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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
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4 Jeudi 20 novembre 1997
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6 L'audience est ouverte à 10 heures 05.
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8 L’audience est ouverte à 10 heures 05.
9 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur l’huissier,
10 pouvez-vous faire entrer l’accusé. Tous nos amis interprètes sont-ils
11 prêts ?
12 L’Interprète française. - Bonjour, Monsieur le Président.
13 (L'accusé, Monsieur Blaskic, est introduit dans la salle
14 d'audience.)
15 M. le Président. - Tout le monde m’entend ? Le Procureur ? Oui.
16 Monsieur Blaskic, vous m’entendez ?
17 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
18 je vous entends bien.
19 M. le Président. - Merci. Je demanderai d’abord à M. le
20 greffier, si nous pouvons passer en huis clos partiel (private session),
21 s’il vous plaît. La traduction semble au point.
22 (L’audience se poursuit en huis clos partiel.)
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4 (L'audience reprend en audience publique)
5 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais simplement noter que
6 nous n'avons aucune raison de faire objection aux mesures de protection,
7 mais on ne nous a pas dit qui était ce témoin ni quelles mesures de
8 protection étaient demandées. Il est possible que dans certains cas nous
9 ayons des objections à présenter et cela accélérerait la procédure si, en
10 général, on nous disait avant l'entrée du témoin de quoi il était
11 question.
12 M. le Président. - L'objection est tout à fait pertinente de la
13 part de maître Hayman. Evidemment, vous avez communiqué la liste,
14 conformément à la décision prise mais, effectivement, il faudrait dire :
15 "témoin protégé" et quelles sont les mesures de protection. D'accord
16 maître Kehoe ?
17 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous
18 avons fait cela régulièrement comme le Conseil de la partie adverse le
19 sait bien.
20 Quant à ce témoin, j'aurai grand plaisir à lui dire de qui il
21 s'agit dans le prétoire, si nous avons un huis clos partiel. Mais les
22 mesures de protection demandées sont des mesures qui couvrent le corps, la
23 voix et le pseudonyme.
24 M. le Président. - Monsieur le greffier, ces mesures de
25 protection avaient été prises par ordonnance ? Je ne me souviens plus,
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1 pouvez-vous rafraîchir ma mémoire ?
2 M. Dubuisson. - Non, je ne pense pas.
3 M. le Président. - Il faut faire attention à cela. Nous avons,
4 dans notre décision de janvier ou de février, pris des mesures générales
5 obligeant la défense à un certain nombre de choses.
6 Je pense que pour la bonne forme, dans la mesure où l'une des
7 missions du Tribunal consiste à protéger les témoins, Monsieur le
8 Procureur, j'aimerais bien que par l'intermédiaire du greffe on vise ces
9 mesures. Surtout, le Tribunal ne posera généralement pas de problèmes sur
10
11 ces questions-là, mais il peut y avoir des hypothèses où la défense estime
12 que le Tribunal doit trancher, quitte à avoir un débat.
13 A présent, nous pouvons faire entrer le témoin J, que
14 j'appellerai "témoin J", simplement.
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1 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
2 M. le Président. - Témoin J, m'entendez-vous ?
3 Témoin J (interprétation). - Je vous entends.
4 M. le Président. - Nous allons vous présenter la déclaration
5 solennelle que tous les témoins doivent prononcer avant de fournir leur
6 témoignage. C'est un serment. Monsieur le greffier va vous tendre ce
7 document et vérifier votre identité dans la mesure où vous êtes un témoin
8 protégé, donc pour nous un témoin anonyme.
9 Monsieur le greffier, identifiez-vous bien le nom ?
10 Mme le Greffier. - Oui.
11 M. le Président. - Ensuite, témoin J, vous allez lire la
12 déclaration et vous restez assise, exceptionnellement.
13 Témoin J (interprétation). - Je déclare solennellement que je
14 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 M. le Président. - Merci. Témoin J, vous avez accepté de venir à
16 la demande du Procureur pour témoigner d'événements dont vous avez été
17 témoin.
18 Le Tribunal va vous demander la relation de ces événements. A
19 certains moments, quand le Procureur le jugera utile, ou peut-être même
20 mes collègues s'ils le jugent utile, il vous sera posé des questions
21 visant à recentrer votre témoignage, en quelque sorte, sur les faits
22 essentiels.
23 Ensuite, le Procureur a dû vous le dire, lorsque vous aurez
24 terminé votre témoignage, les avocats de l'accusé -puisque nous sommes
25 dans un Tribunal- vous poseront aussi des questions. Tout cela est sous le
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1 contrôle des juges. Vous n'avez aucune peur à avoir, soyez détendue. Vous
2 allez nous dire assez brièvement, tout en prenant votre temps, ce qui
3 s'est passé.
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5 Vous êtes venue parce que vous avez assisté à des événements le
6 16 avril 1993, événements qui vous ont touchée personnellement dans vos
7 biens, dans votre famille. Vous allez nous les raconter avec vos mots.
8 Ensuite, vous avez eu l'occasion de croiser des unités militaires, vous
9 nous le direz aussi.
10 Bien entendu le Procureur pourra vous interrompre, mais
11 uniquement pour vous remettre sur les rails car bien sûr on ne peut pas
12 tout raconter. L'important consiste en ce que le Procureur voudrait que
13 vous disiez au Tribunal. Ensuite, la défense interviendra.
14 Avez-vous bien saisi ?
15 Témoin J (interprétation). - Oui.
16 M. le Président. - Si vous voulez bien, dites-nous ce qui s'est
17 passé, ce que vous avez vu. Qu'avez-vous envie de nous dire sur ces
18 événements du 16 avril. De temps en temps le Procureur vous remettra sur
19 les rails, si cela s'avérait nécessaire. Le Tribunal vous écoute.
20 Témoin J (interprétation). - Le 15 mai 1992, j'ai dû quitté
21 Karaula à cause de l'agression. Je suis sortie avec mes enfants mineurs.
22 J'ai vécu à Vitez jusqu'au 28 décembre 1992.
23 Ensuite, j'ai déménagé à Ahmici. Là, nous avons vécu jusqu'au
24 16 avril, jusqu'à l'attaque. Jusqu'alors, tout était normal, nous n'avions
25 aucun problème.
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1 Ce soir-là, nous sommes allés au lit et tôt le matin, j'ai
2 entendu des coups de feu. Les premières balles ont touché les fenêtres de
3 la maison dans laquelle j'ai vécu. Mon enfant, la mère et la soeur de mon
4 mari dormaient dans une pièce où les balles inflammables ont touché les
5 couvertures sur les lits qui se sont enflammés.
6 Mon mari, moi-même et mon enfant cadet, nous sommes entrés dans
7 cette pièce. On entendait des coups de feu, cela tirait de partout. Nous
8 ne savions pas quoi faire. Nous nous sommes cachés derrière les meubles.
9 Nous étions là depuis peu quand nous avons entendu une rafale contre la
10 porte. Ensuite, des soldats sont entrés. Je ne les ai pas vus, j'ai
11 simplement
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13 entendu leur voix disant : "sortez si nous vous trouvons, ce sera plus
14 difficile pour vous." Nous sommes restés assis.
15 Ils sont arrivés jusqu'à la porte qui était entrouverte. Ils
16 répétaient la même chose avec la même voix : "sortez, si nous vous
17 trouvons, ce sera plus difficile pour vous."
18 J'ai essayé de sortir et mon mari m'a interdit de le faire en
19 disant : "Reste ici avec les enfants, tu es leur mère, il faut que tu
20 restes à côté". Il s'est levé, il s'est approché de la porte, il a levé
21 ses mains en l'air en disant simplement : "Les hommes, ne tirez pas ! Ici
22 dans la chambre il y a mes petits enfants". Ils n'ont rien dit, ils ont
23 tiré sur lui.
24 Je n'ai pas entendu une forte détonation. J'ai eu l'impression
25 qu'il y avait un silencieux. J'ai vu mon mari tomber par terre. Je n'ai
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1 pas vu une grande plaie sur son ventre, mais en le tirant vers l'autre
2 chambre, j'ai remarqué par derrière que ses entrailles étaient
3 complètement sorties.
4 Ils se sont retirés en disant : "Nous pouvons partir, on a
5 terminé notre affaire ici". Mes enfants pleuraient, criaient, disaient :
6 "Père !" Nous pensions pouvoir l'aider, mais c'était trop tard pour tout.
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15 (expurgée): "Est-ce qu'il y a quelqu'un de vivant ?
16 Partez, votre maison est en flammes, elle a été touchée par un obus".
17 Nous étions toujours en pyjama et en chemise de nuit. Elle nous
18 a aidés pour habiller les enfants. Nous sommes partis vers la porte. Ma
19 fille de 7 ans pleurait, disant : "Je ne vais pas laisser le père ici pour
20 qu'il brûle." Mais nous ne pouvions pas le tirer dehors, nous ne
21
22 savions pas où aller avec lui.
23 Ils sont tous partis vers la maison de Vlado Santic qui était de
24 l'autre côté du champ. Mon enfant ne voulait pas quitter la porte, elle
25 pleurait et moi aussi. Nous ne savions pas comment laisser derrière nous
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1 ce corps pour brûler. Mais la maison était en flammes.
2 Je l'ai prise de force. J'ai couru à travers champ. Alors que
3 j'étais au milieu du champ, j'ai entendu un coup de feu très fort et j'ai
4 pu sentir que des morceaux de terre me couvraient. Je suis tombée sur mon
5 enfant pour le sauver. Je suis restée allongée là pendant un certain
6 moment. Quand j'ai entendu que les tirs se calmaient un peu, j'ai
7 continué. Nous sommes arrivés jusqu'à la maison de Vlado. C'est là que
8 nous avons cherché notre salut parce que nous avons pu constater que
9 seulement les maisons croates n'étaient pas en flammes, alors que toutes
10 les maisons musulmanes étaient incendiées.
11 Nous avons essayé d'entrer, mais c'était fermé à clé. Nous avons
12 appelé, mais personne n'a répondu. Autour, il y avait d'autres petites
13 maisons, mais toutes étaient fermées à clé. Il y avait une petite baraque
14 qui était néanmoins ouverte. Alors nous sommes entrés. Nous avons entendu
15 des coups de feu, mais nous étions néanmoins en sécurité là-bas, parce que
16 les balles ne nous atteignaient pas.
17 Après un certain moment, un groupe de soldats est arrivé. Ils
18 appelaient Vlado, ils frappaient à la porte, mais il ne répondait pas.
19 L'un d'entre eux a dit : "Ne sonne pas, il a déjà quitté les lieux avec sa
20 famille". Ils ne se sont pas retournés vers la baraque. Ils ne nous ont
21 pas remarqué, mais moi j'ai remarqué qu'ils avaient une couleur noire sur
22 le visage. Ils avaient des uniformes de camouflage, ils portaient des
23 armes et ils avaient des insignes avec le drapeau à damiers.
24 Ils sont partis, nous sommes restés là, mes enfants pleuraient
25 disant qu'ils avaient faim. Je ne savais pas quoi leur donner. Ma voisine
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1 a essayé de passer par la fenêtre pour aller chercher de la nourriture,
2 mais elle ne pouvait pas à cause des tirs. Nous sommes restés assis là.
3
4 Mes enfants disaient : "Maman, va à la maison pour nous chercher de la
5 nourriture". Mais entre-temps notre maison avait déjà brûlé.
6 Après un certain temps, d'autres soldats sont venus, eux aussi
7 portant des uniformes de camouflage. Ils avaient des insignes du HVO, ils
8 avaient des armes, ils avaient des couteaux, ils avaient des ceintures
9 blanches. Ils n'avaient rien sur le visage. Ils ont demandé pourquoi cette
10 maison ne brûlait pas et l'un d'entre eux a répondu que c'était une maison
11 croate.
12 Ils se sont retournés en disant cela. Ils nous ont remarqués
13 dans la baraque. Ils se sont approchés de nous en nous demandant qui nous
14 étions. Ma voisine a répondu que nous étions des voisins. Ils ont demandé
15 si nous venions de ces deux maisons qui brûlaient là-bas et elle a répondu
16 oui. Ils se sont regardés l'un et l'autre en disant : "L'affaire est déjà
17 terminée, mais que devons-nous faire d'eux ?"
18 J'ai eu peur pour mes enfants, j'ai eu peur qu'ils les enlèvent.
19 J'ai baissé la tête, j'étais silencieuse, je n'osais même pas pleurer.
20 L'un d'entre eux a demandé s'il fallait nous tuer ou s'ils devaient aller
21 au quartier général, au café de Pican pour demander ce qu'ils devaient
22 faire de nous.
23 Nous sommes restés silencieux et finalement ils ont décidé de
24 nous laisser là, d'aller au quartier général pour se renseigner, mais ils
25 nous ont dit qu'il fallait que nous restions là et que nous attendions
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1 qu'ils reviennent.
2 Nous sommes restés assis en attendant notre sort. Il était clair
3 que notre sort était entre leurs mains. Nous n'avions pas entendu des
4 Musulmans. Il n'y avait personne pour offrir une résistance. On avait
5 l'impression que tout le monde avait été tué au même moment. Nous avons
6 continué à attendre. Nous avons entendu le son d'un transporteur de
7 troupes qui venait de la direction de Vitez. Nous sommes sortis dans
8 l'espoir qu'ils allaient nous remarquer. Je voulais sauver mes enfants.
9 Ils avaient faim, ils étaient en nage.
10 Ils avaient peur, alors ils se sont acquittés de leurs besoins
11 physiologiques. Je n'avais
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13 rien pour les changer.
14 Nous sommes sortis devant les chars, mais ils ne nous ont pas
15 remarqués. Nous n'osions pas les approcher de très près parce que cela
16 continuait à tirer. Ils sont allés jusqu'à la mosquée. Ils ont pris les
17 gens qui se trouvaient là-bas. Nous, nous sommes restés toujours au même
18 endroit en attendant.
19 Après un certain temps, un groupe de femmes avec un enfant
20 handicapé est arrivé jusqu'à nous. Je ne sais pas exactement quel était le
21 nombre de femmes, mais elles étaient nombreuses. Quand elles nous ont vus,
22 elles ont été joyeuses de voir qu'il y avait d'autres survivants parce que
23 chez elles aussi, les hommes avaient été tués. Elles se sont approchées de
24 nous, nous avons pleuré et avons demandé qui était resté vivant. Nous
25 sommes restés à attendre. Nous avons entendu le son d'un autre char et
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1 nous avons décidé d'aller tous ensemble jusqu'à la route principale, dans
2 l'espoir d'être amenés ailleurs.
3 Il y avait des coups de feu partout. Elles nous ont dit qu'elles
4 avaient déjà parlé aux gens dans le premier char et qu'il fallait que nous
5 nous adressions aux gens du deuxième char.
6 Nous nous sommes tous approchés vers la route principale. Nous
7 étions tous ensemble, sauf le fils de ma voisine qui a pris une autre
8 route, un autre chemin à travers champs. Les chars se sont approchés de
9 nous et nous ont remarqués. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas de place
10 pour tout le monde. Nous ne pouvions pas rester. Il était clair que
11 c'était pour nous la seule solution, sinon nous allions brûler vives,
12 toutes.
13 Ils nous ont donc ramassées. Un autre char est allé chercher
14 d'autres personnes, si jamais il y en avait. Nous étions seize dans le
15 premier char. En entrant dans le char, je me suis retournée vers la maison
16 où le corps de mon mari est resté. Il avait 30 ans quand on lui a ôté la
17 vie. Je suis entrée dans le char, c'est tout ce que je savais.
18 Nous sommes arrivés près de Travnik et tout ce que j'ai entendu,
19 c'est le fils de ma voisine disant : "Maman, ouvre les yeux, réveille-toi.
20 Je ne veux pas qu'on te perde toi aussi" ,
21
22 étant donné qu'eux aussi avaient perdu leur père et leur frère. Il a alors
23 dit : "Nous sommes déjà Travnik, réveille-toi, ouvre les yeux."
24 J'ai alors moi aussi repris conscience. J'ai constaté que
25 j'étais sortie du feu, mais je portais en moi la douleur que je
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1 n'oublierai jamais, ni moi ni mes enfants qui n'avaient même pas dix ans
2 et qui regardaient comment avait été tué leur père innocent et qui les
3 défendait, lui aussi, dans la guerre contre les Serbes et qui pensait
4 qu'il était en sécurité, alors qu'il a été tué par ceux qui devaient le
5 défendre ensemble.
6 Nous sommes arrivés jusqu'à l'hôpital à Travnik. C'est là que
7 nous avons reçu nos premiers soins, ceux qui en avaient besoin. Ensuite,
8 ils ont conduit les gens là où ils souhaitaient.
9 M. le Président. - Merci, Témoin J. Monsieur le Procureur, je
10 pense qu'il ne s'agit pas de faire redire tout cela au Témoin J, car cela
11 a été quand même une période très dure. Dans la mesure où vous souhaitez
12 des précisions, étant entendu que vous aviez une certaine idée de ce
13 témoignage, monsieur le Procureur, posez vos questions complémentaires.
14 M. Kehoe (interprétation). - Oui, monsieur le Président.
15 Je commencerai peut-être par montrer au Témoin J la pièce à
16 conviction 132. Il n'est pas nécessaire de la placer sur le
17 rétroprojecteur. C'est une carte qui est un agrandissement de la pièce 50.
18 Le témoin peut examiner cette pièce et voir où sont les emplacements. En
19 effet, si l'on montrait ce document par le biais du rétroprojecteur, cela
20 risquerait d'identifier le témoin.
21 Monsieur le Président, il y a deux lieux sur cette carte, n° 1
22 et n° 2. Témoin J, la maison dans laquelle vous habitiez le matin du
23 16 avril correspond-elle bien au n° 1.
24 Témoin J (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - La maison que vous avez identifiée
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1 en tant que maison de Vlado, à savoir la maison Vlado Santic, correspond
2 bien au n° 2 ?
3 Témoin J (interprétation). - Oui.
4 M. Kehoe (interprétation). - Témoin J, vous-même et votre
5 famille étaient
6 musulmanes, n'est-ce pas ?
7 Témoin J (interprétation). - Oui.
8 M. Kehoe (interprétation). - La maison de Vlado Santic n'a pas
9 été endommagée ce jour-là, n'est-ce pas ?
10 Témoin J (interprétation). - Non, même pas par une seule balle.
11 M. Kehoe (interprétation). - Vlado Santic est Croate, n'est-ce
12 pas ?
13 Témoin J (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Au moment où votre mari a été
15 assassiné, le matin du 16 avril, comment était-il vêtu ?
16 Témoin J (interprétation). - Il avait un tee-shirt noir en coton
17 et un caleçon long. Quand je lui ai dit qu'il y avait des tirs, tout ce
18 qu'il a pu faire c'est mettre des chaussettes et c'est ainsi qu'il est
19 mort.
20 M. Kehoe (interprétation). - Donc il était en vêtements de nuit,
21 ceux qu'il avait porté pendant la nuit alors qu'il dormait ?
22 Témoin J (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation). - Et vous-même et les enfants étiez
24 aussi en vêtements de nuit ?
25 Témoin J (interprétation). - Nous aussi nous portions des
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1 pyjamas.
2 M. Kehoe (interprétation). - Votre mari était à la maison parce
3 qu'il avait eu une permission de la ligne de front de Turbe, n'est-ce
4 pas ?
5 Témoin J (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation). - Il était dans l'armée de Bosnie-
7 Herzégovine, n'est-ce pas ?
8 Témoin J (interprétation). - Non, à l'époque, l'armée n'existait
9 pas encore, c'était la Défense territoriale. L'armée a été créée après sa
10 mort.
11 M. Kehoe (interprétation). - Avait-il rapporté ses armes à la
12 maison, depuis la ligne de front ?
13 Témoin J (interprétation). - Non. Il n'avait pas le droit de le
14 faire. Celles-ci sont restées au commandement à Travnik. Nous n'avions
15 rien, pas de grenades, rien.
16 M. Kehoe (interprétation). - Votre beau-père habitait-il avec
17 vous dans la maison, le 16 avril ?
18 Témoin J (interprétation). - Oui. Mon beau-père vivait avec
19 nous. Le matin, il est sorti. Il y avait des toilettes dehors et il est
20 resté un peu plus longtemps. A ce moment-là, on a entendu des coups de feu
21 et il n'est jamais revenu. Même encore aujourd'hui, nous n'avons aucune
22 nouvelle de lui. Nous ne savons pas s'il est mort ou vivant. Nous avons
23 essayé, par le biais de la Croix Rouge d'obtenir des informations, mais
24 sans aucun succès.
25 M. Kehoe (interprétation). - Donc vous n'avez jamais rien
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1 entendu à son sujet depuis le matin du 16 avril et vous ne l'avez pas
2 revu.
3 Témoin J (interprétation). - Rien.
4 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez parlé du premier groupe
5 de soldats qui est arrivé dans la maison de Vlado Santic. Vous avez dit
6 qu'il portait des uniformes de camouflage.
7 Témoin J (interprétation). - Oui.
8 M. Kehoe (interprétation). - Ils sont arrivés après que vous
9 ayez traversé le pré et qu'on vous a tiré dessus. Est-ce exact ?
10 Témoin J (interprétation). - Au moment où on vous tirait dessus,
11 pendant que vous couriez depuis votre maison jusqu'à la maison de Vlado
12 Santic, portiez-vous votre fille avec vous ?
13 Témoin J (interprétation). - Non, elle était à côté de moi,
14 alors que le fils de ma voisine portait mon fils, qui avait seulement deux
15 ans et deux mois. Quand cela a commencé à tirer, je l'ai jetée devant moi
16 et je suis tombée sur elle.
17 M. Kehoe (interprétation). - Le second groupe de soldats du HVO,
18 nous avons parlé du premier groupe, ceux qui portaient des uniformes de
19 camouflage, le second groupe portait des uniformes de camouflage avec des
20 ceinturons blancs ?
21 Témoin J (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). - Ont-ils discuté entre eux pour
23 savoir s'ils allaient vous tuer ou pas, ainsi que les autres Musulmans qui
24 se trouvaient là ?
25 Témoin J (interprétation). - Ils se demandaient ce qu'ils
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1 devaient faire avec nous. C'était ce deuxième groupe. Devaient-ils nous
2 tuer ou attendre, ou encore aller au quartier général, au café de Pisan,
3 pour demander ce qu'ils devaient faire avec nous.
4 M. Kehoe (interprétation). - Témoin J, l'un quelconque des
5 membres du HVO a-t-il jamais fait la moindre tentative pour protéger les
6 civils musulmans, ce matin du 16 avril 1993 ?
7 Témoin J (interprétation). - Non, pas en ce qui nous concerne,
8 même si ma voisine les appelait parce qu'elle connaissait leur nom, mais
9 personne n'est venu nous aider.
10 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous jamais récupéré le corps
11 de votre mari ou de votre beau-père ?
12 Témoin J (interprétation). - Non, jamais. Cela m'est très
13 douloureux quand mes enfants me demandent quand ils iront sur la tombe de
14 leur père, je ne peux pas leur répondre parce que nous ne savons pas que
15 faire.
16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
17 des informations qui pourraient permettre d’identifier maintenant ce
18 témoin. Je vous demanderai donc de bien vouloir passer en huis clos
19 partiel, pour demander au témoin d’identifier un certain nombre
20 d'éléments.
21 M. le Président. - Nous passons en huis clos partiel, cela afin
22 de protéger les éléments d'identification que vous allez nécessairement
23 être obligé de donner du Tribunal. Donc, n’ayez aucune crainte, vous êtes
24 toujours protégé. Mais une sorte de surprotection va être mise
25 en place afin que d’autres lieux, d’autres personnes ou vous-même ne
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1 soient pas identifiés.Ceci vous permet de faire un témoignage beaucoup
2 plus libre. Allez-y, Monsieur le Procureur.
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15 (L'audience se poursuit en huis clos partiel.)
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25 (L’audience reprend en audience publique)
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1 Témoin J (interprétation). - Merci.
2 M. Nobilo (interprétation). - Témoin J, vous avez vu le char de
3 la FORPRONU ramasser des gens autour de la mosquée. Vers quelle heure
4 était-ce ?
5 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas, je n'avais pas de
6 montre.
7 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce le matin ou l'après-
8 midi ?
9 Témoin J (interprétation). - L'après-midi. Je sais seulement que
10 nous avons remarqué les premiers chars vers 16 heures. A ce moment-là, un
11 groupe de femmes s'était aussi joint à nous. L'enfant d'une des voisines
12 avait une montre au bras, j'ai donc su quelle heure il était.
13 M. Nobilo (interprétation). - Quelle heure était-il sur cette
14 montre ?
15 Témoin J (interprétation). - Aux alentours de 4 heures de
16 l'après-midi.
17 M. Nobilo (interprétation). - Quand ils ont ramassé les gens
18 autour de la mosquée, avez-vous vu qui entrait dans le char ?
19 Témoin J (interprétation). - Non, je n'ai pas vu car la mosquée
20 est assez loin. J'étais dans ma petite baraque et je n'osais pas en
21 sortir.
22 M. Nobilo (interprétation). - Quand on a tué votre mari, vous
23 avez vu cela ou vous avez simplement entendu des coups de feu ?
24 Témoin J (interprétation). - Je n'ai pas vu les soldats, mais
25 j'ai entendu quand il est tombé du côté de la porte, parce que j'étais à
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1 un endroit où je pouvais le voir debout, les mains en l'air, et je l'ai vu
2 tomber.
3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit aux enquêteurs du
4 Tribunal que votre mari était membre de la brigade motorisée de
5 l'armée 312. Est-ce vrai ?
6 Témoin J (interprétation). - Elle a été créée plus tard. Peut-
7 être ai-je fait une erreur
8
9 en parlant, parce que plus tard j'ai su de quelle brigade il s'agissait
10 quand j'ai demandé de l'aide pour les enfants. Mais à ce moment-là, il
11 s'agissait encore de la Défense territoriale, quand mon mari était vivant.
12 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai plus de questions,
13 monsieur le Président.
14 M. le Président. - Merci. Je me tourne maintenant vers M. Kehoe.
15 Peut-être voulez-vous des précisions complémentaires ?
16 M. Kehoe (interprétation). - Je n'ai plus de question,
17 monsieur le Président, mais mon collègue vient de me rappeler que la
18 photographie 133/2 est celle de ce témoin. Je demanderai donc que cette
19 photographie soit sous scellés, étant donné qu'il s'agit d'un témoin
20 protégé.
21 M. le Président. - La demande est très pertinente. Vous n'avez
22 donc plus de questions.
23 Je me tourne maintenant vers les juges et je demande à mes
24 collègues s'ils ont des questions complémentaires à poser. Monsieur le
25 juge Riad, allez-y.
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1 M. Riad (interprétation). - Bonjour. Excusez-moi de vous appeler
2 Témoin J, mais je ne peux pas dire votre nom.
3 Quand les gens ont frappé à votre porte le matin, avez-vous
4 regardé par la fenêtre pour voir à quoi ils ressemblaient ou bien par la
5 suite pour savoir s'ils étaient des soldats ? Vous ont-ils dit qu'ils
6 étaient des soldats ?
7 Témoin J (interprétation). - Non, ils n'ont pas frappé du tout.
8 Ils ont envoyé une rafale parce que la porte était verrouillée. C'est avec
9 cette rafale qu'ils ont ouvert la porte et qu'ils sont entrés. Moi je ne
10 les ai pas vus ; c'est plus tard, quand ils sont sortis de la maison, que
11 ma voisine m'a dit qu'elle avait vu trois soldats.
12 M. Riad (interprétation). - (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 Témoin J (interprétation). - (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée), je peux dire qu'elles étaient toutes en flammes.
21 M. Riad (interprétation). - Vous avez mentionné que vous avez
22 couru vers la maison de Vlado. Vous couriez vers un champ. On a tiré sur
23 vous ?
24 Témoin J (interprétation). - Oui.
25 M. Riad (interprétation). - Y avait-il autour de vous des hommes
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1 qui menaient le combat ou bien était-ce simplement les femmes et les
2 enfants qui couraient et on a tiré sur vous ? Expliquez-nous.
3 Témoin J (interprétation). - Comme je vous l'ai déjà dit, ma
4 voisine, sa belle-soeur et mon fils, qui avait ma jupe par-dessus ses
5 pantalons, étaient dans un premier groupe qui traversait le pré en
6 courant. Ma petite fille hésitait à partir. Elle m'a donc retenue un peu.
7 J'étais derrière. C'est à ce moment-là que je me suis mise à courir et que
8 j'ai été couverte de terre, un peu partout sur le corps, au moment où les
9 coups de feu ont été plus violents. Je ne pouvais pas dire d'où ils
10 venaient parce que vraiment cela tirait de partout.
11 J'ai donc vu ce qui se passait dans le groupe devant. Ils
12 s'étaient cachés derrière des buissons et lorsque je les ai rejoints nous
13 nous sommes cachés dans cette espèce de remise, parce que c'était le seul
14 endroit qui était ouvert. Tous les autres bâtiments étaient fermés à clé.
15 Nous ne pouvions aller nulle part, nous n'étions même pas bien habillés.
16 M. Riad (interprétation). - Je peux donc conclure qu'on tirait
17 sur tout ce qui bougeait, sur qui que ce soit ?
18 Témoin J (interprétation). - Sur tout. Cela n'avait aucune
19 importance de savoir qui était la cible : femme, homme, enfant, aucune
20 importance. Ils tuaient tout.
21 M. Riad (interprétation). - Quand vous êtes arrivée à côté de la
22 maison de Vlado,
23 vous avez dit que des soldats avec des insignes du HVO ont demandé ce
24 qu'ils devaient faire avec vous. L'un a dit : "Pourquoi pas les tuer ?"
25 après quoi ils ont décidé d'aller demander des instructions. Ont-ils eu
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1 les instructions ? Sont-ils rentrés ou bien ne les avez-vous plus revus ?
2 Témoin J (interprétation). - Non, ils ne sont pas revenus, mais
3 entre temps des chars sont arrivés. C'est de cette façon-là que nous avons
4 pu partir et nous sauver. Ils ne sont pas revenus rapidement après leur
5 départ. Nous sommes restés sur place pour attendre leurs ordres, mais
6 avant eux sont arrivés ces chars et ces blindés transportant des troupes
7 dans lesquels nous sommes entrés.
8 M. Riad (interprétation). - Les avez-vous entendu dire que la
9 maison de Vlado n'avait pas brûlé parce que c'était une maison croate ?
10 Témoin J (interprétation). - Effectivement.
11 M. Riad (interprétation). - Donc si la maison n'avait pas
12 appartenu à un Croate, elle aurait été incendiée elle aussi ?
13 Témoin J (interprétation). - Sans doute. D'après ce que j'ai pu
14 voir et d'après ce qui a été raconté. Vraiment toutes les maisons
15 musulmanes, ce matin-là, étaient en flammes et pour autant que je le
16 sache, je n'ai pas remarqué une seule maison croate en train de brûler.
17 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Témoin J, j'ai seulement une
19 petite question pour vous. Le juge Riad vous a posé une question,
20 concernant le moment où le deuxième groupe de soldats est arrivé, sur ce
21 que l'on comptait faire de vous et votre famille. J'ai l'impression que
22 vous avez dit que l'un d'entre eux a dit : "Va-t-on les tuer ou allons-
23 nous au quartier général, au café de Pican pour demander ce que nous
24 devons faire d' eux".
25 Nous aimerions savoir si vous connaissiez le café de Pican et le
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1 quartier général qui se trouvait dans ce café dont parlait ce soldat ?
2 Témoin J (interprétation). - Non, non, je ne connaissais pas du
3 tout cet endroit.
4 D'ailleurs, je ne connaissais aucun quartier général, ni moi ni personne
5 n'avions la moindre information à ce sujet. Je passais rarement dans cet
6 endroit, j'avais des enfants en bas âge. J'avais des responsabilités.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous compris de quel
8 sorte de quartier général ils parlaient ?
9 Témoin J (interprétation). - Quand ils ont dit au quartier
10 général, à l'état-major, j'ai compris clairement que c'était quelque chose
11 qui leur appartenaient à eux et que ce n'était pas musulman.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci beaucoup.
13 M. le Président. - Voilà Témoin J, c'est terminé. Le Tribunal
14 vous remercie beaucoup. Vous avez dit ce que vous aviez envie de dire,
15 n'avez-vous rien à ajouter. ?
16 Témoin J (interprétation). - Je ne sais pas si je peux vous
17 poser une question, mais je vais essayer. Ai-je la moindre chance
18 d'apprendre quoi que ce soit un jour au sujet du corps de mon mari, de mon
19 beau-père ?
20 M. le Président. - Je comprends, et je pense que mes collègues
21 aussi comprennent cette préoccupation. Il n'est peut-être pas dans les
22 pouvoirs directs des Juges de pouvoir répondre à vos préoccupations mais
23 je pense, au moins en ce qui concerne le bureau du Procureur, et peut-être
24 à travers ce procès et ces éléments tout en essayant d'agir auprès de
25 toutes les organisations, que nous ne pouvons que l'espérer comme vous.
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1 Je n'ai pas de moyens directs, mais votre cri a été entendu et
2 je pense qu'il l'a été aussi du côté du Procureur, notamment de la
3 Division de protection des témoins qui s'est occupée de vous pour vous
4 faire venir. N'hésitez pas à leur en reparler et à leur écrire par la
5 suite. Sans relâche, continuez et peut-être que cela donnera des
6 résultats.
7 Le Tribunal vous remercie, témoin J. A présent, vous pouvez
8 retourner chez vous et essayer, si c'est possible, de retrouver un peu de
9 paix et de tranquillité.
10 Monsieur le greffier, demandez à l'huissier de faire
11 raccompagner le témoin. Auparavant, ne bougez pas, nous allons faire
12 baisser les rideaux pour ne pas que vous soyez identifiée car nous sommes
13 en audience publique. Merci.
14 (Le témoin est raccompagné hors de la salle d'audience)
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1 M. le Président. - Nous sommes en audience publique. M. Cayley
2 est devant le micro. Maître Cayley, le témoin suivant est-il protégé ?
3 Certainement pas parce que je vois que M. le greffier...
4 Avant de faire entrer le témoin, vous allez nous dire
5 brièvement, comme l'a fait votre collègue, quels sont les objectifs,
6 quelles étaient vos finalités et ce que vous attendez de ce témoin ?
7 M. Cayley (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,
8 bonjour messieurs les Juges. Je salue mes collègues de la partie adverse.
9 Le témoin suivant est le sergent André Peter Kujawinski. Il
10 était donc sergent rattaché au régiment du Cheshire lorsque ce régiment
11 constituait l'élément participant à la force se trouvant en place en ex-
12 Yougoslavie. Il est resté en Bosnie de novembre 1992 à mai 1993. Il se
13 trouvait à Vitez au matin du 16 avril et il a été le témoin des dégâts
14 considérables causés ce matin-là dans la ville.
15 Au cours de l'après-midi du 16 avril, il se trouvait à Ahmici et
16 il a vu quelles étaient les conséquences de l'attaque. Il a vu un grand
17 nombre de cadavres de femmes, d'enfants qui gisaient là, sur le sol. Il
18 confirmera ce que le témoin précédent vient de nous dire. Il a vu un grand
19 nombre de femmes et d'enfants qui s'enfuyaient du village. Il est ensuite
20 retourné, par la suite, vers ces femmes et ces enfants pour les sauver et
21 les emmener à Travnik.
22 Il se trouve que le témoin précédent a fait partie du groupe
23 qu'il a sauvé et rapatrié vers Travnik. Il est resté dans le village
24 d'Ahmici ce jour-là. Il a pu observer les dégâts considérables qui ont été
25 causés. Il a vu des maisons en flammes. Il a aussi assisté à la
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1 destruction de têtes de bétail. Il y avait des gens qui tiraient
2 délibérément sur des animaux se trouvant dans le village.
3 Le 17 avril, le témoin est retourné à Vitez. Il y a trouvé une
4 femme qui avait été violée et dont le mari avait été abattu sous ses yeux.
5 On lui avait aussi volé tous ses biens. Un
6
7 peu plus tard, ce même jour, il est retourné à Vitez et il a apporté son
8 aide. Il a, en fait, apporté une aide à celles qu'il pensait être les
9 trois femmes croates.
10 Mais en fait, il s'est avéré que c'étaient trois soldats du HVO
11 qui se trouvaient à Novi Bila. Et enfin, ce témoin a participé à la
12 collecte des corps qui se trouvaient près de la ligne de front serbe, dans
13 le village de Miletici.
14 M. Kehoe (interprétation). - A cet endroit, un certain nombre de
15 Croates ont été abattus par les Moudjahidins. Le problème, avec la façon
16 dont vous avez proposé que nous soumettions les éléments de preuve -et je
17 n'ai pas d'objection à formuler car cela nous permettra d'accélérer les
18 choses- c'est qu'il s'agit du seul témoin resté dans cette région de la
19 Bosnie centrale un nombre de mois d'affilée.
20 S'il fait son témoignage en nous racontant ce qui s'est passé,
21 alors il va parler de toute une série d'événements qui ne sont pas
22 pertinents. Les éléments qui sont pertinents pour nous constituent en fait
23 un certain nombre d'événements qui n'ont pas de liens directs les uns avec
24 les autres et il faudra bien sûr que je l'aide tout au cours de son
25 témoignage.
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1 M. Hayman a, lui aussi, posé des questions à ces mêmes types de
2 témoins et il sait très bien que ces témoins n'ont pas toujours des
3 éléments pertinents à communiquer à la défense.
4 Je vais essayer du mieux que je peux pour permettre à ce témoin
5 de s'exprimer librement, mais j'ai bien peur, s'il s'exprime librement,
6 que nous n'obtenions beaucoup d'éléments qui ne sont pas franchement
7 pertinents à ce qui nous occupe aujourd'hui. Mais je vous promets de faire
8 du mieux que je le peux.
9 M. le Président. - Je vous remercie de cette relation qui permet
10 d'éclairer le débat et de faire qu'il soit beaucoup plus pertinent entre
11 nous. Ai-je bien compris, si j'interprète bien, que ce que vous attendez
12 de ce témoin, c'est son témoignage sur les dégâts et les conséquences, le
13 témoignage du 17 avril lorsqu'il est revenu sur Vitez, et enfin la
14 participation à la collecte des corps ? C'est bien surtout là-dessus que
15 vous voulez insister ?
16 M. Cayley (interprétation). - En fait, j'insisterai beaucoup sur
17 la destruction matérielle des maisons à Vitez et Ahmici, sur le grand
18 nombre de cadavres trouvés à Ahmici. Il y a également le fait qu'il a
19 aperçu un grand rassemblement de soldats du HVO près d'Ahmici le
20 16 avril 1993.
21 M. le Président. - Nous allons donc procéder de la même façon.
22 Cela ne va pas changer fondamentalement. D'ailleurs, vous pouvez
23 l'interrompre dans la mesure où c'est votre témoin.
24 Evidemment, la relation qu'il va faire va être guidée par ce que
25 vous venez de nous dire. C'est très précieux. Quand il aura terminé, il
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1 vous appartiendra de lui demander les précisions qui vous paraissent
2 importantes pour la suite des événements. Vous pouvez évidemment
3 l'interrompre, mais ne l'interrompez pas trop parce que sinon nous ne
4 gagnerions rien du tout, nous serions perdants sur tous les tableaux.
5 Cela étant, je sais ce que vous recherchez ; la défense le sait
6 aussi. Le débat est donc parfaitement clair et contradictoire. Nous avons
7 pris exactement trois minutes, mais ce ne sont pas trois minutes perdues,
8 maître Cayley.
9 Maintenant, nous pouvons faire entrer le sergent André
10 Kujawinski.
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16 (Le témoin, M. André Peter Kujawinski, est introduit dans la salle
17 d'audience.)
18 M. Cayley (interprétation). - J'aimerais soulever un point,
19 monsieur le Président. J'aimerais, si vous me le permettez, lui poser un
20 certain nombre de questions préliminaires concernant ses antécédents. Je
21 ne peux pas non plus dresser un aperçu de son histoire militaire et de sa
22 carrière complète, mais quelques questions seulement.
23 M. le Président. - Maître Cayley, nous avons déjà beaucoup
24 progressé sur cette introduction préliminaire. N'oubliez pas non plus que
25 la défense vous guette, c'est-à-dire que si vous lui demandez ce qu'il a
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1 fait depuis son enfance ou depuis l'école primaire, la défense lui posera
2 ensuite des questions. Faites donc très attention et ne lui posez que les
3 questions préliminaires qui peuvent avoir un intérêt pour le débat.
4 Sommes-nous d'accord ? Je préfère que ce soit le témoin ou l'accusation ou
5 la défense qui se voit poser ces questions.
6 Sergent, m'entendez vous ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
8 M. le Président. - Avant de lire la déclaration solennelle,
9 vous allez simplement dire au Tribunal votre nom et votre prénom.
10 M. Kujawinski (interprétation). - Je m'appelle André Peter
11 Kujawinski.
12 M. le Président. - Vous allez maintenant lire la déclaration.
13 M. Kujawinski (interprétation). - Je déclare solennellement que
14 je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
15 M. le Président. - Merci. Vous pouvez vous asseoir, Sergent.
16 Est-ce une habitude de l'armée de votre pays, Sergent, quand on s'assied,
17 de sortir son ceinturon ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - En effet, monsieur.
19 M. le Président. - Nous en apprenons tous les jours.
20 Voici comment votre audition va se dérouler. Le procureur, dont
21 vous êtes le
22
23 témoin, va vous poser quelques brèves questions sur des éléments
24 d'identification. Ensuite, vous allez faire au Tribunal votre déclaration
25 sur les éléments qui concernent le procès du général Blaskic et dont nous
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1 savons qu'elle concerne les constatations que vous avez faites en
2 avril 1993, lorsque vous étiez stationné dans la région concernée par les
3 faits, ainsi que ce que vous avez pu constater des soldats ou des
4 militaires qui étaient en face de vous (soldats, paramilitaires ou
5 militaires du HVO), ainsi que la participation à la collecte des corps.
6 Il faudra rester le plus près possible des événements auxquels
7 vous avez participé. Bien entendu, le procureur vous guidera -vous êtes
8 son témoin- et au besoin, il redressera un certain nombre de choses ou
9 vous remettra sur les rails de votre déclaration préalable. Ensuite, il
10 posera quelques questions complémentaires. Après quoi, bien entendu, la
11 défense vous posera des questions, ainsi que les juges.
12 M. Cayley (interprétation). - Merci infiniment, monsieur le
13 Président.
14 Sergent Kujawinski, vous me faites terriblement penser à un de
15 mes formateurs dans l'académie royale militaire de Sandhurst. Quand êtes-
16 vous né ?
17 M. Kujawinski (interprétation). - En 1965.
18 M. Cayley (interprétation). - Je pense que vous êtes arrivé dans
19 l'armée britannique en tant que simple soldat, n'est-ce pas ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
21 M. Cayley (interprétation). - Et vous avez servi au Royaume-Uni,
22 aux Malouines, à Hong-Kong, en Allemagne, en Amérique centrale et en ex-
23 Yougoslavie. Est-ce exact ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - C'est tout à fait exact,
25 monsieur.
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1 M. Cayley (interprétation). - Et à l'heure actuelle, vous êtes
2 un sergent et vous formez déjà de jeunes cadets à l'académie militaire de
3 Sandhurst ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
5 M. Cayley (interprétation). - Je crois que vous avez servi en
6 ex-Yougoslavie
7
8 depuis le mois de novembre 1992 et jusqu’au mois de mai 1993, n’est-ce
9 pas ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - C’est exact.
11 M. Cayley (interprétation). - Ceci, c'était lorsque le régiment
12 du Zeza faisait partie des forces des Nations Unies en territoire de l’ex-
13 Yougoslavie ?
14 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
15 M. Cayley (interprétation). - Vous étiez alors sergent et vous
16 dirigiez un peloton, n’est-ce pas exact ?
17 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est tout à fait exact.
18 M. Cayley (interprétation). - Quel était votre commandant de
19 peloton ?
20 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’était le commandant Tudor
21 Ellis.
22 M. Cayley (interprétation). - Qui est aujourd’hui capitaine,
23 n’est-ce pas ?
24 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
25 M. Cayley (interprétation). - Quel était votre commandant de
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1 compagnie ?
2 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’était Martin Thomas.
3 M. Cayley (interprétation). - Qui a maintenant un grade plus
4 élevé, n’est-ce pas ?
5 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
6 M. Cayley (interprétation). - Je crois qu'il y avait trente
7 six soldats dans le cadre de ce peloton, n'est-ce pas ?
8 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
9 M. Cayley (interprétation). - Que faisiez-vous dans le cadre de
10 ce peloton ? Quel était votre rôle ?
11 M. Kujawinsksi (interprétation). - J'essayais de maintenir la
12 discipline. Je supervisais la formation, je supervisais la gestion
13 quotidienne et je m'occupais des activités quotidiennes de ces 36 hommes.
14 M. Cayley (interprétation). - Et vous avez passé la plupart de
15 votre temps en ex-
16
17 Yougoslavie à patrouiller et à accompagner des convois sur ce même
18 territoire, n’est-ce pas ?
19 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
20 M. Cayley (interprétation). - Et vous avez fait cela sur des
21 véhicules blindés, des warrior appartenant aux Nations Unies ?
22 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
23 M. Cayley (interprétation). - Vous avez beaucoup patrouillé sur
24 le terrain, n’est-ce pas ?
25 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est tout à fait exact.
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1 M. Cayley (interprétation). - Je n'ai plus que quelques
2 questions, monsieur le Président, ensuite j’en aurai terminé.
3 Vers la fin du mois de novembre, votre peloton s’est déployé
4 dans la région de Kladanj, n’est-ce pas ?
5 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
6 M. Cayley (interprétation). - Puis, par la suite, votre peloton
7 est revenu de Kladanj et est rentré à Vitez au mois de décembre 1992 ?
8 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est exact.
9 M. Cayley (interprétation). - Par la suite, toute votre
10 compagnie s’est rendue à Tuzla, accompagnée par le Colonel Thomas au mois
11 de décembre 1992, n’est-ce pas ?
12 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est tout à fait exact.
13 M. Cayley (interprétation). - Puis, à la mi-janvier, vous êtes
14 retourné à Vitez, en janvier 1993, et vous êtes resté basé à Vitez pour le
15 restant de votre séjour en ex-Yougoslavie.
16 M. Kujawinsksi (interprétation). - C’est tout à fait exact.
17 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie.
18 Monsieur le Président, je n’ai plus de questions préliminaires à
19 poser.
20 M. le Président. - Je propose que nous fassions une pause et
21 nous reprendrons
22
23 l'audience à 11 heures 40.
24 L'audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 50.
25
Page 4090
1 M. le Président. - L'audience est reprise. Nous pouvons faire
2 entrer l'accusé. Sergent, vous pouvez vous asseoir.
3 Sergent, vous m'entendez ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, je vous entends monsieur.
5 M. le Président. - Monsieur Kujawinski, Vous allez faire votre
6 déposition au Tribunal directement. Vous allez vous centrer sur les trois
7 ou quatre points sur lesquels l'accusation souhaite, dans le cadre de ses
8 inculpations contre le Général Blaskic, insister plus particulièrement,
9 c'est-à-dire ce que vous avez vu, les conséquences, les dégâts, ce que
10 vous avez fait à Vitez le 17 avril et ensuite, la collecte des corps et
11 des cadavres.
12 N'ayez crainte ! Si vous oubliez quelque chose, Me Cayley vous
13 le rappellera brièvement. Il vous posera éventuellement des questions
14 complémentaires, après quoi, la défense vous posera des questions.
15 Maintenant, faites votre déposition, s'il vous plaît.
16 M. Cayley (interprétation). - Sergent Kujawinski, quelques jours
17 avant les incidents du 16 avril, il me semble que vous avez eu l'occasion
18 de vous rendre à Travnik, puis à Zenica. Veuillez raconter aux juges ce
19 qui s'est passé lors de ces deux incidents et veuillez nous raconter ce
20 que vous avez vu à Travnik et à Zenica.
21 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
22 Le centre d'opérations nous a donné l'ordre de nous rendre à
23 Travnik pour qu'il y ait une présence sur le terrain, notamment des
24 patrouilles de véhicules Warrior. Au moment où nous entrions à Travnik, il
25 y avait un barrage routier sur le carrefour qui menait vers Guca
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1
2 Gora. Auparavant, ce barrage n'était occupé que par un homme alors que
3 cette fois-ci, il y avait tout un attroupement d'hommes qui portaient des
4 cagoules sur le visage.
5 Il était flagrant que les tensions ne faisaient que s'aggraver.
6 En fait, un seul véhicule a été autorisé à passer ce barrage. Les autres
7 ont dû rester de l'autre côté. Au moment du passage du premier véhicule,
8 il est resté bloqué un certain temps. Sur ma propre initiative, j'ai passé
9 le barrage avec un deuxième véhicule pour savoir ce qui se passait.
10 Les hommes masqués ont demandé à ce qu'ils puissent fouiller nos
11 véhicules. Ils voulaient absolument vérifier nos identités. Nous nous y
12 sommes refusés. Nous avons refusé de communiquer nos identités et à ce
13 moment-là, un homme, qui se tenait sur le côté gauche de la route, est
14 arrivé avec un lance-grenades et a pointé cette arme vers le véhicule. Il
15 a dit, me semble-t-il, que si nous ne respections pas ce qu'ils
16 demandaient, ils allaient tirer.
17 Je savais qu'il était absolument impossible qu'ils nous
18 atteignent, vu la distance qui nous séparait. J'ai donc refusé. Il s'est
19 alors préparé à tirer sur l'endroit du volant du véhicule. En fait, c'est
20 une espèce de petite avancée qui se trouve sur le véhicule. S'il avait
21 tiré là-dessus, le véhicule n'aurait bien sûr pas pu avancer.
22 A ce moment-là, j'ai fait un signe à l'homme et lui ai signalé
23 d'attendre. Je suis descendu de la tourelle du véhicule. J'étais toujours
24 à l'intérieur car c'était possible. Je me suis rendu vers l'arrière du
25 véhicule et j'ai pris moi-même une arme de 94 mm, c'est-à-dire une arme
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1 avec laquelle on tire depuis l'épaule. Je me suis préparé à l'armer et je
2 l'ai visé.
3 A ce moment-là, il est retourné vers les troupes. Nous avons pu
4 passer le barrage et nous nous sommes dirigés vers Travnik. Quand nous
5 sommes arrivés à Travnik ou à l'entrée de Travnik, nous avons trouvé une
6 situation toute différente de celle qui prévalait auparavant. Certaines
7 maisons avaient leurs fenêtres bloquées par des planches de bois. Il y
8 avait peu de personnes. En fait, les rues étaient presque désertes.
9 Nous avons poursuivi le long de la route. Sur la droite se
10 trouvait l'école, sur une
11
12 petite colline et là, des tirs d'armes légères étaient échangés. Nous
13 avons également vu un homme qui gisait sur le bord de la route et qui
14 semblait mort. Nous avons essayé de commencer à nous protéger et l'un des
15 soldats est descendu du véhicule pour s'assurer qu'il était mort. En fait,
16 il n'était pas mort, mais ivre mort.
17 Nous avons manifesté notre présence et nous avons circulé tout
18 autour de la ville, très lentement, en faisant bien attention. Nous
19 observions avec attention tout ce qui se passait. En fait, je dois vous le
20 dire, il ne se passait pas grand-chose.
21 M. Cayley (interprétation). - Il me semble qu'un peu plus tard,
22 ce jour-là, vous vous êtes rendu à la ville de Zenica, n'est-ce pas ?
23 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
24 M. Cayley (interprétation). - Veuillez nous décrire brièvement
25 quelle était l'atmosphère qui régnait à Zenica. Je précise, là encore, que
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1 nous parlons des quelques jours précédant les événements du 16 avril 1993.
2 M. Kujawinski (interprétation). - C'est tout à fait exact.
3 On nous avait donc donné l'ordre de nous rendre à Travnik. Nous
4 nous sommes déployés dans ce secteur avec le véhicule du Colonel Thomas.
5 En fait, il fallait que nous manifestions notre présence sur le terrain,
6 tel était l'objectif. Un des commandants avait été kidnappé avec quatre de
7 ses gardes du corps. Ceux-ci avaient été abattus et notre tâche était de
8 montrer notre présence à Zenica.
9 Lorsque nous sommes arrivés à Zenica, qui est une ville beaucoup
10 plus importante que Travnik, nous avons rencontré à peu près la même
11 situation, à savoir que les rues étaient pratiquement désertes et que
12 seuls des soldats portant des armes patrouillaient. Il n'y avait aucun
13 civil. C'était tout à fait inhabituel parce que normalement, à Zenica, il
14 y avait plein de gens qui vivaient une vie tout à fait normale et qui
15 avaient l'air tout à fait bien portants. L'atmosphère était extrêmement
16 calme, inhabituellement calme.
17
18 M. Cayley (interprétation). - Bien. Venons-en maintenant aux
19 événements du 16 avril. Je vais placer devant vous une pièce qui a été
20 préparée à l'avance. Vous avez établi un certain nombre de lignes avec moi
21 sur une photo aérienne. Cela va vous permettre de préciser votre
22 témoignage et de situer les événements sur le terrain. Je voudrais
23 demander que la pièce à conviction 134 soit placée devant le témoin.
24 Normalement, je vous aurais posé des questions concernant ces
25 lignes, mais en fait, au fur et à mesure que vous nous racontez ce qui
Page 4094
1 s'est passé à Vitez le 16 avril, veuillez nous indiquer les marques que
2 vous avez apposées sur cette photographie et nous donner les références
3 chiffrées qui s'y trouvent, s'il vous plaît.
4 M. Kujawinski (interprétation). - Je n'y manquerai pas,
5 monsieur.
6 M. le Président. - Allez-y Sergent. Vous avez la carte sous les
7 yeux. Vous faites votre récit et au fur et à mesure, lorsque vous avez
8 besoin de préciser, vous pointez.
9 M. Kujawinski (interprétation). - Au matin, on nous a donné
10 l'ordre de descendre la rue principale de Vitez. C'est la zone indiquée
11 par le chiffre 1.
12 M. le Président. - Sergent, vous devez nous indiquer le chiffre.
13 Le document, de toute façon, passe pour le public, étant donné que
14 l'audience est publique. Le document porte déjà ces lettres, il suffit,
15 lorsque vous faites votre récit, de dire : "C'est la rue principale, c'est
16 la zone marquée du chiffre 1". Ne perdez pas de temps avec le pointeur. Le
17 public le voit aussi bien que nous.
18 M. Kujawinski (interprétation). - Très bien, monsieur.
19 Nous avons descendu la rue principale pour arriver à l'endroit
20 où se situe le chiffre 1 où nous avons vu de grandes destructions des
21 maisons situées sur la gauche, principalement. Certaines maisons étaient
22 toujours en feu. D'autres étaient en train de s'éteindre. Les meubles qui
23 avaient été sortis des maisons étaient jetés dans la rue. Les vitres
24 étaient cassées. Les rideaux étaient en feu. Donc, on peut parler de
25 destruction en général des
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1
2 biens, des habitations tout le long de cette route.
3 Quand nous sommes arrivés dans cette zone, nous avons remarqué
4 une victime qui gisait sur le côté gauche de la route et qui était vêtue
5 d'une chemise bleu foncé. C'était un homme assez âgé. Nous avons continué
6 à avancer dans cette grande rue très lentement pour atteindre le n °3 que
7 nous utilisions d'habitude pour faire demi-tour. Nous avons fait demi-tour
8 et nous sommes arrivés dans le quartier de Vitez au niveau du n° 2.
9 En approchant du n° 2, nous avons constaté qu'il était
10 inhabituel dans cette zone de constater que les destructions n'existaient
11 pas dans ce quartier. Il y avait simplement quelques maisons détruites
12 comme dans la zone n° 1.
13 Nous avons poursuivi notre chemin jusqu'à la zone n° 4 où en
14 général nous nous rassemblions. C'était une région où il y avait pas mal
15 d'immeubles. Nous avons donc poursuivi notre chemin pour vérifier ce qui
16 se passait à cet endroit. Nous n'avons vu aucun signe de destruction.
17 Seulement il n'y avait personne dans les rues.
18 Plus tard, nous sommes arrivés au quartier marqué numéro 5, près
19 du stade de football. Nous nous sommes arrêtés au niveau du stade et nous
20 avons regardé ce qui se passait dans la direction du quartier numéro 7,
21 car il y avait quelques mouvements du côté gauche de la route. Nous avons
22 arrêté nos véhicules et nous avons observé ce qui se passait à partir des
23 lunettes de nos armes sur le côté gauche de la route. Nous avons continué
24 à avancer, avec beaucoup de précautions, très lentement. Nous avons
25 remarqué au niveau du point 6 un garçon, très jeune. Je pense que ce petit
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1 garçon avait 6 ans environ, je le compare avec mon fils qui avait 8 ans à
2 l’époque. Ce garçon gisait au sol, dans une position assez peu naturelle,
3 à côté du chien qui, lui, était mort. Nous avons poursuivi notre chemin
4 jusqu'au point n° 7, à côté des maisons. Là encore, nous faisions en
5 général demi-tour. Nous avons regardé du côté du point n° 5 et nous sommes
6 passés de nouveau devant le petit garçon pour, finalement, arriver à
7 l’école de Vitez.
8 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, pourrais-je
9 éclaircir un certain nombre de points à ce stade ou bien souhaitez-vous
10 que j’attende la fin de la déposition pour les avoir ?
11 M. le Président (interprétation). - Ce sont simplement des
12 précisions ? Vous ne reprenez pas votre interrogatoire préparé ? Si ce
13 sont seulement des précisions qui vous paraissent utiles, faites-les
14 effectivement maintenant, mais brièvement. Questions/réponses.
15 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
16 Sergent, lorsque vous êtes entré dans la ville, avez-vous entendu des
17 coups de feu, de quelqu'armes que ce soit?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. Il y avait des
19 coups de feu, de très nombreux coups de feu, d’armes légères, ainsi que ce
20 que nous avons pris pour des coups de mortiers. Des armes lourdes étaient
21 donc utilisées également.
22 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous des armes en train de
23 tirer ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Non, Monsieur.
25 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous des soldats ce jour-là
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1 dans la ville de Vitez ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Non, Monsieur.
3 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous assisté à des
4 engagements militaires entre deux forces opposées à Vitez ce matin-là ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Non, Monsieur.
6 M Cayley (interprétation). - Tôt, dans l’après-midi, ce même
7 jour, vous avez reçu l’ordre de vous rendre dans le village d’Ahmici pour
8 récupérer un transport de troupes qui était tombé en panne dans le
9 village, n’est-ce pas ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur.
11 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, nous allons suivre la
12 même procédure. Je vais vous présenter des pièces à conviction sur
13 lesquelles vous avez apposé un certain nombre
14
15 de signes distinctifs. Après quoi, vous pourrez nous raconter ce qui s’est
16 passé à Ahmici cet après-midi-là. Je propose donc que l’on place la pièce
17 à conviction n° 135 sous les yeux du témoin, deux exemplaires pour le
18 témoin, un sous ses yeux et un sur le rétroprojecteur.
19 Pouvez-vous nous raconter les événements en vous reportant à la
20 photographie ? Dites aux Juges, à peu près, à quel moment vous êtes arrivé
21 dans cette zone et d’où vous veniez ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. Tôt dans
23 l’après-midi, j'ai reçu l'ordre du centre des opérations...
24 M. Cayley (interprétation). - Pouvons-nous éclaircir un point ?
25 Que voulez-vous dire par : «centre des opérations» ?
Page 4098
1 M. Kujawinski (interprétation). - Le centre des opérations est
2 la cellule principale d’information, à l’école.
3 M. Cayley (interprétation). - C’est donc le cerveau du
4 bataillon, l’endroit d’où viennent les ordres et où sont recueillis les
5 renseignements ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - C’est exact, Monsieur. C’est
7 là que nous rendons compte des incidents éventuels.
8 M. Cayley (interprétation). - Poursuivez, je vous prie.
9 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. Nous avons reçu
10 l’ordre, en début d’après-midi, de nous rendre à l’endroit où un Warrior
11 était tombé en panne, un Simitar des Lanciers 9/12. Nous y sommes arrivés,
12 nous avons avancé vers ce point avec un certain nombre d’hommes qui
13 étaient censés effectuer les réparations.
14 Lorsque nous nous sommes approchés de l’endroit où la route va
15 vers Zenica, nous avons vu une petite colline. En nous en approchant, nous
16 avons pu voir à l’horizon de grandes quantités de fumées qui montaient
17 d’un quartier situé sur la gauche. Nous avons avancé rapidement, sur cette
18 route, jusqu’au moment où nous nous sommes trouvés près de la zone
19
20 marquée 1.
21 A cet endroit, nous avons à nouveau ralenti pour nous déplacer
22 du point n° 1 jusqu'au point n° 2 sur la route, nous avons constaté qu’un
23 grand nombre de maisons étaient en feu, qu'un grand nombre de maisons
24 étaient détruites, qu'un grand nombre de maisons étaient en train de
25 s’éteindre.
Page 4099
1 Sur la route, nous avons vu de nombreux corps, notamment des
2 corps de femmes et d'enfants qui étaient dispersés dans les champs. Cela
3 montrait bien que ces femmes et ces enfants avaient tenté de fuir à
4 découvert.
5 Nous avons donc poursuivi notre chemin jusqu’au cimetière
6 catholique, du côté gauche de la route. Avant d’arriver au point n° 3,
7 nous avons constaté que devant la maison n° 3 il y avait, sur le seuil, un
8 homme et un enfant. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’un père et de son
9 fils. Le bras gauche du père entourait le corps de son fils. Tous les deux
10 étaient morts et pas mal de sang épais avait coulé de la tête du père, un
11 chien était en train de lécher ce sang.
12 Nous avons donc poursuivi notre chemin à faible vitesse, pour
13 descendre la colline, en direction du point n° 4. A ce moment-là, j’avais
14 repris mes esprits et je repensais à ce que nous étions censés faire,
15 c’est-à-dire récupérer un véhicule. Nous sommes arrivés au point n° 4.
16 Là, j’ai remarqué des mouvements. J’ai donné l’ordre aux
17 véhicules de s’arrêter. Sur la gauche, j’ai vu une femme, debout, les
18 mains jointes, en train de pleurer et de nous supplier de l'aider. Je lui
19 ai dit d’attendre 10 minutes pour que l’action s’achève et que j'ai la
20 possibilité de revenir l’aider. J'ai donné l'ordre à l’un des soldats de
21 sortir du véhicule et je lui ai dit, à elle, de rester sur les lieux en se
22 recouvrant de quelques branches et de feuilles qui se trouvaient sur
23 place.
24 Nous avons ensuite poursuivi notre chemin, toujours à faible
25 vitesse. J’ai essayé de me situer sur la carte. J’ai franchi le point
Page 4100
1 n° 5. Au passage, nous avons remarqué des gens sur la gauche. Nous avons
2 continué jusqu’au point n° 6, qui est une zone plus large, plus vaste, où
3
4 l’on peut faire demi-tour non loin de la rivière. Nous avons fait demi-
5 tour, j’ai demandé aux véhicules de s’arrêter et nous avons à nouveau
6 regardé du côté du point n° 5, point n° 5 que nous appelons d’habitude le
7 "Chalet Suisse".
8 Là, j’ai remarqué qu’il y avait de nombreux soldats portant des
9 uniformes de couleurs foncées, dans cette zone du chalet ; c’est une zone
10 très vaste, très découverte. La maison est grande, avec un patio de grande
11 taille à l’avant.
12 A ce jour, c’est là que j’ai vu le plus grand nombre de soldats
13 regroupés pendant la totalité de mon séjour dans l’ex-Yougoslavie. Donc,
14 j’ai avancé de nouveau vers le point n° 5. Lorsque nous sommes arrivés au
15 niveau de ce point n° 5, nous avons constaté, ce qui nous a paru
16 inhabituel, que tous ces soldats portaient les mêmes uniformes, des
17 uniformes de couleur foncée.
18 D’habitude, les hommes étaient vêtus d’uniformes divers, avec
19 des hauts et des bas qui n’allaient pas forcément ensemble. Ces hommes
20 étaient donc regroupés et ils buvaient tous de la bière dans des
21 bouteilles ou des boîtes de conserve. Ils étaient très heureux, faisaient
22 toutes sortes de gestes à notre intention, agitaient leurs armes en l’air.
23 A ce moment-là, j’ai été saisi par la colère. J’ai donné l’ordre
24 à mon véhicule de s’arrêter et j’ai dirigé la tourelle du char du côté de
25 ces hommes, que j’ai visés. J’ai fait cela parce que j’ai compris que 1 et
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1 1 faisaient 2, et étant donné ce que j’avais vu dans la région j’en ai
2 conclu que ces soldats avaient quelque chose à voir avec ces événements.
3 Ensuite, je suis arrivé au point n° 4. J’ai avancé le long de la
4 route jusqu’au moment où je suis arrivé dans cette zone ici. Là, il y a
5 une route qui part sur la droite, je l’ai empruntée. En avançant vers le
6 point n° 7, j’ai encore une fois constaté la présence de très nombreuses
7 maisons en feu, incendiées, détruites, tout le long du chemin allant vers
8 le point n° 7.
9 Je suis arrivé au point n° 7 où j’ai fait faire un détour à mon
10 véhicule pour que le
11 véhicule de réparation puisse me dépasser et aller aider le véhicule en
12 panne. Celui-ci m’a donc
13 dépassé et a contribué à régler la panne du véhicule immobilisé. Nous
14 avons regardé, à un certain moment, du côté sud, pendant que les
15 réparations se poursuivaient.
16 Le point n° 7, encore une fois, était une zone où il y avait pas
17 mal de maisons qui n’avaient pas été détruites, mais qui étaient très
18 anciennes, très vieilles et assez négligées, donc elles tombaient en
19 ruines, pourrait-on dire.
20 Nous avons ensuite poursuivi notre chemin. A un moment, nous
21 avons entendu un coup de canon qui venait d’ici, donc d’un endroit plus
22 élevé. Nous avons essayé de voir les choses avec plus de précision, mais
23 nous n’avons pas pu localiser la position de celui qui tirait et nous
24 avons donc recouru à une procédure habituelle dans notre armée.
25 En effet, quand une arme tire, vous entendez un craquement. Ce
Page 4102
1 qui vous indique à peu près d’où vient le feu. Ensuite, vous entendez un
2 bruit sourd qui vous montre, à peu près, le déplacement de la balle dans
3 l’air et l’endroit où la balle tombe. Nous avons donc recouru à cette
4 méthode en regardant du côté de la zone marquée 8. Nous avons remarqué des
5 animaux tués dans les champs. Des coups de feu étaient tirés, de très
6 nombreux coups de feu, jusqu'au moment où les animaux s'immobilisaient, en
7 tombant au sol. Le véhicule était impossible à réparer.
8 Donc, nous avons rebroussé en prenant la même route que celle
9 que nous avions empruntée précédemment et en tirant sur le véhicule en
10 panne. Nous avons fait demi-tour au point 1 et nous avons continué notre
11 chemin vers le garage pour le déposer, parce qu'ensuite j'ai rendu compte
12 de ce qui s'était passé dans l'école, c'est-à-dire le centre des
13 opérations. J'ai dit que j'avais promis de retourner à un endroit précis
14 pour y retirer un certain nombre de personnes.
15 J'ai pris un autre véhicule et je suis retourné au point n° 4.
16 Arrivé au point n° 4, je me suis arrêté et j'ai chargé ces personnes qui
17 se trouvaient là. A ce moment-là, il y avait
18 13 femmes, 2 enfants, et au moment où nous nous apprêtions à fermer les
19 portes, nous avons vu arriver un homme très jeune.
20 Nous avons donc essayé de charger toutes ces personnes, qui
21 étaient nombreuses pour le véhicule. Nous avons fait demi-tour et le
22 deuxième véhicule a également fait demi-tour. A grande vitesse à ce
23 moment-là, nous nous sommes dirigés vers l'hôpital de Travnik.
24 Alors que nous nous dirigions vers l'hôpital, nous avons
25 constaté qu'une des femmes s'était évanouie. Nous avons dû ouvrir le toit
Page 4103
1 de notre char, nous lui avons donné des biscuits et quelque chose à boire.
2 Les femmes à l'arrière du véhicule étaient très émues, très perturbées,
3 pendant tout le trajet jusqu'à Travnik.
4 Nous sommes arrivés à Travnik, nous nous sommes dirigés vers
5 l'hôpital, nous y sommes arrivés et des médecins et infirmières se sont
6 approchés de nous. Nous avons, à ce moment-là, ouvert l'arrière du
7 véhicule et les gens sont descendus. Il y avait dans le char une fille
8 très jeune qui semblait légèrement souffrir du syndrome de Dawn. Ses
9 jambes ne pouvaient pas la porter. Elle était accompagnée d'une femme plus
10 âgée dont nous pensons qu'il s'agissait de sa mère.
11 Une autre femme est descendue du char ; elle était très
12 perturbée à ce moment-là, elle refusait de s'éloigner. Même lorsque les
13 médecins ont voulu l'emmener avec eux, elle s'accrochait à moi. L'émotion
14 était grande.
15 Nous avons quitté l'hôpital et sommes repartis dans la direction
16 de l'école pour rendre compte, dire ce que nous avions fait, et reprendre
17 de nouveaux ordres.
18 M. Cayley (interprétation). - Encore quelques questions pour
19 éclaircir un certain nombre de points. Monsieur l'huissier, s'il vous
20 plaît...
21 Vous avez déclaré, monsieur, que dans le village d'Ahmici, alors
22 que vous alliez du point 1 au point 2, vous avez vu un certain nombre de
23 corps de femmes et d'enfants sur le côté gauche de la route. Vous
24 rappelez-vous combien de corps vous avez vu ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - Oui monsieur. En gros, je
Page 4104
1 dirai treize. Il s'agit du moment où nous allions du point 1 à 2. Lorsque
2 nous sommes rentrés, que nous sommes allés
3 du côté du point 7 nous en avons vus également.
4 M. Cayley (interprétation). - Ces femmes et ces enfants étaient
5 à découvert ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Oui monsieur.
7 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux juges,
8 si vous vous le rappelez, comment ces femmes étaient vêtues ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Elles portaient des vêtements
10 que nous avions déjà vus par le passé, c'est-à-dire un fichu sur la tête
11 et de longues jupes en soie apparemment.
12 M. Cayley (interprétation). - Elles portaient donc des vêtements
13 musulmans ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - Oui monsieur.
15 M. Cayley (interprétation). - Je vous prierai maintenant de
16 regarder une photographie. Peut-on en mettre un exemplaire sur le
17 rétroprojecteur ? Je crois que c'est une photo que vous avez prise à
18 Ahmici.
19 (Début deuxième cassette)
20 M. le Président. - Un commentaire Sergent ? Vous avez ces trois
21 photos sous les yeux et vous pouvez nous faire quelques commentaires sur
22 ces photos que vous avez prises ?
23 M. Kujawinski (interprétation). - Tout de suite monsieur.
24 Effectivement, j'ai pris cette photo lors de notre premier passage du
25 point 1 au point 2, lorsque nous avons passé le village avec nos
Page 4105
1 véhicules. Je transportais toujours un appareil photo sur moi et je tenais
2 également un journal quotidien.
3 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous décrire ce que
4 représente cette photographie ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Oui. C'est le côté gauche de
6 la route, alors que nous avancions du point 1 au point 2. On voit à
7 l'arrière des maisons encore en feu, on voit des
8 destructions sur la gauche et sur cette photo, on voit ici et là deux
9 corps à découvert.
10 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous maintenant examiner la
11 deuxième
12 photographie ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - Oui. A ce stade, nous avons
14 laissé le véhicule en panne au garage et nous sommes retournés à l'école
15 pour dire que je devais retourner sauver des gens. La photo ici est prise
16 de l'arrière de mon véhicule. Voyez l'antenne à ce niveau. Elle regarde du
17 côté de l'autre véhicule. Là, nous avons déjà chargé les personnes qui
18 venaient de la droite, ici, et d'autres personnes sont sorties d'une
19 maison sur la gauche. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un garçon très
20 jeune est arrivé en dernier vers l'arrière de mon véhicule, au dernier
21 moment.
22 M. Cayley (interprétation). - Merci. Monsieur le greffier, il
23 s'agit des pièces à conviction 136/1 et 136/2. Ce sont ces deux
24 photographies.
25 Sergent, je vais encore vous faire préciser quelques points. Au
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1 niveau du chalet suisse, vous avez dit que vous aviez vu un grand nombre
2 de soldats buvant de la bière.
3 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
4 M. Cayley (interprétation). - Combien d'hommes à peu près avez-
5 vous vus au niveau du chalet suisse ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Monsieur, moi je pense à cela
7 comme étant un groupe de grande taille. Ce sont les termes que l'on
8 utilise dans l'armée britannique. Nous avions une centaine d'hommes.
9 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous remarqué des insignes
10 sur les vêtements de ces soldats ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, j'ai remarqué, à l'avant-
12 bras gauche, un écusson de couleur rouge, blanc et bleu, avec quelque
13 chose par dessus, mais je ne sais pas exactement quoi, je ne me souviens
14 pas précisément.
15 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit que ces soldats
16 étaient en train de boire de la bière et qu'ils avaient l'air très
17 content.
18 M. Kujawinski (interprétation). - Oui monsieur.
19 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez très
20 en colère. Qu'est-ce qui vous a empêché de vous engager dans une action
21 quelconque contre ces soldats ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - La discipline, monsieur, et
23 une bonne formation entre autres choses.
24 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit au niveau du point 7
25 de la photographie qu'il y avait un certain nombre de maisons à l'arrière
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1 qui étaient en ruines, mais qui n'avaient pas brûlé. Elles étaient
2 simplement en très mauvais état. Combien de maisons y avait-il ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Deux je crois.
4 M. Cayley (interprétation). - Les personnes que vous avez
5 transportées à l'aide de votre véhicule et de cet autre véhicule, pouvez-
6 vous les décrire de façon plus précise ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Ces personnes que nous avons
8 sauvées et qui sortaient du ravin ?
9 M. Cayley (interprétation). - Oui.
10 M. Kujawinski (interprétation). - Elles étaient en grande
11 détresse. Elles souhaitaient s'enfuir, partir. L'une des femmes, à notre
12 arrivée, était en train de prier, elle avait les mains jointes de cette
13 façon, et lorsque nous les avons fait monter à l'arrière du véhicule,
14 elles tremblaient, elles étaient très effrayées, en grande détresse. Des
15 scènes très déplaisantes, monsieur.
16 M. Cayley (interprétation). - Les maisons d'Ahmici étaient-elles
17 fortifiées de quelque façon que ce soit ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Non, monsieur.
19 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous vu des soldats morts,
20 gisant sur le terrain ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Je n'ai pas vu de soldats
22 morts, je n'ai vu qu'un seul homme.
23 M. Cayley (interprétation). - Et ce jeune garçon au point 3 ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
25 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, nous pouvons passer
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1 aux événements du 17 avril.
2 Je demanderai une nouvelle fois au témoin de nous narrer ce qui
3 s'est passé ce jour-là, sur la base d'une photographie. Je propose que
4 l'on remette au témoin la pièce à conviction 137.
5 Sergent, un éclaircissement je vous prie : s'agissant des corps
6 que vous avez vus à Ahmici pendant votre premier voyage dans le village,
7 lorsque vous êtes retourné chercher les villageois qui tentaient de fuir,
8 est-ce que les corps que vous aviez vus précédemment se trouvaient encore
9 sur place ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Oui monsieur, ils étaient
11 encore sur place.
12 M. Cayley (interprétation). - Merci. J'aimerais maintenant que
13 vous nous parliez des événements du 17 avril. Je crois que vous avez reçu
14 l'ordre de vous rendre à Vitez pour accueillir un agent du Haut
15 commissariat aux réfugiés des Nations unies et sa famille.
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui monsieur, c'est exact.
17 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous raconter aux juges les
18 événements de ce jour-là ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. J'ai reçu
20 l'ordre, toujours du centre des opérations, de me rendre dans la ville de
21 Vitez afin d'accueillir un agent du Haut-commissariat aux réfugiés des
22 Nations Unies et sa famille pour les emmener jusqu'à un point déterminé, à
23 savoir l'école, étant donné que Vitez était déclarée zone peu sûre
24 désormais.
25 Nous avons de nouveau traversé la rue centrale de la ville, à
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1 faible vitesse, jusqu'à
2 ce niveau qui correspond au numéro 1. C'est une zone urbanisée. Nous y
3 avons attendu et finalement, cet homme avec sa femme et un enfant, ainsi
4 que leurs objets, sont arrivés. Nous les
5 avons fait monter à l'arrière du véhicule. Nous avons fermé les portes et
6 nous sommes retournés sur la route principale, ici, et nous avons
7 poursuivi le long de cette route jusqu'au point où nous avions l'habitude
8 de faire demi-tour.
9 Nous avons, à cet endroit, fait demi-tour et nous avons
10 poursuivi notre chemin jusqu'au point numéro 2. A notre approche du point
11 numéro 2, une femme très effrayée est sortie, en courant, d'une maison.
12 Nous avons ouvert la porte arrière. Elle est montée et nous avons refermé
13 la porte.
14 Grâce à l'interprétation de l'agent du Haut-commissariat aux
15 réfugiés, cette femme nous a dit que dans les deux dernières heures, elle
16 avait été violée deux fois, qu'on lui avait volé de l'argent et des objets
17 de valeur et qu'un homme avait été abattu sous ses yeux. Nous lui avons
18 demandé si elle souhaitait venir avec nous jusqu'à l'école et nous avons
19 été surpris de l'entendre nous répondre : "Non". J'ai donc demandé au
20 véhicule de s'arrêter. Nous avons ouvert les portes. Elle est descendue et
21 elle est retournée dans sa maison.
22 Nous avons, à ce moment, refermé les portes et poursuivi notre
23 chemin vers l'école, toujours sur cette grande route. Nous sommes arrivés
24 à l'école où nous avons laissé l'agent du Haut-commissariat aux réfugiés
25 et sa famille et où nous avons rendu compte.
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1 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la pièce
2 à conviction 136/3 ? Je crois que ce matin-là, vous êtes passé à côté de
3 l'hôtel Vitez ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
5 M. Cayley (interprétation). - Je m'aperçois bien que cette photo
6 n'a pas été prise le 17 avril, mais vous avez toutefois, ce matin-là,
7 observé un certain nombre de choses à l'extérieur de l'hôtel Vitez. En
8 vous servant de cette photographie comme d'une référence, veuillez
9 expliquer au Tribunal ce qui s'est passé et les observations que vous avez
10 pu faire ce
11 matin-là.
12 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. Une fois
13 encore, il s'agit d'une
14 photographie que j'ai prise moi-même, qui regarde par l'arrière du
15 véhicule et vers le garage. A gauche, se trouve l'hôtel Vitez, que
16 j'indique ici, et à droite, ou disons plus près des maisons et tout autour
17 des maisons, les soldats qui avaient creusé des tranchées pour s'abriter.
18 Ils avaient aussi empilé des sacs pour se protéger.
19 Comme nous passions à ce point ce matin-là, nous avons vu
20 quelque chose d'assez inhabituel. Il y avait des espèces de tours de garde
21 entre les soldats eux-mêmes qui passaient le tour de garde d'un soldat à
22 un autre et on s'apercevait bien qu'ils changeaient de tour de garde,
23 parce qu'ils indiquaient des choses sur le terrain et faisaient un certain
24 nombre d'observations au soldat qui, ensuite, restait alors que l'autre
25 partait.
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1 Cela nous a frappé et nous a semblé quelque chose d'assez
2 inhabituel, parce que par rapport au jour suivant, la différence
3 fondamentale était que chacun portait une arme. Ils n'arrêtaient pas de
4 faire des allers et venues à partir de ce point.
5 M. Cayley (interprétation). - C'était un groupe de soldats
6 important, celui que vous avez vu l'extérieur de l'hôtel Vitez ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Je dirais qu'il était composé
8 de huit hommes environ, Monsieur.
9 M. Cayley (interprétation). - Du point de vue militaire, c'est
10 un groupe de taille assez restreint ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
12 M. Cayley (interprétation). - Ils se comportaient de façon
13 organisée, disciplinée ? Ils se comportaient d'une façon que nous
14 pourrions attribuer à un soldat de l'armée britannique ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
16 M. Cayley (interprétation). - Mais pas de façon
17 professionnelle ? Ils s'organisaient simplement !
18 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
19 M. Cayley (interprétation). - Donnaient-ils l'impression d'être
20 en train de lancer une attaque ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
22 M. Cayley (interprétation). - Donc, en fait, ils patrouillaient,
23 ils faisaient des allers et venues !
24 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, quelque chose de tout à
25 fait habituel ; une routine militaire tout à fait habituelle.
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1 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie. Un
2 éclaircissement, cependant. La femme qui vous a dit avoir été violée et à
3 qui on avait pris de l'argent et qu'un homme avait été abattu sous ses
4 yeux, comment était-elle habillée ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Elle portait, elle aussi, ces
6 vêtements musulmans que j'ai décrits tout à l'heure, à savoir cette jupe
7 longue en coton ou en soie. Elle avait aussi un foulard sur la tête et
8 peut-être aussi un bonnet en laine. Je n'en suis pas exactement sûr.
9 M. Cayley (interprétation). - Y avait-il des tirs à Vitez ce
10 jour-là ? Des échanges de feu ou des mortiers qui tombaient ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Ce jour-là ?
12 M. Cayley (interprétation). - Oui, le 17, le jour où vous êtes
13 allé cet agent du HCR.
14 M. Kujawinski (interprétation). - Pas que je m'en souvienne ;
15 pas lorsque nous sommes allés cherché cet agent du HCR. Non, Monsieur.
16 M. Cayley (interprétation). - Bien. Nous poursuivons. La
17 pièce 136/7 peut-elle être placée sur le rétroprojecteur une fois encore,
18 s'il vous plaît ? Pour vous rafraîchir la mémoire, je préciserais qu'il me
19 semble que cet après-midi-là on vous avait demandé d'aller chercher trois
20 femmes blessées dans le centre de Vitez.
21 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact, Monsieur.
22 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux Juges,
23 en faisant référence
24 à cette vue aérienne, et en vous en servant pour indiquer le chemin que
25 vous avez emprunté pour atteindre le centre de la ville, pouvez-vous
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1 raconter ces événements aux Juges ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. Le centre
3 d'opérations m'a donné l'ordre de me rendre à Vitez et d'y prendre trois
4 femmes blessées qui se trouvaient à l'hôpital. Je connaissais bien ce
5 bâtiment, parce que je m'y étais souvent rendu. Mais après être sorti du
6 centre d'opérations, j'ai essayé d'obtenir des précisions.
7 Il s'agissait bien du même bâtiment d'hôpital, c'était le cas,
8 donc je me suis rendu à ce village en suivant la route principale, puis
9 j'ai tourné là où je l'indique et je me suis engagé vers le secteur
10 indiqué par le chiffre 3. J'ai atteint ce point et personne n'est sorti.
11 Ce n'était pas inhabituel, mais à côté de cette zone que j'indique là, il
12 y avait une espèce d'engagement, un petit affrontement.
13 Il y avait des tirs des mortiers et des tirs tout court. J'ai
14 dit au conducteur d'accélérer pour que l'on l'entende bien et qu'il
15 klaxonne également.
16 Puis, nous avons progressivement engagé dans ce secteur et nous
17 nous sommes approchés du bâtiment autant que possible. J'avais fait en
18 sorte que le moteur s'entende bien clairement et que le klaxon sonne. Mais
19 personne n'est sorti malgré cela.
20 J'ai donc fait un rapport au centre d'opérations et je leur ai
21 demandé de confirmer quelles étaient les coordonnées qu'ils m'avaient
22 données, à savoir les coordonnées du bâtiment de l'hôpital. Ils m'ont
23 donné ces coordonnées. C'était bien celles que j'avais. Je l’ai confirmé
24 grâce au système de repérage satellite que j’avais à bord du véhicule.
25 J’ai ensuite établi le contact avec le centre d’opérations pour leur dire
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1 qu’il n’y avait personne dans ce bâtiment. Ils m’ont dit de revenir, de
2 reprendre un interprète avec moi et de m’assurer du fait que j’avais
3 bien les bonnes références.
4 Je me suis donc rendu au centre d’opérations, j’ai pris un
5 interprète avec moi. Je me suis à nouveau rendu vers le secteur 3 et, à ce
6 moment-là, j’ai demandé à l’interprète de nous
7 guider en disant : à droite, à gauche, en regardant par cette petite
8 ouverture qui se trouvait à l’arrière du véhicule.
9 Nous sommes alors arrivés dans le secteur 3, elle a
10 effectivement confirmé qu’il s’agissait là du bâtiment de l’hôpital. Là
11 encore, nous avons fait ronfler le moteur, nous avons klaxonné, mais
12 personne n’est sorti. Donc, j’ai pris une décision, j’ai décidé que nous
13 allions sortir du véhicule, que nous allions entrer dans le bâtiment et
14 nous assurer que personne ne s’y trouvait.
15 Moi-même et deux soldats portant des fusils, M. Holt et
16 M. Trainor, nous sommes sortis, nous avons armé nos armes pour être prêts
17 à toute éventualité. Nous sommes entrés dans le bâtiment, nous avons
18 vérifier chaque pièce pour nous assurer que c’était bien le bon bâtiment
19 et que personne ne s’y trouvait.
20 Alors que nous allions entrer dans la deuxième pièce de ce
21 bâtiment, nous avons vu sur le sol un homme et une femme très âgés.
22 D’après moi, ils n’avaient pas été tués à cet endroit-là, mais ils avaient
23 été apportés. La raison pour laquelle je dis cela, c’est qu’ils étaient
24 alignés nettement, ils avaient reçu une balle en plein centre du front et
25 il n’y avait aucun sang sur le sol. La femme portait les mêmes vêtements
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1 que j’ai décrits tout à l’heure, c’est-à-dire des vêtements musulmans.
2 Nous sommes ensuite sortis du bâtiment, nous avons encore
3 regardé dans quelques pièces, mais il n’y avait personne. Nous avons donc
4 quitté le bâtiment. Nous avons dit au centre d’opérations ce que nous
5 avions vu. Nous sommes montés dans la tourelle du véhicule. Alors que nous
6 faisons demi-tour, j’ai regardé vers le côté droit de la route, vers le
7 point marqué 4, et j’ai vu une vieille Peugeot blanche, avec une croix
8 rouge dessus.
9 J'ai supposé qu'il s'agissait là d'une ambulance, d'un centre
10 médical. Nous nous y sommes rendus. Nous avons atteint cet emplacement. Je
11 suis sorti du véhicule avec un soldat armé. Nous avons descendu des
12 escaliers qui donnaient dans une cave. Par la suite, on nous a
13 confirmé en fait que l'hôpital avait été transféré là. Au départ, c'était
14 une vieille cave malodorante. Il y avait là des blessés et du personnel
15 soignant qui s'occupait des victimes.
16 Je suis remonté. J'ai fait sortir l'interprète du véhicule, je
17 l'ai fait descendre dans la cave. Grâce à elle, j'ai demandé à ce que ces
18 trois femmes blessées me soient confiées afin que je puisse les transférer
19 à l'hôpital qui se trouvait à Novi Bila. Mais il n'y avait pas trois
20 femmes, il y avait là trois soldats, trois hommes et ce sont trois hommes
21 que l'on m'a confiés. Ils avaient des uniformes dépareillés, là encore
22 soit une veste militaire et un pantalon civil, soit l'inverse.
23 Moi je n'étais pas du tout content, j'étais vraiment en colère
24 d'avoir à transporter ces personnes-là.
25 J’ai établi un contact radio pour signaler qu’il ne s’agissait
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1 pas de femmes, mais de trois hommes qui, me semblait-il, étaient en fait
2 des soldats.
3 Le centre m’a dit qu’il fallait que je poursuive ma tâche. Les
4 ordres sont les ordres, j’ai exécuté les ordres. Mais, avant de le faire,
5 j’ai fait comprendre aux infirmières qu’il fallait qu’elles disent aux
6 soldats eux-mêmes que je n'étais du tout heureux d’avoir à les
7 transporter.
8 Ensuite, par contact radio, j’ai demandé au centre d’opérations
9 qu’une ambulance soit envoyée pour nous aider à transporter ces victimes,
10 pour la simple raison que ces victimes ne pouvaient se tenir assises dans
11 le véhicule. Il fallait absolument qu’elles restent allongées du fait de
12 leurs blessures. L’une avait une blessure à l’estomac, l’autre aux jambes.
13 Manifestement, on leur avait tiré dessus.
14 L’ambulance est arrivée. Nous y avons placé une victime et deux
15 victimes dans le véhicule. Nous avons continué notre route vers l’hôpital
16 de Nova Bila. Une fois arrivés à cet hôpital, c’était en fait une église
17 qui avait été convertie en hôpital. Tous les pupitres, tous les
18 bancs, avaient été écartés et à l’intérieur se trouvaient de nombreux
19 hommes, des soldats encore, qui se trouvaient en uniformes dépareillés, et
20 qui gisaient sur le sol, sur des lits improvisés, sur des civières, etc.
21 Des médecins, des infirmières, s’occupaient d'eux. Nous les
22 avons laissés dans cet hôpital. J’ai pris avec moi un commandant local, je
23 l’ai emmené avec moi à l’hôtel Vitez. Enfin, j’ai rendu compte au centre
24 d’opérations, à l’école même.
25 M. Cayley (interprétation). - Sergent Kujawinski, quelques
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1 éclaircissements encore, s’il vous plaît. Vous êtes arrivé à ce poste
2 d’aide, au centre de Vitez, où des soldats recevaient des soins d’urgence.
3 Combien de soldats blessés se trouvaient-ils dans cette cave que vous nous
4 avez décrite ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Disons sept à peu près,
6 Monsieur.
7 M. Cayley (interprétation). - Vous vous attendiez à trouver là
8 trois femmes blessées et vous avez dit avoir trouvé, en fait, des soldats.
9 Etait-ce des soldats du HVO ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Je le crois, Monsieur.
11 M. Cayley (interprétation). - Vous avez emmené ces soldats à
12 l’hôpital de Nova Bila. Vous souvenez-vous combien de soldats se
13 trouvaient à l’hôpital de Nova Bila ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - Je dirais trente environ,
15 Monsieur.
16 M. Cayley (interprétation). - Le commandant local que vous avez
17 amené de Nova Bila à l’hôtel Vitez, était-il un commandant musulman
18 bosnien ou un commandant du HVO ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Du HVO, Monsieur.
20 M. Cayley (interprétation). - Nous allons aborder maintenant la
21 dernière partie de votre témoignage, les événements qui se sont produits
22 près de Miletici près des lignes de front serbes. Sans parler de
23 l’individu qui vous accompagnait et sans donner son nom, pouvez-vous
24 expliquer au Tribunal, ce qui s’est produit le 26 avril 1993 ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur. Quelques jours
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1 auparavant, le centre d’opérations nous avait donné l’ordre, à moi, à l’un
2 de mes véhicules et à une Jeep
3 blindée du HCR qui était occupée par un interprète et un chauffeur,
4 d’aller dans ce village qui se trouvait perdu dans les collines. Il
5 fallait que nous observions la situation et vérifier si des atrocités
6 avaient été commises.
7 Nous sommes donc partis, nous avons atteint le creux de la
8 vallée qui se trouvait au carrefour de la route principale. Nous avancions
9 tout à fait normalement. Le Warrior était en premier pour protéger la
10 Jeep. Nous sommes arrivés au bas de la colline et nous avons vu que nous
11 ne pouvions pas poursuivre parce que la pente était extrêmement forte, et
12 que surtout le chemin est très étroit. Donc, j’ai laissé le deuxième
13 véhicule pour assurer notre arrière ; il est resté là. Moi-même et la jeep
14 blindée, nous avons gravi cette colline très escarpée jusqu’à atteindre ce
15 village complètement perdu.
16 Nous l’avons atteint, c’était un tout petit hameau, avec de
17 petites maisons, quinze à vingt maisons au plus. Nous sommes entrés sur
18 une sorte de petite place qui se trouvait au centre du village. Nous nous
19 sommes arrêtés, il était extrêmement difficile pour nous de faire un demi-
20 tour à notre véhicule, nous avons pourtant réussi à le faire. Nous avons
21 fait face à la route que nous venions d’emprunter. Nous avons vu des
22 personnes, mais personne ne parlait anglais. Nous avons commencé à leur
23 poser des questions, l’interprète nous aidait.
24 Au départ, les réponses que nous obtenions étaient tout à fait
25 négatives. Ils nous disaient que rien n’avait eu lieu. J’ai donc dit aux
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1 soldats de se déployer, de se comporter de façon amicale et détendue, et
2 d’essayer de voir ce qui s’était produit. L’interprète parlait aux
3 personnes qui se trouvaient là et un soldat m’a fait signe discrètement.
4 Il m’a dit de venir vers une maison, c’est ce que j’ai fait.
5 Il a attiré mon attention sur ce qui se trouvait sur le sol de
6 la maison. Il y avait une flaque de sang séché sur le sol. Je me suis dit
7 qu’il fallait que je fasse preuve d’un peu de curiosité et j’ai regardé à
8 travers les fenêtres des différents bâtiments qui se trouvaient là.
9 A travers l’une des fenêtres, je me suis aperçu que dans cette
10 maison, là aussi, il y
11 avait une flaque de sang sombre séché et qu’il y avait aussi du sang
12 partout sur les murs de la pièce. Nous sommes revenus vers le groupe où se
13 trouvait l’interprète. Nous avons commencer à poser un certain nombre de
14 questions aux habitants locaux, d’où provenait ce sang, qu’est-ce
15 qui s’était passé, etc ?
16 Les habitants étaient extrêmement nerveux, susceptibles. Ils
17 étaient extrêmement préoccupés par le fait que nous ayons découvert cela.
18 Ils ne voulaient absolument pas que nous nous approchions de cette maison.
19 Ce n'est que vers le milieu de l'après-midi, alors que nous
20 avions commencé notre équipée le matin, aux premières heures, que nous
21 avons découvert que certains des habitants du village avaient été
22 torturés, puis abattus dans ces maisons.
23 Une vieille femme nous a raconté que dans une vieille maison,
24 certains soldats étaient arrivés, qu’ils avaient regroupé tout un groupe
25 de personnes dans cette vieille bâtisse. Puis, ils ont commencé à dire aux
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1 gens de partir s’ils n’étaient pas à même de combattre.
2 A la suite de cela, seul un petit groupe d’hommes se trouvait
3 dans cette bâtisse. Ils nous ont dit que ces personnes étaient des
4 Moudjahidins. Ces Moudjahidins ont dit à ce petit groupe d’hommes de se
5 saisir d’armes et qu’ils commencent à combattre. Les hommes ont refusé.
6 Suite à ce refus, ils se sont rendus à la fenêtre par laquelle j’avais
7 regardé précédemment. Dans cette maison, un certain nombre d’incidents ont
8 eu lieu.
9 Là encore grâce à l’interprète, nous avons demandé aux habitants
10 de nous laisser regarder dans cette maison. Moi-même, la femme du HCR et
11 l’interprète avons pu entrer dans cette maison.
12 La maison s’ouvrait et, à droite, il y avait un couloir donnant
13 sur une pièce dans laquelle se trouvait la fenêtre par laquelle j’avais
14 regardé précédemment.
15 A gauche, du sang maculait le mur. C’était une pièce peinte en
16 rose pâle. Il y avait un crucifix et une statue. Sur le sol, il y avait
17 des flaques de sang sombre et épais avec des
18 touffes de cheveux prises dans le sang. Un tout petit meuble était près de
19 la fenêtre qui portait un certain nombre d’impacts de balles d’après ce
20 que j’ai pu en conclure. Il y avait des oreillers. Je pense qu’ils les
21 avaient utilisé pour étouffer le bruit des tirs car des plumes avaient
22 volé un
23 peu partout.
24 Les femmes nous ont alors dit que cette maison allait devenir un
25 sanctuaire et que personne ne pourrait y entrer désormais. Nous en sommes
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1 sortis et avons déclaré que nous pouvions les aider à enterrer les corps.
2 Mais ils n’ont absolument pas accepté que nous les aidions.
3 Le crépuscule tombait. A ce moment-là, un homme est arrivé vers
4 nous et nous a supplié de sortir très rapidement du secteur. Nous avons
5 demandé pourquoi. L’interprète nous a fait comprendre qu’un large groupe
6 de soldats arrivait par le nord et par la ligne de front où se tenaient
7 les Serbes.
8 Très rapidement, vous pouvez l’imaginer, nous avons grimpé dans
9 nos véhicules et nous avons redescendu la colline aussi rapidement que
10 possible. Nous avons retrouvé les véhicules que nous avions abandonnés
11 précédemment. Nous sommes partis. Avant de partir, nous leur avions dit
12 que nous reviendrions le lendemain matin avec des cercueils pour y placer
13 les personnes décédées.
14 Nous nous sommes engagés sur le route très rapidement. Nous
15 avons été arrêtés en chemin par une quantité impressionnante de bus et par
16 des camions sans bâche. Tous ces véhicules portaient des quantités
17 impressionnantes de soldats musulmans se dirigeant vers les lignes de
18 front situées à peu près à 8 km au nord, dans la vallée.
19 Les soldats se comportaient de façon très amicale. Ils étaient
20 tout à fait joyeux. Ils nous ont salués. Ils riaient. Nous n’avons pas
21 discuté. Ils nous ont laissés passer et nous avons continué vers le sud,
22 vers Vitez. Nous avons fait un rapport au centre des opérations. Nous leur
23 avons expliqué ce que nous avions vu. Nous avons parlé des soldats et ce
24 que nous avions vu
25 dans le village.
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1 Le lendemain matin, très tôt, nous avons pris les mêmes
2 véhicules et nous avons également emporté avec nous les camions
3 transportant les cercueils. Nous sommes retournés à
4 ce même village. Nous avons à nouveau laissé un véhicule en bas de la
5 colline pour protéger nos arrières. Nous sommes revenus à cette même place
6 du village où il était d’ailleurs très difficile de faire faire demi-tour
7 aux camions. Cependant, nous avons fait demi-tour. Les habitants nous ont
8 indiqués les cadavres se trouvant dans une autre maison que celle de la
9 veille.
10 Les soldats ont transporté les corps, les ont placés dans les
11 cercueils. Nous avons dressé la liste du nom de ces gens. Nous avons
12 glissé des petites feuilles de papier dans le cercueil avec le nom de
13 chacune des personnes. Il me semble que nous avons aussi gravé le nom de
14 ces personnes sur des croix placées, par la suite, à l’intérieur de ces
15 cercueils.
16 Les cercueils ont été placés à l’arrière du véhicule. L’un des
17 habitants nous a fait dire par l’interprète que nous devions les emmener
18 vers une église où des moines nous retrouveraient et où les cercueils
19 seraient enterrés.
20 Voici, monsieur, ce que ne peux vous dire.
21 M. Cayley (interprétation). - Quelques éclaircissements. Combien
22 d’hommes morts se trouvaient dans ce village de Miletici ? Combien de
23 cadavres avez-vous rassemblés ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Cinq.
25 M. Cayley (interprétation). - Les habitants locaux vous ont
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1 quand même expliqué que ces personnes avaient été tuées par des
2 Moudjahidins, par des extrémistes musulmans ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - C’est exact.
4 M. Cayley (interprétation). - Le compte rendu fait état, lorsque
5 vous avez rencontré ce large groupe de soldats musulmans en bas de la
6 colline, qu’ils vous avaient salués mais de façon un peu négative en
7 anglais, d’après ce que vous avez dit. Mais, en fait, ils vous
8 ont salué de façon amicale.
9 M. Kujawinski (interprétation). - En effet, ils l’ont fait de
10 façon très amicale.
11 M. Cayley (interprétation). - Leur comportement était donc très
12 amical. L’information selon laquelle dans le village on vous avait
13 expliqué qu’ils se montraient très
14 agressifs était fausse.
15 M. Kujawinski (interprétation). - Ce n’est pas tout à fait ce
16 que l’on nous avait dit. On nous avait dit que des soldats arrivaient et
17 qu’il fallait sortir le plus rapidement possible.
18 M. Cayley (interprétation). - Quand vous êtes arrivés là, il n’y
19 avait aucun raison pour vous dépêcher plus avant ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - En effet, non.
21 M. Cayley (interprétation). - Si l’on pouvait maintenant montrer
22 au témoin la pièce à conviction 80/3.
23 Avez-vous jamais vu l’accusé M. Blaskic ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
25 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous dire au Tribunal,
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1 quand et nous expliquer également ce que représente cette photographie ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Oui. Le centre des opérations
3 m’a donné l’ordre de me rendre à Kiseljak dans les casernes de l’ex-armée
4 de Yougoslavie qui se trouvaient en face de l’hôtel de Kiseljak où se
5 trouvait alors le quartier général des Nations Unies. Il me fallait
6 accompagner M. Blaskic à une réunion prévue.
7 M. Cayley (interprétation). - Quand cela s’est-il produit ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Je m’en souviens grâce à un
9 journal. C’était le mercredi 3 mars.
10 M. Cayley (interprétation). - Quelqu’un accompagnait-il le
11 général Blaskic à ce moment-là ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, six gardes du corps bien
13 armés l’accompagnaient. Notre travail était de les accompagner vers
14 l’école.
15 M. Cayley (interprétation). - Cet homme, sur la photographie,
16 qui porte des lunettes, le reconnaissez-vous ?
17 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, il me semble que c’est
18 l’un des gardes du corps. En fait, ce jour-là, il ne portait pas de
19 lunettes de soleil.
20 M. Cayley (interprétation). - Il était avec le général Blaskic
21 ce jour-là, n’est-ce pas ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
23 M. Cayley (interprétation). - Je dois vous poser encore une ou
24 deux questions. J’en ai presque terminé. J’ai, en fait, trois questions.
25 Ce n’est pas que je veuille vous les poser, mais ce sont des questions qui
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1 ont été soulevées dans cette affaire. Je vous les poserai donc malgré
2 tout.
3 Vous savez bien quelles ont été les opérations, sur le terrain,
4 en Bosnie. Vous avez eu beaucoup de contacts avec les soldats constituant
5 votre bataillon pendant toute cette période, n’est-ce pas ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
7 M. Cayley (interprétation). - Au cours de votre service, vous-
8 même ou un de vos soldats avez-vous donné des armes à l’une des forces en
9 présence en Bosnie centrale ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
11 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que vous même ou d’autres
12 soldats du bataillon britannique ont jamais pris part à la mise à feu de
13 quelques maisons, de quel côté que ce soit ou de quelle région que ce
14 soit ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
16 M. Cayley (interprétation). - Ai-je aussi raison de dire qu’au
17 cours de votre
18 période de service en ex-Yougoslavie un soldat britannique a été tué,
19 M. Headwoods, alors qu’il était en service ? Il a été tué par un tireur
20 embusqué.
21 M. Kujawinski (interprétation). - C’est exact.
22 M. Cayley (interprétation). - Y a-t-il eu d’autres pertes parmi
23 les soldats
24 constituant le bataillon britannique pendant ce séjour en ex-Yougoslavie ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, il y a eu un suicide.
Page 4126
1 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie.
2 Monsieur le Président, je vais demander le versement au dossier
3 des pièces 134, 135, 137 et les trois photographies 136-1, 136-2 et 136-3.
4 Je demande leur versement au dossier. Sergent, je vous remercie
5 infiniment.
6 M. Kujawinski (interprétation). - Je vous remercie.
7 M. le Président. - Nous allons suspendre l’audience et nous
8 reprendrons pour le contre-interrogatoire à 14 h 30.
9 L'audience est suspendue à 12 heures 55.
10
11
12
13
14
15
16
17 L'audience est reprise à 14 heures.
18
19 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez faire entrer
20 l'accusé.
21 Me Hayman va procéder au contre-interrogatoire, du moins je le
22 suppose, un contre-interrogatoire centré sur les questions de
23 l'interrogatoire.
24 M. Hayman (interprétation). - Moins de 30 minutes et j'espère
25 que ce sera beaucoup moins.
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1 M. le Président. - Nous l'espérons aussi, pour libérer le
2 sergent le plus rapidement possible. Allez-y.
3 M. Hayman (interprétation). - Bonjour Sergent.
4 M. Kujawinski (interprétation). - Bonjour.
5 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention
6 sur la déclaration que vous avez faite, lorsque vous avez parlé de votre
7 visite à Travnik, quelques jours avant le début du conflit, le
8 16 avril 1993.
9 Vous rappelez-vous avec plus de détails le moment où vous vous
10 êtes rendu à Travnik ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, c'était la veille de
12 l'éclatement du conflit à Ahmici.
13 M. Hayman (interprétation). - Si le conflit a éclaté le
14 16 avril, cela signifie que vous vous êtes rendu à Travnik le
15 15 avril 1993 ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Pour autant que je m'en
17 souvienne, oui.
18 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu un feu croisé, c'est-
19 à-dire apparemment deux groupes qui faisaient feu l'un sur l'autre ce
20 jour-là, à Travnik ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne l'ai pas vu, mais je
22 l'ai entendu dans les
23
24 environs de l'école et dans le village.
25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu des soldats engagés
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1 dans le combat ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
3 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre que c'est le
4 même jour que vous vous êtes rendu dans la ville de Zenica, n'est-ce pas ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
6 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous que la
7 situation, à Zenica, ce jour-là, était extrêmement tendue ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Oui. Elle était très
9 différente des autres jours où je m'y étais rendu.
10 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu de nouveaux barrages
11 routiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine à l'intérieur de la ville ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - A ma connaissance, non.
13 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des barrages de l'armée
14 de Bosnie-Herzégovine sur les bords, sur le périmètre de la ville ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Encore une fois, la réponse
16 est non.
17 M. Hayman (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine
18 était-elle sortie de ses casernes à Zenica, le 15 avril 1993 ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas... A cette
20 question, je dirais non, mais il y avait beaucoup de soldats dans les rues
21 ce jour-là.
22 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce des soldats de l'armée de
23 Bosnie-Herzégovine ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas répondre à
25 cette question.
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1 M. Hayman (interprétation). - N'avez-vous pas reconnu ces
2 soldats comme appartenant à une armée ou à une autre ?
3
4 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes-vous rendu dans un lieu
6 que vous croyiez être ou que vous saviez être le quartier général du HVO,
7 à Zenica ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, un grand hôtel.
9 M. Hayman (interprétation). - Cet endroit était-il entouré de
10 soldats ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
12 M. Hayman (interprétation). - A quel moment vous êtes-vous
13 trouvé à cet endroit ? Vous en souvenez-vous ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas à quelle heure
15 j'y suis arrivé, mais quand je suis parti, il faisait déjà nuit. Il était
16 peut-être minuit ou davantage.
17 M. Hayman (interprétation). - Tard le soir ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
19 M. Hayman (interprétation). - Mais à quel moment pensez-vous y
20 être arrivé ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas répondre à
22 cette question, mais il faisait jour quand je suis arrivé.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez-vous déjà rendu à
24 Travnik ? Vous êtes d'abord allé à Travnik et ensuite à Zenica ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - A Travnik, puis je suis
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1 retourné à l'école. Ensuite, je suis allé à Zenica, plus tard.
2 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce dans l'après-midi ou
3 êtes-vous incapable de préciser ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - Je pense que c'était dans
5 l'après-midi.
6 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention
7 maintenant sur la journée du 16 avril 1993, et je demanderai que les
8 pièces à conviction 134 et 136/3 soient placées devant vous.
9 Vous avez décrit le chemin que vous avez parcouru pour vous
10 rendre à Vitez, le 16 avril, et en référence, nous citons la pièce à
11 conviction 134. Elle va être placée sous vos yeux dans quelques instants.
12 Vous rappelez-vous avec qui vous vous trouviez, lors de votre
13 premier voyage à Vitez, le matin du 16 ? Etiez-vous avec le lieutenant-
14 colonel Thomas, avec Tudor Ellis ou avec quelqu'un d'autre ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je n'étais pas avec ces
16 deux hommes. Nous étions structurés en peloton. Le sergent ou le
17 commandant du peloton, en général, emmenait les hommes.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous n'étiez ni avec l'un ni avec
19 l'autre de ces deux hommes ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
21 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous le premier représentant
22 de la FORPRONU à parcourir le chemin partant du point n° 1, sur la pièce à
23 conviction 134, ou savez-vous si d'autres avaient déjà parcouru ce chemin
24 ce jour-là ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - D'autres l'avaient déjà
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1 parcouru.
2 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous qui ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Je pense que c'était un
4 peloton.
5 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une
6 estimation de l'heure à laquelle vous êtes allé à Vitez, notamment au
7 point n° 1, le 16 avril ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je ne peux pas. Je suis
9 désolé.
10 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce le matin, l'après-midi ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Je pense que c'était dans la
12 matinée, mais à quelle heure exactement, je ne peux pas vous le dire.
13 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre que, lors de
14 ce premier voyage,
15
16 vous n'avez vu aucune action, aucun combat dû à n'importe quel soldat que
17 ce soit, à Vitez ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
19 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous passé devant l'hôtel
20 Vitez lors de ce premier voyage à Vitez le 16 avril 1993 ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais maintenant que l'on
23 vous remette aussi la pièce à conviction n° 136/3, dont je demande qu'elle
24 soit placée sur le rétroprojecteur.
25 Cette photographie a-t-elle était prise le 16 avril ?
Page 4132
1 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
2 M. Hayman (interprétation). - Quand a-t-elle été prise ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Quelque temps après ce
4 jour-là, mais je ne peux pas vous dire précisément à quelle date.
5 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous passé en ce point, le
6 matin du 16 avril, lorsque vous vous êtes rendu à Vitez ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Probablement, oui.
8 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous si les sacs de
9 sable que l'on voit sur la droite, sur la partie avant-droite de cette
10 photographie, étaient là ? Se trouvaient-ils là le matin du
11 16 avril 1993 ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas.
13 M. Hayman (interprétation). - Auriez-vous pu le remarquer ou
14 n'en êtes-vous pas sûr ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Je l'aurais probablement
16 remarqué.
17 M. Hayman (interprétation). - Et vous ne vous rappelez pas les
18 avoir vus, à cet endroit, le matin du 16 avril ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.
20 M. Hayman (interprétation). - Nous pouvons donc en tirer la
21 conclusion que ces sacs de sable ont été placés là quelque temps après le
22 16 avril 1993, pour autant que vous vous en souveniez ?
23 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne me rappelle pas les
24 avoir vus.
25 M. Hayman (interprétation). - Le 16 ?
Page 4133
1 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne me rappelle pas les
2 avoir vus ce jour-là.
3 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous qu'ils auraient été
4 placés là des jours ou des semaines après le 16 avril ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Des jours après.
6 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire dans quelle
7 direction nous regardons sur cette photographie ? Regardons-nous dans la
8 direction de ce que nous appelons souvent Stari Vitez ou Mahala ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne me rappelle pas bien ce
10 à quoi vous faites référence, mais la position du canon qui est ici montre
11 que le canon était pointé sur la route et à droite il y en avait un autre
12 qui pointait dans la direction de ce bâtiment, qui est l'hôtel.
13 M. Hayman (interprétation). - Sur la pièce à conviction 134, le
14 canon est-il pointé vers le bas, vers le point figurant sous le numéro 1 ?
15 La lettre A sur cette pièce à conviction ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui et l’hôtel Vitez. Le canon
17 est pointé vers la route que l'on voit à peine au niveau du point
18 correspondant à la lettre E.
19 M. Hayman (interprétation). - En d'autres termes, depuis le bas
20 vers le haut de la photographie sur la pièce à conviction 134 ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Exact.
22 M. Hayman (interprétation). - Le bâtiment que vous voyez au
23 milieu de la photographie, depuis le bout de la route jusqu'au début des
24 arbres, le 16 avril 1993, était-ce, à
25 votre connaissance, une position contrôlée par les Musulmans de Vitez ?
Page 4134
1 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas répondre.
2 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous que les sacs de
3 sable semblent avoir été placés dans cette position en tant que mesure de
4 défense ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
6 M. Hayman (interprétation). - Plus tard, le 16 avril, vous êtes
7 allé dans la direction d’Ahmici. J'en ai fini avec ces pièces à
8 conviction. Je demanderai que les pièces 135 et 137 soient mises à la
9 disposition du témoin.
10 Avez-vous quitté la base du bataillon britannique dans la
11 direction d’Ahmici aux alentours de 14 heures 40 le 16 avril, c'est-à-dire
12 à 2 heures 40 de l'après-midi ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, à peu près.
14 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que vous auriez pu
15 arriver au bungalow, que l’on appelle le chalet suisse, à peu près au même
16 moment ou quelques minutes plus tard ?
17 M. Kujawinski (interprétation). - C'est possible.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes allé en ce lieu après
19 avoir quitté la base, n'est-ce pas ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - Exactement, d'abord à grande
21 vitesse et ensuite à faible vitesse.
22 M. Hayman (interprétation). - Donc, en quelques minutes, disons
23 en 30 à 45 minutes, vous avez dû y arriver ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
25 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au
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1 bungalow ou au chalet suisse, vous avez vu des soldats en uniformes. Ces
2 uniformes étaient-ils noirs ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Ils m'apparaissaient de
4 couleur très foncée. Nous avions l'habitude de voir des uniformes noirs et
5 des camouflages très foncés.
6 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si ces
7 uniformes étaient d'une couleur ou de l'autre ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je ne peux pas le dire
9 avec précision.
10 M. Hayman (interprétation). - Donc, vous ne savez pas exactement
11 si c’étaient des uniformes de camouflage ou pas ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas le dire.
13 M. Hayman (interprétation). - Lors de votre visite à Ahmici,
14 dans le but de récupérer le char Simitar, vous nous avez dit avoir vu des
15 corps ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
17 M. Hayman (interprétation). - J’aimerais attirer votre attention
18 sur la pièce à conviction 135. Avez-vous vu l'un quelconque de ces corps
19 dans la zone du secteur 7 où vous avez récupéré le véhicule ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
21 M. Hayman (interprétation). - Je reprends ma question. Avez-vous
22 vu l'un quelconque de ces corps entre le point 7 et le croisement de la
23 route d’Ahmici avec la grande route Vitez/Busovaca ? Autrement dit, sur
24 cette route, sur laquelle vous circuliez dans un sens et dans l'autre,
25 avez-vous vu un corps sur cette partie de la route ?
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1 M. Kujawinski (interprétation). - Sur cette route, ici ?
2 M. Hayman (interprétation). - Oui, la route qui va vers le
3 point 7 à partir de la route Vitez/Busovaca. Avez-vous vu des corps sur
4 cette route-là ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
6 M. Hayman (interprétation). - A peu près combien ? Vous le
7 rappelez-vous ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
9 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous également vu des corps
10 sur la grande route Vitez/Busovaca ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Sur la partie haute, oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu un nombre supérieur
13 de corps à cet endroit ou bien ne vous rappelez-vous pas où vous avez vu
14 davantage de corps morts ce jour-là ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Non. J'en ai simplement compté
16 sur la partie qui va à gauche et à droite, et j'ai vu une personne au
17 point 3.
18 M. Hayman (interprétation). - L’un des Warriors de votre groupe,
19 pendant ce voyage, s'est-il arrêté à la mosquée dans Ahmici-le-Bas ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne m'en rappelle pas.
21 M. Hayman (interprétation). - J’aimerais maintenant attirer
22 votre attention sur le 17 avril 1993. Vous nous avez déclaré être allé
23 procéder à l'évacuation de la famille de l'agent d'une organisation d'aide
24 internationale. A peu près combien de temps êtes-vous resté à Vitez
25 pendant cette visite ?
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1 M. Kujawinski (interprétation). - Peut-être 30 minutes.
2 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous à quel moment
3 de la journée se situait cette demi-heure ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
5 M. Hayman (interprétation). - Plus tard, le 17 avril, vous êtes
6 retourné à Vitez pour récupérer des victimes ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - De l'hôpital, effectivement.
8 M. Hayman (interprétation). - A l'hôpital de guerre ou en tout
9 cas au centre médical d'urgence de Vitez ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - C’est exact.
11 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez été interrogé
12 par le Bureau du Procureur et ses enquêteurs en 1995, leur avez-vous dit
13 que le 17 avril 1993, à environ
14 19 heures 20, vous avez reçu l'ordre de vous rendre au centre médical pour
15 y récupérer trois soldats blessés ? Vous rappelez-vous cette audition ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir
17 dit cela, mais oui... Ce que je veux dire, c'est qu'effectivement je me
18 suis rendu au centre médical, mais pas à cette heure précise, je ne pense
19 pas. Je parle de l’heure exacte de l'incident.
20 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais attirer votre attention
21 sur la pièce à conviction 137 dont je demande qu’elle soit placée sur le
22 rétroprojecteur.
23 Lors de votre visite à Vitez, vous avez appris que l'hôpital de
24 guerre avait été transféré du point 3 aux environs du point 4 ? C’est bien
25 cela ?
Page 4138
1 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, en effet, je l'ai appris.
2 M. Hayman (interprétation). - Conviendrez-vous que si
3 l'emplacement situé en dessous de la lettre E, sur cette carte, représente
4 la portion contrôlée par les Musulmans à Vitez, l'hôpital de guerre a été
5 transféré plus loin que la ligne de front entre les Croates et les
6 Musulmans à Vitez ?
7 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, objection.
8 Le témoin a déjà dit qu'il ne savait pas où se trouvait la zone contrôlée
9 par les Musulmans dans la ville. C'est donc une forme de réponse
10 suggestive qui est proposée au témoin. Je demanderai que le conseil de la
11 partie adverse passe à une autre question.
12 M. Hayman (interprétation). - Je passe à une autre question,
13 Monsieur le Président.
14 Vous avez donc recueilli ces trois soldats blessés et vous les
15 avez emmenés à Nova Bila. C’est bien cela ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - C’est cela.
17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez toujours la pièce à
18 conviction 134 sous la main ou a-t-elle été remise au greffier ?
19 Sur la pièce à conviction 134, avez-vous circulé depuis le
20 nouvel emplacement de l'hôpital de guerre de Vitez jusqu’à Nova Bila en
21 empruntant la grande route ? En tout cas, dites-nous comment vous vous y
22 êtes rendu ?
23 M. Kujawinski (interprétation). - J'ai quitté l'hôpital, je suis
24 retourné sur la grande route, je suis passé par le village de Vitez, puis
25 par le garage, et j'ai récupéré la route principale, qui n'est pas sur
Page 4139
1 cette carte, qui mène à Nova Bila.
2 M. Hayman (interprétation). - Saviez-vous à l’époque que cette
3 grande route qui relie Vitez à Nova Bila était tenue par l’armée de
4 Bosnie-Herzégovine ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne le savais pas.
6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous passé un barrage
7 routier ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir
9 passé le moindre barrage routier aux abords de l'école.
10 M. Hayman (interprétation). - A Nova Bila, vous avez vu un
11 certain nombre de soldats blessés dans l'église, n'est-ce pas ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
13 M. Hayman (interprétation). - Une trentaine ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
15 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous visité d'autres salles
16 dans cet hôpital pour déterminer le nombre des soldats blessés se trouvant
17 éventuellement dans les autres parties de l'hôpital ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je suis descendu du
19 véhicule accompagné de ceux que je pensais être des soldats et qui étaient
20 blessés. Je me suis approché de l'ambulance, j'ai transféré les hommes
21 dans l'hôpital, j'ai jeté un coup d'oeil pour voir ce qui se
22 passait et je me suis simplement trouvé dans le lieu des prières
23 principales, c'est-à-dire dans le choeur de l'église.
24 M. Hayman (interprétation). - De nombreux soldats blessés s'y
25 trouvaient ?
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1 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
2 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais maintenant attirer
3 votre attention sur la journée du 26 avril 1993, lorsque vous êtes allé au
4 village de Miletici. Pouvez-vous nous dire si Miletici se trouve plus ou
5 moins au nord de Guca Gora ? Le savez-vous ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, c'est au nord-ouest de
7 Vitez, lorsqu'on emprunte la grande route qui va vers le nord, vers la
8 vallée.
9 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous êtes revenu le
10 lendemain, le 27 avril, avez-vous vu les corps des cinq hommes qui avaient
11 été tués ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, c'est à ce moment-là que
13 nous les avons transportés.
14 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'un d'entre eux avait
15 les articulations brisées au niveau des doigts, des coudes, des genoux ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, en effet.
17 M. Hayman (interprétation). - Est-ce une forme de torture
18 connue ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque de ces
21 cinq corps avait eu la tête coupée ou quelque chose d'approchant ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Oui. L'un d'entre eux avait la
23 gorge tranchée d'un bout à l'autre, mais il tenait encore au corps grâce
24 aux os.
25 M. Hayman (interprétation). - Ces hommes ont-ils été enterrés
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1 dans le cimetière catholique ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, nous avons reçu l'ordre
3 de les emmener au
4 cimetière catholique. C'est l'interprète qui nous l'a dit.
5 M. Hayman (interprétation). - Je suppose donc qu'il s'agissait
6 de Croates, pour
7 autant que vous le sachiez.
8 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas, il était très
9 difficile de déterminer ce genre de choses. Les corps ont été placés dans
10 des cercueils. Nous avons été informés que les Moudjahidins les avaient
11 tués et nous les avons emmenés à un endroit où se trouvaient des drapeaux
12 croates pour les remettre à des hommes qui les ont enterrés avec des croix
13 placées au-dessus de leurs noms.
14 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous la moindre information
15 suggérant que ce n'étaient pas des catholiques ou des Croates ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Je n'ai aucune information à
17 ce sujet.
18 M. Hayman (interprétation). - L'ensemble de la population du
19 village avaient-elle fui et avait-elle évacué le village lorsque vous êtes
20 arrivé le 26 et le 27 ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
22 M. Hayman (interprétation). - Y en avait-il qui habitaient
23 encore là ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Non, il n'y avait aucun signe
25 de présence de jeunes hommes, à l'exception de corps sans vie. Tous les
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1 habitants qui étaient restés étaient âgés ou très jeunes.
2 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez quitté le
3 village de Miletici, le 26 avril, vous avez dit avoir rencontré un certain
4 nombre de camions ou d'autobus, transportant des soldats de l'armée de
5 Bosnie-Herzégovine. Est-ce exact ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
7 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il huit à dix autobus ou
8 camions de ce genre ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Il y avait beaucoup de
10 camions, beaucoup
11 d'autobus, des bulldozers également.
12 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous estimer le nombre de
13 soldats qui se
14 trouvaient dans ce convoi ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Non, mais je dirais plus de
16 cent. Je ne peux pas vous donner le nombre exact.
17 M. Hayman (interprétation). - Certains de ces soldats, que vous
18 avez rencontrés, vous ont-ils conseillé de quitter la région ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Non. Simplement celui qui
20 était venu à Miletici, avant, pour nous dire de partir.
21 Quand nous sommes arrivés en bas, ils étaient très gais, ceux
22 qui étaient près de l'entrée de la colline.
23 M. Hayman (interprétation). - Lors de votre audition en 1995, en
24 page 3 de votre déclaration, avez-vous informé les enquêteurs "qu'au bas
25 de la colline, dans le village, nous avons rencontré des soldats qui
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1 allaient vers le nord, huit à dix autobus et camions, et chacun des
2 autobus était complètement rempli. Un des soldats nous a dit aimablement
3 qu'il conviendrait que nous quittions la région". ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, si vous le lisez, je l'ai
5 dit.
6 M. Hayman (interprétation). - Je vous pose la question : est-ce
7 exact ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
9 M. Hayman (interprétation). - On nous a dit qu'une vidéo faite
10 par ITN vous avait été remise à un autre moment dans le procès.
11 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
12 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous remis cette vidéo au
13 bureau du procureur ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
15 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si le bureau du
16 procureur l'a en sa possession ?
17 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
18 M. Hayman (interprétation). - Lors de la préparation à votre
19 déposition, avez-vous passé en revue des dépêches d'informations
20 militaires ?
21 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, toute cette
22 série de questions est totalement en dehors du champ couvert par le témoin
23 lors de son récit. Si nous devons respecter les règles fixées ce matin....
24 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions à
25 poser au sujet de la vidéo, monsieur le Président, mais la façon dont il
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1 s'est préparé à ce témoignage rentre dans le cadre du témoignage.
2 M. Cayley (interprétation). - Non, monsieur le Président, ce
3 n'est pas pertinent.
4 M. le Président. - Le témoin est venu déposer et nous avons pris
5 soin, dans cette nouvelle méthode de déposition, de cerner les points
6 exacts sur lesquels le témoin va déposer. Restons-y s'il vous plaît.
7 M. Hayman (interprétation). - Eh bien, j'en conclus, monsieur le
8 Président, que l'objection est retenue.
9 J'attire votre attention sur la journée du 3 mars 1993. Vous
10 nous avez déclaré avoir pris le colonel Blaskic, à l'époque, à Kiseljak,
11 et l'avoir emmené à l'école où se trouvait la base du bataillon
12 britannique pour une réunion officielle. N'est-ce pas exact ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact.
14 M. Hayman (interprétation). - A l'époque, vous étiez bien
15 conscient du fait que ce segment de route, qui va de Busovaca à Kiseljak
16 et qui part de Kacuni et de Bila Nova, était tenu par l'armée de Bosnie-
17 Herzégovine, n'est-ce pas ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je n'étais pas certain,
19 je n'en avais pas
20 conscience.
21 M. Hayman (interprétation). - Eh bien alors, d'après vous,
22 pourquoi le
23 colonel Blaskic avait besoin d'une escorte de la FORPRONU pour se rendre
24 de Kiseljak à la base du bataillon britannique ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - A des fins de protection, sans
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1 doute.
2 M. Hayman (interprétation). - Mais vis-à-vis de qui ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - De la partie adverse.
4 M. Hayman (interprétation). - De l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, de l'armée de Bosnie-
6 Herzégovine.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir vu des
8 postes de contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur la route qui va de
9 Busovaca à Kiseljak, en ce 3 mars 1993 ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas.
11 M. Hayman (interprétation). - Aviez-vous escorté le
12 Colonel Blaskic auparavant ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - Non, pas ce jour-là, je ne
14 l'ai transporté qu'en deux occasions.
15 M. Hayman (interprétation). - A la fin de cette réunion, l'avez-
16 vous raccompagné à l'hôtel Vitez ?
17 M. Kujawinski (interprétation). - Non, je l'ai raccompagné à
18 l'emplacement exact où je l'avais emmené, c'est-à-dire les anciennes
19 casernes qui se trouvent à Kiseljak, les anciennes casernes de la JNA.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous l'avez amené à Kiseljak en
21 1993. Vous êtes certains de cela ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Oui. Je crois que c'était
23 autour de 17 heures.
24 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des documents qui vous
25 permettent de
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1 l'affirmer ou vous fiez-vous à vos souvenirs ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Je me fie à...
3 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin a
4 répondu à la question. Nous n'avons introduit ni soumis aucun document
5 lors de l'interrogatoire principal. Il fait preuve...
6 M. le Président. - C'est clair.
7 M. Hayman (interprétation). - Il me semblait, monsieur le
8 Président, qu'il n'était pas absolument certain de ce qu'il disait, donc
9 j'essayais de l'aider.
10 M. le Président. - Vous l'avez aidé et il vous a bien répondu.
11 Poursuivons. Vous êtes presque à 30 minutes, maître Hayman.
12 M. Hayman (interprétation). - Il se peut même que j'en aie
13 terminé, monsieur le Président. Je consultais mes notes quelques instants.
14 M. le Président. - Prenez votre temps.
15 M. Hayman (interprétation). - Pour comprendre une fois pour
16 toutes quand on l'a transporté et à quel endroit, comment le faire sans
17 avoir à interviewer chacun des membres du bataillon britannique qui se
18 trouvait à l'époque en ex-Yougoslavie.
19 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne comprends pas la
20 question.
21 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous aider à
22 comprendre comment nous pourrions essayer d'expliquer, une fois pour
23 toutes, quand le colonel Blaskic...
24 M. Cayley (interprétation). - (hors micro.)
25 M. le Président. - Maître Cayley, je suis assez grand pour la
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1 faire. Maître Hayman, vous deviez arrêter vos questions et d'ailleurs,
2 vous auriez été mieux inspiré de les arrêter. Cette fois-ci, il a
3 vraiment été répondu à cette question-là. Avez-vous une autre question qui
4 n'a rien à voir avec ce problème-là, ou en avez-vous terminé ?
5 M. Hayman (interprétation). - Je n'ai pas d'autres domaines à
6 aborder, monsieur le
7 Président, mais j'aimerais bien mettre un terme à ce domaine de questions-
8 là.
9 M. le Président. - Je vous signale que dans un système
10 juridique que je connais
11 bien, tout simplement, un jour on demanderait au général Blaskic ce qu'il
12 en pensait et quels étaient ses souvenirs. Nous ne sommes pas dans ce
13 système. Vous avez posé la question. Vous avez eu la réponse. Nous en
14 restons là. Avez-vous d'autres questions, maître Hayman ?
15 M. Hayman (interprétation). - Non, monsieur le Président.
16 Simplement, je pense que les conseils de la défense, avec tout
17 le respect que je vous dois, devraient avoir le droit de déterminer quels
18 sont les éléments de preuve qui sont susceptibles d'exister. Voici
19 l'occasion qui nous est offerte de le faire. J'essaie de proposer au
20 Tribunal les meilleurs éléments de preuve possible permettant de
21 déterminer quand le colonel Blaskic se trouvait à un endroit et quand il
22 se trouvait à un autre endroit.
23 Excusez-moi si j'ai irrité le Tribunal, mais avec tout le
24 respect que je vous dois, il me semble que cela fait partie de la
25 procédure normale et régulière.
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1 M. le Président. - Vous n'avez pas irrité le Tribunal. Le
2 Tribunal a une très longue patience, vous le savez très bien. Cependant,
3 le Tribunal est toutefois comptable d'un certain nombre d'impératifs et
4 est également en relation avec le témoin, en ce sens qu'il faut également
5 respecter un certain équilibre.
6 Le témoin vous a répondu. Bien. Il vous a répondu comme il
7 pouvait. Le Tribunal est composé de juges professionnels, maître Hayman,
8 je ne cesse de le rappeler. Nous ne sommes pas dans d'autres systèmes. Ce
9 sont des juges professionnels. Nous jugerons, le moment venu. Nous
10 apprécierons, nous évaluerons le moment venu quel est le degré de densité
11 de la réponse du témoin.
12 Avez-vous d'autres questions encore ?
13 M. Hayman (interprétation). - Non, je n'ai plus d'autres
14 questions, monsieur le Président, mais il y a un système juridique, des
15 documents qui existent et je ne crois pas que vous les obtiendrez jamais
16 sauf si les conseils de la défense sont susceptibles d'en démontrer
17 l'existence au Tribunal. C'est tout ce que j'avais à dire.
18 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Maître Cayley, à vous,
19 très rapidement et seulement s'il y a quelques précisions à apporter.
20 M. Cayley (interprétation). - Très rapidement, monsieur le
21 Président, je voudrais poser deux questions.
22 Sergent, à quelque moment que ce soit, alors que vous vous
23 trouviez à Vitez, les 16 et 17 avril, avez-vous pu observer si oui ou non
24 l'hôtel Vitez était l'objet d'une attaque ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - Non.
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1 M. Cayley (interprétation). - D'après vous, il n'était pas
2 soumis à une attaque ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Non, en effet, il n'était pas
4 soumis à une attaque.
5 M. Cayley (interprétation). - Vous l'auriez remarqué si cela
6 avait été le cas, n'est-ce pas ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Absolument.
8 M. Cayley (interprétation). - Vous rappelez-vous que maître
9 Hayman vous a posé une ou deux questions concernant les soldats bosniaques
10 qui se trouvaient près des lignes de front dans ces dix bus. Avez-vous pu
11 identifier ces soldats musulmans bosniaques ?
12 M. Kujawinski (interprétation). - Non. C'est l'homme qui est
13 venu en haut de la colline et qui nous a dit de nous déplacer qui nous a
14 renseignés en nous disant de qui il s'agissait.
15 M. Cayley (interprétation). - C'étaient donc des soldats
16 musulmans bosniaques. Mais avez-vous pu identifier des troupes qui se
17 trouvaient là comme étant des troupes appartenant au HVO ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Non, pas que je m'en
19 souvienne.
20 M. Cayley (interprétation). - Donc on peut dire que parmi ces
21 soldats musulmans bosniaques, il n'y avait pas de membres du HVO ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Cela m'étonnerait fort.
23 M. Cayley (interprétation). - Ces soldats musulmans bosniaques
24 qui approchaient
25 des lignes de front serbes étaient donc seuls ?
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1 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact, monsieur.
2 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie. Je n'ai plus de
3 questions à poser, monsieur le Président.
4 M. le Président. - Merci. A présent, Sergent, des questions vont
5 sans doute vous être posées par mes collègues ou moi-même. Juge Riad ?
6 M. Riad (interprétation). - Bonjour, monsieur.
7 M. Kujawinski (interprétation). - Bonjour.
8 M. Riad (interprétation). - Vous avez été un témoin oculaire des
9 événements qui se sont déroulés au cours de cette importante période de
10 1993. J'espère que vous pourrez nous apporter des éclaircissements
11 fondamentaux sur certains événements et des éléments qui pourraient nous
12 aider peut-être.
13 Vous avez participé à l'évacuation d'un agent du HCR et de sa
14 famille. C'est ce que vous nous avez dit. Vous les avez aidés à aller vers
15 l'école où se trouvait la base de votre régiment, parce que, comme vous
16 l'avez dit, Vitez était désormais considérée comme une zone qui n'était
17 plus sûre. Dans le même temps, vous avez déclaré qu'il n'y avait pas
18 d'engagement d'opérations militaires à Vitez. Vous avez déclaré que le
19 commandement supérieur se trouvait dans l'hôtel Vitez.
20 Alors, qu'est-ce qui faisait de Vitez une ville qui n'était plus
21 sûre ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Il faut savoir que Vitez était
23 auparavant une ville tout à fait sereine, une ville où la vie s'écoulait
24 paisiblement. Or au cours des jours précédents, il y avait eu des
25 activités telles au sein même de ce village qu'en l'espace de quelques
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1 jours, tout avait été transformé. Donc quelqu'un, quelque part, avait pris
2 la décision de déclarer que Vitez n'était plus sûre.
3 M. Riad (interprétation). - Mais qu'est-ce qui la rendait si peu
4 sûre. Etait-ce dû à ce
5 soulèvement de la population ou quoi ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Non, monsieur. Je pense que
7 c'était dû au conflit qui avait surgi dans le secteur entre deux factions
8 opposées.
9 M. Riad (interprétation). - Entre les civils ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Non, monsieur.
11 M. Riad (interprétation). - Mais de quelles deux factions
12 parlez-vous ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - Je pense aux Musulmans et aux
14 Croates, monsieur.
15 M. Riad (interprétation). - Des Croates et des Musulmans ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
17 M. Riad (interprétation). - Mais des civils ou des militaires.
18 Excusez-moi, mais je ne m'y trouvais pas, moi.
19 M. Kujawinski (interprétation). - Mais je n'ai vu aucun civil,
20 monsieur, et je n'ai pas vu de militaires non plus s'engager dans des
21 combats proprement dits à Vitez, monsieur.
22 M. Riad (interprétation). - Alors qu'est-ce qui faisait de cette
23 ville une ville qui n'était pas sûre, dangereuse ? Pourquoi en évacuer
24 personnes ? Vous aviez peur des Musulmans, des Croates, des militaires ?
25 De qui ces personnes avaient-elles peur ?
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1 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas de qui elles
2 avaient peur, mais je crois que tout le village était devenu un village
3 impossible à vivre, alors qu'auparavant, il s'agissait d'un village
4 parfaitement calme. Quelqu'un avait dû détruire les propriétés de
5 certaines personnes.
6 M. Riad (interprétation). - Mais qui ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas, monsieur.
8 M. Riad (interprétation). - Qui était responsable de Vitez ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Qui était responsable de
10 Vitez, monsieur ?
11 M. Riad (interprétation). - Oui.
12 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas, monsieur.
13 M. Riad (interprétation). - Est-ce que subitement tout ordre
14 avait disparu, l'Etat de droit ne régnait plus ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, il n'y avait absolument
16 aucun Etat de droit.
17 M. Riad (interprétation). - Pas d'armée ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Pas d'armée, monsieur.
19 M. Riad (interprétation). - Pas d'armée présente là ? Pourtant,
20 que faisait le commandement supérieur dans l'hôtel Vitez ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Je n'en sais rien, monsieur.
22 Ce n'était pas mon rôle que d'essayer de déterminer ce qui se produisait,
23 monsieur.
24 M. Riad (interprétation). - Oui, effectivement, ce n'était pas
25 dans le cadre de vos fonctions.
Page 4153
1 Mais donc il n'y avait pas d'engagement militaire opposant deux
2 factions rivales ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Pas que j'aie pu voir,
4 monsieur. J'ai pu entendre certaines choses, mais je n'ai rien pu voir de
5 mes propres yeux.
6 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi j'essaie de me repérer
7 et de reprendre fidèlement vos paroles. Vous avez vu des personnes sur le
8 côté gauche, quand vous avez parlé du secteur 5, qui se rendaient vers le
9 chalet suisse et d'autres personnes qui gisaient mortes le long de la
10 route, sur le côté gauche toujours.
11 Puis, vous avez atteint ce chalet suisse où vous avez trouvé une
12 centaine de soldats portant des uniformes foncés.
13 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
14 M. Riad (interprétation). - Vous les avez vu qui riaient, qui
15 trinquaient et vous les avez visés ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
17 M. Riad (interprétation). - Vous en avez donc conclu que ces
18 personnes étaient responsables de tous les dégâts que vous aviez vus et de
19 la mort des personnes que vous aviez vues sur le côté de la route ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur. C'est ce que
21 j'ai conclu. Cela avait été suffisamment affreux pour que j'en oublie ma
22 mission et j'en ai conclu que je ne souhaitais plus jamais revoir les
23 scènes que j'avais pu observer du côté de la route. Alors, quand j'ai
24 tourné la tête et que j'ai vu ces soldats, que je n'appellerai d'ailleurs
25 pas des soldats, mais ces personnes qui semblaient célébrer ce qui venait
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1 de se passer comme des vulgaires voyous, cela m'a suggéré qu'ils étaient
2 responsables de ce que j'avais vu.
3 M. Riad (interprétation). - Donc d'après vous, ils fêtaient ce
4 qu'ils avaient accompli.
5 M. Kujawinski (interprétation). - J'en suis persuadé.
6 M. Riad (interprétation). - Quand vous êtes retourné vers le
7 point 4, vous avez treize femmes, deux enfants et un tout jeune homme et
8 vous les avez emmenés à l'hôpital ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Non, monsieur. Je suis ensuite
10 allé vers le véhicule, dont j'ai repris le contrôle, et je suis allé à
11 l'école, puis je suis revenu chercher ces personnes.
12 M. Riad (interprétation). - Vous les avez emmenées à l'hôpital ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
14 M. Riad (interprétation). - Leur avez-vous demandé comment elles
15 avaient reçu les blessures ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Mais aucune de ces personnes
17 n'étaient blessées. Il n'y avait pas de blessures. Par contre, chacun
18 était bouleversé sur le plan émotionnel, c'est tout.
19 M. Riad (interprétation). - Chacun était bouleversé, je
20 comprends. Ensuite, vous avez trouvé treize corps le long de la route, des
21 corps de femmes et d'enfants musulmans qui gisaient à découvert entre les
22 points 1 et 2.
23 M. Kujawinski (interprétation). - En effet, aux points 1 et 2 et
24 sur la route qui se dirige vers le point 7, là où le véhicule était tombé
25 en panne.
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1 M. Riad (interprétation). - Y avait-il des hommes armés parmi
2 ces corps ou bien s'agissait-il seulement de corps de femmes et
3 d'enfants ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - Pas de corps d'hommes armés.
5 Il y avait un homme sur le côté droit de la route, un peu plus loin, près
6 du seuil de l'entrée d'une maison.
7 M. Riad (interprétation). - Un peu plus loin sur la route. Mais
8 là où il y avait les enfants et les femmes, il n'y avait pas d'hommes ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Les corps étaient éparpillés
10 un peu partout sur le sol.
11 M. Riad (interprétation). - Mais c'étaient des femmes et des
12 enfants ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - J'en suis absolument certain,
14 monsieur.
15 M. Riad (interprétation). - Vous avez également déclaré que des
16 têtes de bétail avaient été abattues, qu'on avait tiré dessus jusqu'à ce
17 qu'elles soient mortes ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
19 M. Riad (interprétation). - Savez-vous pourquoi on a procédé de
20 la sorte ? S'agissait-il de vaches folles ou de quelque chose
21 d'approchant ?
22 M. Kujawinski (interprétation). - Non, monsieur, pas que je
23 sache. Il m'a semblé qu'en fait la personne qui en était responsable
24 s'amusait et tirait sur les vaches qui se trouvaient là jusqu'à ce
25 qu'elles s'abattent.
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1 M. Riad (interprétation). - Donc c'était une forme d'amusement,
2 de loisir ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
4 M. Riad (interprétation). - Vous avez également déclaré avoir vu
5 une femme qui avait été violée par deux fois. Elle vous a dit également
6 qu'on lui avait volé ses biens et qu'un homme avait été abattu ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
8 M. Riad (interprétation). - Vous avait-il dit qui l'avait
9 violée, qui avait volé ses biens ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Non, elle ne me l'a pas dit.
11 Elle m'a simplement dit qu'au cours des deux dernières heures elle avait
12 été violée deux fois. Elle a ajouté qu'on lui avait pris des biens de
13 valeur et qu'un homme avait été abattu sous ses yeux.
14 M. Riad (interprétation). - Au début, vous avez déclaré qu'un
15 commandant du HVO et que quatre gardes du corps avaient été enlevés. Vous
16 vous rappelez avoir dit cela, n'est-ce pas.
17 M. Kujawinski (interprétation). - Excusez-moi, vous me demandez
18 si je m'en souviens ?
19 M. Riad (interprétation). - Oui, vous en rappelez-vous ?
20 M. Kujawinski (interprétation). - Oui;
21 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'un commandant avait
22 été enlevé et que quatre gardes du corps avaient été tués ?
23 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
24 M. Riad (interprétation). - C'était avant les événements ?
25 M. Kujawinski (interprétation). - Les événement d'Ahmici,
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1 monsieur.
2 M. Riad (interprétation). - Oui.
3 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
4 M. Riad (interprétation). - Pensez-vous que cela peut expliquer
5 le massacre qui a été commis par la suite ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Est-ce que cela a été une
7 cause de ce massacre ?
8 M. Riad (interprétation). - Qui a provoqué ce massacre ? Puisque
9 vous étiez le secteur, le savez-vous ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Rien ne peut provoquer un tel
11 massacre, à mes yeux. Je ne vois pas ce qui pourrait provoquer une chose
12 pareille.
13 M. Riad (interprétation). - Rien ne peut le provoquer, même pas
14 un désir de vengeance par exemple ?
15 M. Kujawinski (interprétation). - Non, monsieur.
16 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie infiniment.
17 M. Kujawinski (interprétation). - Je vous remercie.
18 M. le Président. - Juge Shahabuddeen ?
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Sergent, vous avez passé un
20 certain temps dans le secteur, dans la région au cours de cette période
21 très importante ? Vous êtes un soldat de carrière. Aussi, dois-je penser
22 qu'au cours de votre séjour dans la région, vous vous êtes familiarisé
23 avec les diverses formations militaires qui étaient en présence ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Avec les deux parties
25 adverses ? Absolument, monsieur.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pour ce qui est du côté
2 musulman, il y avait un groupe militaire appelé l'ARMIJA, l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine. Est-ce exact ?
4 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, c'est exact.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Du côté croate maintenant,
6 il y avait le HVO ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que le HVO comprenait
9 toutes les formations militaires qui opéraient du côté croate ?
10 M. Kujawinski (interprétation). - Pour autant que je le sache,
11 oui, monsieur.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Aviez-vous connaissance d'un
13 sous-groupe du côté croate appelé le HOS ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - J'en ai entendu parler par le
15 biais de rapports des services secrets et par certaines remises au point
16 qui arrivaient quotidiennement.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en déduis donc que vous-
18 même n'avez jamais, de vos yeux vu, l'un de ces groupes ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Quand bien même, je ne
20 l'aurais pas reconnu, monsieur. Non, je ne l'ai pas vu.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Bien. Mais vous avez vu
22 environ une centaine de soldats qui se trouvaient à proximité du chalet
23 suisse. D'ailleurs, mon éminent collègue, le juge Riad, vient de faire
24 référence à cet aspect de la question.
25 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je suppose que vous les avez
2 observés puisque vous avez dirigé le canon de votre véhicule vers eux ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ils portaient des uniformes
5 foncés ?
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Seriez-vous à même
7 d'expliquer à ce Tribunal s'il s'agissait de soldats du HVO ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas établir un lien
9 direct, monsieur. En fait, je ne peux essayer de savoir de qui il
10 s'agissait que parce que j'ai aperçu l'insigne, cet écusson bleu, rouge et
11 blanc.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - De ce que vous avez observé,
13 qu'en avez-vous déduit ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - J'en ai déduit que c'étaient
15 des Croates puisqu'ils
16 portaient cet écusson de trois couleurs (rouge, blanc et bleu).
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais en déduiriez-vous pour
18 autant qu'il s'agissait de soldats du HVO ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - A cet endroit-là et à ce
20 moment là ?
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui.
22 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, monsieur.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'aimerais maintenant que
24 vous nous parliez des soldats que vous avez vus à proximité de l'hôtel
25 Vitez. A quelle formation militaire ces soldats appartenaient-ils ?
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1 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne sais pas, monsieur.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Bien. Nous revenons à ce qui
3 s'est produit dans le village de Miletici. Vous y avez vu un certain
4 nombre de personnes ?
5 M. Kujawinski (interprétation). - C'est exact, monsieur.
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Seriez-vous à même
7 d'expliquer au Tribunal ou de nous dire si ces personnes étaient des
8 Croates ou des Musulmans ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Vous parlez des soldats qui se
10 trouvaient en bas de la colline ou vous parlez du village ?
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je parle du village.
12 M. Kujawinski (interprétation). - Aujourd'hui encore, je n'ai
13 vraiment pas une idée très claire de qui il s'agissait. Pourtant, après
14 avoir vu cette statue, ce crucifix, après les avoir entendus nous
15 expliquer tout ce qu'ils nous ont expliqué, après avoir emmené ces corps
16 dans un monastère, après avoir vu des drapeaux croates flotter dans les
17 environs, je ne sais pas trop quoi croire.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je respecte vos doutes sur
19 la question, mais je voudrais simplement que vous corrigiez mon impression
20 si celle-ci s'avérait être fausse. Il m'a
21 semblé, d'après vos propos, que certaines des personnes se trouvant dans
22 le village essayaient de vous dissuader d'aller inspecter cette pièce,
23 pièce dans laquelle vous avez vu des flaques de sang séché.
24 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, ils ont effectivement
25 essayé de nous dissuader de le faire.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Puis, un peu plus tard, vous
2 avez vu cinq cadavres dans un autre bâtiment. N'est-ce pas exact ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, en ce même jour, mais
4 beaucoup plus tard, beaucoup plus tard.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le même jour et ces corps
6 portaient des traces de tortures ?
7 M. Kujawinski (interprétation). - Nous ne nous en sommes aperçus
8 que le jour suivant.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous aviez déjà vu des
10 cadavres auparavant ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - En ex-Yougoslavie ?
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Où que ce soit ?
13 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, j'ai vu mes grands-
14 parents et puis j'en ai vu à Ahmici, j'ai vu le petit garçon qui était
15 avec ce petit chiot.
16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Depuis Ahmici, depuis que
17 vous avez quitté la région, avez-vous vu d'autres cadavres ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - Comme je vous l'ai dit, j'ai
19 perdu un de mes grands-parents, malheureusement.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je n'ai pas l'intention de
21 faire rire, mais enfin, vous avez dit avoir vu ces cinq cadavres beaucoup
22 plus tard ce jour-là. Pourriez-vous nous dire
23 depuis quand ces personnes étaient mortes quand vous les avez vues.
24 Donnez-nous une approximation.
25 M. Kujawinski (interprétation). - Je dirais que cela faisait au
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1 moins une semaine, monsieur, parce qu'après avoir ouvert la porte, l'odeur
2 était insupportable et l'un des corps était en train de se décomposer et
3 avait pris une forme absolument inhumaine. C'était horrible.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et vous avez vu cela les 26
5 et 27 avril ?
6 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, très tard, cette première
7 nuit.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc le 26 ?
9 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc à la veille de 27 ?
11 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc d'après vous, ces
13 personnes étaient mortes depuis au moins une semaine ?
14 M. Kujawinski (interprétation). - Je n'ai jamais vu de cadavres
15 de plus d'une semaine, mais à en juger par l'odeur qui régnait, c'est ce
16 que je dirais.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Les événements d'Ahmici ont
18 eu lieu le 16 avril, est-ce exact ?
19 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, c'est exact.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Fort bien.
21 Vous étiez en colère quand vous avez vu l'état ou plutôt
22 l'humeur dans laquelle se trouvaient ces soldats au chalet suisse, très en
23 colère après avoir vu ce que vous aviez vu. Est-ce exact ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - C'est parfaitement exact.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Puis-je en conclure donc que
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1 vous étiez de même très en colère quand vous avez vu ces cinq cadavres
2 dans le village de Miletici ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Non, mon sentiment n'avait
4 rien de comparable, monsieur.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ce n'est pas comparable.
6 Fort bien. Vous n'avez pas du tout ressenti le même degré de colère,
7 n'est-ce pas ?
8 M. Kujawinski (interprétation). - En effet, tout à fait. A cet
9 endroit-là, rien ne permettait de nous faire comprendre qui avait tué ces
10 cinq personnes.
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois.
12 Une dernière question relative aux soldats se trouvant dans les
13 camions et dans les bus que vous avez vus, je crois, sur la route qui
14 menait à Ahmici. Vous avez vu des soldats de l'armée de Bosnie-
15 Herzégovine ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - La nuit du 26 ?
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, excusez-moi, je passe
18 du coq à l’âne, et d’une date à l’autre, mais je parle bien de cette nuit-
19 là.
20 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et vous avez dit que
22 certains d’entre eux vous avaient dit amicalement qu'il valait mieux que
23 vous quittiez le secteur ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - C’est exact.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous par la suite
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1 compris pourquoi ils vous donnaient ce conseil ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Au début, non. Nous sommes
3 descendus de la colline, après que les habitants nous aient dit qu'il
4 fallait quitter rapidement le secteur. Je dois dire que nous étions assez
5 effrayés, enfin nous avions un peu peur. Nous nous sommes retrouvés
6 confrontés à cette masse de personnes. Et puis, enfin, leurs comportements
7 m’ont beaucoup tranquillisé en tant que commandant, cela m'a rassuré. A
8 priori, la situation qu’on nous avait décrite en haut de la colline ne
9 correspondait pas à ce que nous avons trouvé en bas.
10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, je vois. Mais, en
11 réponse à une question de M. Russel Hayman, qui a lu un passage à votre
12 déposition, il me semble que vous avez reconnu que certains des soldats
13 qui se trouvaient dans ces bus, soldats de l’armée de Bosnie-Herzégovine,
14 vous ont dit qu'il valait mieux que vous partiez, de façon tout à fait
15 amicale ?
16 M. Kujawinski (interprétation). - Oui, Monsieur.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous nous aider en
18 nous disant pourquoi, à ce moment-là, vous avez pensé qu'ils vous
19 donnaient ce conseil ? Pourquoi, d’après vous, vous ont-ils conseillé de
20 partir ?
21 M. Kujawinski (interprétation). - Je pense que c’est parce que
22 la ligne de front des Serbes se trouvait à 8 kilomètres à peine, au nord,
23 dans cette vallée, et qu’ils s'y rendaient certainement pour combattre.
24 Donc, en fait, ils nous conseillaient, très amicalement, de sortir de ce
25 secteur dangereux.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc, d'après vous, ils vous
2 demandaient de partir au vu de la proximité des lignes de combat ?
3 M. Kujawinski (interprétation). - Oui.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.
5 M. le Président. - Sergent, beaucoup de questions, notamment
6 celles de mes distingués collègues, m’ont éclairé. Une petite précision,
7 vous semblez disposer d'une large marge de manoeuvre, puisque vous pouviez
8 prendre l'initiative d'abaisser votre canon vers les hommes en uniforme
9 que vous aviez vus, tellement vous étiez en colère.
10 Ma question est celle-ci. Quand vous avez enterré et procédé à
11 l’inhumation de ces corps, vous êtes allé les enterrer dans un cimetière
12 catholique, si j’ai bien compris. Ma question est assez générale.
13 Receviez-vous des instructions pour cela ? Ce n'est pas rien ! Aviez-vous
14 un commandement qui vous disait : ce sont des Croates, on ne va pas les
15 enterrer dans un cimetière musulman et inversement ? Comment cela se
16 passait, à la fois pour cette fois-là et de façon
17 générale ?
18 M. Kujawinski (interprétation). - D'après ce que nous ont dit
19 les interprètes, ce sont les habitants locaux qui nous ont demandé de
20 faire cela. Nous avons apporté les cercueils le lendemain, je l’ai dit.
21 Nous avons placé les corps, avec un morceau de papier identifiant les
22 corps et une croix, dans le cercueil.
23 M. le Président. - Vous n’avez pas répondu à Me Hayman. Je
24 voudrais simplement savoir d'où venaient ces corps. Vous avez donc supposé
25 que c'était des Croates. Vous n’avez pas répondu à l'avocat de la défense.
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1 C'était des Croates, à votre avis, dans ces conditions ?
2 M. Kujawinski (interprétation). - Je n'étais pas absolument
3 certain de qui il s’agissait, Monsieur.
4 M. le Président. - Vous n'avez pas enterré des Musulmans dans un
5 cimetière catholique et inversement. Vous deviez bien prendre quand même
6 quelques précautions. Vous avez été très indécis tout à l’heure. Mais, je
7 vais me faire ma propre opinion. Vous avez répondu, donc je n'insisterai
8 pas davantage. Mais, j’aurais quand même aimé savoir quelle était
9 l’initiative que pouvait pendre un sergent de la FORPRONU dans un tel
10 conflit pour savoir où il doit enterrer des cadavres.
11 M. Kujawinski (interprétation). - Par le biais des habitants
12 locaux, l'interprète nous a fait savoir qu'il fallait que nous emmenions
13 ces cadavres près d'une certaine église.
14 M. le Président. - Vous avez parlé des Moudjahidins. Que savez-
15 vous sur ces troupes, ces milices, ces soldats ? Votre commandement vous
16 en a-t-il parlé avant ? Que pouvez-vous nous en dire ?
17 M. Kujawinski (interprétation). - On nous a simplement dit qu'il
18 s'agissait de poches isolées, de personnes très cruelles, que rien
19 n'arrêtait dès qu'il s'agissait d’obtenir quelque chose qu'elles
20 désiraient. C’est tout.
21 M. le Président. - Le colonel Blaskic était, à vos yeux, le
22 commandant de toute
23 cette zone ?
24 M. Kujawinski (interprétation). - Je ne peux pas apporter une
25 réponse à cette question, Monsieur. Je ne le sais pas.
Page 4167
1 M. le Président. - Merci, votre déposition est terminée,
2 Sergent, si mes collègues n'ont pas de questions complémentaires à poser.
3 Dans ces conditions, vous pouvez rejoindre votre unité. Le Tribunal vous
4 remercie pour votre témoignage.
5 M. Kujawinski (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur.
6 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
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16 M. le Président. - Maître Kehoe ?
17 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, le
18 témoin suivant est un témoin pour lequel nous avons demandé des mesures de
19 protection. Nous ne souhaitons pas que l'identité de ce témoin soit
20 divulguée et nous en avons parlé avec la défense.
21 M. Hayman (interprétation). - Oui, nous en avons été informés et
22 nous l'avons stipulé, Monsieur le Président.
23 M. le Président. - Parfait, merci. Donc, à l'intention du
24 public, nous allons, pour l'introduction du témoin, baisser les rideaux
25 pour qu'il ne soit pas vu. Ensuite, nous relèverons les rideaux car
Page 4168
1 l’audience restera publique. Le témoin étant par ailleurs, du moins je le
2 suppose, protégé à l'image et au son, c'est-à-dire sa voix, Maître Kehoe ?
3 M. Kehoe (interprétation). - Pas la voix, Monsieur le Président,
4 mais le nom et la totalité du corps.
5 M. le Président. - Donc, nous l'appellerons Témoin K ?
6 M. Kehoe (interprétation). - Je crois que c'est cela,
7 Monsieur le Président.
8 M. le Président. - Donc, ce sera le Témoin K. Pendant que nous
9 mettons en place le processus, et conformément aux nouvelles dispositions
10 des témoignages arrêtées depuis ce matin, pouvez-vous nous dire,
11 sommairement et brièvement, ce que ce témoin peut apporter au Tribunal
12 comme éléments dans les graves accusations qui sont portées contre le
13 Général Blaskic.
14 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, c’est
15 encore une victime de la région d’Ahmici, qui a fui sa maison, avec sa
16 famille, pour se rendre dans un lieu de Gorni Ahmici, où une femme
17 musulmane bosnienne a été abattue par une balle qui lui a traversé la tête
18 et, à très faible distance, son père et une autre vieille femme ont été
19 blessés.
20 M. le Président. - Je n’ai pas compris, excusez-moi, c’est le
21 père du témoin qui a été gravement blessé ?
22
23 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Le père
24 portait dans ses bras une femme handicapée. La famille est ensuite revenue
25 sur les lieux. Elle s’est rendu compte que les hommes musulmans étaient
Page 4169
1 exécutés, car les soldats du HVO venaient dans les maisons, mettaient le
2 feu aux maisons, emmenaient les femmes.
3 En fait, avant d’y mettre le feu, les soldats du HVO pillaient
4 ces maisons, emportaient les chaînes hi-fi, les téléviseurs, ce genre de
5 choses. du HVO ont remis au lendemain l'incendie de la maison. Ils l'ont
6 finalement incendiée. Ce témoin, avec des parents masculins, est resté
7 dans la maison incendiée jusqu'au moment où ils espéraient recevoir l'aide
8 de la FORPRONU. Mais ce sont des Croates qui sont entrés, avec des masques
9 à gaz sur le visage, pour récupérer les corps sans vie. Deux soldats ont
10 été vus, à ce moment-là, l'un en uniforme noir et l'autre en uniforme de
11 camouflage.
12 Le témoin va nous raconter comment, après avoir été emmené dans
13 un lieu où il a subi un interrogatoire assez long et menaçant, il a été
14 emmené dans l’école de Dubravica. Donc, ce témoin est en mesure de
15 témoigner des conditions en vigueur dans l’école de Dubravica. Une femme
16 qui se trouvait physiquement très près du témoin dans le bâtiment a été
17 violée, puis emmenée creuser des tranchées avant d’être remise en liberté.
18 Nous avons une pièce à conviction qui est, je crois, la
19 pièce 139 ? Monsieur Dubuisson, corrigez-moi si je me trompe.
20 M. Dubuisson. - C’est la pièce 138.
21 M. le Président. - Si je comprends bien, Maître Kehoe, le témoin
22 que nous allons entendre, vous l’avez cité, d’une part, parce que c’est
23 une victime, pour des questions de pillages et, d’autre part, parce qu’il
24 a assisté à un certain nombre de choses, notamment à la vue des soldats
25 croates, et parce qu’enfin il pourra parler de l'école de Dubravica et de
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1 cette personne qui, par ailleurs, a été violée.
2 S'il n'y a pas d'autres éléments, nous pouvons donc faire rentrer
3 maintenant le Témoin K.
4 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
5 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Dubuisson,
6 c’était bien la pièce à conviction 139 ?
7 M. Dubuisson. - 138.
8 M. Kehoe (interprétation). - D’accord, merci.
9 M. le Président. - Il y a le week-end et nous n’avons pas
10 d’audience lundi, donc on va chacun d’aller au plus vite. Maître Kehoe,
11 allez-y.
12 Témoin K (interprétation). - Puis-je vous parler ? Je vous suis
13 vraiment reconnaissant pour votre compréhension et du fait que vous
14 voudriez que nous finissions rapidement, parce que moi aussi j’aimerais
15 rentrer à la maison à cause de mon fils qui va à l’école. Je vous remercie
16 vraiment.
17 M. Kehoe (interprétation). - J'ai aussi déjà demandé la pièce à
18 conviction 108. J'aimerais que cette pièce soit prête pour ce témoin.
19 C'est une photographie que l’on souhaiterait lui montrer.
20 M. le Président. - Témoin K, m'entendez-vous ?
21 Témoin K (interprétation). - Oui.
22 M. le Président. - Le greffier va d'abord vous tendre un papier
23 pour attester que vous êtes bien la personne correspondant à une certaine
24 identité que nous ne pourrons pas révéler. Est-ce bien vous ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui.
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1 M. le Président. - Monsieur le greffier, s’il vous plaît, vous
2 allez présenter le texte du serment et vous allez lire ce texte.
3 Témoin K (interprétation). - Je déclare solennellement que je
4 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 M. le Président. - Merci. Témoin K. A votre demande, vous
6 bénéficiez de mesures
7
8 de protection. Vous pouvez parler sans crainte. Vous êtes devant le
9 Tribunal Pénal International. Vous avez été cité par le Procureur pour
10 témoigner sur des faits précis concernant ce que vous avez vécu, notamment
11 à Ahmici ainsi qu’à l'école de Dubravica. Ce sont ces éléments qui
12 intéressent le Tribunal.
13 Vous allez, après quelques très brefs renseignements - encore
14 que peut-être, monsieur le Procureur, il n'y a pas d'éléments
15 d'identification, par hypothèse, puisque ce témoin est protégé - faire
16 votre déposition.
17 Vous allez nous relater très simplement, avec vos mots, de la
18 façon dont vous avez envie de le dire, les faits dont vous avez déjà
19 entretenu le Procureur, notamment les faits que je vous ai signalés. Ce
20 sont les faits principaux vous ayant le plus marqué. Allez-y.
21 Eventuellement, le Procureur vous interrompra pour vous faire
22 préciser un certain nombre de choses ou vous montrer des documents.
23 Ensuite, la défense du général Blaskic vous posera des questions
24 ainsi que les Juges.
25 Il est 15 heures 40. Puisque le témoin est maintenant installé,
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1 nous allons travailler pendant 5 ou 10 minutes avant de faire la pause.
2 Dites-nous ce que vous avez vécu.
3 Témoin K (interprétation). - Début mars, j'ai déménagé de
4 Nadioci à Ahmici parce qu'il y a eu certains incidents à Nadioci. J'ai
5 vécu normalement à Ahmici, dans une maison. Tout a été normal jusqu'à ce
6 jour du 16 avril.
7 Le 16 avril au matin, nous avons été réveillés par des coups de
8 feu, moi-même et les autres habitants de la maison. Nous ne savions pas ce
9 qui se passait. Nous nous sommes réveillés, nous nous sommes levés et nous
10 avons entendu des coups de feu. Nous ne savions pas du tout ce qui se
11 passait.
12 Dans la maison, il y avait moi, mon père, ma mère, notre tante
13 invalide, ma soeur et mes deux tantes.
14 Nous avons vu que, déjà, certaines maisons musulmanes
15 commençaient à brûler aux
16 alentours. Nous sommes sortis de la maison. Nous nous sommes dirigés vers
17 Sutra - nous, c'est-à-dire le groupe de personnes mentionnées tout à
18 l'heure, à savoir ma famille.
19 En y allant, nous avons rencontré d'autres femmes et d'autres
20 jeunes filles. Nous sommes arrivés jusqu'aux bâtiments de Sutra. Là, des
21 maisons commençaient déjà à brûler. J'ai remarqué certains soldats en
22 uniformes de camouflage. Ils couraient entre les maisons.
23 Il y avait une femme que je ne connaissais pas. Elle était
24 devant notre groupe. Elle voulait sortir du groupe. J'ai entendu un coup
25 de feu et je l'ai vu tomber. Elle a été touchée au front. Ensuite, j'ai
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1 entendu un autre coup de feu. Là, j'ai vu une jeune fille blessée. J'ai
2 essayé de l'aider, mais ce n'était pas possible.
3 Mon père m'a dit : "Mon fils, je suis blessé, prends la tante
4 qui est invalide". Je me suis d'abord rapproché de cette jeune fille, mais
5 j'ai vu que je ne pouvais pas l'aider. Alors, je me suis approché de ma
6 tante et je l'ai portée. Nous sommes rentrés en empruntant le même
7 chemin. Nous sommes rentrés à la maison où nous avons vécu.
8 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je vous interrompre un
9 instant, témoin K ? Combien de femmes ont été abattues aux alentours de
10 Sutra ?
11 Témoin K (interprétation). - J'ai vu une femme et une jeune
12 fille blessées et qui sont probablement mortes par la suite.
13 M. Kehoe (interprétation). - Deux femmes ont donc été abattues ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui.
15 M. Kehoe (interprétation). - L'une de ces femmes a-t-elle reçu
16 une balle dans la tête ?
17 Témoin K (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - A l'intention des Juges, Sutra est
19 un magasin qui se trouve non loin de Gornji-Ahmici ? Est-ce bien cela ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui.
21 M. Kehoe (interprétation). - Une femme a donc reçu une balle
22 dans la tête, une autre a été blessée et votre père a été blessé.
23 Témoin K (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit aussi avoir vu des
25 soldats aux environs du magasin Sutra et que des maisons étaient en feu ?
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1 Témoin K (interprétation). - Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). - Ces maisons vous semblaient-elles
3 des maisons musulmanes ?
4 Témoin K (interprétation). - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez-vous vu ? Ces soldats,
6 comment étaient-ils vêtus ? Avaient-ils des rubans à l'épaule ?
7 Témoin K (interprétation). - Ils avaient des uniformes de
8 camouflage et un brassard blanc, mais je ne sais pas exactement sur quelle
9 épaule.
10 M. Kehoe (interprétation). - La femme, dont vous avez dit
11 qu'elle avait reçu une balle dans la tête, est morte, mais savez-vous ce
12 qui est arrivé à l'autre femme, celle qui a été blessée ?
13 Témoin K (interprétation). - J'ai appris plus tard qu'elle aussi
14 était morte.
15 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit être retourné dans
16 votre maison. Alors, veuillez poursuivre votre récit à l'intention des
17 Juges.
18 Témoin K (interprétation). - D'accord. Nous sommes donc rentrés
19 à la maison. J'ai pansé la plaie de mon père qui était blessé. Nous ne
20 savions pas où aller parce que tout, autour, était en feu.
21 A ce moment-là, une femme est venue avec ses deux enfants. Elle
22 a pris le chemin de sa maison en allant vers notre maison. Nous l'avons
23 invitée chez nous parce que nous la connaissions. Elle est entrée dans
24 notre maison et, à ce moment-là, elle a dit que l’on venait de
25 tuer son mari et son fils.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Cette femme, son mari et son fils
2 étaient-ils des Musulmans ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui.
4 M. Kehoe (interprétation). - Vous-même et les membres de votre
5 famille êtes aussi des Musulmans ?
6 Témoin K (interprétation). - Oui.
7 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez poursuivre votre récit.
8 Témoin K (interprétation). - Nous étions dans la maison. Elle
9 nous a dit cela et mon père, mon oncle et moi-même avons décidé de nous
10 cacher quelque part.
11 Nous sommes entrés dans le premier garage. A l'intérieur, il y
12 avait une sorte de fossé. C’était un fossé utilisé pour stocker des
13 affaires. Nous nous sommes mis dans ce fossé. Là, nous avons trouvé un
14 seau où l'on mettait des pommes de terre. Mon père s'est assis sur le
15 seau. Moi, j'étais accroupi à côté de lui et l'oncle était sur les
16 escaliers partant vers ce fossé. Au-dessus, il y avait un couvercle en
17 bois caché par un morceau de carton.
18 Il y avait là une petite fenêtre par laquelle on pouvait voir
19 l'extérieur. Nous sommes restés là, dans ce fossé, pendant 20 à
20 30 minutes. C'est alors que nous avons entendu des voix disant : "Vous
21 êtes encerclés". Ensuite, nous avons entendu le son d'une rafale. Après
22 cela, nous avons entendu plusieurs coups de feu dans la maison. Nous
23 n'avons rien vu, mais c'est ce que nous avons entendu.
24 Ensuite, j'ai vu par cette petite fenêtre ma mère que l'on a
25 emmenée. Je n'ai pas vu les autres. Les soldats sont restés là. J'ai pu
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1 voir qu'ils portaient des uniformes de camouflage. Ensuite, ils sont
2 sortis. Ils ont pris des affaires dans la maison comme la télévision, le
3 magnétoscope, la chaîne musicale.
4 Puis, nous avons entendu des voix. Nous avons entendu que
5 quelqu'un marchait
6 autour de la maison et nous avons pu constater que la maison était mise à
7 feu. Nous avons entendu une voix disant : "Allons-nous tout brûler ?" Une
8 autre voix disait : "Non, laisse cela pour plus tard". Là, il parlait des
9 garages.
10 Ils ont mis la maison à feu et ils se sont éloignés mais je ne
11 sais pas exactement dans quelle direction. Mon père, mon oncle et moi-même
12 sommes restés dans ce fossé ce jour-là jusqu'au 17, jusqu'à 9 heures du
13 matin. Encore une fois, quatre soldats sont venus.
14 M. Kehoe (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre
15 avant de passer au récit du 17. Je pense, monsieur le Président, que vous
16 voulez une pause. Je pense qu’il serait préférable de ne pas fragmenter le
17 récit du 17. Mais si vous le souhaitez, nous pouvons reprendre le récit.
18 M. le Président. - Nous allons faire une pause. Nous reprendrons
19 effectivement à 16 heures 10.
20 L'audience, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 15.
21
22 M. le Président. - Maître Kehoe, c'est à vous.
23 M. Kehoe (interprétation). - Merci monsieur le Président.
24 Témoin K, je ne vous ai pas encore posé la question de votre
25 âge, lorsque ces événements ont eu lieu à Ahmici, le 16 avril 1993.
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1 Témoin K (interprétation). - Je n'avais pas tout à fait 19 ans,
2 j'étais mineur.
3 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, avec la
4 permission du Tribunal, je demande de produire à nouveau la pièce à
5 conviction 138. Ce n'est pas utile de mettre cette pièce sur le
6 rétroprojecteur. Il s'agit d'un extrait de la pièce à conviction 50. Je
7 demanderai au témoin d'identifier certains endroits dont nous allons
8 discuter tout à l'heure.
9 Puis-je continuer, monsieur le Président ?
10 M. le Président. - Allez-y.
11 M. Kehoe (interprétation). - Témoin K, les marques et les
12 chiffres que vous voyez ici, nous en avons parlé, n'est-ce pas ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - La maison marquée par le chiffre 1
15 est celle où vous avez vécu à Ahmici, n'est-ce pas ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui.
17 M. Kehoe (interprétation). - Et la ligne interrompue n° 2 est à
18 peu près le chemin que vous avez pris jusqu'à Sutra, le matin du 16 avril,
19 n'est-ce pas ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui.
21 M. Kehoe (interprétation). - Et le chiffre n° 3, c'est Sutra,
22 sur le chemin vers Gornji Ahmici ?
23 Témoin K (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - Et les maisons qui ont brûlé, quand
25 vous y êtes allé, c'était à gauche par rapport à Sutra ?
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1 Témoin K (interprétation). - Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que vous y étiez avec
3 un groupe de Musulmans. C'était dans la zone du cercle marquée n° 4 ?
4 C'est cela ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation). - Les deux femmes qui ont été
7 abattues dans cette zone étaient musulmanes, elles aussi ?
8 Témoin K (interprétation). - Oui.
9 M. Kehoe (interprétation). - Ensuite, vous avez dit que vous
10 avez pris le même chemin de la zone n° 4 et que vous avez pris la ligne
11 pointillée n° 5 jusqu'à la maison n° 1. C'est
12 cela ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Ensuite, vous avez dit que vous y
15 êtes allé et que vous vous êtes cachée dans le garage avec votre père et
16 votre oncle. Ce garage est le n° 6 ?
17 Témoin K (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - Et la maison que les soldats ont
19 mis à feu le 16 est celle où vous avez vécu, le n° 1 ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui.
21 M. Kehoe (interprétation). - Avant la pause, il y a eu une
22 vingtaine de minutes, vous vous prépariez à parler des événements du
23 17 avril 1993. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé le 17 avril,
24 c'est-à-dire le jour suivant ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui. Le 17, aux alentours de
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1 9 heures, nous nous trouvions dans ce fossé. Nous avons vu des soldats.
2 J'ai vu des soldats qui portaient un uniforme de camouflage et qui
3 s'approchaient de ces garages.
4 J'en ai vu quatre, pas plus. Je ne sais pas s'il y en avait
5 plus. Ils sont entrés dans ces garages. Il y avait trois garages, trois
6 espaces. Dans le premier garage où nous nous trouvions, il y avait un peu
7 de matériel, et dans le second des objets utilisés pour la ferme, pour le
8 poulailler. Nous avons entendu les voix de ces soldats qui disaient :
9 "Est-ce que nous mettons le feu à tout ?" Un autre a répondu : "Mets le
10 feu, toi, puisque c'était ton ami". Après cela, nous avons entendu des
11 voix disant : "Avez-vous trouvé quelque chose ?"
12 Nous étions dans cette espèce de tranchée, dans le garage, et
13 nous nous sommes rendu compte que quelqu'un marchait dans le garage. Peu
14 après, nous avons senti l'odeur de l'essence que quelqu'un versait sur le
15 sol de ces garages, et notamment de celui où nous nous trouvions.
16 Nous avons ensuite entendu des coups de feu. Un homme a dit : "Y
17 a-t-il des
18 poules ?" Les garages étaient déjà en feu, ils commençaient à brûler. Moi-
19 même, mon père et mon oncle, nous étions toujours dans cette espèce de
20 tranchée.
21 Nous avons entendu des coups de feu. Nous ne pouvions plus
22 supporter de rester sur place car le garage commençait à brûler et nous
23 sommes donc sortis de cette espèce de tranchée dans le garage, alors que
24 les flammes commençaient à apparaître.
25 Des soldats étaient entre les maisons et étaient en train de
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1 tirer sur les poules qui s'étaient dispersées dans le pré. Ces soldats
2 nous tournaient le dos, si bien que mon père et mon oncle ont réussi à
3 courir en sortant du garage et à pénétrer dans la maison sans être
4 remarqués par les soldats.
5 A ce moment-là, j'ai commencé à courir, mais un soldat s'est
6 retourné. J'ai donc rebroussé chemin et je suis à nouveau entré dans le
7 garage. Je me suis rendu compte que quelque chose craquait dans mes
8 cheveux. J'ai appuyé la tête contre le mur du garage et j'ai commencé à
9 courir aussi pour rejoindre mon père et mon oncle qui, à cet instant,
10 étaient déjà entrés dans la salle de bain de la maison.
11 C'est là que nous sommes restés quelque temps. Nous avons encore
12 entendu quelques coups de feu et des voix. Quelqu'un disait : "Emporte une
13 poule ou deux". Une autre voix disait : "Allons-y". C'est ce qui s'est
14 passé. Ils ont pris ces poules et se sont éloignés.
15 M. Kehoe (interprétation). - Je vous interromps un moment,
16 témoin K. Vous avez dit avoir entendu un bruit bizarre autour de votre
17 tête dans le garage. Quel était ce bruit ?
18 Témoin K (interprétation). - Je me suis rendu compte que mes
19 cheveux avaient déjà commencé à brûler. C'était un craquement dû au feu
20 dans les cheveux. Je me suis donc adossé au mur et j'ai appuyé la tête
21 contre le mur pour éteindre les flammes. Après cela, j'ai commencé à
22 courir pour pénétrer dans la maison.
23 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit, quelques minutes
24 auparavant, que vous aviez entendu les soldats dire : "Faut-il que l'on
25 mette le feu au garage ?" et que l'un d'eux a
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1 dit : "Il faut que, toi, tu le fasses. C'était ton ami". Avez vous pu en
2 conclure, d'après ces propos, qui étaient ces soldats.
3 Témoin K (interprétation). - D'après ces propos, j'en ai tiré la
4 conclusion que ces soldats étaient de la région.
5 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que votre oncle,
6 votre père et vous, étiez entrés à la maison principale. C'est la maison
7 n° 1. Cette maison brûlait-elle encore ?
8 Témoin K (interprétation). - Elle a brûlé le 16.
9 M. Kehoe (interprétation). - Dans quel état était la maison
10 quand vous y êtes entré le 17 ?
11 Témoin K (interprétation). - Elle avait brûlé. On voyait des
12 signes d'incendie sur les murs.
13 M. Kehoe (interprétation). - Maintenant, continuez à dire au
14 Tribunal ce qui s'est passé, à partir du moment où vous êtes entré dans la
15 maison.
16 Témoin K (interprétation). - Nous sommes passés de la salle de
17 bain, dans une autre partie de la maison, une espèce de palier sur
18 l'escalier. Le 17, nous nous sommes placés dans cet endroit qui était un
19 peu en retrait de la cage d'escalier, moi-même, mon père et mon oncle. On
20 l'utilisait pour stocker des objets.
21 Nous y avons passé les 17, 18, 19, 20 avril. Le 20, nous avons
22 trouvé une bouteille de vinaigre dans cette espèce de remise, de garde-
23 manger et un peu de sucre. C'est avec ce vinaigre et ce sucre que nous
24 nous sommes nourris tout ce temps.
25 Le 21, nous avons entendu un bruit bizarre. Nous avons vu des
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1 blindés, transportant des troupes des Nations unies qui arrivaient en
2 provenance de la rue principale, en provenance de la mosquée d'Ahmici. Des
3 soldats des Nations unies sortaient de ces transports de troupes. A ce
4 moment-là, alors que nous les regardions, nous avons vu trois hommes
5 s'approchant de la maison où nous nous trouvions. Ils portaient un
6 uniforme bleu et un masque à gaz sur le visage.
7 nous étions dans la maison. L'un de ces hommes est entré dans la cuisine
8 et l'autre est monté à l'étage. Le troisième est resté sur place. Nous
9 nous sommes enfoncés un peu plus profondément sous l'escalier. Ils ont
10 traversé la maison et ils sont ressortis. Après cela, nous pensions avoir
11 vu des soldats de la FORPRONU. Nous nous sommes donc apprêtés à sortir.
12 Mon père marchait le premier, suivi de mon oncle, et j'arrivais en
13 dernier.
14 Mon père a dit : "N'ayez pas peur, nous ne vous ferons pas de
15 mal." Alors l'un de ces hommes en uniforme bleu a sursauté et a dit :
16 "Mais qui sont ces gens-là ? Bon Dieu ! nous cherchons des morts et nous
17 trouvons des vivants". L'homme debout à côté de lui, le deuxième de ces
18 trois hommes, a agité la main. De la maison, j'ai vu que deux soldats
19 couraient. L'un portait un uniforme de camouflage et l'autre un uniforme
20 noir.
21 A ce moment-là, des insultes ont immédiatement fusé "Encule ta
22 mère, Balija. Crève-les". Mais cet homme; qui avait dit : "Bon dieu, qui
23 sont ces gens-là ?" a donné l'ordre que nous soyons emmenés au
24 commandement. Nous avons donc commencé à marcher. Nous avons été forcés de
25 nous mettre les mains sur la nuque et de garder le regard baissé et nous
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1 nous sommes dirigés vers la route.
2 M. Kehoe (interprétation). - Je vais vous interrompre un
3 instant. Avez-vous vu des insignes sur les uniformes de ceux portant des
4 uniformes de camouflage ou de ceux portant des uniformes noirs ?
5 Témoin K (interprétation). - J'ai vu simplement l'insigne des
6 Jokeri sur l'épaule de celui qui avait l'uniforme noir, mais je ne sais
7 pas sur quelle épaule.
8 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment-là, avez-vous conclu
9 que ces soldats et les hommes en uniforme bleu portant des masques à gaz
10 n'étaient pas de la FORPRONU ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui, nous en avons conclu que ces
12 hommes n'étaient pas de la FORPRONU.
13 M. Kehoe (interprétation). - Quand ils vous ont fait sortir en
14 disant de mettre vos
15 mains sur la nuque, avez-vous vu des cadavres ?
16 Témoin K (interprétation). - J'ai vu un corps à côté de la porte
17 d'entrée de la maison. C'était un corps calciné, noirci par les flammes.
18 Ce corps, en dessous du genou, portait des chaussures identiques à celles
19 que portait le voisin de la maison n° 7.
20 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit avoir reconnu les
21 chaussures et que le corps était calciné. Pensez-vous que le corps était
22 jeté là-bas ou qu'il avait brûlé sur place ?
23 Témoin K (interprétation). - Ce corps a été jeté à cet endroit
24 parce que l'on ne voyait pas d'herbe calcinée autour de ce corps et nous
25 n'avions pas entendu de cris ou de hurlements particuliers. Rien
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1 n'indiquait donc que ce corps avait brûlé sur place.
2 M. Kehoe (interprétation). - Avant, l'un des trois hommes vous
3 avait-il dit qu'il cherchait des cadavres ?
4 Témoin K (interprétation). - Quand il a dit : "Eh, bon Dieu,
5 nous cherchons des morts et voilà que nous trouvons des vivants !", c'est
6 bien ce qu'il a dit.
7 M. Kehoe (interprétation). - Une fois que vous êtes sorti de la
8 maison en mettant les mains sur la nuque, dites au Tribunal ce qui s'est
9 ensuite passé ?
10 Témoin K (interprétation). - J'ai vu ce cadavre. Après quoi, ils
11 nous ont emmenés dans la direction de Zume. Nous devions marcher les mains
12 en l'air. Nous avons reçu l'ordre de ne pas nous retourner et de ne pas
13 regarder sur les côtés. Si nous avions le malheur de regarder derrière
14 nous, ils nous promettaient de nous tirer dans la tête.
15 Nous avons donc avancé dans la direction de Zume en passant par
16 le stade. Nous sommes passés, en particulier, à côté d’une maison devant
17 laquelle se trouvaient une table et des bancs sur les côtés de cette
18 table. Là, se trouvaient cinq à six soldats. La majeure partie d’entre eux
19 portait un uniforme de camouflage et d'autres un uniforme noir. Je n'ai
20 pas remarqué d'insignes particuliers.
21 Des insultes et des injures ont immédiatement fusé : "Putain de
22 ta mère d’Ahmici ;
23 Balija ; Crève-les". L'un d’entre eux nous a donné l'ordre de nous asseoir
24 sur les bancs qui entouraient la table. Mon oncle et mon père se sont
25 assis d'un côté et moi de l'autre côté. Un des hommes, assis en face de
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1 nous, un Croate sans doute, un homme d'un certain âge, a dit : "Tue ce
2 petit ! Tue ce petit !"
3 A ce moment-là, un soldat s'est approché. Il avait un pantalon
4 noir et un tee-shirt noir à manches longues ; il s'est approché de moi. Il
5 a dit : "Tu entends l'autre". Et l'autre disait toujours : "Tue-le, tue-
6 le !". Je n'ai pas bougé, je suis resté assis. Il s'est approché de moi,
7 il a relevé ses manches jusqu’aux coudes et a dit : "Nous verrons qui va
8 pleurer maintenant". J'ai remarqué que ce soldat n'avait sur lui que deux
9 couteaux. Il s'est approché de moi, il m'a saisi par l'épaule.
10 Cet homme plus âgé, qui se trouvait à côté, n'arrêtait pas de
11 répéter : "Tue ce petit, tue ce petit", et moi j'étais assis là. Ce
12 soldat, qui portait deux couteaux, a mis la main sur mon épaule et a
13 répété : "Nous allons voir maintenant qui va pleurer", il m'a pris par les
14 cheveux et m’a tiré la tête en arrière. Il a remarqué que mes cheveux
15 avaient commencé à brûler et il a dit : "Tu vois, tu t’en es sorti, mais
16 tu ne te sauvera pas". A ce moment-là, une femme l’a regardé quelques
17 instants avant de pénétrer dans la maison devant laquelle nous nous
18 trouvions.
19 Quelques instants plus tard, un jeune homme de 30 à 35 ans est
20 sorti de cette maison. C'était un homme de grande taille. Il avait une
21 petite barbe. Il a demandé à mon père s'il avait une soeur handicapée
22 moteur. Mon père a répondu que oui. Il a alors dit : "Retirez-vous,
23 écartez-vous de ces gens-là", et c'est ce qui s'est passé. Le soldat, qui
24 portait deux couteaux, a fait quelques pas en arrière, s'est retourné et
25 m'a dit qu’il allait revenir me chercher plus tard pour me tuer. Quelques
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1 instants plus tard, mon père a demandé à cet homme, celui qui avait
2 ordonné aux autres de s'écarter de nous, ce qui allait nous arriver.
3 Nous étions là, assis, jusqu'au moment où un camion est arrivé.
4 C'était un camion blanc, un camion-frigo. Nous étions là. Des soldats sont
5 arrivés et ils ont ouvert ce camion
6 frigo. Ils nous ont donné l'ordre d’y pénétrer. Nous avons pénétré dans ce
7 camion de réfrigération. Le camion a démarré. Nous ne savions pas où nous
8 allions. Après 20 à 30 minutes, nous nous sommes rendus compte que le
9 camion s'arrêtait.
10 M. Kehoe (interprétation). - Je vais vous interrompre un
11 instant, Témoin K. Vous avez dit que l’on vous avait mis dans un camion de
12 réfrigération. Vous y étiez avec votre père et votre oncle ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Des soldats avaient-ils été placés
15 dans ce camion ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui, il y avait deux soldats.
17 M. Kehoe (interprétation). - Quel type de soldats ?
18 Témoin K (interprétation). - Deux soldats portant les insignes
19 habituels du HVO et des uniformes de camouflage.
20 M. Kehoe (interprétation). - Où, finalement, au bout de
21 30 minutes, ce camion-frigo s'est-il arrêté ?
22 Avant cela, l'endroit où vous m'avez dit que votre père avait
23 été interrogé et où l’on vous a menacé, était-il l'endroit indiqué par le
24 n° 8 sur le plan ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Continuons avec l’événement que
2 vous racontiez. Après 20 à 30 minutes, où s'est arrêté le camion ? Où vous
3 ont-ils fait sortir ?
4 Témoin K (interprétation). - Quand le camion réfrigéré s'est
5 arrêté, la porte s'est ouverte et on nous a fait sortir. Là, nous nous
6 sommes rendus compte que nous étions à l'école de Dubravica le bas. Nous
7 nous trouvions donc devant l’école de Dubravica le bas. Devant nous, se
8 tenait un groupe de cinq à six soldats qui injuriaient les mères :
9 "Balija".
10 Ils nous ont fait rentrer dans l’école. A cet instant, un soldat
11 en uniforme de camouflage est sorti et a dit : "Amenez donc ces gens-là
12 ici". On nous a fait pénétrer dans une
13 pièce de l'école où trois tables avaient été réunies. Derrière ces trois
14 tables, il y avait trois chaises éloignées l'une de l'autre d'un mètre à
15 un mètre et demi. Nous avons alors reçu l'ordre de nous asseoir sur ces
16 chaises, derrière ces tables. C'est ce que nous avons fait. Nous nous
17 sommes dirigés vers ces tables.
18 Un soldat était assis dans un coin. Il avait les pieds sur une
19 table et le fusil dirigé dans notre direction. A ce moment-là, un homme
20 aux cheveux bruns portant une moustache d’environ 30 à 35 ans est entré
21 dans la salle où nous nous trouvions. L'interrogatoire a donc commencé :
22 "Qui étions-nous ? Que faisions-nous ? D'où venions-nous ? Où étions-
23 nous ? Qu’avions-nous fait ? Comment nous appelions-nous ?".
24 Après cet interrogatoire, cet homme s'est présenté à nous. Il a
25 dit : "Je m'appelle Marinko, je suis le commandant de ce camp". J'avais
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1 l'impression d'avoir déjà rencontré cet homme, de l'avoir déjà vu
2 auparavant. A la fin de cet interrogatoire, il nous a donné l'ordre, à
3 nous trois, moi-même, mon père et mon oncle, de nous rendre dans une salle
4 de sport. Nous avons été emmenés dans cette salle de sport. Ils s'y
5 trouvaient des hommes, des femmes, des enfants. C'était le gymnase de
6 l'école. Il y avait là des hommes, des femmes et des enfants.
7 Nous sommes restés là. Nous recevions un petit peu de
8 nourriture, toutes les 24 heures. Le 24, la FORPRONU est arrivée. Mais,
9 avant cela, en soirée, des hommes avaient été emmenés pour creuser des
10 tranchées. On ne m'a pas emmené parce que je n’étais pas apte, mais mon
11 oncle y est allé.
12 Le 24, la FORPRONU est arrivée et nous avons été enregistrés.
13 Nous avons reçu une carte. Ce jour-là, la FORPRONU a emmené mon père parce
14 qu'il était blessé. Elle l'a emmené je ne savais pas où. C'est là que nous
15 nous sommes séparés. Mon oncle et moi-même sommes restés dans le camp.
16 Le 25 ou le 26 -je ne sais pas exactement quel jour- une jeune
17 fille de 20 ans que je ne connaissais pas jusque-là -moi j'étais couché
18 sur le sol- s'est approchée de moi. Elle s'est
19 assise et elle s'est mise à pleurer. Je lui ai demandé : "Pourquoi
20 pleurez-vous ?" Et elle s'est mise à pleurer encore plus. Je lui ai dit :
21 "Mais pourquoi pleurez-vous ?" Elle a répondu : "Hier, ils m'ont emmenée".
22 Je lui ai demandé : "Qui vous a emmenée ?" Elle a répondu : "Des soldats
23 m'ont emmenée". Je lui ai demandé : "Mais que s'est-il passé ?" Elle a
24 répondu : "On m'a violée". Je lui ai dit : "Combien étaient-ils ?" Elle
25 m'a répondu : "Je ne sais pas, j'étais inconsciente".
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1 Nous sommes donc restés là. Les jours ont passé. Nous sommes
2 restés dans ce gymnase, enfermés jusqu'au 1er mai. Le 1er mai, la FORPRONU
3 est venue une nouvelle fois pour nous informer que nous allions être
4 échangés. La FORPRONU nous a demandé qui d'entre nous voulait aller à
5 Zenica, qui d'entre nous voulait aller à Travnik.
6 Mon oncle et moi-même avons opté pour Travnik. Et le 1er mai,
7 aux alentours de 3 ou 4 heures, la FORPRONU est arrivée avec un camion.
8 Les gens qui étaient enfermés là avec moi avaient déjà été emmenés à
9 Zenica, mais mon oncle et moi-même, ainsi que les 22 autres qui voulaient
10 aller à Travnik, avons donc été emmenés à Travnik à ce moment-là.
11 M. le Président. - Merci, témoin K. Si vous n'avez pas d'autres
12 précisions à apporter, vous allez répondre maintenant à un certain nombre
13 de questions complémentaires ou de précisions demandées par le Procureur.
14 Maître Kehoe ?
15 M. Kehoe (interprétation). - Merci, monsieur le Président.
16 Quand vous êtes arrivé à l'école de Dobravica, les soldats
17 portaient-ils des uniformes de camouflage ?
18 Témoin K (interprétation). - Oui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu des insignes sur ces
20 uniformes ?
21 Témoin K (interprétation). - Non, je n'ai vu aucun insigne, mais
22 on disait que c'étaient les Vitezovi.
23 M. Kehoe (interprétation). - Votre oncle a été emmené pour
24 creuser des tranchées.
25 Savez-vous où on l'a emmené pour creuser ces tranchées ?
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1 Témoin K (interprétation). - Il m'a dit qu'il était allé à
2 Sivrino Selo, à Dubravica et dans les environs. Voilà où on l'a emmené
3 pour creuser ces tranchées.
4 M. Kehoe (interprétation). - Et vous ? Vous étiez dans cette
5 salle de sport lorsque les personnes sont arrivées pour emmener ces gens
6 creuser ces tranchées ?
7 Témoin K (interprétation). - Oui.
8 M. Kehoe (interprétation). - Cela se passait pratiquement chaque
9 nuit, pendant la durée de votre séjour là-bas ?
10 Témoin K (interprétation). - En effet.
11 M. Kehoe (interprétation). - Un éclaircissement sur quelque
12 chose que vous avez dit au début de votre déclaration. Vous avez dit qu'en
13 mars, vous aviez déménagé à Ahmici. Vous arriviez de Nadioci ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui.
15 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déménagé du fait que vous
16 aviez été victimes de certaines formes de harcèlement de la part de
17 certains soldats du HVO ?
18 Témoin K (interprétation). - Oui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous nous donner les noms de
20 ces soldats ?
21 Témoin K (interprétation). - A Nadioci, je crois qu'il y avait
22 Cisko et Rudko. Ce sont eux qui nous harcelaient. En fait, ce sont leurs
23 surnoms.
24 M. Kehoe (interprétation). - Par la suite, avez-vous appris quel
25 était le nom de Cisko ?
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1 Témoin K (interprétation). - Le nom de Cisko, c'est Miroslav, je
2 ne connais pas son nom de famille, mais Miroslav est son prénom.
3 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie, témoin K
4 Monsieur le Président, messieurs les juges, j'aimerais
5 simplement demander le
6 versement au dossier de la pièce 138. Je n'ai plus de questions à poser au
7 témoin.
8 M. le Président. - S'il n'y a pas d'objections, je me tourne
9 vers la défense du général Blaskic. Il convient qu'elle pose des
10 questions. Maître Nobilo, allez-y.
11 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
12 poser une ou deux questions relatives à la maison où vivaient ces
13 personnes. Peut-être serait-ce une bonne chose que le public n'entende pas
14 ce que nous disons à ce propos.
15 M. le Président. - Pour la durée de ces questions, monsieur
16 l'huissier, pouvez-vous mettre en huis clos partiel, s'il vous plaît ?
17
18
19
20
21
22
23
24
25
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1 (L'audience se poursuit à huis clos)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
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18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25
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1
2 (L'audience reprend en public).
3 M. le Président. - Nous sommes à nouveau en session publique.
4 Maître Nobilo, vous pouvez poursuivre.
5 M. Nobilo (interprétation). - Merci, monsieur le Président.
6 Témoin K, vous nous avez fait part des problèmes que vous aviez rencontrés
7 à Nadioci. Avant que nous ne poursuivions sur ce point, pouvez-vous nous
8 dire qui était Cisko ? Pourquoi était-il connu ? Que pouvez-vous nous dire
9 à son propos ?
10 Témoin K (interprétation). - Je ne connais pas très bien Cisko,
11 mais je sais que son prénom est Miroslav. Je sais aussi qu'il m'a provoqué
12 un certain nombre de fois auparavant.
13 M. Nobilo (interprétation). - Est-il bien connu pour le fait
14 qu'il a tué un Musulman, pour le fait qu'il a fait sauter le lit de ce
15 Musulman avec des explosifs ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui.
17 M. Nobilo (interprétation). - A-t-il fait sauter toute la
18 maison ?
19 Témoin K (interprétation). - Je ne suis pas allé à la maison. Je
20 n'ai rien vu. J'ai simplement entendu. C'est mon père qui est allé aux
21 funérailles de cet homme et c'est lui qui a dit que la maison avait
22 explosé, elle aussi.
23 M. Nobilo (interprétation). - Etiez-vous présent lorsque la
24 police est arrivée de Vitez pour mener l'enquête ?
25 Témoin K (interprétation). - Non.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous entendu dire que la
2 police était venue ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui, en effet, je sais que la
4 police est venue, mais je n'étais pas présent moi-même.
5 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous entendu dire que Cisko
6 avait fini par aller en prison ?
7
8 Témoin K (interprétation). - Oui, il m'a semblé entendre quelque
9 chose à ce propos. Mais trois ou quatre jours plus tard, j'ai vu Cisko.
10 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, que vous a fait Cisko ?
11 Dites-le nous brièvement, en trois ou quatre phrases.
12 Témoin K (interprétation). - Il m'a tenu en joue avec un fusil
13 et il a dit qu'il allait me tuer.
14 M. Nobilo (interprétation). - Où cela se passait-il ?
15 Témoin K (interprétation). - A Nadioci.
16 M. Nobilo (interprétation). - Dans la maison où vous habitiez ?
17 Témoin K (interprétation). - Non, dans une autre maison où je me
18 trouvais.
19 M. Nobilo (interprétation). - Qu'essayaient-ils de trouver ? Que
20 faisaient-il dans cette maison ?
21 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas très bien. Je crois
22 qu'ils cherchaient des armes. Ils sont entrés dans la maison très
23 violemment. Ils fouillaient en fait la maison. Et lui, il portait un
24 fusil, une carabine. Il m'a mis en joue avec cette arme et il a dit qu'il
25 allait me tuer.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Cherchaient-ils de l'argent ou des
2 biens de valeur ?
3 Témoin K (interprétation). - Non.
4 M. Nobilo (interprétation). - Ces deux hommes étaient-ils ivres,
5 en cette occasion ?
6 Témoin K (interprétation). - Cisko ? Non, mais en ce qui
7 concerne Rudko, on pouvait sentir l'odeur d'alcool à son haleine.
8 M. Nobilo (interprétation). - Par la suite, avez-vous à nouveau
9 rencontré Cisko ? Lui avez-vous parlé ?
10 Témoin K (interprétation). - Oui, je l'ai vu chez moi. En fait,
11 il est venu présenter ses excuses cette même nuit, lorsque cet incident
12 s'es produit.
13 M. Nobilo (interprétation). – (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 Témoin K (interprétation). - (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous vous êtes rendus à
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1 cet endroit appelé Sutra, dont vous nous avez parlé précédemment, où vous
2 vous êtes rendu avec ces femmes, êtes-vous arrivé à cette espèce de ravin
3 profond ou l'avez-vous traversé ?
4 Témoin K (interprétation). - Non, je ne l'ai pas traversé.
5 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il des buissons, des arbres,
6 une forêt qui se trouvent à proximité de ce ravin ou de ce fossé profond ?
7 Témoin K (interprétation). - Oui, quelques-uns.
8 M. Nobilo (interprétation). - Alors que vous marchiez, de quel
9 côté provenaient les tirs ?
10 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas exactement de quelle
11 direction ils provenaient, parce que cela venait un peu de tous les côtés.
12 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez pas vu qui étaient les
13 personnes qui tiraient ?
14 Témoin K (interprétation). - Non, je ne pouvais pas le
15 distinguer très nettement. J'avais vu quelques soldats qui couraient d'une
16 maison à l'autre, mais je n'ai pas vu qui tirait.
17 M. Nobilo (interprétation). - A ce moment, y avait-il beaucoup
18 de tirs d'infanterie à Ahmici et dans les environs ?
19 Témoin K (interprétation). - Non, pas à ce moment-là. Il n'y
20 avait pas beaucoup de
21
22 tirs. On entendait quelques coups de feu, mais ce n'était pas si nourri
23 que cela. On entendait des tirs provenant de Sutra. Mais je ne sais pas si
24 les personnes qui ont été touchées, l'ont été par les tirs qui provenaient
25 de ce secteur-là.
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1 M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'elles ont été touchées, ces
2 personnes se tenaient dans quelle direction ? Dans celle dans laquelle
3 vous vous dirigiez ?
4 Témoin K (interprétation). - Cela dépendait de la position de
5 ces personnes. Elles ont été touchées de face et pas de dos. Mon père a
6 été touché sur le côté.
7 M. Nobilo (interprétation). - Etait-ce des tirs isolés ou au
8 contraire des rafales ?
9 Témoin K (interprétation). - Plutôt des rafales.
10 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons donc compris que vous
11 n'avez pas vu qui était responsable de ces coups de feu. Dites-moi,
12 lorsque vous avez été arrêté et lorsque ce vieil homme ne cessait de
13 dire : "Tuez-le, tuez-le" a-t-il dit autre chose ? A-t-il ajouté quelque
14 chose ? A-t-il dit -et je cite ce que vous avez dit dans votre déclaration
15 précédente, à la page 7- : "Tuez-le, là devant la maison. C'est lui qui
16 est responsable de la mort de trois de nos hommes". Enfin, vous avez dit
17 quelque chose d'approchant.
18 Témoin K (interprétation). - Oui. C'est vrai. Il n'arrêtait pas
19 de dire : "Tuez-le ce jeunot, c'est lui qui est responsable de la mort de
20 trois hommes..." de leurs hommes, en fait, leurs soldats.
21 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous décrire l'homme qui
22 en fait vous a pratiquement sauvé la vie, lorsqu'il est intervenu,
23 lorsqu'il a dit qu'il fallait vous laisser tranquille ? Pouvez-vous le
24 décrire précisément ?
25 Témoin K (interprétation). - Il était blond et mesurait à peu
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1 près 1,80 m. Il portait une barbe relativement courte. Il portait un
2 uniforme.
3 M. Nobilo (interprétation). - Avait-il une tête de commandant à
4 votre avis ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui, il avait l'air d'un
6 commandant, parce que d'autres
7
8 personnes lui demandaient ce qu'il fallait faire. En fait, c'est lui qui a
9 dit qu'il fallait nous laisser tranquille.
10 M. Nobilo (interprétation). - L'aviez-vous vu auparavant ?
11 Témoin K (interprétation). - Je le voyais quand je passais près
12 de la maison de Pican. Il se tenait devant cette maison de temps en temps.
13 Je ne connais pas son nom.
14 M. Nobilo (interprétation). - Nous pouvons donc en conclure que
15 c'était presque un voisin, qui vivait à proximité.
16 Témoin K (interprétation). - Oui, je l'ai vu là, de temps en
17 temps.
18 M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'on vous a placé dans ce
19 camion réfrigérant, le système de réfrigération fonctionnait-il ou pas ?
20 Témoin K (interprétation). - Non, il ne fonctionnait pas.
21 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à
22 Dubravica, a-t-on parlé d'une unité croate-musulmane ? Quelqu'un en a-t-il
23 parlé ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui.
25 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer de quoi
Page 4199
1 il s'agissait en quelques mots ?
2 Témoin K (interprétation). - Il a été question de la chose
3 suivante : il y a eu un interrogatoire par Marenko, pour savoir qui avait
4 fait quoi et quand. Je portais des bottes.
5 Skrobo Nihad m'avait fait présent de ses bottes et Marenko m'a
6 demandé comment je les avais obtenues. Tout le monde pouvait les obtenir.
7 J'ai répondu que c'était Nihad Skrobo qui me les avait données et il m'a
8 dit qu'il connaissait Nihad Skrobo et qu'il était en Croatie avec lui sur
9 la ligne de front.
10 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, votre père était-il
11 membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine à ce moment-là ?
12 Témoin K (interprétation). - A ce moment-là, oui, mais c'était
13 la Défense
14
15 territoriale.
16 M. Nobilo (interprétation). - A quelle unité appartenait-il ?
17 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Je sais
18 qu'on appelait cela la Défense territoriale, mais je ne sais pas de quelle
19 unité il s'agissait.
20 M. Nobilo (interprétation). - La Défense territoriale à Ahmici
21 ou une autre Défense territoriale ?
22 Témoin K (interprétation). - Non, mon père allait à Turbe. Il
23 allait se défendre contre les Chetniks. Sept jours avant que tous ces
24 incidents ne se produisent, il se trouvait avec les Croates, sur la ligne
25 de front, combattant contre les Chetniks.
Page 4200
1 M. Nobilo (interprétation). - Où habitez-vous exactement
2 maintenant ? Vous n'avez pas précisé les choses. Que faites-vous en ce
3 moment ?
4 M. Kehoe (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.
5 Il ne faut pas demander ce qu'il est en train de faire, alors que nous
6 sommes en audience publique.
7 M. Nobilo (interprétation). - Je demande une réponse très
8 générale. Il n'a pas besoin de préciser les choses et de donner des
9 détails. Que fait-il généralement ?
10 M. le Président. - Il faut faire attention à la question que
11 vous posez. Cela étant, le témoin a répondu. Il faut faire attention,
12 c'est vrai.
13 Maître Kehoe, vous voulez rajouter quelque chose ? Nous nous
14 arrangerons pour le transcript. Nous pouvons tous commettre des erreurs.
15 Nous ferons attention. Il faut également que le témoin fasse attention.
16 Témoin K, c'est dans votre intérêt, nous prenons des mesures de protection
17 et si vous sentez que dans une réponse vous dites quelque chose... Je
18 résume. Mon collègue me fait observer un certain nombre de choses tout à
19 fait réelles.
20 La protection des témoins est de la responsabilité de tout le
21 monde, des juges, de l'accusation, de la défense et de vous-même aussi
22 Témoin K. Si une question vous met un peu en difficulté, il faut que vous
23 disiez : "Non, je ne veux pas répondre à cela, cela m'identifierait
24
25 trop, car l’audience est publique". Vous êtes protégé, mais l’audience est
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1 quand même publique, comme le font observer très justement mes collègues.
2 Cela étant, il faudra le vérifier dans le compte rendu de
3 l'audience qui est ensuite publié. Monsieur le Greffier, vous veillerez à
4 ce que cela soit effacé.
5 Soyez très simple, Témoin K. Si vous avez le sentiment qu'une
6 question vous embarrasse, par rapport à la publicité et à votre
7 protection, n’hésitez pas. Merci, Maître Kehoe, Maître Nobilo, de faire
8 cet effort. Continuez.
9 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin
10 n'a rien répondu du tout. J'ai simplement posé une question générale sur
11 ce qu’il faisait en ce moment. Puis une objection a été élevée. Nous
12 n’avons donc fait aucune erreur. Rien dans le compte rendu, me semble-t-
13 il, ne s'y trouve inscrit par erreur.
14 M. le Président. - Il faut féliciter Maître Kehoe de son
15 objection !
16 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
17 M. Kehoe (interprétation). - Mais si la question est de savoir
18 s’il va à l'école ou s'il travaille...
19 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous
20 n'avons eu aucun commentaire, aucune interprétation, de ce que vous avez
21 dit.
22 M. le Président. - C’est intéressant ! Mais cela ne fait rien !
23 L'incident est clos. Le témoin n'a pas répondu, il n'a donc rien à
24 craindre. Nous continuons.
25 M. Nobilo (interprétation). - Je n’ai plus de question à poser,
Page 4202
1 monsieur le Président. C'était ma dernière question, en fait.
2 M. le Président. - Nous sommes presque en avance. Quelqu'un
3 veut-il répliquer sur certains points ? Quelques précisions,
4 Maître Kehoe ? Allez-y.
5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, monsieur le Président,
6 quelques précisions seulement.
7 En réponse à une question du contre-interrogatoire posée par
8 maître Nobilo, vous avez déclaré que Cisko avait été arrêté pour avoir
9 fait exploser ce Musulman et sa maison, est-ce bien exact ?
10 Témoin K (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation). - Quatre jours plus tard, vous avez
12 vu Cisko dans les rues, n'est-ce pas ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Maître Nobilo a également lu une
15 partie de votre déclaration et a dit que le vieil homme avait dit que vous
16 étiez responsable de la mort de trois de leurs soldats. Vous rappelez-vous
17 les questions qui vous ont été posées à ce propos ?
18 Témoin K (interprétation). - Oui, je m'en souviens.
19 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce bien exact ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui, il a dit : "Tuez-le, ce
21 jeunot". Comme si c’était moi qui avais tué ces trois hommes !
22 M. Kehoe (interprétation). - Aviez-vous tué qui que ce soit ?
23 Témoin K (interprétation). - Non, bien sûr. Nous n'avions même
24 rien pour nous défendre. Nous n'avions rien pour tuer qui que ce soit.
25 M. Kehoe (interprétation). - Qu’a dit votre père à ce moment-là,
Page 4203
1 lorsqu'on vous a pratiquement accusé d'avoir tué ces trois soldats ?
2 Témoin K (interprétation). - Il s'est levé et il a dit : "Nous
3 n'avons tué personne. Nous n'avions rien qui nous aurait permis de tuer
4 qui que ce soit, nous n’avons tué personne".
5 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense vous a
6 posé des questions relatives aux unités croates et musulmanes. Vous en
7 rappelez-vous ?
8 Témoin K (interprétation). - Oui.
9 M. Kehoe (interprétation). - Votre père a parlé à Marenko de ces
10 unités, n'est-ce
11
12 pas ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui, en effet.
14 M. Kehoe (interprétation). - Ces unités résultaient du conflit
15 qui avait commencé en 1992, c’est-à-dire au tout début de la guerre ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui.
17 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque cela s'est passé, il n'y
18 avait pas d'unités croate et musulmane, n'est-ce pas
19 Témoin K (interprétation). - Non, en effet.
20 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai plus
21 de question à poser.
22 M. le Président. - Maître Kehoe, merci de votre concision. Je me
23 tourne maintenant vers mes collègues. Monsieur le Juge Riad, allez-y.
24 M. Riad (interprétation). - Je vais vous appeler Témoin K.
25 Bonjour, Témoin K. J’aimerais que vous apportiez un certain nombre
Page 4204
1 d'éclaircissements, si vous le pouvez.
2 Lorsque vous avez quitté Sutra, vous avez vu ceux que vous avez
3 appelé des soldats courir de maison en maison, aux alentours de Sutra.
4 Apparemment, ils incendiaient ces maisons, c'est bien cela ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Riad (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a fait penser
7 qu'il s'agissait de soldats ?
8 Témoin K (interprétation). - Alors qu'ils couraient, alors
9 qu'ils allaient de maison en maison, je voyais bien que les maisons
10 commençaient à brûler et que les soldats portaient des uniformes de
11 camouflage.
12 M. Riad (interprétation). - Quel type d'uniforme de camouflage ?
13 Pouvez-vous le décrire ?
14 Témoin K (interprétation). - Un uniforme de camouflage tout ce
15 qui a plus
16
17 classique.
18 M. Riad (interprétation). - D’après vous, en fait ?
19 Témoin K (interprétation). - Oui, pour autant que je le sache,
20 il s'agissait d'uniformes du HVO.
21 M. Riad (interprétation). - Lorsque ces personnes sont arrivées
22 le 19 dans l'entrepôt où vous vous trouviez, vous avez pensé qu'il
23 s'agissait de personnes de la FORPRONU, c’est exact ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui.
25 M. Riad (interprétation). - Ils ne portaient pas d'uniformes de
Page 4205
1 camouflage à ce moment-là ?
2 Témoin K (interprétation). - Je n'ai pas vraiment compris votre
3 question, Monsieur.
4 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que le 19, vous vous
5 trouviez dans ce secteur qui était une zone d’entrepôts. Vous avez pensé
6 que les personnes qui entraient étaient des membres de la FORPRONU. Vous
7 êtes sorti de votre cachette et vous vous êtes dirigé vers eux. Vous ai-je
8 bien compris ? Et ensuite, vous vous êtes aperçu qu'il ne s’agissait pas
9 de membres de la FORPRONU ?
10 Témoin K (interprétation). - Oui, nous nous sommes aperçu qu’ils
11 n’étaient pas des membres de la FORPRONU. Ils portaient, en fait, des
12 uniformes bleus.
13 M. Riad (interprétation). - Alors, était-ce l'uniforme de la
14 FORPRONU ou l'uniforme classique du HVO ?
15 Témoin K (interprétation). - L’uniforme bleu était, en fait,
16 l'uniforme des membres de la protection civile. Ce sont eux qui portaient
17 ce type d’uniforme.
18 M. Riad (interprétation). - Qu’appelez-vous la protection
19 civile ? Etait-ce la FORPRONU, ou des Croates, ou des Bosniens ? Qui
20 constituait cette protection civile ?
21 Témoin K (interprétation). - Je ne peux pas répondre à cette
22 question.
23
24 M. Riad (interprétation). - Je la reformule. Y avait-il des
25 troupes croates qui assuraient la protection civile de la population ?
Page 4206
1 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas.
2 M. Riad (interprétation). - Vous avez constamment parlé de ceux
3 qui vous emmenaient comme étant des soldats. Vous avez dit qu'il y avait
4 ce soldat, avec deux couteaux, qui s'était dirigé vers vous et qui vous
5 avait dit : "Nous allons bien voir quelle est la mère qui pleurera le
6 plus". Alors qu'est-ce qui vous a fait penser qu’il s’agissait d’un
7 soldat ? Ensuite, il y a eu Marenko, dont vous avez dit qu’il était
8 commandant. Avaient-ils l’air de soldats appartenant à une armée
9 classique ?
10 Témoin K (interprétation). - L'homme qui portait l'uniforme
11 noir, avait des bottes noires, un pantalon noir, un haut noir et il avait
12 deux couteaux ; et il m'a regardé comme un soldat. Marenko, quant à lui,
13 avait un uniforme de camouflage et il avait l'air d'un soldat.
14 M. Riad (interprétation). - L'homme qui vous a sauvé la vie,
15 avait-il l'air, lui aussi, d'un soldat ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui. Il portait un uniforme de
17 camouflage.
18 M. Riad (interprétation). - Avait-il l'air d'être un
19 commandant ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui, en effet.
21 M. Riad (interprétation). - Avez-vous remarqué qu’on obéissait
22 aux ordres du commandant ?
23 Témoin K (interprétation). - Oui.
24 M. Riad (interprétation). - Je vois. Vous avez parlé de cette
25 jeune fille, d'une vingtaine d'années, qui pleurait et qui vous a raconté
Page 4207
1 qu'elle avait été violée. Vous a-t-elle dit qu'elle avait été violée par
2 des soldats ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui.
4 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.
5
6 M. le Président. - Monsieur le Juge Riad, merci. Monsieur le
7 Juge Shahabuddeen.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Revenons à cet incident au
9 cours duquel vous avez cru que des membres de la FORPRONU s'approchaient.
10 Vous êtes sorti de votre cachette et vous avez soudain découvert que cela
11 n'était pas le cas. Vous rappelez-vous avoir dit cela ?
12 Témoin K (interprétation). - Oui.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Il me semble me souvenir que
14 vous avez décrit l'un des hommes comme étant un homme revêtu d'un uniforme
15 noir et un Jokeri. C’est bien exact ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - L'autre soldat ou les autres
18 soldats portaient des uniformes de camouflage, n’est-ce pas ?
19 Témoin K (interprétation). - Oui.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous les avez entendus se
21 parler les uns les autres ?
22 Témoin K (interprétation). - Lorsque nous avons été arrêtés,
23 nous n'avons pas entendu leur conversation.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je sais que, peut-être, vous
25 n'avez pas un souvenir très précis de ce qu'ils ont pu dire. En fait, ma
Page 4208
1 question est la suivante : avez-vous entendu l'un d'entre eux parler aux
2 autres ?
3 Témoin K (interprétation). - Ils ont dit simplement qu'ils nous
4 emmenaient devant le quartier général, ces deux soldats qui étaient là.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ils parlaient à deux autres
6 soldats ?
7 Témoin K (interprétation). - Non, non.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - A qui parlaient-ils donc ?
9 Témoin K (interprétation). - Il a dit simplement aux deux
10 soldats : "Emmenez-les
11
12 devant le commandement".
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le soldat, membre du groupe
14 des Jockeri, a dit aux deux hommes en uniforme de camouflage de les
15 emmener au poste de commandement, c'est bien cela ?
16 Témoin K (interprétation). - Non, l'homme qui était en uniforme
17 bleu a dit à ces deux-là - celui en uniforme noir comme les Jockari et
18 celui en uniforme de camouflage - d'amener mon père, mon oncle et moi-même
19 devant le quartier général.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez donc l'impression
21 que ces trois hommes agissaient ensemble ?
22 Témoin K (interprétation). - Oui.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Parlons maintenant de
24 l'incident au cours duquel quelqu'un vous a menacé de vous trancher la
25 gorge avec un couteau.
Page 4209
1 Témoin K (interprétation). - Oui, c'était cet homme-là, celui
2 qui était à côté de moi avec deux couteaux.
3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous rappelez-vous que
4 Marinko -je crois- est intervenu pour vous sauver ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Shahabuddeen (interprétation). - C'était un Croate ?
7 Témoin K (interprétation). - Oui.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quelqu'un a-t-il parlé à
9 Marinko de l'allégation selon laquelle vous auriez tué des soldats
10 croates ?
11 Témoin K (interprétation). - Non, Marinko ne nous a pas posé
12 cette question.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je ne vous demande pas si
14 Marinko vous a posé cette question, je vous demande si quelqu'un a parlé à
15 Marinko de cette allégation selon laquelle vous auriez tué des soldats
16 croates.
17
18 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.
20 M. le Président. - Merci, témoin K, votre déposition est
21 terminée. Vous avez fait l'objet de mesures de protection, vous n'avez
22 rien à craindre. Le Tribunal vous remercie. A présent, nous allons
23 refermer les rideaux pour que vous puissiez être en sécurité jusqu'au bout
24 et que le public ne puisse pas, de quelle façon que ce soit, vous voir.
25 Restez assis pour l'instant.
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1 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience.)
2 Maître Kehoe, juste une question que j'ai oubliée de vous poser.
3 Ce témoin était prévu dans vos probabilités de temps pour combien de temps
4 environ ?
5 M. Kehoe (interprétation). - Je ne me rappelle pas, monsieur le
6 Président. Je crois que c'était à peu près deux heures.
7 M. le Président. - Vous n'avez plus de témoin ?
8 M. Kehoe (interprétation). - Ni moi-même ni M. Harmon n'avons un
9 témoin à faire entrer dans le prétoire. Nous n'avons pas d'autres témoins
10 pour aujourd'hui, monsieur le Président.
11 M. le Président. - Demain matin, nous ne siégerons pas puisque
12 nous avons une plénière avec nos nouveaux collègues. Avez-vous des témoins
13 prévus pour demain après-midi ? Je sais qu'il y avait un problème de
14 transport. Maître Cayley ?
15 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, nous
16 attendons l'arrivée de plusieurs témoins ce soir, tard, et nous ferons de
17 notre mieux pour préparer un ou deux témoins pendant le temps qui est à
18 notre disposition demain matin.
19 M. le Président. - Vous n'avez plus besoin de les préparer
20 maintenant puisque c'est le Président qui leur demande leur déposition.
21 Cela devrait être facile.
22 M. Cayley (interprétation). - Bien sûr, monsieur le Président,
23 mais j'ai aussi une annonce personnelle à faire au Tribunal. En raison
24 d'engagements professionnels et personnels,
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1 je serai absent du Tribunal et je me rendrai au Royaume-Uni et cela, sans
2 doute aussi après la suspension du mois de décembre. Je serai remplacé par
3 un procureur de grande expérience, Nancy Paterson, qui vient des Etats-
4 Unis et qui assistera Me Harmon et Me Kehoe en mon absence.
5 Je présente mes excuses au Tribunal et aux Conseils de la partie
6 adverse. Malheureusement, il était impossible de faire autrement.
7 M. le Président. - Cela signifie-t-il que vous reviendrez
8 ensuite à partir du mois de janvier ?
9 M. Cayley (interprétation). - Oui, monsieur le Président, peut-
10 être plus tôt.
11 M. le Président. - Nous voilà ravis, tout en accueillant très
12 bien votre collègue, Maître Paterson.
13 S'il n'y a plus de questions, nous nous donnons rendez-vous
14 demain, à 15 heures.
15 L'audience est levée à 17 heures 25.
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