Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 727

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Mardi 22 juillet 1997

5

6 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

7 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

8 M. le Président. - Avant de reprendre l'audience, je demanderai

9 à M. Mark Harmon de venir ainsiqu' à l'un des avocats de la défense, ou

10 les deux, Me Hayman ou Me Nobilo, pour un point d'organisation que je

11 voudrais tenir à huis clos. Donc si cela ne vous dérange pas de venir...

12 (Les juges se consultent sur le siège avec un conseil de

13 l'accusation et un conseil de la défense.)

14 M. le Président. - Nous pouvons reprendre notre audience

15 publique. Monsieur l'huissier, vous pouvez faire entrer le témoin,

16 M. Donia.

17 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

18 M. le Président. - Monsieur Donia, bonjour. M'entendez-vous ?

19 M. Donia (interprétation). - Oui, Monsieur. Bonjour.

20 M. le Président. - Vous êtes-vous reposé ?

21 M. Donia (interprétation). - Oui Monsieur.

22 M. le Président. - Maître Hayman, c'est à vous.

23 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

24 Monsieur Donia, bonjour. Permettez moi de revenir au sujet sur

25 lequel nous sommes restés hier soir. Il s'agissait de la pièce D/6 : un

Page 728

1 document intitulé Communiqué conjoint ou Déclaration conjointe.

2 Etes-vous au courant d'un quelconque accord entre ces parties

3 qui serait intervenu avant avril 1993, accord par lequel, en substance,

4 les parties se seraient mises d'accord sur l'un quelconque de ces six

5 points ?

6 M. Donia (interprétation) - Le 24 mars 1993 à New York, selon

7 Lord Owen, le Président Izetbegovic et M. Boban, ont tenu une réunion de

8 cinq heures à l'issue de laquelle ils ont conclu un accord intérimaire

9 après que M. Izetbegovic ait été menacé par M. Boban de la dissolution de

10 leur alliance militaire d'alors.

11 M. Hayman (interprétation) - Savez-vous s'il y a eu d'autres

12 accords passés ce 24 mars ? Etes-vous au courant d'autres accords

13 antérieurs à avril 1993, accords par lesquel un de ces points repris dans

14 la pièce D/6 aurait fait l'objet d'un accord entre les parties ?

15 M. Donia (interprétation) - Il a été question d'un accord entre

16 le Président Izetbegovic, d'une part, et le Président Tudjman et M. Boban

17 d'autre part, à Zagreb. Cela remonte au 28 mars. Cet accord portait

18 exclusivement sur un commandement conjoint.

19 M. Hayman (interprétation) - Ceci porte-t-il sur le point 3 ou

20 sur le point 4 de la pièce D/6 ?

21 M. Donia (interprétation) - En fait, c'est identique au point

22 numéro 4.

23 M. Hayman (interprétation) - Après la date du 2 avril 1993,

24 quand peut-on situer le premier accord entre les parties qui manifeste un

25 accord sur un quelconque de ces six points de la pièce D/6 ?

Page 729

1 M. Donia (interprétation) - Je ne sais pas. Je ne connais pas

2 véritablement la date de ce document.

3 M. Hayman (interprétation) - Serait-ce avril 1993 ?

4 M. Donia (interprétation) - Non.

5 M. Hayman (interprétation) - Avec l'aide de l'huissier,

6 j'aimerais montrer un document au témoin. Celui-ci a été fourni aux

7 interprètes et je pense qu'ils ont eu l'occasion de l'examiner sans pour

8 autant en fournir une traduction écrite.

9 (Distribution des documents aux membres du Tribunal.)

10 Veuillez prendre un petit instant pour examiner le document. Ce

11 faisant, pourrait-on en faire une traduction à vue ?

12 M. le Président - De quel passage, Maître Hayman, voulez-vous

13 faire faire la traduction à vue que je demanderai de ne pas faire trop

14 rapide ?

15 M. Hayman (interprétation) - L'introduction, le paragraphe n° 2

16 de la déclaration conjointe, les paragraphes n° 3 et 5, et les annexes

17 "enclosures", soit cinq petits paragraphes

18 Interprétation :

19 "M. Alija Izetbegovic et M. Mate Bodan, lors de la réunion

20 organisée à Zagreb le 24 avril 1993 par le co-président de la Conférence

21 internationale sur l'ex-Yougoslavie, Lord David Owen, et le Président de

22 la République de Croatie, M. Franjo Tudjman, en la présence des

23 Ambassadeurs Peter Hall, Herbert Hokun, Peter Hahrens, des Brigadiers

24 John Wilson, Messervy-Whithing, de MM. Frederick Heckhard, Ludlow..." -

25 sont ainsi citées toute une série de personnes ayant participé à la

Page 730

1 réunion. C'est ce qui constitue le premier paragraphe de l'annexe.

2 "Déclaration conjointe : "Conformément à l'accord conclu entre

3 MM. Alija Izetbegovic et Haris Silajdzic, M. Mate Boban et Mile Akmadjic

4 conclu le 3 mars 1993 à New York, les six membres du Comité de coordinatio

5 -à savoir M. Izetbegovic, M. Ejup Ganic et M. Fikret Abdic, ainsi que

6 M. Mate Boban, M. Mile Akmadic et M. Franjo Boras- vont commencer à

7 travailler dans les meilleurs délais. Cet instance de coordination

8 oeuvrera à la mise en oeuvre du Plan Vance-Owen dans toute la mesure du

9 possible étant donné le caractère des dispositions et les circonstances

10 actuelles.

11 "Paragraphe 2. Etant donné les nouveaux conflits entre les deux

12 armées -l'armée de Bosnie-Herzégovine et le Conseil croate de Défense- en

13 Bosnie centrale et dans d'autres parties de la République de

14 Bosnie-Herzégovine, conflits qui ont causé beaucoup de morts et ont

15 entraîné des violations graves du Droit international humanitaire,

16 présentant la menace de conséquences politiques extrêmes, les signataires

17 de cette Déclaration conjointe ordonnent, par la présente, à toutes les

18 unités militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du Conseil croate de

19 la Défense HVO, de cesser le feu immédiatement et d'arrêter toute

20 hostilité dans toutes les régions où de telles unités militaires seraient

21 en conflit.

22 "Paragraphe 3. Les signataires de la Déclaration conjointe

23 enjoignent les commandants et les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine

24 et du Conseil croate de Défense (HVO) à respecter de façon

25 inconditionnelle tous les accords conclus à cette date entre les

Page 731

1 représentants des communautés croate et musulmane en République de Bosnie-

2 Herzégovine. En particulier, les signataires enjoignent les unités

3 militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du Conseil croate de la

4 Défense à commencer sur-le-champ à mettre en oeuvre l'accord portant sur

5 la légalité, tant de l'armée de Bosnie-Herzégovine que du HVO et portant

6 aussi sur l'établissement d'une structure conjointe de commandement pour

7 les deux forces constituées de représentants des deux quartiers-généraux

8 (voir annexe n°°5).

9 Les signataires de la Déclaration conjointe condamnent avec la

10 plus grande sévérité toutes les violations du droit international

11 humanitaire, quels que soient les auteurs des infractions commises, les

12 deux côtés ayant été responsables, d'après les données obtenues jusqu'à

13 présent. Les signataires enjoignent également d'entreprendre, sur-le-

14 champ, des enquêtes conjointes et individuelles en ce qui concerne tous

15 les cas de violation de tels droits, violations qui ont été commises, et

16 enjoignent également à examiner sans plus tarder la question de la

17 responsabilité personnelle encourue lors de ces conflits et de la

18 perpétration des crimes contre la population civile.

19 Les signataires conviennent également que les faits doivent être

20 établis par une commission internationale indépendante spéciale prévue à

21 cet effet.

22 Paragraphe 6 : Les signataires enjoignent qu'il soit mis fin aux

23 accusations mutuelles menant à une guerre des médias.

24 Les annexes contiennent cinq points.

25 "Premier point : les armées de Bosnie-Herzégovine et du HVO

Page 732

1 garderont leur identité séparée et leurs structures de commandement. Les

2 fonctions incluront tous les aspects de la logistique, du personnel, de

3 l'administration, de la formation, du moral des troupes et de l'identité.

4 Point 2 : Ils constitueront un commandement conjoint qui sera

5 responsable du contrôle opérationnel des districts militaires.

6 Point 3 : Le commandement coinjoint se composera des deux

7 commandants en chef, le Général Halilovic et le Général Petkovic, qui se

8 rencontreront de façon régulière au moins une fois par semaine. Ils

9 constitueront une structure conjointe permanente de commandement ayant un

10 siège situé à Travnik et se composant au moins de trois officiers de haut

11 rang nommés par chaque commandant en chef. Ces officiers travailleront

12 ensemble de façon continue afin de préparer et de contrôler les opérations

13 de toutes les unités des armées de Bosnie-Herzégovine et du HVO.

14 Point 4 : Les deux commandants en chef constitueront des

15 districts militaires sous l'égide du commandement conjoint dont les zones

16 d'affectation auront trait aux besoins opérationnels nécessités par les

17 opérations conjointes et ne seront pas déterminées par des confins des

18 provinces provisoires. Il n'y aura pas de chevauchement entre ces

19 différentes zones. Chaque district militaire aura un commandant et un

20 commandant adjoint désignés par le commandement conjoint. Dans chaque cas,

21 il y aura une personne provenant de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, et

22 l'autre viendra du HVO.

23 Point 5 : Chaque district militaire exercera le contrôle

24 opérationnel sur toutes les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du

25 HVO dans cette région déterminée." (Suivent les signatures).

Page 733

1 M. le Président - Merci.

2 M. Hayman (interprétation) - Monsieur Donia, vous avez examiné

3 ce document avec moi. Conviendrez-vous qu'au paragraphe 2 de la première

4 page, sous l'intitulé "Déclaration conjointe", et plus précisément à la

5 dernière phrase, à propos d'un cessez-le-feu des hostilités, cela

6 ressemblerait au point 5 de la pièce D/6, la Déclaration conjointe.

7 M. Donia (interprétation) - Oui, tout à fait.

8 M. Hayman (interprétation) - En haut de la page suivante, où se

9 poursuit le paragraphe 3 de la Déclaration conjointe, j'appelle votre

10 attention une fois de plus sur la dernière phrase, et ce à deux titres :

11 d'abord une instruction pour la mise en oeuvre immédiate de l'accord sur

12 la légalité, tant de l'armée de Bosnie-Herzégovine que celle du HVO.

13 A quoi est-il fait référence ? Le savez-vous ?

14 M. Donia (interprétation) - Non.

15 M. Hayman (interprétation) - Phrase suivante : autre instruction

16 ou accord sur l'établissement d'une structure conjointe de commandement

17 des deux forces constituées de représentants des deux quartiers-généraux.

18 Conviendrez-vous que cela reprend tous les ingrédients essentiels du

19 point 4 de la pièce D/6 ?

20 M. Donia (interprétation) - Il n'y a pas de date butoir

21 mentionnée pour cette création, mais effectivement, c'est presque

22 identique au point 4.

23 M. Hayman (interprétation) - On parle aussi de la structure

24 conjointe.

25 M. Donia (interprétation) - Tout à fait.

Page 734

1 M. Hayman (interprétation) - J'appelle maintenant votre

2 attention sur la partie annexes (enclosures). Vers la fin de la première

3 colonne de la deuxième page, le paragraphe 3 dit que cette structure

4 permanente conjointe sera située à Stravnik. Le voyez-vous ? Savez-vous

5 s'il y a eu établissement de ce commandement conjoint à Stravnik ?

6 M. Donia (interprétation) - Je ne sais pas.

7 M. Hayman (interprétation) - Aux paragraphes 4 et 5,

8 conviendrez-vous là aussi -toujours dans les annexes- qu'en fait, le

9 contexte de ces deux paragraphes correspond au même accord, aux mêmes

10 éléments, consignés au point 3 de la pièce D/6 de cette Déclaration

11 conjointe ?

12 M. Donia (interprétation) - Excusez-moi, je vous demande une

13 petite seconde.

14 M. Hayman (interprétation) - Je reformule ma question. Sans

15 préciser quelle serait la force qu'aurait le commandement dans une partie

16 particulière du territoire, conviendrez-vous pour dire que les points 4

17 et 5 de la pièce D/8 représentent la même structure que ce qui est prévu

18 au paragraphe 3 de la pièce D/6, à savoir un commandement unifié pour les

19 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO ?

20 M. Donia (interprétation). - Il y a une contradiction entre

21 cette partie du point 4 dans l'annexe, qui dit : ces zones seront liées

22 aux besoins opérationnels et non pas aux confins des provinces

23 temporaires, et les détails donnés dans le point 2 du communiqué conjoint.

24 L'établissement d'un commandement commun, sous la responsabilité de ce

25 quartier général conjoint, me semble plutôt correspondre à la disposition

Page 735

1 du premier paragraphe du point 3.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous parlez de la pièce D/6 ?

3 M. Donia (interprétation). - C'est cela.

4 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous qu'au

5 paragraphe 4 de la pièce D/8, l'accord du 25 avril en l'occurrence, un

6 accord a été passé selon lequel les districts militaires seraient

7 identifiés.

8 M. Donia (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous aussi que chacun

10 de ces districts étaient censés avoir un commandant et un adjoint, l'un

11 venant du HVO et l'autre de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

12 M. Donia (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi que ces

14 deux commandements devaient avoir un commandement unifié sur toutes les

15 forces de l'armée de Bosnie Herzégovine et du HVO dans un district donné ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si, à partir du

18 25 avril 1993, le point 2 de la pièce D/6, appelée Communiqué conjoint en

19 français, était une question vraiment importante, une source de discorde

20 entre les parties en présence, la question concernant des forces dites

21 extérieures dans la région ?

22 M. Donia (interprétation). - C'était une question effectivement.

23 M. Hayman (interprétation). - Qu'en savez-vous ?

24 M. Donia (interprétation). - Je considère que ce fut une source

25 de tension entre le gouvernement et les Croates de Bosnie pendant

Page 736

1 plusieurs mois, après la signature du gouvernement bosniaque le 25 mars.

2 M. Hayman (interprétation). - A votre avis, qu'est-ce qui

3 divisaient les différentes parties à partir de cette date ?

4 M. Donia (interprétation). - C'était la question de savoir si

5 les forces armées et la police seraient séparées par les frontières fixées

6 par le plan Vance-Owen.

7 M. Hayman (interprétation). - Qu'entendez-vous par là ? Voulez-

8 vous dire que la question était de savoir si chaque force locale, dans un

9 canton ou une province, serait responsable ?

10 M. Donia (interprétation). - Oui, c'est cela.

11 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous toujours d'avis que

12 c'est une source de discorde à partir d'avril 1993 ?

13 M. Donia (interprétation). - C'est ainsi que je comprends les

14 choses en tout cas.

15 M. Hayman (interprétation). - Je vous demande un instant,

16 Monsieur le Président. Je reviendrai après la pause, Monsieur Donia, et si

17 vous aviez l'occasion pendant la pause d'examiner, vous aussi, les

18 dispositions du plan Vance-Owen arrêtées le 25 mars 1993, cela pourrait

19 être utile.

20 Je voudrais vous poser la question suivante. Pendant la

21 suspension, depuis hier, avez-vous eu l'occasion de parler à qui que ce

22 soit de la question de savoir si la pièce D/6 -ce communiqué conjoint- n'a

23 jamais fait véritablement l'objet d'un accord ? En d'autres termes, les

24 parties indiquées dans le communiqué conjoint sont-elles parvenues à un

25 accord ?

Page 737

1 M. Donia (interprétation). - Oui, j'ai eu l'occasion d'en parler

2 avec des représentants du bureau du Procureur. Je leur ai parlé de ce

3 communiqué conjoint qui date du 2 avril 1993 et je peux vous dire que je

4 suis parvenu aussi à une conclusion, quant à la deuxième partie de votre

5 question, à savoir la nature exacte de l'accord qui a été conclu.

6 M. Hayman (interprétation). - Le bureau du Procureur vous a-t-il

7 donné sa position ?

8 M. Donia (interprétation). - Non.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il dit ce qu'il croyait

10 concernant cette question ?

11 M. Donia (interprétation). - Je ne crois pas que le bureau du

12 Procureur ait une opinion. En tout cas, il ne m'a pas fait part d'une

13 opinion différente.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il communiqué des

15 documents ?

16 M. Donia (interprétation). - Il m'a communiqué des documents que

17 j'avais d'abord vus le 26 mai 1997, deux documents factuels portant sur

18 certains autres documents que vous m'avez montrés, dont ils avaient été

19 extraits. Je vous dirai que, de fait, j'avais vu ce document avant le

20 26 mai. Il s'agit d'un document qui fait 41 pages et 169 paragraphes.

21 M. Hayman (interprétation). - Donc, quand vous dites que des

22 extraits en ont été retirés, je pense que vous faites référence à environ

23 une vingtaine de pages et 168 paragraphes.

24 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement.

25 M. le Président. - Monsieur le Procureur, allez-y.

Page 738

1 M. Kehoe (interprétation). - J'objecte au fait que M. Hayman

2 parle ainsi. Hier, il a donné un paragraphe tiré d'un document de 41 pages

3 et comptant 169 paragraphes. Il utilise maintenant ce fait comme

4 explication et invoque le problème d'interprétation et de traduction pour

5 échapper à cette question.

6 M. Hayman (interprétation). - Les faits parlent pour eux-mêmes.

7 Puis-je poursuivre, Monsieur le Président ?

8 M. le Président. - Poursuivez.

9 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en train de nous dire,

10 Monsieur Donia, que vous vous êtes trompé hier quand vous avez dit que

11 vous n'aviez jamais vu la pièce D/7 ?

12 M. Donia (interprétation). - J'imagine que le numéro de la pièce

13 que vous donnez est le bon numéro. Effectivement, j'avais vu ce document

14 le 26 mars. C'était une petite partie d'un document beaucoup plus

15 important comme je viens de vous le dire.

16 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé à l'accusation, à

17 savoir si cette expurgation du document était une tentative de ma part de

18 vous tromper quant à la teneur du document ?

19 M. Donia (interprétation). - Non.

20 M. Hayman (interprétation). - Croyez-vous que j'ai tenté de vous

21 tromper ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré hier que vous

24 vous étiez d'abord concentré sur l'ultimatum, pièce D/6, au mois de mai de

25 cette année. Est-ce exact ?

Page 739

1 M. Donia (interprétation). - Non. Je crois avoir dit que fin mai

2 ou début juin, je me suis concentré sur cette pièce.

3 M. Hayman (interprétation). - C'était bien après que votre

4 ouvrage soit publié ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement, bien après.

6 M. Hayman (interprétation). - Les documents qui vous ont été

7 remis après ce moment vous ont amené à modifier votre opinion, quant à la

8 cause du conflit entre les Croates et les Musulmans, qui a éclaté en

9 avril 1993, en Bosnie centrale, n'est-ce pas ?

10 M. Donia (interprétation). - Peut-être pas mon opinion générale,

11 mais pour ce qui est des causes précises, oui. Je crois que je vois

12 beaucoup plus clair après avoir pris connaissance de ces documents.

13 M. Hayman (interprétation). - Votre opinion changerait-elle si

14 vous saviez qu'au moins un acteur, ayant une grande influence sur le

15 terrain, ne considérait pas la pièce D/6 comme un ultimatum ? Cela vous

16 amènerait-il à modifier votre opinion ? Je fais référence ici à un acteur

17 du côté du gouvernement bosniaque.

18 M. Donia (interprétation). - Peut-être. Je pense que tout

19 chercheur, tout historien doit être prêt à revoir ses conclusions sur la

20 base de nouveaux indices.

21 M. le Président. - Excusez-moi, Maître Hayman. Pouvez-vous

22 préciser votre question ? Vous parlez d'un acteur. Ou vous êtes précis ou

23 vous ne l'êtes pas. Pour le Tribunal, pouvez-vous reformuler votre

24 question en étant précis ? Il me paraît difficile pour les juges

25 d'assister à un dialogue entre initiés de cette manière. Donc je vous

Page 740

1 demande de préciser votre question.

2 M. Hayman (interprétation). - Je vais essayer, Monsieur le

3 Président. J'ai un document que je voudrais que l'on montre au témoin. Il

4 s'agit d'une partie d'une déclaration d'un témoin de l'accusation dont

5 l'identité ne peut être divulguée, même ici en audience publique du

6 Tribunal. Mais je voudrais que ce document soit montré au témoin et je

7 voudrais qu'il en lise le dernier paragraphe. J'aimerais également qu'une

8 traduction à vue soite faite du dernier paragraphe. Le traducteur dispose

9 de ce texte. Je voudrais que le témoin soit informé de la déclaration de

10 ce témoin pour qu'ensuite je puisse poser, comme question, si cet élément

11 nouveau amène le témoin à remettre en cause l'opinion dont il a fait déjà

12 part à la Cour.

13 M. le Président. - La pièce que vous voulez montrer est-elle

14 couverte par une quelconque obligation de discrétion, Maître Hayman ? Il

15 faut y prendre garde.

16 M. Hayman (interprétation). - Oui, elle est couverte par

17 l'obligation faite à la défense de ne pas divulguer l'identité de certains

18 témoins à charge, ni la teneur de leur déclaration, à moins que cela ne

19 soit nécessaire, par exemple pour une enquête. Je dis qu'en l'occurrence,

20 c'est nécessaire et le Tribunal peut donner toute instruction qu'il

21 souhaitera au témoin pour ce qui est de la confidentialité future de ce

22 document.

23 M. le Président. - Je crois qu'il faut entendre ce que veut dire

24 M. le Procureur d'abord.

25 M. Kehoe (interprétation). - Très franchement, Monsieur le

Page 741

1 Président, sans aller en audience à huis clos, je vois mal comment on peut

2 parler de ces questions de façon abstraite. Je ne suis pas sûr du témoin

3 dont il est question en l'occurrence. Il y a cinquante-trois témoins que

4 M. Hayman a essayé d'écarter, et je n'en sais pas plus que vous-même. Si

5 l'on veut procéder de cette façon, avant d'en arriver à ce point, je crois

6 qu'il est essentiel pour l'accusation et la Chambre de savoir qui est ce

7 témoin à huis clos.

8 (Les juges se consultent sur le siège.)

9 M. le Président. - Le Tribunal ordonne une private session. Ce

10 n'est pas un huis clos, mais cela va couper le son dans la galerie du

11 public. Comment peut-on faire techniquement ? Est-ce moi qui l'ordonne ou

12 vous ?

13 (L'audience se poursuit en séance privée.)

14 (Audience privée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 742

1

2

3

4

5

6

7

8

9 Pages 742 – 757 expurgées en audience à huis clos partiel

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20 (Fin du huis clos.)

21 (L'audience se poursuit en séance publique.)

22 M. le Président. - Monsieur le Greffier, nous ne sommes plus en

23 closed session ou en private session.C'est tout comme, si j'en juge par le

24 nombreux public qui a déserté. Si vous le voulez bien, Maître Hayman, sans

25 plus tarder, nous reprenons et nous essayons de terminer pour

Page 758

1 12 heures 45. Je vous le demande, étant entendu que cet après-midi nous

2 reprendrons à 15 heures, avec M. Donia encore, pour les questions que

3 souhaiteraient poser mes collègues ou moi-même.

4 M. Hayman (interprétation). - Nous essayons de terminer avec le

5 contre-interrogatoire, si vous le voulez bien.

6 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je intervenir un instant,

7 Monsieur le Président. J'aurais quelques questions à poser. Avec tout le

8 respect que je vous dois, j'aurai quelques questions à poser à M. Donia.

9 Je ne sais pas si je peux commencer avant vous ?

10 M. le Président. - Je le demanderai en délibéré avec mes

11 collègues. Vous avez tellement souhaité hier que le principe "un témoin-un

12 conseil" soit admis que cela mérite un délibéré avec mes collègues. Sinon,

13 il faut bien voir aussi que la défense demandera à répliquer. Il faut

14 garder raison. Monsieur le Procureur, nous en délibérerons avec mes

15 collègues.

16 M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi un commentaire. Voici

17 notre position, Monsieur le Président. Il est évident qu'à ce stade, nous

18 avons le fardeau de la preuve. C'est nous qui devons apporter la preuve.

19 Certains éléments ont été avancés par la défense dans son contre-

20 interrogatoire. Manifestement, il faut que nous tirions cela au clair, à

21 votre intention, pour que vous puissiez apprécier la situation.

22 M. Hayman (interprétation). - Pour autant que ce soit possible.

23 M. Kehoe (interprétation). - Je vous en prie.

24 (Consultation des juges sur le siège.)

25 M. le Président. - La confrontation de différents systèmes

Page 759

1 juridiques est enrichissante, mais ceci ralentit le cours des débats. Avec

2 mes collègues, conformément à une lecture de l'esprit et de la lettre de

3 l'article 85 du Règlement, nous avons décidé que la partie qui a appelé le

4 témoin à témoigner, dans ce cas à sa demande, a le droit de répliquer

5 effectivement, notamment sur des points nouveaux, c'est-à-dire que le

6 Procureur, en l'occurrence pour M. Donia -puisqu'il s'agit d'un témoin de

7 l'accusation- pourra répliquer pour apporter une réponse aux points

8 nouveaux qui auraient pu être apportés dans le débat.

9 En principe, cette même règle s'appliquera lorsqu'il s'agira

10 d'un témoin de la défense, c'est-à-dire que la défense ne pourra pas

11 répondre. Si, néanmoins, il y avait des éléments nouveaux du Procureur,

12 qui ne doit pas normalement intervenir pour apporter des charges

13 supplémentaires, par exemple, le Tribunal déciderait s'il y a lieu de

14 donner à nouveau la parole à la défense.

15 Mais le principe est établi que le témoin a été interrogé et

16 contre-interrogé par la défense et que le Procureur pourra répliquer

17 uniquement pour répondre à des points nouveaux.

18 Cela étant réglé, Maître Hayman, vous avez la parole.

19 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

20 Président. Monsieur Donia, avez-vous un emploi à temps plein à

21 Merryll Lynch ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous une fonction

24 particulière ?

25 M. Donia (interprétation). - Je suis le Vice-Président.

Page 760

1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des responsabilités de

2 gestion sur plusieurs personnes ?

3 M. Donia (interprétation). - Oui, sur un groupe.

4 M. Hayman (interprétation). - Quel groupe est-ce ?

5 M. Donia (interprétation). - C'est une entreprise de consultants

6 financiers.

7 M. Hayman (interprétation). - Combien avez-vous de personnes

8 sous vos ordres ?

9 M. Donia (interprétation). - Je dirais environ 85 personnes.

10 M. Hayman (interprétation). - C'est vraiment un temps plein. Le

11 titre de votre thèse de doctorat était : "Les Musulmans bosniaques en

12 transition : période 1878-1906". Est-ce exact ?

13 M. Donia (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Le texte portait presque

15 uniquement sur l'élite musulmane ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez terminé cette thèse

18 en 1976, n'est-ce pas ?

19 M. Donia (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Et de 1974 à 1975, étiez-vous

21 boursier Fullbright à Sarajevo ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - En fait, vous résidiez à

24 Sarajevo ?

25 M. Donia (interprétation). - Oui.

Page 761

1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu d'autres lieux de

2 résidence en Bosnie-Herzégovine, hormis Sarajevo, pendant cette période

3 197475, comme boursier Fullbright ?

4 M. Donia (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais vécu hors de

6 Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Donia (interprétation). - Non.

8 M. Hayman (interprétation). - Vous avez aussi publié un ouvrage

9 en 1981.

10 M. Donia (interprétation). - Le livre de 1981 était une vision

11 révisée de ma thèse.

12 M. Hayman (interprétation). - Et le titre était "L'islam sous

13 l'aigle bicéphal : les Musulmans en Bosnie-Herzégovine, 1878-1914".

14 M. Donia (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Donc vous êtes passé des dates que

16 vous aviez dans la thèse, soit 1904, à 1914 dans cet ouvrage ?

17 M. Donia (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous vous attachiez aussi à ce

19 qu'on appelait l'élite. Que faisiez-vous avant d'arriver chez

20 Merryll Lynch ?

21 M. Donia (interprétation). - J'étais professeur assistant

22 d'histoire à l'université de l'Etat de l'Ohio.

23 M. Hayman (interprétation). - Pendant combien de temps y êtes-

24 vous resté ?

25 M. Donia (interprétation). - Trois ans.

Page 762

1 M. Hayman (interprétation). - Quand êtes-vous arrivé chez

2 Merryll Lynch ?

3 M. Donia (interprétation). - En 1981.

4 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais été professeur ?

5 M. Donia (interprétation). - Non.

6 M. Hayman (interprétation). - En matière d'histoire, le travail

7 fait depuis ce temps a-t-il été ou non financé ?

8 M. Donia (interprétation). - Il a été financé.

9 M. Hayman (interprétation). - Entre 1994 et aujourd'hui, vous

10 vous étiez rendu sept fois en Bosnie-Herzégovine et une fois en Croatie.

11 M. Donia (interprétation). - Un voyage seulement en Croatie et

12 pendant la plupart de mes voyages en Bosnie, j'étais à Zagreb.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez payé cet ouvrage vous-

14 même ?

15 M. Donia (interprétation). - (Réponse inaudible.)

16 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais qu'on retourne à

17 l'ouvrage de 1994, "La Bosnie Herzégovine : une tradition trahie". Je

18 pense que vous avez uniquement consacré votre travail à la période

19 postérieure à 1878 ?

20 M. Donia (interprétation). - C'est exact, certains chapitres

21 plus l'introduction.

22 M. Hayman (interprétation). - Le coauteur a-t-il écrit les

23 autres parties du livre ?

24 M. Donia (interprétation). - C'est exact.

25 M. Hayman (interprétation). - 1878, c'est le début de la période

Page 763

1 des Habsbourg. C'est aussi la période étudiée dans votre thèse ?

2 M. Donia (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - Vous parlez aussi, dans votre

4 ouvrage, d'autres périodes ultérieures au régime des Habsbourg ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous fait une étude sur cette

7 période avant d'écrire le texte ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui, bien sûr. Je crois que le

9 livre est, en fait, une volonté de donner, en un volume, un résumé de

10 l'histoire de la Bosnie à partir du VIème siècle. J'ai voulu couvrir cette

11 période et la décrire comme une période moderne. Donc j'ai consulté

12 beaucoup d'ouvrages, j'ai essayé de consulter des études récentes dans ce

13 domaine et d'écrire un récit concis avec des caractéristiques de résumé.

14 Cela voulait donner un résumé de l'histoire de la Bosnie.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous avez pris un congé sans solde

16 de Merryll Lynch pour travailler à ce livre ?

17 M. Donia (interprétation). - (Réponse inaudible.)

18 M. Hayman (interprétation). - Le livre se fonde-t-il surtout sur

19 des sources primaires ou secondaires ?

20 M. Donia (interprétation). - Je dirais principalement sur des

21 sources secondaires, sauf pour certaines sources que j'ai trouvées moi-

22 même, notamment pour la période 1878 jusqu'au début du XXème siècle.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous parlez d'ouvrages, d'études,

24 de journaux ?

25 M. Donia (interprétation). - Oui, des articles de journaux

Page 764

1 effectivement, des études universitaires et d'autres sources que j'ai

2 trouvées sur Internet, etc.

3 M. Hayman (interprétation). - C'est un livre plutôt de

4 vulgarisation qu'un livre scientifique ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous n'estimez pas que c'est un

7 ouvrage universitaire ou académique ?

8 M. Donia (interprétation). - Je préfère laisser le jugement à

9 d'autres personnes. Je crois qu'il faudrait que je le remette dans son

10 contexte. Pour ce volume et pour un autre qui a été écrit à cette période

11 sur l'histoire de la Bosnie, il n'y avait pas, dans d'autres langues,

12 d'autres histoires de la Bosnie qui recoupaient toute l'histoire de la

13 Bosnie jusqu'aux années 1990. Donc il y avait là un manque qui a été

14 extrêmement difficile à combler, même pour des universitaires dans ce

15 domaine.

16 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi que cet

17 ouvrage n'est pas annoté ?

18 M. Donia (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Il y a environ vingt notes en bas

20 de page.

21 M. Donia (interprétation). - Je n'ai pas compté, mais je crois

22 que c'est cela.

23 M. Hayman (interprétation). - Est-il juste de dire que votre

24 ouvrage, "La Bosnie-Herzégovine, une tradition trahie", s'attache surtout

25 à la Bosnie urbaine ?

Page 765

1 M. Donia (interprétation). - Je ne pourrais pas dire qu'il se

2 concentre sur la Bosnie urbaine. Effectivement, il y a beaucoup d'éléments

3 concernant la vie urbaine en Bosnie, dans différentes périodes, mais c'est

4 surtout une étude politique. Seulement, je ne dirais pas qu'il se

5 concentre vraiment sur des groupes urbains.

6 M. Hayman (interprétation). - Votre propre expérience là-bas

7 était-elle une expérience de vie en ville ?

8 M. Donia (interprétation). - Dans une large mesure, oui.

9 M. Hayman (interprétation). - C'est votre propre référence par

10 rapport à la matière que vous avez étudiée. Vous avez écrit le chapitre

11 d'un livre en 1978, n'est-ce pas ?

12 M. Donia (interprétation). - J'ai écrit un article en 1978 qui a

13 été publié ensuite par l'Académie des sciences de la Bosnie-Herzégovine.

14 Je ne sais pas si c'est ce dont vous parlez. J'ai écrit également un

15 article avec un anthropologue. Je ne sais pas non plus si c'est de cela

16 dont vous parlez.

17 M. Hayman (interprétation). - C'est cet ouvrage que vous avez

18 écrit avec M. Lockwood, "L'ethnicité et le comportement politique dans un

19 Etat européen" ?

20 M. Donia (interprétation). - Oui, c'est cela.

21 M. Hayman (interprétation). - Par rapport à la Bosnie-

22 Herzégovine moderne, vous dites que les villages étaient homogènes sur le

23 plan ethnique, même si certains villages sont mixtes. Les groupes

24 ethniques sont, en général, séparés en hameaux, en voisinage séparé. Vous

25 dites aussi que, par rapport au groupe ethnique : "Il tend à constituer

Page 766

1 trois systèmes sociaux différents, superposés sur le même territoire. Les

2 contacts sont limités, surtout au secteur économique, surtout parmi les

3 paysans et cela se traduit dans les structures de mariage..."

4 M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi d'avoir une

5 référence. Je vois que vous lisez à partir de l'article, mais où en êtes-

6 vous dans cet article ?

7 M. Hayman (interprétation). - Page 186. Je finis la citation :

8 "...les contacts se limitent surtout au secteur économique, surtout parmi

9 la classe paysanne, et cela se traduit dans les structures de mariage, les

10 structures de visite, les réseaux de communication ainsi que les

11 philosophies du monde." Etes-vous d'accord avec ceci ?

12 M. Donia (interprétation). - Ce sont les mots qui ont été écrits

13 par le coauteur de cet article, le professeur Lockwood, mais je suis tout

14 à fait d'accord.

15 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi que

16 votre livre, "Une tradition trahie en Bosnie-Herzégovine", a été critiqué

17 par certains, comme mettant trop l'accent sur une image assez idéaliste de

18 la vie urbaine en Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Donia (interprétation). - Pas seulement dans la vie urbaine,

20 mais peut-être pour avoir exagéré le degré d'harmonie au niveau national.

21 M. Hayman (interprétation). - Cette critique émane-t-elle de

22 plusieurs sources ?

23 M. Donia (interprétation). - Effectivement, j'ai vu cela dans

24 trois ou quatre articles.

25 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

Page 767

1 qu'un de ces articles critique soit numéroté et présenté au témoin avec

2 l'aide, si possible, de M. l'huissier.

3 M. le Président. - Il s'agira de la pièce D/10, Monsieur le

4 Procureur.

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

6 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Donia, ce sont les deux

7 premières pages d'une critique. Je crois qu'elle se poursuit sur plus de

8 pages, mais le paragraphe qui m'intéresse se trouve à la deuxième page,

9 soit le quatrième paragraphe entier. "Les avis de Donia sont vraiment

10 convaincants, mais la présentation est assez différente parce qu'il..."

11 (Intervention de l'interprète qui demande communication du

12 texte.)

13 M. le Président. - Maître Hayman, rappelez la référence pour

14 l'interprète et le transcript, s'il vous plaît.

15 M. Hayman (interprétation). - Oui. Il s'agit de la pièce D/10

16 qui vient de la société Information Accent (?). L'intitulé en est "Bosnie-

17 Herzégovine, une tradition trahie, critique de livre". Cela a été publié

18 le 12 septembre 1994. Je reviens à cette deuxième page qui porte le

19 numéro 33, paragraphe 3 en entier :

20 "L'avis de Donia sur la culture bosniaque est tout à fait

21 convaincant, mais la présentation est assez difficile, parce qu'on définit

22 la tradition bosniaque comme étant libre de tout conflit inter-ethnique et

23 les auteurs parlent longuement d'éléments qui expliquent la longue

24 histoire de massacres, de sang versé avec des révolutions paysannes sous

25 le règne ottoman, et de tendances nationalistes locales. Mais lorsque de

Page 768

1 telles aberrations sont simplement attribuées à des différences de classe

2 ou à des forces extérieures, l'argument commence à tourner en rond. La

3 Bosnie est tolérante et si parfois elle ne l'est pas, c'est qu'elle ne se

4 comporte pas sur une Bosnie classique. En insistant trop sur une Bosnie

5 urbaine, l'auteur néglige la campagne beaucoup plus réactionnaire où

6 s'enracine l'essentiel du conflit actuel. Et finalement les atrocités de

7 la Seconde Guerre mondiale constituent une exception à tel point

8 spectaculaire qu'elle discrédite la règle."

9 Connaissez-vous ce passage ?

10 M. Donia (interprétation). - Je l'avais déjà lu.

11 M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il d'autres critiques

12 formulées par la presse qui reviennent sur certaines de ces tendances ?

13 M. Donia (interprétation). - Oui, tout à fait.

14 M. Hayman (interprétation). - Votre ouvrage, vous l'avez dit, a

15 été écrit pour apporter un nouvel éclairage sur les sources du conflit

16 bosniaque en 1992, n'est-ce pas ?

17 M. Donia (interprétation). - C’est exact.

18 M. Hayman (interprétation). - Faites-vous mention, dans votre

19 livre, de Tihomir Blaskic ?

20 M. Donia (interprétation). - Non.

21 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais maintenant appeler

22 votre attention sur la pièce 4a, qui consiste en une chronologie

23 accompagnant un plan que vous avez élaboré vous-même. Avez-vous cette

24 pièce 4a ? Je crois qu'en anglais, elle porte le numéro 4. L'huissier

25 pourrait peut-être en remettre un exemplaire supplémentaire au témoin.

Page 769

1 Avez-vous cette pièce ?

2 M. Donia (interprétation). - S'agit-il de la chronologie des

3 Balkans ? J'ai ici un document qui s'intitule "Outlines".

4 M. Hayman (interprétation). - Effectivement, avec une

5 chronologie de six pages. Ce document fait six pages au total.

6 M. Donia (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais appeler votre

8 attention sur la dernière page, marquée page 6 de la pièce 4a. Dans sa

9 version anglaise, on y trouve mentionné un événement qui, d'après vous,

10 est survenu le 9 juillet 1993. Il est dit ceci : "Rencontre entre Owen et

11 Stoltenberg à Zagreb. Le Président Tudjman, de Croatie, accepte l'idée que

12 si les Croates veulent Novi Travnik, Vitez et Busovaca, ils devront

13 laisser Stolac aux Musulmans." Voyez-vous cela ?

14 M. Donia (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Cet événement est-il tiré d'autre

16 sources ou de votre connaissance personnelle ?

17 M. Donia (interprétation). - Je pense que ce renseignement vient

18 du livre de Lord Owen.

19 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pris la décision

20 d'introduire cet événement dans la chronologie, est-ce de votre propre

21 initiative ?

22 M. Donia (interprétation). - C'est moi qui ait décidé de le

23 faire.

24 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi que cet

25 événement, tel que décrit par Lord Owen dans son livre "L'odyssée des

Page 770

1 Balkans", est décrit de la façon suivante : "Le Président Tudjman aurait

2 fait une concession afin de garantir le..."

3 M. Donia (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Si vous passez à la pièce suivante

5 extraite du livre de Lord Owen "L'odyssée des Balkans"... Avez-vous cet

6 extrait sous les yeux ? Vous a-t-on donné un exemplaire ?

7 M. Donia (interprétation). - Non.

8 M. Hayman (interprétation). - Je crois qu'on vous l'apporte.

9 (Distribution du document).

10 Il s'agit de la pièce D/11. Avez-vous lu ce livre "L'Odyssée des

11 Balkans" ?

12 M. Donia (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Si vous passez à la page 209 de

14 cet ouvrage, vous trouverez un extrait surligné dont je vous donne

15 lecture :

16 "Le résultat le plus important de nos deux réunions du

17 9 juillet, respectivement à Belgrade et à Zagreb, c'est que Milosevic et

18 Tudjman se sont engagés à parvenir à 30 % de territoire pour une

19 république à majorité musulmane. Au cours du déjeuner, M. Tudjman a semblé

20 accepter avec réticence que si les Croates souhaitaient Novi Travnik,

21 Vitez et Busovaca, l'arithmétique voulait qu'ils renoncent à Stolac et le

22 laissent aux Musulmans. Une carte en vue d'une république à prédominance

23 musulmane allant de la Sava à la mer était devenue plus proche de la

24 réalité..."

25 Seriez-vous d'accord pour dire que cette relation de Lord Owen

Page 771

1 quant à un pourcentage de 30 % est une avancée dans le processus du plan

2 Vance-Owen ?

3 M. Donia (interprétation). - Je dois préciser qu'il s'agit ici

4 du moment où M. Vance était parti et avait été remplacé par Stoltenberg,

5 qui travaillait avec Lord Owen sur le plan qui avait été lancé.

6 M. Hayman (interprétation). - Oui effectivement.

7 M. Donia (interprétation). - Je pense que l'on est arrivé là à

8 un pourcentage que les négociateurs voulaient fixer, et je serai donc

9 d'accord avec vous pour dire que c'était un progrès.

10 M. Hayman (interprétation). - Serez-vous d'accord pour dire que

11 tel que cela apparaît dans ce passage, la phrase qui dit : "Si les Croates

12 souhaitaient, etc., ils devraient laisser Stolac aux Musulmans" fait

13 référence aux frontières qui devaient être fixées dans le cadre du plan

14 Vance-Owen ?

15 M. Donia (interprétation). - Encore une fois, le plan Vance-Owen

16 était mort à ce moment-là en tant que plan. On dit ici que Tudjman

17 acceptait avec réticence ce compromis. Cela se passe de commentaires. Sur

18 cette base, Stolac, qui était à l'époque sous contrôle croate, aurait dû

19 aller aux Musulmans.

20 M. Hayman (interprétation). - Oui, mais cette mention que vous

21 mettez dans votre chronologie ne reflète pas ce qui se trouve dans le

22 livre de Lord Owen concernant le 9 juillet. On ne parle pas en termes

23 d'annexion. Serez-vous d'accord avec moi pour le dire ?

24 M. Donia (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Dans votre chronologie (la pièce 4

Page 772

1 en anglais), j'appelle votre attention sur le passage où il est dit : "En

2 décembre 1993, le Président Tudjman informe les ambassadeurs des pays

3 membres de l'Union européenne et ensuite Owen et Stoltenberg que Vitez et

4 Busovaca ne peuvent en aucune circonstance être abandonnées et que ces

5 deux villes doivent figurer dans la partie à prédominance croate de la

6 Bosnie". Encore une fois, est-ce que cette information vous a été fournie

7 par le livre "L'Odyssée des Balkans" ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous, sur la base de

10 la lecture que vous faites de "L'Odyssée des Balkans", que M. Tudjman a

11 fait cette déclaration dans le contexte de la négociation concernant le

12 plan d'action de l'Union européenne ?

13 M. Donia (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - S'agissait-il d'un plan qui

15 proposait l'union de trois républiques au sein de la République de Bosnie-

16 Herzégovine ?

17 M. Donia (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce une solution qui était

19 proposée au conflit par l'Union européenne ?

20 M. Donia (interprétation). - C'est exact.

21 M. Hayman (interprétation). - Chacune des parties à cette

22 discussion, à ce stade, participait-elle aux négociations concernant les

23 territoires qui pouvaient être inclus dans chacune des trois républiques

24 qui allaient constituer la Bosnie-Herzégovine dans le cadre du plan que

25 défendait l'Union européenne ?

Page 773

1 M. Donia (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais appeler votre attention

3 sur la pièce D/11, encore une fois, à la page 77. Au bas de la page 77,

4 Lord Owen écrit ce qui suit (et si vous jetez un coup d'oeil sur la

5 page 76, vous constaterez qu'il s'agit d'une référence à des événements de

6 novembre 1992 ; on en est là dans ce livre) : "Je savais, à ce stade, que

7 M. Tudjman avait accepté la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine dans

8 le cadre des frontières reconnues internationalement comme le prix à payer

9 de la reconnaissance de la Croatie mais qu'il n'avait jamais caché sa

10 conviction que la Bosnie-Herzégovine n'était pas viable et que le plan

11 Cvetkovic-Macek était plus qu'une illusion". Voyez-vous cela ?

12 M. Donia (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous, à la lecture de ce

14 texte, que le Président Tudjman avait accepté les frontières

15 internationalement reconnues ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Je passe à la page 127 du même

18 ouvrage, où on trouve une référence au rôle de la Croatie dans le contrôle

19 des approvisionnements en armes du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine.

20 Etes-vous d'accord pour dire que la République de Croatie contrôlait

21 pratiquement tout l'approvisionnement en armes du gouvernement de la

22 Bosnie-Herzégovine durant la guerre ?

23 M. Donia (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

25 des quantités importantes d'armes ont, de fait, été fournies par la

Page 774

1 République de Croatie à la République de Bosnie-Herzégovine durant la

2 guerre ?

3 M. Donia (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Voyez-vous le passage qui suit

5 celui dont je viens de parler, dans lequel le Président Izetbegovic parle

6 des quantités d'armes qu'il possédait ou que son gouvernement possédait ?

7 Voyez-vous ce passage ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous avez qualifié les milices

10 croates comme étant en Bosnie occidentale ou constituées de troupes venues

11 de Herzégovine occidentale. Pouvez-vous préciser ?

12 M. Donia (interprétation). - ...

13 M. Hayman (interprétation). - Je repose ma question. Etes-vous

14 d'accord pour dire que les milices croates étaient constituées de

15 personnels venus de Herzégovine occidentale ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi que ces

18 personnes étaient loyales vis-à-vis des dirigeants politiques de la

19 Herceg-Bosna ?

20 M. Donia (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - A savoir Mate Boban ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous, également avec

24 moi, qu'une organisation connue comme le HOS a fusionné avec cette milice

25 croate constituée de personnels venus de Herzégovine occidentale ?

Page 775

1 M. Donia (interprétation). - Oui, c'est ce que je crois

2 comprendre. Durant l'été et l'automne 1992, cela s'est effectivement passé

3 ainsi.

4 M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce que le HOS ?

5 M. Donia (interprétation). - Le HOS était une espèce

6 d'organisation paramilitaire alternative. Je sais très peu de choses sur

7 sa composition militaire, mais ses dirigeants politiques étaient sans

8 doute plus proches d'une participation musulmane -dans leurs rangs- ou, en

9 tout cas, en appelaient à une participation musulmane. Ils ont attiré un

10 certain nombre de Musulmans et ils sont entrés en conflit avec le HVO au

11 cours de l'été 1992.

12 M. Hayman (interprétation). - Les forces du HOS ?

13 M. Donia (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Serez-vous d'accord pour dire que

15 les forces du HOS étaient ultra-nationalistes ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Et qu'elles défendaient des vues

18 extrêmes ?

19 M. Donia (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Serez-vous d'accord pour dire

21 aussi que sans généralisation abusive, les Croates de Bosnie -qui

22 résidaient en Herzégovine occidentale- avait des vues extrémistes ?

23 M. Donia (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi que cela

25 contraste avec les vues défendues par les Croates natifs de la Bosnie

Page 776

1 centrale, où le mélange des groupes ethniques est plus grand ? Serez-vous

2 d'accord avec cette suggestion ?

3 M. Donia (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous d'où l'accusé vient, où

5 il a grandi en Bosnie ?

6 M. Donia (interprétation). - Je n'en sais rien.

7 M. Hayman (interprétation). - La plus grande partie des forces

8 parties au conflit venait-elle des milices musulmanes ?

9 M. Donia (interprétation). - Je n'en sais rien.

10 M. Hayman (interprétation). - Je fais référence à votre ouvrage

11 "Tradition trahie", afin de vous rafraîchir la mémoire, en haut de la

12 page 234.

13 M. Donia (interprétation). - J'ai effectivement dit que les

14 combats étaient essentiellement le fait des brigades musulmanes.

15 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous avec moi qu'au

16 début du printemps 1992 les forces irrégulières musulmanes terrorisaient

17 les civils et les régions contrôlées par le gouvernement ? Il s'agit de la

18 page 267 de votre ouvrage.

19 M. Donia (interprétation). - Oui, je suis d'accord avec cela.

20 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord aussi pour dire

21 que, pour la plus grande partie, les activités de ces unités musulmanes

22 étaient limitées par le gouvernement, même si les bandes musulmanes

23 étaient tolérées du fait de leur contribution à l'effort de guerre ?

24 M. Donia (interprétation). - Je suis d'accord avec le fait qu'il

25 existait une certaine tolérance de la part du gouvernement eu égard à la

Page 777

1 contribution à l'effort de guerre, mais il y avait aussi des efforts

2 visant à contenir ces unités musulmanes et, en octobre 1993, les bandes

3 qui contrôlaient Sarajevo ont été dissoutes à l'insistance du Premier

4 ministre, M. Silajdzic.

5 Savez-vous combien il y a eu de morts en Yougoslavie pendant la

6 Deuxième Guerre Mondiale ? Et combien de personnes ont été victimes des

7 violences entre Yougoslaves ?

8 M. Donia (interprétation). - Comme je l'ai dit, j'ai réexaminé

9 cette question à la lumière des recherches récentes. Pour répondre à votre

10 question, il m'est difficile de donner des chiffres, mais j'ai le

11 sentiment qu'on a eu tendance à exagérer ces chiffres. Le nombre total de

12 morts est d'environ un million. Ce chiffre est maintenant établi, de façon

13 convaincante, sur la base des travaux démographiques.

14 M. Hayman (interprétation). - Donc vous ne seriez pas d'accord

15 avec Lord Owen qui, à la page 9 de son ouvrage "L'Odyssée des Balkans",

16 indique qu'il y aurait eu 1 700 000 morts en Yougoslavie pendant la

17 Deuxième Guerre Mondiale, dont un million des mains des Yougoslaves eux-

18 mêmes ?

19 M. Donia (interprétation). - Il s'agit d'un chiffre que l'on

20 entend souvent. Encore une fois, les recherches les plus récentes laissent

21 entendre que ce chiffre est sans doute inférieur à 1 700 000.

22 Effectivement, cet extrait du livre est peu convaincant et il faut revoir

23 ce chiffre à la baisse.

24 M. Hayman (interprétation). - Dans votre interrogatoire

25 principal, vous avez dit qu'en 1993 les Croates de Bosnie avaient eu la

Page 778

1 possibilité de mettre en oeuvre certaines des ambitions territoriales qui

2 avaient été exprimées avec la formation de la Herceg-Bosna. Cela se trouve

3 dans le compte-rendu, à la page 216, lignes 16 à 22. Voulez-vous revoir ce

4 passage ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous trouvé ce passage ?

7 M. Donia (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - Quand cette possibilité s'est-elle

9 présentée, à votre avis ?

10 M. Donia (interprétation). - Cela a commencé avec le fait que

11 M. Izetbegovic, au nom du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, a souscrit

12 au plan Vance-Owen. A ce moment-là, il s'est ouvert une possibilité, en ce

13 sens que toute l'attention et toute l'énergie de la communauté

14 internationale étaient tournées vers les positions défendues par les

15 Serbes de Bosnie dans le cadre du plan Vance-Owen. Les Serbes reprenaient

16 certaines opérations militaires en Bosnie orientale. Ils s'étaient engagés

17 dans des négociations complexes pour établir la pureté ethnique dans

18 plusieurs villes de Bosnie. L'actualité internationale parlait de plus en

19 plus de sanctions et d'un plus grand engagement militaire possible, si les

20 Serbes refusaient d'obtempérer. L'attention de la communauté

21 internationale était donc focalisée sur les événements afférents aux

22 Serbes.

23 M. Hayman (interprétation). - Quand s'est présentée cette

24 possibilité ? Voilà ma question.

25 M. Donia (interprétation). - Je vous ai donné la date du début,

Page 779

1 quand les Serbes de Bosnie ont signé. Ce serait donc du 25 mars au 5 mai,

2 sans doute au moment où la troisième assemblée des Serbes a rejeté les

3 dispositions du plan Vance-Owen.

4 M. Hayman (interprétation). - Le fait de poser comme hypothèse

5 qu'il y aurait une possibilité de conquête territoriale suppose une

6 supériorité militaire, n'est-ce pas ?

7 M. Donia (interprétation). - Parler de conquête territoriale

8 suppose qu'il y ait une supériorité militaire, à moins que les énergies de

9 l'autre partie ne soient tournées vers un autre objectif, et sur le plan

10 tout à fait local et régional cela suppose une supériorité militaire.

11 M. Hayman (interprétation). - Que s'est-il passé avec les

12 territoires contrôlés par les Croates de Bosnie, en Bosnie centrale, après

13 l'éclatement du conflit, le 16 avril 1993 jusqu'à la fin du conflit

14 en 1994 ? Ont-ils gagné ou perdu des territoires ?

15 M. Donia (interprétation). - Ils ont perdu des territoires.

16 M. Hayman (interprétation). - Ils ont perdu beaucoup de

17 territoires, n'est-ce pas ?

18 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement.

19 M. Hayman (interprétation). - Passons à la pièce D/11,

20 "L'Odyssée des Balkans", à la dernière page, la page 363, vous trouvez une

21 carte. La voyez-vous ?

22 M. Donia (interprétation). - Vous parlez de "L'Odyssée des

23 Balkans" ?

24 M. Hayman (interprétation). - Oui, à la dernière page des

25 extraits que j'ai fournis, page 363, voyez-vous cette carte ?

Page 780

1 M. Donia (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - Lors de votre interrogatoire

3 principal, vous vous êtes fondé sur plusieurs cartes tirées du livre,

4 n'est-ce pas ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - Cette carte vous a-t-elle servi ?

7 M. Donia (interprétation). - Non.

8 M. Hayman (interprétation). - Cette carte vise à indiquer la

9 situation sur le plan territorial, à savoir les territoires tenus par les

10 Croates de Bosnie ou le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, à la date du

11 12 octobre 1995, n'est-ce pas ?

12 M. Donia (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

14 ces territoires -qui apparaissent sur la carte- ont été verrouillés à la

15 fin du conflit, en 1994, et qu'ils correspondent à la situation qui

16 prévalait en octobre 1995 ?

17 M. Donia (interprétation). - Oui. Pour l'essentiel, il s'agit

18 des mêmes territoires.

19 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais appeler votre

20 attention sur la Bosnie centrale. Voyez-vous un petit noeud papillon avec

21 Vitez au milieu ?

22 M. Donia (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'une enclave croate en

24 Bosnie centrale, n'est-ce pas ?

25 M. Donia (interprétation). - Oui.

Page 781

1 M. Hayman (interprétation). - Voyez-vous que cette enclave est

2 isolée d'une autre enclave autour de Kiseljak ?

3 M. Donia (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous les autres cartes sous

5 les yeux, cartes qui ont été versées au dossier durant votre

6 interrogatoire ?

7 M. Donia (interprétation). - Je ne le pense pas.

8 M. Hayman (interprétation). - L'une de ces cartes décrit les

9 territoires contrôlés par les Croates de Bosnie avant le 16avril 1993.

10 Avez-vous repris une de ces cartes ?

11 M. Donia (interprétation). - Non. Toutes les cartes, que je vous

12 ai données, portaient sur le plan de paix et non pas sur le territoire.

13 M. le Président. - Maître Hayman, il faudrait -pour les Juges-

14 que cette comparaison soit opérationnelle. On ne peut pas parler de cartes

15 comme cela. Vous êtes en train de faire une comparaison entre une carte

16 qui n'a pas été utilisée par le témoin et les cartes qu'il a lui même

17 dressées et qui sont extraites du même ouvrage. Pouvez-vous préciser, s'il

18 vous plaît ?

19 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Donia, vous dites que

20 vous n'avez pas, dans votre interrogatoire, parlé de cartes qui

21 reflétaient les territoires contrôlés par les Croates de Bosnie avant le

22 16 avril 1993. C'est bien ce que vous dites ?

23 M. Donia (interprétation). - C’est exact. Peut-être y a-t-il eu

24 une convergence entre le plan de paix et les territoires contrôlés par les

25 uns ou les autres, mais les cartes que j'ai présentées portaient sur les

Page 782

1 propositions contenues dans le plan de paix.

2 M. Hayman (interprétation). - Mais vous serez d'accord pour dire

3 que la carte qui figure à la page 363 de "L'Odyssée des Balkans"

4 (pièce D/11) montre à quel point les Croates de Bosnie ont perdu

5 énormément de territoires durant le conflit qui opposait les forces

6 gouvernementales et les Croates en 1993 et 1994 ?

7 M. Donia (interprétation). - Je suis d'accord sur ce point. Je

8 veux simplement dire que certains des gains territoriaux, qui apparaissent

9 sur cette carte, montrent le résultat des offensives croates avant le

10 12 octobre 1995, mais sur le fond vous avez raison. Il s'agit surtout de

11 gains territoriaux du gouvernement de Bosnie-Herzégovine par rapport aux

12 Croates.

13 M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il des gains territoriaux en

14 Bosnie centrale qui apparaissent sur cette carte par rapport à la

15 situation qui prévalait avant le 16 avril 1993 ?

16 M. Donia (interprétation). - Encore une fois je n'ai pas les

17 cartes antérieures sous les yeux, mais la situation -entre le 16 avril

18 1993 et l'établissement de la carte que nous avons maintenant sous les

19 yeux- refléterait des pertes de territoires pour les Croates de Bosnie et

20 des gains pour le gouvernement de Bosnie Herzégovine.

21 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je vous

22 demande un instant pour examiner mes notes et demander, dans l'intervalle,

23 que soient versées au dossier les pièces que j'ai utilisées pour le

24 contre-interrogatoire.

25 M. le Président. - Nous allons d'ailleurs suspendre la séance.

Page 783

1 Monsieur le Procureur, vous vouliez dire quelque chose ?

2 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Si l'on

3 verse des pièces au dossier, il y a un document qui reprend les faits et

4 qui a été compilé par la défense. Or je conteste ce document et je

5 souhaiterais une sanction de la part de la Chambre, étant donné qu'il est

6 présenté de façon irrégulière. On voudrait verser au dossier une

7 déclaration des faits ou une partie de ces déclarations. Je ne conteste

8 pas la pièce D/6, qui consiste en la Déclaration conjointe et qui est un

9 document séparé. Je parle de ce document qui reprend les faits et qui a

10 été compilé par la défense.

11 M. Hayman (interprétation). - Je ne vois pas de quoi il s'agit.

12 S'il y a une partie de ce document qui doit être scellée parce qu'il y

13 aurait là-dedans quelque chose de délicat, je n'y ai pas d'objection. Je

14 n'ai pas fait référence à l'identité d'un témoin quelconque ou à la teneur

15 de ses déclarations.

16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, ce qui a été

17 montré au témoin, comme l'a dit le témoin M. Donia, est un paragraphe

18 repris d'un document qui fait quarante pages et cent soixante-huit

19 paragraphes, sans compter la compilation des faits qui fait dix-huit

20 pages. Je pense que Me Hayman a utilisé ce document pour montrer

21 l'imprécision des déclarations sur les faits. Cependant les faits contenus

22 dans la déclaration qui a été donnée aux Juges, et ayant confirmé l'acte

23 d'accusation, n'ont pu être re-présentés à la Chambre.

24 Monsieur le Président, qu'à un certain degré, vous vous êtes

25 fait l'écho de cette préoccupation durant la présentation verbale des

Page 784

1 arguments sur cet incident.

2 M. Hayman, néanmoins, défend cette position par écrit et

3 verbalement. Il présente une partie de la compilation des faits qui, non

4 seulement, était censée servir de confirmation pour le juge...

5 M. le Président. - Pouvez-vous être plus précis, Monsieur le

6 Procureur ? Quelle est la pièce ?

7 M. Kehoe (interprétation). - Je fais référence à la pièce /7,

8 Monsieur le Président, la pièce qui a été présentée par Me Hayman hier.

9 M. le Président. - De façon générale, ce problème des pièces à

10 conviction a été traité dès la première semaine. Le Tribunal a manifesté

11 son souhait de prendre toutes les pièces à conviction déposées, dès lors

12 qu'il n'y avait pas à trancher un problème d'identification de témoins

13 protégés, étant entendu que chacune des parties essaiera de plaider auprès

14 des Juges que le document en question ne sert qu'une partie des intérêts

15 de son adversaire. Cette question avait été plus ou moins réglée, mais je

16 voudrais consulter mes collègues.

17 (Les juges se consulte sur le siège.)

18 M. le Président. - La pièce sera donc versée, comme de façon

19 générale les pièces sont versées au dossier. Il appartient à chacune des

20 parties de donner son appréciation sur le caractère parcellaire de telle

21 ou telle pièce. Les Juges, bien entendu, au moment de leur délibéré final,

22 décideront dans quelle mesure ils tiennent compte de la crédibilité de tel

23 ou tel document, une exception étant faite cependant en ce qui concerne

24 les pièces qui, jointes au dossier, poseraient un problème, notamment

25 d'identification de témoins. Donc l'objection est écartée.

Page 785

1 Il est 12 heures 45. L'audience est suspendue. Elle reprendra à

2 15 h 00.

3 L'audience, suspendue à 12 h 45, est reprise à 15 h 10.

4 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

5 M. le Président. - Quand nous avons interrompu l'audience tout à

6 l'heure, nous avions introduit et numéroté toutes les pièces à conviction.

7 Maître Hayman, vous avez la parole pour la poursuite du contre-

8 interrogatoire qui devrait durer environ une heure au maximum, n'est-ce

9 pas ?

10 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai plus que dix questions à

11 poser.

12 M. le Président. - Mais si chaque question fait une heure,

13 Maître Hayman, cela fera beaucoup. (Rires.) Allez-y.

14 M. Hayman (interprétation). - Merci. Monsieur Donia, nous avons

15 parlé des conclusions auxquelles vous êtes arrivé actuellement pour ce qui

16 est des causes du conflit qui a éclaté en avril 1993 en Bosnie centrale.

17 Je voudrais vous poser quelques questions sur les causes du conflit telles

18 que vous les exposez dans votre ouvrage "La Bosnie-Herzégovine, une

19 tradition trahie". Seriez-vous d'accord pour dire que, dans ce livre, vous

20 définissez deux événements comme étant des causes précises du conflit qui

21 a éclaté au printemps 1993 ?

22 M. Donia (interprétation). - Je vois deux facteurs généraux dans

23 cet ouvrage, à savoir la souveraineté et les symboles. J'en ai parlé comme

24 deux causes d'éclatement du conflit.

25 M. Hayman (interprétation). - Si vous voulez vous rafraîchir la

Page 786

1 mémoire, il s'agit de la page 252. Je voudrais vous poser une question

2 précise. Vous dites, en haut de la page 252, que "les commandants croates

3 ont exigé que les unités de l'armée bosniaque en Herzégovine occidentale,

4 zone affectée aux Croates dans le cadre du Plan de paix, soient intégrées

5 à l'armée croate."

6 M. Donia (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous dites aussi : "dans la région

8 de Travnik, autre région définie comme croate dans le plan malgré

9 l'importante population musulmane qui y habite, les officiers croates ont

10 insisté pour que le drapeau croate soit hissé à côté du drapeau

11 bosniaque."

12 M. Donia (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - S'agit-il là des deux événements

14 précis qui ont été la cause du conflit du printemps ?

15 M. Donia (interprétation). - Oui, c'est ce que je disais dans

16 cet ouvrage.

17 M. Hayman (interprétation). - Si je vous renvoie à la page 237

18 de la pièce D/11, à savoir l'ouvrage de Lord Owen, "L'odyssée des

19 Balkans", seriez-vous d'accord avec lui pour dire que : "En septembre, les

20 Musulmans avaient manifestement choisi de poursuivre la guerre, croyant

21 que les sanctions affaibliraient les Serbes, et sur le conseil de leurs

22 commandants militaires, à savoir qu'ils pouvaient infliger une défaite aux

23 Croates en Bosnie."

24 M. Donia (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas cette

25 pièce sous les yeux.

Page 787

1 M. Hayman (interprétation). - Je crois que vous devriez pouvoir

2 voir cette phrase. Qu'on vous donne cette pièce. Il s'agit de la page 237

3 et des paragraphes qui se trouvent en haut de la page.

4 La phrase commence par : "Les Musulmans avaient manifestement

5 choisi de..."

6 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas tout à fait d'accord

7 avec le mot "clairement", "manifestement", en anglais clearly. Mais, d'une

8 façon générale, je suis d'accord avec cette affirmation de Lord Owen.

9 M. Hayman (interprétation). - Nous avons pas mal parlé, durant

10 votre déposition, de la haine tribale ancienne et de cette thèse qui

11 invoque la haine tribale ancienne qui remonterait au VIème siècle et se

12 serait poursuivie jusqu'au XXème siècle. Je voudrais attirer votre

13 attention sur ce qui s'est passé au printemps 1993. Depuis combien de

14 temps, en mois, la guerre en Bosnie avait-elle éclaté ?

15 M. Donia (interprétation). - Je dirais treize ou quatorze mois,

16 à peu près.

17 M. Hayman (interprétation). - Donc plus d'un an ?

18 M. Donia (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - On peut penser qu'il y avait, à ce

20 moment-là déjà, un million de réfugiés de Bosnie.

21 M. Donia (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire qu'au

23 printemps 1993, les tensions interethnique étaient extrêmement fortes ?

24 M. Donia (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

Page 788

1 ces tensions, à certains endroits et à certain moment, se traduisaient par

2 un sentiment de terreur ?

3 M. Donia (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - De crainte ?

5 M. Donia (interprétation). - Certainement.

6 M. Hayman (interprétation). - De paranoïa ?

7 M. Donia (interprétation). - Sans aucun doute.

8 M. Hayman (interprétation). - Vous avez écrit, dans votre

9 ouvrage, qu'à la mi-1993, sinon au printemps, des atrocités avaient été

10 commises par des représentants de chacun des trois grands groupes

11 ethniques en Bosnie. Seriez-vous d'accord pour dire que, durant la guerre,

12 des atrocités ont été commises par des représentants des trois grands

13 groupes ethniques ?

14 M. Donia (interprétation). - Si vous examinez cette observation

15 que j'ai faite, elle concernait les forces armées, lorsque je parlais de

16 trois groupes. Je n'ai pas dit que les groupes ethniques, en tant que

17 tels, commettaient ces atrocités.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes donc en train de dire

19 que ce sont des membres des forces armées des trois groupes qui ont commis

20 des atrocités.

21 M. Donia (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

23 le fait qu'il y a eu des victimes de ces atrocités de tous les côtés a

24 contribué à renforcer la tension et le caractère explosif de la situation

25 en Bosnie en 1993 ?

Page 789

1 M. Donia (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation) - Je voudrais vous poser des

3 questions et vous donner deux exemples pour cela. Premièrement, vous avez

4 parlé de la mort d'environ 35 civils dans une ville qui s'appelle Kriz,

5 qui était contrôlée par les Serbes de Bosnie, par l'armée bosniaque en

6 septembre 1993

7 M. Donia (interprétation) - Oui.

8 M. Hayman (interprétation) - Connaissiez-vous les victimes ?

9 M. Donia (interprétation) - Non, je n'ai pas revu cette question

10 depuis que j'ai écrit l'ouvrage.

11 M. Hayman (interprétation) - Enfin, je voudrais vous poser la

12 question suivante concernant la page 255 de votre ouvrage où vous parlez

13 de l'assassinat de deux moines dans un monastère de Fojnica.

14 Vous racontez dans ce passage comment, au cours de combats entre

15 les forces armées des Croates de Bosnie et des forces gouvernementales,

16 une rumeur s'est répandue parmi les forces gouvernementales qui

17 défendaient Fojnica selon laquelle le monastère franciscain abritait un

18 émetteur et était utilisé comme arsenal.

19 M. Donia (interprétation) - Oui.

20 M. Hayman (interprétation) - Apparemment, du fait de cette

21 rumeur, des soldats de l'armée gouvernementale sont entrés dans le

22 monastère le 13 novembre 1993 et y ont assassiné deux moines.

23 M. Donia (interprétation) - J'ai dit que ces soldats étaient

24 entrés dans le monastère ce jour-là, effectivement. Je ne relie pas ce

25 fait à la rumeur selon laquelle il y avait un émetteur radio.

Page 790

1 M. Hayman (interprétation) - Pensez-vous qu'il y aurait d'autres

2 raisons pour lesquelles les militaires seraient entrés dans ce monastère

3 pour assassiner des religieux, sinon le sentiment de crainte, de parti-

4 pris ou de paranoïa qui pouvait s'expliquer par cette rumeur dont vous

5 parlez dans ce passage ?

6 M. Donia (interprétation) - Oui, je crois que la crainte, la

7 peur et la paranoïa sont exactement ce que l'on peut dire en parlant de

8 cet émetteur.

9 M. Hayman (interprétation) - Je n'ai pas d'autres questions,

10 Monsieur le Président, et je tiens à remercier M. Donia de nous avoir fait

11 part de ses vues.

12 M. le Président - Bien. Donc le contre-interrogatoire est

13 terminé. Le Procureur, en accord avec le Tribunal qui a établi sa

14 jurisprudence en la matière, va reprendre la parole.

15 Le Tribunal demande expressément à M. le Procureur de se

16 conformer à ce qui a été décidé, à savoir que les questions que vous

17 poserez ne seront pas la redite des questions que vous avez déjà posées au

18 cours de l'interrogatoire, mais des questions que vous estimeriez

19 nouvelles.

20 Monsieur le Procureur, vous êtes en liberté surveillée !

21 M. Kehoe (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Après

22 cette dernière série de questions que vous a posé la défense, vous avez

23 décrit la situation en Bosnie centrale comme étant marquée par la peur,

24 l'inquiétude et par des tensions extrêmement fortes, faute d'un terme plus

25 approprié. Est-ce exact ?

Page 791

1 M. Donia (interprétation) - Oui

2 M. Kehoe (interprétation) - Etant donné ces circonstances, en

3 tant en qu'historien, ne trouvez-vous pas bizarre que quelqu'un comme

4 Mate Boban, qui voulait -dit-on- la paix, ou que le HVO ait lancé un

5 ultimatum tel que celui que l'on retrouve dans "Viesnik" ou dans "Slobodna

6 Dalmacia" le 3 avril 1993 ?

7 M. Donia (interprétation) - Pour moi, ce sont des propos

8 incendiaires.

9 M. Kehoe (interprétation) - Je voudrais revenir sur quelques

10 éléments traités lors du contre-interrogatoire.

11 Monsieur Dubuisson, pourrait-on donner la pièce D/10 au témoin ?

12 (Le document est remise au témoin.)

13 M. Kehoe (interprétation) - Il s'agit d'un article de deux pages

14 écrit par un certain Jerry Kisslinger qui date du 12 septembre 1994. A la

15 deuxième page de ce document, il y a un passage surligné qui a été lu par

16 la défense, n'est-ce pas ?

17 M. Donia (interprétation) - Oui

18 M. Kehoe (interprétation) - Au bas de cette page, un paragraphe

19 complète ce qui a été lu, qui parle de vous-même et du

20 professeur Fine (?). Il y est dit -je le cite : "Cela étant, comme Vuljami

21 -Vuljami est un autre expert en la matière- MM. Donia et Fine (?) nous

22 permettent de mieux comprendre ce qui a été perdu en Bosnie et soulignent

23 la distance entre la connaissance et la sagesse politique." Voyez-vous

24 cette phrase ?

25 M. Donia (interprétation) - Oui.

Page 792

1 M. le Président - Il s'agit de la pièce D/10, de "Bosna-

2 Herzegovine Tradizion". C'est un commentaire critique sur le livre de

3 M. Donia ? Non. Pouvez-vous alors mieux préciser votre question, Monsieur

4 le Procureur, je n'ai pas suivi ?

5 C'est après le paragraphe surligné par la défense. Quelle est

6 votre question ? Pouvez-vous lire le paragraphe sur lequel porte votre

7 question s'il vous plaît ?

8 M. Kehoe (interprétation) - Oui, Monsieur le Président. Il

9 s'agit du dernier paragraphe qui se trouve à la page portant le n° 3. Il y

10 est dit : "Cela étant, comme le professeur Vuljanin, MM. Donia et Fine (?)

11 nous permettent de mieux comprendre ce qui a été perdu en Bosnie et

12 soulignent la distance qu'il y a entre la connaissance et la sagesse

13 politique."

14 Voyez-vous cet extrait, Monsieur Donia ?

15 M. Donia (insertion) - Oui

16 M. Kehoe (interprétation) - Y voyez-vous une critique flatteuse

17 à votre égard ?

18 M. Donia (insertion) - Oui, effectivement.

19 M. Kehoe (interprétation) - Pour plus d'exactitude et

20 d'exhaustivité, Monsieur le Président, je demanderai que ce document soit

21 versé au dossier. Il s'agit en l'occurrence du texte complet de la

22 critique de l'ouvrage de M. Donia, et nous voudrions qu'il soit versé au

23 dossier sous la cote 39.

24 M. le Président - Vous l'avez, Monsieur le Procureur ?

25 M. Kehoe (interprétation) - Oui, Monsieur le Président je les

Page 793

1 ai.

2 (La pièce est versée au dossier.)

3 M. le Président - Si je résume bien, Monsieur le Greffier, nous

4 avons donc pour le même article deux cotes : une cote D/10 de la défense

5 et une cote D/39 pour l'accusation.

6 M. Le Greffier - D/39 et D/10.

7 M. Le Président - Il n'y a pas de traduction française, je

8 suppose, mais on laisse le soin au juge français de fournir les

9 explications. Allez-y Monsieur le Procureur.

10 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur le Président, j'en arrivais

11 à ceci : certaines des pièces ont été extraites des fichiers informatiques

12 il y a peu de temps, et je vous fournirai une traduction en français le

13 plus rapidement possible.

14 J'avance, Monsieur Donia, car il n'est pas besoin de s'engager

15 dans un débat littéraire. La défense vous a montré un autre document qui

16 portait la cote D/8. Encore une fois si M. Dubuisson peut m'aider...

17 Il s'agit de l'accord de cessez-le-feu signé le 25 avril 1993.

18 M. Donia (interprétation) - Oui

19 M. Kehoe (interprétation) - La défense vous a posé une question

20 ce matin sur ce point, n'est-ce pas ?

21 M. Donia (interprétation) - Oui

22 M. Kehoe (interprétation) - Corrigez-moi si je me trompe,

23 Monsieur Donia, mais plusieurs de ces événements ont eu lieu entre le

24 16 avril et la signature de l'accord du cessez-le-feu, le 25 avril 1993,

25 n'est-ce pas ?

Page 794

1 M. Donia (interprétation) - Oui, absolument.

2 M. Kehoe (interprétation) - Que s'est il passé ?

3 M. Donia (interprétation) - Les hostilités ont éclaté le matin

4 du 16 avril et certaines parties de la Bosnie centrale, en particulier la

5 vallée de la Lajva,; ont été le théâtre de ces hostilités. Ces hostilités

6 se sont poursuivies durant quelque temps.

7 M. Kehoe (interprétation) - Peut-on dire, Monsieur Donia, que

8 les gens s'entretuaient en Bosnie centrale ou en Bosnie avant la signature

9 de cet accord ?

10 M. Donia (interprétation) - Oui

11 M. Kehoe (interprétation) - Si je passe au paragraphe 2, n'est-

12 il pas reconnu là que, non seulement ils s'entretuaient, mais qu'il y

13 avait de graves violations du droit humanitaire international ?

14 M. Donia (interprétation) - Oui. Ce sont les termes de l'accord

15 M. Kehoe (interprétation) - Pour poursuivre avec ce paragraphe,

16 les signataires demandent un cessez-le-feu immédiat ?

17 M. Donia (interprétation) - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation) - Je passe à la page suivante et

19 j'appelle votre attention un instant sur le paragraphe 5. Il y avait un

20 accord selon lequel ces violations du droit international humanitaire, je

21 lis : "Que tous les cas de violation feraient l'objet d'une enquête

22 immédiate sur le plan de la responsabilité personnelle pour les conflits

23 et crimes perpétrés contre les civils."

24 M. Donia (interprétation) - Effectivement.

25 M. Kehoe (interprétation) - N'est-ce pas là une reconnaissance

Page 795

1 de ces faits par le HVO et Mate Boban ?

2 M. Donia (interprétation) - Oui

3 M. Kehoe (interprétation) - Le HVO a-t-il jamais traduit

4 quelqu'un en justice sur la base des crimes qui ont eu lieu en Bosnie

5 centrale ou en Bosnie dans cette période de temps ?

6 M. Donia (interprétation) - Pas à ma connaissance.

7 M. Kehoe (interprétation) - J'en arrive maintenant à l'annexe à

8 cette pièce D/8. Il est question du quartier général conjoint, du

9 commandement conjoint assumé par les généraux Radilovic et Pestkovic.

10 Dans l'accord préalable, le plan Vance-Owen, la division dont on

11 parlait était été fondée sur des cantons, n'est-ce pas ?

12 M. Donia (interprétation) - Des provinces, dix provinces.

13 M. Kehoe (interprétation) - Ou des provinces. Corrigez-moi si je

14 me trompe : des provinces qui allaient être contrôlées par les Croates de

15 Bosnie. Il s'agissait des provinces 3, 8 et 10 qui devaient aller aux

16 Croates de Bosnie.

17 M. Donia (interprétation) - Effectivement.

18 M. Kehoe (interprétation) - Dans le plan Vance-Owen, il était

19 question aussi des aspects militaires de la province n° 10, n'est-ce pas ?

20 M. Donia (interprétation) - .- Oui.

21 M. Kehoe (interprétation) - Ce document dit-il quoi que ce soit

22 sur les provinces 3, 8 et 10 et les réorganise sur le plan militaire

23 conformément à certaines frontières de provinces ?

24 M. Donia (interprétation) - On y rejette de façon expresse

25 l'idée d'organiser le commandement militaire dans le cadre du commandement

Page 796

1 conjoint en fonction de frontières provinciales. Le point 4 dit de façon

2 explicite que les deux commandants conjoints formeront des districts

3 militaires dans le cadre du quartier général conjoint et que ces districts

4 seront définis en fonction des exigences opérationnelles, et non pas en

5 fonction de frontières.

6 M. Kehoe (interprétation) - Serait-il donc juste de dire

7 qu'après qu'aient éclaté les combats en avril 1993, on parle ici d'un

8 scénario entièrement différent par rapport au moment où le document est

9 signé ?

10 M. Donia (interprétation) - Oui.

11 M. Kehoe (interprétation) - Et les armées sont guidées selon des

12 exigences opérationnelles plutôt que selon des frontières provinciales ?

13 M. Donia (interprétation) - Oui

14 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce important ?

15 M. Donia (interprétation) - Oui. Les frontières provinciales ne

16 sont pas retenues comme déterminantes pour les opérations militaires. Cela

17 est important. Cela va donc à l'encontre de ce que voulait le HVO dans son

18 ultimatum du 3 avril.

19 M. Kehoe (interprétation) - Passons maintenant à d'autres

20 questions posées par la défense lors du contre-interrogatoire.

21 Je voudrais ici appeler votre attention, encore une fois avec

22 l'aide de M. Dubuisson, sur la pièce D/11.

23 Peut-on donner la pièce D/11 au témoin ? Il s'agit de l'extrait

24 de l'ouvrage intitulé "L'odyssée des Balkans", ouvrage rédigé par

25 Lord Owen et présenté par la défense.

Page 797

1 (Le document est remis au témoin.)

2 M. Kehoe (interprétation) - Vous l'avez, Monsieur Donia ?

3 M. Donia (interprétation) - Oui.

4 M. Kehoe (interprétation) - Je voudrais passer à la page 77, là

5 où la défense a surligné une partie du texte. Dans le passage surligné par

6 la défense, il est dit ce qui suit : "Je savais dès ce stade que

7 M. Tudjman avait accepté la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine dans

8 ses frontières internationalement reconnues comme le prix à payer pour la

9 reconnaissance de la Croatie." Voyez-vous ce passage, Monsieur ?

10 M. Donia (interprétation) - Oui

11 M. Kehoe (interprétation) - Vous rappelez-vous la question posée

12 par la défense. Elle vous a demandé si M. Tudjman, de fait, avait reconnu

13 ou non les frontières de la Bosnie-Herzégovine. Vous rappelez-vous la

14 question ?

15 M. Donia (interprétation) - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation) - Y avait-il une autre raison ou une

17 raison plus ample qui expliquerait pourquoi la Croatie a reconnu les

18 frontières de la Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Donia (interprétation) - Lord Owen avance ici que c'était là

20 le prix à payer pour la reconnaissance de la Croatie dans cet accord

21 global organisé par les Etats-Unis et l'Union européenne. Et plus

22 particulièrement les dispositions de la commission Badinter qui dataient

23 de décembre 1991 à janvier 1992, lesquelles exigeaient de la Croatie

24 qu'elle reconnaisse les frontières de la Bosnie-Herzégovine pour être

25 elle-même reconnue.

Page 798

1 M. Kehoe (interprétation) - C'était donc un deal global ?

2 M. Donia (interprétation) - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Tudjman reconnaît la

4 Bosnie-Herzégovine et la Croatie est alors reconnue par les Etats-Unis et

5 les pays de l'Union européenne.

6 M. Donia (interprétation). - Oui, c’est exact.

7 M. Kehoe (interprétation). - Néanmoins Lord Owen poursuit disant

8 que Tudjman n'a jamais caché sa conviction que la Bosnie-Herzégovine

9 n'était pas viable et que la carte Cvetkovic/Macek, plan de 1939 donc,

10 était bien présente dans son esprit. Vous voyez ce passage ?

11 M. Donia (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Lord Owen poursuit encore et

13 mentionne le fait que le 9 juillet 1993, Tudjman accepte avec réticence

14 que si les Croates veulent Novi Travnik, Vitez et Busovaca, il faut alors

15 -en fonction de l'arithmétique- laisser Stolac aux Musulmans. Vous avez

16 cité ce passage durant l'interrogatoire principal. Cela se trouve dans

17 l'ouvrage de Lord Owen.

18 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement. Je l'ai

19 également repris dans la chronologie que j’ai établie.

20 M. Kehoe (interprétation). - Novi Travnik, Vitez et Busovaca se

21 trouvent où ?

22 M. Donia (interprétation). - Dans la vallée de la Lasva et près

23 de l'extrémité nord-est de la Banovine croate, telle qu'elle figurait sur

24 la carte Cvetkovic/Macek.

25 M. Kehoe (interprétation). - Où les hostilités ont-elles éclaté

Page 799

1 le matin du 16 avril 1993 ?

2 M. Donia (interprétation). - Dans la vallée de la Lasva.

3 M. Kehoe (interprétation). - Nous avançons ; une autre citation

4 a été présentée, elle date de décembre 1993. Lord Owen aurait dit que les

5 conquêtes territoriales des Croates se sont accélérées et le gouvernement

6 croate a, encore une fois, prétendu qu'il n'avait pas dicté de politique

7 aux Croates de Bosnie, disant à tous les ambassadeurs de paix de l’Union

8 européenne à Zagreb que Vitez, en aucun cas, et pas plus que Busovaca, ne

9 seraient abandonnées. Avez-vous lu ce passage ?

10 M. Donia (interprétation). - Oui.

11 M. le Président. - Essayez de résumer, Monsieur le Procureur.

12 C'est une discussion qui s'engage. Vous en faites souvent le reproche à la

13 défense. Essayez de synthétiser votre observation, qui est suivie d'une

14 question. Merci.

15 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, merci.

16 Vitez et Busovaca ont été concernées et affectées par l'attaque du

17 16 avril

18 M. Donia (interprétation). - Oui, cela a eu un impact sur la

19 vallée de la Lasva, ce qui rappelle le plan Cvetkovic/Macek.

20 M. Kehoe (interprétation). - J'en reviens encore une fois aux

21 pièces présentées par la défense, marquées D/6 et D/7. Si l'huissier veut

22 bien nous aider, je voudrais que le témoin ait ces deux pièces sous les

23 yeux.

24 Monsieur Donia, je voudrais que nous nous arrêtions un instant

25 sur la pièce D/7 qui reprend le paragraphe 19 d'un document de quarante

Page 800

1 pages et cent soixante huit paragraphes au total. Vous voyez ce document ?

2 M. Donia (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous lire la première

4 phrase ?

5 M. Donia (interprétation). - Le paragraphe 19 ?

6 M. Kehoe (interprétation). - Oui.

7 M. Donia (interprétation). - "Le plan de paix Vance-Owen placait

8 sous le commandement conjoint du HVO de l'armée de Bosnie-Herzégovine un

9 certain nombre de provinces, dont la province n° 10 qui comprenait les

10 municipalités de Vitez et Busovaca. Ultérieurement, le 2 avril 1993,

11 Alija Izetbegovic, président de la présidence de la République de Bosnie-

12 Herzégovine, et Mate Boban, président de la HZ-HB, côté croate de Herceg-

13 Bosna, ont conclu de placer la province n°°10 sous le commandement du

14 grand quartier général du HVO".

15 M. Kehoe (interprétation). - Ce paragraphe fait-il partie d'un

16 document plus long que vous avez examiné le 26 mai 1997 ?

17 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement. La page de

18 couverture et le point 19 faisaient partie d'un document beaucoup plus

19 long.

20 M. Kehoe (interprétation). - Si l'on parle des événements du

21 2 avril 1993, ce paragraphe ou le document entier fournit-il une

22 explication complète de l'importance de ces événements ?

23 M. Donia (interprétation). - Non, c’est très parcellaire et

24 incomplet.

25 M. Kehoe (interprétation). - J'appelle maintenant votre

Page 801

1 attention sur la pièce D/6. Voyez-vous une date manuscrite en haut à

2 droite ?

3 M. Donia (interprétation). - Je vois la date du 4 novembre 1995.

4 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit de la date à laquelle ce

5 document a été enregistré au Tribunal pénal international. Le

6 4 novembre 1995 est une date qui remonte à deux ans ou presque, n’est-ce

7 pas ?

8 M. Donia (interprétation). - Oui.

9 M. Kehoe (interprétation). - Si l'on examine la chronologie, que

10 manque-t-il dans ce document, après cette date du 4 novembre 1995 ? Vous

11 pouvez commencer par les négociations de fin mars de Vance-Owen.

12 M. Donia (interprétation). - Le 25 mars comme l'indique

13 Lord Owen, Mate Boban et Alija Izetbegovic sont arrivés, après une réunion

14 de cinq heures, à un accord sur les dispositions transitoires pour

15 l'application du plan Vance-Owen. D'après Lord Owen, cela s'est passé

16 après que Mate Boban ait menacé de se retirer de l'alliance militaire qui

17 existait alors. A la fin de trois longues périodes de négociations à

18 New York, au cours desquelles des fonctionnaires des Nations Unies,

19 Lord Owen et M. Vance ont essayé de parvenir à un accord rassemblant les

20 trois parties, le 25 mars 1993 le président Izetbegovic a signé toutes les

21 parties du plan Vance-Owen, ainsi que M. Boban qui a entièrement souscrit

22 au document, notant par ailleurs dans une annexe qu'il espérait que les

23 Serbes appliquent ce texte rapidement ou que la communauté internationale

24 contraigne les Serbes à signer, et à mettre en oeuvre ce plan dans un

25 délai de dix à quinze jours, voire un délai un peu plus long, sinon il

Page 802

1 reverrait sa signature.

2 Après cela, le président Izetbegovic a quitté New York. Il est

3 allé à Zagreb. Monsieur Boban est aussi allé à Zagreb. Les deux hommes y

4 ont retrouvé le président Tudjman pour discuter en profondeur des

5 dispositions à prendre en vue d'un commandement conjoint. Le président

6 Izetbegovic est sorti de cette réunion et a parlé au nouvel ambassadeur de

7 Bosnie-Herzégovine à Zagreb, constatant qu'ils étaient parvenus à un

8 accord de principe, mais que les détails seraient -d'après ses mots- plus

9 difficiles à réaliser sur le terrain pour ce qui est du commandement

10 conjoint.

11 A ce stade, les dirigeants serbes de Bosnie n'avaient pas encore

12 accepté le plan Vance-Owen. Les événements du 2 avril et du matin du

13 3 avril 1993 , à Bileca, ont été tels que les Serbes ont rejeté ce plan

14 Vance-Owen.

15 M. Kehoe (interprétation). - Cela a-t-il modifié la dynamique du

16 plan Vance-Owen ?

17 M. Donia (interprétation). - Cela a modifié la situation

18 générale de façon spectaculaire, constituant une grande déception pour

19 Lord Owen, pour M. Vance et pour tous les autres partenaires. A ce stade,

20 cela signifiait qu’il n'y avait plus de traité, plus d'accord de paix.

21 M. Kehoe (interprétation). - Une question subsidiaire,

22 maintenant. Ces négociations se poursuivaient. Les Serbes de Bosnie

23 refusaient... A quelle heure du matin, d’ailleurs ?

24 M. Donia (interprétation). - Vers six heures du matin.

25 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit d'une réunion qui a

Page 803

1 commencé le 2 avril et qui s'est terminée le 3 avril à six heures du

2 matin.

3 M. Donia (interprétation). - Oui

4 M. Kehoe (interprétation). - D’autres événements se passent-ils

5 dans d'autres parties de la Bosnie à ce moment-là concernant les Serbes de

6 Bosnie et les Musulmans de Bosnie ?

7 M. Donia (interprétation). - La ville de Srebrenica est alors

8 assiégée. Les Serbes mènent une offensive contre le gouvernement bosniaque

9 en Bosnie orientale et connaissent des succès militaires. Dans le même

10 temps, la communauté internationale menace la Serbie de sanctions, car

11 elle aidait les Serbes de Bosnie et se préparait à s'opposer aux Serbes de

12 Bosnie si ceux-ci n'acceptaient pas le plan de paix Vance-Owen.

13 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur, revenons sur le document

14 D/6. Il porte la date du 2 avril 1993, à Mostar. C'est exact ?

15 M. Donia (interprétation). - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous pu examiner des documents

17 qui vous ont amené à la conclusion que ce document n'avait pas été signé

18 et que cette déclaration, prise il y a deux ans, était incorrecte ?

19 M. Donia (interprétation). - L’original du projet m’a été donné

20 et visiblement ce projet ne porte pas de signature. Il n'y a pas de

21 signature sur l'original, dans les versions dans des langues utilisées

22 dans la région. Il semble cependant qu'il y ait un espace pour les

23 signatures sous les noms qui ont été dactylographiés, c'est-à-dire

24 Izetbegovic et Boban, mais il n'y a pas de signature.

25 Le 3 avril cependant, j'ai vu un document selon lequel le

Page 804

1 2 avril M. Izetbegovic a présidé une réunion à Sarajevo, qui a regroupé la

2 présidence de la Bosnie-Herzégovine et le gouvernement de la République de

3 la Bosnie-Herzégovine. Ce même jour, une réunion a eu lieu avec

4 l'ambassadeur français pour discuter éventuellement de la possibilité

5 d'aides humanitaires, en tant que reconnaissance de sa signature du plan

6 Vance-Owen.

7 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais demander à voir la

8 pièce 40. Cet article de Slobodna, en date du 3 avril 1993, parle de ces

9 deux réunions dont vient de discuter à l'instant M. Donia : la réunion du

10 cabinet ministériel, ainsi que la réunion avec le ministre des Affaires

11 étrangères français.

12 Je demanderai l'aide de l’huissier. Non seulement il n'y a pas

13 de traduction en français, mais il n'y a même pas de traduction en

14 anglais, Monsieur le Président. Ultérieurement, je me ferai un plaisir de

15 vous offrir les deux.

16 M. le Président. - Nous ferons une traduction à vue, si je

17 comprends bien Monsieur le Procureur ? Est-ce une nouvelle pièce, Monsieur

18 le Greffier ?

19 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

20 Monsieur le Président, j'ai fourni cela à la cabine d'interprétation. Si

21 vous voulez une traduction à vue...

22 M. le Président. - Pour que le public y ait accès également.

23 M. Kehoe (interprétation). - On peut peut-être mettre le

24 document sur le projecteur.

25 M. le Président. - Le D/40, Monsieur le Greffier, c'est bien

Page 805

1 cela ?

2 M. le Greffier. - En fait, il s'agit de la pièce 40

3 M. le Président. - Le D, c’est la défense. Donc pièce 40.

4 Monsieur Donia, vous avez la pièce ?

5 M. Donia (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

6 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Donia, quel est l’article

7 dont vous parlez ?

8 M. Donia (interprétation). - C'est l'article portant sur la

9 réunion conjointe qui regroupait la présidence et le gouvernement de la

10 Bosnie-Herzégovine.

11 M. Kehoe (interprétation). - Cet article parle-t-il de

12 discussions relatives à un commandement conjoint avec le HVO ?

13 M. Donia (interprétation). - Oui, tout à fait.

14 M. Kehoe (interprétation). - Que dit-il ?

15 M. Donia (interprétation). - C'est une sorte de paraphrase. Il

16 dit que cette réunion a été vue comme une grande priorité et qu'elle

17 permettrait d'entrer dans des négociations sur l'établissement d'un

18 commandement conjoint avec le HVO.

19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

20 pas si vous voulez une traduction à vue ou si vous en êtes satisfait.

21 M. le Président. - Ce n'est pas très long, on pourrait peut-être

22 avoir une traduction à vue.

23 Peut-être le témoin pourrait-il le lire en serbo-croate ?

24 Pouvez-vous le lire en serbo-croate, Monsieur Donia ?

25 M. Donia (interprétation). - Vous étendez mes capacités au-delà

Page 806

1 de celles qui sont les miennes, mais je ferai de mon mieux.

2 "Une réunion conjointe de la présidence et du gouvernement de la

3 République de Bosnie-Herzégovine s'est tenue aujourd'hui. Elle a été

4 présidée par Alija Izetbegovic. La délégation de l'Etat de Bosnie-

5 Herzégovine a soumis aujourd'hui, à la réunion, un rapport sur les causes

6 et résultats des négociations des pourparlers de paix à New York pour la

7 Bosnie-Herzégovine. La présidence et le gouvernement acceptent ce rapport

8 et feront une évaluation favorable du travail réalisé. Il est indiqué que,

9 lors des pourparlers de New York, la politique stratégique de la Bosnie-

10 Herzégovine, en faveur de la paix, a été confirmée, ce qui ne signifie pas

11 que la capacité de défense soit affaiblie, d'autant que notre pays se

12 trouve sous la pression accrue de forces militaires. Il a été décidé de

13 poursuivre les pourparlers dans les meilleurs délais quant à la formation

14 d'un commandement conjoint de l'armée de la Bosnie-Herzégovine et du HVO.

15 M. le Président. - Merci. Allez-y, Monsieur le Procureur.

16 M. Kehoe (interprétation). - A droite, sur cette page, vous avez

17 un article qui fait allusion à cette réunion avec l'ambassadeur de France.

18 Est-il possible aussi d'avoir une traduction à vue de la colonne de

19 droite ?

20 M. le Président. - Allez-y.

21 M. Donia (interprétation). - "Le Président de la République de

22 Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, a signé le plan de paix Vance-Owen

23 car il est d'avis que, de cette façon, la mise en oeuvre de ces documents

24 va rétablir la paix dans ces contrées et permettra le retour de nombreux

25 réfugiés dans leur foyer. Cela a été dit hier au cours d'une rencontre

Page 807

1 entre le Président Izetbegovic et M. Henri Jacques-Ollin (?), ambassadeur

2 de France, après que le Président de la République de Bosnie-Herzégovine

3 l'a informé des positions adoptées par la présidence, eu égard au plan de

4 paix.

5 A la fin d'une réception cordiale organisée à la présidence, un

6 communiqué de presse a été publié par le cabinet et l'ambassadeur

7 Jacques-Ollin a informé ces hôtes que la France allait continuer à fournir

8 une aide humanitaire à la Bosnie-Herzégovine et que la cadence n'allait

9 pas se relâcher. Une référence a été faite aussi aux activités

10 humanitaires concentrées sur Srebrenica, où l'ambassadeur de France a

11 souligné que le général Morillon avait le soutien du gouvernement français

12 et aussi de l'opinion publique. L'ambassadeur de France a aussi rencontré

13 hier le Dr Zlatko Lagumdzija, Vice-Président de la République de Bosnie-

14 Herzégovine."

15 M. Kehoe (interprétation). - A ce stade, Monsieur le Président,

16 l'accusation voudrait faire enregistrer, aux fins de vérification, la

17 pièce comme étant la pièce 41, c'est-à-dire la lettre qui vous est

18 adressée, à vous Monsieur le Président, par le Président de la République

19 de Bosnie-Herzégovine, M. Izetbegovic. Elle est rédigée en bosniaque et il

20 y a une page de garde rédigée par Mme Vidovic.

21 J'en fais lecture : "S'agissant de la lecture de Me Harmon de

22 l'accusation, je dis la chose suivante. Je n'ai jamais signé de

23 déclaration concernant M. Izetbegovic et M. Boban et je n'étais pas à

24 Mostar ce jour d'avril 1993. Aucune partie n'a jamais offert une telle

25 déclaration et ne se retrouve pas non plus dans la documentation dont je

Page 808

1 disposais." Je répète, Monsieur le Président, que cette lettre vous est

2 adressée personnellement et que nous voudrions qu'elle soit versée en tant

3 que pièce 41 de l'accusation. Nous avons des exemplaires à votre

4 disposition.

5 M. le Président. - Cette lettre est de quelle date ?

6 M. Kehoe (interprétation). - La lettre date d'aujourd'hui,

7 Monsieur le Président.

8 M. le Président. - Je suis heureux d'apprendre qu'on m'écrit

9 aujourd'hui ! (Rires.)

10 M. Hayman (interprétation). - Si cette pièce doit être reçue,

11 nous voudrions élever une objection.

12 M. le Président. - Avant de la recevoir, je voudrais écouter

13 votre objection.

14 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président ?

15 (Les juges se consultent sur le siège.)

16 M. le Président. - Maître Hayman, vous vouliez intervenir. Puis

17 le Tribunal décidera. Je voudrais d'abord entendre Me Hayman.

18 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, c'est une

19 question de principe. Le versement de cette pièce n'a pas de conséquences.

20 Si vous l'avez, vous voyez dans le deuxième paragraphe que le

21 Président Izetbegovic va à l'encontre de l'idée d'ultimatum. Donc, cela

22 n'a aucun impact significatif. Cependant, il s'agit là d'un Tribunal où

23 les témoins sont interrogés et où des preuves pertinentes sont prises en

24 compte. Ce n'est pas une Cour où les témoins peuvent poster leur

25 déclaration et ne sont pas soumis aux débats normaux d'un Tribunal. Le

Page 809

1 défendant doit être confronté et contre-interrogé. Bien que cette lettre

2 n'ait pas un grand impact, je voudrais que vous preniez en compte mon

3 objection.

4 M. le Président. - Je vous remercie de votre objection. Tout

5 d'abord, le Tribunal se déclare surpris. A titre personnel, je me vois

6 surpris de voir que des correspondances qui me sont adressées passent par

7 le canal du Procureur et arrivent comme cela, en pleine audience, d'une

8 façon peu usitée, en tout cas dans mes moeurs judiciaire.

9 Le deuxième point dont nous avons discuté avec mes collègue est

10 de savoir si cela émane bien du Président de la République de Bosnie-

11 Herzégovine, M. Izetbegovic. A tout le moins, c'est le minimum de

12 précaution que l'on peut prendre.

13 La troisième observation recoupe une observation que vient de

14 faire la défense et que le Tribunal fait sienne, c'est que nous sommes ici

15 dans un débat contradictoire : ou bien M. Izetbegovic est cité par

16 l'accusation, ou bien son représentant est cité par l'accusation et vient

17 témoigner avec ce document qui serait soumis, bien entendu, au contre-

18 interrogatoire de la défense.

19 Donc je voudrais que vous me répondiez sur les deux premières

20 observations. Ensuite, nous ne prendrons pas, pour l'instant, cette pièce

21 comme pièce à conviction. Nous allons la tenir en dehors du dossier

22 jusqu'à ce que l'accusation nous dise ce qu'elle souhaite en faire, par

23 rapport éventuellement au témoignage de M. Izetbegovic ou de son

24 représentant, à supposer qu'il ait été prévu par l'accusation de les faire

25 intervenir dans le présent débat. Mais je crois que cette pièce ne peut

Page 810

1 pas arriver, en l'état, sur le bureau, d'autant qu'il s'agit d'un courrier

2 qui m'est adressé personnellement.

3 Monsieur le Procureur, pouvez-vous fournir un certain nombre

4 d'explications ?

5 M. Kehoe (interprétation). - Volontiers, Monsieur le Président.

6 Aux fins du procès-verbal, je rappelle que c'est une lettre qui fait

7 référence à une lettre que mon confrère, Me Harmon, a envoyée après que le

8 sujet ait été évoqué par la défense, lettre envoyée à Mme Vidovic*. Suite

9 à cette lettre, nous avons la réponse du gouvernement, réponse que vous

10 avez sous les yeux, Messieurs les Juges.

11 Cette lettre est arrivée directement à Me Harmon à 15 heures.

12 Cela veut dire que littéralement je l'ai depuis que nous sommes en

13 audience et je ne l'avais pas auparavant.

14 S'agissant de l'authenticité du document, nous n'avons bien sûr

15 aucune objection à tenir ceci bien au chaud et à vous fournir les éléments

16 établissant l'authenticité en temps utile.

17 (Les juges se concertent sur le siège.)

18 M. le Président. - Le Tribunal demande à M. le Greffier

19 d'identifier la pièce.

20 Il demande que cette pièce ne soit pas versée comme pièce à

21 conviction pour l'instant. Le Tribunal l'acceptera comme pièce à

22 conviction dans le cadre d'un débat contradictoire si, par la suite, au

23 cours des débats, le Procureur souhaite faire comparaître un témoin, ou la

24 verser dans un débat contradictoire avec la défense.

25 En conséquence, Monsieur le Greffier, vous voudrez bien faire

Page 811

1 une minute relatant l'ensemble de ces circonstances.

2 Il va de soi, Monsieur le Procureur, que si vous souhaitez faire

3 intervenier ce document dans un débat ultérieur, vous aurez toute latitude

4 pour ce faire. Pour l'instant, vous voudrez bien passer à une nouvelle

5 question et donc ne pas vous référer à ce document qui n'est connu ni du

6 témoin, ni de la défense, ni des juges et, si j'ai bien compris, Monsieur

7 le Procureur, ni de vous-même.

8 Donc nous passons à la question suivante que vous poserez au

9 témoin.

10 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

11 Monsieur Donia, le document auquel vous avez fait référence dans

12 l'interrogatoire principal et auquel on a fait référence dans le contre-

13 interrogatoire concerne deux articles de presse qui relèvent des pièces 24

14 et 25.

15 Vous avez dit en deux occasions qu'il y avait menace. Pourrions-

16 nous examiner la pièce 25 ? Il s'agit de l'article de "Slobodna Dalmacia"

17 en date du 4 avril 1993. Connaissez-vous l'auteur de cet article ?

18 M. Donia (interprétation). - L'auteur de l'article de presse

19 paru dans "Slobodna Dalmacia" est M. Vegar, Veso Vegar.

20 M. Kehoe (interprétation). - Connaissez-vous M. Vegar ?

21 M. Donia (interprétation). - C'est sans doute un journaliste de

22 ce journal. Il est également le porte-parole du HVO.

23 M. Kehoe (interprétation). - Donc le porte-parole du HVO est

24 aussi l'auteur de cet article ?

25 M. Donia (interprétation). - C'est exact.

Page 812

1 M. Kehoe (interprétation). - Je parle de cet article qui n'a pas

2 été évoqué par la défense. Pourriez-vous nous indiquer où se situe

3 l'ultimatum, la menace ?

4 M. Donia (interprétation). - Dans cet article, je voudrais

5 attirer votre attention sur la section qui se trouve juste en dessous des

6 six points. Dans la version anglaise, il s'agit du paragraphe qui débute

7 sous les six points.

8 M. le Président. - Vous pourriez le présenter sur le

9 rétroprojecteur peut-être, ce serait plus clair.

10 M. Donia (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

11 (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)

12 Je pourrais peut-être lire ces deux paragraphes qui désignent la

13 menace dont je parle :

14 "Au cas où cette déclaration ne serait pas signée par les

15 dirigeants des délégations musulmanes des provinces 3, 8 et 10, le HVO de

16 la HZHB, c'est-à-dire la communauté croate de Herzeg-Bosna, a décidé

17 d'appliquer les décisions du plan de paix selon lesquelles chaque force

18 armée nationale devra se retirer de sa province de domicile.

19 Etant donné que l'accord de base et l'accord sur l'organisation

20 transitoire distinguent l'autorité centrale future et l'autorité des

21 provinces, le HVO de la HZHB devra éviter toute tentative, par l'actuelle

22 présidence unique et le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, de nommer

23 différentes structures, des comtés par exemple, et toutes les décisions

24 qui seront prises par la future présidence transitoire de la République de

25 Bosnie-Herzégovine et le gouvernement central transitoire de la République

Page 813

1 de Bosnie-Herzégovine devront être respectées et mises en oeuvre

2 conformément aux obligations qui étaient sous-entendues au moment de la

3 signature du plan de paix".

4 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que, pour vous, c'est là une

5 revendication unilatérale ?

6 M. Donia (interprétation). - Oui.

7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que, dans ce document, on

8 exige la signature du Président Izetbegovic ?

9 M. Donia (interprétation). - Tout à fait. Cette obligation

10 figure dans le paragraphe qui se trouve juste au-dessus de la partie que

11 je viens de lire. Dans ce paragraphe, il est dit que :

12 "Le HVO de la HZHB espère que M. Izetbegovic, ayant bien compris

13 l'importance exceptionnelle de la déclaration, signera également ce

14 document parce que le document confirme également le désir d'instaurer la

15 paix, désir qui est nécessaire pour tous".

16 M. Kehoe (interprétation). - Si on part de cet article précis et

17 qu'on le lie à l'article de la veille de "Slobodna", où le Président

18 Izetbegovic, à l'occasion de deux réunions distinctes tenues à Sarajevo,

19 est arrivé à certaines conclusions, est-ce que vous, en tant qu'historien,

20 vous en avez conclu que le Président Izetbegovic acquiesçait à cette

21 demande unilatérale du HVO ?

22 M. Donia (interprétation). - Etant donné qu'il n'y a pas de

23 signature figurant sur les documents du 2 avril, étant donné qu'il a dit

24 qu'il était bloqué à Sarajevo et que le jour suivant, le HVO a demandé

25 expressément sa signature sur le document, je crois qu'il est très peu

Page 814

1 probable que M. Izetbegovic ait accepté de signer les documents qui lui

2 ont été soumis le 2 avril.

3 Par ailleurs, le HVO a commencé ses délibérations à Mostar le

4 1er avril, ce qui a d'ailleurs fait l'objet d'un article de ce

5 correspondant, le jour même, dans le journal "Oslobodjenje".

6 Donc il s'agissait peut-être d'un projet d'accord antérieur à la

7 signature des deux parties, mais cet accord n'a jamais été signé par

8 M. Izetbegovic.

9 M. Kehoe (interprétation). - Cet article précis et cette

10 revendication surgissent après que les Serbes de Bosnie aient voté contre

11 le plan de paix Vance-Owen ?

12 M. Donia (interprétation). - Oui. Je crois qu'en se fondant sur

13 les documents dont nous disposons, datés du 2 avril, on peut dire que

14 cette déclaration en six points a précédé ce refus. Mais le document plus

15 global, qui est pour moi l'ultimatum, porte la date du 3 avril, donc après

16 le refus de l'Assemblée serbe de Bileca.

17 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cela modifie les

18 différents aspects de cet accord tripartite entre les Croates, les Serbes

19 et les Musulmans de Bosnie ?

20 M. Donia (interprétation). - A l'époque oui, et à l'époque on a

21 cherché à faire en sorte que les Serbes signent également cet accord.

22 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Donia, au cours du contre-

23 interrogatoire, des questions vous ont été posées à propos de la date de

24 l'ultimatum.

25 M. Donia (interprétation). - Oui.

Page 815

1 M. Kehoe (interprétation). - Et vous avez dit lors du contre-

2 interrogatoire que vous, en tant qu'historien, n'étiez pas le seul à

3 conclure, à la lecture de ce document, qu'on pouvait le qualifier

4 d'ultimatum.

5 M. Donia (interprétation). - C'est exact.

6 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais vous montrer ce

7 document, avec l'aide de l'huissier, si c'est possible. Monsieur le

8 Président, je ne dispose que d'une version anglaise, je demanderai que ce

9 document soit traduit, mais est-il possible d'en faire la pièce de

10 l'accusation n° 42 ?

11 Je voudrais simplement poser quelques questions sur ce document.

12 Peut-on en avoir une traduction à vue ?

13 Puis-je poursuive, Monsieur le Président ?

14 M. le Président. - Bien sûr, allez-y.

15 M. Kehoe (interprétation). - Avant que nous ne placions le

16 document sur le rétroprojecteur, Monsieur Donia, pouvez-vous nous dire

17 exactement en quoi consiste ce document et d'où il vient ?

18 M. Donia (interprétation). - C'est là une page qui vient du

19 service d'information étranger. C'est un média des Etats-Unis qui couvre

20 l'Europe orientale et fournit des revues de presse quotidiennes. Cela m'a

21 été envoyé, à ma demande, par un assistant de l'université du Michigan,

22 Centre de recherche sur la Russie et l'Europe orientale. La date de cet

23 envoi est le 7 juin 1997.

24 M. Kehoe (interprétation). - Et cela vous a été envoyé à la

25 suite de la conversation que nous avons eue à La Haye ?

Page 816

1 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement, après notre

2 premier entretien.

3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

4 les Juges, j'aimerais que l'on place, avec votre autorisation, ce document

5 sur le rétroprojecteur, afin qu'on puisse en faire une traduction à vue et

6 je demande, sur ce plan aussi, l'aide des interprètes.

7 M. le Président. - Pourriez-vous mieux préciser quel est le

8 média des Etats-Unis auquel vous faites allusion ? Vous dites que c'est

9 extrait d'une revue de presse quotidienne élaborée par un média américain.

10 Monsieur Donia, avez-vous le nom, l'appellation de ce média américain ?

11 Est-ce une agence de presse ? Un organe spécialisé ? De quoi s'agit-il ?

12 M. Donia (interprétation). - Monsieur le Président, c'est un

13 service qui suit la radio et la presse périodique en Europe orientale. Il

14 publie à la suite de cela des textes pertinents.

15 Cet article en particulier vient de la Tanjug, l'agence de

16 presse de Belgrade. Il date du 10 avril 1993. C'est une dépêche qui a été

17 publiée sur les ondes à Belgrade, dont ce service américain a eu

18 connaissance et qu’il a repris dans ses propres publications. C'est un

19 outil de recherche qui est largement utilisé par les spécialistes pour les

20 événements et l'étude de l'Europe orientale.

21 M. Kehoe (interprétation). - Pouvons-nous placer le document sur

22 le rétroprojecteur ?

23 M. Donia (interprétation). - Pour être plus rapide, je pourrais

24 vous dire les quelques paragraphes clé dans ce texte. Si vous le

25 souhaitez, je pourrais ne vous en traduire que quelques parties.

Page 817

1 M. Kehoe (interprétation). - Si vous en êtes d'accord, nous

2 pourrions laisser le témoin nous lire les paragraphes les plus pertinents.

3 M. le Président. - D’accord pour la lecture des passages que

4 vous estimez pertinents.

5 M. Donia (interprétation). - Je commencerai par ce paragraphe :

6 "Le conflit musulman-croate a éclaté il y a quelques mois en

7 Bosnie Herzégovine centrale dans les villes de Busovaca et Travnik. Il

8 s'est étendu à la région de Konjic et Jablanica le mois dernier, où des

9 divergences sont apparues quant aux autorités militaires et politiques

10 dans des parties ethniquement mélangées des provinces définies par les

11 médiateurs internationaux, Cyrus Vance et Lord Owen.

12 Tant les Croates que les Musulmans cependant s'attendent que le

13 conflit véritable n'éclate qu'après le 15 avril, délai fixé par Mate Boban

14 dirigeant des Croates de Bosnie, pour le retrait de toutes les unités

15 musulmanes des provinces croates définies dans le plan Vance-Owen.

16 Il y a aussi un conflit musulman-croate à Zenica, lequel a été

17 provoqué par le fait que les convois humanitaires et autres rencontrent

18 des difficultés croissantes pour parvenir dans les territoires musulmans

19 auxquels ils n'ont accès que par des zones contrôlées par les Croates.

20 Cela est particulièrement vrai pour la route qui traverse Metkovic,

21 Mostar, Jablanica, Prozor, Gornji Vakuf, Travnik et plus loin vers Zenica,

22 Zepac, Gradacac, d'après les rapports qui nous parviennent de l'armée des

23 Serbes de Bosnie".

24 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Donia, cet article vient

25 de Belgrade, comme vous l'avez dit. C'est donc une source Serbe ?

Page 818

1 M. Donia (interprétation). - Oui. Il vient de Belgrade. Il se

2 fonde avant cela, en amont, sur un rapport de l’armée des Serbes de

3 Bosnie.

4 M. Kehoe (interprétation). - Lors du contre-interrogatoire, vous

5 avez mentionné un article tiré de Borba qui date du 5 avril 1993, n'est-ce

6 pas ?

7 M. Donia (interprétation). - Oui. Il s'agit d'un journal de

8 Belgrade qui s'appelle "Borba".

9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, si vous le

10 voulez bien, nous voudrions maintenant utiliser cet article de Borba, qui

11 porte le n° 43, ainsi qu'une traduction anglaise qui porte le n° 44. Nous

12 fournirons une traduction française le plus vite possible.

13 (Remise des documents.)

14 M. le Président. - Combien de questions environ vous reste-t-il,

15 Monsieur le Procureur ?

16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, après cela

17 j'ai encore un document à examiner et ensuite quelques questions en guise

18 de conclusion. J'aurai sans doute terminé à cinq heures, si nous

19 poursuivons sans pause.

20 M. le Président. - Nous allons examiner ce document. Il y a

21 encore un autre document, m’avez-vous dit.

22 M. Kehoe (interprétation). - Oui, effectivement. Il y a ces deux

23 documents, et encore un troisième après ceux-là.

24 M. le Président. - Allez-y sur ce document.

25 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Donia, je voudrais que

Page 819

1 nous nous penchions sur ce document maintenant. Il s'agit de l’article

2 tiré du "Borba" en date de 5 avril 1993. Ce journal contient toute une

3 série d'articles, n'est-ce pas ?

4 M. Donia (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Que veut dire "Borba" ?

6 M. Donia (interprétation). - Le "Borba" est un journal de

7 Belgrade.

8 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui est de l'article

9 anglais, de quoi s'agit il ?

10 M. Donia (interprétation). - Il vient des archives de Reuters,

11 c'est une dépêche de Reuters. C'est le compte rendu qui a été envoyé le

12 4 avril 1993.

13 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, encore une

14 fois, pourrions-nous placer ce texte sur le rétroprojecteur et procéder à

15 la traduction à vue en utilisant la version anglaise ?

16 M. Donia (interprétation). - Encore une fois, si vous me le

17 permettez Monsieur le Président, j'aimerais ne lire que les paragraphes

18 choisis de ce texte, pour plus de rapidité.

19 M. le Président. - D'accord, allez-y.

20 M. Donia (interprétation). - Merci. Il s'agit d'une dépêche de

21 Marc Henry, en date du 4 avril, envoyée de Zagreb. Il dit ceci :

22 "Dimanche, les Croates de Bosnie ont exigé le retrait des troupes

23 musulmanes des provinces affectées à l'autorité croate en vertu d'un plan

24 de paix des Nations Unies, ce qui a relancé les tensions entre les alliés

25 militaires théoriques qui se sont combattus au début de cette année.

Page 820

1 Le commandement militaire croate de Bosnie -HVO- a compliqué

2 encore la question lorsque, dans une déclaration en forme d'ultimatum

3 communiquée par les médias d'Etats croates, il a demandé à l'armée et à la

4 police croate d’évacuer les régions affectées à l'autorité croate. Le HVO

5 a fixé la date limite du 15 avril pour que le président bosniaque

6 Alija Izetbegovic signe un communiqué conjoint ratifiant ce retrait,

7 créant un commandement conjoint et certifiant qu'il n'y avait pas de

8 différend territorial entre Musulmans et Croates."

9 Citation dans cette dépêche : "Si M. Izetbegovic ne signe pas

10 l'accord avant le 15 avril, le HVO appliquera de façon unilatérale sa

11 juridiction dans les cantons 3, 8 et 10".

12 Tiré de la Déclaration : "...du quartier général du HVO dans le

13 bastion croate de Mostar. Les Musulmans constituent des minorités

14 importantes, voire des majorités au plan local dans les provinces n° 8

15 et 10. Des combats ont éclaté dans ces zones en janvier, après que le HVO

16 ait essayé de contraindre les unités musulmanes à se soumettre à son

17 commandement."

18 M. Kehoe (interprétation). - Enfin, Monsieur Donia...

19 M. Donia (interprétation). - Laissez-moi terminer, si vous le

20 voulez bien.

21 M. Kehoe (interprétation). - Je vous en prie.

22 M. Donia (interprétation). - "Encouragé par la Croatie voisine,

23 le HVO a transformé le territoire avoisinant les deux provinces en un

24 protectorat baptisé Herceg-Bosna, avec une monnaie croate et des plaques

25 d’immatriculation croates. La colère musulmane quant à cette conquête de

Page 821

1 terrain, qui n'a pas été contestée par les Serbes, se sentait depuis des

2 mois, l'attention internationale étant concentrée sur le siège -par les

3 Serbes- de la capitale de Sarajevo et de la région peuplée par les

4 Musulmans à l'Est. Enfin, il a été dit que toute tentative par le

5 gouvernement unipartite illégitime de Bosnie de mettre en place des

6 autorités dans la région ferait l'objet d'une opposition.

7 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Donia, excusez-moi d'aller

8 un peu vite. Je voudrais que vous examiniez un dernier article. Il s'agit

9 d'un article rédigé en serbo-croate ou en bosniaque, tiré du "Borba" et

10 daté du 6 avril 1993.

11 (Remise des documents au témoin.)

12 Pour le compte rendu, il faut préciser que l'article tiré du

13 "Borba" porte les cotes 43 et 43 A, et que ce nouvel article, la dépêche

14 de Reuters, porte la cote 44.

15 M. le Président. - Attention à la numérotation, Monsieur le

16 Procureur. Monsieur le Greffier, pouvez-vous être précis sur la

17 numérotation des pièces ?

18 M. le Greffier. - Oui.

19 M. le Président. - L'article du "Borba" est la pièces 43 ?

20 M. Kehoe (interprétation). - Oui.

21 M. le Président. - Le communiqué Reuters porte le n° 44 ? Je

22 pose la question.

23 M. le Greffier. - C’est 43A.

24 M. le Président. - C’est la traduction, donc c’est 43 A. Et là,

25 nous sommes à 44. Monsieur le Procureur, allez-y.

Page 822

1 M. Kehoe (interprétation). - Le document que vous avez sous les

2 yeux porte le n° 44. Monsieur Donia, il s'agit d'un article daté du

3 6 avril 1993 et tiré du "Borba".

4 M. Donia (interprétation). - C'est effectivement un article daté

5 du 6 avril.

6 M. Kehoe (interprétation). - Qu’est-ce que le journal "Borba" ?

7 M. Donia (interprétation). - C'est un journal de Belgrade.

8 M. Kehoe (interprétation). - Nous avons placé cet article sur le

9 rétroprojecteur. Les interprètes ont également reçu un exemplaire du

10 texte.

11 "Le leader croate de Bosnie, Mate Boban, a exigé que l'armée

12 bosniaque, qui se trouve sous le contrôle des Musulmans, se retire des

13 trois provinces de Bosnie-Herzégovine considérées comme croates. Il a

14 menacé, à défaut de recourir à la force.

15 Dans un appel au président Izetbegovic, M. Boban a exigé que le

16 plan Vance-Owen soit appliqué immédiatement et que la Bosnie-Herzégovine

17 soit découpée en dix provinces. Le dirigeant des Croates de Bosnie fait

18 référence à la déclaration sur la coopération croato-musulmane et sur

19 l'organisation militaire de la Bosnie jusqu'à la complète

20 démilitarisation".

21 "Cela signifie que les unités de l'armée et de la police

22 bosniaque, jusqu'à la complète démilitarisation de la Bosnie, se retirent

23 vers les provinces domiciles dans les trois jours".

24 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je poursuivre, Monsieur le

25 Président ?

Page 823

1 M. le Président. - Oui.

2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Donia, lorsque vous

3 parliez de commentateurs qui qualifiaient la déclaration du HVO

4 d'ultimatum le 3 avril 1993, est-ce que vous considériez également ces

5 autres sources ?

6 M. Donia (interprétation). - Non. J'ai pris en compte, pour

7 cela, les sources antérieures du FBIS, ce service américain dont je vous

8 parlais. Plus récemment, j'ai pu examiner ces autres sources. Il ressort

9 manifestement de plusieurs sources, notamment de cette dépêche qui vient

10 de l’AFP, de la dépêche de Reuters et de la troisième dépêche de la

11 Tanjug, que cette déclaration était considérée par tous comme une menace

12 ou un ultimatum.

13 M. Kehoe (interprétation). - Votre analyse des autres sources

14 confirme-t-elle votre conclusion selon laquelle le HVO a lancé un

15 ultimatum qui venait à expiration le 15 avril 1993 ?

16 M. Donia (interprétation). - Oui.

17 M. Kehoe (interprétation). - En tant qu'historien examinant les

18 événements passés, y a-t-il des éléments importants autres que ces

19 articles précis qui vous amènent à la conclusion que la déclaration du HVO

20 en date du 3 avril 1993 se voulait un ultimatum et devait être appliquée

21 par les Musulmans de Bosnie pour la date du 15 avril 1993 ?

22 M. Donia (interprétation) - Les hostilités ont éclaté le

23 16 avril et cela confirme ma position.

24 M. Kehoe (interprétation) - Je n'ai pas d'autre question,

25 Monsieur le Président.

Page 824

1 M. le Président - Bien; nous allons faire la pause, Maître

2 Hayman, tout simplement. Cela va apaiser les esprits. Nous allons prendre

3 vingt minutes de pause. Nous reprendrons donc à 16 heures 55.

4 La séance, suspendue à 16 h 35, est reprise à 17 h.

5 M. le Président - Monsieur le Procureur si nous avons bien

6 compris mes collègues et moi, vous en avez terminé. Vous avez terminé, je

7 suppose, Monsieur le Procureur ? C'est ce que vous nous avez dit.

8 M. Kehoe (interprétation) - Oui, Monsieur le Président, sauf

9 qu'il faut encore présenter les pièces dont j'ai demandé le versement au

10 dossier, à l'exception de la lettre adressée à M. Izetbegovic.

11 M. le Président - Vous avez versé ces lettres. Je ne comprends

12 pas bien la distinction que vous faites. Qu'entendez-vous par "présenter

13 les documents". Vous les avez présentés, non ?

14 M. Kehoe (interprétation) - Je voulais simplement présenter les

15 pièces 39, 40, 42, et nous ne demandons pas que soit versée la lettre de

16 M. Izetbegovic qui porte le n°41.

17 M. le Président - Oui et qui m'a été faxée à l'instant même. Je

18 suis à égalité avec vous, j'ai la lettre également. Mais cela ne changera

19 pas la décision prise par le Tribunal. Merci, Monsieur le Procureur. Je

20 crois que nous en avons terminé.

21 Maître Hayman voulait prendre la parole. Sinon nous en avons

22 terminé avec M. Donia et nous allons le remercier.

23 En principe, vous n'intervenez pas, Maître Hayman, voulez-vous

24 intervenir sur autre chose ?

25 M. Hayman (interprétation) - Ce que je demanderai, c'est que sur

Page 825

1 ces quatre nouveaux articles, j'ai deux ou trois questions à poser sur

2 chacun de ces articles, si vous me le permettez, concernant ces nouvelles

3 pièces. Voilà ce que je demanderai.

4 M. le Président - Allez-y brièvement, Maître Hayman.

5 M. Hayman (interprétation) - Je vous comprends, Monsieur le

6 Président.

7 Monsieur Donia, j'appelle votre attention sur la pièce 42, la

8 dépêche de la Tanjug.

9 M. Donia (interprétation) - Oui.

10 M. Hayman (interprétation) - La source en est l'agence de presse

11 officielle de Belgrade n'est-ce pas ? C'est ce que l'on voit en tête.

12 M. Donia (interprétation) - Oui.

13 M. Hayman (interprétation) - Cette source officielle de Belgrade

14 cite à son tour une source qui est l'armée Serbe de Bosnie ?

15 M. Donia (interprétation) - Oui, effectivement.

16 M. Hayman (interprétation) - Etes-vous d'accord pour dire que

17 l'armée Serbe de Bosnie était engagée dans une guerre avec les deux autres

18 parties dont on discute dans cet article ?

19 M. Donia (interprétation) - Oui, je suis absolument d'accord

20 avec cette affirmation. Je noterais qu'il y a de ce fait un parti pris.

21 M. Hayman (interprétation) - Et qu'il y a ici une question

22 d'équilibre, que cette partie citée ici avait un intérêt à déstabiliser

23 l'alliance entre les deux autres parties ?

24 M. Donia (interprétation) - Oui. Après avoir examiné un certain

25 nombre de ces articles ou dépêches, je crois que ces affirmations sont

Page 826

1 parfois étonnamment exactes et précises, mais parfois aussi très nettement

2 marquées par le programme politique des Serbes de Bosnie.

3 M. Hayman (interprétation) - Examinons cet article comme exemple

4 de ce que vous venez de dire, à savoir que, parfois, ces informations sont

5 exactes, et que parfois, elles sont manifestement erronées.

6 Dans le premier paragraphe, après le paragraphe introductif, il

7 est fait référence dans cette dépêche à un combat à l'artillerie lourde

8 qui a éclaté à Travnik sur la question du drapeau.

9 M. Donia (interprétation) - Oui.

10 M. Hayman (interprétation) - Dans votre ouvrage, vous mentionnez

11 un incident qui a eu lieu autour de ce drapeau.

12 M. Donia (interprétation) - Oui.

13 M. Hayman (interprétation) - Dans votre ouvrage, vous ne

14 mentionnez pas de tir d'artillerie.

15 M. Donia (interprétation) - Effectivement.

16 M. Hayman (interprétation) - Avez-vous jamais entendu dire qu'il

17 y avait eu des tirs à l'artillerie lourde en rapport avec cet incident du

18 drapeau à Travnik ?

19 M. Donia (interprétation) - Je ne suis même pas sûr qu'il y ait

20 eu un incident avec ce drapeau à Travnik. Il y a eu de nombreux articles

21 dans la presse américaine qui ont été publiés par la suite. Il se peut que

22 même cette question du drapeau soit entièrement fictive.

23 M. Hayman (interprétation) - La deuxième partie de cet article

24 n'était donc pas fausse concernant le combat à l'artillerie lourde et le

25 drapeau.

Page 827

1 M. Donia (interprétation) - Je ne voudrais pas me prononcer sur

2 ce point.

3 M. Hayman (interprétation) - Mais ce n'est pas ainsi que vous le

4 décrivez dans votre ouvrage.

5 M. Donia (interprétation) - Non, je ne le décris effectivement

6 pas ainsi dans mon ouvrage et je partagerais vos doutes sur ce point.

7 M. Hayman (interprétation) - Cinquième paragraphe de cette

8 dépêche. On fait référence à un appel de Mate Boban pour que se retirent

9 toutes les unités Musulmanes des provinces "croates" du Plan Vance-Owen.

10 Voyez-vous ce passage ?

11 M. Donia (interprétation) - Oui.

12 M. Hayman (interprétation) - Dans la pièce D/6 de la Déclaration

13 conjointe, y a-t-il un endroit quelconque où l'on demande le retrait de

14 toutes les unités Musulmanes de quelque province que ce soit de la Bosnie-

15 Herzégovine ?

16 M. Donia (interprétation) - Voyons ?

17 M. Hayman (interprétation) - Pièce D/6, Communiqué conjoint. Il

18 s'agit du communiqué du 2 avril 1993 qui fait une page. Je crois que vous

19 l'avez trouvée.

20 M. Donia (interprétation) - Comme je l'ai dit à de nombreuses

21 reprises, il ne s'agit pas de l'ultimatum dont je parlais. Il ne s'agit

22 pas d'une référence à la date limite pour le retrait des unités

23 Musulmanes. Il s'agit du Communiqué conjoint qui n'a jamais été signé. En

24 tout cas, je doute qu'il ait jamais été signé.

25 Ce n'est pas ce dont il est question ici. Il n'est pas fait

Page 828

1 référence dans la dépêche à ce document.

2 M. Hayman (interprétation) - Vous êtes donc d'accord pour dire

3 que la pièce D/6 ne contient rien, aucune demande visant au retrait des

4 Musulmans d'où que ce soit ? Etes-vous d'accord ?

5 M. Donia (interprétation) - Je ne vois pas la pertinence de ce

6 que vous dites en rapport avec la dépêche. Car la dépêche ne fait pas

7 référence à la pièce D/6.

8 M. Hayman (interprétation) - A quoi donc fait-elle référence ?

9 M. Donia (interprétation) - A ce que j'ai appelé, moi,

10 l'ultimatum, à savoir la proclamation, en date du 3 avril 1993 par le HVO.

11 M. Hayman (interprétation) - Voulez-vous faire référence à

12 l'article de "Vjesnik" ou à l'article de "Slobodna Dalmacia" ?

13 M. Donia (interprétation) - Je vous laisse le choix.

14 M. Hayman (interprétation) - Pourquoi alors ne pas commencer

15 avec l'article de "Vjesnik", pièce 24/C.

16 Y a-t-il dans ce document une demande de retrait de toutes les

17 unités Musulmanes des provinces "croates", qui ont été définies ainsi dans

18 le Plan Vance-Owen ?

19 M. Donia (interprétation) - Pas en ces termes non.

20 M. Hayman (interprétation) - Je voudrais maintenant que nous

21 nous penchions sur la pièce 43/A, à savoir un article paru dans "Borba".

22 Cette dépêche dit aussi dans le premier paragraphe que les

23 Croates de Bosnie, dimanche, ont exigé le retrait des troupes musulmanes

24 des provinces affectées aux Croates. Le Communiqué conjoint ou les deux

25 articles de presse que vous avez définis comme étant un ultimatum exige le

Page 829

1 retrait des troupes musulmanes des provinces affectées aux Croates ?

2 M. Donia (interprétation) - Je pense qu'en tant qu'article de

3 presse, on peut en déduire ou en inférer qu'il est fait référence ici aux

4 Musulmans. Dans l'article, il est inféré que les Musulmans doivent se

5 retirer et on n'utilise pas les termes précis de la déclaration publiée

6 par le HVO et la Bosnie-Herzégovine.

7 M. Hayman (interprétation) - C'est donc un journaliste qui y

8 ajoute de son cru n'est-ce pas ?

9 M. Donia (interprétation). - C'est un journaliste qui tire des

10 conclusions d'une déclaration originale.

11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous quelque raison de dire à

12 la Chambre qu'en avril 1993, la mise en oeuvre du point 2 du Communiqué

13 conjoint, la pièce D/11, aurait supposé le retrait des soldats des forces

14 gouvernementales de Bosnie centrale, que ces soldats auraient dû se

15 retirer vers d'autres provinces ou cantons ? En d'autres termes, est-ce

16 que cela suppose que des soldats originaires de l'extérieur de la zone

17 concernée auraient dû se retirer ? Y a-t-il des arguments permettant de le

18 dire ?

19 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas sûr de comprendre

20 votre question. Si vous me demandez d'identifier des personnes précises ou

21 de commenter cela de façon générale, pour moi, il est clair que

22 l'organisation du HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine telle qu'ils

23 existaient à l'époque auraient supposé des mouvements de troupes

24 importants pour que la disposition du Communiqué conjoint soit mise en

25 oeuvre

Page 830

1 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les troupes du

2 gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui se trouvaient dans la vallée de

3 Lasva en avril 1993 n'étaient pas celles du troisième corps d'armée qui

4 était stationné à Zenica ?

5 M. Donia (interprétation). - Je n'en sais rien. On pourrait

6 faire référence ici à plusieurs unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine

7 qui comprenaient des brigades musulmanes et également des Serbes et des

8 Croates. Sur ce plan, il me semble plus sûr de supposer que le HVO, à

9 l'époque, comprenait des Musulmans.

10 M. Hayman (interprétation). - Passons à la pièce 44. Le deuxième

11 paragraphe de la pièce 44 dit que M. Boban a menacé d'employer la force.

12 C'est le deuxième paragraphe de l'article publié par Borba, et il s'agit

13 en l'occurrence d'une dépêche de l'AFP reprise par Borba.

14 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement.

15 M. Hayman (interprétation). - Voyez-vous une mention d'une

16 menace de l'emploi de la force dans le communiqué conjoint ?

17 M. Donia (interprétation). - Non, il n'y a pas de menace

18 explicite.

19 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que ces articles de

20 presse qui ont été passés en revue ont été connus dans la vallée de la

21 Lasva en avril 1993 ?

22 M. Donia (interprétation). - Il serait assez inhabituel que

23 "Slobodna Dalmacija" ne soit pas diffusé dans la vallée de la Lasva, et

24 cela vaut aussi sans doute pour "Vjesnik"

25 M. Hayman (interprétation). - A ce moment de la guerre, vous

Page 831

1 croyez que ces journaux arrivaient ?

2 M. Donia (interprétation). - Je n'ai pas dit cela. Il serait peu

3 vraisemblable que les journaux n'y soient pas arrivés.

4 M. Hayman (interprétation). - En avril ou six mois plus tard ?

5 M. Donia (interprétation). - En avril.

6 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions,

7 Monsieur le Président.

8 M. le Président. - Nous en avons donc terminé avec

9 l'interrogatoire, le contre-interrogatoire, les observations du procureur

10 et les dernières observations de la défense. Je me tourne maintenant vers

11 mes collègues. Allez-y, Monsieur le Juge.

12 M. Riad (interprétation). - Monsieur le professeur Donia,

13 j'aimerais avoir quelques éclaircissements. Tout d'abord, comment le HVO

14 a-t-il été créé et à quelle fin ?

15 M. Donia (interprétation). - Je crois qu'il a été créé le 8

16 avril 1992, juste après la déclaration d'indépendance et le développement

17 des premières hostilités. Je crois que son but était de créer une force de

18 combat qui comprendrait des soldats croates de Bosnie et que ces unités

19 étaient ouvertes à d'autres.

20 M. Riad (interprétation). - Qui a créé le HVO ?

21 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas exactement quelles

22 personnalités l'ont créé.

23 M. Riad (interprétation). - Et quels étaient les dirigeants du

24 HVO ? D'où venaient-ils ?

25 M. Donia (interprétation). - Je ne sais pas du tout. Je

Page 832

1 risquerais de vous emmener sur une mauvaise piste si je vous disais quoi

2 que ce soit.

3 M. Riad (interprétation). - Et les recrues ?

4 M. Donia (interprétation). - C'étaient principalement des

5 Croates de Bosnie et quelques Musulmans.

6 M. Riad (interprétation). - Etant donné la double nationalité,

7 cela aurait pu être des Croates aussi.

8 M. Donia (interprétation). - Oui.

9 M. Riad (interprétation). - Et d'où venaient les armes ?

10 M. Donia (interprétation). - Certaines des armes provenaient,

11 bien sûr, de la Croatie.

12 M. Riad (interprétation). - Dès le départ, dès la création du

13 HVO, à votre connaissance, y avait-il des officiers officiels de l'armée

14 croate qui ont participé à la constitution du HVO ?

15 M. Donia (interprétation). - Effectivement, certains officiers

16 de la République de Croatie ont participé à la création du HVO.

17 M. Riad (interprétation). - Cette création a-t-elle été soutenue

18 ou contrôlée d'une façon quelconque par le gouvernement croate ?

19 M. Donia (interprétation). - Je ne suis pas vraiment qualifié

20 pour vous parler du degré de contrôle du HVO dans les textes que j'ai pu

21 examiner. Effectivement, l'armée de la République de Croatie a joué un

22 rôle dans la création du HVO.

23 M. Riad (interprétation). - Au début des confrontations avec

24 l'armée du gouvernement bosniaque, où se trouvait l'armée croate elle-

25 même ? Où était-elle stationnée ou cantonnée ?

Page 833

1 M. Donia (interprétation). - Elle était cantonnée en plusieurs

2 endroits. A l'époque, l'une des grandes préoccupations était bien entendu

3 les zones Serbes qui étaient contrôlées par les Serbes et, par conséquent,

4 il y avait des troupes qui encerclaient ces régions mais, en fait, il y

5 avait des soldats un peu partout : dans la Croatie et près de la Bosnie.

6 M. Riad (interprétation). - Elles ne sont pas entrées à

7 l'intérieur de la Bosnie ?

8 M. Donia (interprétation). - Elles sont entrées en Bosnie à

9 différents moments durant cette période. Cela a amené les Nations Unies et

10 le Conseil de Sécurité à exercer différentes menaces de sanction vis-à-vis

11 de la Croatie pour avoir envoyé des troupes à l'intérieur de la Bosnie.

12 M. Riad (interprétation). - Elles ont donc passé les frontières

13 pour soutenir le HVO dans ses combats ?

14 M. Donia (interprétation). - Oui.

15 M. Riad (interprétation). - Ou était-ce de son propre droit ?

16 M. Donia (interprétation). - C'est sans doute les deux. En fait,

17 il est vrai que cela a été un grand soutien pour le HVO en Bosnie centrale

18 à ce moment-là.

19 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que l'Union

20 démocratique croate prônait "une entité territoriale qui allait prolonger

21 la République de Croatie". Qu'est-ce que représentait cette Union

22 démocratique ?

23 M. Donia (interprétation). - Cette Union démocratique croate a

24 été fondée pour représenter les Croates de Bosnie-Herzégovine. Au départ,

25 ses premiers représentants étaient là pour représenter les Croates sur

Page 834

1 tout le territoire de la Bosnie, dans les villes, dans les villages et sur

2 des régions très différentes de la Bosnie-Herzégovine.

3 M. Riad (interprétation). - Qu'est-ce qui faisait le lien entre

4 cette Union démocratique et le gouvernement croate ?

5 M. Donia (interprétation). - Je crois qu'en fait, elle recevait

6 le soutien du gouvernement croate jusqu'aux événements de février 1992,

7 lorsque ce commandement a été pris en charge par des gens qui étaient à

8 l'intérieur du gouvernement croate. A ce moment-là, ils ont servi comme

9 instrument de la République de Bosnie Herzégovine.

10 M. Riad (interprétation). - Y avait-il une prédominance du

11 gouvernement croate sur d'autres institutions de Herceg-Bosna ?

12 M. Donia (interprétation). - Oui. Cette domination était

13 générale : sur l'armée, dans les structures d'éducation, dans les réseaux

14 de téléphone. Bien sûr, tout cela était lié à la Croatie. Toutes ces

15 structures administratives étaient liées à la Croatie.

16 M. Riad (interprétation). - Vous dites : "dans l'armée aussi".

17 Est-ce que l'armée était financée par la Croatie pour ce qui est des

18 armes ?

19 M. Donia (interprétation). - Oui, effectivement. Pour les armes,

20 elle était financée.

21 M. Riad (interprétation). - Donc financée et armée. Vous avez

22 cité l'ouvrage de Lord Owen, "L'Odyssée des Balkans", et vous avez dit que

23 le Docteur Tudjman avait l'objectif de contrôler les territoires qui,

24 d'après lui, appartenaient historiquement à la Croatie, mais quels étaient

25 précisément ces territoires mentionnés ? Y avait-il des plans établis pour

Page 835

1 s'emparer de ces territoires ?

2 M. Donia (interprétation). - Je crois que c'est une question

3 extrêmement importante. En fait, on pourrait y répondre de deux façons

4 différentes. Tout d'abord, c'est la réponse adoptée par l'extrême-droite

5 en Croatie, dans différents partis, qui voyait les Musulmans de Bosnie

6 comme des Croates. Donc toute politique devait englober toute la Bosnie-

7 Herzégovine dans un territoire qui serait qualifié de Croatie. C'était la

8 position théorique du Président Tudjman.

9 Cependant, lorsqu'on parle des politiques plus pragmatiques de

10 soutien à la Herceg-Bosna en tant qu'entité territoriale, en fait, à ce

11 moment-là, M. Tudjman semble être plutôt inspiré par la carte de

12 Cvetkovic-Macek de 1939, qui était une annexion partielle de la Bosnie, en

13 incluant les parties de la Bosnie-Herzégovine occidentale, qui étaient

14 surtout croates, et ces zones de Bosnie centrale, qui étaient à

15 prédominance croate.

16 M. Riad (interprétation). - Est-ce que des mesures étaient

17 prévues pour mettre cela en oeuvre ?

18 M. Donia (interprétation). - Il y a eu effectivement un

19 processus progressif d'annexion qui continue jusqu'ici. Il inclut la

20 fusion de structures administratives, le soutien des structures militaires

21 de la police, de la poste, des télécommunications, etc. J'ai dit que

22 toutes ces structures avaient finalement été intégrées, mais je crois que

23 les plans précis ont été appliqués petit à petit et que des possibilités

24 se sont ouvertes au fur et à mesure de la guerre en Bosnie. En fait, cette

25 dissension était là depuis le début de l'application du plan de paix.

Page 836

1 M. Riad (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des plans au

2 niveau de la population ?

3 M. Donia (interprétation). - Vous voulez dire des plans précis ?

4 M. Riad (interprétation). - Je veux dire des plans en ce qui

5 concerne les autochtones, les indigènes.

6 M. Donia (interprétation). - Vous voulez savoir s'il y a eu des

7 plans qui auraient pu être appliqués par les gens qui habitaient dans ces

8 régions ?

9 M. Riad (interprétation). - Je parle des personnes résidant dans

10 ces régions. Quel sort allait-on leur réserver ?

11 M. Donia (interprétation). - Vous voulez dire des gens qui

12 n'étaient pas croates. Je n'ai entendu parler d'aucun plan qui aurait été

13 lancé par la population non-croate. Une partie de ces annexions n'était

14 pas quelque chose de prémédité, si vous voulez.

15 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie beaucoup.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le Professeur,

17 j'aurai deux séries de questions à vous poser. La première série porte sur

18 l'ultimatum, ou ce prétendu ultimatum, pour mieux le qualifier. Vous avez

19 déposé devant nous et vous avez dit qu'il y avait eu une proclamation en

20 date du 3 avril 1993. Des éléments de preuves ont été apportés visant à

21 dire que certains éléments des médias ont qualifié cette proclamation

22 d'ultimatum. Je pense que c'est assez cohérent avec votre analyse de la

23 situation. Le conseil de la défense vous a demandé si lesdits journaux

24 avaient été diffusés jusque dans la vallée de la Lasva et vous avez

25 répondu comme vous l'avez fait.

Page 837

1 Seriez-vous en mesure de nous prêter assistance en nous disant

2 si ces articles de presse, qui décrivent la proclamation et la mettent en

3 équivalence avec un ultimatum, auraient pénétré dans certaines parties des

4 régions contrôlées par le HVO, en dehors de la région de la vallée de la

5 Lasva ?

6 M. Donia (interprétation). - Mon impression de la déclaration du

7 3 avril 1993, c'est que c'était une déclaration très importante qui était

8 destinée au public de la Croatie et aux zones habitées par les Croates en

9 Bosnie. La citation du FBIS, du service de communication en anglais, était

10 une communication radio, et je ne pense donc pas qu'on devrait limiter la

11 dissémination de cet ultimatum à la presse écrite. Effectivement, il y a

12 eu une période durant laquelle beaucoup de personnes écoutaient la radio

13 très attentivement en quête d'informations sur la guerre et sur les

14 événements qui se produisaient.

15 Par conséquent, étant donné la publicité, en quelque sorte, de

16 cette déclaration du 3 avril et le fait que cette déclaration ait été

17 reprise par différents médias dans les trois ou cinq jours qui ont suivi,

18 pour moi, l'importance de l'article dont nous parlons est telle qu'en

19 fait, tout le monde savait qu'il y avait cette date butoir du 15 avril.

20 Donc je crois que, dans toutes les régions, c'était un fait très bien

21 connu.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous dites ainsi que cette

23 qualification d'ultimatum donnée à la proclamation du 3 avril a fait

24 l'objet d'une large dissémination dans les régions contrôlées par le HVO ?

25 M. Donia (interprétation). - C'est ce que je pense,

Page 838

1 effectivement.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous nous aider et

3 nous dire si jamais des milieux officiels dans des régions contrôlées par

4 les Croates ont rejeté cette qualification de la proclamation comme un

5 ultimatum ?

6 M. Donia (interprétation). - J'ai essayé de voir s'il y avait

7 effectivement ce mouvement de refus et, dans tous les articles que j'ai

8 lus, je n'ai pas trouvé ce refus. Je pense donc que, s'il y avait eu un

9 tel refus, il aurait été largement diffusé à cette époque.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en viens à ma deuxième

11 série de questions, qui porte sur votre vie à Sarajevo, alors que vous

12 écriviez votre thèse. Je pense que vous avez dit avoir résidé dans la

13 ville de Sarajevo.

14 M. Donia (interprétation). - Oui.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Une question s'est posée

16 quant à la comparaison entre le comportement de la population rurale et

17 l'attitude adoptée par la population urbaine.

18 M. Donia (interprétation). - Oui.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Etes-vous jamais sorti de

20 Sarajevo ?

21 M. Donia (interprétation). - Oui, bien sûr.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Souvent ?

23 M. Donia (interprétation). - A peu près une ou deux fois par

24 mois.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Sur quelle période en tout ?

Page 839

1 M. Donia (interprétation). - Pendant toute la période de l'été

2 de 1974 jusqu'à l'automne de 1975.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au cours de ces périples à

4 l'extérieur de Sarajevo, avez-vous eu l'occasion de parler à qui que ce

5 soit ? A qui avez-vous parlé ?

6 M. Donia (interprétation). - En fait, il y a plusieurs villes

7 plus petites que Sarajevo que j'ai visitées et où j'ai l'occasion de

8 parler à plusieurs personnes : Mostar, Mletkovic, Tuzla, Banja Luka,

9 Jablanica... J'ai parlé à plusieurs personnes là-bas et à plusieurs

10 reprises, j'ai pu visiter des villages avec des amis qui provenaient de

11 ces villages ou qui avaient des amis qui y résidaient. Je crois

12 effectivement que j'ai pu goûter à la vie de ces villages, même si je n'ai

13 pas l'expérience de certains anthropologues qui ont passé une année

14 complète dans un village ou un autre, mais, effectivement, j'ai eu

15 l'occasion d'aller visiter ces villages.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - En tant qu'historien, que

17 penseriez-vous de ces visites ? Est-ce qu'elles vous auraient donné

18 suffisamment de temps pour vous faire une idée précise de ce que pensaient

19 les gens de la campagne ?

20 M. Donia (interprétation). - Si je parle d'un point de vue

21 personnel, oui. Je suis sûr qu'il y a des questions auxquelles je n'ai

22 jamais été exposé en direct, mais je crois que j'ai eu la possibilité de

23 connaître un peu la vie de ces personnes.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.

25 M. le Président. - Monsieur Donia, le Tribunal vous remercie

Page 840

1 pour ce long témoignage, qui a montré votre disponibilité à l'égard du

2 Tribunal pénal international.

3 A présent, l'huissier va vous raccompagner et nous allons

4 procéder, selon le programme prévu par le Procureur, jusqu'à 18 h 00, à

5 l'audition d'un second témoin ou au contre-interrogatoire d'un témoin

6 précédent, à moins que vous ne soyez pas prêt... Merci beaucoup, Monsieur

7 Donia.

8 L'huissier escorte le témoin en dehors de la salle d'audience.

9 M. Kehoe (interprétation). - Avec tout le respect que nous vous

10 devons, Monsieur le Président, nous pensions que nous n'allions travailler

11 que jusqu'à 17 h 30. Je ne m'étais pas rendu compte que nous allions

12 travailler jusque 18 h 00. Je vous prie de m'en excuser.

13 M. le Président. - Si j'ai bien compris, nous allons nous

14 arrêter à 17 h 30. Nous allons donc reprendre demain matin, à 10 h 00,

15 puisque, jeudi, nous ne pouvons pas avoir d'audience.

16 J'appelle simplement votre attention, aussi bien celle de

17 l'accusation que celle de la défense, sur le calcul très simple que j'ai

18 fait. Nous avons passé quatre journées sur le témoignage de M. Donia. Si

19 nous multiplions le nombre de journées sur ce témoin très important -j'en

20 conviens- par le nombre de témoins qu'a annoncé le procureur ou qu'a

21 annoncé la défense, vous imaginez tout d'abord la nécessité d'avoir une

22 deuxième salle d'audience (je vous annonce que c'est en bonne voie), mais,

23 ensuite, plus sérieusement (et n'y voyez nul ultimatum de ma part), je

24 vous demanderai d'essayer, dans cette procédure (qui -il faut bien le

25 dire- est très méticuleuse, très soigneuse et très respectueuse des droits

Page 841

1 de la défense et qui permet à l'accusation de pouvoir avancer ses éléments

2 de preuves dans de bonnes conditions), comme j'ai eu l'occasion de le

3 faire à plusieurs reprises, de considérer que nous sommes, dans ce

4 Tribunal, regardés par l'histoire et que la justice, c'est le soin et la

5 méticulosité, mais aussi une certaine forme de célérité.

6 Je ne dis pas du tout qu'il ne fallait pas quatre jours pour

7 l'audition de M. Donia (ne me faites pas dire ce que je ne dis pas),

8 c'est-à-dire les 24 et 25 juin et les 21 et 22 juillet, mais j'appelle

9 vraiment votre attention. Vous connaissez parfaitement cette procédure ;

10 vous savez que ce n'est pas celle qui est pratiquée dans d'autres

11 systèmes, mais c'est celle-ci qu'il faut pratiquer. Je vous demande donc

12 d'être conscients de la responsabilité que vous avez.

13 Mes collègues et moi n'hésiterons pas, lorsque des questions

14 font double emploi, à vous le dire et à faire en sorte que nous

15 accélérions un peu les débats.

16 Sur ces bonnes intentions, il est 17 h 30 et nous renvoyons

17 l'audience à demain, 10 h 00.

18 L'audience est levée à 17 h 30.

19

20

21

22

23

24

25