Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi, 29 juillet 20041

2 [Jugement en appel]

3 [Audience publique]

4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez, s'il

7 vous plaît, indiquer le numéro de l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire

9 IT-95-14-A, le Procureur contre Tihomir Blaskic.

10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

11 Monsieur Blaskic, m'entendez-vous dans une langue que vous comprenez ?

12 L'APPELANT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Oui, je vous

13 entends et je vous comprends.

14 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vais demander aux parties de se

15 présenter à commencer par l'Accusation.

16 M. FARRELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

17 Messieurs les Juges. L'Accusation est représentée par Norman Farrell, Mme

18 Michelle Jarvis, Mme Marie-Ursula Kind et Mme Susan Grogan. Merci.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Je me tourne maintenant vers la

20 Défense de l'appelant.

21 M. HAYMAN : [interprétation] Bonjour. Russell Hayman et Anto Nobilo

22 défendent les intérêts de l'appelant.

23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

24 La Chambre d'appel est réunie aujourd'hui afin de prononcer son arrêt dans

25 l'affaire du Procureur contre Tihomir Blaskic. Le procès en l'espèce s'est

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1 ouvert le 24 juin 1997. A l'issue de celui-ci, la Chambre de première

2 instance I du Tribunal a rendu son jugement le

3 3 mars 2000. L'appelant Tihomir Blaskic a interjeté appel le

4 17 mars 2000.

5 Les faits de l'espèce sont liés aux crimes commis durant le conflit ayant

6 opposé le conseil de la Défense croate et l'armée des Musulmans de Bosnie

7 dans la région de la vallée de la Lasva en Bosnie centrale de mai 1992 à

8 janvier 1994. L'appelant Tihomir Blaskic était le commandant des forces

9 armées du HVO en Bosnie centrale à l'époque des crimes reprochés.

10 La Chambre de première instance a reconnu l'appelant coupable sur la base

11 de 19 chefs d'accusation figurant dans le deuxième acte d'accusation

12 modifié pour les crimes commis dans les municipalités de Vitez, Busovaca et

13 Kiseljak. Ces chefs d'accusation couvraient des violations des Articles 2,

14 3 et 5 du statut du Tribunal international. L'appelant a été déclaré

15 coupable sur la base de l'Article 7(1) du statut pour avoir ordonné ces

16 crimes. Dans le dispositif du jugement, la Chambre de première instance a

17 par ailleurs estimé, je cite : "Qu'en tout état de cause, en tant que

18 supérieur hiérarchique, il a omis de prendre les mesures nécessaires et

19 raisonnables qui auraient permis d'empêcher que ces crimes soient commis ou

20 d'en punir les auteurs." En conséquence, la Chambre de première instance a

21 également déclaré l'appelant coupable sur la base de l'Article 7(3) du

22 statut. Elle l'a condamné à une peine unique de 45 années d'emprisonnement.

23 Comme il est d'usage au Tribunal, nous n'allons pas donner lecture du texte

24 de l'arrêt, mais seulement de son dispositif. Nous allons en revanche

25 récapituler les questions posées en appel ainsi que le raisonnement et les

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1 conclusions de la Chambre d'appel, de manière à ce que vous, Tihomir

2 Blaskic et le public preniez connaissance des motifs de cet arrêt. Nous

3 insistons néanmoins sur le fait qu'il ne s'agit que d'un résumé de l'arrêt

4 dont il ne fait en aucune manière partie intégrante. Les seules conclusions

5 de la Chambre d'appel faisant autorité, figurent dans le texte écrit de

6 l'arrêt qui sera rendu public aujourd'hui à l'issue de cette audience.

7 Compte tenu de la complexité du présent appel, le résumé du jugement que

8 nous allons lire maintenant est plus long que de coutume.

9 Le présent appel se caractérise par le dépôt d'un volume colossal de moyens

10 de preuve supplémentaires. Ceci s'explique entre autres, par le manque de

11 coopération dont a fait preuve la République de Croatie à l'époque et par

12 le retard survenu dans l'ouverture de ses archives, lesquelles n'ont pu

13 être accessibles qu'après le décès du président Franjo Tudjman le 10

14 décembre 1999. De ce fait, les parties en l'espèce n'ont pu disposer de ces

15 documents lors du procès en première instance. Dans le cadre de la

16 procédure en appel, l'appelant a déposé quatre requêtes en application de

17 l'Article 115 du règlement du Tribunal international. Par ces requêtes, il

18 a demandé le versement au dossier de plus de 8 000 pages de documents en

19 tant que moyens de preuve supplémentaires. La première de ces requêtes aux

20 fins d'admission de moyens de preuve supplémentaires a été déposée le 19

21 janvier 2001 et la dernière en mai 2003.

22 A la suite du dépôt de la quatrième et dernière requête de l'appelant en

23 application de l'Article 115 du règlement et de la présentation par

24 l'Accusation de ses moyens de preuve en réplique concernant ladite requête,

25 la Chambre d'appel s'est prononcée sur la question des moyens de preuve

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1 supplémentaires le 31 octobre 2003, et a conclu que dans les circonstances

2 de l'espèce, un nouveau procès ne se justifiait pas. Elle a décidé

3 d'admettre 108 pièces au total. En conséquence, plusieurs témoins ont été

4 entendus lors des audiences consacrées aux moyens de preuve supplémentaires

5 en appel qui se sont tenus du 8 au 11 décembre 2003. Les parties ont

6 ensuite présenté leurs conclusions les 16 et 17 décembre 2003.

7 La Chambre d'appel a dûment examiné les moyens de preuve réunis devant

8 elle, notamment le dossier de première instance, les moyens de preuve

9 supplémentaires présentés par l'appelant et les moyens de preuve présentés

10 en réplique par l'Accusation.

11 L'appelant Blaskic soulève plusieurs moyens d'appel. S'agissant du droit

12 applicable, il fait état d'erreurs de droit concernant les Articles 2, 5 et

13 7 du statut. Il fait également valoir que le deuxième acte d'accusation

14 modifié et les violations de l'Article 68 du règlement l'ont privé de son

15 droit à une procédure régulière. S'agissant des constatations de la Chambre

16 de première instance, il allègue des erreurs concernant sa responsabilité

17 pour les crimes commis à Ahmici, dans certaines parties de la municipalité

18 de Vitez autre qu'Ahmici, dans la municipalité de Busovaca et dans la

19 municipalité de Kiseljak. Il relève, par ailleurs, des erreurs de faits

20 concernant sa responsabilité pour les crimes liés à la détention.

21 L'appelant interjette également appel de la peine prononcée à son encontre.

22 La Chambre d'appel peut se pencher sur des appels et les examiner sur la

23 base d'erreurs de droit qui invalident les décisions d'une Chambre de

24 première instance ou d'erreurs de faits qui entraînent un délit de justice.

25 En l'espèce, la Chambre d'appel a dû se pencher sur le critère d'examen en

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1 appel, s'agissant des constatations contestées uniquement par la Défense en

2 l'absence d'un appel interjeté par l'Accusation. Si la Chambre d'appel

3 constate qu'une erreur de droit alléguée découle de l'application du

4 mauvais critère juridique par la Chambre de première instance, à ce

5 moment-là, la Chambre d'appel est en droit de statuer, d'édicter le critère

6 juridique qui s'applique et de passer en revue les constatations y afférent

7 de la Chambre de première instance en fonction de ce critère. Ce faisant,

8 la Chambre d'appel, non seulement corrige une erreur juridique, mais elle

9 applique le critère juridique qui s'impose aux éléments de preuve du

10 dossier. En l'absence d'éléments de preuve supplémentaires, elle doit

11 déterminer si elle convaincue au-delà de tout doute raisonnable que

12 s'agissant des constatations sur les faits contestés par la Défense avant

13 que cette constatation ne soit confirmée en appel.

14 S'agissant des erreurs de faits, la norme appliquée par la Chambre d'appel

15 doit être celle qu'aucun juge des faits raisonnables ne serait arrivé à la

16 même conclusion.

17 La Chambre d'appel garde à l'esprit que lorsqu'il s'agit de

18 déterminer si la conclusion rendue par une Chambre de première instance est

19 raisonnable ou non, il ne s'agit pas de remodeler à la légère les

20 conclusions rendues par la Chambre de première instance.

21 La Chambre de première instance, ici, rappelle l'arrêt dans Kupreskic qui a

22 conclu que lorsque la Chambre d'appel est convaincue que la Chambre de

23 première instance a prononcé une déclaration de culpabilité sur la base

24 d'éléments de preuve qui n'auraient pu être acceptés par un juge du fait

25 raisonnable ou lorsque l'évaluation des éléments de preuve a été totalement

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1 erronée, elle peut annuler sa déclaration de culpabilité, étant donné que

2 dans ces circonstances, aucun juge des faits raisonnables n'aurait pu être

3 convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé avait participé au

4 comportement criminel.

5 La Chambre d'appel considère qu'il n'y a aucune raison de déroger à la

6 norme édictée plus haut au sujet des motifs d'appel alléguant des erreurs

7 de faits, et lorsque aucun élément de preuve supplémentaire n'a été admis

8 en appel. Cette norme s'appliquera lorsque cela conviendra dans le présent

9 arrêt. Lorsqu'on allègue des erreurs sur les faits sur la base d'éléments

10 de preuve supplémentaires présentés pendant les procédures d'appel, à ce

11 moment-là, l'Article 117 du Règlement de procédure et de preuve stipule que

12 la Chambre d'appel prononce son jugement en se fondant sur le dossier

13 d'appel, et le cas échéant, sur les nouveaux éléments de preuve qui lui ont

14 été présentés. La Chambre d'appel, dans Kupreskic, a établi le critère

15 d'examen qui s'applique lorsque des éléments de preuve supplémentaires ont

16 été admis au dossier en appel et stipule le critère qui doit être appliqué

17 par la Chambre d'appel en décidant s'il convient d'infirmer ou de confirmer

18 une déclaration de culpabilité lorsque des éléments de preuve

19 supplémentaires ont été admis devant la Chambre et le suivant. Est-ce que

20 l'appelant a prouvé qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement

21 arriver à une déclaration et à une conclusion de culpabilité sur la base

22 des éléments de preuve présentés en première instance ainsi que sur la base

23 des éléments de preuve supplémentaires qui ont été versés au dossier

24 pendant la procédure d'appel.

25 Le critère d'examen qui a été employé par la Chambre d'appel dans ce

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1 contexte, était de savoir si un juge du fait aurait pu être raisonnablement

2 convaincu au-delà de tout doute raisonnable sur la conclusion qui a été

3 rendue. Dans cette situation, la Chambre d'appel, dans Kupreskic, n'a pas

4 déterminé si elle était satisfaite elle-même au-delà de tout doute

5 raisonnable sur les conclusions qui ont été rendues. Elle ne l'a pas fait,

6 parce que l'issue d'une telle situation aurait été qu'aucun juge du fait

7 n'aurait pu raisonnablement arriver à une déclaration de culpabilité.

8 Cependant, si dans certains cas l'issue de cet examen aurait été qu'un juge

9 du fait aurait pu raisonnablement arriver à une déclaration de culpabilité

10 au-delà de tout doute raisonnable, la Chambre d'appel considère que

11 lorsqu'elle est elle-même saisie de l'évaluation de nouveaux éléments de

12 preuve ainsi que de l'évaluation des éléments de preuve présentés au procès

13 et parfois tenue d'appliquer de nouveaux critères juridiques, elle doit

14 dans l'intérêt de la justice être satisfaite elle-même au-delà de tout

15 doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé avant de confirmer une

16 déclaration de culpabilité au stade de l'appel.

17 La Chambre d'appel souligne qu'en de tels cas, si elle devait appliquer un

18 critère moins exigeant, il en résulterait que ni en première instance ni en

19 appel, on ne pourrait s'appliquer sur une déclaration de culpabilité basée

20 sur la totalité des éléments de preuve présentés sur la base d'un critère

21 moins exigeant rendu par la Chambre de première instance au-delà de tout

22 doute raisonnable.

23 En résumé, lorsque la Chambre de première instance est confrontée à

24 une erreur concernant le critère juridique au sujet des constatations sur

25 les faits et d'une erreur de fait alléguée, et lorsque des éléments de

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1 preuve supplémentaires ont été admis en appel, il convient de poursuivre

2 une démarche en deux volets :

3 Premièrement, la Chambre d'appel doit appliquer le critère juridique

4 qui s'impose aux éléments de preuve qui sont contenus dans le dossier. Elle

5 doit déterminer si elle est elle-même convaincue au-delà de tout doute

6 raisonnable de la déclaration de culpabilité prononcée sur la base des

7 éléments de preuve présentés dans le dossier de première instance. Si elle

8 n'est pas convaincue de ce fait, à ce moment-là, il ne lui appartient pas,

9 il ne convient pas qu'elle poursuive plus avant du point de vue du droit un

10 examen de cette question.

11 Deuxièmement, si cependant la Chambre d'appel, en application le

12 critère juridique qui convient aux éléments de preuve du dossier de

13 première instance, est convaincue au-delà de tout doute raisonnable du

14 bien-fondé de la déclaration de culpabilité, elle ensuite déterminer si au

15 vu des éléments de preuve présentés en première instance et au vu des

16 éléments de preuve supplémentaires présentés en appel, elle est elle-même

17 convaincue au-delà de tout doute raisonnable de la déclaration de

18 culpabilité.

19 Ce critère d'examen vient compléter le critère d'examen qui a été

20 utilisé par la Chambre d'appel dans l'affaire Kupreskic.

21 Nous allons maintenant exposer plus en détail les conclusions de la

22 Chambre d'appel pour chacun des moyens d'appel soulevés.

23 Le premier moyen, l'appelant conteste les critères exposés dans le

24 jugement rendu en première instance s'agissant des formes de responsabilité

25 pénales énoncées par l'Article 7.1 du statut. Il s'agit là du premier moyen

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1 d'appel qu'il présente.

2 L'appelant n'a pas été déclaré coupable d'avoir planifié ou incité à

3 commettre les crimes. La question examinée par la Chambre d'appel est de

4 savoir si le critère de l'élément moral mens rea, moins rigoureux que celui

5 de l'intention directe, peut être appliqué au fait d'ordonner un crime au

6 sens de l'Article 7.l du statut.

7 Au paragraphe 474 du jugement rendu en l'espèce, la Chambre de

8 première instance a énoncé le critère suivant, je cite : "Toute personne

9 qui, en ordonnant un acte, sait qu'il y a risque que des crimes soient

10 commis et accepte de prendre ce risque, manifeste le niveau d'intention

11 nécessaire, le dol éventuel, dans le texte original en français, pourvoir

12 sa responsabilité engagée pour avoir ordonné, planifié ou incité à

13 commettre les crimes."

14 Bien que la Chambre de première instance ait indiqué que le critère

15 énoncé au paragraphe 474 avait déjà été expliqué plus haut dans le

16 jugement, l'examen des paragraphes précédents relatifs aux éléments

17 juridiques requis par l'Article 7 du statut, relève que tel n'est pas le

18 cas. D'autres paragraphes du jugement font état du critère énoncé au

19 paragraphe 474 en utilisant d'autres formulations.

20 Après avoir examiné les approches adoptées par les systèmes nationaux

21 ainsi que la jurisprudence du Tribunal international, la Chambre d'appel

22 considère que la Chambre de première instance s'est fourvoyée en formulant

23 la mens rea qui s'attache au fait d'ordonner un crime au sens de l'Article

24 7.1 du statut. Le fait d'avoir connaissance d'un risque quel qu'il soit et

25 aussi minime soit-il, ne suffit pas à engager la responsabilité pénale de

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1 l'appelant pour des violations graves du droit international humanitaire.

2 La Chambre de première instance ne précise pas le degré de risque qu'il

3 convient d'établir. Il semble qu'en appliquant le critère formulé par la

4 Chambre de première instance, tout commandant militaire qui émet un ordre

5 serait pénalement responsable, car il existe toujours la possibilité que

6 des violations soient commises dans le cadre des exécutions de cet ordre.

7 La Chambre d'appel conclut que quiconque ordonne un acte ou une

8 omission en sachant qu'il est très probable qu'un crime résulte de

9 l'exécution de cet ordre, est animé de l'élément moral requis pour que sa

10 responsabilité au sens de l'Article 7.1 du statut soit engagée pour ce qui

11 est du fait d'ordonner. Le fait d'ordonner un crime en connaissance de

12 cause revient à accepter ce crime.

13 L'appelant conteste également les conclusions de la Chambre

14 de première instance relative à l'élément moral et à l'élément matériel

15 requis pour constituer la complicité par aide et encouragement. En

16 l'espèce, la Chambre de première instance a correctement appliqué le

17 critère formulé dans le jugement Furundzija s'agissant de l'élément

18 matériel de la complicité par aide et encouragement.

19 En ce qui concerne l'élément moral requis pour établir la complicité

20 par aide et encouragement, la Chambre de première instance a estimé outre

21 que le fait qu'il ait eu connaissance que ses actes contribuent à la

22 perpétration du crime, le complice doit avoir eu l'intention de fournir une

23 assistance, ou tout au moins, avoir eu conscience que cette assistance

24 serait une conséquence possible et prévisible de son comportement. Comme il

25 est indiqué dans l'arrêt Vasiljevic, s'agissant de la complicité, l'élément

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1 moral requis et le fait de savoir que les actes commis par le complice

2 contribuent à la perpétration d'un crime précis par l'auteur principal. A

3 cet égard, la Chambre de première instance en l'espèce a commis une erreur.

4 Par conséquent, la Chambre d'appel estime que la Chambre de première

5 instance a eu raison sur certains points et tort sur d'autres, lorsqu'elle

6 a énoncé les éléments juridiques requis pour la complicité par aide et

7 encouragement. La Chambre de première instance n'a toutefois pas tenu

8 l'appelant responsable pour avoir aidé et encouragé les crimes reprochés.

9 En outre, la Chambre d'appel considère que ce mode de participation n'a pas

10 été suffisamment débattu en appel et qu'il n'a pas été dûment couvert par

11 le deuxième acte d'accusation modifié. La Chambre d'appel refuse donc de se

12 pencher plus avant sur ce mode de participation.

13 S'agissant de l'Article 7(3) du statut, l'appelant fait valoir que la

14 Chambre de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a interprété

15 l'élément de connaissance requis par l'Article 7(3) du statut. S'agissant

16 des commandants, la Chambre de première instance a conclu que leur mission

17 leur impose d'être continuellement informés de la manière dont leurs

18 subordonnés s'acquittent des tâches qui leur sont confiées et de prendre

19 les mesures nécessaires à cet effet.

20 La Chambre d'appel est d'avis que l'arrêt Celebici a tranché cette

21 question, et qu'un supérieur ne peut être tenu pour pénalement responsable

22 que s'il avait à sa disposition des informations particulières

23 l'avertissant des infractions commises par ses subordonnés. Le fait de

24 manquer à son obligation d'obtenir de telles informations ne constitue pas

25 une infraction séparée au sens de l'Article 7(3) du statut. Un supérieur ne

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1 sera donc pas tenu responsable pour de tels manquements, mais seulement

2 pour avoir omis de prendre les mesures nécessaires et raisonnables qui

3 auraient permis d'empêcher que les crimes en cause soient commis ou d'en

4 punir les auteurs. L'interprétation de ce critère, telle qu'exposée dans le

5 jugement rendu en première instance, ne cadre pas avec la jurisprudence de

6 la Chambre d'appel sur ce point; nous la corrigeons en conséquence.

7 Dans l'acte d'accusation, la responsabilité de l'appelant est mise en

8 cause à la fois sur la base de l'Article 7(1) et de

9 l'Article 7(3) du statut. Au vu des conclusions tirées par la Chambre de

10 première instance au sujet de certains événements et du dispositif adopté,

11 il est manifeste que la Chambre de première instance a examiné les

12 questions de fond relatives à ces événements au regard des Articles 7(1) et

13 7(3) du statut.

14 La Chambre d'appel doit cependant faire état de ses préoccupations

15 concernant le dispositif du jugement dans lequel la Chambre de première

16 instance, ayant déclaré l'appelant coupable d'avoir ordonné des

17 persécutions et d'avoir commis d'autres infractions sur la base des mêmes

18 constatations, estime qu'en tout état de cause, il a, en tant que supérieur

19 hiérarchique, omis de prendre les mesures nécessaires et raisonnables qui

20 auraient permis d'empêcher que ces crimes soient commis ou d'en punir les

21 auteurs. Cette déclaration, dans laquelle il est fait référence à la

22 responsabilité de l'appelant sur la base de l'Article 7(3) du statut,

23 indique qu'une double déclaration de culpabilité prononcée à la fois sur la

24 base de l'Article 7(1) et de l'Article 7(3) du statut, ce qui contredit

25 l'opinion correctement exprimée au paragraphe 337 du jugement, où il est

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1 dit, je cite :

2 "Il serait illogique de tenir un commandant pour pénalement

3 responsable d'avoir planifié, instigué ou ordonné la perpétration de

4 crimes, et simultanément, de lui reprocher de ne pas les avoir empêchés ou

5 sanctionnés. En revanche, ainsi que l'avance l'Accusation, l'omission de

6 punir des crimes passés, qui engage la responsabilité du commandant au

7 titre de l'Article 7(3), peut, sous réserve que soient remplies les

8 conditions d'éléments morals et matériels, engager la responsabilité du

9 commandant au titre de l'Article 7(1) du statut en raison soit de l'aide et

10 de l'encouragement, soit de l'incitation à la perpétration ultérieure de

11 nouveaux crimes."

12 Les dispositions de l'Article 7(1) et de l'Article 7(3) du statut

13 impliquent des catégories distinctes de responsabilité pénale. On ne

14 saurait déclarer un accusé coupable d'un chef à la fois sur la base de

15 l'Article 7(1) et de l'Article 7(3) du statut. Lorsque la responsabilité de

16 ce dernier est mise en cause sur la base de ces deux articles pour le même

17 chef et que les éléments juridiques requis pour ces deux formes de

18 responsabilité sont réunis, la Chambre de première instance devrait

19 prononcer une seule déclaration de culpabilité sur la base de l'Article

20 7(1) et retenir la position de supérieur hiérarchique de l'accusé comme une

21 circonstance aggravante dans la fixation de la peine.

22 En l'espèce, la Chambre d'appel estime, par conséquent, que le fait

23 de déclarer l'appelant coupable en application de l'Article 7(1) et de

24 l'Article 7(3) du statut pour les mêmes chefs, et à raison des mêmes actes,

25 comme il ressort du dispositif du jugement, constitue une erreur de droit

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1 qui est de nature à invalider le jugement sur ce point. De plus, lorsque la

2 Chambre de première instance n'a pas formulé de constatations sur la base

3 de l'Article 7(3) du statut, la Chambre d'appel n'a pas pris en

4 considération cette forme particulière de responsabilité nonobstant la

5 déclaration au sujet de l'Article 7(3) du statut qui est incluse dans le

6 dispositif du jugement.

7 Le deuxième motif d'appel soulevé a trait aux erreurs de droit alléguées

8 concernant l'Article 7(5) du statut du Tribunal. L'appelant soutient que la

9 Chambre de première instance a commis plusieurs erreurs importantes en

10 interprétant et en appliquant les conditions d'application de l'Article 5

11 du statut visant les crimes contre l'humanité. Ce moyen d'appel porte sur

12 plusieurs points.

13 S'agissant de la condition selon laquelle l'attaque doit être généralisée

14 ou systématique, la Chambre d'appel a examiné la définition qu'a donnée la

15 Chambre de première instance de cet élément requis pour les crimes contre

16 l'humanité, et elle conclut qu'elle n'a commis aucune erreur en analysant.

17 S'agissant de la condition selon laquelle l'attaque doit être dirigée

18 contre une population civile, les éléments pertinents ont été énoncés dans

19 l'arrêt Kunarac. C'est à la fois le statut de civil de la victime et

20 l'ampleur de l'attaque ou son degré d'organisation qui caractérise les

21 crimes contre l'humanité.

22 Pour déterminer ce que recouvre l'expression "population civile", la

23 Chambre d'appel considère que la présence au sein de cette population de

24 résistants ou de combattants ayant déposé les armes, ne modifie pas le

25 caractère civil de celle-ci. La Chambre de première instance avait raison

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1 sur ce point. Elle s'est toutefois en partie fourvoyée lorsqu'elle a défini

2 la population civile et les civils au sens de l'Article 5 du statut,

3 déclarant que la situation concrète de la victime au moment ou les crimes

4 sont commis plutôt que son statut, doit être prise en compte pour

5 déterminer sa qualité de civil. La situation concrète de la victime au

6 moment où les crimes sont commis, peut ne rien changer au fait qu'elle a ou

7 non le statut de civil. Si une personne fait effectivement partie d'une

8 organisation armée, le fait qu'elle ne soit pas armée ou qu'elle soit hors

9 de combat au moment où les crimes sont commis, ne fait pas d'elle un civil.

10 S'agissant de la condition selon laquelle les actes de l'accusé et

11 l'attaque proprement dite doivent s'inscrire dans le cadre d'une politique

12 ou d'un plan criminel préétabli, la Chambre d'appel rappelle ce qu'elle a

13 déclaré dans l'arrêt Kunarac, à savoir que l'existence d'un plan ou d'une

14 politique ne fait pas partie des éléments juridiques des crimes contre

15 l'humanité, même si elle peut permettre d'établir qu'il existait une

16 attaque dirigée contre une population civile et que cette attaque était

17 généralisée ou systématique. Le jugement rendu en première instance n'était

18 pas clair sur cette question de droit.

19 S'agissant de la condition selon laquelle l'accusé savait que ses actes

20 s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque plus vaste, la Chambre d'appel

21 considère que l'élément moral requis pour les crimes contre l'humanité est

22 satisfait lorsque l'accusé est animé de l'intention requise pour commettre

23 le ou les crimes sous-jacents qui lui sont reprochés, lorsqu'il connaît

24 l'existence d'une attaque dirigée contre une population civile et qu'il

25 sait que ces actes s'inscrivent dans le cadre de cette attaque. Comme elle

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1 l'explique dans l'arrêt, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de

2 première instance, s'est en partie fourvoyée, lorsqu'elle a énoncé la mens

3 rea s'attachant aux crimes contre l'humanité.

4 S'agissant de l'élément matériel des persécutions constitutives de crimes

5 contre l'humanité, la Chambre d'appel estime que la jurisprudence du

6 Tribunal international définit les persécutions constitutives du crime

7 contre l'humanité.

8 Dans le jugement, la Chambre de première instance a toutefois donné une

9 définition des persécutions selon laquelle l'élément matériel englobe les

10 atteintes portées aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Ce

11 faisant, elle n'a pas vérifié si les actes sous-jacents en question étaient

12 assimilables à des persécutions en tant que crime contre l'humanité en

13 droit international coutumier. La Chambre de première instance a commis une

14 erreur sur ce point.

15 Comme elle s'en explique dans l'arrêt, la Chambre d'appel a considéré

16 chacun des types de comportement examiné par la Chambre de première

17 instance. Sont en cause; l'homicide ou le meurtre et l'assassinat, et le

18 fait de porter des atteintes graves à l'intégrité physique. Les

19 destructions et pillages de biens, l'expulsion, le transfert forcé, le

20 déplacement forcé, les traitements inhumains infligés aux civils et les

21 attaques menées contre des villes et des villages.

22 En conclusion, la Chambre de première instance estime qu'il ressort

23 clairement de l'analyse qu'a faite la Chambre de première instance du droit

24 applicable aux persécutions, qu'elle n'a pas pris en considération la

25 condition selon laquelle les persécutions doivent présenter le même degré

Page 868

1 de gravité que les autres crimes énumérés par l'Article 5 du statut. La

2 Chambre d'appel fait observer qu'il ne suffit pas que les actes

3 sous-jacents aient été commis avec une intention discriminatoire et conclut

4 que la Chambre de première instance s'est fourvoyée sur ce point.

5 S'agissant de l'élément moral des persécutions constitutives de crime

6 contre l'humanité, la Chambre d'appel précise que le droit n'exige pas

7 l'existence chez l'auteur "d'une intention visant à persécuter" s'ajoutant

8 à l'intention discriminatoire déjà requise pur les persécutions. La Chambre

9 d'appel souligne aussi que pour établir l'intention d'un auteur de

10 persécutions, il faut prouver qu'il a l'intention spécifique d'exercer une

11 discrimination pour des raisons politiques, raciales ou religieuses. La

12 Chambre de première instance a conclu à juste titre que "l'intention qui

13 inspire les persécutions et l'intention spéciale d'atteindre une personne

14 humaine en tant qu'appartenant à telle communauté ou à tel groupe."

15 En second lieu, la Chambre d'appel reconnaît que dans ces constatations sur

16 le fait d'ordonner des crimes au sens de l'Article 7(1) du statut, la

17 Chambre de première instance a fréquemment employé des expressions comme

18 "il a pris le risque" ou "il a pris le risque de manière délibérée." La

19 Chambre d'appel a défini plus haut l'élément moral qui s'attache au fait

20 d'ordonner un crime sans qu'il y ait intention directe. En conséquence,

21 quiconque donne un ordre en sachant qu'il est très probable que des

22 persécutions constitutives de crime contre l'humanité résultent de

23 l'exécution de cet ordre, peut être tenu responsable de persécutions sur la

24 base de l'Article 7(1) du statut. Le fait d'ordonner un crime en

25 connaissance de cause revient à accepter ce crime.

Page 869

1 Nous allons maintenant aborder le motif suivant. Il s'agit des erreurs de

2 droit allégué concernant l'Article 2 du statut. Les infractions visées à

3 l'Article 2 du statut doivent être dirigées contre des personnes ou des

4 biens protégés au terme des dispositions des conventions de Genève.

5 L'Article 4(1) de la 4e convention de Genève définit les personnes protégés

6 comme "celles qui, à un moment quelconque, et de quelque manière que ce

7 soit, se trouvent en cas de conflit ou d'occupation, au pouvoir d'une

8 partie au conflit ou d'une puissance occupante dont elles ne sont pas

9 ressortissantes." Dans l'arrêt Tadic, la Chambre d'appel a conclu que cette

10 disposition visait à assurer la protection maximale possible aux civils, et

11 que même si les auteurs des crimes et leurs victimes pouvaient être

12 considérés en l'espèce comme étant de même nationalité, l'Article 4 n'en

13 demeurerait pas moins applicable.

14 Appliquant les mêmes principes en relation avec le conflit entre les

15 Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie, la Chambre d'appel, dans

16 l'arrêt Aleksovski, a jugé que puisque le conflit était international en

17 raison de la participation de la Croatie, il s'ensuivait que les victimes

18 musulmanes de Bosnie se trouvaient au pouvoir de la Croatie, une partie au

19 conflit, dont elle n'était pas ressortissante et qu'en conséquence,

20 l'Article 4 de la 4e convention de Genève était applicable. Dans l'arrêt

21 Celebici, la Chambre d'appel a réaffirmé ces principes et les a développés

22 en considérant les effets de leur application dans le cas de Serbes de

23 Bosnie détenus par des Musulmans de Bosnie.

24 La Chambre d'appel considère comme infondé l'argument de l'appelant selon

25 lequel d'après le "critère de l'allégeance," les Croates de Bosnie tombés

Page 870

1 aux mains des Musulmans de Bosnie ne seraient pas considérés comme des

2 personnes protégées. Elle considère également comme infondé l'argument de

3 l'appelant selon lequel la présente espèce peut se distinguer des affaires

4 Tadic et Celebici, puisque contrairement aux Croates de Bosnie, les Serbes

5 de Bosnie cherchaient à faire sécession de la Bosnie-Herzégovine.

6 La Chambre d'appel a précédemment rejeté les arguments concernant le fait

7 que les victimes ne devraient pas avoir le statut de personnes protégées si

8 l'on interprète à la lettre l'Article 4 de la 4e convention de Genève. Elle

9 est convaincue qu'il n'y a pas eu violation du principe de la légalité en

10 l'espèce. La Chambre d'appel estime que la Chambre de première instance n'a

11 commis aucune erreur sur ce point.

12 L'appelant avance en outre que la condition selon laquelle les victimes

13 doivent être des "personnes protégées," se fonde sur l'Article 4(2) de la

14 4e convention de Genève disposant que les "ressortissants d'un état co-

15 belligérant ne seront pas considérés comme des personnes protégées aussi

16 longtemps que l'état dont ils sont ressortissants aura une représentation

17 diplomatique normale auprès de l'état au pouvoir duquel ils se trouvent."

18 La Chambre d'appel considère qu'il ressort clairement à la fois de

19 l'Article 4(2) de la 4e convention de Genève et de son commentaire que pour

20 que cette disposition s'applique, il faut démontrer que premièrement les

21 états étaient alliés, et deuxièmement, que les démarches faites par le

22 représentant diplomatique de chaque état auprès de l'autre ont été

23 efficaces et satisfaisants. La Croatie et la Bosnie-Herzégovine étaient

24 engagées dans un conflit qui les opposait l'une à l'autre. Cela suffit à

25 établir qu'elles n'étaient pas des états co-belligérants au sens de

Page 871

1 l'Article 4(2). Ce moyen d'appel est donc rejeté.

2 Nous allons maintenant aborder le quatrième moyen d'appel qui s'agit

3 d'erreurs alléguées concernant la violation du droit à une procédure

4 régulière.

5 L'appelant avance qu'il a injustement été privé du droit à un procès

6 équitable prévu par l'Article 21 du statut du Tribunal international, et

7 ce, pour deux raisons principales : Premièrement, il a été jugé et déclaré

8 coupable sur la base d'un acte d'accusation dangereusement vague.

9 Deuxièmement, l'Accusation n'a pas respecté les obligations que lui impose

10 l'Article 68 du règlement en matière de communication des éléments de

11 preuve à décharge. L'appelant soutient qu'il a ainsi été privé du droit à

12 une procédure régulière et que cette violation a sérieusement compromis la

13 préparation et la présentation de sa défense.

14 Pour ce qui est dans un premier temps du caractère vague de l'acte

15 d'accusation. Le 21 novembre 1996, le premier acte d'accusation a été

16 modifié afin de mettre en cause l'appelant dans 19 chefs d'accusation. Le 4

17 avril 1997, la Chambre de première instance a fait droit à l'exception

18 préjudicielle de l'appelant pour vice de forme de l'acte d'accusation

19 modifié et a ordonné à l'Accusation d'apporter de nouvelles modifications à

20 l'acte d'accusation. L'Accusation a déposé un deuxième acte d'accusation

21 modifié le 25 avril 1997. L'appelant a de nouveau contesté le deuxième acte

22 d'accusation modifié. En juin 1997, la Chambre de première instance a rendu

23 une deuxième décision disant que le deuxième acte d'accusation était

24 entaché de vice de forme et décida de commencer le procès sans ordonner à

25 l'Accusation de modifier le deuxième acte d'accusation modifié.

Page 872

1 L'appelant ayant soulevé la question à deux reprises devant la Chambre de

2 première instance et ayant reçu de sa part l'assurance formelle quelle ne

3 manquerait pas de tirer au procès toutes les conséquences juridiques

4 découlant d'éventuels manquements de l'Accusation à certaines de ces

5 obligations, voir à toute dans la mesure où ces éventuels manquements entre

6 autres auraient pu empêcher l'accusé de préparer sa défense, la Chambre

7 d'appel considère que l'appelant était en droit de croire que la Chambre de

8 première instance respecterait l'engagement pris avant le procès et conclut

9 que l'appelant n'a pas renoncé à son droit de soulever en appel la question

10 touchant au caractère vague de l'acte d'accusation.

11 Ayant analysé le deuxième acte d'accusation modifié selon les

12 principes gouvernant l'exposé des faits énoncés dans l'arrêt, la Chambre de

13 première instance conclut que le deuxième acte d'accusation modifié

14 n'expose pas les faits essentiels de manière suffisamment précise et qu'en

15 conséquence, il ne respecte pas les principes gouvernant l'exposé des faits

16 tels qu'énoncés dans l'arrêt.

17 L'examen du dossier de première instance auquel a procédé la Chambre

18 d'appel, donne toutefois à penser que l'Accusation a présenté clairement

19 lors du procès les informations nécessaires pour informer l'appelant des

20 accusations portées contre lui. La Chambre d'appel conclut que les vices de

21 forme entachant le deuxième acte d'accusation modifié n'a pas empêché

22 l'appelant de préparer sa défense, et qu'en conséquence, ils n'ont pas

23 compromis l'équité de son procès. La Chambre d'appel rejette donc le moyen

24 d'appel sur ce point.

25 Pour ce qui est des violations présumées de l'Article 68 du règlement,

Page 873

1 l'appelant avance que l'Accusation a violé l'Article 68 du règlement en

2 s'abstenant de communiquer certaines pièces, notamment les pièces 2, 16 et

3 25 visées par la deuxième requête en application de l'Article 115 du

4 règlement ainsi que la pièce H1.

5 Pour ce qui est de la pièce 2, la Chambre d'appel conclut que l'Accusation

6 n'a pas violé l'Article 68 du règlement. Pour ce qui est des pièces 16 et

7 25, elle conclut que l'appelant n'a pas subi de préjudice important.

8 S'agissant de la pièce H1, la Chambre d'appel considère que le fait que

9 l'Accusation ne l'ait pas communiquée constitue une violation des

10 obligations que lui impose l'Article 68. Toutefois, étant donné que

11 l'appelant a pu citer le témoin Watkins lors des audiences en appel, la

12 Chambre d'appel conclut que le préjudice causé à l'appelant a été réparé.

13 En conséquence, même si elle considère que l'Accusation a effectivement

14 violé l'Article 68, vu qu'il n'en a résulté aucun préjudice important pour

15 l'appelant en l'espèce, la Chambre d'appel rejette ce moyen d'appel sur ce

16 point.

17 Nous allons maintenant aborder le chapitre des erreurs alléguées concernant

18 la responsabilité de l'appelant pour les crimes commis à Ahmici et dans les

19 environs.

20 Dans un premier temps, voyons ce qu'il est de la responsabilité de

21 l'appelant au sens de l'Article 7(1) du statut.

22 La Chambre de première instance a déclaré l'appelant coupable en

23 application de l'Article 7(1) du statut pour les crimes dirigés contre la

24 population civile musulmane et commis après qu'il eut donné l'ordre à la

25 Brigade Viteska, à la Brigade Nikola Subic Zrinski, au 4e Bataillon de

Page 874

1 police militaire, au Jokeri, au Vitezovi et au Domobrani de lancer une

2 offensive contre Ahmici et les villages environnants. La Chambre d'appel

3 considère que la déclaration de culpabilité de l'appelant prononcée en

4 application de l'Article 7(1) se fonde sur les constatations suivantes de

5 la Chambre de première instance : Premièrement, l'attaque était organisée,

6 planifiée au plus haut niveau de la hiérarchie militaire et dirigée contre

7 la population civile musulmane d'Ahmici. Deuxièmement, la police militaire,

8 les Jokeri, les Domobrani et des unités régulières du HVO, dont la Brigade

9 Viteska, ont participé au combat. Les attaques n'étaient justifiées par la

10 présence d'aucun objectif militaire. Troisièmement, l'appelant avait les

11 pouvoirs d'un supérieur hiérarchique sur la Brigade Viteska, les Domobrani,

12 le 4e Bataillon de police militaire et les Jokeri, durant la période

13 considérée.

14 Au soutien de la déclaration de culpabilité qu'elle a prononcée contre

15 l'appelant en application de l'Article 7(1), la Chambre de première

16 instance a constaté que la pièce D269 était "très clairement" un ordre

17 d'attaque adressé aux forces de la Brigade Viteska, aux forces du 4e

18 Bataillon de police militaire, de la Brigade Nikola Subic Zrinski et de la

19 police civile, dont la Chambre de première instance a déclaré qu'elles

20 avaient été reconnues sur le terrain comme celles ayant mené le combat.

21 La Chambre d'appel considère que l'appréciation qu'a portée la Chambre de

22 première instance sur la pièce D269, telle qu'elle apparaît dans le

23 jugement, est très différente de celle que la Chambre d'appel a elle-même

24 portée sur cette pièce lorsqu'elle l'a examinée. La Chambre d'appel estime

25 que l'appréciation de la Chambre de première instance est totalement

Page 875

1 erronée.

2 La Chambre d'appel considère que les éléments de preuve présentés au procès

3 n'étayent pas la conclusion de la Chambre de première instance selon

4 laquelle les forces de l'ABiH n'étaient pas en train de préparer des

5 attaques à Ahmici et dans les environs. Par ailleurs, la Chambre d'appel

6 note que les moyens de preuve supplémentaires admis en appel attestent

7 d'une présence militaire musulmane à Ahmici et que l'appelant avait des

8 raisons de croire que l'ABiH avait l'intention de mener une attaque le long

9 de l'axe Ahmici-Santici-Dubravica. En conséquence, la Chambre d'appel

10 considère que les nécessités militaires justifient que l'appelant donne

11 l'ordre présenté sous la cote D269.

12 Vu l'analyse qu'elle a faite de l'interprétation de la Chambre de première

13 instance à propos de la pièce D269 et les éléments de preuve pertinents

14 réunis devant la Chambre de première instance, la Chambre d'appel conclut

15 qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement conclure que l'ordre

16 présenté sous la cote D269 avait été donné "avec la claire intention que le

17 massacre fut commis," ou qu'il était à l'origine des crimes commis à Ahmici

18 le 16 avril 1993.

19 La Chambre de première instance a constaté que non seulement la police

20 militaire et les Jokeri mais aussi les unités régulières du HVO, notamment

21 la Brigade Viteska, avaient participé au combat à Ahmici et dans les

22 environs le 16 avril 1993, et a conclu que les exactions commises n'avaient

23 pas été le seul fait de la police militaire, mais qu'elles impliquaient

24 aussi les unités régulières du HVO, notamment la Brigade Viteska ainsi que

25 les Domobrani.

Page 876

1 La Chambre d'appel considère que la conclusion selon laquelle la Brigade

2 Viteska et les Domobrani ont pris part aux exactions commises durant

3 l'attaque contre Ahmici et les villages environnants, au vu du dossier de

4 première instance, n'était pas suffisamment fondée. La Chambre d'appel

5 souligne que les moyens de preuve admis en appel remettent sérieusement en

6 cause cette conclusion et indiquent que les crimes commis à Ahmici et dans

7 les environs le 16 avril 1993, ont été perpétrés par les Jokeri et par le

8 4e Bataillon de police militaire.

9 Pour ces raisons, la Chambre d'appel estime que la conclusion de la Chambre

10 de première instance, selon laquelle les exactions commises impliquaient

11 aussi les unités régulières du HVO, notamment la Brigade Viteska ainsi que

12 les Domobrani ne peut pas être confirmée en appel.

13 La Chambre d'appel considère que certains documents admis en tant que

14 moyens de preuve supplémentaires en appel, confirment que les exactions

15 commises le 16 avril 1993 à Ahmici et dans les environs, ont été le fait du

16 4e Bataillon de police militaire et des Jokeri, et désignent d'autres

17 unités comme responsables d'avoir planifié et ordonné le massacre.

18 La Chambre de première instance a conclu que, puisque l'appelant

19 savait que certaines unités engagées dans l'attaque contre Ahmici s'étaient

20 précédemment rendues coupables de crimes contre la population musulmane de

21 Bosnie ou qu'il y avait des criminels au sein de ces unités, lorsqu'il a

22 donné l'ordre à ses troupes de lancer une attaque contre le village

23 d'Ahmici conformément à la pièce D269, l'appelant a délibérément pris le

24 risque que des exactions soient commises contre la population civile

25 musulmane d'Ahmici et contre ses biens.

Page 877

1 La Chambre d'appel a défini l'élément moral qui s'attache au fait

2 d'ordonner un crime au sens de l'Article 7(1) du statut sans qu'il y ait

3 intention directe. La Chambre de première instance n'a pas appliqué ce

4 critère lorsqu'elle a déclaré l'appelant coupable en application de

5 l'Article 7(1).

6 L'analyse des éléments de preuve sur lesquels s'est fondée la Chambre

7 de première instance porte à conclure que des mesures concrètes ont été

8 prises pour empêcher que des crimes ne soient commis et pour écarter les

9 criminels connus. La Chambre d'appel estime que les ordres et les rapports

10 sur lesquels s'est fondée la Chambre de première instance ne sont pas

11 suffisamment probants pour satisfaire au critère juridique formulé par la

12 Chambre d'appel.

13 En conséquence, la Chambre d'appel n'est pas convaincue que les éléments de

14 preuve pertinents réunis au procès et appréciés conjointement aux moyens de

15 preuve supplémentaires admis en appel prouvent, au-delà de tout doute

16 raisonnable, que l'appelant est responsable, sur la base de l'Article 7(1)

17 du statut, d'avoir ordonné les crimes commis à Ahmici et dans les villages

18 environnants le 16 avril 1993.

19 En ce qui concerne la responsabilité de l'appelant au sens de l'Article

20 7(3) du statut, la Chambre d'appel observe qu'après avoir déclaré

21 l'appelant coupable en application de l'Article 7(1) du statut, la Chambre

22 de première instance l'a également déclaré coupable en application de

23 l'Article 7(3) pour sa responsabilité pénale en tant que supérieur

24 hiérarchique.

25 La Chambre d'appel conclut que, vu les éléments de preuve pertinents réunis

Page 878

1 devant la Chambre de première instance, et en particulier, le fait que

2 l'appelant a reconnu que des troupes de la police militaire pouvaient lui

3 être détachées pour des missions ponctuelles suite à certaines requêtes, un

4 juge du fait aurait pu raisonnablement conclure, comme l'a fait la Chambre

5 de première instance, que l'appelant avait "les pouvoirs d'un supérieur

6 hiérarchique" sur la police militaire.

7 La Chambre d'appel a déterminé si, vu les éléments de preuve réunis en

8 première instance et appréciés conjointement aux moyens de preuves

9 supplémentaires admis en appel, elle était elle-même convaincue, au-delà de

10 tout doute raisonnable, que l'appelant exerçait un contrôle effectif sur la

11 police militaire.

12 La Chambre d'appel considère que les moyens de preuve admis en appel

13 montrent que, (a) certains membres de la police militaire avaient des

14 agissements criminels; (b) donne à penser que la police militaire

15 bénéficiait de la protection d'autres personnes et agissait souvent sur

16 leurs ordres; et (c) porte encore davantage à conclure que les membres de

17 la police militaire ne reconnaissaient pas l'autorité de l'appelant et

18 n'exécutaient pas ses ordres. La Chambre d'appel a également entendu des

19 témoignages en appel indiquant que les unités de la police militaire,

20 notamment les Jokeri n'étaient pas de facto commandées par l'appelant.

21 La Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance a commis une

22 erreur en interprétant l'élément moral "il avait des raisons de savoir".

23 Son analyse des moyens de preuve sur lesquels se fondent la conclusion de

24 la Chambre de première instance selon laquelle l'appelant savait que des

25 crimes avaient été commis ou étaient sur le point de l'être, révèle que

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1 rien n'indique que l'appelant disposait d'informations l'avertissant des

2 crimes commis par ses subordonnés à Ahmici et dans les environs le 16 avril

3 1993. De surcroît, les moyens de preuve supplémentaires admis en appel

4 viennent appuyer l'argument de l'appelant selon lequel il n'avait aucune

5 raison de croire que des crimes avaient été commis, compte tenu du conflit

6 opposant à l'époque le HVO et l'ABiH.

7 La Chambre d'appel considère que les éléments de preuve réunis en première

8 instance et appréciés conjointement aux moyens de preuve admis en appel

9 montrent que l'appelant a pris les mesures raisonnables qu'il était en

10 mesure de prendre pour dénoncer les crimes commis, et fonde la conclusion

11 selon laquelle l'appelant a demandé l'ouverture d'une enquête sur les

12 crimes commis à Ahmici, enquête qui a été menée par le service

13 d'Information et de Sécurité de Mostar et dont les résultats n'ont pas été

14 communiqués à l'appelant, pas plus que les noms des auteurs de ces crimes.

15 Pour les raisons susmentionnées, et ayant examiné les conditions

16 d'application de l'Article 7(3) du statut relatives à la responsabilité, la

17 Chambre d'appel conclut que l'appelant n'exerçait pas un contrôle effectif

18 sur les unités militaires responsables des crimes à Ahmici et dans les

19 environs le 16 avril 1993, au sens où il n'avait pas la capacité matérielle

20 d'empêcher ces crimes ou d'en punir les auteurs, et qu'en conséquence, les

21 conditions requises pour que s'applique le principe de la responsabilité du

22 supérieur hiérarchique ne sont pas remplies. La Chambre d'appel n'est donc

23 pas convaincue que les éléments de preuve réunis en première instance et

24 appréciés conjointement aux moyens de preuve supplémentaires admis en

25 appel, établissent au-delà de tout doute raisonnable que l'appelant est

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1 responsable au sens de l'Article 7(3) du statut pour avoir manqué à

2 l'obligation d'empêcher les crimes commis à Ahmici et dans les environs le

3 16 avril 1993 ou d'en punir les auteurs.

4 Nous allons maintenant aborder le moyen d'appel suivant : il s'agit des

5 erreurs alléguées concernant la responsabilité de l'appelant pour les

6 crimes commis dans d'autres parties de la municipalité de Vitez. L'argument

7 principal avancé par l'appelant est que la Chambre de première instance a

8 commis une erreur en attribuant à l'appelant la responsabilité des crimes

9 commis dans le cadre des opérations militaires menées dans la municipalité

10 de Vitez du fait qu'il était le commandant du HVO dans la région. Pourtant,

11 l'appelant n'a jamais contesté le fait qu'il était de jure le commandant

12 des unités régulières du HVO en Bosnie centrale en général, ou qu'il a

13 ordonné certaines opérations militaires dans la municipalité de Vitez en

14 1993.

15 La conclusion selon laquelle l'appelant est coupable d'avoir ordonné

16 certains crimes et d'avoir manqué à son obligation d'empêcher ces crimes ou

17 d'en punir les auteurs après coup, ne saurait toutefois se fonder

18 exclusivement sur le fait que l'appelant était de jure le commandant des

19 auteurs des crimes. Par ailleurs, la Chambre d'appel considère que, dans le

20 cadre d'un conflit armé comme celui en cause, préparé de longue date et

21 opposant deux camps, la question de savoir quelle partie a déclenché les

22 hostilités n'est pertinente pour déterminer la nature de ses actions durant

23 le conflit. Ce qui intéresse le Tribunal international c'est de savoir si

24 des crimes ont été commis durant le conflit et par qui.

25 S'agissant de la responsabilité de l'appelant au sens de l'Article 7(1) du

Page 881

1 statut, et pour ce qui est des attaques du 16 avril 1993 sur la ville de

2 Vitez, la Chambre d'appel reconnaît qu'un juge du fait aurait pu

3 raisonnablement conclure, tout comme l'a fait la Chambre de première

4 instance, que l'attaque lancée contre des unités de l'ABiH présentes dans

5 la ville de Vitez était illégale.

6 Cependant, au vu des moyens de preuve supplémentaires, la Chambre d'appel

7 n'estime pas qu'il ait été prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, que

8 l'attaque était dirigée contre une cible civile ni qu'elle visait la

9 population civile de la ville de Vitez. La Chambre d'appel considère que

10 l'on ne peut s'appuyer sur les constatations de la Chambre de première

11 instance sur le nombre de victimes civiles occasionnées par l'offensive du

12 16 avril pour déterminer la nature de ladite offensive.

13 De surcroît, aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement conclure, sur

14 la base des éléments de preuve présentés en première instance, que

15 l'appelant savait que des crimes risquaient d'être commis au cours de

16 l'attaque. A fortiori, les éléments de preuve présentés en première

17 instance ne peuvent remplir, au-delà de tout doute raisonnable, les

18 critères juridiques édictés par la Chambre d'appel dans le présent arrêt.

19 S'agissant du camion piégé du 18 avril 1993, la Chambre d'appel souscrit à

20 la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle l'explosion

21 du camion piégé constituait un attentat terroriste et un crime contre

22 l'humanité. Cependant, la Chambre de première instance n'a cité aucun

23 élément prouvant que l'explosion résultait d'un ordre donné par l'appelant.

24 La Chambre d'appel a minutieusement passé en revue les éléments de preuve

25 pertinents présentés en première instance au cours de l'appel et dans le

Page 882

1 cadre de la réplique, et elle est convaincue, au-delà de tout doute

2 raisonnable, que l'attentat a été réalisé avec des explosifs. Cette partie

3 de la conclusion de la Chambre de première instance demeure donc valable.

4 Cependant, la Chambre d'appel estime que les éléments de preuve présentés

5 en première instance et les éléments de preuve supplémentaires ne la

6 convainquent pas, au-delà de tout doute raisonnable, que les explosifs

7 utilisés ne pouvaient être obtenus sans l'autorisation de l'appelant.

8 Pour ce qui est de l'attaque du 18 juillet 1993 sur Stari Vitez, la Chambre

9 d'appel considère que l'appelant n'a pas démontré qu'aucun juge du fait

10 n'aurait pu raisonnablement conclure, comme l'a fait la Chambre de première

11 instance, que l'appelant avait ordonné l'attaque du 18 juillet 1993 sur

12 Stari Vitez. Cependant, l'attaque du 18 juillet 1993 ne peut être définie

13 catégoriquement comme un acte criminel, étant donné qu'il y avait encore, à

14 ce moment-là, un nombre considérable de soldats de l'ABiH à Stari Vitez.

15 Sur la base des éléments de preuve présentés en première instance, ainsi

16 que des moyens de preuve supplémentaires, la Chambre d'appel n'est pas

17 convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, que l'attaque du 18 juillet

18 1993 ait entraîné de lourdes pertes parmi les civils musulmans suite à

19 l'emploi des "baby bombs" ni que l'attaque ait été dirigée contre la

20 population civile musulmane ou les biens lui appartenant à Stari Vitez.

21 La Chambre d'appel conclut que les éléments de preuve présentés en première

22 instance et les moyens de preuve supplémentaires ne démontrent pas, au-delà

23 de tout doute raisonnable, que l'appelant a ordonné l'attaque tout en

24 sachant qu'il était très vraisemblable que les "baby bombs" seraient

25 utilisées au cours de celle-ci contre la population musulmane civile ou

Page 883

1 contre les biens lui appartenant. La conclusion selon laquelle l'appelant a

2 ordonné l'attaque, commettant par là même un crime contre l'humanité, est

3 donc annulée.

4 S'agissant des crimes commis en avril et septembre 1993 à Donja Veceriska,

5 Gacice et Grbavica, la Chambre de première instance a conclu que les

6 villages attaqués auraient pu présenter un intérêt militaire justifiant

7 qu'ils fassent l'objet d'une offensive, et elle a également déclaré

8 l'appelant coupable de crimes incluant des destructions, des pillages et

9 des transferts forcés de civils, au motif qu'il avait ordonné des attaques

10 dont "il ne pouvait que raisonnablement prévoir qu'elles conduiraient à des

11 crimes." La Chambre d'appel a appliqué à ces faits le critère juridique

12 approprié et estime que les éléments de preuve présentés en première

13 instance ne démontrent pas, au-delà de tout doute raisonnable, que

14 l'appelant a ordonné les attaques sur les villages concernés tout en

15 sachant qu'il était très vraisemblable que des crimes seraient commis au

16 cours de ces opérations.

17 La Chambre d'appel invalide les déclarations de culpabilité

18 prononcées contre l'appelant en application de l'Article 7(1) du statut

19 pour les crimes commis dans les trois villages concernés.

20 Nous en venons maintenant à la responsabilité de l'appelant au sens

21 de l'Article 7(3) du statut, s'agissant de l'attaque du 16 avril 1993 et de

22 l'explosion du camion piégé du 18 avril 1993, la Chambre d'appel estime

23 qu'aucune conclusion du jugement et aucun élément de preuve ne démontre que

24 l'appelant savait ou avait des raisons de savoir, avant les attaques, que

25 des unités placées sous son commandement s'apprêtaient à commettre des

Page 884

1 crimes. En conséquence, la question du manquement de l'appelant à son

2 obligation d'empêcher ces crimes ne se pose pas au sujet de ces deux

3 événements.

4 Quant à l'attaque du 18 juillet 1993 sur Stari Vitez, aucune

5 conclusion ni élément de preuve ne démontre que l'appelant savait ou avait

6 des raisons de savoir au préalable que des "baby bombs" seraient utilisées

7 au cours de l'attaque. En conséquence, la question du manquement de

8 l'appelant à son obligation d'empêcher l'emploi de ces bombes contre des

9 cibles civiles n'a pas lieu d'être.

10 La Chambre d'appel considère donc, sur la base des conclusions du

11 jugement de première instance et des moyens de preuve versés au dossier en

12 appel, que la question du manquement de l'appelant à son obligation

13 d'empêcher la perpétration d'un crime au sens de l'Article 7(3) du statut

14 ne se pose pas pour ce volet de l'affaire.

15 L'appelant fait valoir, en outre, que les moyens de preuve

16 supplémentaires démontrent que l'unité de Vitezovi ne relevait pas de son

17 commandement et agissait fréquemment sous les ordres directs d'autres, et

18 en particulier, Kordic et le ministre de la Défense de Mostar.

19 S'agissant du contrôle effectif exercé par l'appelant sur Vitezovi,

20 la Chambre d'appel est convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, sur

21 la base des éléments de preuve présentés en première instance ainsi que des

22 moyens supplémentaires, que l'appelant avait le commandement de jure de

23 cette unité. Si l'on considère que le fait de signaler les agissements

24 criminels de ses subordonnés aux autorités compétentes est l'indicateur

25 manifeste de la capacité matérielle, même très limitée, d'un supérieur de

Page 885

1 punir, dans des circonstances données, on peut dire qu'en l'espèce

2 l'appelant disposait effectivement de cette capacité limitée. En

3 conséquence, sa responsabilité de supérieur hiérarchique est mise en cause

4 en l'espèce.

5 La Chambre de première instance n'a pas fourni suffisamment de faits

6 à l'appui de sa conclusion sur le manquement de l'appelant à son obligation

7 de punir les Vitezovi, notamment pour les crimes commis dans la ville de

8 Vitez. L'absence de toute analyse des moyens de preuve pertinents se

9 rapportant à un élément-clé dans la détermination de la responsabilité

10 pénale de l'appelant justifie, à elle seule, l'annulation des déclarations

11 de culpabilité prononcées contre l'appelant en application de l'Article

12 7(3) du statut.

13 Cependant, la Chambre de première instance n'a pas analysé les

14 éléments avancés par l'appelant au cours du procès et selon lesquels il a

15 pris l'initiative d'une enquête sur l'explosion du camion piégé le 18 avril

16 1993 et a informé ses supérieurs du résultat de cette enquête avant de leur

17 signaler l'attaque menée par les Vitezovi le 18 juillet 1993 sur Stari

18 Vitez. Pour le premier de ces deux incidents, aucun juge du fait n'aurait

19 pu raisonnablement conclure, à l'instar de la Chambre de première instance,

20 que l'appelant avait manqué à son obligation de punir.

21 S'agissant du rapport sur l'attaque du 18 juillet 1993, les moyens de

22 preuve présentés en première instance et en appel ne convainquent pas la

23 Chambre d'appel, au-delà de tout doute raisonnable, que les Vitezovi ont

24 commis un acte criminel en employant des "baby bombs." L'appelant n'ayant

25 pas su que ses subordonnés utilisaient ce type de bombes pendant l'attaque,

Page 886

1 la question de sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique ne se

2 pose pas.

3 En ce qui concerne l'offensive du 16 avril 1993, aucun juge du fait

4 n'aurait pu raisonnablement, en l'absence d'éléments factuels suffisants,

5 conclure, comme l'a fait la Chambre de première instance, que l'appelant

6 devait être considéré comme responsable des crimes commis au cours de cette

7 attaque au titre de l'Article 7(3) du statut en raison d'un manquement à

8 son obligation de punir.

9 Le moyen d'appel suivant concerne la responsabilité de l'appelant pour les

10 crimes commis dans la municipalité de Busovaca. La Chambre de première

11 instance a déclaré l'appelant responsable des attaques sur les villages de

12 Loncari et Ocehnici en avril 1993. La Chambre de première instance a

13 également conclu qu'en donnant des ordres à la police militaire en avril

14 1993, l'appelant avait intentionnellement pris le risque de voir des actes

15 criminels très violents en résulter.

16 L'appelant soutient qu'il n'a jamais donné l'ordre d'attaquer Loncari ou

17 Ocehnici, et que la Chambre de première instance s'est fourvoyée en lui

18 imputant des crimes commis par la police militaire, et notamment par les

19 Jokeri.

20 Après examen des constatations de la Chambre de première instance, la

21 Chambre d'appel estime que la conclusion de la Chambre de première instance

22 a été rendue sur la base de l'Article 7(1) du statut. La Chambre d'appel va

23 appliquer le critère juridique qui convient pour déterminer si l'appelant

24 est responsable des crimes commis à Loncari et Ocehnici au sens de

25 l'Article 7(1) du statut.

Page 887

1 En l'absence d'éléments de preuve directs montrant que l'appelant a ordonné

2 les attaques de Loncari et d'Ocehnici en avril 1993, la Chambre d'appel

3 estime qu'aucun juge du fait ne saurait raisonnablement conclure, au-delà

4 de tout doute raisonnable, que l'appelant a donné l'ordre de procéder à ces

5 attaques. La Chambre d'appel constate que les moyens de preuve

6 supplémentaires admis en appel ne font que renforcer cette conclusion. En

7 conséquence, il n'y a pas lieu de déterminer si oui ou non l'appelant

8 savait qu'il était très vraisemblable que ces crimes allaient être commis.

9 Vu les arguments des parties sur ce point et afin de faire toute la lumière

10 sur cette question, la Chambre d'appel estime également nécessaire

11 d'examiner la conclusion apparemment rendue par la Chambre de première

12 instance selon laquelle l'appelant est responsable d'avoir mené à bien et

13 non pas ordonné les attaques de janvier 1993 à Busovaca. La Chambre d'appel

14 estime que la Chambre de première instance n'a analysé aucun élément de

15 preuve relatif à la responsabilité de l'appelant dans les crimes commis à

16 Busovaca en janvier 1993, pas plus qu'elle n'a évalué cette responsabilité.

17 En conséquence, la Chambre d'appel considère qu'aucune conclusion n'a été

18 rendue en vertu de l'Article 7(1) du statut au sujet des attaques de

19 janvier 1993 sur Busovaca.

20 Quant à la responsabilité de l'appelant en tant que supérieur

21 hiérarchique pour les crimes commis à Busovaca, la Chambre d'appel est

22 d'avis que la Chambre de première instance n'a ni examiné ni analysé de

23 manière satisfaisante les éléments de preuve qui lui ont été présentés au

24 regard des conditions juridiques requises pour l'application de l'Article

25 7(3) du statut. De ce fait, la Chambre d'appel estime qu'aucune conclusion

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1 n'a été rendue en vertu de l'Article 7(3) du statut pour les crimes commis

2 à Loncari et Ocehnici en avril 1993. La Chambre se refuse à poursuivre plus

3 avant l'examen de cette question.

4 A propos du chef 14 de l'acte d'accusation concernant la destruction

5 d'édifices consacrés à la religion ou à l'enseignement, l'appelant fait

6 valoir que le jugement est vague et n'identifie pas les preuves desdites

7 destructions à Busovaca. Dans son dispositif, la Chambre de première

8 instance déclare l'appelant coupable du chef 14 en vertu de l'Article 7(1)

9 et l'Article 7(3) du statut. Pourtant, dans la partie du jugement relative

10 à Busovaca, on ne trouve ni discussion ni analyse des charges présentées au

11 chef 14. On ne trouve pas non plus de conclusion précise rendue par la

12 Chambre à ce sujet. Par ces motifs, la Chambre d'appel estime qu'il

13 convient d'annuler la déclaration de culpabilité prononcée au titre du chef

14 14 de l'acte d'accusation pour les événements de Busovaca.

15 Le moyen d'appel suivant a trait aux erreurs alléguées concernant la

16 responsabilité de l'appelant pour les crimes commis dans la municipalité de

17 Kiseljak. La Chambre d'appel considère que la Chambre de première instance

18 n'a pas conclu que l'appelant avait ordonné la perpétration des crimes

19 d'avril 1993 à Kiseljak, mais qu'elle a plutôt estimé que l'appelant avait

20 "intentionnellement pris le risque" que les Musulmans et leurs biens soient

21 les premiers visés par ces offensives. Elle a conclu "qu'il devait savoir",

22 lorsqu'il a donné l'ordre de procéder à ces attaques, que des actes

23 criminels très violents allaient en résulter. La Chambre d'appel va

24 appliquer le critère juridique approprié pour déterminer si l'appelant voit

25 sa responsabilité engagée en application de l'Article 7(1) du statut pour

Page 889

1 les crimes commis en avril 1993 à Kiseljak.

2 La Chambre d'appel observe que la Chambre de première instance a conclu que

3 de par ces offensives et les moyens militaires employés, l'appelant visait

4 à faire fuir ces populations. Il semble à la Chambre d'appel que la Chambre

5 de première instance a estimé que l'appelant avait l'intention, aux moyens

6 de ces offensives, de procéder à des transferts forcés de civils.

7 Quand elle a affirmé que l'appelant avait intentionnellement pris le risque

8 que les civils musulmans et les biens leur appartenant soient les premiers

9 visés par les offensives lancées le

10 18 avril 1993, la Chambre de première instance s'est appuyée sur les ordres

11 de préparation au combat et de combat. Elle a estimé que ces ordres avaient

12 une teneur catégorique et haineuse et que l'appelant avait utilisé dans ces

13 ordres, des termes qui n'étaient pas strictement militaires et qui avaient

14 une connotation émotionnelle de nature à inciter à la haine et à la

15 vengeance contre les populations musulmanes. La Chambre de première

16 instance a, par ailleurs, considéré que l'appelant avait employé des mots

17 radicaux ayant une connotation d'élimination en citant à titre d'exemple

18 l'expression de "nettoyer le terrain" que l'on trouve dans le document

19 D300, un ordre de combat.

20 La Chambre d'appel estime que les moyens de preuve présentés en première

21 instance montrent que les ordres émis par l'appelant s'expliquaient par des

22 considérations militaires. La Chambre conclut que sur la base des éléments

23 de preuve pris en compte par la Chambre de première instance, aucun juge du

24 fait n'aurait raisonnablement pu conclure au-delà de tout doute raisonnable

25 que l'appelant avait l'intention de procéder à des transferts forcés de

Page 890

1 civils. La Chambre d'appel estime par ailleurs que ces éléments de preuve

2 ne démontrent pas au-delà de tout doute raisonnable, que l'appelant savait

3 qu'il était très vraisemblable que des crimes allaient être perpétrés dans

4 le cadre de l'exécution de ses ordres. Par ces motifs, la Chambre

5 d'appel conclut qu'aucun juge du fait ne saurait raisonnablement conclure

6 que la responsabilité de l'appelant est engagée en vertu de l'Article 7(1)

7 du statut pour les crimes commis en avril 1993 à Kiseljak.

8 Les moyens de preuve supplémentaires présentés en appel confirment que les

9 termes utilisés dans le document D300 n'évoquent pas forcément les concepts

10 d'élimination ou de transferts forcés.

11 En ce qui concerne les attaques de juin 1993 à Kiseljak, la Chambre d'appel

12 observe que lorsqu'elle a conclu que l'appelant avait donné l'ordre de

13 procéder à ces attaques, la Chambre de première instance n'a fait référence

14 à aucun élément de preuve allant dans ce sens. On ne trouve en effet dans

15 le dossier, aucun élément montrant que l'appelant a ordonné ces attaques.

16 La Chambre d'appel estime qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement

17 conclure au-delà de tout doute raisonnable, que l'appelant avait ordonné

18 les attaques de juin 1993 à Kiseljak. En conséquence, il n'y a pas lieu de

19 se demander si l'appelant savait qu'il était très vraisemblable que des

20 crimes allaient être commis. La Chambre d'appel conclut donc qu'aucun juge

21 du fait ne saurait raisonnablement conclure que l'appelant voit sa

22 responsabilité engagée au titre de l'Article 7(1) du statut pour les crimes

23 commis à Kiseljak en juin 1993.

24 La Chambre d'appel constate de plus qu'on ne trouve dans le jugement aucune

25 discussion sur la responsabilité de l'appelant au titre de l'Article 7(3)

Page 891

1 du statut pour des crimes commis en avril et juin 1993. En conséquence, la

2 Chambre d'appel conclut qu'aucune conclusion n'a été rendue en vertu de

3 l'Article 7(3) au sujet des attaques de juin 1993 à Kiseljak, et se refuse

4 à examiner la question plus avant.

5 Le moyen d'appel suivant porte sur les erreurs alléguées afférentes à la

6 responsabilité de l'appelant pour les crimes liés à la détention. Le

7 jugement de la Chambre de première instance a examiné les chefs

8 d'accusation 15 à 20 du deuxième acte d'accusation modifié dans un chapitre

9 intitulé "crimes liés à la détention", car ils touchent tous à la privation

10 de liberté.

11 En ce qui concerne les chefs d'accusation 15 et 16, à savoir, les chefs

12 d'accusation portant sur les traitements cruels et inhumains, la Chambre de

13 première instance a considéré l'appelant coupable en vertu de l'Article

14 7(3) du statut, des crimes commis dans différents établissements de

15 détention ainsi que des crimes associés au fait de creuser des tranchées en

16 application de l'Article 7(1) du statut.

17 La Chambre d'appel considère que le texte du jugement en première instance

18 n'est pas suffisamment clair sur la justification de la Chambre de première

19 instance pour parvenir à la conclusion suivant laquelle l'appelant avait

20 donné l'ordre des détentions. Il s'agit d'une conclusion dégagée par

21 extrapolation. Par conséquent, la Chambre d'appel estime qu'aucun juge du

22 fait n'aurait pu raisonnablement conclure que l'appelant a donné l'ordre

23 relatif aux détentions, et la conclusion de la Chambre de première instance

24 est annulée.

25 La Chambre de première instance a également considéré en application de

Page 892

1 l'Article 7(1) du statut, que l'appelant était coupable d'avoir donné

2 l'ordre aux détenus de creuser des tranchées ainsi que du traitement dont

3 ils ont souffert par voie de conséquence. La Chambre d'appel constate que

4 le fait d'utiliser des personnes ne prenant aucune part active aux

5 hostilités, et ce, afin de préparer des fortifications militaires qui

6 seront utilisées lors d'opérations et contre les forces avec qui ces

7 personnes s'identifient ou compatissent, représente une attaque sérieuse

8 contre la dignité humaine, est une cause de souffrance ou de blessure

9 mentale grave et suivant les circonstances physiques, que tout ordre

10 destiné à forcer des personnes qui ne prennent aucune part active aux

11 hostilités à creuser des tranchées ou à préparer d'autres installations

12 militaires constitue un traitement cruel dans de telles circonstances.

13 Par conséquent, la Chambre d'appel estime qu'aucun juge du fait

14 n'aurait pu raisonnablement conclure que l'appelant a violé les lois ou

15 coutumes de guerre en application de l'Article 3 du statut et est coupable

16 au titre du chef d'accusation 16 d'avoir donné l'ordre d'utiliser les

17 détenus afin qu'ils creusent des tranchées.

18 De surcroît, la Chambre de première instance a été d'avis que l'appelant,

19 en ordonnant le travail forcé, a, en connaissance de cause, pris le risque

20 que ses soldats puissent commettre des actes violents contre des détenus

21 vulnérables. La Chambre d'appel observe qu'il n'y a pas suffisamment de

22 preuves dont pourrait émaner la conclusion au-delà de tout doute

23 raisonnable, que l'appelant a donné l'ordre d'utiliser les détenus afin de

24 creuser des tranchées, en ayant conscience de la probabilité considérable

25 que des crimes seraient commis lors de l'exécution de ces ordres. Au

Page 893

1 contraire, alors qu'il existe des preuves que l'appelant a donné l'ordre

2 que des tranchées soient creusées par des détenus dans des cas précis, les

3 moyens de preuve ne permettent pas de prouver au-delà de tout doute

4 raisonnable que l'appelant a ordonné que les tranchées soient creusées, et

5 qu'il savait qu'il était vraisemblable que les crimes seraient commis. Par

6 conséquent, l'appelant n'est pas coupable des chefs d'accusation 15 et 16

7 au terme de l'Article 7(1) du statut pour les crimes associés au fait de

8 creuser des tranchées.

9 La Chambre d'appel considère que la Chambre de première instance a conclu

10 que l'appelant connaissait les circonstances et conditions de détention des

11 Musulmans dans les établissements, et de toute façon, n'a pas exercé la

12 diligence nécessaire et raisonnable dans l'accomplissement de ses devoirs.

13 Les moyens de preuve présentés en première instance démontrent que

14 l'appelant savait parfois que des Musulmans de Bosnie,

15 non-combattants, subissaient des sévices dans des établissements de

16 détention. En outre, la Chambre d'appel a étudié des éléments de preuve du

17 dossier de première instance indiquant que des détenus se trouvaient dans

18 des endroits proches du quartier général de l'appelant à Vitez, à savoir,

19 le centre culturel de Vitez où se trouve le cinéma et le poste vétérinaire

20 de Vitez.

21 La Chambre d'appel conclut que tout juge du fait aurait pu raisonnablement

22 conclure au-delà de tout doute raisonnable que l'appelant savait que des

23 détenus avaient été placés en toute illégalité dans deux établissements, à

24 savoir, le centre culturel de Vitez où se trouve le cinéma et le poste

25 vétérinaire de Vitez, et qu'il savait que les conditions de leur détention

Page 894

1 avaient été illicites. Cette conclusion n'a pas été contredite par les

2 moyens de preuve admis en appel.

3 La Chambre d'appel est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que

4 l'appelant, en dépit de sa connaissance de crimes liés à la détention

5 commis au centre culturel de Vitez et au poste vétérinaire de Vitez, a omis

6 de punir ses subordonnés responsables sur qui il était en mesure d'exercer

7 un contrôle effectif, et a omis de présenter un rapport relatif aux

8 infractions dont il était conscient aux autorités compétentes. En

9 conséquence, l'appelant est coupable conformément au chef d'accusation 15,

10 de violations graves des conventions de Genève, traitements inhumains, en

11 vertu de l'Article 2(b) et de l'Article 7(3) du statut.

12 En ce qui concerne les chefs d'accusation 17 et 18, la Chambre de première

13 instance a reconnu l'appelant coupable de prise d'otages; premièrement, aux

14 fins d'échanges de prisonniers, et deuxièmement, aux fins de dissuasion des

15 opérations militaires de l'ABiH contre le HVO.

16 La Chambre de première instance a observé que l'appelant n'a pas donné

17 l'ordre pour que des otages soient pris ou utilisés, mais que certains

18 détenus "étaient menacés de mort" afin d'empêcher la progression de l'ABiH

19 sur Vitez, et que l'appelant était responsable du fait d'avoir ordonné la

20 défense de Vitez.

21 La Chambre d'appel considère que la responsabilité criminelle de l'appelant

22 ne résulte pas du choix illicite d'aucuns pour exécuter son ordre légitime.

23 Il n'y a pas nécessairement de lien de causalité entre un ordre de défense

24 d'une position et la prise d'otages. La Chambre de première instance a eu

25 tort de le déduire.

Page 895

1 La conclusion de la Chambre de première instance n'est pas étayée par les

2 moyens de preuve. Aucun juge de fait n'aurait pu raisonnablement parvenir à

3 ladite conclusion. Les conclusions de la Chambre de première instance

4 relatives à la prise d'otages sont annulées.

5 Pour ce qui est des chefs d'accusation 19 et 20, la Chambre de première

6 instance a estimé que l'appelant avait donné l'ordre d'utiliser les détenus

7 comme boucliers humains pour protéger son quartier général à l'hôtel Vitez

8 le 20 avril 1993, ce qui a infligé aux personnes concernées des souffrances

9 mentales considérables.

10 L'utilisation de prisonniers de guerre ou de détenus civils comme boucliers

11 humains est interdite par les dispositions des conventions de Genève, et

12 peut constituer un traitement inhumain ou cruel en application

13 respectivement de l'Article 2 et de l'Article 3 du statut où se trouvent

14 les autres éléments de ces crimes. L'utilisation de détenus protégés comme

15 boucliers humains représente une violation des dispositions des conventions

16 de Genève indépendamment du fait que ces boucliers humains aient été

17 effectivement attaqués ou qu'il y ait eu atteinte à leur intégrité physique

18 ou morale. En effet, l'interdiction vise à protéger les détenus pour qu'ils

19 ne soient pas exposés au risque d'atteinte à leur intégrité physique et

20 mentale, et non seulement pour qu'ils ne soient pas exposés à l'atteinte à

21 leur intégrité physique et morale. Dans la mesure où la Chambre de première

22 instance a considéré l'intensité des bombardements de Vitez le 20 avril

23 1993, cette considération était superflue à une analyse d'une infraction

24 aux dispositions des conventions de Genève, mais peut être pertinente pour

25 déterminer si l'utilisation de détenus protégés comme boucliers humains

Page 896

1 représente un traitement inhumain aux fins de l'Article 2 du statut.

2 La Chambre de première instance n'a été saisie d'aucun moyen de preuve lui

3 permettant de conclure que l'appelant a concrètement donné l'ordre

4 d'utiliser les détenus comme boucliers humains. La Chambre d'appel constate

5 que le raisonnement suivi par la Chambre de première instance pour conclure

6 à la responsabilité de l'appelant pour avoir concrètement ordonné

7 l'utilisation de détenus civils comme boucliers humains est défectueux. Une

8 conclusion portant sur les faits suivant laquelle des détenus ont été

9 utilisés comme boucliers humains lors d'une occasion précise, n'aboutit pas

10 à la conclusion que l'appelant ait donné l'ordre positif de le faire.

11 Une condamnation au titre de l'Article 7(1) ne se limite pas toutefois à

12 l'acte positif de donner des ordres. La Chambre d'appel remarque que

13 l'appelant a été inculpé dans le deuxième acte d'accusation modifié pour

14 avoir, par le truchement d'actes et d'omissions planifiés, incité à

15 commettre, ordonner ou de toute autre manière, aider ou encourager à

16 planifier, préparer ou exécuter les traitements illicites et inhumains de

17 Musulmans de Bosnie. Par conséquent, le deuxième acte d'accusation modifié

18 met à juste titre l'appelant en accusation pour d'autres formes de

19 participation en sus de l'acte positif consistant à donner des ordres, et

20 ce, conformément à l'Article 7(1) du statut. Il convient de préciser

21 notamment, que la responsabilité criminelle pour omission en application de

22 l'Article 7(1) du statut est envisagée expressément par le deuxième acte

23 modifié, par le deuxième acte d'accusation modifié.

24 La Chambre d'appel considère que l'utilisation de détenus comme

25 boucliers humains a représenté une atteinte à leur intégrité mentale ainsi

Page 897

1 qu'une attaque sérieuse à la dignité humaine, et conclut que la

2 condamnation de l'appelant pour l'utilisation de boucliers humains,

3 conformément au chef d'accusation 19, était exact quant au fond. Néanmoins,

4 en l'absence d'élément de preuve indiquant qu'il a donné l'ordre positif

5 d'utiliser des boucliers humains, la responsabilité criminelle de

6 l'appelant est exprimée en bonne et due forme comme une omission en

7 application de l'Article 7(1) tel qu'indiqué dans le deuxième acte

8 d'accusation modifié. En conséquence, la Chambre d'appel conclut que les

9 éléments qui constituent le crime de traitement inhumain ont été trouvés,

10 et que, conformément à

11 l'Article 7(1), l'appelant est coupable des traitements inhumains des

12 détenus provoqués par leur utilisation en tant que boucliers humains, en

13 application de l'Article 2(b) du statut.

14 Le dernier moyen d'appel est l'appel contre la sentence. La Chambre de

15 première instance a condamné l'appelant à une peine de

16 45 ans de prison. L'appelant a interjeté appel de cette sentence.

17 L'appelant avance que la sentence qui lui a été imposée devrait être

18 annulée.

19 Lors de jugement précédent, la Chambre d'appel a mis en exergue le fait que

20 la décision relative à la sentence est une décision discrétionnaire, et

21 qu'il n'est pas opportun d'établir une liste définitive de principes

22 directeurs relatifs à la sentence. La décision relative à la peine doit

23 toujours être prise en fonction des faits afférents à chaque affaire

24 particulière et la culpabilité individuelle de l'auteur des crimes.

25 En l'espèce, la Chambre d'appel a entendu plusieurs arguments présentés par

Page 898

1 l'appelant contre la sentence de la Chambre de première instance. Ces

2 arguments ont été pris en considération dans le jugement de la Chambre

3 d'appel, mais ne seront pas abordés pour l'essentiel lors de cette audience

4 par souci de brièveté.

5 Toutefois, la Chambre d'appel considère qu'il était erroné de la part de la

6 Chambre de première instance d'avancer que, et je

7 cite : "Il n'est pas possible d'identifier quels faits seraient concernés

8 par les différents chefs d'accusation que ceux supportant la poursuite et

9 la condamnation au titre du chef d'accusation

10 numéro 1, persécution." Etant donné qu'il n'est pas possible d'identifier

11 quels faits seraient concernés par les différents chefs d'accusation, il

12 n'est pas non plus possible d'aboutir à différentes condamnations. Soit une

13 personne accusée est coupable de différents crimes constitués par

14 différents éléments qui peuvent parfois se chevaucher, mais jamais

15 entièrement. Soit l'accusé est condamné pour le crime comportant les

16 éléments les plus spécifiques, et les autres chefs d'accusation où ces

17 éléments font l'objet de répétition sont rejetés comme étant cumulatifs, ce

18 qui n'est pas permis. La Chambre d'appel conclu que le raisonnement de la

19 Chambre de première instance comporte une erreur de droit. La Chambre de

20 première instance a également commis une erreur en ne parvenant pas à

21 considérer les remords réels et sincères de l'appelant comme une

22 circonstance atténuante et en considérant son intention de discrimination

23 comme un facteur aggravant, compte tenu de sa condamnation pour

24 persécution.

25 La Chambre d'appel a fait droit à une partie de l'appel de l'appelant

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1 contre sa sentence. Dans ce cas d'espèce, toutefois, l'application des

2 critères établis pour la révision de la sentence ne serait pas opportune.

3 Dans le cadre de cet appel, la Chambre d'appel est amenée, non pas

4 simplement à affirmer ou à réviser la sentence imposée par la Chambre de

5 première instance, mais plutôt à prononcer une nouvelle sentence. Au lieu

6 de réviser la sentence de la Chambre de première instance, la Chambre

7 d'appel va la remplacer par sa propre sentence motivée sur la base de ses

8 propres conclusions, fonction que la Chambre d'appel considère pouvoir

9 assumer dans cette affaire sans renvoyer l'affaire à la Chambre de première

10 instance.

11 La Chambre d'appel remarque qu'aucune preuve n'a été présentée pour

12 suggérer la mauvaise conduite de l'appelant, mais que plusieurs témoins ont

13 insisté sur sa bonne moralité, son traitement équitable des Musulmans de

14 Bosnie, à la fois avant et pendant la guerre, son absence de partialité

15 contre les Musulmans de Bosnie et son professionnalisme en tant que soldat.

16 Des preuves relatives au respect qu'éprouvaient pour lui ces opposants de

17 l'ABiH ont aussi été avancées, et plusieurs témoins ont attesté qu'il

18 s'agissait d'un homme de devoir. De plus, l'appelant est père de jeunes

19 enfants.

20 Lors de sa discussion des facteurs pertinents à la sentence, la Chambre

21 d'appel a identifié les facteurs suivants comme des facteurs aggravants

22 prouvés au-delà de tout doute raisonnable : (i) la position de l'accusé en

23 tant que colonel du HVO et sa position en tant que commandant des forces

24 régionales dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale; et (ii) le fait

25 que de nombreuses victimes des crimes dont a été jugé coupable l'appelant

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1 étaient des civils.

2 En tant que circonstances atténuantes prouvées sur la base de l'hypothèse

3 la plus probable, nous avons dans un premier temps : (i) la reddition

4 volontaire de l'appelant au Tribunal international; (ii) ses remords

5 exprimés de façon sincère et véritable; (iii) sa bonne moralité et

6 l'absence de casier judiciaire préalable; (iv) sa bonne conduite pendant le

7 procès et lors de sa détention; (v) ses circonstances personnelles et

8 familiales, notamment son mauvais état de santé; (vi) le fait qu'il a été

9 détenu pendant plus de huit ans en attendant le verdict final; et (vii) ses

10 circonstances particulières au début de la guerre et durant cette dernière.

11 L'Article 87(C) stipule qu'une Chambre peut décider d'exercer son pouvoir

12 d'imposer une sentence unique en tenant compte de la totalité de la

13 conduite criminelle de l'accusé, et la Chambre d'appel décide d'imposer une

14 sentence unique dans cette affaire, étant donné que la conduite criminelle,

15 pour laquelle il a été condamné, fait partie d'un comportement général

16 similaire et s'est produite dans un contexte temporel limité.

17 Je vais maintenant vous donner lecture des paragraphes du dispositif du

18 jugement de la Chambre d'appel, donc du dispositif dans son intégralité.

19 Monsieur Blaskic, veuillez vous lever, je vous prie.

20 [L'appelant se lève]

21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Voici le dispositif.

22 Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'Article 25 du

23 statut et des Articles 117 et 118 du règlement;

24 Vu les écritures respectives des parties et leurs exposés aux audiences des

25 16 et 17 décembre 2003;

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1 Siégeant en audience publique;

2 Rejette le moyen d'appel soulevé par l'appelant relatif à la violation du

3 droit à une procédure régulière;

4 Accueille, à la majorité, le Juge Weinberg de Roca étant en désaccord, le

5 moyen d'appel soulevé par l'appelant concernant sa responsabilité pour les

6 crimes commis à Ahmici, Santici, Pirici, et Nadioci, le 16 avril 1993,

7 annule les déclarations de culpabilité prononcées à son encontre en

8 application de l'article 7(1) du statut pour ces crimes, chefs 1, 3, 4, 5,

9 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, et annule les déclarations de culpabilité

10 prononcées à son encontre en application de l'article 7(3) du statut pour

11 ces crimes, chefs 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14;

12 Accueille, à l'unanimité, le moyen d'appel soulevé par l'appelant

13 concernant sa responsabilité pour les crimes commis dans la municipalité de

14 Vitez ailleurs qu'à Ahmici, Santici, Pirici, et Nadioci, en avril, juillet,

15 et septembre 1993, annule les déclarations de culpabilité prononcées à son

16 encontre en application de l'Article 7(1) du statut pour ces crimes, chefs

17 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, et 14, et annule les déclarations

18 de culpabilité prononcées à son encontre en application de l'Article 7(3)

19 du statut pour ces crimes, chefs 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, et

20 14;

21 Accueille, à l'unanimité, le moyen d'appel soulevé par l'appelant

22 concernant sa responsabilité pour les crimes commis à Loncari et Ocehnici

23 dans la municipalité de Busovaca en avril 1993, annule les déclarations de

24 culpabilité prononcées à son encontre en application de l'Article 7(1) du

25 statut pour ces crimes, chefs 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, et

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1 14, et dit que la Chambre de première instance n'a tiré aucune conclusion

2 en application de l'Article 7(1) du statut concernant les attaques lancées

3 en janvier 1993 à Busovaca, pas plus qu'elle n'en a tirées en application

4 de l'Article 7(3) du statut concernant les crimes commis à Loncari et à

5 Ocehnici en avril 1993;

6 Accueille, à l'unanimité, le moyen d'appel soulevé par l'appelant

7 concernant sa responsabilité pour les crimes commis en avril 1993 à

8 Kiseljak, annule la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre en

9 application de l'Article 7(1) du statut pour ces crimes, chefs 1, 3, 4, 5,

10 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, et 14, et dit que la Chambre de première

11 instance n'a tiré aucune conclusion en application de l'Article 7(3) du

12 statut concernant ces crimes;

13 Accueille, à l'unanimité, le moyen d'appel soulevé par l'appelant

14 concernant sa responsabilité pour des crimes liés à la détention, dans la

15 mesure où il est fait droit à l'appel interjeté contre les déclarations de

16 culpabilité prononcées en application de l'Article 7(1) du statut sous les

17 chefs 17, 18 et 20, et annule des déclarations de culpabilité prononcées à

18 son encontre sous ces chefs;

19 Confirme, à l'unanimité, les déclarations de culpabilité prononcées à

20 l'encontre de l'appelant pour, premièrement, les crimes liés à la détention

21 commis dans les établissements de détention en question, en application de

22 l'Article 7(3) du statut, chef 15; deuxièmement, le fait d'avoir ordonné le

23 recours à des personnes protégées pour construire des installations

24 militaires de défense en application de l'Article 7(1) du statut, chef 16;

25 et troisièmement, les traitements inhumains infligés aux détenus du fait de

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1 leur utilisation comme boucliers humains en application de l'Article 7(1)

2 du statut, chef 19, et dit que la Chambre de première instance n'a tiré

3 aucune conclusion en application de l'Article 7(3) du statut pour ce qui

4 est du recours à des personnes protégées pour construire des installations

5 militaires de défense, chefs 15 et 16, de la prise d'otages, chefs 17 et

6 18, ou des traitements inhumains infligés aux détenus, du fait de leur

7 utilisation comme boucliers humains,

8 chef 19 et 20;

9 Rejette, pour le surplus, l'appel interjeté par l'appelant contre les

10 déclarations de culpabilité prononcées à son encontre;

11 Accueil partiellement, à l'unanimité, le moyen d'appel soulevé par

12 l'appelant contre la peine, et fixe, à la majorité, le Juge Weinberg de

13 Roca étant en désaccord, une nouvelle peine;

14 Condamne l'appelant à une peine de neuf années d'emprisonnement à compter

15 de ce jour, la durée de la période passée en détention préventive, soit du

16 1er avril 1996 à ce jour, étant à déduire de la durée totale de la peine en

17 application de l'Article 101(C) du règlement;

18 Ordonne, en application des Articles 103(C) et 107 du règlement, que

19 l'appelant reste sous la garde du Tribunal international jusqu'à ce que

20 soient arrêtées les dispositions nécessaires pour son transfert vers l'état

21 dans lequel il purgera sa peine.

22 Le présent arrêt est signé par les Juges Mumba, Guney, Schomburg, Weinberg

23 de Roca et moi-même ce jour 29 juillet 2004 à La Haye, Pays Bas.

24 Le Juge Schomburg joint une opinion individuelle relative à la peine.

25 Le Juge Weinberg de Roca joint une opinion partiellement dissidente.

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1 Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, distribuer des copies de

2 l'arrêt aux parties.

3 Monsieur l'Accusé, vous pouvez vous asseoir.

4 [L'appelant s'assoit]

5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ceci met un terme à l'audience.

6 L'audience est levée.

7 --- Le Jugement en appel est levé à 10 heures 49.

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