de façon précise la nature de l'alliance militaire entre la Bosnie et la
23 Croatie. Aucun des accords passés n'a défini le degré de participation de
24 l'armée croate sur le territoire de la Bosnie. On a parlé que de
25 coopération le long des zones frontalières.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - C’est précisément à cela à que
2 je faisais référence.
3 Je vais maintenant demander à l'huissier de vous communiquer le
4 document 126-E, s'il vous plaît.
5 M. Bianchini (interprétation). – Je ne crois pas que vous m'ayez
6 donné la bonne cote. C'est le document G, que vous demandez.
7 M. Mikulicic (interprétation). – Non, le document E.
8 M. Bianchini (interprétation). – Excusez-moi.
9 M. Mikulicic (interprétation). – Il s'agit d'un document qui
10 émane du Conseil de l'Europe et qui est, en fait, une déclaration portant
11 sur l'ex-Yougoslavie. J'attire votre attention, Monsieur le professeur…
12 Excusez-moi, un instant… J'attire votre attention sur la date de la
13 rédaction de ce document.
14 Ce document a été rédigé les 11 et 12 décembre 1992. A cette
15 époque, qui était l'agresseur de la République de Bosnie-Herzégovine,
16 agression à la base de cette déclaration ? Qui a lancé des attaques dans
17 le secteur de Sarajevo et dans les autres secteurs dont il est fait
18 mention dans ce document ?
19 Quelle est la partie attaquante dans ce document ? Quel est
20 l'agresseur ?
21 M. Bianchini (interprétation). – D'un point de vue général ou
22 d'un point de vue plus précis, dans le cadre des rapports croato-
23 musulmans ?
24 M. Mikulicic (interprétation). – D'un point de vue général.
25 M. Bianchini (interprétation). – D'un point de vue général, on
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1 voit dans le point 2 ce qui est écrit. Il est dit que se sont les Serbes
2 de Bosnie et la direction de la Serbie qui sont les premiers responsables
3 du conflit qui a cours actuellement.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur
5 l'huissier, pourriez-vous faire passer au professeur le document 126-I ?
6 M. Bianchini (interprétation). – Ce document-ci ?
7 M. Mikulicic (interprétation). - Le document 126-I.
8 M. Bianchini (interprétation). – J'ai retrouvé le document.
9 M. Mikulicic (interprétation). - Il s'agit du document qui est
10 en fait une déclaration
11 signée par le responsable des Serbes de Bosnie, par le président de la
12 République de Serbie, Slobodan Milosevic, et par le président de la
13 République de Croatie, M. Franjo Tudjman.
14 Ce document est signé à Genève le 17 juillet 1993. Il est à
15 l'origine de ma question précédente, une question que vous avez déjà
16 abordée au cours de votre déposition. Une question qui porte sur la
17 réunion qui a eu lieu à Karadjordjevo et sur les suites de cette réunion.
18 La première question que je souhaite vous poser est la
19 suivante : au cours de vos recherches, avez-vous trouvé des documents
20 publiés et qui ont trait à cette rencontre et aux conclusions de cette
21 réunion ?
22 M. Bianchini (interprétation). – J'ai déjà déclaré précédemment
23 que nous ne disposons d'aucun procès-verbal de la réunion de
24 Karadjordjevo. Nous ne disposons que de la déclaration publique de l'un
25 des membres de la commission désignée par Tudjman et qui a travaillé en
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1 collaboration avec la commission serbe pour la préparation de certaines
2 cartes, après Karadjordjevo. Ces réunions de commissions se sont tenues au
3 cours des mois de juin, juillet et août 1991.
4 M. Mikulicic (interprétation). - Monsieur le professeur, pour ce
5 qui est de la période de juin 1991 à début 1992, combien de réunions ont
6 eu lieu ? Combien de plans ont-ils été élaborés ?. Combien de tentatives
7 ont été mises sur pied visant à résoudre la question de la Bosnie-
8 Herzégovine ? Combien de réunions ont-elles été organisées à l'extérieur
9 de la Bosnie-Herzégovine, sous l'égide de la communauté internationale,
10 pour tenter de résoudre la question ?
11 M. Bianchini (interprétation). – Elles ont été très nombreuses,
12 je ne peux même pas vous donner un chiffre précis.
13 M. Mikulicic (interprétation). – Pouvez-vous nous donner une
14 approximation ?
15 M. Bianchini (interprétation). – Cela dépend de la période à
16 laquelle vous faites référence. Lorsque qu'il y a eu le projet de
17 Fédération yougoslave proposé par l'Union Européenne en août 1991, c'est
18 une des toutes premières réunions. Et il y a eu la tentative de Cutiljero.
19 C'était une autre tentative de négociations. Il y a eu la tentative de la
20 villa Konak, le projet de Lord Carrington, le plan Vance-Owen, le plan
21 Owen-Stoltenberg, les accords de Washington et les accords de Dayton.
22 Ensuite, il y a eu une quantité impressionnante de cartes, de
23 débats et de réunions de toutes sortes. Il y a eu notamment une réunion à
24 Graz, le 6 mai, entre Karadzic et Boban. Il y a eu une réunion à Ivica
25 entre des représentants des différentes parties en présence, des
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1 représentants du SDS et ceux du HDZ, qui ont tenté de trouver une
2 solution.
3 Il y a également ce livre publié par Zdravko Tomac, en Croatie,
4 "Qui a tué la Bosnie ?" Dans cet ouvrage, on trouve le compte rendu d'une
5 partie des réunions organisées. Permettez-moi de consulter mes notes pour
6 être plus précis. En tout cas, ce livre fait état d'une réunion, je ne
7 sais plus si c'est une réunion entre Milosevic et Tudjman ou entre Boban
8 et Karadzic. Je ne sais pas à quel niveau cette réunion a été organisée.
9 En tout cas, c'est une réunion qui porte sur un accord général entre la
10 partie serbe et la partie croate, accord relatif aux frontières.
11 Zdravko Tomac, vice-président de la Croatie dans le gouvernement
12 de coalition en place en août 1991, était également dirigeant du parti
13 SDP, c'est-à-dire le parti issu de l'ancienne ligue des communistes. Son
14 livre est une autobiographie et des mémoires. Il y cite une partie de ce
15 qui a été dit dans le cadre de cet accord public. On voit que les parties
16 serbe et croate ont été incapables de se mettre d'accord sur la question
17 des frontières.
18 D'après cet accord, les frontières longeaient la rivière
19 Neretva. Or, on voit que la Serbie réclame tout de la ville de Mostar qui,
20 en fait, est divisée par la rivière Neretva et répartie sur les deux
21 rives. On voit que la Serbie réclame la Banovina qui comprend une partie
22 des rives de cette rivière. C'est ce qui apparaît dans ce livre. C'est
23 donc tout ce que nous sommes en mesure de savoir sur cette question
24 particulière.
25 M. Mikulicic (interprétation). – Nous pouvons donc dire qu'une
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1 multitude de tentatives ont été lancées, tentatives visant à mettre un
2 terme ou à trouver une solution à la question de la Bosnie-Herzégovine. Il
3 y a eu des réunions, des projets, des cartes, des accords et des
4 déclarations conjointes. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Cela
5 signifie-t-il que la situation en Bosnie-Herzégovine était incroyablement
6 complexe et qu'il était impossible d'y apporter une solution ?
7 M. Bianchini (interprétation). – Je suis persuadé qu'il est
8 impossible que des négociations auxquelles participent des nationalistes
9 aboutissent à quelque chose de concret. Pourquoi est-il tellement
10 difficile de trouver une solution aux problèmes de la Bosnie ? Parce que
11 tous ceux qui ont organisé des réunions, des négociations étaient des
12 nationalistes ou bien ce sont des réunions qui ont été organisées par
13 l'Union européenne ou par la communauté internationale, qui ont essayé de
14 négocier avec des nationalistes. On peut parler, pour ce qui est de la
15 partie croate, du rôle joué par Tomsic qui était responsable de l'un des
16 partis politiques en Bosnie. On peut parler d'autres personnes également.
17 Par la suite, après l'intervention de l'accord de Washington et
18 pendant la mise sur pied de l'accord de Dayton, ce type de personnes, les
19 personnes auxquelles je viens de faire référence, étaient présentes parmi
20 les trois délégations en présence et notamment au sein de la délégation
21 serbe. Elles ont participé à l'élaboration des accords de Dayton et, dans
22 ce cadre, une réunion a été organisée en septembre 1995. J'y ai été
23 invité, cette réunion s'est tenue à Pérouge en Italie.
24 Il y avait là des membres qui représentaient des organisations
25 anti-nationalistes de Bosnie, il y avait M. Tomsic pour la Croatie,
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1 M. Dodik qui était le Premier ministre en place dans la République serbe.
2 Il y avait d'autres intervenants encore. Il y avait également des
3 représentants démocratiques de la région de Tuzla où, comme vous le savez,
4 des grands efforts ont été faits pendant toute la guerre, pour maintenir
5 le caractère multiethnique de la région.
6 Cette réunion a fait intervenir des anti-nationalistes et c'est
7 bien là l'élément qui fait toute la différence. Cet élément a été négligé.
8 Toute la tension s'est portée sur les nationalistes et leurs
9 revendications, alors que, nous le savons maintenant, la guerre en Bosnie
10 n'était pas seulement une guerre qui opposait une, deux, trois parties,
11 les Serbes, les Croates et les Musulmans, c'était aussi une guerre
12 opposant un certain secteur de la population civile.
13 Afin d'atteindre l'objectif visant à la création de trois
14 régions à prédominance ethnique, dans ce but, il était extrêmement
15 important de pousser la population à accepter un certain nombre de
16 déplacements ou de transferts. C'est dans ce cadre qu'il y a eu tous ces
17 massacres et le nettoyage ethnique d'une partie de la population. C'est
18 une stratégie qui a été élaborée tout au long de la guerre et ce sont les
19 extrémistes musulmans qui ont soutenu ce type d'action.
20 M. Mikulicic (interprétation). – Pendant tout ce temps-là, une
21 attitude commune a quand même été établie entre les Croates et les
22 Bosniaques ?
23 M. Bianchini (interprétation). - Non.
24 M. Mikulicic (interprétation). - Je voulais vous rappeler tout
25 simplement la rencontre de la villa Konak, mais la réponse est non.
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1 Monsieur le Président ?
2 M. le Président. – Nous allons proposer maintenant une pause.
3 L'audience suspendue à midi est reprise à 12 heures 25.
4 M. le Président. – Maître Mikulicic, vous pouvez continuer.
5 M. Mikulicic (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le
6 Président. Je vais demander à l'huissier de bien vouloir prendre le
7 document qui est sur le rétroprojecteur et ensuite de nous apporter le
8 document 126-J.
9 Je vais remercier une fois de plus notre honorable collègue
10 Me Niemann qui a
11 remis le document en respectant les besoins de la défense. Nous allons
12 utiliser ce document. Je vais vous demander, Monsieur le professeur, de
13 bien vouloir tourner la page 2.
14 Il s'agit d'un document des Nations Unies. C'est le chargé
15 d'affaires de la République de Croatie qui s'est adressé au Conseil de
16 sécurité, M. Vladimir Drobnjak, le 7 novembre 1993. On voit clairement que
17 c'est la suite du 13 novembre 1993. Il est demandé une réunion d'urgence
18 du Conseil de sécurité et ceci à la lumière des événements décrits dans ce
19 document sous le paragraphe numéro 2.
20 Il s'agit de la région de Vitez pour laquelle on avait bien
21 précisé que c'était l'enclave la plus importante des Croates de Bosnie
22 centrale. Pour que les Juges puissent se rendre compte de quelle région il
23 s'agit, je vais demander à l'huissier de bien vouloir remettre la
24 pièce 39. Nous pourrons ainsi tous voir de quelle région il s'agit.
25 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le professeur, vous
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1 voudriez bien mettre cette carte sur le rétroprojecteur ? Et vous allez
2 nous montrer la région dont il s'agit.
3 M. Bianchini (interprétation). – Je vous montre la région ?
4 M. Mikulicic (interprétation). – C'est la région de Vitez, on la
5 voit bien sur la carte. C'est la région avec la majorité de la population
6 croate en dessous de 50% et dans un environnement où la population
7 musulmane est majoritaire, un peu plus de 50%, Gornji Vakuf, Zenica, mais
8 d'autres régions en dessous de 50%. Monsieur le professeur, vous êtes
9 d'accord avec moi ?
10 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Nous allons revenir au document
12 des Nations Unies. Le paragraphe n° 2 stipule que la région de Vitez est
13 l'enclave la plus grande de la Bosnie centrale, que cette enclave est
14 menacée par l'armée musulmane et que de nombreuses activités se sont
15 développées, des activités militaires. Il y a beaucoup de réfugiés. Il en
16 ressort clairement qu'il s'agit d'un conflit. Monsieur le professeur,
17 pourriez-vous faire votre
18 commentaire ?
19 M. Bianchini (interprétation). - En effet, il est question dans
20 ce document de la défaite de l'armée croate en Bosnie centrale. La
21 conséquence de cette défaite et des opérations militaires qui ont eu lieu
22 dans cette région dès septembre 1992 -mais qui se répétaient au fur et à
23 mesure et qui se sont intensifiées jusqu'à la fin de l'été- est que le HVO
24 a subi une défaite alors que l'armée musulmane entrait dans les villages.
25 Il y avait beaucoup de réfugiés, d'exilés, une situation fort délicate.
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1 C'est une date véritablement intéressante, c'était le
2 9 novembre 1993. En même temps, le pont de Mostar a été détruit par le
3 HVO. Donc, dans le contexte des événements de la Bosnie centrale, on avait
4 également une situation où les Musulmans avançaient. Ils avaient pris
5 l'offensive et ils avançaient par rapport à l'armée croate.
6 M. Mikulicic (interprétation). - Vous êtes donc d'accord pour
7 dire qu'il y avait beaucoup de réfugiés, il y avait une population
8 également menacée. Vous êtes bien d'accord avec moi, Monsieur le
9 professeur ?
10 M. Bianchini (interprétation). – Oui.
11 M. Mikulicic (interprétation). - Je vais demander à l'huissier
12 de bien vouloir remettre un autre document au professeur Bianchini.
13 Mm Fauveau. – La pièce de la défense est la pièce D-12.
14 M. Mikulicic (interprétation). – Monsieur le professeur, il
15 s'agit de la proposition de la résolution devant le parlement européen à
16 Bruxelles en date du 7 novembre 1993, par conséquent un jour plus tard par
17 rapport au document que nous avons examiné tout à l'heure. Le document a
18 été déposé devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le parti
19 libéral démocratique avait déposé ce document, il avait demandé au
20 parlement européen d'arrêter une résolution.
21 Je vous demande de bien vouloir vous pencher sur le A) et le C)
22 et de nous faire un
23 commentaire.
24 M. Bianchini (interprétation). - Je m'excuse, mais c'est le
25 10 novembre, alors que vous parlez du 7 novembre.
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1 M. Mikulicic (interprétation). - Il s'agit du 10 novembre. C'est
2 moi qui ai fait une erreur.
3 M. Bianchini (interprétation). - Il s'agit du 10 novembre, c'est
4 vrai. C'est la proposition déposée par qui ?
5 M. Mikulicic (interprétation). - C'est le Parti libéral
6 démocratique. C'est une proposition qui a été examinée devant le Parlement
7 européen.
8 M. Bianchini (interprétation). - Vous voyez bien que l'on
9 insiste sur la situation dans laquelle se trouvaient les Croates de Bosnie
10 encerclés en Bosnie centrale. Ils se trouvaient dans une situation fort
11 délicate, pour ne pas dire très complexe. Ils s'agissait véritablement des
12 vies de milliers de personnes qui on été obligées de partir dans la forêt
13 une fois que les Musulmans se sont emparés de ces villages et de ces
14 villes.
15 Il s'agissait d'une défaite extrêmement importante et la
16 population croate a été obligée de se retirer massivement. Un pourcentage
17 assez important de Croates qui habitaient la Bosnie centrale n'étaient pas
18 d'Herceg-Bosna. La question de Vitez, de Vares également est extrêmement
19 intéressante. On peut le voir sur le document en question, les Croates ont
20 été obligés de partir et de se retirer dans les forêts.
21 Que s'est-il passé à Vares ? Les attaques ont été organisées par
22 les Musulmans. Le maire de Vares qui était croate, avait demandé de
23 maintenir des relations multi-ethniques et multi-culturelles entre les
24 Croates et les Musulmans. Dans les mois qui ont précédé cet événement, les
25 Musulmans ont appuyé le maire. Au moment où bon nombre de Croates se sont
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1 retirés à Vares, le maire était contre les pressions qui étaient exercées
2 pour rompre les relations avec les Musulmans.
3 Donc, je le répète, ce sont les membres du HVO qui se sont
4 rendus à Vares qui ont fait démissionner le maire, et c'est ainsi que les
5 Croates ont été obligés de se retirer dans la forêt. L'armée bosniaque est
6 intervenue, une autre bataille a eu lieu et le HVO a subi une défaite.
7 Voilà quelles ont été les conséquences de l'ensemble de ces événements :
8 les Croates ont quitté Vares alors que les Musulmans y sont retournés.
9 On peut dire que la situation était dramatique pour l'ensemble
10 de la population et l'on a fait démissionner le maire qui avait souhaité
11 maintenir cette communauté multi-ethniques pour réduire les tensions,
12 cette démission étant due notamment à l'influence exercée par les
13 intégristes musulmans et par le HVO.
14 M. Mikulicic (interprétation). - En ce qui concerne Vitez-
15 Busovaca, qui est en Bosnie centrale, vous êtes bien d'accord, Monsieur le
16 Professeur, sur le fait que cette région fait l'objet de notre examen.
17 Nous pouvons nous mettre d'accord sur le fait qu'il y avait des conflits
18 dans cette région.
19 Je vais vous montrer un document des Nations Unies et je vais
20 demander à l'huissier de bien vouloir vous le remettre ainsi qu'aux autres
21 personnes.
22 Mme Fauveau. - Document de la défense D-13.
23 M. Mikulicic (interprétation). - Malheureusement, il s'agit
24 d'une copie qui n'est pas tout à fait lisible, mais c'est un document très
25 important dont je vais donner lecture parce que j'aimerais bien que le
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1 professeur Bianchini en fasse le commentaire.
2 Il s'agit d'un document des Nations Unies. C'est une lettre de
3 M. Muhamed Sacirbey, représentant permanent et ambassadeur de Bosnie-
4 Herzégovine auprès des Nations Unies, lettre datée 21 avril 1993 adressée
5 au Conseil de sécurité. Je vous en donne lecture :
6 "Les tout derniers rapports sur les conflits qui ont eu lieu
7 entre l'armée bosniaque et le HVO ont attribué une trop grande ampleur à
8 ces conflits. Il ne s'agit pas véritablement de conflits qui reposent sur
9 la base ethnique, mais plutôt de conflits qui sont la conséquence de
10 l'embargo imposé sur les armes en Bosnie Herzégovine et sur l'échec
11 concernant l'aide humanitaire qui ne peut pas arriver à la population de
12 Bosnie-Herzégovine encerclée.
13 Cet embargo rend impossible la défense et les possibilités de
14 protection de la population, compte tenu également de l'agression en
15 provenance de la Serbie et du Monténégro. C'est la raison des conflits
16 entre les voisins et ce, pour pouvoir contrôler les ressources qui sont
17 rares. Si les deux armées avaient disposé des capacités de défense et si
18 la population en Bosnie centrale avait fait l'objet de l'aide humanitaire,
19 les conflits entre les leaders locaux n'auraient jamais eu lieu.
20 Par ailleurs, je dois également vous faire savoir que les
21 conflits entre les deux armées ont connu une certaine accalmie, car les
22 dirigeants ont entrepris des démarches intensives dans ce but.
23 Indépendamment des conflits, l'alliance entre l'armée de Bosnie-
24 Herzégovine et du HVO sera maintenue et se poursuivra."
25 Je vais vous demander de faire circuler cette lettre, signée, je
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1 le répète, par Muhamed Sacirbey, le représentant permanent de la Bosnie
2 auprès des Nations Unies. Il s'agit du mois d'avril 1993, époque où les
3 conflits ont lieu dans cette région.
4 Monsieur le Professeur, êtes-vous d'accord avec cette
5 conclusion ?
6 M. Bianchini (interprétation). - Tout particulièrement dans la
7 région de Travnik. Si mes souvenirs sont bons, il s'agit de la même
8 période que celle où Tudjman avait convoqué Izetbegovic à Zagreb.
9 M. Mikulicic (interprétation). - C'était le 16 avril.
10 M. Bianchini (interprétation). - En ce qui me concerne, je
11 connais l'ensemble de la situation et je connais le contexte général. Je
12 vous dis que les diplomates ont mis à profit tous les arguments. Il s'agit
13 là d'une lettre qui est quelque peu surprenante du point de vue de son
14 contenu. En effet, il n'est pas tout à fait exact qu'il n'y avait pas
15 d'armes disponibles et que
16 c'était la raison pour laquelle le conflit est survenu.
17 Je dois dire également que les Musulmans de Bosnie souhaitaient
18 avoir d'avantage d'armes, qu'ils avaient également recouru à des arguments
19 différents, mais tous ces arguments ne se justifiaient pas. Vous pouvez
20 conclure en effet du document en question que le conflit avait commencé à
21 une période relativement récente, alors que nous avons bien constaté que
22 les conflits armés se sont déclenchés à la mi-juin 1992, donc bien avant
23 la période dont nous parlons, huit mois avant.
24 C'est pourquoi il me semble qu'il faut tenir compte du fait
25 qu'il était important pour le gouvernement de Bosnie-Herzégovine de ne pas
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1 se créer d'autres ennemis afin de pouvoir faire face aux Serbes et aux
2 Monténégrins. D'un autre côté, il devait également, d'une façon ou d'une
3 autre, arrêter les opérations militaires, voire même les démarches
4 politiques, de la Croatie de façon à contrôler une partie du territoire et
5 ainsi permettre le partage de la Bosnie.
6 Il était obligé, en quelque sorte, d'avoir une attitude double
7 dans cette situation fort délicate : essayer en même temps d'obtenir
8 l'alliance avec Tudjman, faire face à l'armée serbe et, d'un autre côté,
9 rendre impossible à Tudjman une trop grande influence dans cette région.
10 Or, pendant ce temps, l'objectif du HVO était d'associer l'Herceg-Bosna
11 avec la Croatie.
12 M. Mikulicic (interprétation). - Je vais vous demander de
13 commenter le document en question.
14 M. Bianchini (interprétation). - Oui, mais j'ai donné un cadre
15 général, j'ai énoncé les arguments qui manquaient de clarté et toujours
16 non justifiés.
17 M. Mikulicic. - Que pensez-vous de ce document, de manière
18 succincte ? C'est un document officiel et c'est le représentant permanent
19 de Sacirbey auprès des Nations Unies qui avait remis ce document. Qu'en
20 pensez-vous, Monsieur le professeur ? Vous êtes d'accord qu'il s'agit d'un
21 document officiel ? C'est un document diplomatique, un document officiel,
22 car il exprime les attitudes officielles à l'époque.
23 M. Bianchini (interprétation). - En effet, c'est un document
24 diplomatique.
25 M. Mikulicic (interprétation). - Merci, Monsieur le Professeur,
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1 nous n'avons plus de questions.
2 M. le Président. - Merci, Maître Mikulicic.
3 Maître Niemann, si vous avez des questions, vous pouvez les
4 poser, je vous en prie.
5 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Professeur, au cours
6 de votre déposition, vous avez parlé du conflit entre le HVO et le HV d'un
7 côté et l'armée bosniaque de l'autre côté, c'est-à-dire des conflits qui
8 ont commencé en avril 1993.
9 Je peux en conclure qu'il s'agissait donc d'un premier conflit
10 qui a eu lieu entre ces forces ?
11 M. Bianchini (interprétation). - Oui, c'est vrai, j'ai bien
12 précisé, j'ai même mis l'accent sur le fait que le premier conflit, selon
13 les sources du HVO, avait eu lieu mi-juin 1992. C'était plus ou moins la
14 période où les opérations militaires autour de Mostar ont eu lieu. J'ai un
15 document sur la base duquel je peux affirmer que cela s'est passé ainsi.
16 Si vous le souhaitez, je peux éventuellement vous donner les dates
17 exactes. C'est un document que j'ai en version originale, version croate
18 et la traduction. Il s'agit d'un document de la police militaire d'Herceg-
19 Bosna, publié par l'administration de la police militaire à Ljubucka, en
20 avril 1995.
21 Il est question d'une série de rapports, d'articles également,
22 que les officiels militaire et de la police militaire ont publiés pour
23 expliquer leurs objectifs au cours des trois dernières années. Ce document
24 a été publié en 1995. Il y a des points extrêmement intéressants, entre
25 autres, que les premiers conflits avec les Musulmans ont eu lieu à la mi-
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1 juin 1992. Il a été également précisé que les armes, l'équipement, l'aide
2 de la part du HVO, de la police militaire et du gouvernement croate, sont
3 parvenus. Cette décision avait été prise déjà le 16 avril 1992.
4 Par la suite, dans les documents en question, on parle de
5 sabotages, de diversions, d'unités croates qui se sont formées à Ljubucka,
6 à Grude. Tout cela se passait en automne 1991( ?). Dans les documents en
7 question, il est également précisé qu'un entraînement de la police
8 militaire avait été organisé. Cet entraînement a eu lieu en Herzégovine ou
9 bien ailleurs, mais avec l'aide du gouvernement croate. J'ai un document
10 de 1993 où l'on énumère les noms des cinq personnes qui ont été envoyées à
11 l'Académie militaire de Zagreb et qui provenaient d'Herceg-Bosna.
12 J'ai un autre document signé par Milivoj Petkovic, le commandant
13 suprême du HVO et qui concerne le programme des opérations militaires
14 ainsi que l'entraînement des membres du HVO. Ceci date du mois de
15 septembre 1992.
16 Le document est très intéressant. Il est question, dans ce même
17 document, du sentiment de patriotisme. On peut en déduire que toutes ces
18 instructions concernant le patriotisme portaient sur la République de
19 Croatie et sur l'Herceg-Bosna.
20 M. Niemann (interprétation). - Au cours du contre-
21 interrogatoire, une autre question a été posée concernant les accords
22 auxquels MM. Tudjman et Izetbegovic sont parvenus et qu'ils ont signés. Un
23 certain nombre de ces accords sont relatifs au danger de la part des
24 Serbes. Avez-vous vu ces accords ?
25 M. Bianchini (interprétation). - Non. On a parlé quelque peu de
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1 ces menaces qui venaient des Serbes mais l'accent a été mis sur la Bosnie.
2 M. Niemann (interprétation). - Les menaces à l'égard des Croates
3 et de leur territoire étaient lancées par les Serbes qui habitaient en
4 Croatie et pas en Bosnie ?
5 M. Bianchini (interprétation). - Oui, c'étaient les Serbes de
6 Croatie qui lançaient ces menaces et dont l'objectif était de maintenir
7 les liens ou plutôt de se lier avec les Serbes de Bosnie et, pas leur
8 intermédiaire, avec la Serbie.
9 M. Niemann (interprétation). - Merci. Est-il vrai, dans ce cas-
10 là, que les accords entre les deux présidents concernaient la solution des
11 conflits entre le HVO et l'armée bosniaque ?
12 M. Bianchini (interprétation). - Il y avait, effectivement, une
13 attention portée sur cet objectif. Les Musulmans ne pouvant pas lutter
14 contre les Croates et les Monténégrins, il fallait d'abord qu'ils
15 résolvent cette question avec les Croates. C'était un intérêt bizarre.
16 C'est la raison pour laquelle les Musulmans ont essayé de trouver une
17 solution. Et tous les documents cités aujourd'hui font l'objet de cette
18 question.
19 Une solution entre la partie croate et musulmane a donc été
20 trouvée.
21 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions.
22 M. le Président. - Madame le Greffier, pouvez-vous donner à
23 Monsieur l'huissier le document 42 et le mettre sur le rétroprojecteur ?
24 (Le document est porté au témoin)
25 Professeur Bianchini, selon les résultats de ces élections, le
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1 SDS a perdu ces élections. Quand même il y avait un certain accord entre
2 les Musulmans qui ont perdu, si je lis bien.
3 M. Bianchini (interprétation). - Pas tout à fait, Monsieur le
4 Président. En effet, si l'on parle de défaite électorale, il faut comparer
5 les résultats de cette élection avec d'autres résultats.
6 C'était la première fois qu'il y avait des élections
7 démocratique en Bosnie-Herzégovine. Lorsque j'ai dit que ce parti avait
8 obtenu un pourcentage quelque peu inférieur, c'était si l'on compare ce
9 pourcentage à l'influence de la communauté musulmane ou de la communauté
10 croate dans le recensement. C'était pour comparer avec le recensement.
11 M. le Président. - Peut-être n'ai-je pas bien vu. Vous avez dit,
12 qu'en ce qui concerne les autres partis....Ma question est la suivante :
13 il ne s'agit pas du SDA, du SDS mais seulement des autres partis. Vous
14 avez dit qu'en ce qui concerne les autres partis, il y a eu le parti
15 musulman sous la direction d'un groupe de personnes, notamment Zulfikar
16 Pasic, Filekovic et les autres. Au début, il étaient ensemble avec
17 Izetbegovic. Ensuite, avant les élections, ils se sont séparés. Par
18 ailleurs, il y a d'autres partis mineurs.
19 Je voudrais parler de cette séparation. Cette séparation a-t-
20 elle eu des conséquences sur la guerre, et dans l'affirmative, quelle ont
21 été ces conséquences ?
22 M. Bianchini (interprétation). - Oui. C'est tout à fait le cas.
23 Vous voyez ici le MBO. C'était le parti de Pasic qui a fondé le SDA avec
24 Izetbegovic. Ils l'ont fait à deux . Zulfikar Pasic est un homme très
25 riche qui vit en Suisse et il a passé pratiquement toute sa vie à
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1 l'étranger, à l'extérieur de la Yougoslavie. C'est deux hommes ont
2 travaillé ensemble mais ont connu pas mal de malentendus avant les
3 élections, ce qui a précipité la séparation.
4 Izetbegovic insistait à l'époque sur les aspects plutôt
5 islamiques alors que Zulfikar Pasic avait une approche plus laïque, ceci
6 pour vous montrer les différences. A la suite de cette division,
7 toutefois, Zulfikar Pasic a maintenu de bons rapports avec Izetbegovic. Il
8 lui est arrivé d'essayer de maintenir des liens avec Belgrade. Il est allé
9 jusqu'à suggérer que soit établi une sorte d'accord avec Belgrade. Il y a
10 un livre publié par Zulfikar Pasic qui s'intitule "Okovona Bosna". Il a
11 publié cet ouvrage car il est propriétaire d'un institut de recherches et
12 d'études en Suisse.
13 Cette publication s'est fait après qu'il y ait eu des
14 discussions avec des dirigeants croates, notamment avec Gotovac. Dans ce
15 livre sont expliquées toutes les tentatives d'intermédiation entre
16 Karadzic et Izetbegovic et comment tout ceci s'est soldé par un échec. Et
17 puis, au moment où éclate la guerre, Zulfikar Pasic revient en Suisse et y
18 passe le plus clair de son temps.
19 Mais il ne reste jamais tout à fait à l'écart de la réalité
20 politique. Il exerce des pressions sur la communauté internationale grâce
21 à son institut. Dans la mesure du possible, il se rend en Bosnie. Il est
22 très riche, il possède des avions privés. Il pouvait se déplacer librement
23 afin d'essayer de jouer un rôle de négociateur et d'exercer une influence.
24 C'est donc tout le courant plus séculaire dans cette mouvance qui tient à
25 préserver l'intégrité de la Bosnie et ce caractère de la Bosnie, alors que
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1 Izetbegovic n'avait pas de positions aussi arrêtées.
2 M. le Président. - Mme le Greffier, pouvez-vous donner à M. le
3 professeur le document 107, s'il vous plaît ?
4 (Le document est remis au témoin)
5 Ce document, professeur, est rapporté avec la création des
6 régions autonomes serbes, les SAO. Ces secteurs sont passé sous le
7 contrôle des Serbes, les Musulmans et les Croates ont considéré que les
8 Serbes voulaient prendre une partie de la Bosnie. Je vous cite "Aussi les
9 parties, Musulmans et Croates ont voté la résolution sur la souveraineté
10 de la Bosnie, tandis que le parti serbe s'est refusé à voter. Tout cela a
11 conduit à une tension entre les deux groupes".
12 Ces tensions ont-elles évolué vers une agression et, si oui, comment
13 s'est-elle produit dans la guerre ? Avez-vous compris ma question ?
14 M. Bianchini (interprétation). – Je crois que vous posez la
15 question dans les termes suivants. Il faut la considérer comme ceci :
16 cette carte vous donne un aperçu des régions autonomes créées par les
17 Serbes, par le SDS, le parti serbe, plus précisément entre septembre 1991
18 et janvier 1992. La proclamation de la souveraineté de la Bosnie,
19 proclamation à laquelle n'a pas participé le SDS, date du 15 octobre. Il y
20 a un processus qui a été enclenché, mais qui se terminera plus tard.
21 C'est dans ce contexte qu'il apparaît clairement que les Serbes
22 voulaient maintenir la Bosnie sous son ancienne forme ou, en tout cas,
23 voulaient conserver une bonne partie de la Bosnie dans le cadre de la
24 RSFY, encore existante. Alors que les partis croates et musulmans, le SDA
25 et le HDZ, se sont mis d'accord pour viser plutôt l'indépendance de la
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1 Bosnie, même si chacun des partis avait sa vision des choses, mais
2 laissons ceci de côté.
3 C'est à cet égard que le SDS n'a pas voulu participer au vote,
4 soucieux de ne pas légitimer sa défaite. En effet, s'il y avait coalition
5 des représentants du HDZ et du SDA au parlement, les Serbes seraient en
6 minorité. C'est alors que commence un processus de détérioration des
7 relations. En effet, aussitôt après le SDS serbe proclame un plébiscite
8 qui a pour but de confirmer le souhait des Serbes de rester dans le cadre
9 de la Yougoslavie. Ce vote s'effectue en novembre.
10 Puis vous avez l'Union européenne qui soumet, en septembre, sa
11 proposition visant à la reconnaissance de l'État. Le HDZ croate et les
12 musulmans, SDA sont alors d'accord, ils ne participent pas au vote. C'est
13 alors que les Serbes proclament la République dudit peuple serbe en
14 Bosnie. Cela se passe en janvier. Parallèlement, à partir de novembre 1991
15 jusqu'en janvier 1992, la Croatie crée sa propre région autonome en trois
16 secteurs.
17 Puis, étant donné que la commission Badinter avait demandé la
18 tenue d'un référendum, puisque la volonté de la population tout entière
19 n'était pas manifeste, les Serbes ayant refusé de voter, cette commission
20 Badinter demande un référendum. Les Serbes s'y opposent. Une décision est
21 prise pour dire que le référendum n'aura de conséquence obligatoire que
22 pour les Croates et les Musulmans et non pour les Serbes.
23 Vous constatez donc que tout se développe de telle manière qu'un
24 conflit militaire peut éclater. S'il faut mettre en oeuvre les décisions
25 qui consistent à rester dans le cadre de la Yougoslavie ou à en être
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1 indépendant, il est clair que tout ceci mène à une confrontation. Par
2 exemple, lors de la proclamation de l'indépendance, il y a eu éclatement
3 de la guerre.
4 Par ailleurs, examinons les hypothèses ou spéculations
5 intellectuelles d'un général de Bosnie, Halid Caucevic, intellectuel de
6 renom, qui a publié un article où il disait : "Certes, nous pourrions
7 avoir un accord avec les Serbes. Que se passerait-il ?" En fait, vous avez
8 la même situation. Les Musulmans, s'ils étaient d'accord avec les Serbes
9 obtiendraient une nouvelle majorité qui voudrait rester à l'intérieur de
10 la Yougoslavie, et vous auriez un parti minoritaire, parti des Croates qui
11 ne le veut pas. Puisque les provinces autonomes avaient déjà étaient
12 créées, on peut imaginer qu'il y a là aussi un plébiscite, marquant un
13 refus de rester dans le cadre de la Yougoslavie de toute façon. Donc, d'un
14 côté ou de l'autre, il y aurait éclatement d'un conflit.
15 Izetbegovic est donc dans l'impasse, il ne sait pas gérer cette
16 situation entre les deux communautés. Il ne sait pas trop avec qui
17 s'allier. Et je crois que ceci à une importance pour toute la question
18 yougoslave. Il n'y a pas seul un homme politique où que ce soit, dans
19 n'importe quelle République, qui ait tenté de créer une politique
20 d'alliance au sein de la Yougoslavie, pas même les Slovènes. Chacun
21 pensait à garantir ses propres territoires. Ce qui a débouché sur une
22 situation impossible en matière d'accord.
23 Au début de la guerre, ceci est apparu en juin 1991 : la guerre
24 éclate en Slovénie et il apparaît clairement qu'elle va arriver en Bosnie
25 du fait des mécanismes en place et dont les conséquences étaient tellement
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1 claires, politiquement, que l'on pouvait s'attendre à ce dénouement
2 tragique.
3 M. le Président. - Professeur Bianchini, nous avons parlé ici, à
4 plusieurs reprises, du HVO et du HV.
5 J'aimerais savoir si vous avez quelques informations ou des
6 opinions -car la Chambre peut faire la distinction entre informations et
7 opinions- au sujet des relations du HVO avec les autorités civiles
8 locales, notamment sur la base de ce petit exemple : pour que quelqu'un
9 puisse entrer dans un camp de détention, il est nécessaire d'avoir une
10 autorisation de la police locale ou quelque chose de ce genre.
11 Je ne sais pas si vous avez compris ma question.
12 Est-il possible de faire la distinction entre police civile,
13 police militaire, garde, garde du camp ou police civile ? Avez-vous une
14 opinion ou des informations à cet égard ?
15 M. Bianchini (interprétation). - Oui, j'ai tout à fait bien
16 compris votre question, Monsieur le Président.
17 Je dispose d'un document dont je crois qu'il est signé de Mate
18 Boban. En tout cas, il
19 provient soit de la communauté croate d'Herceg-Bosna ou du commandement du
20 HVO où il est dit clairement, s'agissant notamment de Konjic, que toutes
21 les unités locales, les unités de police étaient sous les ordres du HVO.
22 Le HVO était le gouvernement militaire provisoire de Herceg-
23 Bosna et il avait pour tâche d'assurer la protection et l'intégrité ainsi
24 que la souveraineté territoriale de l'Herceg-Bosna, donc des Croates.
25 C'était le HVO qui était à la régie, si vous voulez, et qui dirigeait
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1 toutes ces autres instances. Le HVO a même désigné des personnalités. Par
2 exemple, le président du HVO, qui était à ce poste depuis 1992, rendait
3 des comptes au président d'Herceg-Bosna, à savoir Mate Boban.
4 Si j'essaie de répondre à votre question, je dirai ceci : vous
5 avez différentes entités, différentes institutions, mais qui, toutes, à
6 des degrés divers, rendaient des comptes au HVO. Le HVO était une
7 structure qui avait une organisation au niveau local et divers services ou
8 des départements ; il y avait presque des ministères comme celui de la
9 Justice ou celui des armées, le ministère de l'économie... C'était un peu
10 comme un mini-gouvernement.
11 Dans un autre document que j'ai et qui émane du vice-président
12 du ministère de la Justice du HVO, en date de septembre 1992, il est dit
13 clairement que sur le territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna,
14 le seul système juridique en vigueur est celui d'Herceg-Bosna. Tout ceci
15 pour limiter et diminuer la souveraineté du gouvernement de la Bosnie-
16 Herzégovine qui se situe à Sarajevo.
17 M. le Président. - Je crois que la Chambre n'a pas d'autres
18 questions.
19 Monsieur le Professeur, vous venez de finir votre témoignage. Le
20 Tribunal pénal international vous remercie beaucoup de vos
21 éclaircissements.
22 (M. Bianchini quitte la salle d'audience)
23 Avant de terminer, il convient de rappeler notre calendrier.
24 Je pense que nous poursuivrons notre affaire les 20, 21 et
25 22 mai. Nous avons
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1 également d'autres dates prévues, mais je ne les ai pas sous les yeux.
2 Pour terminer, car je crois que vous connaissez bien le
3 calendrier, reste la question de savoir si l'on va continuer la troisième
4 ou la quatrième semaine d'août. Si j'ai bien compris, Maître Niemann ne
5 sera pas là la troisième semaine d'août. Est-ce exact, Maître Niemann ?
6 M. Niemann (interprétation). - Messieurs les Juges, je serai
7 absent en effet, mais seulement la première semaine d'août. Je serai ici
8 les autres semaines du mois d'août.
9 M. le Président. - Nous allons régler les choses. Comme je vous
10 l'ai dit, il y a quelques difficultés pour la deuxième semaine d'août,
11 mais il sera possible de continuer la troisième ou la quatrième semaine,
12 selon la demande de la défense.
13 Nous en avons terminé pour aujourd'hui.
14 Bon week-end à vous tous.
15 L'audience est levée à 13 heures 20.
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