Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 25 novembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

5 M. le Président. - Faites entrer l'accusé, Monsieur l’Huissier;

6 s'il vous plaît.

7 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)

8 Nos amis interprètes sont-ils prêts ?

9 L’Interprète française. - Oui, Monsieur le Président.

10 M. le Président. - Tout le monde est prêt ? Tout le monde

11 m'entend : les parties, la défense, le Bureau du Procureur, les

12 assistants, mes collègues ? Bien, nous pouvons donc reprendre.

13 M. Harmon est près du pupitre. Monsieur le Procureur, il s’agit,

14 je suppose, d’un témoin protégé ?

15 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

16 Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour,

17 Mesdames et Messieurs les conseils de la défense.

18 Le témoin prochain est effectivement protégé, Monsieur le

19 Président et Messieurs les Juges. Je vais vous expliquer ce que vous

20 pouvez attendre du témoignage de cette personne.

21 Tout d'abord, Monsieur le Président, il s'agira du Témoin M,

22 résident musulman d'Ahmici. Le témoin parlera de la présence et des

23 positions établies antérieurement par les forces du HVO avant l'attaque du

24 village. Le témoin va décrire l'attaque perpétrée contre sa maison et

25 parlera également du meurtre de son mari. Elle va parler à ce

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1 propos des fortes concentrations de soldats du HVO, dans la partie du

2 village où elle habitait, le matin du 16 avril 1993. Elle parlera

3 également de ce qu'elle a vu. Elle a vu les soldats du HVO mettre

4 intentionnellement le feu aux maisons musulmanes. Le Témoin M décrira

5 également le fait qu'elle a été utilisée comme bouclier humain. Voilà les

6 éléments dont parlera le Témoin, Monsieur le Président.

7 M. le Président. - Je vous remercie, Monsieur Mark Harmon. Je

8 voudrais insister sur ce que le Tribunal souhaite en matière de

9 présentation des témoignages.

10 Hier, nous avons entendu trois témoins. Maître Harmon, cela

11 tombe bien que ce soit vous qui repreniez l'audience car, hier matin, nous

12 avons réussi à aller, davantage et plus rapidement, à l'essentiel grâce à

13 la déposition du témoin, suivie ensuite de questions uniquement destinées

14 à préciser un certain nombre de points. On a peut-être moins bien réussi

15 hier après-midi ; je dis "on" s'agissant d'une tentative commune.

16 Nous allons essayer de nous tenir à ce que nous avons dit, à

17 savoir que le témoin fera sa déposition. Ensuite, si vous le voulez bien,

18 vous demanderez des précisions en vous rappelant l'objectif de ce procès.

19 Nous n'allons pas y revenir, car nous sommes en audience publique, nous y

20 reviendrons en audience privée. Cela étant dit, je vous rappelle qu'il

21 faut toujours aller à l'essentiel de ce qu'est ce procès : un procès

22 contre le Général Blaskic pour les crimes contre l'humanité commis dans

23 cette vallée de la Lasva.

24 Nous pouvons donc commencer. Monsieur l’Huissier, vous allez

25 abaisser les rideaux. Le Témoin M va rentrer et prêtera serment assis,

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1 comme chaque fois qu'il s'agit d'un témoin protégé.

2 (Les rideaux sont abaissés).

3 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je veux

4 bien sûr agir comme vous me le demandez, mais je vous demande votre

5 indulgence car je devrai poser quelques

6

7 questions ciblées au témoin avant qu'elle ne commence la partie

8 la plus narrative de son témoignage.

9 M. le Président. - Bien sûr, Maître Harmon. Mais nous n'avons

10 pas -je me fais l'interprète des Juges- de position dogmatique. Nous

11 essayons tous d'aller à la vérité et à l'essentiel. Je crois que les Juges

12 ne souhaitent pas -le Tribunal n'y survivrait d'ailleurs pas- se lancer

13 dans des investigations sur tel ou tel fait tragique, sinon je crois

14 qu'aucune juridiction n'y arriverait.

15 Posez vos questions ! Le Tribunal n'a jamais empêché de poser

16 des questions. Simplement, le Tribunal ne souhaite pas que vous posiez des

17 questions sur des éléments qu'a fournis spontanément le témoin. Ce n'est

18 pas la peine d'y revenir, tout ceci est consigné dans le compte rendu.

19 Vous poserez vos questions. Mais autant que possible, vous laissez d’abord

20 le témoin déposer. Quand il a déposé, ce n'est pas la peine d’y revenir,

21 sauf pour lui faire préciser les points qui vous paraissent essentiels au

22 soutien de votre accusation. Cela me paraît tout à fait compatible avec

23 votre manière de procéder.

24 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

25 Président.

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1 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président. - Témoin M, m'entendez-vous ?

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. le Président. - Je vous remercie au nom de mes collègues

5 d'être présente ici, devant cette instance, à la demande du Procureur.

6 Vous allez lire la déclaration que Monsieur le Greffier en chef va vous

7 tendre ; c'est votre serment.

8 Témoin M (interprétation). - Dois-je me lever ?

9 M. le Président. - Pas du tout. Vous restez assise puisque vous

10 êtes un témoin bénéficiant de mesures de protection. Allez-y.

11 Témoin M (interprétation). - Je déclare solennellement que je

12 dirai la vérité, toute

13 la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président. - Je vous remercie, Témoin M. Nous vous

15 appellerons Témoin M puisque vous êtes un témoin protégé. Le Procureur est

16 ici présent, là se trouve la défense.

17 Le Procureur vous a citée dans les accusations portées devant ce

18 Tribunal contre le Général Blaskic, ici présent, au sujet de faits, entre

19 autres, dont vous-même et de nombreuses autres personnes malheureusement

20 ont été les témoins ou les victimes au cours du printemps 1993.

21 Monsieur le Procureur nous a dit que vous aviez des choses

22 intéressantes à nous dire sur les positions du HVO, sur ce qui s'est passé

23 avant le 16 avril, également sur la manière dont ces soldats ont enflammé

24 ou mis le feu à votre maison et sur la prise d'otages dont vous avez été

25 victime comme bouclier humain. Voilà un certain nombre de faits. Vous

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1 pouvez bien sûr ajouter d’autres choses. Après quelques questions que vous

2 posera M. le Procureur, vous déposerez spontanément sur les faits dont

3 nous venons de parler. Bien entendu, le Procureur pourra à tout moment

4 vous demander des précisions.

5 On va vous demander, Madame, de lire votre nom sans le dire,

6 pour vérifier qu'il s'agit bien du témoin qui est attendu ici. Vous ne

7 prononcez pas votre nom. C'est bien cela ?

8 Témoin M (interprétation). - Oui.

9 M. le Président. - Merci beaucoup. Dans ces conditions,

10 Monsieur Harmon, nous pouvons commencer.

11 M. Harmon (interprétation). - Madame le Témoin M, bonjour.

12 Témoin M (interprétation). - Bonjour.

13 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous poser plusieurs

14 questions ciblées avant de passer à votre récit. Je commencerai par ces

15 questions, si vous le voulez bien.

16 Quel âge avez-vous, Madame ?

17 Témoin M (interprétation). - 34 ans.

18 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous emménagé au village

19 d’Ahmici en octobre 1992 afin de vous occuper de la maison et aussi du

20 bétail d'un des parents de votre mari ?

21 Témoin M (interprétation). - Oui.

22 M. Harmon (interprétation). - Cette maison se trouvait-elle dans

23 la partie médiane du village d'Ahmici, juste en-dessous de la mosquée du

24 village du bas ?

25 Témoin M (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - En avril 1993, étiez-vous mariée

2 et aviez-vous un enfant de 3,5 ans ?

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Vous et votre mari étiez-vous

5 musulmans ?

6 Témoin M (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Maintenant une série rapide de

8 questions à propos de votre mari, si vous me le permettez. Etait-il

9 soldat ?

10 Témoin M (interprétation). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - A-t-il combattu contre les Serbes

12 au front près de Turbe ?

13 Témoin M (interprétation). - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - A cet égard, faisait-il la navette

15 entre le front et le village d'Ahmici ?

16 Témoin M (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Ces mouvements signifiaient-ils

18 qu'il passait dix jours au front, puis dix jours en caserne, puis encore

19 dix jours à votre résidence à Ahmici?

20 Témoin M (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Lorsqu'il revenait du front,

22 prenait-il son fusil avec

23 lui où laissait-il son fusil ailleurs ?

24 Témoin M (interprétation). - Non, il ne l'apportait pas avec

25 lui. Il le laissait là-bas. En aucune circonstance, il ne l'aurait

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1 rapporté.

2 M. Harmon (interprétation). - Il le laissait donc au front,

3 n'est-ce pas ?

4 Témoin M (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - A-t-il participé aux tours de

6 garde de vigiles au village d'Ahmici ?

7 Témoin M (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Lorsqu'il participait à ces tours

9 de garde, avait-il une arme ?

10 Témoin M (interprétation). - Non.

11 M. Harmon (interprétation). - Avec l'aide de

12 Monsieur l'Huissier, Monsieur le Président, j'aimerais que la pièce de

13 l'accusation 147 vous soit présentée, ainsi qu'aux conseils de la défense,

14 mais qu'elle ne soit pas placée sur le rétroprojecteur. Aux fins du compte

15 rendu d'audience, il s'agit d'une partie détaillée d'une autre pièce qui

16 numérote différents emplacements et est accompagnée d'une légende.

17 Madame le Témoin M, avant de venir témoigner aujourd'hui et

18 d'entrer dans le prétoire, avez-vous indiqué les éléments importants pour

19 votre témoignage ? Les avez-vous répercutés sur la carte ?

20 Témoin M (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Ces emplacements portent-ils un

22 numéro et sont-ils marqués par des flèches ?

23 Témoin M (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Avez-vous eu également

25 l'occasion de vérifier l'exactitude de la légende pour voir si cela

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1 représente ce que montre la photographie

2 aérienne.

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Cette légende est-elle exacte ?

5 Témoin M (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que vous vous rappeliez

7 le mardi qui a précédé l'attaque du 16 avril. Avez-vous eu une

8 conversation avec votre mari ce jour-là à propos de ce qu'il avait vu au

9 café Pican ? Pourriez-vous nous raconter brièvement le sujet de la

10 conversation ?

11 Témoin M (interprétation). - Oui. Le mardi, il est venu de

12 Vitez. Il est passé au café qui se trouvait non loin, pratiquement à côté,

13 du café Pican, et qui s'appelait Man. Il a pris un verre dans ce café et

14 il y a vu pas mal de soldats en uniformes et armés.

15 M. Harmon (interprétation). - S'agissait-il de soldats du HVO ?

16 Témoin M (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - A-t-il été effrayé, préoccupé, par

18 ce qu'il avait vu ?

19 Témoin M (interprétation). - Il était inquiet, il se demandait

20 pourquoi, tout d'un coup, il y avait des soldats en si grand nombre. Il

21 pensait qu'il n'y avait aucune raison justifiant leur présence.

22 M. Harmon (interprétation). - Revenons à la nuit qui a précédé

23 l'attaque, la nuit du 15 avril 1993. Votre mari a-t-il participé à un tour

24 de garde dans le village d'Ahmici cette nuit-là ?

25 Témoin M (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). – Pourriez-vous expliquer aux Juges

2 les observations inhabituelles qu’il vous a faites et dont il vous a

3 parlées ?

4 Témoin M (interprétation). - Vers minuit et demi, il est entré

5 dans la maison. Nous venions d'allumer une cigarette et, immédiatement

6 après, nous avons entendu, très près de la

7 maison, une détonation, une explosion. Il est sorti de la maison

8 et s’est dirigé dans la direction d'où il pensait que provenait ce bruit.

9 Il est arrivé tout près d'un abri souterrain qui avait été préparé par les

10 soldats du HVO et a remarqué que, dans cet abri, se trouvait un nombre de

11 soldats supérieur au nombre habituel. Puis, il est rentré, il est revenu.

12 M. Harmon (interprétation). - Cet abri souterrain est indiqué

13 sur la pièce 147 par le n° 2 ?

14 Témoin M (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - Votre mari a-t-il fait état de

16 quelque chose d'inhabituel aussi dans la maison de Ivica Kupreskic ?

17 Pourriez-vous dire aux Juges ce qu'il vous a dit à ce propos ?

18 Témoin M (interprétation). - Oui, quand il est rentré de sa

19 patrouille, il m'a appelé et m'a dit : «Regarde ce qui se passe dans la

20 maison des voisins». J'ai donc regardé par la fenêtre, du côté de la

21 maison de Kupreskic, et j'ai vu pas mal de soldats en uniformes et armés.

22 M. Harmon (interprétation). - La maison d'Ivica Kupreskic est-

23 elle indiquée par le n° 1 et entourée d'un cercle ?

24 Témoin M (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). – Témoin M, au cours du matin du

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1 16 avril, étiez-vous chez vous avec votre mari, votre petit-fils et votre

2 belle-soeur qui devait avoir 20 ou 21 ans ?

3 Témoin M (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il un revolver dans la

5 maison ?

6 Témoin M (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Il n'y avait pas d'autre arme,

8 n'est-ce pas ?

9 Témoin M (interprétation). - Non.

10 M. Harmon (interprétation). – Auriez-vous maintenant

11 l'obligeance de dire ce qui

12 vous est arrivé, à vous et aux membres de votre famille, ce

13 matin-là, le matin du 16 avril 1993 ?

14 Témoin M (interprétation). - Oui. Le matin nous avons entendu

15 quelqu'un qui courrait dans la cour. Je me suis réveillée et, à ce moment-

16 là, nous avons entendu des coups de feu, et mon mari s'est réveillé lui

17 aussi. Il m'a dit : «Lève-toi et mets notre enfant à l'abri». Pendant ce

18 temps-là, il s'est levé et s'est dirigé vers la porte. Il était en pyjama

19 bien sûr, puisque nous étions en train de dormir.

20 Il s'est donc dirigé du côté de la porte et dès qu’il y est

21 arrivé, il a mis la main sur la poignée de la porte et à ce moment-là la

22 porte a immédiatement sauté. Vraisemblablement, un explosif avait été

23 placé sur la porte et il a été frappé au coeur. La balle est ressortie par

24 le dos. Il est resté debout, il a simplement réussi à dire : «Oh, ma

25 mère !».

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1 Après cela, des coups de feu ont été tirés devant la porte. Des

2 balles pénétraient également à l'intérieur de la maison par les fenêtres.

3 J'ai réveillé la soeur de mon mari, je lui ai demandé de se taire et je me

4 suis occupée de mon enfant que j'ai habillé. Nous nous sommes mis à l'abri

5 dans un petit recoin. Il y avait un mur qui nous protégeait et nous étions

6 bien sûr allongés sur le sol. A ce moment-là, j'ai regardé ma montre et

7 j'ai vu qu'il était 5 heures 35 du matin. Je me suis approchée de mon

8 mari, j'ai vu qu'il avait été frappé au niveau du cœur, il avait du sang

9 un peu partout sur les bras. Il n'y avait pas de sang du côté où la balle

10 avait pénétré, mais du côté où la balle était sortie la plaie était plus

11 importante. Il a commencé à trembler. J'ai réussi à prendre de l'eau pour

12 lui laver le visage et essayer de le calmer un peu, mais à ce moment-là du

13 sang est sorti de sa bouche. Je l'ai couché sur le côté, mais je n'ai rien

14 pu faire pour empêcher ce qui est arrivé, il est mort. J'ai vérifié le

15 pouls au poignet et au niveau du cou, il n'y avait plus aucun signe

16 d'activité cardiaque.

17 Nous avons décidé de rester un peu tranquille dans la maison,

18 parce que je me suis rendue compte que si nous faisions le moindre

19 mouvement, ou si nous élevions la voix le moins

20 du monde, ils entreraient aussi pour nous tuer.

21 A ce moment-là, ils ont jeté une grenade dans la chambre où

22 dormait ma belle-soeur. Nous avions très peur. Les vitres des fenêtres

23 étaient déjà brisées. Ils continuaient à tirer et ils criaient :

24 "Rendez-vous traîtres ! Sortez d'ici, vous nous avez trahis". Cela m'est

25 un peu désagréable de les répéter, mais en tout cas ils nous criaient des

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1 choses comme : "Allez-vous faire enculer, alijas", et ils insultaient nos

2 mères : "balijas", etc.

3 Moi, je n'étais pas prête à me rendre, ma belle-soeur

4 m'encourageait à le faire, mais j'étais sûre que si nous nous rendions,

5 tout serait fini, qu'ils allaient me tuer, la tuer et tuer l'enfant.

6 Pendant tout ce temps-là, les coups de feu n'ont jamais cessé. A un seul

7 moment, lorsqu'il y a eu une légère accalmie, (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée). J'ai vu qu'il n'y avait personne en bas de la

12 maison.

13 Dans cette pièce où j'étais, il y avait un sac, j’ai pris ce sac

14 vide. J'y ai mis le revolver et une robe. Je suis retournée dans la pièce

15 où étaient les autres et je leur ai dit que nous allions sortir par la

16 fenêtre. Ma belle-soeur avait très peur, mais il était impossible de

17 sortir par un autre endroit puisque la fumée rentrait déjà à l'intérieur

18 de la maison, la fumée des incendies voisins et la fumée de la poudre des

19 armes. Nous ne pouvions plus respirer. J'ai dit que j'allais sortir par la

20 fenêtre la première.

21 Alors que j'étais dans la pièce et que je parlais à ma belle-

22 soeur -parce que je n'ai pas fait tout à fait attention- j’ai fermé la

23 porte un peu trop fort. A ce moment-là, nous avons entendu la reprise des

24 coups de feu et dans cette pièce également une grenade est tombée. Elle

25 est rentrée par la fenêtre, elle a tout fait sauter dans la pièce. Mais

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1 nous nous sommes protégés en nous mettant le plus près possible du mur.

2 Après cela, il y a eu une légère accalmie, j'ai vu qu'il n'y

3 avait plus d'issue possible,

4 nous ne pouvions pas sortir par la porte parce que, dans la

5 cour, nous entendions leurs pas et nous les entendions parler les uns avec

6 les autres. J'avais tellement peur que je n'avais pas réussi à prendre

7 conscience des mots qu'ils se disaient. Je me suis approché de mon mari

8 mort, avec mon enfant, nous l'avons embrassé et après cela je suis passée

9 par la fenêtre de la pièce. J'ai sauté la première. Au moment où je

10 franchissais la fenêtre, je n'ai vu personne, mais lorsque je me suis

11 retrouvée sur le sol, j'ai vu deux soldats.

12 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre

13 dans votre récit, pour vous poser quelques questions permettant d’apporter

14 des précisions. Que portait-il comme vêtements quand il s'est approché de

15 la porte d'entrée avant d'être tué ?

16 Témoin M (interprétation). - Mon mari était en pyjama, celui

17 dans lequel il avait dormi.

18 M. Harmon (interprétation). - Lorsqu'il s'est approché de cette

19 porte d'entrée avait-il une arme ?

20 Témoin M (interprétation). - Non, il n'était pas armé.

21 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Veuillez poursuivre,

22 Madame.

23 Témoin M (interprétation). - Deux soldats se sont approchés de

24 moi. L'un d'entre eux m'a demandé si j'avais des armes, j'ai dit que je

25 n'en avais pas. Le second soldat a saisi le sac que j'avais à la main et

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1 en a sorti le revolver que j'avais dedans. Il m'a dit : "Qu'est-ce que

2 c'est que ça ?", je lui ai dit que c'était un revolver. Ils m'ont demandé

3 si j'avais d'autres armes, j'ai dit que je n'en avais pas ; ils m’ont

4 demandé : "Est-ce que tu as une grenade ?", j'ai répondu que je n'en avais

5 pas non plus, et c'était vrai.

6 Après cela, ma belle-soeur a jeté l'enfant par la fenêtre, j'ai

7 recueilli mon enfant et elle a sauté par la fenêtre également. Moi je me

8 taisais, elle se taisait, les soldats me demandaient où était mon mari, je

9 leur ai dit qu'ils l'avaient tué. J'ai dit : "vous l'avez tué. Il ne vous

10 avait rien fait.". (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée). Je n'avais pas la moindre idée de

16 l'endroit où je pouvais aller, dans quelle direction est-ce que je pouvais

17 fuir. J'ai demandé : "Je vous en prie, est-ce que je peux sortir le corps

18 de mon mari de la maison ?". Ils m'ont dit : "Tu ne peux pas !". J'ai

19 encore demandé : "Est-ce que je peux prendre des chaussures pour mon

20 enfant ?". Mon enfant était pieds nus, en fait nous étions tous pieds nus,

21 nous n'avions pas eu le temps d'enfiler quoi que ce soit aux pieds. L'un

22 des soldats m'a dit : "Oui, tu peux.". Je me suis dirigée vers la porte de

23 la maison.

24 A ce moment-là, j'ai vu, à côté de la nouvelle maison qui était

25 tout près de la maison où j'habitait, des soldats. Il y en avait 15. Ils

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1 portaient un uniforme de camouflage. Ils avaient des armes et ils avaient

2 une crème noire sur le visage. L'un d'entre eux a tiré sur nous. Il l'a

3 fait en nous insultant et en insultant nos mères. J'ai rebroussé chemin,

4 mais pour me diriger du côté du grand chemin, j'ai du passer devant la

5 maison de Ibro Mehemed et devant sa maison j'ai vu des soldats du HVO, une

6 vingtaine à une trentaine de soldats du HVO. Nous avons entendu ces

7 soldats qui nous disaient, encore une fois, de fuir. Je peux pratiquement

8 vous répéter leurs mots : "Passez par la forêt ! Essayez de vous enfuir !

9 Si les vôtres tirent sur nous nous allons vous tuer ! Nous devrons le

10 faire".

11 Nous étions pieds nus. Il pleuvait et nous étions sur la route

12 recouverte d'asphalte, nous avons donc glissé. Eux nous poussaient du

13 canon de leur fusil, dans le dos, (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 ont fait sortir la vache. Le deuxième

19 soldat a ouvert la porte supérieure de la grange. Il y avait des

20 marches et une porte qui donnaient sur l'endroit de la grange où l'on

21 gardait la paille. Il a donc trouvé la paille et y a mis le feu.

22 La femme et les enfants de Suad sont sortis de la maison. Après

23 quoi, les soldats ont jeté des grenades à l'intérieur de cette maison et y

24 ont également mis le feu.

25 Nous, nous sommes passés derrière cette maison pour trouver

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1 refuge quelque part et nous avons trouvé une maison en construction. Le

2 rez-de-chaussée était déjà construit et en haut il n'y avait que la dalle

3 en béton. Je me suis donc réfugiée dans cette maison avec ma belle-soeur,

4 mon enfant et la famille de Suad, c'est-à-dire sa femme et ses enfants,

5 son père à lui, sa mère, sa soeur et les enfants de sa soeur. Le père de

6 Suad est revenu pour essayer de protéger les animaux dans l'étable et

7 voir, un petit peu, ce qui se passait. Ils l'attendaient là, les soldats

8 l'ont tué.

9 A ce moment-là, je me suis retournée pour jeter un coup d'oeil

10 du côté de ma maison, et j'ai vu que l'étable était en feu, la cuisine

11 d'été était en feu, la maison était en feu, la réserve de bois était en

12 feu et j'ai donc compris que mon mari brûlait aussi.

13 Nous sommes restés peu de temps dans cet abri. Je ne voyais plus

14 les soldats. Je ne me rendait même plus très bien compte de ce qui

15 m'arrivait. Nous avons pris le chemin de la forêt dans l'intention de nous

16 diriger vers le village qui s'appelle Rovine. Lorsque nous avons été sur

17 le chemin, ils ont tiré sur nous. Nous nous sommes donc jetés sur le sol

18 et nous avons commencé à ramper. Il y avait un tournant à un certain

19 endroit et nous avons essayé de toujours rester à l'abri des arbres. Mais,

20 derrière se tournant, il y avait un passage à découvert et il nous a fallu

21 très longtemps pour ramper à découvert. Eux ne cessaient de tirer sur

22 nous, depuis leur position. Nous avons donc rampé et nous sommes arrivés

23 jusqu'à des buissons que nous avons réussi à franchir d'une façon ou d'une

24 autre ; finalement, nous avons atteint la forêt.

25 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie, Madame. Je vais

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1 vous poser

2 quelques questions. Vous avez dit que lorsque vous êtes sortie

3 de votre maison par la fenêtre, vous avez vu des soldats. Pourriez-vous

4 d'écrire ce que portaient ces soldats ? Comment étaient-ils équipés ?

5 Témoin M (interprétation). - Oui. Ces soldats portaient des

6 uniformes de camouflage. Ils avaient des couvre-chefs et une crème noire

7 sur le visage. Ils avaient des armes, des fusils. J'ai vu aussi des

8 grenades qu'ils avaient accrochées au ceinturon. Et ce jeune qui m'avait

9 pris le revolver l’avait coincé à son ceinturon, comme ça... et il avait

10 aussi des couteaux.

11 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également déclaré avoir

12 vu des groupes importants de soldats, un groupe comptant quelques quinze

13 soldats et un autre de vingt à trente soldats. Il s'agissait de groupes

14 distincts de soldats, c'est bien cela, Madame ?

15 Témoin M (interprétation). - Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - Ces soldats étaient-ils habillés

17 comme les deux soldats que vous venez de décrire ?

18 Témoin M (interprétation). - Oui.

19 M. Harmon (interprétation). - Vous avez sous les yeux une carte,

20 Madame, sur laquelle j'aimerais vous orienter. Le n° 3 représente

21 l'endroit où se trouvait la maison où vous habitiez dans le village au

22 centre, n’est-ce pas ?

23 Témoin M (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Le n° 4 indique l'endroit où vous

25 avez vu ces quinze soldats fortement armés, n'est-ce pas ?

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1 Témoin M (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Le n° 5 indique un autre groupe de

3 quelques vingt ou trente soldats lourdement armés et en uniformes de

4 camouflage ?

5 Témoin M (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - Une ligne en rose représente la

7 route que vous,

8 votre belle-soeur et votre petit enfant, vous avez empruntée

9 pour vous écarter, pour vous éloigner de ce qui s'était passé dans votre

10 partie de votre village, est-ce bien cela, Madame ?

11 Témoin M (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Etiez-vous suivie par un groupe de

13 soldats qui étaient vraiment derrière vous ?

14 Témoin M (interprétation). - Oui.

15 M. Harmon (interprétation). - A votre avis, vous utilisait-on

16 comme bouclier humain alors que vous étiez suivis par ces soldats ?

17 Pourriez-vous expliquer aux Juges pourquoi vous estimez qu'on vous a

18 utilisés comme bouclier humain ?

19 Témoin M (interprétation). - Oui. Ils nous avaient conseillé

20 cette partie du chemin. Ils nous avaient dit : "Prenez la fuite par ce

21 chemin, car -si les vôtres tirent sur nous- nous allons vous tuer !".

22 C'était une espèce de clairière. Il n'y avait pas d'arbre. La longueur

23 était d'à peu près 50 mètres, pas plus. Leur désir était d'arriver dans la

24 partie supérieure d'Ahmici. Là, il y avait la maison de Suad, de son père,

25 et une haie de couleur verte à cet endroit. C'est là qu'ils ont établi

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1 leurs positions, en marche vers la deuxième partie du village d’Ahmici.

2 Ils leur fallaient s'installer dans cette autre partie d'Ahmici pour faire

3 ce qu'ils avaient prévu de faire.

4 M. Harmon (interprétation). - A un moment donné, les soldats

5 vous ont laissé avancer. Dans votre témoignage, vous avez dit qu'ils

6 avaient tiré sur vous. Mais qui étaient ces hommes qui ont tiré sur vous ?

7 Témoin M (interprétation). - Les soldats qui arrivaient derrière

8 nous.

9 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Vous avez regardé en

10 arrière, vers votre maison. Il y avait d'autres maisons musulmanes qui

11 entouraient votre maison. Dans quel état se trouvaient ces maisons

12 musulmanes ?

13 Témoin M (interprétation). - Elles étaient toutes en flammes.

14 Elles brûlaient toutes.

15 M. Harmon (interprétation). - Il y avait également des maisons

16 appartenant à des Croates de Bosnie. Dans quel état se trouvaient ces

17 maisons-là ?

18 Témoin M (interprétation). - Ces maisons sont encore intactes

19 aujourd'hui.

20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, avec votre

21 autorisation, j'aimerais que nous passions en huis clos partiel.

22 J'aimerais montrer au témoin une photographie afin qu'elle l’identifie.

23 Il n'est pas nécessaire de passer à huis clos partiel, je

24 pourrais m'en passer, mais j'ai expliqué au témoin que j'allais vous

25 montrer une photographie. Je lui ai fait part des préoccupations du

Page 4399

1 Tribunal. Elle m'a fait savoir qu'elle aimerait que celle-ci soit versée

2 au dossier et qu’elle avait la force suffisante et requise pour

3 l'identifier. Une fois celle-ci identifiée, je demanderai le huis clos

4 partiel.

5 M. le Président. - Bien. Procédons de cette manière-là. Nous

6 allons passer tout de suite à huis clos partiel, c'est le mieux. Pas

7 d'opposition du côté de la défense ? Bien.

8 Témoin M, nous allons passer à huis clos. On a dû vous expliquer

9 que vous êtes toujours bénéficiaire de ces mesures de protection. Nous

10 allons couper le son à l'égard du public qui, par ailleurs, nous regarde.

11 Puis, très rapidement, nous repasserons en audience publique.

12 Monsieur l’Huissier, vous pouvez procéder.

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17 L’audience se poursuit à huis clos partiel.

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25 La séance se poursuit en audience publique.

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1 M. le Président. - Nous sommes en séance publique. Continuez,

2 s’il vous plaît.

3 M. Nobilo (interprétation). - A quelle brigade, à quelle unité,

4 appartenait votre mari ?

5 Témoin M (interprétation). - Au 325ème.

6 M. Nobilo (interprétation). - A quel bataillon ?

7 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.

8 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne savez pas. Vous avez dit

9 qu'il y avait au niveau du n° 2 un abri souterrain. Etait-ce un abri

10 nouveau ou bien existait-il déjà avant ?

11 Témoin M (interprétation). - Non, il était déjà construit.

12 M. Nobilo (interprétation). - La nuit de l'attaque, vous avez

13 déclaré que votre mari était en patrouille et, qu'avec son partenaire

14 Kermo, il est venu prendre le café chez vous. A-t-il regardé la

15 télévision ?

16 Témoin M (interprétation). - Oui.

17 M. Nobilo (interprétation). – Qu’est-ce qu’il y avait à la

18 télévision ? L’avez-vous regardée aussi ?

19 Témoin M (interprétation). - C’était la retransmission de la

20 célébration…

21 M. Harmon (interprétation). - Objection, cela sort du champ de

22 l’interrogatoire principal.

23 M. le Président. - Excusez-moi, Monsieur Harmon, je n'ai pas

24 encore pu me rendre compte si cela sortait du champ de l’interrogatoire

25 principal. Poursuivez Maître Nobilo, et précisez votre question, s'il vous

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1 plaît.

2 M. Nobilo (interprétation). - Oui, en effet. Madame M a parlé de

3 la veille de l'attaque en réponse aux questions de l'interrogatoire

4 principal. J'aimerais parler de cette soirée

5 et savoir ce qu’elle a vu à la télévision.

6 M. le Président. - Poursuivez.

7 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Je répète la question.

8 Qu'avez-vous vu à la télévision ?

9 Témoin M (interprétation). - C'était la retransmission du

10 HV Busovaca de la célébration de Pâques. La télévision de Busovaca était

11 reprise par la télévision de Vitez.

12 M. Nobilo (interprétation). - Pour parler concrètement, avez-vu

13 Dario Kordi parler de la situation ?

14 Témoin M (interprétation). - Oui.

15 M. Nobilo (interprétation). - Qu'est-ce qu'il a dit, pouvez-vous

16 nous le répéter ?

17 Témoin M (interprétation). - Si je me rappelle bien, il faisait

18 appel au peuple croate pour qu’il se défende. Il disait que les. Croates

19 avaient été attaqués par des forces musulmanes. Il ne parlait pas de

20 l’armée de Bosnie-Herzégovine, mais il parlait de forces musulmanes.

21 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que notre client

22 Tihomir Blaskic est apparu à la télévision ?

23 Témoin M (interprétation). - Je n'en suis pas sûre.

24 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu’il aurait dit quelque

25 chose ? Est-ce que cela vous serait resté en mémoire ?

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1 Témoin M (interprétation). - Je ne me souviens pas.

2 M. Nobilo (interprétation). - Ce soir là quand s'est terminé le

3 tour de garde de votre mari ?

4 Témoin M (interprétation). - Il a expiré à minuit.

5 M. Nobilo (interprétation). – A qui a-t-il remis le relais ?

6 Témoin M (interprétation). - Après son retour, il m'a appelé

7 dans sa chambre pour regarder par la fenêtre, vers la maison de

8 Ivica Kupreskic, parce que c'est là, qu'il a vu beaucoup

9 de soldats armés et c'était inhabituel, ça n'arrivait pas les

10 autres soirs.

11 M. Nobilo (interprétation). - Quand il est revenu, est-ce qu’il

12 a regardé la télévision ou écouté la radio, ou bien est-il tout de suite

13 allé dormir ?

14 Témoin M (interprétation). - Nous sommes allés nous coucher. Il

15 est resté à regarder la télévision. Il avait aussi une petite radio, il

16 écoutait la radio. Je me suis endormie et il m'a réveillée en écoutant les

17 nouvelles parce que le son était assez fort.

18 M. Nobilo (interprétation). - A votre avis était-il perturbé ou

19 écoutait-il tranquillement ?

20 Témoin M (interprétation). - Il était plutôt perturbé après

21 avoir vu des soldats dans le café de Pican et après tout ce qu'il avait vu

22 les derniers jours. Il était très perturbé. Il avait une sorte de

23 pressentiment. Apparemment, il savait qu'il allait être tué, c'est ce

24 qu'il disait.

25 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu’il a parlé de ce qu'il

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1 avait vu à ceux qui ont pris le relais après lui à la patrouille ?

2 Témoin M (interprétation). - Il a passé toute la journée de

3 jeudi à la maison. Il était là, personne ne venait chez nous. Il a été

4 perturbé.

5 M. Nobilo (interprétation). - Vous n’avez pas compris ma

6 question. Cette nuit-là, à minuit lorsqu'il a été relevé, est-ce qu’il a

7 parlé de cette situation du regroupement de soldats, etc ?

8 Témoin M (interprétation). - Je ne sais pas.

9 M. Nobilo (interprétation). – Aux premières heures du matin,

10 quand les coups de feu ont commencé, avez-vous appelé quelqu'un au

11 téléphone ?

12 Témoin M (interprétation). - Oui.

13 M. Nobilo (interprétation). - Qui avez-vous appelé ?

14 Témoin M (interprétation). - J'ai appelé une amie de

15 Ahmici-le-Haut et je lui ai dit que mon mari était blessé. Je lui ai

16 demandé d'essayer de contacter les forces de la Forpronu

17 pour qu'ils viennent le sauver.

18 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous avez aussi appelé

19 son mari, Musa Berbic ? Qui vouliez-vous appeler, elle ou Musa Berbic ?

20 Témoin M (interprétation). - C'est elle qui m'a répondu, mais je

21 voulais parler à l’un ou à l’autre. Son mari était un ami, sa mère aussi.

22 Je voulais parler à n'importe quel membre de cette famille parce que je

23 pensais que c'était nécessaire qu'ils essaient d'appeler quelqu'un de

24 Vitez, de la Forpronu, pour que quelqu'un vienne retirer mon mari, pour

25 que quelqu'un vienne m'aider.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Mais pourquoi avez-vous appelé

2 Musa Berbic ? Pourquoi n’avez-vous pas appelé vous-même ?

3 Témoin M (interprétation). - Parce que je ne connaissais pas le

4 numéro. C'était un bon ami de mon mari.

5 M. Nobilo (interprétation). - Quand les soldats sont arrivés et

6 vous ont posé des questions au sujet de la maison de Sakib Ahmic, vous

7 ont-ils interrogée sur d'autres sujets, sur les positions ou autres ?

8 Témoin M (interprétation). - Oui.

9 M. Nobilo (interprétation). – Que vous ont-ils demandé ?

10 Témoin M (interprétation). - Ils ont demandé si les nôtres

11 étaient dans la forêt, où étaient nos positions, nos tranchées.

12 M. Nobilo (interprétation). – Qu’avez-vous répondu ?

13 Témoin M (interprétation). - Que je ne savais pas.

14 M. Nobilo (interprétation). – Passons maintenant à cette haie.

15 Au moment où les soldats vous suivaient, est-ce que quelqu'un du côté de

16 Ahmici-le-Haut, du côté musulman, vous tirait dessus ?

17 Témoin M (interprétation). - Non, il n'y avait personne là-bas.

18 M. Nobilo (interprétation). - Donc, personne ne tirait ?

19 Témoin M (interprétation). - Non, je n'ai vu personne, il n'y

20 avait pas de coup de feu.

21 M. Nobilo (interprétation). - Dans votre déclaration écrite,

22 vous n'avez pas parlé de bouclier humain. Vous avez dit que les soldats

23 vous suivaient.

24 Témoin M (interprétation). - Ils ne m'escortaient pas gentiment.

25 On a été utilisé comme bouclier humain.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Mon collègue me fait remarquer

2 qu'en anglais le terme est : escorter et non pas suivre. Ils allaient

3 donc avec vous. Dans la déclaration écrite, il n’a pas été dit qu'ils vous

4 ont utilisés en tant que bouclier humain. Avez-vous parlé de bouclier

5 humain aux enquêteurs du Tribunal ?

6 Témoin M (interprétation). - Oui.

7 M. Nobilo (interprétation). – Vraiment ?

8 Témoin M (interprétation). - On ne peut pas dire qu'ils étaient

9 avec nous. Ils nous donnaient des coups de crosse de fusil sur le visage

10 ou dans le dos. Après être passés par la cour de Suad Ahmic, nous allions

11 vers la forêt. C'est alors qu'ils ont commencé à tirer. Ils ne voulaient

12 pas tuer, ils voulaient intimider. Ils tiraient dans notre direction. Ils

13 étaient en bas et c’est de là qu'ils tiraient sur nous.

14 M. Nobilo (interprétation). – Avez-vous vu qui tirait ?

15 Témoin M (interprétation). - Non. Ils tiraient derrière nous.

16 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous parlé aux enquêteurs de

17 la de la même façon que ce que vous venez de faire, ici, dans le

18 prétoire ?

19 Témoin M (interprétation). - Oui.

20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous lire un extrait de

21 votre déclaration écrite. Vous allez me dire ensuite si c'est exact et si

22 c'est ce que vous avez dit aux enquêteurs : "Ahmici

23 était sur la route principale et c'était le seul village

24 musulman entre Novi Travnik, Vitez et Busovaca.". Est-ce bien ce que vous

25 avez dit : sur la route principale ?

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1 Témoin M (interprétation). - Oui, à côté de la route.

2 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous dit que Pero Skopljak

3 était directeur de la télévision de Vitez ?

4 Témoin M (interprétation). - Oui.

5 M. Nobilo (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président,

6 je vous prie. Je souhaite consulter mon confrère.

7 (Les avocats se consultent sur le siège.)

8 M. Nobilo (interprétation). - Encore une cition que mon confrère

9 m'a rappelée. Est-ce que les deux soldats ont dit : "Ne tirez pas ! Ce

10 sont des femmes et des enfants ?" ?

11 Témoin M (interprétation). - Ils ont dit : "Ne tirez pas ! Une

12 femme et un enfant.".

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, nous

14 en avons terminé.

15 M. le Président - Monsieur le Procureur, avez-vous quelques

16 précisions à demander ?

17 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

18 Me Nobilo vous a demandé Témoin M, si vous aviez été escortés par ces

19 soldats le long du chemin qui figure sur la pièce à conviction que vous

20 avez sous les yeux. Pourriez-vous dire aux Juges, en utilisant vos mots,

21 ce que les soldats vous ont faits, ce qu'ils vous ont dit et ce qu'ils ont

22 fait après avoir quitté votre compagnie, de manière à ce que nous

23 puissions décrire précisément cette escorte ?

24 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je tiens à

25 souligner que c'est une déformation de la question posée par mon confrère,

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1 la question était : "Est-ce que vous avez dit aux enquêteurs au moment de

2 votre audition que vous aviez été escortés ?".

3 M. le Président. - Maître Hayman, vous-même avez soulevé ce

4 point qui effectivement est important, me semble-t-il, par rapport à une

5 terminologie juridico-pénale,

6 juridico-criminelle, à savoir la notion de bouclier humain.

7 Vous-même, Maître Hayman, avez tenu dans votre contre-

8 interrogatoire, avec Me Nobilo, à faire préciser, notamment par rapport à

9 la traduction anglaise, la notion d'escorte. Je vous en prie, laissez moi

10 terminer, si vous le voulez bien. Donc, je ne trouve pas illégitime que

11 maintenant, dans son droit de réplique, le Procureur essaie de faire

12 préciser, à l'intention du Tribunal, ce qu'a voulu dire le témoin.

13 D’accord !Vous n'êtes pas d'accord ? Allez-y.

14 M. Hayman (interprétation). - Je ne fais pas objection,

15 Monsieur le Président, à la question posée par Me Harmon.

16 Mais mon objection porte sur le fait que dans la question qu’il

17 a posé au témoin il a déclaré que Me Nobilo avait qualifié la situation

18 comme étant une situation d'escorte. Ce n'est pas le cas. Il a demandé au

19 témoin si elle avait parlé d'escorte au moment de son audition par les

20 enquêteurs.. Autrement dit, j'insiste sur le fait qu'il a déformé la

21 teneur de la question de mon confrère, c'était mon objectif.

22 M. le Président. - Ne nous perdons pas trop dans les détails.

23 L'essentiel est de savoir très exactement comment le Témoin M a vécu ce

24 moment et c'est cela qui intéresse les Juges. Je vous donne acte de votre

25 précision, Maître Hayman. Soyez rassuré, vous avez voulu redresser la

Page 4411

1 terminologie de M. le Procureur. Monsieur le Procureur, votre intention

2 est bien de faire préciser au Témoin M ce qui s'est passé très exactement

3 à ce moment là ?

4 M. Harmon (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

5 Président. Je vous en prie, Témoin M, poursuivez.

6 Témoin M (interprétation). - Quand je suis arrivée jusqu'à la

7 maison de Meho Hrustanovic, et quand ils nous ont dit de nous enfuir vers

8 la forêt, ils ont dit : "Si les vôtres tirent sur nous "-c'est-à-dire sur

9 eux-"nous allons vous tuer ". C'est ce qu'ils ont dit. Nous allions

10 lentement, nous étions pieds nus et nous n'avions pas de chaussures aux

11 pieds. Cela glissait et ils nous forçaient à courir ; ils nous frappaient

12 avec leurs crosses de fusils sur le dos.

13 M. Harmon (interprétation). - Après qu'ils vous ont laissés

14 partir, on a commencé à vous tirer dessus ?

15 Témoin M (interprétation). - Ils sont restés près de la maison

16 de Suad Ahmic, on est passé derrière cette maison et nous avons pris

17 refuge ; eux sont restés dans la cour de cette première maison, ici. C'est

18 alors qu'ils ont tiré derrière nous.

19 M. Harmon (interprétation). - Très bien, je n'ai pas de question

20 supplémentaire, Monsieur le Président. J'aimerais que la pièce à

21 conviction 147, la photographie et la légende qui l'accompagne, soient

22 placées sous scellés, car indirectement il peut être possible d'identifier

23 le témoin grâce à ces éléments.

24 M. le Président. - Pas d’objection ? Très bien. Je me tourne à

25 présent vers mes collègues et tout d'abord vers Monsieur le Juge Riad qui

Page 4412

1 a certainement quelques précisions à apporter avant que nous libérions le

2 Témoin M. Monsieur le Juge Riad, allez-y.

3 M. Riad (interprétation). - Bonjour, je vous appellerai donc

4 Témoin M puisque je ne suis pas autorisé à prononcer votre nom. J'aimerais

5 me faire une idée de l'endroit exact où vous habitiez. Vous viviez au

6 centre du village d'Ahmici, c’est cela ?

7 Témoin M (interprétation). - Oui.

8 M. Riad (interprétation). - La totalité du village d'Ahmici est

9 un village musulman ?

10 Témoin M (interprétation). - La plus grande partie des maisons

11 étaient musulmanes. Parmi les autres, quelques-unes appartenaient aux

12 Croates.

13 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi, Témoin M, pouvez-vous

14 répéter ?

15 Témoin M (interprétation). - La majorité des maisons étaient des

16 maisons musulmanes et il y avait quelques maisons, indiquées ici, dont les

17 propriétaires étaient Croates.

18 M. Riad (interprétation). - Ce village est-il entouré par des

19 villages croates ? Ou bien les villages entourant Ahmici sont-ils

20 également des villages musulmans ?

21 Témoin M (interprétation). - C'est un village entouré par des

22 villages croates.

23 M. Riad (interprétation). - Des villages croates. C'est donc

24 pratiquement le seul village musulman de la région ?

25 Témoin M (interprétation). - Oui.

Page 4413

1 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que lorsque votre mari

2 est arrivé près du café Pican, il avait vu une forte concentration de

3 soldats du HV et que cela l'avait profondément inquiété. Y avait-il une

4 raison particulière justifiant que ces soldats prennent position dans

5 Ahmici ? Y avait-il des combats dans cette zone ? Y avait-il des attaques

6 dues aux Musulmans ? Vous n'avez remarqué aucune attaque ?

7 Témoin M (interprétation). - Non,

8 M. Riad (interprétation). - Pas d'attaque ?

9 Témoin M (interprétation). - Non, pas du tout.

10 M. Riad (interprétation). - La région était donc tranquille ?

11 Témoin M (interprétation). - Complètement tranquille.

12 M. Riad (interprétation). - Où se trouvaient les forces

13 musulmanes ? Avez-vous une idée de l'endroit où se trouvaient les forces

14 musulmanes ? Se battaient-elles contre les Serbes sur le front ou contre

15 les Croates ? Que faisaient-elles à ce moment-là ?

16 Témoin M (interprétation). - Elles étaient sur le front en train

17 de se battre contre les Serbes. Mais à Ahmici, il n'y avait pas du tout de

18 résistance.

19 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que votre maison avait

20 été incendiée et que toutes les maisons que vous pouviez voir autour de la

21 vôtre étaient incendiées, mais que les maisons croates ne l'étaient pas. A

22 votre connaissance, ces maisons musulmanes étaient-elles simplement des

23 maisons dans lesquelles vivaient des familles ou bien étaient-elles des

24 centres de résistance d'où partaient des coups de feu ?

25 A l'intérieur de ces maisons, y avait-il simplement des femmes

Page 4414

1 et des enfants qui y résidaient ? Ou avez-vous pu constater que des

2 Musulmans, à l'intérieur de ces maisons,

3 renvoyaient les coups de feu ?

4 Témoin M (interprétation). - C'étaient des maisons musulmanes

5 dans lesquelles les gens vivaient avec leurs familles, leurs enfants, une

6 vie tout à fait normale. Il n'y avait pas de centre de résistance à

7 l'intérieur de ces maisons.

8 M. Riad (interprétation). - Personne n'a commencé à tirer de

9 coups de feu à partir de ces maisons ou des provocations ?

10 Témoin M (interprétation). - Non !

11 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que vous avez regardé

12 la télévision et que vous y avez vu Kordic inviter les Croates à combattre

13 les Musulmans. Est-ce exact ? Pouvez-vous préciser exactement ce que vous

14 avez vu, ou est-ce que vous ne vous en rappelez-vous plus ?

15 Témoin M (interprétation). - Oui. Ce jour là, à la télévision,

16 la retransmission de la célébration de Pâques a duré toute la journée.

17 Kordic a tenu un discours ; il y avait d'autres personnes présentes. Dans

18 ce discours, entre autres choses -moi, je n'ai pas écouté sans arrêt, mais

19 j'ai vu cette partie-là parce que mon mari m'a appelée pour voir cela- il

20 faisait appel au peuple croate pour lutter contre les Musulmans. Il a dit

21 que les Croates avaient été attaqués par des forces musulmanes, et que

22 techniquement ils étaient plus puissants et qu'ils pouvaient donc vaincre

23 les forces musulmanes.

24 M. Riad (interprétation). - Y avait-il des forces musulmanes ? Y

25 avait-il une attaque qui partait d'Ahmici ? Excusez-moi de répéter ma

Page 4415

1 question, mais ce qu'il a dit correspondait-il plus ou moins à une

2 situation existant sur le terrain ? Y avait-il une attaque musulmane ?

3 Témoin M (interprétation). - Non.

4 M. Riad (interprétation). - Il n'y en avait pas ?

5 Témoin M (interprétation). - Non.

6 M. Riad (interprétation). - Avez-vous une idée de l'endroit où

7 les gens d'Ahmici sont allés une fois que leurs maisons ont été

8 incendiées ? Ces personnes ont-elles été chassées de leurs maisons ou

9 sont-elles restées dans le village ?

10 Témoin M (interprétation). - Certains ont été emmenés dans un

11 camp. Beaucoup de mes voisins on été tués. Ceux qui ont survécu se sont

12 échappés avec moi, comme la famille de Suad Ahmic alors que son père a été

13 tué. Nous sommes allés vers Rovine, un village musulman libre, même si le

14 village a été pilonné. Mais au moins à l'intérieur du village, il n'y

15 avait pas de soldat.

16 M. Riad (interprétation). - Personne n'est donc resté à Ahmici

17 après ces événements ? Aucun d'entre eux, aucun Musulman, personne n'a pu

18 rester ?

19 Témoin M (interprétation). - Non.

20 M. Riad (interprétation). - Ces gens sont-ils revenus après à

21 Ahmici ? Les Musulmans sont-ils revenus ?

22 Témoin M (interprétation). - Les Musulmans, non.

23 M. Riad (interprétation). - Non. Donc aujourd'hui, c'est un

24 village complètement habité par des Croates ?

25 Témoin M (interprétation). - Toutes les maisons musulmanes ont

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1 brûlé, les maisons croates sont intactes. Les Croates y vivent normalement

2 et il n'y a pas un seul Musulman là-bas ; ce n'est pas possible étant

3 donné que toutes les maisons ont brûlé !

4 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

5 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge Riad. La parole est à

6 Monsieur le Juge Shahabuddeen.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Témoin M, vous avez décrit

8 quelques-uns des soldats que vous avez vus en disant qu'ils portaient des

9 uniformes de camouflage. Vous étiez dans la région depuis quelque temps

10 déjà. Pourriez-vous aider les Juges de ce Tribunal à

11 identifier ces soldats avec un peu plus de précision.

12 S'agissait-il de soldats musulmans ou de soldats croates ?

13 Témoin M (interprétation). - Tous les soldats que j'ai vus ce

14 matin-là étaient des membres du HVO.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ils était tous membres du

16 HVO. Merci.

17 Le conseil de la défense, Me Nobilo, vous a posé une question

18 portant sur l'émission de télévision que vous avez regardée la nuit du

19 15 avril. Il vous a interrogée au sujet du Général Blaskic. Vous avez

20 fourni une certaine réponse. Est-ce que vous connaissiez le

21 Général Blaskic avant cette date ?

22 Témoin M (interprétation). - Oui.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Comment est-ce que vous le

24 connaissiez ? L'aviez-vous vu en personne ?

25 Témoin M (interprétation). - Je ne le connaissais pas

Page 4417

1 personnellement. Je ne l'ai pas vu directement. A chaque fois que je l'ai

2 vu, c'était à la télévision.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous le voyez

4 seule à la télévision ou était-il accompagné d'autres personnes ?

5 Témoin M (interprétation). - Plusieurs fois quand je l'ai vu à

6 la télévision, il était accompagné de Dario Kordic et d'Ignac Kostroman de

7 Busovaca.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Aviez-vous l'impression

9 qu'il faisait partie du même groupe que M. Kordic ?

10 Témoin M (interprétation). - Oui.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous l'avez vu à

12 la télévision le jour du 15 avril ?

13 Témoin M (interprétation). - Non. Je n’en suis pas sûre parce

14 que je regardais la partie où Kordic parlait, mais j'avais des obligations

15 dans la maison, je n'ai donc pas tout regardé

16 du programme.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci.

18 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge.

19 Témoin M, c’est terminé pour vous. Le Tribunal vous remercie

20 parce qu'il se doute que c'est difficile de venir, plusieurs années après,

21 expliquer ces évènements tragiques. Il souhaite que vous retourniez dans

22 votre pays et que vous retrouviez si possible une plus grande sérénité.

23 A présent le Tribunal va suspendre ses travaux pendant

24 20 minutes et reprendra avec l'audition d'un nouveau témoin. Merci

25 Témoin M. L’audience est suspendue.

Page 4418

1 L'audience est suspendue à 11 heures 25

2

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5

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7

8

9 La séance est reprise à 11 heures 45.

10 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

11 l'accusé.

12 (L'accusé est introduit dans la salle.)

13 M. le Président - Monsieur le Procureur, s'il vous plaît.

14 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

15 Messieurs les Juges, bonjour. Le témoin suivant n'est pas un témoin

16 protégé, son nom est Habiba Pjanic.

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je souhaiterais vous

18 dire que Mme Pjanic ne se sent pas très bien, elle m'en a parlé ce matin,

19 cependant elle tient à venir témoigner.

20 En ce qui concerne son témoignage, celle-ci a habité avec sa

21 famille à Ahmici. Nous allons nous concentrer sur les événements du

22 16 avril 1993 au cours desquels son mari a quitté la maison pour se rendre

23 à la mosquée prier le matin. Vous verrez, sur cette carte, que cette

24 mosquée se trouve près de chez elle. Peu de temps après le début de la

25 prière du matin, des soldats du HVO sont entrés chez elle, ont tiré des

Page 4419

1 balles incendiaires dans la maison, sont arrivés dans la maison.

2 Le fils aîné Muamer a été emmené au dernier étage où ils l'ont

3 forcé à sauter par-dessus le balcon du deuxième étage, et lui ont ensuite

4 tiré une balle dans la tête. Après ce meurtre, ils sont passés au plus

5 jeune des fils qui est passé également par-dessus le balcon, mais qui a

6 échappé miraculeusement à la mort. Leur jeune fille vivait également chez

7 eux et les soldats lui ont dit qu'elle allait être emmenée au bungalow et

8 qu'ils allaient la violer. Cependant, parce qu'elle avait ces règles à ce

9 moment-là, elle n'a pas été violée ; après ils n'ont plus concentré leur

10 attention sur la jeune fille. Ainsi, elle a pu s'enfuir avec sa mère et

11 elles sont donc allées à Gorni Ahmici. Comme le témoin précédent, elles

12 sont allées dans le village musulman de Verovina, à l'extérieur de Pirici.

13 En outre, Monsieur le Président, alors qu'elle se trouvait là-bas,

14 elle a entendu des ordres émanant de soldats du HVO de brûler

15 toutes les maisons. Nous allons également procéder à l'identification de

16 certaines photographies qui ont été proposées au dossier. Je les ai mises

17 près du rétroprojecteur, il s'agit des pièces 47/71 et 47/72.

18 Voici donc la matière du témoignage de cette personne,

19 Monsieur le Président.

20 M. le Président. - Merci, Monsieur le Procureur, nous pouvons

21 demander à l'Huissier de faire entrer Mme Habiba Pjanic, qui était prévue

22 à peu près pour combien de temps Monsieur Kehoe ?

23 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je dirai

24 environ 45 minutes.

25 (Le témoin est introduit dans la salle.)

Page 4420

1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président puis-je poser

2 certaines questions préliminaires à ce témoin afin de bien gérer notre

3 temps et de nous concentrer tout de suite sur le 16 avril ?

4 M. le Président - Nous lui donnons d'abord les écouteurs. Vous

5 m'entendez Madame ?

6 Mme Pjanic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

7 M. le Président - Pouvez-vous dire au Tribunal votre nom et

8 votre prénom ?

9 Mme Pjanic (interprétation). - Je m'appelle Habiba Pjanic.

10 M. le Président - Merci. Monsieur l'Huissier va vous tendre un

11 papier sur lequel figure le texte de votre serment. Pouvez-vous le lire ?

12 Mme Pjanic (interprétation). - Oui. Je déclare solennellement

13 que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président - Merci, Madame. Vous pouvez vous asseoir.

15 N'ayez pas peur, Madame. Vous avez eu beaucoup de courage pour venir

16 jusqu'ici. Vous êtes sous la protection du Tribunal.

17 Monsieur le Procureur vous a demandé de venir, vous répondrez à

18 ses questions.

19 Nous savons que vous voulez nous parler de ce qui s'est passé à

20 la mosquée concernant votre mari, de vos fils, de votre fille et de ce que

21 vous avez entendu. Vous ferez donc votre témoignage. Vous allez répondre à

22 quelques questions préliminaires que va vous poser le Procureur. Ensuite,

23 vous nous parlerez très librement de ce que vous avez vécu et on vous

24 posera des questions.

25 Si quelque chose ne va pas, Madame, à tout moment vous nous

Page 4421

1 demandez d'arrêter. On s'occupera de vous pour vous réconforter. N'ayez

2 donc aucune crainte. Monsieur le Procureur !

3 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

4 Bonjour, Madame Pjanic.

5 Mme Pjanic (interprétation). - Bonjour.

6 M. Kehoe (interprétation). - Madame Pjanic, quel âge avez-vous ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - Je suis née en 1943.

8 M. Kehoe (interprétation). - Madame Pjanic, êtes-vous

9 musulmane ?

10 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

11 M. Kehoe (interprétation). - Jusqu'au 16 avril 1993, vous et

12 votre famille, habitiez-vous au village d'Ahmici ?

13 Mme Pjanic (interprétation). - Je suis née à Ahmici et j'y ai

14 vécu aussi. J'ai vécu ailleurs qu'à Ahmici pendant seulement un an et demi

15 dans ma vie. Tout le reste de ma vie, je l'ai passée à Ahmici.

16 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez vécu avec votre mari et

17 vos enfants, n'est-ce pas, Madame Pjanic ?

18 Mme Pjanic (interprétation). - Avec mes 5 enfants.

19 M. Kehoe (interprétation). - Le 16 avril 1993 vous viviez avec

20 trois de vos enfants, car deux d'entre eux s'étaient mariés et étaient

21 allés vivre ailleurs, n'est-ce pas ?

22 Mme Pjanic (interprétation). - Oui, en effet.

23 M. Kehoe (interprétation). - Avant de passer aux événements en

24 tant que tels, quel âge a votre mari aujourd'hui, quelle est sa date de

25 naissance ?

Page 4422

1 Mme Pjanic (interprétation). - Il est né en 1939.

2 M. Kehoe (interprétation). - Avant les événements du 16 avril

3 1993, votre mari faisait-il partie de la Défense territoriale ?

4 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Que faisait-il au sein de la

6 Défense territoriale ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Je

8 sais qu'il était membre de la Défense territoriale, mais étant donné qu'il

9 était retraité, il s'est retiré quelque temps après. Pendant le conflit,

10 il n'était pas membre de la Défense territoriale.

11 M. Kehoe (interprétation). - Au cours des événements du 16

12 avril 1993, votre mari était déjà à la retraite, n'est-ce pas ?

13 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - Concernant les deux fils qui

15 habitaient avec vous le 16 avril, Muamer et Mirza, quelle était leur date

16 de naissance respective ?

17 Mme Pjanic (interprétation). - Muamer est né en 1972 et Mirza en

18 1979.

19 M. Kehoe (interprétation). - Faisaient-ils également partie de

20 la Défense territoriale ?

21 Mme Pjanic (interprétation). - Muamer, oui. Mirza était trop

22 jeune. Le fils aîné, oui. Mais Mirza à l'époque était mineur.

23 M. Kehoe (interprétation). - Votre fille, qui habitait avec

24 vous, s'appelait Muamera, n'est-ce pas ?

25 Mme Pjanic (interprétation) - Oui.

Page 4423

1 M. Kehoe (interprétation). – Je voudrais maintenant que vous

2 concentriez votre

3 attention sur les événements qui ont débuté le 16 avril 1993.

4 Pouvez-vous dire aux Juges ce qui s'est passé le matin de cette journée du

5 16 avril ?

6 Mme Pjanic (interprétation) – Le 16 avril 1993, moi, mon mari et

7 ma fille Muamera, nous nous sommes levés pour faire la prière. Mon mari

8 est allé à la mosquée, il a fermé la porte à clef, il a pris la clef pour

9 que nous ne descendions pas, il a descendu l'escalier. On attendait qu'il

10 aille faire sa prière.

11 J'ai entendu une forte détonation. C'est la mosquée qui avait

12 été atteinte. Cela s'est produit alors qu’ils avaient déjà commencé à

13 faire leur prière et, peu de temps après, ma maison a été attaquée. Ils

14 ont commencé à tirer sur ma maison, ma fille faisait ses prières et moi je

15 préparais du café. Une balle est passé à côté de mon visage et a touché le

16 mur. Ma fille continuait à faire sa prière et après j'ai couru pour voir

17 ce qu'il en était de mon fils Muamer qui dormait dans l'autre chambre. Je

18 suis entrée dans la chambre, il mettait un T-shirt et un pantalon. Je lui

19 ai dit : «Il y a des coups de feu partout, les vitres sont brisées, tout

20 tombe, les fenêtres tombent, Muamer, mon fils nous sommes attaqués». Je

21 suis allée dans l'autre chambre pour voir où était mon Mirza. Lui aussi

22 s'était réveillé à cause des coups de feu et il mettait un survêtement.

23 Nous sommes tous allés nous réfugier dans un garde-manger, c'est

24 là que nous avons passé la période de la première attaque. On attendait,

25 pour voir quel serait notre sort. On entendait des voix dirent :

Page 4424

1 «Sortez!». On a entendu que quelqu'un était devant notre étable, qui était

2 à une vingtaine de mètres de la maison. Quelqu'un a dit : «Brûle tout !

3 Mets le feu partout !». Ils ont donc mis le feu à l’étable, le bétail

4 brûlait vivant et je leur demandais de tuer mes vaches pour qu'elles ne

5 brûlent pas vives.

6 Ils nous ont dit de sortir et j'ai dit que je n’avais pas la

7 clef, que mon mari n'était pas là, mais à la mosquée. Ils m'ont dit : «Qui

8 est à la maison avec toi ?», j'ai répondu : «Il n’y a que mes enfants et

9 moi». Un soldat est entré dans la chambre, dans le couloir, dans notre

10 garde-

11 manger avec l’arme tournée vers nous. Il avait de la couleur sur

12 son visage et une bande autour de sa tête, je ne le reconnaissais pas, je

13 n'ai pas pu le reconnaître. Il a pris mon fils Muamer, il l'a fait sortir

14 du garde-manger, il l'a fait passer par la chambre. Pendant tout ce temps-

15 là, il tournait son arme vers sa tête. Il l'a fait sortir sur le balcon et

16 il lui a dit : «Saute !». J'ai entendu plusieurs coups de feu et ensuite

17 il est venu nous chercher, Mirza et moi, et il a laissé ma fille dans le

18 garde-manger en lui disant de ne pas bouger. Pendant que je sortais sur le

19 balcon, Mirza a sauté. Je l'ai vu tomber, on était à une vingtaine de

20 mètres de la route et il courrait à travers un champ. Quelqu'un a dit :

21 «Tu vas voir, je vais l'atteindre». Je ne savais pas si je devais regarder

22 vers Mirza ou Muamer. Muamer était déjà mort, il saignait, le sang

23 s’écoulait de sa tête ; et à ce moment-là j'étais perdue.

24 A moi aussi il a dit : «Saute, balija !», et j'ai dit : «Je ne

25 veux pas, si vous devez me tuer en bas, tuez moi ici». J'ai vu que la vie

Page 4425

1 était terminée. Quand j'ai regardé, j'ai vu que les maisons des voisins

2 étaient en feu, j'ai pu voir que c'était terminé pour nous. Je ne pensais

3 pas pouvoir survivre, et il m'a dit encore une fois : «Saute !», et j'ai

4 dit : «Je ne veux pas, tuez- moi ici ! Si vous voulez me tuer en bas, vous

5 n'avez qu'à me tuer ici. Forcez la porte !». La porte était fermée à clef,

6 il frappait la porte avec son fusil, il tirait, il ne pouvait pas

7 l’ouvrir, il donnait des coups de pieds et finalement il a forcé la porte.

8 Il m'a laissée là et m'a dit : «Ne bouge pas ! Si tu bouges je te tuerai.

9 Maintenant tu vas voir ce qu'on va faire de ta fille !». C'est alors que

10 j'ai pratiquement oublié la mort de mes fils, je pensais que Mirza avait

11 été tué lui aussi, et maintenant j'étais inquiète pour ma fille, pour ce

12 qui allait lui arriver.

13 J'avais très soif, je me disais que j’avais envie de boire de

14 l'eau, je me suis dirigée vers la vieille maison. A l'extérieur, il y

15 avait de l'eau et je me suis dit : «Ils n’ont qu'à me tuer». Il y avait

16 des coups de feu partout, des balles passaient à côté de ma tête, mais

17 j'ai pris ma décision, je me suis dit que j’allais boire de l'eau. Quand

18 je suis arrivée près du puits, j'ai commencé à boire de l'eau. Il y a eu

19 une forte explosion, je ne sais pas ce que c'était. Je me suis

20 assise, ensuite j'ai couru et je me suis cachée derrière la

21 veille maison, au coin de celle-ci.

22 A ce moment-là, je me suis dit que j’allais aller chercher ma

23 fille, même s'ils devaient me tuer. Je voulais savoir ce qui lui arrivait.

24 J'ai commencé à m'approcher et j'ai vu que le soldat l'amenait, le fusil

25 tourné vers sa tête. Il lui faisait descendre l'escalier. Avant, elle

Page 4426

1 avait sur elle un pull-over bleu, pendant qu'elle faisait sa prière, mais

2 là elle n'avait que sa robe qui était complètement déchirée. Ils ont

3 déchiré tout ce qu'elle avait sur elle. Je me suis cachée derrière le coin

4 de la maison pour voir ce qu'ils allaient faire avec ma fille. Ils l'ont

5 amenée sous le balcon et elle m'a raconté qu'ils lui disaient qu'ils

6 allaient l'emmener au bungalow. Ils frappaient Muamer en disant à ma

7 fille : «Tu sais qui est ce jeune homme ?», Muamera a dit : «Je sais,

8 c'est mon frère». Ils le frappaient, lui donnaient des coups de pied sur

9 la tête, sur le visage, ils riaient et puis ils disaient : «On regrette

10 beaucoup pour toi jeune homme, mais maintenant tu es au paradis, tu es en

11 train de cueillir les clémentines au paradis». Ils riaient et Muamera

12 pleurait.

13 J'ai voulu voir ce qui allait lui arriver, elle avait soif elle

14 aussi, elle voulait boire de l'eau, elle leur a demandé de l'eau, ils

15 l'ont laissé boire. Elle avait promis qu'elle allait partir avec eux. Elle

16 se disait certainement que j'étais aux alentours, elle pensait qu'ils

17 n'allaient pas me trouver. Je me suis cachée encore une fois derrière la

18 maison, au coin de la maison, elle est arrivée au même endroit que celui

19 où j'étais auparavant pour boire de l'eau. Elle leur a demandé la

20 permission de laisser sa mère libre et un soldat disait : «Ta mère est

21 morte, c'est moi qui l’ai tuée, elle est morte, certainement». Elle

22 disait : «Laissez-moi partir !», et ils lui répondaient quelque chose que

23 je ne pouvais pas entendre. Elle leur a demandé elle aussi de tuer le

24 bétail parce que les vaches meuglaient, elles étaient en train de brûler.

25 L’un d’entre eux est parti vers la maison, elle m'a aperçue,

Page 4427

1 elle est venue jusqu'à moi, elle m'a prise par la main et m'a dit : «Fuis,

2 maman, ils vont te tuer !». Nous sommes allées vers la maison d'été de

3 Osman Dzambeg. On a pris une petite ruelle et l’homme a couru vers

4 nous, mais il est tombé, il a glissé et il est tombé parce que

5 cela glissait par terre. Ensuite, personne n'est venu nous chercher. Nous

6 nous sommes cachées là-bas.

7 Plus tard, on a pu constater qu'il y avait eu des réfugiés de

8 Karaula dans cette maison d'été. C'était la maison d’Ibro. Raza m'a crié :

9 «Habiba, sauve-toi par ici, par la fenêtre !». Mais étant donné qu'il y

10 avait des coups de feu, nous n'avons pas pu y aller. Il y avait une

11 clôture en fer. Nous avons quand même réussi à passer par-dessus celle-ci

12 pour aller jusque chez eux. Nous y avons vu un homme qui avait été

13 prisonnier dans un camp chetnik. Son fils s'appelait Hazim, avec sa femme

14 ils étaient là aussi. Il y avait également Kazim et ses deux filles.

15 Je leur ai dit : "Sauvez vous, tout le monde a été tué chez

16 moi". Said a crié : "Je ne vais pas les attendre, les autres m'ont fait

17 perdre toutes mes dents et ceux-là vont me casser les côtes ". Said s'est

18 mis à fuir tout seul en direction d'Ahmici-le-Haut. Moi, j'attendais

19 Muamera, elle se reposait là-bas. J'ai commencé à marcher, elle ne pouvait

20 pas me rattraper. Elle attendait les autres filles qui étaient là-bas.

21 Je suis sortie, je suis allée sur une colline et j'ai pu voir

22 que ma maison était en feu, que toutes les maisons étaient en feu. A cause

23 de la fumée, ils ne pouvaient pas me voir. C'est ainsi que nous avons pu

24 nous retirer. J'ai commencé à me diriger vers la maison de ma soeur à

25 Ahmici-le-Haut.

Page 4428

1 A ce moment-là, il y avait des coups de feu partout. Je ne

2 pouvais pas être concentrée sur tous les détails. J'étais très déprimée,

3 je pensais que mon mari lui aussi était tué, parce que près de la mosquée

4 il y avait eu des coups de feu aussi. Je ne savais pas ce qui lui était

5 arrivé. Il était blessé lui aussi.

6 Je suis arrivée jusqu'à la maison de ma soeur, (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée). Certains sont allés dans la forêt et

15 ainsi on est restés là-bas jusqu'à 9 heures, 9 heures 30 peut-être ; c'est

16 ce quelqu'un a dit. Quelqu'un a dit qu'il y avait des coups de feu partout

17 et qu'il fallait donner à manger aux enfants et petits-enfants.

18 Quelqu'un a dit : "Ils sont à cents mètres de nous, il faut

19 qu'on parte d'ici". Ceux-là étaient entre nous et Ahmici-le-Bas. C'était à

20 l'endroit où se trouvait la mosquée. On était dans cette cave-là. On est

21 sorti, il y avait un tireur isolé qui tirait. On est allé encore une fois

22 vers la clôture, on est allé dans la maison de Petko, de mon mari.

23 Certains sont partis voir où étaient les nôtres étant donné qu'ils étaient

24 à Borak et Kratine. Ils voulaient savoir s'il était possible pour nous

25 d'aller jusqu'à Verovine.

Page 4429

1 Il était donc possible pour nous de passer, c'est ce que nous

2 avons appris. Nous avons ainsi pris le chemin de Verovine ; il y avait des

3 personnes âgées. Moi, je les aidais, il y avait aussi de petits-enfants.

4 Nous sommes arrivés jusqu'à Verovine vers une heure moins quart. Nous y

5 avons passé la nuit, certains sont allés dans le garage, d'autres dans la

6 mosquée. Tout le monde s'est débrouillé de la meilleure manière possible,

7 là où on pouvait s'abriter.

8 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Madame Pjanic. Je voudrais

9 maintenant vous demander certaines choses sur la déclaration que vous

10 venez de faire.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, puis-je maintenant

12 concentrer votre attention sur la pièce 149. Si nous pouvions la placer

13 sur le rétroprojecteur. C'est une carte de la partie inférieure d’Ahmici,

14 certains lieux y sont indiqués. Je ne pense pas que vous l'ayez encore,

15 Monsieur le Président.

16 Monsieur l'Huissier, veuillez positionner cette carte sur le

17 rétroprojecteur, s’il vous plaît ?

18 (L'Huissier la place sur le rétroprojecteur.)

19 M. Kehoe (interprétation). - Madame Pjanic, sur cette carte vous

20 voyez la maison entourée du n° 1. Est-ce bien la maison que vous avez

21 occupée avec votre mari et vos trois enfants ?

22 Mme Pjanic (interprétation). - Etant donné qu'il y en a peu,

23 j'ai l'impression que oui. J'ai l'impression qu'il s'agit bien de ma

24 maison.

25 M. Kehoe (interprétation). - Très bien. Madame Pjanic, votre

Page 4430

1 maison était-elle relativement proche du bâtiment dont vous avez parlé il

2 y a quelques instants, du bungalow ?

3 Mme Pjanic (interprétation). - Vous parlez du bungalow dont j'ai

4 parlé tout à l'heure ou d'un autre bâtiment ?

5 M. Kehoe (interprétation). - Parlez-nous du bungalow, Madame

6 Pjanic. Savez-vous où se trouve ce bungalow ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - Oui je le sais. Le bungalow est

8 près de la route principale, avant ma maison, dans la direction de

9 Travnik. Le bungalow est devant ma maison à une distance d'environ un

10 kilomètre et demi, je ne peux pas vous le dire très exactement.

11 M. Kehoe (interprétation). - Madame Pjanic, avant les événements

12 du 16 avril 1993, des soldats sont-ils venus à ce bungalow ?

13 Mme Pjanic (interprétation). - Ceux qui ont survécu à cet

14 incident d'octobre, après le mois d'octobre, nous harcelaient. Nous

15 abandonnions nos maisons. Nous n'étions jamais en sécurité pour dormir.

16 Quelquefois, j'allais chez ma soeur ou bien chez des voisins, dans la

17 maison d'été de quelqu'un. Nous n'étions pas en sécurité. Nous

18 abandonnions nos maisons étant donné qu'ils tiraient sur nos maisons,

19 qu’ils nous insultaient, qu’ils criaient.

20 Ils ont miné la maison de Eso Salkic, de Nadioci, devant sa

21 femme et ses enfants. Sa femme et les enfants ont sauté par la fenêtre, et

22 lui a été détruit dans l'explosion. Le lendemain, ils l'ont tiré jusqu'à

23 notre mosquée. Moi, j'ai entendu les membres de sa famille pleurer en

24 disant : "Ils l'ont détruit, nous voulons l'enterrer comme il se doit".

25 Les gens du bungalow

Page 4431

1 viennent, ils nous harcèlent : "Voyez ce qu'ils nous ont faits",

2 nous pensions qu'ils n'allaient jamais nous faire cela.

3 Ils ont aussi démoli la maison de Nail Ahmic. Nail Ahmic a dû

4 quitter sa maison à cause d'eux. Les soldats venaient, ils maltraitaient

5 ses filles. Ils ont démoli une maison, ils tiraient en l'air, ils ont mis

6 la maison de Muhamed Pezer en feu. Mes enfants sont allés éteindre le feu,

7 ils était désolés pour lui, c'était un voisin. C'est le fils aîné qui est

8 allé l'aider.

9 M. Kehoe (interprétation). - Madame Pjanic, laissez-moi vous

10 interrompre. Vos fils se sont-ils rendus au bungalow ? A ce moment-là,

11 avant les événements du 16 avril 1993, vos fils ont-ils reconnu des

12 soldats du bungalow ?

13 Mme Pjanic (interprétation). - Ils ne sont jamais allés dans le

14 bungalow. Nos jeunes hommes ne sont jamais allés dans le bungalow, ni nos

15 hommes. Il n'y avait que des Croates là-bas. Avant les voyageurs

16 s'arrêtaient là-bas, mais les nôtres, pour autant que je sache, n'y

17 allaient pas.

18 M. Kehoe (interprétation). - Vos fils vous ont-ils dit avoir

19 reconnu certains des soldats qui se trouvaient dans le bungalow, des

20 personnes de Nadioci, Santici et Vitez, pas d’Herzégovine ?

21 Mme Pjanic (interprétation). – Quand ils ont incendié la maison

22 de Muhamed Pezer, il y avait des réfugiés de Bijeu Buc dans la maison

23 d'été de quelqu'un, je ne sais pas exactement quel était le nom du

24 propriétaire, la municipalité a donné aux réfugiés la possibilité de se

25 réfugier dans la maison. Toute une famille est allée dans la maison de

Page 4432

1 Muhamed Pezer et ils sont allés près de ma maison.

2 M. Kehoe (interprétation). – Vos fils sont-ils allés parler à

3 des soldats dans le bois et ont-ils reconnu les soldats du bungalow ?

4 Mme Pjanic (interprétation). - Oui. Mon fils aîné était là, il a

5 parlé avec eux. Il leur a dit : «Vous devez avoir honte. Ces gens-là ont

6 été chassés de leur maison, ils ont acheté du

7 bois et vous, vous êtes là à leur prendre ce bois». Mon fils

8 aîné m’a raconté tout cela. Il a dit qu'il avait reconnu quelqu'un qui

9 allait à l'école avec lui. Il m'a dit qu’il y avait des gens de Santici,

10 de Nadioci, de Vitez. Il m'a dit qu'il n'y avait pas que des étrangers

11 parmi eux, c'est mon fils qui m'a raconté tout cela.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous connaissez un homme qui

13 s'appelle Dragan Papic, n'est-ce pas ? Il allait parfois au bungalow,

14 n'est-ce pas ?

15 Mme Pjanic (interprétation). - Je le connais très bien, je l’ai

16 vu. Je suis allée jusqu'à Dzemila Ahmic. Je le voyais souvent passer à

17 côté de ma maison qui est près de la route principale. Avant, on se

18 rendait les uns chez les autres, mais juste avant la guerre il passait à

19 côté de moi, il portait un uniforme noir et il ne me disait même pas

20 bonjour, il ne me disait rien du tout.

21 M. Kehoe (interprétation). - Je vais vous poser quelques

22 questions concernant les événements du 16 avril dont vous avez parlé il y

23 a quelques instants. Lorsque vous étiez à l'extérieur, avez-vous vu des

24 soldats du HVO devant votre maison ?

25 Mme Pjanic (interprétation). - Ils étaient tous sous mon balcon.

Page 4433

1 Je pense que les nôtres résistaient peut-être, je ne sais pas, je n'étais

2 pas au courant de ce qui se passait. Je ne sais pas qui tirait, ni

3 pourquoi. Ce que je sais c’est qu'il y avait des coups de feu partout. Ma

4 maison était atteinte et je devais me retirer. J'ai vu quelqu'un marcher

5 près de la maison de Zahir Ahmic, mais pour moi c'était loin. Je ne

6 pouvais pas voir. J'étais perdue, affolée.

7 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous étiez à l'extérieur,

8 combien de personnes avez-vous vues, combien de soldats se trouvaient sous

9 ce balcon ?

10 Mme Pjanic (interprétation). - Quand il m'a fait sortir, il y

11 avait cinq, six ou sept soldats, je ne peux pas vous dire le nombre exact,

12 ils étaient autour de Muamer. Il y en a un qui a souri, il a dit : «Saute

13 la balija». J'ai vu qu'il avait quelque chose sur l’épaule, mais je

14 n'étais pas très concentrée, je venais de voir mon Muamer et je pensais

15 qu'ils allaient me tuer moi aussi.

16 Je ne m'intéressais à rien, je ne pensais pas survivre.

17 M. Kehoe (interprétation). - Que portaient ces soldats, l'avez-

18 vous vu ?

19 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire,

20 peut-être qu’à l'époque j'aurais pu vous le dire. Cela s'est produit il y

21 a cinq ans, j'étais déprimée. Je ne peux pas vous le dire. Pour la

22 plupart, ils portaient des uniformes noirs.

23 Avant le premier conflit, je me rappelle que deux camions pleins

24 de soldats sont arrivés à Vitez. Ils portaient tous des uniformes noirs.

25 Ils tiraient des coups de feu en l'air, moi je devais sortir, je devais

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1 aller chez le médecin. Ils m'ont vue, ils m'ont insultée, ils disaient :

2 «Une balija ne va pas passer par ici». Ils portaient pour la plupart des

3 uniformes noirs.

4 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque les soldats ont emmené

5 votre fille, vous avez dit qu'ils allaient l'emmener vers le bungalow,

6 est-ce exact ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - C'est ce qu'elle m'a dit. Moi, je

8 ne pouvais pas parler de cela avec elle longuement parce que j'en avais

9 marre de tout. J'ai parlé de cela très peu avec elle. Elle m'a dit qu'ils

10 lui avaient dit qu'ils allaient l'emmener jusqu'au bungalow et elle leur a

11 demandé de boire de l'eau c'est ainsi qu'elle a voulu s'échapper.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous a-t-elle dit que les soldats

13 lui avaient dit à elle qu'ils allaient l'emmener au bungalow pour la

14 violer ?

15 Mme Pjanic (interprétation). - C'est ce qu'elle a raconté, je

16 n'ai pas parlé de cela avec elle. Pour moi, c'était difficile d'en parler

17 mais c'est ce qu'elle me disait, qu'ils voulaient d'abord la violer sur

18 place mais que tout n'était pas en règle avec elle et c'est pour ça qu'ils

19 ne l’ont pas fait sur place. Ils ont déchiré son pull-over et sa robe. Ils

20 ont enlevé ses bijoux et son foulard.

21 M. Kehoe (interprétation). - Madame, votre fille vous a-t-elle

22 dit que la raison pour laquelle ils ne l'ont pas emmenée au bungalow

23 c'était parce qu'elle avait ses règles ?

24 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant au moment où

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1 vous vous êtes cachée dans la cave de votre sœur. Vous avez dit qu'il y

2 avait des personnes blessées dans cette cave ?

3 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

4 M. Kehoe (interprétation). - Ces personnes blessées étaient-

5 elles des civils, des femmes, des enfants ?

6 Mme Pjanic (interprétation). - Chez nous il n'y avait que des

7 civils. Ce matin-là pas un seul soldat n'a été tué. Les civils ont été

8 tués, tous ceux qui ont été tués étaient des civils. A Ahmici, Munir Ahmic

9 portait son pyjama quand il a été tué. Il a été touché par une balle. Il a

10 été tué comme mon Muamer.

11 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous étiez à Gorni Ahmici,

12 vous avez dit que vous et les autres civils étiez la cible de tirs et de

13 balles.

14 Mme Pjanic (interprétation). - Ils tiraient de Mejtef.

15 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que les coups venaient

16 notamment des maisons de Vlatko et Zoran Kupreskic ?

17 Mme Pjanic (interprétation). - C'est ce que les autres disaient.

18 Il y avait des coups de feu en provenance de cette maison, mais là où je

19 me trouvais, ils ne tiraient pas vers nous depuis cette maison-là.

20 D'autres le disaient. Je ne pouvais pas le savoir, étant donné que nous

21 étions dans la cave, mais d'autres le disaient, ceux qui sortaient à

22 l'extérieur pour essayer de nous protéger. Ils disaient que c'était de

23 cette direction que les tirs provenaient et les obus aussi.

24 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant à l'examen de

25 deux photos dont nous avons déjà parlé. Avec l'aide de l'Huissier,

Page 4436

1 pourrait-on placer la pièce 47/71 sur le rétroprojecteur.

2 (La pièce est placée sur le rétroprojecteur.)

3 Mme Pjanic (interprétation). - C'est ma maison, c'est là qu'un

4 soldat m'a arrêtée.

5 C'est là qu'il m'a dit : «Si tu bouges, je te tue».

6 M. Kehoe (interprétation). - Le soldat qui vous a placée juste

7 devant la porte, c'est cela ?

8 Mme Pjanic (interprétation). - Là, quand on descend l'escalier,

9 sur le premier palier il a appuyé son arme sur mon front et il m'a dit :

10 «Ne bouge pas, je vais aller chercher ta fille et tu vas voir ce qu'on va

11 faire avec elle».

12 M. Kehoe (interprétation). - La photographie suivante,

13 Monsieur l'Huissier, s’il vous plaît, qui pour le procès-verbal est la

14 pièce 47/72. C'est également une photographie de votre maison, n'est-ce

15 pas ?

16 Mme Pjanic (interprétation). - Oui. On ne voit pas la partie la

17 plus endommagée.

18 M. Kehoe (interprétation). - L'endroit où votre maison a été

19 frappée, la façade sur laquelle se trouve le balcon se situe de l'autre

20 côté, elle ne figure pas sur cette photographie ?

21 Mme Pjanic (interprétation). - C'est de l'autre côté. Je suis

22 passée à côté il y a quelques jours et toute cette partie-là est comme le

23 toit là.

24 M. Kehoe (interprétation). - C'est donc sur cette autre façade

25 de la maison que votre fils Muamer a été forcé à sauter et à été

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1 assassiné, n'est-ce pas ?

2 Mme Pjanic (interprétation). - C'est de l'autre côté, en bas. Il

3 y a deux balcons, et il a sauté du deuxième étage. En bas, un groupe de

4 soldats l'attendait. Ils l'ont tué. Quand je suis sortie sur le balcon, il

5 était déjà tombé, le visage tourné vers le sol, et le sang s'écoulait de

6 sa tête. Il y avait des morceaux de bois autour, sous le pommier, et c'est

7 là qu'il gisait.

8 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, la prochaine

9 pièce à conviction est la pièce à conviction 150 qui, entre autres, montre

10 son fils décédé, Muamer. J'aimerais remettre cette pièce à conviction aux

11 Juges et à la défense. J'ai consulté le témoin et elle a demandé que

12 j’identifie son fils sur la photographie.

13 M. le Président - D'accord.

14 M. Kehoe (interprétation). - La photographie est donc une photo

15 du mariage de son fils, le fils du témoin assassiné le matin du 16 avril

16 1993. Muamer figure en haut à gauche de la photographie.

17 Mme Pjanic (interprétation). - C'est mon fils Muhamer, c'est

18 mon fils.

19 M. Kehoe (interprétation). - En cet instant, Monsieur le

20 Président, le Bureau du Procureur voudrait demander le versement au

21 dossier de la pièce à conviction 149 qui est la carte, ainsi que la

22 photographie pièce à conviction 150. Pas d'autre observation.

23 M. le Président. - Très bien, merci, Monsieur le Procureur.

24 Maître Nobilo, la défense, Madame, va vous poser, ainsi que les avocats du

25 Général Blaskic qui est accusé, quelques questions supplémentaires. Si

Page 4438

1 vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes là, appelez-nous et nous

2 saurons ce qu'il faut faire. Vous vous sentez bien ?

3 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

4 M. le Président - Bien.

5 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

6 Madame Pjanic, bonjour je m'appelle Anto Nobilo et avec mon confrère

7 Russel Hayman, nous défendons le Général Blaskic. Je vais vous poser

8 quelques questions au sujet de la situation que vous venez de décrire.

9 Mme Pjanic (interprétation). - Allez-y, Monsieur.

10 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Votre mari, combien de

11 temps avant le conflit, a-t-il été mobilisé et est-il entré dans les rangs

12 de la Défense territoriale ?

13 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne sais pas si c'était au mois

14 de juin ou de mai. Les nôtres sont à Visoko, c'est alors qu'il a été

15 mobilisé.

16 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que cela s'est passé avant

17 ou après le conflit ?

18 Mme Pjanic (interprétation). - Avant le conflit, en 1992.

19 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que Sefik Djidic était son

20 chef de Vitez ?

21 Mme Pjanic (interprétation). - Je pense qu'il était dans la

22 Défense territoriale, mais je ne sais pas si à cette époque-là, il

23 l'était. Moi, je ne m'intéressait pas à cela.

24 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que votre mari avait des

25 armes à la maison ?

Page 4439

1 Mme Pjanic (interprétation). - Nous n'avions rien. Nous n'avions

2 rien dans la maison. Plus tard, on a donné un fusil à mon fils, c'est un

3 vieux fusil qui a été réparé.

4 M. Nobilo (interprétation). - Qui est-ce qui en a reçu ?

5 Mme Pjanic (interprétation). - C'est nous.

6 M. Nobilo (interprétation). - A quelle occasion ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne sais pas. On avait dit

8 qu’une caserne avait été incendiée. C'est là qu'ils ont pris des fusils

9 qui avaient brûlé et ensuite ils les ont réparés. Mais je ne connais pas

10 les détails. J'ai vu seulement le fusil de Slemeni. Moi, j’ai ri quand

11 j’ai vu le fusil j'ai dit : "Il est impossible de tuer un lapin avec ce

12 fusil". Je sais qu'il nettoyait ce fusil, il essayait de le réparer.

13 M. Nobilo (interprétation). - Votre mari, est-ce qu’il avait des

14 armes quand il était dans la Défense territoriale ?

15 Mme Pjanic (interprétation). - Je n'en ai pas vu.

16 M. Nobilo (interprétation). - Où se trouvait Senus le 16 avril

17 1993 ?

18 Mme Pjanic (interprétation). - Il dormait dans la maison.

19 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous savez ce qui lui a

20 permis de survivre ?

21 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne sais pas. Le 18 octobre

22 tout a brûlé dans la maison. Il se trouvait à Visoko à l'époque. Tout a

23 brûlé chez lui, il a vécu dans la maison d'été de Muhamed Spahic, c'était

24 un peu plus loin de ma maison, des réfugiés y vivaient. Ces maisons-là ont

25 été distribuées aux réfugiés et mon fils vivait avec eux dans mon

Page 4440

1 voisinage.

2 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que votre fils était membre

3 de la Défense territoriale ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

4 Mme Pjanic (interprétation). - Moi, je ne connais pas tous ces

5 détails. Je pense qu'il faisait partie de la Défense territoriale, mais il

6 y avait peut-être quelqu'un d'autre qui pourrait vous donner de meilleures

7 précisions.

8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que votre deuxième fils

9 Muamer est entré dans les rangs de l’armée de la Bosnie-Herzégovine ou

10 dans les rangs de la Défense territoriale ?

11 Mme Pjanic (interprétation). - La Défense territoriale, il s'est

12 porté volontaire, il est allé à Visoko.

13 M. Nobilo (interprétation). - Votre fils venait de la JNA. Est-

14 ce qu’il avait participé à la guerre en Croatie ?

15 Mme Pjanic (interprétation). - Pendant la guerre en Slovénie, il

16 y était. On sait qu'à l'époque de la guerre en Slovénie, c'est là-bas

17 qu'il se trouvait. Mais nous n'étions pas en contact avec lui pendant

18 qu'il faisait son service militaire au sein de la JNA.

19 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu’il vous a raconté qu'il

20 avait été à Vukovar ?

21 Mme Pjanic (interprétation). - Il ne m'a rien raconté. Peut-être

22 a-t-il raconté des choses à son frère, mais moi je ne parlais pas de tout

23 cela avec eux.

24 M. Nobilo (interprétation). - Le matin, quand les coups de feu

25 ont commencé, est-ce que des coups de feu provenaient de la zone de la

Page 4441

1 mosquée ? Est-ce qu’il y avait une défense à cet endroit-là ?

2 Mme Pjanic (interprétation). - Je n'en sais rien. J'étais à la

3 maison. Des gens prenaient des tours de garde parce qu'on se sentait en

4 danger. Ils étaient près de notre maison. La maison a été frappée de loin.

5 Mon mari était dans la mosquée. La mosquée a été frappée quand ils ont

6 commencé à faire la prière. On a entendu la détonation.

7 M. Nobilo (interprétation). - Qui montait la garde ? Etaient-ce

8 vos voisins ? Est-ce que vous pouvez me donner les noms ?

9 Mme Pjanic (interprétation). - Je sais qu'il y avait Nedzib et

10 Amus, les autres je ne

11 sais pas. Ma maison était la dernière. Je sais que Mirso montait

12 la garde. Mais nou, les femmes, nous ne nous occupions pas de tout cela.

13 Tout ce dont nous nous occupions c'était de préparer à manger. On était

14 sans arrêt effrayé. Depuis octobre, on était sans arrêt en danger. Pendant

15 un certain moment, nous n'avions même pas le droit de sortir sur la route.

16 Papic Ivo ne nous permettait pas de sortir sur la route ou de recevoir des

17 visiteurs.

18 M. Nobilo (interprétation). - Donc, entre octobre 1992 et

19 avril 1993, les rapports entre vous et vos voisins, selon vous, n'étaient

20 pas bons ?

21 Mme Pjanic (interprétation). - Les rapports ont été bons

22 jusqu'au moment où ils se sont séparés des autres. Tout allait bien et

23 après ils ne voulaient plus être avec nous.

24 M. Nobilo (interprétation). - Quand vos rapports se sont-ils

25 séparés ?

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1 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire la date

2 exacte.

3 M. Nobilo (interprétation). - Comment savez-vous que la mosquée

4 a été frappée, est-ce que vous l'avez vue ?

5 Mme Pjanic (interprétation). - Quelqu'un me la dit. Quelqu'un

6 m'a appelé par téléphone, je ne me rappelle plus qui c'était. Une femme

7 m'a appelée pour me dire que la mosquée a été frappée et c'était avant que

8 cela ne commence à tirer près de nous. Mais je ne pouvais pas sortir,

9 étant donné que mon mari m'avait enfermée à clef avant d'aller à la

10 mosquée. C'est donc elle qui m'a appelée et qui m'a dit que la mosquée a

11 été frappée. Celebija Ahmic, c'est elle, son fils a été tué.

12 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous êtes allée boire de

13 l'eau, vous avez dit que des coups de feu étaient tirés de partout, est-ce

14 que vous pouvez donner des détails ?

15 Mme Pjanic (interprétation). - Des balles volaient, passaient à

16 côté de ma tête, dans toutes les directions, mais je ne peux pas vous dire

17 les détails. Il y avait des soldats près des maisons, ils ont tué un

18 réfugié de Karaule. C'est une femme qui m'a raconté qu'ils ont tué Zahir

19 et Cacir. Je pense qu'ils ont tiré sur moi au moment où j'allais boire de

20 l'eau.

21 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que les coups de feu

22 venaient d'un sens et de l'autre.

23 Mme Pjanic (interprétation). - Cela allait dans tous les sens.

24 Je ne peux pas le dire. Je ne peux pas dire de quelle direction cela

25 provenait. Ils tiraient surtout vers les maisons en haut, c'est les gens

Page 4443

1 qui étaient dans la cave avec moi qui me le disaient. Je pense les soldats

2 ont tiré sur moi depuis la maison de Zahir.

3 M. Nobilo (interprétation). - Vous dites que quand vous êtes

4 allée boire de l'eau, il y avait des coups de feu qui allaient dans un

5 sens et dans l'autre, est-ce que cela veut dire que les coups de feu se

6 croisaient ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - D'en bas depuis la route et de

8 là-bas aussi étant donné que la forêt est là, dans cette partie-là, c'est

9 là qu'ils tiraient dans toutes les directions, mais la maison et l'étable

10 ont été protégées. La forêt était là-bas aussi.

11 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous êtes allée dans la

12 direction de votre soeur à Ahmicic-le-Haut, est-ce que vous pouvez me

13 dire, à ce moment-là, d'où provenaient les coups de feu ? Est-ce qu’ils

14 provenaient de Grabova, d'Ahmici-le-Bas vers Ahmici-le-Haut, ou

15 d'Ahmici-le -Haut vers Ahmici -le-Bas ?

16 Mme Pjanic (interprétation). - Tout ce que j'ai pu voir, c'était

17 Ahmici-le-Haut. C'est là qu'un tireur isolé tirait. Mais, je ne pouvais

18 pas voir tous les détails, savoir d'où cela tirait. Moi, je luttais pour

19 ne pas perdre connaissance. J'ai été très déprimée je pensais que mes deux

20 enfants et mon mari ont été tués. Cela m'était égal de mourir ou pas. Je

21 marchais, je m'asseyais, je marchais, je m'asseyais, c'est ainsi que je

22 suis arrivée jusqu'à la maison de ma soeur.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je vais vous poser une question

24 plus directe, est-ce que des coups de feu partaient d'Ahmici-le -Haut vers

25 Ahmici-le-bas ?

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1 Mme Pjanic (interprétation). - Non, ils venaient seulement...

2 M. le Président. - Le témoin vous a répondu tout ce qu'il avait

3 à répondre sur la direction des coups de feu. Le témoin a perdu un enfant

4 et vraisemblablement pense qu'il en a perdu deux. Les balles sifflent de

5 tous les côtés. Vous avez les réponses que vous vouliez, vous n'allez pas

6 lui demander une situation stratégique des coups de feu. Ce n'est pas un

7 expert militaire que vous avez devant vous. C'est une victime d'événements

8 tragiques. Passons à une autre question.

9 M. Nobilo (interprétation). - J'en ai plus ou moins terminé avec

10 ces questions, bien qu'il y avait des coups de feu tirés en deux endroits

11 différents. Maintenant, je voudrais vous poser une autre question : vous

12 avez dit qu'il y avait un tireur embusqué, n'est-ce pas ?

13 Mme Pjanic (interprétation). - Quand on est allé jusqu'à la

14 maison de quelqu'un à un endroit qui s'appelle Mejtef, les autres

15 couraient pour se cacher. Mejtef c'est à Ahmici-le-Haut.

16 M. Nobilo (interprétation). - Qui tenait Mejtef ?

17 Mme Pjanic (interprétation). - Kratine, Mejtef tout cela était

18 contrôlé par eux et nous, nous étions pratiquement piégés.

19 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez déclaré que : "les gens

20 qui nous gardaient ont raconté que des coups de feu venaient de la maison

21 de Kupreskic et ils ont mis en place des éléments de protection". Pouvez-

22 vous nous expliquer comment vous avez vu cela, de quoi s'agissait-il,

23 quels étaient ces éléments qui vous protégeait ?

24 Mme Pjanic (interprétation). - Ces gens-là qui étaient avec nous

25 mettaient des éléments, des pièces de meubles pour protéger le mur, étant

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1 donné que des obus tombaient dans la forêt. Cette maison se trouvait dans

2 la forêt. Les femmes leur donnaient du matériel pour qu'ils créent une

3 protection.

4 M. Nobilo (interprétation). - Que signifie le terme "élément" ?

5 Mme Pjanic (interprétation). - Des blocs.

6 M. Nobilo (interprétation). - Des blocs de béton ?

7 Mme Pjanic (interprétation). - Oui.

8 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu’il y avait des

9 défenseurs armés ?

10 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne sais pas. Je pense qu'ils

11 voulaient nous protéger, mais je n'ai vu personne là-bas. Les gens étaient

12 à mains nues. Ceux qui montaient la garde étaient un petit nombre armé,

13 mais les nôtres n'avaient rien.

14 M. Nobilo (interprétation). - Revenons sur ce point, dans le

15 compte rendu, il n'est pas indiqué que c'étaient des blocs de béton.

16 Mme Pjanic (interprétation). - Oui, c'est cela.

17 M. Nobilo (interprétation). - Les éléments, ce sont des blocs de

18 béton ?

19 M. Kehoe (interprétation). - Je m'excuse, est-ce une question ou

20 est-ce une déclaration, je ne comprends pas d'où cela vient ?

21 M. Nobilo (interprétation). - Non, mais mon collègue a attiré

22 mon attention sur le fait que la réponse du témoin n'a pas été inscrite

23 dans le procès-verbal. Il n'a pas été écrit qu'il s'agissait de blocs de

24 béton, probablement la sténotypiste n'a pas réussi à comprendre le mot.

25 C'est pourquoi j'ai reposé la question, pour que cela rentre dans le

Page 4446

1 procès-verbal. Ces hommes qui portaient des fusils, combien y en avait-

2 il ?

3 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne sais pas. Je sais que le

4 fusil de mon mari a été brûlé. Il l’a pris quand on était déjà menacés, au

5 moment où il a été à Visoko.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je vous pose la question au moment

7 de votre arrivée à Ahmici-le-Haut.

8 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi...

9 M. le Président. - Moi-même, je n'étais pas présent au débat.

10 Quelle était l'objection de Me Kehoe ?

11 M. Kehoe (interprétation). - L'objection est fondée sur la

12 répétition. Nous parlons

13 de fusils entre les mains des membres de la Défense

14 territoriale, nous avons déjà discuté au cours du contrainte-

15 interrogatoire, précédemment.

16 M. Nobilo (interprétation). - Le témoin n'a pas compris et

17 probablement le collègue n'a pas non plus compris, j'ai posé la question

18 de savoir combien de personnes étaient armées à Ahmici-le-Haut.

19 M. le Président. - Répétez votre question Maître Nobilo, s'il

20 vous plaît.

21 M. Nobilo (interprétation). - Ma question était de savoir :

22 combien d'hommes étaient armés à Ahmici-le-Haut au moment où le témoin est

23 arrivé jusqu'à la maison où elle s'est abritée ?

24 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne peux pas le savoir. Je n'ai

25 pas vu d'hommes armés. Il n'y avait que des civils, les gens à mains nues,

Page 4447

1 des civils qui sont allés pour vérifier s'il était possible de passer. Il

2 y avait des femmes et des enfants.

3 M. Nobilo (interprétation). - On peut conclure que pendant tous

4 ces événements vous n'avez pas vu un seul Musulman avec un fusil.

5 Mme Pjanic (interprétation). - Pas un seul homme. Pas un seul

6 homme.

7 M. Nobilo (interprétation). - Très bien. Vous avez dit que le

8 corps d'Osman a sauté à cause d'un explosif.

9 Mme Pjanic (interprétation). - D'un explosif.

10 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que vous savez qui a causé

11 cela ?

12 Mme Pjanic (interprétation). - Non, je ne sais pas. J’ai vu le

13 père ; il pleurait, il portait le corps dans un grand sac, moi je n'ai pas

14 pu regarder cela. J'allais vers ma soeur, j'étais moi-même en danger. J'ai

15 vu le père il a dit : "Regardez ce qu'ils nous font ! Qu'est-ce que nous

16 allons faire ? Où allons-nous aller ? Ils ont tué mon fils hier soir !".

17 M. Nobilo (interprétation). - Quand votre fils était à la maison

18 de Pezer, est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment cela s'est

19 passé ?

20 Mme Pjanic (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire

21 exactement. C'était bien avant le conflit, ils ont mis le feu à la maison

22 de Muhamer Pezer.

23 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que cela s'est passé au

24 moment où il y avait le barrage routier sur la route ?

25 Mme Pjanic (interprétation). - Non, ce n'était pas à cette

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1 époque-là. Ils incendiaient les maisons seulement pendant la nuit.

2 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que la municipalité

3 avait distribué les clefs des maisons de vacances pour y mettre des

4 réfugiés.

5 Mme Pjanic (interprétation). - Oui, pour les réfugiés.

6 M. Nobilo (interprétation). - Combien de réfugiés sont arrivés à

7 Ahmici ?

8 Mme Pjanic (interprétation). - Il y en a qui sont arrivés de

9 Kozarac, d'Oborci pour la plupart. Les réfugiés de Karaule étaient dans

10 des maisons d'été, près de ma maison. Il n'y avait que mon fils qui était

11 d'Ahmici avec eux, tous les autres étaient des réfugiés.

12 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que des soldats

13 s'étaient cachés derrière votre balcon.

14 Mme Pjanic (interprétation). - En dessous, et moi je courais

15 vers le haut.

16 M. Nobilo (interprétation). - Ce balcon regarde-t-il du côté de

17 la mosquée ?

18 Mme Pjanic (interprétation). - Vers le cimetière.

19 M. Nobilo (interprétation). - Il regarde donc de l'autre côté ?

20 Mme Pjanic (interprétation). - Oui, là où mon fils gisait mort.

21 C'est là qu'il y avait les soldats, ailleurs je n'en ai pas vu.

22 M. Nobilo (interprétation). - Pendant qu'ils étaient cachés sous

23 votre balcon, est-ce qu’ils lançaient des balles contre votre maison ?

24 Mme Pjanic (interprétation). - Oui de loin, des deux côtés, pas

25 que des balles, des obus tombaient. On entendait aussi des détonations

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1 plus ou moins fortes. Ma maison a été

2 complètement détruite de l'autre côté, complètement.

3 M. Nobilo (interprétation). - Encore une question et je ne vous

4 ennuierai plus davantage. Vous avez déclaré que votre fille ne vous a pas

5 raconté à vous, mais à quelqu'un d'autre, ce qui s'est passé.

6 Mme Pjanic (interprétation). - J'ai entendu quand elle parlait

7 avec son amie, moi je ne pouvais pas parler avec elle de tout cela.

8 M. Nobilo (interprétation). - Je comprends. Un instant s'il vous

9 plaît.

10 (Me Nobilo consulte Me Hayman.)

11 Mme Pjanic (interprétation). - Elle m'a dit qu'ils ont enlevé

12 ses bijoux, cela elle me l’a dit.

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, nous

14 en avons terminé.

15 M. le Président. - Merci, Monsieur le Procureur.

16 M. Kehoe (interprétation). - De brèves questions

17 supplémentaires, Monsieur le Président.

18 Ce balcon au sujet duquel, celui qui regarde du côté du

19 cimetière, il regarde aussi du côté du bungalow, n'est-ce pas ?

20 Mme Pjanic (interprétation). - Oui. Le bungalow est un peu à

21 gauche, mais ils tiraient sur nous, surtout de la direction d’Hrasno, de

22 Bare. C'est surtout de cette direction-là qu'ils tiraient. C'est en ce qui

23 concerne ma maison. Mais quant à ceux qui ont vécu à Zume, leurs versions

24 des faits sont différentes. Les tirs provenaient d'autres directions en ce

25 qui concerne leurs maisons.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Madame Pjanic, un éclaircissement

2 simplement. Monsieur le Président, je vais simplement lui demander un

3 éclaircissement. Votre fils Muamer a été assassiné, mais votre fils Mirza

4 a survécu, n'est-ce pas ?

5 Mme Pjanic (interprétation). -C'est bien cela.

6 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Monsieur le Président je

7 n’ai plus de questions.

8 M. le Président. - A présent, Madame, votre déposition est

9 terminée. Le Tribunal tient à vous remercier pour votre contribution à

10 l'éclaircissement de faits tragiques que vous avez vécus. A présent le

11 Tribunal va se retirer et reprendra son audience à 14 heures 45.

12 L'audience est suspendue à 13 heures.

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23 La séance est reprise à 14 heures 50.

24 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer

25 l'accusé.

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1 (L'accusé est introduit dans la salle.)

2 M. le Président. - Madame le Procureur, c’est un témoin protégé,

3 je suppose ?

4 Mme Paterson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Le

5 témoin souhaite que les traits de son visage soient déformés et qu'on

6 utilise un pseudonyme pour s'adresser à lui.

7 M. le Président. - C'est un témoin qui sera dénommé par la

8 lettre N, Monsieur le Greffier ?

9 M. le Greffier - Oui, c'est bien cela Monsieur le Président.

10 M. le Président. - Pouvez-vous nous dire ce que vous attendez de

11 ce témoin avant qu'il ne soit autorisé à entrer, Madame ?

12 Mme Paterson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, ce

13 témoin est un peu inattendu. Ce n'est pas un témoin d'Ahmici. En fait elle

14 habitait à Vitez en avril 1993, mais pour différentes raisons elle n'a pas

15 pu venir auparavant. Nous la faisons donc comparaître aujourd'hui.

16 Elle va témoigner des événements du 16 avril et des jours qui

17 ont suivi cette date. Comme je le disais, elle vivait à Vitez à l'époque.

18 Elle décrira brièvement comment son fils a été enlevé par des soldats au

19 centre vétérinaire, puis comment on l'a emmené creuser des tranchées. Elle

20 dira également que quelques jours plus tard trois soldats sont venus chez

21 elle. Ils ont pillé la maison, ils ont pris l'argent et l'ont agressée

22 sexuellement et violée chez elle. Elle dira qu'elle a été agressée

23 sexuellement à nouveau chez elle une deuxième fois par d'autres auteurs.

24 Elle décrira les soldats qu'elle a vus dans la zone. Elle dira qu'elle a

25 été évacuée et elle parlera des personnes qu'elle a pu identifier comme

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1 étant des Vitezovi, personnes qui ont volé sa voiture et pillé sa maison.

2 Elle parlera de soldats qu'elle a vus à côté de maisons qui ont été

3 incendiées et la

4 manière dont elle a été expulsée de chez elle, comment une

5 famille croate s'est installée chez elle après qu'elle ait quitté sa

6 maison.

7 Monsieur le Président, nous savons que vous souhaitez que les

8 témoins parlent librement. En raison du sujet même du témoignage, le

9 témoin m'a demandé personnellement que je lui pose des questions assez

10 précises et que je dirige son témoignage. Elle ne se sent pas très bien

11 d'un point de vue physique, mais elle se sent suffisamment bien pour

12 témoigner aujourd'hui. Nous espérons que ce témoignage pourra être terminé

13 aujourd'hui. J'espère que vous comprendrez que je serai un peu plus direct

14 avec ce témoin qu'avec d'autres.

15 M. le Président. - Pour l'instant, vous avez plutôt été directe,

16 Madame Paterson. Mes collègues et moi sommes tout à fait d'accord pour

17 que, dans cette occurrence et compte tenu des raisons invoquées, vous

18 repreniez la direction de l'interrogatoire, comme vous avez l'habitude de

19 le faire. C'est surtout une question qui consiste à aller à l'essentiel.

20 Le Tribunal ramène toujours aussi bien l'accusation que la défense

21 d'ailleurs à l'essentiel du procès. Si vous allez à l'essentiel en

22 dirigeant l'interrogatoire, je ne vois pas ce qui pourrait l'en empêcher.

23 A ce sujet d'ailleurs, avant que l'on fasse entrer le témoin

24 -M. Harmon peut peut-être répondre- comment va se passer la fin de la fin

25 de la semaine ? Toujours pour ces mêmes problèmes de salle d'audience que

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1 nous connaîtrons encore, il était envisagé que jeudi matin nous ne

2 puissions pas siéger, Monsieur le Procureur, parce qu'il y aura une

3 conférence de mise en état assez longue dans un procès qui s'annonce

4 devant la Chambre n° 2.

5 Nous ne siégerons pas vendredi. Nous avons au fond : cet après-

6 midi, toute la journée de demain et jeudi après-midi. Monsieur le

7 Procureur, où en sommes-nous sur le plan des témoins ?

8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, cet après-

9 midi nous avons donc un témoin et demain nous en avons deux. Cela mettra

10 un terme à la comparution des témoins qui seront disponibles cette

11 semaine.

12 M. le Président. - Avec le temps dont nous disposons cet après-

13 midi, toute la journée de demain et éventuellement jeudi après-midi, nous

14 devons normalement permettre à ces témoins de rentrer sur le territoire

15 jeudi soir dernier délai, voire même avant ?

16 M. Harmon (interprétation). - Oui, je l'espère, Monsieur le

17 Président.

18 M. le Président. - Nous pourrons, sans trop de regret, céder

19 notre salle d'audience jeudi matin à la Chambre n° 2.

20 Monsieur l’Huissier on peut introduire le Témoin N.

21 (Les rideaux sont baissés. Le Témoin N est introduit dans la

22 salle d’audience.)

23 Témoin N, vous m'entendez ?

24 Témoin N (interprétation). - Je vous entends.

25 M. le Président. - On va vous tendre un document pour vous

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1 montrer si c'est bien votre identité, mais vous ne prononcez pas votre

2 nom.

3 Témoin N (interprétation). - Oui.

4 M. le Président. - Vous allez rester assise pour lire votre

5 déclaration que va également vous tendre Monsieur le Greffier.

6 Témoin N (interprétation). - Je peux commencer ?

7 M. le Président. - Oui, allez-y.

8 Témoin N (interprétation). - Je déclare solennellement que je

9 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

10 M. le Président. - Merci. Témoin N, vous avez accepté de venir

11 témoigner devant cette instance, devant ce Tribunal. Vous êtes protégé,

12 des mesures de protection toutes particulières ont été prises pour vous.

13 Sentez-vous en sécurité, parlez sans craintes. Le Procureur va d'abord

14 vous poser des questions. Vous avez manifesté le souhait que le Procureur

15 vous pose des questions sur les événements essentiels et tragiques que

16 vous avez vécus.

17 On a dû vous le dire, ce sont les défenseurs de l'accusé, le

18 Général Blaskic, qui vous

19 poseront des questions et les Juges seront amenés à vous poser

20 également des questions. Si vous ne vous sentez pas bien, n'hésitez-pas à

21 le dire et nous arrêterons ou suspendrons au besoin l'audience.

22 Maître Paterson, vous avez la parole.

23 Mme Paterson (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

24 Témoin N, avant de commencer peut-être souhaitez-vous vous rapprocher de

25 la table. Il sera plus facile d'entendre vos réponses et que vous serez

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1 également plus à l'aise.

2 En avril 1993 habitiez-vous dans la ville de Vitez, en Bosnie-

3 Herzégovine, avec votre famille ?

4 Témoin N (interprétation). - Oui.

5 Mme Paterson (interprétation). – Habitiez-vous avec vos deux

6 fils, votre beau-frère et votre belle-soeur à ce moment-là ?

7 Témoin N (interprétation). - Oui.

8 Mme Paterson (interprétation). - Votre mari, habitait-il avec

9 vous dans votre maison de Vitez ?

10 Témoin N (interprétation). - Non.

11 Mme Paterson (interprétation). - Pourquoi votre mari n'était-il

12 pas avec vous à ce moment-là ?

13 Témoin N (interprétation). - Mon mari était conducteur pour

14 l’aide humanitaire de Croatie et, à ce moment-là, il était en Croatie.

15 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Les membres de votre

16 famille sont-ils musulmans, et l'êtes-vous vous-même ?

17 Témoin N (interprétation). - Oui.

18 Mme Paterson (interprétation). - Le 16 avril 1993, deux soldats

19 sont-ils venus chez vous ce matin-là ?

20 Témoin N (interprétation). – Oui, le matin à 5 heures ou

21 5 heures 30, je ne sais plus

22 exactement. Ils sont arrivés devant la maison, ils ont commencé

23 à frapper à la porte et quand j'ai ouvert j'ai vu qu'ils avaient le visage

24 peinturluré et ils demandaient à voir mon fils. Mon fils était d'âge

25 mineur , je ne comprenais donc pas pourquoi ils voulaient le voir. Ils ont

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1 fini par le trouver et l'ont emmené dans un camp. La même chose s'est

2 passée chez mes voisins, c'est ce que j'ai constaté quand je l'ai

3 accompagné sur la route.

4 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Pouvez-vous décrire

5 aux Juges l'apparence de ces soldats ? Vous avez dit que leur visage était

6 peinturluré. Quels vêtements portaient-ils ?

7 Témoin N (interprétation). - Je ne me rappelle pas.

8 Mme Paterson (interprétation). - Mais vous rappelez-vous s'ils

9 portaient des vêtements militaires ou civils ?

10 Témoin N (interprétation). - Je crois qu'ils étaient en

11 vêtements militaires.

12 Mme Paterson (interprétation). - Vous avez dit qu'ils ont emmené

13 votre fils jusqu'au camp, de quel camp parlez-vous ?

14 Témoin N (interprétation). - Le poste vétérinaire, le centre

15 vétérinaire, là-bas, en bas.

16 Mme Paterson (interprétation). - S'agissait-il de votre fils

17 aîné ou de votre fils cadet ?

18 Témoin N (interprétation). – Mon fils aîné.

19 Mme Paterson (interprétation). - Par la suite, avez-vous appris

20 ce qui était advenu de votre fils lorsqu'il était prisonnier à ce poste

21 vétérinaire ?

22 Témoin N (interprétation).- Après le poste vétérinaire, ils ont

23 emmené les autres à l'école de Dubravica, et mon fils dans la salle de

24 cinéma.

25 Mme Paterson (interprétation). - Pendant que votre fils était

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1 prisonnier dans ces différents endroits, l’a-t-on emmené pour creuser des

2 tranchées sur les lignes de front ?

3 Témoin N (interprétation). - Oui.

4 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Témoin N,

5 maintenant, je voudrais que vous vous concentriez. Quelques jours après le

6 16 avril 1993, habitiez-vous toujours dans votre maison de Vitez ?

7 Témoin N (interprétation). - Quand mon fils a été emmené, oui,

8 j'étais dans ma maison.

9 Mme Paterson (interprétation). - Je parlais des trois jours

10 après le 16 avril 1993. Donc, les deux ou trois jours après cette date,

11 ces deux ou trois hommes sont-ils venus chez vous ?

12 Témoin N (interprétation). – Oui, ils étaient trois. Ils sont

13 venus dans la maison, ils ont frappé, tapé sur la porte, ils ont enfoncé

14 la porte d'entrée et quand j'ai ouvert, deux d'entre eux sont montés au

15 premier et le troisième est resté en bas, au rez-de-chaussée, là où nous

16 nous tenions. Cet homme est venu me chercher et m'a emmenée à l'étage sous

17 la menace de son fusil. Quand il m'a amenée là-haut, il m'a enfermée dans

18 une salle de séjour et s'est enfermé avec moi. L'autre descendait pendant

19 ce temps-là.

20 Celui qui était avec moi m’a dit : «Si tu veux, tant mieux, si

21 tu ne veux pas, je vais tous les tuer en bas». Je ne comprenais pas ce que

22 j'étais censée vouloir ou ne pas vouloir. Il m'a dit : «Attends !». A ce

23 moment-là, il m'a demandé si j'avais des bijoux, de l'or, des armes ou de

24 l'argent. J'ai dit que je n’avais pas d'arme, que je n'avais pas d'argent,

25 puisque mon mari avait emporté l'argent en Croatie pour acheter quelque

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1 chose là-bas.

2 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Pourriez-vous nous

3 décrire l'apparence physique de ces trois hommes ? Quel type de vêtements

4 portaient-ils ?

5 Témoin N (interprétation). - Ils étaient en vêtements civils

6 mais il y en avait un qui avait un pantalon de camouflage uniquement.

7 Mme Paterson (interprétation). - Vous avez dit que l'un des

8 hommes vous a

9 emmenée là-haut. Lorsqu'il a fait cela, vous a-t-il agressée

10 sexuellement à ce moment-là ?

11 Témoin N (interprétation). - Oui.

12 Mme Paterson (interprétation). - Après que le premier homme ait

13 fait cela, est-ce que le deuxième est rentré dans la chambre et vous a

14 fait subir le même sort ?

15 Témoin N (interprétation). - Oui.

16 Mme Paterson (interprétation). - Pendant que vous étiez en haut

17 avec ces deux hommes, le troisième homme se trouvait-il en bas avec votre

18 fils ?

19 Témoin N (interprétation). - Oui. Il lui a demandé à lui aussi

20 s’il y avait de l'argent, des armes, de l’or ou des bijoux. Mon fils a

21 répondu la vérité, puisque nous n'avions ni argent, ni arme, ni or.

22 Mme Paterson (interprétation). - Vous rappelez-vous ce qu'a dit

23 ce troisième homme à votre fils lorsqu'il a pris certains bijoux ou

24 certains biens qui étaient en possession de votre fils ?

25 Témoin N (interprétation). – Mon fils a dit : «Ma mère a

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1 simplement cela dans son sac». Il l'a retourné, en fait c'étaient des

2 bijoux de pacotille, ce n'était pas de l'or, et l’homme a demandé : «Est-

3 ce que c’est plaqué or tout cela ?» Mon fils a dit : «Oui.», parce qu'il

4 n'en avait pas la moindre idée et l’homme a mis tout cela dans sa poche et

5 a dit : «Nous en avons besoin à l’armée».

6 Mme Paterson (interprétation). - L'homme qui a pris ces bijoux,

7 était-ce lui qui portait des vêtements de camouflage, partiellement, ou

8 était-il en vêtements civils ?

9 Témoin N (interprétation). – Non, il était en civil.

10 Mme Paterson (interprétation). – Pourriez-vous nous décrire ces

11 vêtements ?

12 Témoin N (interprétation). - Il avait une sorte de T-shirt, je

13 ne sais pas, il était tout simplement habillé en civil, je ne l'ai pas

14 beaucoup regardé parce que j'avais très peur. Il est resté

15 en bas, et moi, on m'a emmenée en haut.

16 Mme Paterson (interprétation). - Est-ce qu’à un certain moment

17 ces trois hommes sont partis, et pourquoi, s'ils l'ont fait ?

18 Témoin N (interprétation). - Oui. Quand le petit a renversé le

19 sac, la carte d'identité est tombée, l'homme a regardé la carte

20 d'identité, mais ils l'ont appelé lui aussi et il a dit : "Moi, en tout

21 cas je ne monte pas, vous pouvez sortir, moi je ne monte pas». A ce moment

22 les deux autres sont sortis et ils sont tous partis.

23 M. Hayman (interprétation). – Excusez-moi de cette interruption,

24 Monsieur le Président. J'ai parlé avec mon collègue et la réponse qui a

25 été traduite par : «Il n'était pas en vêtements civils» vient de

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1 disparaître de l’écran. M. Nobilo me dit que ce qui a été dit était au

2 contraire qu'il était en vêtements civils. Quelques instants plus tard le

3 témoin a dit qu'il portait un T-shirt et un pantalon de civil ; il y a une

4 erreur dans la traduction. Je voulais juste souligner ce point.

5 M. le Président. - Merci, Maître Haymann, ce n'est pas toujours

6 facile pour nos Interprètes. Monsieur le Greffier, cela pourra-t-il être

7 rectifié ? Il existe un processus de rectification.

8 M. Dubuisson. – Tout à fait, ce sera rectifié.

9 M. le Président. - Merci. Excusez-nous, continuez à répondre aux

10 questions du Procureur, Témoin N.

11 Mme Paterson (interprétation). - Une autre question sur ce jour

12 particulier. Ces trois hommes sont donc venus chez vous, c'est ce que vous

13 nous avez dit. L'un de ces hommes portait un vêtement de camouflage, un

14 autre des vêtements civils et l’autre pour moitié des vêtements civils et

15 pour moitié des vêtements de camouflage.

16 Témoin N (interprétation). - Je suis incapable de bien me

17 rappeler cela, car cinq ou six ans se sont écoulés depuis ces événements.

18 Je ne me rappelle pas, mais je sais seulement

19 qu'un de ces jeunes était en civil. Les autres, ceux qui sont

20 venus en haut avec moi, je ne sais pas bien, j'étais déjà terrorisée. A

21 l'époque, je pouvais me rappeler, mais aujourd'hui vraiment je n’y arrive

22 plus.

23 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Après ces agressions

24 que vous avez subies ce jour-là, avez-vous eu peur par la suite de rester

25 seule chez vous ?

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1 Témoin N (interprétation). - Oui.

2 Mme Paterson (interprétation). - Voulez-vous dire aux Juges ce

3 que vous avez décidé de faire à cause de cette peur que vous aviez ?

4 Témoin N (interprétation). - Oui, je sais. Mon beau-frère est

5 sorti, on l'a fait s'habiller en femme. Jusqu'à ce moment-là, il s'était

6 caché dans le garde-manger. Ma voisine était là, elle m'a dit de faire des

7 sacs, de mettre les affaires de l'enfant dans le sac et elle m'a dit :

8 "Nous ne pouvons plus rester et attendre ici que les choses se passent

9 comme celles qui se passent ailleurs."

10 Je suis montée, j'ai fait un sac, j'y ai mis des affaires et

11 j'avais l'intention de fuir dans le voisinage. Plus personne ne nous

12 inquiétait. Quand je me suis dirigée vers la route, j'ai vu en flammes des

13 maisons qui brûlaient. Deux soldats m'ont remarquée et ont commencé à

14 courir derrière moi en me disant : "Tu dois te faire "faire enculer" par

15 le Dieu auquel tu crois".

16 Quand ils étaient venus à la maison, ils n'avaient rien, pas de

17 bas sur le visage, mais à ce moment-là, ils avaient un bas sur le visage

18 pour que je ne puisse pas les voir. Ils sont rentrés dans la maison où ils

19 ont tout fouillé. Ils sont allés en haut. L'un d'entre eux est venu me

20 chercher encore une fois pour me dire "Que se passe-t-il ici".

21 J'ai jeté un coup d'oeil et j'ai vu que tout était démoli,

22 enfoncé, les fauteuils saccagés. Moi, je n'osais pas trop parler. Trois

23 fois, il m'a dit : "Que vous est-il arrivé ?" Au début, je ne voulais pas

24 trop répondre, mais après, j'étais forcée de lui dire ce qui m'était

25 arrivé. Un a commencé à me provoquer, l'autre m'a dit : "Ton Dieu t'a

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1 enculée, ça n'a servi à rien, ça a

2 été inutile ", et ils sont sortis.

3 Mme Paterson (interprétation). - A cette occasion, lorsque ces

4 deux personnes sont venues à la maison, l'un des deux hommes vous a-t-il

5 agressée sexuellement à ce moment là ?

6 Témoin N (interprétation). - Non, non, ni l'un ni l'autre.

7 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Je voudrais reposer

8 quelques questions sur ce jour particulier. Vous êtes sortie dans la rue

9 pour aller chez une voisine et vous avez vu que des maisons étaient en

10 feu, n'est-ce pas ?

11 Témoin N (interprétation). - Oui, en effet les maisons étaient

12 en flammes. C'est des alentours de ces maisons en feu que ces deux hommes

13 sont arrivés. Ils ont remarqué que j'étais en train de m'enfuir pour aller

14 chez les voisins parce que j'avais trop peur chez moi.

15 Ils ont remarqué que j'étais partie. Moi, j'étais déjà en chemin

16 sur la route, et ils se sont mis à me courir après. Au départ, ils

17 n'avaient pas de bas sur la tête, sur le visage, mais lorsqu'ils se sont

18 trouvés près de moi, ils portaient ce bas sur le visage. Quand ils sont

19 arrivés, puisque la porte d'entrée était enfoncée, abîmée, ils m'ont dit :

20 "Mais alors, où est-ce que tu as commencé à essayer de t'enfuir ?"

21 Moi, je n'osais pas répondre que j'avais l'intention de m'enfuir

22 chez les voisins. J'étais terrorisée et j'ai donc répondu que j'étais en

23 train d'aller à la cave.

24 Mme Paterson (interprétation). - S'agissait-il de maisons

25 musulmanes ou de maisons de Croates ?

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1 Témoin N (interprétation). - Des maisons musulmanes.

2 M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi de reprendre la

3 parole, mais il y a de nouveau un problème de traduction. Une insulte a

4 été traduite comme s'il parlait à cette dame, alors qu'en fait c'est une

5 insulte qui est un peu indirecte, qui ne s'adresse pas directement à la

6 femme à qui il parlait. Cela a donc été mal traduit.

7 Témoin N (interprétation). - Ils m'ont...

8 M. Nobilo (interprétation). - Ce n'est peut-être pas tout à fait

9 capital mais dans le contexte de ce témoignage, cela peut avoir son

10 importance.

11 M. le Président. - Je ne sais pas. Je me tourne vers la cabine

12 d'interprétation. Cela fait deux fois, et nous n'avons jamais eu de

13 problème jusqu'à présent. Nous avons des témoins qui parlent la même

14 langue ; Me Nobilo parle cette langue également. Je ne sais pas ce qu'en

15 pense la cabine d'interprétation.

16 Madame le Procureur, qu'en pensez-vous ? Ce n'est pas

17 indifférent pour la Défense que le témoignage soit rapporté de façon

18 exacte.

19 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, il

20 suffirait peut-être simplement de reposer la question au témoin et de lui

21 laisser répéter la réponse. Je serais tout à fait d'accord pour parler de

22 tous ces types de problèmes à la fin de mon interrogatoire si cela est

23 nécessaire. Peut-être devrions-nous reposer la question au témoin, cela

24 réglerait le problème de l'interprétation.

25 M. le Président. - Bon, je veux bien qu'on repose la question au

Page 4464

1 témoin. Cela étant, il est quand même ennuyeux de devoir faire répéter au

2 témoin ce genre de chose.

3 Essayez. Vous-même, Madame, dans cette procédure, vous savez à

4 peu près ce que voulait dire le témoin. Avez-vous noté vous-même une

5 différence par rapport à ce que vous attendiez du témoin ?

6 Il n'y a que vous qui puissiez nous dire cela. Ce n'est pas une

7 question indiscrète. Il n'y a que cette façon qui nous permette de savoir.

8 Vous, vous saviez à l'avance, ayant discuté avec le témoin, ce qu’il

9 devait répondre. Vous n'avez pas été surprise de la réponse ?

10 Mme Paterson (interprétation). - Malheureusement, Monsieur le

11 Président, je ne parle pas la même langue que le témoin, je dois donc

12 faire confiance à l'interprétation. Le fait est qu'une remarque

13 désobligeante lui a été faite et je ne vois pas quel est l'intérêt qu'il

14 pourrait y

15 avoir à redire très exactement les mots qui ont été employés

16 lorsque cette remarque lui a été faite. Mais je crois que le témoin est

17 tout à fait prêt à répondre à la question si celle-ci lui est posée de

18 nouveau.

19 M. le Président. - Je corrige quand même que la remarque n'a pas

20 été faite de façon désobligeante par Me Nobilo. Il me paraît tout à fait

21 légitime de la part de celui-ci de vouloir redresser des réponses qui ne

22 lui ont pas paru être traduites tout à fait correctement et

23 convenablement.

24 Reposons cette question. L'incident est clos en espérant qu'il

25 ne se reproduira pas. Reposez la question, Madame Paterson.

Page 4465

1 Mme Paterson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

2 Témoin N, je pense que vous avez entendu la discussion que nous avons eue.

3 Lorsque vous avez répondu à une de mes questions, l'un des hommes a fait

4 une remarque tout à fait désobligeante à votre égard. Pouvez-vous nous

5 décrire ce qu'a été cette remarque ?

6 Témoin N (interprétation). - Oui, quand ils étaient arrivés à la

7 porte, étant donné qu'ils avaient des bas sur le visage, c'étaient sans

8 doute des voisins. Il m'a demandé où j'avais commencé à m'enfuir et il m'a

9 crié à travers la porte -excusez-moi des termes que j'utilise- "Je

10 t'encule, je vais ouvrir, enculée, et traverser la vierge et ton Dieu."

11 Moi, je ne savais plus quoi dire, j'étais complètement

12 terrorisée, je perdais la tête et j'ai ouvert la porte. Pour ne pas faire

13 croire que j'allais chez des voisins, j'ai dit que j'étais en chemin pour

14 la cave.

15 Mme Paterson (interprétation). - Très bien, merci. La première

16 fois que vous avez vu ces hommes, pouvez-vous nous dire l'endroit où ils

17 se trouvaient au moment où ces maisons étaient en feu. Ces personnes se

18 trouvaient-elles près des maisons ?

19 Témoin N (interprétation). - Ils étaient debout près de la

20 maison, pas loin de la maison, des maisons en feu.

21 Mme Paterson (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas

22 entendu votre réponse lorsque M. Nobilo vous a interrompue. Ces maisons

23 étaient-elles des maisons musulmanes ?

24 Témoin N (interprétation). - Oui, c'étaient des maisons

25 musulmanes.

Page 4466

1 Mme Paterson (interprétation). - Ces deux soldats que vous avez

2 vus près des maisons incendiées, pouvez-vous nous dire ce qu'ils

3 portaient ? Portaient-ils des vêtements militaires ou des vêtements

4 civils ?

5 Témoin N (interprétation). - Je n'arrive pas à me rappeler.

6 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Vous avez dit que

7 vous avez pensé que ces hommes étaient peut-être des voisins pour vous,

8 mais comment avez-vous pensé cela et pourquoi ?

9 Témoin N (interprétation). - Parce qu'ils ont mis un bas sur le

10 visage de façon à m'empêcher de les reconnaître ; en tout cas c'est ce que

11 je pense.

12 Mme Paterson (interprétation). - Vous pensez donc qu'ils

13 essayaient de se cacher, de dissimuler leur identité en faisant cela ?

14 Témoin N (interprétation). - Oui.

15 Mme Paterson (interprétation). - Très bien. Ce même jour, mais

16 plus tard dans la journée, des hommes, peut-être les mêmes peut-être

17 d'autres hommes, sont-ils venus et ont frappé de nouveau à votre porte ?

18 Témoin N (interprétation). - Oui, c'était la nuit. Ils ont

19 frappé à la porte, poliment. Je suis venue à la porte ; ils étaient deux :

20 des soldats.

21 Mme Paterson (interprétation). - Que s'est il passé lorsque vous

22 êtes sortie et que vous êtes allée leur parler à l'extérieur ?

23 Témoin N (interprétation). - Pouvez-vous répéter la question, je

24 vous prie ?

25 Mme Paterson (interprétation). - Oui. Vous avez dit que cette

Page 4467

1 nuit-là, deux soldats sont venus et ont frappé à votre porte. Lorsqu'ils

2 ont frappé à votre porte, vous ont-ils dit quoi

3 que ce soit ?

4 Témoin N (interprétation). - Oui. Ils sont venus et ils ont fait

5 semblant d'avoir entendu parler du viol et d'avoir l'intention de

6 m’emmener dans une maison. Ils sont arrivés et moi, à ce moment-là, après

7 leur départ, je suis allée dans une autre maison chez des voisins. Je

8 n'étais pas la soeur, nous étions quelques-uns. Moi je ne voulais pas

9 sortir de la maison, j'avais peur qu'on me tue ou je ne sais quoi. Ils

10 m'ont dit : "Il faut sortir parce que quelqu'un d'autre reviendra demain".

11 Tous dans la maison nous sommes sortis, j'ai regardé par la fenêtre et

12 j'ai vu des soldats avec une voiture et le mot Vitezovi inscrit à

13 l'arrière de la voiture. Ils sont allés à l'intérieur de la maison, ont

14 fait le tour de la maison et ont emporté ma voiture ce jour-là.

15 Mme Paterson (interprétation). - Une ou deux questions encore

16 sur cet incident. Vous avez dit que deux soldats étaient venus chez vous

17 et avaient dit avoir entendu parler de votre viol. En avez-vous parlé à

18 qui que ce soit à ce stade ?

19 Témoin N (interprétation). - Non, je n'ai pas dit cela parce que

20 je n'étais pas encore sortie de la maison.

21 Mme Paterson (interprétation). - Alors savez-vous comment ces

22 hommes auraient pu apprendre que vous aviez été violée ?

23 Témoin N (interprétation). - Probablement, ils parlaient entre

24 eux, de toute façon, je ne suis pas du tout sortie de la maison cette

25 nuit-là. Après, je n'ai pas regagné cette maison, je me suis cachée,

Page 4468

1 d'abord dans une maison et ensuite dans une autre.

2 Mme Paterson (interprétation). - Ces deux soldats qui sont venus

3 chez vous ce soir-là étaient-ils Croates ou Musulmans ?

4 Témoin N (interprétation). - Croates parce que les Musulmans ont

5 tous été emprisonnés. Il n'y avait pas d'homme musulman dans la rue et

6 dans les maisons, il n'y avait que des femmes et des enfants.

7 Mme Paterson (interprétation). - Aviez-vous rencontré auparavant

8 ces deux

9 soldats ? Etaient-ils de la même région que vous ?

10 Témoin N (interprétation). - Non.

11 Mme Paterson (interprétation). - Donc vous ne connaissiez pas

12 ces soldats. C'est ce que vous venez de nous dire.

13 Témoin N (interprétation). - Ceux qui sont venus après.

14 Mme Paterson (interprétation). - Lorsque les deux soldats sont

15 venus frapper à votre porte et qu'ils vous ont dit avoir entendu parler du

16 viol. Est-ce que vous connaissiez ces deux soldats-là ?

17 Témoin N (interprétation). - Non. C'était la nuit j'avais peur.

18 Non.

19 Mme Paterson (interprétation). - Vous avez dit qu'ils avaient

20 mentionné le fait que vous devriez quitter votre maison parce qu'ils

21 n'étaient pas sûrs de rester chez vous. Est-ce que vous vous souvenez bien

22 de ce qu'ils vous ont dit et des raisons qu'ils vous ont données pour que

23 vous quittiez votre maison ?

24 Témoin N (interprétation). - Je ne peux pas m'en souvenir. Je ne

25 sais pas.

Page 4469

1 Mme Paterson (interprétation). - Vous rappelez-vous s'ils vous

2 ont dit que vous devriez partir parce que de nouveaux soldats allaient

3 venir le lendemain et que vous seriez tuée par ces soldats ? Est-ce bien

4 ce qu'ils vous ont dit ?

5 Témoin N (interprétation). - C'est ce qu'ils disaient, mais ces

6 soldats-là commençaient déjà à arriver au moment où je suis sortie de la

7 maison. J'ai pu le voir dans le voisinage. Le lendemain j'étais effrayée

8 en voyant cela. Je regardais, il y a une voiture qui passait et derrière

9 c'était écrit Vitezovi, c'était une Zastava 101 bleue.

10 Mme Paterson (interprétation). - Quand vous avez vu cette

11 voiture sur laquelle il était inscrit Vitezovi, c'était le lendemain de la

12 visite de ces deux hommes, n'est-ce pas ? De ceux qui avaient frappé à

13 votre porte ?

14 Témoin N (interprétation). - Le lendemain.

15 Mme Paterson (interprétation). - Vous rappelez-vous du nombre de

16 personnes qui sont sorties de ce véhicule sur lequel il était inscrit

17 Vitezovi ?

18 Témoin N (interprétation). - Je n'ai pas compté. Il y en a qui

19 sont entrés dans la maison, d'autres sont restés devant la maison. Je ne

20 regardais pas attentivement. J'avais peur, j'essayais de me cacher quand

21 je les ai vus. Je ne regardais pas, d'ailleurs c'était effrayant de

22 regarder tout cela.

23 Mme Paterson (interprétation). - Avez-vous remarqué les

24 vêtements de ces soldats ? S'agissait-il de vêtements civils ou

25 militaires ? De quelle couleur étaient ces vêtements ?

Page 4470

1 Témoin N (interprétation). - Ils portaient des vêtements noirs.

2 Mme Paterson (interprétation). – Saviez-vous ce que voulait dire

3 Vitezovi ? Aviez-vous déjà vu ce mot auparavant ?

4 Témoin N (interprétation). - Non.

5 Mme Paterson (interprétation). - Saviez-vous qu'il y avait une

6 organisation à Vitez qui portait le nom de Vitezovi ?

7 Témoin N (interprétation). - Avant la guerre, je sais qu'il y

8 avait le HOS. Mais je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Si c'était des

9 Vitezovi ou autre chose, je n'en ai aucune idée.

10 Mme Paterson (interprétation). - Très bien, et après cet

11 incident, lorsque cet homme est venu dans ce véhicule et qu'il a emporté

12 des choses qui étaient dans votre maison, avez-vous pu retourner chez vous

13 après ?

14 Témoin N (interprétation). - Oui. Parce qu'un soldat est arrivé

15 quand ils ont emporté la voiture, et il a dit : "Vous pouvez retourner

16 dans votre maison maintenant". Etant donné que j'avais des poules et une

17 vache, une voisine s'occupait de mon bétail parce que moi je n'osais pas

18 retourner avant. Quand ils ont emporté la voiture, après cela, le voisin

19 m'a dit qu'on pouvait retourner, il m'a dit : «Ceux qui partent ne vont

20 pas rentrer, alors vous pouvez

21 regagner votre maison». Il n'y a pas que moi qui suis rentrée à

22 la maison, d'autres voisines aussi sont rentrées chez elles.

23 Pendant un certain moment nous y sommes restés, mais j'ai

24 constaté que nous n'y étions pas en sécurité. Je suis donc partie.

25 Mme Paterson (interprétation). - Votre maison a-t-elle été

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1 incendiée ou a-t-elle subi de nombreuses destructions en avril 1993 ?

2 Témoin N (interprétation). - Non. Elle n'a pas brûlé du tout.

3 Elle est restée en bon état.

4 Mme Paterson (interprétation). – Savez-vous s'il y a

5 actuellement quelqu'un qui occupe votre maison à Vitez ?

6 Témoin N (interprétation). - Je ne sais pas.

7 Mme Paterson (interprétation). – A un moment donné, vous a-t-on

8 dit qu'il y avait une famille croate qui avait déménagé et qui s'était

9 installée dans votre maison ?

10 Témoin N (interprétation). - Oui. Ils ont déménagé dans ma

11 maison, mais ils changent souvent de maison. Oui, c'est vrai une famille

12 croate y a emménagé, pas seulement dans ma maison mais aussi dans des

13 maisons de voisins. C'est normal que les Croates y emménagent.

14 Mme Paterson (interprétation). – Quand vous dites tout vos

15 voisins, est-ce que vous parlez de tous vos voisins musulmans ?

16 Témoin N (interprétation). - Les Musulmans, oui.

17 Mme Paterson (interprétation). – Peut-on dire que certaines des

18 maisons musulmanes ont été incendiées, puisque vous nous avez dit avoir vu

19 des maisons incendiées, et que d’autres ont été laissées en l'état,

20 intactes ?

21 Témoin N (interprétation). - Oui. Elles ont brûlé. Certaines

22 ont été brûlées pendant que j'étais encore là, dans le voisinage, et

23 pendant que je fuyais deux étaient en train de brûler.

24 Plusieurs maisons musulmanes ont été mises à feu.

25 Mme Paterson (interprétation). – Vous souvenez-vous de la date

Page 4472

1 approximative à laquelle vous avez quitté Vitez pour aller ailleurs ?

2 Témoin N (interprétation). - Je ne me rappelle pas. J'étais sous

3 le choc, j'avais peur, je ne me souviens pas. Je ne peux pas me rappeler.

4 Mme Paterson (interprétation). – Etait-ce au cours de l'été 1993

5 que vous avez quitté Vitez ?

6 Témoin N (interprétation). - Oui, c'était cette année-là. Cela

7 s'est produit la même année. Peut-être un mois plus tard, tout au plus.

8 C'est alors que j'ai quitté la ville.

9 Mme Paterson (interprétation). – Très bien. Monsieur le

10 Président je n'ai plus de question pour le Témoin N.

11 M. le Président. – Maître Hayman ?

12 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, c'est une

13 demande assez inhabituelle mais pourrions-nous avoir un moment pour

14 débattre d'un certain point avec le bureau du Procureur s'il vous plaît ?

15 M. le Président. - Devant le témoin, Maître Hayman ? Il s'agit

16 d’un point concernant ce témoignage ?

17 M. Hayman (interprétation). – Oui, mais cela ne doit pas figurer

18 au compte rendu. C'est une demande tout à fait inhabituelle mais je peux

19 l'expliquer aux juges. Je pense que nous pouvons sortir et aller dans un

20 coin pour en parler pendant trente secondes.

21 Mme Paterson (interprétation). – Nous n'avons pas d'objection.

22 M. le Président. - Comment voulez-vous procéder ? Nous demandons

23 au témoin de rester ? Vous préférez une session à huis clos partiel ?

24 M. Hayman (interprétation). - Nous pouvons passer de l'autre

25 côté, si les juges nous y autorisent et nous pardonnent de franchir le mur

Page 4473

1 qui nous sépare et nous verrons avec

2 eux comment procéder.

3 M. le Président. – Concertez-vous, mais donnez-nous quand même

4 un temps car il est déplaisant pour les Juges de rester sur le siège. Le

5 témoin reste aussi sur son siège. Combien de temps vous faut-il ?

6 M. Hayman (interprétation). - Quelques minutes, je sais que ce

7 n'est pas très respectueux de ma part de vous faire attendre.

8 M. le Président. - Ce n'est pas la question, mais simplement les

9 Juges ne restent pas sur le siège. Nous vous laissons le temps de

10 discuter. L'audience est légèrement suspendue. Monsieur le Greffier nous

11 avertira lorsque vous serez en état de reprendre.

12 (Les rideaux sont baissés. Le témoin est reconduit hors du

13 prétoire.)

14 La séance est suspendue à 15 heures 40

15

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22 L’audience est reprise à 15 heures 50.

23 M. le Président - L'audience est reprise. Veuillez vous asseoir.

24 Maître Hayman ?

25 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, avant

Page 4474

1 que Maître Hayman ne prenne la parole, nous demandons une audience à huis

2 clos partiel, s'il vous plaît.

3 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président j'allais

4 simplement dire que nous avons eu la possibilité de parler aux membres du

5 Bureau du Procureur pendant la pause, je vous en remercie. Nous ne sommes

6 pas parvenus à un accord susceptible de raccourcir la déposition de ce

7 témoin. Nous sommes prêts à procéder au contre-interrogatoire. Mais je

8 remercie les Juges pour la possibilité qu'ils nous ont accordée.

9 M. le Président - Si je comprends bien. Les Juges constatent

10 qu'il n'y a pas d'accord sur un sujet à propos duquel ils ne sont pas au

11 courant. Nous pouvons donc enregistrer un désaccord. Si j'ai bien compris,

12 l'incident est clos. Nous pouvons réintroduire le témoin N. Il n'y a plus

13 d'incident si je comprends bien. Maître Paterson, pardon.

14 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce

15 que je peux avoir un instant pour consulter mes collègues ?

16 (Le Bureau du Procureur se consulte.)

17 M. le Président - Alors, Maître Paterson ?

18 Mme Paterson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

19 M. Hayman a raison de dire qu'il n'y a pas eu concordance entre les idées

20 de l'accusation et celles de la défense, mais nous pensons qu'il convient

21 d'inscrire au procès-verbal...

22 M. le Président - Qu'est-ce que vous voulez qu'on inscrive au

23 procès-verbal ?

24 Mme Paterson (interprétation). - Le point évoqué par M. Hayman

25 concerne une violation de l'article 68 fondé sur le fait que la déposition

Page 4475

1 de ce témoin est différente...

2 M. le Président - Je voudrais arrêter une seconde quand même.

3 Les Juges sont prêts à tout ce que vous demandez, et Maître Hayman nous a

4 demandé une suspension de séance. Il est déjà assez inusité que les Juges

5 partent et qu’une question soit soulevée.

6 Je veux bien que tout soit marqué au procès-verbal, mais je

7 voudrais quand même que mes collègues et moi-même soyons au courant de ce

8 dont il s'est agit. Je ne suis pas un notaire, je ne suis pas un scribe.

9 Je voudrais quand même comprendre de quoi il s'agit. Nous vous avons

10 accordé une suspension de séance. Nous avons appris d'ailleurs, au cours

11 de cette séance, que le témoin n'était pas très bien, nous avons délégué

12 le Greffier.

13 Il faut un peu de dignité dans la justice ! Les Juges ne sont

14 pas là pour constater des désaccords sur des questions dont ils ne sont

15 pas au courant. Alors si vous le voulez bien, très rapidement,

16 Maître Hayman pouvez-vous nous dire de quel point il s'agissait ? Pouvez-

17 vous nous dire en quoi n'êtes-vous pas d'accord ? Pourquoi le témoin n'est

18 plus là et à ce moment-là nous accepterons de le faire inscrire au compte

19 rendu. Je ne peux pas accepter que sous notre autorité on inscrive au

20 compte rendu des éléments dont nous ne connaissons ni les tenants ni les

21 aboutissants.

22 Maître Hayman nous reprenons au départ. L'incident avait trait à

23 quoi, exactement ?

24 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

25 vais en parler. Je fais remarquer qu'à certains moments, tout à fait

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1 particuliers, il peut être utile pour les deux parties de tenir entre

2 elles des conversations confidentielles destinées à accélérer les débats.

3 Je crois que c'est ce que j'ai essayé de faire avec la partie adverse qui

4 a maintenant l'intention de divulguer le contenu de cette conversation à

5 l'intention des Juges, en violation de la confiance que j'ai faites aux

6 membres de l'accusation.

7 Je dirai simplement que nous avons proposé une interruption de

8 la déposition du témoin et une stipulation entre les deux parties portant

9 sur le retrait de ce témoin en tant que témoin. La partie adverse n'a pas

10 pu donner son accord, en conséquence de quoi, nous pensons

11 qu'il convient de poursuivre. La raison pour laquelle les choses

12 se sont passées ainsi, c’est parce que la défense pensait pouvoir demander

13 un moment d'échange dans le respect de la plus grande confiance avec la

14 partie adverse. Le moment viendra où je voudrais pouvoir parler également.

15 M. le Président - Je vous signale que je vous remercie, je n'en

16 demandais pas plus, je ne vous demandais pas la teneur exacte de vos

17 conversations avec le Procureur. Simplement, je souhaitais au nom de mes

18 collègues ne pas être là, comme devant une partie de ping-pong, et d'être

19 commis uniquement pour faire enregistrer des comptes-rendus. Ce n'est ni

20 le rôle des Juges ni leur office.

21 Maître Paterson, confirmez-vous ce que vient de dire M. Hayman ?

22 Je ne vous demande pas pourquoi vous ne vous êtes pas mis d'accord, c'est

23 le problème qui vous préoccupe. Vous confirmez ? Nous allons donc

24 continuer, c'est bien cela, Maître Paterson ?

25 Mme Paterson (interprétation). - Oui. Sur le fond, je suis

Page 4477

1 d'accord avec ce qu'a dit M. Hayman, mais au cours de cette conversation

2 il a évoqué ce qu'il estimait être une violation de l'article 68. Il a

3 donc émis l'idée que nous n'avions pas divulgué quelque chose que nous

4 avions obligation de divulguer. C'est là une assertion très grave et, nous

5 pensons qu'étant donné la nature grave de cette assertion, il convient de

6 la faire valoir devant le Tribunal et que les choses soient claires.

7 Ce que M. Hayman prétend avoir eu lieu, à notre avis n'a pas eu

8 lieu. Nous le disons pour le procès-verbal, nous pensons que c'est une

9 question suffisamment importante pour que les Juges en soient informés.

10 M. le Président - Nous n'allons pas connaître le fond de votre

11 différend. Nous le notons sur le compte-rendu, mais cette fois-ci, les

12 Juges savent ce qu'ils font inscrire au compte-rendu. Notons donc qu'il y

13 a pour M. Hayman, à l'occasion de ce témoignage, une violation de règle

14 qui concerne la communication des éléments à décharge et ceci sera

15 souligné. les Juges

16 apprécierons au moment où dans leur délibéré, ils évalueront la

17 portée du témoignage. L'incident étant clos, nous pouvons maintenant

18 demander au témoin... Maître Hayman, voulez-vous ajouter quelque chose ?

19 Vous n'êtes pas satisfait de ce que dit le Juge Jorda, je sens.

20 M. Hayman (interprétation). - Je dirai simplement que je n'ai

21 rien prétendu quant à une violation de l'article 68. Le fait que la

22 déclaration d'un témoin soit maintenant placée devant le Tribunal, nous

23 pensons que c'est une erreur, et si cela est fait, eh bien, nous allons

24 passer en revue le moindre détail de cette déclaration écrite. Cela

25 prendra pas mal de temps. Je n'ai pas prétendu, ni allégué qu'il y avait

Page 4478

1 eu violation de l'article 68. J’ai eu une discussion préalable avec

2 l'accusation, nous avons échangés nos points de vue. Aujourd'hui,

3 l'accusation se sert de cela pour demander que tous les détails de la

4 déclaration écrite soient divulgués.

5 M. le Président - J'ai dit que l'incident est clos. Vous ferez

6 votre contre-interrogatoire comme d'ailleurs au départ c'était mon

7 intention. C'est parce que vous avez insisté pour pouvoir vous concerter

8 avec le Procureur. L'incident est clos en ce qui nous concerne. Nous

9 allons donc introduire le Témoin N. Quant à votre contre-interrogatoire,

10 il sera ce qu'il sera. Les Juges veilleront à ce qu'il reste dans le cadre

11 de l'interrogatoire principal.

12 Nous faisons réintroduire le Témoin N, s'il est toutefois

13 capable de supporter un contre-interrogatoire.

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18 L’audience se poursuit à huis clos partiel.

19 Vous aviez terminé de toute façon, Madame Paterson ?

20 Mme Paterson (interprétation). - Oui Monsieur le Président, nous

21 avions fini notre interrogatoire du témoin.

22 M. le Président - C'est Maître Nobilo qui va prendre le contre-

23 interrogatoire ?

24 M. Nobilo (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Très

25 rapidement.

Page 4479

1 M. le Président - Nous connaissons votre courtoise habitude de

2 contre-interroger les témoins qui sont des victimes de cette tragédie. Le

3 Tribunal vous fait à nouveau confiance.

4 (Les rideaux sont baissés. Le témoin N est introduit dans la

5 salle.)

6 M. le Président. - Témoin N, vous m'entendez à nouveau ?

7 Témoin N (interprétation). - Oui.

8 M. le Président. - Vous êtes remise, vous allez mieux ?

9 Témoin N (interprétation). - Plus ou moins, plus ou moins.

10 M. le Président. - Après les déclarations que vous avez faites

11 au Procureur...

12 Témoin N (interprétation). - …Oui.

13 M. le Président. - Vous allez maintenant recevoir des questions

14 de Maître Nobilo qui est le conseil du Général Blaskic. N'oubliez jamais

15 que vous êtes sous la protection des Juges. Nous confions maintenant à

16 Maître Nobilo le soin de vous contre-interroger sur les éléments qui lui

17 paraissent utiles pour la défense de son client, qui est le

18 Général Blaskic.

19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

20 Témoin N, comme le Président vous l'a dit, je vais vous poser quelques

21 questions. Je sais que vous êtes émue, ce sera très bref, vous n'allez pas

22 perdre beaucoup de temps avec cela.

23 Ce qui m'intéresse, c'est ce qui s’est passé avant que les

24 Vitezovi n’arrivent dans votre maison pour emporter votre voiture, pour la

25 voler. Quand les deux soldats vous ont

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1 emmenée dans l'autre maison, est-ce que vous avez compris cela

2 comme un acte de protection. Ils étaient gentils ?

3 Témoin N (interprétation). - Oui. Ils l'ont été.

4 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, l'incident malheureux

5 que vous avez vécu, pendant que vous êtes allée à Vitez, êtes-vous allée

6 porter plainte à la police là-bas ?

7 Témoin N (interprétation). - Je n'ai parlé à personne, je

8 n'osais pas sortir de la maison. Non, je ne suis pas sortie du tout.

9 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, après le départ des

10 Vitezovi et jusqu'à votre départ de Vitez, est-ce que quelqu'un vous

11 menaçait ? Est-ce que quelqu'un venait dans votre maison ?

12 Témoin N (interprétation). - Quand ils sont partis, non, non

13 personne.

14 M. Nobilo (interprétation). - Je n'ai plus de question, merci

15 Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Madame Paterson, voulez-vous compléter ?

17 Mme Paterson (interprétation). - Pas d'autres questions,

18 Monsieur le Président.

19 M. le Président. – Voilà, Témoin N, c'est terminé. Vous allez

20 essayer de vous remettre, de rentrer chez vous, essayer d'oublier, si vous

21 le pouvez. Le Tribunal vous remercie. Monsieur le Greffier, vous pouvez

22 faire demander à l'Huissier qu'on la raccompagne avec les mesures de

23 protection en baissant les rideaux.

24 (Les rideaux sont baissés. Le témoin est reconduit hors la salle

25 d'audience.)

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1 M. le Président. - C'est Monsieur le Procureur Harmon qui

2 présente le témoin suivant ?

3 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, nous

4 n'avons pas d'autre témoin pour aujourd'hui. Nous en avons fini avec le

5 témoin qui était disponible aujourd'hui.

6 M. le Président. - Bien. Nous nous retrouverons je pense demain

7 matin, à 10 heures pour entendre les deux derniers témoins de la semaine,

8 c'est cela Monsieur Harmon ?

9 M. Harmon (interprétation). - Oui, c'est cela Monsieur le

10 Président.

11 M. le Président. - Dans ces conditions, l'audience est levée et

12 reprendra demain matin à 10 heures.

13 L'audience est levée à 16 heures 15.

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