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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
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4 Lundi 28 juillet 1997
5 L'audience est ouverte à 9 heures 40.
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3 L'audience est suspendue à 11 heures 20.
4 L'audience est reprise à 11 heures 55.
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3 L''audience est suspendue à 13 h 15.
4 L'audience est reprise à 15 h 05.
5 M. le Président. - Faites entrer l'accusé, s'il vous plaît.
6 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)
7 Monsieur le Procureur, nous allons poursuivre la déposition de
8 votre témoin, M. Djidic.
9 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Avec
10 l'aide de l'Huissier, je voudrais qu'on fasse entrer M. Djidic dans le
11 prétoire.
12 (M. Djidic est introduit dans la salle d'audience.)
13 M. le Président. - Monsieur Djidic, vous m’entendez ?
14 M. Djidic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je
15 vous remercie. Monsieur le Procureur ?
16 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Bon
17 après-midi, Monsieur Djidic.
18 M. Djidic (interprétation). - Bon après-midi à tout le monde.
19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, lorsque nous nous
20 sommes interrompus vendredi, nous étions en train de parler de
21 l'établissement de la communauté croate de Herceg-Bosna fin 1991.
22 Après la création de la communauté croate de Herceg-Bosna, la
23 vie des Musulmans dans la vallée de la Lasva et dans la région de Vitez
24 est-elle devenue plus difficile ?
25 M. Djidic (interprétation). - Oui, la vie des Musulmans est
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1 devenue, de jour en jour, de plus en plus difficile.
2 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous expliquer au Tribunal
3 de quelle manière la vie est devenue plus difficile ?
4 M. Djidic (interprétation). - Les autorités de Herceg-Bosna ont
5 constitué le HVO. Il consistait en un pouvoir représentant une seule
6 nation.
7 Au fil du temps, pour être plus précis en mai 1992, tous les
8 Musulmans ont été expulsés des organes du pouvoir. A ce moment-là, nous
9 avions un parlement conjoint et un gouvernement conjoints.
10 Les Croates étaient majoritaires. Ils contrôlaient tous les
11 organes du pouvoir. Le sachant, on pourrait se demander pourquoi on a
12 expulsé les Musulmans de ces organes ; c'est la question la plus
13 importante. Cela montre que les Croates ne souhaitaient pas que des
14 Musulmans restent dans ces organes de pouvoir.
15 Pendant le printemps 1992, on a commencé à assortir le travail
16 de ces gens au sein de ces organes de certaines conditions. De ce fait,
17 une séparation est survenue entre Musulmans et organes du pouvoir
18 exécutif.
19 Il convient de noter qu'à ce moment-là les Croates ont présenté
20 aux Musulmans un document que ceux-ci devaient signer, par lequel ils
21 reconnaissaient les autorités de la communauté de Herceg-Bosna. Ceux qui
22 ne voulaient pas signer ce papier ne pouvaient plus rester aux postes
23 qu'ils occupaient.
24 En juin, une attaque a eu lieu qui visant un poste de police. Au
25 cours de cette attaque, des policiers de confession musulmane ont été
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1 désarmés et jetés hors du poste de police. Cet assaut a été mené par des
2 membres du HOS, dirigé par Darko Kraljevic. Après cette date, les
3 Musulmans ne sont plus jamais revenus dans ce poste de police. Ils sont
4 allés à Stari Vitez. Quelques jours plus tard, ils ont constitué un poste
5 de police distinct. Ce poste de police fonctionne encore aujourd'hui à
6 Stari Vitez.
7 A l'époque, c'est-à-dire en juin et dans les mois qui ont suivi,
8 les Musulmans ont continué de faire l'objet d'intimidations et de mesures
9 de terreur. Les hôtels ou restaurants qui étaient la propriété de
10 Musulmans ont été plastiqués. Des appartements appartenant à des Musulmans
11 ont été cambriolés. On a exigé des Musulmans qu’ils remettent leurs armes
12 ou de l'argent. Les Musulmans ont été emmenés pour des interrogatoires, à
13 des fins d'information disait-on. Après cela, ils revenaient de ces
14 interrogatoires avec des traces de coups. Il convient de noter que le HVO,
15 à ce moment-là et pendant toute la durée de 1992, réglait aussi ses
16 comptes avec des Croates, des Serbes qui avaient fait montre de
17 désobéissance.
18 Des gens étaient emmenés, détenus pour des interrogatoires,
19 toujours à des fins d'information et je ne sais pas si eux ont été
20 frappés.
21 Dans le même temps, ou à peu près, il y a eu des tentatives
22 fréquentes, dont beaucoup ont réussi, pour rétablir la paix à Vitez et il
23 y a eu des réunions sans fin avec les Croates. Parfois ces réunions
24 donnaient quelque chose, mais la police n'a jamais travaillé de nouveau
25 ensemble depuis lors, pas plus que les Musulmans n'ont réintégré le
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1 Parlement ou le Gouvernement.
2 Les provocations de toutes sortes se sont poursuivies avec
3 souvent pour résultat l'arrestation de Musulmans, tant civils que
4 militaires. De plus en plus de gens ont été licenciés, et à peu près à la
5 même époque, le HVO a introduit une nouvelle monnaie. On nous versait nos
6 salaires en dinars croates, qui est la monnaie de l'Etat voisin, la
7 République de Croatie. Les Musulmans devaient accepter cette monnaie car
8 ils n'avaient pas d'autre choix, ou plutôt le dinar bosniaque, à l'époque,
9 connaissait une inflation galopante et il était impossible de s'en servir
10 dans ce qu'on appelait l'Herceg-Bosna.
11 Toutes les tentatives faites pour rétablir la confiance, pour
12 que les gens puissent vivre et travailler normalement, ont échoué. Tout
13 cela a duré pendant toute l'année 1992 et le début de 1993.
14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, je reviens à ce
15 que vous venez de dire concernant le pouvoir législatif. Vous avez dit
16 qu'il y avait un plus grand pourcentage de Croates que de Musulmans.
17 Savez-vous quel était à peu près le pourcentage de Croates et de
18 Musulmans ?
19 M. Djidic (interprétation). - A Vitez, il n'y avait que 3 ou 4 %
20 de plus de Croates que de Musulmans. En nombre absolu, cela veut dire
21 mille Croates en plus. La municipalité de Vitez, à l'époque, comptait
22 environ 26.000 habitants.
23 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, vous avez
24 mentionné le HVO. Qu'est-ce que le HVO ?
25 M. Djidic (interprétation). - Le HVO est le conseil de la
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1 défense croate, lequel comprenait une branche civile et une branche
2 militaire. Et aussi bien les autorités civiles que militaires étaient
3 rassemblées sous le titre HVO.
4 M. Kehoe (interprétation). - Au sein du HVO, ces branches
5 civiles et militaires étaient-elles très proches ?
6 M. Djidic (interprétation). - Oui.
7 M. Kehoe (interprétation). - Après que le HVO a été créé, est-ce
8 que le pouvoir législatif dont vous parliez a continué de siéger et de
9 délibérer ?
10 M. Djidic (interprétation). - Le Parlement, donc le pouvoir
11 législatif, est resté en existence, mais pendant très peu de temps. Je ne
12 me souviens pas exactement quand cet organe a cessé d'exister comme organe
13 commun, car je n'en étais pas membre.
14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, y a-t-il des
15 dirigeants politiques particuliers à Vitez qui, à votre sens, ont voulu
16 diviser Croates et Musulmans, et si oui qui sont ces personnes ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui, il y en avait. A l'époque,
18 les plus importants d'entre eux étaient des personnes qui appartenaient au
19 pouvoir municipal et qui étaient membres du HDZ. Il s'agissait d'Ivica
20 Santic qui était le maire de Vitez à l'époque, ensuite Pero Skopjak et
21 Anto Valenta qui était alors Président du HDZ.
22 C'étaient les principaux personnages qui ont oeuvré à mettre en
23 place le pouvoir du HVO ou ce qu'ils ont appelé la communauté croate de
24 Herceg-Bosna.
25 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, parlons de ces
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1 personnes, à commencer par Anto Valenta. Le connaissiez-vous ?
2 M. Djidic (interprétation). - Oui, je l'ai connu, très bien
3 même.
4 M. Kehoe (interprétation). - Comment l'avez-vous connu ?
5 M. Djidic (interprétation). - Il était ingénieur chimiste dans
6 des installations militaires. Alors que moi je travaillais dans une école,
7 Anto Valenta était professeur de chimie et nous étions amis.
8 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu'Anto Valenta a publié un
9 ouvrage sur la division ethnique de la région de la Lasva et d'autres
10 régions de la Bosnie ?
11 M. Djidic (interprétation). - Oui.
12 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous en dire plus au
13 Tribunal ?
14 M. Djidic (interprétation). - Anto Valenta a été le premier à
15 écrire un livre qui comprenait des cartes montrant la division de la
16 Bosnie-Herzégovine selon des frontières ethniques. Il envisageait des
17 zones ethniquement pures. Ce livre a été publié et il n'était pas très
18 difficile de le trouver. Il a été publié dès avant les élections, dans les
19 années 80. Je pense qu'on a beaucoup repris du livre d'Anto Valenta au
20 moment d'instaurer la division de la Bosnie-Herzégovine.
21 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu'Anto Valenta a joué un
22 rôle particulier au sein du HVO ?
23 M. Djidic (interprétation). - Oui, Anto Valenta a tout d'abord
24 été Président du HDZ, la communauté démocratique croate, et après un
25 certain temps, il a été désigné Vice-Président de la communauté croate de
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1 Herceg-Bosna. Il était l'adjoint de M. Boban. C'était donc un personnage
2 important du côté croate.
3 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en est-il d'Ivica Santic ? Que
4 pouvez-vous dire au Tribunal sur Ivica Santic ?
5 M. Djidic (interprétation). - Je connais très bien Ivica Santic.
6 Il était aussi ingénieur chimiste. Il est spécialisé dans les matières
7 plastiques et il a été mon professeur à l'école secondaire. Il enseignait
8 la chimie et plus tard nous avons travaillé ensemble dans une usine. La
9 maison dans laquelle il est né n'est qu'à un kilomètre de la mienne et nos
10 parents se connaissaient aussi. A l'époque, il était maire de la
11 municipalité de Vitez. Nous étions également amis.
12 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que les tensions dans la
13 vallée de la Lasva ont commencé à grandir en mai 1992 et quelle était la
14 position d'Ivica Santic concernant les droits des Croates et du HVO vis-à-
15 vis des Musulmans ?
16 M. Djidic (interprétation). - Comme je l'ai dit, Santic était le
17 maire de la ville et toutes les décisions importantes étaient prises par
18 lui. Il était de toute façon maître de la situation. Les Musulmans
19 n'étaient pas une menace pour lui. Cela étant, les politiques de la
20 communauté croate de Herceg-Bosna visaient des objectifs différents.
21 M. Kehoe (interprétation). - J'en arrive au troisième personnage
22 que vous avez mentionné. Il s'agit de Pero Skopjak. Est-ce que vous pouvez
23 en dire plus à la Chambre ?
24 M. Djidic (interprétation). - Oui, Pero Skopjak, après les
25 élections de 1991, a été désigné chef de la police à Vitez, chef du SUP
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1 qui est actuellement le ministère des Affaires intérieures. Il y a
2 travaillé pendant un certain temps et ensuite il est devenu Président du
3 HDZ. Je ne le connaissais pas aussi bien que Santic ou Valenta, mais je
4 sais qu'il a terminé la faculté de théologie à l'université. Donc il était
5 prêtre.
6 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que vous connaissez Mario
7 Cerkez, et si oui pouvez-vous dire quelque chose au Tribunal sur Mario
8 Cerkez ?
9 M. Djidic (interprétation). - Oui, je connais très bien Mario
10 Cerkez. Nous étions ensemble à la même usine. Nous avons d'abord été
11 affectés au même service, et plus tard je suis devenu son supérieur.
12 C'était un jeune homme qui était très poli, discipliné, il aimait
13 travailler et il avait pour fonction dans ce service de s'occuper du
14 matériel, des ressources techniques et des armes affectées à la défense de
15 l'usine. Nous nous rendions visite pendant les vacances et lorsque des
16 nouveaux venus arrivaient, ou lorsque des enfants naissaient dans l'une ou
17 l'autre famille, nous nous rendions visite. Il est venu plusieurs fois
18 chez moi et je suis allé plusieurs fois chez lui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Pour changer de région, partons de
20 Vitez. Connaissez-vous un individu du nom de Kordic ?
21 M. Djidic (interprétation). - Oui, je le connais. Je ne
22 connaissais pas vraiment Dario Kordic, je ne l'ai connu qu'en 1991. Quand
23 je l'ai rencontré, il était alors le dirigeant des Croates de Bosnie. Je
24 crois qu'il était Président du HDZ à Busovaca. Après quelque temps, il est
25 également devenu un haut représentant de la communauté de Herceg-Bosna. En
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1 outre, je le voyais fréquemment. Il portait alors un uniforme. Il avait
2 des tâches et des devoirs militaires à remplir, mais je ne peux pas vous
3 dire grand-chose à son sujet.
4 M. Kehoe (interprétation). - Connaissiez-vous l'accusé, Tihomir
5 Blaskic ?
6 M. Djidic (interprétation). - J'ai rencontré Tihomir Blaskic en
7 1992. Il s'est alors rendu à Vitez.
8 M. Kehoe (interprétation). - Connaissiez-vous M. Blaskic avant
9 cette époque ?
10 M. Djidic (interprétation). - Non.
11 M. Kehoe (interprétation). - Quel était le rôle de Blaskic
12 lorsqu'il est arrivé à Vitez en 1992 ?
13 M. Djidic (interprétation). - Lorsque Blaskic est arrivé à
14 Vitez, il est arrivé en tant que commandant de la zone opérationnelle de
15 Bosnie centrale. A cette époque, le commandant de la zone opérationnelle,
16 ou disons le quartier-général de cette zone opérationnelle, était en train
17 d'être mis en place.
18 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous avez vu Blaskic dans
19 la région de vitez, était-il habillé en uniforme militaire ?
20 M. Djidic (interprétation). - Oui.
21 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous décrire cet uniforme ?
22 M. Djidic (interprétation). - Très souvent M. Blaskic portait un
23 uniforme noir. Il portait également un uniforme de camouflage. Lorsque
24 nous avons été présentés l'un à l'autre de façon officielle, cela a eu
25 lieu au stade de Vitez alors que le HVO prêtait serment. C'est à cette
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1 occasion que j'ai rencontré Blaskic. A cette époque, il portait un
2 uniforme noir.
3 M. Kehoe (interprétation). - Expliquez-nous cette prestation de
4 serment, Monsieur Djidic, expliquez-nous cette cérémonie en détail. Est-ce
5 que cette prestation de serment a été faite par l'armée de Bosnie ?
6 M. Djidic (interprétation). - Oui, je peux vous la décrire. Tout
7 d'abord, les membres de la Défense territoriale (TO) ont prêté serment et
8 cela a eu lieu devant l'école où était le quartier général. J'ai invité
9 tout le monde. Les autorités militaires, les autorités politiques du HVO,
10 ils étaient tous invités. Ils étaient témoins de cette prestation de
11 serment. Nombre de Croates ont accepté cette invitation et étaient
12 présents lors de cette cérémonie.
13 Un mois ou un mois et demi plus tard, le HVO a également prêté
14 serment au stade municipal de Vitez. Là aussi, des Musulmans ont été
15 invités à cette cérémonie. Je faisais partie de ces invités.
16 M. Kehoe (interprétation). - Qui a pris la parole lors de cette
17 cérémonie de prestation de serment du HVO ?
18 M. Djidic (interprétation). - Si je m'en souviens bien,
19 M. Santic, le maire, a pris la parole, puis Mario Cerkez a pris la parole
20 et Dario Kordic s'est également exprimé à cette occasion.
21 M. Kehoe (interprétation). - Qu'ont-ils dit ? De quoi ont-ils
22 parlé ?
23 M. Djidic (interprétation). - Les discours prononcés par les
24 personnes que je viens de citer s'attachaient surtout à dire qu'il était
25 du devoir des Croates de défendre les territoires croates, ce que l'on
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1 appelait alors la communauté croate de Herceg-Bosna, et ce dans l'objectif
2 de défendre des territoires qui historiquement appartiennent à la Croatie.
3 Ces territoires étaient en fait des territoires qui appartiennent aux deux
4 parties.
5 C'est notamment Dario Kordic qui a demandé aux Croates de se
6 battre jusqu'au dernier pour défendre ces territoires. Il a également
7 envoyé un message à M. Izetbegovic, qui était alors Président de l'Etat,
8 message qui disait que les soldats du HVO se battraient pour la communauté
9 d'Herceg-Bosna de toutes leurs forces et de toute leur âme. Il a été
10 applaudi. En fait, il a reçu une ovation de la part des militaires.
11 Il est intéressant de noter ici que les militaires lui ont fait
12 un salut qui ressemblait fort au salut fasciste. Ils étaient prêts à se
13 battre pour la patrie, pour la mère patrie. C'était le salut des Oustachis
14 pendant la seconde guerre mondiale.
15 M. Kehoe (interprétation). - Le discours de M. Kordic vous a-t-
16 il gêné, et si oui, pourquoi ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui, il m'a gêné. Son discours
18 était particulièrement désagréable à écouter pour moi. J'étais désolé de
19 me trouver là. Je m'en voulais d'avoir à écouter toutes ces choses. Si on
20 m'avait prévenu, si on m'avait dit ce qui allait se passer là, je ne
21 l'aurais pas cru.
22 M. Kehoe (interprétation). - Que n'auriez-vous pas cru de ce
23 discours ? Expliquez au Tribunal ce qui a attiré votre attention dans ce
24 discours.
25 M. Djidic (interprétation). - Je n'aurais jamais cru que qui que
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1 ce soit puisse haïr la coexistence entre deux nations en Bosnie à ce
2 point. Jamais je n'aurais cru que quelqu'un veuille cet Etat pour lui tout
3 seul, un Etat unique. Je ne pouvais pas croire non plus que les Croates
4 pouvaient être gênés à ce point par la présence des Musulmans. Jamais on
5 n'avait été témoin d'un geste qui aurait pu indiquer cette haine dans le
6 cadre de cette communauté croate d'Herceg-Bosnia.
7 D'autres nationalités vivaient sur ce territoire en dehors des
8 Croates, je pense aux Musulmans, je pense aux Serbes, je pense aux membres
9 d'autres nationalités.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Blaskic était-il là ?
11 M. Djidic (interprétation). - Oui, il était présent.
12 M. Kehoe (interprétation). - Où se trouvait-il assis ?
13 M. Djidic (interprétation). - Monsieur Blaskic se trouvait en
14 haut, avec les invités. Il se trouvait à la tribune d'honneur.
15 M. Kehoe (interprétation). - Vous parlez d'une espèce de
16 tribune ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui, absolument. On pourrait
18 appeler cela une tribune.
19 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que M. Blaskic était
20 vêtu de noir.
21 M. Djidic (interprétation). - C'est exact.
22 M. Kehoe (interprétation). - A quoi vous faisaient penser ces
23 vêtements noirs, ou que pouvaient penser les Musulmans de ces vêtements
24 noirs ?
25 M. Djidic (interprétation). - Pour moi, cela ne signifie rien de
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1 particulier. Selon moi, chacun est libre de s'habiller comme il le veut.
2 Cela étant dit, un uniforme noir est traditionnellement l'uniforme que
3 portaient les Oustachis au cours de la seconde guerre mondiale. Je ne veux
4 pas dire que M. Blaskic est un Oustachi. Il y avait également des
5 Musulmans qui portaient des uniformes noirs. Chacun avait de bonnes
6 raisons de choisir un uniforme noir.
7 M. Kehoe (interprétation). - En ce qui concerne les personnes
8 auxquelles vous vous référez en tant que Tihomir Blaskic, est-ce la
9 personne qui est présente dans ce Tribunal ?
10 M. Djidic (interprétation). - Absolument.
11 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez le désigner du doigt s'il
12 vous plaît.
13 M. Djidic (interprétation). - Voilà l'homme que j'ai vu.
14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-
15 nous de verser la pièce du bureau du Procureur numéro 80. Je vais la
16 donner à l'huissier.
17 (M. Kehoe remet le document à l'huissier.)
18 Monsieur le Président, permettez-moi d'invoquer l'indulgence de
19 la Cour et permettez à l'huissier de se tenir auprès de M. Djidic, de
20 montrer les photos et de poser les photographies sur le rétroprojecteur.
21 Ce sera peut-être plus facile parce que M. Djidic ne connaît pas bien le
22 maniement de cet appareil.
23 M. le Président. - Je suis tout à fait d'accord, Monsieur le
24 Procureur.
25 M. Kehoe (interprétation). - J'ai annoté un certain nombre de
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1 pièces. Il s'agit donc ici de la pièce du Procureur numéro 80. Vous pouvez
2 détacher cette photographie et la placer sur le rétroprojecteur s'il vous
3 plaît, Monsieur l'Huissier.
4 M. le Président. - La pièce que vous identifieriez comme 80 est
5 la photo présentement sur le rétroprojecteur, Monsieur le Procureur, je
6 suppose ?
7 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, c'est une
8 pièce composée d'un certain nombre de documents. Ici, vous voyez la
9 référence 22/446. C'est la référence de la photographie.
10 M. le Président. - Veuillez poursuivre.
11 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, sur la photo qui
12 est sur le rétroprojecteur, montrez-nous, s'il vous plaît, et dites-nous
13 si vous reconnaissez les deux personnes qui sont représentées.
14 M. Djidic (interprétation). - L'homme que je montre ici est
15 M. Blaskic. Cet autre homme (à droite) est M. Alagic.
16 M. Kehoe (interprétation). - S'agit-il sur cette photo de
17 l'accusé, M. Blaskic, portant un uniforme ?
18 M. Djidic (interprétation). - Oui, c'est bien lui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Voyons maintenant la deuxième
20 photographie, qui est la photo Z2/447. Quelles sont les personnes
21 présentes sur cette photo, Monsieur Djidic ?
22 M. Djidic (interprétation). - Ici, nous voyons M Blaskic, à
23 côté de lui M. Mahmuljin, M. Alagic et cet homme, là, je ne le connais
24 pas.
25 M. Kehoe (interprétation). - Expliquez-nous qui est le
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1 général Alagic ?
2 M. Djidic (interprétation). - Le général Alagic était le
3 commandant du septième corps.
4 M. Kehoe (interprétation). - Venons-en maintenant à la
5 photographie suivante. Reconnaissez-vous des personnes sur cette photo,
6 Monsieur Djidic ?
7 M. Djidic (interprétation). - Oui, je vois ici M. Blaskic.
8 Derrière lui, l'homme qui porte une veste blanche est un médecin de Vitez.
9 Je ne reconnais personne d'autre sur cette photo.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, la photo que
11 nous voyons sur le rétroprojecteur est la photo Z2/448. Monsieur Djidic,
12 sur cette photographie, on voit que M. Blaskic porte un uniforme de
13 camouflage. Est-ce bien exact ?
14 M. Djidic (interprétation). - Oui, c'est exact.
15 M. Kehoe (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier, veuillez
16 vous tourner vers la prochaine photographie qui est la photo Z2/449.
17 Veuillez centrer la photo sur le rétroprojecteur s'il vous plaît.
18 Monsieur Djidic, reconnaissez-vous les personnes que vous apercevez sur
19 cette photo ?
20 M. Djidic (interprétation). - Oui. Cet homme, c'est
21 Milivoj Petkovic, et à côté, M. Blaskic.
22 M. Kehoe (interprétation). - Milivoj Petkovic est bien la
23 personne que vous montrez ?
24 M. Djidic (interprétation). - Milivoj Petkovic est un gradé du
25 HVO.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Regardez la photo Z2/450, s'il vous
2 plaît. Qui sont ces personnes ?
3 M. Djidic (interprétation). - Une fois de plus, nous apercevons
4 M. Petkovic, M. Blaskic. Je connais cet homme, à droite, mais je ne me
5 rappelle pas du tout de son nom.
6 M. Kehoe (interprétation). - Continuez, Monsieur Djidic s'il
7 vous plaît. Maintenant passons à la photo Z2/455. Veuillez placer cette
8 photographie sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.
9 M. Djidic (interprétation). - Sur cette photographie, je
10 reconnais M. Filip Filipovic.
11 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit bien de la personne qui
12 se trouve à main droite avec les cheveux gris ?
13 M. Djidic (interprétation). - Oui, en effet. A ses côtés, il y a
14 M. Blaskic et cet homme que j'indique ici, c'est Franjo Nakic.
15 M. Kehoe (interprétation). - L'huissier peut-il placer sur le
16 rétroprojecteur la photographie suivante, Z2/456.
17 Reconnaissez vous ces hommes, Monsieur Djidic ?
18 M. Djidic (interprétation). - Voici M. Kostroman.
19 M. Kehoe (interprétation). - Qui est cet homme ?
20 M. Djidic (interprétation). - M. Kostroman est un membre du HDZ
21 de Busovaca. Je crois que c'est lui qui a organisé les conférences de
22 presse du HVO pour les besoins de la télévision à Busovaca et à Vitez. Je
23 ne suis pas absolument certain de ses obligations, mais il était très
24 souvent présent à ces conférences de presse ; il accueillait.
25 M. Kehoe (interprétation). - Qui y avait-il d'autre à ces
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1 conférences de presse ?
2 M. Djidic (interprétation). - Cet homme était présent également,
3 il s'agit de Dario Kordic (deuxième à partir de la gauche). Cet homme est
4 Anto Valenta (troisième à partir de la gauche) et ce civil ici vient de
5 Vitez. Je crois que son prénom est aussi Anto.
6 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous regarder la
7 photographie suivante, Z2/457 ? Pouvez-vous indiquer les personnes que
8 vous reconnaissez s'il vous plaît ? Poussez la photographie sur la droite.
9 Est-ce qu'on peut déplacer la photo un petit peu pour avoir l'ensemble de
10 la photo ? Je vous remercie.
11 M. Djidic (interprétation). - Ici, c'est Anto Valenta, ici
12 Pero Skopjak. Là, Ivica Santic et derrière, c'est Tihomir Blaskic.
13 M. Kehoe (interprétation). - S'agit-il ici des trois individus
14 Anto Valenta, Pero Skopjak et Ivica Santic, dont vous avez dit tout à
15 l'heure qu'ils étaient les dirigeants politiques de la communauté croate
16 de Herceg-Bosna, qui en ont fait voir de toutes les couleurs aux
17 Musulmans ?
18 M. Djidic (interprétation). - Il s'agit bien de ces personnes.
19 M. Kehoe (interprétation). - Venons-en à la photographie
20 suivante, la photo Z2/458.
21 M. Djidic (interprétation). - Ici, nous voyons M. Blaskic,
22 M. Kordic, M. Kostroman. Là, je crois qu'il s'agit d'Anto Spajic.
23 M. Kehoe (interprétation). - Nous sommes donc sur la photo
24 Z2/458. Vous avez dit tout à l'heure que M. Kostroman était une des
25 personnes présentes à la conférence de presse et vous avez dit que
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1 M. Kordic était souvent présent avec lui. Est-ce exact ?
2 M. Djidic (interprétation). - Oui, c'est exact.
3 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu l'accusé Blaskic avec
4 eux ?
5 M. Djidic (interprétation). - Oui, j'ai vu Blaskic. Mais je ne
6 l'ai pas vu souvent à ces conférences de presse.
7 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque ces individus passaient à
8 la télévision, de quoi parlaient-ils lors de ces conférences de presse ?
9 M. Djidic (interprétation). - Les conférences de presse avaient
10 lieu très régulièrement. Le plus souvent, ils discutaient des décisions
11 prises par le gouvernement du HVO, et des décisions prises par le
12 gouvernement du HDZ, la Communauté croate de Herceg-Bosna. Ils discutaient
13 donc des décisions prises par les autorités.
14 En outre, lors de ces conférences de presse, les questions
15 d'opérations militaires étaient abordées. Ces opérations étaient alors en
16 cours en Bosnie. Elles étaient menées par les agresseurs serbes.
17 M. Kehoe (interprétation). - Vous a-t-il semblé que ces
18 individus travaillaient ensemble ?
19 M. Djidic (interprétation). - Oui, absolument.
20 M. Kehoe (interprétation). - Venons-en à la dernière
21 photographie de cette pièce, la photographie Z2/459. Plaçons-là sur le
22 rétroprojecteur s'il vous plaît. Une fois de plus, Monsieur Djidic,
23 veuillez montrer du doigt les individus que vous reconnaissez sur cette
24 photo.
25 M. Djidic (interprétation). - Nous voyons M. Kostroman ici, ici
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1 M. Kordic, Anto Valenta, et ici un autre Anto. Je ne reconnais pas les
2 autres personnes présentes sur cette photo.
3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, l'accusation
4 voudrait maintenant demander le versement au dossier de la pièce à
5 conviction numéro 80, avec l'aide de l'huissier. Je demanderai que cette
6 pièce soit de nouveau rassemblée en un ensemble et nous pourrons
7 poursuivre.
8 M. le Président. - Monsieur le greffier, en accord avec
9 l'ensemble des parties, l'ensemble de l'album est donc coté pièce à
10 conviction pour l'accusation numéro 80. C'est bien cela ? Merci.
11 Monsieur le Procureur, nous allons faire une pause de 10 minutes
12 puisque nous terminons à 17 heures. Nous levons la séance pendant
13 10 minutes.
14 Suspendue à 16 heures, la séance est reprise à 16 heures 20.
15 M. le Président. - Monsieur le Procureur, veuillez continuer.
16 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
17 Monsieur Djidic, je vous demanderai quelques éclaircissements.
18 Au cours de la déposition que vous avez faite au sujet de la
19 cérémonie de prestation de serment, vous avez noté qu'il y avait une
20 cérémonie particulière réservée à la défense territoriale. Pourriez-vous
21 expliquer à la Chambre d'instance ce qu'est la défense territoriale ?
22 M. Djidic (interprétation). - La Défense territoriale, c'est
23 l'organisation de la population de Bosnie-Herzégovine qui était destinée à
24 défendre la totalité du territoire de la Bosnie Herzégovine qui n'était
25 pas un lieu de conflits ; autrement dit, destinée à organiser les endroits
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1 où cela était possible. L'objectif de la Défense territoriale consistait à
2 protéger tous les citoyens résidant en Bosnie-Herzégovine ou plutôt
3 résidant sur les territoires où il était possible d'organiser la Défense
4 territoriale. On trouvait, au sein de la Défense territoriale, des
5 représentants de toutes les nations, mais la majorité était musulmane.
6 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Djidic, vous faisiez
7 partie de la Défense territoriale à Vitez ?
8 M. Djidic (interprétation). - Oui, c'est exact.
9 M. Harmon (interprétation). - La Défense territoriale était une
10 organisation dans laquelle il n'y avait que des Musulmans, à Vitez
11 M. Djidic (interprétation). - Non. A Vitez, il y avait au sein
12 de la Défense territoriale, des Croates, des serbes et des Musulmans. Au
13 quartier général de la Défense territoriale, il y avait des officiers
14 croates qui ont travaillé quelque temps au sein de la Défense
15 territoriale.
16 En fait, tous les officiers de l'ex-JNA, qui avaient été
17 expulsés ou qui avaient fui la JNA, étaient engagés dans les rangs de la
18 Défense territoriale. La création du HVO aboutit à la division de ces
19 personnes, c'est-à-dire au départ des officiers de nationalité croate des
20 rangs de la Défense territoriale où ils avaient des fonctions déterminées.
21 M. Harmon (interprétation). - Sont-ils partis volontairement ?
22 M. Djidic (interprétation). - Oui, dans tous les cas, les
23 officiers ont quitté les rangs de la Défense territoriale, mais il y a eu
24 aussi des pressions exercées de la part du HVO, pressions exercées sur
25 certains officiers et sur certains soldats.
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1 Il y a eu aussi des hommes qui ont quitté l'état-major de la
2 Défense territoriale dans les larmes. En fait certains étaient en
3 désaccord avec la politique du HDZ ET du HVO, et c'est la raison pour
4 laquelle ils sont partis.
5 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de changer un peu de
6 sujet, Monsieur Djidic ?
7 Pouvez-vous expliquer au Tribunal ce qu'était l'état-major de
8 crise à Vitez, dans quelles conditions il a été créé et quelles étaient
9 ses fonctions ?
10 M. Djidic (interprétation). - L'état-major de crise était un
11 organe dont la création avait un but principal qui consistait à tenter de
12 relier entre elles les autorités civiles et les autorités militaires, afin
13 de régler un certain nombre de problème et de se protéger contre les
14 attaques des Chetniks. Il s'agissait donc d'un regroupement de personnes
15 qui provenaient des milieux dirigeants, civils et militaires. La
16 composition en était donc mixte, c'est-à-dire que l'on y trouvait des
17 Croates et des musulmans.
18 M. Harmon (interprétation). - Vous rappelez-vous qui faisait
19 partie de l'état-major du comité de crise ?
20 M. Djidic (interprétation). - Je me rappelle un certain nombre
21 d'entre eux. Pour l'essentiel, il s'agissait de dirigeants politiques et
22 militaires, c'est-à-dire des personnes que je viens d'évoquer il y a
23 quelques instants, des maires, des présidents de partis politiques, des
24 directeurs des grandes entreprises, des hommes d'affaires, enfin tout
25 simplement des décideurs.
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1 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Djidic, vous dites que
2 M. Santic en faisait partie ?
3 M. Djidic (interprétation). - Oui. Pero Skopjac, Mario Skopjac,
4 Anto Valenta, moi-même, M. Kaknjo, M. Kajmovic, le Dr Mujezinovic et
5 quelques autres en faisaient partie
6 M. Harmon (interprétation). - Après la création du HVO, est-ce-
7 que vous-même, par l'intermédiaire du Comité de crise, avez essayé de
8 faire en sorte que la Défense territoriale et le HVO travaillent main dans
9 la main ?
10 M. Djidic (interprétation). - Oui, et je n'ai pas été le seul à
11 agir de la sorte. A l'époque, les scissions n'étaient pas encore trop
12 importantes. Il y avait des discussions au sujet de la constitution d'une
13 brigade conjointe qui engloberait des Musulmans et des Croates. Il y avait
14 même des propositions portant sur les noms des personnes susceptibles de
15 commander cette brigade. Or, les Croates étant majoritaires dans la
16 population de Vitez, nous nous sommes un jour sur le fait que le
17 commandant de la brigade devait être un Croate, M. Nakic, et que son
18 suppléant devrait être un Musulman, et ce devait être moi son adjoint.
19 Il y avait un groupe de personnes, pour l'essentiel des
20 officiers qui avaient fui l'ex-JNA, donc un groupe d'hommes dont la
21 mission consistait à établir le plan de la formation de cette brigade
22 conjointe. Les gens étaient ravis, mais cette brigade conjointe n'a jamais
23 été créée.
24 M. Harmon (interprétation). - Y a-t-il eu des propositions d'un
25 côté ou de l'autre quant au nom qu'il convenait de donner à cette brigade
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1 conjointe ?
2 M. Djidic (interprétation). - Oui. Diverses propositions ont
3 été faites. On disait surtout que cette brigade serait une brigade
4 commune, dont la tâche consisterait à assurer la défense de Vitez. Lors
5 des pourparlers qui ont eu lieu plus tard, le HDZ et le HVO n'ont pas
6 accepté la création d'une brigade commune, mais il a été demandé que cette
7 brigade soit commune tout en étant la brigade du HVO, c'est-à-dire que
8 l'on mette fin aux activités de la Défense territoriale à Vitez. Pour les
9 Musulmans, c'était là une proposition absolument inacceptable.
10 M. Harmon (interprétation). - Qui, au sein du HVO, a refusé de
11 se rallier à l'idée d'une brigade commune du HVO et des Musulmans ?
12 M. Djidic (interprétation). - Avant tout, les dirigeants
13 politiques.
14 Un jour, nous étions en réunion et nous avons abordé le sujet de
15 la création d'une unité commune. Nous avons également discuté du nom qui
16 pouvait lui être donné. Et ce jour-là, l'un de mes amis, un Croate, qui
17 était assis à côté de moi, lors de cette réunion, m'a proposé, d'adopter
18 le sigle HMVO, pour désigner l'armée, sigle qui aurait signifié : Conseil
19 de la défense croato-musulman. La majorité des gens étaient tout à fait
20 ravis de cette proposition. Nous avons quitté cette réunion, convaincus
21 que nous allions pouvoir mener à bien un très bon travail.
22 Cependant, quelques jours plus tard, Anto Valenta a déclaré que
23 cette proposition n'avait plus cours et nous sommes passés alors à
24 l'examen d'autres tentatives visant à relier le HVO et la Défense
25 territoriale et bien entendu, ces tentatives ont échoué.
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1 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que Valenta vous a dit
2 pourquoi ce projet n'avait plus cours ?
3 M. Djidic (interprétation). - Il l'a expliqué en réunion. En
4 fait, la politique du HVO en Herceg-Bosna a consisté à dire qu'il ne
5 pouvait exister qu'une seule armée et que cette armée ne pouvait être que
6 celle du HVO, la Défense territoriale étant donc amenée à cesser ses
7 activités. Anto Valenta tout particulièrement prenait pour exemple la
8 situation à Mostar. A cette époque-là, la guerre faisait rage à Mostar.
9 Les attaques des Chetniks étaient très nombreuses et un grand nombre de
10 Musulmans se trouvaient dans les rangs du HVO. Valenta disait que les
11 Musulmans de Vitez devraient, eux aussi, se trouver sous le commandement
12 du HVO, ce qui n'allait pas dans le sens de donner satisfaction à tout le
13 monde.
14 M. Harmon (interprétation). - Ces négociations, ces discussions,
15 dans quelle période se sont-elles déroulées ?
16 M. Djidic (interprétation). - Ces pourparlers ont eu lieu dans
17 le courant de l'année 1992 et se sont poursuivis au début de 1993. Au
18 début, il était question de constituer une armée commune, puis une armée
19 dépendant uniquement du HVO, et après les premiers conflits, il a de
20 nouveau été question d'une armée commune, d'un genre ou d'un autre.
21 M. Harmon (interprétation). - Parlons un peu de cette montée en
22 puissance jusqu'aux premiers conflits. Pouvez-vous dire au Tribunal ce qui
23 s'est passé avant les premiers conflits et ensuite ce qui s'est passé
24 pendant ces premiers conflits ?
25 M. Djidic (interprétation). - Le premier affrontement entre
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1 l'armée et le HVO a eu lieu le 20 octobre 1992 à Vitez. Et si l'on parle
2 de l'ensemble de la Bosnie centrale, c'est le 18 octobre que Novi Travnik
3 a été attaqué par le HVO. Cette attaque a duré deux ou trois jours. Après
4 quoi, il y a eu intensification des pressions exercées par le HVO pendant
5 à peu près un mois, pressions qui avaient pour but que la Défense
6 territoriale soit placée sous commandement du HVO.
7 Après un mois, des changements ont eu lieu sur le front. Les
8 Chetniks ayant avancé sur plusieurs fronts, des pourparlers avaient lieu
9 en même temps au sujet d'une nouvelle organisation de la Bosnie-
10 Herzégovine, d'une nouvelle structuration, et chacun attendait de voir ce
11 que donneraient ces nouvelles propositions.
12 Quoi qu'il en soit, dans cette période, c'est-à-dire au cours du
13 mois d'octobre, j'ai reçu plusieurs fois des ultimatums portant sur la
14 nécessité pour la Défense territoriale de rendre ses armes et de se placer
15 sous le commandement du HVO. Les épisodes qui ont marqué la situation
16 politique à l'époque ont cependant empêché que l'on arrive à la
17 réalisation de ces ultimatums.
18 Un jour, M. Blaskic, lors d'une réunion, alors que je me
19 trouvais chez lui, a déclaré que personne n'avait le droit d'utiliser la
20 force pour contraindre quiconque à se placer sous son commandement, ce qui
21 était un commentaire humain, M. Blaskic connaissant sans doute mieux la
22 situation du front que les dirigeants politiques du HVO à l'époque. Après
23 les affrontements s'est ouverte une période marquée par des tentatives de
24 combats conjoints contre les Chetniks. De très bonnes propositions ont été
25 faites à cette époque-là qui tentaient de créer l'unité sur le front. Il y
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1 a donc eu un changement au sein du HVO, notamment, à la fin du mois
2 d'octobre, c'est-à-dire au moment où les Chetniks sont entrés dans Jajce.
3 Les Chetniks se sont emparés de Jajce peu de temps après les affrontements
4 de Vitez. En signe de bonne volonté, en signe de volonté de coopérer à la
5 défense de la Bosnie, j'ai proposé à M. Cerkez de créer des unités
6 communes de Musulmans et de Croates et de les déployer devant l'hôtel à
7 Vitez, de façon à ce que tous les habitants de Vitez puissent les voir, de
8 façon à tirer des larmes à la fois des mères croates et des mères
9 musulmanes au moment où elles accompagneraient leurs fils jusqu'au front.
10 En agissant de la sorte, j'essayais de rétablir la confiance
11 dans le peuple. Je voulais que la population se sente plus sûre, parce
12 qu'en voyant partir ensemble les musulmans et les Croates sur le front
13 pour se battre contre les Chetniks, la population aurait certainement vécu
14 une existence de meilleure qualité à Vitez. Mais je n'y suis pas parvenu,
15 je n'ai pas réussi à m'entendre sur ce point avec Mario.
16 En fait, à cette époque c'est surtout M. Blaskic et M. Mrdan qui
17 ont pris les choses entre leurs mains, si je puis m'exprimer ainsi. Ils
18 ont participé, ils ont organisé des réunions très productives. Ils ont
19 mené des conversations très productives. Par exemple l'armée a pu circuler
20 sans problème, mais il était entendu que la veille d'un départ de l'armée
21 pour le front l'annonce en soit faite, annonce qui devait être accompagnée
22 du nombre exact d'hommes concernés et de l'itinéraire qui allait être
23 suivi.
24 C'était une obligation qui était acceptée en vue de réduire la
25 tension et de sécuriser un peu la situation au niveau des barrages
Page 1134
1 routiers qui existaient à ce moment-là.
2 Malheureusement, ce ne sont que les représentants de la défense
3 territoriale qui à l'époque se sont rendus sur le front à Visoko et à
4 Vlasic pour barrer la route aux Chetniks, alors que les représentants du
5 HVO sont allés sur les monts qui environnent Vitez, les monts Kuber. Sur
6 ces monts, il n'y a jamais eu de Chetniks. C'est seulement plus tard
7 qu'une partie des unités du HVO ont rallié la lutte contre les Chetniks
8 sur le terrain entre Novi Travnik et Travnik. A cet endroit, il y avait
9 très peu de soldats du HVO de Vitez. Je ne parle bien sûr que des soldats
10 de Vitez. Il y avait très peu de soldats du HVO de Vitez face aux
11 Chetniks.
12 M. Harmon (interprétation). - Je reviens un peu en arrière,
13 Monsieur Djidic. Vous avez parlé du premier affrontement à Travnik en
14 octobre. De quoi s'agissait-il ?
15 M. Djidic (interprétation). - Je n'étais pas à Novi Travnik à
16 l'époque. Dans l'ensemble de la Bosnie centrale et en Herzégovine, les
17 problèmes que l'on rencontrait étaient très semblables. Il s'agissait des
18 tentatives du HVO pour placer les membres de la Défense territoriale sous
19 le commandement du HVO ou plutôt pour désarmer les Musulmans. Cette
20 situation s'est présentée, de la même façon, dans toutes les villes de
21 Bosnie centrale.
22 Quelles étaient les véritables raisons à Novi Travnik et comment
23 le conflit a-t-il éclaté ? Je ne peux que supposer qu'il s'agit du même
24 genre de politique poursuivie par le HVO et mise en oeuvre aussi à Vitez.
25 M. Harmon (interprétation). - Durant le conflit de Novi Travnik,
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1 avez-vous participé à un entretien téléphonique avec Dario Kordic, une
2 troisième personne, pour discuter de ce conflit ?
3 M. Djidic (interprétation). - J'ai entendu une conversation
4 téléphonique entre Dario Kordic et Kaknjo.
5 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous en dire plus ?
6 M. Djidic (interprétation). - M. Kaknjo a dû appeler M. Kordic
7 un jour, car il y avait des échanges de tirs à Novi Travnik. Une réunion
8 avait lieu ce jour-là à Vitez. Il voulait consulter l'interlocuteur sur
9 quelque chose. Cela étant, lorsqu'il a pris le récepteur et a demandé
10 Kordic, il n'a pas entendu sa voix parce que M. Kordic était semble-t-il
11 en train de parler sur une autre ligne ou peut-être sur le Motorola. Il
12 m'a donc passé le combiné et m’a dit : "Ecoute, Kordic !", j'ai clairement
13 entendu qu'il était en train de donner des ordres. Parmi d'autres mots,
14 j'ai entendu qu'il criait quelque chose à l'adresse de quelqu'un et il
15 disait : "Brûle ça !". Je ne sais pas à quoi il faisait référence en
16 disant cela. Quelques minutes plus tard, Kordic a pris le combiné de son
17 côté et a dit à Kakjno qu'il n'avait pas de temps pour l’écouter. Il l’a
18 dit de façon grossière.
19 A ce moment-là, alors que ces deux personnes étaient en train de
20 parler, Kordic se trouvait à Novi Travnik. Kakjno connaissait son numéro
21 de téléphone.
22 M. Harmon (interprétation). - Novi Travnik se trouvait à ce
23 moment-là dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale, n’est-ce pas ?
24 M. Djidic (interprétation). - Oui.
25 M. Harmon (interprétation). - Qui était le commandant de la zone
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1 opérationnelle de Bosnie centrale en octobre 1992 ?
2 M. Djidic (interprétation). - A ce moment-là, M. Blaskic était
3 commandant.
4 M. Harmon (interprétation). - L’accusé ?
5 M. Djidic (interprétation). - Oui.
6 M. Harmon (interprétation). - Après que les hostilités aient
7 éclaté à Novi Travnik, y a-t-il eu des problèmes dans la région de Vitez,
8 y compris dans le village d’Ahmici ?
9 M. Djidic (interprétation). - Oui, effectivement.
10 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous en parler au Tribunal.
11 M. Djidic (interprétation). - Oui, je peux le faire. Vers le
12 18 octobre, j'ai été informé que le HVO avait attaqué Novi Travnik. Dans
13 l'après-midi, j'ai quitté mon domicile. Au point de contrôle du HVO, à la
14 gare de Vitez, j'ai vu une petite colonne de véhicules, trois ou quatre
15 camions, transportant un nombre assez grand de soldats.
16 Dans le premier camion, j'ai vu M. Kordic. Il était en uniforme.
17 Il avait un talky-walky attaché au revers de son uniforme. Les combattants
18 du HVO, qui était autour du barrage routier, le saluaient. Il y avait même
19 l’un de mes voisin qui s’appelle Ivo Vidovic ; Il a sorti un cran couteau
20 et l’a brandi en signe de salut.
21 Le HVO a essayé de m'empêcher de passer ce barrage, mais j'ai
22 finalement réussi à le passer et à me diriger dans la direction de Vitez.
23 La colonne, dans laquelle se trouvait Kordic, a emprunté la route de
24 transit qui passe à côté de Vitez et va vers Novi Travnik.
25 Après cela, je suis entré en contact avec le commandant de la
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1 Défense territoriale à Novi Travnik, un certain Lendo, qui m’a dit que la
2 Défense territoriale avait été attaquée. Je suis aussi entré en contact
3 avec M. Mrdan et je lui ai dit ce que j'avais entendu. Il m'a répondu
4 qu'il avait été informé. J’ai demandé à M. Lendo comment je pouvais aider.
5 Il m'a dit : "Il n'y a rien que tu puisses faire, seulement peut-être
6 d’essayer d'arrêter les troupes du HVO venant de la direction de
7 Busovaca".
8 Nous avions été informés que de Busovaca était en en train
9 d'arriver une colonne importante de troupes du HVO, troupes qui allaient
10 en direction de Vitez ou plutôt de Novi TravniK
11 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous donné des ordres ?
12 M. Djidic (interprétation). - J'ai consulté mes supérieurs. Il
13 m'a été dit que nous devions renforcer les mesures de sécurité aux points
14 de contrôle et qu'il ne fallait empêcher personne de passer, s'il
15 s'agissait de personnes isolées. Il nous a aussi été dit que nous devions
16 informer l'état-major de ce que nous faisions ; et que si un groupe
17 important de combattants apparaissait, il fallait que le quartier général
18 en soit informé, il fallait essayer d'empêcher que ces combattants ne
19 traversent Vitez.
20 A l'époque, j'étais en contact avec M. Cerkez. Je lui ai dit
21 qu'il y avait des problèmes très graves et que le HVO ne devrait pas être
22 autorisé à traverser Vitez, qu'il y avait des combats en cours à
23 Novi Travnik. Il m’a dit que ce n'était pas mon affaire, qu’il s’agissait
24 de problèmes qui seraient réglés à Novi Travnik, ce qui n’était pas très
25 convaincant.
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1 Une petite barricade a été érigée avec deux rampes. Cerkez a
2 exigé qu’on démantèle cette barricade. Des négociations ont eu lieu. Même
3 au centre médical, le médecin local a organisé des pourparlers. Il a
4 essayé de discuter avec nous pour qu'il n'y ait pas d'hostilités à Vitez.
5 Toutes les tentatives visant à trouver une solution pacifique à ce
6 problème, ont échoué. Le HVO a voulu passer le barrage par la force.
7 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi Monsieur le Témoin,
8 Monsieur le Président veut dire quelque chose.
9 M. le Président. - Il faudrait que le témoin termine cette
10 réponse, mais il n'y aura pas d'autres questions, car le Tribunal est
11 obligé de lever son audience à cette heure-ci. Le témoin termine la
12 réponse à cette question et nous reprendrons demain matin.
13 M. Harmon (interprétation). - Voulez-vous terminer,
14 Monsieur Djidic.
15 M. Djidic (interprétation). - Merci. Le HVO a essayé de passer
16 par la force. Il y est parvenu parce que les Musulmans n'étaient pas prêts
17 à tirer et à tuer. Ce n'était pas notre objectif. Mais il n'a pas réussi à
18 passer le vrai barrage, bien organisé, qui existait depuis un certain
19 temps, depuis plusieurs mois même, à Bila. Les troupes du HVO sont sans
20 doute allaient à Novi Travnik en empruntant d’autres routes.
21 M. le Président. - Le Tribunal va lever sa séance Il la
22 reprendra demain à 10 heures.
23 La séance est suspendue à 17 h 05.
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