Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

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3 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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5 Mardi 18 novembre 1997

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7 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

8

9 M. le Président. - Pouvez-vous faire entrer l'accusé ?

10 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d’audience.)

11 M. le Président. - Les cabines d'interprètes sont-elles

12 prêtes ?

13 Générale Blaskic, m'entendez-vous ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

15 Je vous entends très bien.

16 M. le Président. - Avant de reprendre les travaux, je voudrais

17 dire, au nom de mes collègues, que nous pourrions organiser une conférence

18 de mise en état, le vendredi 28 au matin dont nous fixerons l'heure,

19 9 heures 30 par exemple, qui portera sur un certain nombre de points qui

20 sont pendants devant nous. Vendredi 28 vous irait-il ?

21 Nous n'aurons pas d'audience le vendredi 28, nous pourrions donc

22 consacrer la matinée à l'audience de la conférence de mise en état. Je

23 sais que cette date convient éventuellement à mes collègues. Du côté du

24 bureau du Procureur, cela pourrait-il convenir ? Du côté de la défense,

25 Maître Nobilo, Maître Hayman, cela pourrait-il convenir ? Cela pourrait

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1

2 convenir, c'est donc très bien.

3 Cette conférence nous permettra, après la constitution du

4 Tribunal dans ses nouvelles formations, en discutant entre nous à huis

5 clos, de prendre la mesure des différentes questions qui se posent à nous.

6 Il y a des questions de calendrier ainsi que d'autres concernant les deux

7 requêtes qui restent pendantes. Une porte sur le réexamen de la décision

8 concernant les témoignages disculpatoires, authentiques lorsqu'ils sont

9 identifiés par un témoin de la défense sur lequel le Procureur a répondu,

10 l'autre sur les témoignages indirects, par ouï-dire.

11 Il y a l'ensemble des questions qui concernent les subpoena qui,

12 maintenant, ne peuvent plus être appelées ainsi et les conséquences

13 dérivant de l'arrêt de la Chambre d'appel.

14 Il faut également voir comment tout ceci doit être traité entre

15 nous. Il y a la question du calendrier, du raccourcissement de la

16 procédure. Nous vous avions demandé de bien vouloir réfléchir et de nous

17 proposer des suggestions et des mesures pratiques avant que le Tribunal ne

18 prenne lui-même les décisions pouvant éventuellement s'imposer.

19 Voilà donc l'ensemble des questions. Il y a aussi des questions

20 de fond, substantielles, beaucoup plus importantes tenant aussi aux

21 relations qu'il peut y avoir entre l'instance présente qui nous occupe, le

22 procès du général Blaskic, mais éventuellement d'autres procès concernant

23 les mêmes faits qui se sont produits dans la vallée de la Lasva. Ils ont

24 donné lieu, vous le savez, à l'arrestation récente d'un certain nombre de

25 présumés coupables. J'insiste bien sur ce terme de "présumés coupables"

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1 dans ces faits.

2 C'est l'ensemble de ces questions que nous pourrions traiter le

3 vendredi 28 au matin, à partir de 9 heures 30.

4 S'il n'y a pas d'observations particulières sur ce point

5 d'ordre, nous pourrions peut-être continuer.

6 Maître Harmon prendrait la suite en nous annonçant le témoin

7 suivant dont M. le Greffier m'a indiqué qu'il avait peut-être un problème

8 pour la lecture du serment.

9

10 M. Harmon (interprétation). - Merci Monsieur le Président,

11 bonjour à vous, Messieurs les juges. Je salue également mes collègues du

12 Conseil de la défense.

13 Le témoin que nous aimerions entendre est Mme Fatima Ahmic.

14 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

15 M. le Président. - Madame, m'entendez-vous ?

16 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je vous entends.

17 M. le Président. - Pouvez-vous me dire votre nom et votre

18 prénom ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - Je m'appelle Fatima Ahmic.

20 M. le Président. - Madame, une déclaration va vous être lue, car

21 je crois que vous avez quelques difficultés à lire. Peut-être Monsieur le

22 Greffier ou l'appariteur peut-il lire la déclaration, ou bien Monsieur

23 l'huissier ?

24 M. le Greffier - Je peux éventuellement la lire et elle pourrait

25 être répétée.

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1 M. le Président. - Il s'agit du serment que tout témoin doit

2 prêter. Le greffier va donc lire et vous répéterez après lui.

3 Mme Ahmic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

4 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 M. le Président. - Madame, vous pouvez à présent vous asseoir.

6 Madame, vous êtes venue ici à la demande de M. le Procureur. Je

7 pense que celui-ci vous a expliqué comment tout ceci allait se passer.

8 D'abord, vous devez vous détendre, vous êtes devant des juges qui vont

9 vous entendre. N'ayez pas peur, il ne vous arrivera rien du tout.

10 Simplement, le Procureur vous posera des questions.

11 Mme Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas peur, je n'ai peur de

12 rien du tout.

13 M. le Président. - Les avocats du Général Blaskic vous poseront

14 également des questions. Tout cela a dû vous être expliqué. D'accord ?

15 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

16

17 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous pouvez commencer.

18 M. Harmon (interprétation). - Bonjour Madame Ahmic.

19 Mme Ahmic (interprétation). - Bonjour.

20 M. Harmon (interprétation). - Je vais commencer par vous poser

21 quelques questions. Quel âge avez-vous ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - J'ai 63 ans.

23 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous musulmane ?

24 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous née ou avez-vous grandi

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1 dans le village de Loncari ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, en effet.

3 M. Harmon (interprétation). - Et Loncari est un petit village

4 qui se trouve à quelques kilomètres d'Ahmici, n'est-ce pas ?

5 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, en effet.

6 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, lorsque vous aviez

7 19 ans, avez-vous épousé feu votre mari ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Vous avez déménagé et de Loncari,

10 vous êtes allée à Ahmici ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - En effet, j'ai épousé mon mari.

12 M. Harmon (interprétation). - Vous-même et votre époux, avez-

13 vous par la suite construit une maison dans Zume, un des quartiers

14 d'Ahmici ?

15 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - Le 16 avril 1993, viviez-vous dans

17 cette maison que vous aviez construite avec votre mari ?

18

19 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, quel était le nom de

21 feu votre mari ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Hasim.

23 M. Harmon (interprétation). - Et le 16 avril 1993, quel âge

24 avait Hasim ?

25 Mme Ahmic (interprétation). - Il est né en 1931. Je crois qu'il

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1 avait 63 ans.

2 M. Harmon (interprétation). - Travaillait-il ou bien avait-il

3 pris sa retraite ?

4 Mme Ahmic (interprétation). - Non, il était retraité.

5 M. Harmon (interprétation). - Que faisait-il avant de prendre sa

6 retraite ?

7 Mme Ahmic (interprétation). - Il était retraité. Ah, vous voulez

8 dire ce qu'il avait comme travail ?

9 M. Harmon (interprétation). - Oui.

10 Mme Ahmic (interprétation). - Il travaillait dans son

11 entreprise, dans les acieries de Zenica.

12 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, a-t-il eu des

13 problèmes de santé assez graves ?

14 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, en effet.

15 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire aux juges quel

16 était son état de santé ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Il avait des problèmes de reins.

18 M. Harmon (interprétation). - Ces problèmes de santé

19 l'empêchaient-il de faire certaines activités ?

20 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Il ne pouvait faire que des

21 travaux peu difficiles, faire quelques courses. Il ne pouvait pas faire de

22 gros travaux.

23 M. Harmon (interprétation). - Madame, je vais maintenant vous

24 présenter une

25

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1 photo. Je demande l'aide de l'huissier qui va placer la pièce 127 sur le

2 rétroprojecteur.

3 (L'huissier place la pièce n° 127 sur le rétroprojecteur.)

4 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, sur votre droite il

5 y a une photographie placée sur le rétroprojecteur, et peut-être la voyez-

6 vous aussi sur l'écran qui se trouve juste sous vos yeux. Avant toutes

7 choses, qui voyez-vous sur cette photographie ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Mon mari, Hasim, et moi-même.

9 Mme Ahmic (interprétation). - Cette photographie a été prise

10 devant la maison que vous avez construite avec votre mari, dans le

11 quartier Zume, à Ahmici, n'est-ce pas ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

13 M. Harmon (interprétation). - Cette photo, quant a-t-elle été

14 prise ? Le savez-vous ?

15 Mme Ahmic (interprétation). - Je crois qu'elle a été prise il y

16 a dix ans à peu près, peut-être sept ou huit ans. Je ne sais pas

17 exactement. Disons dix ans au plus.

18 M. Harmon (interprétation). - La photographie ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, la photographie.

20 M. Harmon (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,

21 j'aimerais maintenant placer la pièce de l'accusation 110/4 sur le

22 rétroprojecteur, s'il vous plaît. Monsieur l'huissier, ce qui m'intéresse

23 le plus, c'est la photographie qui se trouve en haut.

24 (L'huissier place la pièce n° 110/4 sur le rétroprojecteur)

25 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, reconnaissez-vous

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1 cette photographie ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je la reconnais.

3 M. Harmon (interprétation). - Qu'y voit-on ?

4 Mme Ahmic (interprétation). - Mon mari. Là, c'est mon mari,

5 Hasim. Voici ma petite-fille Aïda et me voici, moi.

6

7 M. Harmon (interprétation). - Cette photo, quand a-t-elle été

8 prise, madame Ahmic, s'il vous plaît ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - Il y a douze ou treize ans peut-

10 être. Excusez-moi, douze ans.

11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

12 demander le versement au dossier de la pièce 127, s'il vous plaît.

13 M. le Président. - Monsieur le greffier, il s'agit bien de la

14 pièce n° 127 ?

15 M. Dubuisson. - Oui, c'est bien cela.

16 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, le 16 avril 1993,

17 votre époux était-il membre de la Défense territoriale ?

18 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Il avait des tours de garde à

19 respecter.

20 M. Harmon (interprétation). - Que faisait-il exactement ?

21 Mme Ahmic (interprétation). - Rien. Simplement, de temps en

22 temps il prenait un tour de garde, quand on le lui demandait. Quand la

23 défense territoriale a été créée, de temps en temps, il les accompagnait

24 pour les tours de garde.

25 M. Harmon (interprétation). - Il le faisait souvent ?

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Quand on le lui demandait, il y

2 allait. Cela dépendait s'il se sentait bien ou pas, s'il était en bon état

3 de santé ou pas.

4 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, le 16 avril 1993, y

5 avait-il des fusils ou d'autres types d'armes dans votre maison ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Non.

7 M. Harmon (interprétation). - Combien d'enfants avez-vous,

8 madame Ahmic ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - J'avais trois enfants. Il ont tué

10 mon fils Fahrudin. J'ai une fille encore, Semin et un fils qui s'appelle

11 Nevzudin.

12 Mme Ahmic (interprétation). - Votre fils Fahrudin a-t-il

13 construit une maison

14

15 jusqu'à côté de la vôtre, à Zume ?

16 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - A quelle distance sa maison se

18 trouvait-elle de la vôtre ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - A dix mètres environ, pas plus de

20 dix mètres. C'était vraiment juste à côté.

21 M. Harmon (interprétation). - Fahrudin était-il marié ? Avait-il

22 des enfants ?

23 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Il était marié et il avait

24 trois enfants.

25 M. Harmon (interprétation). - Ce 16 avril 1993, quel âge avait

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1 ses trois enfants ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Je sais seulement que Aïda, comme

3 je l'ai dit à ce moment-là, mais je ne sais plus exactement, Aïda était en

4 deuxième cours d'école élémentaire et les deux autres enfants, Semin et

5 Emir, n'allaient pas encore à l'école. L'un d'entre eux avait à peu près

6 huit ans et l'autre cinq ans. Le plus petit, Emir, avait six ans. Je ne

7 sais pas quelle est leur date de naissance exacte.

8 M. Harmon (interprétation). - Que faisait Fahrudin ? Quel était

9 son métier ?

10 Mme Ahmic (interprétation). - Mon fils Fahrudin travaillait dans

11 l'entreprise "PRINCIP", une usine militaire.

12 M. Harmon (interprétation). - Il travaillait dans l'entreprise

13 en tant que gestionnaire, n'est-ce pas ?

14 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, en effet.

15 M. Harmon (interprétation). - Etait-il musicien et jouait-il de

16 la musique pour gagner un peu d'argent pour aider sa famille à vivre ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Pendant qu'il construisait sa

18 maison, il jouait de la guitare et du tambour. Il avait aussi un

19 accordéon. Il ne jouait que chez lui. Ils avaient tous ces instruments

20 chez lui.

21

22 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, Fahrudin était-il

23 membre de la Défense territoriale ?

24 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,

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1 quelles étaient ses fonctions au sein de la Défense territoriale ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Il disait qu’il devait prendre tel

3 ou tel tour de garde et qu'il devait faire partie de ces patrouilles.

4 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, pour autant que vous

5 le sachiez, le 16 avril 1993, Fahrudin avait-il des armes dans sa maison ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Mon Fahrudin avait des armes.

7 Voulez-vous que je vous dise quels types d'armes il avait ?

8 M. Harmon (interprétation). - Oui, s'il vous plaît.

9 Mme Ahmic (interprétation). - Il avait des armes. Dans le

10 village de Slimena, il y avait des casernes. Les Serbes ont brûlé les

11 grandes casernes. Ils y sont allés pour récupérer les différentes parties

12 d'armes qui pouvaient s’y trouver.

13 Donc, à partir de pièces de quatre ou cinq fusils, ils

14 construisaient un seul fusil. Drago Jusipovic a aidé mon fils à

15 construire un seul fusil, un ou deux mois après. Puis, Nenad Santic lui a

16 confisqué ce fusil et il l’a donné à Drago Josipovic. Drago Josipovic a

17 gardé ce fusil. Ils ont confisqué toutes nos armes, pas seulement celles

18 de mon fils, mais toutes nos armes !

19 M. Harmon (interprétation). - Cela faisait-il suite aux

20 événements qui se sont produits en octobre 1992 ?

21 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, c'était entre les deux.

22 M. Harmon (interprétation). - Entre l'attaque qui a eu lieu au

23 mois d'avril et l’attaque précédente du mois d’octobre ?

24 Mme Ahmic (interprétation). - En effet.

25 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, vous avez parlé de

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1 Drago Josipovic à l’instant. Drago Josipovic était votre voisin, n'est-ce

2 pas ? Il était Croate, n'est-ce pas ?

3 Mme Ahmic (interprétation). - Drago Josipovic était mon voisin

4 immédiat. Seule une petite barrière séparait nos maisons.

5 M. Harmon (interprétation). - Il était Croate, n'est-ce pas ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également parlé de

8 Nenad Santic. Nenad Santic était Croate, lui aussi, n’est-ce pas ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, absolument.

10 M. Harmon (interprétation). - A un certain moment, entre les

11 mois d'octobre et d'avril, Nenad Santic a donné l'ordre que toutes les

12 armes qui se trouvait en possession de votre fils et des autres Musulmans

13 soient rendues, n'est-ce pas ?

14 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, en effet.

15 M. Harmon (interprétation). - Vous avez vous-même vu votre fils

16 rendre ce fusil, qui avait été fait à partir de plusieurs fusils, à

17 Drago Josipovic, n'est-ce pas ?

18 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Par hasard, je me trouvais

19 chez lui, chez mon fils. Quelqu'un a sonné à sa porte. Mon fils a appris

20 que Nenad était venu lui rendre visite, donc il est sorti. Il a dit :

21 "Nenad m’a dit qu’il fallait que je lui rende mon fusil". Donc, il lui a

22 donné son arme. Drago Josipovic est alors venu et a pris ce fusil.

23 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que vous

24 vous concentriez sur le 15 avril 1993, la veille de l'attaque. Regardiez-

25 vous la télévision ce 15 avril 1993, Madame Ahmic ?

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu une émission

3 télévisée au cours de

4 laquelle Tihomir Blaskic et Dario Kordic étaient présents ?

5 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - Veuillez expliquer aux Juges ce

7 que vous avez vu.

8 Mme Ahmic (interprétation). - J'étais assise avec mon mari, nous

9 prenions un café ? Il devait être 15 heures. De 15 à 15 heures 30, il y

10 avait une émission de Busovaca. Donc, mon mari m’a demandé d’allumer la

11 télévision. Ce que j’ai fait. Nous avons vu leur armée, l’armée croate, et

12 qu’ils circulaient un peu partout. Subitement, l’image a disparu. Puis, on

13 a vu une pièce de cette taille à peu près. On y voyait Tihomir Blaskic,

14 Kordic et également une femme. Tihomir Blaskic a dit la chose suivante :

15 "dans le village d’Ahrmici, nos soldats ont été attaqués". Voilà ce qu’il

16 a dit !

17 Ai-je fait une mauvaise manipulation, car je n’entends plus rien

18 dans mon casque ? Je n’entends plus cette voix ! Peut-être que j'ai appuyé

19 sur quelque chose que je ne devais pas toucher ?

20 M. Harmon (interprétation). - Vous avez peut-être appuyé sur un

21 bouton.

22 Mme Ahmic (interprétation). - Je suis vraiment désolée, mais il

23 y a quelque chose qui ne marche pas.

24 M. le Président. - M’entendez-vous maintenant ?

25 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je vous entends maintenant.

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1 Excusez-moi et répétez, s’il vous plaît.

2 M. Harmon (interprétation). - Vous étiez en train de dire ce que

3 Tihomir Blaskic a dit dans le cadre de cette émission de télévision.

4 Pouvez-vous continuer à nous la raconter, Madame Ahmic ?

5 Mme Ahmic (interprétation). - Je le peux. Il a dit : "nos

6 soldats ont été attaqués dans le village d’Ahrmici, dans un bungalow".

7 Blaskic était silencieux, il a pris une sorte de

8 livre ou de papier dans ses mains. Il a dit : "nous n'avons plus rien à

9 discuter ni à négocier avec

10 eux, nous attendons les ordres, seule la guerre peut résoudre les choses".

11 Et il a jeté le papier. Mon mari et moi, nous avons eu peur. Nous nous

12 sommes dit que ce n’était pas normal.

13 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, qui a dit cela ?

14 Est-ce Blaskic ou Kordic ?

15 Mme Ahmic (interprétation). - C’est Kordic qui a dit qu’il

16 allait attaquer et qu’il attendait l’ordre.

17 M. Hayman (interprétation). - Le Procureur a utilisé un mot

18 vague. Il a dit : "Qui a dit cela ?" Je demande simplement un

19 éclaircissement. Le terme "cela" se réfère-t-il uniquement à la

20 déclaration venant d'être citée : "Nous attendons les ordres" ou ce terme

21 s'applique-t-il à l'ensemble de la narration que vient de fournir le

22 témoin au sujet de l'émission de télévision ? Je demande un

23 éclaircissement à mon collègue.

24 M. le Président. - C'était donc un éclaircissement. C'était une

25 objection qui avait pour but de demander des éclaircissements.

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1 M. Harmon (interprétation). - J'aurais grand plaisir à

2 éclaircir.

3 M. le Président. - Vous voyez qu'en faisant répéter l'objection,

4 elle se présente maintenant de façon beaucoup plus amène et tranquille.

5 Essayez, quand vous faites vos objections, de bien expliquer ce que vous

6 voulez dire.

7 Maître Harmon, pouvez-vous poser au témoin la question de façon

8 plus précise ?

9 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, je vous prie,

10 pouvez-vous expliquer ce qu'a dit Dario Kordic lors de cette émission de

11 télévision ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Il a dit : "Nous n'avons plus rien

13 à discuter ni à négocier avec eux, nous attendons juste l'ordre. C'est la

14 guerre". Le lendemain matin, ils nous ont tout de suite attaqués.

15 M. Harmon (interprétation). - Quelle a été votre réaction après

16 avoir regardé cette émission de télévision ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Nous n'avons pas pu dormir. Toute

18 la nuit, nous pensions que quelque chose de dangereux se préparait, compte

19 tenu de la déclaration qu'il avait faite à la télévision. Mon fils,

20 Fahrudin, est arrivé vers 10 heures. Lui aussi a dit : "Mon père, as-tu vu

21 la télévision de Busovaca ?". Il a répondu : "Oui". Il a dit avoir vu le

22 même enregistrement à Vitez, comme celui de Busovaca. Il dit : "Je viens

23 de voir cela".

24 Moi, je lui ai dit à haute voix : "Mon fils, pourquoi es-tu venu

25 à cette heure-ci pour me parler de cela ? Tu n'as qu'à rentrer chez toi

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1 avec tes enfants. Dors tranquillement. Tu n'es coupable de rien. Tu n'a

2 rien fait de mal et tu n'as donc pas à craindre les Croates".

3 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, j'aimerais que vous

4 vous concentriez sur le matin du 16 avril 1993. Etiez-vous chez vous avec

5 votre mari le 16 avril 1993 ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges ce

8 qui s'est passé ce matin-là ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - Ce matin-là, à 5 heures 30, j'ai

10 entendu une grande détonation. J'ai eu très peur. Je dormais dans ma

11 Chambre et mon mari, qui était malade, dormait dans la cuisine parce qu'il

12 y faisait plus chaud. J'ai entendu la détonation. J'avais très peur,

13 surtout après ce que j'avais entendu à la télévision. Je me disais :

14 "Apparemment, cela commence à sauter. Prépares-toi, sors".

15 Je suis sortie. Il y avait en bas, chez moi, des toilettes et

16 une salle de bain. Je suis entrée dans les toilettes pour voir si mon fils

17 était sorti. Je voulais voir s'il était là pour lui dire de sortir avec

18 ses enfants parce que c'était dangereux, mais je n'ai vu personne là-bas.

19 Je suis allée à la fenêtre. En même temps, ils sortaient de la maison de

20 Drago Josipovic et ils venaient vers ma maison. J'étais donc à la fenêtre

21 et j'ai pu voir un Croate qui m'a dit : "Reste là où tu es, tu ne peux pas

22 bouger". J'étais là, immobile et ils m'ont posé la question : "Où sont tes

23 fils ?"

24 J'ai dit : "La maison de Hasim, mon fils, est là-bas. Je n'ai plus de fils

25 ici." "Où est ton mari ?" "Il est là, il est allongé."

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1 Il m'a répété : "Restes là. Tu ne peux pas bouger. Ils ont

2 commencé à détacher la clôture autour de la maison. Ils l'ont démantelée.

3 Moi, je regardais. Il y en a un qui a détaché une grenade. Il a jeté cette

4 grenade dans une petite pièce dans la maison de mon fils. J'ai vu cela et

5 tout de suite, je suis entrée dans la pièce où était mon mari et je lui ai

6 dit : "Il se passe quelque chose de grave et de dangereux dans la maison

7 de Fahrudin."

8 Fahrudin, c'était le nom de mon fils, mais on l'appelait Fahran.

9 Je lui ai dit : "C'est dangereux. Ils ont jeté une grenade dans la

10 maison." Nous sommes restés ensemble. Je lui disais : "Qu'arrivera-t-il à

11 notre Fahrudin, à nos enfants ?"

12 J'ai entendu des coups de feu autour de sa maison. Je n'ai

13 jamais pensé que cela aurait été possible. J'essayais de le réconforter ;

14 lui faisait de même envers moi. Trois ou quatre minutes plus tard, ils ont

15 jeté une grenade dans ma chambre à coucher, au-dessus. Toute la maison a

16 été ébranlée par cette explosion.

17 M. Harmon (interprétation). - Je vous interromps une seconde, si

18 vous me le permettez. Quand vous avez dit que vous avez vu des gens sortir

19 de la cour de Drago Jusopovic, était-ce des Croates ?

20 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Comment étaient ils habillés ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Ils avaient des uniformes de

23 camouflage.

24 M. Harmon (interprétation). - Leurs visages étaient-ils

25 recouverts de quelque chose ou étaient-ils nus ?

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Ils étaient découverts.

2 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé après qu'ils

3 aient jeté une grenade dans la maison ? Pouvez-vous dire aux Juges ce qui

4 s'est passé ensuite ?

5 Mme Ahmic (interprétation). - Nous sommes restés assis l'un à

6 côté de l'autre. Je n'ai pas ouvert la porte. Ils ont donné des coups de

7 pied sur la porte. Nous étions silencieux, nous ne disions rien, ni moi ni

8 mon mari, et à un moment ils ont dit : "Je t'encule, la Balija, je t'ai

9 bien dit de ne pas bouger de la fenêtre". C'était ses mots. Moi, j'ai pu

10 sentir que même s'ils donnaient des coups de pied dans la porte, ils ne

11 pouvaient pas l'ouvrir. Mais ils ont appuyé le fusil automatique à

12 l'endroit où l'on met la clé, donc à la serrure. Ils ont tiré sur la

13 porte ; la porte est tombée dans le couloir. L'un m'a dit : "Sors, je

14 t'encule, je t'ai déjà dit de ne pas bouger de là". Là je suis sortie et

15 je leur ai dit : "Qu'est-ce que vous voulez ? Appelez Drado, appelez Miro,

16 appelez Luco, demandez leur quels voisins nous sommes, comment nous vivons

17 avec eux".

18 L'un m'a dit : "Je ne veux pas te demander tout cela, demande à

19 ton mari de sortir et toi rentre à la maison". Tout de suite il y en a

20 trois qui sont entrés dans la cuisine, ils avaient une sorte de bouteille

21 en plastique et ils dispersaient le liquide sur les rideaux. Ils

22 pulvérisaient cela.

23 Je me suis approchée de la porte pour voir et j'ai dit à mon

24 mari : "Sors". Lui est resté à l'intérieur, au milieu de la maison. Il

25 tremblait entièrement, il ne pouvait pas bouger. Je lui ai dit : "Sors, on

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1 t'appelle". Il est sorti et on lui a dit : "Mets toi à côté de cette

2 table". Il s'est mis là et j'ai vu l'autre qui a pris le fusil et qui

3 s'apprêtait à tirer. J'ai vu qu'il allait le tuer. Je suis sortie du

4 couloir, j'ai pris le soldat dans mes bras et je lui ai dit : "Ne fais pas

5 ça, pense à ta propre mère, ne le tue pas".

6 Lui, apparemment, a eu des regrets. Il a été touché. Je

7 pleurais, je lui disais : "Non, s'il te plaît, ne fais pas cela, il est

8 vieux, il est malade, ne le tue pas". Apparemment il a eu de la pitié pour

9 moi, il a fait un geste comme s'il laissait tomber son arme. J'avais

10 l'impression que l'arme tombait de sa main. Il nous a dit : "Rentrez à la

11 maison". Il a dit -je m'excuse de le dire comme cela- "Allez vous faire

12 enculer, allez là où vous voulez".

13 Je me suis dirigée vers la maison de mon fils.

14 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, je me permets de

15 vous interrompre un instant. Ces soldats qui se trouvaient face à votre

16 mari et le visaient avec un fusil, étaient-ils aussi vêtus d'uniformes de

17 camouflage ?

18 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit avoir vu un soldat

20 qui pulvérisait un liquide sur vos rideaux et sur vos canapés. Avez-vous

21 vu ce qui s'est produit ensuite ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Il a pris le briquet. Il mettait

23 le rideau à feu. Il a allumé le briquet à plusieurs endroits. J'ai vu

24 cela, mais ensuite je suis sortie pour voir ce qui se passait avec mon

25 mari. Ils sont restés là et peu après la maison était complètement en feu.

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1 Moi j'ai dit à l'autre : "Pense à ta propre mère, ne le tue pas". Les

2 autres sont restés à la maison et mettaient le feu. Moi, je voulais

3 simplement mettre des pantoufles pour sortir de la maison, mais le soldat

4 m'a dit : "Mais non, tu n'auras pas besoin de ça".

5 Mon mari et moi, nous sommes allés vers la maison de mon fils.

6 Je me suis dit : ils ne vont pas tirer sur le dos de mon fils. Je

7 défendais mon mari. Je peux me lever pour montrer.

8 Je le défendais, j'étais comme ça et lui était devant moi. Moi,

9 je le défendais ainsi, je le cachais. Je me disais qu'ils n'allaient pas

10 me tuer.

11 Nous sommes allés dans la maison de mon fils et là j'ai entendu

12 les enfants crier très très fort. Derrière moi, il y avait le soldat qui

13 m'appuyait, qui me disait : "Dépêche toi". Moi je disais : "Ici j'ai mes

14 enfants, ma belle-fille et leurs enfants, je veux voir ce qu'il en est

15 advenu".

16 J'ai frappé la porte, je l'ai ouvert. Eux, ils ont tué mon fils.

17 Vous savez, il y avait trois portes dans cette maison, et c'est devant

18 cette porte en verre qu'ils l'ont tué.

19 Je suis entrée dans la maison, les enfants criaient très fort et

20 j'ai dit : "Qu'est-ce qu'il y a ?" Ma belle-fille a dit : "Ils vont tuer

21 mes enfants". Moi j'ai dit "Non, non, ils sont bons", tandis que l'autre

22 appuyait contre mon dos sans arrêt. J'ai dit : "Où est Fahran ?" Ma

23 petite-fille

24 Aïda m'a dit : "Grand-mère, ils ont tué mon père". J'ai dit : "Où est-

25 il ?" Elle a dit : "Regarde près de la porte en bas". Je suis sortie à la

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1 porte, il était allongé, comme cela. J'ai commencé à crier : "Mon fils,

2 Fahran, que t'ont-ils fait ?"

3 Il m'a dit : "regarde-le maintenant, je vais tirer toute une

4 rafale dans tes yeux, maintenant, ce n'est pas moi qui te l'ai tué, c'est

5 Alija. J'encule ton Alija." Il voulait dire que c'était la faute du

6 Président Alija Izetbegovic.

7 Il m'a dit : "regarde-le". Alors je l'ai regardé. Il m'a dit :

8 "va-t-en". Puis encore une fois, il m'a dit : "va-t-en, j'encule ta mère

9 de Balija".

10 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, comment votre fils

11 était-il habillé quand vous avez vu son corps sur le sol ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Mon fils avait un manteau bleu,

13 c'était une sorte de bleu de travail. Il avait un pantalon aussi et

14 quelque chose sur ses pieds, mais je ne pouvais pas vraiment l'observer.

15 J'étais dans une sorte de coma. J'ai vu mon propre fils mort.

16 M. Harmon (interprétation). - L'huissier pourrait-il m'aider à

17 placer la pièce n° 128 sur le rétroprojecteur. Monsieur l'huissier, je me

18 référerai également à la pièce à conviction 110/4.

19 (L'huissier place les pièces à conviction sur le

20 rétroprojecteur.)

21 M. Harmon (interprétation). - Voyez-vous cette photo, madame

22 Ahmic, sur l'écran de télévision ?

23 Mme Ahmic (interprétation). - Je la vois, mon soleil. Mon Dieu,

24 regardez ce qu'ils ont tué.

25 (Le témoin pleure.)

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Voyez ce qu'ils ont pu faire.

2 Faire cela, le tuer, me le tuer.

3 M. le Président. - Vous avez beaucoup d'autres photos à

4 présenter au témoin ?

5 M. Harmon (interprétation). - Une seule encore.

6 Monsieur l'Huissier, pourriez-vous placer encore une photo, la

7 pièce à conviction 110/4, celle qui se trouve en bas.

8 M. le Président. - Voulez-vous vous reposer un peu ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Je me suis reposée. Je ne me

10 reposerai pas avant ma mort. Mon fils, ils m'ont tué mon fils alors qu'il

11 n'a rien fait. Il a été gentil avec tout le monde. Ses collègues étaient

12 des Croates, il jouait avec eux, il allait à l'école avec eux, il était

13 avec eux.

14 M. le Président. - Vous voulez continuer, vous vous sentez

15 capable de continuer, madame Ahmic ou voulez-vous que l'on suspende.

16 Mme Ahmic (interprétation). - Vous pouvez continuer.

17 M. le Président. - Vous avez encore une photo que vous voulez

18 présenter tout de suite, monsieur le Procureur ?

19 M. Harmon (interprétation). - J'ai une autre photo qui est sur

20 le rétroprojecteur, mais qui n'apparaît pas à l'écran. J'ai l'impression

21 qu'il y a un problème technique. Je l'identifierai pour le compte rendu.

22 Il s'agit d'une photo qui a déjà été montrée précédemment. C'est la

23 photo 110/4.

24 Madame Ahmic, vous voyez la photo qui se trouve en bas, celle

25 d'un jeune homme et d'une jeune femme ? S'agit-il également de votre fils

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1 Fahrudin ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, c'est mon fils Fahrudin et

3 c'est la femme de Fahrudin, Suada. Là, ce sont eux deux et voilà mon fils,

4 mon cher fils.

5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je demande

6 le versement au dossier de la pièce à conviction de l'accusation n° 128.

7 M. le Président. - Avez-vous terminé pour les photos, monsieur

8 le Procureur ?

9 M. Harmon (interprétation). - Oui, monsieur le Président.

10 Madame Ahmic, puis-je continuer à vous poser quelques questions

11 ou avez-vous besoin de quelques minutes de tranquillité ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai un malaise.

13 M. le Président. - Nous reprendrons la séance à 11 heures.

14 L'audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures.

15

16 M. le Président. - Madame Ahmic, allez-vous mieux ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

18 M. le Président. - Courage. Monsieur le Procureur, essayez de

19 concentrer vos questions. Ne faites pas trop durer ces épreuves. Allez-y.

20 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, finalement avez-vous

21 quitté la maison de votre fils, Fahrudin ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - Avec qui êtes-vous partie et pour

24 aller où ?

25 Mme Ahmic (interprétation). - Nous sommes partis, nous

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1 traversions un champ. Dans ma tête, j'avais l'idée d'aller jusqu'à la

2 maison de Zarko. J'ai traversé le champ. La porte était ouverte, j'ai

3 regardé. Je ne peux pas me rappeler Karlo. Il était au milieu du couloir

4 et il tirait sur la maison de Mekrema Ahmic. Moi j'allais vers la maison.

5 Il a fermé la porte. J'ai frappé à la porte pour entrer, pour sauver les

6 enfants, pour rester là pendant un certain temps pour nous protéger des

7 coups de feu. Personne ne nous a ouvert.

8 Je suis allée vers une autre maison de Ljuban. Là aussi, j'ai pu

9 entendre que la maison était pleine, mais ils ne voulaient pas m'ouvrir.

10 Alors nous avons pris le chemin par le champ vers la Lasva.

11 M. Harmon (interprétation). - Je vous interromps, si vous me le

12 permettez. Alors que vous vous dirigiez vers la rivière Lasva, vous êtes-

13 vous retournée pour regarder la maison de votre fils ? Et dans quel état

14 était cette maison ?

15 Mme Ahmic (interprétation). - Quand je me suis retournée, la

16 maison était en feu. Les flammes sortaient déjà par les fenêtres. La

17 maison était déjà mise à feu.

18 M. Harmon (interprétation). - Je vous en prie, continuez.

19 Mme Ahmic (interprétation). - Ensuite, nous allions vers la

20 partie inférieure, en passant par le champ. En ce qui concerne les

21 enfants, mon mari en portait un et ma belle-fille en portait un autre. On

22 n'a même pas permis aux enfants de se mettre des petites bottes aux pieds.

23 Ils nous disaient simplement : "Allez, allez !". Je disais simplement :

24 "Mais où veux-tu que j'aille ? Il disait : "Pars, Balija, je t'encule".

25 Nous sommes partis, et j'ai vu Drago se diriger vers nous, de la

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1 direction de la forêt, avec Anto Papic. Moi je disais : "Drago, Drago,

2 pourquoi n'as-tu pas sauvé mon Fahrudin ?" Il s'approchait pour me

3 présenter ses condoléances, mais je lui ai dit : "Qu'est-ce que j'ai à

4 faire de tes condoléances, puisque tu ne l'as pas sauvé. Sais-tu qui l'a

5 tué ?" Il a répondu : "Je ne sais pas qui l'a tué, ce n'est pas moi qui

6 l'ai tué". Je lui ai dit : "Tu sais qui l'a tué ?" Il m'a répondu :

7 "L'ordre est venu de haut pour le tuer, moi je n'ai pas pu le sauver, mais

8 ce n'est pas moi qui l'ai tué".

9 Moi j'ai crié : "Alors tu sais qui l'a tué !".

10 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé à ce moment-là,

11 Madame Ahmic ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - J'ai dit : "Etant donné que cette

13 armée est venue de ta cour, tu devrais savoir qui a tué mon fils". Lui m'a

14 dit : "Non, je ne le sais pas". Là, il a dit : "L'ordre est arrivé d'en

15 haut".

16 Je lui ai demandé de nous protéger, de nous permettre de nous

17 protéger.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes en train de parler de

19 Drago Josipovic,

20 n'est-ce pas ?

21 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite,

23 Madame Ahmic ?

24 Mme Ahmic (interprétation). - J'ai demandé à Drago Josipovic de

25 me sauver avec les enfants et de me dire où je pouvais le faire. Il m'a

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1 dit : "Je ne sais pas". Alors j'ai demandé à Anto Papic, j'ai dit : "Est-

2 ce que nous pouvons nous cacher dans votre maison ?". Il m'a répondu :"Je

3 n'ose pas, le danger me menace, moi aussi". Mais Drago Josipovic lui a

4 dit : "Ecoute, ta maison est quand même dans la forêt, ils pourraient

5 rester dans ta maison".

6 Effectivement, nous avons passé toute la journée dans sa maison

7 et cette nuit-là, nous l'avons passée dans sa maison aussi.

8 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous vous trouviez

9 dans cette maison, Madame Ahmic, avez-vous quitté cette maison pour

10 essayer de retourner dans la direction de la vôtre ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, j'ai laissé mes enfants et

12 mon mari là-bas et puis j'ai pris encore le champ. J'allais vers mon fils,

13 je me disais que peut-être il avait été simplement blessé et que je

14 pourrais le sauver. La maison de Nikola Omazic était là. A côté de la

15 maison, il y avait les Croates armés. Ils étaient tous armés et ils

16 étaient derrière la barrière, mais ils ne me laissaient pas passer. Ils

17 m'ont demandé où j'allais. Je leur ai dit : "Je vais vers la maison, peut-

18 être que mon fils a été seulement blessé, je veux le sauver". Mais ils ne

19 m'ont pas laissé passer. Je suis donc rentrée.

20 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, vous dites qu'il y

21 avait des Croates à cet endroit. Combien étaient-ils à peu près ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compté, il y en avait

23 peut-être douze ou treize, quelque chose comme cela.

24 M. Harmon (interprétation). - Comment étaient-ils habillés ?

25 Vous le rappelez

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1 vous ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je me le rappelle. Ils

3 avaient tous des uniformes de camouflage.

4 M. Harmon (interprétation). - A ce moment-là, est-ce que vous

5 êtes retournée dans la maison d'Anto Papic pour y passer la nuit du 16 ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Il y a un point que j'aimerais

8 éclaircir avec vous, madame Ahmic. La personne qui a dit que les ordres

9 venaient d'en haut était Drago ou Anto ?

10 Mme Ahmic (interprétation). - Drago.

11 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que vous

12 repensiez au matin suivant, le 17 avril 1993. Pouvez-vous dire ce qui

13 s'est passé ce matin-là ?

14 Mme Ahmic (interprétation). - Vous voulez que je parle de la

15 première fois où ils nous ont attaqués ? C’est de cela que vous voulez que

16 je parle ?

17 M. Harmon (interprétation). - Non, du matin du 17. Vous avez

18 passé la nuit du 16 dans la maison de Anto Papic. Mais, que s’est-il passé

19 le lendemain matin ?

20 Mme Ahmic (interprétation). - Anto est venu le lendemain matin.

21 Drago Josipovic est venu plusieurs fois. Il nous racontait qui était tué,

22 il disait : Ramic, Munir, Hasim ; il a donné environ vingt noms de

23 personnes qui ont été tuées.

24 M. Harmon (interprétation). - Il faisait référence à des

25 Musulmans, n'est-ce pas ?

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, à des Musulmans qui ont été

2 tués. Moi, j'ai crié : "cher Drago, qu'est-ce qui arrive pour qu’on tue

3 ici tous les Musulmans, pour qu’on brûle leurs maisons ?" Il m'a répondu :

4 "Je ne sais pas, ce n'est pas moi qui ai donné l'ordre de tuer". C'est

5 cela que Drago m’a répondu quand je lui ai posé la question : "mais

6 pourquoi tue-t-on autant ces gens-là et qu’il m’a donné les noms de

7 voisins qui ont été tués."

8 M. Harmon (interprétation). - Que s’est-il passé le matin du

9 17 ?

10 Mme Ahmic (interprétation). - Encore une fois, Drago et Anto

11 sont venus. Ils ont dit : "Toi Hasim, Zenur et Amir, vous allez porter les

12 cadavres dans la cour de Ramiz". J’ai crié, j’ai dit : "Non, mon Hasim ne

13 peut pas le faire. Il est malade, il est vieux et il ne peut pas porter le

14 corps de son propre fils. Il ne survivra pas à ça". Alors il a dit : "Toi,

15 Zenijl et Ahmid (c’étaient les frères) et Munir, vous allez transporter

16 les cadavres dans la cour de Ramiz". C’est ainsi que cela a été fait. Nous

17 sommes restés là jusqu'à environ 3 heures. Ensuite, Drago et Anto Papic

18 sont venus. Il nous ont dit : "Préparez-vous maintenant, vous allez être

19 échangés", "Où ça ?", "A Zenica, vous allez être échangés".

20 Donc, nous sommes sortis de la maison, nous avons commencé à

21 marcher. Il y avait plusieurs familles dans la maison de Anto Papic. Cette

22 nuit-là, environ cinq ou six familles y ont passé la nuit. Ceux qui

23 étaient avec nous ont pris la route principale, donc mes voisins.

24 Nous, nous traversions par le champ pour voir si le corps de

25 notre fils avait été amené. Devant la maison, nous avons pu constater que

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1 le corps de mon fils n’était plus là. A l’endroit où il avait été tué, il

2 n’y avait plus que du sang.

3 Ensuite, nous sommes entrés dans sa maison. Le premier étage

4 avait brûlé complètement. A cause de la chaleur, un tuyau s’était rompu

5 dans la salle de bain. Ce qui fait qu'au niveau supérieur cela n'avait pas

6 brûlé. Nous avons donc pu monter pour prendre quelques vêtements pour les

7 enfants, des chemises et des vestes. Ensuite, nous sommes sortis de la

8 maison.

9 Lui, il voulait donner à manger aux poulets. Moi, je lui ai

10 dit : "Ils sont tous partis, il faudrait qu'on y aille". Il m'a dit :

11 "Vas-y toi, je vais te rattraper". Drago Josipovic était là. J'ai dit :

12 "Drago, pouvons-nous rester, ici, dans la cuisine d'été ?", parce qu'elle

13 n'avait pas brûlée. Il m'a dit : "Quant à moi, vous pouvez rester là, mais

14 d’autres gens vont vous tuer". Je disais à mon mari : "Vas-y, dépêche-

15 toi". Lui, il fermait le garage. Moi, j’allais lentement et j'ai pu voir

16 qu'il fermait la porte, le grand portail.

17 J’ai pris la route. Devant la maison de Ramiz, il y avait une

18 camionnette dans laquelle se trouvaient les soldats qui étaient tous en

19 uniforme noir. Quand je les ai vus, quand je suis arrivé, ils ne m'ont

20 rien dit. J'ai vu derrière Nikica Slikica qui y allait. Il avait un bas

21 sur son visage. Mais je l’ai reconnu. Je lui ai dit : "Hasim est resté

22 derrière, fais attention à lui pour le protéger, s'il te plaît". Zevic

23 était avec lui.

24 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, j’aimerais attirer

25 votre attention sur cette camionnette qui passait et dans laquelle se

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1 trouvaient des hommes en uniforme noir. Avez-vous entendu parler l’un

2 quelconque de ces hommes, dans la camionnette ?

3 Mme Ahmic (interprétation). - A côté de la camionnette, il y

4 avait trois ou quatre personnes en uniforme noir. L'un d'entre eux avait

5 un talkie-walkie et l'antenne était dehors. Il disait au talkie-walkie :

6 "Oui, l'action a réussi, ils sont allongés devant chaque maison comme des

7 porcs." J'ai entendu cela. Mon mari est passé à côté de cette camionnette.

8 On l'a arrêté et on lui a demandé : "Où vas-tu ? Comment

9 t'appelles-tu ?" Il a dit : "Je suis Hasim Ahmic". "Où vas-tu ?"

10 Il a répondu : "Je vais dans le magasin, les nôtres sont là".

11 "Qu'est-ce que tu portes ? Ce sont des armes ?", lui a-t-on

12 demandé. Il a répondu : "Non, ce sont des vêtements. Mon fils a été tué

13 hier, je porte quelques vêtements pour ses enfants". Et il a montré ce

14 qu'il portait.

15 Ils ont crié et lui ont dit : "Vas-y, on viendra te chercher, tu

16 prendras un verre avec nous." Moi j'étais là. Il m'a retrouvé et il est

17 venu à côté de moi. Il m'a dit : "Chère Fatima, ils viendront me

18 chercher." J'ai dit : "Qui ?" "Ceux à côté de la camionnette" m'a-t-il

19 répondu, "T'ont-ils dit quelque chose à toi ?" J'ai dit "Mon". Il m'a

20 dit : "A moi ils ont dit qu'ils viendraient me chercher."

21 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, je crois comprendre

22 que vous êtes arrivée avec votre mari jusqu'à cette boutique où d'autres

23 Musulmans étaient détenus.

24 Mme Ahmic (interprétation). - Il y avait beaucoup de Musulmans.

25 C'était un magasin, donc c'était comme tel. En bas, le sol était en béton.

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1 C'est là que nous avons passé la nuit. Il est venu chez moi.

2 M. Harmon (interprétation). - Est-ce à cet endroit que votre

3 mari vous a expliqué ce que ces hommes de la camionnette lui avaient dit ?

4 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, c'est là qu'il m'a expliqué.

5 Anto Papic était assis là et il m'a dit : "Chère Fatima, maintenant ils

6 vont venir me chercher." J'ai dit : "Qui ?". "Ceux qui étaient devant la

7 camionnette." J'ai dit : "Mais non, n'aie pas peur. Enlève ton bonnet,

8 ils ne vont pas te reconnaître."

9 C'est ce qu'il a fait, il a enlevé son bonnet et peut-être dix

10 ou quinze minutes plus tard, trois, peut-être quatre, mais certainement

11 trois soldats sont venus. Ils sont entrés, il était à côté de moi. Ils

12 l'ont montré du doigt en disant : "Toi, le vieux, lève-toi."

13 Munic était là lui aussi. Il lui a dit : "Viens, toi aussi".

14 Alors Zenjil et Asim, les deux frères, se sont cachés un peu entre les

15 femmes et l'un des soldats a dit aux deux frères, à Zenur et Amir :

16 "Qu'est-ce que tu penses à te cacher comme cela, lève-toi, levez-vous,

17 venez avec nous." Mon mari tremblait, il avait peur. Je me suis levé, j'ai

18 crié et je leur ai dit : "Mon mari est vieux et malade, il subit une

19 dialyse pour ses reins, il a besoin de cela."

20 Il m'a répondu : "On lui donnera une dialyse tout de suite."

21 Encore une fois j'ai dit : "Non, ne faites pas ça". Il m'a poussé avec son

22 fusil. Ils les ont emmenés et puis j'ai entendu une rafale.

23 La maison était en feu. Il y avait une grande étable à côté de

24 cette maison. Peu après, l'étable a pris feu également. Nikica Slikica

25 venait de cette direction. Je l'ai appelé et lui ai dit : "Ecoute, viens

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1 Nikica, s'il te plaît, dis-moi où ils ont emmené les trois hommes." Il

2 s'est approché de moi et m'a dit : "ils les ont emmenés pour les

3 échanger."

4 Je lui ai dit : "non, Nikica, ne me mens pas, il faut me dire la

5 vérité, que leur est-il

6 la vérité. Ne me cache pas la vérité. Tu sais que j'ai été une très bonne

7 amie de ta mère. Au nom de ta mère, s'il te plaît dis-moi la vérité."

8 Il m'a dit : "Puisque tu mentionnes ma mère morte, je vais te

9 dire la vérité car elle est importante pour moi : ne les cherche pas, ils

10 ont été tués, c'était l'ordre qui a été donné."

11 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, je vous demanderai

12 maintenant quelques éclaircissements au sujet de certains des points de

13 votre déposition. Je lis le compte rendu sur l'écran à côté de moi. Vous

14 avez que Anto Papic était arrivé et avait dit : "Ils vont venir me

15 chercher." Mais en fait c'est votre mari qui s'est assis à côté de vous et

16 a dit "eux" en faisant référence à ces soldats.

17 Mme Ahmic (interprétation). - C'est mon mari, c'est mon mari qui

18 est venu, oui. Anto Papic était déjà là. C'est mon mari qui est venu. Anto

19 Papic s'est levé à un moment donné et il a dit qu'il fallait donner du

20 lait aux enfants. Il était à peine sorti de quelques minutes que les

21 autres sont arrivés et ils les ont emmenés en bas, du côté de la cour de

22 la maison de Muino Dejic.

23 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, les hommes qui sont

24 venus chercher votre mari pour l'emmener, étaient-ce les mêmes hommes que

25 vous avez vu devant la camionnette ou étaient-ce d'autres personnes ?

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Ils avaient des uniformes de

2 camouflage, ils n'avaient pas les uniformes noirs de ceux qui étaient

3 venus chercher mon mari. Ceux de la camionnette avaient des uniformes

4 noirs, mais ceux qui sont venus chercher mon mari et chercher aussi Amir,

5 Zenur et Munir, avaient des uniformes de camouflages.

6 M. Harmon (interprétation). - Depuis le 17 avril 1993, avez-vous

7 revu votre mari vivant ? Avez-vous revu Munir Heleg vivant ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Non.

9 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu Amir et Zenur Ahmic

10 vivants ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - Non.

12 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous monter rapidement

13 trois photographies et je vais vous demander si vous pouvez identifier les

14 personnes. Je demande l'assistance de l'huissier pour placer les

15 photographies 121 et 110/5 sur le rétroprojecteur.

16 M. le Président. - Monsieur le Procureur, je comptais intervenir

17 au nom de mes collègues. Attendez, monsieur le Greffier. Nous avons

18 discuté, nous, les trois juges, et avons décidé que désormais, lorsqu'il y

19 aurait des éléments émotionnels ou susceptibles de l'être, nous aimerions

20 que vous vous tourniez vers la défense en disant quelle est votre

21 intention, notamment en ternes de versement de pièces à conviction. Puis,

22 s'il n'y a pas d'opposition de la défense, que ces pièces soient versées

23 directement, sans avoir à les montrer à nouveau.

24 M. Harmon (interprétation). - D'accord.

25 M. le Président. - Je ne comptais pas attendre le témoin suivant

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1 pour expliquer cette position des juges. Si la défense pense devoir faire

2 des objections, à ce moment-là, mais à ce moment-là seulement, nous

3 montrerons les photos au témoin.

4 Je pensais que vous alliez montrer d'autres types de

5 photographies. J'ai l'impression que ce sont également des photographies

6 des membres de la famille de Mme Fatima Ahmic. Vous seul pouvez nous le

7 dire. Si tel est le cas, ce sont des éléments trop émotionnels, vous dites

8 à la défense quelles sont ces photographies et au besoin, M. le Greffier,

9 les leur montre. S'il n'y a pas d'objections, nous les versons au dossier.

10 S'il y a des objections, nous les montrons au témoin.

11 Voilà, monsieur le Procureur, et nous ferons ceci désormais pour

12 tous les témoins qu'il s'agisse de ceux de l'accusation ou de ceux de la

13 défense.

14 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, là il

15 s'agit des photographies de trois hommes qui ont été amenés à l'extérieur

16 de cette pièce, ensemble avec son mari, le 17 avril 1993. C'était Zenur et

17 Amir Ramiz et Munir Heleg. Je voudrais que le témoin confirme

18 qu'il s'agit bien des trois personnes qui ont été amenées dehors avec son

19 mari. Je ne pense pas que sa réaction sera semblable à celle de tout à

20 l'heure.

21 M. le Président. - Vous montrez donc ces photographies au

22 témoin ? D'accord.

23 M. Harmon (interprétation). - Je vais commencer par la

24 photographie n° 121, madame Ahmic. C'est la photo où une seule personne

25 est présente. Excusez-moi... ce n'est pas cette photo-là... Oui, monsieur

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1 l'Huissier, c'est maintenant la bonne photo.

2 Madame Ahmic, la photographie 110/5 est devant vous. La

3 reconnaissez-vous ?

4 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je peux vous le dire. Voilà

5 Zenur et Amir.

6 M. Harmon (interprétation). - Les deux hommes sur la

7 photographies sont Zenur et Amir. C'est cela ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, deux frères.

9 M. Harmon (interprétation). - Pouvons-nous voir maintenant la

10 photographie n° 121 ?

11 Pouvez-vous me dire qui est sur cette photo ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Ici, c'est Munir Heleg.

13 M. Harmon (interprétation). - Merci. J'ai terminé avec les

14 photos, monsieur l'huissier.

15 Madame Ahmic, pourquoi avez-vous quitté le magasin le 17 avril

16 au matin ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Ils sont arrivés et ils nous ont

18 dit : "Allez où vous voulez maintenant". Nous avons crié : "Mais où

19 pouvons-nous aller maintenant ?"

20 Ils se sont retirés, ils ont discuté entre eux, je ne sais pas

21 ce qu'ils se sont dits. Ils ont fini par dire : "Sortez et alignez-vous !"

22 Nous sommes tous sortis. Cela a fait une longue colonne. Il y avait même

23 des femmes qui portaient leurs enfants et qui étaient enceintes. Elle sont

24 sorties aussi dans la colonne. On nous a dit de suivre Nikica. Nous avons

25 suivi Nikica en marchant sur la route et nous sommes arrivés jusqu'à la

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1 gare de chemin de fer. A ce moment-là,

2 ils ont dit : "Arrêtons-nous pour voir".

3 On a vu que certains sont allés à Dobravica. Il y en a de chez

4 nous qui sont allés à Dobravica, qui sont revenus et qui ont dit : "Allez

5 à l'école de Dobravica".

6 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous resté dans l'école de

7 Dobravica jusqu'au 1er mai 1993 ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, avez-vous été placée

10 dans une pièce avec d'autres femmes et d'autres enfants ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, c'était une grande pièce, une

12 grande salle avec de jeunes gens. Il y avait beaucoup de gens dans cette

13 pièce, beaucoup d'enfants, de femmes. Moi, je me trouvais dans une salle

14 de classe avec mes petits enfants. A ceux qui avaient des enfants, ils ont

15 permis d'aller dans des salles de classe. Quant aux hommes, ils ont tous

16 été rassemblés dans une grande pièce. Il s'agissait de Musulmans.

17 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, y avait-il des

18 dessins sur le mur, dans la pièce dans laquelle vous vous trouviez, vous

19 et les autres femmes et enfants musulmans ?

20 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, il y avait des dessins, des

21 dessins tellement horribles que nous n'en dormions plus. Ils dessinaient

22 des têtes, ils écrivaient des tas de choses. On voyait une tête avec un

23 couteau en travers du cou et ils disaient : "Voilà ce que nous allons

24 faire des Balija, des femmes musulmanes". Ils ont dit : "C'est ainsi que

25 nous allons violer les femmes musulmanes". Moi je ne pouvais pas lire ce

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1 qui était écrit, mais ceux qui le pouvaient l'ont fait.

2 Nous avons passé une dizaine de jours dans ce bâtiment, dans

3 cette école. La Croix Rouge essayait de faire des enquêtes à notre sujet.

4 Elle est arrivée et nous a trouvés.

5 M. Harmon (interprétation). - Madame Ahmic, je me permets de

6 vous interrompre

7 avant que vous ne poursuiviez. Quelle a été votre réaction et celle des

8 autres femmes et des enfants musulmans à ces dessins qui se trouvaient sur

9 les murs du bâtiment où vous étiez détenus ?

10 Mme Ahmic (interprétation). - Nous étions terrifiés. Tous les

11 jours, nous nous attendions à ce qu'ils viennent et à qu'ils nous fassent

12 exactement ce qui était décrit par les dessins. A chaque fois que la porte

13 s'ouvrait, nous avions peur que quelque chose nous arrive, que ce qui

14 était dessiné sur les murs nous arrive. Nous étions tous effrayés, les

15 enfants et nous. Leur façon de dessiner ce qu'ils projetaient de nous

16 faire était effrayante.

17 M. Harmon (interprétation). - Les autres femmes qui se

18 trouvaient avec vous étaient-elles également des survivantes d'Ahmici ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, nous venions tous d'Ahmici,

20 mais il y avait également des réfugiés d'Ahmici qui se trouvaient là, dans

21 ce bâtiment.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous a-t-on donné de quoi vous

23 alimenter ?

24 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, nous avions quelque

25 nourriture. Ils nous ont dit la chose suivante : "Nous avons gardé

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1 quelques Balija dans les environs. Si jamais elles vous amenaient de la

2 nourriture, parfait, sinon vous n'avez qu'à vous débrouiller".

3 Ces femmes venaient de temps en temps, nous avions un peu de

4 nourriture à donner à ces enfants. Nous avions du poisson en conserve et

5 c'est ce que nous leur donnions à manger. Quand la Croix Rouge est venue,

6 ils nous ont apporté des biscuits et des plats cuisinés dans de petites

7 cantines pour que les enfants puissent manger. Ma belle-fille, Suada, a pu

8 venir aussi. Elle venait tous les matins. Eux leur disaient d'aller faire

9 le ménage dans les pièces du haut.

10 Ma belle-fille se portait toujours volontaire parce qu'elle

11 pouvait trouver du pain dans ces pièces. Elle trouvait également de la

12 margarine et aussi un peu de confiture. J'y allais, moi aussi, de temps en

13 temps. Et puis elles essayaient de savoir à quel soldat il fallait

14 demander du pain. Nous leur disions qu'il fallait donner à manger aux

15 enfants. Les enfants pleuraient parce

16 qu'ils avaient faim. Nous n'avions rien du tout. Je le répète, les enfants

17 pleuraient.

18 Ils ont emmené les jeunes pour creuser des tranchées. Ils nous

19 menaçaient. Ils amenaient des lettres et nous les lisaient. Ils nous

20 disaient : "Voyez ce qu'ont fait les vôtres. Vous allez voir, nous allons

21 revenir cette nuit". Ils avaient trop bu. Ils buvaient beaucoup. Ensuite,

22 ils s'emparaient de certaines femmes et ils les emmenaient pour les

23 violer. Il n'y avait pas d'électricité, ils prenaient des torches et ils

24 cherchaient une jeune femme pour l'emmener avec eux et pour la violer.

25 J'ai reconnu un de nos voisins. Son nom était Anto Miskovic.

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1 Je lui ai dit : "Mais Anto, je te connais. Tu as pris un café

2 dans la cour de ma maison." Il a répondu : "Moi aussi je te reconnais. Tu

3 es une amie de ma grand-mère. J'ai honte de ce que ces idiots sont en

4 train de faire. Si quelqu'un vient chercher des femmes, saches que je me

5 trouve dans la pièce à côté. Celle qui peut crier le plus fort doit

6 appeler le plus fort possible et j'arriverai. N'ayez pas peur."

7 Et il venait. Ils allaient dans les autres salles. Lui dormait

8 dans une salle qui jouxtait la nôtre. Dès qu'il pouvait nous aider, il le

9 faisait.

10 Il y avait aussi un autre jeune homme, il avait peut-être 17 ou

11 18 ans. Lui aussi se trouvait dans la salle de classe où j'étais. Lui, il

12 a perdu une chaîne avec une croix attachée à cette chaîne. Il se trouvait

13 sur le pas de la porte et il m'a dit : "Toi, la vieille femme là-bas, il

14 me faut cette chaîne d'ici cette nuit. Si je ne l'ai pas - il m'a fait ce

15 signe-là que j'indique - je te grave une croix sur le front". Mes petits-

16 enfants ont commencé à pleurer.

17 Une fois encore, cet Anto est arrivé. Il a demandé ce qui se

18 passait. Je lui ai raconté. Je lui ai dit : "Ce jeune homme est en train

19 de me dire qu'il a perdu une chaîne et que si je ne la retrouve pas, il va

20 me graver une croix sur le front, ici." Anto m'a répété : "N'aie pas peur.

21 Tant que je suis là, tu n'as pas à avoir peur." Il avait bu un petit peu.

22 Je lui ai dit : "J'ai peur de cet homme".

23 M. Harmon (interprétation). - Vous avez quitté l'école de

24 Dubravica le

25 1er mai 1993. Avez-vous eu l'occasion de retourner à la cuisine d'été de

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1 votre maison ou de retourner dans la municipalité de Vitez ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Absolument pas. Il n'y avait plus

3 de maisons. Toutes les maisons musulmanes ont été incendiées. Il n'en

4 restait pas une debout. Vous pouvez regarder ces photos, il ne restait

5 plus aucune maison musulmane intacte. Où aller ? Retourner vers quoi ? De

6 toute façon, ils ne nous laissaient pas retourner.

7 Quand la Croix Rouge est arrivée, lorsqu'ils nous ont demandé

8 qui souhaitait rentrer chez lui ou qui souhaitait aller quelque part, chez

9 des proches, à Zenica ou ailleurs, la seule chose que ne puissions écrire,

10 c'était que nous désirions aller ou à Zenica ou à Travnik, mais en aucun

11 cas à Vitez. Il n'y avait nulle part où aller à Vitez. Ils nous ont donné

12 ces petites cartes de la Croix Rouge et ils nous ont trouvé des bus. Ils

13 nous ont tous amenés à Zenica. Sur place, à Zenica, chacun essayait de se

14 débrouiller du mieux qu'il le pouvait. J'ai dit que je voulais aller dans

15 le village d'Arnauti parce que deux des soeurs de mon mari vivaient là-

16 bas.

17 Lorsque je suis arrivée, toute sale, pieds nus... Nous sommes

18 restés une quinzaine de jours dans cette école. Nous ne pouvions pas nous

19 laver, nous changer. Je me tenais là comme une gitane. J'arrive maintenant

20 très bien à me rappeler quelle tête j'avais à ce moment-là. L'oncle de mes

21 belles-filles est venu les chercher, elles et les enfants, et il m'a dit :

22 "Viens avec nous".

23 Ma fille, qui était réfugiée à Raspotocje, a découvert que nous

24 étions arrivés. Elle a envoyé un homme pour venir me chercher, mais elle

25 ne savait pas que son papa avait été tué. Quand je suis sortie de la

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1 voiture, elle a dit : "Où est papa ?" Je lui ai dit : "Papa a été tué ma

2 chérie." Elle est allée sur le pas de la porte dans ce village et voilà ce

3 qui s'est passé.

4 Vous savez ce qu'ils nous ont fait est impensable. Jamais, on

5 n'avait vu des choses pareilles, même pas au cinéma. C'était vraiment

6 horrible, vous n'imaginez pas. Cela leur était bien égal que ce soit

7 quelqu'un d'âgé, de malade, un enfant... Ils tuaient tout le monde. Ils

8 ont

9 tué tout le monde à l'intérieur ou à l'extérieur des maisons. Comment ne

10 m'ont-ils pas tuée, je ne me l'explique pas.

11 D'autres femmes ont été tuées, des enfants, des bébés de trois

12 mois ont été tués. Ma belle-soeur avait un bébé de trois mois et il a été

13 tué. C'était monstrueux, c'était affreux. J'espère que Dieu ne permettra

14 pas que de telles choses se reproduisent ou arrivent à qui que ce soit

15 d'autres. J'espère que ce qui nous est arrivé à nous, à Ahmici, n'arrivera

16 à personne. Tout a été détruit et brûlé. Nous n'avons jamais pu y

17 retourner jusqu'à ce jour. Ils ne nous le permettent pas.

18 Deux ou trois fois, nous avons essayez d'aller à la mosquée,

19 nous y avons été, mais accompagnés d'une escorte. Certaines personnes

20 voulaient aller sur le lieu de leur maison détruite pour emporter quelques

21 souvenirs, quelque chose ayant une valeur mais ils n'ont pas permis que

22 ces personnes y aillent. Nous n'avons pu aller seulement que vers la

23 mosquée.

24 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie infiniment pour

25 votre témoignage.

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1 M. le Président. - Nous allons maintenant entendre les conseils

2 du général Blaskic. Ils vont vous poser des questions. L'audience

3 reprendra à midi.

4 L'audience, suspendue à 11 heures 40, est reprise à 12 heures

5 M. le Président. - Nous pouvons faire rentrer l’accusé.

6 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d'audience.)

7 M. le Président. - Madame Ahmic, m'entendez-vous ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

9 M. le Président. - Il y a un procès et un accusé, des défenseurs

10 et des avocats, ce qui est tout à fait normal. L’avocat du Général Blaskic

11 va vous poser les questions qu'il jugera

12 utile de vous poser. Vous êtes-vous reposée ? Vous sentez-vous bien ?

13 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Je me sens tout à fait bien.

14 M. le Président. - Ce sera donc Maître Nobilo.

15 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

16 Bonjour, Madame Ahmic.

17 Mme Ahmic (interprétation). - Bonjour.

18 M. Nobilo (interprétation). - Je m’appelle Anto Nobilo. Voici

19 mon collègue Russel Hayman. Ensemble, nous assurons la défense de

20 M. Blaskic. Pardon de vous ennuyer encore quelque temps, je n'ai que

21 quelques questions à vous poser.

22 Vous avez déclaré au Procureur que votre mari, feu Hasim,

23 prenait des tours de garde. Qui était son commandant et qui lui disait

24 quand il devait prendre un tour de garde ?

25 Mme Ahmic (interprétation). - Ramo Bilic, Mirsad Ahmic

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1 décidaient qui devait participer au tour de garde. Mon fils également. Lui

2 aussi disait qui devait participer aux patrouilles. Il ne précisait pas

3 qu'il fallait faire des patrouilles pour se défendre des Croates, parce

4 que tout le monde savait que les Chetniks nous menaçaient. Mais, avant,

5 les Musulmans et les Croates faisaient les patrouilles ensemble.

6 Puis, lorsque nous avons été attaqués la première fois, ils ont

7 commencé à se scinder. Les Croates n’acceptaient plus du tout que nous

8 allions faire des patrouilles avec eux.

9 M. Nobilo (interprétation). - Feu votre mari Hasim, faisait-il

10 des patrouilles seulement dans votre hameau où allait-il aussi à

11 Gorni Ahmici ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Non, il empruntait la route qui

13 allait du café jusqu'à Ahmici. Il patrouillait sur ce segment de route.

14 C'était un homme assez âgé, il ne se permettait pas d’aller plus loin.

15 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi si l’on appelle votre

16 hameau Grabovi ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Non, Zume.

18 M. Nobilo (interprétation). - Ah, vous êtes de Zume !

19 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

20 M. Nobilo (interprétation). - Qui était le commandant de votre

21 fils Fahrudin ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Personne ! Il n'avait pas de

23 commandant ! Quel commandant ?

24 M. Nobilo (interprétation). - Qui lui disait quand il fallait

25 qu'il fasse une patrouille ?

Page 3959

1 Mme Ahmic (interprétation). - Personne. De qui prenait-il ses

2 ordres, je n'en sais rien. Ahmic... Vous savez ces trois frères qui ont

3 été tués... Je ne me rappelle pas de son prénom pour l’instant. Son frère

4 est venu témoigner ici. Muris... Muris Ahmic, c'était lui le commandant !

5 M. Nobilo (interprétation). - Où se trouvait le poste de

6 commandement ?

7 Mme Ahmic (interprétation). - Il n’y avait pas de poste de

8 commandement.

9 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il une base à l'école

10 élémentaire d’Ahrmici ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, il y avait une espèce de

12 conférence à l’école. Je ne sais pas... Je sais qu’au début, lorsque nous

13 avons été attaqués pour la première fois par les Croates, les Croates et

14 les Musulmans les plus âgés s’y sont retrouvés pour essayer de trouver une

15 solution.

16 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque votre fils a reçu des

17 fusils, d'autres personnes du village en ont-elles reçus ? Ou bien était-

18 il le seul à en recevoir ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - Non, elles en ont obtenus.

20 M. Nobilo (interprétation). - Tous en ont obtenus ?

21 Mme Ahmic (interprétation). - Oui. Ils ont fabriqué de nouveaux

22 fusils avec des parties de vieux fusils. Drago a aidé personnellement mon

23 fils à construire l’arme qu’il avait. Et puis, le beau-frère de Drago lui

24 a confisqué cette arme et il l’a donnée à Drago Josipovic. Vous pouvez

25 demander à Drago Josipovic d’ailleurs, il vous dira la même chose parce

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1 que c’est la

2 vérité. Ils ont pris des armes à tout le monde.

3 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous vu des personnes

4 confisquer des armes ?

5 Mme Ahmic (interprétation). - Nenad en a donné l'ordre à mon

6 fils. Il lui a dit que si les armes n'étaient pas rendues avant 18 heures,

7 tout le monde en subirait les conséquences, tout le monde sauterait.

8 M. Nobilo (interprétation). - Madame Ahmic, avez-vous fait

9 quelque déclaration que ce soit à quelqu’un ? Avez-vous dit à qui que ce

10 quoi ce qui s'est produit au cours de ces événements ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, bien sûr, lorsque j’ai fait

12 une déposition. J’ai fait cette déposition !

13 M. Nobilo (interprétation). - Quand avez-vous fait cette

14 première déposition ?

15 Mme Ahmic (interprétation). - Mais comment m’en souvenir,

16 enfin ! Comment voulez-vous que je m’en souvienne, je n'en ai aucune

17 idée !

18 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce peu de temps après cet

19 événement ? Avez-vous fait cette déposition il y a plusieurs années ?

20 Mme Ahmic (interprétation). - Plus d'un an.

21 M. le Président. - Je vous demande très précisément quel est

22 l'intérêt de poser trois questions pour savoir si Mme Ahmic a fait une

23 déposition ? Je suppose qu'elle en a fait une. Donc, allez droit au but et

24 dites directement : vous avez fait telle déposition ! Quel est l’intérêt ?

25 Je ne le vois pas très bien !

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1 M. Nobilo (interprétation). - Par la suite, Monsieur le

2 Président, vous comprendrez mieux mon intention. Je vais essayer de

3 démontrer qu'il y a des différences fondamentales.

4 M. le Président. - Justement, je savais que vous alliez me dire

5 cela. A chaque témoin, vous posez les mêmes questions. Vous lui dites :

6 vous avez fait des déclarations. Je sais, je finis par me douter, et mes

7 collègues également, que vous le faites pour arriver à trouver des

8 différences dans les dépositions ; donc allez droit à ces différences.

9 Nous perdons du temps.

10 M. Nobilo (interprétation). - Je comprends, Monsieur le

11 Président.

12 J'aimerais savoir combien de temps après les événements cette

13 première déposition a été faite. Ces souvenirs étaient-ils plus frais à ce

14 moment-là que maintenant ? Lorsqu'on vous a fait faire cette première

15 déposition, vous rappeliez-vous très bien de ces événements ou vous en

16 souvenez-vous mieux aujourd'hui ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Bien sûr, comment ne pas m'en

18 souvenir ? Je m'en souvenais très bien pendant que j'ai fait ma déposition

19 et maintenant je m'en souviens, un an après.

20 M. Nobilo (interprétation). - Mais quand vos souvenirs étaient-

21 ils les plus précis ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Quand j'ai fait ma première

23 déposition.

24 M. Nobilo (interprétation). - Madame Ahmic, j'ai demandé à mon

25 collègue, Monsieur Hayman, de lire un texte en anglais parce qu'il est

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1 beaucoup plus à même de le faire. Les interprètes vont vous dire de quoi

2 il s'agit.

3 M. Hayman (interprétation). - Page 2, au bas de la page. Je

4 m'excuse, monsieur le Président, mais l'exemplaire de la déposition que

5 nous avons reçue n'a pas été daté, et Me Nobilo a dû faire un certain

6 nombre de recherches quant à la date. Il est fait référence à 15 heures,

7 la veille de l'attaque.

8 Il est écrit : "Kordic tenait un livre à la main, il l'a jeté

9 sur la table et a dit qu'il n'y aurait plus de négociations. Il n'y aurait

10 que la guerre". C'est une référence qui est faite à une émission

11 télévisée.

12 Je continue : "Kordic a déclaré que des soldats du HVO du café

13 Bungalow avaient été attaqués à Ahmici. Blaskic était assis à côté de

14 Kordic, mais je ne me souviens pas s'il a dit quoi que ce soit".

15 M. Nobilo (interprétation). - Ce que vous avez dit alors, est-ce

16 bien exact, ce que

17 vous avez dit aux enquêteurs ?

18 Mme Ahmic (interprétation). - Qu'est-ce que j'ai dit ? Je n'ai

19 pas très bien compris.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais résumer. Vous avez dit

21 avoir regardé la télévision et vous avez dit que Kordic avait dit que des

22 soldats du HVO avaient été attaqués à Ahmici, au Bungalow. Vous avez dit

23 que Kordic avait déclaré qu'il n'y aurait plus de négociations, qu'il n'y

24 aurait que la guerre. Vous avez dit qu'il avait jeté le livre. Vous avez

25 dit que Blaskic se tenait assis juste à côté de Kordic. Vous ne vous

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1 rappelez pas s'il a dit quoi que ce soit ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je me souviens, bien sûr,

3 comment ne pas m'en souvenir ? Blaskic a dit la chose suivante : "Dans le

4 village d'Ahmici nos soldats ont été attaqués au Bungalow".

5 Il y avait d'autres personnes assises autour de la table. Il y

6 avait une femme parmi eux. Kordic a jeté le livre qu'il tenait ; il était

7 en colère. Il a dit qu'il n'y aurait plus de négociations, plus de

8 discussions, qu'il n'attendait que des ordres et qu'il n'attendait que la

9 guerre.

10 Nous étions terrifiés, mon mari, moi-même, mon fils, tous ceux

11 qui ont vu cette émission.

12 Nous avons été attaqués le lendemain même, à 5 heures 30.

13 M. Nobilo (interprétation). - Madame Ahmic, peut-être ne m'avez-

14 vous pas très bien compris. Dans votre première déposition, vous avez

15 déclaré que vous ne vous souveniez pas avoir entendu Blaskic dire quoi que

16 ce soit.

17 M. Harmon (interprétation). - Objection ! Le témoin a déclaré

18 qu'elle se souvenait très bien aujourd'hui de ce qu'elle a vu alors à la

19 télévision. Elle a fait une déclaration s'y rapportant.

20 M. le Président. - Je vais revenir sur votre objection qui me

21 paraît fondée au

22 demeurant. Je vais vous faire de la pédagogie, Maître Nobilo, comme

23 parfois j'en fais également pour l'accusation. Il aurait été beaucoup plus

24 simple qu'au départ vous disiez que vous alliez faire une démonstration.

25 Si vous aviez dit à Mme Ahmic : "Madame Ahmic, revenons sur la fameuse

Page 3964

1 scène à la télévision. Vous avez dit à l'accusation que M. Kordic avait

2 dit ceci et M. Blaskic cela. Nous, défenseurs du général Blaskic, nous

3 avons l'impression que vous aviez présente en mémoire une scène un peu

4 différente. Il manque notamment un certain nombre de propos. Etes-vous

5 d'accord ou non ?", nous serions arrivés tout de suite.

6 Là, nous entretenons une confusion. On égare le témoin en disant

7 qu'il a dit ceci ou cela. Vous, vous avez l'intention de restituer ce qui,

8 à vos yeux, est la fameuse déclaration qu'elle a faite précédemment.

9 Allons-y.

10 Quant à l'objection du Procureur, elle est fondée, Mme Ahmic a

11 déjà répondu. C'est une question de méthode, Maître Nobilo.

12 M. Nobilo (interprétation). - Très bien, merci.

13 M. le Président. - C'est moi qui vais poser la question à

14 Mme Ahmic, finalement. Madame Ahmic, je vais vous expliquer très

15 calmement. Les défenseurs du général Blaskic s'interrogent, par rapport à

16 votre première déclaration, sur ce que vous avez entendu des propos de

17 M. Kordic et de ceux de M. Blaskic. Pouvez-vous, pour le Tribunal, dire

18 très simplement, en vous souvenant ce que vous aviez dit précédemment,

19 quels sont les propos de M. Kordic et de M. Blaskic ? Adressez-vous au

20 Tribunal.

21 Mme Ahmic (interprétation). - Je vous en prie. Comme je l'ai

22 déjà dit, je vais vous le redire. Le général Blaskic a dit cela, il était

23 à la télévision : "Dans le village d'Ahmici, nos combattants ont attaqué".

24 Kordic, à ce moment-là, a pris quelque chose et l'a jeté. Il a dit : "Nous

25 n'avons plus de négociations, plus de pourparlers, nous n'attendons que

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1 les ordres et la guerre". C'est ainsi que cela s'est passé. Je ne peux pas

2 vous dire autre chose quand vous me posez la question. C'est ce que je

3 vous dis parce que cela s'est passé ainsi.

4 M. le Président. - De façon générale, les contradictions ne sont

5 pas fondamentales, elles peuvent être importantes, mais elles ne sont pas

6 fondamentales, surtout lorsque les dépositions ont été faites il y a un

7 an, deux ans, trois ans ou quatre ans.

8 Ce qui intéresse le Tribunal, c'est ce que dit le témoin

9 aujourd'hui. Evidemment, les déclarations sont importantes. Je comprends

10 que vous ayez basé toute la défense sur les déclarations écrites qu'on

11 vous a communiquées. Que vous les souligniez au passage est votre droit et

12 votre devoir, mais il faut bien savoir qu'aujourd'hui il s'agit d'une

13 procédure orale. Les juges sont face au témoin et le témoin est face aux

14 juges.

15 Continuez, maître Nobilo.

16 M. Riad (interprétation). - Je vous demanderai d'être un peu

17 plus précise. Vous avez dit que le général Blaskic a dit : "Vous allez

18 être attaqué au bungalow". Mais à ce moment-là; qui a jeté le papier et a

19 dit qu'il y aurait la guerre ? Etait-ce Blaskic aussi ?

20 Mme Ahmic (interprétation). - C'est Kordic qui l'a dit.

21 M. Riad (interprétation). - C'est Kordic qui a jeté le papier ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, c'est Kordic qui l'a dit.

23 M. Riad (interprétation). - A-t-il dit qu'il y aurait la guerre

24 ou un massacre ?

25 Mme Ahmic (interprétation). - "Nous n'attendons que les ordres".

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1 Nous avons été attaqués le lendemain matin et il y a eu le massacre le

2 plus terrible qui soit. Je me rappelle ce qui s'est passé pendant la

3 guerre, j'avais 9 ans, mais ce qui s'est passé à Ahmici, n'a été fait

4 nulle part ailleurs. Je vous l'ai dit, ils n'ont épargné ni les vieux, ni

5 les enfants, il n'y a pas eu de résistance de quelque armée que ce soit.

6 Si quelqu'un avait pu venir nous défendre, nous protéger, nous

7 apporter une aide quelconque... Eux sont entrés dans les maisons, ils ont

8 tué les femmes et les enfants. En deux ou trois heures, ils ont détruit

9 tout ce que nous avions passé une vie entière à construire.

10 M. le Président. - Vous avez répondu. Je pense que le juge Riad

11 est satisfait de

12 votre réponse. Tout à l'heure, d'autres juges ou moi-même vous

13 interrogeront. Pour l'instant, je rends la parole à Maître Nobilo pour

14 qu'il poursuive les questions qu'il a l'intention de vous poser.

15 M. Nobilo (interprétation). - Merci monsieur le Président.

16 Madame Ahmic, nous arrivons maintenant à la partie où Drago et

17 Miro vous ont approchée et vous ont présenté leurs condoléances. Vous vous

18 en souvenez ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - Cela, c'était au moment de la

20 première attaque contre nous. Il s'est passé six mois entre leur première

21 attaque et la deuxième.

22 M. Nobilo (interprétation). - C'était en octobre 1992 ?

23 Mme Ahmic (interprétation). - Moi je ne sais pas parler comme

24 cela, je ne sais pas. Je sais seulement qu'il y a eu six mois d'intervalle

25 entre ces deux attaques contre nous.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que cet entretien a eu lieu

2 après que votre Fahrudin ait été tué ou plus tôt que cela ?

3 Mme Ahmic (interprétation). - Répétez la question, je vous prie.

4 M. Nobilo (interprétation). - Drago et Miro Josipovic vous ont

5 approchée et ils vous ont présenté leurs condoléances pour la mort de

6 votre fils.

7 Mme Ahmic (interprétation). - Cela, c'était lors de la deuxième

8 attaque.

9 M. Nobilo (interprétation). - Oui, d'accord. Dans votre première

10 déclaration, vous avez dit que vous n'aviez pas besoin de leurs

11 condoléances et ils ont répondu qu'ils ne pouvaient pas le sauver parce

12 qu'ils avaient peur. Aujourd'hui, vous avez dit qu'ils avaient dit que le

13 meurtre avait été ordonné.

14 Mme Ahmic (interprétation). - Quand j'ai parlé à Drago, je lui

15 ai dit : "Ecoute, Drago, c'est de ton armée que sont venus ceux qui ont

16 tué mon fils. C'est de ton armée qu'ils sont venus ?" Il m'a alors

17 répondu : "ne me poses pas la question, c'est un ordre venu d'en haut",

18 quand il s'est approché pour me présenter ses condoléances.

19 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce la même chose que vous avez

20 dit aux enquêteurs auparavant, quand ils vous ont posé la question ?

21 Mme Ahmic (interprétation). - Moi, ce que je leur ai dit ?

22 M. Nobilo (interprétation). - Oui.

23 Mme Ahmic (interprétation). - Je pense que je le leur ai dit car

24 c'est la vérité. Mais pour moi vous savez, six mois se sont passés. Puis

25 voilà un an que j'ai donné la déclaration. Je ne me rappelle pas. Depuis

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1 ces événements, je perds la mémoire. Quand je suis dans ma Chambre et que

2 je me mets à réfléchir à ce que j'ai vécu, quand me vient l'image de ce

3 que j'ai vécu, je me demande comment je ne suis pas sous terre.

4 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce pire pour vous maintenant

5 ou était-ce pire avant ? Comment le ressentez-vous ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - C'est pareil. Je l'aime

7 aujourd'hui, comme je l'aimais quand je lui ai donné la vie. Je l'ai

8 toujours aimé de la même façon. Aujourd'hui, il y a les enfants de

9 Fahrudin. Il y a un mois à peine, mon petit-fils, le plus jeune, Emir, qui

10 habite à Zenica dans le quartier de Rjeka, est venu me voir et m'a dit :

11 "tu as vu grand-mère ? J'ai vu un homme qui ressemble exactement à mon

12 papa, il a le même arrière de tête que mon papa. Je lui ai crié papa, et

13 ce n'était pas lui." Vous imaginez ce que j'ai pu ressentir quand mon

14 petit-fils m'a dit cela.

15 M. Nobilo (interprétation). - Je souhaiterais attirer votre

16 attention sur l'entretien avec Nikica Slikica, si vous vous en souvenez.

17 Dans votre premier entretien avec les enquêteurs, vous avez dit avoir

18 demandé à Nikica de vous dire ce qui s'était passé et que celui-ci avait

19 répondu : "ne les cherchez pas, ils sont morts et il vaut mieux que vous

20 ne sachiez pas où ils sont."

21 Mme Ahmic (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je

22 l'ai appelé gentiment et lui ai dit : "Nikica, je t'en prie, viens". Il

23 m'a répondu : "Bon Dieu, qu'est-ce que tu veux ?"

24 Voilà ce qu'il m'a dit. Je lui ai dit : "Nikica, je t'en prie, viens et

25 essaie de savoir où ils ont emmené les quatre." Il m'a vaguement parlé

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1 d'un échange.

2 Je lui ai dit : "Nikica, écoute, ta mère, Mara, est morte" -Mara

3 était sa mère et je la connaissais bien-, "sur le nom de ta mère morte,

4 dis-moi la vérité". Il m'a dit : "Puisque tu me parles de ma mère, un

5 serment de la tête de ma mère qui avait une grande importance pour moi,

6 alors je vais te dire la vérité. Il n'est pas utile de les chercher, ils

7 sont morts."

8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce la même chose que vous avez

9 dit aux enquêteurs, la première fois que vous avez donné votre

10 déclaration, avec les mêmes mots ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - J'ai tout décrit avec les mêmes

12 mots.

13 M. Nobilo (interprétation). - (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée). Pouvez-vous nous expliquer ces différences ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Ces femmes, je les connais pas. Ce

18 sont des femmes qui ont été emmenées là et qui venaient des villages

19 environnants, des femmes jeunes. Ils arrivaient avec leur lampe de poche

20 et ils triaient pour trouver les femmes les plus jeunes. Ils passaient la

21 lampe de l'une à l'autre et choisissaient celle qui leur plaisait le plus.

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée). On n'osait pas l'interroger. Puis, on était en prison, en

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1 détention. On ne pouvait pas parler les unes aux autres très librement. Ce

2 n'est que plus tard que j'ai appris que des femmes avaient été emmenées et

3 violées.

4 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous vu cela ou en avez-vous

5 entendu parler ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Nous étions là pendant quinze

7 jours, comment n'aurions-nous pas entendu quand ils les faisaient sortir.

8 Eux, ils s'enivraient et on les entendait

9 dire : "allez, va donc chercher une Baljia, celle qui te plaît le plus."

10 Puis, il y a ce Anto Miskovic. Trois jours avant, mon fils avait

11 été à l'armée pour une soirée où on mangeait des Chebacici. Il était

12 accompagné de sa femme. Quand en Anto a vu ma belle-fille, la femme de

13 Fahran, il a dit : "mais ce n'est pas possible que tu ressembles à cela

14 maintenant", parce qu'en trois jours, elle avait changé d'une façon

15 invraisemblable. Elle avait l'air d'avoir six ans de plus, après avoir

16 vécu ce qu'elle avait vécu, et notamment l'assassinat de son mari. Les

17 trois enfants aussi ont vu les soldats tuer leur père, devant la porte de

18 leur maison.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je comprends.

20 Etait-ce dans la pièce où vous étiez qu'ils venaient avec les

21 lampes torches pour chercher les femmes ?

22 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, ils venaient, mais aucune ne

23 leur plaisait et ils n'en ont emmené aucune. Ils disaient : "ce n'est pas

24 la peine, ici, il n'y a que des mémés."

25 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais attirer votre

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1 attention sur une autre partie de la déclaration que vous avez donnée

2 auparavant. Je demanderai à mon collègue de lire le texte, page 6, dernier

3 paragraphe.

4 M. Hayman (interprétation). - "Environ trois mois avant le

5 conflit, Pican Juro nous a apporté du pain. Je suis allée au café Pican

6 pour le payer. La mère de Juro, Andja, m'a dit que quelque chose allait se

7 passer.

8 Il y avait des réunions devant mon étable. Ils essaient de me

9 cacher cela, mais je sais que quelque chose se trame.

10 Andja m'a dit qu'ils allaient nettoyer les Musulmans d'Ahmici."

11 Est-ce vrai ?

12 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, c'est vrai.

13 M. Nobilo (interprétation). - C'est tout, monsieur le Président.

14 Nous avons terminé. Merci.

15 M. le Président. - Je me tourne à nouveau vers le Procureur qui

16 peut-être veut poser quelques questions complémentaires, uniquement par

17 rapport au contre-interrogatoire, monsieur le Procureur. Des précisions,

18 pas plus.

19 M. Harmon (interprétation). - Je n'ai plus de questions,

20 monsieur le Président.

21 M. le Président. - Madame Ahmic, je vais me tourner vers mes

22 collègues pour savoir si, eux aussi, désirent vous poser quelques

23 questions complémentaires. Je me tourne d'abord vers le Juge Riad.

24 Monsieur le Juge Riad, avez-vous des questions ?

25 M. Riad (interprétation). - Madame Fatima Ahmic, tout à l'heure,

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1 vous avez dit que Pican Juro a dit qu'il allait "nettoyer" les Musulmans

2 d'Ahmici. Quand a-t-il dit cela par rapport au début des événements, par

3 rapport au moment où ils se sont rapprochés de la maison ?

4 Mme Ahmic (interprétation). - C'était au mois d'août, je ne sais

5 pas exactement le jour. Ce Pican Juro emportait le foin de ma cour. Il l'a

6 fait et il a emporté le foin et mon mari voulait le payer. Il a dit :

7 "Hasim, ne me donne pas d'argent, mais achète-moi des cigarettes." Ce sont

8 les mots exacts qu'il a utilisés. "Je donne l'argent à ma femme, elle le

9 dépense et, après, je n'ai pas de quoi fumer."

10 Mon mari a dit : "Fatima, descends avec Juro". Nous sommes

11 descendus. Il avait dit : "Vas lui chercher cinq paquets de cigarettes".

12 Mon fils qui est venu avec moi, Fahrudin, a dit : "Ce n'est pas assez. Tu

13 lui offres cinq paquets de ma part." C'est ce que j'ai fait. Juro était

14 assis sur une chaise et il moulait du café. Mon mari s'appelait Hasim,

15 alors on m'appelait Hasimovca. Il dit : "Tu arrives bien. Tu arrives juste

16 pour le café." Je lui ai dit : "Merci, j'ai déjà bu un café."

17 Nous sommes du même village sa mère et moi, nous étions

18 ensemble. Nous nous appelions : "voisines". Nous nous sommes toujours

19 appelées "voisines". Il a dit : "Tu peux aller voir ma mère, elle ne va

20 pas très bien." J'ai dit : "Non, fils, ce n'est pas la peine, j'ai déjà bu

21 le café". Nous avons continué à parler. Il m'a dit : "Il y a quelque

22 chose, Hasimovca, que je

23 pourrais te dire. Devant mon étable, ils arrivent et tiennent des

24 réunions. Il m'est arrivé d'aller au coin de l'étable pour surprendre

25 leurs propos et entendre ce qu'ils disaient. Cher Hasimovca, apparemment

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1 ils prennent des décisions. Ils vont tout nettoyer. Ils vont vous

2 attaquer."

3 Quand j'ai entendu cela, j'ai demandé à la fin de la réunion :

4 "vous voulez nettoyer les Musulmans ? Ecoutez, les enfants, quand votre

5 père est mort, je suis partie faire des courses au magasin". On m'a

6 demandé : "Ton Frano est-il mort ?" "Apparemment oui, car il avait un

7 problème au coeur. Franenco, si tu n'as pas d'argent je t'en donnerai pour

8 que tu manges avec nous". J'ai donc dit : "Ne crains rien, on te donnera

9 de l'argent". C'est ce qui a été transmis aux enfants.

10 M. Riad (interprétation). - Je voudrais savoir si cela s'est

11 passé au même moment, exactement, où vous avez entendu les déclarations du

12 général Blaskic et du général Kordic, à la télévision. Etait-ce au même

13 moment ou un peu auparavant ? Vous en souvenez-vous ? Ou peut-être un peu

14 plus tard ?

15 Ces réunions, où ils ont dit qu'ils allaient nettoyer les

16 Musulmans d'Ahmici, correspondaient-elles, chronologiquement, au moment où

17 vous avez vu ce programme à la télévision ?

18 Mme Ahmic (interprétation). - Cela s'est passé pendant la

19 première attaque, quand ils nous ont attaqués pour la première fois. Je ne

20 connais pas la date exacte. Je me souviens seulement que c'était au mois

21 de septembre ou au mois d'août.

22 M. Riad (interprétation). - Etait-ce avant ou après ? Juste

23 avant ? Quand il y avait le programme à la télévision, votre fils est venu

24 et a dit qu'il avait vu cela à la télévision. Ces événements-là ont donc

25 eu lieu avant le programme à la télévision.

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1 Mme Ahmic (interprétation). - Je n'arrive pas à me rappeler.

2 Attendez, je ne rappelle pas exactement la date. Je ne voudrais pas dire

3 un seul mot mensonger. Je ne me

4 rappelle pas exactement la date.

5 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit avoir été surprise

6 d'apprendre qu'il y avait des réunions et qu'ils voulaient nettoyer les

7 Musulmans. Etait-ce la première fois que vous en entendiez parler ?

8 Mme Ahmic (interprétation). - Permettez-moi, si je vous dit ce

9 que j'ai raconté à ces enfants en rentrant à la maison, à ce moment-là, je

10 me souviendrai sûrement. Me le permettez-vous ?

11 M. Riad (interprétation). - Je ne vais plus vous ennuyer avec

12 cette question. Quand ce nettoyage a commencé, y avait-il une sorte de

13 discrimination ? Ont-ils choisi les personnes selon certains critères ?

14 Vous avez dit que Fahrudin prenait des tours de garde ou que d'autres le

15 faisaient. Choisissaient-ils les personnes qui faisaient des tours de

16 garde ou choisissaient-ils les personnes sans discrimination ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - Ce n'était pas... Une opération

18 contre qui ? Pouvez vous me le redire. Je n'arrive plus à me concentrer.

19 Excusez-moi, je vous prie.

20 M. Riad (interprétation). - Le nettoyage était-il dirigé contre

21 une couche spéciale de la société, des gardes, des gens qui portaient les

22 armes ou était-ce dirigé contre tout le monde ?

23 Mme Ahmic (interprétation). - Contre tous. Ils nous ont tous

24 chassés.

25 M. Riad (interprétation). - Il vous ont refusé de rentrer, même

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1 pour chercher vos affaires ?

2 Mme Ahmic (interprétation). - Ils ne m'ont même pas autorisée à

3 mettre mes chaussures. Ils m'ont chassée de la maison, pieds nus.

4 M. Riad (interprétation). - Quand vous avez parlé du talkie-

5 walkie, je me rappelle que vous avez dit que Hasim a entendu le soldat qui

6 parlait en utilisant le talkie-walkie. Pouvait-il comprendre qui parlait ?

7 Mme Ahmic (interprétation). - Ce n'est pas Hasim qui l'a entendu

8 sur le talkie-walkie. C'est moi qui l'ai entendu quand je me suis

9 approchée du soldat. C'est moi. Moi, il ne m'ont rien dit. Je suis arrivée

10 la première. Mon mari m'a dit : "Vas en premier, j'arrive derrière". C'est

11 là que j'ai vu la camionnette, celle-ci était pleine de monde. Il y en a

12 trois ou quatre qui étaient sortis. Ils étaient à côté et un tenaient ce

13 talkie-walkie. Je l'ai entendu qui disait : "Oui, l'opération a réussi. Il

14 y en a qui sont couchés à côté de chaque maison comme des cochons." C'est

15 ce qu'il a dit.

16 Quand Hasim est passé, ils l'ont arrêté, ils lui ont demandé :

17 "Qu’est-ce que tu portes dans ce sac ?", il a répondu : "Je porte des

18 petits vêtements pour les enfants et quelques objets". Il en avait pris un

19 ou deux.

20 Mon mari a répondu : "Je vais au magasin de Liliana parce qu’ils

21 sont tous là-bas et je vais les retrouver". Ils ont dit : "Bon, vas-y,

22 mais très rapidement, on va t’inviter à prendre le café". Il est arrivé,

23 il était tout effrayé. J'étais dans le coin, assise, il s'est accroupi à

24 côté de moi. Il m'a dit : "Ma chère Fatima, ils vont maintenant venir me

25 chercher". J'ai dit : "Qui ?". Il m’a dit : "Ceux qui étaient dans la

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1 camionnette, ils m’ont dit qu’ils allaient venir me chercher".

2 J’ai répondu : "Mais non, ils ne pourront pas te reconnaître.

3 Enlève ton bonnet, ils ne te reconnaîtront pas". Tout effrayé, il a retiré

4 son bonnet, il l’a posé sur le sol. Anto Papic qui était là, s’est levé à

5 ce moment-là. Il est soi-disant sorti pour donner l'ordre qu'on apporte du

6 lait aux enfants, parce que nous avions passé la nuit-là.

7 M. Riad (interprétation). - Vous l’avez déjà dit, je m’en

8 souviens. Mais, je voudrais savoir si c’étaient des soldats ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, ceux qui étaient dans la

10 camionnette étaient tous en uniforme noir. Ceux qui sont venus les

11 chercher dans la boutique, ceux qui les ont emmenés, étaient en uniforme

12 de toutes les couleurs, en uniforme de camouflage.

13 M. Riad (interprétation). - Les personnes qui sont venues

14 chercher votre mari et Munir, vous avez dit qu’ensuite ils ont été tués,

15 étaient aussi des soldats ?

16 Mme Ahmic (interprétation). - Mais, oui, c’étaient des soldats !

17 Ils étaient en uniforme de toutes les couleurs et ils avaient beaucoup

18 d’armes, ils avaient toutes sortes d’armes.

19 M. Riad (interprétation). - Quand vous étiez à l'école, à

20 Dubravica, vous avez dit que des hommes sont entrés et qu’ils ont choisi

21 des femmes. Ils les ont amenées à l'extérieur. Eux aussi, étaient des

22 soldats ?

23 Mme Ahmic (interprétation). - Oui.

24 M. Riad (interprétation). - C’étaient des soldats ?

25 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, ils avaient des uniformes de

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1 toutes les couleurs. C'étaient tous des Croates dans l’école. Nous étions

2 les seuls civils et autour c'étaient tous des Croates.

3 M. Riad (interprétation). - Pensez-vous donc que cet endroit,

4 cette école dans laquelle vous étiez, était une sorte de structure

5 militaire ? Elle était gardée par des soldats ?

6 Mme Ahmic (interprétation). - Ils étaient là ! Nous, nous étions

7 leurs otages. Nous n'avions aucun droit. Nous étions leur bouclier humain.

8 Nous n'avions pas le droit de bouger. Nous n'avions aucun confort. Nous

9 avions des espèces de sceaux en plastique et c'est là que les enfants

10 faisaient leurs besoins. A partir de 6 heures du soir, personne n'avait

11 plus le droit de bouger un cil ou de faire un pas à l’extérieur de la

12 pièce. Ils nous gardaient.

13 M. Nobilo (interprétation). - Il y avait un commandant,

14 Anto Miskovic, qui était gentil avec vous. Il vous a dit : "N'ayez pas

15 peur pendant que je suis ici". C'était le commandant de cet endroit.

16 Avait-il une autorité ? Quelle était exactement sa fonction ?

17 Mme Ahmic (interprétation). - C’était un simple soldat, un

18 soldat. Mais, en bas, il était notre voisin. Moi, je le connaissais. Je

19 lui ai dit que je le connaissais, je lui ai demandé :

20 "Comment ça va ?". Il m'a dit : "J’ai honte de dire qui je suis, ce que je

21 suis, regarde ce qu’ils ont fait ces imbéciles, là-bas, en bas. J'ai honte

22 de dire d'où je viens et qui je suis".

23 Plus tard, j'ai appris qu'il habitait du côté de la gare de

24 chemin de fer. Je le connaissais, mais je ne connaissais pas son nom. Je

25 l’ai reconnu parce qu'un jour j'avais fait du café pour sa femme. Je me

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1 suis approchée de lui et je lui ai dit : "Je te connais, je t’ai déjà vu",

2 il m’a répondu : "Moi aussi, je t’ai déjà vue, mais j'ai vraiment honte de

3 dire d'où je viens, qui je suis, avec ce qu’ont fait ces imbéciles là-bas,

4 en bas".

5 Quand mon fils a été tué, plus tard j'ai entendu des Croates qui

6 se plaignaient, qui se lamentaient et disaient : "Mon Dieu, c'est

7 tellement dommage, c’était un homme si bien". Tout le monde l’a regretté,

8 les femmes aussi. Ils le connaissaient. Ils avaient beaucoup de collègues.

9 Tous les Croates ont dit qu'ils regrettaient ce qui s'était passé.

10 "Regardez à Visoko, à Vlasic, regardez toutes ces armes qui sont

11 installées sur les collines. Pourquoi mettent-ils ces armes ?".

12 Mon fils m'a toujours dit quand on parlait de tout ça : "Mais

13 non, maman, arrête de paniquer, nous ne sommes pas ceux-là, nous n’avons

14 rien fait, tu ne dois pas avoir peur !". Je répondais à mon fils : "Je te

15 dis qu'il se prépare quelque chose et que cela va aller mal". Il me

16 retenait. Lorsqu’on a entendu ce qu’ils ont dit à la télévision, mon fils

17 m’a dit : "Il y a quelque chose qui ne va pas, tu as tout à fait raison,

18 tu avais raison chaque fois que tu parlais comme ça".

19 Mais, quand je lui disais ce que j’avais remarqué, il me

20 disait : "Maman, tu paniques, arrête de paniquer". Jamais, il ne l’aurait

21 cru de la part de ses collègues, ceux qui travaillaient avec lui, ceux qui

22 jouaient de la musique avec lui, ceux qui étaient allés à l’école avec

23 lui, ceux qui fréquentaient le Baïdam, pour je ne sais plus quelle fête.

24 Je me souviens que six collègues croates sont venus le féliciter pour

25 cette fête, avec leurs épouses. Quand il leur donnait tout ce qu'il leur

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1 donnait, quand il faisait tout ce qu’il faisait pour eux, je ne pense pas

2 qu'il savait qu'ils allaient lui ôter la vie ; ça, je ne l’oublierai

3 jamais. Que Dieu leur pardonne ce qu'ils ont fait. Il n'est plus avec moi,

4 mais il manque à toute la population.

5 Je vais vous dire comment cette action s'appelait : "48 heures

6 de cendres" ; ce qui veut dire qu'au bout de 48 heures il ne devait plus

7 rester aucun d’entre nous, ni jeunes, ni vieux, ni civils, ni vieillards.

8 Personne, personne ne devait plus être là.

9 M. Riad (interprétation). - Qui lui a donné ce nom de :

10 "48 heures de cendres" ? Le savez-vous ? D’où venait ce nom ?

11 Mme Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas. Je l'ai entendu,

12 moi-même, par les médias.

13 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Madame Ahmic, j'ai seulement

15 une question à vous poser. Vous vous rappelez nous avoir parlé de

16 Drago Josipovic et Nenad Santic. Vous avez dit que Nenad Santic a donné

17 l’ordre à votre fils de rendre son arme. Vous souvenez-vous de cette

18 partie de votre déposition ?

19 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque Nenad Santic a donné

21 l'ordre à votre fils de rendre l'arme, avez-vous pensé à la position de

22 Nenad Santic ? En avait-il une ?

23 Mme Ahmic (interprétation). - Il était leur principal chef. Sa

24 soeur aussi, Slavica, était au HVO. Je parle de la soeur de Nenad,

25 Slavica, elle était au HVO et elle l’est encore aujourd’hui, ainsi que la

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1 femme de Drago.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, Nenad Santic était au

3 HVO ?

4 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, il était commandant, il

5 donnait les ordres, il ordonnait tout ce qu'il voulait. C'était lui qui

6 ordonnait ce qu'il fallait nous faire.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Drago Josipovic était-il

8 dans le HVO, lui aussi ?

9 Mme Ahmic (interprétation). - Oui, soldat. Il portait toujours

10 un uniforme de toutes les couleurs et il l'a toujours été. Il portait

11 toujours un fusil.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci beaucoup.

13 M. le Président. - Voilà, Madame Ahmic, c'est terminé. Vous avez

14 été très courageuse, et le Tribunal vous remercie d'être venue jusqu'à

15 nous pour nous dire ce que vous avez éprouvé, à votre façon, avec votre

16 langage et vos mots.

17 Monsieur le Greffier, vous pourriez faire raccompagner

18 maintenant Madame Ahmic. Merci.

19 Mme Ahmic (interprétation). - Merci à vous aussi.

20 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience).

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22

23

24

25

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1

2

3 M. le Président. - Monsieur le Procureur, vous avez jusqu'à

4 13 heures.

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, c'est

6 Haris Hrnjic qui est notre prochain témoin.

7 (Le témoin, M. Haris Hrnjic, est introduit dans la salle

8 d'audience)

9 M. le Président. - Bonjour, m'entendez-vous ?

10 Le témoin (interprétation). - Je vous entends.

11 M. le Président. - Dites votre nom et votre prénom.

12 Le témoin (interprétation). - Je m'appelle Haris Hrnjic.

13 M. le Président. - On va vous tendre une déclaration. Vous allez

14 rester debout pour la lire. Ensuite, vous pourrez vous assiérez. Vous

15 pouvez la lire.

16 M. Hrnjic (interprétation).- Je déclare solennellement que je

17 dirai la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

18 M. le Président. - Merci. Asseyez-vous. Le Procureur vous a

19 demandé de venir témoigner dans le procès contre l'accusé qui est le

20 général Blaskic, ici présent. C'est donc le Procureur qui va vous poser

21 les questions qu'il juge utile de vous poser. Après quoi, les avocats du

22 général Blaskic vous poseront également des questions. Les juges aussi

23 peuvent être amenés à vous poser des questions complémentaires.

24 Maître Kehoe, nous avons dix minutes devant nous. Commencez et

25 nous poursuivrons cet après-midi. Faites bien épeler le nom et le prénom

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1 du témoin car je n'ai pas très bien compris.

2 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je le

3 ferai.

4 Haris, avant que nous ne commencions, pouvez-vous épeler votre

5 nom de famille pour les juges ?

6 M. Hrnjic (interprétation).- H.R.N.J.I.C. - H.A.R.I.S.

7 M. le Président. - Merci. Maître Kehoe ?

8

9 M. Kehoe (interprétation). - Merci monsieur le Président. Haris,

10 quel âge avez-vous ?

11 M. Hrnjic (interprétation).-Vingt et un ans.

12 M. Kehoe (interprétation). - Au moment des événements

13 d'avril 1993, quel âge aviez-vous ?

14 M. Hrnjic (interprétation).- J'avais 16 ans, j'allais vers ma

15 17ème année.

16 M. Kehoe (interprétation). - Haris, parlez un peu aux juges de

17 votre famille, du nom de votre père, de votre mère, de votre frère.

18 M. Hrnjic (interprétation).- Mon père s'appelait Mehmed Hrnjic.

19 Il est né en 1945. Ma mère s'appelle Samija Hrnjic, elle est née en 1948.

20 Mon frère est né en 1969, Admir Hrnjic. Et puis il y a moi.

21 M. Kehoe (interprétation). - Quel âge avait votre frère Admir en

22 avril 1993 ?

23 M. Hrnjic (interprétation).- Vingt-quatre ans.

24 M. Kehoe (interprétation). - En avril 1993, dans quel village

25 habitiez-vous ?

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1 M. Hrnjic (interprétation).- Dans le village de Santici.

2 M. Kehoe (interprétation). - Combien de temps votre famille

3 avait-elle vécu dans le village de Santici avant avril 1993 ?

4 M. Hrnjic (interprétation).- Environ huit ans.

5 M. Kehoe (interprétation). - Et avant cela, où habitiez-vous,

6 vous-même et votre famille ?

7 M. Hrnjic (interprétation).- Avant de déménager à Santici, nous

8 avons vécu à Zenica, dans la partie appelée Tetovo.

9 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi êtes-vous partis de Zenica

10 pour aller à Santici ?

11 M. Hrnjic (interprétation).- Nous avons vécu près de la scierie

12 à Zenica. Il y avait

13

14 beaucoup de pollution. C'est pour cela que nous avons déménagé à Santici.

15 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que votre famille a ouvert

16 un commerce à votre arrivée à Santici ?

17 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, mon père a d'abord ouvert un

18 restaurant et ensuite un magasin.

19 M. Kehoe (interprétation). - Le bâtiment dans lequel se

20 trouvaient le restaurant et le magasin était-il celui où vos parents

21 habitaient ?

22 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, j'ai vécu dans le même

23 immeuble, dans la même maison.

24 M. Kehoe (interprétation). - Revenons au premier conflit. Vous

25 rappelez-vous ce premier conflit, en octobre 1993 ?

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1 M. Hrnjic (interprétation).- Je me rappelle ce premier conflit.

2 M. Kehoe (interprétation). - Vous-même et les membres de votre

3 famille habitiez à Santici à ce moment-là, n'est-ce pas ?

4 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, c'est comme cela.

5 M. Kehoe (interprétation). - Quand le conflit a-t-il éclaté, en

6 octobre 1992 à Santici ?

7 M. Hrnjic (interprétation).- Je ne sais pas exactement pourquoi

8 le conflit a éclaté.

9 M. Kehoe (interprétation). - J'ai demandé quand, à peu près à

10 quel moment le premier conflit a éclaté.

11 M. Hrnjic (interprétation).- Environ le 18 octobre.

12 M. Kehoe (interprétation). - Haris, dites aux juges ce qui s'est

13 passé.

14 M. Hrnjic (interprétation).- Le matin, vers 6 heures, j'ai

15 entendu des coups de feu à l'extérieur, venant de différentes armes. Mon

16 frère et moi nous nous sommes levés, nous sommes allés jusqu'à la chambre

17 de nos parents. Mon frère a dit : "On tire à l'extérieur". Le

18

19 père a dit qu'il entendait, lui aussi, qu'il fallait qu'on se cache dans

20 le couloir de la maison.

21 Là nous nous sommes assis, nous avons apporté le téléphone avec

22 nous. C'est là que nous étions.

23 Je suis entré dans une chambre, je suis allé jusqu'à la fenêtre

24 et alors j'ai vu des soldats du HVO courir à travers ma cour. J'ai vu un

25 soldat qui courait par la route vers le café de Pican. Ensuite, j'ai vu

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1 Nenad Santic. Il allait de sa maison vers le commandement du HVO.

2 Ensuite, j'ai vu que Nenad Santic venait avec un camion sur

3 lequel il y avait un canon antiaérien. Il se dirigeait avec ce camion vers

4 Ahmici. C'est alors que j'ai vu le camion passer à côté des maisons. Je ne

5 l'ai plus revu.

6 Ensuite, j'ai entendu le bruit de tirs. C'était un bruit très

7 fort. Puis le camion est rentré et il s'est mis dans le parking, devant ma

8 maison. Nenad Santic a ensuite tourné le canon vers notre maison et

9 ensuite il est venu. En fait, c'est Ivo Vidovic qui est venu, ainsi

10 qu'Anto Vidosevic. Ils ont parlé avec Nenad. Ensuite le camion est parti

11 pour être placé sur le parking d'Ivo Vidovic.

12 M. Kehoe (interprétation). - Je me permet de vous arrêter

13 quelques instants. Qui était Nenad Santic ?

14 M. Hrnjic (interprétation).- Il était le commandant du HVO à

15 Santici, dans le district de Santici.

16 M. Kehoe (interprétation). - C'était un Croate ?

17 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, catholique.

18 M. Kehoe (interprétation). - Vous et votre famille étiez

19 musulmans, n'est-ce pas ?

20 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

21 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit qu'après

22 qu'Ivo Vidovic lui a parlé, ils ont emporté le canon antiaérien, n'est-ce

23 pas ?

24 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

25

Page 3986

1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, il est

2 13 heures. Je vais passer à une autre série de questions. Peut-être est-ce

3 le bon moment pour la suspension.

4 L'audience est suspendue à 13 heures.

5

6

7

8

9

10

11

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14

15

16 L'audience est reprise à 14 heures 35.

17

18 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

19 M. le Président. - L’audience est reprise. Monsieur l’huissier,

20 introduisez l’accusé.

21 (L’accusé, M. Blaskic, est introduit dans la salle d'audience.)

22 Monsieur Haris Hrnjic, êtes-vous reposé ?

23 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, je me suis reposé.

24 M. le Président. - Très bien. Nous avions commencé votre

25 interrogatoire, puisque vous êtes un témoin de l’accusation. Maître Kehoe,

Page 3987

1 vous pouvez reprendre.

2 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

3 Haris, avant la suspension pour le déjeuner, nous en étions

4 arrivés au 18 octobre 1992 et vous décriviez Nenad Santic qui possédait un

5 canon antiaérien. Après le 18, votre père a-t-il eu d'autres contacts avec

6 Nenad Santic ? A-t-il demandé à Nenad Santic de venir ? Excusez-moi, est-

7 ce que Nenad Santic a demandé à votre père de se rendre au quartier

8 général du HVO à Santici ?

9 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, ils sont d'abord venus chez

10 nous fouiller la maison. Il y avait Nenad Santic, Zeljko -je ne connais

11 pas son nom de famille- et Miro Josipovic. Ils ont fouillé la maison.

12 Après cela, ils ont convoqué mon père au commandement du HVO.

13 M. Kehoe (interprétation). - Qu'est-il arrivé à votre père au

14 commandement du HVO ?

15 M. Hrnjic (interprétation). - Un revolver avait été trouvé dans

16 la maison, assorti d'un permis de port d'arme. Il le lui ont pris.

17 Nenad Santic a proféré des menaces à l’encontre de mon père. Zeljko lui a

18 remis une espèce de reçu pour la confiscation de son revolver.

19 M. Kehoe (interprétation). - A la suite de cet incident, votre

20 famille a-t-elle eu

21 d’autres problèmes avec les membres du HVO, au restaurant ?

22 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, le 23, dans la soirée, nous

23 avons entendu des coups de feu devant la maison. Nous étions réunis, tous

24 les membres de la famille, et j'ai regardé par la fenêtre ; j'ai vu une

25 camionnette du HVO sur le devant de laquelle les lettres H.V.O. étaient

Page 3988

1 écrites en noir. J'ai vu un soldat qui se trouvait au milieu de notre

2 parking. Un autre se trouvait sur le côté, à la sortie de la maison. Il

3 tirait des coups de feu en l'air.

4 A ce moment-là, je me suis mis à l'abri et j'ai entendu des

5 bruits de verre brisé dans notre magasin. Il s'est passé quelques instants

6 et nous avons entendu l'allumage du moteur de la camionnette qui a démarré

7 et s'est de nouveau arrêtée, après quoi de fortes explosions ont eu lieu.

8 Nenad Santic avait dit à mon père que s'il y avait des

9 problèmes, il devait l'appeler au téléphone pour le faire venir. Mon père

10 l’a donc appelé. Après quinze minutes, Nenad Santic est arrivé chez nous,

11 à la maison, pour voir ce qui s'est passé. Nous sommes descendus au rez-

12 de-chaussée. Nous avons vu que la porte du magasin avait été démolie et

13 que certains articles avaient été emportés du magasin. Nous pouvions voir

14 où des grenades étaient tombées.

15 Nenad Santic est arrivé en voiture. Il a dit qu'il allait dans

16 la direction de Vitez, qu'il allait dans la même direction que celle

17 empruntée par la camionnette pour vérifier et voir un peu ce qu'était

18 cette camionnette. Après Ivo Vidovic et un homme plus âgé sont arrivés.

19 Ils portaient l'uniforme du HVO et des fusils. Ils étaient de patrouille

20 dans le quartier et ils sont donc arrivés.

21 Plus tard, Nenad Santic est revenu pour nous dire qu'il n'avait

22 pas retrouvé la camionnette et que les soldats du HVO qui gardaient le

23 barrage routier non loin de notre maison n'avaient rien vu parce qu'ils

24 dormaient à ce moment-là.

25 M. Kehoe (interprétation) - Haris, vous nous avez dit qu'il

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1 s'agissait du 23. Vous parlez bien du 23 octobre 1992 ?

2 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

3 M. Kehoe (interprétation) - Aucun soldat du HVO n'a jamais été

4 arrêté pour avoir détruit le restaurant, n'est-ce pas ?

5 M. Hrnjic (interprétation).- Personne n'a jamais été arrêté et

6 aucun membre du HVO n'est venu d'ailleurs, mais Nenad Santic et d'autres

7 voisins seulement sont venus.

8 M. Kehoe (interprétation) - Est-ce que cela a provoqué de la

9 peur chez vous et chez les autres membres de votre famille ?

10 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, cela a créé de la peur.

11 M. Kehoe (interprétation) - A peu près au même moment, en

12 octobre 1992, avez-vous Dario Kordic à Santici ?

13 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, j'ai vu Dario devant ma

14 maison. Il était dans une voiture, je ne sais plus quelle était la marque

15 de cette voiture. J'ai vu Nenad Santic et Slavica Josipovic qui ont pris

16 place dans la voiture avec lui et sont partis. Après cela, je les ai vus

17 apparaître à la télévision de Herceg-Bosna.

18 M. Kehoe (interprétation) - Vous avez vu Dario Kordic avec Nenad

19 Santic et vous dites avoir vu qui, plus tard à la télévision ?

20 M. Hrnjic (interprétation).-Dario Kordic et Slavica Josipovic.

21 M. Kehoe (interprétation) - Avez-vous vu aussi Dario Kordic à la

22 télévision avec l'accusé Blaskic ?

23 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, je les ai vus.

24 M. Kehoe (interprétation) - Entre le mois d'octobre 1992 et le

25 mois d'avril 1993, vous-même et les membres de votre famille avez continué

Page 3990

1 à recevoir des appels téléphoniques menaçants du fait que vous étiez

2 musulmans ?

3 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, ils n'arrêtaient pas de nous

4 appeler au téléphone, de nous provoquer, ce genre de choses.

5 M. Kehoe (interprétation) - Haris, nous allons maintenant passer

6 au 16 avril 1993,

7 mais avant cela, avec votre permission, Monsieur le Président et

8 Messieurs les juges, je voudrais remettre au témoin ce qui a été

9 enregistré à des fins d'identification comme document 129/A. Il y a aussi

10 une légende qui accompagne ce document et qui a été enregistrée sous la

11 cote 129.

12 Je demanderai, avec l'aide de l'huissier, que le document 129/A

13 et la légende soient placés sur le rétroprojecteur. Ces documents sont

14 déjà enregistrés Monsieur le Président.

15 M. le Président. - Qu'est-ce qui a été enregistré ? Je crois

16 qu'on a vu ce plan, mais il y a une légende qui ne correspond peut-être

17 pas à l'ancien enregistrement, Monsieur Kehoe ?

18 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur le Président, cette pièce à

19 conviction est un agrandissement de certaines parties de la pièce à

20 conviction 50. Mais les marques 1 à 13 qui figurent sur cette pièce-ci

21 sont uniques ; ce sont des marques qui correspondent exactement au

22 témoignage de M. Hrnjic.

23 M. le Président. - La légende aura donc une numérotation

24 spécifique. Monsieur le Greffier ?

25 M. le Greffier - Il s'agit d'une nouvelle pièce. La carte est

Page 3991

1 numérotée 129/A et la légende 129/B.

2 M. le Président. - D'accord. Poursuivez Maître Kehoe.

3 M. Kehoe (interprétation) - Haris, avant que nous n'en venions

4 aux incidents survenus au matin du 16 avril, pouvez-vous prendre le

5 pointeur à côté de vous et indiquer l'endroit où vous viviez, ainsi que

6 l'endroit du restaurant et du magasin ? Pouvez-vous nous donner les

7 chiffres correspondants ?

8 M. le Président. - Je voudrais faire accélérer les débats.

9 Monsieur le Procureur, si votre intention est de faire désigner avec un

10 pointeur tous les numéros qui figurent sur cette carte, je crois qu'il

11 serait plus simple de demander au témoin, sans que vous l'interrompiez, de

12 nous indiquer tous les numéros, sauf si telle n'était pas votre intention,

13 évidemment.

14 M. Kehoe (interprétation) - Cela me convient tout à fait,

15 Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Je m'adresse au témoin. Avec le pointeur vous

17 allez successivement du n° 1 jusqu'au n° 15 désigner, sans être

18 interrompu, toutes les maisons ou les sites que vous reconnaissez.

19 D'accord ? Allez-y.

20 M. Hrnjic (interprétation).- Voici ma maison.

21 M. le Président. - Dites : "Le n° 1 est ma maison, le n° 2 est

22 la maison d'Untel". D'accord ? Allez-y.

23 M. Hrnjic (interprétation).- Le n° 1 est ma maison, le n° 2 est

24 le café de Pican. Le n° 3 est la maison d'Ivo Vidovic. Le n° 4 marque

25 l'emplacement de la maison des Colic, là où se trouvait le commandement du

Page 3992

1 HVO. Le n° 5 correspond à l'emplacement de la maison Mustafa Dedic, dit

2 "Mujo". Le n° 6 est le garage de Mujo Dedic. Le n° 7 est la maison d'Islam

3 d'Ahmic. Le n° 8 est la maison de Munib Ribo. Le n° 9 indique

4 l'emplacement de la maison de Nesib Ahmic. Le n 10 est la maison de

5 Heleg. Le n° 11 est la maison de Ramiz Ahmic. Le n° 12 est la maison de

6 Semic Ahmic. Le n° 13 est la maison de Siljak. Le n° 14 est la maison

7 d'Hasan. Le n° 15 est la maison d'Ivica Vidovic.

8 M. Kehoe (interprétation). - Absolument Monsieur le Président.

9 M. le Président. - Dans ces conditions, vous pouvez poser les

10 questions qui vous permettraient de préciser tel ou tel point. C'est votre

11 responsabilité.

12 M. Kehoe (interprétation). - Nous sommes maintenant au matin du

13 16 avril 1993. Pouvez-vous raconter aux Juges ce qui s'est produit ce

14 jour-là.

15 M. Hrnjic (interprétation). - Vers 5 ou 6 heures du matin, nous

16 avons entendu une violente détonation. Mon frère et moi-même nous nous

17 sommes réveillés et sommes allés dans la chambre de nos parents. Mes

18 parents étaient réveillés. Mon frère a dit que nous avions entendu une

19 violente détonation dehors. Mon père a dit que lui aussi l'avait entendue

20 et, tous ensemble, nous nous sommes rendus dans le couloir, toute la

21 famille.

22 Nous nous trouvions dans le couloir et puis mon oncle nous a

23 appelés de Zenica, du

24 quartier de Tetovo. Il avait entendu la détonation et nous a demandé si

25 cela provenait du quartier où nous nous trouvions. Nous avons répondu que

Page 3993

1 oui. Il nous a demandé de rester là parce qu'il s'est rappelé qu'au cours

2 de la première attaque, nous étions restés dans le couloir. C'est ce que

3 nous avons fait là aussi.

4 Mon frère voulait prendre quelque chose dans notre chambre et

5 lorsqu'il a ouvert la porte, les tirs ont commencé sur la maison et ont

6 brisé les vitres. Les tirs provenaient de la maison d'Ivo Vidovic et de la

7 maison d'Anto Vidosevic. Mon frère s'est vivement retiré et est revenu

8 dans le couloir.

9 Nous sommes allés nous protéger sous une cage d'escalier. A ce

10 moment-là, nous avons entendu des voix qui disaient : "Patron, patron,

11 sortez de la maison". Mon père a ouvert la porte d'entrée. Il a levé les

12 mains en l'air et a dit que nous nous rendions et que nous n'étions pas

13 armés.

14 Deux soldats du HVO se tenaient là. Ils nous ont fait sortir. Il

15 y avait une maison de l'autre côté et ils nous ont dit de nous y rendre et

16 qu'il ne fallait pas que nous nous retournions pour regarder notre maison.

17 Eux sont entrés dans notre maison, mais il y avait un chien. Il a commencé

18 à se diriger vers eux. Ils l'ont abattu, puis ils ont pénétré dans la

19 maison.

20 Ensuite, ils nous ont amenés à la hauteur de la petite clôture

21 qui se tenait à la hauteur du café de Pican. Il y avait certains membres

22 du HVO qui se tenaient là. Ils leur ont demandé s'il fallait que nous nous

23 retournions pour qu'ils nous abattent sur-le-champ.

24 Ensuite, ils sont rentrés dans la maison. Ils cherchaient

25 partout des armes. Ils ont dit : "Si jamais nous trouvons une arme, nous

Page 3994

1 vous trancherons la gorge." Ils n'ont rien trouvé, si ce n'est une boîte

2 où se trouvait le revolver qu'avait emporté Nenad Santic. Ils ont demandé

3 où se trouvait le revolver. Mon père a dit que Nenad s'en était emparé et

4 ils se sont tus. Puis ils ont appelé mon père et lui ont demandé d'entrer

5 dans la maison. Ils y est resté environ cinq minutes. Quand il est revenu,

6 il nous a dit qu'ils avaient pris l'argent, son portefeuille.

7 Puis, ils ont encore mis la maison à sac. Ils sont sortis les

8 mains vides. L'un d'eux portait une petite bouteille de gaz et ils ont dit

9 aux soldats qui étaient près du café : "Que faut-il faire avec eux ?" L'un

10 d'eux a dit : "Emmenez-les là où se trouvent tous les autres."

11 Ils nous ont dit qu'il nous fallait commencer à emprunter la

12 direction de Vitez. C'est ce que nous avons fait. Nous avons mis nos mains

13 sur nos têtes et, alors que nous passions devant les soldats du HVO qui se

14 tenaient devant le café Pican, ils se sont mis à rire. Ils se moquaient de

15 nous. Ils faisaient des remarques.

16 Puis ils nous ont dit d'avancer plus vite, ce que nous avons

17 fait. Nous sommes arrivés à la maison de Mujo Dedic.

18 M. Kehoe (interprétation). - Je vous interromps un instant.

19 Peut-on revenir, s'il vous plaît, à l'image qui se trouve sur le

20 rétroprojecteur ? Précédemment, vous avez déclaré que le matin les tirs

21 avaient commencé devant la maison de Ivo Vidovic. C'est donc juste devant

22 la maison qui portent le n° 3 sur la photographie, n'est-ce pas ?

23 M. Hrnjic (interprétation). - En effet.

24 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré que des soldats

25 sont venus devant votre maison, le n° 1, pouvez-vous décrire ces soldats

Page 3995

1 aux Juges ? Que portaient-ils ? Portaient-ils des insignes ? Avaient-ils

2 de la peinture sur le visage ? Avaient-ils le visage masqué ?

3 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, je vais le faire. Ces soldats

4 portaient des uniformes de camouflage. L'un d'entre eux portait un casque.

5 Nous n'avions pas le droit de les regarder. Je n'ai donc pas pu voir s'ils

6 portaient des insignes, mais ils avaient de la peinture sur le visage.

7 M. Kehoe (interprétation). - Ils portaient donc des uniformes de

8 camouflage, n'est-ce pas ?

9 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, ils portaient des uniformes

10 de camouflage.

11 M. Kehoe (interprétation). - Précédemment, vous avez déclaré que

12 le n° 2 indiquait

13 l'endroit du café de Pican et que des soldats se tenaient devant ce café,

14 n'est-ce pas ?

15 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, c'est le café de Pican. Il

16 porte le n° 2 et les soldats du HVO se tenaient devant le café.

17 M. le Président. - Sinon nous allons avoir les inconvénients de

18 toutes les méthodes à la fois.

19 Le témoin a bien dit dans sa déclaration qu’il avait identifié

20 le café. Mais, dans le compte rendu, il apparaît bien que ce sera le

21 numéro 2. Essayons de gagner du temps. J’ai l'impression qu'on va faire

22 répéter au témoin, en lui faisant repréciser chaque fois, que c'est le

23 numéro 1 ou le numéro 2. Non, il faut avancer, Maître Kehoe.

24 N’ayez pas peur, c’est dans le compte-rendu. Le café de Pican

25 est bien le numéro 2, les Juges l’ont compris. Alors, on avance.

Page 3996

1 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

2 Combien de soldats se tenaient devant le café de Pican, s’il

3 vous plaît ?

4 M. Hrnjic (interprétation). - Dix soldats environ.

5 M. Kehoe (interprétation). - Que portaient-ils ?

6 M. Hrnjic (interprétation). - Ils portaient des uniformes de

7 camouflage. Tous avaient de la peinture sur le visage, sauf un.

8 M. Kehoe (interprétation). - Celui qui n'en portait pas, l'avez-

9 vous reconnu ?

10 M. Hrnjic (interprétation). - Non, je ne l’ai pas reconnu.

11 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré que vous avez

12 ensuite quitté ce secteur-là et que vous vous êtes dirigé vers la maison

13 de Mujo Dedic, n'est-ce pas ?

14 M. Hrnjic (interprétation). - C’est exact.

15 M. Kehoe (interprétation). - Messieurs les Juges, il s’agit du

16 numéro 5 sur l’agrandissement.

17 M. le Président. - Veuillez ne pas répéter, allez-y.

18 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez raconter aux Juges ce qui

19 s'est passé par la suite ?

20 M. Hrnjic (interprétation). - Deux membres du HVO nous ont

21 emmenés à la maison de Mujo Dedic. Lorsque nous l'avons atteint, elle

22 était en flammes. Et là, j'ai vu les corps de Munib Ribo et de Mujo Dedic.

23 Ils avaient été abattus. Lorsque nous sommes arrivés à cet endroit-là, ils

24 nous ont dit de nous arrêter, c’est ce que nous avons fait.

25 Puis, ils nous ont donné l'ordre, à moi, à mon frère et à ma

Page 3997

1 mère, de nous diriger vers le garage, ce que nous avons fait. Ensuite, ils

2 ont ordonné à mon frère d'ouvrir le garage, de nous enfermer à l'intérieur

3 et de revenir à l'endroit où se trouvait mon père.

4 Donc, quand ils m’ont enfermé dans le garage, j'ai entendu un

5 coup de feu. Après un certain temps, j'ai regardé par une petite ouverture

6 de la porte du garage et j'ai vu les corps de mon frère et de mon père qui

7 gisaient là. Ils avaient été tués. Ils étaient morts.

8 Nous sommes restés là. Puis les membres du HVO sont partis. Ils

9 nous ont laissé là où nous étions. Beaucoup de personnes se trouvaient là,

10 regroupées dans une petite pièce ; il n'y avait pas de quoi se nourrir ni

11 d’eau à boire.

12 Puis, vers 5 heures? trois membres du HVO sont arrivés. L'un

13 d’entre eux portait une espèce de masque. Mais, nous les avons reconnus.

14 C’était Ivica Smeren, son surnom était 'Zuti', ce qui veut dire le

15 "Blondinet". Drazenko Vidovic est arrivé, ainsi qu’un troisième que je ne

16 connaissais pas. Ils nous ont fait sortir de cette pièce et ils nous ont

17 emmenés du garage de Mujo Dedic à la maison de Nesib Ahmic.

18 M. Kehoe (interprétation). - Avant que vous n'alliez dans le

19 garage de Nesib Ahmic, vous avez dit que lorsque vous vous dirigiez vers

20 le garage, deux hommes se trouveraient là et étaient morts, Mujo Dedic et

21 Munib Ribo, est-ce exact ?

22 M. Hrnjic (interprétation). - C’est exact.

23 M. Kehoe (interprétation). - Ces deux hommes étaient musulmans ?

24 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, ils étaient musulmans.

25 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit être resté dans le

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1 garage pendant l'après-midi. Pendant ce temps, d'autres soldats du HVO

2 sont arrivés. Lorsqu’ils sont arrivés, l’un d’entre eux a-t-il demandé à

3 l'une quelconque des personnes qui se trouvaient dans le garage de

4 sortir ?

5 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, en effet. Ils voulaient faire

6 sortir Haris Dedic. C'est le troisième soldat du HVO, celui que nous ne

7 connaissions pas, qui l’a appelé. Il a dit qu'il ne sortirait pas parce

8 qu'il avait peur d'être abattu ; ils avaient tué son père et son frère, il

9 avait peur que la même chose lui arrive. Puis, Drazenko Vidovic a dit

10 qu'il fallait le laisser tranquille, qu'il n'avait que 13 ans, que ce

11 n'était encore qu’un enfant. Par la suite, ce membre du HVO ne lui a pas

12 demandé de sortir.

13 M. Kehoe (interprétation). - Le frère et le père de Haris Dedic

14 ont été tués, n’est-ce pas ?

15 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, c’est exact.

16 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous vous dirigiez vers la

17 maison de Nesib Ahmic, avez-vous aperçu d'autres corps ?

18 M. Hrnjic (interprétation). - Oui. J'ai vu le corps de

19 Islam Ahmic qui gisait dans la cour de sa maison.

20 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il musulman, lui aussi ?

21 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, il était musulman.

22 M. Kehoe (interprétation). - D'ailleurs précisez-nous qui vous a

23 accompagné vers la maison de Nesib Ahmic ? Combien de soldats vous

24 accompagnaient ? Veuillez décrire également ce qu’ils portaient ?

25 M. Hrnjic (interprétation). - Ils portaient des uniformes de

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1 camouflage. Il s'agit des trois soldats qui étaient venus et dont j'ai

2 parlés.

3 M. Kehoe (interprétation). - Ensuite, vous êtes allé dans la

4 maison de Nesib Ahmic. Cette maison avait-elle été incendiée elle aussi ?

5 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, la maison avait aussi été

6 incendiée, mais en fait seul le rez-de-chaussée avait brûlé, le grenier

7 était resté intact, donc ils nous ont emmenés là-haut, au grenier. Il

8 faisait extrêmement chaud, nous n'avions rien à boire.

9 M. Kehoe (interprétation). - Haris, vous avez dit que la maison

10 de Nesib Ahmic avait été incendiée. Est-ce que les autres maisons

11 musulmanes qui se trouvaient dans ce secteur et qui apparaissent sur la

12 carte 121 ont-elles été aussi incendiées ?

13 M. Hrnjic (interprétation). - Non, la maison de Hasan n'avait

14 pas été brûlée, mais toutes les autres maisons étaient en flammes.

15 M. Kehoe (interprétation). - Et toutes les autres maisons en

16 flammes appartenaient-elles à des Musulmans ?

17 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, il ne s'agissait que de

18 maisons musulmanes.

19 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que la maison

20 d'Hasan, qui porte le n° 14 sur la carte, n'avait pas été incendiée. Est-

21 ce exact ?

22 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Par la suite, l'a-t-elle été ?

24 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Ce matin, Hasan était-il chez lui

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1 ou bien était-il sorti ?

2 M. Hrnjic (interprétation).- Hasan n'était pas chez lui ce

3 matin-là. Il était parti, il travaillait.

4 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on dire que toutes les autres

5 maisons habitées par un homme musulman ont été brûlées ?

6 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, toutes les maisons appartenant

7 à de telles personnes avaient été brûlées.

8 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit être arrivés à la

9 maison de Nesib Ahmic. Que s'est-il passé par la suite et où êtes-vous

10 allés ?

11 M. Hrnjic (interprétation).- Lorsque nous sommes arrivés à sa

12 maison, on nous a fait monter au grenier où nous avons passé la nuit. Le

13 lendemain matin, des soldats sont arrivés. Ils portaient des insignes

14 jaunes à l'épaule. Ils nous ont dit que nous allions faire l'objet d'un

15 échange. Nous avons quitté la maison de Nesib Ahmic, nous sommes allés

16 ensuite à la maison de Colic où se trouvait le commandement du HVO.

17 Lorsque nous sommes arrivés là, d'autres personnes, des Musulmans, s'y

18 trouvaient, des prisonniers.

19 Nous étions assis là. C'est Anto Papic qui nous surveillait.

20 Moi, j'étais avec Heleg à ce moment-là. Il m'a dit que si quoi que ce soit

21 lui arrivait, il fallait que je sache qu'il avait rassemblé des corps près

22 de la maison de Ramiz Ahmic. Il m'a dit que s'il lui arrivait quoi que ce

23 soit, je devais dire à son fils que c'était Nenad Santic qui était

24 responsable de tout cela.

25 M. Kehoe (interprétation). - Je vous interromps un instant. Je

Page 4001

1 voudrais vous montrer une photo avec l'aide de l'huissier et du greffier.

2 Il s'agit de la pièce 121/2 qui a déjà été versée au dossier. Cette photo

3 peut-elle être placée sur le rétroprojecteur s'il vous plaît ?

4 Haris, s'agit-il de cet homme, Heleg, dont vous venez de parler

5 et auquel vous parliez lorsque vous vous trouviez dans la maison de

6 Ramiz Ahmic ?

7 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, c'est Heleg.

8 M. Kehoe (interprétation). - Que vous a-t-il dit à propos de ce

9 qu'il avait fait, du fait qu'il avait rassemblé ces cadavres ? Il vous a

10 dit autre chose, n'est-ce pas, concernant ce qu'il avait fait avant

11 d'aller rassembler ces cadavres ce même jour ?

12 M. Hrnjic (interprétation).- Il a dit qu'il avait rassemblé ces

13 cadavres et qu'il les avait emmenés dans la cour de la maison de

14 Ramiz Ahmic.

15 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit de la maison indiquée par

16 le n° 11 sur la carte, messieurs les Juges. Que s'est-il produit par la

17 suite ? Vous avez eu cette discussion avec Heleg,

18 mais ensuite que s'est-il produit ?

19 M. Hrnjic (interprétation).- Après un certain temps, deux

20 membres du HVO sont entrés dans la pièce. Ils ont commencé à désigner les

21 personnes qui étaient chargées d'aller rassembler les cadavres. Ils ont

22 choisi Heleg, Zenur Ramic, Ramiz Ahmic. Ils voulaient prendre Haris Delic

23 aussi, mais sa mère s'est levée, elle a pleuré, elle a dit qu'ils avaient

24 tué son fils et son mari et qu'au moins ils pourraient l'épargner, lui.

25 Par la suite, Nikica Plavcic qu'on appelait "Sika" est entré

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1 dans la pièce. Les femmes ont demandé où ces personnes qui avaient été

2 emmenées se trouvaient. Lui a répondu que les troupes "spéciales", comme

3 il les a appelées, les avaient abattues et que ces personnes ne

4 reviendraient pas.

5 M. Kehoe (interprétation). - Mais qui ont-ils tué ? Précisez-le

6 s'il vous plaît.

7 M. Hrnjic (interprétation).- Ils ont tué Heleg, Zenur, Amir

8 Ahmic et Hasim Ahmic. Il a également déclaré qu'ils allaient à un endroit

9 appelé Pirici, qu'ils y allaient pour tuer et pour brûler les maisons,

10 tout comme ils avaient fait à Ahmici. Il s'agissait encore des troupes

11 spéciales.

12 M. Kehoe (interprétation). - Nikica a parlé de quelqu'un en

13 particulier ? A-t-il dit que quelqu'un allait se rendre à Ahmici pour

14 tuer, pour incendier, etc. ?

15 M. Hrnjic (interprétation).- Il parlait des membres du HVO, des

16 unités spéciales.

17 M. Kehoe (interprétation). - Et cela s'est passé le 17 avril,

18 n'est-ce pas ?

19 M. Hrnjic (interprétation).- C'est exact.

20 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez traversé toutes ces

21 épreuves, Haris. Vous avez entendu Nikica parler d'unités spéciales qui

22 étaient chargées de cette mission à Pirici, qui s'étaient alliées avec vos

23 voisins croates à Santici pour commettre tous ces actes ?

24 M. Hrnjic (interprétation).- En effet, ils ont fait tout cela

25 avec l'aide de nos voisins et ceux-ci ont procédé de la même façon.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Sans l'aide de quelqu'un, est-il

2 possible de faire une distinction entre une maison croate et une maison

3 musulmane dans le village de Santici ?

4 M. Hrnjic (interprétation).- Non, il est très difficile de faire

5 la différence.

6 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez expliquer cela s'il vous

7 plaît.

8 M. Hrnjic (interprétation).- Eh bien les maisons musulmanes ont,

9 dit-on, un toit à quatre pans tandis que les maisons croates ont un toit à

10 deux versants. Ma maison a un toit à deux versants et la maison de Pican a

11 un toit à quatre versants. Ceci montre bien que sans l'aide de quelqu'un

12 qui s'y connaît, qui connaît les personnes, personne ne peut distinguer

13 entre les deux différents types de maison.

14 M. Kehoe (interprétation). - Pouvons-nous revenir à la pièce

15 129/A s'il vous plaît ? Peut-on placer cette pièce à conviction sur le

16 rétroprojecteur ?

17 Haris, le n° 2, c'est bien le café de Pican qui a un toit à

18 quatre versants, n'est-ce pas ?

19 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, c'est le café de Pican, il a

20 bien un toit à quatre versants.

21 M. Kehoe (interprétation). - Cet établissement appartient à un

22 Musulman ou à un Croate ?

23 M. Hrnjic (interprétation). - C'est une maison croate.

24 M. Kehoe (interprétation). - A-t-elle été détruite en

25 avril 1993 ?

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1 M. Hrnjic (interprétation). - Non. Elle n'a subi aucun dommage.

2 M. Kehoe (interprétation). - Nous en venons à la photographie

3 n° 15. Un peu plus haut, sur la photographie, la voyez-vous ?

4 M. Kehoe (interprétation). - C'est une maison à deux ou quatre

5 versants ?

6 M. Hrnjic (interprétation). - A quatre versants. C'est une

7 maison croate. Elle n'a pas été détruite.

8 M. Kehoe (interprétation). - Cette maison, à qui appartient-

9 elle ?

10 M. Hrnjic (interprétation). - Elle appartient à Ivica Vidovic.

11 M. Hrnjic (interprétation). - Josip Vidovic ou Ivica Vidovic ?

12 M. Hrnjic (interprétation). - Josip Vidovic, excusez-moi.

13 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que votre maison

14 avait un toit à deux versants. Regardez les maisons n° 12,13 et 14.

15 S'agit-il de maisons avec des toits à deux ou à quatre versants ?

16 M. Hrnjic (interprétation). - Deux versants.

17 M. Kehoe (interprétation). - Ces maisons appartiennent-elles à

18 des Musulmans ou à des Croates ?

19 M. Hrnjic (interprétation). - Elles appartiennent à des

20 Musulmans.

21 M. Kehoe (interprétation). - Avant cette attaque ou pendant

22 l'attaque, êtes-vous arrivé à la conclusion suivante, à savoir que les

23 gens qui attaquaient savaient qui vivait dans quel type de maison, qui

24 étaient les Musulmans vivant dans certaines maisons, quelles étaient les

25 maisons habitées par des Croates ?

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1 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, ils savaient où se trouvaient

2 les Croates et les Musulmans. Regardez la carte. Toutes les maisons

3 croates sont intactes alors que toutes les maisons musulmanes ont été

4 incendiées.

5 M. Kehoe (interprétation). - Nous en avons terminé pour ce qui

6 est du rétroprojecteur. Merci monsieur l'huissier.

7 Suite à cet entretien avec Nikica, entretien relatif aux unités

8 spéciales qui allaient se rendre à Pirici pour se livrer à certains actes,

9 avez-vous jamais revu l'un de ces quatre hommes qui avaient été emmenés ?

10 M. Hrnjic (interprétation). - Non, plus jamais.

11 M. Kehoe (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

12 Veuillez poursuivre et

13 raconter aux Juges ce qui s'est passé.

14 M. Hrnjic (interprétation). - Suite à cela, nous avons été

15 enfermés dans ce bâtiment abritant le commandement du HVO. Deux véhicules

16 des Nations Unies sont arrivés. Les femmes, qui avaient des bébés, sont

17 sorties pour demander de l'aide.

18 Puis Jevdjo Vidovic et Ivica Vidovic se sont mis à courir, à

19 s'enfuir de la maison. Ils agitaient les bras et faisaient des signes aux

20 soldats de la FORPRONU. Ils se sont dirigés vers eux et ont commencé à

21 parler. Cela a duré un certain temps.

22 Puis, il est monté sur le véhicule et les a emmenés près de sa

23 maison. Par la suite, c'est là que nous avons été enfermés. Ensuite, celui

24 que l'on appelait slikar, c'était Nikica Plavcic, a dit que nous allions

25 faire l'objet d'un échange et il nous a emmenés vers Vitez.

Page 4006

1 Nous sommes arrivés à un endroit appelé Dubravica. Nous nous

2 sommes arrêtés, puis ils ont demandé s'il fallait qu'ils nous emmènent à

3 l'école, à Vitez, ou s'il fallait qu'ils nous amènent à l'école

4 élémentaire se trouvant à Dubravica. Après un certain temps,

5 Franjo Krizanac est arrivé. C'était un des amis d'Islam Ahmic Il est venu

6 chercher la femme d'Islam Ahmic. Il a demandé où était Islam et on lui a

7 répondu qu'il avait été tué. Il a emmené Majda Ahmic, Elmir Ahmic et moi-

8 même. Il nous a tous emmenés dans sa voiture, ainsi que Mirza Ahmic.

9 Et il nous a emmenés à Vitez dans l'appartement de

10 Sulejman Dahic. Nous y avons passé 17 jours. Suite à cela, Franjo Krizanac

11 nous a emmenés dans l'école élémentaire et il nous a fait figurer sur les

12 registres de la Croix Rouge. Il a stipulé que nous devions faire l'objet

13 d'un échange mais, en fait, ce n'était pas la Croix Rouge qui était là.

14 Ensuite, il nous a emmenés sur la route qui mène à Zenica. Il

15 nous y a laissés et nous a dit qu'il fallait que nous nous dirigions vers

16 Zenica en empruntant cette route-là, mais qu'il ne pouvait plus nous

17 aider.

18 Nous nous sommes mis à marcher sur cette route de montagne en

19 direction de Zenica. Et sur cette route, nous avons aperçu des soldats du

20 HVO, dans le cimetière musulman.

21 Il y avait une clôture tout autour. Ils sont entrés dans le cimetière

22 musulman. Ils avaient établi une ligne de combat et l'armée de Bosnie-

23 Herzégovine se trouvait de l'autre côté.

24 Nous avons passé cet emplacement. Les soldats croates buvaient

25 de l'eau alors que nous passions. Et au moment où nous passions, un tireur

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1 embusqué a commencé à nous tirer dessus. Il a fallu que nous nous

2 allongions sur le sol. Puis nous avons poursuivi notre chemin et nous

3 avons trouvé refuge à Zenica.

4 M. Kehoe (interprétation). - Haris, Franjo Krizanac était

5 Croate ?

6 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, il était Croate.

7 M. Kehoe (interprétation). - A-t-il essayé de vous aider, vous

8 et les autres Musulmans qu'il a emmenés dans cet appartement, à Vitez ?

9 M. Hrnjic (interprétation). - Oui.

10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur. le Président, j'en viens

11 à la dernière pièce à conviction, il s'agit de la pièce n° 130. Je ne

12 crois pas qu'elle pose un quelconque problème. Il faut simplement passer

13 en revue ces photographies.

14 M. le Président. - Ce sont des photos personnelles ? J'aimerais

15 poser la question au témoin, si vous le permettez. Monsieur Haris Hrnjic,

16 ce sont bien des photos personnelles ? Monsieur le Procureur, ce sont bien

17 des photos de la vie familiale et personnelle du témoin ?

18 M. Kehoe (interprétation). - Oui, monsieur le Président, ce sont

19 des photos de famille et de voisins aussi, un voisin qui a été assassiné

20 ce même jour, Munib Ribo.

21 M. le Président. - On va vous présenter des photos de proches,

22 de familiers. Vous êtes bien d'accord pour les voir ou préférez-vous ne

23 pas les voir. On peut éviter de le faire. Etes-vous suffisamment fort pour

24 les identifier ?

25 M. Hrnjic (interprétation). - Oui.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur l'huissier, pouvez-vous

2 passer les photos, s'il vous plaît ?

3 Peut-on regarder la première photographie ? Haris, c'est votre

4 famille ?

5 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, c'est ma famille et ce sont

6 mes amis.

7 M. Kehoe (interprétation). - A peu près à quel moment cette

8 photo a-t-elle été prise et où ?

9 M. Hrnjic (interprétation).- La photographie a été prise en 1989

10 ou 1990 à Skopje.

11 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce à ce moment-là que votre

12 frère était dans la JNA ?

13 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, il était dans la JNA. Il

14 faisait son service militaire.

15 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer les

16 membres de votre famille sur cette photo ?

17 M. Hrnjic (interprétation).- Je peux. Ceci est mon père,

18 Mehmed Hrnjic. Là c'est moi, c'est mon frère, Admir Hrnjic, et c'est ma

19 mère Samija Hrnjic.

20 M. le Président. - On l'a dit déjà ce matin, ce sont des photos

21 qui font beaucoup souffrir. La défense a-t-elle l'intention de contester

22 ces photos ? Maître Hayman, avez-vous l'intention de contester ces photos

23 de famille ?

24 M. Hayman (interprétation). - Bien sûr que non, Monsieur le

25 Président.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Oui, monsieur le Président, je fais

2 identifier ces photos et le témoin dira simplement qu'il sait de quoi il

3 s'agit.

4 M. le Président. - Ecoutez-moi bien, vous allez rapidement

5 feuilleter cet album et vous allez nous dire si vous reconnaissez qu'il

6 s'agit de photos de vos proches et de votre entourage. Si vous nous

7 répondez oui, nous classerons ces photos qui seront versées comme pièces à

8 conviction. Elles ne sont pas contestées par la défense.

9 Essayons d'atténuer la souffrance du témoin, s'il vous plaît.

10 Haris, feuilletez très rapidement cet album que toutes les

11 parties ici ont et que toute la galerie du public a vu. Feuilletez très

12 rapidement l'album que vous avez sous les yeux et dites

13 nous si vous reconnaissez toutes ces photos. Un peu de courage, cela va

14 être très vite fait.

15 M. Hrnjic (interprétation).- Oui. Ceci est mon frère

16 Admir Hrnjic. Voici Ribo Munib avec sa famille. Voici à nouveau Ribo Munib

17 avec sa famille.

18 M. le Président. - Merci, vous avez été très courageux. Ces

19 photos n'ont pas été contestées par la défense, elles seront versées...

20 Monsieur le Greffier, quel numéro de pièce à conviction ?

21 M. le Greffier. - Le numéro 130.

22 M. Kehoe (interprétation). - Pour que les choses soient claires,

23 la deuxième photo (130/2) représente son frère et la 130/3 ainsi que la

24 130/4 représentent Ribo Munib. De cette façon, nous avons la séquence.

25 Monsieur le Président, je n'ai plus de question à poser au témoin.

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1 M. le Président. - Haris, vous allez maintenant être questionné

2 par les défenseurs ou le défenseur du général Blaskic, qui est accusé.

3 C'est un Tribunal. L'accusé est présumé innocent et il a un défenseur. Il

4 faut donc que vous répondiez maintenant aux questions. N'ayez aucune

5 crainte, les juges sont là et c'est peut-être maître Nobilo qui va

6 intervenir.

7 M. Nobilo (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

8 Haris, je m'appelle Anto Nobilo et je suis le défenseur du

9 général Blaskic. Mon collègue, Russel Hayman, est également un défenseur

10 du général Blaskic. Je n'ai que quelques questions à vous poser.

11 Quand cette explosion a eu lieu dans le magasin en bas, quand

12 les grenades ont été jetées dans le magasin en présence de Santic, est-ce

13 que le lendemain vous avez fait savoir ce fait à la police de Vitez ?

14 M. Hrnjic (interprétation).- Je ne sais pas cela.

15 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, vous dites que sur la

16 maison figurant sous le numéro 4 se trouvait le commandement. De quel

17 commandement s'agissait-il ?

18 M. Hrnjic (interprétation).- Le commandement du HVO.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais pour quelle région ?

20 M. Hrnjic (interprétation).- Pour la région de Santici.

21 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce une maison agréable ?

22 Est-ce que quelqu'un y habitait ou s'agissait-il simplement d'un

23 commandement ?

24 M. Hrnjic (interprétation).- En bas il y avait le commandement

25 du HVO et en haut la famille Colic qui y vivait.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Quand les soldats sont arrivés,

2 quelqu'un a crié : "Chef, chef !", avez-vous reconnu la voix ou savez-vous

3 qui appelait votre père par ce nom ?

4 M. Hrnjic (interprétation).- Non, je pense que je ne le sais

5 pas. Beaucoup appelaient mon père ainsi "chef" ou "patron" parce qu'il

6 était le patron du magasin, mais je n'ai pas reconnu la voix.

7 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il un vol de quelques

8 milliers de marks dans votre maison, par le passé ?

9 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, c'était le 16 avril. Ils ont

10 appelé mon père dans la maison et lui ont pris l'argent. Ils lui ont pris

11 le portefeuille avec l'argent.

12 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle heure

13 il était ?

14 M. Hrnjic (interprétation).- Quand nous sommes partis, il était

15 environ 8 heures du matin.

16 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que dans la maison de

17 Colic, Anto Papic a dit : "Je vous protégerai, personne ne vous tuera" ?

18 M. Hrnjic (interprétation).-Cela, je ne l'ai pas entendu.

19 M. Nobilo (interprétation). - Mais est-ce cela que vous avez dit

20 en réponse aux questions des enquêteurs ?

21 M. Hrnjic (interprétation).- Non.

22 M. Nobilo (interprétation). - Connaissez-vous Bruno Santic, le

23 fils de Nenad ?

24 M. Hrnjic (interprétation).- Bruno Santic est le fils de

25 Zvonko Santic et non pas de

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1 Nenad Santic.

2 M. Nobilo (interprétation). - Avait-il l'insigne de la

3 République de Croatie, de l'armée croate ?

4 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, il avait l'insigne de l'armée

5 croate.

6 M. Nobilo (interprétation). - Où habite-t-il ?

7 M. Hrnjic (interprétation).- A Donja Rovna, près de Santici.

8 M. Nobilo (interprétation). - A quelle unité appartenait-il ?

9 M. Hrnjic (interprétation).- Il faisait partie de l'unité

10 spéciale de Dario Kordic à Busovaca.

11 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'à la télévision vous

12 n'avez jamais vu notre client, le général Blaskic ?

13 M. Hrnjic (interprétation).- Oui, je l'ai vu.

14 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous entendu ce qu'il a dit ?

15 M. Hrnjic (interprétation).- Je n'ai pas entendu, mais je l'ai

16 vu simplement, avec Dario Kordic.

17 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez jamais fait attention

18 à ce qu'il disait ?

19 M. Hrnjic (interprétation).- Non, je n'ai pas écouté.

20 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que le 16 ou le

21 17 avril 1993, à Santici, vous avez vu Blaskic ou ne l'avez-vous jamais eu

22 auparavant à Santici ?

23 M. Hrnjic (interprétation).- Non, j'ai déjà dit que j'ai vu

24 simplement Dario Kordic, mais Blaskic, je ne l'ai pas vu.

25 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'à Santici, le 16 ou

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1 le 17, quiconque a évoqué le nom du général Blaskic ?

2 M. Hrnjic (interprétation).- Je n'ai pas entendu cela, mais je

3 n'osais pas écouter beaucoup, je n'osais pas regarder non plus.

4 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, nous

5 en avons terminé.

6 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?

7 M. Kehoe (interprétation). - Merci Monsieur le Président. Vous

8 avez dit, en réponse au conseil qui vous contre-interrogeait, que

9 Bruno Santic était membre de l'unité spéciale de Dario Kordic. Vous

10 rappelez-vous avoir dit cela ?

11 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Bruno Santic vous a dit cela avant

13 le premier conflit d'octobre 1992, n'est-ce pas ?

14 M. Hrnjic (interprétation).- Oui.

15 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je crois que

16 je n'ai pas fait verser au dossier les pièces à conviction 129 A et B. Si

17 je ne l'ai pas fait, je vous demande de pouvoir le faire maintenant. Je

18 sais, monsieur le Président, que la pièce 130 a été versée, mais je crois

19 n'avoir pas demandé le versement des pièces 129.

20 M. le Président. - Monsieur le Greffier, vous versez avec la

21 numérotation annoncée par le Procureur. Pas d'autres questions, monsieur

22 le Procureur ?

23 M. Kehoe (interprétation). - Non, merci Monsieur le Président.

24 M. le Président. - Je me tourne maintenant vers mes collègues

25 qui ont peut-être de questions à vous poser. Monsieur le Juge Riad, allez-

Page 4014

1 y.

2 M. Riad (interprétation). - Bonjour.

3 M. Hrnjic (interprétation).- Bonjour.

4 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que le HVO n'aurait

5 pas pu découvrir quelles étaient les maisons des Musulmans par lui-même,

6 que le HVO avait besoin de l'aide des habitants croates du village. Est-ce

7 exact ?

8 M. Hrnjic (interprétation). - Il avait besoin de l'aide des

9 habitants qui eux aussi faisaient partie du HVO. La plupart d’entre eux

10 ont fourni l'aide.

11 M. Riad (interprétation). - A votre avis, y avait-il une raison

12 pour que les habitants du village haïssent les Musulmans ? Et si, oui, qui

13 a provoqué cette haine ?

14 M. Hrnjic (interprétation). - Je ne sais pas ce qui a provoqué

15 cela. Quand je suis arrivé à la maison le 15 avril, j'allais à l'école. Je

16 me suis préparé. J'ai préparé les affaires pour le 16. Le matin, nous

17 étions tous là avec les voisins. Mais, le matin, il y eu cette attaque ;

18 je ne sais pas ce que c'était.

19 M. Riad (interprétation). - Avez-vous remarqué une propagande

20 qui aurait conditionné les habitants croates contre les Musulmans ou

21 étiez-vous trop jeune pour remarquer cela ?

22 M. Hrnjic (interprétation). - Après le premier conflit, la

23 situation s’est détériorée. A ce moment-là, ils menaçaient toujours ma

24 famille et ils s'attaquaient à notre maison ; c'est ce que j'ai déjà dit.

25 M. Riad (interprétation). - Etait-ce un fait particulier à votre

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1 maison ou était-ce une attitude générale ?

2 M. Hrnjic (interprétation). - Je pense que cela concernait tous

3 les Musulmans. Il s’est avéré qu’après la première attaque, ils ne

4 voulaient pas que nous restions vivre là-bas.

5 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que devant le café

6 Pican, les soldats du HVO avaient déclaré que tout le monde serait tué sur

7 place, abattu sur place. Ont-ils vraiment abattu les gens ou était-ce

8 simplement des mots ?

9 M. Hrnjic (interprétation). - Ils disaient qu’ils allaient nous

10 amener là où ils avaient amené les autres. Les deux qui sont arrivés

11 devant la maison nous ont amenés et ils ont fusillé mon père et mon frère.

12 M. Riad (interprétation). - C'étaient des membres du HVO ?

13 M. Hrnjic (interprétation). - Oui. Du HVO.

14 M. Riad (interprétation). - Quelqu'un a dit : "Nenad Santic doit

15 être considéré

16 comme responsable de tout cela". Quel était le rôle de Nenad Santic ?

17 Etait-il commandant au sein du HVO ? Etait-il soldat ? Pourquoi aurait-il

18 été responsable ?

19 M. Hrnjic (interprétation). - Il était le commandant du HVO à

20 Santici et c’est lui qui a organisé le plus d'actions contre nous, les

21 Musulmans.

22 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

23 M. le Président. - Monsieur le Juge Shahabuddeen va vous poser

24 quelques questions.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous êtes allé à l'école le

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1 15 avril ?

2 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, je suis allé à l’école.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Où se trouvait l’école ?

4 M. Hrnjic (interprétation). - Mon école était à Vitez. C’était

5 une école comme une autre. Il y avait des représentants de toutes les

6 nationalités.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Aviez-vous des amis parmi

8 les élèves croates à l’école ?

9 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, j’avais des amis parmi les

10 Croates.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quand vous êtes revenu de

12 l'école le 15 avril après-midi, pensiez-vous retourner à l'école le

13 16 avril ?

14 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, je m'attendais à aller à

15 l'école et j'ai préparé mes affaires pour le 16 avril, j'ai préparé mes

16 livres.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je suppose que vous pensiez

18 retrouver vos amis croates à l'école le 16 avril ?

19 M. Hrnjic (interprétation). - Voilà, c'est ce que je pensais !

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.

21 M. le Président. - Monsieur Hrnjic, C'est terminé. Je voulais

22 vous demander ce que vous faisiez maintenant. Vous aviez 16 ans au moment

23 des faits ; vous en avez 21. Que faites

24 vous en ce moment ? Comment vivez-vous ?

25 M. Hrnjic (interprétation). - En ce moment, je fais mon service

Page 4017

1 militaire régulier au sein de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, l'armée de

2 la Fédération de la Bosnie-Herzégovine. J'ai terminé une école de

3 mécanicien à Zenica.

4 M. le Président. - Je n'ai pas d'autre question. Auriez-vous

5 envie d'ajouter quelque chose que vous n'auriez pas eu l'occasion de dire

6 à la suite des questions posées par le Procureur, par les Juges et par la

7 défense ? Vous avez dit ce que vous aviez envie de dire ?

8 M. Hrnjic (interprétation). - Oui, j'ai dit tout ce que j'ai

9 voulu dire.

10 M. le Président. - Le Tribunal vous remercie. Il faut beaucoup

11 de courage pour venir exposer tout cela. Le Tribunal vous en sait gré. A

12 présent, c'est terminé.

13 Monsieur le Greffier, nous pouvons demander à l'Huissier de

14 faire raccompagner le témoin, avant de faire venir le témoin suivant.

15 Merci.

16 Monsieur le Greffier me signale que le témoin suivant est un

17 témoin protégé. Monsieur le Procureur, je le dis à l'intention du public,

18 mais ce ne sera pas une audience à huis clos. Nous allons baisser les

19 rideaux pendant un court laps de temps, le temps d’introduire le témoin

20 suivant. Ensuite, nous ouvrirons à nouveau les rideaux le temps de mettre

21 en place les moyens de protection pour commencer le témoignage.

22 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président ?

23 M. le Président. - Oui, Maître Kehoe.

24 M. Kehoe (interprétation). - On nous a informé, pendant la pause

25 déjeuner, que ce témoin avait des préoccupations médicales. A

Page 4018

1 14 heures 30, lorsque nous sommes revenus au Tribunal, elle n'était pas

2 là. Nous ne savons pas quel est son état ou sa situation à l'heure

3 actuelle.

4 M. le Président. - Dans ces conditions, le Tribunal va lever la

5 séance, pendant 10 à 15 minutes, le temps que Monsieur le Greffier nous

6 communique l’état exact du prochain

7 témoin. L’audience est suspendue pendant environ 10 minutes.

8 L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures

9

10 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez vous

11 asseoir. Monsieur le Procureur ?

12 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur le Président. Nous

13 pouvons continuer avec le prochain témoin. Il s'agit d'un témoin protégé

14 identifié comme "témoin I".

15

16

17

18

19

20

21

22

23 (Le témoin I est introduit dans la salle d'audience.)

24 M. le Président. - Témoin I, nous allons vérifier votre

25 identité. Vous n'allez pas indiquer votre nom. C'est le greffier qui va

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1 vous montrer sur un document, votre identité. M'entendez-vous ?

2 Témoin I (interprétation). - Oui, je vous entends.

3 M. le Président. - Vous avez lu le document. Etes-vous

4 d'accord ?

5 Témoin I (interprétation). - Oui.

6 M. le Président. - Détendez-vous. Vous êtes devant des juges.

7 Soyez calme. Le greffier va lire un texte qui n'est pas long du tout et

8 vous le répéterez avec lui. Monsieur le greffier, parlez lentement.

9 (Le greffier procède à la lecture du texte visant à prêter

10 serment.)

11 Témoin I (interprétation). - Je déclare solennellement que je

12 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président. - Vous n'avez rien à craindre, Témoin I. Vous

14 êtes venu à la demande de M. le Procureur. C'est donc lui qui va commencer

15 à vous poser des questions. Monsieur le Procureur ?

16 M. Harmon (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

17 Témoin I, je souhaiterais que vous soyez détendue pendant que je

18 pose des questions. Il serait bien, dans le même temps que je vous

19 interroge, que vous tourniez votre tête vers moi, puis vers les juges pour

20 répondre. Vous ne pouvez pas rester assise comme cela. Soyez à l'aise

21 avant de commencer à répondre à mes questions.

22 Témoin I, quel âge avez-vous ?

23 Témoin I (interprétation). - 49 ans.

24 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous Musulmane ?

25

Page 4020

1 Témoin I (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Où êtes-vous née et où avez-vous

3 grandi ?

4 Témoin I (interprétation). - Je suis né à Karaula, près de

5 Travnik.

6 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que Karaula est environ à

7 7 kilomètres de Turbe ou de Travnik ? Quelle est votre formation ?

8 Témoin I (interprétation). - 4 ans.

9 M. Harmon (interprétation). - Vous avez donc eu quatre ans de

10 formation ?

11 Témoin I (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Témoin I, quand avez-vous déménagé

13 à Ahmici ?

14 Témoin I (interprétation). - J'ai déménagé en 1992, le

15 19 novembre.

16 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux juges

17 pourquoi vous avez déménagé à Ahmici, ce jour-là ?

18 Témoin I (interprétation). - Nous avons déménagé ce jour-là pour

19 fuir les Chetniks.

20 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'ils attaquaient votre

21 village ?

22 Témoin I (interprétation). - Oui, il a été pris.

23 M. Harmon (interprétation). - Le résultat a été que vous êtes

24 devenue réfugiée et vous avez déménagé dans le village de Ahmici ?

25 Témoin I (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vécu avec Ahmici avec

2 feu votre mari et vos deux enfants ?

3 Témoin I (interprétation). - Non, j'étais réfugiée.

4 M. Harmon (interprétation). - Quand vous avez vécu à Ahmici,

5 vous y avez vécu avec des membres de votre famille ?

6 Témoin I (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Qui était-ce ? Dites-le nous sans

8 dire le nom.

9 Témoin I (interprétation). - Il y avait moi, mon mari et deux

10 enfants.

11 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, quel âge avait feu

12 votre mari ?

13 Témoin I (interprétation). - 44 ans.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il était musulman, lui

15 aussi ?

16 Témoin I (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Et en avril 1993, quel âge avait

18 vos enfants ?

19 Témoin I (interprétation). - L'un des enfants avait 19 ans,

20 l'autre 16 ans.

21 M. Harmon (interprétation). - Je crois que l'enfant aîné était

22 une fille et l'enfant cadet était un fils.

23 Témoin I (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Témoin I, êtes-vous à l'aise sur

25 cette chaise ?

Page 4022

1 Témoin I (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Quand vous êtes allée à

3 Ahmici, étiez-vous à l'étage inférieur de la maison ?

4 Témoin I (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les hommes musulmans,

6 un homme musulman était à l'étage supérieur ? Répondez sans dire son nom ?

7 Témoin I (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'un Musulman était le

9 propriétaire ?

10 Témoin I (interprétation). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - Quel âge avait votre propriétaire,

12 le propriétaire de cette maison ?

13 Témoin I (interprétation). - 48 à 50 ans.

14 M. Harmon (interprétation). - La maison dans laquelle vous avez

15 vécu à Ahmici se trouvait-elle dans la partie d'Ahmici connue comme Ahmici

16 inférieure, près de Krcevine ?

17 Témoin I (interprétation). - Krcevine, le bas ?

18 M. Harmon (interprétation). - A quelle distance était cette

19 maison par rapport à la mosquée dans le village de Ahmici ?

20 Témoin I (interprétation). - Je dirais une centaine de mètres.

21 M. Harmon (interprétation). - Et en regardant à travers votre

22 fenêtre où vous étiez avec votre mari et vos deux enfants, que pouviez-

23 vous voir ?

24 Témoin I (interprétation). - J'ai pu voir quand ils ont tué

25 Husein Ahmic ?

Page 4023

1 M. Harmon (interprétation). - Avant l'arrivée à cette partie de

2 votre déclaration, pouviez-vous voir, de votre maison, le cimetière

3 catholique et un grand champ ?

4 Témoin I (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, je voudrais vous poser

6 quelques questions brièvement sur feu votre mari.

7 Quand vous étiez dans le village d'Ahmici, votre mari était-il

8 membre de la Défense territoriale ?

9 Témoin I (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Etait-il membre de la Défense

11 territoriale du village de Karaula, ou bien a-t-il continué à être membre

12 de la Défense territoriale dans le village d'Ahmici ?

13 Témoin I (interprétation). - Il était à Karaula, mais en bas,

14 non, il ne l'était pas.

15 M. Harmon (interprétation). - Donc il n'était pas membre de la

16 Défense territoriale dans le village d'Ahmici en avril 1993 ? Est-ce

17 exact ?

18 Témoin I (interprétation). - Non.

19 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que votre mari sortait pour

20 prendre des tours de garde pendant qu'il était à Ahmici ?

21 Témoin I (interprétation). - Non.

22 M. Harmon (interprétation). - Le 16 avril 1993, y avait-il des

23 armes dans la partie de la maison où vous étiez avec votre mari et vos

24 deux enfants ?

25 Témoin I (interprétation). - Non.

Page 4024

1 M. Harmon (interprétation). - A votre connaissance, témoin I, y

2 avait-il des armes dans la partie de la maison qui était occupée par votre

3 propriétaire ?

4 Témoin I (interprétation). - Non.

5 M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderais maintenant

6 d'examiner la situation le 16 avril 1993.

7 D'abord, est-ce que votre mari et vos deux enfants étaient

8 présents dans la maison ce matin-là ?

9 Témoin I (interprétation). - Oui, nous l'étions.

10 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que le propriétaire était à

11 l'étage ?

12 Témoin I (interprétation). - Oui.

13 M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderais de dire aux

14 juges ce qui s'est passé le matin du 16 avril 1993.

15 Témoin I (interprétation). - Le 16 avril 1993, j'ai entendu des

16 coups de feu à 6 heures moins 10. Je me suis levée, j'ai crié à mon mari

17 et à mes enfants qu'il fallait que nous nous enfuyions si c'était

18 possible. Nous sommes sortis dans le couloir, nous avons ouvert la fenêtre

19 et à ce moment-là nous avons vu que ce n'était pas notre armée qui était

20 là.

21 Nous avons battu en retraite dans la chambre où nous sommes

22 restés.

23 Après les coups de feu, j'ai encore entendu une rafale et des

24 pleurs. Nous sommes sortis une nouvelle fois et nous avons encore essayé

25 de nous abriter, mais nous n'avons pas réussi.

Page 4025

1 M. Harmon (interprétation). - Pardon de vous interrompre. Vous

2 avez dit avoir vu des soldats par la fenêtre. Pouvez-vous les décrire ?

3 Témoin I (interprétation). - Quand j'ai regardé par la fenêtre,

4 nous voulions sortir, mais ils ont tué Husein Ahmic et nous avons vu que

5 nous ne pouvions pas sortir, donc nous sommes revenus à l'intérieur.

6 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous identifier quelqu'un

7 parmi ces soldats ou bien décrire ce qu'il portait ?

8 Témoin I (interprétation). - Je ne les connaissais pas, mais

9 j'ai vu qu'ils portaient des uniformes bigarrés.

10 M. Harmon (interprétation). - Leur visage était-il couvert,

11 partiellement couvert ?

12 Témoin I (interprétation). - Oui pour deux d'entre eux et non

13 pour deux autres.

14 M. Harmon (interprétation). - Quand vous avez regardé par la

15 fenêtre, avez-vous vu Husein Ahmic ?

16 Témoin I (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges quel

18 âge avait Husein Ahmic ?

19 Témoin I (interprétation). - Plus de 60 ans.

20 M. Harmon (interprétation). - Comment était-il vêtu, le matin du

21 16 avril 1993 ?

22 Témoin I (interprétation). - Normalement. Il avait des pantalons

23 et une veste.

24 M. Harmon (interprétation). - Quand vous avez vu Husein Ahmic,

25 portait-il des armes ?

Page 4026

1 Témoin I (interprétation). - Non, c'est sûr.

2 M. Harmon (interprétation). - Quand vous avez vu Husein Ahmic,

3 où était-il par rapport aux soldats ?

4 Témoin I (interprétation). - Il était près de sa maison. Ils

5 l'ont tué à ce moment-là et ils ont tiré son corps derrière une petite

6 baraque.

7 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu ces soldats qui ont

8 tué Husein

9 Ahmic ?

10 Témoin I (interprétation). - Oui, tout à fait.

11 M. Harmon (interprétation). - Au moment où vous avez vu ces

12 soldats tuer Husein Ahmic, sa maison était-elle incendiée ou non ?

13 Témoin I (interprétation). - A ce moment-là, elle ne l'était

14 pas.

15 M. Harmon (interprétation). - Après que vous ayez vu Husein

16 Ahmic se faire tuer, qu'avez-vous fait ?

17 Témoin I (interprétation). - J'ai vu qu'il était impossible de

18 sortir, alors nous avons pris refuge dans la chambre, nous quatre. Nous

19 nous sommes assis et j'ai tiré un meuble contre la fenêtre. A ce moment-

20 là, j'ai entendu des pleurs et des coups de feu. J'ai vu alors que

21 certains s'approchaient de notre maison. Immédiatement après, avec un coup

22 de crosse, ils ont brisé les fenêtres et le verre s'est éparpillé sur

23 nous.

24 Ma fille m'a dit : "Il faut sortir parce qu'ils vont jeter une

25 grenade." Nous venions à peine de passer dans la pièce d'à côté quand la

Page 4027

1 grenade a explosé dans la pièce où nous nous trouvions avant.

2 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous fait une fois que la

3 grenade a explosé dans la pièce où vous vous trouviez auparavant, avec

4 votre mari et vos enfants ?

5 Témoin I (interprétation). - J'ai pris le chemin de la sortie la

6 première, j'ai déverrouillé la porte et tout de suite, j'ai vu tout ce qui

7 se passait. J'ai vu allongés, devant notre maison, le corps de Sabahudin

8 Zec qui avait été tué, puis la femme Hajrija avec la petite fille un peu

9 plus loin. Puis, j'ai vu deux de leurs soldats debout sur la route. Il y

10 avait Adnan Zec qui était blessé et couché par terre.

11 J'ai vu aussi la maison de Mirsad qui était en flammes, ainsi

12 que celle de Husein.

13 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous interrompre là pour

14 vous poser une question. Vous avez dit que vous avez vu la maison de

15 Husein Ahmic qui était incendiée.

16 Témoin I (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - C'était combien de temps après que

18 vous ayez vu la mort de Husein Ahmic ? Quand avez-vous vu la maison

19 brûler ?

20 Témoin I (interprétation). - Une dizaine de minutes après ?

21 M. Harmon (interprétation). - D'autres maisons de vos voisins

22 étaient-elles incendiées aussi ?

23 Témoin I (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Ces voisins étaient-ils des

25 Musulmans ?

Page 4028

1 Témoin I (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Et Husein Ahmic était Musulman,

3 lui aussi ?

4 Témoin I (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Vous avez aussi dit que vous avez

6 vu des membres de la famille Zec qui étaient morts.

7 Témoin I (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous identifier les membres

9 de la famille Zec par leur nom en disant leur âge aussi ?

10 Témoin I (interprétation). - Sabahudin Zec avait à peu près

11 45 ans. Sa femme, Hajrija Zec et la petite Melisa qui avait 6 à 7 ans. Le

12 fils Adnan était blessé. Il avait 15 ans.

13 M. Harmon (interprétation). - Où étaient ces cadavres par

14 rapport à votre maison ?

15 Témoin I (interprétation). - Des Zec ? Les corps se trouvaient

16 dans un pré, devant notre maison.

17 M. Harmon (interprétation). - Vous étiez à quelle distance par

18 rapport à eu quand vous les avez vus ?

19 Témoin I (interprétation). - J'étais juste devant la maison,

20 celle où j'habitais.

21 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit que vous avez vu

22 aussi le corps

23 d'Adnan Zec ?

24 Témoin I (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - Etait-il vivant ou mort ?

Page 4029

1 Témoin I (interprétation). - Il avait perdu conscience à ce

2 moment-là;

3 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous quel âge il avait ?

4 Témoin I (interprétation). - 15 ans.

5 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des soldats près des

6 membres de la famille Zec que vous venez d'identifier ?

7 Témoin I (interprétation). - Je n'ai pas compris la question.

8 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des soldats près des

9 membres de la famille Zec que vous venez d'identifier ?

10 Témoin I (interprétation). - Oui, il y en avait deux qui étaient

11 debout à côté de Adnan et deux autres qui s'approchaient de nous.

12 M. Harmon (interprétation). - Comment étaient-ils vêtus, ces

13 soldats ?

14 Témoin I (interprétation). - Eux aussi avaient un uniforme

15 bigarré.

16 M. Harmon (interprétation). - Une dernière question concernant

17 la famille Zec : étaient-ils Musulmans ?

18 Témoin I (interprétation). - Oui.

19 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, après que vous soyez

20 sortis devant votre maison, que s'est-il passé ensuite ? Qu'avez-vous fait

21 et qu'ont fait les membres de votre famille ?

22 Témoin I (interprétation). - Quand j'ai déverrouillé la porte,

23 ils nous ont donné l'ordre de nous rendre. Nous, nous voulions nous rendre

24 et les deux soldats qui avaient jeté la grenade m'ont séparée de mon mari.

25 Nous, nous avons continué notre chemin et depuis ce jour, je n'ai pas la

Page 4030

1 moindre nouvelle de lui. J'ai encore fait deux ou trois mètres et j'ai

2 entendu des

3 coups de feu.

4 M. Harmon (interprétation). - Ces coups de feu, que vous avez

5 entendus, se sont produits combien de temps après votre séparation ?

6 Témoin I (interprétation). - Trente mètres plus loin.

7 M. Harmon (interprétation). - Vous avez fait 30 mètres et,

8 ensuite, vous avez entendu les coups de feu ?

9 Témoin I (interprétation). - Non, ils ne nous ont pas autorisés

10 à nous retourner.

11 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous revu votre mari depuis

12 le 16 avril 1993 ?

13 Témoin I (interprétation). - Jamais, je n'ai jamais entendu

14 parler de lui, ni mort ni vif.

15 M. Harmon (interprétation). - Les soldats vous ont-ils dit quoi

16 faire ? Vous ont-ils dit de quitter la maison et où aller ?

17 Témoin I (interprétation). - Ils nous ont dit de fuir vers le

18 haut.

19 M. Harmon (interprétation). - Où cela vers le haut ?

20 Témoin I (interprétation). - Vers Ahmici le haut.

21 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous entendu ce que les

22 soldats ont dit aux membres survivants de la famille Husein.

23 Témoin I (interprétation). - Oui. Ils ont expulsé Samira et ses

24 deux petits-enfants. Il ne lui ont même pas permis de les vêtir

25 correctement.

Page 4031

1 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous ce qui est arrivé à

2 votre propriétaire le 16 avril 1993 ?

3 Témoin I (interprétation). - Non, lui aussi a disparu tout comme

4 mon mari.

5 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous ce qui est arrivé à la

6 maison dans laquelle vous vous trouviez le 16 avril 1993 ?

7 Témoin I (interprétation). - Ils l'ont incendiée. Tout a brûlé

8 en une heure.

9 M. Harmon (interprétation). - Comment le savez-vous ?

10 Témoin I (interprétation). - Nous le savons parce que ce sont

11 les personnes de Gornja Ahmici qui ont été témoins de ce qui s'est passé,

12 qui nous l'ont dit.

13 M. Harmon (interprétation). - Husein Ahmic avait-il un fils ?

14 Témoin I (interprétation). - Oui, il s'appelait Munir.

15 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous ce qu'il est advenu de

16 lui ?

17 Témoin I (interprétation). - Oui. Munir s'est échappé par la

18 fenêtre de la salle de bain. Il est parti vers la maison de son frère,

19 Nesib. Et il a été blessé et la FORPRONU l'a emmené à l'hôpital de

20 Travnik.

21 M. Harmon (interprétation). - Témoin I, après vous être enfui de

22 votre maison, qu'avez-vous fait ?

23 Témoin I (interprétation). - Je suis allée à la maison de

24 Nedzib Ahmic. Il m'a posé des questions relatives à mon mari et j'ai dit

25 que je ne savais pas... Que les deux hommes l'avaient séparé de nous. Il

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1 m'a dit de rester avec lui, mais j'ai dit que je n'osais pas les attendre

2 là. Je voyais bien ce qu'ils étaient en train de faire. Les enfants, ce

3 sont les enfants qui m'ont fait marcher. J'avais perdu toutes forces,

4 j'étais complètement démunie.

5 M. Harmon (interprétation). - Tandis que vous vous échappiez de

6 votre maison, avez-vous eu l'occasion de vous retourner et de regarder ce

7 qu'il se passait dans Ahmici le bas, ce qu'il advenait des autres

8 maisons ?

9 Témoin I (interprétation). - Oui, toutes les maisons étaient en

10 flammes. Ils ont tout pris et tout a flambé en un seul instant.

11 M. Harmon (interprétation). - Cette nuit-là, où êtes-vous

12 allée ?

13 Témoin I (interprétation). - Je me suis dirigée vers Ahmici le

14 haut, chez une femme. Elle m'a donné un cachet et une couverture. Elle a

15 donné également quelques vêtements à ma fille, des chaussettes pour

16 qu'elle puisse les enfiler car elle était partie pieds nus. Nous avons

17 aussi reçu du café et de la nourriture.

18 Nous avons attendu jusqu'à 11 heures et nous nous sommes

19 dirigées vers le village de Vrhovine. Nous avons réussi à atteindre le

20 village à 1 heure. Nous y sommes restées jusqu'à 4 heures.

21 Puis un homme du lieu a dit : "Si quelqu'un veut aller à Zenica,

22 il faut qu'il y aille tout de suite. Les autres resteront, mais il vaut

23 mieux partir parce que des obus vont tomber". Je suis allée vers Zenica

24 car je n'avais rien à manger.

25 M. Harmon (interprétation). - Pour éclaircir une partie de ce

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1 que vous avez dit, quand vous avez décrit la famille Zec notamment,

2 combien de filles comptait cette famille ?

3 Témoin I (interprétation). - Il y en avait une autre et elle a

4 survécu.

5 M. Harmon (interprétation). - Connaissez-vous son nom ?

6 Témoin I (interprétation). - Je ne suis pas absolument certaine.

7 L'une s'appelait Alisa, l'autre Melisa... Laquelle des deux a été tuée et

8 laquelle des deux a survécu, je ne sais pas.

9 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, savez-vous quel âge

10 avaient ces deux jeunes filles à ce moment-là ?

11 Témoin I (interprétation). - Je ne sais pas quel est le nom de

12 la fille qui a survécu, mais c'est la cadette qui a été tuée. Elle avait 6

13 ou 7 ans. C'est la cadette. Peut-être qu'un an les séparait.

14 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai

15 terminé de mon interrogatoire principale. Je suggère que nous passions en

16 huis clos partiel pour quelques instants, car je voudrais demander le

17 versement au dossier de certaines pièces qui pourraient permettre

18 indirectement d'identifier ce témoin.

19 M. le Président. - Nous demandons à M. le Greffier de passer à

20 un huis clos partiel. Vous avez l'intention de montrer des photos de

21 personnes pour les identifier ?

22 M. Harmon (interprétation). - Pas des photos de personnes

23 particulières, des

24 photos d'une maison notamment et un morceau de la pièce à conviction 50.

25 M. le Président. - Donc une session privée, c'est cela ?

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1 M. Harmon (interprétation). - Oui, cela ira tout à fait. Mes

2 pièces seront communiquées au Conseil de la défense et à vous-même. Tout

3 ira donc bien.

4 M. le Président. - Bien, Monsieur le Greffier, allez-y.

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15 (L'audience se poursuit en session privée.)

16 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie. Je voudrais

17 regarder la pièce de l'accusation 131. J'aimerais qu'elle soit placée

18 devant le témoin et qu'elle vous soit communiquée, à vous, Messieurs les

19 Juges, et au Conseil de la défense.

20 Par la suite, je poserai des questions au Témoin I, questions

21 relatives à cette pièce à conviction.

22 M. le Président. - Allez-y.

23 M. Harmon (interprétation). - Témoin I, se trouve devant vous la

24 pièce de l'accusation 131. Il s'agit d'un agrandissement d'une

25 photographie. Vous-même et moi avons étudié cette photo hier, n'est-ce que

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1 pas ?

2 Témoin I (interprétation). - En effet.

3 M. Harmon (interprétation). - On voit une forme ovale qui porte

4 la lettre B, vous la voyez ?

5 Témoin I (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - Voyez-vous également une espèce de

7 forme géométrique portant la lettre A, à l'intérieur de cet ovale ?

8 Témoin I (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Cette figure géométrique a une

10 forme un peu bizarre. Signale-t-elle bien, approximativement,

11 l'emplacement de la maison où vous vous trouviez le 16 avril 1993 ?

12 Témoin I (interprétation). - Oui.

13 M. Harmon (interprétation). - Vous ne pouvez pas dire avec une

14 certitude absolue quel était l'emplacement de votre maison, n'est-ce pas

15 exact ?

16 Témoin I (interprétation). - Non, je ne peux pas.

17

18 M. Harmon (interprétation). - Une des maisons qui se trouvent à

19 l'intérieur de l'espace délimité par cette forme permet d'indiquer

20 approximativement l'emplacement de votre maison dans Ahmici le bas, n'est-

21 ce pas ?

22 Témoin I (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également déclaré que

24 lorsque vous vous êtes échappée de votre maison, vous vous êtes retournée

25 et avez vu un certain nombre de maisons en flammes. Ces maisons figurent-

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1 elles à l'intérieur de l'emplacement délimité par les formes géométriques

2 et portant la lettre B ?

3 Témoin I (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Peut-on placer la photographie 2-

5 PH-314 de la pièce 47 sur le rétroprojecteur.

6 M. le Greffier. - Si vous permettez, Monsieur le Président,

7 l'idéal serait qu'elle ne soit pas présentée sur le rétroprojecteur, si

8 elle doit l'être, il faudrait entrer en huis clos complet.

9 M. le Président. - Ce n'est peut-être pas la peine de la

10 présenter sur le rétroprojecteur, tout simplement.

11 M. Dubuisson. - Non, sauf si on vous la donne par la suite.

12 M. le Président. - Monsieur le Procureur, que voulez-vous faire

13 ?

14 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

15 que le témoin identifie les structures sur cette photographie, mais je

16 vous laisse décider.

17 M. le Président. - A ce moment-là, ou bien nous passons au huis

18 clos absolu, ou bien le témoin la photographie et on la fait passer à la

19 défense, puis aux Juges, tout simplement, s’il n'y a pas contestation.

20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j’ai un

21 exemplaire supplémentaire, si vous souhaitez le regarder pendant que le

22 témoin témoigne.

23 M. Hayman (interprétation). - Nous en avons nous-mêmes un

24 exemplaire, donc

25

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1 nous n’avons pas besoin qu’il soit mis sur le rétroprojecteur.

2 M. le Président (interprétation). - C'est beaucoup plus simple,

3 avec toutes ces photocopies nous allons y arriver. Donc, nous ne passons

4 pas à huis clos complet. Le témoin va décrire ces photos. Il suffit que

5 mes collègues se rapprochent pour voir l’exemplaire.

6 (Les Juges consultent la photographie sur leur siège.)

7 Voilà, vous pouvez y aller.

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18 L’audience se poursuit en huis clos partiel.

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2 L’audience se poursuit en audience publique.

3 M. le Président. - Bien, nous sommes en séance publique.

4 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

5 Témoin I, je m'appelle Anto Nobilo. Avec mon collègue,

6 Me Hayman, nous défendons le général Blaskic. Nous allons vous poser une

7 ou deux questions, pas plus.

8 Savez-vous combien de familles sont arrivées, avec vous, de

9 Karaula à Ahmici en tant que réfugiées ?

10 Témoin I (interprétation). - Nous étions très nombreux. Combien

11 exactement, je ne sais pas.

12 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous s’il y avait des

13 réfugiés de Karaula, de Prijedor et d’autres endroits encore, qui se sont

14 retrouvés à Ahmici ?

15 Témoin I (interprétation). - Oui.

16 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous jamais vu le

17 général Blaskic ?

18 Témoin I (interprétation). - Non.

19 M. Nobilo (interprétation). - Bien, je vous remercie. Nous

20 n’avons plus de questions à poser.

21 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues.

22 Monsieur Riad, vous avez des questions ?

23 M. Riad (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je vais

24 vous appeler Témoin I puisque je ne peux pas dire votre nom.

25 Parmi ce que vous nous avez dit, vous nous avez précisé que les

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1 membres de la familles Zec avaient été abattus. Parmi eux se trouvait la

2 petite Melisa qui avait 6 ans ?

3 Témoin I (interprétation). - Oui.

4 M. Riad (interprétation). - Parmi eux, il y avait Adnan, le

5 fils, qui avait 15 ans, et

6

7 ce en plus de la femme et de tous les autres. Qui les a tués, vous le

8 savez ? Ont-ils été tués par les soldats ?

9 Témoin I (interprétation). - Oui.

10 M. Riad (interprétation). - Voulez-vous dire que les soldats ont

11 tué la petite fille ?

12 Témoin I (interprétation). - Oui.

13 M. Riad (interprétation). - Est-ce arrivé dans d’autres

14 familles ? En avez-vous connaissance ?

15 Témoin I (interprétation). - Pour autant que je le sache, oui.

16 Ils ont même tué des enfants plus jeunes encore, des enfants de 3 mois,

17 des bébés qui étaient encore au berceau.

18 M. Riad (interprétation). - Ils les ont abattus, ils les ont

19 brûlés, comment sont-ils morts ?

20 Témoin I (interprétation). - Ils les abattaient d’une balle et

21 ils les brûlaient.

22 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.

23 M. le Président. - Voilà Témoin I, c’est terminé. Vous avez été

24 très courageuse. Le Tribunal vous remercie beaucoup. Nous allons faire une

25 pause d’un quart d’heure.

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1 L’audience, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 17 heures 05.

2 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, pour ce qui

3 est du témoin I, j’ai oublié de demander le versement au dossier de la

4 pièce d’accusation 131 et j’aimerais le faire maintenant, si cela est

5 possible.

6 M. le Président. - J’ai l’impression que vous avez fait revenir

7 tout le Tribunal uniquement pour leur signaler cela.

8 M. Harmon (interprétation). - Non, monsieur le Président, ce

9 n’est pas le cas. Aujourd’hui, nous avions prévu d’interroger trois

10 témoins, nous avons pu interroger des témoins qui étaient disponibles et

11 qui étaient prêts à témoigner aujourd’hui, mais nous

12

13 terminons quelques minutes avant.

14 M. le Président. - Comment vont se présenter les travaux de la

15 présente semaine et ceux de la semaine prochaine ? Je rappelle qu'en ce

16 qui concerne les juges, demain il n'y aura pas d'audience. Nous

17 reprendrons donc pour jeudi et vendredi et la semaine prochaine nous

18 aurons une semaine normale à l'exception de vendredi matin pour lequel

19 nous avons programmé une séance de mise en état.

20 Maître Harmon, comment se présente cette semaine-ci ?

21 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, pour ce qui

22 est de cette semaine, trois témoins sont prévus pour jeudi. Nous avons

23 établi des programmes bien à l'avance pour permettre à la Division d'aide

24 aux victimes et aux témoins de préparer la venue de certains témoins.

25 Certains, que nous avions prévu de faire venir, ne pourront venir. Nous

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1 essayons en fait de trouver des témoins supplémentaires qui pourraient

2 venir prendre leur place. Nous avons des témoins prévus pour la semaine

3 suivante.

4 M. le Président. - Les événements sont suffisamment tragiques,

5 je ne voudrais pas faire de mauvaise plaisanterie, mais il me paraît

6 curieux de dire que s'il manque un témoin on va en chercher un autre. Ce

7 n'est pas absolument nécessaire. La remarque me paraît curieuse,

8 permettez-moi de vous le dire en toute amitié.

9 M. Harmon (interprétation). - Peut-être me suis-je mal fait

10 comprendre. Je veux dire que certains témoins vont venir pour les

11 audiences de la semaine à venir. Nous pensons pouvoir commencer leur

12 déposition vendredi, mais nous sommes dans la position suivante : les

13 témoins prévus pour vendredi ne sont pas à même de venir. Si le Tribunal

14 décide qu'il faut quand même organiser une audience, les témoins prévus

15 pour la semaine suivante vont arriver, je pense, jeudi soir, auquel cas

16 nous pouvons essayer de les préparer pour qu'ils déposent vendredi matin,

17 si tel est votre désir.

18 Nous serons informés jeudi soir de l'arrivée de ces vols à

19 l'heure. Parfois, ils sont

20

21 retardés pour des raisons qui nous échappent. L'un est arrivé avec du

22 retard, très tard même. Nous avons été incapables de préparer le témoin

23 pour le lendemain matin. Nous pensons que les témoins vont arriver jeudi

24 soir, mais il y a bien sûr des conditions météorologiques telles que nous

25 ne sommes pas à même de prévoir l'arrivée précise de ces avions.

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1 M. le Président. - A ce moment-là, si le vendredi nous n'avions

2 pas de témoin, est-ce que défense et accusation seraient prêtes

3 éventuellement pour la conférence de mise en état prévue pour le 28 ?

4 M. Harmon (interprétation). - Au nom du bureau du Procureur, je

5 vous signale que nous sommes tout à fait disposés à avoir cette conférence

6 de mise en état vendredi.

7 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, demain nous

8 allons déposer un bref mémoire sur la question du ouï-dire. D'ici

9 vendredi, je souhaite également déposer un mémoire sur la question des

10 sources et de l’authenticité des documents. Si ces mémoires doivent être

11 présentés au Tribunal, alors nous suggérons que cela soit fait un peu plus

12 tard. Nous pouvons aborder tous les autres problèmes vendredi.

13 M. le Président. - Excusez-moi, Maître Hayman, peut-être est-ce

14 un manque de compréhension en ce qui me concerne : vous dites que vous

15 devez déposer deux mémoires supplémentaires sur l'ouï-dire et sur les

16 éléments authentiques à décharge. C’est cela ?

17 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

18 déposé une objection portant sur le ouï-dire et une requête portant sur

19 les sources. L’accusation a déposé une réponse à ces deux mémoires, et

20 moi-même je souhaite déposer des réponses brèves aux deux réponses de

21 l’accusation. Je pense le faire cette semaine. Ce seront des mémoires très

22 brefs, cinq pages au plus, et je pense qu'il serait utile que le Tribunal

23 examine ces mémoires avant que tous les autres problèmes soient abordés.

24 Nous sommes prêts à aborder tous les problèmes lors d’une conférence de

25 mise en état vendredi. Mais si c'est le cas, alors nous souhaiterions que

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1 le 28 soit consacré à des audiences normales.

2 M. le Président. - De toute façon, le 28 nous ne pourrons pas

3 siéger toute la journée. Cela n'aurait pu être que le matin. C'est

4 pourquoi nous avions décidé qu'il y aurait une conférence de mise en état.

5 En toute hypothèse, nous ne siégerons pas le vendredi 28 après-midi.

6 Je reviens sur les deux questions du ouï-dire et des sources.

7 Vous prévoyez des réponses brèves. Souhaitez-vous que ces deux questions

8 soient plaidées devant ce Tribunal ou préférez-vous que le Tribunal vous

9 donne une réponse uniquement sur les mémoires que vous aurez faits, y

10 compris ceux que vous déposerez demain ? Préférez-vous que cela soit

11 plaidé ? Si cela doit être plaidé, nous allons attendre vos mémoires en

12 réponse, Maître Haymann, et nous devrons attendre la traduction en

13 français. Cela veut dire qu'en toute hypothèse, cela ne sera pas plaidé

14 avant décembre. Mais pour cela, il nous faut l’accord des deux parties.

15 Souhaitez-vous plaider ou non ?

16 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, notre

17 mémoire sur l’ouï-dire ne prend pas la forme d’une requête, c’est

18 simplement une objection. Si la Cour accepte cette objection dans la forme

19 qu'elle a actuellement, nous ne ressentons pas le besoin de plaider, sauf

20 si tel est le désir du Tribunal.

21 Pour la question des sources et de l’authenticité, peut-être

22 serait-il utile de plaider lors d’une audience, mais là encore la question

23 est entre vos mains. C’est à vous de décider si, oui ou non, il faut

24 consacrer une audience à ces questions.

25 M. le Président. - Je crois me faire l’interprète de mes

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1 collègues. Mon idée est surtout de gagner du temps. Cela veut dire que

2 l'on prendra sur le temps des témoins.

3 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, pour ce qui

4 est de ces deux questions que va soumettre la défense, nous avons déposé

5 des réponses écrites au Tribunal. Nous sommes prêts à les présenter.

6 M. Hayman (interprétation). - Nous préférerions qu'il y ait une

7 audience vendredi.

8 S'il y a un témoin, si l'accusation peut le préparer, alors profitons-en

9 et consacrons-y une audience. Nous savons bien que le temps est ce qu'il y

10 a de plus précieux. Nous souhaitons l'exploiter le plus efficacement

11 possible.

12 M. le Président. - Ce vendredi-ci ?

13 M. Hayman (interprétation). - Oui, vendredi 21, monsieur le

14 Président.

15 M. le Président. - Si j'ai bien compris, nous ne pouvons pas

16 prendre de décision, c'est au moins ce que j'en retiens. Nous allons en

17 rester là. Si j’ai bien compris la préférence de tout le monde, il serait

18 bien que vendredi nous ayons des témoins. Par ailleurs, pour la conférence

19 de mise en état vous seriez prêts, sauf si nous abordons le problème du

20 ouï-dire, mais la conférence de mise en état visait plutôt à faire le

21 point du dossier Blaskic.

22 Enfin, en ce qui concerne la plaidoirie sur ces deux questions,

23 j'avais proposé qu’on essaye de gagner du temps et que le Tribunal décide,

24 au vu de vos requêtes, de la réponse et de vos mémoires en réponse. Le

25 Tribunal va donc délibérer. Si j'ai bien compris, au moins pour le ouï-

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1 dire, on pourrait se dispenser de plaider. Maintenant, si le Tribunal

2 décide de plaider, sachant que cela sera pris sur le temps des témoins, à

3 ce moment-là le Tribunal ne pourra que vous demander d'être bref dans vos

4 plaidoiries, étant entendu que nous aurons toutes les écritures pour nous

5 forger une impression.

6 Sur ce, nous allons ajourner jusqu'à après-demain matin,

7 10 heures.

8 L'audience est levée à 17 heures 15.

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