Affaire n° : IT-02-60-A

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant :
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen, Juge de la mise en état en appel

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er juin 2005

LE PROCUREUR

c/

Vidoje BLAGOJEVIC
Dragan JOKIC

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DÉCISION RELATIVE AUX REQUÊTES DES APPELANTS AUX FINS DU REPORT DE LA DATE LIMITE DE DÉPÔT DE LEURS RÉPONSES AU MÉMOIRE D’APPEL DU PROCUREUR

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils des Accusés :

M. Vladimir Domazet, pour Vidoje Blagojevic
Mme Cynthia Sinatra, pour Dragan Jokic

INTRODUCTION

1. La Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international ») est saisie des appels interjetés contre le jugement rendu oralement le 17 janvier 2005 et par écrit le 24 janvier 2005 par la Chambre de première instance I dans l’affaire Le Procureur c/ Blagojevic et consorts n° IT-02-60 (le « Jugement »). Les deux appelants, Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, ainsi que l’Accusation ont interjeté appel.

2. Nous, Mohamed Shahabuddeen, avons été désigné Juge de la mise en état en appel en l’espèce en vertu de l’Ordonnance portant désignation de juges dans une affaire dont est saisie la Chambre d’appel, rendue par le Président Meron le 14 février 2005.

3. La procédure en appel en l’espèce a pris du retard en raison de plusieurs reports nécessaires. Tout d’abord, un délai supplémentaire d’une semaine a été accordé à l’Accusation et à l’appelant Jokic pour le dépôt de leurs actes d’appel respectifs au motif que la version écrite du Jugement avait été communiquée une semaine après le prononcé1. En conséquence, l’Accusation et Dragan Jokic ont tous deux déposé leur acte d’appel le 23 janvier 2005, et Dragan Jokic en a déposé une version modifiée le 25 janvier 2005. L’appelant Blagojevic, quant à lui, s’est vu accorder un délai plus long – de dix semaines, soit jusqu’au 26 avril 2005 – pour déposer son acte d’appel afin que la nouvelle équipe chargée de sa défense dispose d’un délai raisonnable pour prendre connaissance du dossier2.

4. Les deux appelants ont par la suite demandé de nouveaux reports. Vidoje Blagojevic a sollicité un délai supplémentaire de deux mois pour déposer son acte d’appel en raison de la complexité de l’affaire et du retard pris dans la communication de certains documents à son nouveau conseil. Dragan Jokic a demandé six mois supplémentaires pour déposer son mémoire d’appel en raison de la complexité de l’affaire et du retard pris dans la traduction du Jugement en b/c/s. En réponse, l’Accusation a admis qu’il convenait d’accorder des reports d’une durée raisonnable – tout en contestant la durée des délais supplémentaires demandés – et demandé que, dans un souci d’efficacité, toute mesure soit prise de manière à ce que les appels des deux accusés soient de nouveau synchronisés.

5. Les requêtes des deux appelants ont été en partie accueillies par le Juge de la mise en état en appel le 14 avril 2005. Ce dernier a accordé 35 jours supplémentaires à Vidoje Blagojevic, à savoir jusqu’au 31 mai 2005, pour déposer son acte d’appel, et reporté la date limite de dépôt du mémoire d’appel de Dragan Jokic au 14 août 2005. Vidoje Blagojevic a déposé son acte d’appel le 31 mai 2005, la date limite du dépôt de son mémoire d’appel étant de ce fait également repoussée au 14 août 2005.

6. Entre-temps, l’Accusation a déposé son mémoire d’appel le 9 mai 2005. En application de l’article 111 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement »), Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic doivent chacun déposer leur mémoire d’intimé dans un délai de 40 jours à compter de cette date, soit le 18 juin 2005 au plus tard ; le 18 juin tombant un samedi, le délai est prorogé au 20 juin 2005 en application de l’article 126 B) du Règlement.

7. La Chambre d’appel est saisie de nouvelles requêtes déposées par Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic qui demandent à présent un délai supplémentaire pour déposer leur mémoire d’intimé3. Ils présentent chacun des arguments différents, mais sollicitent tous deux la même mesure, à savoir l’octroi d’un délai supplémentaire de 40 jours afin de repousser jusqu’au 24 septembre 2005 la date butoir du 14 août, à laquelle ils doivent tous deux déposer leur mémoire d’appel. L’Accusation s’oppose à ces deux requêtes en faisant valoir qu’aucune d’elles ne présente des « motifs convaincants » au sens de l’article 127 du Règlement4.

EXAMEN

8. L’article 127 du Règlement prévoit la prorogation des délais de dépôt lorsqu’« une requête présente des motifs convaincants ». En l’espèce, les appelants avancent des arguments différents pour obtenir un délai supplémentaire, mais aucun ne présente des « motifs convaincants ».

9. Tout d’abord, Vidoje Blagojevic avance que, compte tenu de la date limite du dépôt de son mémoire d’intimé (20 juin 2005), qui tombe pendant la période de 75 jours comprise entre la nouvelle date de dépôt de son acte d’appel et celle de son mémoire d’appel (respectivement les 31 mai 2005 et 14 août 2005), son conseil ne dispose pas de suffisamment de temps pour se consacrer à son propre recours et à celui de l’Accusation, lesquels portent tous deux sur des questions complexes et un dossier volumineux. Il convient de noter à ce sujet que Vidoje Blagojevic a demandé un report de la date limite de dépôt de son acte d’appel tout en connaissant parfaitement le calendrier de dépôt des mémoires relatif à l’appel de l’Accusation. À présent, ayant bénéficié d’un délai supplémentaire, il affirme qu’il lui sera trop difficile de faire face à ces multiples échéances dans les délais qui ont été fixés, et qu’il devrait donc bénéficier d’un nouveau report. Ces arguments sont loin de constituer des « motifs convaincants ».

10. Dans les affaires portées devant le Tribunal international, les appels sont souvent interjetés par les deux parties au procès. Lorsque le cas se présente, chaque partie doit parvenir à concilier les délais prévus par les deux calendriers de dépôt des mémoires. Cette exigence cadre avec le Règlement. De plus, la Chambre d’appel a déjà accordé des délais supplémentaires, en tenant dûment compte de la complexité de l’espèce et du dossier.

11. Outre la complexité de l’affaire, Dragan Jokic fait valoir qu’un délai supplémentaire permettra une synchronisation des recours des appelants et de l’Accusation. Il reprend l’argument de l’Accusation en faveur d’une synchronisation des appels de Blagojevic et de Jokic, affirmant qu’une telle mesure « ménagerait les efforts » de la Chambre d’appel et des parties.

12. Cet argument n’est pas convaincant. Dans la décision du 14 avril où nous avons accordé les dernières prorogations de délai, nous n’avons pas estimé que la synchronisation constituait à elle seule un « motif convaincant » justifiant ces reports. En fait, une fois que nous avons établi que chacun des appelants avait présenté des motifs convaincants, nous avons tenu compte des avantages de la synchronisation pour déterminer la durée exacte de chaque délai supplémentaire. Les nouvelles échéances ont été fixées de manière à avantager les accusés, en modifiant la date limite la plus proche de sorte qu’elle coïncide avec la date limite la plus éloignée.

13. Dans le cas présent, il n’y a aucune raison de synchroniser les dates limites de dépôt. La demande antérieure de l’Accusation de synchroniser les appels des deux appelants visait en partie à lui permettre de présenter un mémoire d’intimé unique, ce qui permettait manifestement de rationaliser la procédure et de ménager les ressources du Tribunal. Cependant, la synchronisation des appels des parties adverses en l’espèce ne présente pas un tel avantage – toutes les parties devraient malgré tout déposer le même nombre de documents, y compris les mémoires d’intimé et les mémoires en réplique des deux appelants à déposer respectivement aux mêmes dates que ceux de l’Accusation. De plus, contrairement à ce qu’a indiqué Dragan Jokic, il n’y aurait pas lieu de tenir des audiences supplémentaires pour pallier le manque de synchronisation du calendrier.

14. Par ces motifs, ni Vidoje Blagojevic ni Dragan Jokic n’a présenté des « motifs convaincants » justifiant un report supplémentaire.

DISPOSITIF

Les requêtes de Vidoje Blagojevic et de Dragan Jokic aux fins d’un report supplémentaire pour répondre au mémoire d’appel de l’Accusation sont en conséquence REJETÉES.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 1er juin 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
__________________
Mohamed Shahabuddeen

[Sceau du Tribunal]


1. Décision portant sur la requête présentée par l’Accusation aux fins de proroger le délai de dépôt de son acte d’appel, affaire n° IT-02-60-A, 15 février 2005 ; Décision portant sur la requête présentée par la Défense aux fins de proroger le délai de dépôt de son acte d’appel, affaire n° IT-02-60-A, 15 février 2005.
2. Décision portant sur la requête présentée en urgence par Vidoje Blagojevic aux fins de proroger le délai de dépôt de son acte d’appel, affaire n° IT-02-60-A, 16 février 2005.
3. Defence of Accused Mr. Vidoje Blagojevic Motion for Extension of Time Limited in Which to File a Respondent’s Brief, affaire n° IT-02-60-A, 25 mai 2005 ; Appellant, Dragan Jokic’s Motion for Extension of Time to File Respondent’s Brief Pursuant to Rule 112, affaire n° IT-02-60-A, 26 mai 2005. La requête de Dragan Jokic a été déposée devant la Chambre d’appel au complet, tandis que celle de Vidoje Blagojevic l’a été devant nous, Juge de la mise en état en appel ; toutefois, il y a lieu que nous nous prononcions sur ces deux requêtes.
4. Prosecution’s Consolidated Response to Defence Motions for Extension of Time to File Respondent’s Brief, affaire n° IT-02-60-A, 27 mai 2005.