LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Composée comme suit: M. le Juge Claude Jorda, Président

M. le Juge Jules Deschênes

M. le Juge Fouad Riad

Assistée de: M. Dominique Marro, Greffier-adjoint

Décision rendue le: 27 janvier 1997

 

 

LE PROCUREUR

C/

TIHOMIR BLASKIC

 

___________________________

DÉCISION SUR LA PRODUCTION FORCÉE
DE MOYENS DE PREUVE

___________________________

Le Bureau du Procureur: Le Conseil de la défense:

M. Mark Harmon M. Anto Nobilo

M. Gregory Kehoe M. Russell Hayman

M. Andrew Cayley Mme Nela Pedisic

 

1. Par requête intitulée "Requête aux fins de contraindre à la production de pièces et documents couverts par la communication" en date du 26 novembre 1996 (ci-après dénommée "la Requête"), la Défense du Général Blaskic (ci-après dénommé "l’accusé’) a demandé à la Chambre de Première Instance I (ci-après dénommée "la Chambre") de tenir une audience aux fins d’obtenir une décision contraignant l’Accusation à lui communiquer des informations, documents et tous autres éléments ayant éventuellement valeur probante. Le Bureau du Procureur (ci-après dénommé "Le Procureur") par opposition en date du 11 décembre 1996 (ci-après dénommée "La Réponse") a répondu à la Requête. La Défense a répliqué à cette opposition par mémoire déposé le 16 décembre 1996 (ci-après dénommée "la Réplique"). La Chambre a entendu les parties au cours d’une audience tenue le 19 décembre 1996.

La Chambre va dans un premier temps analyser les prétentions des parties pour procéder ensuite à la discussion de l’ensemble des points de fait et de droit en litige.

I. ANALYSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

2. Les demandes de communication forcée sous le délai général de sept jours, émanant de la Défense, sont articulées selon la présentation suivante adoptée dans la Requête:

1. "B. Déclarations de l’accusé";

2. "C. Déclarations des témoins";

3. "D. Liste des témoins à charge";

4. "E. Eléments de preuve soumis au Tribunal à l’appui de l’acte d’accusation en vertu de l’article 47 du Règlement de procédure et de preuve [ci-après "le Règlement"]";

5. "F. Eléments de preuve à décharge";

6. "G. Absence d’éléments de preuve";

7. "H. Eléments de preuve réunis par la Bosnie-Herzégovine et transmis par celle-ci à l’Accusation";

8. "I. Eléments de preuve dont dispose le Procureur, comprenant des éléments de preuve communiqués au Tribunal en relation avec l’acte d’accusation contre Ivica Rajic;

9. "J. Eléments de preuve dont dispose le Procureur, comprenant des éléments de preuve communiqués au Tribunal en relation avec les actes d’accusation contre Marinic Zoran et contre Kupreskic Zoran et autres";

10. "K. Pièces en relation avec l’article 61 du Règlement";

11. "L. Base de données."

12. La communication des pièces visées à l’article 66 (B) du Règlement:

Il convient dès lors d’analyser les écritures des parties au regard de chaque chef de demande.

1."B. Déclarations de l’accusé":

3. Dans sa Requête la Défense se fonde sur l’article 66(A) du Règlement pour demander à l’Accusation la production de toutes les déclarations préalables de l’accusé (tant écrites qu’orales, sous forme de lettres ou de support informatique) recueillies depuis que l’accusé est sous la garde du Tribunal. Dans sa Réplique elle inclut en outre, les déclarations obtenues non seulement par l’Accusation mais encore par d’autres sources.

Le Procureur soutient dans sa Réponse que le terme "déclaration" doit être interprété restrictivement comme les déclarations officielles faites sous serment ou au moins signées et reconnues par l’accusé. Le Procureur affirme ne pas détenir de telles déclarations. Il estime, de surcroît, que toutes les lettres, notes, livres, ordres ou autres documents écrits de l’accusé ou émanant de lui ne sont pas des déclarations obtenues par le Procureur. Il en conclut qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 66 (A), et n’ont pas à être communiqués à la Défense.

2."C. Déclarations des témoins":

4. La Défense sollicite en outre sur le même fondement, la production de toutes les déclarations des témoins, ainsi que les mémoires d’interrogatoires de ces témoins, que ces éléments aient été recueillis ou non par le Bureau du Procureur. A défaut pour le Procureur de se conformer à cette l’obligation la Défense exige que les témoins en question ne puissent témoigner à l’audience. Dans sa Réponse, le Procureur estime que la demande formulée par la Défense excède le champ d’application de l’article 66 mais se déclare cependant disposé à communiquer à la Défense toute information tendant à remettre en question la crédibilité d’un témoin conformément aux exigences de l’article 68 du Règlement.

La Défense réplique qu’à défaut pour la Chambre d’ordonner à l’Accusation de produire "aussitôt que possible" les éléments couverts par l’article 68, la Chambre devrait imposer la communication dans les dix jours, des déclarations de témoins en sa possession et interdire la comparution de témoins dont les déclarations également en la possession du Procureur, n’auront pas été communiquées dans ce délai ou qui auront été connues postérieurement.

3. "D. Liste des témoins à charge":

5. La Défense demande à l’Accusation la remise de la liste des témoins qu’elle entend présenter à l’audience.

Le Procureur prétend dans sa Réponse en avoir assuré la production dans les plus brefs délais.

La Défense réplique que l’Accusation a manqué à son obligation dictée par l’article 67 du Règlement et demande à la Chambre de lui imposer la production dans les dix jours de cette liste et, dans le cas où un témoin à charge n’y figurant pas se présenterait à l’audience, de rejeter son témoignage.

4."E. Eléments à l’appui de l’acte d’accusation":

6. La Défense a demandé la production de tous les éléments de preuve à l’appui de l’acte d’accusation initial et de l’acte d’accusation modifié. Dans sa Réplique elle déclare en avoir reçu communication et envisager de résoudre toutes les questions qui subsisteraient directement avec l’Accusation.

5."F. Eléments de preuve à décharge":

7. La Défense demande en vertu des dispositions de l’article 68 du Règlement la communication des éléments de preuve à décharge que possède l’Accusation et la communication de la nature et la localisation de tous les éléments de preuve à décharge dont l’Accusation a connaissance mais qui ne sont pas en sa possession.

Le Procureur rappelle avoir transmis les 14, 18 novembre et 5 décembre 1996 des éléments de preuve à décharge potentiels. Il affirme également, conformément à la jurisprudence Delalic1, que l’accusé doit démontrer davantage qu’une simple supposition, une présomption que les éléments de preuve se trouvent en possession ou sous le contrôle du Procureur. Le Procureur déclare toutefois s’être soumis et être disposé à se soumettre pour l’avenir à l’obligation positive qui résulte des dispositions de l’article 68.

Se fondant sur cette même jurisprudence Delalic, la Défense développe dans sa Réplique, l’interprétation à donner à cette obligation. Selon elle le Procureur doit, soit remettre les éléments de preuve requis, soit nier qu’il les ait en sa possession ou, soit admettre qu’il en dispose mais refuse de les communiquer en se fondant sur le motif de l’absence de caractère nécessaire à la préparation de la défense, condition exigée à l’article 66 (B). En l’espèce, la Défense estime que le Procureur a l’obligation de rechercher dans ses dossiers de tels éléments et que, à défaut de ce faire et de les communiquer, des sanctions appropriées devraient lui être imposées.

6."G Absence d’éléments de preuve":

8. La Défense demande à l’Accusation de reconnaître qu’elle ne détient aucun moyen de preuve sur certains points de l’accusation. Une telle absence de preuves à charge est constitutive d’ éléments à décharge.

Le Procureur s’oppose à la demande et estime que cette question devra être tranchée au fond.

7."H. Eléments de preuve réunis par le Bosnie-Herzégovine et transmis au Procureur":

9. La Défense sollicite le droit d’examiner en vertu de l’article 8 du Règlement, les éléments de preuve transmis par la Bosnie-Herzégovine au Procureur afin de s’assurer qu’il n’ont pas été obtenus par des moyens abusifs.

Le Procureur estime que cette demande a pour but de déroger à l’obligation de réciprocité de l’article 67 (C) du Règlement qui pèse sur la Défense, tout en lui permettant de bénéficier des informations réunies par lui. Il soutient que cette question doit être examinée au fond.

8. "I. Eléments de preuve en relation avec l’acte d’accusation contre Ivica Rajic":

10. La Défense sollicite la production de tous les éléments transmis au Tribunal à l’appui de l’acte d’accusation contre Ivica Rajic. En effet, alors que Ivica Rajic est accusé de crimes qui auraient été commis dans le secteur de commandement du Général Blaskic, l’acte d’accusation dressé contre celui-ci ne contient aucun chef en relation avec lesdits crimes.

Le Procureur soutient que cette demande se heurte à son pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites et de la confidentialité des éléments de preuve.

9."J. Eléments de preuve en relation avec l’acte d’accusation contre Marinic Zoran et Kupreskic Zoran":

11. La Défense sollicite la transmission de tous les éléments à l’appui des actes d’accusation dressés contre Marinic Zoran et Kupreskic Zoran en tant que ces éléments pourraient permettre de disculper l’accusé.

Le Procureur s’oppose à cette demande aux motifs précédemment développés au point.

10. "K. Pièces en relation avec l’article 61 du Règlement":

12. La Défense a sollicité la communication de tous les documents soumis ou présentés à la Chambre dans le cadre de la procédure au titre de l’article 61 du Règlement conduite dans la présente affaire. Lors de l’audience du 19 décembre, elle a néanmoins rectifié sa demande en la rapportant à l’affaire Rajic , autre procédure conduite dans le cadre de l’article 61.

11. "L. Bases de données":

13. La Défense se fondant sur les dispositions de l’article 21 du Statut, sollicite l’accès aux bases de données du Procureur.

Celui-ci s’y oppose en invoquant notamment le risque qui s’attache à la prise de connaissance par la Défense d’éléments confidentiels relatifs à d’autres enquêtes.

Dans sa Réplique, la Défense propose la participation d’un ombudsman qui procèderait à l’examen des éléments à décharge contenus dans les bases de données du Procureur.

12. Nullité des dispositions restreignant le droit de l’accusé d’examiner les éléments de preuve à charge et communication des pièces visées à l’article 66(B):

14. La Défense demande qu’il soit ordonné au Procureur de lui communiquer immédiatement toutes les pièces visées à l’article 66 (B) du Règlement, sans que lui soit imposées d’obligation réciproque de communication. Elle invoque à cet effet, la nullité des dispositions du Règlement prévoyant cette obligation en raison de leur contrariété au droit international coutumier.

Le Procureur estime dans sa Réponse que ces dispositions sont compatibles avec une bonne administration de la justice et le droit à un procès équitable.

II. DISCUSSION

15. La Chambre traitera tout d’abord les points 1 à 11 (c’est-à-dire B à L de la Requête) visés ci-dessus.

A cet égard, au cours des débats, la Chambre a pris acte de points d’accord sur certaines demandes et a tranché sur le siège un certain nombre de points litigieux relatifs à d’autres demandes.

La Chambre va rappeler les points d’accord et les points qu’elle a tranchés.

Elle abordera ensuite les points restés en suspens.

Elle traitera enfin le point 12 de la Requête.

 

A. Les requêtes qui ne soulèvent plus en l’état de difficultés

1. Les requêtes sur lesquelles un accord a été enregistré par la Chambre:

16. Elles portent sur les points E et K.

a) Eléments de preuve soumis au Tribunal à l’appui de l’acte d’accusation (Point E):

17. La Chambre prend acte de ce que l’obligation de communication a été, d’après la Défense, remplie à ce jour, sous réserve d’un contrôle de sa part2. Elle prend acte de l’intention manifestée par l’Accusation de s’acquitter à l’avenir de son obligation.

b) Pièces en relation avec l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve (Point K):

18. Le Procureur rappelle, et la Défense en est d’accord, qu’il n’y a pas eu d’audience au titre de l’article 61 dans la présente affaire.

2. Les requêtes que la Chambre a tranchées sur le siège:

19. Elles portent sur les points D, G, I et J.

a) Liste des témoins à charge (Point D):

20. La communication des noms des témoins à charge est réglée et prévue par l’article 67(A), qui dispose à cet égard:

Article 67

Echange des moyens de preuves

(A) Dès que possible et en toute hypothèse avant le début du procès:

(i) le Procureur informe la défense du nom des témoins à charge qu'il a l'intention d'appeler pour établir la culpabilité de l'accusé et pour réfuter tout moyen de défense dont le Procureur a été informé conformément au paragraphe (ii) ci-dessous;

21. La Défense reconnaît qu’à ce jour l’identité de plus d’une centaine de témoins à charge lui a été communiquée mais qu’elle n’a pas reçu à proprement parler de liste à l’appui de l’acte d’accusation initial ni a fortiori de l’acte d’accusation modifié le 22 novembre 1996.

L’Accusation entend communiquer aussitôt que possible à l’accusé une liste des témoins qu’elle a l’intention de citer.

22. La Chambre constate que le litige porterait d’une part sur la notion de liste, et d’autre part sur le moment de la communication.

Elle note que l’article 67 (A) ne se réfère pas à une liste formellement constituée. Cependant, en disposant que l’obligation mise à la charge de l’Accusation est d’informer la Défense du nom des témoins à charge "dès que possible et en toute hypothèse avant le début du procès", le Règlement privilégie l’idée que l’ensemble des noms des témoins à charge soit communiqué au même moment dans un document d’ensemble permettant ainsi à la Défense d’avoir une vue claire et homogène de la stratégie de l’Accusation et de s’y préparer en conséquence.

La Chambre ordonne dès lors que l’ensemble des noms des témoins à charge devra être communiqué le 1er février 1997 au plus tard, sous réserve d’additions ou de compléments qui devront être limitativement circonscrits en fonction de l’évolution toujours possible de l’enquête et sans que jamais les droits de la Défense ne puissent être contournés de ce fait.

b) Absence d’éléments de preuve (Point G):

23. La thèse de la Défense est que l’absence d’éléments de preuve peut être considérée comme élément à décharge et relever à ce titre des dispositions de l’article 68 du Règlement, qui dispose que:

Article 68

Communication des moyens de preuve à décharge

Le Procureur informe la défense aussitôt que possible de l'existence d'éléments de preuves dont il a connaissance qui sont de nature à disculper en tout ou en partie l'accusé ou qui pourraient porter atteinte à la crédibilité des moyens de preuve à charge.

La Défense a soulevé au point F, la question de la communication des éléments de preuve à décharge dans le cadre de l’article 68 du Règlement. Ce point sera traité ci-dessous en fonction des arguments développés par les parties à l’audience.

24. S’agissant plus spécifiquement de la question de savoir si l’absence d’éléments de preuve à charge peut être assimilée à l’administration d’éléments de preuve à décharge au sens de l’article 68 du Règlement, la Défense demande à ce que l’Accusation l’autorise à invoquer cet argument au procès notamment quant aux points suivants:

- l’absence de toute preuve établissant la présence physique de l’accusé à des endroits où ont été perpétrées des attaques contre des civils ou des biens protégés au sens des Conventions de Genève;

- l’absence de tout ordre écrit ou verbal ou de directives de l’accusé de commettre des actes contraires aux Conventions de Genève;

- l’absence de toute interception par des moyens électroniques de messages reflétant l’exercice par l’accusé de son pouvoir de commandement et de contrôle ou reflétant le lancement par ce dernier de tout ordre ou directive d’attaquer des personnes ou des biens protégés au sens des Conventions de Genève.

25. La Chambre constate d’abord que le Procureur n’a aucune intention de s’accorder avec la Défense sur ce point. La Chambre estime comme l’Accusation, que le moment et le lieu pour soulever la question éventuelle de l’absence d’éléments de preuve ne peut être qu’à l’audience au fond. L’appréciation éventuelle du caractère à décharge de ladite absence d’éléments de preuve, ne peut se faire qu’à ce seul moment. La Requête de la Défense sur ce point sera donc rejetée en l’état.

c) Eléments de preuve dont dispose le Procureur en relation avec l’acte d’accusation contre Ivica Rajic (Point I):

26. La Défense sollicite la production de tous les éléments de preuve transmis au Tribunal à l’appui de l’acte d’accusation contre Ivica Rajic, accusé de crimes qui auraient été commis dans le secteur de commandement de l’accusé. Or, estime-t-elle, l’acte d’accusation contre le Général Blaskic ne contient aucun des crimes allégués à l’encontre de Rajic. La Défense dès lors en tire la conclusion, à la base de sa demande, que si l’accusé, poursuivi sur le fondement de la responsabilité du supérieur hiérarchique, ne se voit pas imputer certains des crimes qui auraient été commis dans son secteur de commandement par Rajic, elle est en droit d’exiger la production d’éléments de preuve tirés de cette dernière accusation, à titre d’éléments à décharge. Ceci lui permettrait de démontrer que la responsabilité d’autres crimes allégués dans cette même zone de commandement a été attribuée à l’accusé par erreur.

27. L’Accusation rappelle que le Procureur tient du Statut et du Règlement son pouvoir souverain et indépendant de décision en matière de poursuite et d’accusation devant le Tribunal. Ce pouvoir a été exercé de façon appropriée dans l’affaire Rajic, et dans la présente affaire. Elle estime que le seul fait de n’avoir pas imputé à l’accusé des crimes supposés commis par Rajic ne peut autoriser la Défense à exercer un droit de regard dans le dossier d’accusation contre ce dernier, voire à le "fouiller" dans sa globalité pour y trouver des éléments de preuve potentiellement à décharge.

Au surplus, l’Accusation s’engage à communiquer à la Défense tous les éléments à décharge concernant l’accusé que pourrait receler le dossier Rajic soit dès à présent soit à l’audience.

28. La Chambre fait sienne la thèse du Procureur. Elle rappelle le pouvoir souverain d’appréciation que le Procureur tient du Statut du Tribunal, pour la mise en oeuvre des poursuites et la présentation des actes d’accusation. Il en découle le principe de l’indépendance des poursuites les unes par rapport aux autres, sous réserve de la mise en oeuvre de la procédure toujours possible de la jonction d’instances prévue à l’article 48 du Règlement.

Il est d’autant moins possible d’accorder le droit de regard sollicité par la Défense dans le dossier Rajic, - droit de regard aussi largement entendu par elle de surcroît - que cela reviendrait à divulguer des informations confidentielles, non strictement nécessaires à la défense du Général Blaskic, visant un autre accusé qui se dérobe à la justice internationale et dont la procédure d’accusation n’est pas au même stade d’évolution.

La Chambre trouve dans le Règlement nombre de dispositions protectrices de la confidentialité de certaines informations. Il n’est que de citer en matière de protection des moyens de preuve les articles 66 (C), 69 et 70 du Règlement. Dans ces hypothèses, c’est toujours sous son contrôle que la divulgation peut être ordonnée.

29. Enfin, il convient de souligner que le but recherché par la Défense dans sa requête, non illégitime en soi, peut être atteint par d’autres moyens:

- d’abord en rappelant au Procureur les obligations qui sont les siennes en matière de communication d’éléments à décharge (article 68 du Règlement), obligations qui devront être remplies sous l’autorité et le contrôle de la Chambre.

- ensuite, en indiquant qu’à tout stade de la procédure, et plus spécialement à l’audience, la Défense peut solliciter de la Chambre la production d’éléments de preuve tirés de la procédure Rajic dont il apparaîtrait aux juges qu’ils peuvent jouer comme éléments à décharge pour l’accusé. Ce droit est cependant soumis à la double condition que la production desdits éléments ne soit pas couverte par la confidentialité au moment de la demande, et que la Défense avance un commencement de preuve permettant à la Chambre d’apprécier la réalité de la détention des éléments en question ainsi que leur caractère "à décharge".

d) Eléments de preuve en relation avec les autres actes d’accusation contre Marinic Zoran et Kupreskic Zoran (Point J):

30. S’agissant d’une demande analogue à celle qui précède, la Chambre adopte la même solution; elle rappelle au Procureur ses obligations découlant de l’article 68 du Règlement et se réserve un droit d’évocation de la question au moment de l’audience dans les mêmes conditions que précisées ci-dessus.

B. Les points restés en suspens

31. Les débats ont fait apparaître que subsistaient des points de désaccord. Ils sont identifiés ainsi dans la requête initiale de la Défense:

B. Déclarations de l’accusé;

C. Déclarations des témoins;

F. Eléments de preuve à décharge;

H. Eléments de preuve réunis par la Bosnie-Herzégovine;

L. Bases de données.

La nature juridique des arguments échangés par les parties permet à la Chambre de regrouper d’une part les points B et C, d’autre part les points F et L.

Elle traitera séparément le point H et examinera enfin la requête tendant à obtenir la nullité des dispositions restreignant le droit de l’accusé d’examiner les éléments de preuve à charge et la communication des pièces visées à l’article 66 (B).

1. Déclarations de l’accusé et des témoins ( Points B et C):

32. Le litige porte sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 66 (A) du Règlement:

Article 66

Communication de pièces par le Procureur

(A) Dès que possible après la comparution initiale de l'accusé, le Procureur communique à la défense copie de toutes les pièces jointes à l'acte d'accusation lors de la demande de confirmation ainsi que toutes les déclarations préalables de l'accusé ou des témoins à charge recueillies par le Procureur. La version finale de la déclaration de l’accusé ou d’un témoin, telle que consignée sous forme d’enregistrement sonore au moment de l’interrogatoire, ainsi qu’une traduction en l’une des langues de travail du Tribunal, sont communiquées à la défense.

La question est double, elle concerne d’une part, la source des déclarations, d’autre part leur forme:

- Les déclarations (de l’accusé ou des témoins) doivent-elles émaner du seul Bureau du Procureur et être recueillies par lui seul?

- Les déclarations doivent-elles être "officielles" c’est-à-dire faites sous serment ou du moins "signées et reconnues par l’accusé" (ou les témoins)?

33. Pour dégager une solution à chacune de ces questions, les deux parties ont invoqué des décisions antérieures rendues par le Tribunal dans les affaires Tadic3 et Delalic4.

La référence à l’affaire Tadic n’est pas pertinente en la matière. Le litige n’a porté en effet que sur une lettre, non admise il est vrai comme déclaration de l’accusé, mais ce faisant la Chambre n’a fait qu’entériner l’accord des parties.

En revanche, la portée jurisprudentielle de l’affaire Delalic doit être retenue. Saisie, sur un litige analogue, en demande d’interprétation de l’article 66 (A), la Chambre de première instance II a affirmé sur le point précis qui nous occupe, que "cette partie de l’article [66] fait obligation à l’Accusation de communiquer toutes les déclarations de l’accusé qu’elle a eu en sa possession. Il s’agit d’une obligation permanente."5

34. La lecture littérale du Règlement n’autorise pas une autre interprétation dès lors que celle-ci serait restrictive des droits de l’accusé, tels que rappelés expressément à l’article 21 du Statut.

35. La référence aux normes législatives en vigueur dans des systèmes juridiques avancés - comme ceux des Etats-Unis ou de France - conduit à la même conclusion, à savoir que l’accusé doit avoir accès à ses propres déclarations, quelle que soit la manière dont l’Accusation les a obtenues.

Il convient à cet égard de rappeler que l’article 16 (a) (1) (A) du Code Fédéral de procédure pénale des Etats-Unis dont la rédaction est très proche de celle de l’article 66 du Règlement, souligne:

"Upon request of a defendant the government must disclose to the defendant and make available for inspection, copying, or photographing: any relevant written or recorded statements made by the defendant, or copies thereof, within the possession, custody, or control of the government, the existence of which is known, or by the exercise of due diligence may become known, to the attorney for the government."6

Si la question ne se pose pas dans les mêmes termes en procédure pénale française, en raison de l’existence d’une instruction, menée à charge et à décharge, par un juge spécialisé, il n’en demeure pas moins que le principe posé par le Code de procédure pénale français, est celui de la libre communication à tout moment de l’intégralité de la procédure (Voir notamment article 114 al. 3 dudit Code).7

36. La jurisprudence de chacun de ces pays n’a pas restreint la portée de ces dispositions très protectrices des droits de la Défense.

37. Les principes ainsi dégagés à l’appui de l’interprétation de l’article 66 (A), conduisent la Chambre à adopter la décision que toutes les déclarations préalables de l’accusé, figurant au dossier du Procureur qu’elles aient été recueillies par l’Accusation ou qu’elles émanent de toute autre source, doivent être communiquées sans délai à la Défense.

La même interprétation de l’article 66 (A) conduit la Chambre à ne pas faire de distinction selon la ou les formes que peuvent revêtir lesdites déclarations. De surcroît, rien dans le texte n’autorise d’y introduire les distinctions proposées par l’Accusation entre "les déclarations officielles faites sous serment ou signées et reconnues par l’accusé" et les autres.

38. La Chambre estime, en outre, que les mêmes critères que ceux dégagés pour les déclarations préalables de l’accusé, doivent s’appliquer mutatis mutandis aux déclarations préalables des témoins également visées à l’article 66 (A).

39. Toutefois, la Chambre assortit sa décision de deux réserves:

- la première trouve son fondement dans l’article 66 (C), permettant au Procureur de demander à la Chambre d’être dispensé d’une communication de pièces qui pourrait nuire à de nouvelles enquêtes ou à des enquêtes en cours ou qui pourrait être contraire à l’intérêt public ou porter atteinte à la sécurité d’un Etat;

 

 

- la seconde se fonde sur l’article 70 (A), qui prévoit une exception à l’obligation de communication en ce qui concerne les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier.

40. La Chambre trouve matière à l’application de cette dernière disposition dans la présente décision.

Elle estime, en conséquence, que doivent entrer dans le champ de l’article 70 (A) et, à ce titre ne faire l’objet d’aucune communication ou échange, les notes d’interrogatoire des enquêteurs (visées au C1 de la Requête de la Défense du 26 novembre 1996) ainsi que les rapports internes au Bureau du Procureur et témoignages préalables émanant de tout témoin expert (visés au C4 de la même Requête). Les livres, articles et biographies des mêmes témoins experts (visés au C4 de ladite Requête) doivent être considérés comme appartenant au domaine public et ne doivent donc pas être communiqués.

41. Enfin, s’agissant de la demande répertoriée sous le point C5 et visant "tous rapports, déclarations sous serment, ou déclarations écrites établis par tout enquêteur du Tribunal qui va témoigner au procès (...)", la Chambre est d’avis qu’il est prématuré pour l’instant de trancher ce point, réservant, le cas échéant, sa solution au moment de l’audience au fond.

2. Eléments de preuve à décharge (Points F et L):

42. L’article 68 du Règlement dispose :

Article 68

Communication des moyens de preuve à décharge

Le Procureur informe la défense aussitôt que possible de l'existence d'éléments de preuves dont il a connaissance qui sont de nature à disculper en tout ou en partie l'accusé ou qui pourraient porter atteinte à la crédibilité des moyens de preuve à charge.

43. Comme cela a été rappelé plus haut la Défense, sur le fondement de cet article a demandé:

1/ la communication de tous les éléments de preuve à décharge que possède l’Accusation;

2/ ainsi que la communication de la nature et de la localisation de tous les éléments de preuve à décharge dont elle a connaissance mais qui ne sont pas en sa possession.

La Défense produit dans sa Requête une liste détaillée et exhaustive de 12 points, le n° 1 étant subdivisé en 12 sous-points et le n° 2 en 26 sous-points, soit au total l’identification de 50 types d’éléments de preuve jugés, par elle, comme potentiellement à décharge pour l’accusé.

Dans sa Requête, la Défense affirme qu’elle connaît l’existence ou a des raisons de penser que le Procureur a, en sa possession, des éléments de preuve à décharge et qu’il ne les a pas communiqués.

44. Il convient au préalable d’observer que, sur un plan factuel la Défense prétend que plusieurs de ses requêtes spécifiques ont été soit ignorées, soit expressément rejetées par l’Accusation; au contraire cette dernière fait état de plusieurs communications émanant d’elle, notamment aux mois de novembre et décembre 1996.

 

45. Sur le problème d’ensemble que soulève ce contentieux, plusieurs questions se posent:

- L’Accusation a-t-elle en sa possession tout ou partie des éléments énumérés par la Défense? A-t-elle l’obligation de répondre à la Défense? Doit-elle préciser si les éléments dont elle reconnaîtrait qu’ils sont en sa possession peuvent être considérés comme à décharge pour l’accusé? Quelle serait la sanction en cas de manquement de sa part à ces obligations?

- La Défense, qui ne situe pas sa requête sur le fondement de l’article 66 (B) - ce qui entraînerait une obligation de communication réciproque mise à sa charge par l’article 67 (C) - dispose-t-elle d’un droit de regard général et unilatéral sur le dossier du Procureur en exigeant et obtenant une communication étendue et sans limite? A défaut de lui reconnaître un tel droit, peut-on déterminer des critères permettant à l’accusé d’avoir connaissance des éléments propres à le disculper en tout ou en partie sans préjudicier aux droits inhérents à la poursuite?

46. Ces deux questions et leurs corollaires conduisent la Chambre à s’interroger sur la portée de l’article 68 du Règlement et de ses modalités d’application.

47. Il ne fait aucun doute que l’obligation de communiquer les éléments de preuve de nature à disculper l’accusé, repose sur le seul Procureur, ne serait-ce qu’en raison du fait que c’est lui qui est en possession desdits éléments.

De ce point de vue-là, il appartient au Procureur pour chacun des éléments cités par la Défense de dire:

- s’il détient effectivement ou non ces éléments;

- si ces éléments renferment bien des preuves à décharge;

- s’il estime que, bien que possédant des éléments de preuve à décharge, leur confidentialité doit être protégée dans le cadre de l’article 66 (C) ou de toute autre disposition pertinente.

Il n’est pas suffisant aux yeux de la Chambre que le Procureur "affirme qu’[il] est conscient de ses obligations aux termes du Règlement et qu’[il] les a respectées"8.

En tenant compte des délais maintenant rapprochés pour le début du procès, mais aussi des contraintes matérielles auxquelles va être soumis le Procureur, la Chambre impartit à ce dernier de répondre à la Défense dans les délais les plus rapides et au plus tard pour le 14 février 1997. La Chambre le cas échéant exercera son contrôle sur la bonne application de cette décision.

48. Pour autant convient-il d’accorder à la Défense un droit d’accès général au dossier du Procureur? Ceci serait d’ailleurs indirectement le cas si la Chambre accordait, sans modalités d’application, à la Défense la communication de l’ensemble des pièces et documents demandés.

Certes, l’article 68, s’il met à la charge du Procureur une obligation sans limite par la généralité des termes employés, - "les éléments de preuve de nature à disculper en tout ou partie l’accusé" - , accorde par voie corollaire un droit, lui-même sans limite au bénéfice de la Défense.

49. Pourtant la Chambre ne s’engagera pas dans cette voie.

D’abord, parce que le Statut et le Règlement organisent les droits respectifs des parties, Accusation et accusé, notamment quant à la communication des éléments de preuve, dont le Tribunal doit s’assurer du respect équilibré.

 

Ensuite parce que, placée par la Défense, devant une demande aussi vaste et un "droit de regard" aussi général, la Chambre ne peut que faire le parallèle entre l’article 68 et l’article 66 (B).

Article 66

Communication des pièces par le Procureur

(B) A la demande de la défense, le Procureur doit, sous réserve du paragraphe (C), permettre à celle-ci de prendre connaissance des livres, photographies, pièces à conviction et tous documents se trouvant en sa possession ou sous son contrôle, qui soit sont nécessaires à la défense de l'accusé, soit seront utilisés par le Procureur comme moyens de preuve au procès, soit ont été obtenus de l'accusé ou lui appartiennent.

Certes, la Défense a nettement affirmé que sa demande ne se situait pas dans le cadre de ce texte, échappant ainsi à l’obligation de communication au bénéfice du Procureur, qui en résulterait pour elle par application de l’article 67 (C).

Mais la frontière est ténue entre les éléments de preuve visés à l’article 66 (B), identifiés comme "nécessaires à la défense de l’accusé" et ceux visés à l’article 68 identifiés comme de nature à "disculper en tout ou partie l’accusé". Nul doute que les premiers englobent nécessairement les seconds.

La Chambre rappellera cependant qu’il est de sa responsabilité de s’assurer du respect équilibré des droits respectifs des parties en la matière.

Aussi, si la Chambre prend bien note que la Défense ne souhaite pas se situer dans l’équilibre de l’échange des communications prévu aux articles 66 (B) et 67 (C), doit-elle dès lors se montrer particulièrement vigilante quant à la nature et à l’étendue du caractère disculpatoire des éléments de preuve figurant au dossier du Procureur dans la mesure où une demande aussi investigatrice de production forcée est formulée par l’accusé.

A cet égard, de même que la Chambre de première instance II, pour l’article 66 (B), dans la décision Delalic - à laquelle se sont d’ailleurs référées les deux parties -, a exigé de la part de la Défense la démonstration de l’existence "d’une présomption du caractère nécessaire à la Défense" de tel ou tel élément de preuve, de même la Chambre estime ici qu’il appartiendra à la Défense d’apporter un commencement de preuve de nature à rendre vraisemblable le caractère disculpatoire desdits éléments réclamés ainsi que préalablement leur détention par le Procureur.

50. En conclusion, la Chambre décide que:

1. l’Accusation supporte seule la responsabilité de communiquer à la Défense les éléments de preuve propres à disculper en tout ou en partie l’accusé. Elle le fait sous sa responsabilité et sous le contrôle de la Chambre, qui en cas de manquement avéré en tirera toutes les conséquences notamment au moment du procès;

2. si l’Accusation remplit ses obligations comme indiqué ci-dessus mais que la Défense estime que d’autres éléments que ceux communiqués pourraient revêtir un caractère disculpatoire pour l’accusé et seraient en la possession du Bureau du Procureur, il lui appartiendra de soumettre à la Chambre tout commencement de preuve de nature à rendre vraisemblable le caractère disculpatoire desdits éléments ainsi que leur détention par le Procureur. A ne pas apporter ces éléments de présomption à la Chambre, la Défense ne se verrait pas autoriser la communication. Elle s’expose de surcroît, selon la plus ou moins grande étendue de sa demande, à voir assimiler sa requête à celle prévue par l’article 66 (B) et à être assujettie dès lors à l’obligation qui pèse sur elle en vertu de l’article 67 (C).

51. S’agissant de la requête de la Défense concernant la communication des bases de données (point L), la Chambre constate une évolution dans les écritures de la Défense. Dans son dernier état, celle-ci, si elle demande toujours la communication des bases de données électroniques que détient le Bureau du Procureur, concède que cette communication peut s’opérer sous l’autorité d’un ombudsman désigné par la Chambre.

A l’appui de son argumentation, la Défense invoque que sur ces supports électroniques figurent vraisemblablement des éléments de preuve à décharge et que, faute d’en disposer, cette situation créerait à son détriment un dangereux déséquilibre, contraire à l’article 21 du Statut du Tribunal.

L’Accusation réplique qu’il s’agit d’une demande d’un droit "de fouiller dans la base de données électroniques" du Procureur et qu’ainsi, l’accusé cherche-t-il à obtenir les avantages de l’article 66 (B) tout en essayant dans le même temps d’éviter ses obligations réciproques au titre de l’article 67 (C).

52. La Chambre constate que le litige se présente dans les mêmes termes que la question qui vient d’être traitée à l’occasion des éléments à décharge: légitime préoccupation de la Défense de se voir communiquer l’ensemble des éléments potentiellement à décharge d’une part, et protection des droits de la poursuite d’autre part.

Elle note que la Défense est toutefois consciente du caractère excessif de cette requête, en ce qu’elle l’assortit d’une demande de désignation d’un ombudsman.

La Chambre adopte la même solution que pour les éléments à décharge et estime en conséquence qu’il n’y a pas lieu à une telle désignation.

3. Eléments de preuve réunis et transmis à l’Accusation par la Bosnie-Herzégovine (Point H):

53. Le litige entre les parties porte sur la plus ou moins grande fiabilité qu’il convient d’accorder aux éléments de preuve réunis et transmis à l’Accusation par la Bosnie-Herzégovine. A cet égard, la Défense, se fondant notamment sur ce qui s’est passé au procès Tadic à l’occasion de la déposition du témoin L, exprime des craintes que les éléments de preuve transmis par ce pays aient été, en tout ou en partie, obtenus par des manoeuvres de coercition, fabriqués de toutes pièces ou aient été le produit d’un quelconque autre abus.

54. La Chambre estime que la Défense n’est pas qualifiée, à ce stade de la procédure, pour imputer à la Bosnie-Herzégovine de telles manoeuvres.

Elle fait sienne l’opinion émise par le Procureur selon laquelle l’examen des questions de coercition, d’invention ou de manoeuvres éventuelles relatives aux éléments de preuve soumis au Procureur par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine doit se faire à l’audience au fond.

4. Nullité des dispositions restreignant le droit de l’accusé d’examiner les éléments de preuve à charge et communication des pièces visées à l’article 66(B)

55. S’agissant de la requête visant à obtenir la nullité des dispositions restreignant le droit de l’accusé d’examiner les éléments de preuve à charge et la communication des pièces visées à l’article 66 (B), la Chambre estime en l’état n’avoir ni qualité ni compétence pour juger de la conformité au droit international coutumier des dispositions du Règlement de procédure et de preuve.

 

III. DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

56. La Chambre de première instance I

Statuant publiquement et contradictoirement,

VU les articles 66 et suivants du Règlement,

CONSTATE l’accord des parties sur les points E et K visés dans la Requête de la Défense;

ORDONNE au Procureur de communiquer à la Défense la liste des noms des témoins qu’il entend faire citer à l’audience (Point D). Cette communication devra intervenir le 1er février 1997 au plus tard;

REJETTE en l’état les chefs de demande relatifs à l’absence d’éléments de preuve (Point G), aux éléments de preuve dont dispose le Procureur en relation avec l’acte d’accusation contre Rajic (Point I) ainsi qu’aux éléments de preuve en relation avec les autres actes d’accusation contre Marinic et Kupresic (Point J);

ORDONNE au Procureur de communiquer à la Défense l’ensemble des déclarations préalables de l’accusé et des témoins (Points B et C), à l’exception toutefois des notes d’interrogatoire des enquêteurs, des rapports internes au Bureau du Procureur et des témoignages préalables émanant de tout témoin expert ainsi que des livres, articles et biographies des mêmes témoins;

REJETTE en l’état le chef de demande relatif à la communication de tous rapports, déclarations sous serment, ou déclarations écrites établis par tout enquêteur du Tribunal qui va témoigner au procès;

RAPPELLE au Procureur l’obligation qui pèse sur lui en vertu de l’article 68 du Règlement en ce qui concerne les éléments de preuve à décharge, qu’ils soient sous forme documentaire ou écrite ou inclus dans les bases de données, et ordonne au Procureur pour chacun des éléments cités par la Défense de dire s’il détient effectivement ou non ces éléments ou si les éléments renferment bien des preuves à décharge ou encore s’il estime que, bien que possédant des éléments de preuve à décharge, leur confidentialité doit être protégée dans le cadre de l’article 66 (C) ou de toute autre disposition pertinente (Points F et L); Enjoint le Procureur de respecter ces obligations pour le 14 février 1997 au plus tard;

DIT n’y avoir lieu à désignation d’un ombudsman (Point L);

REJETTE en l’état le chef de demande relatif aux éléments de preuve réunis et transmis à l’Accusation par la Bosnie-Herzégovine (Point H);

DIT n’y avoir lieu à juger de la conformité au droit pénal international coutumier des dispositions du Règlement de procédure et de preuve.

 

Fait le vingt-sept janvier 1997

A La Haye

Pays-Bas

__________________________

Claude Jorda

Président de la Chambre de première instance I


1.  Décision relative à la requête de l’accusé Zejnil Delalic aux fins de divulgation d’éléments de preuve, le Procureur c/ Zejnil Delalic, Zdravko Mucic, Hazim Delic, Esad Landzo, 26 septembre 1996, affaire No IT-96-21-T.

2. Version française des comptes rendus provisoires de l’audience du 19 décembre 1996, p.19, affaire n° IT-95-14-T, le Procureur c/ Tihomir Blaskic.

3. Version anglaise des comptes rendus provisoires de l’audience du 24 octobre 1996, matin, p.5673, affaire nº IT-94-1-T, Le Procureur c./ Tadic.

4. Voir Décision du 26 septembre 1996, affaire nº IT-96-21-T, note 1.

5. Ibid.p. 5

6. "A la demande de l’accusé, l’accusation communique à l’accusé et met à sa disposition pour examen copie ou photographie: toutes les déclarations écrites ou enregistrées faites par l’accusé, ou copies desdites déclarations en sa possession, sa garde ou sous son contrôle, ou qui dans le cadre de ses recherches, peuvent venir à la connaissance du ministère public (...)" (Traduction non-officielle).

7. Article 114 al. 3 du CPP: "La procédure est mise à leur disposition [des avocats] quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise en examen ou chaque audition de la partie civile. Après la première comparution de la personne mise en examen ou la première audition de la partie civile la procédure est également mise à tout moment à la disposition des avocats durant les jours ouvrables , sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. (...)".

8. Réponse du Procureur, p. 15.