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1 Le jeudi 1 avril 2004
2 [Audience sentencielle]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez, je vous
7 prie, donner le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-03-72-S, le Procureur
9 contre Milan Babic.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
11 Bonjour à tous. Avant que je ne demande aux parties de se présenter, je
12 souhaite tout d'abord m'assurer que vous êtes en mesure Monsieur Babic, de
13 me suivre dans une langue que vous comprenez.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu de traduction, mais
16 c'est peut-être parce que je suis sur le mauvais canal.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, je vous ai entendu.
19 Votre micro n'était pas allumé. Merci, Monsieur Babic.
20 Je vais maintenant demander aux parties de se présenter.
21 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bonjour. L'Accusation est représentée
22 par M. Alex Whiting, Mme Sabine Bauer - M. Whiting qui va prononcer notre
23 déclaration liminaire - je m'appelle moi-même, Hildegard Uertz-Retzlaff, et
24 notre assistante est Ruth Karper.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Uertz-Retzlaff.
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1 Pour la Défense.
2 M. MUELLER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
3 Juges. La Défense est représentée par Me Robert Fogelnest; M. Danilo
4 Cirkovic, notre assistant; et moi-même, Peter Michael Mueller.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
6 M. MUELLER : [interprétation] Permettez-moi de faire une remarque liminaire
7 très brève qui, cependant, doit être faite à huis clos.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si cela est nécessaire, vous pouvez
9 toujours demander le huis clos. Mais est-ce que le huis clos partiel
10 conviendrait ?
11 M. MUELLER : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons maintenant passer à huis
13 clos partiel, ce qui signifie qu'on peut toujours nous voir, mais qu'on ne
14 peut pas suivre nos propos.
15 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais très rapidement parler de la
17 façon dont ces audiences vont se dérouler. La Chambre souhaiterait que les
18 parties fassent chacune une déclaration liminaire brève. Ensuite nous
19 entendrons des témoins. Si M. Babic souhaite lui-même faire une
20 déclaration, Me Mueller pourra peut-être nous en informer à l'avance. Cela
21 pourra se faire après l'audition des témoins. Ensuite, je donnerai aux
22 parties la possibilité de faire des observations avant de terminer
23 l'audience.
24 Est-ce que cela vous convient ?
25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
2 M. MUELLER : [interprétation] Nous sommes d'accord, quant à votre demande
3 au sujet de l'intervention ou non de M. Babic, je peux vous dire qu'il va
4 effectivement intervenir, mais que son intervention sera très brève.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. FOGELNEST : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Fogelnest.
8 M. FOGELNEST : [interprétation] Si la Chambre souhaite que nous fassions
9 une déclaration liminaire, nous nous plierons à cette demande, mais, si
10 cela vous agrée, nous sommes prêts à renoncer à cette petite formalité afin
11 de ne pas perdre de temps; cependant, si vous insistez, si vous voulez
12 vraiment que nous fassions une déclaration liminaire, nous pourrons le
13 faire.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, c'est à vous d'en décider.
15 C'est à vous de décider si vous souhaitez renoncer à un droit, si vous
16 estimez que vous pourrez dire tout ce que vous souhaitez dire après
17 l'audition des témoins. Après une brève intervention de M. Babic, bien
18 entendu, nous n'avons rien à y redire, mais tout dépend. Si l'Accusation
19 fait une déclaration liminaire, peut-être vaut-il mieux que ne serait-ce
20 qu'en quelques mots, vous interveniez également, non pas tellement pour la
21 Chambre parce que nous avons lu vos mémoires. Mais nous sommes dans le
22 cadre d'une audience publique, je pense, enfin ce n'est qu'une simple
23 suggestion qu'il serait bon d'intervenir brièvement.
24 M. FOGELNEST : [interprétation] Lorsque nous en viendrons à notre
25 déclaration à la fin de cette audience, Me Mueller et moi-même voulons --
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1 souhaiterons pouvoir intervenir tous les deux.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à condition que vous ne vous
3 battiez pas quant au temps qu'il sera imparti à chacun.
4 M. FOGELNEST : [interprétation] D'accord. Merci.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
6 M. FOGELNEST : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, vous nous avez dit
7 que c'est votre confrère, M. Whiting --
8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. M. Whiting.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est M. Whiting qui va intervenir en
10 premier. Nous nous sommes mis d'accord sur l'ordre de l'intervention.
11 Je vais vous donner la parole, Monsieur Whiting.
12 M. WHITING : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De combien de temps aurez-vous besoin ?
14 M. WHITING : [interprétation] Quinze à 20 minutes.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
16 M. WHITING : [interprétation] Je vais prononcer une déclaration liminaire,
17 à la fin de laquelle je demanderai le versement au dossier d'un certain
18 nombre d'éléments de preuve pour l'Accusation, suite à quoi Mme Sabine
19 Bauer interrogera notre premier témoin, M. Mladic Loncar.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez plusieurs témoins.
21 M. WHITING : [interprétation] Non. Je m'excuse, c'est notre premier et
22 notre seul témoin.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est clair. J'imagine que les
24 éléments de preuve dont vous allez demander le versement, la Défense en a
25 déjà eu connaissance. Est-ce qu'il y a déjà un accord entre les parties au
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1 sujet du versement au dossier de ces pièces.
2 M. WHITING : [interprétation] Oui. Toutes les pièces que nous souhaitons
3 verser au dossier, ont été fournies d'une part à la Chambre et d'autre part
4 à la Défense, et il y a accord sur ces pièces.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
6 M. WHITING : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, je vous donne la
8 parole.
9 M. WHITING : [interprétation] L'objectif de l'audience de ce jour et de
10 demain est de déterminer la peine qu'il convient de prononcer à l'encontre
11 de l'accusé, M. Milan Babic. Le 27 janvier 2004, l'accusé a plaidé coupable
12 de persécution, crime contre l'humanité pour le rôle qu'il a joué dans des
13 crimes commis contre des Croates et d'autres non-Serbes. Des crimes commis
14 par les forces serbes en Croatie en 1991. L'accusé a, notamment et plus
15 particulièrement, reconnu avoir été co-auteur d'une entreprise criminelle
16 commune dont l'objectif était de faire partir par la force la population
17 non-serbe du territoire de ce qu'on appelait la région autonome serbe de la
18 Krajina qui est également connu sous l'acronyme de SAO de la Krajina.
19 Les autres participants à cette entreprise criminelle commune comprenait
20 Slobodan Milosovic, Milan Martic, Goran Hadzic, Jovica Stanisic, Franko
21 Simatovic, Vojislav Seselj, et les généraux Blagoje Adzic et Ratko Mladic.
22 La plupart d'entre eux ont été mis en accusation par le Tribunal où sont
23 actuellement en détention où en cours de procès. L'objectif de l'entreprise
24 criminelle commune a été réalisé en partie par le biais du crime de
25 persécution au titre duquel l'accusé a plaidé coupable.
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1 Il est important de noter que ce seul crime de persécution englobe les
2 crimes d'exterminations et de meurtres, de détentions, de traitements
3 inhumains, d'expulsions et de destructions de biens privés, culturels et
4 religieux. En conséquence le chef de persécution englobe à lui seul et
5 reflète à lui seul la totalité et toute la gravité des crimes commis par
6 les membres de l'entreprise criminelle commune y compris l'accusé, crimes
7 commis à l'encontre de Croates et d'autres civils non Serbes.
8 Dans sa juridiction, le Tribunal indique quatre facteurs que les Chambres
9 de première instance doivent prendre en compte au moment de prononcer une
10 peine : premièrement, la gravité du crime; deuxièmement, la situation
11 personnelle de la personne reconnue coupable; en troisième lieu, toute
12 circonstance atténuante ou aggravante; et en quatrième lieu, la crise
13 générale des peines d'emprisonnement, telle qu'appliquée par les tribunaux
14 en ex-Yougoslavie. Cependant, en l'espèce, je pense qu'il convient
15 également d'avoir à l'esprit deux facteurs contradictoires pour la Chambre
16 de première instance de déterminer la peine à prononcer contre l'accusé.
17 D'une part, la Chambre va devoir prendre en compte la gravité du crime
18 commis et le rôle de l'accusé dans ce crime. Mais d'autre part, les Juges
19 de la Chambre devront tenir compte et évaluer le plaidoyer de culpabilité
20 de l'accusé. Le fait qu'il ait reconnu sa responsabilité ainsi que sa
21 coopération avec le Tribunal et avec le bureau du Procureur.
22 S'agissant du premier terme de cette équation, l'Accusation fait valoir
23 qu'au terme de la jurisprudence du Tribunal, c'est la gravité du crime qui
24 doit peser le plus lourd. L'Accusation fait valoir qu'il s'agit là, du
25 facteur le plus important qui doit être pris en compte par les juges au
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1 moment de prononcer une peine. L'accusé a plaidé coupable au titre d'un
2 des crimes les plus
3 graves qui existe dans ce monde et les souffrances, les pertes endurées
4 suite à la perpétration de ces crimes sont immenses. Plus de 230 Croates et
5 autres non Serbes ont été assassinés et des milliers d'autres ont été
6 soumis à des mesures à caractère discriminatoire, détenus dans des
7 conditions inhumaines, chassés de leur foyer ou ont vu leur bien personnel,
8 religieux ou culturel détruit. Les destructions engendrées par ces crimes
9 se ressentent aujourd'hui encore et on continuera à ressentir l'effet
10 pendant encore bien des années.
11 S'agissant maintenant de la gravité des crimes commis, l'Accusation au
12 cours de ces audiences présentera des éléments de preuve sous forme écrite
13 et sous forme verbale. S'agissant des éléments de preuve présentés sous
14 forme écrite, l'Accusation va présenter en tant que pièce à conviction les
15 déclarations de cinq victimes. Les victimes qui témoignent des crimes qui
16 ont été commis et de la manière dont ces crimes les ont affectées, elles
17 ainsi que leurs familles. Ces déclarations ont déjà été fournies aux Juges
18 de la Chambre en annexe à notre mémoire. Elles ont également été fournies à
19 la Défense. Je vais en quelques mots parler de la teneur de ces
20 déclarations.
21 Mais auparavant, je voudrais situer les crimes en question sur une carte
22 que nous allons également versé au dossier.
23 Je vais demander à notre assistante de placer la carte en question sur le
24 rétroprojecteur. Il s'agit d'une carte qui a été fournie à l'Accusation par
25 l'accusé lui-même et c'est une carte de la Republika Srpska de 1993;
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1 cependant, sur cette carte on peut voir la SAO de la Krajina où les crimes
2 ont eu lieu en 1991.
3 C'est une carte qui est extrêmement grande, il est un petit peu difficile
4 de la placer sur le rétroprojecteur. Je vais demander à notre assistante de
5 nous présenter la portion de la carte qui est désignée par la lettre A.
6 Oui, c'est cela.
7 Est-ce que, dans la cabine technique, on peut nous montrer une partie plus
8 importante de la carte à l'écran ?
9 La zone de la carte qui porte un A, c'était la région autonome de la
10 Krajina en 1991. On trouve également attachée à cette carte une traduction
11 de sa légende. Mais pour l'instant ce qui nous intéresse c'est la carte en
12 tant que tel.
13 La région près de laquelle figure un A, est la région autonome de la
14 Krajina en 1991. Là où l'on voit un B, c'est la Slavonie occidentale et
15 avec un C, c'est la Slavonie orientale. Les zones B et C ne nous
16 intéressent pas en l'espèce. Ce qui nous intéresse, c'est la zone A,
17 puisque c'est dans la SAO de la Krajina que l'on trouvait l'accusé pendant
18 les crimes commis puisqu'il était le président de cette SAO. Sur cette
19 carte, dans la zone A, où les crimes ont été commis, je souhaiterais vous
20 indiquer un certain nombre de lieux.
21 Je vais demander à notre assistante, dans le nord-est de la SAO de la
22 Krajina, de nous indiquer les villages de Bacin, Dubica et de Cervljani
23 auxquels il est fait référence au paragraphe 15(A)(i) de l'acte
24 d'accusation où sont répertoriés les crimes commis dans ces villages. Au
25 milieu de la SAO de la Krajina qui est indiqué par notre assistante, se
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1 trouvent les villages de Saborsko, Poljanak et Lipovaca, auxquels il est
2 fait référence au paragraphe 15(A)(ii) de l'acte d'accusation. Enfin, tout
3 à côté de Knin, à l'ouest de Knin -- là il faut remonter un petit peu la
4 carte sur le rétroprojecteur. A l'ouest de Knin, on trouve les villages de
5 Skabrnja, Nadin et Bruska, où les crimes, décrits au paragraphe 15(A)(iii)
6 et (iv) de l'acte d'accusation, ont été commis. On voit clairement
7 également Knin sur la carte et on voit où ces villages se situent par
8 rapport à la ville de Knin.
9 Merci.
10 Maintenant, je vais vous parler brièvement de la teneur des déclarations
11 des cinq témoins dont nous allons demander le versement au dossier. L'un
12 des témoins venant de Dubica raconte comment un grand nombre de Croates ont
13 quitté ce village de Dubica au cours du conflit et le fait que le 20
14 octobre 1991, 53 civils qui étaient restés sur place dont beaucoup de
15 personnes âgées et de femmes ont été arrêtées par la milice de la Krajina
16 et emmenées à la caserne de pompiers locaux où elles ont été placées sous
17 la garde des Serbes, ainsi que de membres de la JNA. Le témoin lui-même a
18 été remis en liberté. Mais, ultérieurement, il a appris que les personnes
19 qui étaient restées en détention ainsi que d'autres personnes détenues et
20 qui venaient des régions et des villages environnants avaient été
21 massacrées avant d'être enterrées dans une fosse commune. Un grand nombre
22 de ces victimes ont ensuite été retrouvées dans des charniers après la
23 guerre.
24 Lorsque le témoin est retourné dans son village en 1995, il a constaté que
25 13 maisons dont la sienne ainsi que l'église catholique qui se trouvait
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1 dans son village avaient été rasés.
2 Un deuxième témoin témoigne ou parle de l'attaque des forces serbes sur
3 Skabrnja le 19 novembre 1991. Le témoin raconte que des soldats serbes dont
4 des soldats de la JNA et des soldats de la SAO de la Krajina ont exécutés
5 des civils dont des femmes âgées et des personnes âgées.
6 Un autre témoin relate la venue de la milice de la Krajina dans son village
7 de Bruska le 21 décembre 1991. Elle raconte comment ces personnes ont
8 massacré des civils, neuf Croates, et un Serbe qui se trouvaient là en
9 visite et qui a été tué. Lorsque le témoin est retourné dans son village
10 après la guerre, elle a constaté que sa maison avait été pillée.
11 Un autre témoin parle des attaques sur le village de Poljanak et de
12 l'exécution de nombreux civils Croates par les forces serbes.
13 Enfin, le dernier témoin nous parle de son arrestation par la milice de
14 Martic et de sa détention à l'ancien hôpital de Knin. Le témoin a été
15 détenu à cet endroit avec environ 120 autres Croates et dans sa
16 déclaration, il nous parle des graves sévices qu'il a subis et des
17 exactions qui ont eu lieu dans cette prison.
18 C'est en quelques mots seulement que je vous ai parlé de ce que nous disent
19 ces témoins, mais les déclarations de ces témoins fournissent une relation
20 beaucoup plus exhaustive des atrocités qui ont été commises et la Chambre
21 de première instance pourra en prendre connaissance à la lecture de ces
22 déclarations.
23 L'Accusation va également fournir en tant que pièce à conviction le rapport
24 du colonel Ivan Grujic, chef du bureau croate pour les personnes détenues
25 et disparues, qui fournies des données exhaustives sur le nombre de civils
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1 qui ont été tués ou qui ont été portés disparus pendant la guerre ainsi que
2 sur les personnes qui ont été arrêtées. Ces informations vont fournir à la
3 Chambre un moyen d'évaluer la portée des crimes au titre desquels l'accusé
4 a plaidé coupable.
5 Enfin, l'Accusation et la Défense vont présenter un témoin commun, le Dr
6 Mladen Loncar, qui va être tout d'abord interrogé par Mme Bauer. Le Dr
7 Loncar est un psychiatre qui a une grande expérience quant au traitement
8 des victimes de guerres et des crimes de guerre. Il va pouvoir nous parler
9 de l'impact des crimes qui ont été commis en l'espèce sur les victimes en
10 Croatie. Parallèlement à sa déposition, l'Accusation va demander le
11 versement au dossier du rapport de M. Loncar ainsi que de sont curriculum
12 vitae.
13 Parallèlement à la gravité du crime commis, la Chambre de première instance
14 va devoir s'interroger pour savoir si le rôle de l'accusé dans ces crimes
15 était très important. Il a été reconnu que l'accusé n'avait pas été à
16 l'origine du plan criminel et qu'il n'en était pas l'acteur principal, loin
17 de là. Cependant, pendant la période où ces crimes ont été commis, l'accusé
18 en tant que président de ce qui était appelé la SAO de la Krajina occupait
19 le poste suprême au point de vue politique dans cette région.
20 A partir d'août 1991, l'accusé savait que d'autres membres de l'entreprise
21 criminelle commune procédaient au déplacement par la force de la population
22 croate et non Serbe des zones concernées et il savait que des crimes de
23 mauvais traitement, détentions, d'expulsions, de transferts forcés, de
24 destructions de biens étaient perpétrés. Il savait également que les
25 meurtres étaient l'issue probable de l'objectif de cette entreprise
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1 criminelle commune.
2 Pourtant, l'accusé est resté à son poste pendant toute cette période. Il a
3 participé à la fourniture d'armements aux Serbes en Croatie et il a
4 également participé à la mise en place des structures militaires et
5 politiques pour une entité serbe en Croatie. Il a également participé au
6 financement de ces structures militaires. A aucun moment cependant l'accusé
7 n'a exercé de contrôle sur l'armée ou sur la police en Krajina, sur les
8 hommes qui ont commis ces crimes. De plus, la Chambre de première instance
9 va également devoir se pencher sur le comportement de l'accusé depuis que
10 ces crimes ont été commis et à ce sujet l'Accusation va demander le
11 versement au dossier de la déposition de l'ambassadeur Peter Galbraith, qui
12 était l'ambassadeur américain en Croatie de 1993 à 1998, déposition faite
13 dans l'affaire Milosevic.
14 Si bien qu'en tout premier lieu, la Chambre de première instance va devoir
15 se pencher sur la gravité du crime commis et sur le rôle qu'a joué l'accusé
16 dans ces crimes. L'autre terme de l'équation est le suivant, il faut
17 reconnaître que c'est l'accusé qui a été à l'origine des contacts qui ont
18 ensuite été noués avec l'Accusation avant même qu'il n'ait été mis en
19 accusation.
20 Il a coopéré de manière très importante avec l'Accusation et il a déposé
21 dans l'affaire Slobodan Milosevic, il a accepté de déposer dans d'autres
22 affaires, jugées par le Tribunal et il a plaidé coupable et reconnu sa
23 responsabilité au titre des charges qui ont été portées contre lui.On
24 pourrait dire qu'un homme qui a commis un crime contre l'humanité devait de
25 toute manière faire ce qu'il a fait et que l'on ne doit nullement lui en
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1 être reconnaissant ou lui permettre d'en tirer quelque avantage que ce
2 soit.
3 Cependant, la réalité nous montre que très rare sont les accusés qui se
4 comportent comme il l'a fait et que ceux qui bénéficient du plaidoyer de
5 culpabilité de cet accusé et de sa coopération avec le Tribunal sont le
6 processus de recherche de la vérité, les citoyens de l'ex-Yougoslavie,
7 l'objectif de réconciliation, et ce qui est peut-être sans doute, est sans
8 doute le plus important, les victimes de ces crimes.
9 L'accusé -- le plaidoyer de culpabilité et de son témoignage a clairement
10 indiqué que l'accusé a précisé que ces crimes ont été commis. Ce n'est pas
11 simplement le Tribunal qui le dit, ce n'est pas simplement l'Accusation qui
12 le dit. Mais c'est une des personnes responsables de ces crimes qui le dit.
13 Il ne s'agit pas évidemment de nier ces crimes qui ont été commis. Il ne
14 s'agit pas de les excuser. Il s'agit simplement d'affirmer que ces crimes
15 ont été commis et ce, au nom des victimes.
16 Par conséquent, c'est une étape importante dans le processus de
17 réconciliation qui constitue un des éléments essentiels de cette
18 institution.
19 Le Dr Mladen Loncar va venir témoigner ce matin non seulement sur les
20 effets des crimes sur les victimes mais également sur les effets positifs
21 de l'accord du plaidoyer de culpabilité de l'accusé, la reconnaissance de
22 sa responsabilité. De plus l'Accusation va présenter comme éléments de
23 preuve une série de citations de l'accusé lui-même, de son témoignage, de
24 ses entretiens avec l'Accusation qui mettent clairement l'accent sur sa
25 responsabilité pour les crimes en question.
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1 De surcroît, la coopération de l'accusé et de son témoignage constitue des
2 étapes importantes dans l'établissement de la vérité. Également de faire
3 reconnaître que ces crimes ont effectivement eu lieu à savoir que ceux qui
4 les ont commis sont tenus pour responsables. Le témoignage de l'Accusation
5 est un élément qui a été versé au dossier par l'Accusation ainsi qu'une
6 liste de documents fournis et authentifiés par M. Babic lui-même, au cours
7 de son témoignage.
8 Les personnes responsables de ces crimes auxquels a participé l'accusé, ici
9 nous parlons en particulier de ceux qui étaient au pouvoir, ceux qui ont
10 planifié les crimes et ceux qui les ont exécutés dans le plus grand secret,
11 qui ont pris le plus grand soin pour cacher leurs actes et s'assurer qu'il
12 n'y ait aucune trace que leur mauvais agissement puisse être retrouvés. Ils
13 ont pris des mesures importantes pour essayer de cacher leurs crimes et ont
14 essayé d'induire en erreur la communauté internationale.
15 Il est difficile lorsqu'on recherche la vérité, d'entendre le seul
16 témoignage de ceux qui ont participé, ceux qui ont joué un rôle dans les
17 crimes eux-mêmes, que la vérité et du rôle joué dans ces crimes, ne peut
18 être mis en lumière que par les personnes elles-mêmes.
19 Par conséquent, les mesures prises par l'accusé doivent être clairement
20 prises en compte par cette Chambre. D'autres personnes qui ont occupé les
21 mêmes fonctions que lui devraient comprendre la teneur de ce message parce
22 qu'il est important de reconnaître sa responsabilité et de dire la vérité
23 dans ce cas.
24 Une fois que la Chambre de première instance a entendu tous les éléments de
25 preuve et les arguments au cours de l'audience portant sur la condamnation,
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1 il sera important d'évaluer le poids de ces différents éléments compte tenu
2 de la jurisprudence et des règlements de ce Tribunal. Il s'agit de prendre
3 en compte la gravité de l'infraction et le rôle joué par l'accusé dans
4 cette infraction ainsi que le plaidoyer de culpabilité et sa coopération.
5 A la fin de l'audience portant sur les éléments de preuve présentés, Mme
6 Uertz-Retzlaff s'adressa à la Chambre et présentera ses arguments portant
7 sur la peine à prononcer et fera valoir les arguments de l'Accusation.
8 A ce moment-là, avec l'autorisation de la Chambre, je souhaite présenter
9 comme éléments de preuve les pièces suivantes, et ce conformément aux
10 articles 92 bis et 89 (F). Il s'agit de déclarations de témoins qui ont
11 fait des déclarations, des témoins directs des faits concernés. Nous avons
12 donné des pseudonymes puisqu'il s'agissait de protéger l'identité des
13 témoins en question.
14 Il s'agit de PS2 qui est la carte que j'ai présentée lors de ma déclaration
15 liminaire qui porte de différents numéros de cotes portant sur les
16 différents paragraphes PD2.
17 PS3 est le rapport de M. Yvan Grujic qui dirigeait le bureau des personnes
18 détenues et des personnes portées disparues, il s'agit d'un rapport sur
19 "Les personnes déplacées, tuées dans la République de Croatie dans les
20 années 1990, 1992, années de guerre."
21 La pièce PS4 est une série de citation de l'accusé, extrait de son
22 témoignage et de ses entretiens avec l'Accusation.
23 La pièce PS5, il s'agit là du témoignage de l'ambassadeur américain en
24 Croatie, l'ambassadeur Galbraith, entre 1992 [comme interprété] et 1998,
25 extrait de témoignages dans l'affaire Milosevic.
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1 La pièce PS6, est une liste de documents fournies soit par M. Babic, soit
2 authentifié par M. Babic au cours de son témoignage dans l'affaire
3 Milosevic, pour finir Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit
4 de la pièce PS7, l'intégralité du compte rendu d'audience dans le cadre de
5 l'affaire Milosevic et des entretiens avec l'Accusation.
6 Il s'agit de documents très importants et volumineux, l'Accusation a hésité
7 à présenter ces éléments car ils sont tellement volumineux, des allusions
8 sont faites ici, elles sont importantes puisqu'elles contiennent tous les
9 différents témoignages. Nous avons estimé qu'il était important que tout
10 ceci soit versé au dossier. Cet élément porte la cote PS7.
11 Comme je vous l'ai précisé auparavant, tout ceci a été versé au dossier
12 conformément aux Articles 89(F) et 92 bis, avec l'accord de la Défense de
13 façon à ce qu'elle puisse être versée au dossier et prise en compte par la
14 Chambre de première instance.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. D'après les propos de
16 M. Whiting, je pense que vous ne soulevez aucune objection quant au
17 versement au dossier des différents éléments présentés.
18 M. FOGELNEST : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Whiting, je suis en train de
20 vérifier, je regarde les différents éléments qui ont été présentés à la
21 Chambre avant cette audience portant sur le prononcé de la peine. Je
22 remarque qu'il y a des différences au niveau de la numérotation des pièces.
23 C'est entre la version B/C/S et les numéros des paragraphes par exemple, et
24 la numérotation des paragraphes ainsi différenciés, n'aura pas la tâche
25 très facile lorsqu'il s'agit de faire référence à certains éléments de ces
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1 documents. Il serait par conséquent -- nous aurons besoin -- si le besoin
2 de les mentionner dans notre jugement.
3 Je ne vais pas vous demander de reverser ces éléments une troisième fois,
4 ce serait une perte de temps, et une mauvaise utilisation du papier, mais
5 je tiens simplement à vous signaler, si vous ajoutez un numéro de
6 paragraphes à un document, par exemple, nous estimons qu'il est préférable
7 que vous le fassiez dans toutes les langues, je vous prie.
8 M. WHITING : [interprétation] Pardonnez-moi pour ceci. Nous allons regarder
9 cet après-midi, si nous pouvons trouver une solution à ce problème.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une des éventualités serait la suivante,
11 puisque nous n'avons pas encore pris de décision à cet égard, peut-être que
12 vous pourriez les numéroter, avant de les verser au dossier, ou du moins un
13 exemplaire pourrait être traité ainsi, et nous pourrions évidemment dans
14 les copies que nous avons à notre disposition le rajouter à la main après.
15 Monsieur Whiting.
16 Je souhaite maintenant me tourner vers la Défense. Souhaitez-vous faire
17 quelques déclarations liminaires ?
18 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
20 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous remercie. Je crois que vous allez
21 entendre très peu d'éléments discordants entre la position de la Défense et
22 de l'Accusation au cours de cette audience à une exception près que je vais
23 aborder dans quelques instants.
24 L'intention exprimée par M. Babic dès le moment où il s'est présenté au
25 Tribunal il y a presque deux ans, pour se présenter de façon volontaire
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1 devant ce Tribunal, nous la Défense et l'Accusation, nous avons travaillé
2 ensemble pour essayer de faire ressortir la vérité devant cette Chambre et
3 ce Tribunal.
4 C'est dans le but de servir l'histoire, que nous n'avons pas agi comme des
5 adversaires, nous avons coopéré de façon extraordinaire. Le seul point sur
6 lequel nous ne sommes pas d'accord, est un point litigieux comme c'est
7 souvent le cas entre avocats sur l'application de circonstances
8 aggravantes, eu égard aux rôles qu'a joué M. Babic en tant que dirigeant
9 politique et civil, il s'agit là d'un élément juridique plutôt que d'un
10 élément portant sur les faits.
11 L'objectif de toutes les parties, M. Babic, les membres de l'équipe de
12 l'Accusation, l'équipe de la Défense ont essayé de faire ressortir la
13 vérité. Nous tous, y compris notre client, nous pensons que la seule
14 manière de faire avancer notre société et de faire ressortir la vérité à
15 cette époque de l'histoire, de façon à ce que tout un chacun comprenne de
16 façon à ce que nous puissions aller de l'avant, progresser, comprendre ce
17 qui s'est passé, et peut-être trouver les moyens à partir de là, d'empêcher
18 que ces événements ne se reproduisent à nouveau.
19 Par conséquent, nous souhaitons aider cette Chambre à rendre ce type de
20 décisions. Nous avons fourni énormément d'informations à cette Chambre
21 avant la tenue de cette audience. L'Accusation a remarquablement bien
22 travaillé puisqu'elle a rassemblé un nombre très important de ces
23 documents. Cela étant dit, bon nombre de ces documents ont été fournis par
24 M. Babic lui-même.
25 Nous n'avons pas présenté beaucoup de témoins. Il n'y pas de point de
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1 désaccord là-dessus. Nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec M.
2 Loncar, corroborer ce qu'il a dit, ils ont eu l'occasion de rencontrer nos
3 témoins, et je crois, qu'il n'y pas de point de discordance avec leurs
4 propos. Encore une fois, je ne peux pas souligner ceci suffisamment, c'est
5 notre objectif à tous que de vous aider de révéler la vérité, à retrouver
6 la vérité, et vous aider à évaluer les facteurs dans leur contexte
7 véritable de façon à ce que vous puissiez arriver à votre verdict et à
8 prononcer une peine qui servira les objectifs de ce Tribunal et qui, à long
9 terme, servira l'ensemble des communautés de par le monde. Ceci permettra
10 peut-être d'empêcher ou d'entraver ce genre de choses, d'empêcher qu'elles
11 ne se reproduisent. Ces crimes sont en train d'être commis dans d'autres
12 régions du monde à l'heure où nous parlons. Ce Tribunal vise un progrès de
13 la civilisation et nous espérons que les êtres humains pourront évoluer et
14 apprendre d'après les événements qui se sont produits pour éviter que ceci
15 ne se reproduise à l'avenir.
16 M. Babic s'est présenté de son plein gré et par conséquent favorise le
17 processus. Il faudra peser le poids de sa contribution, la contribution
18 qu'il a faite, le courage qu'il a eu pour venir se présenter, ainsi la
19 gravité de son infraction ne peut pas être minimisée, bien sûr. Ce qui
20 s'est produit dans les Balkans est évidemment terrible. Il faudra évaluer
21 son rôle et le poids qu'il a joué et le mettre en balance avec d'autres
22 facteurs et calculer cela pour essayer de rendre une décision appropriée.
23 Nous vous aiderons au mieux et nous vous remercions pour nous avoir donné
24 l'occasion de nous exprimer ainsi.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Madame Bauer, combien de temps vous faut-il, Madame, pour procéder à
2 l'interrogatoire principal de M. Loncar ?
3 Mme BAUER : [interprétation] Monsieur le Président, environ une heure et
4 demie à deux heures.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux heures. Nous allons par conséquent
6 entendre ce témoin. Puis-je vous demander quelque chose, s'il vous plaît,
7 est-ce que vous considérez qu'il s'agit d'un expert témoin ?
8 Mme BAUER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 Mme BAUER : [interprétation] Il a fourni un rapport d'expert qui va vous
11 être remis en temps et lieu et nous souhaiterons le verser au dossier. Je
12 crois que la Défense ne s'y oppose pas.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose cette question à cause de
14 la déclaration solennelle que je vais lui demander de prononcer et il
15 s'agit à ce moment-là de la déclaration solennelle d'un témoin expert. Il
16 ne va témoigner sur un certain nombre de faits mais sur les éléments qu'il
17 présente lui, dans son dossier en tant qu'expert.
18 Mme BAUER : [interprétation] Oui, tout à fait.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que l'huissier a déjà quitté la
20 salle d'audience. Je pense que le témoin expert va d'ici quelques instants
21 entrer dans le prétoire.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. Bonjour. Je pense que vous êtes
24 M. Loncar.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la demande des deux parties, on vous a
2 fait citer à la barre pour que vous puissiez faire valoir votre domaine
3 d'expertise devant cette Chambre. Avant de procéder à cela, je souhaite que
4 vous fassiez une déclaration solennelle en tant qu'expert. Nous n'avons
5 rien par écrit en B/C/S, je vais, par conséquent, vous lire ceci et je vous
6 demanderais de bien vouloir répéter, s'il vous plaît.
7 Je déclare solennellement que je le ferai en toute bonne foi et ce,
8 indépendamment, de façon impartiale. Je respecterai tous les devoirs de
9 confidentialité.
10 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirais la vérité, toute la
11 vérité et rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN: MLADEN LONCAR [Assermenté]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous asseoir. Le conseil de
15 l'Accusation va maintenant vous poser des questions.
16 Madame Bauer, poursuivez, je vous prie.
17 Questions de l'Accusation, Mme Bauer :
18 Q. [interprétation] Docteur Loncar, je vous prie de nous donner votre nom
19 en entier, s'il vous plaît.
20 R. Mladen Loncar.
21 Q. Docteur Loncar, vous êtes psychiatre en Croatie ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous êtes spécialisé en matière de traumatologie ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous aidez les victimes de la guerre en Croatie ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dans cette mesure, vous avez mis en place deux programmes nationaux en
3 Croatie et je souhaite que vous nous fassiez un bref descriptif de ces deux
4 programmes, je vous prie.
5 R. Je dirigeais le centre médical pour la protection des droits de l'homme
6 à partir de 1992. J'ai participé à des programmes internationaux pour aider
7 les victimes de la guerre, qui ont été parrainées par l'Union européenne,
8 l'OMS et d'autres organisations gouvernementales. Un autre programme auquel
9 j'ai participé est celui de l'assistance psychosociale et médicale aux
10 victimes de la guerre en Croatie. J'étais coordonnateur entre les
11 différentes agences régionales à Zagreb. Il s'agit de centres qui
12 s'occupent du traumatisme psychologique à Zagreb, Osijek, Split et Rijeka.
13 Q. Très bien. On vous a demandé de préparer un rapport d'expert, Docteur
14 Loncar, qui traite de deux thèmes, en particulier. Le premier est
15 l'incidence du traumatisme subi pendant la guerre sur le bien-être physique
16 et mental de quatre différents groupes de victimes qui sont cités dans cet
17 acte d'accusation ?
18 R. Oui.
19 Q. Deuxièmement, dans ce rapport, vous avez surtout porté votre attention
20 sur le plaidoyer de culpabilité, le groupe de victimes ainsi que le groupe
21 d'auteurs qui figurent dans l'acte d'accusation y compris la contribution
22 que ceci peut avoir à la réconciliation. Est-ce exact ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 Mme BAUER : [interprétation] A ce stade de la procédure, je souhaite
25 présenter le rapport d'expert, y compris le curriculum vitae du Dr Loncar.
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1 Je souhaite que ceci porte la cote, pièce présentée dans le cadre de
2 l'audience portant sur le prononcé de la peine et portant le numéro 8.
3 Comme élément d'information, qui vous est peut-être utile pour vous, nous
4 avons re-numéroté les pages du document en B/C/S, de façon à ce que les
5 deux versions coïncident, la version anglaise et la version en B/C/S de ce
6 rapport.
7 Q. Docteur Loncar, avant d'aborder les conclusions de votre rapport, je
8 souhaite brièvement faire un aparté et lire les éléments de votre
9 curriculum vitae et si vous pouvez simplement confirmer les éléments qui
10 s'y trouvent.
11 En 1987, vous avez reçu votre diplôme de l'école médicale de Novi Sad. Vous
12 avez fait des études de neuropsychiatrie, que vous avez dû interrompre à
13 cause de la guerre. Vous avez repris vos études à Zagreb en 1998. En 1999,
14 vous avez terminé vos études de psychiatrie sociale et médicale à Zagreb,
15 étude au niveau doctoral ensuite vous avez été nommé expert auprès des
16 tribunaux, dans ce domaine de spécialité. En 2003, vous avez également reçu
17 un autre diplôme en psychiatrie sociale, qui vous a été attribué par
18 l'école médicale de Zagreb. Est-ce exact ?
19 R. Oui, tout est exact.
20 Q. Pourriez-vous nous expliquer un peu de quoi il s'agit, lorsque vous
21 parlez de psychiatrie sociale ?
22 R. Il s'agit d'un domaine de la psychiatrie, qui traite des relations
23 entre les communautés et le patient qui souffre d'un trouble psychologique;
24 l'effet que le trouble psychologique d'individu peut avoir sur le reste de
25 la communauté.
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1 Q. Docteur Loncar, vous avez pris part à de nombreuses conférences et vous
2 avez également publié un certain nombre d'articles sur ce sujet, Monsieur
3 le Président, Monsieur le Juge, vous pouvez en juger vous-même, d'après les
4 différents textes cités à la fin du curriculum vitae de cet expert.
5 Docteur Loncar, pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous plaît, quelle a
6 été votre expérience personnelle en 1991 et les raisons pour lesquelles
7 vous avez décidé de traiter les individus qui sont victimes des traumatisme
8 de guerre, au plan psychologique ?
9 R. Je dois dire à la Chambre que j'ai passé deux mois dans un camp en
10 Serbie, Vojvodina, c'est la raison de mon intérêt pour ce sujet d'étude.
11 Lorsque j'ai vu quel était le sort réservé aux autres co-détenus, nous
12 étions 500 à 600, j'ai décidé de consacrer une partie de ma carrière à cela
13 en tant que médecin, en tant que quelqu'un travaillant pour une
14 organisation humanitaire ou intéressé par les questions humanitaires. Je
15 souhaitais me consacrer et me dédier à cela. Je souhaitais aider les
16 victimes et je souhaitais également protéger les droits de l'homme.
17 Q. Après cela, Monsieur, avez-vous fondé vous-même ce centre médical en
18 1991 ?
19 R. Oui. Un accord avait été convenu et arrangé par la Croix-Rouge, je suis
20 arrivé à Zagreb. Au début de l'année 1992, j'ai moi-même mis en place une
21 équipe de médecins qui comprenait ou qui avait connaissance de ce domaine,
22 le traumatisme psychologique. Nous avons mis en place un centre pour la
23 protection des droits de l'homme. Le but de ce centre était de porter, aide
24 et assistance aux victimes qui avaient subi des traumatismes psychologiques
25 lorsque nous avons décidé de présenter les conclusions de nos travaux, à la
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1 fois à des experts étrangers ainsi qu'aux différentes organisations qui
2 pouvaient jouer un rôle sur les événements en ex-Yougoslavie. Ici, il
3 s'agit particulièrement de l'OMS et de l'organisation pour la protection de
4 droits de l'homme.
5 Q. En première page de votre rapport, Docteur Loncar, vous évoquez les
6 différents projets sur lesquels vous avez travaillé, où vous travaillez
7 vous-même. Est-ce exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Docteur Loncar, quel est le nombre de victimes qui ont été prises en
10 charge par ce centre depuis 1992 ?
11 R. Depuis ce moment-là, je pense qu'environ 5 000 victimes ont été
12 traitées par notre centre médical pour les droits de l'homme.
13 Q. Etait-ce uniquement des victimes de Croatie ou est-ce qu'elles venaient
14 d'ailleurs aussi, au-delà des frontières croates ?
15 R. Avant tout, c'étaient des victimes de Croatie et des réfugiés venus de
16 Bosnie-Herzégovine. Plus tard, nous avons travaillé aussi en Bosnie-
17 Herzégovine. Nous avons étendu les activités de notre centre également pour
18 englober les victimes du Kosovo et de Macédoine.
19 Q. Les employés de ce centre, sont-ils membres de différents groupes
20 ethniques ou s'agit-il d'employés venant d'un seul groupe ethnique ?
21 R. Depuis 1992, plus de 30 employés ont travaillé dans ce centre et il
22 s'agit de personnes de diverses appartenances ethniques, des Serbes, des
23 Croates, des Musulmans.
24 Q. En page 2 et 3, [comme interprété] Docteur, vous précisez quelle est la
25 méthode qui a été appliquée par ce centre afin de recueillir des
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1 informations et ce, en prenant des déclarations, recueillant des
2 déclarations auprès des victimes. Pourriez-vous, s'il vous plaît, préciser
3 aux Juges, quel est l'avantage principal de cette méthode de travail ?
4 R. Le procédé, lui-même, lorsqu'on recueille les déclarations, a un effet
5 thérapeutique. Cela a été reconnu dès les années 1970, du siècle passé. On
6 a commencé à appliquer cette méthode au Chili, dans d'autres pays qui ont
7 été exposés à des dictatures. Les avantages se sont montrés en particulier
8 importants lorsqu'on travaille dans les foyers de crise avec des victimes.
9 Je précise : la victime travaille avec son thérapeute en décrivant par
10 écrit, sur papier, son expérience traumatisante et la retravaille avec son
11 thérapeute. Il s'agit d'un document qui en résulte, qui a une valeur
12 thérapeutique, mais aussi qui a une valeur juridique. L'effet bénéfique de
13 cette méthode est en particulier que la victime, pendant ce processus où sa
14 déclaration est recueillie, change de rôle, n'est plus une victime, devient
15 un témoin. C'est ceci qui gratifie la victime, pour la première fois, d'un
16 point de vue social, montre qu'en tant que victime, elle peut apporter
17 quelque chose à d'autres. Elle peut se valoriser.
18 Q. Docteur, quels sont les autres objectifs, peut-être moins importants,
19 qu'on peut citer, lorsqu'on recueille ces déclarations ?
20 R. Lorsqu'on recueille ces déclarations, on procède aussi à des études
21 statistiques. Les informations que l'on réunit, de cette manière-là, est
22 toujours en coopération avec la victime. On peut présenter les résultats au
23 public. Là, je pense avant tout aux organisations pour la protection des
24 droits de l'homme, des organisations qui ont eu un certain impact sur le
25 territoire de l'ex-Yougoslavie, et qui ont pu jouer un rôle pour mettre fin
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1 à la guerre.
2 Q. Docteur Loncar, dans votre rapport, vous faites état de plusieurs
3 conclusions, je vous réfère à l'avant-dernier paragraphe en page 3, et je
4 vous prie de dire aux Juges comment vous arrivez à ce chiffre, que vous
5 citez ici, le chiffre qui donne le nombre de détenus ?
6 R. Le nombre de personnes détenues dans les camps de Knin, c'est un
7 chiffre auquel on a abouti précisément en travaillant avec les victimes, et
8 en recueillant leurs déclarations. Là, je tiens à ajouter que ceci concerne
9 la période allant de 1991 à 1995, que le chiffre, que je donne ici,
10 correspond à peu près au résultat auquel sont aboutis les travaux de la
11 commission officielle, qui s'est penchée sur le nombre de détenus pour la
12 période concernée.
13 Q. En page 9, s'il vous plaît, pourriez-vous tourner à cette page, vous
14 arrivez à des conclusions qui concernent la municipalité de Hrvatska Dubica
15 qui est citée dans l'acte d'accusation au sujet des destructions,
16 dévastations. Quelles sont les sources sur lesquelles vous vous êtes appuyé
17 pour arriver à ce chiffre-là ?
18 R. Les chiffres qui figurent en page 9, comment on y est arrivé. Depuis
19 quelques mois, je me suis rendu plusieurs fois en visite là-bas. J'ai eu
20 des entretiens avec des victimes mais aussi avec des revenants et ceci m'a
21 permis de recueillir des informations sur la portée des dégâts.
22 Q. A quel moment avez-vous eu ces contacts avec les victimes ?
23 R. J'avais déjà eu des contacts avec ces victimes auparavant. Mais pour ce
24 qui est de ces chiffres ici, précisément, ce sont des contacts que j'ai
25 établi depuis le début de cette année jusqu'à il y a à peu près un mois.
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1 Q. Page 11 et suivantes, vous parlez des personnes qui ont été témoins de
2 meurtres de leurs proches. Sur quoi vous êtes-vous fondé là-dessus pour
3 écrire cela ?
4 R. La source et notre travail avec les personnes expulsées, avec les
5 personnes qui sont revenues. Leurs familles étaient soient des personnes
6 déplacées, soient des réfugiés. Nous nous sommes rendus dans des camps de
7 réfugiés pour nous entretenir avec ces gens-là, pour parler avec eux. Nous
8 avons recueillis leurs déclarations, ce qui nous a permis de rassembler ces
9 données.
10 Q. Docteur, s'il vous plaît, revenons au premier groupe de victimes en
11 page 3 lorsqu'on parle des victimes qui ont été incarcérées ou détenues. En
12 page 4, vous parlez de toutes les formes de mauvais traitements, ce sont
13 les pages 3 et 4, et vous répartissez essentiellement ceci en catégorie de
14 sévices physiques et de sévices mentaux. Pourriez-vous, s'il vous plaît,
15 nous parler très brièvement de quelques-uns de ces abus mentaux dont vous
16 ont parlé les ex-détenus ?
17 R. Je vais vous les énumérer. Le plus souvent, ce sont des sévices
18 psychologiques dont on fait l'objet les détenus dans des camps ou dans des
19 prisons. Tout d'abord, c'est le fait qu'on les détenait dans des espaces
20 clos, obscurs, dans des cellules d'isolement. On les privait de source de
21 lumière.
22 Ensuite, on les privait de sommeil. Souvent, on les réveillait de nuit. Les
23 victimes étaient incapables d'avoir suffisamment de repos. Ensuite, on les
24 a forcé à chanter des chansons et c'était quelque chose qui était
25 humiliant, avilissant pour la victime. On les menaçait ou on les emmenait à
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1 des mises en scènes de meurtres ou d'exécutions et on les forçait aussi à
2 voir ou à être témoin des passages à tabac ou des tortures d'autres
3 détenus. C'était cela les tortures psychologiques les plus fréquentes.
4 Q. Pour ce qui est des troubles mentaux, quels sont les troubles mentaux
5 qui en sont la conséquence que vous avez pu constater ?
6 R. Pour ce qui est des troubles mentaux, ce qui apparaît chez les ex-
7 détenus, le plus souvent, ce sont trois troubles, notamment. C'est le
8 trouble post traumatique, le PTSD. C'est l'anxiété, les troubles d'anxiété
9 et des troubles affectifs.
10 Q. Pouvez-vous nous dire ce qu'est le stress post traumatique et quels en
11 sont les symptômes ?
12 R. Il a plusieurs symptômes. Tout d'abord, le premier critère, le critère
13 le plus important ou la condition la plus importante, qu'est-ce qui va
14 faire que ce désordre va se produire, c'est que la personne soit exposée à
15 quelque chose qui sort du cadre de la condition normale, que l'on soit
16 exposé soit à une menace grave, une menace de mort et qu'elle soit exposée
17 à une peur de la mort. Trois groupes de symptômes apparaissent à ce moment-
18 là, l'évitement de ce qui provoque l'expérience traumatisante.
19 Ensuite, une hyper vigilance à l'insomnie, les troubles de l'attention, de
20 la concentration et des excès de fureur. Enfin, le repli ou leur retrait,
21 c'est un isolement sur le plan social, l'évitement de toutes activités en
22 groupe ou d'activités sociales et une baisse d'activités de manière
23 générale.
24 Q. Pour ce qui est de ces symptômes, est-ce qu'ils évoluent pour aboutir à
25 un désordre plus grave ?
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1 R. Ce qui est possible, c'est que le PTSD apparaît dans les premiers trois
2 à six mois. C'est là, qu'il commence à se manifester. Un certain nombre de
3 personnes qui développent ce trouble chronique au bout de trois ans au
4 moins développent un autre trouble, à savoir, un changement permanent de la
5 personnalité et dans la classification médicale officielle psychiatrique,
6 le symbole qu'on y attribue est F62.
7 Q. Quels sont les effets de ces troubles permanents de la personnalité ?
8 Comment est-ce que cela se manifeste ?
9 R. Ce qui est caractéristique dans ce cas-là, c'est que sur le plan
10 affectif, généralement parlant, le patient change. Le patient dit lui-même
11 qu'il a l'impression qu'il est tout autre par rapport à ce qu'il était
12 avant. Il y a une espèce d'aboutissement général, il ne peut plus connaître
13 de satisfaction. Il devient indifférent dans la vie quotidienne et il y a
14 un manque d'intérêt pour tout contact social ou toute activité quotidienne
15 habituelle.
16 Q. Ceci m'incite à vous poser la question suivante, à savoir, quel impact
17 ceci a sur le patient en question à gérer sa vie de tous les jours, à agir
18 dans le cadre d'un groupe de la société ?
19 R. Ce qui est caractéristique dans le cas du PTSD et ce qui est
20 caractéristique lorsque cela abouti à un changement de personnalité, c'est
21 qu'il y a un affaiblissement des activités sociales, la capacité de
22 travailler diminue et cela dépend, évidemment, du niveau de l'importance du
23 trouble.
24 Q. Est-ce que vous pouvez dire à quel moment se manifeste le PTSD ? Quel
25 est le point de déclenchement de ce désordre ?
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1 R. Si c'est d'un point de vue temporel que cela vous intéresse, le cadre
2 temporel, c'est trois à six mois depuis le moment où les événements psycho
3 traumatiques se sont produits.
4 Q. Est-il possible que cela se développe à un moment ultérieur ?
5 R. Oui. Les publications médicales et aussi la pratique nous montres que
6 le PTSD peut se manifester quelques années plus tard, c'est le PTSD "à
7 retardement" et il se développe plusieurs années après l'expérience d'un
8 événement traumatique.
9 Q. Qu'est-ce qui le déclanche ? Qu'est-ce qui fait qu'à un moment
10 ultérieur le PTSD se manifeste quand même ?
11 R. La raison du déclanchement peut-être un traumatisme banal ou une
12 compensation à cause de nouvelles expériences, qui elles peuvent ramener le
13 patient à ces expériences traumatisantes antérieures. On qualifie cela de
14 victimisation [comme interprété] secondaire.
15 Q. Docteur, quel est le nombre de détenus des camps que vous avez eus
16 l'occasion de voir ou d'avoir des entretiens avec eux au sujet de ce
17 désordre au post traumatique ?
18 R. Pour ce qui est des recherches menées par notre centre, il s'est avéré
19 qu'environ 70 % des ex-détenus souffrent de désordre post traumatique, mais
20 l'intensité varie évidemment, le PTSD peut être plus ou moins graves.
21 Q. Est-ce qu'on peut se rétablir ? Est-ce qu'on peut guérir du PTSD ?
22 R. S'agissant de la guérison, revenons au premier critère, le critère A,
23 l'expérience traumatisante, elle ne peut pas être effacée parce qu'elle
24 s'inscrit d'une manière permanente dans la mémoire et les souvenirs
25 traumatiques restent. Mais les traitements sont possibles, ce qu'on peut
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1 traiter, ce sont les conséquences ou les symptômes et comment peut-on y
2 procéder, les expériences nous ont montré qu'il est possible d'atteindre un
3 tel niveau de guérison que le patient en question puisse s'insérer
4 normalement dans la vie sociale, dans la vie dans la communauté.
5 Q. Peut-être vous poserais-je encore une dernière question avant la pause
6 : Vous avez cité au début, les autres désordres aussi qui se produisent
7 dans le cas des anciens détenus. Vous avez parlé de l'anxiété et du
8 désordre affectif. Pourriez-vous nous préciser de quoi il s'agit ?
9 R. Il s'agit du désordre affectif et c'est un désordre qui se manifeste
10 souvent lorsqu'on a affaire à des patients qui ont subi des événements
11 psycho traumatiques. Cela peut être une légère dépression, une dépression
12 modérée, mais aussi dans certains cas, une dépression grave. Ce qui est
13 caractéristique dans ce cas de figure, c'est la perte de la sensation, de
14 la satisfaction, c'est une sensation de fatigue qui prédomine. Le tonus du
15 patient est diminué, il y a un manque d'intérêt, une indifférence pour tout
16 ce qui est d'activités quotidiennes, des difficultés de concentration se
17 manifestent également, des difficultés de se concentrer, et cela est suivi
18 des excès de manifestations affectives, cela peut être des pleurs, un
19 chagrin qui varie.
20 Je voudrais aussi ajouter que lorsque les symptômes sont extrêmes, il se
21 peut qu'une personnalité pré morbide se manifeste, qu'il y ait apparition
22 d'idées suicidaires. L'individu en question ne voit pas d'issu à sa
23 situation et par rapport aux restes de la population, on trouve un taux de
24 suicide légèrement plus élevé parmi les personnes qui ont subi des
25 expériences traumatiques.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bauer, vous pourriez continuer
2 jusqu'à 10 heures 30.
3 Mme BAUER : [interprétation] Je vous remercie.
4 Q. Docteur Loncar, en page 3 et 4, de votre rapport, vous parlez aussi des
5 effets physiques à long terme qui se manifestent le plus souvent, qu'elles
6 sont les résultats de ces vices physiques et mentaux, lorsqu'il y a eu
7 détention prolongée. Vous avez séparé cela en parlant de conséquences
8 directes et indirectes pour ce qui est des conséquences physiques.
9 Pourriez-vous, s'il vous plaît, en parler brièvement ?
10 R. Il s'agit de tortures physiques qui ont été infligées aux détenus, et
11 là, je parle de conséquences directes des tortures physiques et des
12 conséquences corporelles, il s'agit de blessures qui ont été infligées le
13 plus souvent à l'aide d'objets contondants que ce soit des cross de fusils,
14 des bottes militaires ou des matraques ou autres objets durs. Là, il s'agit
15 de blessures infligées au corps qui donnent lieu à des hématomes sur toute
16 la surface du corps. Pour ce qui est du niveau moteur, les blessures les
17 plus fréquentes sont les blessures infligées à la tête ou des fractures de
18 côtes suite à des coups infligés.
19 Pour ce qui est des conséquences indirectes sur le plan corporel ou
20 physique, là, on pense avant tout aux conditions de vie de détention qui
21 ont été infligées à ces personnes, les détenus ont connu des pertes de
22 poids très abruptes, ce qui a entraîné une chute de l'efficacité du système
23 humanitaire, des maladies se sont manifestées, que ce soit des maladies
24 contagieuses ou autres.
25 Q. D'après les recherches que vous avez menées, avez-vous pu observer un
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1 impact de ceci sur le taux de mortalité pour ce qui est des anciens détenus
2 des camps ? Est-ce que ce genre de sévisses a eu un influence sur ce taux ?
3 R. Oui. Dans les milieux médicaux et ces, ce qu'on y fait, et aussi ce
4 qu'on a appris à nos recherches, c'est ce qu'on appelle le groupe à risque
5 effectivement on peut dire que les anciens détenus constituent ce genre de
6 groupes. Des maladies se manifestent plus souvent par rapport au reste de
7 la population.
8 Lorsque je dis plus souvent, c'est lorsqu'ils sont plus jeunes, le taux de
9 mortalité pour ce groupe-là, est plus élevé que pour le reste de la
10 population qui n'a pas subi ce genre de traumatisme.
11 Q. En page 6, de votre rapport, Docteur, vous commencez à parler du
12 deuxième groupe de victimes, à savoir des groupes qui ont été, soit
13 déplacés, soit déportés, pourriez-vous nous dire quelles sont les
14 expériences traumatiques les plus fréquentes qu'ont connu ces personnes-
15 là, par opposition au groupe -- aux gens qui ont perdu des proches ou par
16 rapport aux gens qui ont été témoins de meurtres de leurs proches ?
17 R. Ce qui est caractéristique pour l'ensemble des groupes que nous
18 évoquons dans ce rapport, c'est la chose suivante : généralement, il y a
19 cumule de traumatisme. Plusieurs expériences traumatiques s'enchaînent et
20 se cumulent. Dans ce groupe de personnes expulsées, vous avez des anciens
21 détenus, vous avez des personnes qui ont perdu leurs maisons, leurs foyers
22 ou l'un de leurs proches, ou plusieurs de leurs proches, ou qui ont dans
23 leur entourage des personnes portées disparues. J'ai dit que c'est là que
24 le PTSD se manifeste plus souvent, il y a aussi plus souvent des troubles
25 d'humeur, et dans ce groupe-là, il convient de citer une particularité, à
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1 savoir le stress dû au déplacement. Le stress de dislocation et cela fait
2 partie d'une des expériences graves, à savoir, lorsqu'on quitte son foyer
3 et lorsqu'on sort de notre environnement social habituel, ce qui entraîne
4 une perte de sentiment de sécurité que l'on attend quand on est dans son
5 environnement habituel.
6 Q. Docteur, pouvez-nous citer des maladies qui se manifestent dans ce cas
7 de figure ?
8 R. Ce qui est typique et ce qui est caractéristique pour ce groupe-là,
9 c'est qu'à cause de ce stress cumulé, des désordres ou des problèmes qui se
10 manifestent en une hypertension artérielle, le diabète et des troubles
11 cardiovasculaires, différents troubles au niveau du fonctionnement du cur
12 que ce soit l'arythmie ou dans les cas les plus graves, l'infarctus.
13 Q. Est-ce qu'il y a une tranche d'âge que vous pourriez citer, en
14 particulier, des patients qui sont particulièrement exposés à cela ?
15 R. Je citerai deux tranches d'âge, qui sont des groupes à risque de
16 manière encore plus grave que les personnes, qui ont subi le stress de
17 dislocation, à savoir ce sont des enfants et des personnes âgées. Les
18 enfants, parce qu'ils n'ont pas encore développé leur capacité d'adaptation
19 et dans le cadre de ce stress de dislocation, les enfants perdent le peu de
20 sentiment de sécurité qu'ils avaient. Pour ce qui est des personnes âgées,
21 il s'agit de personnes qui n'ont plus leur capacité d'adaptation, elles
22 sont davantage exposées aux conséquences de ce stress. En résultat, les
23 personnes qui ont été expulsées des milieux ruraux et qui se sont
24 retrouvées pour la plupart, dans des villes plus grandes, qui ont été
25 placées dans des centres de rassemblement ou d'hébergement importants, ont
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1 subi davantage ce stress.
2 Q. Docteur, en pages 6 et 7 de votre rapport, vous faites état des effets
3 de ces facteurs, qui contribuent à la création du stress chez les personnes
4 déplacées et je voudrais simplement résumer. Parmi les facteurs vous citez
5 l'arrivée à un endroit inconnu, le fait qu'on vit dans des endroits où on
6 est trop nombreux et j'aimerais savoir si vous pourriez nous citer un
7 groupe en particulier qui en souffre davantage. Est-ce qu'il s'agit de
8 stress individuel ou est-ce qu'il s'agit du stress cumulé ?
9 R. Il s'agit du stress cumulé, il s'agit des facteurs de stress qui
10 s'ajoutent depuis le début des expériences traumatisantes et l'expulsion
11 constitue l'un de ces stress. Quant à l'intensité du stress cumulé, cela
12 dépend dans quelle mesure l'individu est-il capable par exemple de faire
13 face à cela ? Cela dépendra de la tranche d'âge et de la vulnérabilité de
14 la personne. J'ai cité les enfants et les personnes âgées comme étant les
15 plus exposés.
16 Disons que cela dépend aussi de leur condition, de leur état de santé avant
17 la guerre et aussi de ce que nous appelons en médecine, leur condition pré
18 morbide. Quelle était leur vulnérabilité aux maladies. Est-ce que la
19 personne savait faire face à des expériences traumatisantes auparavant et
20 comment est-ce qu'elle le faisait ? Comment est-ce qu'elle les surmontait ?
21 Aussi, il faut savoir quelles sont les autres frustrations qui vont
22 entraîner ce cumul chez les différents individus.
23 Q. Enfin, avant la pause, dans ce groupe vous parlez du désordre, du
24 trouble d'accommodation. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ? C'est en
25 page 9 de votre rapport.
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1 R. Oui. Officiellement, c'est le trouble de l'adaptation. D'un point de
2 vue clinique, ce qui le caractérise c'est qu'il y a des troubles affectifs
3 ou des symptômes affectifs qui se reflètent dans le comportement de la
4 personne, ce qui constitue la réponse de l'individu à un stress
5 psychosocial. Ce qui les caractérise, c'est l'impossibilité de s'adapter à
6 une nouvelle situation et on note aussi une aggravation, une détérioration
7 considérable des capacités de travail ou de fonctionnement dans le cadre
8 d'un environnement social.
9 Q. Merci.
10 Mme BAUER : [interprétation] Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Bauer. Je pense que le
12 moment est venu de faire une pause. Nous ferons une pause jusqu'à 10 heures
13 50.
14 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
15 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bauer, vous pouvez continuer.
17 Mme BAUER : [interprétation]
18 Q. Docteur Loncar, avant de passer au groupe de victime suivant, j'ai une
19 dernière question à vous poser au sujet de l'impact de l'accumulation de
20 stress ressenti par les personnes déplacées. Est-ce qu'au cours de votre
21 carrière, dans le cadre de vos travaux, vous avez constaté une augmentation
22 de la mortalité chez ces groupes par opposition au reste de la population
23 qui n'est pas soumise à un tel stress ?
24 R. A partir de nos informations, de nos données, et à partir des contacts
25 que nous avons eus avec les médecins qui travaillaient dans ces villages
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1 avant la guerre, nous pouvons affirmer qu'effectivement, il y a une
2 augmentation de la mortalité depuis la guerre. Nous avons étudié certains
3 villages pour déterminer combien il y avait chaque année de décès. On a
4 ensuite comparé ces informations avec les informations fournies par les
5 médecins qui traitaient ces patients et qui étaient devenus réfugiés. Si
6 auparavant dans un village on constatait par exemple cinq à dix décès par
7 village, une fois que toute cette population ait eu le statut de réfugié,
8 devenue réfugié, on a pu voir que ce chiffre passait à 15 décès par an ou
9 du moins un chiffre qui pouvait aller jusqu'à 15 décès par an.
10 Q. Merci, Docteur.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bauer, je vais poser une question
12 supplémentaire, si vous le permettez.
13 Si je vous entends bien, la mortalité a augmenté, mais est-ce que vous avez
14 pu établir la relation de cause à effet entre l'augmentation de cette
15 mortalité et l'expulsion, le fait de devoir vivre dans des circonstances
16 différentes après être devenu réfugié ?
17 Est-ce que vous avez pu déterminer la cause de cette augmentation de la
18 mortalité ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Notre explication pour l'augmentation de la
20 mortalité est la suivante : Etant donné qu'il s'agit là d'une accumulation
21 de stress, stress auquel ont été exposés ces différents groupes de
22 réfugiés, et différent de ce qui prévalait avant la guerre quand il n'y
23 avait pas de stress. Ces gens-là, une fois qu'ils sont devenus réfugiés ont
24 développé certains symptômes, des maladies cardiaques, hypertension,
25 diabète, et cetera. On a vu apparaître, chez ces gens-là, plus tôt que
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1 d'ordinaire chez une population habituelle si bien que cela a entraîné
2 également une diminution de l'espérance de vie. Ceci permet également
3 d'expliquer l'augmentation de la mortalité.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous n'avez toujours pas
5 répondu exactement à ma question. J'entends bien effectivement que ces
6 nouvelles conditions de vie, le stress ressenti pouvait entraîner ce fait
7 mais il y a peut-être d'autres facteurs qui ont été modifiés. On peut
8 imaginer, par exemple, le chauffage de la maison, l'approvisionnement en
9 vivres, et cetera, la situation professionnelle. Quand on devient réfugié,
10 la vie se transforme à bien des points de vue et j'imagine que cela peut
11 également expliquer une augmentation du nombre de problèmes médicaux et de
12 la mortalité. Ce que je vous demande c'est : comment vous avez déterminé
13 que c'était bien les éléments sur lesquels vous avez centré votre rapport
14 qui ont contribué à cette augmentation de la mortalité plutôt que d'autres
15 facteurs ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me permettez, Monsieur le Président,
17 j'aimerais vous donner une explication. Quand j'ai parlé de stress cumulé,
18 de traumatisme cumulé, de cumul de traumatisme, ce que je voulais dire
19 c'est que lorsque ces réfugiés ont quitté les zones affectées par la
20 guerre, le stress n'a pas cessé d'exister car pour beaucoup, ils ont
21 continué à éprouver et à subir des situations de stress. Vu l'hébergement
22 collectif qui était le leur, une fois qu'ils ont quitté leurs foyers, ceci
23 est plus particulièrement vrai des personnes les plus âgées, qui étaient
24 habituées à un certain style de vie, un certain rythme de vie. Soudain ces
25 gens se sont vus loger en communauté, en collectivité avec beaucoup
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1 d'autres personnes, à l'étroit. Ces gens se sont vus hébergés dans des
2 gymnases, dans des hôtels où la liberté de circulation était limitée par
3 rapport à ce qu'elle était avant la guerre.
4 Ces gens ressentaient constamment le désir de rentrer chez eux. Ils
5 éprouvaient un espèce de sentiment de deuil en pensant à tout ce qu'ils
6 avaient dû quitter. Tout ceci a contribué à faire de ce groupe, un groupe à
7 risques. C'est pourquoi on a vu se développer, dans ces groupes, des
8 maladies qui d'habitude se développent beaucoup plus tard chez une
9 personne, dans une situation normale. C'est pourquoi ces individus ou
10 plutôt un certain pourcentage de ces individus sont décédés plus tôt que
11 cela n'aurait dû se produire normalement parce qu'ils étaient trop épuisés
12 pour pouvoir s'adapter à leurs nouvelles conditions d'existence.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
14 Vous pouvez continuer, Madame Bauer.
15 Mme BAUER : [interprétation]
16 Q. Docteur Loncar, aux page 10 à 14 de votre rapport, vous évoquez
17 l'impact d'une expérience traumatique sur les personnes qui, soit ont
18 assisté au meurtre d'un proche, soit ont appris ultérieurement qu'un de
19 leur proche était mort était mort de mort violente. Quels sont les
20 symptômes, quels sont les traumatismes qu'on a vu se développer chez ces
21 personnes-là ?
22 R. Ce que nous avons constaté dans le cadre de nos travaux et cela
23 d'ailleurs correspond à ce qu'on trouve dans la littérature spécialisée,
24 c'est la chose suivante : quand on perd quelqu'un, quand on perd un proche,
25 démarre une période de deuil parce que la mort était prévisible, on s'est
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1 préparé à cet événement. Or, étant donné que les décès, dont nous parlons,
2 ont eu lieu de manière précoce, ceci a entraîné un traumatisme; nous avons
3 décrit les effets que cela a eu sur la population concernée, ceci
4 d'ailleurs se retrouve dans la littérature spécialisée, on appelle cela le
5 deuil pathologique. Ce qui est caractéristique de ces familles, dont
6 certains des proches ont été tués, en plus de tout ce que j'ai déjà
7 mentionné, puisque ce sont des gens qui appartiennent au groupe qui ont
8 subi un stress cumulé, des familles de détenus, de personnes expulsées, ce
9 qui est caractéristique chez ces gens, c'est le deuil pathologique. La
10 caractéristique de ce deuil pathologique, la caractéristique de ce trouble
11 ce sont des changements d'humeur, une grande tristesse. Normalement quand
12 on perd quelqu'un, quand on perd un proche la période de deuil habituelle
13 est de six mois.
14 Or, dans la population qui nous intéresse, cette période est beaucoup plus
15 longue. C'est, à ce moment-là, qu'on peut parler de troubles qu'on peut
16 parler de deuil pathologique et les caractéristiques de ce trouble sont les
17 suivants. Les gens éprouvent un très fort sentiment de culpabilité, parce
18 qu'ils ont l'impression de ne pas en avoir fait suffisamment pour sauver la
19 personne qui a été tuée, d'une certaine manière, ils se sentent
20 responsables de la mort de leurs proches.
21 Ces individus s'accusent, ressentent un sentiment de culpabilité, ils ont
22 l'impression qu'ils n'ont pas réagi suffisamment vite, qu'ils n'ont pas été
23 contactés une personne qui aurait pu sauver, la personne qui a été tuée,
24 tout ceci entraîne la formation d'un sentiment de culpabilité suite à la
25 mort ou au décès d'un de leurs proches.
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1 Q. Quels sont les troubles mentaux qui peuvent découler de ce deuil
2 pathologique ?
3 R. Ce symptôme de deuil pathologique se traduit dans le domaine médical
4 sous la forme d'un trouble dépressif avec toutes les caractéristiques de la
5 dépression. Que ce soit des épisodes de pré- morbidité et une véritable
6 dépression, c'est-à-dire, des changements d'humeur, des sauts d'humeurs,
7 l'insatisfaction au quotidien, la difficulté de la concentration,
8 épuisement, l'insomnie, les troubles de l'appétit, et ceci peut prendre des
9 formes extrêmes avec l'apparition de pensées suicidaires.
10 Q. Dans votre rapport, vous parlez de culpabilité, est-ce qu'il y a un
11 terme particulier pour désigner la culpabilité ressentie par quelqu'un qui
12 a survécu à une exécution, par exemple, ou qui y a assisté ?
13 R. Si on parle de sentiment de culpabilité, ce dont je veux parler, c'est
14 bien entendu, le sentiment et pas la culpabilité au sens juridique. C'est
15 un sentiment de culpabilité qui lui est beaucoup plus irrationnel parce que
16 l'individu en question n'aurait de toute manière joué aucun rôle pour
17 empêcher ce qui s'est produit, mais en tout cas, c'est un trouble qui
18 s'inscrit dans les symptômes dus au stress.
19 Q. Vous dites qu'il s'agit d'un symptôme qui est désigné sous le terme de
20 la culpabilité des rescapés ou des survivants, n'est-ce pas, à la page 11
21 de votre rapport ?
22 R. Oui. Cela peut se constater également chez les rescapés. Très souvent,
23 ce sentiment de culpabilité peut avoir pour conséquence que celui qui a
24 survécu en ressente la culpabilité, il souhaite presque ne pas avoir
25 survécu.
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1 Q. Est-ce qu'on a pu voir une différence dans le processus de deuil entre
2 ceux qui ont perdu un proche et qui savait que cette personne avait
3 disparue, et ceux d'un des proches a été disparu, mais dont on a jamais
4 retrouvé la trace ou les restes humains ?
5 R. Oui. Le groupe de victimes qui ont perdu un proche ont partagé des
6 expériences traumatiques cumulées également, mais qui se présentent un
7 petit peu différemment, celui qui a perdu un membre de sa famille dont un
8 membre qui a disparu, qui a été porté disparu, se présente d'une manière un
9 petit peu différente de quelqu'un qui a perdu un proche et qui est décédé,
10 la différence se manifeste quant au début de la période de deuil. Suivant
11 leur personnalité, la personne ressent les sentiments suivants : l'acte de
12 violence a pris fin, et la période de deuil peut commencer, cela est
13 lorsqu'une personne est morte. Tandis que lorsqu'on est dans le cas d'une
14 personne qui a été portée disparue la famille a des réactions toutes
15 particulières dans le cadre de la recherche de cette personne portée
16 disparue.
17 Dès le début, on rejette le fait que cette personne soit éventuellement
18 décédée ou ait été tuée. On continue à croire que la personne est encore
19 vivante, ceci a duré jusqu'en 1995. Il y avait beaucoup de familles dont
20 des proches avaient disparu, ils n'arrivaient pas à accepter cela.
21 Mais cette période a pris fin en 1995, et à ce moment-là, on voit démarrer
22 une deuxième période dans l'analyse du comportement de ces familles, ces
23 gens étaient persuadés que leurs proches étaient toujours détenus en
24 Serbie. Ils ont commencé à imaginer que leurs proches étaient dans
25 l'impossibilité de les contacter parce qu'ils étaient dans des camps de
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1 prisonniers en Serbie.
2 Ceci a duré jusqu'à la chute du régime Milosevic lorsque ces illusions ont
3 finalement disparu, parce que la totalité du territoire de l'ex-Yougoslavie
4 était désormais accessible, les organisations humanitaires pouvaient s'y
5 rendre et il est apparu clairement que les personnes portées disparues ne
6 se trouvaient en Serbie, ce qui nous a emmené au troisième stade.
7 Dans l'évolution psychologique de ce groupe, à savoir qu'éventuellement il
8 commençait à accepter la possibilité que leurs proches soient morts. Mais
9 on constate toujours une attitude ambivalente chez ces individus qui
10 continuent malgré tout à espérer que leurs proches un jour franchiront la
11 porte de la maison, ils se débattent avec la réalité, la réalité qui
12 indique que très probablement leurs proches sont décédés, et ceci suscite
13 chez ces personnes une grande angoisse, des sentiments, si bien que ces
14 gens font travailler leur imagination à plein régime au quotidien et ne
15 cessent de penser à ce qu'il a bien pu advenir de leurs proches toujours
16 portés disparus.
17 Q. Page 16 de votre rapport. Vous parlez du problème causé aux familles,
18 lorsqu'on n'a pas retrouvé le corps d'une victime ou lorsque les
19 circonstances de la mort n'ont pas été établies d'une manière crédible.
20 Quel impact cela peut-il avoir sur un individu ?
21 R. Si on parle de la période actuelle ou les informations circulent plus
22 librement, on constate un certain sentiment de colère parmi les Croates et
23 les familles dont les proches ont été portés disparus. On constate une
24 colère manifestée à l'égard d'un autre groupe ethnique, à savoir les
25 Serbes, on constate chez ces gens, ce sentiment envers les Serbes dont ils
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1 pensent qu'il procède à une rétention d'informations s'agissant du lieu où
2 se trouvent leurs proches ou de ce qu'il est advenu d'eux. Ceci constitue
3 un retard supplémentaire dans la résolution de ce conflit en général.
4 Q. En un mot, quelles conséquences, cela a sur la réconciliation entre les
5 deux groupes ethniques ?
6 R. D'un côté, il y a la frustration et l'apparition de sentiments très
7 négatifs est variée envers le groupe adverse.
8 Q. Dans un deuxième volet de votre étude, vous avez examiné l'impact de la
9 reconnaissance de sa culpabilité par M. Babic et les répercussions que cela
10 a eues auprès des victimes, auprès des Croates. Pourriez-vous résumer ce
11 volet de votre rapport ?
12 R. Suite à la reconnaissance de sa culpabilité par M. Babic, nous pouvons
13 dire que l'impact que cela a eu sur ces victimes croates s'est présenté de
14 la manière suivante : Ils ont eu le sentiment qu'on donnait un nom, un
15 prénom au coupable, si bien que les sentiments négatifs qui étaient
16 ressentis à l'égard de l'autre groupe ethnique se faisaient moins intense
17 et pouvaient même disparaître. Les victimes ont éprouvé une certaine
18 satisfaction en apprenant que des crimes avaient effectivement été commis,
19 c'est-à-dire qu'on avait reconnu leur statut de victimes et ceci a eu un
20 effet positif sur les victimes croates.
21 Q. Docteur Loncar, connaissez-vous --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me permets d'intervenir. Est-ce que
23 vous avez procédé à une enquête systématique sur l'impact de la
24 reconnaissance de sa culpabilité par l'accusé ou est-ce qu'il s'agit là,
25 d'impression que vous avez recueillie en examinant le comportement des
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1 patients ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juges,
3 permettez-moi de revenir à la première partie de ma déposition au moment où
4 j'ai parlé des différentes régions où je me suis rendu, personnellement, à
5 partir du début 2004 et jusqu'à une date récente, région où je me suis
6 entretenu personnellement avec les victimes. La majorité des victimes je le
7 constate accepte tout ceci, tout ce qui s'est passé ici et considère qu'il
8 s'agit là, d'un signe positif.
9 Sur la base de mon travail auprès des victimes, je peux dire que les
10 sentiments extrêmement négatifs qui étaient ressentis à l'égard des Serbes
11 perdent en intensité.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
13 Madame Bauer, vous pouvez continuer.
14 Mme BAUER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Q. Docteur Loncar, vous souvenez-vous d'un proverbe croate qui résume en
16 ce que vous venez d'expliquer à la Chambre ?
17 R. Oui. En Croatie, nous avons un proverbe qui est très fréquemment
18 utilisé et qui dit que faute avouée est à moitié pardonnée, ce proverbe
19 traduit bien l'impact que peut avoir sur une victime la reconnaissance de
20 sa culpabilité par le coupable.
21 Q. Dans votre rapport vous parlez également de l'effet qu'à cette
22 reconnaissance de la culpabilité sur ceux qui étaient du côté des auteurs
23 des crimes commis. Est-ce que vous avez parlé à des Serbes à ce sujet ?
24 R. Oui. J'ai eu des contacts avec essentiellement des Serbes habitant dans
25 des zones urbaines, mais j'ai également pu m'entretenir avec des Serbes qui
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1 avaient retrouvé leur foyer dans des villages mixtes, essentiellement dans
2 la zone de la Banovina. Je me suis rendu moi-même dans ces villages où j'ai
3 parlé avec des gens d'origine serbe, des Serbes.
4 Il n'y a pas de statistique officielle qui existe à ce sujet, aucune
5 recherche officielle n'a été faite, je le redis encore une fois, si bien ce
6 que je vous dis ressort des conversations que j'ai eues avec ces personnes.
7 En tout cas, je peux vous dire que je n'ai rencontré aucun Serbe qui ait
8 réagi de manière négative au plaidoyer de culpabilité de M. Babic. Ce que
9 j'ai aussi remarqué chez ces Serbes de Croatie, c'est qu'ils éprouvaient un
10 certain sentiment de soulagement. Ce plaidoyer de culpabilité, la
11 signification, le message que cela envoyait, c'était que tout le monde
12 devait mettre sur le devant de la scène les émotions humaines universelles
13 et la valeur de ces émotions humaines. Si bien que grâce à cela, les Serbes
14 ne ressentent pas un sentiment de culpabilité collectif, mais sa
15 culpabilité, elle a été individualisée puisque maintenant elle repose ou
16 elle est individualisée en une personne.
17 Q. Quel est l'impact sur la réconciliation entre les deux groupes
18 ethniques, du refus de reconnaître sa culpabilité chez un coupable ?
19 R. Je vais vous répondre en utilisant un exemple et vous décrire ce qui se
20 passe lorsque quelqu'un nie les crimes qui ont été commis. Généralement, si
21 on examine les peuples de l'ex-Yougoslavie, on constate qu'il ne croit pas
22 que la justice sera rendue. Pourquoi ? Parce que la justice a toujours plié
23 sous le joug de l'idéologie ou d'autres éléments.
24 Maintenant pour replacer tout ceci dans un contexte psychologique, il faut
25 savoir que la population éprouve toujours un certain sentiment de
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1 suspension, de doute, même lorsqu'un individu est déclaré coupable d'un
2 crime, la population a toujours le sentiment que les tribunaux ne sont pas
3 indépendants, qu'ils obéissent à leurs maîtres politiques, et cetera, et
4 aux pressions qui sont exercées sur eux. Si bien que la population a
5 tendance à douter de la justice.
6 Maintenant pour ce qui est de la reconnaissance de la responsabilité de la
7 culpabilité, le fait que maintenant quelqu'un se soit reconnu coupable et a
8 admis qu'il était coupable va avoir pour conséquence que ces doutes, ces
9 doutes vont s'évaporer, les doutes de ce qu'il voit maintenant qu'un
10 coupable a reconnu ce qu'il avait fait, qu'il a montré, qu'il éprouvait du
11 remords au sujet des actes qu'il avait commis.
12 Q. Est-ce que cela va avoir un impact sur les Croates et sur les Serbes ?
13 R. En tant que médecin, je suis convaincu que oui. L'impact va être
14 positif et je vais essayer de vous expliquer pourquoi. Cette confession de
15 la part de M. Babic ne revenait pas uniquement à reconnaître qu'il était
16 coupable, parce que M. Babic en fait, s'est adressé aussi bien en se
17 faisant aux Serbes qu'aux Croates, et ce faisant il a envoyé un message
18 universel et je reprends ici ses propos, je cite : "Ce qui est le plus
19 important dans ces aveux, c'est de reconnaître que nous tous appartenons à
20 une seule et même race humaine."
21 C'est la haine. Les atrocités ont été causées par une situation dans
22 laquelle chacun se définissait de par son appartenance à un certain groupe
23 ethnique. L'acte de M. Babic ouvre une aire nouvelle puisqu'en agissant
24 comme il l'a fait, il envoie un nouveau message aux populations et aux
25 communautés de la région.
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1 Q. Comment peut-il se faire qu'un homme comme M. Babic, dont certains ont
2 dit qu'il était modéré, qu'il n'était pas raciste, qu'il avait des membres
3 de sa famille Croate, qu'il avait même des amis Croates pendant la guerre.
4 Comment se fait-il qu'un homme tel que lui ait pu devenir nationaliste et
5 ait pu participer à une politique de nettoyage ethnique ?
6 R. Je vais essayer d'expliquer ceci aux Juges de la Chambre en faisant
7 appel à une situation qui est bien connue des psychiatres, des
8 psychologues. Quand on veut changer l'opinion, les points de vue d'un jeune
9 homme, il faut faire trois choses. Ces trois éléments, ces trois méthodes,
10 elles étaient présentes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
11 La première méthode que l'on peut employer, c'est de séparer les gens des
12 uns des autres, de les éloigner des uns des autres, c'est-à-dire, de les
13 éloigner de leurs voisins, en l'espèce les Croates. Suite à cette
14 séparation, on emploie la technique de l'isolement. On isole les individus
15 pour que l'information ne circule pas, ou qu'elle circule beaucoup moins,
16 pour qu'il y ait aussi peu de communication que possible. La troisième
17 étape ou la troisième méthode qui sera utilisée, c'est celle de la
18 propagande. Ici la propagande de Milosevic qui a eu un impact considérable
19 dans la région, qui a entraîné un endoctrinement de la population. "Il faut
20 noircir le nom de vos anciens voisins, susciter la crainte chez les uns et
21 les autres." Si on emploie ces techniques, quelqu'un qui est exposé à tout
22 cela, peut effectivement, changer complètement d'attitude et devenir un
23 extrémiste.
24 Q. Merci beaucoup, Docteur Loncar.
25 Mme BAUER : [interprétation] J'en ai terminé de mon interrogatoire
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1 principal.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Madame Bauer. Est-ce
3 qu'il y a un contre-interrogatoire de la part de la Défense ?
4 M. MUELLER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous n'avons pas
5 de questions à poser au témoin.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge El Mahdi souhaite vous poser
7 quelques questions.
8 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur le Président.
9 Questions de la Cour :
10 M. LE JUGE EL MAHDI : Docteur, je voudrais, s'il vous plaît, que vous
11 m'informiez un peu plus sur un sujet qui me semble très intéressant. Vous
12 avez dit, si je comprends bien, que le fait que
13 M. Babic a avoué sa culpabilité, cela a un effet sur les Serbes qui ont
14 trouvé en lui l'expression de leur culpabilité.
15 Premièrement, je veux m'assurer que je vous ai bien suivi. Ma deuxième
16 question, serait la suivante: est-ce que cette individualisation de
17 culpabilité est en quelque sorte de trouver un bouc émissaire de tous les
18 événements, de tout événement commis que cette façon, qu'on trouve une
19 personne qui assume la responsabilité, et on ne fait que transférer la
20 culpabilité individuelle et commune, la transférer dans une seule personne
21 qui assume seule la responsabilité commune et de chacun.
22 Est-ce que premièrement, je vous ai bien compris ? Est-ce que c'est
23 bénéfique psychologiquement, sur le plan psychologique ce transfert de
24 culpabilité, ou si au contraire cela en minimise la psychologie commune ou
25 individuelle ?
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1 R. Si vous me le permettez, Monsieur le Juge, je vais essayer de répondre
2 à votre question. Pour ce qui est de la première partie de votre question,
3 je maintiens que la reconnaissance de la culpabilité a un impact positif,
4 que celle-ci a eu un impact positif sur la population serbe. Je vais
5 essayer de le préciser.
6 Plusieurs raisons président à cela. Le principe qui a régi les activités
7 dans cette région, était le nationalisme qui est toujours suivi d'une
8 certaine homogénéisation sur le plan national, selon les critères
9 d'appartenance ethnique; ce qui empêche une vie commune. Même s'il n'y
10 avait pas eu de bains de sang ou de guerres, ceci aurait eu un impact
11 négatif sur la population serbe.
12 Pour ce qui est de cela, M. Babic, en reconnaissant sa culpabilité envoie
13 un message clair. Reconnaissant l'universalité de l'humanité, respectons
14 les valeurs du monde civilisé.
15 Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, je vais également
16 essayer de vous répondre, Monsieur le Juge. Pour ce qui est de
17 l'individualisation de la culpabilité, mon opinion personnelle, j'en suis
18 convaincu, est que cela ne signifie pas que l'on désignera un bouc
19 émissaire. Il ne s'agit pas là de quelque chose qui est contraire à la
20 désignation d'un individu comme étant responsable, que tout le reste
21 tomberait dans les oubliettes. Je pense que cela a un impact plus large.
22 D'un point de vue psychologique, car je ne veux pas rentrer dans d'autres
23 domaines ou possibilité d'explication, d'un point de vue psychologique, il
24 faut distinguer des choses.
25 Il s'agit là non pas d'un auteur serbe que l'on individualise, mais de
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1 quelqu'un qui a un nom et un prénom. C'est dans ce sens-là que j'ai dit que
2 c'était très important de désigner l'individu, l'auteur.
3 En dernière instance, c'est à la justice de se prononcer. Ce sont les
4 Tribunaux qui doivent se prononcer pour que chacun soit responsable de ce
5 qu'il a fait. Je ne parle pas de culpabilité commune ou collective qui
6 serait une culpabilité assumée par un groupe ou par une nation, ce n'est
7 pas cela que l'on veut, on cherche à identifier l'auteur du crime.
8 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Docteur.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser,
10 moi aussi. Tout d'abord, dans votre rapport, vous parlez de la manière dont
11 vous vous êtes servi des déclarations. C'était un instrument de travail à
12 des fins thérapeutiques, et aussi pour la recherche. J'aimerais savoir pour
13 ce qui est des publications dans votre domaine, est-ce qu'il y a une
14 méthode qui est reconnue comme étant la méthode validée ? Pourriez-vous
15 peut-être nous citer quels articles qui ont été publiés dans la
16 littérature, dans la littérature dans votre domaine où cette méthode est
17 reconnue ?
18 R. Je vais essayer de vous répondre, Monsieur le Juge. Très brièvement, je
19 retrace l'histoire de cette méthode. C'est au Chili, dans les années 1970,
20 qu'on a commencé à l'appliquer. Cette méthode a été utilisée dans des
21 foyers de crise, dans des situations de crise en Amérique latine. Quant à
22 la Croatie, nous l'avons acceptée, nous avons admis cette méthode. C'est
23 moi qui aie commencé à m'en servir le premier. Vous avez aussi toute une
24 série de publications qui existent à ce sujet, notamment, un livre où un
25 travail de recherche intitulé, "Les déclarations en tant qu'instrument de
Page 119
1 thérapie." et c'est M. Jensen qui a publié cet ouvrage. Il est membre de
2 l'OMS. C'est un Danois.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pourriez nous noter le titre,
4 cela pourrait être utile pour que nous puissions consulter l'ouvrage.
5 J'ai une autre question qui concerne la page 9 de votre rapport. C'est une
6 question plus générale. Vous dites comment vous vous êtes servi de vos
7 sources, et quelles étaient exactement vos sources.
8 Je vous prie de vous reporter en page 9 de votre rapport. Vous dites :
9 "Pendant l'agression, plus de 1 500 [comme interprété] maisons ont été
10 détruites par incendies, explosifs ou pilonnages dans la municipalité de
11 Hrvastka Dubica. Toutes ces maisons avant d'être dévastées, avaient été
12 pillées." Je m'en suis servi juste à titre d'exemple pour comprendre mieux
13 quelles étaient vos sources, et comment vous êtes-vous servi de celles-ci ?
14 Lorsque vous citez ici ce chiffre de 1 500, j'aimerais savoir d'où il
15 provient ? Pourquoi n'avez-vous pas dit plus de 1 000 maisons. Vous citez
16 ici un chiffre très précis. Quelle en est la raison ?
17 R. Permettez-moi d'essayer de vous répondre, Monsieur le Juge. Je me suis
18 rendu pendant ces derniers mois dans ce village. J'ai eu des entretiens
19 avec les villageois qui sont revenus s'installer dans cette zone. J'essaie
20 de vous expliquer pourquoi je cite ce chiffre que j'ai eu de la part des
21 villageois qui sont revenus chez eux. Les villageois eux-mêmes, ont dressé
22 une liste, ont fait un inventaire. Car ce village est en train d'être
23 reconstruit par l'état. C'est de là que vient ce chiffre précis, un numéro
24 près à une unité près.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'empêche que vous avez écrit ici
Page 120
1 plus de 1 005 maisons. Qu'est-ce qui vous permet de dire que cette liste
2 n'est pas définitive ?
3 R. La raison en est la suivante : un certain nombre de familles ne sont
4 pas encore de retour. Elles ne figurent pas dans les registres. Elles ne se
5 sont pas inscrites sur les registres pour la reconstruction des maisons.
6 C'est cela qui me laisse penser qu'il y a davantage de maisons dans ce cas-
7 là. Il y a des familles où il y avait plusieurs personnes disparues ou
8 mortes. S'il y a une personne qui a survécu, elle n'a pas le droit de
9 bénéficier des aides pour la reconstruction. Cette personne, souvent, est
10 allée se réinstaller ailleurs en Croatie, alors que sa maison a été bel et
11 bien détruite, mais cet individu là ne revient pas.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce chiffre est en relation avec les
13 listes qui concernent les appuis financiers qui sont nécessaires à la
14 reconstruction. Vous ai-je bien compris ?
15 R. Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne savez pas exactement qui est
17 arrivé à ce chiffre de 1 005. Ce que vous savez, c'est que c'est le chiffre
18 qui figure sur la liste.
19 R. Je sais qui a fait le calcul. Ce sont les victimes, les personnes qui
20 sont revenues chez elles dans leur maison détruite. Ce sont ces individus
21 qui ont formulé des demandes à l'état pour que l'état les aide à
22 reconstruire les foyers pour qu'ils puissent se réinstaller.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous dites aussi : "Toutes ces
24 maisons avaient été pillées avant d'être détruites ou dévastées." Sur quoi
25 vous fondez-vous lorsque vous dites cela ?
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1 R. Ma source, sont également les villageois, les victimes. Car pendant
2 cette première vague de dangers imminents de guerre, il y a eu le plus de
3 départs. Dans chacun des villages, il y a eu quelques personnes de manière
4 générale, les plus âgées, qui sont restées et qui ont pu témoigner de la
5 manière dont la situation a évolué après l'occupation. Ce sont ces
6 personnes-là qui sont ma source principale pour ce genre de donnée ou
7 d'information.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces gens-là vous ont fourni ces
9 renseignements dans le cadre de vos recherches qui portaient sur les
10 aspects psychiatriques, c'est par l'intermédiaire des autorités que vous
11 avez, vous, à votre tour reçu ces informations ?
12 R. Non. Nous avons pris contact avec ces personnes au nom de notre centre
13 médical. Nous nous sommes adressés à ces personnes comme étant des
14 survivants de la guerre. Je ne sais pas à qui ils ont par ailleurs remis
15 ces informations.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que c'est de
17 manière systématique que vous avez posé cette question aux gens, à savoir,
18 est-ce que les maisons avaient été pillées avant d'être dévastées, ou vous
19 leur avez demandé si les maisons avaient été seulement détruites ou
20 dévastées ?
21 R. C'est dans le cadre de ce procédé où on recueillait leur déclaration
22 que les personnes faisaient état de l'ensemble de leur expérience
23 traumatique. Ils nous décrivaient comment les événements se sont enchaînés
24 depuis le moment où l'armée, par exemple, est rentrée dans le village
25 jusqu'à la fin de leur expérience traumatisante. C'est dans le processus de
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1 cette description que les victimes nous ont décrit aussi le pillage de
2 leurs maisons.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma dernière question. Vous nous avez dit
4 ce qui était nécessaire pour qu'une personne change de point de vue ou
5 d'opinion. Vous avez dit qu'il fallait tout d'abord séparer la personne,
6 qu'il fallait l'isoler, qu'il fallait se servir de la propagande, que la
7 propagande était l'instrument principal qui allait changer l'état d'esprit
8 de quelqu'un au sujet des questions qui nous intéressent ici. Est-il
9 possible que quelqu'un change d'avis sans ces facteurs ? Personnellement,
10 j'ai changé de point de vue sur certains points sans avoir été séparé,
11 isolé ou sans avoir été victime de propagande. A votre sens, même si ces
12 forces extérieures n'agissent pas, est-il possible que quelqu'un change
13 d'opinion ?
14 R. Monsieur le Président, je suis d'accord avec vous. On change d'opinion
15 au fil des ans, au fur et à mesure que nos connaissances évoluent, quelles
16 s'élargissent, s'approfondissent et en fonction de la manière dont on les
17 traitent, les retravaillent, on se corrige, on change d'opinion. C'est
18 quelque chose d'habituel.
19 Concrètement, lorsque j'ai évoqué ces trois étapes, ce à quoi je pensais,
20 c'était un cas de figure extrême, lorsqu'un changement d'opinion extrême
21 intervient, dans mon rapport, de me référer à une situation extrême.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Quelques soient les moyens que vous
23 ayez employés, avez-vous examiné le changement qui a été intervenu chez M.
24 Babic. Il est devenu disons plus nationaliste ? C'était cela qui était la
25 conséquence de l'impact, cette force extérieure sur lui ou de cette
Page 123
1 influence extérieure. Est-ce que vous avez répondu simplement de manière
2 générale ou au sujet de changements ou est-ce que vous avez des
3 connaissances spécifiques pour ce qui est du cas de M. Babic à ce sujet ?
4 R. Deux points m'ont intéressé, Monsieur le Juge, ce que vous venez de
5 dire, à savoir la situation que l'on rencontre de manière générale,
6 pourquoi est-ce qu'il a un changement radical des points de vue et des
7 actions de quelqu'un ? Pour ce qui est de M. Babic, je connais très peu sa
8 situation d'avant la guerre.
9 D'après moi, c'est un homme qui n'était pas vraiment au premier plan sur la
10 scène politique, mais ce genre de situation, ce genre de modification de
11 changement au cours de la guerre, je pense qu'il y en a eu beaucoup, et ce,
12 de la manière dont je les ai décrits. A savoir, il y a eu ces changements
13 extrêmes au niveau des pensées et des actions des individus suite aux
14 facteurs que j'ai décrits.
15 Mais je reviens encore une fois, au cas de M. Babic, je n'ai pas beaucoup
16 d'information à donner à son sujet, ce qui ne me permet pas d'affirmer avec
17 certitude que c'est effectivement, ce qui s'est produit, mais tout ce que
18 je sais, m'induit à penser que, c'est ce qui s'est passé avec M. Babic en
19 effet.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'une part, vous me dites, "Je n'ai pas
21 suffisamment de renseignements sur M. Babic," et d'autres parts, vous me
22 dites, "Je crois que c'est ce qui s'est passé." Essayons de le formuler de
23 la manière suivante, et dites-moi, si vous seriez d'accord ou non. Si
24 toutes ces circonstances s'étaient réunies, ces circonstances nous
25 permettent d'expliquer un changement qui intervient au niveau de l'état
Page 124
1 d'esprit, est-ce que vous savez si ces circonstances étaient réunies ou non
2 dans le cas de M. Babic ? Serait-il exact de l'affirmer ou non ?
3 R. Je serais d'accord avec cette affirmation, comme Messieurs les Juges le
4 savent, je n'ai pas conduit une expertise pour ce qui est du cas de M.
5 Babic, et en particulier je n'ai pas à l'affirmer avec une certitude
6 absolue. Mais j'affirme que ces circonstances ont pu avoir cela pour
7 conséquence.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous ai entendu. Je comprends.
9 Il n'y a pas d'autre question de la part des parties suite aux questions
10 posées par la Chambre. Habituellement, nous donnions la possibilité aux
11 parties de poser des questions, si les questions posées par la Chambre les
12 incitaient à le faire, mais uniquement pour ce qui est des questions posées
13 par les Juges.
14 M. FOGELNEST : [interprétation] Si vous me le permettez, je souhaite, en
15 effet poser des questions.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y ?
17 Questions de la Défense, M. Fogelnest :
18 Q. [interprétation] Docteur, je crois qu'il est important qu'on comprenne
19 pleinement un point. Vous êtes un expert, je vous pose une question
20 hypothétique : imaginons qu'il n'y ait pas de preuve pour ce qui est de la
21 période avant la guerre, qu'un individu était ethnocentrique, ou un
22 nationaliste extrémiste, un bigot, et imaginons que cet individu avait des
23 membres de la famille et des contacts sociaux avec des membres d'autres
24 groupes ethniques. Supposons aussi qu'il y avait une grande peur parmi les
25 membres du groupe au début de la guerre, et que plus tard, cet individu a
Page 125
1 fini par faire part des positions extrêmement nationalistes. Est-ce que
2 cela correspondrait à ce que vous nous avez décrit comme étant le processus
3 qui engendre ce genre de position ?
4 R. Oui. Cela correspondrait.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps. M. Fogelnest.
6 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire où le témoin a dit à quel moment
7 ces positions se sont manifestées ? Parce que je me souviens qu'il a dit
8 qu'un certain nombre de circonstances pouvaient provoquer un changement de
9 point de vue. Pourriez-vous, s'il vous plaît nous dire, où exactement il a
10 dit comment se manifeste ces positions ?
11 M. FOGELNEST : [interprétation] Je ne peux pas revenir à l'endroit précis
12 du compte rendu d'audience, mais le docteur me semble-t-il a dit à la
13 Chambre qu'il croyait que c'était exactement ce qui s'était produit dans le
14 cadre de M. Babic, il me semble qu'il a utilisé le terme "précisément".
15 C'est cela son point de vue, que c'est précisément ce qui est arrivé à M.
16 Babic.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Par la suite, je lui ai posé une
18 question supplémentaire, à savoir "Est-ce qu'il savait ce qui était le --
19 est-ce que cela correspondait à sa position, et il a dit, je ne sais pas ce
20 qui est arrivé précisément à M. Babic, mais toutes les circonstances qui
21 étaient réunies, auraient pu provoquer cela.
22 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui. Tout à fait. C'est, à mon avis, une
23 question appropriée à poser à un témoin expert à la question que je lui ai
24 posée.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Votre question était entièrement
Page 126
1 hypothétique, mise à part la dernière partie, et c'est exactement ce à quoi
2 j'ai répondu, ce à quoi j'ai réagi, où avez-vous dit que ces positions ont
3 commencé à se manifester ?
4 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui. Il semblerait que c'est précisément le
5 point qui gêne la Chambre. Je voudrais voir si je peux reformuler.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
7 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vais essayer de reformuler la question.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble que Me Fogelnest, veut
9 savoir la chose suivante : si vous voyez que quelqu'un change de positions
10 de manière considérable, d'abord il n'est pas ethnocentrique, et il devient
11 très ethnocentrique, est-ce que ce changement correspondrait à des
12 mécanismes que vous avez décrits ? Est-ce que ce serait un déclenchement
13 adéquat des modifications que vous avez décrites ?
14 M. FOGELNEST : [interprétation] Vous m'avez demandé si c'était "à peu
15 près," ce que je voulais poser -- la question que je voulais poser, ma
16 réponse est oui.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voyez maintenant, ce qui
18 intéresse Me Fogelnest, et je vous prie de répondre ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y a une très grande probabilité, une
20 forte possibilité que c'est ce genre de déclencheur qui entraîne les
21 changements que j'aie cités.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Avez-vous d'autres questions,
23 Maître Fogelnest ?
24 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, une dernière
25 question.
Page 127
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
2 M. FOGELNEST : [interprétation]
3 Q. Une autre hypothèse -- ou plutôt compte tenu de la situation
4 hypothétique que je vous ai présentée, Docteur, y a-t-il d'autres raisons à
5 votre sens qu'un individu change de manière radicale de point de vue --
6 autres raisons que les trois facteurs que vous avez cités ?
7 R. D'un point de vue théorique, oui, d'autres raisons extrêmes, peuvent
8 induire un changement extrême de comportement mais cela relève du domaine
9 de la psychiatrie et de la santé mentale de l'individu. Pour autant que je
10 sache, ceci ne s'applique pas ici.
11 Q. Je vous remercie, Docteur.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Loncar, ceci termine votre
13 déposition devant cette Chambre. Je souhaite vous remercier d'avoir accepté
14 de venir et d'avoir finalement répondu aux questions des deux parties et
15 des Juges de la Chambre. Je vous remercie encore une fois et on va vous
16 accompagner pour que vous puissiez quitter le prétoire.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 [Le témoin se retire]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Regardant l'heure, je crois qu'il serait
20 approprié de poursuivre pendant une demie heure encore. Après quoi, nous
21 allons faire une pause jusqu'à une heure moins quart pour reprendre jusqu'à
22 13 heures 45. Je me tourne vers la Défense. Combien de temps vous faut-il
23 pour interroger le témoin que vous allez appeler ?
24 M. MUELLER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite intervenir
25 et je souhaite --
Page 128
1 M. FOGELNEST : [interprétation] Je vous demande pardon. Avez-vous entendu
2 cela --
3 M. MUELLER : [interprétation] Sa réponse.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Partager votre temps ne vous
5 arrange pas avec --
6 M. MUELLER : [interprétation] Je voudrais donner ma réponse à mon collègue
7 parce qu'il questionne le témoin.
8 M. FOGELNEST : [interprétation] C'est pour cela que je me suis levé.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 M. FOGELNEST : [interprétation] Je ne peux que vous faire une estimation
11 approximative. Si je fais une erreur, je demanderais à Mme Uertz-Retzlaff
12 de me corriger. Je pense qu'une heure devrait suffire. Elle connaît les
13 questions, l'Accusation.
14 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je ne connais pas votre style
15 oratoire. Je pense qu'une heure devrait suffire.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons par conséquent
17 commencer par l'audition de ce témoin.
18 L'Huissier est déjà parti chercher le témoin pour le faire entrer dans le
19 prétoire.
20 M. FOGELNEST : [interprétation] Vous souhaitez que je me déplace devant le
21 pupitre ou est-ce que je peux rester ici ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est très bien si vous restez là parce
23 que je crois que vous voyez mieux le témoin de l'endroit où vous êtes. Mais
24 c'est à vous d'en décider.
25 M. FOGELNEST : [aucune interprétation]
Page 129
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Fogelnest, le témoin suivant
2 sera --
3 M. FOGELNEST : [interprétation] Drago Kovacevic.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Kovacevic.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. M'entendez-vous dans
7 une langue que vous comprenez ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bonjour. J'entends fort bien.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous êtes M. Kovacevic. Je
10 ne sais jamais s'il faut dire bonjour, bonne après-midi, comme il est midi.
11 Je ne sais pas si je dois parler du matin ou de l'après-midi. Je vous ai
12 dit bonjour, Monsieur Kovacevic. On vous a cité à la barre pour que vous
13 puissiez témoigner devant cette Chambre.
14 Mais avant de faire votre déposition, le règlement de procédure et de
15 preuve requiert que vous fassiez une déclaration solennelle que vous allez
16 dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. L'Huissier va
17 maintenant vous remettre le texte de cette déclaration solennelle que je
18 vous demanderais de bien vouloir lire, je vous prie.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup et je vous
22 prie de vous asseoir.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
24 LE TÉMOIN: DRAGO KOVACEVIC [Assermenté]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
Page 130
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le conseil de la Défense va maintenant
2 vous interroger, Monsieur le Témoin.
3 M. FOGELNEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Questions de la Défense, M. Fogelnest :
5 Q. [interprétation] Monsieur Kovacevic, nous nous sommes entretenus et vus
6 pour la première fois mardi dernier, est-ce exact ? Ne m'avez-vous peut-
7 être pas entendu ?
8 R. Oui, c'est exact, mardi.
9 Q. A cette réunion, nous avons parlé du contenu de votre témoignage, quel
10 type de questions seraient posées, est-ce exact ?
11 R. Oui, tout à fait.
12 Q. M. Mueller, qui est ici à ma droite, était présent à cette réunion,
13 est-ce exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Reconnaissez-vous Mme Uertz-Retzlaff, qui est à votre droite et qui a
16 également assisté à cette réunion ?
17 R. Oui.
18 Q. Auriez-vous l'obligeance de dire aux représentants de cette Chambre qui
19 vous êtes et ce que vous faites dans la vie ?
20 R. Je m'appelle Drago Kovacevic. Je suis né en 1953 à Knin en République
21 de Croatie. Je suis un citoyen de la République de Croatie et de la Serbie
22 et du Monténégro. Je suis un assistant social. Je travaille actuellement à
23 Belgrade où je travaille pour une organisation non gouvernementale qui
24 s'appelle le "Forum démocratique serbe" à Belgrade et qui a également des
25 bureaux en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Je suis éditeur également. Je
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1 suis journaliste également et j'écris des articles dans quelque chose qui
2 est intitulé "La vraie réponse". Nous tentons de donner des réponses aux
3 réfugiés dans la région.
4 Q. Avez-vous écrit des livres ?
5 R. Oui. En 2003, j'ai publié un ouvrage que j'avais écrit plutôt, pour la
6 plupart, comme je l'ai dit, ceci a été publié en 2003 et son titre est
7 "Cage Krajina et une guerre entendue".
8 Q. Vous connaissiez M. Babic avant la guerre, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. J'ai rencontré M. Babic en 1982, je crois que c'est bien cela mais
10 c'était une brève entrevue à ce moment-là. Nous nous sommes rencontrés par
11 l'intermédiaire de nos femmes et de nos épouses qui se connaissaient bien.
12 Nous habitions à quelque 30 kilomètres l'un de l'autre. J'habitais à Knin
13 et lui habitait à Vrlica. Nous n'avions pas l'occasion de nous rencontrer
14 en dehors de notre travail à cause de nos postes.
15 Q. Vous dites que M. Babic habitait à Vrlica ?
16 R. Oui.
17 Q. Quel type de village était-ce ?
18 R. C'est un endroit qui se trouve entre Knin et Split, Sinj, à 30
19 kilomètres de distance de Knin. C'est un endroit qui a 2 000 à 3 000
20 habitants d'origine ethnique mixte avec une majorité de Croates.
21 Q. Saviez-vous si, oui ou non, M. et Mme Babic recevaient chez eux des
22 personnes d'origine ethnique croate, à ce moment-là ?
23 R. A ce moment-là, les gens se voyaient entre eux et ne faisaient pas
24 attention à leur origine ethnique. Je sais cela.
25 Q. Savez-vous si M. Babic a, parmi les membres de sa famille, des gens
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1 d'origine ethnique croate ?
2 R. Je suppose que oui, je crois que oui. Je ne peux pas vous dire qui sont
3 ces personnes exactement. Simplement à la lumière des conversations que
4 nous avons eues entre nous, je pense que oui.
5 Q. Est-ce que lui-même et ses voisins parlent la même langue et partagent
6 la même culture, hormis la religion peut-être ?
7 R. Oui, absolument, tout à fait. Ils parlent la même langue, partagent la
8 même culture et les mêmes valeurs, et la religion était différente. Au
9 moment du recensement, ils se déclaraient sans doute autre chose.
10 Q. Vers l'année 1990, est-ce que vous et M. Babic, vous avez commencé à
11 militer ?
12 R. Oui, j'ai commencé à me lancer dans la vie de politique en 1990. A
13 l'époque, nous avons eu des élections multipartites en Croatie, et M. Babic
14 s'est également lancé dans la vie de politique.
15 Q. Etiez-vous affilés au même parti politique ?
16 R. Non, nous n'étions pas affiliés au même parti politique. Moi, j'étais
17 membre d'un petit parti politique qui s'appelait le Parti socialiste de
18 Croatie, et M. Babic était membre du SDS.
19 Q. Le Parti démocratique serbe, je suppose, regroupait des personnes
20 d'origine ethnique serbe, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Comment --
23 R. Je crois que le nom du parti est suffisamment évocateur.
24 Q. Votre parti, quelle était l'origine ethnique des membres de votre
25 parti ?
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1 R. J'appartenais à un petit parti politique, et les membres de ce parti
2 étaient des deux origines ethniques. Il y avait des Serbes et des Croates.
3 Etant donné que nous vivions à Knin, le parti avait davantage de membres
4 serbes que de membres croates. Néanmoins, il y avait également des membres
5 qui étaient croates.
6 Q. Est-ce que cela signifie que vous étiez un adversaire politique de M.
7 Babic ?
8 R. Oui, en réalité, j'étais un adversaire politique de M. Babic à
9 l'époque. Une fois que nous avons été élus, en tant que délégués au
10 parlement de la région, M. Babic a obtenu quasiment la majorité des sièges.
11 Mon parti, en revanche, n'a obtenu qu'un tout petit nombre de sièges. Par
12 conséquent, nous étions un parti d'opposition, eu égard au parti de M.
13 Babic.
14 Q. En tant que parti d'opposition au parti de M. Babic, quelle était la
15 réputation de M. Babic au sein de la communauté dans laquelle vous viviez ?
16 Etait-ce un homme honnête ? Etait-ce homme bon ? Etait-ce homme intègre ?
17 Je souhaite avoir l'avis de ses adversaires politiques.
18 R. Je peux dire que M. Babic avait une bonne réputation. C'était un jeune
19 homme instruit. C'était un jeune homme qui venait d'une famille très
20 respectée. Il avait la réputation d'être un jeune homme qui n'avait jamais
21 eu de différends avec quelqu'un. On pouvait facilement s'adresser à lui.
22 C'était un homme qui avait des qualités humaines et il avait une bonne
23 réputation à l'endroit où il vivait.
24 Q. Le parti, dont il est devenu membre, était un parti qui avait des
25 tendances nationalistes, n'est-ce pas ?
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1 R. Ce parti était un parti nationaliste. On peut considérer qu'il avait
2 des tendances nationalistes. En tout cas, il s'appuyait sur l'origine
3 ethnique de ses membres.
4 Q. Savez-vous si M. Babic, avant de faire partie de ce parti politique,
5 avait eu des tendances nationalistes par ailleurs ou fait preuve de
6 penchant nationaliste ?
7 R. Non, je ne crois pas. Je sais que cela n'était pas le cas. Pendant les
8 années '80, dans la République de Croatie, quelques groupes politiques se
9 sont constitués. M. Babic n'a jamais pris part à ces mouvements politiques.
10 Q. Savez-vous pourquoi il s'est rallié à ces politiques nationalistes ?
11 R. C'est une question assez complexe. J'ai un point de vue là-dessus. Je
12 peux vous en faire part. En 1990, en ex-Yougoslavie, la situation en ex-
13 Yougoslavie et dans la République de Croatie était assez complexe et les
14 relations entre les différentes personnes avaient été changées. Bon nombre
15 de personnes avaient des velléités nationalistes. Par exemple, un système
16 à parti unique était devenu un système multipartite où le pluralisme
17 prévalait. Ce pays n'avait pas connu de démocratie pendant très longtemps.
18 A mon sens, M. Babic a rejoint ce parti. C'était un homme respecté. C'était
19 un homme qui faisait tout, de façon très sérieuse et consciencieuse. Après
20 la fondation de son parti, on lui a demandé de rejoindre ce parti.
21 Q. Savez-vous si quelqu'un l'a influencé dans ce sens ?
22 R. Je ne puis pas répondre à cette question. Je ne peux pas vous dire. Je
23 ne sais pas s'il a été influencé. Je pense qu'un comité a certainement dû
24 le contacter, le comité qui était responsable de la fondation de ce parti.
25 On lui a demandé d'y prendre part, mais je crois que c'était l'ambiance
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1 générale à l'époque qui était assez particulière. La confusion régnait
2 partout. On avait l'impression qu'il y avait des conflits au plan
3 politique, un petit peu partout. C'est peut-être cette ambiance générale
4 qui a eu une influence sur lui.
5 Q. A cette époque-là, y avait-il une campagne dans les médias qui avait
6 été lancée ?
7 R. Oui, oui absolument. Depuis un an et demi déjà, les medias avaient été
8 placés sous le contrôle des radicaux nationalistes et petit à petit,
9 lentement mais sûrement, les propos que nous entendions étaient des propos
10 de haine. Ceci, a eu pour conséquence de semer la crainte et la terreur
11 parmi la population et ceci pouvait se lire sur le visage des habitants. Un
12 sentiment d'insécurité prévalait, un sentiment d'insécurité par rapport à
13 la crise. Personne ne savait comment les choses allaient évoluer.
14 Il y avait les médias et la propagande qui venaient de toutes parts, de
15 Belgrade, de Zagreb et de différents groupes politiques. C'était quelque
16 chose qui pouvait aisément être perçu. De façon générale, ceci avait une
17 incidence très forte sur les relations entre les gens et ceci allait de mal
18 en pis, de jour en jour.
19 Q. Cette campagne, qui avait été lancée, est-ce qu'au cours de cette
20 campagne, avez-vous vu un changement dans les réactions de M. Babic. Est-il
21 passé d'un homme modéré à un homme nationaliste, comme il a été décrit. On
22 l'a décrit comme étant un ethnocentriste. Avez-vous pu constater cette
23 évolution ?
24 R. M. Babic présidait le parlement parce qu'il était le président de la
25 municipalité de Knin. J'étais moi-même un membre de l'opposition et je
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1 représentais une minorité. Au parlement, nous critiquions les positions
2 politiques. Il s'agissait d'un parlement régional et les questions
3 portaient sur des questions locales. M. Babic avait quasiment la majorité
4 au sein de ce parlement et en tant que président du parlement, il agissait
5 de façon très correcte, courtoise. Il est vrai qu'il suivait la ligne de
6 son parti politique. Je pense qu'il a également pris part à la mise en
7 uvre de ces différentes politiques parce que c'était un homme important.
8 Pour ce qui est de son attitude, eu égard aux autres membres siégeant dans
9 ce parlement ainsi que les différentes personnes qui travaillent à cet
10 endroit-là, je pense qu'il s'est comporté de façon très correcte. Je n'ai
11 jamais constaté de changement de comportement et je suis certain qu'il n'y
12 en a pas eu. Je peux également ajouter ceci.
13 Q. Qu'en est-il de ses opinions sur le nationalisme ? Cela ne fait pas
14 l'ombre d'un doute, qu'à un moment donné, Milan Babic s'est transformé en
15 nationaliste serbe radical et je crois que la question que la Chambre de
16 première instance souhaite poser est : En a-t-il été toujours ainsi ou y a-
17 t-il eu un changement entre 1982, lorsqu'il était dans ce petit village en
18 Yougoslavie ou lorsque l'Yougoslavie a commencé à être démantelée et que la
19 campagne des médias faisait rage. Avez-vous pu constater un changement de
20 comportement ?
21 R. Lorsqu'on parle de cette époque-là, l'année 1990, après 1982 et les
22 années qui ont suivi, je n'ai jamais perçu M. Babic comme étant un
23 nationaliste et il ne l'était pas. En 1990, les choses se sont précipitées.
24 On a vu l'escalade de la crise. Je dois dire que dans la région de Knin,
25 différentes choses se sont produites, sur la scène politique, qui ont eu un
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1 impact, les unes sur les autres.
2 M. Babic, à ce moment-là, occupait un poste très important. Il était le
3 président de la municipalité de Knin et Knin, à ce moment-là, était un
4 symbole qui avait été mis en exergue par les médias de Belgrade et de
5 Zagreb. Knin avait été décrit comme le symbole des Serbes en Croatie. Comme
6 M. Babic était un membre du parti qui avait une plate-forme politique
7 particulière, il avait certainement certaines capacités à cet égard.
8 A un moment donné --
9 Q. Vous débordez ma question, Monsieur. Je souhaite vous interrompre et
10 vous demande de répondre à la question, qui vous est posée, car nous avons
11 des contraintes au niveau du temps.
12 Lorsque la violence a fait jour au début de l'été 1991, qu'avez-vous fait ?
13 R. Au début de l'été 1991, je ne participais plus à la vie politique. Mon
14 parti avait cessé d'exister et tout ce qui s'est produit a rendu son
15 existence impossible. Je n'ai plus participé à la vie politique en 1991.
16 Q. Vous vous êtes retiré de la vie politique avant 1991. Est-ce exact ?
17 R. En 1991, oui.
18 Q. M. Babic a poursuivi sa carrière politique en 1991. Lui avez-vous
19 jamais demandé pourquoi il est resté en politique en 1991 ? Saviez-vous
20 pourquoi ?
21 R. Oui, je pense que je lui ai posé la question et je sais pourquoi. Je
22 pense savoir pourquoi.
23 Q. Pourriez-vous en parler à la Chambre de première instance, s'il vous
24 plaît.
25 R. Je pense qu'il a estimé, à ce moment-là, qu'il se sentait responsable
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1 pour tout ce qui s'était déjà produit et c'était très difficile pour lui de
2 se retirer et de repartir en arrière. En 1991 et même pendant tout le
3 courant de l'année 1990, mais surtout en 1991, les choses avaient évolué de
4 telle manière que, son retrait de la vie politique aurait pu être considéré
5 comme un acte extrêmement dangereux, voire même une trahison.
6 Deuxièmement, M. Babic a été fortement critiqué par les médias de Zagreb
7 parce qu'on considérait -- Au début, les médias de Belgrade l'on encensé
8 mais après, les choses ont beaucoup changé. Dans une situation comme celle-
9 là, je pense qu'il ne pouvait pas se retirer de la vie politique, à ce
10 moment-là. C'est en tout cas mon point de vue là-dessus.
11 Q. Lui avez-vous jamais posé la question ? Savez-vous ce qu'il pensait de
12 la situation et des atrocités qui avaient été commises en 1990? Savez-vous
13 s'il a condamné ces événements ?
14 R. Je lui ai parlé, à plusieurs reprises, mais comme toutes personnes qui
15 vivaient dans la région à cette époque-là, je savais que M. Babic ne
16 contrôlait pas les agences de répression, il ne contrôlait ni la police ni
17 l'armée, et l'ex-Yougoslavie existait toujours en tant que tel, et c'est
18 elle qui contrôlait l'armée.
19 Pour ce qui est de la police, pas un seul instant, M. Babic n'a-t-il
20 contrôlé la police, c'est un fait d'une autorité public. Au moi de mai, je
21 crois, ou au mois de juin --
22 Q. Je ne vous ai pas demandé s'il contrôlait la police. Je vous ai
23 demandé, si vous vous êtes entretenus avec lui du fait qu'il approuve ce
24 qui s'était passé, ou s'il avait condamné ces événements. Je souhaite que
25 vous répondiez à ma question, s'il vous plaît.
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1 R. Je lui en ai parlé à plusieurs reprises, et je peux vous faire part
2 d'un moment que je n'ai pas oublié en 1995, un moment particulièrement
3 révélateur. Nous étions allés à un mariage, nous étions sur la route du
4 retour. Il avait entendu dire que des crimes avaient été commis en Krajina,
5 à Banja, autour de Kostajnica. Nous étions dans la voiture, et il nous a
6 dit avec une résignation dans la voix» : "Regarde ce qui s'est passé."
7 Comment aurions nous appliqué certaines politiques dans une situation comme
8 celle-ci ? Je crois que ceci était particulièrement révélateur pour nous
9 deux.
10 Q. En 1990, il y avait des barrages routiers qui avaient été mises en
11 place à Knin. M. Babic, a-t-il pris part aux discussions avec les autorités
12 croates pour essayer de calmer la situation ?
13 R. Oui.
14 Q. Pourriez-vous en parler à la Chambre, s'il vous plait ? Dites-nous ce
15 que vous savez.
16 R. Oui. Je sais que la première chose qu'il a fait était d'avoir des
17 conversations avec le président de la municipalité de Sinj. Il s'appelait
18 Jerko Vukas, c'était un haut représentant du HDZ, le parti au pouvoir en
19 Croatie. Je pense qu'ils ont échangé un certain nombre de propos. Je n'ai
20 pas entendu ce qui s'est dit, mais j'ai vu M. Vukas dans le couloir, et je
21 crois que ces conversations ont facilité la situation d'une part, mais ceci
22 n'a pas duré, c'est une première chose.
23 Egalement, je me souviens d'un autre élément. M. Babic ne souhaitait pas
24 être la seule personne à s'entretenir avec les représentants du HDZ, et il
25 avait convié d'autres personnes pour ce faire. Parmi les personnes
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1 personnalité politiques à Knin, j'étais présent, mais il y avait d'autres
2 personnes qui n'étaient pas membres du même parti que M. Babic.
3 Certains ministres, des représentants du gouvernement croate, se sont
4 rendus à Knin. Bolkovac était ministre de l'Intérieur, et M. Pero Kriste,
5 ministre de la Défense.
6 Q. Je vous demande de bien vouloir ralentir, s'il vous plaît, pour que les
7 interprètes puissent poursuivre.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il serait peut-être
9 important de faire une pause en premier lieu, et vous pourriez peut-être
10 vous efforcer de ralentir par la suite.
11 Maître Fogelnest, puis-je vous demander s'il vous plaît de vous concentrer
12 sur les faits, et des conclusions eu égard à ce témoin, s'il vous plaît.
13 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est lié à la façon dont
15 vous posez vos questions.
16 M. FOGELNEST : [interprétation] Oui, oui, j'en suis toute à fait conscient.
17 Je vous remercie, je vais tenter de corriger cela.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause jusqu'à une
19 heure moins dix.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 54.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Fogelnest, je vous en prie, vous
23 pouvez poursuivre.
24 M. FOGELNEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Kovacevic, ce qui est très important ici, c'est que les
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1 membres de la Chambre de première instance comprennent bien votre
2 déposition. Je vais procéder de la manière suivante : tout d'abord, je vais
3 vous demander de ralentir votre débit et si vous avez l'impression de
4 parler trop lentement, à ce moment-là ce sera effectivement plus facile
5 pour nous, et nous comprendrons plus facilement l'interprète.
6 Un deuxième point que je vais vous demander, c'est la chose suivante :
7 beaucoup des questions que je vous poserai, vous pourrez me répondre par
8 oui ou par non. Si vous me répondez de cette manière-là, je pourrai vous
9 demander de me fournir des précisions. Si je vous demande des précisions,
10 je vous demanderai de le faire rapidement ou de manière concise. Est-ce
11 possible ?
12 R. Oui.
13 Q. Très bien. Merci. Est-ce qu'à Knin, à un moment donné, il y a eu un
14 organe qu'on a appelé le conseil de la résistance nationale ?
15 R. Je pense qu'il s'appelait conseil de la résistance nationale.
16 Q. Vous voyez à cette question, vous auriez pu me répondre par un simple
17 oui.
18 R. Oui.
19 Q. A quel moment est-ce que ce conseil a-t-il fonctionné ?
20 R. A partir du moment où on a dressé des barrages. En d'autres termes,
21 c'était au mois d'août 1990, et ce jusqu'au vers la fin du mois de décembre
22 1990.
23 Q. Je vous remercie. Qui dirigeait ce conseil de résistance nationale ?
24 C'était l'émanation de qui ?
25 R. Ce conseil, il était formellement placé sous le contrôle de Milan
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1 Martic. Cependant, il y avait d'autres personnes au sein de cet organe.
2 Q. Pouvez-vous nous citer quelques noms, s'il vous plaît ?
3 R. Maintenant, question de voir, oui je crois que je peux donner le nom de
4 M. Vitas. Je sais que lui-même se présentait comme étant membre de ce
5 conseil.
6 Q. Est-ce qu'il y a d'autres noms qui vous viennent à l'esprit ?
7 R. J'ai un petit peu de mal à me concentrer là-dessus.
8 Q. Ce n'est pas grave. Le conseil de la résistance nationale, quelle est
9 la position qu'il a adopté face aux efforts de Babic visant à résoudre la
10 crise par la voie des négociations ?
11 R. Le conseil de la résistance nationale pour l'essentiel a cherché à
12 entraver ces tentatives. Donc, il a exercé des pressions sur toute
13 tentative visant à régler le conflit par la voie concertée. C'était la voie
14 prônée par M. Babic.
15 Q. Je vous remercie. A présent, je tiens à attirer votre attention sur le
16 moment où le conflit a effectivement éclaté. Pendant ce conflit, M. Babic
17 a-t-il contrôlé les forces en présence ?
18 R. Non.
19 Q. Est-ce qu'il a eu des différends qui l'ont opposé, soit à Milan Martic,
20 soit au capitaine Dragan ?
21 R. Ce que je crois, c'est que M. Babic --
22 Q. Vous me répondez-vous par l'affirmatif ?
23 R. Oui.
24 Q. Je vous remercie. A présent, expliquez-nous, s'il vous plaît, comment
25 cela s'est passé ?
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1 R. M. Babic, en essayant en fait de mettre en place une politique quelle
2 qu'elle soit, qui soit de son initiative, a essayé de prendre en charge le
3 ministère de l'Intérieur, plus précisément, la police. Il a échoué car dès
4 les premières tentatives qu'il a eues, ceci a été empêché et il n'a jamais
5 réussi à prendre le contrôle de ce ministère. Le ministère de l'Intérieur,
6 ou plus précisément la police, est toujours resté entre les mains de
7 Martic. C'est toujours Martic qui a été son chef.
8 Pour ce qui est du capitaine Dragan, il a eu effectivement un conflit avec
9 lui, et pour autant que je sache, c'est fin juin 1991 que ce conflit a
10 éclaté. C'était précisément le moment où le capitaine Dragan s'est mis à
11 accuser Babic en disant qu'il voulait exercer une influence sur les forces
12 qui étaient formées, entraînées par le capitaine Dragan, à ce moment-là
13 dans un camp d'entraînement.
14 Toujours est-il que ces forces sont restées sous l'influence des mêmes
15 individus ou des mêmes instances qu'auparavant, et que M. Babic n'avait
16 aucune influence sur ces forces-là.
17 Q. La question que je voudrais vous poser maintenant concerne l'attaque
18 sur le village de Kijevo, en août 1991. Cette attaque s'est bien produite,
19 n'est-ce pas ?
20 R. Oui, Kijevo a été attaqué en 1991, au mois d'août.
21 Q. M. Babic est intervenu d'une certaine manière dans cette situation ?
22 R. Oui, d'une certaine façon.
23 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle façon ? Pouvez-vous l'expliquer à la
24 Chambre, s'il vous plaît ?
25 R. Je crois que c'était la deuxième moitié du mois d'août. Milan Martic a
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1 demandé, par la voie des médias, a demandé cela à la population civile de
2 Kijevo, de partir du village car une opération militaire allait être menée
3 contre la police croate, qui était stationnée dans le village. Je ne me
4 rappelle plus le jour, mais cela s'est passé quelques jours avant
5 l'attaque.
6 Dès le lendemain, M. Babic est intervenu. Il a dit que c'était un acte
7 totalement inapproprié, qui n'allait aboutir à aucune solution. C'est de
8 cette manière-là qu'il a été impliqué dans cette situation. Il a protesté
9 contre cette demande ou exigence de déplacer la population civile croate de
10 Kijevo.
11 Q. Pendant le mois qui a suivi les incidents de Kijevo, M. Babic a-t-il
12 pris des contacts avec des Croates ?
13 R. Non, je ne crois pas qu'il a eu des contacts après Kijevo. Ceci étant
14 dit, peu après cela, il a vécu une tragédie au sein de sa famille. En
15 effet, dans le village de Vrlika, le village de M. Babic, les forces
16 croates ont tué Bozo Skrbic, un ses proches. Ils ont incendié sa maison
17 dans une autre partie du village. En même temps, ils ont incendié la maison
18 de ce proche de M. Babic, qui avait été tué. Sa mère ainsi que la mère de
19 son épouse ont réussi à se sauver en partant. Elles auraient probablement
20 connu le même sort si elles n'étaient pas parties de chez elles.
21 Q. Qu'est-il arrivé à son beau-père ?
22 R. Son beau-père a été tué dans sa maison, dans sa maison située dans le
23 village de Vrlika.
24 Q. Comment a-t-il été tué ?
25 R. Il a été tué par des forces de l'armée croate ou de la garde croate.
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1 Q. Passons à présent à un autre sujet. En privé, Milan Babic vous a-t-il
2 jamais parlé des souffrances du peuple croate ?
3 R. Oui.
4 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance ce qu'il vous a
5 dit ?
6 R. En particulier, pendant cette période, où nous avons coopéré sur le
7 plan politique, nous étions assez proche. C'était en 1993, 1994, 1995, et
8 pendant une partie de l'année 1992. Très souvent, il disait que cette
9 guerre ne pouvait pas se terminer bien si on ne trouvait pas une solution
10 normale et ce, à cause des souffrances que les gens ont connu pendant la
11 guerre que ce soient du côté serbe ou du côté croate.
12 Ce qu'il disait c'était ce qui posait problème et la raison pour laquelle
13 on n'allait pas pouvoir trouver une solution, que c'était un certain nombre
14 d'actions qui ont été menées et dont les victimes étaient des civils où on
15 a détruit des bâtiments, qu'on a détruit des biens appartenant à la
16 population. C'est quelque chose qu'il condamnait. Je pense que sa position
17 était tout à fait claire.
18 Q. A un moment quelconque, a-t-il été question entre vous de la raison
19 pour laquelle il n'a jamais pris position publiquement de cette manière-
20 là ? Ma question était une question à laquelle vous pouvez répondre par oui
21 ou non. En avez-vous parlé entre vous ?
22 R. Oui, j'en ai parlé avec lui.
23 Q. Très bien. Maintenant, je vous prie, de nous dire ce qu'il en disait et
24 quelles sont les raisons qu'il a invoquées en vous parlant, les raisons
25 pour lesquelles il n'avait pas pris cette position publiquement ?
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1 R. Peut-être n'aie-je pas posé mes questions de la même façon dans
2 laquelle vous les posez aujourd'hui lorsque vous vous adressé à moi. Mais
3 quoi qu'il en soit, nous avons parlé de ces choses-là. Plusieurs raisons
4 ont été invoquées. Je peux vous les préciser, par exemple, pourquoi pendant
5 cette période-là, il n'en n'a pas parlé publiquement, même si sa réaction
6 au sujet du village de Kijevo a été une réaction faite en public. La
7 première raison en a été que c'était extrêmement dangereux. Une deuxième
8 raison, compte tenu de la situation qui prévalait à ce moment dans la
9 Krajina, et compte tenu du fait qu'en Krajina il y avait une grande
10 incompréhension, cela pouvait être très dommageable politiquement de faire
11 ce genre de propos car la situation était plutôt anormale.
12 Un troisième point, c'est que Milan Babic, et là je parle des années 1993,
13 1994, et 1995, son ambition était d'essayer d'aider d'une certaine manière
14 que l'on trouve une solution, et que cette solution n'implique pas le
15 départ de la population. Qu'il n'y ait pas une évolution tout à fait
16 mauvaise, que les gens n'aient pas à partir, il a essayé d'utiliser des
17 moyens politiques. Il a essayé d'intervenir auprès de la Communauté
18 internationale et également au sein de la communauté serbe de Krajina, il
19 pensait qu'il pouvait aider à ce qu'on trouve une solution politique qui
20 permette à ces gens-là de rester chez eux et non pas de devenir des
21 réfugiés.
22 Q. Lorsque vous dites que c'était "dangereux", vous rappelez-vous des
23 situations où M. Babic aurait été attaqué ou sa vie aurait été menacée ?
24 R. Il y a eu plusieurs situations. Je peux vous en citer quelques-unes qui
25 ont été plus graves que d'autres. Enfin, commençons par la situation dans
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1 laquelle il se trouvait.
2 Dès 1991, il y a eu une attaque sérieuse à l'encontre de sa vie, et c'était
3 une attaque sur son appartement de Knin. Deux personnes armées et en
4 uniforme sont rentrées chez lui. Cela a été une tentative d'assassinat.
5 Dans la pièce où je suis venu peut-être plus de 50 fois, peut-être même 100
6 fois, il y avait un trou de balle au mur et on le voyait encore en 1995
7 lorsqu'on est parti de Knin.
8 Un deuxième cas dramatique à Benkovac dans une ville dalmate --
9 Q. Avant de poursuivre, quels étaient les uniformes que portaient ces
10 hommes ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, pourriez-vous tout
12 d'abord poser les fondements. Comment le témoin le sait-il ?
13 M. FOGELNEST : [interprétation] Certainement.
14 Q. Comment le savez-vous ?
15 R. Mais c'étaient quelque chose que tout le monde savait même les médias
16 en ont parlé. C'est quelque chose que nous savons.
17 M. Babic m'en a parlé et je le sais aussi parce qu'au moins une vingtaine
18 d'autres personnes m'en ont parlé qu'ils se ont trouvées très près, soit
19 parce qu'ils habitaient à côté du bâtiment, dans l'immeuble dans lequel
20 habitait M. Babic, soit parce qu'ils étaient à côté. C'est cela.
21 Q. Savez-vous quels étaient les uniformes de ces hommes ?
22 R. D'après ce qu'on n'en a dit, ces hommes portaient l'uniforme de l'armée
23 populaire yougoslave de l'époque même si l'armée a réagi par la suite en
24 disant que ce n'était pas elle qui les avait mobilisés après que l'incident
25 se soit produit. Cela a été la réaction de l'armée.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous lançons dans des spéculations.
2 M. FOGELNEST : [interprétation] Je continuerai, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quels étaient les uniformes d'après les
4 médias, d'après la presse, ce n'est vraiment pas quelque chose au sujet de
5 quoi ce témoin doit déposer. Ce témoin a dit qu'il a entendu de la part de
6 M. Babic lui-même et de la part d'autres personnes qu'il avait été attaqué
7 dans son appartement. Je ne pense pas que sur la base de cela, vous
8 pourriez poursuivre à moins qu'il y ait d'autres éléments.
9 M. FOGELNEST : [interprétation] Très bien.
10 Q. N'avez-vous jamais eu l'occasion de parler avec M. Babic des raisons
11 pour lesquelles il restait actif dans la vie politique, il occupait
12 toujours ces postes, et pourquoi a-t-il coopéré avec la JNA, avec Martic,
13 et avec Milosevic ?
14 R. A l'époque où M. Babic et moi avons coopéré dans la vie politique, nous
15 avons davantage parlé de l'avenir, des choses qui allaient se produire. Ce
16 que je viens de vous dire, c'était précisément cela l'objet de nos
17 conversations. Comment pouvions-nous améliorer la situation ? Comment
18 pouvions-nous faire en sorte que la Krajina soit retirée de cette guerre de
19 la manière la moins douloureuse qu'il soit ?
20 Pour ce qui est de ce que vous venez de me demander, très brièvement je
21 peux vous dire que je crois qu'il y avait plusieurs facteurs qui sont
22 entrés en jeu; précisément deux facteurs. D'une part, pendant une certaine
23 période, probablement M. Babic a-t-il été convaincu que la politique telle
24 qu'elle était mise en place en 1990 pouvait avoir pour résultat que la
25 communauté serbe de Croatie améliore sa position. Cela c'était un premier
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1 point. D'autre part, plus tard il me semble qu'il y avait simplement une
2 certaine inertie qui s'était installée. Il y avait l'enchaînement très
3 brièvement que serait le résumé des conclusions auxquelles je suis parvenu
4 grâce à ces conversations.
5 Q. En 1992, vous êtes devenu membre du SDS et vous avez appuyé la
6 politique de M. Babic; est-ce exact ?
7 R. Oui. Oui.
8 Q. Pourquoi l'avez-vous fait ?
9 R. Parce qu'à l'époque ce qui est devenu tout à fait clair pour moi
10 c'était que M. Babic avait coupé tous ses liens avec
11 M. Milosevic. Il avait un certain charisme et il était raisonnable en tant
12 qu'homme politique. J'estimais qu'il pouvait mener les choses vers une
13 solution normale, à savoir, le peuple qui avait été entraîné dans cette
14 guerre, qu'il allait préserver sa vie commune avec les autres, et qu'on
15 allait trouver une solution pour qu'ils restent intégrés.
16 Il était devenu clair qu'on n'allait pas modifier le tracé des frontières,
17 et on pensait que ce peuple devait se réinsérer au sein de la Croatie.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question supplémentaire, Monsieur
19 Kovacevic, à ce sujet. A quel moment en 1992 êtes vous devenu membre du
20 SDS ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était après l'attaque sur
22 M. Babic de Benkovac. Il a été grièvement blessé et il est sorti de
23 l'hôpital. C'était l'été 1992, la deuxième moitié de l'année 1992. Je pense
24 que c'était au mois de septembre, disons septembre.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Veuillez poursuivre, Monsieur Fogelnest.
2 M. FOGELNEST : [interprétation]
3 Q. Lui avez-vous rendu visite à l'hôpital ?
4 R. Non, je ne suis pas venu le voir à l'hôpital.
5 Q. L'avez-vous vu peu après cette sortie de l'hôpital ?
6 R. Je l'ai vu après cette sortie de l'hôpital. Il avait été gravement
7 blessé au niveau de la tête.
8 Q. Pouvez-vous nous décrire les blessures. Pouvez-vous les décrire à la
9 Chambre ?
10 R. Il était enflé au niveau de la tête, au niveau de la mâchoire. Je ne
11 peux pas vous donner une description médicale, mais ce n'était plutôt pas
12 joli.
13 Q. Avez-vous appris de quelle manière ces blessures ont été infligées ?
14 R. Oui.
15 Q. Pouvez-vous dire aux Juges ce que vous avez appris à ce sujet ?
16 R. Il a été blessé à Benkovac, dans la maison de Lezajic pendant un
17 entretien ou une réunion qu'il avait avec d'autres membres de son parti.
18 Comment cela s'est-il passé ? La maison a été encerclée par la police, la
19 police de l'époque, la police de la Krajina. La police est entrée dans la
20 maison et elle s'est livrée à des destructions à l'intérieur de la maison.
21 L'attaque était dirigée directement contre lui. Seulement toutes les
22 personnes présentes ont vraiment eu l'impression que les attaquants
23 voulaient le tuer. Les mots qui ont été proférés, entre autres, c'était le
24 mot très croate signifiant dirigeant d'un conté Zupan [phon]. Ils lui ont
25 donné des coups de crosse de fusil après l'avoir battu. Ils l'ont fait
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1 sortir devant la maison --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais interrompre. Nous venons
3 d'entendre une description détaillée d'une attaque sans savoir si le témoin
4 étai présent à ce moment-là.
5 Etiez-vous là ? Etiez-vous dans cette maison pendant l'attaque ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Fogelnest, quels sont les propos
8 qui ont été exactement utilisés par les attaquants. Si le témoin n'était
9 pas sur place, ce sont des éléments de preuve indirects. Je ne dis pas que
10 ceci n'est pas recevable devant ce Tribunal, mais lorsqu'on rentre dans ce
11 genre de détail, vraiment il faudrait peut-être plutôt se satisfaire de ce
12 que le témoin connaît directement, ou sinon être bref.
13 M. FOGELNEST : [interprétation] J'ai essayé de le limiter, mais c'est un
14 petit peu difficile.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, veuillez poursuivre.
16 M. FOGELNEST : [interprétation]
17 Q. M. Babic avait-il un surnom, et ce surnom a-t-il été utilisé beaucoup ?
18 Est-ce qu'il y a eu ce surnom à un moment donné ?
19 R. Ce mot "Zupan," le chef d'un conté, il était utilisé en tant que terme
20 négatif. M. Babic n'avait pas d'autre surnom.
21 Q. Dans ce contexte, est-ce un terme qui signifiait traître?
22 R. Oui, spécialement vu le contexte.
23 Q. Est-ce de cette manière-là que vous avez compris le sens de ce mot,
24 n'est-ce pas ? C'est bien dans ce sens-là qu'on l'a utilisé.
25 R. Oui, c'était très révélateur. Au fait est-ce que je peux préciser
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1 cela ?
2 Q. Non. Je ne vous ai pas posé de question. N'avez-vous jamais été présent
3 lorsqu'on a utilisé ce terme pour désigner M. Babic ?
4 R. Oui, je l'ai entendu deux fois moi-même. En 1990, lorsqu'il a envoyé
5 une suggestion. Au fait, il a pris l'initiative au moment où on allait
6 changer la constitution croate, et il y avait quelques membres du conseil
7 de résistance croate qui l'ont appelé Zupan à ce moment-là.
8 Q. Monsieur Kovacevic, pourriez-vous vous contenter de répondre à mes
9 questions par un oui ou un non, et attendre la question suivante à partir
10 de ce moment-là. Peut-on procéder ainsi ?
11 Vous auriez pu me répondre simplement, "oui, je l'ai entendu."
12 R. Oui, j'ai entendu des personnes s'adresser ainsi à M. Babic.
13 Q. Tout ce qui suffit de dire c'est "oui." Maintenant, qui a appelé M.
14 Babic "traître ?"
15 R. Le détail dont je me souviens le mieux c'est quelque chose qui s'est
16 passé en octobre 1994.
17 Q. Je ne vous ai pas demandé à quel moment cela s'est produit. Je vous ai
18 demandé qui. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répondre à mes questions.
19 R. Biljana Plavsic. J'étais présent quand elle s'est approchée de lui.
20 Elle lui a dit, "au revoir, Zupan," et elle faisait par là référence à
21 cette même chose dont nous venons de parler.
22 Q. Qui d'autre s'est adressé à M. Babic en l'appelant "traître" ? Citez-
23 nous un nom, s'il vous plaît, si vous le pouvez.
24 R. Ce que j'ai entendu c'était des gens qui étaient dans ce conseil
25 populaire; M. Vitas précisément.
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1 Q. Merci. Est-ce que plus tard M. Babic a participé à des négociations
2 avec les autorités croates afin de trouver une solution pacifique ?
3 Répondez, je vous prie, par oui ou par non.
4 R. Oui.
5 Q. Etiez-vous présent lorsque le plan Z-4 a été évoqué entre M. Babic et
6 l'ambassadeur Galbraith ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce que M. Babic était favorable à la réintégration pacifique de la
9 Krajina au sein de la République croate ?
10 R. Oui.
11 Q. Mais ceci n'a pas eu lieu, n'est-ce pas ?
12 R. Non, malheureusement.
13 Q. Vous savez pourquoi ?
14 R. Je le sais.
15 Q. Veuillez nous dire pourquoi ?
16 R. Je crois que la raison principale, c'est que Slobodan Milosevic n'a pas
17 donné son aval à tout cela. Il avait donné pour instructions à Martic de ne
18 pas accepter ce plan, de le rejeter en bloc.
19 Q. Est-ce que vous-même et M. Babic, un instant, je vous prie, il faut
20 qu'on m'indique la manière de prononcer ce nom. Etiez-vous à Kostajnica
21 avec M. Babic en 1995 ?
22 R. Oui.
23 Q. Avez-vous appris qu'en 1991 des Croates y avaient été assassinés ?
24 R. Oui. Pas à Kostajnica, plutôt dans les villages environnants, dans des
25 villages aux alentours de Kostajnica.
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1 Q. Quand vous vous êtes retrouvé en 1995 avec M. Babic à Kostajnica, que
2 vous avez appris à ce moment-là que des Croates avaient été assassinés dans
3 certains des villages environnants en 1991, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est cela.
5 Q. Veuillez dire aux Juges de la Chambre, quelle a été la réaction de M.
6 Babic lorsqu'on lui a donné cette information ?
7 R. Il a paru résigné. Il était furieux aussi. Il m'a dit dans la voiture :
8 "Comment peut-on faire de la politique si ce genre d'événements se
9 produisent ?"
10 Q. Est-ce qu'il vous a paru qu'il avait eu connaissance de cet événement
11 avant que vous ne l'appreniez en 1995 ?
12 R. Il me semble qu'il ignorait cela précédemment, qu'à ce moment-là, c'est
13 la première fois qu'il en a entendu parler.
14 Q. Est-ce que Milan Babic ne vous a jamais dit qu'il se sentait
15 responsable de ce qui s'était passé dans la Krajina en 1991 et en 1992 ?
16 R. pas en ces termes. Il a évoqué sa responsabilité. Il a parlé de sa
17 responsabilité politique pendant cette période 1991, 1992.
18 Q. Est-ce qu'il a parlé avec vous de son intention de prendre contact avec
19 le Tribunal pénal, et pour communiquer les informations dont il disposait ?
20 R. Oui, il m'en a parlé. Il a manifesté la volonté de le faire. C'est en
21 2001 qu'il m'a indiqué clairement qu'il allait comparaître devant le
22 Tribunal.
23 Q. Après votre départ de la Krajina, en tant que travailleur social, est-
24 ce que vous avez eu l'occasion de travailler avec des réfugiés en Serbie ?
25 R. Oui, depuis lors je travaille eux.
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1 Q. Pouvez-vous nous donner un tout petit peu plus de détails au sujet de
2 la nature de vos activités professionnelles ?
3 R. D'abord j'ai commencé à travailler dans le cadre des activités d'une
4 organisation humanitaire japonaise, YEN. Je participais aux activités
5 classiques d'une telle organisation, distribution de vivres, soutien
6 psychologique. A partir de 2002, je travaillais au sein du Forum
7 démocratique serbe, qui participe à des activités sociales, à des activités
8 de développement, au moment, notamment, où les réfugiés de Serbie sont
9 rentrés en Krajina.
10 Q. Les personnes avec qui vous travaillez actuellement, ces réfugiés
11 serbes, est-ce que M. Babic vous a dit si à son sens, ces gens devaient
12 retourner en Croatie ?
13 R. Tout à fait. Il souhaitait ardemment que les gens rentrent en Croatie.
14 Il pensait que ce serait là la solution qui allait de soit, la meilleure
15 solution pour eux.
16 Q. Est-ce que M. Babic vous a parlé de sa responsabilité de son sentiment
17 de responsabilité, de ce qu'il devait faire dans ce contexte ?
18 R. Oui, il a parlé de sa responsabilité politique, voilà ce dont il a
19 parlé. Il m'a également dit qu'il souhaitait le plus de gens possibles
20 reviennent, qu'il fallait les encourager à le faire. Voici ce qu'il m'a dit
21 à ce sujet.
22 Q. Est-ce qu'il a parlé de la manière dont il pourrait éventuellement
23 contribuer à ce retour ?
24 R. Il m'a dit qu'il fallait que les gens discutent de cette question,
25 qu'il fallait les encourager à rentrer chez eux, parce que c'était là la
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1 seule solution possible à toute cette problématique, que tout le monde
2 devait être bien conscient que tout le monde ne rentrerait pas. A son sens,
3 le mieux, c'était que les gens rentrent chez eux, que le plus de gens
4 possibles rentrent chez eux.
5 Q. Est-il exact que Milan Babic vous a dit que les Croates et les Serbes
6 devraient pouvoir cohabiter dans la même région, qu'il était en faveur
7 d'une telle situation ?
8 R. Oui. Tout à fait.
9 Q. Merci.
10 M. FOGELNEST : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
11 je n'ai plus de questions à poser au témoin à ce stade. Je vous remercie de
12 votre patience.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
14 Madame Uertz-Retzlaff, si j'ai bien compris, vous avez un certain nombre de
15 questions à poser au témoin.
16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Très peu de questions.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous devons nous interrompre à 13 heures
18 45. Est-ce que vous parviendrez à en finir d'ici là ?
19 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous donne la parole.
21 Questions de la Accusation, Madame Uertz-Retzlaff :
22 Q. [interprétation] M. Kovacevic, comme nous n'avons que peu de temps, je
23 vous demande d'être très bref quand vous me répondrez. Nous savons que M.
24 Babic, était dentiste. Est-ce qu'à votre connaissance, il pratiquait dans
25 toute la région de Knin, est-ce qu'il se rendait dans les villages de la
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1 région, ou est-ce qu'il pratiquait uniquement à Knin ?
2 R. Non. Il travaillait dans d'autres cabinets dentaires, pas uniquement à
3 Knin. Il y a des cabinets dentaires, par exemple, dans le village de
4 Djevrske. C'est là, par exemple, qu'il se rendait aussi.
5 Q. Est-ce que la région de Knin était une région très développée avant la
6 guerre, ou est-ce que c'était plutôt une région pauvre ?
7 R. C'était une région très pauvre.
8 Q. Quand M. Babic a commencé à faire de la politique, est-ce que le sous-
9 développement de la région de Knin était au centre de ses ambitions
10 politiques ?
11 R. Oui. Cependant, il a eu très peu de temps pour faire quoi que ce soit
12 pendant la période où il a fait de la politique.
13 Q. Merci. Il vous aurait suffi de répondre par oui. D'après ce que vous
14 savez de M. Babic, pendant toute cette période, est-ce que pour lui,
15 l'essentiel a toujours été la région de Knin et de ses habitants ?
16 R. Oui, c'était l'essentiel de ses préoccupations.
17 Q. Vous nous avez parlé, et vous avez souligné ce fait dans votre
18 déposition, de l'insécurité qui était ressentie par les habitants de la
19 région en 1994. Est-ce que ceci s'appliquait aussi bien aux Serbes qu'aux
20 Croates ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous-même, vous aviez peur de ce vous réservait l'avenir,
23 personnellement ?
24 R. Tout à fait. J'ai toujours peur.
25 Q. M. Babic, vous a-t-il dit que lui aussi ressentait de la peur, qu'il
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1 ressentait un sentiment d'insécurité, à cette époque-là ?
2 R. Il ne l'a pas dit en ces termes, mais j'ai pu m'en rendre compte. J'ai
3 eu le sentiment que c'était ce qu'il éprouvait.
4 Q. En 1990, l'association des municipalités a été créée. Est-ce que votre
5 parti s'y est opposé ?
6 R. Oui.
7 Q. Quand la région autonome de la Krajina a été fondée avec un
8 gouvernement, est-ce que votre parti s'est opposé également à cela ?
9 R. Mon parti avait déjà quitté la scène politique, à ce moment-là.
10 Q. Pourquoi vous-même et votre parti, vous vous êtes opposés à la création
11 de l'association de municipalités qui réunissait certaines instances
12 serbes ? Pourquoi étiez-vous opposés à cette évolution ?
13 R. Pour plusieurs raisons. Premièrement, cela était à l'encontre du
14 programme politique de mon parti. Nous étions favorables au maintien de
15 l'état qui existait auparavant d'une manière ou d'une autre, sous une forme
16 ou sous une autre. En deuxième lieu, nous souhaitions préserver les bonnes
17 relations entre les différentes communautés ethniques en Croatie. Nous
18 voulions également préserver une certaine mesure sociale et démocratique.
19 Tout ce qui était en train de se passer, ne donnait aucune garantie quant
20 au maintien de bonnes relations entre les différentes communautés
21 ethniques. Tout ceci allait à l'encontre du programme de mon parti.
22 Q. Est-ce que ces mesures ont attisé les tensions entre les différentes
23 communautés ?
24 R. Malheureusement, la majorité des gens participaient à cela. Ils ont
25 obtenu la majorité aux élections. Nous constituions une minorité tellement
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1 infime, que nous n'avons pas pu nous trouver de place sur la scène
2 politique.
3 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous ai demandé si ces
4 démarches avaient attisé les tensions entre les groupes ethniques. Est-ce
5 que vous nous dites que oui ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous nous dites qu'à un moment donné, M. Babic s'est opposé à
8 Milosevic. A quel moment ?
9 R. Au moment où cela est apparu très clair, c'était le 6 janvier 1992. A
10 ce moment-là, il s'est ouvertement opposé à lui, parce que dans tous les
11 médias, on a publié une lettre de M. Milosevic dans laquelle il s'adressait
12 directement au peuple de la Krajina, dans laquelle il disait qu'à partir de
13 maintenant, je cite, à peu près : "On ne vous aidera que si vous vous
14 débarrassez de Milan Babic."
15 Q. Suite à cela, suite à cette opposition manifestée par Milosevic, est-ce
16 qu'il a perdu les postes qu'il occupait ?
17 R. Oui. Il n'était pas possible de continuer à occuper un poste politique
18 dans la Krajina si on faisait l'objet d'une telle attaque.
19 Q. Vous nous dites que Mme Plavsic, en 1994, a qualifié M. Babic de
20 traître. Pourquoi l'a-t-elle fait ?
21 R. Cela avait rapport aux négociations avec la communauté internationale.
22 L'assemblée de la Krajina devait adopter les principes sous-tendant les
23 accords économiques entre la Krajina et la Croatie, au sujet
24 d'approvisionnement en eau, des réseaux ferrés, l'infrastructure des
25 communications. Lors de cette séance de l'assemblée du 24 novembre 1994, le
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1 président qui appartenait au parti radical a invité les dirigeants de la
2 Bosnie-Herzégovine, de la Republika Srpska, les invitait à venir à Knin.
3 Ceci, afin de faire pression sur les députés pour qu'ils rejettent ces
4 plans. A ce moment-là, ce qui s'est passé, je vous prie de m'excuser.
5 Q. Monsieur Kovacevic, n'entrons pas trop dans les détails. Est-ce qu'elle
6 l'a qualifié de traître parce qu'il était favorable aux négociations et à
7 une résolution de la situation avec les Croates ? Est-ce que c'est cela la
8 raison ?
9 R. Oui, tout à fait. Elle l'a appelé Zupan devant moi. Je me trouvais
10 devant eux. Elle l'a qualifié de Zupan lorsque son initiative à lui n'a pas
11 été couronnée de succès.
12 Q. Vous dites que quand la violence a commencé en 1991, il était difficile
13 à M. Babic de se distancer de tout cela, parce que cela aurait été
14 considéré comme une traîtrise. Qui l'aurait considéré comme un traître à
15 l'époque ?
16 R. Il n'aurait eu nulle part où aller. Les Serbes l'auraient considéré
17 comme un traître ainsi que les Croates. Il aurait été tellement diabolisé,
18 qu'il n'aurait pu su où aller. Il était dans une position très difficile
19 entre le marteau et l'enclume à l'époque, si l'on peut dire.
20 Q. Vous nous dites que s'il s'était prononcé contre ce qui se passait en
21 Krajina pendant la guerre, cela aurait eu des conséquences politiques
22 dommageables pour lui. Est-ce que cela veut dire qu'il aurait perdu son
23 poste politique ?
24 R. Pas dans son poste, que la possibilité pour lui d'exercer une certaine
25 influence et de trouver une solution pacifique. Il fallait bien garder une
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1 certaine influence sur la vie politique, parce que dans Krajina, il y avait
2 quand même l'opinion publique, qui jouait un certain rôle et qui avait une
3 certaine influence.
4 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] J'en ai terminé de mes questions.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec la permission des interprètes, je
8 vais continuer encore pendant cinq minutes, parce que j'ai quelques
9 questions à vous poser quant à moi aussi, Monsieur Kovacevic. Je demande
10 également aux techniciens de me donner leur aval.
11 Questions de la Cour :
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, vous nous avez
13 expliqué que M. Babic vous avait expliqué que l'un des principaux obstacles
14 à la paix, c'étaient les opérations au cours desquelles des civils étaient
15 tués. Vous souvenez-vous du moment où il vous a dit cela ?
16 R. C'était en 1995, en septembre.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous-même, vous saviez que
18 des gens avaient été tués ou étaient tués au début du conflit ?
19 R. On en entendait parler, mais je n'avais pas de confirmation. J'habitais
20 à Knin et là, ce genre d'événement ne s'est pas produit.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vous a fait part de tout cela ?
22 R. Vous voulez parler de 1995 ? C'était les gens de Kostajnica qui m'en
23 ont parlé.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais je parle du début de la
25 guerre ?
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1 R. Il y avait des rumeurs qui circulaient, on racontait un certain nombre
2 de choses, il y avait des rumeurs. On en parlait aussi dans les médias. On
3 a vu également des reportages sur un certain nombre d'incidents dans les
4 médias croates. Nous savions qu'il y avait des victimes serbes. Ces
5 incidents là, qui faisaient des victimes serbes, nous en avons entendu
6 parler.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez dire que les médias croates
8 parlaient des victimes serbes ? Ou est-ce qu'ils ne parlaient pas plutôt
9 que des victimes croates ?
10 R. Des victimes croates.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouviez sans aucune
12 difficulté technique avoir accès aux médias croates ?
13 R. Oui, on pouvait suivre ce qui se passait dans les médias croates. Il y
14 avait quelques difficultés techniques, je pense. Mais je parle ici des
15 médias électroniques parce qu'il n'y avait pas de journaux qui venaient de
16 là-bas.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous souvenez-vous dans ces premiers
18 jours du conflit, je ne parle pas ici de 1995, mais je parle de 1992. Vous
19 souvenez-vous de la fréquence des articles ou des reportages au sujet de
20 l'assassinat de Croates dans cette zone où vous habitiez ?
21 R. Si on parle de 1991, voilà. En 1992, il n'y avait pas de guerre en
22 Krajina. Les médias ont parlé au fur et à mesure des incidents. Plus tard,
23 quand j'ai lu des articles à ce sujet, parce que cela m'intéressait, je me
24 suis rendu compte que la couverture médiatique était assez réaliste
25 s'agissant du nombre des victimes. C'étaient parce que les réfugiés
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1 arrivaient à un certain endroit, ils parlaient aux journalistes, ils
2 parlaient devant les caméras de ce qui s'était passé, des victimes, et
3 cetera. Plus tard, on s'est rendu compte que ce n'était pas de la
4 propagande uniquement, et qu'il y avait vraiment des incidents qui avaient
5 eu lieu.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous avez parlé de cela en 1991,
7 est-ce que vous avez eu l'impression, que les gens avec qui vous parlez de
8 ces incidents, suivaient aussi tout cela dans les médias croates ?
9 R. Les gens suivaient ces événements, et avaient accès à ces articles ou à
10 ces reportages. Bien entendu, je ne pouvais pas en parler à tout le monde.
11 Mais, il me semble que les gens suivaient ce qui se passait dans les
12 médias. La population éprouvait un sentiment de peur, il faut bien se
13 rendre compte. Tout le monde croyait qu'en cas de combat, s'il y avait un
14 combat, et si l'ennemi arrivait, à ce moment-là, ils perdraient tout. A ce
15 moment-là, tout sentiment humain quitte les personnes concernées, on n'est
16 plus obsédé que par sa propre survie.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une autre question. Vous avez parlé de
18 l'attaque sur Kijevo. Vous nous avez dit que cela s'était produit en août
19 1991. Dans la déclaration qui a été fournie précédemment aux juges de la
20 Chambre, il semble que vous ayez dit que cette attaque avait eu lieu en
21 janvier 1991 ?
22 R. Non. C'était en août 1991. En janvier, il n'y avait pas de conflit, il
23 n'y avait pas de guerre. Il y a sans doute eu une petite erreur.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.
25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pour vous dire nous avons un document
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1 qui précise que cet ultimatum de Milan Martic date effectivement du 18 août
2 1991.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce petit malentendu est maintenant
4 résolu.
5 Dernière chose, toute dernière chose, vous avez parlé de la publication de
6 la lettre de M. Milosevic qui disait que les Serbes de la Krajina ne
7 pouvaient espérer bénéficier d'aucun soutien, et cetera. Cela, vous nous en
8 avez parlé. Vous avez parlé de la date de cette lettre, ou plutôt vous n'en
9 avez pas parlé. Quant a-t-elle été publiée ?
10 R. C'était en 1992, le 6 janvier.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes sûr de cette date ?
12 R. C'était une date extrêmement importante pour la Krajina.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends bien, mais, si je vous dis que
14 la Chambre s'est vue remettre un article du journal où on trouve cette
15 lettre, et que cet article est daté du 9 janvier. Est-ce qu'à ce moment-là,
16 vous reviendriez sur votre position ?
17 R. Maintenant, je suis un petit peu perdu. S'il s'agit d'un article qui a
18 été publié dans la presse, peut-être qu'il y a eu un petit délai. Mais il
19 me semble vraiment que c'était le 6 janvier.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Loin de moi l'attention de semer la
21 confusion dans votre esprit, Monsieur Kovacevic.
22 Je n'ai plus de questions.
23 M. FOGELNEST : [interprétation] Est-ce que je peux poser une brève
24 question ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vite, parce que nous n'avons
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1 pas beaucoup de temps.
2 M. FOGELNEST : [interprétation] Très, très vite.
3 Questions de la Défense, M. Fogelnest :
4 Q. [interprétation] Est-ce qu'il est possible que s'agissant des dates,
5 vous vous trompiez ?
6 R. Il me semble que la chronologie ne me pose pas de problème, les dates
7 c'est quelque chose dont je me souviens généralement très bien. Il est
8 possible que là, je commette une erreur. J'admets cette possibilité
9 effectivement.
10 Q. Vous parlez des médias croates et de la réception des médias croates.
11 Savez-vous que les antennes de télévision de Knin et autour de Knin ont été
12 débranchées, mises hors services pendant un certain temps ?
13 R. Oui, effectivement, oui, oui, oui.
14 Q. Pourriez-vous nous dire à quel moment ces antennes de télévisions ont
15 été débranchées ?
16 R. Ces antennes ont été débranchées au cours de l'élection présidentielle
17 en Krajina.
18 Q. Quand était-ce ?
19 R. En 1993.
20 Q. D'après vous, ces antennes n'ont pas été débranchées avant cette date-
21 là ?
22 R. Vous entendez par là les bornes de relais pour la radio, et la
23 télévision croate qui appartiennent aux médias locaux ? xxxx 8,19 de la
24 télévision et la radio -- Les grandes antennes qui permettent de relayer
25 les informations, favorisaient des conversations au téléphone à laquelle --
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1 permettant de recevoir également les signaux pour la télévision, et des
2 programmes de télévisions diffusés en Croatie.
3 Q. Est-ce que ceci a été contrôlé par Belgrade ? Est-ce que vous le
4 savez ?
5 R. Oui, absolument, cela je le sais.
6 Q. Bien --
7 R. Ceci c'est déjà fait sentir au début de l'année 1991.
8 Q. A quel moment ?
9 R. En 1991, je pense.
10 Q. Si ceci s'est produit en 1991, comment se fait-il que vous ayez obtenu
11 un dispositif particulier qui vous permettait de recevoir la télévision
12 croate, si les antennes n'étaient pas fournies ou ne fonctionnaient pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Bien --
15 R. Avec les signaux, les signaux venaient avec des difficultés, mais nous
16 arrivions à recevoir le signal quand même.
17 Q. De Belgrade ?
18 R. Nous pouvions suivre, ou recevoir des signaux pour les bornes de relais
19 croates. Il y avait une borne de relais à Split, et suffisamment près de
20 Knin, l'image n'était pas aussi claire. Il est vrai --
21 Q. La borne de relais à Split était posée plus tard, n'est-ce pas ?
22 R. Cette borne de relais se trouvait là en permanence. Il y avait
23 différents types de -- aux bandes de relais qui avaient été placées dans la
24 région.
25 Q. Cela s'est produit plus tard, n'est-ce pas ? Attendez, je vais vous
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1 poser la question : vous n'êtes pas plus certain des dates auxquelles les
2 antennes ont été débranchées que vous l'êtes à propos des dates de la
3 lettre de votre témoignage, n'est-ce pas, Monsieur ?
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Fogelnest, s'agit-il de votre
5 témoin ou est-ce que vous l'interrogez comme si c'était un contre-
6 interrogatoire ?
7 M. FOGELNEST : [interprétation] Je suis en train de l'interroger --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme si c'était un
9 contre-interrogatoire.
10 M. FOGELNEST : [interprétation] Je crois que sur la base des questions que
11 vous posez, Monsieur le Président. Clairement, cette situation --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il serait mieux de demander
13 un accord de la Chambre pour ce faire. Si vous souhaitez changer de
14 position.
15 M. FOGELNEST : [interprétation] Très bien.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite maintenant que le témoin
17 revienne demain matin à 9 heures. Puis-je vous dire, Monsieur Kovacevic,
18 très clairement de n'entrer en contact avec qui que ce soit. De ne vous
19 entretenir avec personne à propos de votre témoignage, qui n'est pas
20 terminé devant cette Chambre. Je ne sais pas si nous avons d'autres
21 questions à vous poser demain matin, mais néanmoins je souhaite que vous
22 soyez présent à 9 heures demain matin devant cette Chambre, s'il y a des
23 questions supplémentaires.
24 M. FOGELNEST : [interprétation] Puis-je ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
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1 M. FOGELNEST : [interprétation] Je crois que je peux maintenant mettre de
2 côté cette série de questions. Nous n'avons pas besoin d'importuner le
3 témoin. Nous n'avons pas besoin de surcharger la Chambre. Moi, j'en ai
4 terminé. Je n'ai plus de questions. Bien sûr, si la Chambre souhaite poser
5 des questions --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est quelque chose que nous allons
7 débattre.
8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il faudra organiser le
10 voyage de retour de M. Kovacevic.
11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je dois dire, Monsieur le Président,
12 que j'ai encore une question à poser.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez une question ?
14 Monsieur Kovacevic, auriez-vous l'obligeance de venir demain matin à 9
15 heures, de façon à ce que nous puissions aborder d'autres points concernant
16 votre témoignage.
17 L'audience est levée jusqu'à demain matin 9 heures.
18 --- L'audience est levée à 13 heures 58 et reprendra le vendredi 2 avril
19 2004, à 9 heures 00.
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