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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 15 décembre 1997
4 L'audience est ouverte à 10 heures 10.
5 M. le Président (interprétation). - Veuillez vous asseoir.
6 Monsieur le Greffier, faites entrerl'accusé, s'il vous plaît.
7 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)
8 Pendant que les photographes terminent, e je les avais
9 autorisés, nos amies interprètes sont-elles reposées et détendues ?
10 L’Interprète. - Oui, merci, Monsieur le Président. Bonjour.
11 M. le Président. - Merci. Est-ce que tout le monde m'entend ? Le
12 Bureau du Procureur ? La défense ? Général Blaskic, m'entendez-vous ? Est-
13 ce que mes collègues m'entendent aussi ?
14 M. Blaskic (interprétation) - Bonjour, Monsieur le Président,
15 Messieurs les Juges. Je vous entends fort bien, je vous remercie.
16 M. le Président (interprétation). - Nous pouvons reprendre nos
17 travaux. Les photographes sont partis. Maître Kehoe, c'est à vous.
18 M. Kehoe (interprétation) - Merci, Monsieur le Président.
19 Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
20 Le Bureau du Procureur va appeler un premier témoin, ce matin.
21 Il s'agit de M. Payam Akhavan : A, K, H, A, V, A, N. Il travaille
22 actuellement pour le Bureau du Procureur.
23 En fait, Monsieur le Président, cette personne a déjà été citée
24 dans le cas de nombreuses requêtes qui soulevaient un point juridique, au
25 tout début de ce procès. M. Akhavan a été l’un des membres de nombre
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1 d'organisations humanitaires. Il a agi en tant qu'avocat dans le cadre de
2 ces organisations humanitaires. Il a un diplôme en la matière. En 1993, il
3 travaillait pour la Commission des Droits de l'Homme qui est un des
4 organes des Nations Unies. Cet organe s'est penché sur la question de la
5 violation des droits de l'homme sur l'ensemble du territoire de l'ex-
6 Yougoslavie.
7 Cette commission a présenté un rapport relatif à ses conclusions
8 sur la question aux Nations Unies. M. Akahvan, ainsi que M. Thomas Osorio,
9 a été chargé de se rendre en Bosnie centrale au cours de la première
10 semaine du mois de mai 1993. Ils sont arrivés le 30 mai 1993 sur place.
11 Ils ont dû mener une enquête sur les événements survenus à Ahmici. Ils ont
12 eu des entretiens avec un certain nombre de personnes. Ils se sont rendus
13 sur place de nombreuses fois. Ils ont parlé à l'accusé, le
14 Général Blaskic. Ils ont également eu un entretien avec Mario Cerkez, le
15 commandant de la brigade Vitaca. Ils ont également parlé avec
16 Dario Kordic, qui, je vous le rappelle, est le vice-président de la
17 communauté croate d’Herceg-Bosna et du HVO. Ces trois personnes ont nié
18 toute responsabilité quant aux évènements et ont toujours dit que le HVO
19 n'aurait pas pu prendre part à ces événements, entre autres.
20 Les conclusions de cette enquête sur le terrain ont été
21 présentées et renvoyées à Genève où un rapport portant sur les événements
22 d'Ahmici, ainsi qu'un rapport sur des activités commises par des
23 Musulmans, prétendument des Musulmans qui se seraient livrés à des tueries
24 dans le village de Miletici, ont été envoyés à Genève et publiés le 19
25 mai 1993 par la Commission des Droits de l'Homme.
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1 Voici l'essentiel de la teneur du témoignage de M. Akhavan. Nous
2 avons bien évidemment un exemplaire de ce rapport, publié par la
3 Commission des Droits de l'Homme, en français et anglais. Nous allons le
4 soumettre au Tribunal pour qu'il soit versé au dossier. Voici
5 quelles sont les grandes lignes du témoignage de M. Akhavan.
6 Monsieur le Président, au cours du Week-end, en revenant sur les
7 déclarations écrites, nous avons découvert que l'une de ces déclarations
8 n'avait pas été communiquée à la défense. Ceci n'explique pas le fait que
9 cette déclaration n'avait jamais été revue ni signée par M. Akhavan, en
10 tout cas pas avant samedi dernier. Nous nous sommes donc permis de la
11 communiquer rapidement à la défense.
12 La déclaration qui avait été communiqué précédemment à la
13 défense avait été signée par M. Akhavan et c'est celle-ci qui a été
14 examinée par le Tribunal, c'est celle qui a été sortie de l'ordinateur.
15 Le Bureau du Procureur a fait en sorte que ces déclarations
16 soient communiquées à la défense, mais je me permets d'attirer votre
17 attention sur ce point afin de résoudre tout problème sur cette question
18 avant de faire entrer M. Akhavan.
19 M. le Président (interprétation). - Maître Hayman, voulez-vous
20 intervenir sur ce point ?
21 M. Hayman. (interprétation) - Oui, M. le Président. Nous ne
22 souhaitons pas retarder en quoi que ce soit les travaux. Nous souhaitons
23 progresser, aller de l'avant. Simplement, nous souhaitons préciser que
24 cette déclaration devait faire en tout cas l'objet d'une ordonnance de
25 divulgation de la court, ordonnance qui a été prise le 27 janvier 1997,
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1 ordonnance qui dit tout ce qui est utilisé doit être présenté à la
2 défense. Alors qu'elle ait été lue ou signée par le témoin peu importe,
3 elle aurait du être communiquée à la défense.
4 Pour ce qui est des déclarations qui ont été communiquée, je
5 vais de mon côté déposer une requête stipulant que ces dépositions ne nous
6 ont pas été communiquées en temps et en heure. Voilà, tout ce que je
7 souhaite préciser.
8 M. le Président (interprétation). - Ne multiplions pas les
9 requêtes, Maître Hayman. Vous savez que le Tribunal est déjà saisi de
10 beaucoup de requêtes. Essayons de régler les
11 incidents immédiatemment. Ne faisons pas d'incidents de tout, je vous
12 supplie. Les Juges sont ici pour trouver la vérité dans la responsabilité
13 du Général Blaskic dans un procès contradictoire.
14 La question que je vais vous poser, et épargnez-nous la requête
15 si on peut règler cela avant, c’est :
16 1°/ Avez-vous eu l'essentiel des déclarations ? Combien de
17 déclarations a fait M. Akhavan ? Maître Kehoe, combien de déclaration y a-
18 t-il eues de M. Akhavan ? Qu'avez-vous transmis et pas transmis ? Cette
19 déclaration est-elle importante ? A-t-elle été transmise ce week-end ?
20 Pourriez-vous refaire venir M. Akhavan ?
21 De toute façon, il est sur place, donc nous pourrons le faire
22 revenir au besoin. Pouvez-vous vous expliquer, Maître Kehoe ? On règle
23 l'incident tout de suite. Allez-y, Maître Kehoe.
24 M. Kehoe (interprétation) - Oui, Monsieur le Président. La
25 première déclaration rédigée par M. Akhavan, qui date du 13 décembre 1994,
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1 a été communiquée à la défense. L'autre déclaration a été recueillie,
2 suite à un entretien qui a eu lieu le de 23 juin 1995. Cette déclaration,
3 M. Akhavan ne l'a lue que samedi dernier, samedi 13 décembre 1997. Il ne
4 l'a jamais signée.
5 M. le Président (interprétation). - Il faut bien reconnaître
6 avec la défense que c'est un peu anormal. On est dans le Bureau du
7 Procureu, la deuxième déclaration est du 23 juin 1995, elle est lue par
8 M. Akhavan samedi dernier...
9 M. Hayman. (interprétation) - Monsieur le Président, je
10 n'entends pas, je ne reçois aucune interprétation. Excusez-moi.
11 M. le Président (interprétation). - Cela vous était favorable,
12 c'est un peu dommage. Je le répète. (Rires.)
13 M. Hayman. (interprétation). - Excusez-moi,
14 Monsieur le Président. Toutes mes
15 excuses.
16 M. le Président (interprétation). - La déclaration est du
17 23 juin 1995. Je dois dire qu'elle a été lue par M. Akhavan que samedi
18 dernier, il faut bien reconnaître que c'est fâcheux, Monsieur Kehoe.
19 Essayons de faire en sorte qu'il y ait une certaine fluidité dans les
20 débats, vous savez très bien que sinon cela génère des incidents.
21 Cette déclaration a été communiquée aujourd'hui,
22 Monsieur Kehoe ?
23 M. Kehoe (interprétation). - Non, elle a été communiquée hier.
24 Je crois avoir appelé M. Hayman hier après-midi et il a dit qu'il
25 passerait la prendre vers 18 heures.
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1 M. le Président (interprétation). - Alors vous allez nous
2 expliquer, est-elle fondamentalement différente de celle de
3 décembre 1994 ? Vous, vous le savez, Maître Kehoe ?
4 M. Kehoe (interprétation). - Non, pas fondamentalement
5 différente, Monsieur le Président. Il y a un certain nombre de détails
6 supplémentaires relatifs à des entretiens tenus par M. Akhavan avec
7 l'accusé, là oui, il y a quelques détails supplémentaires.
8 Je soulève ce point parce que si jamais les conseils de la
9 défense se sentent lésés, alors peut-être faut-il essayer de remédier à la
10 situation. M. Akhavan travaille pour le Bureau du Procureur. Nous avions
11 prévenu les conseils de la défense qu'il allait comparaître cette semaine
12 en tant que témoin, mais pour nous assurer que les conseils de la défense
13 ne se sentent en aucun point lésés, nous sommes prêts à attendre que
14 M. Hayman décide de progresser et d’aller de l'avant pour ce qui est des
15 déclarations du témoin.
16 M. le Président. - Je consulte rapidement mes collègues.
17 (Les Juges se consultent sur le siège.)
18 J'ai l'accord de mes collègues pour trancher l'incident
19 immédiatement sans avoir besoin de requête.
20 Sur la deuxième déclaration, la défense constatera si elle
21 change fondamentalement par rapport aux impératifs de la défense du
22 Général Blaskic. Si cette deuxième déclaration
23 apporte des changements importants, je le répète, à ce moment-là,
24 Maître Hayman, vous aurez droit de faire revenir, au moment du contre-
25 interrogatoire, M. Akhavan. Il n'a que deux escaliers à descendre. Ce ne
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1 sera donc pas trop complexe, Maître Hayman si vous voulez bien épargner au
2 Tribunal la lecture d’une requête supplémentaire.
3 L’incident étant clos, nous pouvons maintenant faire entrer
4 M. Akhavan.
5 M. Hayman (interprétation). - Je ne souhaite pas déposer une
6 requête, mais je vais en tout cas déposer les deux déclarations, pour ce
7 qui est de la Chambre d'appel, au cas où il y aurait appel dans cette
8 affaire. Ainsi, ils pourront voir quelles sont les déclarations qui n'ont
9 pas été communiquées en temps opportun à la défense. Je souhaite
10 absolument que le compte rendu soit très clair sur ce point.
11 M. le Président. - Je vous rappelle Maître Hayman que nous avons
12 déjà beaucoup à faire avec le procès en première instance. Vous ferez
13 appel si vous le souhaitez, mais attendons. Tout ceci me paraît être
14 beaucoup de bruit pour pas grand chose. Essayons de régler le maximum
15 d'incidents, ici, entre nous. Evitons les écritures. Voilà, ce que vous
16 avez dit, de toute façon, est transcrit, n’ayez aucune crainte.
17 Monsieur le Greffier, faisons introduire M. Payam Akhavan.
18 (Le témoin est introduit en salle d'audience.).
19 M. le Président. - Vous pouvez nous rappeler votre nom et votre
20 prénom, que nous connaissons bien puisque vous êtes dans la maison, mais
21 vous nous les rappelez pour la bonne forme. Vous n'entendez pas ?
22 M. Akhavan (interprétation). - J'ai entendu.
23 M. le Président. – Je vous rappelle que vous êtes au Bureau du
24 Procureur. Les deux langues officielles du Tribunal sont l'anglais et le
25 français. M'entendez-vous, Monsieur Akhavan ? Vous nous dites votre nom et
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1 votre prénom pour le compte rendu et la bonne régularité des débats.
2 Allez-y. Vous êtes Monsieur ?
3 M. Akhavan (interprétation). - Mon nom de famille est Akhavan.
4 Mon prénom est Payam.
5 (Le témoin épelle son nom et son prénom.)
6 M. le Président. - Bien, vous allez lire la déclaration que
7 M. l'huissier va vous tendre. C'est votre serment.
8 M. Akhavan (interprétation). - Je déclare solennellement que je
9 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 M. le Président. – Bien. M. Akhavan, asseyez-vous.
11 Conformément à la nouvelle procédure de déposition des témoins
12 qui est en cours devant cette Chambre… M'entendez-vous, Monsieur Akhavan ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
14 M. le Président. – …le Procureur nous a donné la teneur générale
15 de votre déclaration. N'oubliez pas, dans le cours de votre déposition,
16 sur le plan formel, qu'il y a eu une deuxième déclaration que vous n'avez,
17 semble-t-il, lue que samedi dernier, ce que le Tribunal vient de déplorer
18 compte tenu notamment que la défense a soulevé la question. La deuxième
19 déclaration est du 23 juin 1995. Si vous pouvez, au cours de votre
20 déposition, ne pas perdre de vue qu'il y a une deuxième déclaration qui
21 n'a été communiquée à la défense qu'hier après-midi, semble-t-il. Ne le
22 perdez pas de vue.
23 Monsieur Kehoe nous a dit la teneur générale de votre
24 témoignage, notamment le cadre de votre mission, au cours de laquelle vous
25 avez pu, au nom de la Commission des Droits de l’Homme, en 1993, enquêter
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1 sur les massacres, en tout cas sur les violations du droit international
2 pénal, à Ahmici d'une part et d'autre part, autre tonalité de votre
3 déclaration, les entretiens que vous avez pu avoir avec différents
4 responsables et notamment l'accusé.
5 Vous avez fait un rapport à Genève. Maître Kehoe, ce rapport a-
6 t-il été communiqué à la défense ? Le rapport de la Commission des Droits
7 de l'Homme, c'est un
8 rapport public ?
9 M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président. C'est
10 un rapport public qui a été publié par le personnel de Genève, qui s'est
11 inspiré des informations fournies par M. Akhavan. Ce n'est pas exactement
12 le rapport de M. Akhavan, c'est le rapport de la Commission des Droits de
13 l'Homme.
14 M. le Président. – Maître Hayman ?
15 M. Hayman (interprétation). – Pour que le compte rendu soit
16 clair, ceci ne nous a pas été remis, Monsieur le Président, et je ne pense
17 pas qu'il soit précisé dans la déclaration. Nous l'avons trouvé d'après
18 les documents du domaine public, mais nous n’aurions pu le trouver
19 autrement.
20 M. le Président. - Ils font donc partie des documents publics
21 visés par le Règlement de preuve et de procédure et qui ne font pas
22 toujours lieu d'une communication contradictoire. Il en a été pris acte.
23 Maître Kehoe, peut-être avez-vous quelques questions préalables
24 à poser. Ensuite, le témoin fait sa déposition d’un seul tenant, si c’est
25 possible, et vous n'apporterez que les précisions complémentaires au
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1 soutien de votre accusation qu'à la fin, sauf interruption qui vous
2 apparaîtrait particulièrement nécessaire. La défense est-elle prête ?
3 Maître Kehoe, vous avez la parole.
4 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
5 Bonjour, Monsieur Akhavan.
6 M. Akhavan (interprétation). - Bonjour.
7 M. Kehoe (interprétation). - Actuellement, vous travaillez pour
8 le Bureau du Procureur, n’est-ce pas ?
9 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
10 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez une certaine expérience
11 dans le cadre du
12 droit humanitaire international, n’est-ce pas ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez travaillé sur un certain
15 nombre de points juridiques pour ce qui est de l’affaire Blaskic, n’est-ce
16 pas ?
17 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - Avant de commencer à travailler
19 pour le Bureau du Procureur, pourriez-vous expliquer aux Juges qu'elles
20 ont été vos activités dans le cadre du droit international humanitaire, à
21 la fois du point de vue pratique et du point de vue théorique ?
22 M. Akhavan (interprétation). - Avant de rejoindre le Bureau du
23 Procureur, j'ai passé plusieurs années à travailler dans le domaine du
24 droit humanitaire, des droits de l’homme. Il y a eu des activités
25 académiques, universitaires et pratiques. Du côté universitaire post-
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1 gradua, études juridiques en matière de droits de l'homme. J'ai été aussi
2 associé en recherche à l’Institut norvégo-danois des droits de l'homme.
3 J’ai participé également à plusieurs missions destinées à établir des
4 faits en matière de droits de l’homme, à Norborkaraba*, alors en
5 Union Soviétique. Avant de rejoindre le centre des Nations-Unies pour les
6 droits de l'homme en avril 93, j’ai participé à deux missions, la
7 Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (la CSCE), qu’on
8 connaît aujourd’hui comme étant l’OSCE (l’Organisation pour la Sécurité et
9 la Coopération en Europe). Une de ces missions s’est faite sous la tutelle
10 de Hans Korel*. Nous avons étudié des allégations en matière de violations
11 des droits de l'homme en ex-Yougoslavie. La deuxième mission s’est faite
12 sous la direction de celui qui était alors ambassadeur auprès de la
13 Commission des Droits de l’Homme, M. Kanes Blakem*. Nous avons examiné
14 certains endroits qui avaient été des camps de détention dans l’ex-
15 Yougoslavie.
16 M. Kehoe (interprétation). - M. Akhavan, d'un point de vue
17 pratique, pourriez-vous attendre quelque temps entre ma question et votre
18 réponse, afin de laisser le temps aux
19 interprètes de traduire ce que vous dîtes. Il y a un petit délai entre la
20 question et la réponse, c'est la raison pour laquelle j'attends un petit
21 peu avant reprendre la parole.
22 Est-il juste de dire que, avant de vous engager dans vos travaux
23 avec la Commission des Droits de l’Homme, vous jouissiez déjà d'une
24 certaine expérience parce que vous aviez travaillé sur un certain nombre
25 de questions portant sur la violation des droits de l'homme en ex-
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1 Yougoslavie ?
2 M. Akhavan (interprétation). - Oui, c’est d’ailleurs pour cela
3 que j’ai été recruté par le Centre des droits de l’homme.
4 M. Kehoe (interprétation). - S’il vous plaît, quand avez-vous
5 commencé à travailler pour la Commission des droits de l’homme ? Pouvez-
6 vous nous dire ce qu’elle est, quelle est sa mission et sa méthode de
7 travail ? Comment procède-t-elle lorsqu'elle essaie d'établir ses
8 rapports, lorsqu'elle essaie d'en venir à certaines conclusions ?
9 M. Akhavan (interprétation). - La Commission des droits de
10 l'homme est une organisation des Nations Unies qui opère par sessions, et
11 qui est sous la tutelle du Comité économique et social des Nations-Unies.
12 C'est un organe composé de 53 membres, qui se rencontrent une fois par an
13 entre février et mars de chaque année pour discuter de façon globale des
14 questions relatives aux droits de l'homme.
15 Il y a deux types de mandats qui peuvent être conférés par la
16 Commission à des rapporteurs extraordinaires. Ces derniers sont désignés
17 par la Commission aux fins de préparer des rapports d’experts sur
18 plusieurs sujets. Il y a des mandats dits thématiques qui examinent
19 certains thèmes, comme des questions de tueries, en dehors des voies
20 judiciaires, des tortures. Il y a aussi des rapporteurs par pays qui se
21 voient assigner un pays particulier sur lequel ils sont censés enquêter.
22 En l'occurrence, après que la guerre ait éclaté en ex-Yougoslavie, au
23 cours de l'été 92, une session extraordinaire de cette Commission s'est
24 tenue. Au cours de celle-ci, la Commission a conféré et formulé ce qui a
25 été peut-être le mandat le plus large pour ce qui est
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1 de l’enquête sur les violations aux droits de l’homme en ex-Yougoslavie.
2 A cette fin, ils ont désigné Tadeusz Mazowiecki, ex-premier
3 ministre de Pologne comme rapporteur extraordinaire et ont mis à sa
4 disposition le plus grand nombre possible de ressources afin qu'il
5 s'acquitte de sa tâche.
6 Le mandat conféré à un rapporteur extraordinaire ne consiste pas
7 à examiner la question de la responsabilité pénale d’un individu, mais de
8 voir quelle est la responsabilité d'un état, afin d'essayer de fournir des
9 informations précises sur la question de savoir si un état s’acquitte des
10 obligations qui lui incombent au titre du droit international et aussi de
11 respecter les normes établies en matière de droits de l’homme.
12 Lorsqu'il y a conflit armée, lorsque l'état se fracture, comme
13 cela a été le cas en Bosnie-Herzégovine, où le gouvernement dit légitime
14 ne contrôle effectivement qu'une petite partie du territoire, la
15 responsabilité d'un état peut également être attribuée à des autorités qui
16 détiennent un contrôle de facto d’une certaine partie du territoire, même
17 s’il ne s’agit pas d’états reconnus.
18 La méthode utilisée vise à examiner les sources d'informations
19 les plus nombreuses pour établir des preuves, qui ont été attestées, de
20 violations des droits de l'homme. C'est une fonction quasi-judiciaire
21 qu'occupe ce rapporteur. Cette personne doit faire fonction, si vous
22 voulez, de juge, défense et partie lorsqu'il s'agit de tirer quelques
23 conclusions.
24 Ce rapporteur spécial, ou extraordinaire dans le cas de l’ex-
25 Yougoslavie, étant donné le volume considérable d'informations qu'il y
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1 avait, devait opérer par l'intermédiaire de personnels considérables,
2 d'effectifs importants. Ici, il y avait cinq ou six personnes qui y
3 travaillaient déjà lorsque j'ai rejoint cette mission. Il y a peut-être du
4 vingt personnes, à un moment donné, pour s’occuper de cette question. Le
5 personnel, qui fait rapport au rapporteur, reçoit des informations de
6 sources diverses et doit alors pondérer chaque élément en fonction de la
7 fiabilité des sources et aussi de la corroboration de telle ou telle chose
8 par d'autres
9 sources.
10 Ces sources en général, dans le cas de l’ex-Yougoslavie, portent
11 aussi sur des observateurs comme la FORPRONU, qui se trouvent peut-être
12 sur le terrain, qui sont neutres dans la mesure où ils n'ont pas d'intérêt
13 particulier à ce que le conflit se termine de telle ou telle façon. Outre
14 la FORPRONU, il y a aussi le personnel des organisations humanitaires,
15 comme le Haut-Commissariat aux réfugiés. Il pourrait y avoir également
16 d’autres organisations intergouvernementales, la Mission d'Observation,
17 l’E.C.M.M. pour la Communauté européenne, ou d’autres organisations non
18 gouvernementales qui mènent des enquêtes sur le terrain, dont Amnisty
19 International, Human Wrights Watch.
20 Les informations peuvent également provenir de sources
21 gouvernementales. Mais, en général, les informations qui viennent des
22 gouvernements ou des parties au conflit, sont traitées avec énormément de
23 circonspection. Les sources d'informations les plus importantes sont les
24 victimes directes, les témoins qui peuvent fournir des témoignages
25 oculaires de ce qui s'est passé dans la région.
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1 Permettez-moi d'ajouter un autre élément pour expliquer cette
2 méthode. Lorsque nous avons à faire à la responsabilité de l'état ou d'une
3 partie au conflit, il n'est pas inconséquent de voir quel est le rôle que
4 telle ou telle personne a joué, et qui pouvait avoir un rôle de direction.
5 Nous allons essayer d'obtenir des éléments de preuve pour savoir quelle
6 est la partie qui a le contrôle effectif de tel ou tel territoire.
7 Lorsqu'il s'agit d'établir quels sont les individus qui
8 déterminent la politique, qu'elle soit civile ou militaire dans cette
9 région, ceci nous permet d'avoir davantage de certitude lorsqu'il s'agit
10 de déterminer les parties éventuellement responsables de telles ou telles
11 atrocités ou de violations des droits de l'homme ; parce qu'elles
12 sauraient donner l'ordre d'exécuter ces atrocités ou y auraient apporté,
13 ou pas, un acquiescement tacite.
14 Nous ne désignons pas nommément des individus, ce n'est pas
15 l'effet recherché par
16 ces rapports. Il s'agit plutôt pour ces rapports de voir quelles sont les
17 responsabilités s’agissant des parties au conflit.
18 M. Kehoe (interprétation). - En recourant à cette méthode que
19 vous venez de nous décrire, est-ce que vous-même et un de vos collègues,
20 vous avez été chargé de vous rendre dans la région de Vitez à la fin du
21 mois d'avril ou au début du mois de mai pour vous pencher sur les
22 événements et les crimes qui avaient été perpétrés dans le village
23 d’Ahmici ?
24 M. Akhavan (interprétation). - Effectivement, à peu près une
25 semaine après mon arrivée à Zagreb, nous avons été contactés par des
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1 membres de l’E.C.M.M., la Mission d'Observation de la Communauté
2 européenne. Nous avions déjà vu un rapport dans les médias sur ce qui
3 s'était produit dans la vallée de la rivière Lasva, qui était devenu
4 -hélas- notoire parce qu'apparemment une famille avait été brûlée vive
5 dans la cave de sa maison. Etant donné la tension que cela avait provoqué
6 dans les médias, nous avons été encouragés à mener une enquête tout à fait
7 impartiale sur les événements.
8 Il me semblait que l’E.C.M.M. s'intéressait davantage à
9 stabiliser la situation au plan militaire, au plan politique, en ayant un
10 récit impartial de ce qui s'était passé. Mais, bien sûr, nous, nous avions
11 pour intérêt plus direct de mener une enquête sur les droits de l'homme
12 qui donnerait vraiment un récit exact de ce qui s'était passé et des
13 répercussions que cela pourrait avoir sur la normalisation des relations
14 dans cette région.
15 M. Kehoe (interprétation). - Vous vous êtes rendu dans cette
16 région, le 30 avril 1993, n'est-ce pas ?
17 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce que
19 vous avez fait, avec qui vous êtes allé, avec qui vous vous êtes
20 entretenu ? Pouvez-vous nous dire quels ont été les résultats et les
21 conclusions auxquels vous êtes arrivé ?
22 M. Akhavan (interprétation). - Le 30 avril, nous sommes arrivés
23 en avion,
24 transport FORPRONU, à Sarajevo depuis Zagreb. Nous avons été emmenés à
25 Kiseljak à la base de la FORPRONU où des membres du régiments britanniques
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1 nous ont accueillis.
2 Après le déjeuner, dans la soirée, nous avons été emmenés par le
3 régiment britannique à Vitez où se trouvait la base du régiment du
4 BritBat. Nous avions, pour le transport, toute une série de Warriors, de
5 véhicules, utilisés par les Britanniques dans la région. Si je le dis
6 c’est pour expliquer que lors de cette soirée, au moment de notre arrivée
7 à Vitez, il était déjà possible de voir, par les petites ouvertures qu’il
8 y a dans ce type de véhicules blindés, qu’une grande quantité de maison se
9 trouvait déjà en flamme dans les abords de Vitez. J'ai pensé que c'était
10 Vitez parce que cela se trouvait à plusieurs minutes par rapport à notre
11 arrivée à la base.
12 Certains des soldats britanniques m'ont dit que ces maisons
13 apparemment avaient été mises à feu, que c'était pratiquement sans aucun
14 doute des maisons musulmanes et que ce type d'activité avait sévi depuis
15 plusieurs jours dans la région.
16 Au cours de mon séjour, avant que je ne puisse vous expliquer,
17 Messieurs les Juges, la nature des réunions que j’ai eues et leur
18 emplacement, nous avions pour méthode surtout d'essayer de parler le plus
19 ouvertement possible avec des membres du régiment britannique. Au cours
20 des repas, nous consacrions beaucoup de temps à des réunions informelles
21 avec des soldats, ainsi qu'avec des commandants, pour avoir une meilleure
22 idée de la situation générale dans la région de la vallée de la Lasva.
23 Nous avons très souvent discuté avec des commandants, des
24 officiers, pour avoir une idée plus précise de la situation et surtout
25 pour savoir s'il y avait beaucoup de chaos, de situations tout à fait
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1 hors-la-loi, qui auraient pu expliquer en partie le chaos, ou plutôt pour
2 savoir s'il y avait un contrôle militaire solide dans la région.
3 Nous avons souvent parlé aussi à des soldats ou des officiers de
4 moindres rangs pour avoir une idée de la situation sur le terrain. Très
5 souvent, les soldats nous donnaient une
6 idée beaucoup plus précise de ce que la situation était, puisqu'ils
7 avaient des missions quotidiennes qu'ils devaient accomplir dans la
8 région.
9 En six mois, ils avaient bien appris à connaître le terrain,
10 mais aussi les protagonistes et la situation en général. Il est utile
11 d’indiquer qu’au moment où nous sommes arrivés le régiment du Cheshire
12 allait se voir remplacer par un nouveau régiment qui commençait à arriver,
13 celui du Prince de Galles. Souvent ils avaient des patrouilles conjointes,
14 de sorte que le régiment du Cheshire puisse donner des informations au
15 nouveau régiment.
16 Le 1er mai, premier jour du séjour, nous avons été emmenés en
17 patrouilles conjointes Cheshire/Prince de Galles dans les abords de la
18 région de Vitez, pour voir Vitez et quelques villages voisins. Au cours de
19 cette première mission, le Sergent Watters nous accompagnait. Je me trompe
20 peut-être pour ce qui est du rang, mais en tout cas il était second par
21 rapport au Colonel Stewart qui était le commandant. Alester Denkin*, qui
22 était commandant du régiment Prince de Galles, nous accompagnait également
23 dans le véhicule blindé. Nous avons fait un circuit de plusieurs heures,
24 mais étant donné qu'il y avait un danger incessant du fait de tireurs
25 embusqués, nous n'avons pas vraiment pu sortir la tête du char pour avoir
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1 une vue sans entrave de ce qu'il y avait aux alentours. Une occasion s'est
2 présentée, quelquefois aussi tel ou tel membre de l’équipage indiquait tel
3 ou tel site intéressant.
4 Nous avons vu le village d'Ahmici. Il n'était pas possible de se
5 tromper étant donné que le minaret qui avait été détruit dans ce village.
6 Il avait été littéralement cassé à sa base et il était penché sur un autre
7 bâtiment du village. En passant par Ahmici, nous avons constaté qu'il y
8 avait plusieurs hommes en uniforme militaire qui apparemment pillaient
9 chaque maison, en enlevaient tout ce qu'il y avait de valeur. Les membres
10 du bataillon britannique nous ont dit que pratiquement, sans aucun doute,
11 il s'agissait de membres du HVO, des forces croates armées.
12 Nous avons passé le reste de la soirée à discuter avec des
13 membres du bataillon britannique. La base de ce bataillon à Vitez était
14 telle qu'il y avait aussi un rassemblement au
15 moment des repas avec des personnes qui venaient d'autres missions, avec
16 l’ECMM, le Haut-commissariat aux réfugiés. Quelques fois il y avait aussi
17 des représentants de l’ONG qui menaient eux-aussi leur enquête pour
18 établir les faits. Souvent, il y avait également des membres des médias
19 qui connaissaient bien la région. Nous avons essayé d'obtenir un maximum
20 d'information dès ce soir-là puisque nous nous attendions à une enquête
21 plus fouillée à Ahmici le lendemain, à savoir le 2 mai.
22 Le 2 mai, nous avons été emmenés au village d'Ahmici. Nous
23 avions pour ce faire deux Scimitar, des véhicules transporteurs de troupes
24 blindés. Je me dois d'indiquer que si nous avons surtout concentré notre
25 attention sur Ahmici, c’est parce que nous avions manifestement très peu
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1 de ressources. Nous n'avions que deux personnes, mon collègueThomas Osorio
2 et moi-même, et nous étions censés enquêter sur toutes les violations
3 qu'il y avait eues en République de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.
4 Inévitablement, nous avons dû cerner les difficultés et établir une
5 priorité, surtout que nous avions eu à faire à une guerre où il y a eu
6 tellement d'atrocités.
7 Nous savions, avant d'arriver dans la région de la vallée de la
8 Lasva qu’il y avait des deux côtés des allégations quant à la commission
9 d’atrocités sur les civils. Les Croates alléguaient que des membres de
10 l'armée bosnienne avaient commis des atrocités sur leurs civils, notamment
11 l'incarcération alléguée de plusieurs centaines de civils à Zenica qui
12 était contrôlée par les Musulmans de Bosnie.
13 Nous avons décidé d'établir une priorité avec les événements de
14 Vitez et d'Ahmici parce qu'au vu des informations reçues c'était là qu'il
15 y avait eu le plus de personnes tuées. Il n'y avait pas de la part des
16 Croates des allégations selon lesquelles il y aurait eu un nombre
17 important de personnes tuées à Zenica. Tout ce qui a été dit et avancé par
18 les Croates c'était qu'il y avait des expulsions forcées de Croates de
19 leur domicile et des détentions dans certains centres.
20 Mais s’agissant de Vitez et d’Ahmici, nous avions reçu des
21 données dignes de foi qui semblaient suggérer que plusieurs centaines de
22 civils avaient peut-être été massacrés. C'était la raison pour laquelle
23 nous avions accordé une priorité tout à fait particulière à ce village
24 d'Ahmici.
25 Lorsque nous sommes arrivés dans ce village, nous avons constaté
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1 que sur les 200 maisons, seules 15 ou 20 étaient restées intactes,
2 pratiquement tous les autres bâtiments, toutes les autres structures
3 avaient été détruites. Dans pratiquement tous les cas, ces maisons avaient
4 été mises à feu, le toit s'était effondré. Nous avons constaté sur le
5 champ que les deux mosquées du village avaient elles aussi été détruites.
6 L'une par explosif, le minaret dont je vous ai parlé, et l'autre, qui se
7 trouve dans la partie haute du village, avait apparemment été éventrée par
8 le feu.
9 M. Kehoe (interprétation). - Etait-ce une église ou une
10 mosquée ?
11 M. Akhavan (interprétation). - Une mosquée. L’une avait un
12 minaret et l'autre sans. La mosquée du bas avait un minaret, alors que la
13 mosquée du haut avait été éventrée par le feu.
14 Nous avons constaté que beaucoup d'animaux avaient été tués. Le
15 bétail en grande partie pourrissait dans des bâtiments au milieu de la
16 route. Nous avons constaté que beaucoup de foyers avaient encore du linge
17 qui séchait dans le vent à l'extérieur. Cela semblait indiquer que les
18 personnes étaient parties dans une hâte effroyable, que les gens n'avaient
19 pas eu le temps de se préparer à ce qui les attendait.
20 Nous avons, bien sûr, pu sentir l'odeur âcre des corps qui
21 pourrissaient. Il y avait manifestement beaucoup de cadavres qui n'avaient
22 pas été récupérés de l'intérieur des bâtiments. On sentait, comme certains
23 l'ont dit, l'odeur de la mort dans ce village.
24 Nous avons constaté que certains de ces bâtiments se consumaient
25 encore deux semaines après l'attaque. Nous avons eu l'impression que
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1 beaucoup de ces bâtiments avaient été
2 mis à feu avec un liquide inflammable comme du pétrole, étant donné la
3 couleur sombre, noire, qui restait sur les murs et à l'intérieur des
4 bâtiments.
5 Il faudrait peut-être dire qu'un des premiers endroits que nous avons
6 examiné dans le village se trouvait sur la route principale, dans la
7 partie plus méridionale du village, route principale qui va de Vitez à
8 Kiseljak, mais je ne me souviens pas ce qu’il y a entre Busovaca ou
9 Dubravica. En tout cas, c'était la route principale à emprunter pour
10 arriver au village.
11 Des membres du bataillon britannique, ceux qui étaient présents
12 avec nous, ainsi que ceux avec qui nous avions discutés auparavant, ces
13 soldats nous ont dit qu'entre cette route et le cimetière catholique, qui
14 se trouve au sud de cette route, il y avait un champ ouvert où ils avaient
15 découvert au moins 20 corps. C'est dans ce champ qu'ils avaient découvert
16 le corps d'une femme, d'une mère qui tenait son enfant. Pratiquement tous
17 les corps qu'ils y avaient trouvés étaient des corps de personnes âgées,
18 de femmes ou d'enfants.
19 D’après le décompte que nous avait fourni le bataillon
20 britannique, et d'après les comptes rendus qui nous ont été faits, nous
21 avons commencé à comprendre comment s’était déroulée l'attaque qui avait
22 été lancée sur le village. Nous avons remarqué qu’il y avait des dégâts
23 considérables, causés apparemment par des obus ou par des tirs de
24 mortiers, notamment dans la partie nord du village. Cette partie
25 débouchait sur la forêt, sur des collines, dans lesquelles les personnes
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1 auraient pu se cacher, se réfugier. Il semblait que ces tirs de mortier
2 avaient forcé les habitants soit à rester chez eux, soit à s'enfuir vers
3 le sud, vers la route principale, puisque les tirs d’artillerie étaient
4 situés vers le nord du village.
5 Il semblait que nombre des personnes qui ont été découvertes par
6 le bataillon britannique dans ce champ que je viens de décrire, qui était
7 de l’autre côté de la route du cimetière catholique, avaient été, en fait,
8 les victimes d'une embuscade. Les tireurs embusqués s'étaient dissimulés
9 et les attendaient pour pouvoir leur tirer dessus et les tuer.
10 Nous avons remarqué qu’une petite déclivité (il y avait comme un
11 creux, à côté du
12 champ) constituait une position de tir idéale pour les tireurs embusqués
13 qui auraient alors eu un champ de vision absolument parfait pour pouvoir
14 viser les personnes. Nous avons découvert environ 100 ou 200 cents
15 douilles de balles qui semblaient indiquer que des tireurs embusqués
16 s'étaient effectivement cachés dans cet endroit.
17 Par la suite, nous nous sommes déplacés de maison en maison pour
18 essayer d'évaluer les dégâts causés. Nous avons remarqué que, d'une façon
19 générale, devant chaque maison, il y avait environ 50 douilles, ce qui
20 semblait indiquer qu'une grande quantité de munitions avait été utilisée.
21 Elle avait été utilisée et tirée depuis les seuils des maisons. Les tirs
22 étaient directement dirigés sur les maisons et non pas aux alentours des
23 maisons. Il y avait également des douilles de grenades, on ne peut pas se
24 tromper pour ce genre de douilles, car ce sont vraiment des douilles de
25 taille très importante.
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1 Dans certains cas, nous avons également remarqué qu'il y avait
2 des douilles de canaux antiaériens, souvent utilisés en ex-Yougoslavie
3 contre des cibles civiles plutôt que contre des avions ou des forces
4 aériennes.
5 A un moment donné, nous avons remarqué qu’une femme âgée,
6 accompagnée de deux jeunes enfants, peut-être ses petits-fils, suivait un
7 chemin qui traversait le village. Mon collègue, Thomas, qui parle serbo-
8 croate, a décidé de s'approcher d'elle, et il a essayé de voir si elle
9 voulait bien s'entretenir avec nous. Etait-elle à même de nous dire
10 quelque chose sur ce qu’il s’était passé à Ahmici le 16 avril ? Savait-
11 elle quoi que ce soit quant aux personnes qui avaient perpétré ces
12 crimes ? Lorsque nous nous sommes approchés d'elle, juste quelques
13 secondes après nous avons entendu des tirs isolés qui semblaient nous
14 viser directement. A ce moment-là, nous avons bien compris que quelqu'un
15 ne souhaitait pas que nous restions dans le village, que nous continuions
16 à mener notre enquête sur les atrocités commises. Immédiatement, nous nous
17 sommes enfuis, sous un tir nourri, et nous avons réussi à rejoindre le
18 véhicule Scimitar. L'un des soldats qui se trouvait avec nous a été frappé
19 par une balle, mais,
20 heureusement, elle n'a fait que l’effleurer. D'ailleurs, je crois qu'il y
21 avait même une équipe qui filmait cela et qui a pu enregistrer ces images.
22 Malheureusement, nous n'avons pas été capables de trouver l'endroit d’où
23 l’on nous tirait dessus.
24 Nous sommes retournés à la base du bataillon britannique. Nous
25 avions, à ce moment-là, une idée assez précise du type d'attaques qui
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1 avaient été lancées sur Ahmici. En fait, nous avions pu nous pencher sur
2 les éléments de preuves physiques, sur le terrain.
3 Le jour suivant, nous avons essayé de retrouver certains des
4 survivants de ces événements. Le 3 mai, nous nous sommes rendus, avec le
5 bataillon britannique, à Zenica, en traversant la ligne de front. Zenica
6 était sous le contrôle du gouvernement bosnien. Je crois que nous nous
7 sommes rendus -si je me souviens bien à l'Institut pour les crimes de
8 guerre, je n'ai pas le nom précis en tête. C’est un institut créé pour
9 essayer d'établir quels avaient été les crimes de guerre commis en Bosnie-
10 Herzégovine. Grâce à eux, nous avons réussi à localiser environ
11 100 survivants du village d’Ahmici. Ils se trouvaient dans des centres de
12 réfugiés à Zenica.
13 Ces 100 personnes étaient surtout des femmes assez âgées et des
14 enfants. Je ne me rappelle pas avoir vu des hommes parmi elles. Elles
15 avaient été rassemblées, détenues dans une école, à Dubravica, je crois,
16 pour deux semaines environ, avant d'être relâchées. En fait, elles
17 venaient d'arriver dans ce camp de réfugiés. Elles ont indiqué qu’au cours
18 de leur détention, il n'y avait pas eu de mauvais traitement particulier,
19 pas de torture, mais elles ont bien précisé qu'elles n'avaient pas été
20 nourries de façon adéquate. L’une d'entre elles nous a dit que deux
21 femmes, au moins, avaient été emmenées et, a priori, violées par des
22 membres du HVO.
23 Nous nous sommes entretenus avec ces personnes pendant quelques
24 heures afin d'obtenir des déclarations de témoins oculaires sur ce qui
25 s'était passé, des descriptions de ce qui s'était passé. Nous avons essayé
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1 de juxtaposer ces récits avec ce que nous avions vu, nous, sur le terrain,
2 à Ahmici. La quasi totalité de ces personnes nous ont indiqué que, vers
3 5 heures 30 du matin, à peu près au moment où les prières du matin étaient
4 déclamées depuis le minaret du village, elles avaient commencé à entendre
5 des explosions. Elles ont déclaré que nombre d'entre elles s'étaient
6 enfuies de chez elles, certaines avaient pu voir les personnes qui avaient
7 été tuées dans le champ que j'ai décrit. D'autres ont dit que la seule
8 raison pour laquelle ils avaient pu survivre, c'est qu'elles s'étaient
9 réfugiés dans la forêt pour s’y cacher, de telle sorte que les soldats du
10 HVO ne puissent pas les trouver.
11 Elles ont dit qu'après ces bombardements, les soldats sont allés
12 de maison en maison, de porte en porte. Dans certains cas, ils lançaient
13 des grenades dans les maisons, ou bien les incendiaient. Lorsque les
14 habitants sortaient des maisons, ils les exécutaient tout simplement sur
15 place.
16 L’une de ces personnes, a déclaré qu'un soldat avait dit à son
17 père de sortir, et lui avait promis que, s'il sortait, il ne lui serait
18 fait aucun mal. Mais lorsque son père a ouvert la porte, il a été abattu
19 d’une balle immédiatement.
20 Je crois que, dans un cas seulement, les habitants n'ont pas été
21 tués. Apparemment, c'était un soldat qui a eu un geste de compassion, de
22 pitié, pour ces personnes. Il connaissait les enfants et il les a
23 épargnés. Il leur a dit de s’enfuir. Mais, en fait, dans quasiment tous
24 les autres cas, il était évident que, lorsque les soldats pouvaient
25 abattre des individus, ils l’ont fait. Ils n’ont épargné aucune vie.
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1 Un des témoignages, que nous avons recueillis, a été
2 particulièrement utile. Il s'agit du témoignage d'un homme âgé qui
3 apparemment avait souffert de brûlures aux mains, aux pieds et sur le côté
4 de son corps. Il s'appelait Sakib Ahmic*, c’était l'une des personnes qui
5 se trouvait au centre des réfugiés à Zenica. Il a expliqué qu’au cours
6 l'attaque, il s’était caché derrière un canapé, dans la maison de son fils
7 ou de sa fille peut-être, je ne sais plus très bien, enfin dans la maison
8 d'un de ses enfants. Il a dit qu'il avait pu très clairement voir les
9 soldats entrer dans la maison, se rendre dans une des pièces. Il a dit
10 qu'il avait entendu des balles qui
11 étaient tirées, puis qu'il avait vu l'homme et la femme s'effondrer. Il
12 n'était pas certain qu'ils étaient morts ou non, mais il a bien vu que les
13 soldats les abattaient. Il y avait également deux enfants dans cette
14 maison, âgés respectivement de 4 ou 6 mois, je ne sais plus, et de 3 ou
15 4 ans. Il n'était pas absolument certain de ce qu'il était advenu d’eux,
16 s’ils avaient été tués ou pas. En tout cas, il a dit que la maison avait
17 été par la suite incendiée. Du pétrole avait été répandu sur la maison. Et
18 lui, il avait réussi, on ne s'est comment, alors que la maison était en
19 train de brûler, à s’échapper. Il s’était caché dans un petit creux avant
20 de réussir à s'échapper vers Zenica.
21 Je dois préciser que par la suite, le 5 mai, mon collègue est
22 retourné là-bas et a poursuivi ces entretiens avec Sakib Ahmic, ainsi
23 qu’avec une autre femme qui, je crois, était une proche de ce monsieur. Il
24 a obtenu des détails extrêmement précis quant-à l'emplacement de cette
25 maison dans le village, et également quant-à l’emplacement des corps à
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1 l’intérieur de cette maison. Cela nous a permis, le 6 mai, de nous rendre
2 une fois encore à Ahmici et de localiser les corps de cet homme, de cette
3 femme, des enfants et de ce bébé qui se trouvaient là. Cela nous a permis
4 de corroborer tout ce qui nous avait été dit et d'attester la véracité des
5 dires des survivants.
6 Je devrais également ajouter qu'en pratique tous les survivants,
7 avec lesquels nous nous sommes entretenus, ont déclaré que les soldats qui
8 avaient pris par à ces massacres portaient des uniformes de l'armée, des
9 uniformes militaires, et que tous les soldats étaient des membres du HVO,
10 c'est-à-dire qu'ils portaient tous cet écusson bien connu, le cercle avec
11 ce drapeau rouge et blanc portant le sigle HVO. Presque tous les
12 survivants ont dit qu'ils avaient bien pu voir qu'il s'agissait de soldat
13 du HVO. Pour nous en assurer à 100 %, nous avons même demandé à ces
14 personnes si elles pouvaient donner des noms, si elles pouvaient
15 identifier les personnes qui avaient perpétré ces crimes pour essayer de
16 voir s’il y avait des personnes qui pouvaient appartenir à d’autres unités
17 paramilitaires et qui s’étaient simplement revêtues de
18 l’uniforme du HVO.
19 Nous avons rassemblé le nom de 18 personnes qui ont perpétré ces
20 crimes et nombre de ces personnes étaient d’Ahmici même, ou bien des
21 alentours des villages environnant Ahmici. Cela nous a permis d'en arriver
22 à une conclusion très claire, ce qui s’était passé à Ahmici c'était en
23 fait une attaque militaire délibérée, concertée organisée, qui -d'après
24 les experts militaires avec lesquels nous nous sommes entretenus-
25 supposait la participation de 100 à 130 soldats, l'utilisation
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1 d'artillerie lourde, plusieurs milliers de cartouches de de munitions. Il
2 semblait l'air que les personnes qui avaient perpétré ces crimes étaient
3 des membres du HVO.
4 Le 4 mai, afin de nous assurer que nous n'avions pas simplement
5 considéré une partie des éléments de preuve au détriment d'une autre
6 partie, nous avons demandé à des membres du bataillon britannique de nous
7 emmener vers les villages croates et les hameaux croates isolés afin de
8 mener sur le terrain une enquête sur les violations des droits de l’homme
9 qui auraient été commis contre des Croates.
10 Dans le hameau de Miletici* qui est un tout petit hameau qui se
11 trouve dans les environs de Vitez, nous avons découvert qu’un groupe de
12 mujahedeen, comme nous les appelions, qui avait été apparemment recruté
13 parmi la population locale, mais qui était également constitué de
14 mercenaires étrangers, avait attaqué Miletici ; non pas seulement en
15 utilisant des armes, ils étaient simplement arrivés dans le village,
16 avaient choisi trois ou quatre jeunes hommes croates qui étaient en âge de
17 combattre. Ils les avaient torturés et décapités. Nous nous sommes rendus
18 dans le bâtiment où avait eu lieu ces décapitations et nous avons pris
19 bonne note de ces violations des droits de l’homme dans notre rapport.
20 Nous les avons clairement décrites.
21 Dès le 4 mai, il me semble que nous avions déjà une idée
22 générale assez précise de ce qui s’était produit dans la région de la
23 vallée de la Lasva. Nous avions bien compris la
24 nature des atrocités commises par le HVO contre la population musulmane
25 locale. Nous avions une idée également assez précise des actes de
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1 vengeance ou de représailles commis par de petits nombre de forces
2 musulmanes. Nous n’avons pas été capables de nous assurer du fait que ces
3 forces musulmanes étaient des agents du gouvernement bosnien, s’ils
4 étaient des membres de l’armée régulière ou bien s’il s’agissait en fait
5 d’individus isolés qui agissaient sur leur propre initiative.
6 Cependant, il était tout à fait clair que l’attaque lancée sur
7 Miletici était de toute petite envergure qui aurait pu être lancée par
8 quatre ou cinq personnes. Je crois que, de fait, cela a été le cas. Alors
9 que, pour ce qui est de l’attaque d’Ahmici, il s’agissait évidemment d’une
10 attaque à grande échelle qui supposait une préparation militaire assez
11 intensive.
12 J’ajouterai que l’un des problèmes dans la région est que
13 pratiquement tout homme en âge de combattre portait un uniforme militaire,
14 qu’il s’agisse d’un uniforme du HVO ou d’un uniforme de l’armée de Bosnie.
15 Il était donc extrêmement difficile dans la plupart des cas d’établir une
16 distinction entre ceux qui étaient combattant et ceux qui ne l’étaient
17 pas.
18 Pour ce qui est des personnes mortes, il était difficile de dire
19 s’il s’agissait de personnes qui avaient combattu, de personnes membres
20 d’un groupe armé, ou bien s’il s’agissait de personnes habitant dans la
21 région qui s’étaient trouvées chez elles pour le week-end, pour une
22 permission, et qui, par hasard, portaient encore leur uniforme.
23 L’impression générale, de toute façon, était que là où il y
24 avait eu une résistance opposée aux forces du HVO, cette résistance avait
25 été très isolée, il n’y avait pas eu une résistance organisée à grande
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1 échelle au sein même des villages. Peut-être que ces villages n’étaient
2 pas absolument sans défense, mais il est clair que si défense il y avait,
3 elle était vraiment très réduite. Peut-être était-ce le père de famille
4 qui avait pris une arme et essayé de défendre sa famille contre les forces
5 armées qui arrivaient.
6 Je dois aussi préciser que nous avons également fait une enquête
7 sur la situation qui
8 prévalait à Vitez même. Nous nous sommes rendus à Stari Vitez qui est en
9 fait le quartier musulman de la ville fortifiée d’une certaine façon suite
10 à des attaques assez importantes, notamment l’explosion d’un camion piégé
11 quelques semaines auparavant. Cette explosion avait causé des dégâts assez
12 importants. Il y avait eu également des événements lors du 16 avril.
13 Stari Vitez était en fait l’une des parties fortifiées de la ville et dans
14 cet endroit de la ville les Musulmans étaient prêts à résister à toute
15 attaque qui serait à nouveau lancée par le HVO.
16 Nous avons pu réunir des éléments de preuve qui nous ont permis
17 de comprendre qu’à Vitez, jusque là environ 101 corps avaient été
18 identifiés et enterrés. D’après le révérend du bataillon britannique et
19 d’après d’autres sources, nous avons pu comprendre que sur environ une
20 centaine de corps, 96 étaient musulmans et 5 croates. Nous avons pu le
21 vérifier assez aisément grâce aux prêtres, musulmans et catholiques
22 respectivement, qui avaient veillé à ce que ces personnes soient enterrées
23 selon les rituels de chacun.
24 Pour ce qui est d’Ahmici, les membres du bataillon britannique
25 nous ont dit qu’ils avaient retrouvé 89 corps et bien sûr du fait de la
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1 façon dont les bâtiments avaient été détruits, du fait qu’il était
2 possible que des mines aient été enfouies ou qu’il y ait d’autres pièges
3 tendus, bien qu’il était très difficile de déblayer les décombres pour
4 essayer de retrouver les corps.
5 En plus, le bataillon britannique n’avait pas les ressources
6 nécessaires pour se lancer dans une enquête sur l’emplacement de ces
7 corps. Mais, d’après ce qu’ont pu nous dire les survivants se trouvant à
8 Zenica, il se peut qu’il y ait eu jusqu’à 100 corps de plus de personnes
9 qu’ils avaient vues se faire abattre. Il faut ajouter à cela les personnes
10 dont on ne sait pas ce qu’il leur est advenu. Peut-être 300 personnes.
11 Donc, il est pensable que 500 personnes à peu près –mais nous
12 n’avons aucun chiffre précis sur ce point- aient été tuées. Entre 200 et
13 500 personnes ont été tuées à Ahmici. Voilà les évaluations que nous avons
14 pu établir.
15 Pour autant que nous avons pu le déduire d’après ce que nous
16 avons pu étudier,
17 d’après le recensement de 1991, d’après d’autres sources d’information, la
18 population d’Ahmici était d’à peu près 800 habitants. Parmi ces personnes,
19 80 % de la population était musulmane, 20 %, peut-être même 10 %
20 seulement, était croate.
21 En outre, il y avait environ 300 personnes déplacées, presque
22 exclusivement des Musulmans qui étaient arrivés d’autres régions de
23 Bosnie-Herzégovine pour habiter avec des proches qui se trouvaient à
24 Ahmici. Je dirais que la population totale était de 1100 personnes
25 environ. Il est clair qu’une grande partie de cette communauté avait été
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1 abattue au cours de cette attaque, 20, 30, 50 %. Voilà ce que nous avons
2 pu essayer d’établir.
3 Nous en arrivons au 5 mai maintenant. C’est peut-être l’une des
4 dates les plus importantes de toute notre enquête. Le 5 mai, mon collègue
5 Thomas et moi-même, avons décidé de nous séparer afin d’optimiser notre
6 travail étant donné le temps limité. Thomas est rentré pour continuer à
7 interviewer les survivants de Zenica. Comme je vous l’ai déjà expliqué, il
8 a réussi à obtenir davantage de détails. Pour savoir ce qu’il s’était
9 passé le 16 avril, il a obtenu notamment le nom de 18 coupables présumés,
10 de même que des informations précises sur la maison où nous avons trouvé
11 les corps de cette famille.
12 A ce moment-là, j'ai demandé au bataillon britannique de prévoir
13 des réunions avec les dirigeants croates de Bosnie dans la région. Ils
14 m’avaient dit qu’il y avait trois personnes qu’il était important de voir
15 dans cette région. Il s’agissait de Dario Kordic tout d’abord qui était le
16 vice-président de la communauté croate du HVO et du HDZ, parti politique ;
17 le Colonel Blaskic qui, à ce moment-là, était l’officier de plus haut rang
18 dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale, représentant le HVO ; et
19 Mario Cerkez, chef du HVO à Vitez.
20 La première réunion qui s’est déroulée le 5 mai s’est déroulée
21 avec le Colonel Blaskic à son quartier général de Vitez. Lorsque j’ai
22 rencontré le Colonel Blaskic, notre rencontre a duré environ deux heures
23 dans la matinée. Lorsque je l’ai rencontré, j’ai
24 remarqué bien entendu le grand nombre de soldats du HVO qui étaient tout à
25 fait visible dans ce quartier général. J’ai également remarqué des soldats
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1 qui portaient un uniforme noir et, pour autant que je le savais à
2 l’époque, ces soldats étaient membres de la formation paramilitaire HOS.
3 J’ai appris plus tard qu’on les appelait les Vitezovis et que leur nom
4 n’était sans doute pas officiellement HOS, mais qu’on les appelait souvent
5 HOS étant donné l’existence de soldats du même nom en Croatie.
6 Ma rencontre avec le Colonel Blaskic s’est déroulée en deux
7 parties. Peut-être puis-je expliquer pourquoi j’avais insisté pour
8 rencontrer les dirigeants du HVO. J’avais insisté pour que cette réunion
9 se tienne parce que je souhaitais offrir au HVO une possibilité, comme
10 c’était notre pratique dans toutes nos enquêtes relatives aux droits de
11 l’homme, de contredire les allégations faites contres eux et de nous
12 fournir éventuellement des explications quant à ce qu’il s’était passé,
13 même si à ce stade de notre enquête tout laissait à penser qu’un plan
14 concerté et organisé avait présidé à cette attaque du HVO contre des
15 civils et des objectifs civils dans la vallée de la Lasva.
16 Nous souhaitons offrir aux dirigeants la possibilité de nous
17 prouver que nous étions dans l’erreur. J’ai demandé au Colonel Blaskic
18 quel était son statut officiel et quels étaient ses pouvoirs, ainsi que sa
19 zone de responsabilité. Il m’a expliqué qu’il commandait l’ensemble des
20 forces du HVO en Bosnie centrale, dans la zone opérationnelle de Bosnie
21 centrale. Nous nous intéressions avant tout à la vallée de la Lasva et il
22 a confirmé qu’il commandait l’ensemble des forces du HVO dans cette
23 vallée. J’ai ensuite demandé au Colonel Blaskic s’il existait des
24 formations paramilitaires. Je souhaitais m’assurer qu’il n’y avait aucune
25 possibilité que des éléments distincts des forces organisées du HVO aient
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1 pu commettre ces atrocités. Il a laissé entendre que s’il existait
2 quelques formations paramilitaires, c’était lui, manifestement, qui
3 commandait l’ensemble du HVO dans la vallée de la Lasva et qu’aucune
4 opération d’une certaine importance sur le plan militaire n’aurait pu
5 avoir lieu en dehors de son consentement
6 ou sans qu’il le sache.
7 En bref, il m’a dit que lui-même et ses subordonnés du HVO
8 commandaient de façon tout à fait claire la vallée de la Lasva. A ce
9 moment, j’ai commencé à expliquer au Colonel Blaskic, dans le plus grand
10 détail car je viens de vous dire que la réunion a duré environ deux
11 heures, les preuves que nous avions trouvées à Ahmici et à Vitez, preuves
12 qui tendaient à avérer l’existence d’atrocités à Vitez. Je ne vais pas
13 répéter l’ensemble des détails que j’ai déjà fourni sur ce point,
14 notamment sur les modalités de cette attaque, sur la façon délibérée,
15 organisée, coordonnée de cette attaque, sur le nombre de munitions
16 utilisées, etc. Bien entendu, je souligne le témoignage des 50 à
17 60 survivants auxquels nous avons parlé à Zenica, survivants qui peuvent
18 témoigner de l’identité de certains auteurs de ces actes. Le
19 Colonel Blaskic n’a pas nié que des atrocités avaient été commises à
20 Ahmici. Il n’a pas tenté de me convaincre que ces atrocités n’avaient pas
21 eu lieu, mais il a nié avec la plus grande force la possibilité pour
22 quelconque de ses soldats de s’être trouvé impliqués dans ces atrocités.
23 Je lui ai redit que l’ensemble des preuves obtenues établissait un lien
24 entre les soldats du HVO et l’attaque, mais lui, a réitéré ses dires, à
25 savoir que pour ce qui le concernait, il estimait qu’aucun de ses soldats
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1 n’avait commis ces atrocités.
2 Ce qui permettait de penser non seulement que lui-même, selon ce
3 qu’il disait, n’avait pas commandé cette attaque, mais, en outre, que ses
4 soldats se conduisaient bien, si l’on peut s’exprimer ainsi, et qu’ils
5 étaient incapables de commettre de telles atrocités.
6 J’ai ensuite posé encore d’autres questions au Colonel Blaskic
7 qui m’a confirmé, comme nous l’avaient dit les membres du bataillon
8 britannique, les observateurs de l’ECMM, et d’autres personnes, qu’il n’y
9 avait absolument aucune raison justifiant une telle attaque contre Ahmici
10 dans la mesure où il n’y avait aucune présence militaire, aucune cible
11 militaire légitime à Ahmici, rien qui eut pu justifier une quelconque
12 attaque.
13 A ce moment-là, c’est-à-dire à peu près au milieu de cette
14 réunion, un homme est
15 entré dans la pièce. Je crois que c’était Anto Valenta. On m’avait dit -je
16 ne sais pas si mes souvenirs sont fidèles- je crois qu’il était un
17 instituteur qui s’était engagé politiquement dans la vallée de la Lasva et
18 qu’il avait publié un pamphlet ou un livre détaillant l’idéologie
19 politique des Croates de Bosnie de la région. Anto Valenta a pris la
20 parole à plusieurs reprises au cours de cette réunion.
21 Si ma mémoire est bonne, il s’est exprimé à propos de la
22 supériorité des valeurs croates par rapport aux valeurs musulmanes. Il
23 disait que les Musulmans étaient moins civilisés que le reste des
24 Européens. Cela m’est apparue comme une espèce de propagande et je n’en ai
25 pas tenu compte jusqu’au moment où j’ai ramené la discussion sur le
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1 Colonel Blaskic.
2 A la fin de cette rencontre, j’ai demandé au Colonel Blaskic
3 qui, à son avis, avait pu commettre ces atrocités, ces attaques contre les
4 civils d’Ahmici et de Vitez. Il n’a pas pu me fournir une explication, il
5 s’est contenté de me dire qu’il ignorait de qui il s’agissait et qu’il
6 était tout à fait certain que ses soldats n’étaient pas responsables de
7 ces faits. J’ai expliqué très clairement au Colonel Blaskic qu’en sa
8 qualité de Commandant des forces du HVO de la région il était responsable
9 de l’enquête qu’il convenait de mener, une enquête très complète, aux fins
10 d'identifier les auteurs de ces atrocités. Je lui ai dit très clairement
11 qu’en tant que commandant, il était responsable de veiller à ce que les
12 auteurs de ces atrocités soient punis. Je n’avais aucunement l’intention
13 de déterminer la responsabilité pénale de qui que se soit, je n’avais rien
14 dans mon mandat qui pouvait justifier une telle intervention.
15 Il n’existait pas non plus de Tribunal Pénal International à
16 l’époque, ni le moindre organisme qui pu s’intéresser à ce genre d’aspect
17 du problème. Mais ce que je jugeais nécessaire de faire, c’était de
18 souligner la responsabilité d’un état ou bien d’un para-état ou bien d’une
19 entité de substitution telle que l’Herceg-Bosna, et que cette
20 responsabilité, en vertu du droit international, consistait à respecter
21 les droits de l’homme et pas simplement par des moyens constitutionnels,
22 mais, à effectivement mettre en œuvre les droits de l’homme en
23 punissant toute personne ayant violé ces mêmes droits de l’homme.
24 Donc, c’est la raison pour laquelle j’ai rappelé au
25 Colonel Blaskic quelles étaient ses responsabilités à l’égard de la
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1 nécessité d’enquêter et de poursuivre les auteurs de ces atrocités.
2 J’ai ensuite rencontré Mario Cerkez qui dirigeait le HVO à
3 Vitez. La rencontre que j’ai eu avec lui à été de plus courte durée. Mais,
4 je lui ai également présenté un récit détaillé des preuves dont nous
5 disposions, en lui demandant des explications. IL n’a pas fourni
6 d’explication, il s’est contenté de dire que le 16 avril, il dormait
7 lorsqu’il a tout d’un coup entendu des coups de feu ou des coups de canon
8 et qu’il s’est alors réveillé, que le chaos était le plus total et qu’il
9 ne savait pas du tout ce qui se passait, que tout le monde s’entretuait à
10 l’extérieur. Autrement dit, il a tenté d’expliquer qu’il n’existait aucune
11 action militaire concertée et en tout cas aucune action dont il put avoir
12 connaissance.
13 Le Colonel Stewart a ensuite rejoint les participants de la
14 réunion. Le colonel et moi-même avons rappelé à Mario Cerkez qu'il était
15 responsable des soldats placés sous son commandement et qu'il convenait de
16 mener une enquête complète sur ces événements pour s'assurer que les
17 responsables soient traduits en justice.
18 La dernière réunion de la journée s'est ensuite déroulée avec
19 Dario Kordic. Il a été un peu plus difficile d'organiser une réunion avec
20 lui, j'ai du attendre devant la porte de son bureau pendant une heure
21 avant qu'un membre du bataillon britannique le convainque de me
22 rencontrer. Cette réunion a été très courte, très sèche, et je dirais
23 qu'elle n'a duré que quinze à vingt minutes. Elle s'est déroulée sous
24 bonne garde, M Kordic portait l'uniforme militaire et il se tenait
25 derrière son bureau avec certains de ses soldats. J'ai rapidement expliqué
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1 à M Kordic la nature de mon mandat. Je lui ai dit encore une fois quelles
2 étaient les preuves réunies au sujet des atrocités commises dans la
3 région. Il m'a répondu que les soldats du HVO ne pouvaient pas avoir
4 commis de telles atrocités, de tels crimes, que c'était inconcevable, car,
5 et
6 je répète ses mots : "Ils étaient de bons chrétiens". Ils n'auraient donc
7 jamais pu commettre des atrocités aussi hideuses. Ensuite, il a poursuivi,
8 lorsque je lui ai demandé s'il avait d'autres explications à apporter en
9 disant que ces atrocités n'avaient pu être commises que par les Serbes qui
10 auraient infiltrés la région de nuit pour les commettre. Il trouvait cela
11 difficile à croire car cela aurait impliqué le déplacement de cent ou cent
12 cinquante soldats avec mortier et armes. Tout cela sans que personne n'ait
13 pu détecter leur présence, en visant le centre nerveux du HVO et en
14 repartant, toujours à l'insu de qui que ce soit. Il a donc expliqué que
15 ces éléments n'étaient peut-être pas satisfaisants mais que les Musulmans
16 pouvaient également avoir commis eux-mêmes ces atrocités à Ahmici pour
17 s'attirer la sympathie internationale et qu'ils étaient connus pour agir
18 de la sorte.
19 J'ai expliqué à M Kordic qu'à mon regret, je ne pouvais accepter
20 ces explications ni les considérer comme satisfaisantes puisque nous
21 disposions de preuves qui étaient manifestement en sens contraire.
22 M Kordic a alors souri et a dit qu'il savait ne pas pouvoir me convaincre
23 mais qu'il valait tout de même la peine d'essayer. La réunion s'est
24 achevé, je suis retourné à la base.
25 J'ai participé à une réunion de débriefing. J'ai donc donné ces
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1 information à mon collègue qui m'a lui-même parlé de ses rencontres à
2 Zenica, ce jour-là. Nous avons ensuite discuté avec les membres du
3 bataillon britannique au sujet des preuves réunies. Nous avons essayé
4 d'obtenir d'eux des informations complémentaires et nous avons lié amitié
5 avec certains des soldats.
6 Mais, la majeure partie des histoires entendues portaient sur
7 des atrocités commises dans la région. Un soldat avait témoigné que
8 lorsqu'il patrouillait aux alentours, peu après l'attaque du 16 avril, il
9 avait vu un groupe de soldats du HVO sur la route. Un autre a témoigné
10 qu'un groupe de soldats du HVO escortait des hommes musulmans probablement
11 âgés de quinze à vingt ans qui à l'évidence étaient prisonniers, lorsqu'il
12 leur a demandé ce qu'ils allaient
13 leur arriver, un des soldat a indiqué dans des termes sans doute assez
14 subtils qu'ils allaient être exécutés.
15 Un autre soldat que j'ai rencontré, se trouvait dans le garage
16 de la Forpronu, situé dans un lieu différent de celui où se trouve la base
17 de la Forpronu à Vitez, ayant un très bon point de vue sur les hameaux et
18 les villages, avait déclaré qu'il avait vu grâce à ses jumelles des hommes
19 qui étaient regroupés et exécutés dans un village voisin. J'ai vu de
20 l'entrée du garage qu'il était effectivement possible avec des jumelles de
21 très bien voir et très précisément ce qui se passait dans les villages
22 avoisinants.
23 Ce qui était intéressant, et je suis sûr que c'était le soir de
24 notre dernier jour dans la région, donc le 6 mai, c’est ce qui s'est passé
25 lorsque j'ai parlé à une personne, un sergent-major je crois. Il m'a dit :
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1 avoir vu un certain nombre de villageois quitter Vitez ; je me souviens,
2 de coccinelles, de Volkswagen, d’une ou deux de ces voitures et d’un
3 groupe de jeunes hommes en uniforme. Ils ont emprunté cette route. Je ne
4 me rappelle pas exactement dans quelle direction, mais il se dirigeait
5 vers la colline qui apparemment abritait un village musulman, à l’arrière.
6 Nous pouvions voir, de nos yeux, ce village. Le Sergent-major a donc
7 déclaré avoir vu ce groupe et assisté à des coups de feu qui étaient tirés
8 tout le long de la colline, les coups de feu commençant à un endroit, puis
9 reprenant à un autre, et se terminant à un troisième endroit, de façon
10 semble-t-il très régulière. Donc, apparemment, ces échanges de coups de
11 feu étaient très fréquents la nuit. Cela m’amène maintenant à reparler de
12 ce moment où j’ai vu les maisons brûler, comme je l’ai déjà dit
13 précédemment.
14 Et puis, le 6 mai, qui était notre dernier jour de présence dans
15 la vallée de la Lasva, il y a eu une délégation de haut niveau de la
16 Communauté européenne, formée des ambassadeurs britanniques, français et
17 espagnols, venue dans la région pour tenter de se faire une idée plus
18 précise de ce qui était arrivé dans la vallée de la Lasva, tout en
19 essayant de stabiliser la situation.
20 Nous sommes retournés à Ahmici, cette fois sous très bonne
21 garde. Il y avait en effet une équipe d’éclaireurs qui garantissait la
22 sécurité de la région avant notre arrivée, afin d’éviter toute
23 reproduction des événements qui s’étaient déjà déroulés.
24 Nous avons parcouru le village et le seul événément significatif
25 sans doute est celui dont j’ai déjà parlé, en parlant de Sakib Ahmic et
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1 des autres survivants qui nous a dit dans quelle maison il s’était caché
2 derrière le canapé au moment de l’attaque. Nous avons pu voir cet endroit
3 sur la carte. Il a également spécifié que dans ce lieu précis, il nous a
4 montré ce lieu précis dans la pièce où le père, la mère et les deux
5 enfants avaient été exécutés ou brûlés vifs. Nous sommes donc allés dans
6 cette maison et exactement sur le lieu indiqué par lui, nous avons trouvé
7 les restes, très calcinés, de deux personnes qui semblaient être des
8 adultes. Dans un cas, il n’y avait que certaines parties du corps, les
9 vertèbres, le pelvis et le crâne. Pour l’autre, il n’y avait que des
10 parties calcinées ou décomposées du corps, semble-t-il. Nous avons
11 également trouvé des restes calcinés de ce qui nous est apparu comme une
12 carpette ou un tapis, quelque chose en tout cas qui avait brûlé et qui
13 avait entouré le corps de 4 mois d’un bébé et celui d’un enfant de 3 ans.
14 Nous n’avons pas pu déterminer à ce moment-là s’il s’agissait d’une
15 exécution ou si ces personnes avaient été brûlées vives, ou donc si elles
16 avaient été brûlées après avoir été tuées.
17 Je devrais ajouter que pendant que nous étions à Zenica nous
18 avons entendu des récits d’un certain nombre de personnes quant au fait
19 que quatre ou six femmes, et des enfants, s’étaient cachés dans une cave
20 et avaient apparemment brûlé vif. Les corps ont été emportés à Zenica,
21 nous ne les avons pas vus, mais nous avons reçu confirmation que cet
22 événement s’était effectivement déroulé.
23 Cela m’amène, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, et
24 excusez-moi pour la durée de ce récit, au dernier jour, le 7 mai, date à
25 laquelle nous sommes retournés à Sarajevo et ensuite à Zagreb. Puis, nous
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1 avons rédigé nos notes, nous les avons organisées sous la forme
2 d’un rapport qui a été transmis à Genève où le responsable, qui
3 collaborait avec nous, a rédigé le rapport définitif que je crois vous
4 avez en votre possession, à savoir le rapport sur la Commission des Droits
5 de l’Homme portant sur le nettoyage ethnique par les forces croates de la
6 vallée de la Lasva.
7 M. le Président. - Le Tribunal vous remercie pour la densité et
8 en même temps la précision de votre déposition.
9 A présent, nous allons faire une pause de 20 minutes. Monsieur
10 le Procureur a certainement à coeur de vous poser des questions
11 complémentaires. Monsieur le Procureur, devant une déposition de cette
12 nature, faite par un expert, le Tribunal apprécierait que vous posiez bien
13 entendu des questions qui n’amènent pas le témoin à répéter les éléments
14 de sa déposition, mais à préciser bien entendu ce qui est au soutien de
15 l’accusation contre le Général Blaskic. L’audience est suspendue à
16 11 heures 30, elle reprendra à 11 heures 50.
17 L’audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 11 heures 50.
18 M. le Président. - L’audience est reprise. Introduisez l’accusé,
19 s’il vous plaît.
20 (L’accusé est introduit dans la salle.)
21 M. le Président. - Maître Kehoe, je vous en prie.
22 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
23 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
24 M. Akhavan, j’aimerais vous poser quelques questions au sujet de ce que
25 vous venez de nous narrer.
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1 Les deux premières questions portent sur les membres du
2 bataillon britannique dont vous avez donnés les noms. Vous avez cité le
3 nom de Watters. S’agit-il de Brian Watters ?
4 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Le deuxième était un sergent, que
6 vous avez vu au
7 niveau du garage. C’est cet homme qui vous a décrit ceux qui allumaient
8 des feux, n’est-ce pas ?
9 M. Akhavan (interprétation). - En effet.
10 M. Kehoe (interprétation). - De quel endroit venaient ces
11 hommes, si vous le savez ?
12 M. Akhavan (interprétation). - De l’endroit où nous étions
13 situés, je ne peux pas vous parler de direction cardinale, nord-sud, est-
14 ouest, mais de l’endroit où se trouvait le garage de ravitaillement,
15 devant le garage. Vitez se trouvait à gauche, en contrebas de la route. Ce
16 qui veut dire que les véhicules se déplaçaient depuis Vitez, en direction
17 de là où nous nous trouvions. Devant le garage, il y avait une route, qui
18 se trouvait peut-être à un kilomètre, voire deux de distance. Elle sortait
19 de Vitez, et traversait certains villages, qui se trouvaient derrière les
20 collines dont j’ai déjà parlées.
21 M. Kehoe (interprétation). - Qu’est-ce que le sergent
22 Brian Watters vous a dit, au sujet de la régularité des activités de ces
23 hommes ?
24 M. Akhavan (interprétation). - Il a dit qu’il y avait un groupe
25 d’hommes, dirigé par un chef bien connu pour les problèmes qu’il causait,
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1 et que, souvent, ils se rassemblaient à un endroit précis, à Vitez.
2 C’était peut-être un bar, où ils buvaient ensemble, un restaurant, un
3 autre endroit où ils se rassemblaient. Souvent, ils buvaient, montaient
4 dans leur voiture et partaient en direction d’un village pour y commettre
5 des exactions, incendier des maisons, des choses de ce genre.
6 M. Kehoe (interprétation). - Je n’ai pas l’intention de
7 reprendre tout ce que vous avez dit dans votre récit, mais je vous
8 demanderai de vous concentrer sur la réunion que vous avez eue avec le
9 Colonel Blaskic, le 5 mai 1993. Vous avez indiqué qu’un autre homme, du
10 nom de Anto Valenta, participait à cette réunion, n’est-ce pas ?
11 M. Akhavan (interprétation). - C’est exact.
12 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai à ce que la pièce à
13 conviction 80/8 soit placée sur le rétroprojecteur.
14 Cet homme, qui a participé à la réunion que vous avez eue avec
15 M. Blaskic, est-il sur la photo ? Pouvez-vous nous le montrer ?
16 M. Akhavan (interprétation). - C’est cet homme.
17 (Le témoin le désigne.)
18 Il a un attaché-case à la main, et porte la moustache.
19 M. Kehoe (interprétation). - M. Blaskic a-t-il indiqué, de
20 quelque façon que ce soit, lorsque Valenta est entré dans la réunion,
21 qu’il n’était pas souhaitable qu’il y participe ?
22 M. Akhavan (interprétation). - Non. L’impression que j’ai eue à
23 son arrivée, c’est que cet homme était bien connu. Si vous voulez, c’était
24 un des membres du « club ». Il n’a pas eu besoin de beaucoup de
25 présentation pour prendre sa place à la table.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur l’huissier, nous
2 n’aurons plus besoin de cette photographie.
3 M. Akhavan, vous avez dit que, au cours de la réunion que vous
4 avez eue avec Kordic, il vous avait proposé au moins deux explications
5 quant à l’identité des personnes responsables des atrocités commises à
6 Ahmici, à savoir les Serbes ou les Musulmans, qui auraient pu le faire
7 contre eux-même. C’est bien cela ?
8 M. Akhavan (interprétation). - C’est cela, oui.
9 M. Kehoe (interprétation). - Blaskic vous a-t-il proposé une
10 autre explication, au cours de la réunion qu’il a eue avec vous?
11 M. Akhavan (interprétation). - Je ne pense pas. Il s’est
12 contenté de rappeler, de répéter qu’il ne savait pas qui c’était, mais que
13 ce n’était en aucun cas ses soldats.
14 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit également que le
15 6 mai, vous êtes retourné à Ahmici, pour enquêter au sujet de certaines
16 informations qui avaient été fournies à
17 M. Osorio alors qu’il se trouvait à Zenica, n’est-ce pas?
18 M. Akhavan (interprétation). - Exact.
19 M. Kehoe (interprétation). - Si vous me le permettez, Monsieur
20 le Président, Messieurs les Juges, je demanderai à ce que l’on regarde une
21 séquence de Sky News. Vous l’avez vue, je crois, cette séquence vidéo,
22 n’est-ce pas ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - En fait, vous êtes sur cette
25 vidéo ?
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1 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
3 les Juges, si nous pouvons maintenant regarder cette vidéo. Elle est très
4 courte, une minute à peine, je crois. Je ne connais pas exactement le
5 numéro de cette cassette, Monsieur Dubuisson.
6 M. Dubuisson. - Il s’agit de la pièce 185.
7 M. Kehoe (interprétation). - Merci.
8 M. le Président. - Pouvez-vous baisser un peu l’intensité
9 lumineuse, s’il vous plaît ? Merci.
10 (Diffusion d’un extrait de la cassette-vidéo.)
11 M. Kehoe (interprétation). - Comme je l’ai fait remarquer, c’est
12 vous que l’on voit, dans cette séquence, avec un gilet pare-balle et un
13 casque sur la tête, n’est-ce pas ?
14 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
15 M. Kehoe (interprétation). - Qui est l’officier qui parle?
16 M. Akhavan (interprétation). - Le Colonel Stewart.
17 M. Kehoe (interprétation). - Du commandement de Cheshire ?
18 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
19 M. Kehoe (interprétation). - Cette scène a été filmée à Ahmici,
20 n’est-ce pas ?
21 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). - Après les images sur les lieux,
23 nous voyons celles d’une réunion à laquelle participaient l’accusé et
24 d’autres, n’est-ce pas ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Y avez-vous participée ?
2 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
3 M. Kehoe (interprétation). - Reconnaissez-vous d’autres
4 personnes que l’accusé ?
5 M. Akhavan (interprétation). - J’ai reconnu, hormis le
6 Colonel Stewart et l’Ambassadeur de l’ECMM, Valenta qui était à la
7 réunion.
8 M. Kehoe (interprétation). - J’aimerais que nous parlions
9 maintenant de votre rapport, Monsieur Akhavan. Vous avez déclaré que vous
10 étiez retourné à votre siège et que vous aviez envoyé des renseignements à
11 Genève où le rapport a été rédigé, c’est bien cela ?
12 M. Akhavan (interprétation). - C’est cela.
13 M. Kehoe (interprétation). - Avec votre autorisation, Monsieur
14 le Président, j’aimerais que l’on voit la pièce à conviction 186 qui est
15 ce fameux rapport en anglais et en français.
16 Je vous demande donc, devant les Juges et les conseils de la
17 défense, si ce rapport est bien celui rédigé par le commissaire chargé des
18 droits de l’homme, en date du 19 mai 1993 ?
19 Ce rapport a été élaboré bien avant que le Tribunal Pénal des
20 crimes de guerre dans l’ex-Yougoslavie ne soit créé, n’est-ce pas ?
21 M. Akhavan (interprétation). - En fait, ce rapport a paru six
22 jours avant l’adoption de la résolution 827 par le Conseil de Sécurité, et
23 en tout cas un ou deux ans avant que le Tribunal ne commence vraiment à
24 fonctionner.
25 M. Kehoe (interprétation). - Et de façon à ce que tout soit tout
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1 à fait claire au sujet de ce rapport, une partie du rapport traite de la
2 situation à Mostar, n’est-ce pas ?
3 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
4 M. Kehoe (interprétation). - Vous-même ou M. Oserio*, avez-vous
5 eu quoi que ce soi à voir avec cette partie du rapport ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Cette partie du rapport a été
7 réalisé surout par le biais d’autres sources, obtenues à Genève et
8 ailleurs.
9 M. Kehoe (interprétation). - Sans parcourir tous les détails de
10 ce rapport car vous en avez bien sûr parlé dans votre témoignage, quelles
11 ont été les conclusions de la Commission s’agissant des événements
12 survenus à Ahmici, à Vitez et dans les villages avoisinnants ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Les conclusions fondamentales qui
14 figurent dans la dernière partie de ce rapport, aux paragraphes 38 à 44,
15 étaient les suivantes. Effectivement, il y avait eu des violations du
16 droit international humanitaire commises pas toutes les factions dans la
17 région de la vallée de la Lasva, mais que de loin les violations les plus
18 importantes et à plus grande échelle avaient été commises dans des
19 territoires qui se trouvaient sous le contrôle des forces croates de
20 Bosnie. Puis, sont détaillées certaines de ces atrocités qui vont
21 d’exécutions arbitraires à grande échelle, à la torture, aux agressions
22 sexuelles, à la destructions de propriétés, à la déportation, à la
23 destruction arbitraire. Et, bien sûr, les conclusions indiquent que aucune
24 des parties, en tout cas pas les Croates de Bosnie, n’avait commencé des
25 enquêtes et aucune poursuite.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Akhavan, après la
2 rédaction de ce rapport, a-t-il été transmis aux autorités de la
3 communauté croate d’Herceg-Bosna ?
4 M. Akhavan (interprétation). - Je ne sais pas si ce rapport a
5 été spécifiquement envoyé à la communauté croate d’Herceg-Bosna, mais
6 c’était un document public des Nations Unies et il est certain qu’il a éé
7 envoyé à Zagreb. Je sais pertinemment que la communauté d’Herceg-Bosna a
8 réagi au rapport. Donc d’une façon ou d’une autre, elle en a eu
9 connaissance puisqu’elle a réagi à celui-ci, dans le détail je dirais.
10 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges quelle a
11 été cette réaction ? Qu’est-ce que ces autorités ont dit qu’elles allaient
12 faire ou qu’ont-elles fait ?
13 M. Akhavan (interprétation). - La réaction était quelque peu
14 réservée. Tadeusz Mazowiecki jouissait d’une grande estime auprès des
15 Croates, il faut le dire, et auprès des Musulmans également, parce que
16 c’était une des rares personnalités des Nations Unies qui avait vraiment
17 dit la vérité, s’agissant des violations du droit international
18 humanitaire. Donc, il y avait une certaine mesure de prudence au niveau
19 des critiques émises envers Mazowiecki. La critique s’adressait plutôt au
20 personnel de M. Mazowiecki et non à lui-même en tant que personne. Les
21 allégations se résumaient comme suit, que le personnel n’était pas
22 impartial, qu’il était tendancieux de façon manifeste dans ses démarches,
23 et que ce personnel n’avait pu avoir accès qu’à des preuves d’atrocités
24 commises par les Croates et n’avait pas eu accès à des atrocités
25 similaires commises par des Musulmans. L’idée était que les Croates
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1 faisaient preuve de coopération, étaient plus civilisés et qu’ils allaient
2 bien sûr fournir davantage d’informations sur les autres atrocités qu’ils
3 auraient commises, mais en réalité nous n’avons eu aucune coopération de
4 la part des Croates de Bosnie. Il serait plus exact de dire que ce sont
5 des tireurs embusqués qui ont essayé de nous tuer lorsque nous menions
6 notre enquête. Il y a donc là une déformation assez grossière de la
7 situation telle qu’elle s’est présentée. Et puis, ils ont émis des
8 allégations à propos de Zenica, de déportations, de détentions qui
9 auraient été organisées à Zenica. Notre propre rapport a reconnu qu’il y
10 avait eu des allégations à propos de Zenica bien sûr, mais étant donné le
11 peu de temps dont nous disposions nous avons décidé d’enquêter sur ce qui
12 s’était passé à Vitez et à Ahmici, car au vu des informations dont nous
13 disposions l’échelle à laquelle les atrocités avaient été commises là
14 était de loin supérieure, et ne ressemblait pas à ce qui s’était passé à
15 Zenica. Ce n’est donc pas une question d’impartialité mais plutôt de
16 priorités qu’il fallait établir étant donné les circonstances et les
17 ressources très limitées que nous avions. Mais, d’autres petites choses
18 ont été dites dans le rapport, notamment
19 par exemple à propos de critiques. On disait que le rapport n’était pas
20 exact, qu’il parlait notamment de Donje Vakuf comme étant un endroit où il
21 y avait des hostilités entre les Croates et les Musulmans. L’indication
22 disait correctement que c’était une zone contrôlée par les Serbes ; donc
23 ce n’était que Gorni Vakuf et non pas Donje Vakuf où il y avait un
24 conflit. Effectivement, il y avait peut-être de petites erreurs qui
25 s’étaient glissées dans le rapport, étant donné que nous n’avions pas
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1 beaucoup d’accès aux informations et que le nom d’un village n’était peut-
2 être pas exact. Mais le fait que Donje Vakuf n’est pas mentionné dans
3 notre rapport en rapport avec des atrocités, nous voulions simplement
4 énumérer, avoir une liste des villages où il y avait des conflits entre
5 Croates et Musulmans. En bref, la lettre envoyée par la communauté croate
6 d’Herceg-Bosna semblait suggérer que nous ayions été unilatéraux dans
7 notre approche, mais il ne niait pas, c’était noté, qu’il y avait eu des
8 atrocités à Vitez et à Ahmici. Ils n’ont pas dit qu’il n’y avait pas eu de
9 graves violations des droits humains, mais ils ont dit qu’il fallait aussi
10 enquêter sur les atrocités commises par les Musulmans.
11 J’aurais voulu relever quelque chose d’assez intéressant. Dans
12 la partie du rapport intitulé : Points, il y a une enquête statistique
13 concernant la population de la région qui semble indiquer que Travnik est
14 une ville sous le contrôle du gouvernement qui faisait partie du canton
15 n° 10 dans le Plan Vance-Owen, et qui devait se trouver sous contrôle
16 croate alors que c’est une ville surtout musulmane. En vertu des
17 statistiques de la Herceg-Bosna, cette ville comptait 4 ou 5,8 % de
18 Croates, 37,5 % de Musulmans. Mais, en réalité, c’est exactement
19 l’inverse. En vertu du recensement de 1991 mené alors que nous étions
20 encore en République socialiste fédérative, 45,3 % de la population était
21 musulmane et 39,6 % croate. Là aussi, il y a une tentative, par la
22 déformation des statistiques, de faire un peu de propagande et de
23 justifier cette configuration ethnique proposée par le plan Vance-Owen.
24 M. Ackerman (interprétation). - La communauté croate d’Herceg-
25 Bosna indiquait-elle avoir créé une commission chargée d’examiner les
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1 faits en cause à Ahmici ?
2 M. Akhavan (interprétation). – A deux occasions il y a eu une
3 telle indications. D’abord nous avons rencontré la mission d’observation
4 de la communauté européenne à Zagreb et ces représentants nous avaient dit
5 qu’il y avait un accord. Je pense qu’il s’agissait d’un accord passé,
6 étant donné la pression exercée sur les parties, un accord selon lequel il
7 y aurait enquête par les parties sur les atrocités commises pour
8 identifier les auteurs de ces atrocités.
9 Dans le rapport envoyé à M. Mazowiecki par l’Herceg-Bosna, à la
10 deuxième page de ce rapport, il est dit que tout ce qui figure dans notre
11 rapport portant sur Ahmici explique pourquoi le HVO a constitué une
12 commission chargée d’enquêter sur ces crimes. Mais, à notre connaissance,
13 même si cette commission a été constituée, ce dont nous n’avons jamais eu
14 aucune preuve, elle n’a pas mené d’enquête et n’a traduit personne en
15 justice.
16 M. Ackerman (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,
17 une personne ou un soldat n’a-t-il jamais été poursuivi ? Une enquête a-t-
18 elle été menée en rapport avec ces faits ? En avez-vous entendu parler ?
19 M. Akhavan (interprétation). – Nous n’avons reçu aucune nouvelle
20 de cette commission. Elle n’existait que sur le papier. C’était une façon
21 d’apaiser l’opinion publique qui était indigné de ce qui s’était passé à
22 Ahmici.
23 M. Ackerman (interprétation). – Avez-vous eu la moindre
24 indication selon laquelle un soldat du HVO aurait été privé de son
25 commandement ou de ses responsabilités en tant que soldat du HVO ou un
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1 soldat du HVO serait-il passé en cour martiale pour ces faits ?
2 M. Akhavan (interprétation). – Nous n’avons aucune indication de
3 cela.
4 M. Ackerman (interprétation). – Monsieur le Président, si je ne
5 l’ai pas encore fait, je voudrais demander le versement au dossier des
6 pièces à conviction 185, à savoir la cassette vidéo, et des pièces 184 et
7 184(A) qui sont les deux versions de la déclaration du rapport des droits
8 de l’homme, la 184(A) étant la version française. Vous avez dit que
9 c’était
10 la 186.
11 M. Dubuisson. – Je crois avoir fait une erreur. Il convient de
12 corriger. Le rapport est la pièce à conviction 184 et la version française
13 est la 184(A). Lorsque j’ai dit 186, je me suis trompé.
14 M. Ackerman (interprétation). - Je n’ai aucune objection à ce
15 que la pièce 184 soit versée, pour autant que le paragraphe relatif à
16 Mostar soit expurgé parce qu’il ne se trouve pas dans le champ de l’acte
17 d’accusation. Il me semble inutile de contre-interroger le témoin sur ce
18 passage. Les paragraphes 26 à 36 doivent être expurgés dans le documents
19 soumis. S’il est expurgé, il n’y aura pas d’objection à ce que cette pièce
20 soit versée.
21 M. le Président. – Est-il nécessaire que ce soit expurgé ? Il me
22 paraissait évident que nous ne parlerions pas de Mostar. Mais si vous
23 tenez, par ce formalisme, à expurger les paragraphes 26 à 36, nous y
24 procéderons, bien sûr. Donc, 184, 184 A, exclus les paragraphes 26 à 36,
25 concernant la ville de Mostar.
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1 M. Kehoe (interprétation). - Ce n’est pas une question, Monsieur
2 le Président, mais s’agissant des événements de Mostar, bien entendu des
3 informations existent au sujet de Mostar, des allégations existent dans le
4 paragraphe 5.2 où il est fait état du fait que des éléments de même nature
5 se sont produits à Mostar.
6 M. le Président. – Dans l’acte d’accusation ? Je ne comprends
7 pas, excusez-moi.
8 M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, dans
9 l’acte d’accusation. Cette information peut-être est expurgée. Nous
10 pourrons y revenir lorsque nous parlerons de la nature à grande échelle
11 des crimes commis par le HVO lorsque nous parlerons de Mostar. Cela ne
12 nous pose aucun problème. Cela semble une manière plus facile de procéder,
13 Monsieur le Président.
14 Quand je propose à M. Ackerman de répondre à des questions au
15 sujet de l'enquête de Mostar, c’est une possibilité bien sûr, mais cela
16 n’est pas vraiment le centre des preuves
17 présentées par le Bureau du Procureur.
18 M. le Président. – Le paragraphe 5.2 de l’acte d’accusation
19 mentionnait effectivement Mostar.
20 M. Ackerman (interprétation). - Quelques éléments, Monsieur le
21 Président. Tout d’abord, nous convenons tous du fait que Mostar est en
22 dehors de la zone de responsabilité de l’accusé.
23 Seconde chose, il faudrait que je vérifie, mais il se peut que
24 ce soit l’une des parties de l’acte d’accusation qui a été ajoutée par
25 l’accusation, et qui n’a jamais été soumise à un jeu de confirmation, ou à
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1 une chambre de première instance, je n’en suis pas sûr, j’aimerais
2 vérifier, mais il suffit de dire, pour le moment, que ce témoin ne peut
3 pas intervenir sur cette partie du rapport. Je propose que cette partie
4 soit soumise, pour versement au dossier, au moment où nous aurons un
5 témoin qui pourra vérifier la teneur de cette partie.
6 M. le Président. – Je crois que le mieux est de ne pas procéder
7 à l’expurgation pour l’instant. Le compte rendu fera bien état que Mostar
8 n’étant pas dans la zone de commandement de l’accusé, pour l’instant il
9 n’y a pas lieu d’en traiter. Si évidemment le Procureur était intervenu
10 auprès du témoin pour que le problème de Mostar soit traité, à ce moment-
11 là la question se présenterait différemment.
12 Autre observation, Monsieur le Procureur ?
13 M. Kehoe (interprétation). – Non, Monsieur le Président.
14 M. le Président. – Pas d’autre question non plus ?
15 M. Ackerman (interprétation). – Non, Monsieur le Président.
16 Merci.
17 M. le Président. – Nous pouvons donc à présent passer au contre-
18 interrogatoire. Maître Hayman ?
19 M. Hayman (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, je
20 vous remercie.
21 Bonjour, Monsieur Akhavan. Vous êtes juriste, n’est-ce pas ?
22 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
23 M. Hayman (interprétation). – Vous avez participé à cette
24 affaire depuis que vous êtes entré dans le Bureau du Procureur du
25 Tribunal ?
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1 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
2 M. Hayman (interprétation). – En cette qualité, vous a-t-il été
3 donné de passer en revue des déclarations écrites ou d’autres documents
4 recueillis par le Bureau du Procureur ayant un rapport avec cette
5 enquête ?
6 M. Akhavan (interprétation). – Non.
7 M. Hayman (interprétation). – J’aimerais vous demander de vous
8 concentrer sur la journée du 2 mai 1993, date à laquelle vous êtes allé
9 pour la première fois à Ahmici.
10 Monsieur le Président, je demanderai les pièces à conviction 51
11 et 59, des photographies aériennes. Nous reprendrons le sujet lorsque les
12 photographies auront été fournies.
13 M. le Président. - J’aurais besoin de 5 minutes. Nous avions
14 convenu, à l’avenir, qu’en principe il faudrait signaler au Greffier avant
15 l’ouverture de l’audience, les pièces à conviction qui seront convoquées.
16 Je suppose que Monsieur Dubuisson ne peut plus les avoir. Nous en sommes à
17 la pièce 184 du Procureur. Evidemment, il ne vient pas à l’audience avec
18 les 184 pièces. Donc, nous demandons quelques minutes. Préférez-vous poser
19 une autre question pendant ce temps ?
20 M. Hayman (interprétation). – Je peux y revenir plus tard,
21 effectivement, Monsieur le Président.
22 Malheureusement, je me préparais pendant la pause, et j’ai
23 regardé les numéros pour savoir quelles seraient les pièces dont j’aurais
24 besoin. Je ne le savais pas au début de l’audience, nous y reviendrons.
25 Parlons du 3 mai 1993. Vous êtes allé à Zenica ce jour-là, si je
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1 me souviens bien ce
2 que vous avez dit dans votre déposition ?
3 M. Akhavan (interprétation). – (Inaudible)
4 M. Hayman (interprétation). – Des entretiens ont eu lieu. Savez-
5 vous qui a choisi les victimes qui vous ont été présentées pour ces
6 entretiens et ces discussions ?
7 M. Akhavan (interprétation). – Ces victimes n’ont pas été
8 choisies. Je m’explique. Nous sommes allés au centre de documentation des
9 crimes de guerre à Zenica et là certaines personnes nous ont fait
10 parcourir ce centre de rassemblement des réfugiés. Il y avait un bâtiment,
11 ou plusieurs maisons, où il y avait plusieurs centaines, peut-être des
12 milliers de personnes. Il y avait des petits lits où les personnes
13 dormaient. Simplement, on nous a dirigés vers une pièce où il y avait des
14 survivants de Ahmici. Il y avait un groupe de 100 à 150 personnes qui
15 venaient d’être libérées de la détention à Dubravica. Nous n’avons pas eu
16 d’entretien individualisé avec des victimes individuelles. Nous avons eu
17 50, 60 peut-être 100 personnes, qui se trouvaient dans une pièce et qui,
18 une à une, sont venues nous parler.
19 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai de vous
20 adresser aux Juges, si vous le voulez bien, si cela convient au Tribunal.
21 Votre voyage à Zenica, ce jour-là, était-il organisé avec les
22 autorités de Zenica, à l’avance ?
23 M. Akhavan (interprétation). – Les dispositions ont été prises
24 le jour-même.
25 M. Hayman (interprétation). - Un peu à l’avance ?
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1 M. Akhavan (interprétation). - Non. Je ne pense même pas que
2 cela ait été arrangé, dans la mesure où il y aurait eu un appel
3 téléphonique. Non, simplement, le bataillon britannique nous a emmenés à
4 Zenica, dans ce centre de documentation. De toute façon, nous savions
5 qu’il y avait toujours quelqu’un de présent, qui veillerait à ce que nous
6 puissions aller au centre de rassemblement.
7 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé à des survivants
8 d’Ahmici, des
9 hommes en âge de combattre, entre 15 et 50 ans ?
10 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas qu’il y ait
11 eu une seule personne de sexe masculin.
12 M. Hayman (interprétation). - L’un quelconque des survivants,
13 avec qui vous avez discuté, a-t-il parlé du nombre de membres de la
14 Défense territoriale résidant dans le village d’Ahmici, ou est-ce un point
15 qui n’a pas été abordé dans ces discussions?
16 M. Akhavan (interprétation). - Nous n’avons pas discuté de façon
17 précise, comme vous venez de le suggérer, de la présence numérique de la
18 Défense territoriale. Mais nous avons demandé, non seulement aux
19 survivants, mais aussi aux membres du bataillon britannique, s’il y avait
20 une présence militaire.
21 M. Hayman (interprétation). - Je suppose qu’ils vous ont dit que
22 non, qu’il n’y en avait pas ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Ils ont dit que la seule présence
24 qu’il aurait pu y avoir, comme je l’ai déjà dit précédemment, était des
25 hommes en âge de combattre, qui étaient en permission, pour rendre visite
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1 à leur famille, et qui étaient peut-être en uniforme.
2 Autre indication que nous avions peut-être pour attester de
3 l’absence de toute présence militaire importante, c’était le fait que, à
4 notre connaissance, les Croates n’enregistraient aucune perte. Il n’y a
5 eu, pratiquement, aucune résistance à l’attaque d’Ahmici. Tout ceci nous a
6 porté à croire qu’il y avait peu, sinon pas, d’hommes en âge de combattre
7 et disposant d’armes à Ahmici, à ce moment-là.
8 M. Hayman (interprétation). - Comment avez-vous déterminé que
9 les Croates qui ont attaqué Ahmici le 16 avril 1993 n’ont pas subi de
10 perte?
11 M. Akhavan (interprétation). - Nous avons posé des questions,
12 nous n’avons pas reçu d’information dans ce sens. Nous n’en avons pas
13 conclu qu’il n’y a pas eu de perte, mais nous n’avons pas accumulé de
14 preuves pour dire qu’il y en avait.
15 M. Hayman (interprétation). - L’un quelconque des survivants
16 d’Ahmici avec lequel vous avez parlé le 3 mai 1993, vous a-t-il dit avoir
17 vu des soldats du HV ? Des soldats de l’armée de la République de Croatie,
18 à Ahmici ?
19 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas que
20 quelqu’un ait dit quelque chose dans ce sens. Mais je me souviens que des
21 membres du bataillon britannique nous ont dit qu’ils avaient vu des
22 soldats du HV, non pas à Ahmici-même, mais dans la région.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous des détails?
24 Qui ont-ils vu, et quand ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Il faudrait que je m’en souvienne
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1 davantage.
2 M. Hayman (interprétation). - Avec qui avez-vous parlé? Quel
3 membre du bataillon britannique vous a dit avoir vu des soldats du HV dans
4 la région?
5 M. Akhavan (interprétation). - J’ai parlé avec plusieurs
6 personnes. Il n’y a pas eu qu’une seule conversation. La compréhension
7 générale est qu’il y avait des soldats du HV qui étaient peut-être
8 présents sur le terrain à titre de conseillers pour assister le HVO.
9 Certains des experts militaires nous ont dit plus particulièrement qu’en
10 matière de formation pour l’utilisation de l’artillerie, il y avait
11 beaucoup d’experts militaires du HV qui formaient le HVO.
12 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous identifier l’un ou
13 l’autre des membres du bataillon britannique qui vous aurait dit avoir vu
14 des soldats du HV dans la vallée de la Lasva pendant votre mission ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas d’un
16 individu à qui j’aurais parlé et dont je peux vous donner l’identité.
17 M. Hayman (interprétation). - L’un quelconque des survivants de
18 Ahmici, avec lequel vous avez parlé le 3 mai 1993, vous a-t-il décrit une
19 résistance armée qui aurait existé à Donji Ahmici ce jour-là ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne me souviens pas avoir
21 entendu quelque chose de ce genre.
22 M. Hayman (interprétation). – L’un quelconque de ces survivants
23 vous a-t-il dit qu’il n’y avait pas eu de résistance armée à Ahmici le
24 16 avril 1993 ? Est-ce cela que les survivants vous ont dit?
25 M. Akhavan (interprétation). - Tout dépend de ce que l’on entend
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1 par résistance armée. Vous savez que quand des gens sont attaqués ils ne
2 vont pas accueillir l’assaillant à bras ouverts, surtout si cet assaillant
3 veut les tuer. Les gens ont essayé de résister de la manière qu’ils
4 pouvaient, en prenant leur carabine ou toute arme qu’ils avaient à portée
5 de mains. C’est un peu la structure que prenaient les combats dans la
6 région. Dans tous les villages, tous les hommes en âge de combattre se
7 trouvaient soit en uniforme HVO, soit en uniforme de l’armée de Bosnie-
8 Herzégovine. Et c’était vrai dans toute la Bosnie-Herzégovine, à l’époque.
9 Tout homme en âge de combattre était mobilisé.
10 Ce qui veut dire que l’on avait, non seulement à Ahmici, mais
11 dans d’autres villages, des gens qui parfois étaient en permission et qui
12 rendaient visite à leur famille, ou qui se trouvaient dans le village pour
13 une autre raison ; ces gens-là avaient un fusil. Et puis, on était à la
14 campagne. Les gens avaient une carrabine de chasse, un fusil de chasse. Il
15 se peut que certains aient pris leur fusil de chasse pour essayer de se
16 défendre.
17 Mais si l’on parle de résistance militaire organisée, si l’on
18 parle de soldats qui auraient été déployés à cette fin précise, de soldats
19 qui d’une manière ou d’une autre pourraient opposer une résistance
20 sérieuse à une armée en avance, non, je ne pense pas qu’on en ait vu
21 quelque preuve de cela. Nous l’avons demandé aux survivants, mais aucune
22 indication ne nous a été fournie.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous donnez vos opinions et vous
24 nous faites part de vos impressions, mais pour l’instant je vous demande
25 de nous dire ce que l’on vous a dit le
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1 3 mai 1993 à Zenica. Que vous a-t-il été dit par les survivants avec
2 lesquels vous vous êtes entretenu sur le plan de la résistance ?
3 M. le Président. - La réponse ne vous convient peut-être pas,
4 mais le témoin a répondu. Il ne peut pas vous donner autre chose que ce
5 qu’il vous a indiqué, donc vous passez à une autre question.
6 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, la réponse
7 ne répondait pas vraiment à ma question et je pense que le compte rendu en
8 fera bien état. Je vais continuer. Est-ce que l’un quelconque des
9 survivants d’Ahmici vous a dit le 3 mai 1993 que la défense opposée à
10 Donji Ahmici a duré depuis l’aube jusqu’à la tombée de la nuit ce jour-
11 là ? Est-ce que l’une quelconque des personnes vous a dit cela ?
12 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, cette
13 question a été posée. Il n’est pas satisfait de la réponse reçue, alors il
14 repose la question d’une façon un peu différente.
15 M. le Président. - Voulez-vous passer à une autre question,
16 Maître Hayman.
17 M. Hayman (interprétation). - Si l’on vous avez dit cela, est-ce
18 que cela serait apparu dans votre rapport parmi les conclusions et les
19 impressions dont vous avez fait part dans votre rapport ?
20 M. le Président. - C’est une autre question, Maître Hayman. Mais
21 vous revenez toujours au même point ! On est en train de faire du
22 conjontural. Si on lui avait dit, mais on ne le lui a pas dit, donc vous
23 ne pouvez pas déduire des conjonctures comme cela, vous-même commencez à
24 nous donner votre opinion. Passez à une autre question, Maître Hayman.
25 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je
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1 vais poursuivre, mais avec tout le respect que je vous dois, c’est comme
2 ça que l’on interroge un expert. Il faut mettre ses opinions à l’épreuve,
3 il faut obtenir la description de faits qui seront peut-être prouvés
4 intégralement au cours de cette affaire, mais il faut bien que le Tribunal
5 sache si le témoin dit des choses qui relèvent de ses propres opinions ou
6 pas.
7 M. le Président. - Avec tout le respect que je vous dois
8 également Maître Hayman, je crois que le Juge qui vous parle sait aussi
9 comment l’on doit interroger un témoin et en tout cas ne parlez pas pour
10 le Tribunal. Le Tribunal s’estime suffisamment informé. Nous sommes en
11 train de perdre du temps, vous passez à une autre question.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré que ce jour-là
13 on vous a dit que deux femmes, des femmes musulmanes, avaient été violées
14 lors de leur détention après le 16 avril 1993. C’est exact ?
15 M. Akhavan (interprétation). - C’est exact.
16 M. Hayman (interprétation). - Sans pour autant nous donner leurs
17 noms, avez-vous eu connaissance du nom de ces personnes ? Si c’est le cas,
18 surtout ne donnez aucun nom.
19 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas avoir
21 obtenu le nom de l’une quelconque de ces deux victimes ?
22 M. Akhavan (interprétation). - Je ne pense pas que les noms
23 aient été suggérés. Ces femmes ont dit simplement qu’elles savaient que
24 deux femmes qui faisaient partie de leur groupe avaient été emmenées et
25 puis étaient revenues raccompagnées par des soldats, et que ces deux
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1 personnes avaient dit à leurs amis, à leurs voisins, qu’elles avaient été
2 violées.
3 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous être plus précis ?
4 D’où avez-vous obtenu ces informations ? Qui vous l’a dit ?
5 M. Akhavan (interprétation). - Je le répète, il s’agissait de
6 certains des survivants avec lesquels nous nous sommes entretenus à Zenica
7 et qui auparavant avaient été détenus à Dubravica.
8 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous nous donner des
9 détails plus précis quant à leur identité ?
10 M. Akhavan (interprétation). - Non.
11 M. Hayman (interprétation). - Permettez-moi, Monsieur le
12 Président, de m’approcher du chevalet et de poser quelques questions au
13 témoin sur ces photographies.
14 M. le Président. - Maitre Kehoe, vous pouvez vous approcher
15 également. Le micro, permettant au témoin de pouvoir répondre debout,
16 peut-il être installé, Monsieur Dubuisson. A-t-il disparu ? Je demanderai
17 d’ailleurs que ce micro reste dans un coin de la salle ; on perd du
18 temps !
19 (L’huissier s’exécute.)
20 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je n’ai pas
21 pu identifier correctement la région de la photo aérienne qui m’intéresse,
22 mais mon éminent collègue vient de me faire part du fait qu’il s’agit de
23 la zone 50. Je suis désolé, mais je vais demander à l’huissier que la
24 pièce 50 soit retirée, nous y reviendrons lorsque ce sera nécessaire.
25 M. le Président. - Allons-y.
Page 5380
1 (L’huissier s’exécute.)
2 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie.
3 Le 5 mai 1993, vous êtes allé à l’hôtel Vitez pour vous
4 entretenir avec le Colonel Blaskic, n’est-ce pas ?
5 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
6 M. Hayman (interprétation). - Au cours de cet entretien, vous
7 avez utilisé les services d’un interprète. Qui vous l’a fourni ?
8 M. Akhavan (interprétation). - La Forpronu, le Bataillon
9 britannique plus exactement. Permettez-moi d’ajouter qu’il y avait qu’un
10 interprète accompagnait aussi le Colonel Blaskic ou les Croates de Bosnie,
11 mais je ne sais pas si cet interprète a travaillé à cette occasion.
12 M. Hayman (interprétation). - Qui a travaillé pour vous ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens plus, je me
14 rappelle qu’il y avait,
15 en plus de l’interprète local fourni par le BritBat, un autre interprète
16 qui travaillait avec le HVO lui-même, avec les Croates de Bosnie. Mais je
17 ne me souviens pas si les deux interprètes ont interprété ou seulement
18 l’un d’entre eux.
19 M. Hayman (interprétation). - Qui d’autre assistait à cet
20 entretien au cours de la première heure qu’a duré cette réunion ?
21 M. Akhavan (interprétation). - Je crois qu’un ou deux membres du
22 BriBat et la Forpronu étaient présents. Il y avait aussi un ou deux
23 collègues du Colonel Blaskic, mais je ne me souviens pas de leur identité.
24 M. Hayman (interprétation). - Vous rappelez-vous qui était
25 présent, qui représentait le bataillon britannique ?
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1 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne me souviens plus des
2 noms précis.
3 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous vous rappeler du
4 grade qu’ils occupaient ou de leur position exacte ?
5 M. Akhavan (interprétation). – Non, plus du tout. Je pourrais
6 examiner mes notes et déterminer leur identité parce qu’il y avait
7 quelqu’un qui m’était attaché pendant toute la durée du séjour. Je
8 reconnaîtrais cette personne si je la voyais, mais je ne me souviens pas
9 pour le moment de son nom, parce que cette personne m’était attachée
10 pendant toute la journée.
11 M. Hayman (interprétation). – Ai-je raison de dire qu’au cours
12 de cet entretien avec le Colonel Blaskic, il a nié avoir donné tout ordre
13 que ce soit quant aux massacres de civils à Ahmici ou en d’autres
14 endroits ?
15 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
16 M. Hayman (interprétation). – Il a également nié le fait qu’il
17 savait à l’avance que des civils allaient être abattus à Ahmici ou
18 ailleurs ?
19 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
20 M. Hayman (interprétation). – Ne vous a-t-il pas également dit,
21 au cours de cette
22 réunion, qu’il ne savait pas ce qui s’était produit à Ahmici le 16 avril ?
23 N’a-t-il pas dit qu’il n’était pas présent à ce moment-là ?
24 M. Akhavan (interprétation). – Je ne me souviens pas s’il a dit
25 qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qui s’était passé. Je crois qu’il
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1 savait qu’il y avait eu des hostilités dans la région. Mais, ne
2 connaissait-il pas les détails ? Comme cela pouvait être le cas, ce jour-
3 là je l’ai informé de ce qui s’était passé à Ahmici.
4 M. Hayman (interprétation). – Certes, mais vous a-t-il dit -pour
5 ce qui est des événements dont vous nous avez parlés, la mort de civils,
6 etc- qu’il ne savait pas ce qui s’était passé à Ahmici ce jour-là ? Ne
7 vous a-t-il pas dit qu’il ne se trouvait pas là ?
8 M. Akhavan (interprétation). – En fait, non, il n’a pas nié en
9 avoir aucune connaissance. L’impression générale qu’il avait, c’était
10 qu’il y avait des hostilités, qu’il y avait peut-être eu des pertes, mais
11 de façon précise il n’a pas reconnu avoir su que 100 ou 200 civils avaient
12 peut-être été tués.
13 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous eu l’occasion de revoir
14 votre déclaration du 23 juin 1995 ?
15 M. Akhavan (interprétation). – Oui. Ce n’est pas tout à fait ma
16 déclaration. C’est une déclaration recueillie par deux membres du Bureau
17 au cours d’un entretien. Je n’ai pas signé cet entretien. Pour
18 l’essentiel, il reflète bien la vérité, à une ou deux ambiguïtés près que
19 je pourrais élucider.
20 M. Hayman (interprétation). – Bien. Je vais vous demander alors
21 ce qu’il en est du dernier paragraphe à la page 2 où il est dit que
22 Blaskic ne savait pas (et on parle d’Ahmici), parce qu’il ne se trouvait
23 pas là. S’agit-il là d’un des segments de la déclaration qui est exact, ou
24 d’un qui ne l’est pas, qui est ambiguë ? Je parle du second paragraphe, à
25 la deuxième page.
Page 5383
1 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact, si en disant qu’il
2 ne savait pas on ne fait pas référence au fait qu’il y avait des
3 hostilités armées à Ahmici, suivies peut-être de
4 pertes. Ce qu’il ne savait de façon précise, c’est s’il y avait eu des
5 atrocités commises contre les civils à grande échelle. Il n’a pas reconnu
6 le savoir.
7 M. Hayman (interprétation). – Il est juste de dire alors qu’il
8 n’a pas dit qu’il connaissait les détails des événements qui s’étaient
9 déroulés à Ahmici ?
10 M. Akhavan (interprétation). – D’après ce qu’il m’a dit,
11 effectivement ce serait une description exacte.
12 M. Hayman (interprétation). – Bien. Vous avez dit, au cours de
13 l’interrogatoire principal, que vous en étiez arrivé à la conclusion
14 suivante : le Colonel Blaskic et ses subordonnés contrôlaient le HVO dans
15 la région de la vallée de la Lasva, n’est-ce pas ?
16 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
17 M. Hayman (interprétation). – Pour établir cette conclusion,
18 vous êtes-vous fondé sur les déclarations que vous a faites le
19 Colonel Blaskic, selon lesquelles il était le commandant du HVO dans la
20 zone opérationnelle de la Bosnie centrale ?
21 M. Akhavan (interprétation). – Pas seulement sur cela. Je me
22 suis fondé également sur le fait que le Colonel Blaskic, à plusieurs
23 reprises, m’a dit que le HVO avait le contrôle solide de cette région. Je
24 me suis fondé sur le fait que, même s’il admettait qu’il y avait des
25 formations paramilitaires, celles-ci ne constituaient pas le moindre
Page 5384
1 danger pour ce qui est du contrôle qu’avait le HVO de la région. Je me
2 suis surtout basé sur l’opinion de plusieurs représentants du bataillon
3 britannique, du régiment Cheshire, qui avaient passé chaque jour des six
4 mois qui s’étaient écoulés à étudier la situation militaire dans la
5 région.
6 M. Hayman (interprétation). – Le Colonel Blaskic vous a-t-il dit
7 que le HVO et le HOS ne s’entendaient pas ?
8 M. Akhavan (interprétation). – Il a certes indiqué qu’il y avait
9 certaines tensions et qu’il essayait de garder une certaine distance du
10 HOS. Il s’est exprimé dans ce sens-là. Mais, je me souviens, au quartier
11 général, avoir vu les différents uniformes noirs de membres du
12 HOS qui circulaient dans l’entrée.
13 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous vu des individus
14 recouverts d’un uniforme noir ou bien avez-vous vu un insigne sur les
15 uniformes portés par ces individus ?
16 M. Akhavan (interprétation). – Je crois que c’était aussi un
17 écusson des Vitezovis. Je me souviens qu’il y avait, sur les uniformes
18 noirs, ce damier tellement reconnaissable de la Croatie. Mais aucun des
19 survivants d’Ahmici n’a dit qu’il y avait des gens en uniforme noir dans
20 le village. Donc, nous n’avons pas beaucoup insisté sur le HOS. Je n’ai
21 pas beaucoup insisté dans mes questions au Colonel Blaskic sur le HOS. Je
22 voulais lui poser ces questions pour savoir si, éventuellement, il y avait
23 d’autres forces militaires qui auraient été en mesure de mener une
24 opération d’une telle envergure sans la connaissance, l’acquiescement, le
25 contrôle du HVO.
Page 5385
1 M. Hayman (interprétation). – Au cours de l’interrogatoire
2 principal, vous avez dit que le Colonel Blaskic avait déclaré qu’il n’y
3 avait aucune raison pour laquelle il y aurait eu une attaque, aucune
4 raison militaire pour une attaque sur Ahmici. Etes-vous en train de
5 confondre votre entretien avec le Colonel Blaskic avec celui que vous avez
6 eu avec Dario Cerkez ? Ne serait-ce pas Dario Cerkez qui aurait déclaré
7 cela, et non pas le Colonel Blaskic ?
8 M. Akhavan (interprétation). – Je ne pense pas. Je ne pense même
9 pas avoir discuté d’Ahmici avec Dario Cerkez. Car, pour autant que je m’en
10 souvienne stricto sensu, Dario Cerkez n’était pas responsable d’Ahmici. Il
11 était surtout responsable de Vitez. J’avais laissé entendre au
12 Colonel Blaskic qu’il n’y avait pas de cible militaire, pas la moindre
13 présence militaire, et il en a convenu avec moi. Je crois que j’ai posé la
14 question de la façon suivante : je lui ai demandé s’il pensait qu’il y
15 avait une justification quelconque à une attaque. D’après ce qu’il m’a
16 dit, il n’y en avait aucune. Il n’y avait pas de cible militaire, ni de
17 présence militaire importante.
18 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous établi ce segment du
19 rapport, la pièce 184, qui déclare que, selon tous les entretiens que vous
20 avez eus, notamment ceux du
21 commandant croate local du HVO, ce village, Ahmici donc, ne contenait
22 aucune cible militaire digne de ce nom ?
23 M. Akhavan (interprétation). - De quel paragraphe s'agit-il ?
24 M. Hayman. (interprétation) - Du 14.
25 M. Akhavan (interprétation). - Il s'agit du paragraphe 14 du
Page 5386
1 document officiel. Effectivement, pour être tout à fait précis, ces
2 rapports ont été rédigés entre Zagreb et Genève. Nous n'avions de cesse de
3 communiquer les projets de textes, mais la substance de ce paragraphe se
4 fonde tout à fait sur mes observations.
5 M. Hayman. (interprétation) - Avez-vous eu recours à des
6 commandants locaux du HVO pour parler avec eux de M. Cerkez ou du
7 Colonel Blaskic ?
8 M. Akhavan (interprétation). - J'en ai parlé au Colonel Blaskic.
9 N'oubliez pas que ce rapport n'est pas que ce rapport n'est pas conçu
10 comme une poursuite judiciaire visant à identifier tel ou tel individu. Ce
11 rapport vise à donner un récit le plus précis possible de la situation en
12 matière des droits de l'homme dans cette région-là.
13 Nous, quand on parle de commandant local HVO, cela suffisait.
14 Pour nous le Colonel Blaskic était un commandant HVO local, aux fins du
15 rapport.
16 M. Hayman. (interprétation) - Dans vos deux entretiens en 1994
17 et en 1995, vous a-t-on demandé de dire ce qu'avait déclaré le
18 Colonel Blaskic au cours de vos entretiens ?
19 M. Akhavan (interprétation). - Je ne comprends pas la question.
20 M. Hayman. (interprétation) - Au cours de vos entretiens vous a-
21 t-on demandé de dire ce que vous avait déclaré le Colonel Blaskic au cours
22 de ces deux entretiens ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
24 M. Hayman. (interprétation) - Avez-vous fait part du fait qu'il
25 n'y avait pas
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1 d'objectifs militaires selon le Colonel Blaskic dans le cadre d'une
2 attaque lancée sur Ahmici ?
3 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir
4 attribué ces propos au
5 Colonel Blaskic, il faudrait que je revois le texte de ma déclaration et
6 de l'interrogatoire.
7 M. Hayman. (interprétation) - Avez-vous des notes prises au
8 moment des fait auxquelles vous pourriez vous référer pour vous rafraîchir
9 la mémoire s'agissant du fait qu'il s'agit de M. Cerkez ou de M. Blaskic
10 qui aurait dit cela ?
11 M. Akhavan (interprétation). - Je n'ai pas ces notes sur moi.
12 M. Hayman (interprétation). - Mais vous les avez, n'est-ce pas ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Elles sont peut être à Genève,
14 mais elles ne sont pas en ma possession.
15 M. Hayman (interprétation) - Savez-vous où elles sont ?
16 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne suis sûr, il faudrait
17 passer par mon employeur précédent, le Centre des droits de l'homme.
18 M. Hayman. (interprétation) - Avez-vous essayé de retrouver ces
19 notes pour préparer votre témoignage, ici ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Je crois que le Bureau du
21 Procureur a fait une tentative, mais infructueuse pour l'obtenir de
22 Genève.
23 M. Hayman. (interprétation) - Peut-on dire que vous avez perdu
24 ces notes concernant votre entretien avec l'accusé ? Ces notes sont-elles
25 perdues d'après vous ?
Page 5388
1 M. Akhavan (interprétation). - Il est possible que ce soit le
2 cas.
3 M. Hayman. (interprétation) - Vous vous êtes entretenu avec lui
4 pendant une heure, n'est-ce pas ? Seul à seul ?
5 M. Akhavan (interprétation). - Je crois que nous nous sommes
6 entretenus seul à seul pendant environ deux heures, hormis telle ou telle
7 petite interruption de la part de M. Valenta.
8 M. Hayman. (interprétation) - Pour autant que vous vous
9 souveniez de ces déclarations, vous vous en rappelez grâce à votre
10 mémoire, n'est-ce pas ? Vous ne vous appuyez
11 sur aucune note prise au moment des faits ?
12 M. Akhavan (interprétation). - Ce n'est pas tout à fait exact.
13 En effet, le rapport des Nations Unies se fondait essentiellement sur mes
14 notes, des notes que j’avais prises au cours des discussions avec le
15 Colonel Blaskic et avec M. Kordic. Le paragraphe 14 ne se base pas sur mes
16 souvenirs d'aujourd'hui, mais bien sur les notes que j'avais il y a 4,5
17 ans , au moment de la rédaction de ce rapport.
18 A la relecture du rapport 4,5 ans plus tard, je lis mes propres
19 notes, donc je ne passe pas qu'il soit exact de dire que je me fonde
20 uniquement sur mes souvenirs.
21 M. Hayman. (interprétation) - Mais, Monsieur Akhavan, n'êtes-
22 vous pas d'accord pour dire que ce rapport ne fait aucun état de votre
23 entretien avec Tihomir Blaskic ce jour-là ? Il n'y a rien là-dedans qui
24 soit relatif à votre entretien avec M. Blaskic.
25 M. Akhavan (interprétation). - Je ne suis pas tout à fait
Page 5389
1 d'accord avec ce que vous dites, parce que n'était pas la pratique
2 courante. Si vous lisez les rapports en matière de droits de l'homme qui
3 viennent du système onusien, vous n'en verrez pas un seul qui fasse état
4 de telle ou telle réunion précise. En l'occurrence, il y a une réunion
5 avec un chef d'état, un ministre de gouvernement ou une personnalité de
6 proue. Dans la partie liminaire du rapport, introductive, afin d'informer
7 le lecteur, on va faire référence à une réunion. Mais ce rapport avait
8 pour sens de détailler à ce moment-là, l'identité de chaque individu. Mais
9 si c'était le cas, on aurait un rapport de 500 pages.
10 Ici, l'idée était de donner un résumé concis et précis à
11 destination de la communauté internationale de la situation en matière des
12 droits de l'homme. Nous avons donc réduit les questions et nous parlons de
13 M. Blaskic comme étant un commandant HVO croate local. Franchement, ce
14 n'est pas très important pour la Commission des droits de l'homme de
15 savoir si
16 nous avons parlé avec Mario Cerkez ou avec M. Blaskic, parce que l'enquête
17 ne porte pas sur la véracité de nos propos. L'idée, c'est que le
18 rapporteur spécial et ses effectifs disposent de
19 suffisamment de compétence et d'impartialité. Ce que cette Commission
20 voit, c'est le résultat d'un processus quasi-judiciaire qui est l'examen
21 des preuves pour et contre, pour en arriver à une conclusion. Et c'est
22 ainsi qu'on estime ce rapport, qu'on le considère.
23 M. Hayman. (interprétation) - Je crois qu'il suffit de dire que
24 vous avez utilisé ce rapport pour rafraîchir vos souvenirs quant à votre
25 entretien avec Tihomir Blaskic le 5 mai 1993, n'est-ce pas ?
Page 5390
1 M. Kehoe. (interprétation) - Monsieur le président, voilà la
2 troisième fois que cette question se pose, c'est une variation sur un même
3 thème. Le témoin a répondu de façon complète et exhaustive.
4 M. le Président (interprétation). - Bien entendu, le témoin a
5 parfaitement répondu à vos préoccupations par ailleurs légitimes. Une fois
6 que vous avez posé la question et que vous avez la réponse, vous passez à
7 une autre question.
8 M. Hayman. (interprétation) - Au cours de l'interrogatoire
9 principal, pour ce qui était de votre connaissance de toute enquête au
10 sein du HVO concernant les atrocités d'Ahmici...
11 M. Akhavan (interprétation). - Vous voulez parler de ma
12 déposition, aujourd'hui ?
13 M. Hayman. (interprétation) - Oui. Au cours de votre
14 interrogatoire principal, vous avez parlé du fait que vous aviez obtenu
15 des informations relatives à une enquête qui aurait été faite dans le
16 cadre du HVO concernant les atrocités commises à Ahmici.
17 M. Akhavan (interprétation). - Exact.
18 M. Hayman. (interprétation) - Avez-vous abordé ce sujet avec le
19 Colonel Blaskic, le 5 mai 1993 ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Oui, si je m'en souviens bien,
21 j'en ai parlé. Je l'ai
22 informé notamment du fait qu'il devait prendre une initiative pour mener
23 une telle enquête ?
24 M. Hayman. (interprétation) - Qu'a-t-il répondu ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Aucune indication ne m'a été
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1 fournie, soit qu'il y était opposé, soit qu'il y était favorable. Pour
2 autant que je m'en souvienne, il s'est contenté d'accepter ce que je
3 disais sans me faire de promesse ou sans argumenter contre moi.
4 M. Hayman. (interprétation) - Quelqu'un d'autre prenait-il des
5 notes lors de cet entretien avec mon client ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Non. Puisque j'étais la seule
7 personne prenant des notes.
8 M. Hayman. (interprétation) - A ce moment-là, vous-même ou votre
9 collègue, aviez-vous établit une liste de 18 personnes qui auraient
10 probablement commis des atrocités à Ahmici le 16 avril 1993 ? Vous avez
11 parlé de cette liste tout à l'heure.
12 M. Akhavan (interprétation). - Je crois que la liste a été
13 préparée le lendemain. Lors de notre première visite à Zenica, nous
14 voulions obtenir des informations de nature générale : est-ce que nous
15 allions apprendre l’identité des auteurs, faisaient-ils partie ou pas du
16 HVO, quelles étaient les circonstances de l’attaque.
17 Au cours de cette journée, alors que je m’entretenais avec le
18 Colonel Blaskic, mon collègue se trouvait à Zenica occupé à obtenir la
19 liste de ces 18 noms. Franchement, il ne nous fallait pas obtenir une
20 liste, nous ne participions pas à une enquête judiciaire. Mais, comme le
21 dit le rapport des Nations Unies, nous pensions que cela pourrait
22 confirmer, au delà de tout doute raisonnable, la véracité des allégations
23 portées contre le HVO. Outre cela, nous pourrions aussi fournir ces
24 18 noms à la Commission d’experts pour d’éventuelles poursuites à
25 l’avenir, au cas où il y aurait établissement d’un Tribunal Pénal
Page 5392
1 International. Mais, nous n’avons pas remis ces noms, je ne disposais pas
2 de ces noms ce jour-là avec moi.
3 M. Hayman (interprétation). - Donc vous les avez obtenus le jour
4 suivant, n’est-ce
5 pas ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Je les ai personnellement obtenus
7 le lendemain,
8 mais mon collègue les avait déjà le jour de l’entretien.
9 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pris quelque mesure que
10 ce soit pour communiquer ces noms au Colonel Blaskic et qu’il puisse s’en
11 servir dans le cadre d’une enquête portant sur les atrocités commises à
12 Ahmici ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne l’ai pas fait parce
14 que cela ne relevait pas de notre mandat, nous ne devions pas nous engager
15 dans de telles activités. Nous étions des observateurs des droits de
16 l’homme, nous n’avions pas pour mission de mener des enquêtes judiciaires
17 et de fournir des listes aux autorités d’une région. C’est un peu de façon
18 aléatoire que nous avons trouvé ces noms et cela outrepasserait de loin
19 les limites de notre mandat, c’est la raison pour laquelle nous les avons
20 remis à l’autorité compétente, la Commission d’experts. Mais, au cours de
21 cette réunion, j’ai fait comprendre à M. Blaskic que nous avions reçu des
22 noms au cours de nos rencontres avec les survivants de Zenica, même si je
23 n’avais pas une liste précise. Je voulais simplement de cette façon lui
24 faire comprendre qu’il y avait des auteurs de ces crimes qui venaient
25 effectivement de la région.
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1 M. Hayman (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,
2 est-ce que qui que ce soit d’autre a communiqué cette liste de noms au
3 Colonel Blaskic ?
4 M. Akhavan (interprétation). - Pas à ma connaissance. Cette
5 liste a été remise à la Commission d’experts et je ne sais pas ce qui
6 s’est passé par la suite.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit un certain
8 M. Valenta qui serait entré dans la salle où se tenait votre entretien et
9 qui aurait fait des commentaires assez péjoratifs sur des Musulmans.
10 M. Akhavan (interprétation). - Oui, je crois que le terme que
11 vous avez utilisé est tout à fait adéquat.
12 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que le Colonel Blaskic a
13 fait ce type de commentaires assez péjoratifs au sujet de l’appartenance
14 ethnique des Musulmans ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Non, il a été tout à fait poli.
16 M. le Président. - Vous avez beaucoup de questions,
17 Maître Hayman ? Ce n’est pas du tout pour vous limiter dans vos questions,
18 c’est simplement pour l’organisation de l’audience par rapport à la pause
19 du déjeuner.
20 M. Hayman (interprétation). - Dix à quinze minutes au plus,
21 Monsieur le Président.
22 M. le Président. - Nous allons lever l’audience et nous
23 reprendrons à 14 heures 45.
24 L’audience est suspendue à 13 heures.
25
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1
2
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7
8 L'audience est reprise à 14 heures 50.
9 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
10 (L'accusé est introduit dans la salle.)
11 Faites entrer le témoin, s’il vous plaît.
12 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
13 M. le Président. – Maître Hayman, poursuivez le contre-
14 interrogatoire de M. Akhavan, s'il vous plaît.
15 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le
16 Président. Bon après-midi, Monsieur Akhavan.
17 Je crois que nous avons la photographie aérienne qui nous montre
18 la région d’Ahmici, elle est sur le chevalet. Je demanderai l'aide de
19 l'huissier pour que vous nous montriez et que vous indiquiez sur le
20 transparent, qui a été superposé à la pièce 50, à l'aide d'un marqueur
21 bleu, où se trouvait ce champ du massacre où les individus en fuite ont
22 été abattus. Vous avez dit qu'il était devant le cimetière catholique,
23 mais peut-être pourriez-vous l'indiquer en bleu, à l'aide d'un rectangle
24 ou d'un cercle, peu importe, pour que nous sachions exactement de quel
25 endroit vous parlez ?
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1 Je vous demanderai de vous mettre un peu sur le côté, pour que
2 les Juges puissent voir ce que vous faites. Je vous en remercie.
3 Vous orientez-vous? Voyez-vous le cimetière catholique ?
4 M. Akhavan (interprétation). - J’indiquerai avec une croix
5 l’emplacement de ce champ.
6 M. Hayman (interprétation). - Si c’est la façon la plus précise
7 de l’indiquer; vous pouvez faire un rectangle ou un trapèze, peu importe.
8 M. Akhavan (interprétation). - Grosso modo, il s'agissait de
9 l’emplacement que je
10 suis en train de souligner.
11 (Le témoin s’exécute.)
12 M. Hayman (interprétation). - Vous pourriez peut-être le rayer
13 par des lignes en diagonale pour que nous le voyions bien. Merci.
14 (Le témoin s’exécute.)
15 Vous avez aussi décrit, lors de votre déposition, une tranchée
16 ou un ravin où vous aviez trouvé quelques 200 douilles. Vous en souvenez-
17 vous ?
18 Je vais vous donner, si vous le voulez bien, un feutre orange
19 pour l’indiquer. N'hésitez pas à indiquer avec fermeté, sur le
20 transparent, où se trouverait cette dépression.
21 (Le témoin s'exécute.)
22 Me permettez-vous de m'approcher, Monsieur le Président ?
23 M. le Président. - Allez-y.
24 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous rayer ou repasser
25 sur ces lignes, sur ce contour, pour que ce soit bien clair ? Merci.
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1 (Le témoin s'exécute.)
2 Vous avez dit aussi que vous aviez trouvé une cinquantaine de
3 douilles autour de certaines maisons. Vous souvenez-vous dans quelle
4 partie du village vous avez trouvé ces maisons où se trouvaient une
5 cinquantaine de douilles devant elles ?
6 M. Akhavan (interprétation). - D'une façon générale, oui, je
7 m’en souviens.
8 M. Hayman (interprétation). - Vous allez peut-être nous en
9 parler d’abord, puis nous verrons s’il est utile de les indiquer sur la
10 carte.
11 M. Akhavan (interprétation). - Il faudrait que je puisse essayer
12 de visualiser comment nous avons progressé à l’intérieur du village. C’est
13 peut-être un peu difficile pour moi sur cette photo aérienne, mais il me
14 semble que nous avons emprunté la route qui menait vers Vitez. Je crois
15 que Vitez se trouve vers le haut. Nous avons emprunté le véhicule Scimitar
16 et nous nous sommes arrêtés quelques temps ici, à l'endroit que j'indique.
17 Puis, il me semble que nous avons repris le véhicule Scimitar et
18 que nous avons emprunté la route principale qui mène à l'intérieur du
19 village. C’est là que nous avons commencé à examiner les maisons, une par
20 une. Donc nous sommes partis d’ici, du point que j’indique maintenant, et
21 nous avons pris la route principale. Là, je viens d'indiquer le champ et
22 les endroits où se trouvaient les douilles.
23 Je dirais que les maisons que nous avons observées se trouvaient
24 grosso modo dans cette zone-ci qui se trouve à côté de la mosquée. Peut-
25 être y avait-il quelques maisons isolées par ici. Là, je parle de notre
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1 toute première visite à Ahmici, parce que le second jour nous nous sommes
2 rendus dans d’autres endroits.
3 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous entourer d'un cercle
4 rouge ces maisons ?
5 (Le témoin s’exécute.)
6 M. Akhavan (interprétation). - Bien sûr, il ne s'agit que
7 d’évaluations approximatives.
8 M. Hayman (interprétation). - Je vous comprends bien, vous
9 l’avez dit, ce sont des régions ou des zones assez importantes, mais ce
10 sont à peu près les lieux où vous avez vu une cinquantaine de douilles
11 devant les maisons. Nous pourrons mieux définir tout ceci une fois que
12 vous en aurez terminé avec les marques.
13 Vous avez d'abord indiqué une zone adjacente à la mosquée dans
14 Ahmici-le bas, n'est-ce pas ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Absolument.
16 M. Hayman (interprétation). - En rouge, en demi-cercle ?
17 M. Akhavan (interprétation). - En effet.
18 M. Hayman interprétation). - Où se trouvait l'autre emplacement
19 où vous avez vu
20 des douilles ?
21 M. Akhavan (interprétation). - Je pense que c'était par ici, je
22 n'en suis pas absolument certain cependant. Je vais simplement délimiter
23 cet emplacement.
24 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes en train de délimiter,
25 par une forme de trapèze, ce qui est la zone de Grbovic qui est peut-être
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1 le village du milieu.
2 (Le témoin s’exécute.)
3 M. Akhavan (interprétation). - Il n’y a rien qui indique qu’il
4 s’agit bien de ce quartier-là en particulier.
5 M. Hayman (interprétation). - Si vous ne le connaissez pas en
6 tant que tel, cela ne fait rien.
7 M. Akhavan (interprétation). - Je me rappelle simplement que
8 nous avions observé des maisons dans cet emplacement. Nous nous étions
9 déplacés par ici et puis c'est par ici également que nous avons été
10 attaqués par des tireurs isolés.
11 M. Hayman (interprétation). - Qu'est-ce qui vous fonde à parler
12 de la direction de ces tirs isolés qui sont venus quand vous étiez vers le
13 milieu du village ? Est-ce que cela venait d'un relief ?
14 M. Akhavan (interprétation). - Je pense, au vu de l'impact des
15 balles sur les murs le long de cette route, je ne me rappelle pas
16 exactement où cela se trouvait le long de la route, mais nous en avons
17 conclu que cela venait de cette direction-ci, par ici.
18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous pourriez avec le
19 feutre mauve indiquer à l’aide d'une flèche, l'endroit, la direction qui
20 d'après vous était celle d'où venaient les tirs du tireur embusqué ?
21 M. Akhavan (interprétation). - C’est extrêmement difficile
22 d'être précis en quoi que ce soit ici. Bien évidemment, si nous avions
23 trouvé le tireur embusqué la situation aurait été toute différente. Mais,
24 selon que nous trouvions ici ou ici, je dirais que les tirs du tireur
25 isolé provenaient d'ici, je vais indiquer un triangle pour montrer à peu
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1 près la distance de tir. Je dirais que cela provenait de cette direction-
2 ci, que j'encadre à présent, de n'importe où de la zone que j'encadre.
3 (Le témoin s’exécute.)
4 Je ne sais pas exactement à quelle distance il se trouvait. Mais
5 je dirais que pour eux le plus simple, comme position de tir, aurait été
6 de se trouver dans cette direction-ci.
7 M. Hayman (interprétation). - Encore une question et j’en aurai
8 terminé de cette pièce. Ces douilles que vous avez vues dans cette
9 déclivité que vous avez indiquée en orange, savez-vous s'il s'agit de
10 douilles venant d’un fusil ou plutôt d'une arme de tireur embusqué ?
11 M. Akhavan (interprétation). - Je ne suis pas suffisamment
12 spécialisé en la matière pour vous dire exactement ce qu’il en était. Mais
13 les membres du bataillon britannique qui se trouvaient avec moi m’ont dit
14 qu'il s'agissait sans doute de douilles de balles à très grande vitesse,
15 comme ils les appellent, souvent utilisées par des tireurs isolés. A vrai
16 dire, cela n’avait pas beaucoup d'importance. Peu importait de savoir de
17 quel type de balles il s'agissait. En gros, il y avait deux catégories
18 générales de balles utilisées par les tireurs isolés ou dans des
19 mitraillettes. Et puis il y avait des douilles beaucoup plus importantes
20 qui étaient utilisées dans le cadre de canons antiaériens, souvent
21 utilisés d’ailleurs dans le cadre de combats en ex-Yougoslavie.
22 M. Hayman (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous rasseoir.
23 Vous avez décrit plusieurs déclarations qui vous ont été faites
24 par des personnels du régiment britannique. Vous avez parlé d'un M. Beck.
25 Avez-vous pu aussi obtenir l’identité d'autres intervenants qui vous ont
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1 parlé des choses que vous avez citées dans votre déposition ?
2 M. Akhavan (interprétation). - Bien sûr. Je suis à même de
3 parler de mes entretiens avec le Colonel Stewart, avec Brian Watters, avec
4 M. Beck. Mais je dois préciser qu'après 4,5 ans maintenant il est bien
5 difficile de se rappeler du nom des 15 ou 20 personnes
6 avec lesquelles je me suis entretenues à ce moment-là.
7 M. Hayman (interprétation). - Je pense que vous n'êtes pas en
8 mesure de mettre l’intervenant en face de l’information que vous avez
9 reçue ?
10 M. Akhavan (interprétation). - Oui, après 4,5 ans, effectivement
11 il est très difficile d'établir ce type de détails qui ne me regardaient
12 pas particulièrement à ce moment-là.
13 M. Hayman (interprétation). - Vous lez avez donc fait concorder
14 au mieux de vos connaissances ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Oui. Peut-être que plus tard je
16 pourrais me rappeler d'autres éléments.
17 M. Hayman (interprétation). - Il n'y a pas d'éléments dont vous
18 vous souvenez maintenant ?
19 M. Akhavan (interprétation). - Non. Mais au cours de mon
20 témoignage, j'ai bien dit que M. Beck m'avait donné les éléments
21 d’informations particuliers, précis, sur ce qu'il avait pu observer avec
22 des jumelles, sur ce qu'il avait pu me dire à propos de soldats du HVO qui
23 avaient incendié des maisons. Je me rappelle également de certaines
24 remarques qui m’on été faites par M. Watters, par M. Stewart, et qui
25 portaient sur qui était aux postes de commandement dans la région. Ils se
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1 basaient sur leur expérience en termes de négociations de cessez-le-feu,
2 en termes d'accords permettant la circulation de convois humanitaires. Ils
3 m’avaient dit, et je ne peux pas me tromper sur ce point, que Dario Kordic
4 et Tihomir Blaskic étaient les deux personnes avec lesquelles ils avaient
5 négocié tous les cessez-le-feu et tous les accords visant à permettre la
6 libre circulation de convois humanitaires pour ce qui est de la région de
7 la vallée de la Lasva, du côté croate.
8 D'autres soldats m’ont donné d'autres détails. L'un d'entre eux
9 était responsable d'un véhicule Warrior et il m’a dit qu’il avait vu des
10 soldats du HVO qui emmenaient 20 à 50 Musulmans comme prisonniers. Ils les
11 entraînaient depuis Ahmici. C’est au cours de cet
12 incident, après qu'une personne ait demandé ce qui allait leur arriver,
13 que les soldats qui les accompagnaient avaient dit de façon tout à fait
14 subtile qu’ils allaient finir par être tués.
15 En fait, c’est cet ensemble de détails qui nous a permis
16 d'arriver à la conclusion générale que nous avons établie dans notre
17 rapport sur les événements qui s’étaient déroulés dans la région.
18 M. Hayman (interprétation). - Un extrait vidéo vous a été
19 montré. Vous en souvenez-vous ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Oui, la vidéo de la visite à
21 Ahmici que nous avons vue aujourd’hui ?
22 M. Hayman (interprétation). - Oui. Vous avez également vu cet
23 extrait vidéo qui montre la visite au Colonel Blaskic, avec le
24 Colonel Stewart. C’est peut-être la même cassette, mais je veux parler de
25 ce segment.
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1 M. Akhavan (interprétation). - Je vois.
2 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous présent et saviez-vous
3 de quoi il s’agissait ?
4 M. Akhavan (interprétation). - Non, je n’étais pas présent.
5 Monsieur Kehoe m’a posé la question. Je n’assistais pas à cette réunion.
6 Il s’agissait d’une réunion qui s’est tenue par la suite, qui avait été
7 organisée, qui a réuni les ambassadeurs de la Communauté européenne et le
8 Colonel Blaskic. Je n’ai rencontré le Colonel Blaskic qu’une fois et
9 c’était un jour avant que ne se tienne cette réunion avec les ambassadeurs
10 de la Communauté européenne.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous ne savez pas ce qui s'est dit
12 à cette réunion ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Absolument pas.
14 M. Hayman (interprétation). - Et personne n’a relevé
15 l’information à votre attention ?
16 M. Akhavan (interprétation). - Non, j’avais eu quelques
17 informations que j’ai
18 obtenu de tierce personnes. Mais je n'étais absolument pas à même de faire
19 une description précise de ce qui a été dit
20 au cours de cette réunion. Je pense qu'il s'agissait en fait d'une réunion
21 qui portait sur les mêmes sujets que ceux que j’avais abordés moi-même.
22 Peut-être que d'autres problèmes ont été abordés au cours de cette réunion
23 qui avaient plus à voir avec la Mission d'observation de l'Union
24 européenne. Nous avons effectivement eu des discussions extrêmement
25 exhaustives avec les représentants de l’ECMM et avec les trois
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1 ambassadeurs avant de nous rendre à Ahmici. Nous les avons d'ailleurs un
2 peu choqués au cours de ces réunions. Ils étaient très intéressés par nos
3 conclusions. Ils pensaient que nous allions re-soulever ces questions au
4 cours de nos réunions. Je n'ai aucun moyen de le vérifier.
5 M. Hayman (interprétation). - C'était donc après votre réunion
6 avec le Colonel Blaskic ?
7 M. Akhavan (interprétation). - C’est exact.
8 M. Hayman (interprétation). - Ce qui vous dire qu’au cours de la
9 préparation de ce rapport et lorsque vous avez rassemblé les données, vous
10 avez interviewé des résidents de Kruscica ?
11 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas.
12 M. Hayman (interprétation). - De Gacice ?
13 M. Akhavan (interprétation). - C'est possible, mais une fois de
14 plus il est difficile de s'en souvenir. Le problème c'est qu'après ce que
15 nous avions fait à Ahmici, où nous avons essayé d'entrer en contact avec
16 la population locale, et puis bien sûr avec ce tireur isolé, nous avions
17 très peur de nous approcher des habitants d’Ahmici. Le faire, c’était nous
18 exposer à des risques extrêmes.
19 M. Hayman (interprétation). - Posons une question générale.
20 Outre les habitants d’Ahmici que vous aviez interviewés par la suite à
21 Zenica, êtes-vous allé dans d'autres endroits
22 et dans d'autres villages ? Avez-vous parlé avec d’autres habitants de ces
23 villages de la Lasva ?
24 M. Akhavan (interprétation). - Oui. Nous sous sommes
25 effectivement rendus à Miletici. Et cela, j’en ai déjà parlé.
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1 M. Hayman (interprétation). - Hormis Miletici ?
2 M. Akhavan (interprétation). - Oui, mais nous y sommes allés
3 notamment parce que nous voulions voir des personnes qui avaient peut-être
4 étaient les victimes de certaines exactions aux mains des forces
5 musulmanes. Il y avait un certain nombre de personnes déplacées qui
6 s'étaient réunies autour de la base de la FORPRONU. Donc nous avons
7 rencontré un groupe assez important de personnes qui avaient été chassées
8 de leur village qui avait été ou brûlé ou détruit. Bien sûr, il aurait été
9 inutile pour nous de nous rendre dans ces villages même puisque personne
10 ne s’y trouvait. Mais nous nous sommes rendus au village qui avai souffert
11 de dommages assez importants. Peut-être que nous nous sommes rendus à
12 celui dont je vous ai parlé. Après toutes ces années, je ne me rappelle
13 pas précisément. Cependant, je me rappelle qu’il y avait ce groupe de
14 personnes déplacées qui venaient se mettre sous la protection de la
15 FORPRONU et qui attendaient que le Haut-Commissariat aux réfugiés leur
16 permette de se réinstaller quelque part. Ces personnes provenaient d’un
17 village qui avait fait l’objet d’une attaque récente.
18 M. Hayman (interprétation). - Vous pensez qu'il s'agit du village de
19 Gacice ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas. Mais il me semble
21 qu’il y avait une équipe de télévision et donc un cameraman qui a filmé leur
22 arrivée. L'un des hommes avait reçu une balle dans le bras. Un de ses voisins lui
23 avait tiré dessus. Il me semble que la FORPRONU lui avait donné les premiers
24 soins. Il y a eu une sorte de couverture médiatique de ce village, je ne me
25 souviens plus précisément de ce nom, il y avait des centaines de villages dans
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1 lesquelles nous nous sommes rendus dans cette zone de la Bosnie centrale. C’est
2 très difficile de se rappeler précisément.
3 M. Hayman (interprétation). - Est-ce tout ce dont vous vous souvenez sur
4 cette question
5 pour le moment ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Pour le moment, oui.
7 M. Akhavan (interprétation). - Etes-vous allé à Stari-Vitez le
8 4 mai 1993 ? Parlez-nous des renforcements, des fortifications, de l’armée
9 de Bosnie-Herzégovine que vous avez constatés là-bas ?
10 M. Akhavan (interprétation). - Nous n'avons pas vraiment vu des
11 fortifications au sens propre, mais d’une façon générale il y avait des
12 barrages routiers. Des personnes étaient placées sur les toits des maisons
13 avec des armes. Je ne me rappelle pas avoir vu quoi que ce soit : un
14 véhicule blindé ou des véhicules spécialisés. Il s'agissait surtout
15 d’hommes armés, placés en certains endroits. Les routes principales, les
16 routes clés étaient barrées, parfois simplement avec des carcasses de
17 voitures incendiées. Il s'agissait de bloquer la route. Pour ce qui était
18 des armes, il y avait des fusils de chasse, des fusils, des revolvers.
19 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous dire combien
20 d’hommes armés vous avez vu ce jour là à Stari-Vitez ?
21 M. Akhavan (interprétation). - C'est difficile de donner une
22 idée générale pour ce qui est de Stari Vitez. Nous nous trouvions en deux
23 endroits. En ces deux endroits nous étions à la frontière des territoires
24 contrôlés par les Croates. A chacun de ces deux emplacements, je dirais
25 qu’il n'y avait pas plus de dix personnes portant des armes.
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1 M. Hayman (interprétation). - Alors que vous prépariez votre
2 rapport, avez-vous eu l'occasion d'interroger les officiers, les soldats,
3 de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
4 M. Akhavan (interprétation). - En fait, oui. Nous avons eu
5 l'occasion de nous entretenir avec certains officiers et avec des soldats.
6 Un soldat qui se trouvait-là dans son propre village, avec sa propre
7 famille. Nous sommes allés dans des hameaux isolés, certains villages dont
8 je ne me rappelle plus le nom, dans lesquels certains soldats musulmans
9 nous ont fait part de leur interprétation des événements dans la région.
10 Je me rappelle m’être rendu dans une
11 région qui avait été soumise à certains bombardements. Je ne me souviens
12 plus très bien où cela se trouvait, peut-être à 2 ou 3 kilomètres de
13 Vitez.
14 Nous avons également parlé avec un commandant de l'armée de
15 Bosnie, commandant d'un certain grade. Il s'est rendu à la base de la
16 Forpronu, mais également au, il me semble, bureau de l'ECMM qui jouxtait
17 la base de la Forpronu afin d'essayer d'établir des communications avec un
18 homologue du HVO, négociations portant sur des échanges de prisonniers,
19 sur des cessez-le-feu. C'est en ces occasions-là que nous avons eu des
20 entretiens avec des commandants de l’armée de Bosnie-Herzégovine.
21 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous discuté avec les
22 effectifs de l'armée de Bosnie-Herzégovine, de leur présence, où ils
23 avaient des brigades, des unités, des quartiers généraux ?
24 M. Akhavan (interprétation). - Je crois que ce point a été
25 soulevé. La plupart des informations qui nous parvenaient, venaient de la
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1 Forpronu sur ce point. Nous avons demandé à la Forpronu quelles étaient
2 les positions de l'armée bosnienne, c'était, je crois, la source
3 d'information la plus fiable. Nous nous sommes aperçus que nos
4 informations provenaient soit du HVO, soit de l'armée bosnienne. Il
5 fallait les prendre avec des pincettes parce que ce n'était pas absolument
6 crédible.
7 Ils nous ont effectivement dit qu'ils se sentaient trahis par
8 ces attaques parce qu'ils étaient vraiment en position de faiblesse dans
9 cette région. Il n'y avait pas de présence militaire à proprement parler.
10 Ils étaient déployés en d'autres endroits sur la ligne de front avec les
11 Serbes. Ce qui s'est passé, s'est passé Ahmici et à Vitez. En fait, comme
12 ils l'ont dit eux-mêmes, c'était une cible des plus faciles pour les
13 Croates de Bosnie. C'était une façon vraiment facile de se saisir d'un
14 territoire sans avoir à prendre des risques importants.
15 Pour ce qui s'est passé après cette date-là, il est devenu très
16 clair que l'armée bosnienne avait commencé à avancer dans la région. Ils
17 avaient eu à redéployer des forces
18 armées à partir d'autres régions où ils avaient été occupés à combattre
19 les forces armées des Serbes de Bosnie. Ils avaient dû se redéployer
20 contre le HVO afin de pouvoir repousser les Croates de Bosnie, afin
21 d'occuper certaines de ces régions. Mais c'était l'impression générale que
22 nous avons eue de la présence militaire dans la région.
23 M. Hayman (interprétation). - Ce qui veut dire que ce personnel
24 de l'armée bosnienne auquel vous avez parlé ne vous a pas donné davantage
25 de détails quant à leur position ?
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1 M. Akhavan (interprétation). - Pas plus de détails que cela,
2 mais nous ne leur demandions pas non plus de nous en fournir vraiment.
3 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion d'étudier
4 des documents de l'armée de Bosnie-Herzégovine lors de la préparation du
5 rapport ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Non.
7 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous examiné des documents du
8 HVO dans le cadre de cette préparation ?
9 M. Akhavan (interprétation). - Non, et personne ne m'avait
10 proposé de les consulter. J'avais demandé à Mario Cerkez si je pouvais
11 avoir des rapports relatifs à la situation qui prévalait à partir du
12 16 avril. Il m'a fait comprendre que peut-être il me les donnerait ou
13 peut-être pas. En fait, au bout du compte, rien ne me permettait de penser
14 que ces documents allaient m'être communiqués. Il y a eu des demandes
15 formulées auprès de M. Cerkez pour recevoir ces documents, mais en fin de
16 compte nous n'avons rien reçu.
17 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous demandé au
18 Colonel Blaskic des documents qu'il ne vous aurait pas procurés dans le
19 cadre de votre entretien ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne l'ai pas demandé au
21 Colonel Blaskic. Je n'ai pas demandé de documents précis. Comme je l'ai
22 déjà dit, à ce moment-là nous avions accumulé tant et tant d'éléments de
23 preuve, tant d'éléments d'informations, qu'en fait cet
24 entretien avec le Colonel Blaskic me permettait simplement de l'entendre
25 me dire quelle était son interprétation de ce qui s'était passé et nous
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1 expliquer pourquoi et comment nous aurions pu nous tromper dans nos
2 conclusions.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous dites que les Croates de
4 Bosnie n'ont pas fait preuve de coopération, mais vous n'incluez pas le
5 Colonel Blaskic dans la mesure où il vous a accordé un entretien de deux
6 heures. Et vous dites qu’il ne vous aurait pas refusé quoi que ce soit.
7 M. Akhavan (interprétation). - Oui, il y avait une coopération à
8 un certain niveau. Il était tout à fait gentil de la part de M. BLaskic de
9 nous recevoir, et je dirais la même chose pour M. Kordic. Mais en vérité,
10 c'était le minimum auquel on pouvait s'attendre vu les circonstances. Au
11 vu de notre expérience à Ahmici et dans d'autres endroits, il était
12 évident que les Croates de Bosnie n'étaient pas tellement satisfaits de
13 nous voir fouiner à droite et à gauche, pour essayer de collecter certains
14 éléments d'informations ou de preuves concernant ce qui s'était passé.
15 Pour moi, il s'agissait-là de la coopération minimale à laquelle on
16 pouvait s'attendre au vu des circonstances.
17 M. Hayman (interprétation). - Vous n'avez pas demandé d'autre
18 coopération de la part de l'accusé ?
19 M. Akhavan (interprétation). - Si, pour ce qui est de l'enquête
20 et des sanctions qui pouvaient être prises. J'ai dit précisément qu'il lui
21 incombait de mener à bien une enquête et également de faire en sorte que
22 ses subordonnés, qui s'était livrés à ces crimes, soient livrés à la
23 justice. J'ai demandé qu'on nous tienne au courant de ce type de mesures.
24 Par la suite, j'ai eu d'autres échanges avec les autorités de le Herceg-
25 Bosna relatifs à ces mêmes questions.
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1 M. Hayman (interprétation). - S’agit-il d'enquête ou de
2 sanction ?
3 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
4 M. Hayman (interprétation). - Qu'avez-vous fait ? Avez-vous fait
5 quoi que ce soit
6 concernant les événements qui se sont déroulés dans la vallée de Lasva,
7 par rapport à ce qui s'est passé à Mostar ou dans d'autres endroits ? Et
8 avec qui vous êtes-vous entretenu sur la question de savoir "s’il s'était
9 fait quelque chose pour la vallée de la rivière Lasva" ?
10 M. Akhavan (interprétation). - Non, par la suite, je n'ai pas
11 poursuivi les recherches que je faisais sur Mostar. Je me suis concentré
12 sur ce qui se passait en Slavonie orientale et en Krajina.
13 Il faudrait que je vous renvoie à ceux de mes collègues qui sont
14 restés sur place et qui ont mené à bien ces missions ultérieures. Au cours
15 de ces entretiens, de ces réunions quotidiennes que nous tenions au
16 quartier général à Zagreb, je me rappelle très bien qu'ils s'étaient
17 penchés sur la question et avaient veillé à ce que ce point ne soit pas
18 abandonné en cours de route.
19 M. Hayman (interprétation). - Le rapport a été publié. Vous avez
20 dit que des critiques étaient émises par des personnalités d'Herceg-Bosna
21 notamment. Pourriez-vous nous dire, d'abord, si le Colonel Blaskic a reçu
22 une copie du rapport ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Je n'en ai pas connaissance, non.
24 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si lui a critiqué ce
25 rapport ?
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1 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne sais pas.
2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé de cette fosse
3 commune où 150 personnes avaient été enterrés à Vitez, n’est-ce pas ?
4 M. Akhavan (interprétation). - Je n'ai pas dit que c'était à
5 Stari-Vitez, mais à Vitez. J'ai dit que 101 personnes avaient été
6 enterrées. Mais, je ne sais pas exactement où se trouve cette fosse
7 commune.
8 M. Hayman (interprétation). - Elle se trouve peut-être à
9 Stari Vitez, mais vous n'êtes pas sûr ?
10 M. Akhavan (interprétation). - Peut-être, oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Saviez-vous que ces corps
12 provenaient surtout d’Ahmici, mais aussi d'autres lieux dans la
13 municipalité de Vitez ?
14 M. Akhavan (interprétation). - Pardon... M'a-t-on dit quelque
15 chose de particulier ?
16 M. Hayman (interprétation). - Oui, vous a-t-on dit que les corps
17 des Musulmans venaient surtout d’Ahmici et, dans une moindre mesure,
18 d’autres endroits de la municipalité de Vitez ?
19 M. Akhavan (interprétation). - On ne m'a pas dit cela. Je sais
20 qu'un certain nombre de corps avait été amené d’Ahmici à Zenica, parce
21 qu'il y avait une morgue à Zenica où les survivants pouvaient essayer
22 d'identifier les corps. Pour ce qui est de l'endroit dont provenaient les
23 personnes qui avaient été tuées, mon impression est que la plupart
24 provenait de Vitez-même. Mais, il est évident que certains d'entre eux
25 pouvaient provenir de villages environnants, c’est certain.
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1 M. Hayman (interprétation). - Votre impression était donc que
2 près de quatre-vingt quinze Musulmans avaient été tués, au cours du
3 conflit du 16 avril, dans les proches abords de Vitez, de Stari Vitez ?
4 M. Akhavan (interprétation). - Il semblait bien que cela était
5 le cas.
6 (La défense se consulte sur le siège.)
7 M. Hayman (interprétation). - M. Beck, du régiment britannique,
8 le BritBat, vous a parlé de personnes qui se trouvaient dans deux voitures
9 et qui ont commencé à ouvrir le feu. Cette personne a-t-elle dit qui était
10 le dirigeant, le chef de cette unité à laquelle appartenaient ces
11 personnes ?
12 M. Akhavan (interprétation). - En aucun cas.
13 M. Hayman (interprétation). - Et comment a-t-il décrit cette
14 unité ou ces personnes ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Il s'agissait d'un groupe de
16 jeunes hommes, de jeunes soldats de Vitez. Ils n'ont pas été décrits comme
17 constituant une unité paramilitaire. Il s'agissait de soldats du HVO
18 apparemment, d'après ce qu'il m'avait dit. Mais, ils étaient bien connus
19 pour mener à bien de drôles de combines.
20 M. Hayman (interprétation). - C'est ce que M. Beck vous a dit ?
21 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Et lui, il travaillait au garage,
23 n'est-ce pas ?
24 M. Akhavan (interprétation). - Je suis sûr qu'il a quitté la
25 base au cours de ces événements. Je ne crois pas que qui que soit soit
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1 resté ainsi assis dans un garage pendant tout cela. Certainement pas lui,
2 en tout cas. Sa mission était de surveiller le garage, il n'était pas
3 technicien, il n'était pas en train de remplacer des phares, c'était
4 vraiment un officier.
5 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je
6 demanderai le versement au dossier du transparent qui est superposé à la
7 pièce 50. Je pense qu'il s'agirait de la D/72 ?
8 M. le Président. - Monsieur Dubuisson ?
9 M. Dubuisson. - Oui. Il s’agit bien de la pièce D/72.
10 M. le Président. - Bien. Donc le transparent de la défense
11 portera la marque D/72.
12 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur Akhavan. J’en ai
13 terminé, Monsieur le Président, du contre-interrogatoire.
14 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Maître Kehoe, avez-vous
15 des compléments dans le cadre du contre-interrogatoire ?
16 M. Kehoe (interprétation). - Quelques questions, simplement,
17 Monsieur le Président. Bon après-midi, Monsieur Akhavan.
18 M. Akhavan (interprétation). - Bonjour.
19 M. Kehoe (interprétation). - Au moment de la publication de ce
20 rapport, ou, tout du moins, au moment où vous quittez, le 7 mai 1993, la
21 vallée de la rivière Lasva, aviez-vous un
22 décompte précis des personnes mortes ou portées disparues ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Absolument pas. Ce que nous
24 avions, ce n’était qu’un décompte très approximatif.
25 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous poser quelques
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1 questions, qui ont été posées au cours du contre-interrogatoire.
2 Lorsque la question vous a été posée par Me Hayman à propos des
3 déclarations faites sur les lieux en date du 23 juin 1995, que vous avez
4 vues samedi dernier, vous avez dit qu'il y avait quelque chose qui n'était
5 pas tout à fait exact, mais il n’y a pas eu de suivi. De quoi parliez-
6 vous ?
7 M. Akhavan (interprétation). - Je crois que, page 4, une phrase
8 déforme un peu ce qui s'est vraiment passé. Là où il est dit : « Je ne
9 crois pas que Blaskic ait été... »...
10 M. le Président. - Je ne vous ai pas entendu, excusez-moi,
11 pouvez-vous répéter ?
12 M. Hayman (interprétation). - La question dépasse le champ du
13 contre-interrogatoire. Elle s’aventure dans un autre domaine, une autre
14 partie de la déclaration, qui n’a pas fait l’objet de question du contre-
15 interrogatoire.
16 M. le Président. - Maître Kehoe, pouvez-vous aller jusqu'au bout
17 de votre question, avant que l’on sache si vous avez l’autorisation de la
18 poser ? Je voudrais la comprendre avant de savoir quelle suite il convient
19 de lui donner.
20 M. Kehoe (interprétation). - Volontiers, Monsieur le Président.
21 En réponse à une question posée lors du contre-interrogatoire, le témoin a
22 déclaré, alors qu'on lui posait la question relative à cette déclaration
23 du 23 juin 1995, qu'il y avait quelque chose d'inexact dans cette
24 déclaration. Il s'est proposé d'expliquer en quoi résidait cette
25 inexactitude, pour autant qu’on lui en donne l’occasion. A ce moment-là,
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1 Me Hayman est passé à une autre question. Je me contentais de relever ce
2 que le témoin avait dit : « Pourriez-vous dire aux Juges... », et de
3 demander ce qui était inexact dans sa déclaration, c’est tout ce que je
4 demande.
5 M. le Président. - Que Me Hayman ne soit pas allé jusqu’au bout
6 de sa question, ce n’est pas la peine d'ouvrir ce que j'appellerai la
7 boîte de Pandore. La question n’a pas été posée. Peut-être Me Hayman
8 l’avait-il oublié cette question, je n’en sais rien. Me Hayman n’oublie
9 jamais rien, mais on ne sait jamais. Ce n’est pas la peine de poursuivre.
10 Passez à une autre question, Me Kehoe.
11 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je poser cette question au
12 témoin, à savoir ce qui est inexact dans le document ?
13 M. le Président. - Non, ce n’est pas la peine, puisque la
14 question n’est pas allé jusqu’au bout. Pourquoi voulez-vous créer un
15 incident sur une objection de Me Hayman, alors que ce dernier a laissé
16 tomber sa question en cours de route ? Nous sortons donc du contre-
17 interrogatoire. Ce n'est pas nécessaire.
18 M. Kehoe (interprétation). - Je m'incline, Monsieur le
19 Président. Excusez-moi.
20 Des questions vous ont été posées à propos du rapport.
21 Permettez-moi, Monsieur Akhavan, de m'intéresser tout particulièrement, en
22 la version anglaise il s'agit de la page 4, paragraphe 14, de ce rapport,
23 où vous avez fait remarquer que le commandant croate local du HVO avait
24 déclaré qu'il n'y avait pas de véritable cible militaire à Ahmici.
25 En réponse à la question posée par le conseil de la défense,
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1 vous avez dit que c'était Blaskic qui l'avait dit et non pas Cerkez. Est-
2 ce bien exact ?
3 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
4 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez également dit, toujours
5 parlant du commandant local, que c'était la référence qui était nécessaire
6 pour ce rapport.
7 M. Akhavan (interprétation). – Absolument.
8 M. Kehoe (interprétation). - Paragraphe 14, je retire cette
9 question.
10 Au paragraphe 12, avez-vous vous fait état de dirigeants du HDS
11 local, dirigeants de l'Union démocratique croate ?
12 M. Akhavan (interprétation). – Absolument.
13 M. Kehoe (interprétation). - Au milieu du paragraphe 12 ?
14 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
15 M. Kehoe (interprétation). – Notons une figure de proue de
16 l’Union démocratique croate qui avait suggéré, sans justification
17 apparente, qu'il y avait une attaque massive imminente de la part des
18 forces du gouvernement.
19 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
20 M. Kehoe (interprétation). - Qui est cette personne imminente ?
21 M. Akhavan (interprétation). – Il s’agit de Mario Kordic.
22 M. Kehoe (interprétation). – Vous avez dit d’entrée de jeu que
23 Mario Kordic était le vice-président de la communauté de Herceg-Bosna et
24 du HVO.
25 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
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1 M. Kehoe (interprétation). – Je n’ai plus de question à poser,
2 Monsieur le Président. Je vous remercie.
3 M. le Président. – Merci. Monsieur le Juge Riad ?
4 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Monsieur Akhavan.
5 M. Akhavan (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Juge.
6 M. Riad (interprétation). - J'aimerais simplement éclaircir un
7 certain nombre de choses que vous nous avez dites pour me permettre de
8 mieux comprendre.
9 Vous avez essayé de reconstituer l'attaque qui avait été lancée
10 contre Ahmici. J'ai remarqué, pendant que vous nous décriviez comment vous
11 aviez procédé, vous avez déclaré qu'il y avait des tirs de mortier sur la
12 partie nord du village, et que devant chaque maison il y avait des
13 douilles qui avaient été abondamment utilisées. Il y avait également des
14 obus, des canons antiaériens, des pilonnages, etc. Puis, vous avez ajouté
15 que les opérations menées ici ou ailleurs exigeaient une préparation
16 intensive. Cela suppose-t-il que seules des forces organisées
17 auraient pu lancer ce type d'attaque ou bien, au contraire, que des
18 groupes d'amateurs auraient-ils pu lancer ce type d'attaque ?
19 M. Akhavan (interprétation). - Plusieurs facteurs nous ont porté
20 à croire qu'il s'agissait d'une opération organisée. Il y avait d'abord
21 l'utilisation de mortier, de grenades, d'artillerie demi-lourde, ce qui
22 semble indiquer que ce n'était pas seulement quelques petites bandes
23 d'individus munis de fusils ordinaires. Quant aux quantités de munitions
24 utilisées, elles étaient assez impressionnantes. Etant donné la logistique
25 que représente le village et les avis d'experts dont nous disposions en la
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1 personne des membres du bataillon britannique, ceux-ci estimaient qu'il
2 aurait fallu à peu près 100 soldats pour un tel engagement d'une telle
3 envergure. L'envergure des destructions aussi et leur type nous ont fait
4 penser que, si c'était simplement des truands ivres qui s'étaient attaqués
5 au village, ils n'auraient pas pu infliger autant de dégâts, de dommages,
6 ils n'auraient pas pu tuer autant de personnes et incendier de façon aussi
7 systématique toutes les maisons musulmanes du village.
8 Aussi, étant donné la séquence des événements, des pilonnages
9 dans la partie nord du village, de ce champ du massacre ou quelques
10 20 personnes avaient été prises en embuscade, tout ceci semble indiquer
11 qu'il y avait un certain degré de coordination.
12 M. Riad (interprétation). - Toutes ces régions et ces
13 emplacements étaient-ils sous le contrôle Croate ?
14 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact. Le HVO était
15 clairement la force dominatrice dans la région.
16 M. Riad (interprétation). - Je vois. Au cours de votre entretien
17 avec le Colonel Blaskic, il vous a dit qu'il était responsable de cette
18 région ?
19 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
20 M. Riad (interprétation). – Bien. M. Kordic a absolument nié le
21 fait que des soldats croates auraient pu commettre ce type d’actes ?
22 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
23 M. Riad (interprétation). – Il vous a dit que c'étaient peut-
24 être des Serbes ou que c’étaient des Musulmans qui avaient commis ces
25 actes pour que les Musulmans paraissent être des victimes.
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1 M. Akhavan (interprétation). - C'est M. Kordic qui a suggéré
2 cette explication.
3 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait 50 ou
4 60 survivants capables d'identifier ceux qui avaient perpétré ces actes.
5 Ont-ils identifié un Musulman parmi ces personnes ou bien un Serbe ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Je ne pense pas que ce fut le
7 cas. Ils nous ont dit que c'étaient tous des Croates venant d'Ahmici et
8 des villages environnants.
9 M. Riad (interprétation). - Vous avez également déclaré, si je
10 ne me trompe pas, que l'un des soldats vous a dit qu'il avait pu voir,
11 grâce à ses jumelles, l’exécution de certaines personnes qui était en
12 train de se dérouler. Vous avez été capable de corroborer que cela était
13 possible, qu'il était possible par des jumelles d'observer ce type d'acte,
14 d'observer l'exécution ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Je ne disposais pas de jumelles à
16 ce moment-là. Mais même en l'absence de jumelles, il était possible de
17 voir le village qui était peut-être à 500 mètres de distance. Il était
18 possible de voir les maisons, les rues, de voir des gens, des personnes
19 même dans le village. Je n'ai pas vérifié à l'aide de jumelles pour voir
20 ce qui était visible. Je suppose qu'il était possible de le voir.
21 M. Riad (interprétation). - Vous a-t-il dit également s'il avait
22 vu qui procédait à cette exécution ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Il ne me l’a pas dit. Il m'a
24 simplement dit qu'il était en mesure de les reconnaître comme étant des
25 soldats du coin. Il ne pouvait pas donner leur identité précise.
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1 M. Riad (interprétation). - Il pouvait voir qu’il s’agissait de
2 soldats ?
3 M. Akhavan (interprétation). - Tout à fait.
4 M. Riad (interprétation). - Vous avez également dit que sur
5 200 maisons d’Ahmici, seules 20 maisons étaient restées intactes.
6 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
7 M. Riad (interprétation). - S’agissait-il par hasard de maisons
8 croates ou bien d’autre type de maisons ?
9 M. Akhavan (interprétation). - Apparemment c'était le cas.
10 C'étaient des Croates d'Ahmici-même, les foyers, les maisons des Croates
11 d’Ahmici qui étaient restées intactes.
12 M. Riad (interprétation). - Dans une autre déclaration vous avez
13 précisé que toute forme de vie avait été éliminée, notamment le bétail ?
14 M. Akhavan (interprétation). - C'est vrai.
15 M. Riad (interprétation). – Ce qui signifie qu’aucune
16 discrimination n’était exercée. On tuait absolument tout.
17 M. Akhavan (interprétation). - Je crois que c'étaient les
18 Musulmans et leurs biens qui étaient la cible des attaques dans le
19 village. Il y avait encore plusieurs familles croates qui vivaient dans le
20 village. D'après tout ce que nous avons pu voir, ces personnes vaquaient à
21 leurs occupations quotidiennes comme ils l’auraient fait d’autres jours.
22 Le linge séchait dehors, les gens vaquaient à leurs occupations. Je ne me
23 souviens pas s'il restait du bétail dans le village. Ce qui nous a un peu
24 interpellé c'est de savoir pourquoi ont-ils tué le bétail plutôt que de le
25 voler, pour leur propre compte. Il y avait peu d'animaux en vie qui
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1 subsistaient dans le village, à ce moment-là. Il restait quelques chiens
2 sans maître, quelques chevaux et quelques vaches. Il y avait beaucoup de
3 carcasses d'animaux, de par le village.
4 M. Riad (interprétation). - Pour autant que vous en ayez
5 connaissance, des Musulmans se seraient-ils révoltés et cette révolte
6 aurait-elle été la cause de cette réaction militaire, de cette opération
7 militaire ?
8 M. Akhavan (interprétation). - Il y avait manifestement des
9 tensions dans la région, qui dataient de plusieurs mois. Je crois qu'il y
10 avait eu des tensions à cause du plan Vance-Owen, à cause de la façon dont
11 les frontières ethniques avaient été délimitées.
12 Quelques jours plutôt, je pense que Mate Boban s’était trouvé à
13 Travnik, qu'on avait tenté de hisser le drapeau de la communauté croate de
14 Herceg-Bosna pour affirmer la place qu'ils auraient à Travnik, qu'il y
15 avait eu des tirs et qu'il y avait énormément de tensions entre les
16 Musulmans et les Croates de Bosnie, quant à savoir qui devait gouverner
17 dans la région. Cette tension a conduit à des débordements, sous forme
18 d'actes de violence. Des cas où, quelquefois, les membres de diverses
19 factions étaient pris en otage. Je ne pense pas que les habitants d’Ahmici
20 eux-mêmes étaient sur le point de se révolter ou de s’armer d'une
21 quelconque façon, pour se préparer à une opération militaire.
22 M. Riad (interprétation). - Il y avait beaucoup de civils ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Oui. D’après ce que nous avons pu
24 constater, c'était surtout des civils. Il y avait une petite poignée,
25 littéralement trois ou quatre personnes, qui n'étaient pas des civils.
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1 Nous n’avons pas d’informations absolument parfaites, mais il n'y avait
2 pas de présence militaire extérieure, du côté des Bosniens, à Ahmici. La
3 seule présence militaire qu'il pouvait y avoir, c’était des soldats qui
4 étaient en permission, et dont je vous ai parlé : un soldat qui se trouve
5 chez lui avec sa famille, a peut-être son fusil avec lui ou bien c'était
6 peut-être des gens de la région qui, comme le faisaient beaucoup de
7 personnes, avaient un fusil de chasse parce qu’ils allaient chasser.
8 C'était à peu près tout ce qu'il y avait sous forme militaire. Bien sûr,
9 même si le village a été détruit, s'il y a eu plusieurs civils tués, il se
10 peut que plusieurs personnes se soient cachées. Elles auraient pu essayer
11 de résister, cette résistance aurait pu durer plusieurs heures. Mais nous
12 parlons ici de la destruction effective du village et de ces tueries. Je
13 crois que tout ceci a pu se faire en une demi-journée. C'était possible de
14 le faire avec une centaine de personnes.
15 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.
16 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge Riad. Je me tourne
17 vers le Juge Shahabuddeen.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Akhavan, quelques
19 questions simplement. Là aussi, je cherche à obtenir quelques
20 éclaircissements sur ce que vous avez dit. Vous avez parlé d’Ahmici, et
21 vous nous avez dit qu'il y avait environ 200 maisons, sur lesquelles
22 180 ont été détruites, alors que 15 ou 20 d'entre elles sont restées
23 intactes. Etes-vous à même d'aider le Tribunal, à savoir savez-vous qui
24 étaient les propriétaires de ces 15 ou 20 maisons restées intactes ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Ces éléments d'informations sont
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1 surtout venus du bataillon britannique, parce que nous n'étions pas à même
2 d'obtenir des confirmations personnelles de nos observations. Nous avons
3 essayé de nous approcher des résidents, mais il y a eu ces tirs embusqués,
4 ce qui a rendu l'opération pratiquement impossible. Certains m’ont dit
5 qu’il y avait certaines distinctions sur le plan de l’architecture, entre
6 les maisons des Musulmans et celles des Croates.
7 Cela me semble assez artificiel, car il y avait beaucoup de
8 personnes qui vivaient, il y avait des échanges de propriété, des
9 transactions commerciales ou des personnes déplacées qui occupaient les
10 maisons d'autres personnes. Il y avait beaucoup de mélanges. C'était
11 vraiment la seule information que nous ayons, qui nous venait du bataillon
12 britannique, et c'était aussi la conclusion logique que nous avions tirée,
13 aux vues des récits des survivants, tous Musulmans, qui auraient pu partir
14 sans être tués, mais il ne restait plus personne.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous vu qui que ce soit
16 aux alentours des maisons qui avaient été détruites, avez-vous vu des
17 personnes qui étaient à l'intérieur ou aux alentours de ces maisons ?
18 M. Akhavan (interprétation). - Nous avons vu notamment, comme je
19 l’ai déjà dit,
20 une vieille dame avec ses deux petits-fils, nous avons vu plusieurs
21 maisons où le linge séchait sur le fil, dehors, d'autres qui étaient tout
22 à fait intactes, sans trace de balles. Lorsque nous sommes venus avec les
23 ambassadeurs de la communauté européenne, nous avons vu un homme, pas très
24 vieux, mais qui déambulait dans le village. Il y avait donc des gens.
25 M. Shahabuddeen (interprétation). - A présent, dites-moi un
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1 petit peu, ce qu'il en était des douilles des canons antiaériens. Vous
2 n'êtes pas un expert en affaire militaire. Comment avez-vous pu
3 reconnaître qu’il s’agissait de ce type de douilles ? Des douilles de
4 canons antiaériens?
5 M. Akhavan (interprétation). - C'est ce qu'on apprend en route.
6 Je me suis, bien sûr, fié aux connaissances de mes experts du bataillon
7 britannique. De façon générale, une arme antiaérienne a une douille
8 beaucoup plus grosse qu'une balle qui vient d'un fusil. Je dirai que cette
9 douille d'arme antiaérienne serait deux ou trois fois plus longue. Je
10 parle de ces douilles en laiton, qui ont une couleur de laiton ou de
11 cuivre, qui demeure après le coup de feu. Il n’est pas difficile du tout
12 de faire cette distinction.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ces douilles se trouvaient-
14 elles à proximité des maisons ? A quelle distance des maisons se
15 trouvaient-elles ? Où les avez-vous trouvées ?
16 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens plus si ces
17 douilles se trouvaient à proximité des maisons, ou plutôt sur un segment
18 de la route. Je suppose qu'un canon antiaérien n'est pas tellement mobile,
19 pas aussi mobile qu’un fusil ou qu'une mitrailleuse. Il se peut qu'ils
20 l'aient positionné, et qu'ils armaient le canon de façon aléatoire en
21 ciblant tout le village. Ces douilles, que nous avons vues autour des
22 maisons, venaient surtout de fusils ou de mitrailleuses. C’était des
23 douilles beaucoup plus petites que les antiaériennes.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). – Je vous prie de m’excuser.
25 J'ai posé cette question parce que mon impression est celle d'une personne
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1 qui n'est pas un expert. Je me trompe peut-être, mais je pensais qu'un
2 canon antiaérien n’était destiné qu’à tirer de très loin.
3 M. Akhavan (interprétation). - Effectivement, vous avez raison.
4 Un canon antiaérien n'est pas censé intervenir dans de telles opérations.
5 J’ai passé plusieurs mois en Bosnie-Herzégovine. J'ai vu, à de maintes
6 reprises, des armes qui étaient utilisées de façon inapropriée, ou dans
7 des conditions inapropriées. En Krajina, nous avons vu des canons
8 antiaériens utilisés dans des attaques contre des villages.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Dites-moi encore une chose,
10 je crois que c'est le 1er mai que l'on vous a emmené dans un de ces
11 véhicules, que vous êtes apparu devant les gens, et que vous dites avoir
12 vu des hommes en uniformes, en train de piller ?
13 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous pourriez
15 dire au Tribunal quel était le type exact d'uniformes que portaient ces
16 hommes ?
17 M. Akhavan (interprétation). - J'étais à une certaine distance.
18 Il n'était donc pas possible de voir quels étaient leurs écussons. Si je
19 me souviens bien, ils avaient l'uniforme, la tenue de combat, de
20 camouflage, typique des militaires, un uniforme brun kaki. Je ne pourrais
21 pas vous dire exactement ce qu’ils portaient comme écusson.
22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le même jour, si je ne
23 m’abuse, à moins que ce ne soit la veille de ce jour, vous avez vu des
24 maisons en feu, n’est-ce pas ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous vu des flammes ou
2 simplement des matériaux en combustion ?
3 M. Akhavan (interprétation). - J'ai vu des flammes qui sortaient
4 des maisons.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Puisque vous avez vu des
6 flammes, pourriez-vous nous donner votre estimation personnelle du nombre
7 de jours précédents où le feu a été mis ?
8 M. Akhavan (interprétation). - Mon impression est celle des
9 soldats du Cheshire.
10 En fait, le feu avait été mis peut-être une demi-heure plus tôt.
11 On voyait que c'était un feu qui venait de débuter. La fumée n'avait pas
12 encore noirci les façades blanches, à l'extérieur. Il y avait encore
13 beaucoup de choses qui pouvaient brûler dans la maison. Les flammes
14 étaient encore très vigoureuses.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous dites donc aux Juges
16 que les destructions ont continué après le 16 avril, c’est cela ?
17 M. Akhavan (interprétation). - C’est certain, oui.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Bien. Passons maintenant à
19 votre conversation de deux heures avec le Colonel Blaskic. Vous lui avez
20 dit que, à votre avis, il était de sa responsabilité d'enquêter et de
21 punir, n’est-ce pas?
22 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
23 M. Shahabuddeen (interprétation). - A-t-il rejeté ou accepté ce
24 que vous lui disiez quant au fait qu'il en allait de sa responsabilité de
25 poursuivre et de punir ?
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1 M. Akhavan (interprétation). - Il n'a ni rejeté, ni accepté ce
2 que je lui proposais. Mais il a dit que ce n'était pas ses soldats qui
3 avaient commis ces crimes. Ce n'est que mon sentiment personnel, mais
4 implicitement il entendait qu'il n'était pas responsable puisque ce
5 n’était pas ses soldats qui avaient commis ces exactions. Mais il n'a
6 jamais dit s'il allait enquêter ou non. Il n'a pas fait de remarque, tout
7 simplement, du moins pour autant que je m'en souvienne.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je n'ai peut-être pas été
9 tout à fait clair. Je n'avais pas l'intention de vous demander s'il avait
10 dit avoir ou non l'intention d'enquêter.
11 Ma question portait plutôt sur le point suivant : a-t-il accepté
12 ou rejeté l'idée que vous exposiez et selon laquelle il en allait de sa
13 responsabilité d'enquêter au sujet de ce qui était arrivé ?
14 M. Akhavan (interprétation). - Pour autant que je m'en
15 souvienne, ni l'un ni l'autre.
16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je crois me rappeler que
17 vous avez dit aux Juges que la position de M. Blaskic a consisté à dire
18 qu’Ahmici entrait dans sa zone de responsabilité militaire. Est-ce exact ?
19 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
20 M. Shahabuddeen (interprétation). - En avez-vous déduit qu'il
21 était au courant de ce qui s'était passé à Ahmici ?
22 M. Akhavan (interprétation). - Etant donné la proximité qu'il y
23 avait entre Ahmici et son quartier général (seule une distance de deux
24 kilomètres les séparait), et étant donné les destructions massives
25 imposées à Vitez, j’aurais été incrédule de croire que, en tant que
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1 commandant, il n'était pas informé de ce qui se passait à deux kilomètres
2 de l'endroit où il se trouvait. J'avais également l'impression qu'il
3 devait avoir tout du moins l'idée qu'il y avait des hostilités. Il n'a pas
4 nié tout cela, mais il a nié savoir qu'un nombre important de civils a été
5 victime de ces actes. J'ai commencé à l'informer, en détails, de ce que
6 nous avions découvert.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - A-t-il dit si, oui ou non,
8 il s'était rendu à Ahmici, depuis les événements du 16 avril ?
9 M. Akhavan (interprétation). - Pour autant que je m'en
10 souvienne, je crois qu'il a dit n'avoir pas visité Ahmici.
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - A-t-il dit s'il avait
12 l'intention de se rendre à Ahmici ?
13 M. Akhavan (interprétation). - Je ne me souviens pas qu'il ait
14 fait des commentaires dans ce sens.
15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lui avez-vous demandé s'il
16 avait l'intention de se rendre à Ahmici ?
17 M. Akhavan (interprétation). - Non, je ne pense pas avoir posé
18 une question dans ce sens. Je crois avoir suggéré, peut-être de façon
19 rhétorique, qu'il serait intéressant pour lui
20 qu'il se rende sur place, pour voir ce qu’il s'était passé à Ahmici. Mais,
21 de façon plus précise, je ne crois pas qu'il soit exact de dire que je lui
22 ai demandé de faire quelque chose. Mais je l’ai informé du fait qu’il
23 était obligé de mener une enquête. Quant à savoir si cela impliquait qu'il
24 allait se rendre sur place lui-même, c'est quelque chose qui, à mon avis,
25 n'était pas de mon ressort.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Bien. Consacrons quelques
2 instants au HOS. Vous avez déclaré avoir vu des éléments du HOS dans le
3 hall d’entrée de l’hôtel Vitez ?
4 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact. Par la suite, j’ai
5 appris que, même si certains les appelaient toujours HOS du fait de
6 l'uniforme noir, c'était sans doute des Vitezovis plutôt que des HOS. Je
7 pense que ce dernier était une formation paramilitaire en Croatie, qui
8 avait participé aux hostilités contre les Serbes de la Krajine. Les
9 Vitezovis, pour autant que je sache, avaient un certain lien avec le HOS,
10 mais ils n’étaient pas identiques. Mais je n'en suis pas tout à fait sûr.
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'avais l'impression que,
12 d’après ce que vous avez dit, il avait indiqué qu'il existait quelques
13 tensions entre lui-même et le HOS. Est-ce une manière fidèle de rendre les
14 choses ?
15 M. Akhavan (interprétation). - Tout à fait.
16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous n'avez pas compris ces
17 mots comme voulant dire qu'il n'avait plus le contrôle des opérations
18 militaires susceptibles d'être menées par le HOS dans la région sous son
19 commandement ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Non. Lorsque j'ai quitté cette
21 réunion, j'avais l’impression -et cela a été renforcé plusieurs fois par
22 le Colonel Blaskic- que c'était lui, le commandant militaire et que
23 c'était lui qui prenait les décisions.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous vu le vice-
25 président Kordic ?
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1 M. Akhavan (interprétation). – C’est exact.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et vous lui avez parlé de 15
3 à 20 minutes.
4 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Portait-il un uniforme ?
6 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quel uniforme portait-il ?
8 M. Akhavan (interprétation). – Pensez-vous à l'écusson, au
9 badge, qu’il avait au bras ? Je me souviens pas de celui-là. Je me
10 souviens qu'il portait la tenue typique de camouflage, la tenue de combat.
11 Je ne sais pas si c'était un uniforme plutôt HVO ou quelque chose qu'il
12 aimait, pour l'élégance.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Dans ce cas, je ne
14 poursuivrai pas cette question. Je voudrais maintenant passer à ce que je
15 crois vous avoir entendu dire, à savoir que les événements d'Ahmici ont
16 donné lieu à pas mal d'intérêts publics. Cela a-t-il été le cas ?
17 M. Akhavan (interprétation). - Tout à fait.
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Des rapports ont-ils circulé
19 dans les médias, la télévision a-t-elle évoqué les événements d'Ahmici ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Elle en a beaucoup parlé.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - A ce moment-là, si je me
22 rappelle bien le contenu de votre déposition, le Tribunal Pénal
23 International n'existait pas et ne pouvait donc pas traiter des événements
24 survenus dans la région ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Tout à fait.
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1 M. Shahabuddeen (interprétation). – Trouvait-on, dans les
2 médias, des appels favorables à la création d'un tel Tribunal ?
3 M. Akhavan (interprétation). - Oui. Il y avait déjà eu plusieurs
4 exhortations. Des missions ont été faites au préalable. Personnellement,
5 j'avais participé à une mission de la CSCE qui suggérait l’établissement
6 d’un tel Tribunal. D'autres étaient favorables à l'idée.
7 M. Shahabuddeen (interprétation). - En fait, l'idée qu'il
8 convenait de créer un tel tribunal est venue du rapport intérimaire de la
9 Commission d'experts déposé le 9 février 1993 ?
10 M. Akhavan (interprétation). - C'était bien le 9 février 1993.
11 Précédemment, Tadeusz Mazowiecki avait fait une recommandation dans ce
12 sens également.
13 M. Shahabuddeen (interprétation). - La résolution du Conseil de
14 Sécurité, en date du 22 février, a enfin promulgué la décision de créer un
15 Tribunal Pénal International en question.
16 M. Akhavan (interprétation). - Tout à fait.
17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ce Tribunal a ensuite été
18 créé le 25 mai de la même année. Est-ce bien dans ce cadre que votre
19 visite a eu lieu, lors de la première semaine de 1993 ?
20 M. Akhavan (interprétation). - Pas du tout, Monsieur le Juge. Le
21 mandat du rapporteur extraordinaire était très clair. Il fallait montrer
22 la responsabilité de l'Etat, l'absence d'un Etat qui fonctionne
23 normalement, pour examiner la responsabilité des parties belligérantes en
24 matière d’atrocités commises. Mais jamais, à aucune partie de notre
25 rapport, que ce soit contre les Croates, les Serbes ou les Musulmans de
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1 Bosnie, nous n'avons mentionné les noms, même les plus notoires, comme
2 ceux de Mladic ou de Karadzic. Nous avions une formulation neutre. Nous
3 parlions de personnes en situation d'autorité, de dirigeants, parce qu'il
4 n'incombait pas à notre rapporteur de s'engager dans ces questions.
5 M. Shahabuddeen (interprétation). – Oui, je sais, je vous ai
6 engagé sur une fausse piste. Je n'avais pas l'intention de vous interroger
7 au sujet de l'objet de votre mandat. Ce que je souhaitais vous demander,
8 c'était : quel était le cadre général dans lequel s'est inscrite votre
9 visite dans la région cette première semaine de mai, alors qu'il était
10 question de créer un Tribunal Pénal International chargé de traiter les
11 violations du droit international humanitaire dans la région ?
12 M. Akhavan (interprétation). - C'est exact. Je n'ai peut-être
13 pas tout à fait saisi votre question.
14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci. Vous dites qu'une
15 proposition à cette fin avait été souscrite dans l'intérêt public, et
16 avait été présentée par les médias, y compris à la télévision.
17 M. Akhavan (interprétation). - C'est vrai, mais elle avait dû
18 faire face à beaucoup de scepticisme, à l'époque.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Comment ?
20 M. Akhavan (interprétation). – Oui, du scepticisme. Je ne sais
21 pas dans quelle mesure la possibilité, même écrite, d’avoir un tel
22 Tribunal, pour ne pas parler de son fonctionnement, était très tangible à
23 l'époque, si on souhaitait son établissement.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci beaucoup.
25 M. Akhavan (interprétation). – C’est moi qui vous remercie.
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1 M. le Président. - Je voudrais compléter ma propre information.
2 Vous avez parlé, à propos du village, du hameau de Miletici, de la
3 présence de Mujahedin. Comme vous l'avez relié à un problème de
4 représailles, je voudrais savoir si, à votre avis, ces Mujahedin
5 existaient avant l'attaque, ou s'ils étaient venus, en quelque sorte, pour
6 répondre aux menaces ?
7 M. Akhavan (interprétation). - Avant l’attaque d'Ahmici,
8 Monsieur le Président ?
9 M. le Président. - Je ne pensais pas forcément à Ahmici, mais
10 pourquoi pas. Vous avez parlé des mujahedin à propos du hameau de
11 Miletici. C'est pour cela. Vous avez parlé de mujahedin recrutés par, je
12 vous cite : « La population locale, et qui étaient une sorte de
13 mercenaires, qui devaient répliquer aux tortures ou aux atrocités commises
14 par la partie adverse ». Ces mujahedin sont-ils un élément isolé de votre
15 observation, ou avez-vous eu l'impression que ce territoire avait vu
16 arriver des semaines avant, en prévision d'une attaque ces mujahedin ? Ou
17 sont-ils arrivés après les premières attaques ou les premières menaces ?
18 Voilà
19 ma question.
20 M. Akhavan (interprétation). - Ceux que l'on appelait des
21 mujahedin, Monsieur le Président, étaient assez mystérieux. Personne ne
22 savait exactement quel était leur rapport avec l'ancienne armée bosniaque.
23 Certains laissaient entendre qu'ils faisaient partie de ce que l'on
24 appelait la 7ème brigade, d'autres parlaient d'armes incontrôlables que
25 personne ne contrôlait. En tout cas, il était souvent question aussi de
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1 mercenaires étrangers ou de volontaires.
2 Maintenant, vous m'avez demandé si ces actes d'Ahmici,Vitez et
3 ailleurs pouvaient être compris comme des actes de réponse à une menace,
4 ou s'il s'agissait d'actes que l'on pouvait comprendre comme des actes de
5 violence et de brutalité tout à fait spontanés, ce qui malheureusement
6 arrivait souvent dans cette période de guerre, où certains saisissaient
7 l’occasion qui passait.
8 Mais, des personnes âgées, des Croates âgés de la région qui
9 avaient rapport avec le jeune homme décapité, nous ont dit que l’un des
10 hommes qui était venu dans le village accompagné d’hommes à l'aspect
11 physique étranger et qui avaient un accent étranger, vivait en bas de la
12 rue. Ils avaient l'air de laisser entendre que cet homme était peut-être
13 un délinquant, un gangster qui avait d'ailleurs des allures d’homme
14 d'affaires un peu véreux.
15 On nous a dit qu'il était arrivé d'un ou deux kilomètres de
16 Miletici et qu'il avait pu amener avec lui quelques mercenaires. Puis, on
17 nous a aussi parlé d'officiers de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui
18 vivaient dans le hameau, ou juste à l'entrée du hameau, et qui étaient
19 normalement là pour les protéger. Or, dans les circonstances, ils n'ont
20 pas réagi à l'attaque, peut-être parce qu'ils étaient en collusion avec
21 l'attaquant et peut-être par crainte. Nous ne le savons pas.
22 M. le Président. - Merci. Quand on vous a tiré dessus le premier
23 jour ou le 5 mai, quand vous avez fait une de vos premières inspections et
24 vous avez essuyé un tir nourri, c’est bien cela ?
25 M. Akhavan (interprétation). - Pardon, je n'ai pas entendu.
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1 M. le Président. - Vous parlez donc français ?
2 Au tout début de votre mission, vous avez essuyé un tir nourri.
3 On vous a tiré dessus, vous en souvenez-vous ? Par la suite, quand vous
4 avez rencontré l'accusé, lui avez-vous parlé quand même de ce tir que vous
5 avez essuyé, qui, semble-t-il, était très dangereux ? En avez-vous parlé
6 et quelle était la réponse ?
7 M. Akhavan (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai dit à
8 l'accusé que nous avions essuyé des coups de feu et que nous étions très
9 sourcilleux quant à toute tentative de nous entraver dans notre enquête.
10 J'ai souligné que nous portions des brassards, des casques, des vestes
11 tout à fait reconnaissables, qui était celles des Nations Unies et qu'il
12 était impossible de nous confondre avec qui que ce soit. Pour autant que
13 je sache, l'accusé n'a proposé aucune explication quant à l'identité de
14 ceux qui auraient pu commettre ces crimes.
15 Mais, j’ai moi-même avancé l'hypothèse selon laquelle il était
16 impossible que ce soit d'autres personnes que des responsables du HVO qui
17 contrôlaient la région.
18 M. le Président. - Peut-être que cela recoupe des questions
19 posées par mes collègues, vous me pardonnerez si c'est le cas. A la
20 lumière des entretiens que vous avez eus notamment avec l'accusé et la
21 présence de Dario Kordic ou d’Anto Valenta, avez-vous une idée de la
22 hiérarchie, et d'une part, de la hiérarchie entre ces hommes -je ne vous
23 parle pas de ce que vous savez depuis, vous savez beaucoup de choses sur
24 cette hiérarchie- j'essaie de me mettre à votre place au moment de ces
25 entretiens. Vous avez un entretien avec l’accusé, puis vous voyez
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1 M. Valenta passer, vous rencontrez M. Kordic, arrivez-vous à vous faire
2 une idée de la hiérarchie de commandement, d’une part ? D’autre part,
3 arrivez-vous à discerner ce qui est de l’ordre du politique et ce qui est
4 de l'ordre du militaire ? Le militaire qui était là faisait-il du
5 politique ? Les politiques ne faisaient-ils que du politique ? Pouvez-vous
6 me répondre à ces deux questions ?
7 M. Akhavan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
8 J'avais une idée générale. En effet, au cours des deux premiers jours de
9 ma visite de la région, j’ai pu me former une idée quant à l’identité de
10 ceux qui dirigeaient les choses. Il y avait bien sûr les commandants de la
11 Forpronu, les représentants du HCR ou d'autres organisations, qui devaient
12 négocier des cessez-le-feu ou la liberté de passage pour des convois
13 humanitaires, l'autorisation de sortie pour des personnes déplacées et
14 leur transfert en toute sécurité jusqu'à Zenica par exemple, où on les
15 retrouvait dans des centres de regroupement.
16 J'ajouterais aussi qu'il était un peu difficile, dans le
17 contexte du conflit armé qui sévissait en Bosnie-Herzégovine en général et
18 dans le cas plus particulier de la Herceg-Bosna, de tracer une ligne de
19 démarcation très nette entre le commandement militaire et l’autorité
20 politique. Les deux aspects semblaient nourrir un rapport très intriqué
21 l'un avec l'autre. On m'a dit que Dario Kordic était en fait le détenteur
22 du pouvoir le plus important de la vallée de la Lasva, ne venant en second
23 qu'après Mate Boban.
24 M. le Président. - Je voudrais savoir qui, au cours de cette
25 réunion, avait, selon vous, une prééminence dans le dialogue : M. Valenta
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1 rentre, donne-t-il des ordres ou est-ce au contraire l'accusé qui semble
2 quand même avoir une part proéminente ? C’est cette impression que
3 j’aimerais avoir. Pour le reste, je sais que vous savez ou si vous avez
4 une idée ou une opinion, ce que vous avez ressenti à ce moment-là.
5 M. Akhavan (interprétation). - Mon impression subjective -je
6 crois que c'est sur cette impression que vous m'interrogez,
7 Monsieur le Président- a été que Dario Kordic était l'idéologue, le
8 cerveau. C'était un homme très évolué, je dirais même un peu pervers si
9 vous me permettez l'expression, dans les explications qu'il fournissait et
10 dans ce dont il essayait de me persuader.
11 Quant à Dario Kordic, mon impression à son sujet était tout à
12 fait différente. J'ai eu l’impression qu'il était à un niveau en dessous,
13 pas dans le sens qu'il aurait voulu…
14 M. le Président. - Il y a peut-être une confusion. Je pense que
15 vous avez d’abord parlé de l’idéologue, enfin, le pervers se sont vos
16 mots, c’était Dario Kordic, est-ce cela ?
17 M. Akhavan (interprétation). - Oui, tout à fait.
18 (L’interprète s’excuse.)
19 M. le Président. – Maintenant, on est d'accord. Il s'agit de
20 Blaskic ?
21 M. Akhavan (interprétation). - Oui.
22 M. le Président. - Allez-y.
23 M. Akhavan (interprétation). - Mon impression a été que le
24 Colonel Blaskic était peut-être, à un niveau en dessous, concernant le
25 cerveau politique, mais qu'il était davantage un exécutant militaire, si
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1 je puis dire. Je n'ai pas eu l’impression, cela étant, que le
2 Colonel Blaskic n'agissait que dans le domaine militaire. Il était
3 manifestement également doté de certains pouvoirs d'intervention au HDZ.
4 La Herzcg-Bosna était, nous devons le dire, un parti unique. Et le parti
5 unique contrôlait tout ce qui était militaire dans la région.
6 L'impression que j'ai donc acquise est qu'ils coopéraient très
7 étroitement l'un avec l'autre, dans ce qui était bien entendu une région
8 géographiquement très limitée et où vivait une communauté incestueuse,
9 dirais-je, de dirigeants politiques et militaires, qui ne cessaient de
10 discuter des questions en suspend les uns avec les autres. Il n'y avait
11 pas de distinction ,dans le sens que Kordic détiendrait la totalité de la
12 théorie de ce que devait être la communauté d’Herceg-Bosna sur le plan
13 politique et que Blaskic serait celui qui mettrait en oeuvre en tant que
14 militaire.
15 Or, c'est bien ce qu'il était, un militaire, un soldat chargé de
16 mettre en oeuvre la politique conçue par Dario Kordic et suivie par Boban
17 à Mostar. Voilà, c’est en tout cas, l’impression que j'avais, Monsieur le
18 Président.
19 M. le Président. - Merci. Je voudrais vous parler en ce moment
20 du rapport, pas le vôtre, mais le deuxième rapport périodique, la
21 pièce 184 en version française. Ce n'est pas vous
22 qui l'avez rédigé, mais vous avez dit que de grands morceaux de vos
23 observations sont repris. Est-ce que, sans en être l'auteur directement,
24 paragraphe 43 vous pouvez nous expliquer la première phrase, que je lis en
25 français bien sûr : "Le plan de paix en vertu duquel la Bosnie-Herzégovine
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1 serait divisée selon des frontières ethniques a été utilisé pour créer des
2 zones ethniquement homogènes".
3 Dans l'esprit du rédacteur que vous auriez pu, en partie,
4 inspirer, peut-être, faites-vous un lien entre les événements qui se sont
5 déroulés dans la zone d'Ahmici et puis ce plan de paix : plan alibi ou
6 bien au contraire plan qu'on anticipe, etc. Pouvez-vous nous donner
7 quelques explications brèves à ce sujet ?
8 M. Akhavan (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
9 J'ajouterai pour commencer, que la partie des conclusions de ce rapport,
10 mais également, de tous les autres rapports, est le lieu à propos duquel
11 M. Mazowiecki a le plus à dire. Bien entendu, il n'était pas présent. Il
12 n’a pas pu participer aux enquêtes sur le terrain. Pour cela, il nous a
13 fait confiance. Son rôle à lui a consisté à émettre des recommandations et
14 à tirer des conclusions. Il convient de se rappeler que ce rapport a été
15 publié à un moment où le débat politique était intense, quant à la sagesse
16 de la partition ethnique en Bosnie-Herzégovine. M. Mazowiecki était l'un
17 des principaux critiques de cette politique, ce qui ne signifie pas que
18 nous n’étions pas d’accord avec les observations qu’il formule dans son
19 rapport. En tout cas, nous ne sommes pas les auteurs de ce paragraphe
20 particulier. L'impression que nous avons acquise sur le terrain, c'est que
21 les parties qui tentaient de résoudre la question de la partition ethnique
22 de la Bosnie sur le terrain, pendant que des négociations politiques se
23 menaient à Genève et ailleurs, dans ce contexte, toutes ces parties
24 tentaient de produire la meilleure configuration ethnique possible, de
25 manière à ce qu'elle l'emporte à l'issue des discussions.
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1 Malheureusement, cela a fait partie d'un conflit armé qui a eu
2 les résultats que l'on sait. J’ai parlé du canton 10 du plan Vance-Owen
3 qui a finalement été supprimé, parce qu'une
4 autre forme de partition a été adoptée. Cette idée de ce canton 10 a créé
5 des tentions extraordinaires entre les Musulmans et les Croates qui
6 désormais se battaient les uns contre les autres pour la prise du pouvoir.
7 Ils avaient le sentiment qu'il leurs fallait, exécuter à l'avance le
8 plan Vance-Owen pour acquérir la domination. J'ai parlé de cet incident à
9 Travnik où un drapeau croate a été élevé, ce qui a suscité des
10 conséquences assez graves. Y avait-il une corrélation très nette entre
11 l’aspect territorial du plan et l’attaque d’Ahmici ? Je n'en suis pas
12 complètement sûr. Mais nous en sommes parvenus à la conclusion que,
13 c'était tout de même un moyen qui était considéré comme une pré-
14 application de la partition. Nous avons parlé à des sources très diverses
15 dans la région qui nous ont dit que déclarations politiques avaient été
16 faites pratiquement à la veille du 16 avril. Dans un cas, il s'agissait
17 même d'un ultimatum qui avait été lancé le 15 avril aux forces
18 musulmanes : leur intimant l'ordre de se démanteler et parlant de la
19 réalisation de cet objectif du canton 10, à défaut de quoi il y aurait des
20 représailles ou toutes autres sortes d'opposition.
21 M. le Président. - J'ai une dernière question à vous poser.
22 Lorsque vous avez rencontré le Général Blaskic, est-ce qu’après lui avoir
23 fait les observations sur lesquelles, il n'y a pas lieu de revenir,
24 notamment sur sa responsabilité de commandant local du HVO par rapport aux
25 atrocités d’Ahmici, questions qui ont été posées par mes collègues, je
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1 voudrais vous demander, si à un moment donné de l'entretien, il vous a dit
2 qu'il avait pris des ordres, des commandements, qu'il avait pris des
3 décisions, des ordres de commandement, des ordres d'état-major, rappelant
4 ses troupes, ses forces, les forces du HVO, au respect des lois et
5 coutumes de guerre, au respect des conventions de Genève, au respect des
6 populations protégées ? Est-ce qu’il vous a dit : "Oui. J'entends bien ce
7 que vous dites. Non, je ne suis pas responsable. Non, je ne suis pas au
8 courant." Aurait-il ajouté : "De toute façon, je dis toujours dans mes
9 ordres militaires qu'il faut respecter un certain nombre de prescriptions
10 du droit international humanitaire " ? Ou n'en a-t-il pas du tout parlé ?
11 Voilà ma question.
12 M. Akhavan (interprétation). - Je ne crois pas que la moindre
13 déclaration précise ait été faite. J'aimerais, si vous me le permettez,
14 partager encore une fois avec vous mon interprétation un peu subjective de
15 ce qui s'est passé lors de cette réunion. Je crois que les déclarations
16 émanant de M. Blaskic démontraient un certain bien-être, mais en même
17 temps un certain mal-être.
18 J'ai répété quelques questions plusieurs fois et chaque fois le
19 Colonel Blaskic a répondu avec les mêmes mots disant qu'il ne répondrait
20 pas vraiment à ma question. Je ne pense pas qu'il ait essayé de me défier
21 de quelque façon que ce soit en disant : "Nous n'allons pas coopérer". Il
22 n’a pas indiqué non plus qu’il n’allait rien entreprendre ou qu’il
23 n’assumait aucune responsabilité. Simplement, à la question de savoir qui
24 était responsable, quelle action il convenait d'entreprendre, de quelle
25 façon il convenait de parler aux soldats pour les empêcher de reproduire
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1 une telle action ou une enquête, il ne l'a pas décidé.
2 M. le Président. – Je comprends. Vous nous l’avez précisé. Je
3 voulais savoir si, par exemple, il aurait pu vous dire : "Mais, d'ailleurs
4 je suis un soldat, je suis un chef de guerre qui me préoccupe des
5 conventions de Genève" en disant : "Voici un ordre du jour à mes troupes
6 dans lequel je dis qu'il faut toujours prendre garde, que les soldats qui
7 manqueraient aux conventions ou au respect des violations des lois de la
8 guerre, j’ai pris tel ordre de commandement, tel jour, je m’en
9 préoccupe. ». Il aurait pu vous dire : "Je ne sais pas toujours ce qui se
10 passe dans ma zone, mais je m’en préoccupe, je donne des ordres pour
11 cela". Vous n’avez pas eu cela ?
12 M. Akhavan (interprétation). - Non, rien d'aussi précis que cela
13 ne m'a été dit.
14 M. le Président. - Je n'ai plus de question. Je me tourne vers
15 mes collègues. Monsieur le Juge Riad a encore des questions à vous poser.
16 Allez-y, Monsieur le Juge Riad.
17 M. Riad (interprétation). -Monsieur Akhavan, lors de votre
18 dernière tentative de synthèse de ce qui s'était passé, vous avez déclaré
19 que le plan Vance-Owen poussait les
20 différentes parties impliquées à mettre en place une certaine partition,
21 de matérialiser la partition ethnique. Pourriez-vous être plus précis sur
22 ce point ? Qu'entendez-vous par configuration ethnique ?
23 M. Akhavan (interprétation). - Le plan Vance-Owen se basait sur
24 l’idée des cantons sur des bases ethniques. L'idée était que la Bosnie-
25 Herzégovine serait découpée en un certain nombre de cantons et dans chaque
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1 canton un groupe ethnique serait majoritaire. Bien évidemment en théorie,
2 l'idée était que ceux qui n'appartenaient pas aux groupes ethniques
3 majoritaires existeraient en tant que minorité jouissant de droits pleins
4 et entiers. Bien évidemment, par rapport à ce qui a été fait sur le
5 terrain, c’était différent. En tant qu’élément d’une minorité, votre
6 chance d’être persécuté était importante, très importante. Rien ne vous
7 laissait présager que vous alliez pouvoir mener une vie tranquille.
8 Dans nombre de cas, la question de savoir quel était le groupe
9 ethnique dominant n'était pas une question démographique. En fait, il
10 s’agissait de savoir combien de personnes avaient été nettoyées
11 ethniquement d’une certaine région et combien de personnes qui vivaient
12 ailleurs avaient été réinstallées en cet endroit précis. On essayait de
13 jouer sur les plans démographiques pour essayer de modifier l'issue des
14 négociations Vance-Owen. Puis, bien sûr les Serbes de Bosnie avaient
15 obtenu des acquis très importants et d’une certaine façon, le plan Vance-
16 Owen ratifiait ces acquis puisqu’il reconnaissait ce qui s’était passé
17 comme un fait accompli. Dans ce cas, on pensait que peut-être les autres
18 parties impliquées allaient essayer d’en faire de même pour obtenir les
19 mêmes résultats.
20 L'impression générale était que le commandement croate de Bosnie
21 en Herzégovine cherchait à s'assurer qu'il allait être majoritaire en
22 nombre dans des endroits tels que Travnik ou Mostar. Il essayait de
23 s'assurer du fait qu'il n'y aurait pas de poche de résistance musulmane
24 potentielle. Si jamais les Musulmans, au fil du temps, allaient commencer
25 à opposer une résistance à la domination Croate.
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1 Dans une certaine mesure, l'idée que s'il y avait une
2 modification démographique, les possibilités d’obtenir un changement du
3 plan Vance-Owen en faveur des Musulmans serait bien moindres. Voilà
4 quelles étaient les activités et les objectifs politiques à ce moment-là.
5 M. Riad (interprétation). - Mais dans ce cas précis était-ce un
6 nettoyage complet qui se jouait ?
7 M. Akhavan (interprétation). - Apparemment, c'était bien l'idée
8 que les Musulmans allaient se rendre sans condition à la domination du HOS
9 ou du HVO ou autres forces dans la région, ou qu'il y aurait des
10 représailles. Je ne sais pas exactement quelle aurait été l'issue de tout
11 cela si l'ensemble de la population musulmane avait accepté d'être
12 désarmée et de se rendre, de donner Travnik et Zenica aux Croates. Je ne
13 sais pas du tout ce qui aurait pu se passer à ce moment-là, c’est pure
14 spéculation. Mais il y avait vraiment une volonté, en Bosnie-Herzégovine,
15 parmi certaines personnes, d’essayer de recourir au nettoyage ethnique qui
16 était vu comme le moyen d'atteindre leurs fins politiques qui, à long
17 terme, étaient de rejeter l’existence multi-ethnique et les droits de
18 l’homme.
19 M. le Président. - Nous vous remercions de toutes les précisions
20 que vous avez pu nous donner sur la mission qui vous a été confiée avant
21 que vous ne serviez au Tribunal pénal au Bureau du Procureur.
22 A présent, nous allons faire une pause de 25 minutes. Nous
23 reprendrons donc à 16 h 45. L’audience est suspendue.
24 L’audience, suspendue à 16 h 25, est reprise à16 h 55 .
25 M. le Président. - L'audience est reprise. Faites entrer
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1 l'accusé.
2 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience.)
3 (Le témoin également.)
4 M. le Président. - Madame Paterson ?
5 Mme Paterson (interprétation). - Monsieur le Président, nous
6 demandons respectueusement l'autorisation de ne citer à la barre le témoin
7 qui doit comparaître maintenant, qu’à partir de demain matin.
8 Ce témoin a attendu dans la salle des témoins toute la journée.
9 Elle va devoir fournir un témoignage très difficile. Donc, si le Tribunal
10 acceptait le fait qu’il soit préférable que le témoin fasse toute sa
11 déposition en une seule fois, nous proposons de suspendre la séance,
12 maintenant, pour la soirée, car nous sommes pratiquement au bout de la
13 journée d'aujourd'hui.
14 M. le Président. - Vous n'avez donc pas d’autre témoin.
15 Puisque nous parlons d'organisation, pouvons-nous couper le son,
16 s’il vous plaît, Monsieur Dubuisson ?
17 M. Dubuisson. - Oui, Monsieur le Président.
18 Nous passons à huis clos partiel.
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25 L’audience à huis clos partiel.
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25 L’audience est levée à 17 heures 10.