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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
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3 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
4 Mardi 19 août 1997
5 L'audience est ouverte à 10 heures 05.
6 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,
7 veuillez faire entrer l'accusé, s'il vous plaît.
8 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)
9 le Président. - Est-ce que tout le monde m'entend ?
10 Messieurs les Procureurs ? Au banc de la défense ? Monsieur Blaskic ?
11 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
12 Je vous entends fort bien.
13 M. le Président. - Et les assistants ? Bon, je crois que nous
14 sommes prêts pour reprendre au moment où nos travaux se sont interrompus,
15 il y a environ deux semaines de cela.
16 Nous sommes bien dans la phase de l'accusation et c'est donc à
17 Monsieur le Procureur de nous dire l'ordonnancement des travaux qu'il a
18 prévu. Je crois que nous devions terminer le contre-interrogatoire d'un
19 témoin. C'est cela, Monsieur le Procureur, Maître Hayman ?
20 M. Hayman (interprétation). - (Hors micro.)
21 M. le Président. - Bien. Nous pourrions alors peut-être
22 introduire le témoin. Monsieur Kehoe, vous pouvez vous en occuper ?
23 M. Kehoe (interprétation). - Volontiers, Monsieur le Président.
24 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience..)
25 M. le Président. - Monsieur Djidic, bonjour. Est-ce que vous
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1 m'entendez ?
2 M. Djidic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
3 Oui, je vous entends.
4 M. le Président. - Je vous rappelle que vous témoignez sous
5 serment. Nous allons donc procéder à la suite et à la fin du contre-
6 interrogatoire. Maître Nobilo ou Maître Hayman ? C'est Maître Nobilo.
7 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges.
8 Chers confrères, bonjour. Bonjour, Monsieur Djidic.
9 Il y a deux semaines, nous parlions des lignes de front autour
10 de Vitez et nous déterminions les positions de l'armée de la Bosnie-
11 Herzégovine. Est-ce que vous pourriez nous dire si cela se passait à peu
12 près le 6 avril 1993 ? Est-ce que vous pouvez me dire si ces lignes de
13 front se sont déplacées plus tard, par exemple, au mois de mai 1993 ? Est-
14 ce qu'il y a eu des changements ?
15 M. Djidic (interprétation). - Oui, il y en a eu.
16 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous nous les expliquer ?
17 M. Djidic (interprétation). - Les premiers jours de la guerre
18 ont été marqués par des attaques constantes. Au mois de mai, il y a eu des
19 attaques, des contre-attaques et puis, au mois d'août, je crois, le HVO a
20 pris le contrôle de Grbavica. Mais je ne me souviens pas de la date
21 exacte. En tout cas, ce jour-là, l'armée a pris le contrôle de la région
22 et la ligne de front est restée à peu près la même jusqu'à la fin de la
23 guerre avec de très petites modifications par la suite.
24 M. Nobilo (interprétation). - La dernière fois, vous nous avez
25 parlé de la 325ème brigade et de ses positions. Ce qui m'intéresserait
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1 aujourd'hui, c'est de savoir si vous connaissez la participation de la
2 306ème brigade Han Bila dans les combats qui ont eu lieu dans la
3 municipalité de Vitez.
4 M. Djidic (interprétation). - Je ne sais pas exactement quelle
5 était sa participation. Je vous ai dit que je subissais le siège et que je
6 ne m'intéressais pratiquement qu'aux informations de Stari Vitez. Il est
7 possible que la 306ème brigade ait participé, mais je ne connais pas
8 exactement ses positions.
9 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce que vous aviez des
10 contacts téléphoniques ou des contacts par radio avec le 3ème Corps
11 d'armée au cours du siège ?
12 M. Djidic (interprétation). - J'étais en contact avec la 325ème
13 brigade.
14 M. Nobilo (interprétation). - Et avec personne d'autre ?
15 M. Djidic (interprétation). - Avec personne d'autre directement.
16 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous connaissez la
17 participation de la 7ème brigade musulmane sur le front autour de
18 Poculica ?
19 M. Djidic (interprétation). - Je ne sais pas.
20 M. Nobilo (interprétation). - La participation de la 7ème de
21 Grbavica ?
22 M. Djidic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'elle se
23 trouvait dans les environs de Vitez.
24 M. Nobilo (interprétation). - Vous nous dites que vous n'avez
25 pas eu de contacts avec le 3ème Corps. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir
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1 si, le 6 avril 1993, vous avez eu des contacts avec Enver Hadzihasanovic,
2 le commandant du 3ème corps.
3 M. Djidic (interprétation). - Je ne me rappelle pas.
4 M. Nobilo (interprétation). - C'était le jour de l'attaque, le
5 matin.
6 M. Djidic (interprétation). - Je ne me rappelle pas.
7 M. Nobilo (interprétation). - Revenons à cette partie de votre
8 déposition où vous avez parlé de la capture des soldats à Kruscica, après
9 quoi vous avez parlé avec Blasko Jubicic(?), avec Blaskic. Vous vous
10 rappelez ?
11 M. Djidic (interprétation). - Oui, je me rappelle.
12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que vous avez
13 garanti, sur votre vie, qu'il y aurait une enquête et c'est à ce moment-là
14 que les gens de Kruscica ont été libérés.
15 M. Djidic (interprétation). - Oui, je me rappelle.
16 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c'est la chose
17 suivante : pourquoi vous avez dû apporter des garanties sur votre vie ?
18 Pourquoi est-ce que vous n'avez pas pu simplement donner l'ordre de
19 libérer ces hommes ?
20 M. Djidic (interprétation). - Je n'ai pas pu donner cet ordre
21 parce que deux soldats de l'armée avaient été tués.
22 M. Nobilo (interprétation). - Je ne comprends pas bien. Vous
23 parlez de soldats qui ont été tués, mais vous étiez un commandant de
24 l'armée ?
25 M. Djidic (interprétation). - Oui, c'est effectivement le cas.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Cela signifie qu'ils ont refusé de
2 vous obéir ?
3 M. Djidic (interprétation). - Ils étaient très réticents à
4 obéir. C'est seulement lorsque je leur ai garanti qu'il y aurait une
5 enquête. Cela a fait sans doute l'objet d'un accord entre M. Merdan et
6 M. Blaskic, je n'en suis pas sûr, mais c'est sans doute le cas. En tout
7 cas, Merdan m'a garanti qu'il y aurait une enquête. Il me l'a garanti le
8 lendemain matin et, quand j'ai expliqué à ces hommes qu'il y aurait une
9 enquête, à ce moment-là, ils ont accepté de libérer les policiers.
10 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons compris cela, mais
11 c'est autre chose qui m'intéresse : dans le cadre de votre organisation
12 ...
13 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président.
14 Avant que nous n'allions trop loin, je fais objection à la forme de la
15 question qui consiste à lui demander ce qu'il comprend, ce dont il s'est
16 rendu compte. C'est sur la forme.
17 M. le Président. - Objection accordée. Maître Nobilo, vous avez
18 votre idée sur la façon dont répond le témoin, mais laissez-le d'abord
19 répondre et, ensuite, vous utilisez sa réponse comme vous voulez. Mais
20 vous ne pouvez pas faire des commentaires qui sont des commentaires
21 personnels. Reformulez donc la question, s'il vous plaît.
22 M. Nobilo (interprétation). - Je vais poursuivre, mais
23 permettez-moi de m'expliquer : je ne pensais pas faire un commentaire.
24 Simplement, le témoin n'a pas répondu à ma question. Il a répondu autre
25 chose, il a répété ce qu'il avait déjà dit auparavant. C'est peut-être une
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1 erreur de ma part ; je vais essayer de formuler autrement. Ce qui
2 m'intéresse, c'est ceci : est-ce que l'organisation de l'armée de la
3 Bosnie-Herzégovine sur votre territoire, à ce moment-là, était telle que
4 vous pouviez émettre un ordre qui devait être obéi en toute circonstance
5 ou est-ce que ce n'était pas le cas ?
6 M. Djidic (interprétation). - Oui.
7 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire ?
8 M. Djidic (interprétation). - Cela veut dire que c'était leur
9 devoir de m'obéir.
10 M. Nobilo (interprétation). - Mais ils ne l'ont pas fait.
11 M. Djidic (interprétation). - C'est pourquoi j'étais fâché.
12 M. Nobilo (interprétation). - Avançons. Vous avez déclaré avoir
13 reçu des informations au sujet de civils qui s'étaient fait arrêter.
14 M. Djidic (interprétation). - Oui, je me souviens.
15 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous qui étaient ces
16 civils ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui.
18 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des combats dans cette
19 région ?
20 M. Djidic (interprétation). - Je pense qu'il n'y avait pas de
21 combats. Les gens ont simplement été arrêtés à leur domicile.
22 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que cela avait un rapport
23 avec Stari Vitez ?
24 M. Djidic (interprétation). - Cela se situe à environ un
25 kilomètre de Stari Vitez.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous rappelez-vous le nom de
2 certains hommes ?
3 M. Djidic (interprétation). - Je crois qu'il y avait le Dr
4 Zeco Fuad, Pasaga Mujanovic, ses deux fils, etc.
5 M. Nobilo (interprétation). - Après leur arrestation, y a-t-il
6 eu une attaque de cette direction contre vous ?
7 M. Djidic (interprétation). - Je ne sais pas. L'attaque vient
8 d'une colonne. C'est difficile à déterminer.
9 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'à l'endroit de
10 l'arrestation, il y a eu des blessés ou des morts ?
11 M. Djidic (interprétation). - Je ne sais pas.
12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait des
13 civils de Gacice également qui ont été emprisonnés. Vous vous rappelez ?
14 M. Djidic (interprétation). - Oui, en effet.
15 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi : où ont-ils été
16 emprisonnés ?
17 M. Djidic (interprétation). - Je crois qu'ils ont été
18 emprisonnés dans l'une des écoles de Kolonija, mais je n'en suis pas sûr.
19 M. Nobilo (interprétation). - Et y a-t-il eu une attaque
20 provenant de Gacice ?
21 M. Djidic (interprétation). - Provenant de Gacice, non.
22 M. Nobilo (interprétation). - Ensuite, vous avez déclaré que les
23 combattants de Novaci ont été emprisonnés à Dubravica.
24 M. Djidic (interprétation). - Oui.
25 M. Nobilo (interprétation). - Après l'arrivée des hommes du à
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1 HCR, est-ce qu’il y a eu une attaque en provenance de cette localité ?
2 M. Djidic (interprétation). - Oui.
3 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous répondu à cette
4 attaque ?
5 M. Djidic (interprétation). - Nous nous sommes défendus.
6 M. Nobilo (interprétation). - D'après votre estimation, est-ce
7 que ces civils auraient été davantage en sécurité dans le village de
8 Novaci ou dans l'école de Dubravica ?. Je parle de sécurité par rapport
9 aux combats.
10 M. Djidic (interprétation). - Une partie de ces civils ont été
11 emprisonnés dans l'école de Dubravica ; d'autres ont été emprisonnés dans
12 un certain nombre de caves de Novaci. Je ne sais pas où leur sécurité
13 était le mieux garantie. Mais ils ont été arrêtés après la prise de
14 contrôle de Novaci, c'est-à-dire lorsque l'armée est entrée dans
15 Stari Vitez.
16 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré qu'en trois à
17 quatre mois, tous les civils de Stari Vitez ont été chassés. Je parle des
18 Musulmans.
19 M. Djidic (interprétation). - La majorité d'entre eux.
20 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi : comment savez-vous
21 qu'ils ont été chassés ? Pourquoi ne pensez-vous pas qu'ils sont
22 simplement partis dans des localités où il n'y avait pas de combat ?
23 M. Djidic (interprétation). - Nous avons reçu des informations
24 d'organisations internationales.
25 M. Nobilo (interprétation). - Quelles informations ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Lors de réunions, il a été stipulé
2 que tel ou tel groupe avait été chassé, expulsé, etc.
3 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous n'avez pas de
4 connaissances personnelles à ce sujet ?
5 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai pas pu voir les faits ; je
6 sais simplement à quel moment a eu lieu l'échange des personnes arrêtées
7 et emprisonnées dans le cinéma, dans le club de loisirs
8 M. Nobilo (interprétation). - Vous avec dit que vous-même et
9 Mario Cerkez, un pope orthodoxe et un religieux musulman, avez dû faire le
10 tour des barrages routiers.
11 M. Djidic (interprétation). - Oui, en effet.
12 M. Nobilo (interprétation). - Comment est-ce possible que vous-
13 même et Cerkez n'avez pas été informés, depuis l'endroit où vous vous
14 trouviez ? Pourquoi avez-vous dû faire le tour des barrages routiers ?
15 M. Djidic (interprétation). - Il était entendu que nous allions
16 nous réunir et voir les gens sur place pour les convaincre de lever les
17 barrages.
18 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites : "convaincre les
19 gens" ; mais n'étiez-vous pas dans une armée ? pourquoi n'avez-vous pas pu
20 émettre un ordre ?
21 M. Djidic (interprétation). - Je suis d'accord : ce n'est pas
22 une attitude très militaire.
23 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi le pope et le religieux
24 musulman ont-ils pu aller avec vous ? Ils ne sont pas militaires !
25 M. Djidic (interprétation). - Ils avaient une influence sur les
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1 gens de Stari Vitez.
2 M. Nobilo (interprétation). - Et si vous n'étiez pas allés
3 ensemble, et si le pope et le religieux musulman n'étaient pas allés avec
4 vous, est-ce que les ordres auraient été respectés ?
5 M. Djidic (interprétation). - Je crois que oui.
6 M. Nobilo (interprétation). - Mais si un ordre suffisait,
7 pourquoi avez-vous dû vous rendre sur les lieux ?
8 M. Djidic (interprétation). - Il s'agissait de tentatives d’agir
9 ensemble, de faire quelque chose ensemble.
10 M. Nobilo (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,
11 lorsque je vous ai dit que Blaskic avait une zone de responsabilité dans
12 la zone opérationnelle de Bosnie Centrale, c'est-à-dire sur le territoire
13 où il exerçait des fonctions de commandement, vous m'avez dit que j'avais
14 imaginé cela. Pourquoi m’avez-vous fait cette réponse ?
15 M. Djidic (interprétation). - Je ne comprends pas bien votre
16 question.
17 M. Nobilo (interprétation). - Je peux citer ce que vous avez
18 dit, si vous le souhaitez. Mais lorsque je vous ai posé une question,
19 lorsque, dans cette question, je vous ai dit que M. Blaskic était
20 commandant de la zone opérationnelle de Bosnie Centrale, vous m’avez
21 répondu que cette zone opérationnelle de Bosnie Centrale était imaginaire,
22 que c'était une invention, qu'elle n'existait pas dans la réalité.
23 M. Djidic (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir fait
24 cette réponse parce que ce n'était pas imaginaire : c'était la réalité.
25 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous citer.
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1 M. le Président. - Je crois que nous nous en sortirons
2 difficilement si vous faites encore des commentaires sur votre propre
3 interrogatoire. Vous voyez ce que je veux dire ? Je ne suis pas opposé à
4 ce que vous reposiez cette question, mais je voudrais quand même appeler
5 votre attention sur le caractère un peu saugrenu qu’elle peut avoir. Vous
6 êtes en train aujourd’hui, donc quinze jours après, de poser une question
7 au témoin sur ses propres réponses, non pas aux questions posées par le
8 Procureur, mais à vos propres questions.
9 Je crois que vous devez déduire de la réponse qui vous a été
10 faite à l’époque. Si j’ai bien compris, le témoin vous avait dit que cela
11 lui paraissait imaginaire. Je ne crois pas que vous puissiez maintenant
12 vous étendre sur des commentaires. De grâce, essayons d’avancer un petit
13 peu. Vous n'avez pas été content ou satisfait de la réponse qui vous a été
14 faite, mais c’est celle qui vous a été faite.
15 Alors, poursuivez ou reformulez autrement, mais vous ne pouvez
16 pas faire des commentaires sur votre propre contre-interrogatoire, sinon
17 on ne s’en sortira pas. Vous comprenez ce que je veux dire ?
18 M. Nobilo (interprétation). - Je me rends bien compte, mais je
19 ne souhaitais pas revenir sur les questions et les réponses durant le
20 contre-interrogatoire. Je voulais essayer d’approfondir la pensée du
21 témoin. Il a parlé d'imaginaire, alors j'essayais de sonder sa mémoire. Si
22 le témoin s’était rappelé, j’aurais essayé d’aller un peu plus loin ; s’il
23 ne se rappelle pas, je peux passer à autre chose.
24 M. le Président. - Je crois que le témoin répond à vos
25 questions. Que cela vous satisfasse ou ne vous satisfasse pas, c’est la
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1 règle du jeu. Donc, vous passez à une autre question, s’il vous plaît.
2 M. Nobilo (interprétation). - Très bien. Nous passons à autre
3 chose. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir où était votre arsenal d’armes
4 à Stari Vitez.
5 M. Djidic (interprétation). - Près de Lasva Valley, dans le
6 centre.
7 M. Nobilo (interprétation). - Dans quel bâtiment ?
8 M. Djidic (interprétation). - En sous-sol. Donc, ce n'était pas
9 dans un bâtiment en surface ; c'était dans ce sous-sol. Dites-moi, quelle
10 était la quantité d'armement dont vous disposiez au moment de l'attaque ?
11 M. Djidic (interprétation). - Je ne sais pas exactement.
12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré qu'une certaine
13 quantité de munitions se trouvaient dans des maisons particulières.
14 M. Djidic (interprétation). - Chez des soldats. Une certaine
15 quantité d'équipements militaires, mais je ne sais pas exactement combien.
16 Il est normal que des hommes aient des munitions sur eux.
17 M. Nobilo (interprétation). - Ces munitions qui se trouvaient
18 dans des maisons particulières ou chez des soldats, les avez-vous
19 rassemblées dans l’arsenal central ou bien les avez-vous simplement
20 enregistrées ?
21 M. Djidic (interprétation). - Elles étaient enregistrées.
22 M. Nobilo (interprétation). - Quand les hommes allaient au
23 combat, leur était-il possible de prendre les munitions directement chez
24 eux ou est-ce qu'avant d'aller se battre, il fallait qu'ils passent par un
25 arsenal central ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Cela dépendait de la situation.
2 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui veut dire qu'ils pouvaient
3 soit aller à l'arsenal central, soit prendre leurs munitions chez eux ?
4 M. Djidic (interprétation). - Ils avaient chez eux l'équipement
5 de combat qui leur était fourni avec leur arme, leur fusil.
6 M. Nobilo (interprétation). - Lors de l'attaque, le
7 16 avril 1993, avez-vous eu un soutien de l'artillerie de la part de
8 l’armée de Bosnie-Herzégovine ?
9 M. Djidic (interprétation). - A ce moment-là, pas encore.
10 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous eu un soutien par les
11 mortiers ?
12 M. Djidic (interprétation). - Non.
13 M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous reçu cette aide de
14 l'artillerie ?
15 M. Djidic (interprétation). - Je crois que cela a commencé le
16 troisième jour ; une aide limitée.
17 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que vous possédiez
18 des mortiers. Est-ce que le quartier général de Blaskic a été une cible
19 le 16 avril ?
20 M. Djidic (interprétation). - Je ne me souviens pas.
21 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous qu'elles ont été les
22 cibles et dans quelles directions étaient orientés les mortiers le
23 16 avril ?
24 M. Djidic (interprétation). - Je pense que les RPJ n'ont pas été
25 utilisés le premier jour.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que vous n’avez pas
2 mobilisé les personnes qui se trouvaient assiégées à Stari Vitez.
3 M. Djidic (interprétation). - Oui, en effet.
4 M. Nobilo (interprétation). - Ce qui m'intéresse, c'est de
5 savoir quelle était la situation du point de vue des uniformes. Est-ce que
6 tous ces hommes avaient des uniformes ?
7 M. Djidic (interprétation). - Non.
8 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que les femmes
9 ont été également mobilisées ?
10 M. Djidic (interprétation). - Oui, en effet.
11 M. Nobilo (interprétation). - Qu’ont-elles fait, ces femmes ?
12 M. Djidic (interprétation). - Les femmes ont été mobilisées en
13 tant qu'infirmières, cuisinières.
14 M. Nobilo (interprétation). - Avaient-elles des tâches
15 militaires, au sens strict du terme ?
16 M. Djidic (interprétation). - Non.
17 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque votre quartier général a
18 été touché, vous vous êtes installés ailleurs, bien sûr. Avez-vous apposé
19 une marque quelconque à ce bâtiment de telle sorte qu’il était possible de
20 savoir que c'était votre quartier général ?
21 M. Djidic (interprétation). - Non.
22 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que là où étaient abrités
23 les soldats, il y avait une marque quelconque apposée sur le bâtiment,
24 permettant de l’identifier ?
25 M. Djidic (interprétation). - Non.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit avoir su qu'une
2 offre avait été faite aux civils afin qu'ils puissent quitter, de façon
3 temporaire, le village. Je voulais savoir comment vous aviez été mis au
4 courant de cette offre faite par le HVO.
5 M. Djidic (interprétation). - Nous avons reçu un ultimatum.
6 M. Nobilo (interprétation). - Comment ceci s'est-il passé ?
7 M. Djidic (interprétation). - Il y a eu information par les
8 médias, par un système de haut-parleurs et aussi par les membres des
9 forces des Etats-Unis.
10 M. Nobilo (interprétation). - Alors que vous étiez assiégés, y
11 avait-il une instance politique civile qui représentait la population
12 civile de Stari Vitez ?
13 M. Djidic (interprétation). - Il y avait le système de défense
14 civile qui existait.
15 M. Nobilo (interprétation). - Je pense plutôt à un organe
16 politique, un organe de pouvoir.
17 M. Djidic (interprétation). - Pas à l'époque ; il n'y en avait
18 pas.
19 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que les civils étaient
20 d'une quelconque façon représentés par quelqu'un d'autre que les
21 militaires ?
22 M. Djidic (interprétation). - Oui.
23 M. Nobilo (interprétation). - Et quel était cet organe de
24 représentation ?
25 M. Djidic (interprétation). - C’était le président du parti
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1 SDA, le président de la communauté locale. Il y avait aussi Merhamet qui
2 apportait de l'aide à la population civile, ainsi que des représentants de
3 la défense civile.
4 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous citer quelques noms
5 de personnes qui ont occupé ces fonctions ? Il y avait M. Munir Kajnovic,
6 président du SDA, Zara Halilovic, Merhamet, Adem Jelaskovic et Arnautovic
7 qui était représentant de la défense civile ; une espèce d’état-major de
8 la défense civile, maintenant je m'en souviens.
9 M. Nobilo (interprétation). - Et cet organe de défense civile
10 qui avait cet état-major, est-ce que vous avez discuté avec lui ? Est-ce
11 que vous lui avez fait des propositions ?
12 M. Djidic (interprétation). - Non.
13 M. Nobilo (interprétation). - Le 16 avril 1993, pourriez-vous
14 nous dire quel fut le point le plus avancé qu’ont atteint les soldats du
15 HVO au cours de cette journée ? Est-ce qu'ils sont revenus ou est-ce
16 qu’ils se sont retirés ? Est-ce que vous comprenez ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui, je comprends. Le premier
18 jour, les soldats du HVO venaient de l'église ; ils sont venus jusqu'à la
19 maison d'Edo Arnautovic. En traversant la rue, on trouve la maison de
20 Svonko Mlakic. Les soldats du HVO sont venus dans le quartier Remiza, près
21 du stade, mais au cours de la journée, ils se sont retirés. Depuis la
22 position du quartier Kolonija, les soldats du HVO ont mit feu à cinq ou
23 six maisons près du garage ; par la suite, ils sont revenus. Et puis, les
24 soldats du HVO qui venaient de la maison des Pavlovic sont arrivés au
25 bâtiment d'alimentation électrique. C'est là qu'ils sont restés. Voilà
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1 donc les lignes qui ont été maintenues jusqu'à la fin de la guerre.
2 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on, dès lors, en conclure que
3 le HVO est revenu de trois directions et que le front s'est stabilisé aux
4 positions qu'ils avaient atteintes ?
5 M. Djidic (interprétation). - Vitez a été attaqué de partout, de
6 tous les côtés. On peut dire qu'effectivement, ils ont été arrêtés alors
7 qu'ils venaient de ces directions-là.
8 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de votre déposition, vous
9 avez dit que dix civils avaient été abattus par des tireurs embusqués.
10 Avez-vous personnellement été témoins d'un tel cas où un civil aurait été
11 tué par un tireur embusqué ?
12 M. Djidic (interprétation). - Non, pas directement.
13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que quinze
14 civils avaient été tués par des extincteurs. Avez-vous été témoin du cas
15 où un civil aurait perdu sa vie de cette sorte ?
16 M. Djidic (interprétation). - Oui, lorsque la maison des
17 Grizovic a été attaquée et, personnellement, j'ai retiré une des femmes
18 qui habitaient la maison.
19 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous arrivé dans cet endroit
20 après que l'engin soit tombé ou avant l'explosion ?
21 M. Djidic (interprétation). - Après l'explosion.
22 M. Nobilo (interprétation). - Où se trouve la maison des
23 Grizovic ?
24 M. Djidic (interprétation). - Près du stand et des garages, à
25 environ cinquante mètres des garages, en direction du quartier de
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1 Kolonija.
2 M. Nobilo (interprétation). - Où se trouvaient vos unités si
3 l’on regarde la maison des Grizovic ?
4 M. Djidic (interprétation). - Devant la maison... à proximité.
5 M. Nobilo (interprétation). - Où exactement ?
6 M. Djidic (interprétation). - A environ trente ou quarante
7 mètres. Le soldat le plus proche se trouvait peut-être à trente mètres de
8 distance.
9 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il un bâtiment quelconque
10 entre la maison des Grizovic et le premier soldat ?
11 M. Djidic (interprétation). - Il y a une forte densité de
12 population dans ce quartier.
13 M. Nobilo (interprétation). - Ma question consiste à savoir si,
14 entre les soldats qui se trouvaient le plus près de la maison des Grizovic
15 et la maison elle-même, il y avait une autre maison située entre ces deux
16 positions ?
17 M. Djidic (interprétation). - Il y avait une autre maison.
18 M. Nobilo (interprétation). - Combien de maisons,
19 éventuellement ?
20 M. Djidic (interprétation). - Je ne suis pas très sûr, mais il y
21 avait peut-être deux ou trois maisons intercalées entre ces deux
22 positions.
23 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que certaines
24 personnes étaient touchées par des tireurs embusqués. Avez-vous constaté
25 que le bétail aurait été frappé par ces tireurs embusqués ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Oui, j'ai vu des chevaux, des
2 moutons, des vaches qui étaient frappés.
3 M. Nobilo (interprétation). - Combien de chevaux ?
4 M. Djidic (interprétation). - Deux.
5 M. Nobilo (interprétation). - Combien de vaches ?
6 M. Djidic (interprétation). - Trois ou quatre.
7 M. Nobilo (interprétation). - Et combien de moutons ?
8 M. Djidic (interprétation). - Peut-être une dizaine.
9 M. Nobilo (interprétation). - Et combien de fois ceci s’est-il
10 passé ?
11 M. Djidic (interprétation). - Il y a peut-être eu dix ou quinze
12 tentatives.
13 M. le Président. - Est-il important pour la défense de préciser
14 le nombre de vaches et de moutons abattus ? Si vous me dites oui, vous
15 poursuivez, bien entendu.
16 M. Nobilo (interprétation). - C’est important,
17 Monsieur le Président, mais nous ne pouvons l’expliquer qu’aux Juges et
18 nous devrions le faire en privé.
19 M. le Président. - D'accord, il est important de connaître le
20 nombre de moutons et de chevaux qui ont été abattus lors de cette
21 attaque ; alors, poursuivez.
22 M. Nobilo (interprétation). - M. Djidic, connaissez-vous le
23 Professeur Jozic ? Il enseignait à l'école.
24 M. Djidic (interprétation). - Vous parlez de Bora Jozic ?
25 M. Nobilo (interprétation). - Oui. Emira de Vitez est sa femme.
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1 M. Djidic (interprétation). - Oui.
2 M. Nobilo (interprétation). - Vous le connaissez bien ?
3 M. Djidic (interprétation). - Oui, assez bien.
4 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que cet homme était le
5 président de la commission chargée des échanges, lors du siège ? Savez-
6 vous qu'il a été tué par des tueurs embusqués devant sa maison ?
7 M. Djidic (interprétation). - Je n'étais pas au courant.
8 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que, devant cette même
9 maison, ce bâtiment gris qui se trouvait près de l'arrêt du bus, dans la
10 rue des Partisans, une jeune fille de vingt ans, Amella(?) a été tuée par
11 un tireur embusqué venant du vieux Vitez , que Vladimir Pavlovic aussi a
12 été tué, que plusieurs personnes, des civils, ont été tuées à
13 Stari Vitez : quelque cent trois personnes qui venaient pour la plupart de
14 Vieux Vitez ?.
15 M. Djidic (interprétation). - Je ne savais pas.
16 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous donné de tels ordres ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui.
18 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il eu des discussions à
19 propos des tireurs embusqués lorsque vous parlez à la Forpronu ?
20 M. Djidic (interprétation). - Oui.
21 M. Nobilo (interprétation). - Et de quoi s'agissait-il au cours
22 de ces entretiens ?
23 M. Djidic (interprétation). - C'est surtout nous qui avons
24 insisté : nous nous sommes plaints qu'il y avait des tireurs embusqués du
25 HVO qui tiraient sur nous. Et on nous avait demandé s'il y en avait parmi
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1 nous, des tireurs embusqués. Nous avons dit que nous l'aurions dit si
2 c'était vrai. C'était surtout pour riposter que nous nous servions de
3 cette arme.
4 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que la Forpronu vous a
5 informés que, le 20 avril, le général Blaskic avait ordonné que toutes les
6 vieilles armes servant aux tireurs isolés soient remises à l'arsenal ? Il
7 avait aussi donné des ordres pour dire qu'il fallait autoriser la Forpronu
8 à tuer quiconque utilisait une telle arme.
9 M. Djidic (interprétation). - J'en ai entendu parler, mais je ne
10 sais rien de cette liste particulière.
11 M. Nobilo (interprétation). - Donc, vous n'avez pas entendu
12 parler de l'ordre donné par Blaskic visant à tuer quiconque se servait
13 d'une arme de la sorte.
14 M. Djidic (interprétation). - Non.
15 M. Nobilo (interprétation). - Qui utilisait ces armes snipers
16 dans votre armée ?
17 M. Djidic (interprétation). - Je ne me rappelle pas qui c'était.
18 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce Tatarevic ?
19 Vous dites que vous aviez un mortier. Est-ce que les soldats
20 pouvaient l'utiliser comme ils le voulaient ou est-ce vous qui deviez
21 donner les ordres ?
22 M. Djidic (interprétation). - Il fallait que ce soit un ordre
23 que je donne parce que nous avions peu d'armes à notre disposition.
24 M. Nobilo (interprétation). - Aviez-vous donné des ordres visant
25 à utiliser le mortier contre des cibles civiles ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Jamais.
2 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que des subordonnés
3 l'auraient jamais fait à votre insu ?
4 M. Djidic (interprétation). - Je ne pense pas que ç'ait été le
5 cas parce que nous avions vraiment très peu de grenades.
6 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
7 les Juges, j'aimerais que nous puissions voir un extrait d'une cassette
8 vidéo. Il s'agit d'atrocités qui sont présentées sur cette cassette. Donc,
9 s'il y a des personnes, dans la galerie, qui ne supporteraient pas ces
10 images, je leur demanderai de partir. Non pas que nous soyons heureux de
11 présenter ceci, mais il s'agit d'un mortier qui aurait tué plusieurs
12 personnes à Vitez. Et je demande à la régie de nous diffuser cette
13 extrait. S'agissant des interprètes, nous avons remis un texte à leur
14 intention —les interprètes s'en étonnent. Vous aurez le son et nous
15 demanderons une interprétation simultanée. Peut-on baisser l'éclairage ?
16 M. le Président. - Avant de baisser l'éclairage, premièrement,
17 le Tribunal décide qu'effectivement, nous allons passer cette cassette.
18 A la demande d'un de mes collègues, M. le juge Shahabuddeen,
19 demanderez-vous que cette pièce soit déposée comme pièce à conviction,
20 Maître Nobilo ? Nous devons chercher le fondement juridique de cette
21 cassette.
22 M. Nobilo (interprétation). - Oui, oui. Ce sera une pièce à
23 conviction.
24 M. le Président. - Le Tribunal ne peut pas se substituer au
25 public ; les audiences sont publiques. Vous avez fort bien fait d'avertir.
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1 Donc, les personnes qui sont dans la galerie du public doivent savoir ce
2 qu'il y a lieu qu'elles fassent elles-mêmes.
3 Monsieur le Procureur, avez-vous des objections ?
4 M. Kehoe (interprétation). - Oui, j'aimerais soulever deux
5 questions. D'abord, la source de ce document ; ensuite, la présentation
6 faite par le conseil. Peut-il nous expliquer en quoi cet extrait présente
7 un intérêt quelconque, étant donné les charges émises à l'encontre de
8 l'accusé ?
9 M. le Président. - Les objections sont tout à fait accordées.
10 Maître Nobilo, pouvez-vous répondre : d'abord la source de ce document ?
11 Ensuite, pourquoi est-ce important pour la défense des intérêts de votre
12 client.
13 M. Nobilo (interprétation). - S'agissant de la source,
14 Monsieur le Président, nous aimerions nous en tenir à la position que nous
15 avons adoptée. Nous indiquerons la source dans la partie de la procédure
16 menée par la défense. S'agissant de la pertinence ou de l'intérêt que ceci
17 présente, c'est un pilonnage par mortier dont on présume qu'il provient de
18 Stari Vitez ; il aurait tué huit enfants sur un terrain de basket-ball à
19 un moment où il n'y avait pas de combat ou d'échange de feu. Après cette
20 date —je n'entre pas dans le détail—, il y avait eu une offensive, une
21 attaque contre Stari Vitez, une attaque menée de la propre initiative des
22 assaillants. Mais nous établirons le lien par la suite.
23 M. le Président. - Monsieur le Procureur , êtes-vous satisfait
24 de la réponse ?
25 Je dois dire que je n'ai pas très bien compris l'origine de la
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1 source. J'ai compris que vous ne vouliez pas nous indiquer la source, mais
2 je n'ai pas compris à quel moment vous vouliez qu'elle soit donnée. C'est
3 peut-être un problème de traduction. Maître Nobilo, pouvez-vous reprendre
4 votre réponse sur la source ?
5 M. Nobilo (interprétation). - En fait, c'est la télévision
6 locale qui constitue la source. Toutefois, Monsieur le Président., nous
7 vous préciserons tout ce qu'il faut préciser pour prouver l'authenticité
8 de cet extrait lorsque nous appellerons nos témoins à décharge. Nous
9 demandons à la Chambre de première instance de recevoir cette pièce dans
10 les mêmes conditions qu'elle a accepté pour les autres pièces présentées
11 par la défense dans le cadre de ces contre-interrogatoires, à condition
12 que nous puissions prouver nos faits par la suite.
13 M. le Président. - Les Juges sont-ils d'accord sur cette
14 manière de faire ? Monsieur le Procureur, une autre objection ?
15 M. Kehoe (interprétation). - De nouveau, Monsieur le Président,
16 il y a la question de l'intérêt et de la pertinence. La défense estime-t-
17 elle que M. Blaskic a le droit de commettre des crimes de guerre en guise
18 de représailles ?
19 M. le Président. - Vous ne pouvez pas vous substituer à la
20 défense dans sa stratégie, monsieur le Procureur. Vous avez posé une
21 question très pertinente ; la défense vous a répondu. Moi-même, tout à
22 l'heure, j'ai posé une question à la défense sur la pertinence d'un tir
23 sur des animaux ; la défense a répondu. J'ai donc estimé que la question
24 était tout à fait pertinente, d'autant qu'a priori, on peut comprendre le
25 lien établi. Donc, je crois que l'objection est refusée. Dans ces
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1 conditions, nous allons visionner cette cassette ; baissez les éclairages.
2 La technique va suivre.
3 La cassette est déjà à la disposition de la technique ? Comment
4 est-ce possible ? Excusez-moi pour ce petit incident, mais nous n'avions
5 pas encore décidé si nous accepterions.
6 M. le Greffier. - Dans les instructions données en début de
7 procès, il est demandé aux parties de remettre les cassettes directement à
8 la technique.
9 M. le Président. - Très bien. Merci. Nous pouvons procéder à la
10 vision de la cassette.
11 (Diffusion d'un extrait de la cassette vidéo :
12 "Le 1O juin 1993, aux alentours de 20 heures 40, dans la
13 localité de Podgradîna, municipalité de Vitez, des obus lancés par des
14 mortiers de calibre 120 mm, à partir des positions occupées par l'armée de
15 Bosnie-Herzégovine, ont causé la mort de huit enfants : sur place, ont
16 trouvé la mort les enfants dont les noms suivent :
17 1. Boris Mariko Anticevic, fils de Marka, né le 3 août 1983 à
18 Travnik, Croate ; décédé le 1O juin 1993.
19 2. Drazen Cecura, fils de Stipe, né le 8 juillet 1978 à Travnik,
20 Croate ; décédé le 1O juin 1993.
21 3. Dragan Ramljak, fils de Vlade, né le 26 juillet 1978 à
22 Travnik, Croate ; décédé le 10 juin 1993.
23 4. Milan Garic, fils de Milko, né le 25 octobre 1981 à Vitez,
24 Croate ; décédé le 10 juin 1993.
25 5. Velimir Grebenar, fils de Pero, né le 4 mars 1981 à Travnik,
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1 Croate ; décédé le 10 juin 1993.
2 6. Augustina Grebenar, fille de Pero, née le 1er décembre 1984 à
3 Travnik, Croate ; décédée des suites de ses blessures dans l'hôpital de
4 Nova Bila, le 10 juin 1993.
5 7. Sanja Krizanovic, fille de Mirko, née le 14 juillet 1978 à
6 Travnik, Croate ; décédée des suites de ses blessures dans l'hôpital de
7 Nova Bila, le 10 juin 1993.
8 8. Sanja Garic, fille de Milko, née le 10 octobre 1975 à
9 Travnic, Croate, décédée des suites de ses blessures à l'hôpital de Split,
10 le 24 juin 1993.
11 Outre les enfants qui ont trouvé la mort en conséquence des obus
12 lancés sur Vitez le 10 juin 1993, ont été blessées les personnes
13 suivantes :
14 1. Ivan Garic né en 1978.
15 2. Blazenka Cecura née 1981.
16 3. Marina Garic née en 1983.
17 4. Damir Garic né en 1983.
18 Les enfants, qui sont décédés dans l’hôpital de Novoj Biloj de
19 Split, ont été enterrés par la suite. "
20 (Fin de la diffusion de la cassette vidéo.)
21 M. Nobilo (interprétation). - Voilà, ce sera tout pour ce qui
22 est de cet extrait. Monsieur Djidic, avez-vous donné l’ordre de procéder à
23 ce pilonnage ?
24 M. Djidic (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
25 élever une objection, si vous me le permettez. Je n'ai pas vu tout le
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1 film, j’ai vu l'essentiel cependant.
2 Si vous avez suivi ce que moi j'ai entendu, bon je n’ai pas tout
3 vu !, mais il a été dit dans cet extrait que c’était des obus de
4 120 millimètres de diamètre tirés d’un mortier. Podgradina est si proche
5 de Stari Vitez qu’il n’est pas possible d’utiliser à si faibles portées un
6 tel calibre. Et, en plus, je n’avais pas d’obus de ce calibre.
7 M. Nobilo (interprétation). - Nous en avons ainsi terminé de
8 notre contre-interrogatoire. Nous n’avons plus de question à poser au
9 témoin
10 M. le Président. - Monsieur le Procureur. Vous vouliez apporter
11 quelques précisions. Il s’agit de votre témoin, Monsieur le Procureur.
12 M. Kehoe (interprétation). - Très rapidement, Monsieur le
13 Président. Nous en aurons vite terminé.
14 M. le Président. - Donc quelques questions peuvent être posées
15 avant la pause, si je comprends bien.
16 M. Kehoe (interprétation). - Je vais peut-être dépasser un peu
17 l'interruption. Si vous voulez que l’interruption se fasse maintenant,
18 fort bien. Mais celà me permettra, par exemple si l'on faisait la pause
19 maintenant, de replacer certaines des cartes sur le chevalet, ce serait
20 peut-être plus facile en guise de logistique.
21 M. le Président. - Bien. Nous reprendrons à 11 heures 20.
22 L’audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 25.
23 M. le Président. - L’audience est reprise. Monsieur le Greffier,
24 veuillez faire rentrer l'accusé. Monsieur le Procureur.
25 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Avec
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1 l’aide de Monsieur Dubuisson, j’aimerais que nous portions notre attention
2 sur certaines des pièces de la défense qui ont été évoquées lors du
3 contre-interrogatoire.
4 Nous commencerons peut-être, Monsieur Dubuisson, par la D19.
5 C’est simplement un document, Monsieur le Président, du HVO, document
6 présenté par la défense. Ce serait plus facile si l’on enlevait le
7 document de la chemise.
8 Monsieur Djidic, examinons ce doucment, si vous le voulez bien.
9 C’est un document qui a fait l'objet de discussions lors du contre-
10 interrogatoire et qui porte sur un meurtre présumé ayant eu lieu le
11 17 janvie 1993, alors que l'enquête, elle, a été menée le 18 janvier 1993?
12 est-ce bien exact ?
13 M. Djidic (interprétation). - Je pense que oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Examinons ce document.
15 M. le Président. - Le Greffier est très peu visible, en tout cas
16 sur mon moniteur. Je ne sais pas si vous y voyez mieux. Faut-il que je
17 touche quelque chose ? Allez-y Monsieur le Procureur, on ne fera pas
18 mieux.
19 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
20 Monsieur Djidic, je me corrige. Cela a trait à un incident qui aurait eu
21 lieu le 17 janvier 1993. Et ceci a fait l'objet d'une enquête par tout du
22 moins un juge militaire du HVO et par un Procureur le 18 janvier 1993.
23 Est-ce que ce document ne traduit pas ces faits ?
24 M. Djidic (interprétation). - Si, c’est bien ce que ce dit.
25 M. Kehoe (interprétation). - Ce document indique donc en
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1 janvier 1993 que le HVO avait en place une structure militaire permettant
2 d'enquêter sur des crimes présumés, pour mener des enquêtes rapides,
3 n'est-ce pas ?
4 M. Djidic (interprétation). - Exactement.
5 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
6 terminé l'examen de ce document. Des questions ont été posées à propos
7 d'un article portant la cote D25. Là non plus il n'y a pas de traduction,
8 Monsieur le Président. Il est en langue bosniaque, serbo-croate. Il porte
9 sur une interview du général Alagic. Vous vous souvenez de cet article ?
10 M. Djidic (interprétation). - 0ui, le général Alagic.
11 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, M. l'Huissier, je ne
12 crois pas qu’il soit nécessaire de le placer sur le rétroprojecteur, il
13 suffit de le présenter au témoin.
14 On discute dans cet article de la question de réapprovisionner
15 Stari Vitez. Le conseil de la défense vous a demandé si, oui ou non, les
16 Nations-Unies avaient fourni des munitions à Stari Vitez, au cours du
17 siège. Est-ce que ces munitions ont été fourni ?
18 M. Djidic (interprétation). - Non.
19 M. Kehoe (interprétation). - D’où avez-vous obtenu vos munitions
20 ou un réapprovisionnement en munitions ?
21 M. Djidic (interprétation). - Cette déclaration fournie par
22 M. Alagic selon laquelle, par le biais d'amis aux Nations-Unies, il avait
23 fourni une certaine quantité de munitions, cette déclaration n'est pas
24 exacte. Personne n'a fourni de munitions à Stari Vitez, s'agissant des
25 membres des Nations-Unies. Il y a eu un incident pour lequel j'ai reçu une
Page 1504
1 faible quantité de munitions, mais cela m'a été envoyé par la rivière
2 Lasva, je ne sais pas qui a envoyé ces munitions.
3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, avez-vous jamais
4 reçu quelque quantité que ce soit de munitions d'une organisation
5 humanitaire qui ne soit pas les Nations Unies ?
6 M. Djidic (interprétation). - Non.
7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu’il y a une organisation
8 privée qui vous a fourni des munitions ? Est-ce qu'on en a discuté ?
9 M. Djidic (interprétation). - Je dis qu'aucune organisation des
10 Etats-Unis n'avait donné de munitions.
11 M. Kehoe (interprétation). - Ce que je vous demande, c'est si
12 vous avez reçu des munitions d'une organisation privée sans que vous
13 n'ayez à mentionner l'intitulé de cette organisation.
14 M. Djidic (interprétation). - J'ai reçu les munitions dont je
15 viens de parler et qui ont été acheminées le long de la rivière Lasva.
16 C'est une organisation privée qui me les a fournies.
17 M. Kehoe (interprétation). - Mais ce n'était pas l'organisation
18 des Nations Unies. Est-ce que c'était la Croix-Rouge ?
19 M. Djidic (interprétation). - Non, ce n'étaient ni les Nations
20 Unies ni la Croix-Rouge.
21 M. Kehoe (interprétation). - Moi, je parle de la Croix-Rouge
22 internationale.
23 M. Djidic (interprétation). - Tout à fait, c'est bien comme cela
24 que je vous ai compris.
25 M. Kehoe (interprétation). - Examinons, si vous voulez,
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1 certaines pièces présentées par la défense. Vous avez, à votre gauche, la
2 D27. Monsieur le Président, me permettez-vous de m'approcher de cette
3 pièce, du chevalet ?
4 M. le Président. - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Nous avons donc sous les yeux la
6 pièce de la défense D27. Là, des lignes ont été tracées qui montrent où se
7 trouvait l'armée de la Bosnie-Herzégovine et les lignes tenues par le
8 HVO ; est-ce bien exact ?
9 M. Djidic (interprétation). - Cette ligne a été établie après le
10 16 avril et elle a été modifiée. Je pourrais, de façon précise, vous
11 montrer où se trouvaient les forces du HVO et où se trouvaient les forces
12 de l'armée.
13 M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous nous indiquer cette
14 ligne que vous pourriez tracer sur la pièce de la défense ?
15 M. Djidic (interprétation). - Ce que j'ai tracé ici comme ligne,
16 c'est cette ligne-ci, plus ou moins. Mais puis-je vous demander de voir
17 que le HVO se trouvait dans le village de Zabrdje et aussi dans le village
18 de Krcevin ? Le HVO se trouvait aussi dans le village de Jardo, également
19 dans les villages de Ahmici et Pirici. Le HVO se trouvait aussi dans le
20 district Safredini. Il se trouvait aussi dans toute la partie du centre de
21 la ville. De même, le HVO avait des casernes dans la montagne de cette
22 partie appelée Zbrdje, mais ceci ne se trouve pas sur la carte. C'est au-
23 dessus de Kruscica.
24 M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous nous préciser ce que
25 c'est que ce crochet qui est dessiné ici. C'est la zone de Grbavica,
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1 n'est-ce pas ?
2 M. Djidic (interprétation). - Effectivement, c'est le quartier
3 de Grbavica.
4 M. Kehoe (interprétation). - En août, en septembre 1993, est-ce
5 que le HVO s'est emparé de cette partie ?
6 M. Djidic (interprétation). - C'est exact : fin août, début
7 septembre, je ne sais plus tellement. En tout cas, le HVO s'est emparé de
8 tout Grbavica et l'a incendié.
9 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que ces lignes ont vraiment
10 existé avant l'attaque menée par le HVO, au matin du 16 avril 1993 ?
11 M. Djidic (interprétation). - Non, elles n'existaient pas. Une
12 partie des lignes du HVO a été établie dans le village de Krcevina ; cette
13 ligne a été maintenue jusqu'à la fin de la guerre.
14 M. Kehoe (interprétation). - Mais ces parties-ci, précises, est-
15 ce qu'elles sont des traces d'un combat qui aurait eu lieu entre le HVO et
16 l'armée de Bosnie-Herzégovine avant le 16 avril 1993 ?
17 M. Djidic (interprétation). - Je vous demanderais de répéter la
18 question.
19 M. Kehoe (interprétation). - Y a-t-il eu des combats entre les
20 deux factions en guerre avant le 16 avril 1993 ?
21 M. Djidic (interprétation). - Pas dans cette région élargie.
22 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense a présenté
23 plusieurs cartes dont la première, D21. Nous sommes en novembre 1992.
24 Certains villages sont entourés d'unités de la défense ou, en tout cas, il
25 y est indiqué où étaient stationnées des unités de la défense
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1 territoriale ?
2 M. Djidic (interprétation). - C'est exact.
3 M. Kehoe (interprétation). - Ces soldats travaillent sans
4 relâche, vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans ces villages. Est-ce
5 qu'ils attendent une attaque ?
6 M. Djidic (interprétation). - Il y avait des soldats qui
7 travaillaient à l'usine et, lorsqu'ils terminaient leur travail, ils
8 étaient de garde dans leur village. Ils avaient des services de vigile.
9 M. Kehoe (interprétation). - Combien de soldats de la défense
10 territoriale aviez-vous sur tout Vitez, dans toute la municipalité ?
11 M. Hayman (interprétation). - Mais quand ? A quel moment ?
12 M. le Président. - Objection de la défense.
13 Vous pouvez formuler votre objection, Maître Hayman, si vous...
14 Je n'ai pas très bien compris : j'ai cru comprendre que vous formuliez une
15 objection.
16 M. Hayman (interprétation). - La question est vague. On ne
17 précise pas le temps. De quel moment parlons-nous ?
18 M. le Président. - Maître Kehoe, pouvez-vous répondre ?
19 M. Kehoe (interprétation). - Je m'en tiens à la pièce de la
20 défense : au cours de novembre 1992 —comme c'est indiqué sur la pièce de
21 défense D21—, combien de soldats de la défense territoriale aviez-vous sur
22 l'ensemble de la municipalité de Vitez ?
23 M. Djidic (interprétation). - Je ne me souviens pas du nombre
24 exact parce que nous étions en train de constituer une brigade à l'époque.
25 M. Kehoe (interprétation). - Une fois la brigade constituée,
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1 pourriez-vous nous donner un chiffre approximatif pour ce qui est de la
2 défense territoriale sur la municipalité de Vitez ?
3 M. Djidic (interprétation). - En actif, pour ce qui est des
4 troupes qui sont montées au front, il devait y avoir deux mille à quinze
5 cents hommes, mais je ne suis pas sûr du chiffre.
6 M. Kehoe (interprétation). - Vous parlez des hommes qui sont
7 allés au front et qui ont lutté contre les Serbes au front ?
8 M. Djidic (interprétation). - Exact.
9 M. Kehoe (interprétation). - Il y a une autre carte présentée
10 par la défense qui porte sur la période d'octobre 1992 à 1993. Nous avons
11 ici la 325ième. Allez-y, Monsieur.
12 M. Djidic (interprétation). - Pour autant que je m'en souvienne,
13 ceci représente une situation en décembre 1992 et en janvier 1993. C'est
14 ce qui est indiqué sur la carte, en tout cas.
15 M. Kehoe (interprétation). - Donc, décembre 1992 et
16 janvier 1993. Et ceci montre les villages qui ont permis de constituer la
17 325ème brigade avec des quartiers généraux à deux endroits ?
18 M. Djidic (interprétation). - Exactement. Ce sont ces localités
19 qui ont permis, grâce aux hommes qu'elles ont fournis, de constituer la
20 325ème brigade.
21 M. Kehoe (interprétation). - Si on prend ces deux cartes
22 ensemble, Me Nobilo a dit qu'il essayait de prouver, de démontrer que le
23 HVO était entouré à ce moment-là ; est-ce que vous aviez ces soldats en
24 place entourant, encerclant le HVO, attendant de mener une attaque contre
25 le HVO à Vitez ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Non, sûrement pas. Quand on voit
2 la répartition des hommes du HVO, quand on voit les casernes du HVO, la
3 situation se précise beaucoup.
4 M. le Greffe. - Avec votre permission, Monsieur le Président,
5 pour que le compte rendu soit précis, je crois que la dernière pièce à
6 laquelle le conseil a fait référence —mais qui n'a pas été identifiée par
7 le témoin—, c'est la D23.
8 M. Kehoe (interprétation). - C'est exact. Il s'agit de la D23 et
9 de la D21 : c'est la carte présentant les forces de la défense
10 territoriale.
11 Messieurs les Juges, vous trouvez ici la partie supérieure de la
12 pièce 29, cette grande carte qui se trouve à votre droite, au sol. C'est
13 simplement une photocopie de la partie supérieure de cette carte que vous
14 avez ici.
15 Monsieur Djidic, utilisez ce feutre et montrez-nous où était
16 cantonné le HVO à Vitez et autour. Montrez-nous toutes les positions
17 qu'occupait le HVO.
18 M. Djidic (interprétation). - Donc, la ville même de Vitez,
19 l'école de Dubravica, le bungalow à Nadionici, près de Novaci aussi et
20 près de la station d'essence... Près de Novaci, c'était le chalet de
21 chasse et, près de la station, il y avait aussi un poste HVO, l'hôtel
22 Revac(?)et l'hôtel Lovac.
23 Le chalet de montagne à Zabrdje, Bistrovo, entre Kruscica et
24 Zabrdje, où ils avaient des terrains d'exercice en vue de la formation.
25 Ceci se faisait dans des résidences de week-end privées, les résidents,
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1 les habitants ayant été expulsés par le HVO.
2 Et dans la ville de Vitez même, dans le bâtiment qui abritait le
3 commissariat de police, c'est là qu'a été établi l'état-major de la police
4 régionale du HVO. Dans l'ancienne école, c'est là que la police militaire
5 du HVO était basée, à environ 50 mètres de là. Aussi, dans le bâtiment où
6 se trouvait le cinéma ; là, on avait le commandement de la brigade du HVO
7 et, dans le bâtiment de l'hôtel, il y avait l'état-major du HVO pour la
8 Bosnie Centrale. Et puis, Mali Mosulj, Veceriska et, à côté de Veceriska,
9 se trouve l'usine où il y avait en fait une équipe spéciale destinée à la
10 protection de l'usine. Une unité importante était cantonnée à Nova Bila.
11 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à cette usine : où se
12 trouvait-elle exactement ? Vous l'avez entourée là d'un cercle rouge, mais
13 où se trouvait elle précisément ?
14 M. Djidic (interprétation). - Entre le village de Veceriska et
15 le village de Gacice.
16 M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,
17 Me Nobilo vous a posé une question à propos d'un incident présumé au cours
18 duquel certains Musulmans ont essayé d'endommager certaines installations
19 du HVO à Gacice. Y avait-il des installations du HVO à Gacice ou était-ce
20 à Veceriska ?
21 M. Djidic (interprétation). - C’était à Donj Veceriska.
22 M. Kehoe (interprétation). - Vous parliez de Nova Bila : y
23 avait-il là des installations du HVO ?
24 M. Djidic (interprétation). - Nova Bila ne relève pas de la
25 municipalité de Vitez ; c'est une usine de l'industrie forestière et
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1 l'armée du HVO y était installée ; mais je ne sais pas combien il y avait
2 d’hommes à cet endroit.
3 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il d'autres emplacements où
4 il y avait des installations du HVO, dans cette région ?
5 M. Djidic (interprétation). - Il y avait d'autres lieux où il y
6 avait des forces du HVO, mais il est intéressant de constater que toutes
7 les unités constituées dans la municipalité de Vitez venaient de villages
8 précis où il y avait une population composite. Par exemple, Dubravica,
9 Ahmici, et Nadioci. Il y avait aussi Veceriska, Kruscica, Rijeca.
10 M. Kehoe (interprétation). - Avant que vous ne poursuiviez, vous
11 indiquez d'abord les installations militaires et maintenant vous indiquez
12 des villages un peu comme vous l'avez fait pour les pièces 21 et 23. Ces
13 villages fournissaient le HVO en hommes : vous avez parlé d'Ahmici, de
14 Nadioci, notamment. Je crois que vous avez aussi mentionné
15 Donza Veceriska. Y avait-il d'autres villages qui approvisionnaient le
16 HVO ?
17 M. Djidic (interprétation). - J'ai indiqué la caserne de
18 Zabrdje, Dubravica, la ville de Vitez elle-même ; il est certain qu'il y
19 avait aussi approvisionnement depuis les villages environnants. Je parle
20 des villes de Busovaca, Travnik, Novi Travnik et Kruscica aussi, bien
21 sûr, qui disposaient de trois installations permettant de loger les
22 troupes.
23 M. Kehoe (interprétation). - Vous constatez donc que, dans
24 l'ensemble des villages indiqués sur cette carte, il y avait
25 approvisionnement en hommes depuis ces villages par la vallée de la
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1 rivière Lasva ?
2 M. Djidic (interprétation). - C’est exact.
3 M. Kehoe (interprétation). - Pourrait-on dire qu'en fait, toute
4 cette région fournissait des troupes au HVO ?
5 M. Djidic (interprétation). - Oui, toute la région, toute la
6 municipalité de Vitez.
7 M. Kehoe (interprétation). - Mais cette carte ne reprend pas la
8 totalité de la municipalité deVitez, n’est-ce pas ?
9 M. Djidic (interprétation). - Si, je pense qu’elle reprend tout
10 le territoire de la municipalité de Vitez.
11 M. Kehoe (interprétation). - Toutes les parties représentées sur
12 cette carte fournissent des hommes au HVO. Pourtant, il y a aussi un
13 village plus en haut, à droite, qui ne fait pas partie de la municipalité
14 deVitez.
15 M. Djidic (interprétation). - C’est exact.
16 M. Kehoe (interprétation). - En abordant cette carte et les
17 pièces D21 et D23, était-il dans l'intérêt des Musulmans de Bosnie de se
18 préparer à attaquer et d'attaquer le HVO ?
19 M. Djidic (interprétation). - Non, cela n'a jamais été dans leur
20 intérêt.
21 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi ?
22 M. Djidic (interprétation). - Tout d'abord, au début de ma
23 déposition, j'ai déclaré qu'avant les élections à Vitez, nous vivions fort
24 bien : nous avions de très bonnes relations de voisinage. Deuxièmement, il
25 y a eu une agression contre la Bosnie-Herzégovine ; ce sont les Serbes qui
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1 se sont livrés à cette agression et nous avons pris part à la défense.
2 Troisièmement, nous avions des ordres et, en aucune circonstance, nous ne
3 devions entrer en conflit avec les forces du HVO. Nous nous en sommes
4 tenus à ces ordres ; nous les avons absolument respectés.
5 M. Kehoe (interprétation). - On vous a donné l'ordre de ne pas
6 entrer en conflit avec les forces du HVO ? Et vous savez pourquoi ?
7 M. Djidic (interprétation). - C'était à cause de tous ces autres
8 éléments dont j'ai parlé : c'était dans l’intérêt de la préservation de
9 ces relations de bon voisinage. Nous essayions ensemble de nous battre
10 contre le même ennemi jusqu'à la libération de la Bosnie-Herzégovine.
11 M. Kehoe (interprétation). - Et qui était cet ennemi commun ?
12 M. Djidic (interprétation). - Les Serbes.
13 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai une
14 photocopie de la pièce de l'accusation n° P45. Avant de la communiquer,
15 Monsieur Dubuisson peut-il me donner la nouvelle cote de l'accusation ?
16 M. Djidic (interprétation). - J'aimerais demander aux Juges de
17 corriger ce que je viens de dire quand j’ai dit que c'étaient les Serbes
18 qui avaient attaqué. J'aimerais me reprendre et dire que ce sont les
19 Cetniks qui se sont livrés à ces attaques, car tous les Serbes ne sont pas
20 des Cetniks.
21 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur Djidic.
22 Monsieur le Président, je crois que la pièce est la pièce 83 de
23 l'accusation.
24 M. le Président. - Je voudrais que nous reprenions votre
25 réplique d’ensemble, monsieur le Procureur. Nous n’allons pas reprendre
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1 tous les éléments de votre interrogatoire. Nous sommes bien d'accord : il
2 s'agit d'une réplique qui vous est reconnue comme droit à partir du
3 contre-interrogatoire de la défense ; je vous demande d'y prêter
4 attention. Allez-y.
5 M. Kehoe (interprétation). - Absolument, Messieurs les Juges. Je
6 vais rester bref, j'essaie simplement d'éclaircir un certain nombre de
7 points qui ont surgi au cours du contre-interrogatoire.
8 M. le Président (interprétation). - Allez-y.
9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, me
10 permettez-vous de m'approcher du témoin et de lui présenter la pièce de
11 l'accusation n° 45 ; il s'agira de la pièce portant la cote 45a. C'est une
12 photocopie de la pièce de l'accusation.
13 M. Kehoe (interprétation). - Je vais me servir de la pièce de
14 l'accusation n° 45a. Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé où se
15 trouvaient les deux positions des quartiers généraux et des sites
16 d'entrepôts de munitions. Vous voyez que cette carte montre, en plus gros
17 plan, ces mêmes positions. Vous vous les rappelez ?
18 M. Djidic (interprétation). - Oui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Avec ce crayon, pouvez-vous nous
20 indiquer les positions de vos deux quartiers généraux, s’il vous plaît ?
21 Veuillez indiquer 1 pour le premier et 2 pour le second.
22 (Le témoin les indique sur la carte.)
23 M. Kehoe (interprétation). - En utilisant ce crayon vert,
24 veuillez indiquer s'il vous plaît la position de votre entrepôt de
25 munitions ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Voilà.
2 M. Kehoe (interprétation). -Avec ce crayon rouge, pouvez-vous
3 délimiter les tranchées, les positions de défense ,que vous avez établies
4 au fil des jours ?
5 M. Djidic (interprétation). - Au cours de la guerre, n'est-ce
6 pas ?
7 M. Kehoe (interprétation). - Absolument. Le reste de Stari Vitez
8 est détaché de ça, n’est-ce pas ?
9 M. Djidic (interprétation). - Absolument, il en manque un petit
10 bout qui ne figure pas sur la carte
11 M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,
12 on vous a posé des questions relatives au tir de Marko Prskalo et d'une
13 autre personne qui avaient pris part aux négociations qui ont eu lieu. On
14 a tiré sur ces deux personnes devant l'hôtel de Vitez, vous en rappelez-
15 vous ?
16 M. Djidic (interprétation). - Je m'en rappelle parfaitement.
17 M. Kehoe (interprétation). - Il y a une entrée à l'hôtel de
18 Vitez qui se trouve ici, n'est-ce pas ?
19 M. Djidic (interprétation). - L'hôtel de Vitez avait un certain
20 nombre d'entrées, l'entrée principale se trouvait de ce côté-ci.
21 M. Kehoe (interprétation). - A partir de votre ligne de front,
22 arriviez-vous à couvrir toutes les entrées et tous les accès à l'hôtel
23 Vitez ?
24 M. Djidic (interprétation). - Oui, nous pouvions les couvrir.
25 M. Kehoe (interprétation). - Vous pouviez couvrir l'arrière de
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1 l’hôtel et l'avant de l'hôtel, on pose et répond à une m'est-ce que
2 question
3 M. Djidic (interprétation). - Nous n'avons pas couvert une seule
4 entrée.
5 M. Kehoe (interprétation). - Que faisiez-vous exactement ? Que
6 couvriez exactement ? J'essayais simplement d’expliquer sa réponse.
7 M. Djidic (interprétation). - Nous ne couvrions pas un seul des
8 accès de l'hôtel. Nous ne couvrions qu'une partie de la rue, la rue qui se
9 trouve proche de l'entrée de l'hôtel.
10 M. Kehoe (interprétation). - Vous indiquez sur la pièce avec un
11 crayon rouge à côté de l'indication : A.
12 M. Djidic (interprétation). - A côté de l'entrée, je crois qu'il
13 y a une distance de 13 mètres à peu près. D'ici à là, de la rue à l'entrée
14 de l'hôtel ,il y a à peu près cette distance
15 M. Kehoe (interprétation). - Les soldats qui se trouvaient-là
16 pouvaient-ils couvrir l'entrée arrière, qui se trouvait sur la rue qui
17 bordait l'arrière de l'hôtel ?
18 M. Djidic (interprétation). - Je n'entends pas l'interprétation.
19 J'entends un petit peu mieux maintenant, j'entends mieux.
20 M. Kehoe (interprétation). - En nous fondant sur ce que vous
21 venez de dessiner, est-ce que vos lignes étaient à même de couvrir
22 l'entrée de l'hôtel qui se trouve sur l’arrière de l'hôtel ?
23 M. Djidic (interprétation). - Non, nous ne pouvions pas couvrir
24 cette entrée-là.
25 M. Kehoe (interprétation). - Fort bien. Au cours du contre-
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1 interrogatoire, on vous a posé des questions concernant l'offre du HVO qui
2 a proposé aux civils de quitter Stari Vitez, vous vous rappelez des
3 questions qui ont été posées à ce sujet ?
4 M. Djidic (interprétation). - Ce n'était pas vraiment une
5 proposition, il s'agissait d'un ultimatum. Nous devions nous rendre, nous
6 devions évacuer, les civils devaient évacuer la ville
7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que le pilonnage de
8 Stari Vitez avait déjà commencé avant que ces ultimatums ne soient
9 lancés ?
10 M. Djidic (interprétation). - Oui, absolument.
11 M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,
12 on vous a demandé si oui ou non il aurait été mieux pour les civils d'être
13 emmenés dans la ville de Dubro-Vitez ? Ils y étaient plus à l’abri, vous
14 rappelez-vous des questions posées à ce sujet
15 M. Djidic (interprétation). - Oui, absolument.
16 M. Kehoe (interprétation). - N'aurait-il pas été dans l'intérêt
17 de ces civils de s'y rendre ? Ou bien n'aurait-il pas été dans l'intérêt
18 de ces civils, de toute façon, que leurs maisons ne soient pas
19 incendiées ?
20 M. Djidic (interprétation). - C'est exact. Evidemment, il aurait
21 été bien mieux pour eux qu'ils ne soient pas attaqués du tout.
22 M. Kehoe (interprétation). - On peut en dire de même pour tous
23 les villages de la vallée de la Lasva, cela aurait été beaucoup mieux pour
24 tout le monde si leurs maisons et la région n’avaient pas été soumises à
25 des attaques
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1 M. Djidic (interprétation). - Absolument.
2 M. le Président. - Ne faites pas de commentaires, posez des
3 questions.
4 M. Kehoe (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président. On
5 vous a posé des questions concernant les munitions, les maisons, vous
6 rappelez-vous de ces questions ?
7 M. Djidic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.
8 M. Kehoe (interprétation). - On vous a posé des questions
9 concernant les munitions qui se trouvaient dans votre entrepôt de
10 munitions, vous en rappelez-vous ?
11 M. Djidic (interprétation). - Je m'en rappelle
12 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré que les munitions
13 avaient été emmenées par les soldats dans leurs maisons, là où ils
14 s'étaient abrités.
15 M. Djidic (interprétation). - Les munitions sont distribuées
16 avec les armes.
17 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que chaque soldat disposait
18 d'une quantité importante de munitions à l'endroit où il habitait ?
19 M. Djidic (interprétation). - Non, ce n'est pas exact.
20 M. Kehoe (interprétation). - Alors, qu'est-ce qui est exact ?
21 M. Djidic (interprétation). - Il est exact de dire que ces
22 soldats disposaient d’environ 100 balles, chaque soldat avait 100 balles.
23 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Djidic, le conseil de la
24 défense vous a posé des questions relatives aux ordres émis par Blaskic
25 concernant les attaques des tireurs embusqués Est-ce exact ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Oui, je m'en rappelle, c'est
2 exact.
3 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que les attaques des tireurs
4 embusqués ont continué au cours du siège qui a duré onze mois ?
5 M. Djidic (interprétation). - Il y a eu des laps de temps très
6 courts au cours desquels les tireurs embusqués du HVO ne tiraient pas.
7 Mais la plupart du temps pendant toute la durée de la guerre les tireurs
8 embusqués tiraient, je parlais de l'année 1993.
9 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de l’interrogatoire
10 principal, vous avez parlé de certaines personnes qui ont été abattues par
11 des tireurs embusqués.
12 Avec l'aide de lHuissier je voudrais vous montrer des photos.
13 Monsieur Djidic, reconnaissez-vous ces deux personnes ?
14 M. Djidic (interprétation). - Oui, je les reconnais
15 M. Kehoe (interprétation). - De qui s'agit il ?
16 M. Djidic (interprétation). - Il s'agit de deux époux, je crois
17 qu'ils ont été tués en juin 1993, par des tireurs embusqués. Ils avaient
18 70 ans environ. Ils se trouvaient dans leur jardin et ils ont été tués
19 tous les deux dans la même heure.
20 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il des soldats qui se
21 battaient dans les tranchées ou s'agissait-il de civils ?
22 M. Djidic (interprétation). - Il y avait des civils, j'ai déjà
23 dit qu'ils avaient plus de 70 ans quand ils ont été tués, quand ils ont
24 été abattus, ils se trouvaient dans leur jardin, ils travaillaient dans
25 leur jardin, je ne sais pas ce qu'ils faisaient.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président,
2 si vous voulez bien.
3 M. le Président. - Monsieur le Procureur, les Juges se
4 préoccupaient en tous cas du point suivant, essayez de rester dans le
5 contre-interrogatoire, Monsieur le Procureur. C’est le souhait des Juges
6 que votre réplique s'en tienne strictement aux éléments nouveaux qui sont
7 apparus au cours du contre-interrogatoire.
8 Ce qui veut dire deux choses. Il ne faut pas refaire dire au
9 témoin tout ce qu'il a déjà dit. Je vous rappelle que nous en sommes à
10 quatre jours et demi d'audition du témoin et que d'autre part seuls les
11 éléments nouveaux intéressent les Juges, et pas des éléments qui auraient
12 été déjà signalés. Voilà c'est une observation des Juges. Continuez
13 maintenant.
14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai
15 terminé. Et je voudrais maintenant que le Tribunal observe les pièces 84
16 et 85, et puis la carte 45A. Il s'agit d'une photocopie d'une pièce qui a
17 déjà été versée au dossier.
18 M. le Président. - Lesquelles. On m’a donné comme traduction :
19 85. C’est bien ça. Donc les petites photos seront jointes comme pièces à
20 conviction de l'accusation sous quels numéros, Monsieur le Greffier ?
21 M. le Greffier. - La petite photo est le document, pour
22 l'instant, 85. La carte qui se trouve à l'instant sur le chevalet que nous
23 voyons tous, c'est la carte 45A, et le document en dessous est le document
24 qui porte le n° 84.
25 M. le Président. - Quelle est l'origine de la pièce 85,
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1 Monsieur le Procureur, c'est-à-dire la photo du civil tué, ainsi que de sa
2 femme ?
3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, concernant
4 les sources, c'est la République de Bosnie-Herzégovine qui nous a donné
5 ces photosgraphies. Et je pense qu'il faut corriger ce qu’a dit
6 Monsieur Dubuisson.
7 La carte qui se trouve sur le chevalet, c’est 45A. J’ai
8 l’impresseion qu’il a dit 85A. Je ne sais pas s’il y a eu un défaut
9 d'interprétation, mais il y avait un petit doute.
10 M. le Greffier. - Il s'agit bien de la pièce 45A.
11 M. le Président. - D’accord, merci. A présent, Monsieur le
12 Procureur, avez-vous terminé ?
13 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
14 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-moi
15 de prendre une fois de plus la parole.
16 M. Nobilo (interprétation). - Le Tribunal en reste aux principes
17 qu'il a établis, il s'agit d'un témoin de l'accusation. L'accusation a
18 interrogé, vous avez contre-interrogé. Le Procureur a un droit de réplique
19 sur les points nouveaux. Il n'y a donc pas d'intervention de la défense.
20 Par contre, quand vous aurez vos témoins, nous appliquerons les mêmes
21 principes. Je me tourne vers mes collègues pour savoir s'ils ont des
22 questions.
23 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous
24 respectons tout à fait cette décision, mais simplement nous faisons
25 remarquer que le témoin a changé sa déclaration quant aux munitions. Par
Page 1522
1 conséquent, nous n'avons pas pu procéder à un contre-interrogatoire
2 efficace. Il a modifié sa déposition au cours du droit de réplique, je
3 voulais simplement le dire.
4 M. le Président. - Le Tribunal a pris une décision, le Tribunal
5 saura lire les transcripts, nous en sommes à quatre jours et demi de
6 déposition. Il convient maintenant que le Tribunal décide que le témoin a
7 été interrogé, contre-interrogé et qu'il a eu une réplique du Procureur.
8 Il faut, à un moment donné, introduire un certain ordre et une certaine
9 rigueur. Si le témoin a changé, le Tribunal le verra et je suppose que
10 vous ferez valoir le point dans vos plaidoiries finales.
11 Je voudrais maintenant que ce soit mes collègues qui
12 s'expliquent, s'ils le souhaitent. Monsieur le Juge Riad, vous avez des
13 questions à poser.
14 M. Riad. - (Hors micro.)
15 Monsieur Djidic au cours de votre déposition, c'était le
16 mardi 28, vous avez fait référence à une cérémonie officielle où le
17 général Blaskic était présent, et dans laquelle un discours fut prononcé
18 par Dario Kordic, discours que vous avez beaucoup déploré, car il
19 s'opposait à toute coexistence.
20 Je cite presque ce que vous avez dit : à toutes coexistence
21 entre les communautés en Bosnie, et revendiquait la Bosnie uniquement pour
22 la seule nation croate. Cela figure dans le transcript en anglais
23 page 1155, pour plus de détails. Pouvez-vous nous dire quel était le rôle
24 exact du général Blaskic, dans cette cérémonie officielle que vous aviez
25 expliquée ?
Page 1523
1 M. Djidic (interprétation). - M. Blaskic était présent, mais il
2 n'a pas pris la parole. Kordic a pris la parole, Santic a pris la
3 parole,Cerkez a pris la parole également. Et dans son discours, Kordic a
4 déclaré, pour ce qui était de la communauté croate de Herceg- Bosna, il a
5 dit cela concernant la Herceg-Bosna.
6 M. Riad (interprétation). - Les autres personnes, qui ont parlé
7 dans cette cérémonie, ont-elles répété les mêmes propos que Kordic a
8 soutenus ?
9 M. Djidic (interprétation). - Non.
10 M. le Président. - Pourrais-je avoir la traduction de ce qu’a
11 répondu...
12 (L’interprète : Il y a eu une interférence, Monsieur le
13 Président, le témoin a dit : "Non".)
14 M. Riad (interprétation). - Par la suite de cette cérémonie,
15 est-ce que les mêmes propos ont été répétés par d'autres personnes, des
16 chefs publiques, policiers ou militaires, les mêmes propos de
17 revendication de la Herceg-Bosnie uniquement pour les Croates de mettre
18 fin à la présence musulmane ?
19 M. Djidic (interprétation). - Oui, c'est exact, mais ils n'ont
20 pas répété ce que Kordic avait déclaré, c'est lui qui avait les vues les
21 plus extrêmes. Toutes les déclarations ont été semblables, il disait à peu
22 près la même chose en ce qui concerne la Herceg-Bosna.
23 M. Riad. - C'était une politique suivie et pas seulement un cas
24 tout tout à fait à part pendant cette cérémonie.
25 M. Djidic (interprétation). - C'est absolument exact, les
Page 1524
1 discours ont été très applaudis.
2 M. Riad. - Est-ce que les médias ont soutenu les mêmes propos,
3 par la suite, de ces conférences ?
4 M. Djidic (interprétation). - Oui, avant la cérémonie et après
5 la cérémonie
6 M. Riad. - Y avait-il des procédés suffisamment précis qui ont
7 été préconisés pour mettre en oeuvre cette revendication ou ce que vous
8 avez appelé la purification ethnique ?
9 M. Djidic (interprétation). - Oui.
10 M. Riad. - Quels étaient ces procédés ?
11 M. Djidic (interprétation). - Il s'agissait de mesures
12 politiques prises par le HDZ pour ce qui est de ce que j'ai dit, la
13 création du gouvernement du HVO qui appartenait à un groupe ethnique
14 unique, il y a eu l'élimination des Musulmans qui participaient au
15 gouvernement et la mise en place de tous les éléments qui avaient à voir
16 avec la création politique et militaire d'un Etat au sein d'un Etat,
17 c'est-à-dire la communauté croate de Herceg-Bosna au sein de la Bosnie-
18 Herzégovine
19 M. Riad. - Egalement, dans votre déposition du 28 après-midi,
20 dans le transcript français, page 721, vous avez ajouté que les lieux du
21 culte musulman étaient particulièrement et délibérément détruits, et pas
22 seulement les maisons et les biens à Vitez, les biens des Musulmans. Vous
23 avez soutenu qu'il s'agissait là d'un plan préétabli et d'une action
24 concertée.
25 Peut-être pouvez-vous nous donnez les indices qui vous ont
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1 conduit à cela et qui vous ont fait pencher vers cette idée de plan
2 préétabli, et pas simplement d'un conflit armé qui résulte en destruction
3 mutuelle ?
4 M. Djidic (interprétation). - Oui, je vais essayer de vous
5 expliquer cela. Les lieux de culte des Musulmans ont été endommagés avant
6 la guerre, au cours de la guerre et après la guerre, y compris après la
7 signature du cessez-le-feu avec le HVO, l'objectif consistant à anéantir
8 l'histoire des Musulmans, à détruire les traces de l’existence des
9 Musulmans sur ces territoires. Cela peut se constater encore aujourd'hui
10 dans toutes ces localités.
11 M. Riad. - Que voulez-vous dire par "maintenant et partout" ?
12 M. Djidic (interprétation). - Encore aujourd'hui si l'on regarde
13 la Bosnie et plus précisément Vitez et la Bosnie centrale, on voit des
14 ruines de lieux de culte, car ces lieux de culte n'ont pas encore été
15 réparés.
16 M. Riad. - A propos de l'incident des obus lancés, qui nous a
17 été montré ce matin en vidéo, est-ce que cet incident, à votre
18 connaissance, a eu lieu avant la destruction de ces lieux de culte et des
19 maisons des civils ou a eu lieu après ?
20 M. Djidic (interprétation). - En Bosnie centrale, les
21 destructions ont duré onze mois. Les attaques contre Stari Vitez se sont
22 prolongées pendant onze mois, sans se produire tous les jours. Autrement
23 dit, il y a eu des destructions aussi bien avant qu'après l'incident dont
24 vous venez de parler.
25 M. Riad. - Merci beaucoup, Monsieur.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Djidic, vous avez
2 décrit le siège de Stari Vitez. Vous nous avez dit qu'il a duré onze mois.
3 Vous avez également indiqué que pendant cette période il y avait des
4 Croates à Stari Vitez. Ces Croates sont-ils restés à Stari Vitez jusqu'à
5 la fin du siège ?
6 M. Djidic (interprétation). - Oui, pour certains d'entre eux.
7 D'autres Croates sont partis, ont quitté Stari Vitez avant l'attaque. Des
8 croates sont également partis au moment de l'échange des civils qui
9 avaient été détenus dans le cinéma. Le nombre des Croates partis à ce
10 moment-là était assez limité. Pendant le conflit, il est resté à
11 Stari Vitez à peu près 45 Croates et 3 Serbes, la majorité d'entre eux
12 résidant encore actuellement à Stari Vitez.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Les 45 Croates et les
14 3 Serbes qui sont restés à Stari Vitez, ont-ils pris part à la résistance
15 que Stari Vitez a opposée à l’attaque subie par la ville ?
16 M. Djidic (interprétation). - Non.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si
18 telle ou telle maison appartenant aux Croates et aux Serbes de Stari Vitez
19 a été endommagée ?
20 M. Djidic (interprétation). - Oui, elles ont été endommagées.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quel pourcentage, quel
22 nombre de ces maisons, a été endommagé, d'après vous ? Quelle est la
23 proportion des dommages ? Un tiers, un quart, la moitié ? D'après vous.
24 M. Djidic (interprétation). - Peut-être un quart.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'aimerais maintenant que
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1 nous abordions un autre passage de votre déposition, c'est-à-dire au
2 moment où vous avez parlé de ce que vous appelez l'expulsion des Musulmans
3 de Vitez. Une question vous a été posée quant au fait de savoir si ces
4 Musulmans avaient été expulsés, ou s'ils étaient partis de leur plein
5 gré.Vous rappelez-vous ce passage de votre déposition ?
6 M. Djidic (interprétation). - Je crois que je me le rappelle,
7 oui. Il est exact que ces personnes ont été chassées, expulsées. Mais un
8 petit nombre d'entre eux est parti de son plein gré. Cela étant, la
9 majorité a été expulsée.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous nous dire si
11 l'un quelconque de ces Musulmans, dont vous dites qu'ils ont été expulsés,
12 est revenu à Stari Vitez à la fin du siège ?
13 M. Djidic (interprétation). - Non, au jour d'aujourd'hui aucun
14 d'entre eux n'est encore revenu à Vitez.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'ai une dernière question à
16 vous poser qui porte sur la séquence vidéo que Me Nobilo nous a montrée,
17 dans la dernière partie de son contre-interrogatoire.
18 En réponse à une question posée par le Président, Me Nobilo a
19 indiqué que ces images avaient été tournées par une station de télévision
20 locale, si je ne me trompe. Alors je vous demande si une équipe de la
21 télévision a jamais pénétré à l'intérieur de Stari Vitez pendant la durée
22 du siège ?
23 M. Djidic (interprétation). - Oui.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - D’où venaient les membres de
25 cette équipe ?
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1 M. Djidic (interprétation). - C’était pour l'essentiel des
2 étrangers ?
3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous disposez
4 d'images ou est-ce que vous êtes informé de l'existence d'images vidéo
5 tournées par ces équipes de télévision et portant sur des événements
6 survenus à l'intérieur de Stari Vitez ?
7 M. Djidic (interprétation). - J'ai un enregistrement vidéo qui
8 montre une réunion mixte au moment du séjour de M. Petkovic et de
9 M. Halilovic à Stari Vitez, qui étaient là avec leurs équipes. J'ai un
10 enregistrement vidéo également de l'enterrement de 105 personnes qui ont
11 été enterrées à Stari Vitez. J'ai remis cette cassette au Procureur. Je ne
12 sais pas si elle a été acceptée en tant que pièce à conviction.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
14 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad, voulez-vous poser
15 encore une question ?
16 M. Riad. - Monsieur Djidic, durant votre séjour à Vitez, vous
17 avez pu constater dans quelle mesure on peut connaître et s'apercevoir de
18 ce qui se passe dans les villages autour. Dans quelle mesure pouvait-on
19 entendre les explosions et être au courant de ce qui se passait dans toute
20 la vallée ?
21 M. Djidic (interprétation). - Effectivement. Quand il s'agissait
22 de combats et de pilonnages, il était possible de les voir.
23 M. Riad. - Jusqu'à quelle distance ?
24 M. Djidic (interprétation). - En un certain endroit qui se
25 trouve en face de Stari Vitez, il était possible de très bien voir le
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1 village de Krcevine. On voyait également, de cet endroit, très bien
2 Grbavica, Donja Veceriska, le village de Gacice, Gradina et Novaci.
3 En d'autres lieux, il était possible d'entendre les coups de feu
4 et de déterminer de quelles directions ils provenaient. Il était possible
5 de voir la fumée que provoquaient les obus et les incendies.
6 M. Riad. - Merci beaucoup.
7 M. le Président. - Monsieur Djidic, le Tribunal vous remercie.
8 Il vous a conduit, pendant quatre journées il y a déjà quinze jours, à
9 venir aujourd’hui. Le Tribunal y a été très sensible. Votre audition est
10 terminée.
11 Monsieur le Greffier ou Monsieur l'Huissier, vous pouvez
12 demander qu'on raccompagne Monsieur Djidic.
13 Il est 12 heures 45. Monsieur le Procureur, voulez-vous faire
14 entrer le témoin suivant ?
15 M. Kehoe (interprétation). - En tous cas, je crois qu'il serait
16 plus facile, Monsieur le Président, que nous nous séparions maintenant et
17 que nous reprenions nos travaux plus tôt, cela nous permettrait d’aller
18 plus vite;
19 M. le Président. - L’audience est levée, nous reprendrons à
20 14 heures 30.
21 L’audience, suspendue à 12 heures 45, est reprise à 14 heures 35.
22 M. le Président. - Reprise de l’audience. Veuillez faire entrer
23 l’accusé, s'il vous plaît.
24 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)
25 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?
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1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
2 les Juges, avant que nous entendions le prochain témoin, M. Djidic nous a
3 fait savoir pendant la pause-déjeuner qu'il y avait un point qu'il
4 souhaitait éclaircir.
5 Ce point est le suivant, à savoir que s'agissant des munitions
6 il a obtenu des munitions, mais à un certain moment, il a reçu des
7 munitions d'un privé et pas de la Croix-Rouge ni des Nations Unies.
8 M. le Président. - C'est très bien. Je crois quand même que si
9 M. Djidic avait eu des choses à exprimer, il a eu largement le temps de
10 les exprimer.
11 Alors, de deux choses l'une. Ou nous réintroduisons M. Djidic
12 dans la salle d'audience, s'il est toujours là d'ailleurs, mais pour cela
13 je veux consulter mes collègues. C'est une décision collégiale. Mais vous
14 ne pouvez pas nous rapporter des propos de M. Djidic sur lesquels nous
15 allons discuter, demander à la défense son avis. Non, nous sommes des
16 professionnels, Monsieur Kehoe, vous le savez. D'accord. Première
17 question : est-ce que M. Djidic est encore là ?
18 M. Kehoe (interprétation). - Il est encore là.
19 M. le Président. - Maintenant, je vais consulter mes collègues.
20 Le Tribunal a décidé de faire rentrer à nouveau le témoin, mais le témoin
21 ne s’expliquera que sur la question que vous avez soulevée, Monsieur le
22 Procureur, et bien entendu la Défense procédera à la cross examination sur
23 ce seul point. Donc faites entrer M. Djidic.
24 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
25 M. le Président. - Monsieur Djidic, m'entendez-vous ?
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1 M. Djidic (interprétation). - Oui, je vous entends.
2 M. le Président (interprétation). - Monsieur le Procureur nous a
3 fait part d'une précision que vous auriez voulu apporter. Le Tribunal a
4 décidé de vous entendre sur cette seule question qui vous sera posée par
5 le Procureur. Par ailleurs le Tribunal considère que vous êtes toujours
6 sous serment.
7 Monsieur le Procureur, posez la seule question que vous ayez
8 soulevée vous-même. Après quoi, bien entendu, si la Défense veut vous
9 poser en contre-interrogatoire une ou deux questions, elle le fera.
10 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.
11 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président et
12 Messieurs les Juges.
13 Monsieur Djidic, s'agissant des munitions à apporter par un
14 particulier, comment sont-elles arrivées entre vos mains à Stari Vitez et
15 qui les a apportées ?
16 M. Djidic (interprétation). - S'agissant des munitions, et de ce
17 que j'ai dit dans ma déposition quant au fait que je n'avais jamais -par
18 l’intermédiaire des Nations Unis- reçu des munitions, je souhaite
19 éclaircir une ambiguïté, car Me Nobilo a dit que j'avais changé le contenu
20 de ma déposition.
21 A cela, j'affirme que je ne change pas ce que j'ai dit. Je
22 maintiens ce que j'ai dit, à savoir que je n'ai jamais, par
23 l'intermédiaire de représentants des Nations Unies, reçu quelques
24 munitions que ce soient. Ce que le général Alagic a déclaré ne concerne
25 pas les Nations Unies, mais concerne une organisation privée.
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1 M. le Président. - Maître Nobilo, voulez-vous contre-interroger
2 le témoin sur ce point ?
3 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
4 Quelle organisation ?
5 M. Djidic (interprétation). - C’était une organisation privée
6 qui n'appartient pas aux Nations Unies.
7 M. Nobilo (interprétation). - Quel est son nom ?
8 M. Djidic (interprétation). - Je ne pense pas que je doive
9 donner le nom de cette organisation.
10 M. Nobilo (interprétation). - Pour nous c'est important, de
11 façon à pouvoir vérifier vos dires.
12 M. Kehoe (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
13 En effet, cela risque de créer des dangers pour certains membres de cette
14 organisation.
15 M. le Président. - Maître Nobilo, le témoin ne souhaite pas
16 répondre. Vous tirerez, dans un sens ou dans un autre, celui qui vous
17 conviendra, les conclusions que vous jugerez opportunes pour la défense de
18 votre client de la non-réponse du témoin. Bien. Est-ce que, dans ces
19 conditions, les débats sont clos sur le point des munitions ?
20 Donc, dans ces conditions, Monsieur Djidic, nous allons vous
21 remercier à nouveau. Je vais demander à l'Huissier de bien vouloir vous
22 raccompagner.
23 Maître Nobilo, vous souhaitez prendre la parole. Vous aviez
24 encore une autre question à poser, sur ce point toujours ?
25 M. Nobilo (interprétation). - Oui, j'ai une autre question,
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1 uniquement liée à ce point. Comment êtes-vous entré en contact avec cette
2 organisation privée dont vous n'avez pas donné le nom ?
3 M. Djidic (interprétation). - Des représentants de cette
4 organisation venaient à Stari Vitez dans le cadre de leurs activités.
5 M. Nobilo (interprétation). - Dans quels véhicules ?
6 M. Djidic (interprétation). - Dans leurs véhicules.
7 M. Nobilo (interprétation). - Des véhicules civils ou
8 militaires ?
9 M. Djidic (interprétation). - Civils.
10 M. Nobilo (interprétation). - De quelle façon ces munitions
11 sont-elles arrivées, sur le plan technique ?
12 M. Djidic (interprétation). - Je l'ai déjà dit. Il s'agissait
13 d'une petite quantité de munitions qui ont été apportées par la voie
14 fluviale sur la rivière et d’une autre petite quantité dans un véhicule,
15 sous le siège.
16 M. Nobilo (interprétation). - Là, vous introduisez une
17 nouveauté. Avant on ne parlait que de la rivière, maintenant on parle d’un
18 véhicule.
19 M. Kehoe (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
20 Je vous prie de m'excuser, je fais objection au fait que Me Nobilo estime
21 qu'il s'agit d'une nouveauté. Je demande que Me Nobilo se contente de
22 poser des questions.
23 M. le Président - Je suis d’accord avec vous sur le fait que
24 Me Nobilo n'a pas à faire de commentaire. Par contre, je ne suis pas du
25 tout d’accord avec vous ; Me Nobilo veut éclaircir ce point. Il semble que
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1 le témoin ne souhaite pas donner le nom de l'organisation, mais il peut
2 être tout à fait légitime que la défense pose un certain nombre de
3 questions pour préciser les conditions dans lesquelles ces munitions sont
4 arrivées.
5 Donc Maître Nobilo, vous poursuivez, en ne faisant pas par
6 contre de commentaires.
7 M. Nobilo (interprétation). - Donc, par la rivière Lasva.
8 Qu’est-ce que cela veut dire ? Quel était le moyen de transport utilisé
9 sur cette rivière Lasva ?
10 M. Djidic (interprétation). - Il s’agissait d’un moyen de
11 transport assez peu sophistiqué puisqu’il s’agissait, en fait, de la
12 chambre à air d’un pneu de voiture.
13 M. Nobilo (interprétation). - Combien de munitions sont-elles
14 arrivées de cette façon ?
15 M. Djidic (interprétation). - Quelques centaines simplement.
16 M. Nobilo (interprétation). - De balles ?
17 M. Djidic (interprétation). - Oui, de balles.
18 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites un véhicule civil. Par
19 le biais de ce véhicule, combien de munitions sont-elles arrivées ?
20 M. Djidic (interprétation). - Quelques centaines seulement.
21 M. Nobilo (interprétation). - A l'exception de ces deux séries
22 de quelques centaines de munitions, avez-vous reçu d'autres munitions par
23 quelque voie que ce soit ?
24 M. Djidic (interprétation). - Non.
25 M. Nobilo (interprétation). - Merci, ce sera tout.
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1 M. le Président. - Monsieur Djidic, le Tribunal vous remercie.
2 Faites raccompagner le témoin, s'il vous plaît.
3 (Le témoin est reconduit en dehors de la salle d’audience.)
4 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez un autre
5 témoin, je suppose.
6 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,
7 l'accusation appelle Sefik Pezer.
8 M. le Président. - Avant que le témoin n'entre, je voudrais vous
9 demander -me faisant l'intermédiaire de mes collègues- quel est le temps
10 que vous avez prévu pour interroger ce témoin ?
11 De plus, je rappelle la demande que le Tribunal avait faite à
12 M. Mark Harmon d'une liste qui serait communiquée aux seuls juges, la
13 liste des témoins, du nombre de témoins que vous souhaitez faire entendre,
14 et du temps relativement précis que vous comptez leur consacrer dans votre
15 interrogatoire.
16 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,
17 Messieurs les Juges, s'agissant de votre première question, je prévois que
18 l'interrogatoire principal de M. Pezer dure environ deux heures.
19 Quant à la liste que vous avez demandée à Me Harmon, elle est
20 entre mes mains, dans cette chemise rouge, en cet instant même.
21 M. le Président. - Bien. Vous la remettez la liste, par
22 l'intermédiaire du Greffe. Maître Hayman, voulez-vous faire un
23 commentaire ?
24 M. Hayman (interprétation). - Avant l'entrée du prochain témoin,
25 est-ce que vous pourriez m'accorder un instant pour que je parle avec
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1 Me Nobilo et que je présente une requête éventuellement ?
2 M. le Président. - Maître Hayman ?
3 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. J'ai
4 parlé avec mon confrère s'agissant du problème de M. Djidic qui a refusé
5 de répondre à la question posée quant à l'origine des armes qui ont
6 apporté un soutien à l'armée, à Stari Vitez, au cours du siège.
7 Pour ce qui nous concerne, nous ne connaissons pas d'article du
8 Règlement qui autorise un témoin à refuser à répondre à une question au
9 cours de contre-interrogatoires.
10 Je connais l'article 77a selon lequel finalement un témoin
11 refusant de répondre à une question pertinente peut être accusé d'outrage
12 au Tribunal et soumis à pénalité.
13 Dans mon système judiciaire, il n'est pas rare qu'un témoin qui
14 refuse de répondre aux questions en cours d'interrogatoire principal soit
15 sanctionné, car l'accusé ne peut pas, dans ces conditions, exercer son
16 droit au contre-interrogatoire si le témoin refuse de répondre.
17 A mon avis, il n'est donc pas approprié que l'accusation cherche
18 à apporter la preuve que ces armes ne sont pas venues de telle ou telle
19 source, qu'il s'agisse des Nations Unies ou de la Croix-Rouge, et qu'en
20 même temps, nous n'ayons pas la possibilité de vérifier quelle est
21 l'origine exacte de ces armes. Je laisse la possibilité au Tribunal, bien
22 sûr, de décider si le témoin doit être poursuivi pour outrage au Tribunal
23 ou s'il circonvient de rayer les réponses qu'il a apportées à
24 l'interrogatoire principal sur ce point.
25 Mais il nous semble qu'il faut qu'il y ait une solution car,
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1 bien entendu, il est possible que les réponses entraînent des désagréments
2 ou mettent à mal telle ou telle personne. Cela peut se produire très
3 souvent. Nous avons souvent des témoins qui subissent des problèmes de ce
4 genre dans le cadre du contre-interrogatoire, mais nous pensons que cela
5 ne suffit pas à autoriser le témoin à ne pas répondre.
6 Peut-être la réponse peut-elle être apportée à huis clos ou avec
7 des mesures de protection particulières, nous n'y avons aucune objection,
8 mais nous objectons sur le fait que le témoin soit autorisé à refuser de
9 répondre.
10 (Les Juges se concertent sur le siège.)
11 M. le Président. - Le Tribunal, Maître Hayman, connaît bien
12 l'article 77 sur l'outrage au Tribunal.
13 Mais il se permet de vous faire observer que c'est d’abord une
14 simple faculté discrétionnaire pour la Chambre. C'est tellement une
15 faculté que la règle posée dans l'article 77a trouve deux limites.
16 Dans l'article 77b, où la Chambre peut relever le témoin de son
17 obligation de répondre, ce qui a été fait implicitement lorsque la Chambre
18 a dit à Me Nobilo que vous en tireriez les conclusions.
19 Nous pensons de surcroît qu'une deuxième exception est prévue
20 dans l'article 90 lorsque le témoin lui-même pourrait être mis en danger.
21 Nous pensons, par extension, que le témoin vous a dit qu'il pouvait mettre
22 aussi en danger l'organisation en question.
23 Tout ceci pour conclure, Me Hayman et Me Nobilo, que l'outrage
24 au Tribunal est d'un maniement extrêmement difficile, je ne dis pas rare,
25 mais relativement rare, et qui est à la discrétion de la Chambre. Elle ne
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1 trouve pas dans la situation présente matière à relever outrage à l'égard
2 de ce témoin.
3 Je pense qu'on en a terminé avec le témoin, M. Djidic.
4 M. le Président. - Nous pouvons maintenant aborder pour deux
5 heures environ le témoin suivant que va faire entrer le Procureur.
6 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
7 M. le Président. - Monsieur, est-ce que vous m'entendez, s'il
8 vous plaît ? Pouvez-vous vous lever si vous m'entendez ?
9 M. Pezer (interprétation). - Oui, je vous entends, Monsieur le
10 Président.
11 M. le Président. - Vous rappelez votre nom, votre prénom. Vous
12 donnez d'abord votre nom et votre prénom.
13 M. Pezer (interprétation). - Sefik Pezer.
14 M. le Président. - Quel est votre nom ?
15 M. Pezer (interprétation). - Je m'appelle Sefik Pezer.
16 M. le Président. - Monsieur Sefik Pezer, vous pouvez maintenant
17 lire la déclaration solennelle qui a été remise entre vos mains.
18 M. Pezer (interprétation). - Uniquement cette première page,
19 Monsieur le Président ?
20 M. le Président. - C'est une déclaration qui est très courte.
21 M. Pezer (interprétation). - Je déclare solennellement que je
22 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Monsieur le
24 Procureur, vous avez la parole.
25 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
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1 Merci, Messieurs les Juges. Monsieur Pezer, quel âge avez-vous ? Avez-vous
2 une femme, des enfants ?
3 M. Pezer (interprétation). - J'ai 44 ans, je suis marié et j'ai
4 deux enfants.
5 M. Kehoe (interprétation). - Où vivez-vous en Bosnie à l'heure
6 actuelle ?
7 M. Pezer (interprétation). - Je vis aujourd'hui dans un village
8 qui se trouve dans la municipalité de Vitez.
9 M. Kehoe (interprétation). - Où avez-vous grandi, où êtes-vous
10 allé à l'école et où avez-vous passé la plupart ou l'essentiel de votre
11 jeunesse ?
12 M. Pezer (interprétation). - Je suis né le 28 septembre 1953 à
13 Klopched (?), municipalité de Zenica. Dès l'âge de six ou sept ans, j'ai
14 vécu à Vitez, à Donja Dubravica plus exactement, ou Novaci c'est ainsi que
15 l'on appelle généralement cette partie-là de la municipalité.
16 En 1976, je me suis marié. J'ai obtenu un appartement de
17 l'entreprise pour laquelle je travaillais. C'est là que j'ai vécu jusqu'au
18 moment où la guerre à éclaté.
19 M. Nobilo (interprétation). - Vous y avez donc vécu
20 jusqu'en 1993 ?
21 M. Pezer (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). - Avant que la guerre éclate quel
23 était votre métier ?
24 M. Pezer (interprétation). - J’ai travaillé à l'usine
25 Slobodan Princip Seljo à partir de 1976 jusqu'à la guerre, littéralement
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1 jusqu'au moment où la guerre à éclaté le 16 avril 1993. C'était mon
2 activité principale. Ma femme travaillait, elle aussi, pour un chef
3 d'entreprise privé, en ville. Elle travaillait dans un établissement de
4 restauration à Cevapcinica. Avant le début du conflit, en 1993 j'ai loué
5 les locaux de cet endroit. C'est là que ma femme a commencé à travailler
6 et je lui donnais un coup de main après avoir travaillé à l'usine.
7 M. Kehoe (interprétation). - Vous travailliez donc à l'usine
8 SPS, mais vous aidiez aussi votre femme dans ce snack de Cevapcinica que
9 vous aviez ou plutôt qu'elle avait.
10 M. Pezer (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation). - A votre gauche, vous avez une
12 photographie placée sur le chevalet. Aux fins du procès-verbal,
13 Monsieur le Président, nous parlons de la pièce 56. Je vous demanderai,
14 Monsieur le témoin, de vous tourner vers la gauche. L'Huissier va vous
15 remettre un pointeur, ce qui vous permettra de montrer où était situé ce
16 snack.
17 (Le témoin désigne le snack avec le pointeur.)
18 M. le Président. - Ce n’est pas très commode.
19 M. Pezer (interprétation). - J'aimerais retrouver le nord, je ne
20 l’ai pas perdu !
21 M. le Président. - Ce n'est pas très facile pour le témoin. Il
22 faut qu'il parle dans le micro, il faut qu’il regarde la carte. Ne
23 pourrait-on lui faciliter les choses d’une manière ou d’une autre, ramener
24 le chevalet vers lui peut-être. Monsieur le Greffier, peut-être pourriez-
25 vous faire quelque chose pour notre témoin. Il faut que le public puisse
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1 voir et la défense également.
2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-
3 moi d'aller aider le témoin en me rapprochant de lui.
4 M. le Président. - Aidez-le, mais ne répondez pas pour lui,
5 Monsieur le Procureur. Vous l’aidez, matériellement.
6 M. Pezer (interprétation). - Je crois que c'est bien cet
7 endroit-là. Je l'ai trouvé.
8 M. le Président (interprétation). - Ne pensez-vous pas, Monsieur
9 le Procureur, qu'il serait peut-être plus simple que le témoin nous
10 localise d'abord, tout simplement, où est l'endroit que nous cherchons. Je
11 pense qu’il serait plus simple, pour la compréhension, qu'il nous dise où
12 était l'établissement en question.
13 M. Kehoe (interprétation). - Pourriez-vous nous dire où se
14 trouve cet établissement.
15 M. Pezer (interprétation). - Pas loin de la gare de Vitez, je
16 l'ai trouvé. Il est difficile de lire la carte.
17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, avant d'ouvrir ce
18 snack que faisait-on à cet endroit ?
19 M. Pezer (interprétation). - Pourriez-vous poser votre question
20 de façon un peu plus claire.
21 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il auparavant en ces lieux
22 un autre magasin, avant que vous ouvriez ce snack de Cevapcinica.
23 M. Pezer (interprétation). - Il y avait déjà un snack qui
24 vendait des cevapi. En fait, c'est le propriétaire, à qui j'ai loué les
25 lieux, qui le faisait marcher, jusqu'au moment où il y a eu deux bombes.
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1 Une bombe a explosé, une autre n'a pas explosé. Les lieux étaient
2 désaffectés et je me suis arrangé avec le propriétaire pour reprendre
3 l'établissement et pour y poursuivre ces activités, parce que je trouvais
4 que c'était tout à fait faisable.
5 Je m'attendais à ce que les Musulmans et les Croates
6 s'entendent, à ce que les choses fonctionnent normalement. C'est la raison
7 pour laquelle j'ai ouvert cet établissement où j'ai travaillé pendant un
8 mois. Puis le 16 avril, la guerre a éclaté. C'est alors que tout a été
9 paralysé.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, vous avez dit que
11 l’établissement de l'homme qui le gérait, avant que votre épouse et vous-
12 même le gériez, avait été plastiqué. Est-ce bien exact ?
13 M. Pezer (interprétation). - Oui. En tout cas, on y a jeté une
14 bombe. Je pense que cela s'est passé en janvier, février ou mars 1993.
15 J'ai dû remplacer les vitres, remplacer la faïence, les carrelages. Des
16 chaises avaient été brisées. J'ai donc réparé l'endroit et je l'ai remis
17 dans son état précédent.
18 M. Kehoe (interprétation). - L'homme qui en était responsable
19 était-il Musulman ?
20 M. Pezer (interprétation). - Oui, il s'appelait Sem Subasic et
21 il m'en a parlé. A la suite de l'incident, il s'est rendu au commissariat
22 de police de la ville. Il s'est plaint, mais celà en vain. Il n'a pas eu
23 de réponse et il s'est contenté de fermer l'établissement.
24 Moi, je voulais installer des volets en bois, après être arrivé
25 sur les lieux, pour empêcher qu'une nouvelle bombe ne soit jetée à
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1 l'intérieur. Il y avait trois ou quatre magasins tenus par des Croates à
2 cet endroit, alors je me suis dit que je pourrais peut-être aussi réussir
3 et travailler comme eux le faisaient.
4 M. Kehoe (interprétation). - Vous pensiez que vous et votre
5 famille n'alliez pas être la cible de problèmes ou n’alliez pas être
6 blessés ?
7 M. Pezer (interprétation). - Moi, j'étais un citoyen tout banal,
8 pas un soldat. Je ne m’intéressais pas à la politique. La guerre ne
9 m'intéressait pas, pas plus que l'armée. Tout ce que je voulais, c’était
10 travailler. A vrai dire, je n'ai eu de cesse de répéter que s'il y avait
11 des combats à Vitez, ce serait uniquement le HVO et l'armée qui allaient
12 s'affronter, les unités militaires. Mais nous pensions que les civils ne
13 seraient pas touchés par cela. C'est ce que j'avais pensé jusqu'au tout
14 dernier jour ,avant ce qui s'est passé, et j'avais tort parce que le pire
15 est vraiment arrivé.
16 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à cette photographie. Vous
17 avez indiqué où se trouvait votre établissement à proximité de la gare de
18 Dubravica. Il y a une école à Dubravica, là où se trouvaient les Vitezovi.
19 Est-ce que cela se trouvait près de votre établissement ?
20 M. Pezer (interprétation). - L’école est à 200 mètres de
21 distance environ. Mais on ne pouvait pas la voir depuis chez nous, parce
22 qu’elle est sur une colline, alors que notre établissement se trouvait en
23 contrebas et que nous étions séparés par une forêt, mais nous n’étions pas
24 loin.
25 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que les Vitezovi allaient
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1 souvent dans votre établissement ?
2 M. Pezer (interprétation). - Oui, ils venaient manger, pas tous
3 évidemment, mais pas mal d'entre eux. Ils y prenaient leurs repas,
4 certains me devaient de l'argent parce qu’ils refusaient de payer pour ce
5 qu'ils consommaient, mais ce n'était pas grand-chose, alors j'ai dit :
6 "D’accord, ne relevons pas cela".
7 M. Kehoe (interprétation). - Avançons, si vous le voulez bien
8 Monsieur Pezer. Nous arrivons à la veille de l'attaque, c'est-à-dire le
9 15 avril 1993. Pourriez-vous dire aux Juges si vous avez travaillé ce
10 jour-là, le 15 avril, et si c’est le cas ce que vous avez fait après votre
11 travail ?
12 M. Pezer (interprétation). - Je travaillais à 8 eures à l'usine
13 et après 15 heures j'aidais ma femme. Ce jour-là, le 15 avril, j'ai fait
14 ma journée à l'usine jusqu'à 15 heures, je suis rentré à la maison, puis
15 je me suis rendu au snack.
16 Là, j'ai voulu demander à ma femme si je devais faire quelques
17 courses pour elle ou l'aider d'une quelconque façon. Lorsque je suis
18 arrivé au snack, il était rempli de monde. J'étais quelque peu surpris,
19 car c’était quelque peu inhabituel d’avoir une telle affluence à cette
20 heure-là. J'ai demandé à ma femme ce qui se passait.
21 Elle m'a dit que la route vers Zenica avait été bloquée et que
22 les gens qui se trouvaient dans l'établissement étaient censés se rendre à
23 Zenica ou plus loin, mais qu'ils ne pouvaient pas emprunter la route qui
24 avait été bloquée, qu’ils s'étaient arrêtés pour consommer et se remettre
25 de leurs émotions. Nous sommes restés là. Ils sont restés jusqu'à
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1 17 heures. Toutes les marchandises que nous avions dan sle snack, nous
2 avions quelques réserves qui pouvaient nous permettre de fonctionner
3 pendant deux ou trois jours, ont été consommées ce jour-là. Donc nous
4 avons fermé l'établissement tôt, puisque nous n'avions plus rien à vendre.
5 J'attendais que ma femme termine son travail. J'ai passé
6 quelques instants à l'extérieur. On se trouvait sur la route principale
7 entre Zenica et Busovaca. J'étais devant l'établissement et tout d'un coup
8 j'ai vu des mouvements inhabituels de soldats du HVO qui se rendaient vers
9 l’école, qui allaient vers Zenica, vers Ahmici, vers Novaci.
10 Mais je n'aurais pas pu imaginer ce qui allait se passer le
11 lendemain. La seule chose qui m'ait mis la puce à l'oreille c'est que des
12 membres du HVO, ce jour-là même, donc après 15 heures, alors que je me
13 trouvais à l'établissement, voulaient aller s'approvisionner en carburant
14 pour les véhicules. Ils avaient aussi un canon antiaérien, à triple canon,
15 monté sur un véhicule FOP.
16 Je les ai vus partir vers Novaci et revenir plusieurs fois. Je
17 ne savais pas pourquoi ils le faisaient ,mais c'était tout à fait inusité
18 par rapport à ce qui s’était passé les jours précédents. En effet, il y
19 avait eu certains incidents auparavant. Je me suis dit qu'il y en avait
20 peut-être eu un autre ce jour-là du 15, mais que cela passerait et que ce
21 ne serait pas vraiment un gros événement.
22 Nous avons donc fermé l'établissement vers 17 heures, nous
23 sommes retournés à notre appartement qui se trouvait à environ
24 3 kilomètres de distance. Nus avons traversé le quartier ou la ville de
25 Kolonija. Là, tout paraissait calme. Il n'y avait pratiquement pas de
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1 monde dans la rue. Nous sommes rentrés tout à fait normalement chez nous
2 pour nous reposer.
3 Nous étions assez fatigués, ma femme et moi. Nous étions censés
4 préparer la viande qu'il fallait pour le lendemain, mais nous avons décidé
5 de ne plus rien faire ce soir-là et de nous lever tôt le lendemain avant
6 que je parte à l’usine. C’est ce que nous voulions faire.
7 Si vous avez d’autres questions à propos du 15, je suis prêt à y
8 répondre.
9 M. Kehoe (interprétation). - Le barrage routier qui menait à la
10 route de Vitez était-il occupé par des soldats du HVO, ce jour-là ?
11 M. Pezer (interprétation). - Oui, ce barrage routier ou ce point
12 de contrôle était peut-être à 100 ou 150 mètres de l'établissement. Il
13 était donc possible de le voir depuis chez nous. Les membres du HVO s'y
14 étaient trouvés auparavant. C'est vraiment l'intersection principale pour
15 la route Zenica-Busovaca et pour une autre route allant de Zenica à un
16 autre point.
17 Il y avait déjà eu des soldats du HVO à ce moment-là, mais, ce
18 jour-là, précisément, la route était fermée. Il y avait beaucoup de
19 véhicules qu'on ne laissait pas passer. Je ne comprenais pas ce qui se
20 passait. Ce n'est que plus tard —deux ou trois mois après—que j'ai
21 découvert ce qui s'était passé à Zenica.
22 M. Kehoe (interprétation). - Pourrions-nous revenir à la
23 photographie utilisée auparavant pour localiser cet établissement que vous
24 aviez loué ? Pourriez-vous nous dire à quel endroit vous avez vu ce point
25 de contrôle occupé par les soldats du HVO, le 15 avril ?
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1 M. Pezer (interprétation). - Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). - Vous indiquez le carrefour qui se
3 trouve dans le coin supérieur gauche de la pièce 56.
4 M. Pezer (interprétation). - Oui, c'est là.
5 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez la route qui mène à
6 Vjetrenice. C'est donc le carrefour entre la route pour Vjetrenice et la
7 route de Zenica.
8 M. Kehoe (interprétation). - Ce soir-là, quand vous êtes rentré
9 chez vous, avez-vous regardé la télévision ?
10 M. Pezer (interprétation). - J'avais beaucoup regardé la
11 télévision avant aussi, mais vraiment ce soir-là je n'y ai pas prêté un
12 regard particulier. A ce moment-là, à Vitez nous recevions la télévision
13 bosniaque, la télévision de Sarajevo. Il y avait aussi une chaîne locale :
14 TV-Vitez. Je ne savais pas si c'était le gouvernement du HVO ou le HVO qui
15 s'en occupait. En tout cas, c'était sous contrôle des autorités croates.
16 Ce soir-là, je n'ai pas regardé la télévision. Mais j'ai appris
17 —et seulement au moment où l'on m'a chassé vers Zenica— que, vers 17-
18 18 heures, il y avait eu un programme à la télévision. MM. Kostroman et
19 Kordic avaient pris la parole et avaient dit que les choses ne pouvaient
20 pas se poursuivre de cette façon, qu'il fallait désarmer les Musulmans.
21 Mais ils lançaient un appel à l'intention des Croates pour leur
22 dire de ne rien faire jusqu'à nouvel ordre. Si je vous en parle, c'est
23 parce que c’est ce que j’avais entendu dire. J’avais entendu dire qu'il y
24 avait une telle émission à la télévision. C'est sans doute la raison pour
25 laquelle il n'y avait pas grand monde dans la rue, ce soir-là.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Aviez-vous vu des émissions dans
2 lesquelles Kordic, parlant des Musulmans, était déjà intervenu ? Nous
3 parlons maintenant d'une date antérieure au 15 avril. Aviez-vous eu
4 l'occasion de regarder de telles émissions ?
5 M. Pezer (interprétation). - Oui, j'ai regardé, mais,
6 franchement je n'aimais pas beaucoup les regarder. Souvent, j'arrêtais le
7 téléviseur, parce que c'étaient précisément ces deux hommes-là qui
8 disaient beaucoup de choses et qui essayaient de semer un esprit de
9 guerre, du genre : qu'il était impossible de continuer à coexister avec
10 les Musulmans, qu'on leur reprochait tout ce qui se passait.
11 J'étais quelquefois tellement indigné que je ne regardais plus.
12 De temps en temps, je regardais, mais, la plupart du temps, je me
13 contentais de débrancher le téléviseur parce que je ne supportais plus
14 cela.
15 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, avant d'arriver au
16 16 avril, Monsieur le Président, je demanderai peut-être à
17 Monsieur Dubuisson et à Monsieur l'Huissier de nous aider à placer la
18 pièce 45 sur le chevalet.
19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, veuillez examiner
20 la photo qui est placée sur le chevalet, c'est la pièce 45 de
21 l'accusation. Vous avez le pointeur. Servez-vous en pour montrer où se
22 trouvait la maison où vous viviez le 16 1993.
23 M. Pezer (interprétation). - Je veux bien.
24 M. Kehoe (interprétation). - Vous indiquez un bâtiment où il y
25 avait des appartements et qui se trouve un peu au-dessus du stade.
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1 M. Pezer (interprétation). - Non, je vous montre l'endroit où je
2 vivais parce que le stade est un peu plus bas.
3 M. Kehoe (interprétation). - C'est parfait, Monsieur. Vous
4 pouvez vous rasseoir.
5 De nouveau avec l'aide de Monsieur Dubuisson et de
6 Monsieur l'Huissier, pourrions-nous avoir la pièce 81 qui a déjà été
7 versée au dossier ? Nous allons examiner les photos 337 et 340. Je
8 demanderai à Monsieur l'Huissier de bien vouloir les placer sur le
9 rétroprojecteur. Je vous demanderai de les sortir de l'album; cela sera
10 plus facile. Pourrions-nous voir les photos une à une,
11 Monsieur l'Huissier ?
12 Vous avez désormais la photo 337, partie de la pièce 81, sur le
13 rétroprojecteur. Est-ce là une photo de l'immeuble où vous habitiez en ce
14 jour du 15 avril 1993 ?
15 M. Pezer (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez utiliser le pointeur et
17 indiquer précisément à quel étage se trouvait votre appartement. Où
18 était -il ?
19 M. Pezer (interprétation). - Le voici, avec le balcon rouge. En
20 tout cas, il y a quelque chose de rouge au balcon.
21 M. Kehoe (interprétation). - Ce bâtiment se trouve vraiment à
22 l'extrême pourtour de Stari Vitez ?
23 M. Pezer (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - Pourrions-nous maintenant voir la
25 photo 340 ? Il s'agit d'une photo prise de Stari Vitez ; on y voit votre
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1 appartement ou l'immeuble de votre appartement ?
2 M. Pezer (interprétation). - Oui, c'est exact.
3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur l'Huissier, je vous
4 remercie.
5 Monsieur Pezer, nous sommes maintenant le 16 avril 1993 ; vous
6 vous rappelez de ce jour ? Veuillez décrire ce qui s'est passé ce jour-là
7 aux Juges.
8 M. Pezer (interprétation). - J'ai déjà dit que le 15 avril ma
9 femme et moi-même nous étions supposés préparer la viande dont nous avions
10 besoin pour le lendemain. Mais, comme nous étions vraiment fatigués, nous
11 avons décidé de nous lever plus tôt que prévu, le 16 au matin. Moi, de
12 toute façon, il fallait que j'aille travailler à l'usine, quant à ma femme
13 elle devait se rendre au magasin à une heure précise.
14 Nous nous sommes réveillés à 5 heures du matin, peut-être même
15 un peu plus tôt que cela. Nous avons commencé à préparer la viande
16 immédiatement, afin d'en avoir terminé aux alentours de 6 heures et quart.
17 Cela me permettait ainsi d'arriver au travail à l'heure. Vers 5 heures 25,
18 5 heures 30, peut-être 5 heures 35, dans ces dix minutes, après un appel à
19 la prière qui a lieu tôt le matin, vers Sabah, à cette heure-là j'ai
20 entendu des détonations, des tirs violents. J'ai couru à la fenêtre pour
21 voir ce qui se passait à l'extérieur.
22 Des événements similaires s'étaient déjà produits à Vitez au
23 cours des derniers mois. Je dirai que plus de 90 % des commerces musulmans
24 avaient été plastiqués. Je crois que seuls un ou deux commerces étaient
25 encore intacts en ville. Il y avait également un café qui se trouvait près
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1 du stade. J'ai donc regardé par la fenêtre et j'ai vu un petit groupe de
2 soldats : cinq ou six, je ne me rappelle plus très bien.
3 Ils avaient jeté des bombes sur ce café qu'on appelait le café
4 Trojica. C'était Gerin Elvedin qui en était le propriétaire. Puis, je me
5 suis détourné de la fenêtre et j'ai dit à ma femme : "Le café de Gerin
6 vient d'exploser, lui aussi". Je n'avais pas du tout l'idée que quelque
7 chose de pire allait se produire.
8 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous indiquer sur la photo
9 l'endroit où vous vous trouviez et l'endroit où se trouve le café de
10 Gerin Elvedin, café qui a explosé ?
11 M. Pezer (interprétation). - Il y a quelques instants, je vous
12 ai indiqué sur l'autre photo où se trouvait mon balcon, où se trouvaient
13 mes fenêtres, mon appartement. En fait, tout mon appartement faisait face
14 à Stari Vitez. Je ne voyais que Stari Vitez, je ne voyais pas la ville. Je
15 n'avais aucun moyen de voir la ville et le café se trouve de l'autre côté.
16 Je vous le montre. Un instant.
17 M. Kehoe (interprétation). - Le café se trouve à la limite du
18 stade, n'est-ce pas ?
19 M. Pezer (interprétation). - Le café... Il y a un mur en béton
20 autour du stade et le café se trouve dans l'enceinte du stade, ce mur de
21 béton était de l'autre côté.
22 Puis, j'ai dit à ma femme : "Eh bien, voilà le café de
23 Gerin Elvedin qui explose." Je ne pensais pas qu'un événement, des
24 événements pires encore étaient sur le point de se produire. Il faut que
25 je puisse vous indiquer ce qui s'est passé par la suite, sur la carte.
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1 Ils se sont rendus de l'autre côté, là où se trouvent les
2 garages. Ils se sont dirigés vers la maison de Senad Karacic.
3 M. Kehoe (interprétation). - C'est un garage qui appartient à un
4 Musulman ? A des Musulmans ?
5 M. Pezer (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit qu'ils ont descendu
7 la rue. Qu'avez-vous vu d'autre par la suite ?
8 M. Pezer (interprétation). - Je vais vous montrer exactement où
9 se trouvait le café de Senad.
10 Cinq ou six soldats se sont rendus au café même. Devant le café,
11 il y avait une terrasse entièrement vitrée. Ils y ont jeté quelques
12 bombes. Je ne sais plus exactement combien. Puis, ils ont longé le côté
13 est de ce café. Il y avait deux fenêtres situées de ce côté-là. L'une
14 donnait sur le bar et l'autre sur la cuisine. Ils ont brisé les vitres
15 avec leurs crosses de fusil et ont jeté des bombes à l'intérieur. Par la
16 suite, l'un d'entre eux est entré dans le café portant un jerrican et,
17 après quelques instants -je ne sais pas exactement à quel moment cela
18 s'est produit-, tout le café est parti dans les flammes et il a brûlé si
19 vite, c'était absolument incroyable.
20 Jamais je n'avais vu une chose pareille. Il a brûlé tellement
21 vite. C'était un vieux café, c'est peut-être pour cela qu'il a disparu si
22 vite.
23 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez vu un soldat qui a pris
24 un jerrican pour brûler ce café ?
25 M. Pezer (interprétation). - Oui. J'ai vu les soldats, mais je
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1 ne les ai pas reconnus. C'était bien un soldat.
2 Ensuite, juste au-dessus de ce café, Senad Karacic avait une
3 nouvelle maison et, du café, les soldats sont allés vers cette maison. Il
4 y avait un petit camion TAM qui était garé devant la maison. Ils l'ont
5 emmené devant l'ensemble de garages qui se trouvaient à proximité. Puis,
6 ils ont également amené une voiture très luxueuse. Je ne sais pas quelle
7 marque c'était, mais c'était vraiment une voiture de luxe. Ils ont fait
8 brûler la nouvelle maison de Senad Karacic, cette maison toute neuve.
9 Ma femme a commencé à pleurer, elle connaissait Senad, sa mère,
10 l'épouse de Senad et ses enfants, et nous pensions qu'ils avaient tous
11 brûlés avec la maison.
12 Quand ils ont incendié la maison de Senad Karacic, ils se sont
13 ensuite dirigés vers la maison de Varupa. Je ne connais pas cette
14 personne. Je ne le connais que de loin, disons. Ils transportaient des
15 choses à l'extérieur, ils emportaient des choses de la maison. J'ai
16 contemplé la scène un instant. Puis, je me suis éloigné de la fenêtre,
17 mais ils emmenaient des engins électroniques, une radio peut-être, des
18 cassettes vidéo, des objets de taille réduite qu'ils pouvaient emmener
19 facilement. Ensuite, ils ont incendié la maison de Varupa. Je sais qu'on
20 l'appelle Varupa. Je ne connais pas son prénom.
21 Ils ont donc brûlé la maison de Varupa. Nous, on l'appelle Vare,
22 mais son prénom, c'est Muhamed, c'est donc le fils de Varupa. Ils y sont
23 retournés, ils s'y sont mis à trois fois pour faire brûler cette maison.
24 Plus tard, à Zenica, quelques mois plus tard, j'ai vu cet homme.
25 Il m'a dit qu'il était à l'intérieur de la maison et qu'il essayait
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1 désespérément d'éteindre le feu. Par conséquent, les soldats revenaient
2 sans cesse pour essayer de la brûler, mais ils n'y arrivaient pas. Une
3 partie de la maison a brûlé. C'est ce qu'il m'a dit, que lui se trouvait à
4 l'intérieur et qu'il essayait d'étouffer les flammes.
5 Ensuite, ils ont brûlé la maison de Latif Barucija. Toutes ces
6 maisons sont alignées les unes à côté des autres et se trouvent à
7 proximité des garages.
8 Après avoir incendié la maison de Latif, c'est la maison de
9 Akif Hrustic qui a été la cible de leurs attaques. Ils y ont passé un peu
10 plus de temps, mais ils sont revenus très vite parce que j'ai pu voir
11 assez clairement que l'un des soldats du HVO avait une blessure au visage.
12 J'ai vu du sang sur son visage. Je pense que quelqu'un avait résisté à
13 leur attaque. C'était tout près de l'endroit où je me trouvais, moi.
14 Peu de temps après, un véhicule de la Forpronu est arrivé et
15 s'est garé entre la maison de Varupa et les garages. Mais le véhicule de
16 la Forpronu est resté là sur place. Personne n'a fait attention à ce
17 véhicule. Ils continuaient à faire des aller-retour entre ces maisons
18 incendiées.
19 Vers 8 heures, 9 heures peut-être, je ne me rappelle pas très
20 bien, les membres du HVO sont entrés dans le bâtiment où se trouvait mon
21 appartement. Du quatrième étage, disons plutôt du toit, ils ont ouvert le
22 feu en direction de Stari Vitez. Puis, vers 14 heures ...
23 M. Kehoe (interprétation). - S'il vous plaît, Monsieur, avant
24 que nous en venions aux événements qui ont eu lieu à 14 heures, vous avez
25 dit avoir vu un certain nombre de maisons musulmanes qui ont brûlé.
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1 Pouvez-vous une fois de plus vous tourner vers la photographie, vers la
2 pièce 45 et montrer sur cette photo les maisons qui ont été incendiées et
3 préciser si, oui ou non, ces maisons étaient des maisons qui appartenaient
4 à des Musulmans ?
5 M. Pezer (interprétation). - Toutes les maisons que j'ai
6 observées depuis ma fenêtre sont des maisons qui appartiennent à des
7 Musulmans, à partir du carrefour jusqu'au carrefour suivant. Je vais vous
8 indiquer duquel il s'agit.
9 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur. Vous êtes en train
10 d'indiquer une rue. Toutes les maisons qui bordaient cette rue ont été
11 brûlées ?
12 M. Pezer (interprétation). - Toutes, à l'exception d'une d'entre
13 elles. C'était une maison toute neuve, peut-être qu'il n'y avait rien à
14 brûler dans cette maison. C'est la raison pour laquelle ils ne l'ont pas
15 incendiée probablement.
16 M. Kehoe (interprétation). - Combien de ces maisons ont été
17 soumises à un pillage des appareils électroniques, de ce qui se trouvait à
18 l'intérieur, des magnétoscopes, etc ?
19 M. Pezer (interprétation). - J'ai vu qu'ils emportaient de la
20 maison de Senad et également de la maison de Varupa, ce vieil homme, un
21 certain nombre d'objets. De la maison de Muhamed Varupa, ils ont emmené
22 une voiture, une Lada. Ils se sont mis au volant de cette voiture et l'ont
23 emmenée. Donc, il y avait deux voitures, un camion, puis, je vous l'ai
24 dit, certains appareils électroniques. Mais je ne sais pas combien il y en
25 avait.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit, Monsieur Pezer, qu'à
2 8 heures du matin, le HVO est entré dans le bâtiment et a commencé à tirer
3 en direction de Stari Vitez. D'où tiraient-ils ?
4 M. Pezer (interprétation). - Pardon ?
5 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré que vers 8 heures
6 du matin, des soldats du HVO sont entrés dans le bâtiment, qu’ils se
7 trouvaient dans votre appartement et ont commencé à tirer en direction de
8 Stari Vitez.
9 Ma question est la suivante : à partir d'où tiraient-ils ? Est-
10 ce qu'ils tiraient du toit, du quatrième étage, du troisième étage ? Où se
11 trouvaient-ils à l'intérieur du bâtiment ?
12 M. Pezer (interprétation). - Ils tiraient du quatrième étage. Il
13 était difficile d'accéder au toit du bâtiment mais, ce matin-là, ils
14 étaient en train d'atteindre le toit. Un soldat se tenait debout, l'autre
15 soldat grimpait sur ses épaules, sautait et atteignait le toit qui est un
16 toit plat. Ils étaient bien protégés par cette position-là. Moi, une fois,
17 je m'y suis rendu moi-même. Quelques mois auparavant, je m'étais rendu sur
18 le toit et je me suis aperçu que là, il y avait un mur. Ils ont dû pouvoir
19 s'abriter derrière ce mur.
20 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reconnu ces soldats,
21 Monsieur Pezer ?
22 M. Pezer (interprétation). - J'ai reconnu deux d'entre eux. Il y
23 avait un jeune homme de Vitez. Je crois qu'il s'agit de Nikola et
24 Jako Krizanac. Je les connaissais tous les deux. Les autres, je les
25 connaissais de vue, mais je ne connaissais pas leur nom. Je ne peux donc
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1 pas vraiment vous dire quels égaient leurs noms.
2 M. Kehoe (interprétation). - Ceux que vous connaissiez de vue,
3 habitaient donc dans la région de Vitez ?
4 M. Pezer (interprétation). - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Faisaient-ils partie du HVO ?
6 M. Pezer (interprétation). - Oui, ils étaient membres du HVO,
7 bien évidemment.
8 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que vers 14 heures,
9 il s'était produit quelque chose. Vous étiez sur le point de nous
10 expliquer ce qui s'était produit. Que s'est-il passé alors ?
11 M. Pezer (interprétation). - Vers 14 heures, les soldats membres
12 du HVO sont entrés dans la cage d'escalier du bâtiment, il y a eu une
13 rafale de tirs au rez-de-chaussée et ils ont dit : "Que tous les Musulmans
14 sortent !". Que pouvais-je faire ? Il fallait que je sorte et que ma femme
15 sorte également.
16 Devant le bâtiment, il y avait à peu près une dizaine de membres
17 du HVO. Trois ou quatre d'entre eux portaient des bas sur leur visage.
18 J'ai reconnu un jeune homme qui portait des habits civils, mais aussi un
19 fusil. Je ne connais pas son nom. Mais je sais qu'il vient de Hosunj et,
20 comme il m'a reconnu et qu'il a reconnu ma femme, il m'a dit : "N'ayez pas
21 peur. Il n'y a aucun problème. Vous allez simplement être emmenés au
22 cinéma et vous allez être interrogés, puis vous serez relâchés. N'ayez pas
23 peur".
24 Il y avait sept ou huit Musulmans présents devant l'entrée de
25 mon bâtiment, nous nous sommes tous dirigés vers le cinéma. Ma femme se
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1 trouvait dans un des groupes. Lorsque nous avons atteint le bâtiment du
2 cinéma, ils nous ont emmenés dans les caves de ce cinéma. Il y avait déjà
3 vingt ou trente personnes qui se trouvaient là, des Musulmans, bien
4 évidemment, qui avaient été arrêtés. Il y avait deux ou trois femmes parmi
5 eux.
6 Ils ont supplié les membres du HVO de les laisser partir parce
7 que ces femmes avaient laissé de jeunes enfants chez elles. Puis, j'ai dit
8 à ma femme -parce que j'avais une fille qui avait 9 ans en 1993- : "Pars,
9 toi aussi. Toi aussi, tu as un enfant à la maison, laisses-moi au cinéma".
10 Ils ont laissé les femmes partir. Apparemment, ces femmes avaient été
11 amenées au cinéma par erreur. Elles ont donc pu partir et, moi, je suis
12 resté avec les autres Musulmans qui se trouvaient là.
13 J'ai déjà dit que nous étions une vingtaine ou une trentaine et
14 ils ne cessaient d'amener de nouveaux groupes de personnes. Ce soir-là, le
15 16 avril, dans les caves qui servaient de salle de chaufferie pour le
16 cinéma, il y avait 70 à 80 personnes. Nous étions entassés là-dedans, nous
17 ne pouvions pas nous asseoir, encore moins nous allonger.
18 Toute la journée, sans arrêt, ils n'ont cessé d'amener de
19 nouvelles personnes dans ces caves, donc tout au long de l'après-midi et
20 aussi au cours de la soirée. Puis, ils ont continué à amener des
21 personnes. Il n'y avait plus de place. Ils les ont emmenés dans l'entrée
22 du cinéma, au premier étage.
23 Trois ou quatre jours après, je ne sais plus exactement combien
24 de temps s'était écoulé, ils sont arrivés et nous ont dit que certains
25 d'entre nous iraient en haut dans le hall du cinéma où il y avait plus
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1 d'espace d'après eux.
2 Je n'osais pas me porter volontaire. Je ne pensais pas qu'ils
3 avaient l'intention de nous déplacer. Je pensais qu'ils allaient nous
4 emmener et nous faire creuser des tranchées, nous faire travailler, peut-
5 être nous exécuter.
6 Certaines personnes se sont portées volontaires pensant qu'elles
7 seraient plus à l'aise en haut et je me suis donc joint à elles. Nous
8 sommes arrivés dans le hall du cinéma. J'y suis resté jusqu'au 30 avril.
9 Les conditions étaient bien plus confortables là que dans la cave.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, avant que nous
11 n'avancions, laissez-moi vous montrer un certain nombre de photos. Si
12 Monsieur l’Huissier veut bien nous aider, nous allons regarder la
13 pièce 33. Nous allons sortir trois photos : 197, 198 et 203.
14 La première photo sur le rétroprojecteur est la photo 197.
15 Monsieur Pezer, reconnaissez-vous ce bâtiment ?
16 M. Pezer (interprétation). - Oui, absolument, c'est le cinéma où
17 j'ai été détenu pendant quinze jours. Mais là, on voit le cinéma du côté
18 sud.
19 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on regarder la photo
20 suivante 198 ?
21 M. Pezer (interprétation). - Oui, c'est aussi une prise du sud
22 du bâtiment, c'est la sortie du cinéma. Quand le film est terminé, on sort
23 par là. M. Kehoe (interprétation). - Et la photo 203 maintenant, s'il vous
24 plaît.
25 M. Pezer (interprétation). - Voilà l'entrée du cinéma.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie.
2 Monsieur l’Huissier, si vous pouviez rassembler ces pièces.
3 Monsieur Pezer, pouvez-vous à nouveau regarder la photographie qui se
4 trouve sur le chevalet ?
5 Vous avez dit qu'on vous avait emmené de chez vous au cinéma.
6 Pouvez-vous indiquer au Tribunal le chemin que vous avez emprunté pour
7 accéder au cinéma ?
8 (Monsieur Pezer indique le chemin.)
9 M. Kehoe (interprétation). - Fort bien. Vous pouvez vous
10 rasseoir, Monsieur. Monsieur Pezer, vous avez déclaré qu’au cours de la
11 journée on a amené des personnes à ce cinéma. Ne s'agissait-il que de
12 Musulmans dans les caves ou au premier étage ?
13 M. Pezer (interprétation). - Oui, ils étaient tous Musulman.
14 Mais lors de la troisième ou de la quatrième journée, ils ont amené de
15 l'usine SPS un certain nombre d'ouvriers qui travaillaient cette nuit-là,
16 la nuit entre le 15 et le 16 avril. Ces ouvriers avaient été enfermés dans
17 l'usine, puis ils ont été transférés au cinéma ; ils étaient tous
18 Musulmans.
19 M. Kehoe (interprétation). - Vous êtes vous-même Musulman,
20 n’est-ce pas ?
21 M. Pezer (interprétation). - C'est exact.
22 M. Kehoe (interprétation). - Vous êtes resté au cinéma jusqu'au
23 30 avril. Y avait-il des membres du HVO ou des soldats qui vous
24 gardaient ?
25 M. Pezer (interprétation). - Il y avait la police du HVO qui
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1 nous surveillait. Mais, pour être honnête, il était tout à fait possible
2 d'échapper de ce lieu de détention. C'était un peu risqué, car nos
3 familles étaient chez nous, dans les appartements, dans les maisons.
4 Personne n'osait essayer de s'échapper. En de tels cas, leurs familles
5 n'auraient plus été en sécurité. Il y avait dans ce cinéma des membres de
6 la police du HVO.
7 M. Kehoe (interprétation). - C'est une police militaire ?
8 M. Pezer (interprétation). - C'est exact.
9 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous vous trouviez dans le
10 cinéma, emmenait-on des personnes pour qu'elles creusent des tranchées ?
11 M. Pezer (interprétation). - Oui. On les a fait sortir, mais moi
12 j'ai échappé à cela. Quand ils ont demandé à des personnes de sortir, nous
13 étions là, étendus, et j'ai réussi à faire croire que je dormais. Je ne
14 sais plus très bien comment je me suis débrouillé, mais j'ai réussi à
15 échapper à cela, je n'ai pas eu à creuser des tranchées. Certaines
16 personnes y sont retournées à trois ou quatre reprises. Un jeune homme, un
17 de mes voisins qui habitait là où j'habitais auparavant, il pouvait
18 avoir 18 ou 19 ans, a été tué alors qu'il creusait une tranchée et son
19 père était emprisonné là aussi.
20 M. le Président. - Nous allons faire une pause jusqu'à
21 16 heure 20.
22 L’audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25.
23 M. le Président. - Faites entrer l'accusé.
24 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)
25 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?
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1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je reprends.
2 Nous parlions du temps que vous avez passé dans le cinéma. Vous avez parlé
3 des hommes qui ont été contraints d'aller creuser des tranchées et d'un
4 homme qui avait trouvé la mort en creusant des tranchées. Comment cela se
5 passait-il ? Comment se faisait le choix des hommes qui étaient appelés à
6 aller creuser des tranchées ?
7 M. Pezer (interprétation). - Au début, nous ne savions pas qu'il
8 était question d'aller creuser des tranchées.
9 Simplement un policier du HVO arrivait, cet homme qui nous
10 gardait au cinéma. Il est arrivé un jour avec un ou deux soldats, je
11 suppose que c’étaient des soldats qui revenaient du front. Il a dit : "Il
12 faut quatre, cinq ou dix hommes", enfin il en demandait un certain nombre.
13 Par exemple, il en demandait dix. A ce moment-là, puisque nous étions
14 assez nombreux, si quelqu'un était prêt à y aller, bien sûr il se faisait
15 connaître, sinon le soldat désignait un certain nombre d’hommes du doigt
16 : "Toi, toi et toi" et il les emmenait à l'extérieur.
17 Quelquefois il s'agissait de creuser des tranchées, quelquefois
18 de faire d'autres petits travaux. J'ai entendu parler par exemple de
19 décharger un camion ou de choses de ce genre, mais dans la majeure partie
20 des cas il s'agissait d'aller creuser des tranchées. Il y en a qui y sont
21 allés quatre ou cinq fois, comme je l’ai dit. Mais d'habitude les
22 personnes les plus proche de la porte y allaient, quand ils entraient dans
23 la salle de cinéma et s'il n'y avait pas de volontaires.
24 Moi je peux dire que personne n’était arrivé en cet endroit
25 volontairement, et encore moins pour aller creuser des tranchées. Dans ce
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1 cas-là, le soldat montrait simplement un certain nombre d’hommes du doigt
2 et il n'y avait pas d'histoire.
3 M. Kehoe (interprétation). - Bien sûr. Monsieur Pezer, après que
4 vous ayez passé plusieurs jours dans le cinéma, avez-vous eu une
5 conversation avec l'un quelconque des membres de la police militaire au
6 sujet d'un pilonnage ou d'une explosion, dont ils disaient que cela allait
7 se produire ? Et, si oui, pouvez-vous expliquer au Tribunal de quoi il
8 s'agit ?
9 M. Pezer (interprétation). - Pensez-vous à l'explosion de la
10 citerne à Stari Vitez ?
11 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur.
12 M. Pezer (interprétation). - Ce jour-là, le jour où la citerne a
13 explosé, un soldat du HVO est arrivé. J'étais à la cave à ce moment-là.
14 Nous utilisions des toilettes qui se trouvaient en sous-sol, ou plutôt au
15 rez-de-chaussée du cinéma. Nous étions nombreux, donc nous avions
16 l'habitude de nous rendre dans le hall d'entrée où se trouvaient les
17 toilettes.
18 Ce soldat est arrivé et a dit : "Que personne ne sorte. Nous
19 attendons un pilonnage massif", comme s'il souhaitait qu'il n'arrive rien
20 à personne. Très peu de temps après, une très forte explosion a été
21 entendue. Nous avons su tout de suite que ce n'était pas un pilonnage,
22 parce que l’explosion était très puissante et il n'y avait rien qui
23 ressemble à un obus dans le voisinage.
24 Par la suite le soldat est arrivé. Il nous a dit que c'étaient
25 des Musulmans de Stari Vitez qui avaient envoyé un camion plein
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1 d'explosifs. Bien sûr, ce camion a explosé à la gare routière qui se
2 trouvait à peu près à 200 mètres du cinéma. Franchement, nous savions que
3 les Musulmans ne possédaient rien de ce genre. Voilà ce que je peux dire.
4 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous découvert plus tard
5 exactement de quoi il retournait, ce qui s'était passé ?
6 M. Pezer (interprétation). - Oui, j'en ai entendu parler le
7 lendemain, le jour où ma femme est venue me rendre visite. Je ne sais pas
8 par quelle voie elle avait été informée elle-même, mais elle m'a dit que
9 la citerne avait explosé près de la mosquée.
10 Ce qui veut dire que cela s'était passé, à peine, à 150 mètres
11 de chez moi et surtout que le bâtiment, les vitres, avaient sauté. Je
12 pense même qu'une ou deux portes ont été arrachées du mur. C'est elle qui
13 m'a appris qu'il s'agissait d'une citerne. Après la guerre, je suis allé
14 sur les lieux et j'ai vu l'endroit où s'était produite l'explosion.
15 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, est-ce qu'à ce
16 moment-là vous avez compris que le policier qui vous avait dit qu'il
17 allait y avoir un pilonnage savait que la bombe serait placée à
18 Stari Vitez et exploserait à Stari Vitez ?
19 M. Pezer (interprétation). - Oui, il le savait. Je n'ai pas été
20 le seul, mais nous tous, les prisonniers, nous avons immédiatement mis en
21 doute ses propos parce qu’il nous parlait d’un pilonnage.
22 Or il y avait déjà eu des pilonnages auparavant et il ne nous
23 avaient rien dit. Je l’ai tout de suite soupçonné et nous avons tous pensé
24 tout de suite qu'il se préparait quelque chose d'important. Nous avons su
25 tout de suite que ce n’était pas la vérité qu’on nous disait et cela fut
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1 prouvé par la suite.
2 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit précédemment,
3 Monsieur Pezer, que vous aviez été détenu jusqu'au 30 avril dans le
4 bâtiment du cinéma. Pouvez-vous nous parler de votre remise en liberté,
5 nous dire ce qui s'est passé le 30 avril et où vous êtes allé après votre
6 libération ?
7 M. Pezer (interprétation). - Le 30 avril, dans l'après-midi, les
8 policiers du HVO nous ont dit qu'un échange se préparait. Sefer Halilovic
9 est arrivé ce jour-là dans le cinéma, c'était le commandant de l'armée,
10 avec Kalco Sulejman, et un autre homme. Attendez un instant que je me
11 rappelle son nom, ce n'est pas important, je m’en rappellerai plus tard.
12 Il y avait aussi Petkovic, membre du HVO, je ne le connaissais pas, et
13 Mario Cerkez, un autre membre du HVO. Ils avaient une réunion. Ah ! c’est
14 Vehbija Karic qui était là aussi en tant que représentant de l'armée.
15 Donc ils s'étaient entendus sur l'organisation d'un échange et
16 Sefer Halilovic nous a justement demandé si nous habitions loin du cinéma
17 et si nous pouvions rentrer chez nous avant la nuit. Nous avons dit que
18 nous habitions tous assez près, mais nous nous posions des questions au
19 sujet de notre sécurité parce qu’il y avait des cas où des membres du HVO
20 pénétraient dans des appartements, où se trouvaient les habitants et les
21 tuaient tout simplement. Mario Cerkez nous a dit à ce moment-là que,
22 s'agissant de notre sécurité il n'y avait aucun problème, que le HVO
23 allait garantir notre sécurité.
24 Ils sont repartis, et un peu plus tard deux policiers sont
25 arrivés. Je crois que l'un des deux était Zlatko Nakic, leur commandant.
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1 Il y avait aussi un autre membre de la police militaire du HVO avec lui.
2 Ils ont pris des renseignements sur notre compte, ils ont inscrit où nous
3 travaillions, où nous étions nés. Ils nous ont demandé si nous étions
4 allés à l’armée, ce genre de choses. Nakic inscrivait les données sur un
5 papier pour un certain groupe d'hommes, et Jurcevic, le policier, pour un
6 autre groupe d'hommes. Nous nous demandions pourquoi ce n'était pas le
7 même qui enregistrait tout le monde. Nous l'avons appris rapidement parce
8 que les hommes inscrits par Jurcevic sont rentrés chez eux le jour-même et
9 ceux enregistrés par Nakic sont restés sur place. D'autres m'ont dit que
10 les hommes qui étaient restés sur place ont été transférés au camp de
11 Busovaca.
12 Plus tard, au moment de notre remise en liberté, ils nous ont
13 emmenés dans un bureau. Il y avait là quelqu'un, je ne sais pas exactement
14 qui, mais c'était un membre de la Croix-Rouge, et Jozic, je sais qu'il
15 travaillait à l'usine SPS. Ils nous ont demandé où nous voulions aller, si
16 nous voulions aller chez nous à Zenica ou à Travnik. Nous avions tous
17 envie d'aller à la maison. Donc, je n'ai pas été le seul, nous avons tous
18 dit que nous voulions rentrer chez nous et on nous a remis en liberté ce
19 soir-là. Bien entendu, nous sommes rentrés chez nous et les autres sont
20 restés.
21 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, y avait-il des
22 différences entre les gens qui ont été remis en liberté et ceux qui ont
23 été gardés sur place et transférés dans la prison de Busovaca ?
24 M. Pezer (interprétation). - Plus tard nous nous sommes rendu
25 compte de ce qui s'était passé. Tous ceux qui avaient un rapport avec
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1 l'armée de Bosnie-Herzégovine, ainsi que les intellectuels, des gens qui
2 étaient membres du parti SDA, ont été gardés sur place. Ceux qui n'avaient
3 aucun rapport avec quoi que ce soit de ce genre ont pu rentrer chez eux.
4 M. Kehoe (interprétation). - Après votre remise en liberté, vous
5 êtes rentré chez vous, mais avant cela avez-vous reçu des instructions
6 quant au fait que vous étiez autorisé à quitter votre appartement ou pas,
7 à circuler librement ou pas ?
8 M. Pezer (interprétation). - Ce n'étaient que des conseils. Je
9 vais vous dire, s'agissant de la circulation c'étaient simplement des
10 conseils. On nous a conseillé d’aller nulle part, de rester chez nous.
11 Pour ce qui concerne mon appartement, et pas seulement le mien,
12 mais tous les appartements du bâtiment dans lequel j'habitais, le premier
13 jour, le 16 avril, nous avons reçu l'ordre de ne pas fermer à clef nos
14 appartements. On nous a dit que nos appartements devaient toujours restés
15 ouverts au cas où, par exemple, ils souhaiteraient venir les fouiller. Il
16 fallait qu'ils puissent y entrer normalement.
17 Il y a une chose que j'ai oublié de dire, j'étais chasseur. Je
18 possédais un fusil de chasse, tout à fait normalement. J'avais une
19 carabine 858 et un revolver 762. Mon appartement a été fouillé 88 fois, ce
20 qui est un peu étonnant pour quinze jours, mais c’est ainsi. Ma femme ne
21 voulait pas rendre mes armes. Malgré l’avis du HVO, selon lequel tous les
22 Musulmans étaient tenus de restituer leurs armes, indépendamment du fait
23 qu'ils aient ou pas un permis de port d'armes, elle ne souhaitait pas
24 restituer ces armes.
25 Mais un jour, elle les a rendues à Slatko Ruzic qui était un de
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1 mes voisins. Treize ou quatorze jours plus tard, un membre de la police
2 militaire du HVO m'a appelé. Il m'a dit qu'il irait dans l'appartement
3 avec ma femme et qu'il ferait en sorte que l'on ne m'ennuie plus, que l'on
4 ne fouille plus mon appartement, parce qu’il prendrait mon revolver et que
5 cela s’arrêterait. Et c'est ce qui s'est passé : à partir de ce jour-là,
6 on n'a plus fouillé mon appartement
7 M. Kehoe (interprétation). - Après que vous êtes rentrés chez
8 vous, le HVO vous a-t-il laissés tranquilles, vous et votre famille, ou
9 bien est-ce que les problèmes ont continué ?
10 M. Pezer (interprétation). - Je n'ai pas eu de problème : je
11 n'en ai eu que le premier jour, mais, le lendemain, ils sont venus
12 simplement comme cela. Ils ont marché dans l'appartement ; ils ont sans
13 doute vu qu'il n'y avait plus rien à emporter puisque tout avait été
14 emporté le premier jour du conflit. Il y avait pas mal d'objets en or
15 parce que ma femme en avait pas mal ; et puis, j'ai des filles : elles
16 avaient reçu des bijoux en cadeau. Il y avait quelques petits objets qui
17 avaient été emportés, notamment le magnétoscope et mes jumelles de chasse.
18 Le 3 mai, dans l'après-midi, je crois, Ibro Gadjun est venu dans
19 mon appartement. C'est quelqu'un qui avait été emprisonné avec moi, dans
20 la salle de cinéma. Il m'a dit que je devais aller là-bas me faire
21 connaître parce qu'on m'attendait. J'ai demandé où.
22 M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.
23 Vous avez dit qu'ils avaient emporté des objets de votre appartement et
24 qu'ils vous ont demandé de vous faire connaître quelque part à Vitez.
25 Quand vous dites "ils", à qui pensez-vous ?
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1 M. Pezer (interprétation). - Aux membres de la police militaire
2 du HVO. Je ne sais pas s'il faut que je le dise chaque fois, mais tout ce
3 que je suis en train de raconter concerne les membres du HVO. Ce sont ces
4 hommes qui tenaient tout dans leurs mains.
5 Alors, j'ai demandé à Gadjun pourquoi on m'appelait. Il m'a
6 dit : "Je ne sais pas". Je lui ai demandé de dire pourquoi je devais aller
7 là-bas pour que je sache comment m'habiller ; c'était déjà la fin de
8 l'après-midi. Il a refusé de me répondre, mais je suis parti avec lui tout
9 de suite et je suis allé dans une petite maison de Kolonija. C'était, à
10 une certaine époque, les bureaux de la communauté locale. Là, une
11 camionnette nous attendait ; j'y ai retrouvé sept ou huit hommes, des
12 Musulmans qui attendaient déjà sur place et qui ne savaient pas non plus
13 pourquoi nous étions arrivés jusque là ni où l'on allait nous emmener. A
14 ce moment-là, un soldat nous a donné l'ordre de pénétrer dans la
15 camionnette ; il n'a pas voulu nous dire où l'on nous emmenait. Mais,
16 lorsque nous étions dans la camionnette, j'ai vu dans quelle direction
17 nous allions ; j'ai dit aux autres que nous allions soit à Nadioci, soit à
18 Krizancevo Selo.
19 En fait, on nous a emmenés creuser des tranchées à
20 Krizancevo Selo, pas loin de Tolovici. Et, le soir, on nous a installés
21 dans une maison, une résidence secondaire de quelqu'un qui avait sans
22 doute cette maison pour les week-ends. Nous nous sommes un peu reposés et
23 on nous a dit qu'on allait creuser des tranchées, mais à un endroit qui
24 n'était pas dangereux, où nous ne serions pas en danger des coups de feu
25 de l'armée. Quand je dis "danger", je dis que nous ne risquions pas d'être
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1 la cible d'un coup de feu, par exemple. Au bout de quelque temps, on nous
2 a dit qu'on allait nous emmener en première ligne. On nous a divisés en
3 petits groupes. Rifet Kajmak, un voisin à moi, et moi-même sommes restés
4 au même endroit quelque temps : nous avons creusé je ne sais pas pendant
5 combien de temps, mais un orage se préparait . La pluie a alors commencé à
6 tomber et un soldat du HVO est arrivé. Il nous a dit : "Venez ; nous
7 allons nous abriter le temps que dure l'orage. Ensuite, nous
8 recommencerons à creuser". Nous nous sommes donc retournés dans ces
9 petites maisons de week-end qui se trouvaient dans une petite vallée. La
10 pluie est tombée toute la nuit ; nous n'avons donc plus creusé pendant la
11 nuit. Le matin, à 8 heures, la camionnette est venue nous chercher et nous
12 sommes rentrés chez nous. Ou plutôt, nous sommes rentrés dans cette maison
13 de Kolonija, cette petite maisonnette dans laquelle se trouvaient
14 auparavant les bureaux de la communauté locale. De là, nous sommes partis
15 chez nous. Et puis, le soir, vers 10 heures, 10 heures 30 —je ne sais pas
16 à la minute près à quelle heure cela s'est passé— des membres du HVO sont
17 venus chez moi.
18 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Pezer, avant que nous ne
19 passions à cet incident, pouvons-nous préciser quelques éléments au sujet
20 du moment où vous avez été emmenés pour creuser des tranchées ? Sur le
21 chevalet, sur cette pièce à conviction n° 45, la carte, pouvez-vous nous
22 montrer à partir de quel endroit le HVO vous a emmenés en camionnette
23 jusqu'à l'endroit où vous avez creusé les tranchées.
24 M. Pezer (interprétation). - Sur cette photo, je ne peux pas
25 vous montrer cet endroit. Il ne figure pas ; je ne peux pas vous le
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1 montrer. Il n'est pas sur cette photo.
2 Je peux vous montrer le bâtiment où l'on nous a amenés, mais je
3 ne peux pas vous montrer l'endroit où nous avons creusé les tranchées : il
4 ne figure pas sur cette photo.
5 M. Kehoe (interprétation). - La question que je vous posais
6 concernait le bâtiment où l'on vous a amenés ; ensuite, on vous a emmenés
7 creuser les tranchées. Où se situe ce bâtiment ?
8 M. Pezer (interprétation). - (Le témoin pointe sur le bâtiment.)
9 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez pointé un endroit proche
10 d'un petit bois, près du centre de Vitez.
11 M. Pezer (interprétation). - Près du centre de Vitez, mais c'est
12 un peu sombre : on voit mal sur la photo. Il y a de grands peupliers qui
13 se trouvent là et; sans doute, il n'y avait pas beaucoup de lumière au
14 moment où la photo a été prise. Il y a des petites maisons à cet endroit-
15 là.
16 M. Kehoe (interprétation). - Restez sur place un instant.
17 Avec l'aide de l'Huissier, je demanderai que la carte —qui
18 constitue la pièce à conviction n° 29— soit montrée au témoin.
19 Monsieur Pezer,. est-ce que vous reconnaissez cette région ?
20 Est-ce que vous pourriez nous indiquer l'endroit où vous avez été emmené
21 pour creuser les tranchées ?
22 M. Pezer (interprétation). - Je vais essayer.
23 M. Kehoe (interprétation). - Vous indiquez un endroit sur la
24 carte. Est-ce que c'est la région de Tolovici que vous indiquez ?
25 M. Pezer (interprétation). - Oui.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur. Vous pouvez vous
2 rasseoir.
3 Est-ce que c'est bien là que vous avez été emmené pour y creuser
4 des tranchées ?
5 M. Pezer (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation). - Combien d'hommes y avait-il avec
7 vous, qui creusaient des tranchées, ce soir-là ?
8 M. Pezer (interprétation). - Huit à dix hommes, à peu près.
9 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré —et je vous ai
10 interrompu au moment où vous commenciez à en parler— que des soldats du
11 HVO, ce soir-là, sont venus à votre domicile vers 10 heures, 10 heures et
12 demie. Est-ce exact ?
13 M. Pezer (interprétation). - Oui. Ce soir-là, on devait être le
14 4 mai. Vers 10 heures, 10 heures 30, les enfants jouaient dans l'escalier
15 et il y avait parmi eux ma fille cadette. Elle est revenue en courant dans
16 l'appartement et m’a dit : "Papa, ils arrivent !".
17 Peu de temps après cela, ils sont arrivés à ma porte. Ils m'ont
18 demandé si j'étais bien Pezer. J'ai répondu que oui. Ils ont insulté ma
19 mère et ils ont dit que je me souviendrais de tout ce que j'ai dit. Je
20 leur ai dit : "Mais qu'est-ce que j'ai dit ? Dites-moi !". Un des soldats
21 m'a frappé menton et il m'a demandé combien de temps il me fallait pour me
22 préparer. J'ai compris qu'ils étaient à ma recherche, alors j'ai dit :
23 "Vous me cherchez ", et ils m’ont dit : "Non, pas seulement vous, mais
24 vous et les membres de votre famille". Il m'a alors dit : "Vous avez
25 quinze minutes pour vous préparer".
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1 Il est allé au quatrième étage et en moins de cinq minutes il
2 était de retour à la porte. Il m’a demandé si nous étions prêts. J'étais
3 censé emporter certaines choses, des vêtements par exemple, que ma femme
4 avait déjà préparés. En effet, nous nous attendions à leur venue à un
5 moment quelconque, nous nous attendions à être expulsés, à devoir prendre
6 la fuite, alors j'ai dit à ma femme : "Emportons au moins la valise avec
7 les vêtements de nos enfants". Un des membres du HVO a tendu la main comme
8 cela et nous a dit : "Ne touchez à rien, laissez tout en l'état et donnez-
9 moi les clefs de votre appartement". Alors moi, j'ai dit : "Un instant,
10 Monsieur !". Dès que je lui ai demandé d'attendre, il a placé son fusil
11 sous mon menton. Je n'ai pas dit un mot et je lui ai donné les clefs de
12 l'appartement.
13 Nous sommes sortis. Nous étions à ce moment-là devant le
14 bâtiment et là j'ai vu un homme de la police militaire du HVO. Je le
15 connaissais bien et je croyais que nous avions des rapports cordiaux. Je
16 lui ai demandé : "Dragan, que se passe-t-il ? ". Il s'est contenté de
17 hausser les épaules et de dire : "Je ne sais pas". Il s'agissait de
18 Dragan Calic, membre de la police militaire.
19 Il y avait une camionnette rouge qui attendait devant la porte.
20 Je sais qu'elle était la propriété d’un Croate, Mosunj, je ne connaissais
21 pas le nom de cet homme. Ma femme, ma fille cadette et moi-même sommes
22 montés dans la camionnette. Ils se sont alors rendus à l'autre maison et
23 ils ont fait sortir Enesa Patkovic de cette autre maison, ainsi qu'un
24 homme et une autre femme. Je crois que c'était un couple de personnes
25 âgées, des réfugiés de Olovo.
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1 Nous sommes donc montés dans cette camionnette qui s'est mise en
2 route et est parvenue au carrefour de la route qui menait à Zenica. C'est
3 là que se trouvait le point de contrôle du HVO. Il nous a littéralement
4 jetés hors de la camionnette. De nouveau, il a insulté nos mères et il
5 nous a dit qu'il nous fallait aller à Zenica. Il tombait des cordes ce
6 soir là.
7 Nous nous sommes mis en route sous la pluie en direction de
8 Vjetrenice et c’est à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte que
9 nous nous trouvions dans un territoire qui était sous le contrôle de
10 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Nous avons donc passé cette nuit-là à
11 Zenica et le lendemain.
12 Le 5 mai, je me suis rendu auprès de la Croix-Rouge pour me
13 plaindre. Les gens de la Croix-Rouge ont dit que ce n'était pas possible,
14 que ce n'était pas vrai. Pourtant je leur ai fait part de tout ce qui
15 m’était arrivé, tout comme je le fais maintenant devant vous.
16 Je suis allé voir mon beau-frère. Nous sommes allés chez lui
17 pour pouvoir appeler Krizanac à Vitez et l'autre que je viens de citer,
18 Jozic. Je voulais leur demander ce qui se passait et pourquoi tout cela se
19 passait. Ils m'ont répondu que ce qui m'arrivait n'était pas du tout ce
20 qui se passait exactement, qu'ils tiraient sur les personnes qui
21 harcelaient les Musulmans et que je devais aussitôt rentrer à Vitez. Il
22 est certain que je n'ai pas cru un seul mot de ce qu'ils me disaient.
23 Le lendemain je suis retourné à la Croix-Rouge et, devant la
24 Croix-Rouge, j'ai vu des personnes qui avaient aussi été expulsées de
25 Vitez dans la soirée du 5 mai. Je leur ai parlé de la conversation que
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1 j'avais eue avec Jozic et Krizanac et ils m'ont dit que ce soir là, le
2 5 mai, quelques cent familles avaient été expulsées de Vitez et que tous
3 les bâtiments de Banjolucanka avaient fait l'objet d'expulsions. Quelques
4 cent familles avait été évincées de leurs logements. J'ai vu quelques-unes
5 des personnes qui avaient subi ce sort, je ne sais pas s'il y avait une
6 centaine de personnes exactement, mais c'est ce que ces gens m'ont dit. Je
7 n'ai même pas envisagé la possibilité de rentrer à Vitez, je n'aurais pas
8 osé.
9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur l'Huissier, pourrait-il
10 nous aider à revenir à la photographie que nous avions sous la carte ?
11 Pourrait-on enlever la carte ?
12 Monsieur Pezer, je vais vous demander une fois de plus de
13 revenir à cette photographie aérienne. Vous avez dit qu'une centaine de
14 familles avaient été expulsées de divers logements à Zenica, le 5 mai.
15 Pourriez-vous nous montrer les bâtiments que vous venez de mentionner ? Il
16 y en avait trois, je pense.
17 M. Pezer (interprétation). - Voilà Vitezanka.
18 M. Kehoe (interprétation). - Donc, c’est un bâtiment que vous
19 nous indiquez là.
20 M. Pezer (interprétation). - C’est le dernier que j'avais cité
21 effectivement. Banjolucanka....
22 M. Kehoe (interprétation). - C’est le suivant. Et Inogorka (?) ?
23 M. Pezer (interprétation). - Oui, ils sont en ligne droite là.
24 M. Kehoe (interprétation). - En fin de procès-verbal, nous
25 étions en train d'utiliser la pièce d’accusation 45. Vous avez déclaré
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1 précédemment, dans le cadre votre déposition, que vous vous attendiez à
2 devoir prendre la fuite et que vous aviez déjà fait quelques préparatifs.
3 Vous vous souvenez avoir dit cela il y a quelques instants, n'est-ce pas ?
4 M. Pezer (interprétation). - Il était manifeste qu'il faudrait
5 partir tôt ou tard. J'ai donc conseillé à ma femme... En fait, je lui
6 avais dit auparavant qu'elle devrait partir avec la petite et me laisser
7 sur place, mais elle avait refusé de le faire. Trois ou quatre familles
8 avaient déjà été expulsées et j'avais suggéré à ma femme de préparer
9 surtout les vêtements des enfants.
10 J'ai dit aussi à ma femme que si elle en avait l'occasion, elle
11 devrait partir. Elle ne voulait pas partir et moi je n'ai pas pensé que je
12 devrais partir, car même quand on m'a remis en liberté, on m'a demandé où
13 j'allais aller et j'ai dit que j'allais rentrer chez moi, dans mon
14 appartement. Pourtant le 4 mai, dans la soirée, ils m'ont forcé à quitter
15 mon appartement et ils ne m’ont pas permis d’emporter quoi que ce soit.
16 M. Kehoe (interprétation). - Les autres occupants de l'immeuble
17 où vous habitiez, ont-ils été forcés de partir avant ou après vous ?
18 M. Pezer (interprétation). - J’ai été le premier forcé de
19 quitter l'immeuble. Vers la mi-mai, les autres Musulmans qui habitaient
20 l’immeuble, ont été expulsés également. Tous les Musulmans habitant dans
21 l'immeuble ont dû le quitter. Ce fut mon cas le 4 mai et ce fut le cas des
22 autres par la suite.
23 M. Kehoe (interprétation). - Comment savez vous qu'ils ont été
24 expulsés, les avez-vous vus à Zenica ?
25 M. Pezer (interprétation). - On se voyait à Zenica, on se
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1 parlait, c'était normal. Il était normal que l'on se demande ce qui se
2 passait. J'ai passé un certain temps avec ces gens, certains d'entre eux
3 avaient été expulsés un peu comme nous l'avions été. Mais je ne sais pas
4 comment m'exprimer... D'autres ont été emmenés en première ligne de front
5 par les soldats du HVO qui ont dit : "Ne tirez pas !" et c'est ainsi que
6 ces gens ont pu traverser la ligne de front et arriver à Zenica ou
7 Travnik.
8 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez parlé de certains biens
9 que vous aviez laissés derrière vous dans votre appartement. Avez-vous
10 récupéré l’un quelconque de ces biens ?
11 M. Pezer (interprétation). - Jamais.
12 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu’à l'époque vous aviez une
13 voiture ?
14 M. Pezer (interprétation). - Oui, elle se trouvait dans le
15 garage, vous savez, dans ce complexe de garages qu'il y avait près du
16 stade. Le 4 mai, la voiture était toujours dans le garage. En effet, j'ai
17 vu des enfants aux alentours ; je les ai appelés, je leur ai dit de venir
18 voir sous ma fenêtre et je leur ai demandé si ma voiture était toujours
19 là. Ils ont dit que oui. Je leur ai donné 2000 dinars et je leur ai dit :
20 "Fermez la porte du garage".
21 Je pensais que ce serait une bonne chose de garder la voiture,
22 mais j'ai été expulsé. Donc j'ai tout perdu, tous mes biens personnels et
23 aussi la voiture bien sûr. Et la maison de week-end que j'avais a été
24 brûlée.
25 M. Kehoe (interprétation). - Tout a donc disparu ?
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1 M. Pezer (interprétation). - Tout.
2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
3 les Juges, nous n'avons plus de questions à poser à ce témoin.
4 M. le Président. - Merci, Monsieur le Procureur. Maître Hayman,
5 Maître Nobilo ?
6 M. Hayman (interprétation). - Nous n'avons pas beaucoup de
7 questions à poser à ce témoin, Monsieur le Président, mais nous avons deux
8 options.
9 Si Me Nobilo et moi-même pouvons poser des questions, nous
10 pouvons intervenir immédiatement. S'il nous faut discuter pour que l'un
11 d'entre nous puisse mener l'ensemble du contre-interrogatoire, il nous
12 faudra un petit répit d’une dizaine, une quinzaine de minutes, pas grand-
13 chose, mais il nous faut un certain temps, sinon il n'est pas vraiment
14 possible d'associer nos questions pour qu'une seule personne les pose.
15 M. le Président. - Le Tribunal a pris une décision et il ne va
16 pas revenir sur la décision qui a été prise. Je me tourne vers mes
17 collègues. J'avais précisé cela. Je comprends que cela ait pu vous
18 surprendre. Voulez-vous dix minutes pour vous mettre d'accord avec votre
19 confrère ?
20 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être
21 quinze. En effet, nous ne savions pas qui serait le témoin et il nous faut
22 un certain temps pour nos consultations.
23 M. le Président. - A partir de maintenant, vous connaissez la
24 majorité des témoins qui seront cités par le Procureur. Il faut donc que
25 vous sachiez que pour votre défense ce sera l'un où l'autre.
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1 Je vous propose de reprendre à 17 heures 15 pour vingt minutes
2 environ.
3 L’audience, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 20.
4 M. le Président. - L'audience est reprise. Maître Nobilo ou
5 Maître Hayman ?
6 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie,
7 Monsieur le Président.
8 Monsieur Pezer, c'est la position de votre bâtiment qui
9 m'intéresse au vu des lignes de front entre Stari Vitez et Vitez. Ou, pour
10 formuler la question de façon différente, lorsque vous avez été libérés du
11 cinéma et lorsque vous êtes rentrés chez vous, dans votre appartement, où
12 se trouvaient les positions du HVO par rapport à votre bâtiment qui fait
13 face à Stari Vitez ?
14 M. Pezer (interprétation). - Tout d'abord, mon immeuble, tout
15 mon immeuble se trouvait là. Il n'y avait pas du tout de tranchées ; c'est
16 là que se trouvait la ligne de front. Il y avait une maison qui
17 appartenait a des particuliers, près du bâtiment et près du marché. Ces
18 forces se trouvaient donc autour de l'immeuble et du marché. L'immeuble se
19 trouvait entre les mains du HVO.
20 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on en conclure que cet
21 immeuble se trouvait sur la ligne de front ?
22 M. Pezer (interprétation). - Je ne sais pas ce qu'il en a été
23 par la suite.
24 M. Nobilo (interprétation). - Mais, lorsque vous êtes arrivé, à
25 ce moment-là ?
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1 M. Pezer (interprétation). - Elle était aux environs de cet
2 endroit-là.
3 M. Nobilo (interprétation). - Où se trouvait l'armée de la
4 Bosnie-Herzégovine à Stari Vitez, par rapport à la situation de votre
5 immeuble ? Où se trouvaient les points principaux de cette armée quand
6 vous êtes rentré du cinéma ?
7 M. Pezer (interprétation). - Quand j'ai été relâché du cinéma,
8 je suis resté dans mon appartement pendant trois ou quatre jours. Je n'ai
9 vu personne dans Stari Vitez, dans cette partie musulmane de la ville.
10 M. Nobilo (interprétation). - Ce jour-là, le matin, quand vous
11 observiez les soldats, vous avez déclaré que l'un d'entre eux portait une
12 blessure au visage, que son visage saignait. Avez-vous vu des tirs à Stari
13 Vitez ?
14 M. Pezer (interprétation). - Oui, il y a eu des tirs, mais que
15 cela provienne de Stari Vitez ou de soldats du HVO, je ne suis pas à même
16 de le préciser. Je peux simplement dire que je n'ai vu personne de
17 Stari Vitez, ce matin-là ; je n'ai aperçu que des membres du HVO.
18 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, Monsieur, ce matin-là,
19 vous avez reconnu deux soldats, n'est-ce pas ? Et vous avez donné leur
20 nom. A quelle unité appartenaient-ils ? Je pense qu'ils appartenaient au
21 HVO, mais à quelle unité ?
22 M. Pezer (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais pas
23 qu'elle était l'organisation du HVO, car je ne suis pas soldat. Jusqu'au
24 1er juin, à peu près, je ne savais rien. Pour moi, ils étaient tous
25 membres du HVO ; ils étaient subordonnés à un seul commandement pour
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1 autant que je m'y connaisse sur ce sujet. Il y avait un point de
2 commandement dans un hôtel et différents commandants. Je ne sais pas
3 exactement quelle était la subdivision hiérarchique de ces unités.
4 M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous qu'ils étaient
5 regroupés sous un commandement unique ?
6 M. Pezer (interprétation). - Je l'ai vu : je vis là. Le
7 commandement se trouvait à l'hôtel.
8 M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous qu'ils
9 obéissaient à ce commandant ?
10 M. Pezer (interprétation). - Je ne sais pas. C'est à M. Blaskic
11 qu'il faut poser cette question.
12 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous nous avez dit que les
13 Vitezovi sont venus au snack, comment avez-vous fait la différence entre
14 les soldats du HVO et les autres ?
15 M. Pezer (interprétation). - Je ne pouvais pas établir de
16 distinction entre tous ces soldats ; pour moi, ils étaient tous membres du
17 HVO. C'est ma femme qui m'a dit cela ; elle m'a dit qu'il s'agissait de
18 Vitezovi, l'armée de Darko Kraljevic ; ce même Darko Kraljevic était sous
19 le contrôle de Blaskic, pour autant que j'ai des informations sur ces
20 éléments.
21 Ils portaient également des insignes qui indiquaient Vitezovi.
22 Outre les insignes du HVO, ils portaient un insigne qui indiquait
23 Vitezovi.
24 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que vous n'aviez
25 pas pris part à des activités militaires ou politiques. Comment saviez-
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1 vous que Darko Kraljevic se trouvait sous le commandement de Blaskic ?
2 M. Pezer (interprétation). - Monsieur, je vivais à Vitez.
3 M. Nobilo (interprétation). - Mais comment le saviez-vous ?
4 M. Pezer (interprétation). - Nous nous parlions. J'en ai entendu
5 parler ; je vis là-bas avec d'autres personnes, à Vitez. Nous discutions
6 beaucoup de ces sujets. Et ils disaient : "Voilà, c'est l'armée de Darko"
7 ou quelque chose de ce genre. Mais ils portaient également des insignes du
8 HVO.
9 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande qui vous a dit que
10 Darko Kraljevic se trouvait sous le contrôle de Sefkija Blaskic ?
11 M. Pezer (interprétation). - Quelqu'un me l'a dit.
12 M. le Président. - Poursuivez. Passez à d'autres questions.
13 M. Nobilo (interprétation). - J'essaie d'obtenir une réponse plus précise.
14 Monsieur, au début de votre déposition, vous avez déclaré que vous
15 pensiez qu'il allait y avoir un conflit qui opposerait l'armée de Bosnie-
16 Herzégovine et le HVO., mais que les problèmes entre Croates et Musulmans
17 trouveraient une solution. Pourquoi pensiez-vous qu'un conflit allait
18 éclater entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et les forces du HVO ? D'après
19 vous, quels étaient les problèmes qui ont surgi entre ces deux armées ?
20 M. Pezer (interprétation). - Avant le 16 avril 1993, avant que
21 la guerre n'éclate, il y avait toujours eu des rencontres ; on en parlait
22 à la télévision, à la radio. Mais moi, j'éteignais le plus souvent, car
23 ils diffusaient de fausses informations : ils disaient qu'ils se
24 retrouvaient dans un endroit, dans un autre. Je disais que je n'étais pas
25 intéressé par les activités de l'armée. Et cela a été le cas jusqu'au tout
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1 dernier jour, jusqu'au 15 avril : au cours de l'après-midi du 15 avril, à
2 15 heures, je suis revenu de l'usine. Cela prouve bien que je ne
3 m'intéressais en aucun cas aux activités militaires ou politiques. Je vous
4 dis ce que j'ai entendu : s'il y avait eu un incident, à Zenica ou à
5 Travnik, tout cela se savait à Vitez. Quelque temps plus tard, le HVO
6 établissait des barrages de route. J'en ai été le témoin oculaire : il y
7 avait des barrages de route et dès qu'un véhicule musulman arrivait, il
8 était confisqué. Et pourtant ces voitures appartenaient à des civils. J'ai
9 toujours pensé qu'on n'allait pas toucher aux civils, j'ai toujours pensé
10 que les problèmes qui existaient entre ces deux armées trouveraient une
11 solution, un jour ou l'autre. Mais cela n'a pas été le cas.
12 M. Nobilo (interprétation). - Outre ce que vous avez déposé
13 devant le Tribunal, aujourd'hui, savez-vous quoi que ce soit d'autre sur
14 les Vitezovi ou sur l'armée de Darko Kraljevic, comme vous l'avez dit.
15 M. Pezer (interprétation). - Non, je ne sais rien d'autre.
16 M. Nobilo (interprétation). - Portaient-ils des uniformes
17 différents de ceux portés par les membres du HVO ?
18 M. Pezer (interprétation). - Il y avait toutes sortes
19 d'uniformes : il y avait aussi le HOS et le HVO, il y avait des uniformes
20 de camouflage, des uniformes noirs. Pour autant que je sache, 90 % des
21 personnes en uniforme portaient des insignes du HVO.
22 M. Nobilo (interprétation). - Le 15 avril, dans votre
23 établissement, au début de la soirée, il y avait tout un attroupement.
24 S'agissait-il seulement de Croates et de Musulmans ?
25 M. Pezer (interprétation). - Je ne sais pas qui étaient ces
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1 personnes : c'étaient des inconnus.
2 M. Nobilo (interprétation). - Outre les postes de contrôle en
3 direction de Zenica, en direction de Vjetrenice, est-ce que les individus
4 étaient libres d'entrer à Zenica ?
5 M. Pezer (interprétation). - Je ne sais pas.
6 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez parlé du poste de
7 télévision que vous éteigniez le plus souvent. Avez-vous jamais vu Blaskic
8 à la télévision ?
9 M. Pezer (interprétation). - Oui.
10 M. Nobilo (interprétation). - Disait-il quoi que ce soit ?
11 M. Pezer (interprétation). - Oui, absolument. Un jour, je regardais la
12 télévision ; c'était un débat où il y avait M. Blaskic et M. Merdan.
13 M. Nobilo (interprétation). - Qu'a dit M. Blaskic à cette occasion ?
14 M. Pezer (interprétation). - Il me semble que c'était en 1992. Il n'y avait
15 pas encore de problèmes majeurs en ce qui concerne les rapports entre
16 l'armée et le HVO, du moins d'après moi. C'était un débat télévisé. Et
17 les téléspectateurs pouvaient poser des questions directement. Moi-même,
18 j'ai posé une question. J'ai demandé à M. Merdan une
19 question à laquelle il a répondu ; je me demandais ce qui était le plus
20 important —je ne me souciais peu de la guerre—, ce qui était le plus
21 important entre le travail ou la mobilisation. Moi, j'étais tout à fait
22 prêt à travailler, mais je ne voulais pas être mobilisé. C'est la question
23 que j'ai posée : je l'ai donc vu à la télévision locale et c'est la seule
24 fois que je l'ai vu. L'émission a duré une demi-heure, au plus.
25 M. Nobilo (interprétation). - Quel jugement portez-vous sur ce
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1 qu'a dit M. Blaskic à ce moment-là ? A-t-il adopté un ton de conciliation
2 ou belliqueux ?
3 M. Pezer (interprétation). - Plutôt conciliatoire ; Mais,
4 rappelez-vous : c'était en 1992. Vous savez, sans doute, quelle était la
5 situation qui prévalait en 992.
6 M. Nobilo (interprétation). - D'après vous, quelle était la
7 situation en 1992 ? Qu'en pensez-vous ?
8 M. Pezer (interprétation). - Je suis un citoyen ordinaire ;
9 selon moi, il n'y avait pas de problèmes majeurs à cette époque.
10 M. Nobilo (interprétation). - Outre cette apparition de Blaskic à la
11 télévision, accompagné de Merdan, l'avez-vous jamais entendu ailleurs ?
12 M. Pezer (interprétation). - Non.
13 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que ce n'est que
14 plus tard que vous avez entendu dire ce qui s'était produit à Zenica, le
15 15 avril 1993.
16 M. Pezer (interprétation). - J'ai entendu dire que Zenica était entièrement
17 bloqué. Apparemment, le commandant du HVO à Zenica a été arrêté, détenu ;
18 je ne sais pas qui c'était, mais j'en ai entendu parler, car ma fille
19 allait à l'école à Zenica. Normalement, au cours des week- ends, elle
20 rentrait à la maison. Ce jour-là, l'école a été fermée et elle n'a pas pu
21 revenir à la maison, car la route était barrée. Je ne sais pas quelle était
22 la raison de ce barrage. Quelqu'un a-t-il été tué ? Je n'en sais rien.
23 M. Nobilo (interprétation). - Votre fille vous a-t-elle dit par
24 qui Zenica était barrée ?
25 M. Pezer (interprétation). - Elle m'a dit qu'on ne pouvait pas
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1 aller de Zenica à Vitez. C'est ce qu'elle m'a dit au téléphone ; j'ai
2 répondu que ce n'était pas grave, qu'elle reste là-bas, que les choses
3 allaient s'arranger : des situations semblables s'étaient produites
4 auparavant.
5 M. Nobilo (interprétation). - A quelle date votre fille vous a-
6 t-elle dit que la route de Zenica était barrée et qu'elle ne pouvait
7 sortir de la ville ?
8 M. Pezer (interprétation). - Le 14 ou le 15. Sûrement, le 15 au
9 soir, quand nous sommes rentrés à la maison. Mais ils ont dit que Zenica
10 était bloquée ; je ne sais pas si c'était vrai, c'est ce qu'on a dit.
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que vous ne saviez pas
12 à quel corps appartenaient les soldats qui pillaient les maisons.
13 M. Pezer (interprétation). - J'ai dit que je pensais qu'ils
14 appartenaient au HVO ; il me semble que cela suffit comme réponse.
15 M. Nobilo (interprétation). - Mais vous avez déclaré que vous ne
16 saviez pas à quel unité ils appartenaient.
17 M. Pezer (interprétation). - Je pense que c'était au HVO.
18 M. Nobilo (interprétation). - Mais avez-vous fait d'autres
19 dépositions concernant ces événements à Vitez ? Je ne parle pas
20 d'aujourd'hui, mais avez-vous fait d'autres déclarations ?
21 M. Pezer (interprétation). - Oui.
22 M. Nobilo (interprétation). - Combien de déclarations, devant
23 qui, quand et où ?
24 M. Pezer (interprétation). - Combien de fois j'ai fait des déclarations ?
25 Peut-être deux fois . Quand ? l'année dernière ou l'année prédédente.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Devant qui avez-vous fait ces déclarations ?
2 M. Pezer (interprétation). - A ces gens-là ; je pense qu'ils
3 appartenaient au Tribunal, des gens qui faisaient des enquêtes sur les
4 crimes de guerre.
5 M. Nobilo (interprétation). - Et où ?
6 M. Pezer (interprétation). - A Zernica.
7 M. Nobilo (interprétation). - Dans quel bâtiment ?
8 M. Nobilo (interprétation). - Au Tsarina.
9 M. Nobilo (interprétation). - Vous savez où se trouve le Tsarina ?
10 M. Pezer (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que, le
12 10 septembre 1995, vous avez fait une déclaration ?
13 M. Pezer (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
14 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que vous avez alors
15 déclaré, concernant les personnes qui ont mis le feu aux maisons des deux
16 Varupa, que Jako et Nikola Krizanac étaient membres des Vitezovi et que
17 ces deux hommes portaient des uniformes noirs ? Avez-vous déclaré cela le
18 10 septembre ?
19 M. Pezer (interprétation). - Peut-être que oui, peut-être que
20 non. Je n'ai pas l'impression que cela soit vraiment important : ce qui
21 est important, c'est que ce matin-là, ils avaient lancé des activités et
22 que je sais que ce sont des membres du HVO.
23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur, vous ne parlez pas
24 anglais, n'est-ce pas ? Est-ce que vous reconnaissez votre signature ?
25 Monsieur le Président, puis-je montrer la déclaration qui a été faite
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1 précédemment par le témoin, déclaration dans laquelle il déclare un certain
2 nombre de choses, afin qu'ils reconnaisse sa signature ?
3 M. le Président. - Quand vous vous entretenez avec votre
4 confrère, fermez votre micro.
5 (L'Huissier transmet la déclaration donnée par Me Nobilo au témoin.)
6 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur, avez-vous signé ce document ?
7 M. Pezer (interprétation). - Comment savoir avant d'avoir lu le
8 contenu du document ? Oui, cela ressemble à ma signature.
9 M. Nobilo (interprétation). - Je l'ai lu à haute voix, il y a quelques
10 instants. Je vous demande si, oui ou non, vous avez déclaré cela ?
11 M. Pezer (interprétation). - Si j'ai dit quoi, Monsieur Nobilo ?
12 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous dit que les deux
13 Krizanac appartenaient aux forces des Vitezovi et avez-vous dit qu'ils
14 portaient des uniformes noirs ? Avez-vous dit cela en cette occasion ?
15 M. Pezer (interprétation). - Je vous dis et je vous répète, et
16 je vous répète devant tout le Tribunal : pour moi, toutes ces personnes
17 sont membres du HVO. Vitezovi ou autres, à qui appartiennent-ils ? Je n'en
18 sais rien. Pour moi, c'était le HVO ; ils en portaient les insignes et ces
19 deux personnes, Jako Krizanac et Nikola Krizanac faisaient partie du HVO.
20 Ils portaient des insignes Vitezovi aussi et tout le monde savait qu'ils
21 appartenaient à l'armée de Kraljevic. Kraljevic, c'était le HVO.
22 M. le Président. - Vous pouvez peut-être poursuivre vos questions.
23 Recentrons : le Président va un petit peu recentrer, car nous
24 sommes en train de dériver. Vous êtes en train de vouloir parler d'une
25 déclaration faite précédemment et c'est tout à fait votre droit, c'est
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1 légitime. Je crois que vous venez de poser les questions qui vous
2 paraissaient utiles pour la stratégie de défense que vous avez adoptée.
3 Vous avez eu les réponses. Maintenant, nous passons à autre chose ;
4 d'accord ?
5 M. Nobilo (interprétation). - Cela dit, Monsieur le Président,
6 nous n'avons pas obtenu de réponse : nous ne savons pas si, oui ou non, le
7 témoin a déclaré ce que j'ai lu tout à l'heure. Nous n'avons pas obtenu la
8 réponse à cette question pour l'instant. Avec votre permission, Monsieur
9 le Président, nous allons placer cela sur le rétroprojecteur.
10 M. le Président. - Vous allez mettre la pièce sur le
11 rétroprojecteur : Monsieur Pezer, vous allez regarder la déclaration,
12 vérifier si c'est bien votre signature, vous allez confirmer que vous avez
13 fait votre déclaration et la défense en tirera les conclusions qu'elle
14 souhaite en tirer. Monsieur Pezer, vous allez regarder la déclaration sur
15 le rétroprojecteur ; vous allez d'abord vérifier que c'est votre
16 signature. Une fois, est-ce bien votre signature, Monsieur Pezer ?
17 M. Pezer (interprétation). - Oui.
18 M. le Président. - Maintenant, vous allez prendre un tout petit
19 de temps —c'est le Président qui vous le dit— vous prenez votre temps,
20 vous regardez ce que la défense a surligné ; vous allez dire si vous
21 confirmez ce que vous avez dit ou non.
22 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin
23 ne parle pas anglais et ce document est rédigé en anglais.
24 M. le Président. - Très bonne observation. Il faut qu'on traduise, que la
25 cabine traduise dans la langue du témoin ce qui est surligné par la
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1 défense. Ensuite, le témoin va nous confirmer si, oui ou non, il a dit cela.
2 Ensuite, nous passerons à une autre question : peut-on traduire la partie
3 surlignée ? Pouvez-vous lire cette partie, Maître Nobilo?
4 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
5 là un orateur serbo-croate qui pose des questions à un témoin serbo-croate
6 concernant un document rédigé en anglais. Cela explique une partie des
7 problèmes que nous rencontrons, moi et mon confrère. Est-ce que nous
8 pourrions agrandir l'image afin que je puisse lire à partir de l'écran,
9 s'il vous plaît ? Si vous pouviez me centrer sur le deuxième paragraphe.
10 Je vous remercie.
11 L'interprète. - "Parmi les soldats que j'ai vus ce matin-là, qui
12 se livraient au pillage, qui lançaient des bombes et qui incendiaient des
13 maisons et des propriétés musulmanes à Stari Vitez, je n'ai reconnu
14 personne, sauf Jako et Nikola Krizanac dont je sais qu'il appartenaient
15 aux Vitezovi. Jako et Nikola portaient tous les deux un uniforme noir."
16 (Fin de la traduction de l'anglais en serbo-croate au témoin.)
17 M. Pezer (interprétation). - Oui, c'est ma déclaration. Ceci dit, ce qui
18 est écrit là ne devrait pas être formulé de cette façon-là. Je pense que la
19 personne qui a fait la traduction de ce document... J'essaie de dire en
20 fait que la traduction n'est pas bonne. On m'a lu cela. Je les ai vus dans
21 la cage d'escalier de l'immeuble où j'habitais quand ils sont descendus.
22 A ce moment-là, je les ai vus. Je ne dis pas qu'ils portaient toutes ces
23 choses dans leurs mains. En fait, la personne qui a fait la traduction à ce
24 moment-là n'a pas fait une traduction correcte, mais c'est bien à ce type
25 d'activité qu'ils se livraient.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie.
2 M. le Président. - Souhaitez-vous que cela soit versé comme
3 pièce malgré ce qu'a dit le témoin, Maître Nobilo ?
4 M. Nobilo (interprétation). - Oui, absolument.
5 M. Hayman (interprétation). - Etant donné que la partie qui nous
6 intéresse réellement a été lue, il n'est pas absolument nécessaire que
7 toute la déclaration soit versée au dossier. C'est une déclaration qui est
8 plutôt le rapport de quelque chose qu'on a entendue.
9 M. Kehoe (interprétation). - Je demande à ce que l'intégralité
10 de la déclaration soit versée au dossier.
11 M. Hayman (interprétation). - Pouvons-nous poser la question de
12 savoir pourquoi, Monsieur le Président ?
13 M. Kehoe (interprétation). - Tout simplement pour savoir que
14 toute la déclaration soit versée au dossier et pas seulement les passages
15 qui ont été surlignés.
16 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, si nous
17 faisons cela, permettez-moi, Monsieur le Président...
18 Si les déclarations sont versées dans leur intégralité, nous
19 allons beaucoup prolonger la durée de ces débats, car si la défense verse
20 toute une déclaration qui n'a pas été faite devant le Tribunal,
21 l'accusation devra alors contre-interroger le témoin, non seulement sur ce
22 qui a été dit devant le Tribunal, mais pour toutes les autres déclarations
23 versées. Si cela doit être la norme, il faut que nous le sachions pour que
24 nous puissions interroger le témoin sur les autres déclarations qu'il a
25 faites en dehors de ce Tribunal avant que le témoin ne parte.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, dans un
2 esprit de logique, si vous voulez regarder une déclaration... Par exemple,
3 la défense a présenté tout un article de journal dont seul cinq lignes
4 avaient été lues, et tout l'article a été versé. Si on lit un extrait d'un
5 document alors que tout le document soit versé...
6 M. Hayman (interprétation). - Moi, j'ai respecté une démarche. Je fais venir
7 un témoin qui dépose et je procède à un contre- interrogatoire. Si les
8 déclarations dévient de ce qui a pu être dit précédemment, il faut que les
9 parties puissent essayer de savoir exactement ce qui s'est produit.
10 M. le Président. - Il y a une différence et vous n'entraînerez
11 pas le Tribunal dans une logique qui est une fausse logique. Ce que vous a
12 dit le Procureur, c'est que quand on a déposé d'autres documents, vous les
13 avez déposés dans leur intégralité. Cela y ressemble beaucoup dès lors que
14 c'est vous qui avez soulevé la question. Vous avez soulevé la question en
15 sortant cette déclaration et, ce qui vous arrange dans votre stratégie,
16 c'est d'en isoler un certain nombre de phrases : "Nous venons d'éclairer
17 la question et vous avez posé la question que vous souhaitiez, nous venons
18 un peu de faire la lumière. Le témoin vous a répondu." A ce moment-là,
19 c'est vous qui avez pris l'initiative de citer cette pièce, de la citer
20 dans son intégralité. Le moment venu, l'accusation en fera ce qu'elle en
21 fera. Cette pièce sera donc déposée.
22 Si vous voulez bien, l'incident est clos et nous pouvons
23 continuer sur la contre-interrogatoire de Me Nobilo.
24 M. Nobilo (interprétation). - Puis-je poser une question ? C'est une pièce
25 qui appartient à qui ? La défense a proposé de verser au dossier
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1 une simple citation d'un document. Il semble donc qu'il s'agit là d'un
2 élément de preuve de la défense.
3 M. le Président. - Le Tribunal a noté que ce qui vous intéressait dans cette
4 pièce, c'étaient uniquement les phrases. Le Tribunal le sait. Il n'en
5 demeure pas moins vrai que le Tribunal aura peut-être besoin au cours de son
6 délibéré, Me Hayman et Me Nobilo, de répondu, il a dit quelque chose de très
7 important." Le témoin a soulevé d'ailleurs un problème très important dans
8 ce Tribunal. Nous le savons tous. C'est le problème de la prise de
9 déclaration des témoins qui est prise en serbo-croate au départ et termine
10 sur le bureau du Tribunal en anglais. Le témoin a soulevé ce problème qui
11 est très important. Il ne se retrouvait pas tout à fait dans la
12 déclaration qui était faite. Il a eu à coeur d'expliciter sa déclaration.
13 Il est donc tout à fait normal que la déclaration dans son intégralité...,
14 car c'est peut-être le reste de l'intégralité qui explicitera. Vous avez
15 voulu que la partie de trois lignes qui vous intéressait, soit citée, soit
16 mise comme pièce à conviction. Elle est une pièce de la défense. Nous
17 savons, par contre, nous les juges, que vous n'en avez bien entendu tiré
18 que les trois lignes. Cela, nous le savons. C'est acté.
19 Si vous voulez bien, nous allons poursuivre sur le contre-
20 interrogatoire de Me Nobilo. Il nous reste dix minutes. De grâce, Maître
21 Hayman, nous ne reparlons plus de cette questions-là. Elle est tranchée
22 par le Tribunal.
23 M. Hayman (interprétation). - Nous nous rangeons à votre avis,
24 Monsieur le Président, mais il faut que nous sachions si nous pouvons
25 discuter éventuellement la pièce entière en disant : "Oui, le témoin a
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1 utiliser un document pour récuser un témoin, si nous pouvons utiliser des
2 documents et non pas dans leur intégralité.
3 M. le Président. - Vous êtes d'un esprit, excusez-moi de ce francicisme,
4 très cartésien. C'est tout à l'honneur du pays auquel j'appartiens, mais
5 vous n'entraînerez pas... La logique judiciaire n'est
6 pas une logique juridique stricte. Aujourd'hui, vous invoquez un document
7 sur un témoin. Ce document est versé au dossier. Maintenant vous dire si
8 pour les centaines de témoins qui seront cités nous ferons exactement de
9 la même façon, je ne peux pas vous le dire pour l'instant. Pour
10 aujourd'hui, les deux juges et le président qui vous parlent, estiment que
11 le témoin a eu à s'expliquer ces trois lignes. Vous avez voulu, je
12 suppose, le mettre en contradiction avec une autre déclaration. Il vous a
13 expliqué et dit qu'il ne se retrouvait pas tout à fait dans cette
14 déclaration. Il est fort possible que l'ensemble de cette autre
15 déclaration ne lui permette pas de s'y retrouver. Le Tribunal est en droit
16 d'avoir cette pièce. Par contre, le Tribunal ferait certainement des
17 erreurs s'il ne tenait pas compte des observations que vous avez faites.
18 Elles sont actées, elles sont dans les minutes du procès. De grâce, il ne
19 reste plus que neuf minutes. Maintenant, Maître Nobilo, vous continuez.
20 M. Nobilo (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le
21 Président. L'immeuble dans lequel vous viviez, Monsieur, le côté qui fait
22 face à Stari Vitez, a-t-il été endommagé par des balles ?
23 M. Pezer (interprétation). - Non.
24 M. Nobilo (interprétation). - Le 16 avril avez-vous entendu des
25 pilonnages au cours de la journée ?
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1 M. Pezer (interprétation). - Il y a eu des tirs, toutes sortes
2 de choses, mais je ne peux pas exactement dire s'il y a eu un pilonnage ou
3 bien des tirs. Je ne sais pas bien faire la distinction. C'était vraiment
4 le chaos le 16 avril.
5 M. Nobilo (interprétation). - Le cinéma a-t-il été la cible de
6 tirs ou de pilonnages ?
7 M. Pezer (interprétation). - Non.
8 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de votre séjour dans le
9 cinéma, avez-vous subi de mauvais traitements physiques ?
10 M. Pezer (interprétation). - Non.
11 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que la police
12 militaire se trouvait dans le cinéma. Est-ce qu'elle s'y trouvait avant
13 que le conflit n'éclate le 16 avril ou pas ? Avez-vous vu la police
14 militaire dans cet endroit quand vous passiez devant ?
15 M. Pezer (interprétation). - Oui, il y avait un certain nombre
16 de policiers. Je n'ai pas idée du nombre exact. Il s'agissait sûrement des
17 gardes de sécurité de ce bâtiment parce que, avant la guerre dans cet
18 immeuble occupé par le cinéma, au premier étage, les parties politiques
19 avaient leur bureau : le HDZ, le SDA, le SDS, etc. et je crois que la
20 télévision croate était là également. Ces policiers militaires étaient
21 sûrement les hommes chargés de la sécurité du bâtiment.
22 M. Nobilo (interprétation). - Où étaient-ils avant la guerre ?
23 M. Pezer (interprétation). -Qui ? La police militaire ? Ils se
24 trouvaient de l'autre côté de la station d'essence.
25 M. Nobilo (interprétation). - Je parle du cinéma.
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1 M. Pezer (interprétation). - Ils étaient dans le hall du cinéma.
2 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous êtes arrivé dans le
3 cinéma, où se trouvaient les membres de la police militaire ?
4 M. Pezer (interprétation). - Ils se trouvaient dans le hall,
5 l'entrée du cinéma, dès que vous passiez la porte du cinéma, c'est là
6 qu'ils se trouvaient. Parlons, si vous voulez, d'un bureau de réception.
7 M. Nobilo (interprétation). - L'entrée du cinéma était-elle
8 verrouillée quand vous êtes arrivé ?
9 M. Pezer (interprétation). - Du côté par lequel nous sommes entrés, non.
10 Cela n'était pas verrouillé. C'est là que se trouvait également la police
11 militaire.
12 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il des membres de la
13 police militaire dans la salle de cinéma où vous étiez détenus ?
14 M. Pezer (interprétation). - Non, ils se trouvaient de l'autre
15 côté. Comme je l'ai dit, ils se trouvaient dans l'entrée.
16 M. Nobilo (interprétation). - Votre femme vous a rendu visite
17 lorsque vous vous trouviez au cinéma ?
18 M. Pezer (interprétation). - Oui.
19 M. Nobilo (interprétation). - Vous a-t-elle rendu visite souvent ?
20 M. Pezer (interprétation). - Tous les jours.
21 M. Nobilo (interprétation). - Elle vous emmenait de la nourriture, etc. ?
22 M. Pezer (interprétation). - Oui, elle m'apportait des aliments.
23 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous êtes arrivé à Zenica
24 devant la Croix-Rouge, combien de personnes de Vitez avez-vous trouvé là ?
25 M. Pezer (interprétation). - Je ne me rappelle pas. Je ne sais
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1 pas. J'étais dans un état d'esprit extrêmement perturbé. C'était vraiment
2 une situation très difficile à vivre. Je ne sais pas qui j'ai vu.
3 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que des voisins vivant dans
4 votre immeuble ont été échangés contre des gens de Zenica ?
5 M. Pezer (interprétation). - Je n'en sais absolument rien.
6 M. Nobilo (interprétation). - Les personnes qui vivaient dans
7 les autres immeubles, les autres bâtiments, immeubles, les autres familles
8 dont vous avez parlé, ont-ils été l'objet d'échanges ?
9 M. Pezer (interprétation). - Non.
10 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de ces corvées ou des
11 tranchées qui étaient creusées avez-vous été l'objet de harassement de
12 quelque sorte que ce soit ?
13 M. Pezer (interprétation). - Non.
14 M. Nobilo (interprétation). - Quel était leur comportement à
15 votre égard ? M. Pezer (interprétation). - Peut-être qu'il faut expliquer
16 un peu les choses. J'ai vécu vingt ans dans ce quartier. Je connaissais la
17 plupart des personnes qui se trouvaient là. Au vu du fait que nous étions
18 connus, ils n'ont donc rien fait, mais je répète qu'au cours de cette
19 période-là, ils n'ont rien fait à personne. Personne n'a été l'objet de
20 harassement.
21 M. Nobilo (interprétation). - Le 3 mai 1993, quand vous êtes allé creuser
22 des tranchées à Tolovici, est-ce que toutes ces tranchées avaient déjà été
23 creusées en partie ? Ou bien, avez-vous été les premiers à les creuser ?
24 M. Pezer (interprétation). - Non, elles n'étaient pas achevées. D'autres
25 personnes avaient commencé à les creuser avant que nous n'arrivions.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Elles n'étaient pas terminées ?
2 M. Pezer (interprétation). - Non.
3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez vécu à Vitez pendant
4 très longtemps. Avez-vous jamais entendu parler d'une agence municipalité
5 qui s'était livrée à des échanges privés de civils à Vitez ?
6 M. Pezer (interprétation). - Je ne comprends pas.
7 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous entendu dire que des
8 agences municipales privées avaient pris part à des opérations d'échange
9 de civils entre Zenica et Vitez ?
10 M. Pezer (interprétation). - Non.
11 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande un instant,
12 Monsieur le Président.
13 M. le Président. - Allez-y, Maître Nobilo.
14 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous
15 n'avons pas de déclaration. Nous demandons donc que quelques minutes nous
16 soient accordées afin que nous puissions nous pencher sur la déclaration,
17 voir si elle peut être utilisée dans le cadre de notre contre-
18 interrogatoire, car nous n'avons pas le seul exemplaire que nous avions en
19 notre possession.
20 M. le Président. - Vous l'avez produite, cette déclaration.
21 M. Nobilo (interprétation). - Oui. La déclaration est restée là-
22 bas sur le rétroprojecteur.
23 M. le Président. - On va vous rendre votre déclaration. Maître
24 Nobilo, vous en avez encore pour longtemps dans le contre-interrogatoire ?
25 Avez-vous d'autres questions à poser au témoin ?
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1 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai pas besoin de beaucoup de
2 temps, juste un court instant après avoir regardé la déclaration, Monsieur
3 le Président.
4 Monsieur le Président, la défense n'a pas d'autres questions à poser.
5 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad, avez-vous des
6 questions à poser ?
7 M. Riad. - Monsieur Pezer, j'espère que je prononce bien votre
8 nom. Dans votre déposition, vous avez mentionné des cas de détention de
9 civils dans le cinéma où vous étiez, des cas de fouilles dans les maisons
10 privées, que vous avez vous-même expérimentées aussi, des envois forcés
11 des hommes à la ligne de combat pour creuser des tranchées. Vous avez
12 aussi parlé des expulsions : j'ai noté cent familles expulsées à votre
13 connaissance. Etes-vous en mesure de nous dire de façon générale si tous
14 ces actes ont été accomplis par des membres officiels du HVO ou par des
15 groupes non disciplinés dans les régions. La majorité de ces actes étaient
16 des actes disciplinés, organisés, planifiés à votre sens ou est-ce que
17 c'étaient des actes fortuits qui venaient de gens qui n'étaient pas
18 disciplinés ?
19 M. Pezer (interprétation). - A mon avis, tout ceci était tout à
20 fait contrôlé, mais voyez comment ils ont fait les choses.
21 Par exemple, partant d'un village, les membres du HVO de Biela,
22 par exemple, étaient envoyés à Kolonija, en ville, et de Kolonija, on les
23 envoyait ailleurs. Ils ne connaissaient pas les habitants. Vous voyez ce
24 que je veux dire.
25 Mon voisin, par exemple, qui habitait dans le même immeuble,
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1 dont je ne pourrais rien dire de mal, il a toujours été des plus cordiaux,
2 mais j'ai entendu dire de tiers personne qu'il s'est rendu à Ahmici, que
3 là, il aurait massacré des gens.
4 Mon avis personnel, c'est que tout ceci s'est fait alors que
5 c'était contrôlé, prémédité, planifiée et ils ont faits ce qu'ils ont
6 voulu faire. Je m'explique. Rien n'a été fait de façon spontanée, rien
7 n'aurait été le fait d'un gang, mais uniquement du HVO.
8 M. Riad. - Et appliqué à plusieurs endroits ?
9 M. Pezer (interprétation). - Pourriez-vous préciser votre
10 question ?
11 M. Riad. - Bien qu'ils n'étaient pas d'Ahmici, c'étaient des
12 gens qui, selon un système planifié, accomplissaient ces actes dans
13 plusieurs endroits.
14 M. Pezer (interprétation). - Oui, j'ai pris Ahmici en guise
15 d'exemple simplement. Je n'ai pas dit nécessairement qu'un de mes voisins
16 précis était allé à Ahmici, mais, en règle générale; ils se déplaçaient,
17 ils allaient ailleurs pour faire quelque chose. C'est vrai que je ne
18 pourrais pas dire : tel ou tel jour, à tel ou tel moment, tellle ou telle
19 personne a fait quoi que ce soit.
20 J'aurais pu lui reprocher quelque chose s'il avait fait quelque
21 chose dans mon village, ce n'était pas le cas. Par exemple, le matin du 16
22 avril, je pense qu'il y avait huit à neuf familles croates dans mon
23 immeuble. Il n'y avait pas un seul homme dans l'immeuble ce matin-là, je
24 ne sais pas où étaient les hommes. En tout état de cause, chacun avait sa
25 mission.
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1 M. Riad. - Vous croyez que ce devoir était dans le cadre
2 du HVO ?
3 M. Pezer (interprétation). - Oui.
4 M. Riad. - Vous nous avez aussi parlé d'une détonation violente
5 que vous aviez entendue un jour à l'aube, après l'appel à la prière. Vous
6 avez su le lendemain qu'il s'agissait , vous l’avez dit, d'une bombe qui a
7 éclaté près de la mosquée. Est-ce que j'ai bien noté ce que vous avez
8 dit ? Je répète : une explosion près de la mosquée.
9 M. Pezer (interprétation). - Si vous pensez à l'explosion de ce
10 camion qui transportait du combustible, cela a dû se passer vers le 20, je
11 ne suis pas sûr, c'était peut-être deux ou trois jours après que le
12 conflit ait éclaté, c'était au moment où j'étais détenu et où ce soldat
13 nous a dit de ne pas sortir de la cave parce qu'il s'attendait à des
14 pilonnages intensifs. C'est à ce moment-là qu'on a entendu cette
15 détonation violente.
16 C'est seulement plus tard, au cours de la guerre, que j'ai vu la
17 puissance que pouvait avoir une grenade 82 ou 160. Je crois que c'est la
18 détonation la plus violente que j'ai jamais entendue de ma vie, alors que
19 je me trouvais dans la cave. C'est cette explosion qui s'est produite près
20 de la mosquée par ce camion piégé envoyé par le HVO à Stari Vitez.
21 M. Riad. - Après, avez-vous pu savoir si la mosquée avait été
22 endommagée ou non ? Ou si des gens dans la mosquée avaient été blessées ou
23 tués ?
24 M. Pezer (interprétation). - Vous avez parlé de l'appel à la
25 prière Monsieur le Juge. Cela s'est passé le 16 avril à l'aube vers
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1 5 heures 20, 5 heures 30 du matin, mais c'était une petite explosion,
2 c'était une grenade lancée à la main dans un café.
3 Ce dont je vous parlais, c'était le camion piégé, alors qu'il y
4 avait déjà eu trois ou quatre jours de conflit. Je ne pense pas que nous
5 nous sommes bien compris, j'ai sans doute mal compris votre question.
6 M. Riad. - Concernant l'explosion à côté de la mosquée, est-ce
7 que la mosquée était visée ? Est-ce que des gens sont morts à l’intérieur
8 ? C’est ma question. La date ne m'intéresse pas.
9 M. Pezer (interprétation). - Je ne sais pas, car j'étais déjà
10 prisonnier.
11 M. Riad. - Merci.
12 M. le Président. - Monsieur Shahabuddeen, voulez-vous ajouter
13 quelque chose ?
14 M. Shahabudeen (interprétation). - Monsieur Pezer, j'ai compris
15 que vous-même n'étiez pas vraiment un militaire. Est-ce bien exact ?
16 M. Pezer (interprétation). - Tout à fait.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous longtemps vécu à
18 Vitez ?
19 M. Pezer (interprétation). - Oui.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Combien de temps avez-vous
21 passé à Vitez ?
22 M. Pezer (interprétation). - En ville même, à partir de 1976.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et vous aviez l'habitude de
24 voir des soldats en uniforme auparavant ?
25 M. Pezer (interprétation). - Oui.
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1 M. Shahabudeen (interprétation). - Les avez-vous vus en action
2 dans un périmètre précis auparavant ?
3 M. Pezer (interprétation). - Pourriez-vous préciser la nature de
4 votre question, Monsieur le Juge ?
5 M. Shahabudeen (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de
6 voir des soldats à l'oeuvre dans une région précise avant le
7 16 avril 1993 ?
8 M. Pezer (interprétation). - A l'exception des barrages
9 routiers, la seule chose que j'ai vue, excusez-moi, là je pense à octobre,
10 la mosquée a été touchée à Stari Vitez par deux grenades. Et moi, je
11 pensais que cela avait été tiré par un fusil sans recul.
12 (Le micro était débranché.)
13 M. Pezer (interprétation). - Je reprends : en octobre donc, le
14 minaret de la mosquée a été touché. J'ai entendu une détonation. Et la
15 deuxième fois, j'ai vu de mes propres yeux comment la mosquée était
16 touchée. Etait-ce en octobre ou en novembre 1992 ?, je ne sais pas. Il y
17 avait à nouveau un conflit entre l'armée et le HVO. Ils avaient sorti
18 certains matériels et frappé la mosquée.
19 M. Shahabudeen (interprétation). - Je m’intéressais à
20 l'exception relative à la mosquée. Et vous dites avoir vu des soldats en
21 uniformes divers. Sauf que tous portaient l'insigne du HVO. Est-ce bien
22 exact ?
23 M. Pezer (interprétation). - Oui.
24 M. Shahabudeen (interprétation). - Savez-vous qu'il existait à
25 Vitez un quartier général, l'état-major du HVO ?
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1 M. Pezer (interprétation). - Oui.
2 M. Shahabudeen (interprétation). - Où se trouvait-il ?
3 M. Pezer (interprétation). - A l’hôtel Vitez.
4 M. Shahabudeen (interprétation). - Qui était l'officier ayant le
5 rang le plus élevé à l'état-major établi à l'hôtel Vitez ?
6 M. Pezer (interprétation). - A l'époque, je ne savais pas. Je
7 suppose que c'était Blaskic. Qui d'autre aurait-ce pu être ? Parmi les
8 gens de la communauté locale, je connaissais Skopjak, Marijan, lui aussi
9 était un des commandants,Mario Cerkez.
10 Moi, j'avais un petit chalet pour le week-end à la montagne et
11 j'ai dû venir voir Skopjak pour obtenir un permis pour me rendre dans le
12 chalet. C'est de cette façon-là que j'ai compris qu'il avait un poste de
13 commandement, mais quant à savoir son rang exact, son grade, je ne sais
14 pas.
15 M. le Président. - Je vous remercie. J'ai deux petites questions
16 à vous poser.
17 La première est un complément à la question posée par le
18 Juge Riad, je n'ai pas bien saisi votre réponse, Monsieur Pezer. Quand
19 vous avez parlé de ces transferts d’hommes, au fond il s’agissait des
20 hommes qui d'un village partaient vers un autre village appartenant
21 au HVO. Semble-t-il, ils pouvaient commettre des exactions. Ma question
22 est celle-là : est-ce une interprétation de votre part ou est-ce basé sur
23 des faits précis ?
24 Je vous demande vraiment de bien réfléchir et je vais expliciter
25 encore mieux ma question. Ce que vous dites là, ce qui est dit là est
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1 grave. Effectivement, c'est quand même l'idée d'un plan concerté, d'une
2 politique, en quelque sorte de faire qu'un homme est plus enclin à
3 commettre des atrocités quand il n'est pas dans son village, dans son
4 immeuble. Ma question est celle-là : est-ce une interprétation ou est-ce
5 fondé sur des interviews, des déclarations de militaires, ou est-ce une
6 simple idée que vous en avez, ou est-ce que vous fondez cela sur des
7 éléments précis ?
8 M. Pezer (interprétation). - C'est ce que je pense. Mais je veux
9 aussi ajouter la chose suivante : Kolonija, c'est ce qu'on appelait la
10 ville, c'est là où j'habitais moi aussi.
11 Vous savez que toutes ces expulsions ont été réalisées par des
12 gens qui n'étaient pas de Kolonija. Ces gens venaient de la périphérie de
13 Vitez, des villages à l'extérieur ; c'est un exemple de ce qui se faisait
14 et ceci concerne Kolonija. Je ne sais pas ce qu'il en était dans d'autres
15 endroits.
16 Mais c'est la raison pour laquelle je dis que je suppose que des
17 choses semblables se sont commises ailleurs aussi, car en ce qui concerne
18 Kolonija et mon immeuble, je l’ai dit il y a quelques instants, ce matin-
19 là le 16 avril, je n'ai pas vu un seul de mes voisins parmi les hommes. Et
20 le 3 ou le 4 mai, j’en voyais à peine. En tous cas, aucun d'entre eux
21 n'est venu pour m'expulser, ce sont des jeunes HVO de Mosunj qui sont
22 venus pour m'expulser de mon appartement.
23 M. le Président. - Merci, vous avez répondu à la question. La
24 deuxième question : avez-vous entendu parler de M. Djidic et avez-vous eu
25 l'occasion de travailler sous ses ordres ? Que faisait-il à Vitez ? Quel
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1 était son rôle ? Comment vous êtes-vous situé par rapport à ce comité de
2 protection des Musulmans ? Aviez-vous un rôle ?
3 M. Pezer (interprétation). - Je travaillais à l'usine SPS,
4 Sefkija Djidic, pour autant que je sache, était un des chefs à l'usine
5 avant le conflit, mais je ne savais vraiment pas où il travaillait, ce
6 qu'il faisait. C'est bien ce que ma déclaration dit. Ce genre de choses ne
7 m'intéressait pas.
8 Je me tenais éloigné de telles choses, je ne connaissais rien à
9 propos de ce comité de protection des Musulmans en ce qui me concerne. Je
10 travaillais, j'avais un emploi tel que j'avais surtout des contacts avec
11 l'usine. J’étais content de ne pas devoir prendre les armes et lutter,
12 parce qu'il y avait des gens qui allaient à Vosoko ou ailleurs, qui
13 allaient vraiment au front.
14 M. le Président. - Merci. Je crois que nous en avons terminé.
15 Nous avons pris beaucoup de temps sur l'horaire. Monsieur Pezer, le
16 Tribunal vous remercie beaucoup. Nous n’avons plus besoin de vous en ce
17 moment. L'audience reprendra demain à 10 heures.
18 L’audience est levée à 18 heures 20.
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