Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 10 décembre 2003

2 [Audience d'appel]

3 [Audience à huis clos]

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19 [Audience publique]

20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le mécanisme de distorsion des traits

21 du visage est-il en place ? Bien.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui. Et le témoin bénéficie d'un

23 pseudonyme.

24 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien, nous allons donc pouvoir

25 commencer.

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1 Bonjour, Monsieur le Témoin.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce vous m'entendez ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, donner

6 lecture de la déclaration solennelle qui vous est présentée par l'Huissier.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 LE TÉMOIN: TÉMOIN BA4 [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Vous pouvez

12 prendre place.

13 Ce témoin est un témoin qui est cité à la barre par la Défense. C'est donc

14 la Défense qui va l'interroger en premier. Mais, tout d'abord, il convient

15 d'identifier le témoin pour le dossier.

16 M. NOBILO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-on

17 présenter au témoin cette feuille de papier sur laquelle figure son nom

18 afin qu'il puisse nous confirmer que c'est, effectivement, bien son nom qui

19 figure sur cette feuille de papier.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela. Mais il y a peut-être une

21 lettre qui ne correspond pas.

22 M. NOBILO : [interprétation] Vous pouvez peut-être corriger vous-même cette

23 faute.

24 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

25 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Nobilo, si j'ai bien compris, ce

2 témoin, lorsqu'il a déposé au procès Kordic, l'a fait en partie en audience

3 publique, et en partie en audience à huis clos partiel. Si vous devez donc

4 parler et faire référence au compte rendu d'audience, pendant votre

5 interrogatoire principal, faites attention si vous n'évoquez pas un passage

6 qui a été donné à huis clos partiel à ce moment-là, demandez-nous de passer

7 à huis clos partiel.

8 Vous pouvez commencer.

9 M. NOBILO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Interrogatoire principal par M. Nobilo :

11 Q. Nous allons nous adresser à vous en utilisant votre pseudonyme, le

12 pseudonyme BA4. Je ne vais vous poser aucune question vous concernant

13 personnellement, pour ne pas révéler votre identité. Mais peut-être

14 pourriez-vous simplement nous dire où vous êtes né, où vous avez grandi en

15 Bosnie-Herzégovine.

16 R. Je suis né à Busovaca, et toute ma vie, jusqu'en 1993, je l'ai passée à

17 Busovaca.

18 Q. Est-ce que vous connaissiez bien la situation à Busovaca à cette

19 époque ?

20 R. Oui, oui. Je viens du centre-ville. J'étais bien connu. Je connaissais

21 beaucoup de monde, et je crois que tout le monde me connaissait. Il s'agit

22 d'une petite ville où tout le monde se connaît.

23 Q. Veuillez, s'il vous plaît, nous dire de quel type de ville il s'agit ?

24 Est-il possible de cacher des informations dans cette ville ? Comment les

25 informations circulent-elles ?

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1 R. C'est une petite ville, une petite carsija, pour reprendre un terme

2 vernaculaire, si bien que s'il se passe la moindre chose dans un coin de la

3 ville, tout le monde finit très vite par en entendre parler, si bien qu'il

4 n'était pas possible de garder secrète quelque information que ce soit, ou

5 les informations relatives à n'importe quel événement. Tout le monde, en

6 l'espace d'une période très réduite, finit par en entendre parler.

7 Q. Afin de ne pas perdre de temps, je ne vais pas vous interroger sur les

8 détails des événements de 1992, et du mois de mai de cette année-là. Mais

9 conviendrez-vous avec moi que le HVO de Busovaca a pris le pouvoir à

10 Busovaca, suite à une intervention armée, et ceci en mai 1992 ?

11 R. Oui, c'est exact. On assistait là à une prise du pouvoir classique et

12 militaire, à tout point de vue.

13 Q. Veuillez, s'il vous plaît, expliquer aux Juges qui a pris le pouvoir à

14 Busovaca, à ce moment-là ?

15 R. Oui, bien sûr. Et bien, il n'y avait qu'une personne qui commandait

16 tout à Busovaca et qui était responsable de tout ce qui s'y passait à ce

17 moment-là. Et, plus tard, c'était une seule et même personne, Dario Kordic,

18 et ses comparses, mais c'est lui qui était le numéro un.

19 Q. Qui était son bras droit ? Qui étaient ses collaborateurs, les plus

20 proches dans le cadre de cette opération ?

21 R. Je vous parle exclusivement de ma ville, de ma Busovaca. Et en

22 l'occurrence, c'était Anto Sliskovic, qui aimait se faire appeler Ban. Et

23 ils l'appelaient comme ça d'ailleurs Ban ou Comte, en français. Et c'était

24 un adepte aveugle de Dario Kordic.

25 Q. Quel était son poste officiellement ? Quelle était sa fonction pendant

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1 la guerre ?

2 R. Officiellement, je ne sais pas si je vais pouvoir me souvenir de tout

3 parce que ça a été une période assez longue, mais il aimait se vanter qu'il

4 était à la tête du SIS, du SIS dans la région. Il aimait prétendre qu'il

5 était à la tête de tous ses acolytes qui ont commis ses agissements sous

6 son commandement. Quant à leur nom, et bien, il y avait les Jokeri, par

7 exemple, mais je ne me souviens pas avec précision de tous ces postes, de

8 tous les postes qu'il a occupés, mais il était assez entouré. Donc lui,

9 c'était le numéro deux. Il était responsable de tout ce qui s'est passé à

10 Busovaca.

11 Q. Vous nous dites qu'il était à la tête du SIS. Est-ce que ce sigle ne

12 désigne pas les services de Renseignements, ou plutôt de Sécurité

13 d'informations du conseil de la Défense croate ?

14 R. Oui, exactement.

15 Q. Est-ce que vous connaissiez un dénommé Vlado Cosic ?

16 R. Bien sûr que oui.

17 Q. Que savez-vous de lui ?

18 R. Dans l'ex-Yougoslavie, c'était un policier. Il était parmi les premiers

19 à avoir rejoint les rangs de ces détachements. Il aimait arborer un insigne

20 avec la lettre "U". Il aimait s'habiller en noir. Enfin, je ne sais pas si

21 c'était un des dirigeants, mais, en tout cas, c'était le chef -- un des

22 chefs de ces unités -- de ces détachements, qui ont été responsables

23 d'exécutions, de persécutions, de spoliations, d'enlèvement, et cetera. Les

24 noms précis de ces unités, je ne sais pas.

25 Q. Est-ce qu'à un moment donné, Vlado Cosic est devenu commandant au sein

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1 de la police militaire de Busovaca ?

2 R. Je ne peux vraiment affirmer avec certitude si c'était le numéro un de

3 la police militaire, mais il avait un poste au niveau de la police, ça

4 c'est sûr.

5 Q. Qui était Mirko Cosic ?

6 R. C'était son frère, d'après ce que je sais. Au début c'était un homme

7 très bien, qui a eu un comportement patriote envers nous les Musulmans

8 jusqu'au conflit, parce qu'à ce moment-là, il a montré ce qu'il était

9 vraiment. Et d'après ce que je sais, il avait également à ses côtés une

10 trentaine d'hommes. J'ignore comment ils s'appelaient, mais je sais qu'il

11 avait un groupe d'une trentaine d'hommes qui se sont rendus coupables de

12 toute sorte de choses.

13 Q. Vers le mois de janvier 1993, la situation s'est détériorée à Busovaca.

14 Pouvez-vous expliquer aux Juges, en quelques mots, ce qui a commencé à se

15 produire au cours du mois de janvier 1993 ?

16 R. Oui. Des choses pas jolies, qui ont commencé à se produire. En ce qui

17 nous concerne quand je parle de "nous", je pense aux Musulmans de Busovaca,

18 si bien qu'on a commencé à voir des commerces musulmans qui étaient

19 dynamités. Pendant la nuit aussi, des maisons étaient pillées. Pendant la

20 journée, la situation était plus ou moins calme. Parfois, ils nous

21 permettaient de nous déplacer librement, mais, pendant la nuit, personne ne

22 pouvait sortir parce que c'était très dangereux. Et puis ceci a atteint,

23 cette situation a atteint son point culminant avec le pillage de la

24 première maison qui a, ensuite, été incendiée la nuit suivante, et c'était

25 ma maison.

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1 Q. A votre connaissance, et vous dites que tout le monde savait tout à

2 Busovaca, qui était à la tête de ces expéditions nocturnes ? Qui dirigeait

3 ces groupes qui terrorisaient les Musulmans en janvier à Busovaca ?

4 R. Qui ? Bien, Sliskovic et personne d'autre. C'était lui, l'exécutant, et

5 c'est en suivant ses ordres que ceux qui le suivait, ses sujets ont procédé

6 à ces activités de pillage et ont été responsables de tous ces cauchemars

7 qui ont suivi, des gens qui étaient parmi les Jokeri, dans la police, dans

8 la police militaire. Mais je le répète, une fois encore, tout ça c'était

9 sous le contrôle de Dario Kordic.

10 Q. Dans la nuit du 21 au 22 janvier, si je me souviens bien, votre maison

11 a été attaquée à l'explosif. Expliquez, s'il vous plaît, aux Juges, ce qui

12 s'est passé cette nuit-là.

13 R. Oui. Dans la soirée du 21, autant que je m'en souvienne maintenant, je

14 ne peux pas vous dire l'heure précise, mais, disons, vers 22 heures ou 22

15 heures 15, j'ai entendu des pas sur mon porche, et j'ai compris qu'il

16 allait se passer quelque chose de mauvais. Et tout de suite après, une

17 déflagration violente a eu lieu ou s'est fait entendre à côté de la fenêtre

18 de ma maison, si bien que les vitres ont volé en éclats. J'étais à

19 l'intérieur de la maison avec ma femme et mes enfants. Je me suis levé en

20 sursaut pour essayer de protéger ma femme et mes enfants, qui étaient

21 encore assez petits, à l'époque. Et puis, j'ai entendu des hurlements, des

22 cris : "Ouvrez, c'est la police. Nous sommes ici pour vous protéger."

23 Et puis, ensuite, on a commencé à tirer sur la maison. Et ma maison avait

24 beaucoup de fenêtres -- de grandes fenêtres. Ils se sont mis à tirer par

25 les fenêtres. Je suis parvenu à sortir de la maison avec ma femme en

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1 sortant par la porte de derrière. Je suis parvenu à sortir avec ma femme et

2 mes enfants.

3 Pendant la nuit, ils ont continué à piller la maison. Ils ont pris tout ce

4 qu'ils pouvaient prendre, tout ce qui se trouvait dans la maison. En fait,

5 ils m'ont déménagé cette nuit-là. Ils ont déménagé tous les biens qui

6 m'appartenaient.

7 Q. Est-ce que vous avez pris la fuite ?

8 R. Oui, je me suis enfuis en empruntant la porte de derrière et j'ai eu de

9 la chance que certains d'entre eux ne se soient pas postés à l'arrière, si

10 bien que j'ai pu sortir avec ma femme, mes enfants en traversant le jardin

11 à l'arrière de la maison, un grand jardin.

12 Q. Avez-vous quoi que ce soit vous permettant d'identifier qui étaient

13 ceux qui ont attaqué et pillé votre maison ?

14 R. Oui. Le véhicule était facilement reconnaissable. Il appartenait au

15 frère de Dario Kordic.

16 Q. Est-ce que son frère était membre d'un groupe ?

17 R. Je pense -- je ne peux pas vous dire exactement à quel groupe il

18 appartenait. Je pense qu'il s'agissait d'un groupe distinct qui était à

19 l'origine de ces attaques nocturnes.

20 Q. Et qui les commandait ?

21 R. Anto Sliskovic, avec la coordination de Dario Kordic, parce que tout ce

22 qui se passait à Busovaca -- je parle ici de Busovaca -- était sous le

23 contrôle exclusif de Dario Kordic et de Sliskovic.

24 Q. Bien. Donc, au bout du compte, votre maison a été incendiée, n'est-ce

25 pas ?

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1 R. Oui. Le lendemain, ils ont mis le feu à ma maison. Il y a eu des

2 explosions très puissantes, à ce moment-là, aussi, si bien que la maison a

3 été complètement détruite par les flammes.

4 Q. Nous allons maintenant passer à la journée, du 25 janvier 1993, parce

5 qu'entre ces deux journées, vous vous êtes installés dans votre maison au

6 centre de Busovaca; cependant, ce jour-là, vous avez été arrêté et vous

7 avez été emmené à la prison de Kaonik ?

8 R. Oui.

9 Q. Pouvez-vous décrire aux Juges de la Chambre dans quelle circonstance

10 cela s'est passé et qui vous a arrêté ?

11 R. Oui. Le 25 janvier, dans la matinée, vers 6 heures du matin, enfin très

12 tôt donc, on a entendu la sirène -- la sirène qui était normalement

13 utilisée pour les incendies et c'était un signal pour eux, le signal qui

14 leur a été donné pour commencer à nous rassembler au centre-ville. Et

15 c'est, effectivement, ce qui s'est passé. Vers 3 heures, nous tous, les

16 civils, les femmes, les enfants, ainsi que les hommes adultes, nous avons

17 tous été emmenés dans la place au centre de la ville. Là, ils ont séparé

18 les enfants mineurs et les femmes du reste. Ils ont renvoyé tous ces gens-

19 là chez eux. Et puis, pour ce qui était de nous, les hommes adultes, mais

20 parmi nous, il y avait quelques garçons de 15 ou 16 ans, nous tous donc,

21 nous avons été emmenés en bus à Kaonik. Tout était prêt pour nous

22 accueillir, le hangar, les cellules, et cetera.

23 Q. Vous avez été violemment frappé, n'est-ce pas, à la prison de Kaonik ?

24 R. Oui. J'ai bénéficié d'un traitement spécial à cause de ce qui s'était

25 passé.

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1 Q. Nous n'allons pas entrer dans le détail des souffrances que vous avez

2 subies. Nous pouvons simplement essayer d'imaginer à quel point ça dû être

3 difficile. Mais, pendant qu'ils vous passaient ainsi à tabac, vous-même ou

4 vos camarades, qu'est-ce qu'ils vous disaient ? De la part de qui vous

5 saluait-il ?

6 R. Oui. J'ai reçu ce genre de salutations à plusieurs reprises. A un

7 moment donné, une nuit, parce qu'en fait, j'ai été passé à tabac violemment

8 chaque nuit. Mais, une fois, M. Cosic -- j'ai reçu des salutations

9 indirectes de M. Cosic. On m'a passé son salut, son bonjour. J'ai été

10 violemment passé à tabac. Et, la deuxième fois, on m'a passé le bonjour,

11 une fois de Sliskovic. Ça c'était pendant mon interrogatoire qui a duré,

12 donc certes, je n'avais pas d'heure, mais je pense que ça a duré trois

13 heures à trois heures et demie, et j'ai été malmené, frappé.

14 Q. Qui commandait cette prison ? Qui était le commandant de la prison ?

15 R. Les Juges de la Chambre vous m'excuser, mais je ne peux pas leur donner

16 du monsieur. C'était Aleksovski.

17 Q. Et qui était le supérieur d'Aleksovski ?

18 R. Sliskovic et puis aussi Dario Kordic exclusivement, parce que cet

19 homme, il ne faisait rien sans avoir reçu la signature, l'autorisation, la

20 permission de ces deux hommes.

21 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre la chose suivante : Pouvez-

22 vous donner des exemples de moment où vous avez entendu des discussions,

23 des observations qui vous ont permis de conclure qu'Anto Sliskovic ou

24 Kordic commandaient en fait la prison de Kaonik ?

25 R. J'étais présent à deux reprises. Et j'ai assisté à quelque chose qui

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1 m'a permis d'en arriver à cette conclusion. La première fois -- mais

2 malheureusement je ne peux pas vous donner la date, mais en tout cas,

3 c'était entre le 25 janvier, quand on a été emprisonné jusqu'au 8 février,

4 donc ça devait être le 3 ou le 4 février. Mais sans garantie. En tout cas,

5 j'étais en train de creuser au lieu dit Putis. Puisqu'on était en train de

6 creuser des tranchées pendant toute la nuit. Et vers midi le lendemain, ils

7 nous ont ramenés depuis Putis vers Kaonik, vers la prison, vers le camp. Et

8 au pont de Kaonik, une jeep est arrivée - je crois bien qu'il s'agissait

9 d'une jeep - une jeep est arrivée avec des signes qui indiquaient que

10 c'était une -- que ça appartenait à la FORPRONU. Ils se sont arrêtés. Et

11 deux ou trois soldats sont descendus de la jeep avec des armes, il y avait

12 aussi un caméraman et une dame. C'était sans doute l'interprète.

13 L'homme qui était à la tête de notre groupe, c'était un de ceux qui nous

14 escortait, il se trouvait tout devant, et moi j'étais juste derrière lui.

15 C'était un soldat du HVO. Nous étions en colonne. Et elle lui a demandé à

16 lui ce qui se passait. Elle voulait qu'il donne des explications sur ce

17 qu'il advenait de nous, de ces hommes, où est-ce qu'on nous emmenait, où

18 est-ce qu'ils étaient allés précédemment, pourquoi est-ce qu'ils étaient

19 placés sous une escorte de soldats armés.

20 Il a simplement répondu : "Mais pourquoi vous me demandez ça à moi ? Allez

21 demander à Kordic. Lui, il m'a fait venir là. C'est lui. Il sait tout."

22 Voilà un exemple.

23 Et puis il y en a eu un deuxième. Et là, les choses se sont passées dans le

24 camp lui-même, devant le hangar, quand nous revenions du travail, après

25 avoir creusé les tranchées, donc, nous attendions qu'on nous fasse entrer,

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1 et un type est arrivé. Je sais que son prénom était Gudelj, mais je ne

2 connais pas son nom de famille. Il était également originaire du centre

3 ville. Nous le connaissions tous. Il s'appelait Gudelj, et il avait à la

4 main un morceau de papier. Devant le hangar, il a montré cette feuille de

5 papier à Aleksovski. Et bien sûr nous, nous ne pouvions pas voir ce qui

6 était écrit sur le papier. Aucun de nous n'a rien pu voir. Mais la réponse

7 d'Aleksovski : "Tu ne peux pas aller chercher ces hommes. Parce que sur ce

8 papier, il n'y a ni la signature de Sliskovic, ni la signature de Kordic."

9 Sa réponse était totalement incompréhensible pour nous, et elle a été

10 vraiment particulièrement grossière : "Mais moi ce ne sont pas des hommes

11 que je vais chercher, c'est du bétail."

12 Pourquoi est-ce que j'aurais besoin de leur signature. Et après un petit

13 moment et ça je l'ai vu aussi de mes yeux, il est revenu, il avait emmené

14 un certain nombre d'hommes. Donc il est revenu avec un nouveau morceau de

15 papier, et puisque la permission d'emmener ces hommes lui a été accordée,

16 je pense que la signature de Kordic ou de Sliskovic figuraient sur cette

17 deuxième feuille de papier.

18 Q. Ceci sort un peu du champ de votre déposition, mais pourriez-vous être

19 plus précis. Pourriez-vous nous parler de la chaîne de commandement qui

20 reliait le chef de la prison de Kaonik,

21 M. Aleksovski, au niveau le plus élevé de la hiérarchie ? Qui était son

22 supérieur immédiat ? Et puis ensuite, est-ce que vous pouvez aller jusqu'au

23 niveau suprême de la hiérarchie ?

24 R. Et bien, nous savions tous cela parfaitement bien. Le supérieur

25 d'Aleksovski était Sliskovic, uniquement, et puis ensuite au niveau

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1 supérieur de la chaîne de commandement, on trouvait Dario Kordic.

2 Q. Connaissez-vous un homme répondant au nom de Pasko Ljubicic ?

3 R. Oui, je connais ce nom, mais je n'ai jamais rencontré cet homme. Il

4 venait d'un autre endroit. Il était arrivé là en provenance d'ailleurs. Je

5 ne le connaissais pas. Je ne peux donc faire aucune observation, aucun

6 commentaire à son sujet.

7 Q. Avez-vous entendu dire qu'il commandait la police militaire ?

8 R. Oui, il a été nommé à ce poste.

9 Q. Mais était-il proche ou n'était-il pas proche de ce groupe d'hommes que

10 vous venez de mentionner ? Je veux parler des Kordic, Sliskovic, Cosic et

11 autres ?

12 R. Et bien, en tout état de cause, tout montrait qu'ils travaillaient

13 ensemble, mais j'affirme en toute responsabilité, qu'à aucun moment, un

14 seul des événements survenus à Busovaca, depuis le début des événements et

15 jusqu'à l'expulsion de la population, je veux dire jusqu'à notre expulsion

16 et jusqu'aux assassinats et toutes ces choses, rien n'a été fait en

17 l'absence d'un ordre explicite de Dario Kordic et d'Anto Sliskovic. Ces

18 deux hommes sont réellement mauvais.

19 Q. Vous avez parlé de l'unité des Jokeri et vous avez dit que Sliskovic

20 était responsable de cette unité et que si l'on remonte plus haut, on

21 trouve Kordic également. Connaissez-vous l'expression "peloton

22 d'intervention" ?

23 R. Oui.

24 Q. Qui était responsable du peloton d'intervention ?

25 R. Et bien ce peloton d'intervention a effectivement existé. Maintenant,

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1 qui en était le commandant direct, c'est-à-dire l'homme qui était

2 immédiatement responsable de ce peloton, est-ce que c'était Cosic ou

3 quelqu'un d'autre, je ne saurais le dire. Mais en tout cas, Sliskovic était

4 responsable de ce peloton.

5 Q. Sliskovic avait-il une influence sur la police militaire ?

6 R. Ils avaient une influence sur tout. Sur tout, absolument tout. Tout,

7 tout était sur leur contrôle. Les unités du HVO, cette police, ce peloton

8 d'intervention, l'unité des Jokeri. Tout cela c'était la propriété privée

9 de Dario Kordic et de Sliskovic.

10 Q. Mais que représentait Tihomir Blaskic à Busovaca à l'époque où vous

11 vous y trouviez vous-même ? Quelle était l'importance de son rôle ?

12 R. Ça je le dis très clairement : L'importance de son rôle était égale à

13 zéro. Son nom ne voulait rien dire. Pour autant que nous étions concernés,

14 nous ne savions même pas qu'il existait. Il est possible que nous ayons su

15 que quelqu'un portait le nom de Tihomir Blaskic et qu'il exerçait un

16 commandement et qu'il avait le grade de général, mais en ce qui concerne

17 Busovaca, cet homme -- Cet homme, et bien en ce qui concerne moi-même et

18 tous les autres Musulmans de Busovaca, cet homme n'avait aucune importance.

19 Il ne voulait rien dire pour nous parce que tout ce qui a été fait, a été

20 fait par les sbires de Sliskovic et de Kordic. Tout était sous leur

21 commandement à eux.

22 Q. Si je devais vous dire qu'à un certain moment une cinquantaine ou une

23 soixantaine de membres de la police militaire, principalement de Busovaca,

24 plus des Jokeri, se sont trouvés réunis dans la même pièce, que Pasko

25 Ljubicic leur a émis un ordre, leur commandant de commettre un crime et

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1 qu'Anto Sliskovic était également présent, que diriez-vous à cela ? Qui

2 était derrière tout cela ?

3 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, objection. Manifestement

4 le témoin a entendu une qualification, disons générale du rôle joué par

5 Kordic qu'on reconnaît dans cette phrase mais, s'agissant d'un incident

6 particulier il n'en est pas question ici, je pense que ceci n'est que

7 spéculation. Le Conseil de la Défense a soumis une question hypothétique au

8 témoin en lui disant de donner ces suppositions à ces sujets, et c'est la

9 base de mon objection.

10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Nobilo pourriez-vous insérer

11 votre question dans un cadre plus factuel, en ne vous contentant pas

12 d'exprimer des opinions ou de demander une opinion au témoin.

13 M. NOBILO : [interprétation] Oui, je demandais au témoin de se fonder sur

14 ce qu'il savait du fonctionnement de la police militaire, de l'unité de

15 Jokeri, de Sliskovic, de Pasko Ljubicic et de Cosic pour qu'il nous fasse

16 part des conclusions qui sont les siennes. Mais si la Chambre d'Appel

17 estime que ceci n'est que spéculation, je n'ai plus de questions à poser à

18 ce témoin.

19 Donc j'en ai terminé de mon interrogatoire principal.

20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie Maître Nobilo.

21 Pouvons-nous procéder au contre-interrogatoire Monsieur Scott, vous avez la

22 parole.

23 Contre-interrogatoire par M. Scott :

24 Q. [interprétation] Vous allez bien Monsieur le Témoin BA4 ?

25 R. Oui.

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1 Q. Bonjour Monsieur.

2 R. Bonjour.

3 Q. Je n'aurais que quelques petites questions à vous poser, je ne pense

4 pas que ce sera très long. Vous l'avez dit très clairement au début de

5 votre déposition, donc je n'ai aucune intention de vous interroger au sujet

6 du rôle très important que vous dites que Dario Kordic a joué dans la ligne

7 de Busovaca et dans ses environs.

8 Mes questions porteront sur d'autres sujets. Donc en dehors du cadre limité

9 de Busovaca donc je vous demande de vous éloigner un peu de Busovaca pour

10 prendre en compte la région plus vaste de la vallée de Lasva et de la

11 Bosnie centrale y compris Vitez, Travnik, Kiseljak. Donc dans cette région

12 plus vaste par l'intermédiaire de quelles autres personnes ou de quels

13 autres moyens Dario Kordic exerçait-il son pouvoir ?

14 R. Je ne peux vraiment pas répondre à cela. Ce que je sais je le sais

15 uniquement dans le cadre de Busovaca. Qui était responsable je le sais

16 uniquement à Busovaca. Mais qui était commandant à Vitez, à Kiseljak ou

17 ailleurs dans quelle chaîne hiérarchique, je ne saurais le dire, je ne le

18 sais pas.

19 Q. Fort bien.

20 R. Peut-être d'ailleurs que je ne m'en souviens pas.

21 Q. Il est très important que les Juges comprennent bien dans quel cadre

22 est situé votre déposition. Donc si je vous ai bien compris vous ne pouvez

23 pas aider les Juges, vous n'avez aucune connaissance aucune information au

24 sujet de ce qui a pu se passer en dehors de la ville et des abords

25 immédiats de Busovaca,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Je ne sais pas ce que vous qualifiez d'abord immédiat, mais si vous

3 voulez parler de Vitez, de Kiseljak et d'endroit de ce genre, non je ne

4 suis pas au courant je ne sais pas, je ne suis pas allé dans ces lieux, je

5 ne peux parler que de ce que je connais, que de ce que j'ai vécu.

6 Q. En dehors des hommes dont vous avez cité les noms, notamment M.

7 Sliskovic avez-vous une connaissance particulière de la façon dont M.

8 Kordic exerçait son pouvoir si on peut utiliser ce terme, par des moyens

9 militaires peut-être plus officiels, autrement dit quels étaient les

10 rapports qui existaient entre M. Kordic et les forces armées du HVO ?

11 R. Il est de notoriété publique qu'il était le président adjoint de la

12 communauté croate d'Herceg-Bosna, et il est également de notoriété publique

13 et là je vous parle toujours de Busovaca qu'il avait entre les mains un

14 pouvoir absolu, sur le plan militaire politique et autre. Il aimait

15 beaucoup se donner à lui même le titre de colonel, et se vêtir d'un

16 uniforme de camouflage pour faire le coq de cette façon.

17 Q. Je crois vous avoir entendu dire au cours de l'interrogatoire

18 principal, que vous connaissiez le nom de Tihomir Blaskic, que vous saviez

19 qu'il était le commandant militaire suprême dans la région, mais encore une

20 fois si je vous ai bien compris vous ne pouviez pas nous aider davantage en

21 nous parlant par exemple du rôle précis qu'il a pu jouer en Bosnie

22 centrale, c'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur ?

23 R. C'est exactement cela.

24 Q. Au cours de l'année 1993, avez-vous à quelque moment que ce soit eu la

25 possible de lire des documents ou des transcriptions de communication entre

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1 par exemple M. Kordic et le colonel Blaskic ?

2 R. Ah non sans pour autant que je le sache aucun Musulman n'aurait pu le

3 faire, aucun Musulman n'aurait pu voir un document de ce genre. Je n'ai

4 jamais eu l'occasion d'entendre ou de surprendre une conversation entre

5 eux. Je ne me souviens absolument pas qu'il ne me soit jamais arrivé de

6 voir des documents de ce genre, ou de surprendre des conversations de ce

7 genre.

8 Q. S'agissant de ce groupe dont vous avez parlé le groupe, le groupe de

9 Jokeri là encore puisque vous étiez Musulman dans cette région et que cela

10 a abouti à un traitement très pénible pour vous, est-ce que vous étiez au

11 courant de la façon dont ce groupe fonctionnait en interne. Autrement que

12 sur la base de ce que pouvait faire --

13 L'INTERPRÈTE : Et lorsque je parle de groupe je parle de tous ces hommes,

14 mais pas de M. Kordic.

15 Q. Donc à qui d'autres ces hommes pouvaient-ils faire rapport

16 éventuellement si ce n'était pas M. Kordic qui leur distribuait leurs

17 armes, qui -- comment était structuré ce groupe de façon plus générale en

18 dehors donc du fait qu'il relevait de M. Kordic, est-ce que vous avez des

19 renseignements à ce sujet ?

20 R. D'abord ces hommes étaient en premier lieu responsables devant

21 Sliskovic, qui lui même rendait compte à Kordic. Quant à l'origine de leurs

22 armes et bien ils les recevaient pour certaines de Croatie, et pour

23 certaines il s'agissait d'armes qui avaient été reprises à la Défense

24 territoriale, donc ils étaient très bien armés.

25 Q. Saviez-vous Monsieur, que ce même Anto Sliskovic dont vous avez

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1 prononcé le nom à plusieurs reprises au cours de votre déposition, et bien

2 ce M. Sliskovic était chef d'état major du colonel Blaskic, en tout cas

3 membre de l'état major en tant qu'assistant chargé de la sécurité, je veux

4 parler donc de l'état major du colonel Blaskic, la Bosnie centrale ?

5 R. Je ne sais pas s'il faisait partie de cet état major, ou de comment

6 est-ce que cela s'appelle, autant que Tihomir Blaskic. Je ne sais vraiment

7 pas je ne pourrais pas parler de cela. Ceci ce sont des choses dont nous

8 n'étions pas informés, nous ne savions pas qui faisait partie de tel ou

9 tels états major, mais je dis simplement ce que Sliskovic a fait et sous le

10 commandement de qui il l'a fait.

11 Q. Je suppose que sur la base de ce que vous venez de dire Monsieur, vous

12 ne contesterez pas la proposition selon laquelle

13 M. Sliskovic faisait partie de l'état major du colonel Blaskic, vous n'avez

14 aucun renseignement prouvant le contraire, n'est-ce pas ?

15 R. En effet c'est exact, aucun renseignement prouvant le contraire en fait

16 je ne sais rien de cela.

17 Q. Lorsque vous avez été enfermé à la prison de Kaonik je crois que vous y

18 êtes resté deux semaines, n'est-ce pas ? Les deux dernières semaines de

19 janvier 1993, c'est bien cela ? Et peut-être le début du mois de février ?

20 R. Oui du 25 janvier jusqu'au 8 février.

21 Q. Pendant la durée de votre incarcération, vous est-il arrivé à quelque

22 moment que ce soit de voir Dario Kordic dans les locaux de la prison ?

23 R. Non.

24 Q. Vous est-il jamais arrivé, de voir le colonel Blaskic dans les locaux

25 de la prison ?

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1 R. Non.

2 Q. Compte tenu de votre situation, Monsieur, je suppose que vous n'avez

3 jamais eu la possibilité de voir circuler des éléments de communication

4 dans un sens ou dans l'autre entre M. Aleksovski et d'autres personnes qui

5 faisaient partie de son entourage, n'est-ce pas ?

6 R. Je ne crois avoir compris la question. Je suis désolé.

7 Q. Je vous prie de m'excuser. Monsieur, vous étiez prisonnier. Donc je

8 suppose, mais je vous demande de le confirmer que vous n'étiez pas en

9 mesure d'avoir sous les yeux des documents internes au HVO, ou des éléments

10 de communication propres à la prison, et que donc vous ne pouviez pas

11 savoir avec qui M. Aleksovski communiquait, n'est-ce pas ?

12 R. C'est exact. C'est tout à fait ça. Nous n'étions pas en mesure de voir

13 la moindre communication. La seule chose que j'ai vue, c'est ce dont j'ai

14 déjà fait état.

15 Q. Revenons à M. Sliskovic pour un instant, si vous le voulez bien. En

16 saviez-vous un peu davantage au sujet de cet organisme le SIS, le service

17 chargé de la Sécurité et de l'Information ?

18 R. Et bien, ce que je sais, c'est assez général, à savoir qu'il s'agissait

19 d'un service de Renseignements qui s'est baptisé SIS et a coopéré avec la

20 Croatie, et que lui aimait beaucoup se vanter du fait qu'il était le numéro

21 un du SIS à Busovaca.

22 Q. De façon à ce que tout soit clair au compte rendu d'audience, vous

23 dites qu'ils ont pris le même nom que le service croate. Vous voulez dire

24 qu'ils se sont donnés la même dénomination que le service correspondant

25 existant en République de Croatie. C'est bien cela ?

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1 R. Je pense que c'est cela.

2 Q. Est-il exact, Monsieur, que pour autant que vous le sachiez, cet

3 organisme le SIS, a des informations au sujet de M. Sliskovic et des autres

4 personnes qui travaillaient en son sein, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Encore quelques petites questions. Combien de temps êtes-vous resté en

7 Bosnie centrale après avoir été libéré, et sorti de la prison de Kaonik ?

8 Ne donnez aucun détail susceptible de vous identifier, mais je vous demande

9 simplement combien de temps vous êtes encore resté en Bosnie centrale après

10 cela ?

11 R. J'y suis resté jusqu'en 2001, jusqu'au mois de mai 2001.

12 Q. Et maintenant, croyez-moi, ce sera ma dernière question, et je reviens

13 à M. Sliskovic. Avez-vous des éléments qui vous permettent de penser

14 qu'après les atrocités commises dans le village d'Ahmici, le colonel

15 Blaskic a chargé M. Sliskovic de mener une enquête à ce sujet ?

16 R. Ça je ne le sais pas.

17 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus de

18 questions pour ce témoin.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Scott.

20 La Défense pour les questions supplémentaires.

21 M. NOBILO : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense n'a pas de

22 questions supplémentaires pour ce témoin.

23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Maître Nobilo.

24 Nous avons encore un peu de temps, et je serai le premier Juge à poser au

25 témoin.

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1 Questions de la Cour :

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Témoin, au cours de votre

3 déposition, vous avez dit que toutes les unités -- et vous avez précisé,

4 entre autres, les Unités du HVO -- étaient sous le contrôle de Kordic et de

5 Sliskovic. Pourriez-vous nous donner l'exemple d'une situation ou d'un

6 incident qui vous a révélé que les unités du HVO étaient sous le contrôle

7 de Kordic et de Sliskovic ?

8 R. Chaque fois que je m'exprime, je parle uniquement de Busovaca car

9 c'est, en rapport avec Busovaca, qu'il y a des choses que je sais, que j'ai

10 vécues et que j'ai vues de mes yeux. Tout ce qui était fait par les unités,

11 qui ont fait ce qui a été fait, à ce moment-là, a été accompli sous le

12 commandement d'Anto Sliskovic et de Dario Kordic. Toutes les unités étaient

13 sous leur contrôle. Tous les incidents, qui ont lieu au cours de cette

14 malheureuse nuit, et de cette terrible journée, l'ont été sous la

15 responsabilité de Sliskovic et de Kordic. Car ces deux hommes étaient des

16 personnes qui étaient tout de même importantes en ville, qui étaient même

17 matériellement plus à l'aise que d'autres, et qui avaient des -- qui

18 représentaient une certaine autorité.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] J'aurais une autre question à vous

20 poser. Au cours de votre déposition dans l'affaire Kordic, vous avez fait

21 état d'un incident parmi d'autres. Vous avez parlé du fait qu'on vous

22 contraignait à creuser des tranchées, et qu'un jour, on vous avait emmené

23 creuser des tranchées à Putis, et que ce jour-là, les soldats qui -- sous

24 la garde desquels vous vous trouviez, appartenaient à la garde de Vitez. Et

25 vous avez dit que, ce jour-là, les soldats en question ne vous avaient pas

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1 soumis à la moindre exaction, ne vous avaient pas frappés, en ajoutant que

2 ceci était dû au fait : "Qu'ils venaient de Vitez, et que c'est ce qui

3 expliquait qu'ils vous aient traités correctement et avec une certaine

4 équité." Je ne fais que citer votre témoignage.

5 Pouvez-vous nous dire s'il y avait une différence dans la façon dont la

6 Brigade de Vitez traitait les prisonniers par rapport au comportement des

7 autres unités du HVO ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples à cet

8 égard ?

9 R. Ce qui s'est passé à Putis correspond tout à fait à ce que vous venez

10 de dire en effet. Les gardes, qui se trouvaient là, lorsque nous creusions

11 des tranchées où reliions différentes tranchées les unes aux autres,

12 venaient de Vitez. Je les connaissais et ils me connaissaient. Et puis les

13 gardes, qui se trouvaient sur le -- les gardes qui étaient avec nous à Kula

14 aussi, ça je le sais très bien. Le 6 et le 7 février, on nous a emmenés là-

15 bas, et j'ai subi des violences pendant toute la nuit et toute la journée,

16 jusqu'à 10 heures du soir, heure à laquelle la relève est arrivée. Et les

17 hommes de la relève étaient des gens qui venaient de Vitez. Et là encore

18 cette nuit-là, après 22 heures, ils ont été très corrects à notre égard.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc ce que vous dites, c'est que les

20 soldats de la Brigade de Vitez traitaient mieux les prisonniers que les

21 membres des autres unités ?

22 R. Absolument exact. En tout cas, en ce qui me concerne. En ce qui

23 concerne ce que moi j'ai vécu, et ce qu'ont vécu les autres hommes qui

24 étaient avec moi, les deux nuits dont je viens de parler.

25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Je cède maintenant la

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1 parole à M. le Juge Schomburg.

2 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Quelques détails complémentaires

3 simplement. Dans votre déposition, vous avez dit que Vlado Cosic aimait

4 arborer des insignes, et vous avez citez plus précisément la lettre "U". A

5 quoi se rapporte cette lettre "U" ?

6 R. La lettre "U", dans les circonstances dans lesquelles nous nous

7 trouvions, était le symbole des Ustachi.

8 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Maintenant, je vous prie de

9 m'excuser d'avoir à revenir sur les crimes dont vous avez été victime, mais

10 vous nous avez dit que, lorsque l'on vous passait à tabac, on vous

11 transmettait les salutations de certaines personnes. Et vous dites qu'un

12 jour, on vous a transmis les salutations de Cosic, et qu'il y avait deux

13 hommes en face de vous qui était frères. Alors, les salutations, duquel des

14 frères vous étaient-elles transmises, celles de Vlado ou celles de Mirko ?

15 R. D'abord, ce n'est pas lui qui me saluait personnellement. Il m'envoyait

16 la personne qui était censé me passer à tabac et me transmettre son

17 message. Il s'agissait de Vlado Cosic.

18 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] C'était Vlado Cosic. Pourriez-vous

19 rapidement nous donner quelques détails complémentaires au sujet du rôle de

20 ce M. Vlado Cosic dans l'hiérarchie, de sa place dans l'hiérarchie.

21 R. Et bien, je l'ai déjà dit, il s'agit de quelqu'un qui était ancien

22 policier dans l'ex-Yougoslavie. Il avait donc une certaine expérience et il

23 s'est retrouvé dans les rangs de la police de Kordic. Ce n'était pas un

24 simple policier. C'était un gradé, un des dirigeants de la police.

25 Maintenant, à savoir s'il était le numéro un ou le numéro deux, je ne sais

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1 plus. Tout ce que je sais, c'est qu'il était important, ça c'est sûr.

2 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Sauriez-vous qui était son

3 supérieur ?

4 R. Le supérieur de tous était Sliskovic, Kordic. Ils suivaient et

5 obéissaient aveuglément à Sliskovic. Il l'appelait Ban, et quand il parlait

6 de Kordic, ils disaient : c'est notre dieu.

7 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Dernière question : au cours de

8 votre détention dans cette prison, est-ce qu'il y a jamais eu une visite

9 des visiteurs de hauts rangs, que ce soit du côté croate ou des

10 observateurs internationaux ?

11 R. Je ne sais pas si quelqu'un est venu en visite, mais je sais que nous

12 avons eu beaucoup de chance puisque la Croix rouge de Genève nous avait

13 détecté et ils ont enregistré tous le monde, au bout de quatre à cinq jours

14 d'emprisonnement, je pense. Ils étaient les seuls qui se sont rendus à la

15 prison et qui nous ont enregistrés.

16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci beaucoup.

17 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

18 Le Juge Guney.

19 M. LE JUGE GUNEY : Monsieur le Témoin, voulez-vous me dire, dans le cadre

20 de la municipalité Busovaca à laquelle vous appartenez, qui est-ce qui

21 contrôlait les Jokers ?

22 R. Sliskovic.

23 M. LE JUGE GUNEY : C'était la seule autorité qui contrôlait les Jokers ?

24 R. Oui. On peut dire ça comme ça. C'est devant lui exclusivement qu'ils

25 étaient responsables et puis ils lui obéissaient aveuglément.

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1 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Merci.

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

3 Ceci marque la fin de l'interrogatoire du témoin BA4.

4 Monsieur le Témoin, vous pouvez disposer, mais attendez avant de quitter le

5 prétoire pour éviter que l'on ne vous reconnaisse pendant que vous sortez.

6 Nous vous remercions de votre coopération avec ce Tribunal et excusez-moi

7 si nous avons dû revenir à vos souffrances pendant l'interrogatoire.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Merci beaucoup.

9 [Le témoin se retire]

10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si j'ai bien compris, il nous reste

11 encore un témoin pour demain. Nous pouvons lever l'audience maintenant.

12 Mais je souhaite demander aux parties quelle sera la durée de

13 l'interrogatoire de ce témoin prévu.

14 M. HAYMAN : [interprétation] Nous pensons que ce sera soit pareil ou même

15 peut-être plus bref que le témoin que l'on vient de terminer, mais pas plus

16 long.

17 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui. Et le Procureur ?

18 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, c'est M. Harmon qui va

19 interroger ce témoin. Donc, par respect pour M. Harmon, je préfère réserver

20 tout le temps qui lui est attribué, mais je pense que, probablement, il

21 sera moins que cela.

22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que, compte tenu des

23 circonstances, nous pourrons nous réunir ici à 9 heures du matin et non pas

24 à 8 heures.

25 M. HAYMAN : [interprétation] Ce serait tout à fait une chose bienvenue.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Nous sommes absolument d'accord.

2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] D'accord, nous allons donc lever

3 l'audience et nous retrouver ici, demain matin à 9 heures 00.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 36 et reprendra le jeudi, 11 décembre

5 2003 à 9 heures 00.

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