Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 17 décembre 1997

4 L'audience est ouverte à 9 heures 35.

5 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Faites entrer

6 l'accusé.

7 (L'accusé est introduit dans la salle d’audience).

8 M. le Président. - Pendant que les photographes terminent, sous

9 mon autorisation, d'opérer, est-ce que tout le monde m'entend bien ?

10 L’interprète. – Bonjour, monsieur le Président.

11 M. le Président. – Bonjour. Merci d'être venue plus tôt.

12 Le Bureau du Procureur m’entend-il ? La défense m'entend-elle ?

13 Général Blaskic, vous m'entendez ? Nous pouvons donc commencer.

14 Maître Kehoe, nous avons un témoin, ce matin. C'est cela ?

15 M. Kehoe (interprétation). - C'est exact, Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Vous le prenez pour combien de temps et qui

17 est ce témoin ? Quel est le sommaire ? Quel est le soutien à l'acte

18 d'accusation que vous avez prévu ? Vous pouvez nous expliquer cela

19 sommairement, mais précisément et complètement. Merci. Allez-y ?

20 M. Kehoe (interprétation). – Oui, M. le Président.

21 Bonjour, monsieur le Président, bonjour messieurs les Juges.

22 Le seul témoin que nous entendrons aujourd'hui est un certain

23 Michael Buffini. M. Buffini est aujourd'hui un civil, mais à l'époque qui

24 nous intéresse, en 1993, il était officier dans le corps des Marines de la

25 Reine. Il avait le rang de major alors qu'il opérait en Bosnie et

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1 avant cela il était capitaine dans les Marines Britanniques.

2 M. Buffini a d'abord été affecté au quartier général des forces

3 combinées de Split et il dira que, pendant la période qu'il a passé à

4 Split, il a vu des troupes du HV, c’est-à-dire des troupes de l’armée de

5 Croatie, entrer dans la région de Prozor. Il a également vu des troupes du

6 HV s'engager dans des combats, bien entendu, dans la région de Prozor et

7 les combats se situaient à cette époque entre l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine et le HVO, le HV assistant le HVO. Il parlera de sa

9 conversation avec un ex-membre des Marines de la Reine qui entraînait des

10 troupes du HV, affectées en Bosnie pour aider le HVO.

11 Comme vous le savez, monsieur le Président, messieurs les Juges,

12 ce témoignage porte sur la nature internationale du conflit qui entre dans

13 tous les chefs d’accusation de l’acte d’accusation. Même si ce témoignage

14 n'a pas un rapport précis avec les faits, il a un rapport avec la nature

15 internationale du conflit qui, elle-même, influe sur la totalité de l'acte

16 d'accusation.

17 Les autres faits dont discutera M. Buffini ont un rapport avec

18 la commission mixte de Busovaca qui a commencé à fonctionner le

19 6 mars 1993, à peu près, et a terminé ses travaux à la fin de mai 1993.

20 Il nous parlera des représentants au sein de cette commission,

21 de chacune des parties, notamment Franjo Nakic, Blaskic, le second

22 représentant du HVO, et Dzemal Merdan qui représentait l'armée de Bosnie-

23 Herzégovine au sein de cette commission. Il parlera des pouvoirs dont

24 Blaskic était investi en Bosnie Centrale. Il dira brièvement que les

25 soldats ne contredisaient pas ses ordres et pour que les choses soient

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1 faites, Blaskic émettait des ordres la plupart du temps par écrit.

2 Après l'accord de paix ou l'accord de cessez-le-feu signé le

3 21 avril 1993, M. Buffini et la commission mixte ont commencé à étudier

4 différentes plaintes relatives au cessez-le-feu. Ces plaintes alléguaient

5 que des hommes creusaient des tranchées pour le HVO. Elles alléguaient

6 également que des civils et des prisonniers de guerre étaient utilisés

7 pour creuser ces

8 tranchées et servaient de boucliers humains. Ces allégations

9 concerne Blaskic et Franjo Nakic, ainsi que le commandant de la brigade de

10 Vitez : Mario Cerkez. Ces allégations ont été portées à plusieurs reprises

11 par l’armée de Bosnie-Herzégovine, mais également par les représentants de

12 la Croix Rouge internationale dont M. Buffini parlera. Il dira que ces

13 représentants visitaient les prisonniers. Il nous parlera du fait que les

14 listes de prisonniers n’ont pas été transmises par le HVO, celui-ci étant

15 réticent à transmettre ces listes puisqu'il utilisait les prisonniers pour

16 creuser des tranchées. Les commandants locaux n'ont donc pas transmis ces

17 listes selon les dispositions décidées. Ensuite, M. Buffini évoquera

18 d'autres allégations. Nous les prendrons dans l'ordre. D'abord, le chef

19 n° 1 de l'acte d'accusation. Dans la dernière partie de sa déposition,

20 M. Buffini parlera de faits concernant directement les paragraphes 6.4 et

21 6.5 de l'acte d'accusation. Au point 6.5, monsieur le Président, messieurs

22 les Juges, vous constaterez, plus précisément, que les allégations

23 stipulées portent sur le fait que des civils bosniaques musulmans et les

24 prisonniers bosniaques musulmans ont été forcés de creuser les tranchées

25 et ont été utilisés en tant que boucliers humains. Ensuite, monsieur le

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1 Président, nous nous tournerons vers les paragraphes 15 à 20 qui portent

2 sur l'utilisation de musulmans bosniaques pour creuser des tranchées et

3 sur l’utilisation de ces musulmans bosniaques comme boucliers humains.

4 Excusez-moi, j'ai dit paragraphe 15 à 20, monsieur le Président,

5 je pensais au chef d’accusation, 15 à 20 page 12 de l’acte d’accusation en

6 anglais.

7 En bref, monsieur le Président, voilà quel sera le cadre de la

8 déposition de M. Buffini et ses rapports avec l'acte d'accusation. Je

9 pense, monsieur le Président que cette déposition sera très brève. Nous ne

10 reviendrons pas sur toutes sortes d’éléments qui ont déjà été évoqués dans

11 d’autres dépositions. Je pense donc que l'interrogatoire principal par

12 l’accusation pourrait s’achever en 20 ou 30 minutes.

13 M. le Président. - Maître Kehoe, je vous remercie au nom de mes

14 collègues de cet

15 exposé très complet qui nous donne une idée de ce que va être ce

16 témoignage que, maintenant, nous allons recevoir.

17 Monsieur le Greffier, pouvez-vous faire introduire le

18 Major Michael Buffini.

19 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience).

20 M. le Président. - M'entendez-vous ?

21 M. Buffini (interprétation). - Oui.

22 M. le Président. - Vous allez d'abord nous préciser votre

23 identité en restant debout pour l'instant.

24 M. Buffini (interprétation). - Je m'appelle

25 Michael Lesli Buffini.

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1 M. le Président. - Vous pouvez maintenant lire, en restant

2 debout toujours, la déclaration qui va vous être tendue par M. l'huissier.

3 M. Buffini (interprétation). - Je déclare solennellement que je

4 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 M. le Président. - Asseyez-vous. Major Buffini, vous avez

6 accepté de venir témoigner à la demande du Procureur dans le cadre du

7 procès, devant le Tribunal Pénal international, qui est intenté par le

8 Procureur contre le Général Blaskic, l'accusé étant présent ici.

9 Me Kehoe qui représente le Procureur nous a tracé les lignes

10 générales de votre déposition concernant ce que vous avez vu, notamment

11 lorsque vous étiez à Split d'une part ; ensuite, point central de votre

12 déposition, concernant tout ce que vous avez vu à la commission mixte de

13 Busovaca, d’autre part, et ensuite le traitement des plaintes et des

14 allégations consécutives aux manquements et aux cessez-le-feu.

15 Me Kehoe va vous poser un certain nombre de questions

16 préalables; ensuite, vous faites votre déposition. Me Kehoe aura peut-être

17 à compléter certains points qui sont au soutien de l’acte d’accusation.

18 Puis, bien entendu, la défense vous posera ensuite des questions et les

19 Juges pourront, à tout moment, mais généralement à la fin de la

20 déposition, vous poser des questions.

21 Maître Kehoe, c’est à vous.

22 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

23 Bonjour, Monsieur Buffini.

24 M. Buffini (interprétation) - Bonjour.

25 M. Kehoe (interprétation). - Avant que nous ne commencions, je

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1 vous rappellerai encore une fois de repenser à ce que nous nous sommes dit

2 précédemment, au sujet des personnes qui, dans les cabines, doivent

3 interpréter. Je vous prierai donc de ménager une pause entre les questions

4 et les réponses.

5 M. Buffini (interprétation) - Entendu.

6 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Buffini, pouvez-vous nous

7 dire quelques mots à votre sujet, ce que vous faites aujourd’hui, quelle a

8 été votre carrière militaire jusqu’à votre retraite ?

9 M. Buffini (interprétation) - Actuellement, je suis conseiller

10 en investissement, je travaille à Bruxelles. J'occupe cet emploi depuis un

11 peu plus de deux ans. Avant cela, j'ai passé un certain temps au sein des

12 corps des Marines de la Reine. J'ai rejoint les rangs des Marines en 1977,

13 en tant que Marine moi-même. J'ai reçu le grade d'officier alors que

14 j'étais encore en formation. J'ai passé un an en tant qu'officier en cours

15 de formation, puis j'ai été affecté à un corps de mortier, pour mon

16 affectation à un premier détachement.

17 Ensuite, j'ai travaillé pour les Nations Unies à Chypre et, par

18 la suite, j'ai travaillé en Irlande du Nord, avec une unité de commandos,

19 dans la région de l’Armagh sud. Par la suite, j'ai participé à des

20 opérations de recrutement pour la Marine royale, pour les Marines royales.

21 J’ai également occupé un certain nombre de postes

22 administratifs, du travail de bureaucratie, la plupart du temps. J'ai

23 aussi servi aux Malouines, et j'ai travaillé à Northwood,

24 dans le cadre du commandement de l'unité qui s'y trouvait. Je

25 m'occupais de la sécurité en matière nucléaire, notamment des bateaux qui

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1 transportaient du matériel nucléaire. C'est à ce moment-là que j'ai pris

2 ma retraite. Je suis parti, je suis allé à Hong-Kong, et, là-bas, je me

3 suis établi en tant que conseiller en investissement. J'y ai passé deux

4 ans.

5 On m'a ensuite demandé de rejoindre les rangs des Marines de la

6 Reine, et de reprendre le poste que j'occupais lorsque j'en étais parti.

7 Je suis donc revenu en tant que capitaine, j’ai passé quatre ans

8 supplémentaires au sein de cette formation. J'ai rejoint les Marines en

9 1991 et, à ce moment-là, on m'a demandé d'aller rejoindre le commandement

10 des forces britanniques en Croatie et de me déployer également en Bosnie.

11 J'ai travaillé six mois sur place, puis je suis allé passer un certain

12 temps au Ghana, où je formais des équipes de sécurité sur place.

13 Enfin, juste avant que je ne quitte les Marines, j'étais

14 officier de formation pour des troupes de quelques 3000 Marines. Je leur

15 donnais des informations quant aux postes qu'ils devaient occuper, quant à

16 leurs missions, et quant à leurs déplacements.

17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Buffini, vous avez pris

18 votre retraite pour des raisons de problème physique, n'est-ce pas ?

19 M. Buffini (interprétation) - Je n'ai pas démissionné, j'ai dû

20 partir parce que mes genoux me faisaient tellement souffrir que je ne

21 pouvais plus remplir mes missions de façon satisfaisante.

22 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Buffini, pourrions-nous

23 commencer à parler de la période pendant laquelle vous avez été envoyé en

24 ex-Yougoslavie. En utilisant votre langage personnel, pourriez-vous dire

25 aux Juges à quel moment vous vous êtes rendu en ex-Yougoslavie, et ce que

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1 vous y avez fait. Je crois que ce dont nous avons discuté se situe dans

2 deux domaines principaux, se subdivise en deux périodes principales :

3 celle que vous avez passé en Croatie, et celle où vous avez été affecté à

4 la commission mixte de Busovaca. Donc,

5 Monsieur Buffini, je vous demanderai de décrire pour les Juges

6 l'expérience que vous avez vécue en ces deux endroits.

7 M. Buffini (interprétation) - Je suis arrivé à Split le

8 15 janvier. A ce moment-là, mes missions étaient surtout des missions

9 d'observation pour les forces de commandement britanniques qui se

10 trouvaient dans les casernes de Divulje. Mon autre mission était en fait

11 ma mission prioritaire, c’était d’être officier de commandement des

12 officiers de liaisons britanniques, qui étaient constituées de neuf

13 équipes de deux membres chacune. Chacune disposait d’un véhicule, qu’on

14 appelle RB44, disposant d'un système de communication téléphonique

15 INMARSAT. On pouvait également faxer des documents à partir d’ordinateurs

16 portables qui se trouvaient dans ces véhicules. Nous disposions également

17 d'équipement de transmission assez élaboré.

18 L'idée était que ces officiers de liaison, les UNCLO en

19 abréviation britannique, puissent se déployer et rassembler diverses

20 informations qu'ils pourraient ensuite renvoyer à la base de Split. Moi,

21 je devais superviser ces équipes, m'assurer qu'ils menaient à bien leurs

22 missions de façon appropriée. Pendant les six premières semaines, ou peut-

23 être les huit premières semaines, j'ai donc été le superviseur principal.

24 Cela représentait une présence quotidienne de huit heures sur la base. Il

25 fallait que je supervise toutes les connexions radios et téléphoniques qui

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1 étaient établies. Nous avions également une liaison directe avec le

2 bataillon britannique basé à Vitez, un lien direct avec le Haut-

3 commissariat aux réfugiés qui se trouvait à Metkovic et en d’autres

4 endroits, et nous avions également des liens directs avec la commission

5 mixte du Busovaca, c'est-à-dire également, le quartier général de la

6 Forpronu à Kiseljak.

7 Il fallait que je prenne note de tous les événements qui se

8 produisaient au cours de ces huit heures de présence. Au vu de ce qui se

9 passait, soit je devais prendre certaines mesures actives, soit je devais

10 faire appel aux personnes responsables pour qu'elles prennent les mesures

11 qui étaient nécessaires dans telle ou telle situation.

12 Pendant cette période de surveillance, il fallait aussi que

13 j'aille sur le terrain, que je me déploie, que j’aille voir les équipes

14 qui se trouvaient à Metkovic et qui travaillaient avec le Haut-

15 commissariat aux réfugiés. Il y avait également une base à Fojnica où il y

16 avait le quartier général tactique, en fait, du commandement des forces

17 britanniques. Il y avait également des équipes à Tomislavgrad. Ces équipes

18 travaillaient avec l'élément de commandement national, le NCE en anglais.

19 L’idée de ces déplacements était que je me familiarise avec les missions

20 de ces personnes et leurs activités. Il fallait également que je m’assure

21 que ces missions soient efficaces et qu'elles ne représentent pas une

22 perte de temps.

23 A mon avis, c'était d'ailleurs l'impression que j'ai eue au bout

24 d'un certain temps, certaines de ces missions n'étaient pas très

25 efficaces. Donc, j'ai essayé de faire en sorte que ces missions deviennent

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1 plus opérationnelles, qu'on obtienne plus d'informations pertinentes.

2 Nous nous sommes donc déployés de Fojnica à Vitez, les troupes

3 travaillaient là-bas avec les membres du bataillon britannique. Tandis que

4 j'étais encore au sein de cette mission de surveillance, nous avons

5 également reçu une requête pour que les deux équipes rejoignent un groupe

6 de travail. En fait, je crois que c’était la commission mixte de Busovaca,

7 c’était au milieu du mois de février. Donc, j’ai envoyé deux équipes là-

8 bas pour qu'elles se mettent à travailler avec cette commission.

9 M. Kehoe (interprétation). - Nous parlons de 1993, n'est-ce

10 pas ?

11 M. Buffini (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). – Merci. Continuez.

13 M. Buffini (interprétation). - Tandis que j'étais dans cette

14 mission de surveillance, les choses se déroulaient ainsi. J'ai passé la

15 plupart de mon temps à Split assis derrière mon bureau à surveiller les

16 opérations. Mais j'ai également beaucoup voyagé sur l’ensemble du

17 territoire de la Bosnie. Je me suis déplacé à Vitez notamment, à Gornji

18 Vakuf, nous travaillions beaucoup là-bas. Et j'ai voyagé jusqu'à Kiseljak,

19 pour discuter du déploiement des officiers de

20 liaisons britanniques sur l'ensemble du territoire de

21 Bosnie Centrale.

22 Au début du mois de mars ou fin février, le commandant des

23 forces britanniques, le commandant de brigade Cummings, décida d'aller

24 travailler avec la commission de Busovaca, pour les aider et leur apporter

25 des éléments d’information en matière de transmission, afin qu'ils

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1 puissent établir des liens et des communications beaucoup plus efficaces,

2 parce qu'ils disposaient d'un matériel assez limité.

3 A partir du début du mois de mars, je me suis rendu à Busovaca,

4 et c’est là que j’ai passé la plupart de mon temps, puisque j’ai travaillé

5 avec cette commission mixte. J'ai passé les deux ou trois mois suivants

6 sur place, peut-être à part, à part deux semaines de permission. Je suis

7 resté dans la région.

8 Je crois que je vais d'abord revenir sur la mission de

9 surveillance qui me revenait. Il y a un certain nombre de missions qui me

10 reviennent en mémoire. Je me déplaçais donc beaucoup sur le terrain, sur

11 la route que nous appelions la route Triangle, à l'époque. Il fallait

12 identifier les troupes qui se trouvaient sur le terrain, les véhicules et

13 toutes les forces qui se déplaçaient sur la route Triangle en Bosnie

14 centrale. La cellule d'information du commandement des forces britanniques

15 nous avait demandé de rassembler des informations dès que nous nous

16 trouvions sur le terrain. On m'a demandé d'identifier à tout moment les

17 mouvements de troupes de soldats croates qui se déplaçaient en Bosnie

18 centrale.

19 En deux occasions, j'ai été le témoin de ces déplacements; et

20 puis en une autre occasion, en temps qu'officier de surveillance, j'ai été

21 témoin d'un incident relatif au déplacement de troupes croates qui se

22 déplaçaient, qui entraient et sortaient du territoire de Bosnie centrale :

23 le premier incident a eu lieu lorsque j'étais en équipe de surveillance,

24 vers une heure du matin, nous avons obtenu un rapport selon lequel un

25 véhicule transportant des soldats croates qui avaient eu un accident. Des

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1 grenades à main avaient explosé dans le bus. En fait, ces soldats étaient

2 en train de jouer avec ces grenades et les avaient allumées sans le faire

3 exprès, et donc

4 s'étaient blessés. Les ingénieurs de la Reine qui se trouvaient

5 sur cette route Triangle m’ont fait parvenir cette information, puisque

6 j'étais chargé de la surveillance à ce moment-là.

7 J'ai demandé un complément d'information, on m'a dit qu'il

8 s'agissait de troupes croates et qu'elles avaient demandé à ce qu'une

9 mission d'aide et d'évacuation leur soit apportée par hélicoptère. Ils

10 avaient demandé à ce que les blessés soient emmenés à Split, grâce à cet

11 hélicoptère. Donc qu’on les emmène à l'hôpital. J'ai refusé, je n'ai pas

12 donné l'autorisation, je n'ai pas autorisé à ce que l'hélicoptère soit

13 utilisé à ces fins. A ce moment-là, son utilisation devait être restreint

14 aux déplacements des troupes des Nations Unies et non pour venir en aide

15 aux parties belligérantes.

16 J'ai noté un certain nombre d'autres incidents, notamment alors

17 que je me rendais vers Prozor, que je traversais Prozor et que j’allais

18 également vers Gronji Vakuf et Vitez. En fait, je suivais un convoi

19 constitué à peu près de six bus. Il s'agit manifestement de véhicules

20 croates. Nous pouvions clairement voir leurs plaques d'immatriculation.

21 Les soldats de ces véhicules appartenaient à la HV, c'était évident au vu

22 des badges qu’ils portaient.

23 Alors que nous suivions ce convoi, nous avons fait l'objet

24 d'insultes, de gestes insultants, de la part des soldats qui se trouvaient

25 dans les bus. Nous les avons suivis pendant 2 ou 3 kilomètres. Nous sommes

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1 entrés à Prozor. A ce moment-là, ils ont pris une autre direction tandis

2 que nous nous dirigions vers Gornji Vakuf.

3 Il a fallu ensuite que je revienne, soit le jour suivant, soit

4 deux jours plus tard, à ce même endroit. Et là encore, j'ai remarqué qu'il

5 y avait ces six mêmes bus, mais ils étaient remplis de troupes qui avaient

6 vraiment l’air épuisé par le combat. Certaines portaient des bandages. Il

7 y avait des blessés. Visiblement, ils se repliaient, ils quittaient Prozor

8 et se dirigeaient vers cette fameuse route triangle. Là aussi, on nous a

9 fait pas mal de gestes insultants alors que nous passions à proximité de

10 ces bus. Ce sont des incidents vraiment typiques et c'est ce type

11 d'incidents dont nous faisions rapport aux commandements des forces

12 britanniques.

13 Il y avait également les missions qui visaient à identifier les

14 troupes et leur localisation. Il fallait que nous repérions le déplacement

15 d'hélicoptères, d'avions qui seraient en train de violer les zones de

16 sécurité aérienne.

17 Il y avait également un camp de formation qui était très utilisé

18 à l'époque à l'intérieur de la Croatie, juste au sud de la frontière. On

19 surveillait ce qui s’y passait. Je crois que c’était juste à l'extérieur

20 de Sinj. En une occasion, alors que nous passions juste à côté de ce camp,

21 nous avons vu qu'il y avait beaucoup de bus à côté des casernes, qu’il y

22 avait une quantité incroyable d’hommes à l'intérieur de ces casernes qui

23 étaient en train de suivre cette formation. Plusieurs jours plus tard,

24 alors que j'étais en mission de surveillance, j’ai eu un rapport portant

25 sur des bus qui apparemment suivaient la route Triangle. Là encore, ces

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1 bus portaient des plaques d’immatriculation croates. Au vu de ce rapport

2 provenant de l'équipe de transmissions, il s’agissait de soldats croates

3 qui se déplaçaient à bord de ces autobus.

4 Voilà ce que j'ai fait jusqu’à ce que je sois déplacé à

5 Busovaca. Une fois là-bas, on m'a fait suivre une petite réunion au sein

6 du quartier général de la Forpronu pour me dire qu'elle était exactement

7 ma mission. Il fallait que je sache exactement quelle était la situation

8 qui prévalait. On m’avait prévenu quelques semaines avant que je n'arrive

9 à Busovaca que nos véhicules, qui ne sont pas des véhicules blindés,

10 faisaient l'objet de tirs lorsqu'ils escortaient la Mission d'observation

11 de la Communauté européenne, l’ECMM.

12 Donc, j'avais refusé à ce que mes troupes participent à ce type

13 d’escorte tant que nous ne disposions pas de véhicules blindés. Nous

14 sommes entrés en discussion avec le quartier général de la Forpronu. Nous

15 nous sommes entendus pour qu’ils nous donnent des véhicules blindés, afin

16 que nous puissions nous déplacer en sécurité. J'ai donc ensuite donné

17 l'autorisation à mes officiers de liaison pour qu’ils continuent à

18 escorter l’ECMM.

19 A ce moment-là, l’objectif de la Commission mixte était

20 d'essayer d'entamer des négociations visant à l'instauration d'un cessez-

21 le-feu et au retrait de tous les postes de contrôle

22 qui bloquaient les routes entre Vitez et Kiseljak, notamment

23 dans la zone Busovaca/Kacuni. Il y avait avec nous un observateur de

24 l’ECMM, moi-même évidemment, Franjo Nakic et le Général Merdan. Voilà

25 quels étaient les éléments principaux qui constituaient la Commission

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1 mixte de Busovaca.

2 Nous devions essayer d’entrer en contact avec les dirigeants

3 locaux pour nous assurer du retrait de ces postes de contrôle, nous

4 assurer que s'il y avait des plaintes, elles étaient étudiées, il fallait

5 également nous assurer que les déplacements des véhicules des Nations

6 Unies, notamment du Haut-commissariat aux réfugiés, pouvaient se faire

7 sans entrave dans toute la région.

8 Au départ, notre mission était très délimitée. Bien évidemment,

9 pour nous assurer que les postes de contrôle était effectivement retirés,

10 il fallait que nous nous penchions sur des questions d’ordre plus général.

11 Notamment, essayer de savoir s’il y avait eu des mauvais traitements dans

12 certains villages, s'il y avait des tireurs embusqués qui opéraient dans

13 certaines régions. Il y a eu des rapports d'enquête sur tous ces faits, et

14 aussi sur le fait que certains villages avaient fait l'objet de tirs

15 nourris et que les villageois avaient été malmenés. Nous avons commencé à

16 mener des enquêtes sur ces différents incidents. Il fallait, pour pouvoir

17 retirer les postes de contrôle, que d’abord nous établissions clairement

18 la situation concernant tous ces problèmes. Il fallait nous mettre

19 d'accord sur un certain nombre de points avant que les diverses

20 restrictions soient levées.

21 Nous ne sommes pas restés très longtemps à Busovaca parce qu’il

22 était difficile pour nous de rester dans la caserne et dans l'hôtel dans

23 lequel nous demeurions. Nous nous sommes mis d'accord pour nous déplacer

24 jusqu'à Vitez et pour en faire notre base d'opérations. Nous continuions à

25 travailler dans la zone Busovaca/Kacuni.

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1 A ce moment-là, il est devenu clair que les problèmes ne

2 surgissaient pas seulement dans la région de la route Busovaca/Kiseljak.

3 Il fallait également que nous nous penchions sur

4 des problèmes et sur des plaintes, et que nous entamions des

5 négociations dans l'ensemble de la vallée de la Lasva. La commission mixte

6 de Busovaca est devenue tout simplement la commission mixte.

7 Pour revenir aux personnes qui constituaient cette commission,

8 il était très clair, pour moi en tout cas, que les personnes, qui étaient

9 des personnes d'autorité au sein de cette commission, étaient

10 Dzemal Merdan, de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il avait l'autorité et

11 sans doute également jouissait-il du soutien de ses supérieurs. Car, quand

12 il fallait que nous prenions des décisions, c'était lui qui les prenait et

13 qui donnait des instructions à ses troupes sur le terrain. Franjo Nakic

14 n'avait pas vraiment un réel degré d'autorité et en plusieurs occasions,

15 au tout début, avant que des négociations ne soient mises en place ou

16 avant que nous ne puissions nous mettre d’accord sur le retrait de postes

17 de contrôle, avant que quoi que ce soit fait, il fallait qu'il se tourne

18 vers le Colonel Blaskic pour savoir ce qu'il pouvait faire.

19 Pour nous, il était un peu frustrant de voir que Merdan pouvait

20 prendre des décisions, mais que leur mise en place était retardée parce

21 que Nakic devait consulter ses autorités supérieures, son commandement

22 supérieur. C'est devenu également évident à Vitez lorsque nous étions

23 présents à la commission mixte et lorsque nous essayions de négocier des

24 cessez-le-feu, le rétablissement de certaines lignes téléphoniques, la

25 réinstallation de conduites d'eau qui avaient été endommagées.

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1 Là encore, il est devenu clair que lorsque nous travaillions

2 avec Merdan, il avait suffisamment d'autorité pour que nous puissions agir

3 effectivement et que s’il y avait négociations, décisions sur des mesures,

4 elles seraient mises en application. Mais, ce qui était vrai pour Merdan

5 n'était pas vrai pour Nakic qui, je le répète, devait toujours s’en

6 référer à des supérieurs pour pouvoir prendre quelque décision que ce

7 soit.

8 Je suis parti en permission vers le 4 avril. J'ai quitté la

9 région. A ce moment-là, commission mixte avait rétabli un certain nombre

10 de liaisons, avait résolu certains problèmes.

11 Nous avions rouvert la route entre Busovaca et Vitez. Nous

12 avions mis un terme à certains problèmes tels que la présence de tireurs

13 isolés. Nous avions essayé d'intervenir lorsqu'il y avait des cas de

14 nettoyage ethnique. Nous avions récolté un certain nombre de résultats

15 positifs, même si tout cela a pris beaucoup, beaucoup de temps. Au moment

16 où je suis parti, il était clair pour moi que la personne qui avait

17 l’autorité et le commandement dans la région de la vallée de la Lasva, que

18 la personne qui avait vraiment un pouvoir de commandement sur les troupes

19 musulmanes était Merdan. Il était respecté, écouté, obéi. Lorsque

20 lorsqu'il donnait des ordres, ils étaient obéis.

21 Pour ce qui est du HVO, les commandants locaux n'acceptaient pas

22 forcément les ordres émis par Nakic. En un certain nombre d’occasions,

23 alors que nous nous rendions dans des villages ou que nous étions en

24 négociation pour des problèmes insignifiants avec les commandants locaux,

25 lorsque Nakic donnait des instructions qui reflétaient la décision prise

Page 5621

1 au sein de la commission, alors les commandants locaux demandaient à ce

2 que ce soit Blaskic qui émette ces ordres. Ils exigeaient un ordre écrit

3 signé par Blaskic. S'ils ne l'obtenaient pas, ils refusaient de mettre en

4 application les décisions prises par la commission mixte. Donc,

5 clairement, le Colonel Blaskic avait les rênes bien en main pour ce qui

6 est du contrôle des troupes qui se trouvaient dans cette partie de la

7 région de la vallée de la Lasva, du côté du HVO.

8 Franjo Nakic ne jouissait pas du degré d'autorité dont jouissait

9 Merdan. Mais, tout de même, nous avons atteint pas mal de nos objectifs et

10 lorsque je suis parti, le 4 avril, l'ensemble de la région s'était

11 nettement apaisé, la situation était beaucoup plus calme.

12 Je suis revenu à Split vers le 19 avril, j'avais donc pris deux

13 semaines de permission. J'ai été très surpris, même si j'avais vu des

14 choses à la télévision, et si j'avais entendu dire que des conflits

15 avaient éclaté dans la vallée Lasva, donc j’étais très surpris de toutes

16 les difficultés qui avaient subitement surgi. On m'a renvoyé à Vitez, pour

17 que je continue mon travail au sein

18 de la commission mixte. Je suis arrivé là-bas dans la nuit du

19 20 ou au matin du 21. Ce jour-là, il y avait une réunion au sommet entre

20 le Général Petkovic, et le Général Halilovic. Il y avait également des

21 membres de la commission mixte qui y participaient. Il y avait

22 l’ambassadeur Thébault. Il y avait le commandant du bataillon britannique.

23 Et cette réunion a eu lieu dans les bâtiments de L’ECMM. C’est ce jour-là

24 que le cessez-le-feu pour l'ensemble de la Bosnie centrale a été annoncé,

25 qu'un accord a été conclu et que tous les critères du cessez-le-feu ont

Page 5622

1 été établis : retrait des positions sur la ligne de front. Il fallait que

2 les troupes se retirent de certains emplacements clairement définis des

3 deux côtés, il fallait établir des listes de tous les prisonniers, des

4 échanges de certains prisonniers en une date qui avait été précisée, il

5 fallait qu'il y ait aussi un cessez-le-feu pendant une certaine période où

6 aucun coup de feu ne devait être tiré dans la région.

7 J'ai accompagné les généraux Petkovic et Halilovic tandis qu’ils

8 se rendaient sur le terrain pour rencontrer des troupes, à la fois à Vitez

9 et à Stari Vitez, des troupes des deux parties. Non seulement il y avait

10 là un but de protection, mais cela rentrait également dans le cadre de ma

11 mission. Nous avons rendu visite à des troupes à Stari Vitez, nous leur

12 avons parlé, nous avons rendu visite à des troupes à Vitez et nous les

13 avons informé qu'il y avait un cessez-le-feu général, qu'il ne devait plus

14 y avoir d'affrontement et qu'il fallait absolument obéir aux ordres donnés

15 par les deux généraux. Ceux-ci étaient eux-mêmes présents et donnaient

16 directement des ordres à leurs troupes qui se trouvaient sur le terrain.

17 Du point de vue de la commission mixte, c'était pour nous un résultat

18 extrêmement positif que des personnes d'un si haut grade puissent veiller

19 à la mise en application du cessez-le-feu.

20 Lorsque je parlais aux troupes sur le terrain, aux soldats à

21 Stari Vitez et à Vitez, il était évident qu'aucun d'entre eux n'avait

22 l'intention de mettre un terme au combat, mais ils allaient de le faire.

23 Il y avait une telle haine des deux côtés, au vu de ce qui s'était passé à

24 Ahmici. Les Musulmans ressentaient en tous cas une l'impression qu'ils

25 n'avaient obtenu aucune

Page 5623

1 réponse. Personne ne s'était désigné responsable de ce qui

2 s’était passé et ils le ressentaient beaucoup.

3 Il nous est apparu très nettement que, si les deux généraux

4 avaient signé cet accord, il y aurait d'énormes difficultés à mettre cet

5 accord sur le terrain. Il semblait très difficile d’obtenir l’accord des

6 troupes. Nous estimions que, parce que les commandants locaux de l'armée

7 de Bosnie-Herzégovine et du HVO avaient participé à cette réunion, nous

8 pensions qu'ils auraient l'autorité d'assurer l'application de ce cessez-

9 le-feu.

10 Du côté des Musulmans, ils avaient de grandes difficultés à

11 accepter le cessez-le-feu, à convenir de ce qui avait été dit. Ils ne

12 cessaient de demander des informations au sujet de l’identité des auteurs

13 du massacre d’Ahmici. Ils demandaient à connaître les responsables, et

14 quand l’ECMM et les Nations Unies allaient faire quelque chose à ce sujet.

15 Cela a donc créé d'énormes difficultés dans toutes les

16 négociations qui achoppaient toujours sur ce point, qu'est-ce qui se

17 passe. Dans les réunions auxquelles nous participions, nous nous sommes

18 rendus compte que, lorsque nous essayons de négocier un échange de

19 prisonniers, aucune des deux parties n'étaient prêtes à remettre les

20 listes, les Musulmans en général avaient préparé les listes, mais le HVO

21 ne les avait pas préparées, et manifestait la plus grande réticence à les

22 communiquer. Il semblait éprouver des difficultés à localiser les

23 prisonniers et à fixer des dates pour les échanges de prisonniers. Puis,

24 très peu de temps après le mois d’avril, nous avons vu Claire Podbielski

25 arriver à la Commission mixte, en tant que représentante de la Croix Rouge

Page 5624

1 internationale. C'est Mario Cerkez qui lui avait demandé de venir, il

2 commandait les troupes du HVO à Vitez en personne, et en deux occasions,

3 le CICR a dit, avec beaucoup d'énergie, que le HVO violait les conventions

4 de Genève, dans la mesure où des troupes étaient utilisées en tant que

5 bouclier humain. Je veux parler donc de prisonniers, excusez-moi, pas de

6 troupes. Des prisonniers de l'armée de Bosnie-Herzégovine étaient utilisés

7 en tant que bouclier humain et ils servaient également à creuser des

8 tranchées sur les lignes de

9 front.

10 Une ou deux fois, Claire Podbielski est venue dans les locaux où

11 se menaient ces négociations, et les commandants de l'armée de Bosnie-

12 Herzégovine et du HVO étaient présents en ces deux occasions, Mario Cerkez

13 était présent. Lorsqu'il a été confronté à ces informations, il est devenu

14 très nerveux et a nié catégoriquement ce qui avait été dit. Il a affirmé

15 que ses troupes ne rêveraient ni n'imagineraient pas de violer les

16 conventions de Genève, dont elles comprenaient très bien le contenu. Mais,

17 il est devenu manifeste, à notre avis, que les listes de prisonniers

18 n’étaient pas échangées et que les difficultés liées à la fourniture de

19 ces listes avaient quelque chose à voir avec les retards enregistrés et

20 avec les faits enregistrés sur le terrain, à savoir l’utilisation de ces

21 prisonniers pour creuser des tranchées et créer de nouvelles lignes de

22 front.

23 Lorsque nous avons interrogé Mario Cerkez à ce sujet, il a nié

24 catégoriquement et a dit qu'aucun des soldats de l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine n'était utilisé à ces fins. Nous avons également posé la

Page 5625

1 question à Franjo Nakic en lui demandant s'il savait que des soldats

2 étaient utilisés en tant que bouclier humain, il a nié que le HVO utilise

3 des prisonniers de guerre à cette fin.

4 Je n'ai jamais parlé à Blaskic en personne, mais j'ai demandé

5 qu'un message soit transmis au Colonel Blaskic pour qu’il puisse fournir

6 des réponses quant à l’utilisation éventuelle de prisonniers à cette fin,

7 mais là encore Nakic et Cerkez ont fourni une réponse négative en disant

8 que ce n'était pas le cas.

9 Nous avons mené une enquête auprès des prisonniers. Nous avons

10 essayé de découvrir leur emplacement, des deux côtés. Plusieurs fois, on

11 nous a empêché de nous rendre dans des prisons parce que les ordres

12 étaient venus du Colonel Blaskic pour nous en empêcher, et ce en dépit du

13 fait que les commandants locaux nous accompagnaient.

14 Nous avons donc passé pas mal de temps à tenter de négocier

15 l'échange de ces listes

16 de prisonniers, mais malheureusement les Musulmans, l’armée de

17 Bosnie-Herzégovine, manifestaient la plus grande réticence à fournir ces

18 listes, en ne cessant de revenir sur le fait que rien n’avait été fait,

19 que personne n'avait rien dit, que personne n'avait identifié les auteurs

20 du massacre d’Ahmici.

21 Ce qui a provoqué un très fort ressentiment dans les premiers

22 jours qui ont suivi mon retour sur les lieux le 21 avril, parce que

23 lorsque nous avons demandé à Mario Cerkez de répondre concernant

24 l’identité de ceux qui avaient commis ces atrocités à Ahmici, il répondait

25 qu'il ne savait pas, que cela devait être des troupes qui ne répondaient

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1 plus au contrôle du HVO. Mario Cerkez a même déclaré une fois que c’était

2 les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avaient commis eux-mêmes

3 ce crime pour obtenir une image plus favorable auprès de l’ECMM et des

4 Nations Unies ; en d'autres termes pour que le HVO obtienne une image très

5 négative et que eux en profitent.

6 Nous n’avons pas adhéré à cela. Nous avons pensé que le nombre

7 de soldats dans la région était trop important pour que cela puisse être

8 le cas. Mais, au cours des négociations au sein de Commission mixte, nous

9 n'avons jamais obtenu du HVO la moindre réponse quant à l’identité des

10 auteurs de ce massacre. Rien ne nous a été dit non plus au sujet

11 d'arrestations éventuelles, d’un quelconque suivi, d’une quelconque

12 enquête qui aurait été engagée sur ce point.

13 Dans les premiers jours qui ont suivi le 21 avril, alors que

14 nous tentions de négocier l'échange des listes de prisonniers, les

15 réunions sont devenus très tendus, très difficiles. J'ai remarqué

16 rapidement que Franjo Nakic était en fait réduit à l'état de non entité

17 dans ces réunions. J'ai compris qu'il ne disposait pas de l'autorité

18 nécessaire pour décider quoi que ce soit au sujet des décisions prises.

19 C'est seulement lorsque Mario Cerkez est venu participer à ces réunions

20 que nous avons estimé pouvoir conclure quelque chose avec une personne

21 ayant une certaine autorité. Mais chaque fois qu'un accord devait être

22 conclu, Merdan retransmettait cet

23 accord à ses soldats ; et Mario Cerkez ou Franjo Nakic insistait

24 avant tout pour parler au Colonel Blaskic, donc pour lui en référer et

25 discuter les termes de cet accord avant que quoi que ce soit puisse être

Page 5627

1 fait concrètement. Il est devenu tout à fait apparent que le

2 Colonel Blaskic contrôlait absolument l’ensemble des commandants locaux et

3 les soldats positionnés en Bosnie centrale.

4 A mon avis, après avoir traité avec ces hommes, au jour le jour,

5 pendant près de trois mois, je dirais que la plupart des commandants que

6 j'ai rencontrés du côté du HVO étaient un peu effrayés par le

7 Colonel Blaskic. Ils n’avaient pas l’habitude de faire quoi que ce soit

8 qui contredirait les ordres provenant du Colonel Blaskic.

9 Après le 21 avril, la Commission mixte avait donc cet accord

10 selon lequel en raison du cessez-le-feu un quartier général mixte des

11 troupes de Bosnie-Herzégovine et du HVO devrait être établi à Travnik.

12 Mon rôle a commencé à devenir plus effacé une fois l'accord

13 conclu, puisque l'important était de déterminer quels éléments de l'armée

14 de Bosnie Herzégovine et du HVO allaient établir ce quartier général

15 opérationnel conjoint basé à Travnik.

16 Nous avons encore mené quelques enquêtes. Nous avons encore

17 essayé de négocier quelques difficultés, parce qu'il y avait encore pas

18 mal de coups de feu et pas mal d'opérations de nettoyages ethniques en

19 cours. Des maisons étaient incendiées. De nombreuses plaintes étaient

20 déposées concernant des civils passés à tabac ou harcelés et intimidés de

21 diverses manières. Donc, nous avons poursuivi notre travail à peu près

22 jusqu'à la fin du mois de mai, moment où le quartier général opérationnel

23 mixte s'est établi à Travnik.

24 A ce moment-là, j'ai déployé mes troupes dans d'autres lieux. Je

25 suis reparti à Split où j'ai passé pas mal de temps à travailler en

Page 5628

1 Croatie et à visiter mes équipes à Sarajevo. C'est à peu près le

2 12 juillet que j'ai finalement quitté la région. Mon rôle en Bosnie et en

3 Croatie était arrivé à son terme.

4 M. le Président. - Merci, Major Buffini. Vous avez donc relaté

5 ce que très sommairement le Procureur nous avait dit que vous pouviez

6 apporter à la barre de ce Tribunal.

7 Le Procureur va avoir à coeur maintenant de préciser les points

8 complémentaires qui n'ont peut-être pas été abordés, ou peut-être pas de

9 la façon dont le souhaite le Procureur. Vous ne faites pas répéter le

10 témoin, vous le savez Maître Kehoe, mais vous posez les questions qui vous

11 paraissent devoir compléter l’exposé de la déposition du Major Buffini.

12 Allez-y.

13 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

14 Monsieur Buffini, quelques questions, sur la base de ce que vous

15 venez de dire. J'aimerais, en fait, que nous suivions les événements tels

16 que vous les avez décrits.

17 Vous avez déclaré que, lorsqu'on vous avait affecté à ces forces

18 conjointes, à ce quartier général des forces conjointes britanniques, vous

19 avez eu l'occasion d'emprunter cette « route triangle » en direction de la

20 région de Prozor.

21 M. Buffini (interprétation) - Exact.

22 M. Kehoe (interprétation). - Et c'est dans cette région de

23 Prozor que vous avez pu voir ces bus contenant ou transportant des troupes

24 croates du HV ?

25 M. Buffini (interprétation) - Exact.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Je crois que vous avez également

2 déclaré qu'un jour plus tard, à peu près, vous avez vu ces mêmes bus, et

3 des troupes du HV, qui semblaient revenir du combat où certaines personnes

4 avaient été blessées ?

5 M. Buffini (interprétation) - Oui, c’est exact. Certains de ces

6 soldats portaient des bandages.

7 M. Kehoe (interprétation). - Avant que nous indiquions

8 l'emplacement de ces endroits sur la carte, pourriez-vous dire aux Juges :

9 qui était engagé dans des combats, dans cette région, à cette époque ?

10 M. Buffini (interprétation) - C'était une zone où les troupes

11 britanniques étaient

12 déployées, et elles rendaient compte au service de

13 renseignements et aux responsables de la surveillance. Sur la base des

14 informations que nous avions recueillies, nous avions donc conclu que,

15 dans la région de Prozor, et plus particulièrement à l'est de Prozor,

16 c'était le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine qui s'affrontaient. Les

17 combats étaient très intenses, dans cette région orientale de Prozor,

18 entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine.

19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Buffini, puis-je vous

20 demander, bien sûr avec l'autorisation du Tribunal, de nous retourner

21 maintenant vers cette carte, attachée au chevalet. Je crois, Monsieur le

22 Président, qu'il s'agit de la pièce 29K de l'accusation.

23 Nous n’avons pas de microphone à proximité du chevalet, donc je

24 vais poser les questions d’ici, et puis je demanderai à M. Buffini de se

25 rendre près du chevalet et de nous indiquer ces emplacements. Je vais vous

Page 5630

1 demander de prendre ce crayon jaune, qui se trouve à votre gauche, et

2 d'indiquer l'emplacement de la route Triangle, s'il vous plaît.

3 (Le témoin s'exécute.)

4 M. Buffini (interprétation) - La route triangulaire se termine

5 au bout de ce lac, qui est proche de Prozor, situé ici.

6 M. Kehoe (interprétation). - Et avec ce feutre jaune, pouvez-

7 vous indiquer l'emplacement de la ville de Prozor, et surligner le nom de

8 la ville ?

9 M. Buffini (interprétation) - Voilà Prozor.

10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Buffini, prenez,

11 maintenant, ce feutre rouge, et encerclez, s'il vous plaît, l'endroit où

12 vous avez aperçu ces bus qui transportaient des troupes croates, d'une

13 façon générale, et indiquez le chiffre « 1 » à côté.

14 M. Buffini (interprétation) - La première fois, nous les avons

15 suivis sur cette route, dans la direction de Prozor. Nous étions ralentis,

16 car nous étions derrière eux.

17 M. Kehoe (interprétation). - Faîtes figurer le chiffre 1 à côté,

18 s'il vous plaît.

19 Pendant cette période de temps, y avait-il des forces du

20 bataillon britannique

21 déployées à Gornji Vakuf, juste vers le haut de la route ?

22 M. Buffini (interprétation) - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez reçu des informations de

24 Gornji Vakuf, n'est-ce pas ?

25 M. Buffini (interprétation) - Nous recevions des rapports

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1 d'informations quotidiens des troupes positionnées à cet endroit.

2 M. Kehoe (interprétation). - Bien. Prenez maintenant le feutre

3 jaune, et surlignez le nom de la ville Gornji Vakuf, s'il vous plaît.

4 M. Buffini (interprétation) - Voilà Gornji Vakuf.

5 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez également déclaré que

6 vous aviez observé ces mêmes troupes, ces troupes de blessés, dans ces

7 bus, alors que vous reveniez de Prozor, et qu'elles se dirigeaient vers la

8 route Triangle, un jour, ou le lendemain ou le surlendemain, à peu près ?

9 M. Buffini (interprétation) - Exact.

10 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous nous indiquer cet

11 endroit en rouge, s’il vous plaît, et mettre le chiffre 2 à côté.

12 M. Buffini (interprétation) - Cela se trouve au nord de Prozor,

13 au niveau de ce virage assez important sur la route.

14 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque vous avez vu ces troupes du

15 HV... Vous êtes vous-même un soldat de carrière, et vous avez conclu, en

16 les observant, qu’il s’agissait de troupes qui revenaient du combat ?

17 M. Buffini (interprétation) - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - Et pourquoi ?

19 M. Buffini (interprétation) - Parce qu'ils avaient des bandages,

20 parce qu’ils avaient l’air très fatigué, parce qu’ils portaient tous des

21 armes, parce qu'ils avaient l'air d'avoir été sur le

22 terrain pendant à peu près deux semaines, en tout cas c'est une

23 approximation rapide que je donne.

24 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez également précisé que, à

25 l'est de Prozor, il y avait un endroit où les troupes du HVO, et l’armée

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1 de Bosnie-Herzégovine étaient engagées dans des affrontements.

2 M. Buffini (interprétation) - En effet.

3 M. Kehoe (interprétation). - Prenez le feutre vert, indiquez cet

4 emplacement, et indiquez le chiffre « 3 » à côté, s'il vous plaît.

5 (Le témoin s'exécute.)

6 M. Buffini (interprétation) - C'est ici.

7 M. Kehoe (interprétation). - Merci beaucoup, monsieur Buffini.

8 Pour revenir sur certaines des indications que vous avez

9 données, quant au fait que vous avez identifié ces troupes comme étant des

10 troupes du HV, comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion,

11 précisément, qu’il s’agissait là de troupes du HV ?

12 M. Buffini (interprétation) - Les camions, ou plutôt les

13 autocars, portaient des plaques d'immatriculation croates, et les soldats

14 que nous avons vus portaient des insignes sur lesquels ne figuraient que

15 les lettres HV et non HVO.

16 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Buffini, lorsque vous

17 parlez de plaques d'immatriculation croates, que portaient-elles, ces

18 plaques ? Qu'y était-il indiqué ?

19 M. Buffini (interprétation) - Ces plaques d'immatriculation

20 comportaient ce que j'appellerais le symbole de la Croatie, l'écusson, et

21 puis, également, les numéros qui permettaient de les identifier comme

22 étant des plaques de Croatie. En tout cas, elles étaient tout à fait

23 différentes des plaques non croates que nous voyions en Bosnie centrale.

24 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez déclaré que vous aviez pu

25 voir les insignes qui portaient les lettres HV, n'est-ce pas ?

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1 M. Buffini (interprétation) - Effectivement.

2 M. Kehoe (interprétation). - Aviez-vous eu des entretiens avec

3 d'anciens membres des Marines de la Reine, qui ont étayé ces conclusions,

4 selon lesquelles il s'agissait là de troupes du HV qui circulaient dans la

5 région de Prozor ?

6 M. Buffini (interprétation) - Oui. J'ai rencontré un ancien

7 sous-officier des Marines de la Reine, à Trogir, Gus Bryden. Je crois que

8 c'était le 5 où le 6 février, il était en uniforme militaire et portait un

9 béret vert. C'était le béret des Marines de la Reine. Nous nous sommes

10 donc réunis, nous avons parlé en buvant quelques bières pendant environ

11 une heure. Nous lui avons demandé ce qu'il faisait, il nous a dit qu'il

12 était mercenaire et qu'il travaillait pour l'armée à HV. Nous lui avons

13 demandé détail, il a déclaré qu'il entraînait de jeunes recrues, de 18 ans

14 à 55 ans, qui s'étaient engagées dans l'armée croate et qu'il le faisait

15 pendant une période de deux semaines pour leur permettre ensuite d’aller

16 sur les lignes de front. Nous lui avons ensuite demandé où se trouvaient

17 ces lignes de front, où les troupes du HV travaillaient, il a répondu que

18 certains allaient à Zadar et d’autres à Prozor.

19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu un camp de formation

20 juste sur la frontière entre la Croatie et la Bosnie ?

21 M. Buffini (interprétation). - Oui, j'ai vu un camp

22 d'entraînement, qui était vide la plupart du temps. Nous y passions

23 régulièrement à côté. Il se trouvait au nord de Sinj ; je ne sais pas très

24 bien prononcer ce nom, mais il s’écrit : S, I, N, J. Sinj est encore en

25 Croatie et pas sur la roue Triangle.

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1 J'ai parfois vu un grand nombre d’hommes dans ce camp, tous en

2 uniforme militaire. J'ai pensé qu'ils étaient tous en train de subir un

3 entraînement pour un déploiement futur sur les lignes de front.

4 L’interprète. - Maître Kehoe n’a pas branché son micro, Monsieur

5 le Président.

6 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président.

7 Monsieur Buffini, avez-vous eu l'occasion, peu de temps après,

8 de revenir à proximité de ce camp ?

9 M. Buffini (interprétation). - Oui. Je crois que c'était un jour

10 où nous allions ou bien où nous rentrions de Vitez, je ne sais plus

11 exactement. Je devais y revenir une semaine plus tard, dans un sens ou

12 dans l'autre. Mais, en tout cas, la deuxième fois il n'y avait plus

13 personne dans le camp. L'endroit était désert.

14 C'était toujours dans le cadre de ma mission de surveillance et

15 nous devions bien sûr rendre compte. Nous avons donc rendu compte en

16 disant que des autocars plein de soldats avaient été observé sur la route

17 Triangle et que notre hypothèse était que ces soldats venaient ou aller à

18 Prozor.

19 M. Kehoe (interprétation). - Nous pouvons donc dire,

20 Monsieur Buffini, que vous avez vu ces troupes s'entraîner dans ce camp.

21 Par la suite ou à peu près au même moment, vous avez reçu des informations

22 selon lesquelles les troupes se déplaçaient vers Prozor. Puis, vous êtes

23 repassé près de ce camp et les troupes ne s'y trouvaient plus, n'est-ce

24 pas ?

25 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

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1 M. Kehoe (interprétation). - En tant que soldat, qu'en avez vous

2 conclu ?

3 M. Buffini (interprétation). - La conclusion à tirer de cela,

4 c’est que ces soldats s’étaient trouvés sur les lieux en entraînement,

5 conformément aux informations que Gus Bryden, le mercenaire, nous avait

6 données, qu’ensuite elles avaient terminé leur entraînement et avaient été

7 déployées sur les lignes de front.

8 M. Kehoe (interprétation). - J'attends quelques instants que

9 l'interprétation soit terminée.

10 Monsieur Buffini, vous avez également précisé que vous aviez

11 observé des vols d'hélicoptères qui violaient les zones de sécurité

12 aérienne. Où avez-vous pu observer ces vols d'hélicoptère, s'il vous

13 plaît ?

14 M. Buffini (interprétation). - A trois reprises.

15 La première fois, il s'agissait du sud-est de Zenica, qui bien

16 entendu se trouve sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. Nous avons vu

17 des hélicoptères, je crois qu'il y en avait deux, qui ont atterri en plein

18 jour. Je n'ai pas vu combien de soldats en sont sortis, mais j’ai vu les

19 hélicoptères atterrir et un certain nombre de personnes en sortir.

20 La deuxième fois, cela s'est passé lorsque nous avons vu des

21 hélicoptères voler dans la direction de Vitez, mais nous ne les avons pas

22 vu atterrir. Je crois que c'est un hélicoptère qui a été vu se dirigeant

23 vers la ville de Vitez elle-même.

24 Puis, il y a eu un certain nombre d'autres occasions dont j'ai

25 rendu compte au commandement du bataillon britannique. Cela se situait aux

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1 environs de Sinj/Knin, c'est-à-dire à la frontière croate.

2 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui est de ce vol

3 d'hélicoptère vers Vitez, est-ce que vous saviez si le HVO à Vitez avait

4 un hélicoptère ou des hélicoptères de façon générale ?

5 M. Buffini (interprétation). - Non, nous n'avons jamais vu

6 d'hélicoptère du HVO à Vitez ou dans les environs, à part ce jour-là.

7 M. Kehoe (interprétation). - Bien. A présent, nous en venons au

8 temps que vous avez passé au sein de la Commission mixte de Busovaca et de

9 la Commission mixte (tout court) qui se trouvait par la suite à Vitez.

10 Vous avez déclaré que Franjo Nakic représentait le HVO, n'est-ce pas ?

11 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

12 M. Kehoe (interprétation). - Savez-vous quel était le poste

13 occupé par Franjo Nakic au sein du HVO, par rapport à l’accusé Blaskic ?

14 M. Buffini (interprétation). - D’après ce que Franjo Nakic nous

15 a dit, il était le commandant en second des troupes du HVO dans la région

16 de Bosnie centrale. Donc, il était le

17 représentant du Colonel Blaskic, officiellement en poste. Dans

18 les réunions où nous nous trouvions avec lui, il était le commandant en

19 second.

20 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez également déclaré,

21 Monsieur Buffini, que Franjo Nakic vous disait très souvent qu'il fallait

22 d'abord qu'il consulte le Colonel Blaskic avant de pouvoir prendre une

23 décision, n'est-ce pas ?

24 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

25 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que c'était vrai avant que

Page 5637

1 le conflit n'éclate et après que le conflit ait éclaté ?

2 M. Buffini (interprétation). - Oui. Chaque fois que des

3 décisions sortaient un petit peu des dispositions normales. Si les

4 décisions étaient un peu plus importantes que la suppression d’un barrage

5 routier sur la route, Franjo Nakic devait rendre compte à Blaskic et

6 demander des instructions.

7 M. Kehoe (interprétation). – N'avez-vous jamais ramené M. Nakic

8 à l’hôtel Vitez pour qu'il puisse s'entretenir avec le Colonel Blaskic ?

9 M. Buffini (interprétation). - Je ne l'ai pas fait

10 personnellement, mais j'ai donné instruction à mes hommes à plusieurs

11 reprises, lorsque Franjo Nakic me demandait de le ramener à l’hôtel Vitez.

12 Parce que Franjo Nakic devait revoir tout ce qui avait été discuté au

13 cours de la réunion avec le Colonel Blaskic.

14 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre témoignage vous

15 avez dit que les commandants locaux avaient peur, d'une certaine façon, de

16 Blaskic et qu'ils ne prenaient de dispositions que s'il y avait un ordre

17 écrit de Blaskic. Vous avez dit qu’ils ne suivaient pas forcément les

18 ordres émis par Franjo Nakic. N’y a-t-il jamais eu une occasion, au cours

19 de cette période-là, où vous avez vu un commandant du HVO refuser

20 directement un ordre émis par le Colonel Blaskic ?

21 M. Buffini (interprétation). – Il n’est jamais arrivé que l'un

22 quelconque des

23 commandants défie directement un ordre émanant du

24 Colonel Blaskic, non. La seule fois où j'ai constaté ce que je pourrais

25 appeler une légère révolte, a eu lieu au début du mois de juin lorsqu'un

Page 5638

1 convoi de force de paix traversait la Bosnie, le convoi de l'espoir ou le

2 convoi de la paix, et il se trouvait à Vitez dans la direction de Tuzla. A

3 ce moment-là, un certain nombre de véhicules ont été arrêtés par le

4 commandant de Busovaca et emmenés dans un lieu précis pour être fouillés

5 parce que ces commandants étaient convaincus que les Musulmans convoyaient

6 des armes et des munitions dans ce convoi pour les emmener jusqu'aux

7 positions musulmanes. On nous a demandé de négocier la libération de ces

8 camions et des commandants locaux. Nous avons donc emmené Nakic et Merdan

9 avec nous. Le commandant de Busovaca à l’évidence avait bu pas mal, il

10 était très fâché et furieux que ce convoi ait eu l'autorisation de passer,

11 car lui estimait qu'il fallait fouiller tous ces camions avant de les

12 laisser passer. Il avait donc pris des initiatives personnelles et décidé

13 de vérifier le contenu de la cargaison de ces camions, à la recherche

14 d'armes et de munitions. Après 2 heures d'attente à peu près, et après que

15 6 camions ont été fouillés à fond, c’est-à-dire que tout ce qu’ils

16 contenaient avait été sorti, aucune arme, aucune munitions n'y avaient été

17 découverts, à l'exception de vivres qui faisaient partie de l'aide

18 alimentaire humanitaire.

19 Nous avons donc commencé à être un peu ennuyés de voir que le

20 commandant local refusait de libérer les camions. Nous lui avons demandé

21 s’il avait des instructions du Colonel Blaskic pour avoir arrêté ces

22 camions. Il a émis quelques réticences à répondre, mais, a fini par dire

23 que nous devrions aller voir le Colonel Blaskic si nous voulions dire

24 fermement que cela n'aurait pas dû se produire et que ces commandants

25 n'auraient pas dû agir de la sorte.

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1 Nous lui avons dit que nous le ferions et le commandant, à ce

2 moment-là, a accepté de libérer ces camions qui ont pu poursuivre leur

3 route. Mais, il a manifesté la plus grande réticence dans toute cette

4 opération. Je pense que c'est le seul incident sérieux que nous ayons vu

5 où quelqu’un n’a pas vraiment obéi aux ordres de Blaskic.

6 M. Kehoe (interprétation).- J'avance un peu, Monsieur Buffini.

7 Nous en venons maintenant à ce que vous avez dit sur les événements qui se

8 sont produits après la signature du cessez-le-feu, le 21 avril 1993.

9 J’attire maintenant votre attention sur la conversation à laquelle ont

10 participé les représentants de la Croix Rouge, à laquelle vous avez vous-

11 même participé, ainsi que des représentants de l’ECMM. Au cours de cette

12 réunion, vous avez informé Mario Cerkez et Franjo Nakic que des

13 prisonniers bosniaques étaient emmenés pour creuser des tranchées. Vous

14 leur avez dit qu’ils étaient utilisés comme boucliers humains également.

15 Monsieur Buffini, était-il évident que Cerkez et Nakic savaient

16 que des Bosniens étaient utilisés pour creuser des tranchées et comme

17 boucliers humains ? Etaient-ils conscients du fait qu’il s’agissait là

18 d'une violation flagrante du droit humanitaire international ? En étaient-

19 il bien conscients ?

20 M. Buffini (interprétation). – C’est tout à fait clair.

21 Claire Podbielski, la représentante de la Croix Rouge internationale

22 s’était fâchée lors d’une des réunions et avait dit à trois ou quatre

23 reprises que, ce que le HVO faisait, était en contravention avec les

24 conventions de Genève, c'est-à-dire que le fait de prendre des êtres

25 humains pour les emmener creuser des tranchées revenait à les utiliser

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1 comme boucliers humains et que c’était contraire aux conventions de

2 Genève. Je l'ai entendu dire au moins trois ou quatre fois à Franjo Nakic

3 et à Mario Cerkez au cours de ces réunions.

4 M. Kehoe (interprétation). - Une fois encore, Monsieur Buffini,

5 pouvez-vous nous dire qui était cette Claire Podbielski ?

6 M. Buffini (interprétation). – Claire Podbielski était la

7 représentante de la Croix Rouge et du CICR qui travaillaient en

8 Bosnie Centrale à ce moment-là et elle l’a dit également aux autres

9 commandants du HVO et de l’armée de Bosnie-Herzégovine.

10 M. Kehoe (interprétation). - J'en viens maintenant à cette

11 histoire des listes de prisonniers. D'après ce que vous avez dit, les

12 allégations relatives à des prisonniers musulmans

13 de Bosnie utilisés pour creuser des tranchées et comme boucliers

14 humains par le HVO, sont survenues juste au moment où l’ECMM demandait à

15 obtenir ces listes de prisonniers.

16 M. Buffini (interprétation). – Oui, c'est exact.

17 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, je vais reformuler ma

18 question : vous avez également précisé qu'il y avait une certaine

19 réticence de la part du HVO de produire ces listes de prisonniers, n'est-

20 ce pas ?

21 M. Buffini (interprétation). – Oui, le HVO manifestait la plus

22 grande réticence par rapport à la nécessité de fournir des listes de

23 prisonniers ou à identifier les lieux où les prisonniers étaient détenus.

24 Alors que l’armée de Bosnie-Herzégovine avait fourni une liste, mais avait

25 refusé de remettre ses prisonniers jusqu’au moment où, évidemment, le HVO

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1 aurait fourni ses listes à lui. Donc, la plus grande réticence était

2 manifestée par le HVO à cet égard.

3 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, je crois

4 que nous revenons pour la deuxième fois sur des choses qui ont déjà été

5 expliquées et j'ai bien peur de ne pas pouvoir avoir le temps de mener à

6 bien mon contre-interrogatoire si nous poursuivons ainsi. Je crois que

7 pour le bien de chacun d’entre nous, les Juges, l'accusé, le témoin, il

8 faut que nous avancions un peu plus vite.

9 M. Kehoe (interprétation). - Cette question que je pose

10 introduit la question suivante.

11 M. le Président (interprétation). – Je vais vous demander

12 d'aller le plus vite possible, les Juges font tout ce qu'ils peuvent pour

13 inciter les parties à aller le plus vite possible. Je rappelle à Me Kehoe

14 qu'il avait dit qu'en 20 minutes l'accusation aurait fait le tour des

15 questions. Le témoin a tout précisé, je surveille très précisément

16 Me Kehoe. Il le sait d'ailleurs. Jusqu'à présent je ne l'ai pas pris en

17 défaut, sauf sur un point je dois dire, mais je n’ai pas voulu

18 l’interrompre, d’avoir fait répéter des choses inutiles que le témoin

19 avait indiquées. Vous aurez

20 votre temps du contre-interrogatoire. De toute façon, nous ne

21 siégerons pas cet après-midi, je le dis très nettement, mais ceci fait

22 partie d’un principe général, il faut se limiter dans le temps,

23 l’accusation comme la défense d'ailleurs. Aujourd’hui, je pense que

24 les Juges pourront rendre la décision concernant la limitation de temps du

25 procès. De toute façon, vous arriverez à une limitation de temps par un

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1 accord, mais il faudra bien y arriver.

2 Maître Kehoe, poursuivez en essayant d'être le plus concis

3 possible et d'aller droit et à l'essentiel. Allez-y.

4 M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président et j'en

5 ai pratiquement fini. J'ai encore à peu près 3 questions et j'en aurais

6 fini. Monsieur Buffini, eu égard à ces listes de prisonniers que le HVO ne

7 fournissaient pas, les commandants locaux vous ont-ils dit qui devait

8 autoriser la divulgation de ces listes de prisonniers, avant que ces

9 listes ne puissent vous être remises à vous et à l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine ?

11 M. Buffini (interprétation). - Lorsque nous avons demandé ces

12 listes aux commandants locaux, un certain nombre d'entre eux ont déclaré

13 qu'ils ne donneraient ces listes que lorsqu’ils recevraient des

14 instructions écrites provenant du Général Blaskic leur permettant de le

15 faire.

16 M. Kehoe (interprétation). - Le dernier sujet maintenant,

17 pendant la période où vous-mêmes et Henk Morsink aviez eu une discussion

18 avec Mario Cerkez au cours de laquelle vous avez demandé de voir un lieu

19 dont vous avez entendu dire que des prisonniers Musulmans y étaient

20 emmenés pour y creuser des tranchées ?

21 M. Buffini (interprétation). - Nous étions avec l'équipe de

22 télévision ITN, nous avions entendu des plaintes formulées par le

23 commandant de Stari Vitez du côté musulman, selon lesquelles ils avaient

24 été témoins du fait que des prisonniers de l’armée de Bosnie-Herzégovine

25 avaient été utilisés comme boucliers humains, qu'ils avaient également été

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1 utilisés pour creuser des tranchées.

2 Nous avons établi le contact avec Mario Cerkez et nous lui avons

3 demandé où cela se produisait. Lui a tout nié. Nous lui avons demandé des

4 compléments d’information, ou plutôt la permission de nous rendre sur la

5 ligne de front pour nous assurer nous-mêmes de la situation qui prévalait.

6 Cet entretien a duré environ une heure et au moment où nous

7 avons enfin réussi à atteindre la ligne de front entre Stari Vitez et

8 Vitez, il n’y avait plus de prisonniers. Nous n'en avons pas vu. Nous

9 avons vu qu'il y avait des signes qui révélaient que des tranchées avaient

10 été fraîchement creusées dans le secteur.

11 M. Kehoe (interprétation). - Sur la base de ces observations

12 quelles ont été vos conclusions, Monsieur Buffini ?

13 M. Buffini (interprétation). - On utilisait effectivement des

14 prisonniers pour creuser des tranchées et on les utilisait pour essayer de

15 protéger les forces du HV, comme boucliers humains. Ces prisonniers de la

16 BiH.

17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, la pièce à

18 conviction 29K est versée au dossier par l’accusation et nous n'avons plus

19 de question à l'adresse de M. Buffini.

20 M. le Président. - Nous allons suspendre l’audience, 15 minutes

21 pas plus, pour reprendre pour le contre-interrogatoire.

22 La séance, suspendue à 10 h 55, est reprise à 11 h 15.

23 M. le Président (interprétation). - L'audience est reprise,

24 introduisez l'accusé.

25 (L’accusé est introduit dans la salle.)

Page 5644

1 M. le Président (interprétation). – Maître Hayman, vous prenez

2 le contre-interrogatoire. Et vous prenez le temps qu'il vous faut.

3 M. Hayman (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Je

4 pense que je

5 conclurai en une heure à peu près, j'ai un certain nombre de

6 documents à présenter au témoin, c'est la raison pour laquelle il me

7 faudrait un peu plus de temps que je ne l'eusse espéré. Mais je me

8 limiterai au maximum.

9 M. le Président (interprétation). - Ce fut le cas pour

10 l’accusation, ce sera le cas pour la défense. Quand vous annoncez une

11 durée de temps, le Tribunal souhaiterait que cette durée soit autant que

12 possible respectée.

13 Je sais que ce n'est pas toujours facile et qu’il faut compter

14 sur la disponibilité et la flexibilité des Juges, pour adapter autant que

15 possible. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut prévenir cela en prévoyant

16 une durée de temps trop longue.

17 Maître Hayman, c'est à vous.

18 M. Hayman (interprétation). - Je vous demande d'interpréter mon

19 commentaire, comme une requête Monsieur le Président.

20 Bonjour M. Buffini.

21 M. Buffini (interprétation). - Bonjour.

22 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé des unités dont

23 vous étiez responsable et qui avaient des matériels de transmission dans

24 les véhicules, est-ce exact ?

25 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

Page 5645

1 M. Hayman (interprétation). Pouvez-vous nous dire si au cours de

2 votre mission à Split et en Bosnie, ces unités n'ont jamais intercepté de

3 communications par radio ou par téléphone du Colonel Blaskic, qui

4 pourraient être d’une certaine utilité pour le Tribunal ?

5 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, objection à

6 ces interceptions de communiqués de radio, cela n'a certainement pas fait

7 partie de l’interrogatoire principal.

8 M. le Président (interprétation). – Objection accordée, cela n'a

9 pas fait partie de l'interrogatoire principal.

10 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez

11 déployé vos unités

12 pour aider la commission conjointe de Busovaca dans ses

13 transmissions.

14 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

15 M. Hayman (interprétation). - Avant de les aider de cette façon,

16 la commission de Busovaca ne possédait-elle que des équipements de

17 communication limités ?

18 M. Buffini (interprétation). – Oui, la commission mixte n'avait

19 que des radios manuelles qui permettaient des communications

20 interpersonnelles au sein des troupes.

21 M. Hayman (interprétation). - Elle ne pouvait pas utiliser le

22 matériel dont elle disposait pour communiquer dans la zone opérationnelle

23 de Bosnie Centrale, par exemple ?

24 M. Buffini (interprétation). – Non, ils ne disposaient pas de

25 cet équipement, et c’est pour cela que nous avons mis à leur disposition

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1 ce téléphone INMARSAT, dont j’ai parlé tout à l’heure.

2 M. Hayman (interprétation). – Et vous incluez les membres de

3 l’ECMM qui participaient à cette commission dans votre commentaire, n'est-

4 ce pas ?

5 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

6 M. Hayman (interprétation). - Même si eux avaient des téléphones

7 portables et des fax portables, n’est-ce pas ?

8 M. Buffini (interprétation). – Non, ils utilisaient nos systèmes

9 de communication satellitaires, nous leur permettions de les utiliser.

10 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit plusieurs

11 positions des troupes du HV ?

12 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez d'abord parlé de

14 l'incident où vous avez parlé de grenades, pouvez-vous nous aider à situer

15 cet incident dans le temps ?

16 M. Buffini (interprétation). - Je pense que c'était, soit à la

17 fin du mois de janvier, soit au tout début du mois de février. J’étais

18 toujours dans le cadre d’une mission de

19 surveillance à l'époque et j'ai quitté cette mission vers la fin

20 du mois de février.

21 M. Hayman (interprétation). –Vous a-t-on dit où s’est produit

22 cet accident avec les grenades. Où se trouvaient les troupes lorsque les

23 grenades ont explosé ?

24 M. Buffini (interprétation). - La grenade a explosé alors que

25 les bus se trouvaient sur la partie supérieure de la route Triangle, ce

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1 qu’on appelait la partie boisée de cette route, qui était majoritairement

2 dans la partie bosniaque de la région.

3 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous parlez de position

4 élevée de la route Triangle, cela se trouve au sud, à l’est ou à l’ouest

5 de Prozor ?

6 M. Buffini (interprétation). - Je dirais que c'était au sud-

7 ouest de Prozor. Mais cela ne figure pas sur la carte.

8 M. Hayman (interprétation). - En relation avec ce rapport avez-

9 vous obtenu la moindre information laissant penser que ces troupes se

10 trouvaient dans la vallée de la Lasva ou dans la vallée de Kiseljak ?

11 M. Buffini (interprétation). - Non.

12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que vous vous étiez

13 rendu personnellement à Prozor et que vous suiviez, à un certain moment,

14 un camion de troupe HV, pendant 2 ou 3 kilomètres. Ce camion ou cet

15 autocar s'est-il arrêté ?

16 M. Buffini (interprétation). - Il s'est arrêté à Prozor, là nous

17 les avons dépassés, alors que pendant tout un temps nous étions derrière

18 eux.

19 M. Hayman (interprétation). - Avez–vous jamais reçu la moindre

20 information quant au fait que ces troupes ne se soient jamais rendues dans

21 la vallée de la Lasva ou dans celle de Kiseljak ?

22 M. Buffini (interprétation). - Aucune information de ce genre,

23 non.

24 M. Hayman (interprétation). - Ensuite vous avez parlé de soldats

25 qui sortaient de la zone de Prozor, qui portaient des bandages, qui

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1 avaient l’air fatigué, est-ce exact ?

2 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

3 M. Hayman (interprétation). – N’avez-vous jamais reçu la moindre

4 information quant au fait que ces soldats auraient été dans la vallée de

5 la Lasva ou dans celle de Kiseljak ?

6 M. Buffini (interprétation). - Aucune indication de ce genre,

7 aucune indication qu’ils s’étaient engagés dans des combats dans cette

8 région.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous estimez qu’ils ne s’y sont

10 pas trouvés, n'est-ce pas ?

11 M. Buffini (interprétation). - En effet.

12 M. Hayman (interprétation). – Pouvez-vous nous aider à dater ces

13 deux dernières rencontres, je parle de l’autocar que vous avez suivi

14 pendant 2 ou 3 kilomètres et puis de celui dans lequel vous avez vu des

15 soldats blessés et fatigués, à quel moment cela se passait-il ?

16 M. Buffini (interprétation). - Ces incidents ou ces rencontres

17 se sont passés vers le milieu ou vers la fin du mois de février 1993.

18 M. Hayman (interprétation). - Pendant votre mission à Split et

19 en Bosnie, n’avez-vous jamais reçu la moindre information quant au fait

20 que des soldats du HV se seraient trouvés dans la vallée de la Lasva ou

21 dans celle de Kiseljak ?

22 M. Buffini (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir reçu

23 ce type d'information relative à ces sujets, non.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez dans la vallée de la

25 Lasva ou dans celle de Kiseljak, vous y avez passé environ huit semaines,

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1 n'est-ce pas ?

2 M. Buffini (interprétation). - Disons plutôt douze semaines.

3 M. Hayman (interprétation). – Pendant tout ce temps vous n’avez

4 vu aucun signe de présence de troupes HV dans cette région, est-ce exact ?

5 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

6 M. Hayman (interprétation). – Vous avez dit avoir vu un

7 hélicoptère dans la région

8 de Vitez, est-ce exact ?

9 M. Buffini (interprétation). - Absolument.

10 M. Hayman (interprétation). – Vous rappelez-vous à quel moment

11 vous avez vu cet hélicoptère, pouvez-vous nous aider sur ce point ?

12 M. Buffini (interprétation). - Je dirai que cela s'est passé au

13 moment où la commission était basée à Vitez, à peu près vers la fin du

14 mois de mars, le début du mois d'avril ou bien la deuxième moitié du mois

15 d'avril, mais en tout cas c'était avant que je ne parte en mission, j’en

16 déduis que c’était à la fin du mois de mars ou au début avril.

17 M. Hayman (interprétation). – Datez-vous cet événement de

18 mémoire ou avez-vous des éléments pour vous aider ?

19 M. Buffini (interprétation). - Je m'appuie uniquement sur mes

20 souvenirs.

21 M. Hayman (interprétation). – Y avait-il des insignes sur cet

22 hélicoptère que vous avez pu voir ?

23 M. Buffini (interprétation). – Il était beaucoup trop loin pour

24 que l’on puisse apercevoir quoi que ce soit, mais en tout cas c’était un

25 hélicoptère de facture soviétique.

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1 M. Hayman (interprétation). – Savez-vous si des hélicoptères

2 étaient utilisés pour des évacuations de blessés par l’armée de Bosnie-

3 Herzégovine ou par l’armée du HVO, lorsque les hélicoptères étaient

4 disponibles ?

5 M. Buffini (interprétation). - D'après nous, les hélicoptères

6 étaient utilisés à cette fin, mais il n'y a pas eu d'accord sur ce point

7 puisqu’il y avait ces délimitations de zones aériennes de sécurité, et

8 aucun hélicoptère n'avait reçu le droit de s'envoler ou de survoler la

9 région.

10 M. Hayman (interprétation). – Vous avez décrit des soldats dans

11 un camp d’entraînement. Ce camp d’entraînement se trouvait-il en Croatie ?

12 M. Buffini (interprétation). – Oui, en Croatie.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré, je crois que

14 c'est au moment où vous avez parlé du dernier événement impliquant des

15 troupes du HV, que vous avez reçu un rapport selon lequel des troupes du

16 HV se déplaçaient en direction de la route du Triangle. C'est un autre

17 incident que nous n'avons pas encore évoqué dans le contre-interrogatoire.

18 M. Buffini (interprétation). – Oui, c’est clair.

19 M. Hayman (interprétation). – Pouvez-vous m'aider en me disant

20 ce que contenait ce rapport, et la date de ce rapport.

21 M. Buffini (interprétation). – C’était avant le 4 avril. Je

22 pense donc que cela s'est passé au mois de mars, à un moment donné.

23 M. Hayman (interprétation). - Merci. Et encore une fois vous

24 n'avez aucune information selon laquelle ces troupes se seraient rendues

25 dans la vallée de la Lasva ou dans la vallée de Kiseljak ?

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1 M. Buffini (interprétation). – Non, aucune information de ce

2 type.

3 M. Hayman (interprétation). – Vous avez ensuite été envoyé à

4 Busovaca pour aider la commission mixte. Qui présidait la commission mixte

5 à ce moment là ?

6 M. Buffini (interprétation). - Il y a eu deux incidents. Avant

7 que je n'arrive là-bas et que je ne déploie mes troupes, c'était le

8 Général Fleming qui présidait, mais lorsque j'ai moi-même rejoint cette

9 commission mixte, c’est ensuite Mats Torping qui venait d’occuper le siège

10 de la présidence de la commission.

11 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous participé à toutes les

12 réunions de la commission pendant la période où vous vous trouviez soit à

13 Busovaca alors que la commission y était basée, soit à Vitez alors que la

14 commission y était également basée ?

15 M. Buffini (interprétation). - Pendant que j'étais sur les

16 opérations, j’ai assisté à 90 % de ces réunions, oui.

17 M. Hayman (interprétation). – Etiez-vous membre de la

18 commission ?

19 M. Buffini (interprétation). – Oui, bien sûr.

20 M. Hayman (interprétation). - Votre nomination repose-t-elle sur

21 un document de la commission ou sur un accord écrit ou autre entre les

22 parties ?

23 M. Buffini (interprétation). - C'est une décision qui a été

24 prise par la Forpronu ultérieurement, après la création de la commission

25 mixte de Busovaca.

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1 M. Hayman (interprétation). – Conviendriez-vous que lors de la

2 création de la commission, le nombre de participants se limitait à

3 1 représentant de l’ECMM et trois représentants de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine, plus 3 représentants du HVO ?

5 M. Buffini (interprétation). – Au moment de sa création, oui.

6 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous vu les documents de

7 création ?

8 M. Buffini (interprétation). – Oui, j’ai dû les voir au tout

9 début, lorsque j'ai commencé à assister aux premières réunions de la

10 commission, lorsque j’ai, pour la première fois, déployé des troupes pour

11 l'aider.

12 M. Hayman (interprétation). - Je demanderai l'aide de l'huissier

13 pour remettre un document au témoin, Monsieur le Président.

14 M. le Président. - Vous souhaitez mettre en jeu la crédibilité

15 du témoin, Maître Hayman ?

16 M. Hayman (interprétation). – Non, Monsieur le Président. Je

17 pense que ce témoin pourrait nous aider à expliciter l'origine de la

18 commission mixte qu'il a fondée, à quelle fin elle a été fondée et qui en

19 étaient les membres. Je vous prie de m'excuser si ce document est

20 uniquement en anglais pour le moment. Nous le ferons traduire plus tard.

21 M. le Président. – Oui, en effet. Merci.

22 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous vu reçu le document,

23 Monsieur Buffini ?

24 M. Buffini (interprétation). – Oui.

25 M. Hayman (interprétation). – Le reconnaissez-vous ?

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1 M. Buffini (interprétation). – Oui, je le reconnais. Mais ce

2 n'est pas quelque chose que j’avais l’habitude de voir, en fait. Non.

3 M. Hayman (interprétation). – Reconnaissez-vous la signature de

4 Jeremy Fleming sur le dos, Président de la commission mixte de l’ECMM ?

5 M. Buffini (interprétation). – Oui, j'ai déjà vu cette signature

6 sur un certain nombre de documents auparavant, oui.

7 M. Hayman (interprétation). – Vous reconnaissez cette signature

8 comme étant celle de M. Fleming ?

9 M. Buffini (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Le contexte qui a présidé à la

11 création de cette commission, selon vous, celle-ci a-t-elle été créée en

12 réponse au conflit armé qui a débuté à Busovaca et dans la région en

13 janvier 1993 ?

14 M. Buffini (interprétation). - En réponse au conflit armé, oui.

15 Mais c'était surtout la difficulté que rencontraient certains véhicules du

16 HCR et de la Forpronu à circuler dans la région qui a été à l'origine des

17 négociations entamées. Il fallait essayer de libérer les routes dans la

18 région.

19 M. Hayman (interprétation). - Vous conviendrez que le contexte

20 historique est le suivant, à savoir que la commission mixte a été créée en

21 réaction au conflit armé à Busovaca et dans les environs de janvier 1993

22 qui a créé diverses difficultés de passage pour l’aide humanitaire, les

23 Nations Unies, etc., n'est-ce pas ?

24 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

25 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous appris en fait que le

Page 5654

1 HVO a perdu pas mal de terrain au cours du conflit de janvier vis-à-vis de

2 l’armée de Bosnie-Herzégovine ?

3 M. Buffini (interprétation). – Grâce à des réunions

4 d’information à Split, lorsque je suis arrivé, lorsque j'ai commencé à

5 participer à des missions de surveillance, j'ai commencé à

6 m'apercevoir qu'effectivement, c'était le cas.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé des rôles

8 respectifs du Général Merdan, est-ce Général Merdan ?

9 M. Buffini (interprétation). – Non, j'ai parlé de lui comme

10 étant Dzemal Merdan.

11 M. Hayman (interprétation). – Etait-il général au sein de

12 l’armée de Bosnie-Herzégovine à l’époque ?

13 M. Buffini (interprétation). - Nous pensions que c'était le cas,

14 mais rien ne nous a permis de confirmer que c'était effectivement le cas.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous le connaissiez en tant que

16 commandant adjoint du 3ème Corps ?

17 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

18 M. Hayman (interprétation). – Quel était le grade militaire de

19 M. Nakic ?

20 M. Buffini (interprétation). - On nous a dit qu'il était

21 commandant adjoint des forces du HVO en Bosnie centrale, je crois.

22 M. Hayman (interprétation). - Ne vous a-t-on jamais dit qu'il

23 était chef d'état-major des forces du HVO en Bosnie centrale, ou avez-vous

24 compris que c'était le cas à quelque moment que ce soit ?

25 M. Buffini (interprétation). - Non, ce n'est pas ce que j'ai pu

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1 comprendre.

2 M. Hayman (interprétation). – Existe-t-il une différence entre

3 commandant adjoint d'un corps d'armée et un chef d'état-major ? Dans

4 l'armée britannique, par exemple ?

5 M. Buffini (interprétation). - Oui, dans l'armée britannique, il

6 y a une distinction très claire entre ces deux rangs.

7 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu’un commandant-adjoint

8 appartient à la filière de commandement alors que le chef d'état-major est

9 à un poste de décision qui ne fait pas partie de la chaîne de

10 commandement ?

11 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le 4 avril 1993

13 le Commission mixte de Busovaca avait déjà accompli pas mal de choses,

14 est-ce exact ?

15 M. Buffini (interprétation). - Oui, nous avions vraiment

16 l’impression que nous allions atteindre des objectifs satisfaisants.

17 M. Hayman (interprétation). - Nourrissiez-vous le moindre doute

18 sur le fait que les membres de la Commission mixte, des deux côtés,

19 avaient travaillé en pleine bonne fois en vue de réaliser ces objectifs ?

20 M. Buffini (interprétation). - Dans la plupart des cas, je

21 dirais que oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que parfois les

23 commandants locaux n'agissaient pas en l'absence d'un ordre écrit du

24 Colonel Blaskic, c'est exact ?

25 M. Buffini (interprétation). - Tout à fait.

Page 5656

1 M. Hayman (interprétation). - Sur quelles questions les choses

2 se passaient-elles ainsi ?

3 M. Buffini (interprétation). - Dans la plupart des occasions, il

4 s’agissait de l'accès à un village qui était contrôlé par un commandant

5 local. Après le 21 avril, il y a eu d'autres incidents relatifs à

6 l'échange ou plutôt à la communication de listes de prisonniers.

7 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais acquis

8 l'impression ou conclu qu'un commandant local ne souhaitait pas vous

9 satisfaire, ou souhaitait ralentir le processus, et que dans ce cas il

10 trouvait pratique de vous dire qu'il n'agirait pas en l'absence d'un ordre

11 écrit du Colonel Blaskic ?

12 M. Buffini (interprétation). - Pourriez-vous répéter la

13 question, s'il vous plaît ?

14 M. Hayman (interprétation). - N’êtes-vous jamais arrivé à la

15 conclusion ou ne vous êtes-vous jamais formé l’avis, l'opinion, que de

16 temps entend un commandant local, s'il ne souhaitait pas répondre à vos

17 demandes ou s'il souhaitait freiner l'accomplissement de votre

18 demande, demandait parfois à avoir un ordre écrit de la part du

19 Colonel Blaskic ?

20 M. Buffini (interprétation). - Non, je ne crois pas que c'était

21 le cas. Il ne faisait pas certaines choses parce qu'il ne disposait pas de

22 l'autorité nécessaire pour le faire.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d'une occasion où

24 vous avez dit que des commandants locaux ont hésité à suivre Les

25 instructions du Colonel Blaskic. Cela impliquait le convoi de la joie ou

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1 de l'espoir, n'est-ce pas ?

2 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

3 M. Hayman (interprétation). - Cet incident s’est-il produit aux

4 alentours du 10 juin 1993 ?

5 M. Buffini (interprétation). - Pour autant que je m’en

6 souvienne, oui, c’était au début du mois de juin.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez qualifié cet événement.

8 J'aimerais vous donner lecture d'une qualification un peu différente du

9 même événement, et vous demander s'il s'agit en fait du même événement ou

10 d'un événement différent.

11 Il s'agit d’un paragraphe de vingt lignes, Monsieur le

12 Président, il serait bon de le mettre sur le rétroprojecteur pour aider

13 les interprètes à suivre. J'ai des copies qui permettront à chacun de

14 suivre. Je consignerais au procès-verbal l'origine de ce document,

15 Monsieur le Président.

16 (L’huissier s’exécute.)

17 Il s'agit de la page 3 d'une déclaration du témoin

18 Alister Duncan, recueillie en août et avril 1993 par M. Kehoe, entre

19 autres.

20 Peut-on agrandir l’image et la relever un petit peu ?

21 (L’huissier s’exécute.)

22 Nous examinons la moitié inférieure de la page, à partir du mot

23 When, je lis : "Lorsque le convoi de la joie a finalement démarré, il a

24 fallu l'autorité particulière de

25 Dario Kordic auprès des Croates pour obtenir un ordre exigeant

Page 5658

1 sa libération. Dario Kordic a donc joué un rôle clef dans sa libération.

2 J’avais emmené précédemment Blaskic à Vitez où le convoi avait été arrêté

3 à un barrage pour la deuxième fois. Cela se trouvait au carrefour en T à

4 l’extrémité orientale de Vitez, ou de l'entrée dans Vitez où l'on pouvait

5 tourner sur la droite pour entrer dans la ville. Blaskic portait son

6 casque militaire et son gilet pare-balles. Les soldats ont refusé

7 d'autoriser le convoi à démarrer, même lorsque j'ai prononcé le nom du

8 Colonel Blaskic et évoqué son autorité. Les soldats ont déclaré

9 catégoriquement qu'il voulait un ordre de Kordic. Ils avaient l'apparence

10 de soldats du HVO réguliers et portaient des uniformes de combats et des

11 uniformes de camouflage. A ma connaissance, c'est la seule fois que des

12 soldats du HVO, standard dirais-je, ont refusé d'obéir à un ordre du

13 Colonel Blaskic. Au cours de cet incident, il m'est devenu apparent que

14 c'est Kordic qui contrôlait les actions de la police locale et des civils

15 qui bloquaient les routes et pillaient les convois. Le convoi n'a été

16 relâché que lorsque moi-même, l'ambassadeur de l’ECMM et le COS de la

17 Forpronu, le brigadier Fair Hyze, nous avons parlé directement à Kordic, à

18 M. Blaskic, aux officiers du HVO et aux responsables civils lors d’une

19 réunion qui s’est tenue dans l'usine de bois désaffectée de Nova Bila".

20 (fin de citation).

21 Monsieur Buffini, est-ce qu’à votre avis cette descriptions

22 concerne le même événement que celui que vous avez discuté au sujet du

23 convoi de la joie ou bien est-ce un événement et un convoi différents ?

24 M. Buffini (interprétation). - Il s’agit du même convoi, mais

25 cela s'est passé avant l'incident dont moi j'ai parlé.

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1 M. Hayman (interprétation). - Que voulez-vous dire ? Vous voulez

2 dire que le convoi a été arrêté en plusieurs endroits ? Je crois vous

3 avoir entendu dire que vous vous êtes rendu auprès du convoi lorsqu’il a

4 été arrêté au carrefour en T de Vitez ?

5 M. Buffini (interprétation). - J’ai dit qu’à peu près vingt

6 camions avaient été

7 emmenés de ce convoi. Le convoi a par la suite poursuivi, mais

8 ces camions ont été retirés.

9 M. Hayman (interprétation). - Comment avez-vous fait pour

10 essayer de récupérer ces vingt camions ?

11 M. Buffini (interprétation). - Je suis allé à Busovaca même.

12 M. Hayman (interprétation). - Et c'est là que se trouvaient les

13 camions

14 M. Buffini (interprétation). - Effectivement.

15 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que le brigadier Duncan

16 était présent ?

17 M. Buffini (interprétation). - Non, c’était deux officiers-

18 adjoints, deux assistants, qui étaient là et il y avait un des commandants

19 de la compagnie.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous êtes jamais allé à

21 l'endroit où le convoi était arrêté, c'est-à-dire à ce carrefour en T sur

22 la route de Vitez/Busovaca ? Avez-vous vu à cet endroit le Colonel Blaskic

23 en train d’essayer de libérer le convoi ?

24 M. Buffini (interprétation). - Non, pas du tout.

25 M. Hayman (interprétation). - Un terme est utilisé dans la

Page 5660

1 description que j'ai lue, je cite : "Des soldats du HVO, standard".

2 N’avez-vous établi une distinction dans votre esprit entre exemple une

3 brigade du HVO et ce qu'on appelait les unités spéciales du HVO ? Vous

4 savez à quoi je fais référence ?

5 M. Buffini (interprétation). - Si vous faites référence aux

6 unités spéciales qui étaient toujours en noir, alors oui, il existait une

7 certaine distinction. Mais je n’ai vu ces troupes qu’une fois.

8 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous dites qu'à votre avis

9 les commandants du HVO suivaient tous, uniformément, les ordres du

10 Colonel Blaskic, vous parlez de la période de votre mission, n’est-ce

11 pas ?

12 M. Buffini (interprétation). - Absolument.

13 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu le moindre contact

14 avec des commandants du groupe connu sous le nom de Vitezovi qui vous

15 permette de fonder votre avis ?

16 M. Buffini (interprétation). - Je ne comprends pas. Je ne le

17 connais pas le Vitez, O, V. Qu'est-ce que vous entendez par là ?

18 M. Hayman (interprétation). - Il y avait une unité qui

19 s'appelait les Vitezovi et qui était une unité du HSO. C’était un

20 successeur de cette unité du HSO. Connaissez-vous cette unité ?

21 M. Buffini (interprétation). - HSO, je connais, mais pas cette

22 unité.

23 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais eu des contacts

24 avec des commandants de cette unité qui vous aient permis de vous faire un

25 avis quant au fait que les commandants de ces unités obéissaient ou

Page 5661

1 n’obéissaient pas aux ordres du Colonel Blaskic ?

2 M. Buffini (interprétation). - Non, comme je les dis, je n'ai

3 jamais rencontré cette unité.

4 M. Hayman (interprétation). - Que diriez-vous de la police

5 militaire du HVO ? Est-ce que vous avez eu des contacts avec les membres

6 de la police militaire du HVO qui vous permettent de vous faire un avis

7 quant à la mesure avec laquelle les commandants de cette police militaire

8 du HVO suivaient ou ne suivaient pas, obéissaient ou n’obéissaient pas,

9 aux ordres du Colonel Blaskic ?

10 M. Buffini (interprétation). - Pour autant que je le sache, je

11 ne savais pas qu'il y avait une distinction entre la police militaire et

12 les troupes du HVO qui opéraient aux alentours du secteur de Vitez.

13 M. Hayman (interprétation). - Que diriez-vous de l’unité connue

14 sous le nom des Jockeri dans la police militaire ? Est-ce que vous avez eu

15 des informations ou des contacts au sujet de cette unité qui vous auraient

16 permis de vous faire un avis quant au fait que ces membres

17 suivaient ou ne suivaient pas, faisaient partie ou ne faisaient

18 pas partie, de la chaîne de commandement direct contrôlé par

19 Colonel Blaskic ?

20 M. Buffini (interprétation). - Les choses que j’ai entendues à

21 propos des Jockeri, ce sont des rumeurs qui disaient qu'ils existaient

22 effectivement. Mais jamais je n'ai été témoin de leur présence, alors que

23 me nous travaillions dans le secteur.

24 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez jamais appris

25 la moindre information quant à une unité commandée par un homme répondant

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1 au nom de Zuti, dans la région de Nova Bila ?

2 M. Buffini (interprétation). - Non, je ne me rappelle de rien à

3 ce propos.

4 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de

5 consacrer votre attention à la réunion du 21 avril 1993 dans les locaux de

6 l’ECMM. Avez-vous participé à cette réunion ?

7 M. Buffini (interprétation). - Oui, j’étais dans les locaux et

8 j’ai assisté à une partie de la réunion.

9 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous conviendriez que

10 pendant la partie de la réunion à laquelle vous avez assistée en tout cas,

11 la réunion a traité du sujet suivant : à savoir comment séparer les forces

12 et établir une zone démilitarisée entre les forces ?

13 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

14 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous conviendriez que

15 dans la partie de la réunion à laquelle vous avez assistée, il n'a

16 absolument pas été discuté des atrocités alléguées à Ahmici et qu’il n’y a

17 pas eu la moindre demande d’enquête au sujet de ces allégations ?

18 M. Buffini (interprétation). - Je ne crois pas que ce sujet ait

19 été soulevé à ce moment-là.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit les généraux

21 Halilovic et Petkovic. Vous avez dit qu’ils s’étaient rendus sur le

22 terrain et qu’ils avaient directement dit à leurs

23 soldats qu’il fallait qu’ils obéissent au cessez-le-feu, n'est-

24 ce pas ?

25 M. Buffini (interprétation). - C'est exact. L'accord avait été

Page 5663

1 accepté par les deux hommes, ils informaient et instruisaient leurs

2 troupes au sujet de l'existence de cet accord.

3 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d’accord avec cette

4 citation de votre déclaration du 2 et 3 avril 1997, au milieu de la

5 page 7, à savoir : "Au cours de mon déplacement dans le secteur, j’ai

6 utilisé l’interprète de la Commission mixte pour demander à la fois aux

7 troupes du HVO et de l'armée de Bosnie-Herzégovine ce qu'ils pensaient des

8 plans des généraux. Aucune des personnes avec lesquelles j'ai parlé,

9 croyez que le cessez-le-feu allait durer plus de quelques jours. Ils ont

10 insisté sur le fait que des crimes tels avaient été commis contre leur

11 propre famille qu'ils devaient prendre leur revanche, qu’ils devaient se

12 venger.". Etes-vous d'accord avec cette déclaration ?

13 M. Buffini (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d’accord pour dire que

15 c’est un sentiment que vous avez entendu exprimer à la fois par des

16 soldats de la BiH et du HVO ?

17 M. Buffini (interprétation). - Oui, effectivement.

18 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé de cette question

19 du traitement réservé aux prisonniers, de la question de l'échange des

20 listes des prisonniers.

21 Avez-vous jamais rencontré le Général Blaskic pour aborder ce

22 sujet avec lui ?

23 M. Buffini (interprétation). - Non, je ne me rappelle pas

24 l'avoir rencontré directement ou en avoir discuté directement avec lui.

25 M. Hayman (interprétation). - Vous déclarez que les ordres émis

Page 5664

1 par le Colonel Blaskic sur ce sujet étaient respectés par les forces du

2 HVO et par les commandants locaux, les ordres portant sur ce même sujet de

3 l'échange, les listes et la libération de prisonniers ?

4 M. Buffini (interprétation). - Plusieurs semaines se sont

5 écoulées avant que nous

6 parvenions à obtenir un échange de listes ou un échange de

7 prisonniers. Donc je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire

8 par le terme : respectés.

9 M. Hayman (interprétation). - Quand vous-même ou d'autres

10 membres de la Commission, vous avez compris qu'il y avait un problème pour

11 ce qui était de la mise en place de cet accord portant sur l'échange des

12 listes des prisonniers, qui faisait partie il me semble de l’accord conclu

13 le 21 avril 1993, n’est-ce pas ?

14 M. Buffini (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Quand est-ce que cet accord arrêté

16 n'a pas pu être établi ? Quand est-ce que les partis ont à nouveau exercer

17 une pression sur leurs forces pour que ce volet de l'accord du 21 avril

18 soit respecté ?

19 M. Buffini (interprétation). - Cela a eu lieu dans la plupart

20 des réunions que nous avons eues à la suite de la réunion du 21 avril.

21 Toutes les réunions que nous avons tenues dans les jours qui ont suivi ont

22 impliqué un point, à savoir : renforcer, revenir, insister sur la

23 nécessité de remettre en oeuvre l’accord conclu le 21 avril.

24 M. Hayman (interprétation). - Avec l'aide de l'huissier,

25 Monsieur le Président, je voudrais soumettre un document au témoin. Je ne

Page 5665

1 crois pas qu'il ait déjà été versé au dossier, mais c'est peut-être le

2 cas. Le cas échéant, je m’en excuse, mais je n’ai pas pu le repérer sur la

3 liste des pièces à conviction comme étant une pièce à conviction de la

4 défense précédemment déposée.

5 M. le Président. - Monsieur le Greffier, vous vérifierez ? (

6 (L’huissier s’exécute.)

7 M. Hayman (interprétation). - Peut-on placer ce document sur le

8 rétroprojecteur ? Je pense que cela pourrait aider les interprètes,

9 Monsieur le Président.

10 J’attire votre attention, Monsieur Buffini, sur ce document qui

11 porte la date du 18 avril 1993.

12 L’interprète - Monsieur le Président, dans l'état actuel des

13 choses, les interprètes ne peuvent pas lire ce document.

14 M. le Président. - Les interprètes n'ont pas le document sous

15 les yeux.

16 L’interprète. – Monsieur le Président, le document apparaît sur

17 l’écran des interprètes, mais de façon absolument confuse et floue.

18 M. le Président. - Est-ce mieux, maintenant ?

19 L’interprète. - Oui, merci, Monsieur le Président.

20 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

21 eu le temps de faire circuler les exemplaires nécessaires pendant la

22 pause, mais j’ai des exemplaires à disposition, si cela peut aider.

23 Monsieur Buffini, en haut et à gauche, il y a un titre qu’on ne

24 voit plus très bien : « Cessez-le-feu entre le HVO et les unités de

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine ».

Page 5666

1 Ensuite, il est dit -je ne vais pas lire tout le document- :

2 « Sur la base des ordres donnés par le chef de l'état-major du HVO de

3 l'Herceg-Bosna, le 18 avril, je donne l'ordre suivant...".

4 Et je lis les deux premiers paragraphes. Premièrement : "Que

5 toutes les unités subordonnées du HVO doivent immédiatement mettre un

6 terme à leurs opérations et à leurs combats lancés contre les unités de

7 l’armée de Bosnie-Herzégovine.". Deuxièmement : "L'échange des soldats

8 détenus et des civils doit avoir lieu immédiatement. ».

9 Monsieur Buffini, cet ordre daté du 18 avril 1993 par le

10 Colonel Blaskic a-t-il été obéi par le HVO ? Les soldats et les civils qui

11 étaient détenus ont-ils été immédiatement libérés et échangés ? Est-ce

12 arrivé immédiatement après ?

13 M. Buffini (interprétation) - Non, je ne crois pas.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également décrit quelles

15 avaient été les plaintes qui avaient été formulées, relatives au fait que

16 des prisonniers aient été emmenés pour

17 creuser des tranchées, n'est-ce pas ?

18 M. Buffini (interprétation) - Ce sont des plaintes dont nous

19 avons eu connaissance, effectivement.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également dit que le

21 CICR avait eu des difficultés à aller sur les lieux, à aller voir ces

22 prisonniers détenus, n’est-ce pas ?

23 M. Buffini (interprétation) - Je crois que c'est Mlle Podbielski

24 qui nous en a parlé, après avoir eu des difficultés, un jour, à accéder à

25 ces lieux de détention.

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1 M. Hayman (interprétation). - Ces plaintes ont été formulées

2 après le 21 avril 1993, après la date à laquelle un accord a été conclu

3 pour un cessez-le-feu et pour les autres choses dont vous avez parlées,

4 c’est cela ?

5 M. Buffini (interprétation) - C'est à ce moment-là que j'étais

6 de nouveau sur les lieux et que j'en ai eu connaissance, parce que je suis

7 revenu uniquement le 21.

8 M. Hayman (interprétation). - Bien, Monsieur le Président, je

9 voudrais soumettre un autre document au témoin.

10 Il s'agit d'un document de deux pages, la première est rédigée

11 en BCS et il y a une version en anglais uniquement.

12 L'huissier pourrait-il nous aider et placer la version en

13 anglais sur le rétroprojecteur ? Avec l'aide de l'équipe technique, peut-

14 on placer l'image au bas de la page, sur les points 6 et 7 de l’ordre qui

15 figure sur cette feuille ? Merci.

16 Monsieur Buffini, j'attire votre attention, maintenant, sur ce

17 document qui porte la date du 21 avril 1993. Il est écrit en haut : « Sur

18 la base de l'ordre émis par le chef du quartier général du HVO... ». Il

19 est adressé à la fois aux brigades du HVO et à d’autres entités, notamment

20 à la police militaire et aux Vitezovi, les groupes opérationnels spéciaux.

21 Suite au mot « ordre », il est écrit : au point 1 : « Le CICR

22 pourra avoir un accès totalement libre à tous les civils. », au point 2 :

23 « La population civile bloquée dans des zones

24 de combat sera respectée et protégée. », au point 3 : « Les

25 civils et les soldats en captivité seront traités de façon humaine et

Page 5668

1 recevront une protection adaptée. », au point 4 : « L’identité de toutes

2 les personnes en captivité, de toutes les personnes détenues, sera

3 communiquée au CICR et à ses représentants. Ceux-ci auront le droit de

4 rendre visite aux individus détenus ou emprisonnés ».

5 Cet ordre émis le 21 avril et relatif à la communication de

6 l’identité des personnes détenues et emprisonnées, a-t-il donc été mis en

7 application en temps et en heure ? En avez-vous eu connaissance ?

8 M. Buffini (interprétation) - Sur la base de nos activités sur

9 le terrain, je dirais que non, l'ordre n'a pas été appliqué.

10 M. Hayman (interprétation). - Après le 21 avril, des problèmes

11 ont surgi pour ce qui était de la libération des prisonniers, pour la

12 communication de listes de prisonniers, n’est-ce pas ?

13 M. Buffini (interprétation). - Oui.

14 M. Hayman (interprétation). - L'armée de Bosnie-Herzégovine ne

15 souhaitait pas donner des listes. Pour on ne sait quelle raison,

16 logistique ou autre, le HVO n’a pas pu produire rapidement une liste des

17 personnes détenues, c'est exact ?

18 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

19 M. Hayman (interprétation). – Au cours des réunions de la

20 commission mixte de Busovaca, avez-vous demandé à M. Nakic ou à l’une des

21 autres personnes représentant le HVO : « S'il vous plaît, s’il vous plaît,

22 redoublez d'effort pour que ce volet de l'accord signé le 21 avril 1993

23 soit respecté et appliqué ? ».

24 M. Buffini (interprétation). – Oui, cela a été souligné

25 pratiquement lors de toutes les réunions qui ont eu lieu par la suite, à

Page 5669

1 savoir que nous souhaitions garantir que les critères soutendant cet

2 accord de cessez-le-feu soient respectés. Jusqu'à cette date, ils ne l'ont

3 pas été.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous avez souligné ce point lors

5 des réunions de la commission mixte de Busovaca qui se seraient tenues

6 entre le 21 et le 24 avril 1993 ?

7 M. Buffini (interprétation). - La commission n’était plus la

8 commission mixte de Busovaca, mais la commission mixte.

9 M. Hayman (interprétation). – Oui, la commission mixte.

10 M. Buffini (interprétation). - Oui, cela a été souligné.

11 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

12 soumettre un autre document au témoin avec l’aide de l’huissier. Il y a,

13 là aussi, un original en BCS et une version en anglais du même texte. Ces

14 deux feuilles ne composent qu'une seule et même pièce à conviction A et B

15 peut-être. Si on peut placer le texte anglais de ce document sur le

16 rétroprojecteur, cela aiderait beaucoup les interprètes.

17 (l’huissier s’exécute).

18 M. Hayman (interprétation). - Une fois encore, peut-on placer la

19 version anglaise du document sur le rétroprojecteur ?

20 Monsieur Buffini, j'attire votre attention à présent sur ce

21 document, sa version en anglais, daté du 24 avril. On y parle du

22 traitement réservé aux civils et aux prisonniers, ordre donné à tous les

23 commandants d'unité en zone opérationnelle de Bosnie centrale, aux

24 brigades et aux unités indépendantes. Il dit qu’il est basé sur une

25 requête, puis : « Je demande à toutes les unités, à tous les membres du

Page 5670

1 HVO de :

2 1) Respecter et protéger la population civile en temps de

3 guerre. Par définition les civils ne prennent pas part au conflit et par

4 conséquent, ils ne peuvent pas être choisis comme cible d'une attaque.

5 2) Il faut que les soldats et les civils qui ont été capturés

6 soient traités humainement. Il faut s'assurer qu'ils seraient protégés de

7 façon adaptée.

8 3) Il faut communiquer l'identité de toutes les personnes

9 capturées ou détenues au

10 CICR et il faut permettre aux représentants de cette institution

11 de leur rendre visite conformément aux critères établis par le CICR. ».

12 Pour ce qui est du point 3, Monsieur Buffini, celui que je viens

13 de lire, c'est cela que vous demandiez à Franjo Nakic entre le 21 et le

14 24 avril 1993. Vous souhaitiez qu'il exerce une pression plus importante

15 sur ses supérieurs afin que ceux-ci fournissent des listes de prisonniers,

16 et qu'ils obtiennent que le CICR puisse rendre visite aux prisonniers ?

17 M. Buffini (interprétation). - Nous demandions au HVO de nous

18 fournir ces listes, ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à cette date. Je ne me

19 rappelle pas avoir obtenu des listes de ce genre depuis pas mal de temps.

20 M. Hayman (interprétation). - Cette situation s’est poursuivie

21 entre le 21 et le 29 avril ? D’après vous, d’après les membres de la

22 commission, les progrès en la matière n’ont pas été suffisants pour ce qui

23 était de s'assurer de la libération et de l’échange de certains

24 prisonniers, de l’obtention de listes de personnes détenues ?

25 M. Buffini (interprétation). - Oui, cela a continué à être très

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1 difficile.

2 M. Hayman (interprétation). - Je vais soumettre un dernier

3 document au témoin, une pièce constituée par deux feuilles recto verso. Il

4 y a un ordre en BCS et une traduction en anglais uniquement pour

5 l'instant.

6 (L’huissier s’exécute.)

7 M. Hayman (interprétation). - Si le texte, notamment les

8 points 1 à 4 pouvaient apparaître sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît,

9 pour aider les interprètes.

10 Ce document porte la date du 29 avril 1993, 19 heures 40,

11 sujet : "Libération des civils détenus afin de mettre en oeuvre un des

12 ordres donnés par le chef de l'état-major du HVO et du chef de l'état-

13 major de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Daté du 29 avril 1993.

14 J'ordonne par la suivante :

15 1 ) Que des listes provisoires des civils détenus hommes, femmes

16 et enfants soient

17 immédiatement communiquées, il faut qu'elles comprennent les

18 informations suivantes… ».

19 Ensuite, il y a la description des informations qu’elles doivent

20 contenir.

21 Puis, il y a : « Responsables : les commandants subordonnés

22 immédiats. Date limite : le 30 avril 1993, 10 heures. ».

23 2 ) libération de tous les civils, femmes, hommes et enfants qui

24 ont été arrêtés au cours des conflits opposant l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine et le HVO. Responsables : les commandants subordonnés

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1 immédiats. Date limite : 30 avril 1993, 12 heures. ».

2 Je passe le point 3.

3 Et j’en viens au point 4 pour que nous puissions avancer un peu

4 plus rapidement : « Tous les civils libérés doivent jouir d'une sécurité

5 totale dans votre secteur de responsabilité et c'est vous qui serez tenu

6 responsable de la situation prévalant », et nous tournons la page « dans

7 votre zone de responsabilité. Signé : Commandant Tihomir Blaskic ».

8 Vous rappelez-vous à quel moment les civils détenus dans le

9 secteur de Vitez ont été libérés, ont-ils été libérés aux alentours du

10 30 avril 1993 ?

11 M. Buffini (interprétation). - A peu près à ce moment-là

12 effectivement, mais en tout cas au mois de mai, c'est sûr, date à laquelle

13 nous avons eu suffisamment d’informations selon lesquelles des libérations

14 avaient effectivement lieu.

15 M. Hayman (interprétation). - Nous revenons pour quelques

16 instants sur votre commentaire selon lequel les commandants locaux

17 suivaient toujours ou presque toujours les ordres émis par le

18 Colonel Blaskic. N’avez-vous jamais eu de contacts avec des commandants de

19 l'unité du HVO à Kiseljak, rapports qui vous aurez permis d'en venir à

20 certaines conclusions concernant la capacité du Colonel Blaskic à

21 contrôler ou à ne pas contrôler les commandants de l'unité de la brigade

22 du HVO à Kiseljak ?

23 M. Buffini (interprétation). - Je crois n’avoir rencontré le

24 commandant de la région

25 de Kiseljak qu’une seule fois lors d’une rèunion, donc, je ne

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1 peux pas répondre.

2 M. Hayman (interprétation). – Vous ne vous êtes pas forgé

3 d’opinion sur ce point précis, c’est cela ?

4 M. Buffini (interprétation). – Non.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous n'avez pas formulé une telle

6 opinion ?

7 M. Buffini (interprétation). - Non. Je ne l’ai pas vu et cela se

8 passait dans les premiers jours de ma mission et je ne peux vraiment pas

9 me faire une opinion à ce sujet.

10 M. Hayman (interprétation). - Je vais maintenant vous poser

11 quelques questions portant sur la route Triangle et sur le secteur de

12 Prozor.

13 Avez-vous connaissance du fait que, vers le mois de

14 janvier 1993, la route qui va vers le nord de Prozor à Novi Travnik a été

15 coupée. Elle ne pouvait pas être utilisée par le HVO parce qu’elle était

16 entre les mains de l’armée de Bosnie-Herzégovine.

17 M. Buffini (interprétation). - Elle a été coupée en plusieurs

18 points et la parcourir était effectivement devenu très difficile.

19 M. Hayman (interprétation). – Etiez-vous conscient du fait que

20 ces bus que vous avez vus transportant des soldats de la HV, un peu

21 partout, n’auraient pas été capables d'emprunter cette route qui allait au

22 nord, de Porzor à Novi Travnik, et donc n’auraient pas pu entrer dans la

23 région de la vallée de la Lasva à ce moment-là ? C’est exact, n'est-ce

24 pas ?

25 M. Buffini (interprétation). - Ces autocars n'auraient pas pu

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1 accéder à la région de Gornji Vakuf, effectivement.

2 M. Hayman (interprétation). – Ils ne pouvaient pas emprunter

3 cette route, c’est exact ?

4 M. Buffini (interprétation). – Non.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous avez identifié ces bus comme

6 étant ceux que vous aviez vus ou que d’autres vous avaient dit avoir vus,

7 c’est exact ?

8 M. Buffini (interprétation). - C'est exact, oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous avez eu un entretien avec un

10 mercenaire, Gus Bryden. Il vous a dit qu'il avait formé des troupes du HV

11 pour qu'elles se rendent à Zadar et à Prozor.

12 M. Buffini (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Zadar se trouve en Croatie, n’est-

14 ce pas ?

15 M. Buffini (interprétation). - Zadar est en Croatie,

16 effectivement.

17 M. Hayman (interprétation). - Ce mercenaire, M. Bryden, vous a-

18 t-il dit, à un moment quelconque, qu'il avait formé des troupes ou savait-

19 il si des troupes s'étaient rendues dans la vallée de la Lasva ou de

20 Kiseljak ?

21 M. Buffini (interprétation). - Non, il n'a parlé que des

22 opérations aux alentours de la région de Prozor.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous avez décrit un incident, au

24 cours duquel, je crois, vous-même, Mario Cerkez et une équipe de

25 télévision de la chaîne ITN, vous êtes rendus sur le front. Vous y avez vu

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1 des traces fraîches de tranchées qui avaient été creusées, c’est cela ?

2 M. Buffini (interprétation). -Mario Cerkez ne nous a pas

3 accompagné.

4 M. Hayman (interprétation). - Il n’est pas venu, vous y êtes

5 allé avec cette équipe de télévision ?

6 M. Buffini (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous discuté de cet incident

8 avec le Colonel Blaskic ?

9 M. Buffini (interprétation). - Non, je ne l’ai pas fait

10 personnellement.

11 M. Hayman (interprétation). - Est-il juste de dire que, lorsque

12 vous nous avez fait part de votre opinion sur le fait que des ordres émis

13 par le Colonel Blaskic étaient obéis ou pas, vous vous fondiez sur des

14 ordres émis portant sur les sujets qui vous préoccupaient

15 prioritairement, c'est-à-dire levée de barrages routiers,

16 cessez-le-feu, etc ?

17 M. Buffini (interprétation). - Oui, c'est exact.

18 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie de votre

19 patience, Monsieur Buffini. Monsieur le Président, je n'ai plus de

20 question à poser, sous réserve du réexamen des pièces à conviction et de

21 savoir si elles sont versées ou pas. Je crois que nous pourrons le faire

22 plus tard.

23 M. le Président. - Elles ont été identifiées, on va peut-être

24 les verser. Il y avait un petit doute sur l’ordre du Colonel Blaskic du

25 18 avril.

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1 Monsieur le greffier a peut-être eu le temps ? Non, vous n'avez

2 pas eu le temps. Bien, il ne faudra quand même pas l’oublier.

3 L'accusation ne s'oppose pas au versement de ces pièces comme

4 pièces à conviction ?

5 M. Kehoe (interprétation). - En ce moment, Monsieur le

6 Président, sur la base de la révision de ces documents, nous verrons si

7 ces documents viennent du Bureau du Procureur. Ils ont dû nous être

8 communiqués par la communauté croate d’Herceg-Bosna mais nous n’e, avons

9 pas la source exacte pour l’instant. Je n'insiste donc pas trop. Il

10 convient, bien entendu, que ces documents soient vérifiés.

11 M. le Président. - Nous les mettons sous un numéro provisoire,

12 alors ?

13 Bien. Elles seront versées comme pièces à conviction, avec les

14 numéros que nous indiquera le greffier.

15 Parfait. Maître Kehoe, pour votre droit de réplique.

16 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

17 souhaite exercer ce droit de réplique. Vous me permettez de prendre la

18 parole ?

19 M. le Président. - Bien sûr.

20 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Le conseil de la défense

21 vous a posé des

22 questions relatives à la route qui allait vers la Bosnie

23 centrale et qui traversait Gornji Vakuf et on vous a dit que cette route

24 avait été coupée en plusieurs endroits.

25 M. Buffini (interprétation). - Effectivement.

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1 M. Kehoe (interprétation). - On vous a questionné sur la

2 capacité des troupes du HV à emprunter cette route qui allait vers la

3 Bosnie centrale.

4 M. Buffini (interprétation). - C'est exact.

5 M. Kehoe (interprétation). - Connaissiez-vous la ville de

6 Fojnica ?

7 M. Buffini (interprétation). - Oui.

8 M. Kehoe (interprétation). - Vous saviez bien, n'est-ce pas, que

9 les Croates déplaçaient des troupes en passant par Fojnica et qu'ils

10 atteignaient la Bosnie centrale, donc Kiseljak et Vitez ?

11 M. Buffini (interprétation). - Nous recevions de nombreux

12 rapports qui nous permettaient de penser que c'était le cas. Mais nous

13 n'avons jamais vu de nos yeux quoi que ce soit de ce genre.

14 M. Kehoe (interprétation). - Les conclusions que vous avez

15 tirées des informations dont vous disposiez étaient que la raison pour

16 laquelle ils dégageaient le secteur à l’est de Prozor est qu'ils

17 souhaitaient dégager cette route pour pouvoir emprunter Fojnica pour se

18 rendre dans la vallée de la Lasva et dans la vallée de Kiseljak.

19 M. Buffini (interprétation). - La conclusion que nous avons

20 tirée, c’est également celle qui a été tirée par la cellule militaire

21 britannique de la ComBriTfor, est qu’une route était ouverte entre Prozor

22 et Fojnica.

23 M. Kehoe (interprétation). - Donc toute indication selon

24 laquelle les troupes ne pouvaient pas se déplacer de Prozor en

25 Bosnie centrale en passant par Fojnica n’était pas vraie parce qu’ils ne

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1 pouvaient pas passer par cette route, n’est-ce pas ?

2 M. Buffini (interprétation) - Nous pensions qu'ils ne le

3 pouvaient pas.

4 M. Kehoe (interprétation). - On vous a posé des questions

5 relatives aux documents que vous a soumis le conseil de la défense. Aviez-

6 vous vu ces documents auparavant ?

7 M. Buffini (interprétation). - Non.

8 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous encore cet ordre du

9 18 avril, avez-vous ce document sous les yeux ?

10 M. Buffini (interprétation). - Oui.

11 M. Kehoe (interprétation). - Cet ordre du 18 avril, d'après les

12 informations dont vous disposiez -puisque vous ne vous trouviez pas sur

13 place- a été délivré alors que la guerre faisait encore rage, n’est-ce

14 pas ?

15 M. Buffini (interprétation). - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - En fait, ce 18 avril on pouvait

17 dire que le HVO avait acquis des avancées territoriales très conséquentes,

18 les plus importantes en date ?

19 M. Buffini (interprétation). - Oui, c'est fort possible. C'est

20 une conclusion qui peut avoir été tirée par eux, effectivement.

21 M. Kehoe (interprétation). - Il pourrait être pertinent de dire

22 qu'au moment où ils avaient acquis un certain nombre de territoires…

23 M. Hayman (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

24 Président. Si l'accusation a le droit de mener ses témoins où elle le

25 souhaite, parfait ! Mais j’espère que la défense jouira du même droit

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1 parce que toutes les questions étaient très tendancieuses.

2 M. le Président. - Je crois que ce n’est pas aux Juges de

3 décider des questions tendancieuses. Les questions sont par hypothèse

4 tendancieuses de chaque côté, mais c'est vous qui avez produit ces

5 documents, Maître Hayman. Il est donc tout à fait normal que Me Kehoe

6 puisse maintenant les commenter avec le témoin. Essayez de ne pas mettre

7 d’opinion personnalisée dans vos propos, Maître Kehoe. Allez-y, continuez.

8 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

9 Avant d’en venir au reste du document soumis par le conseil de

10 la défense, je vais vous poser une question portant sur le paragraphe que

11 vous a lu le conseil de la défense, paragraphe tiré de votre déclaration.

12 Je lis la dernière phrase : « Vous avez parlé à certains membres

13 de troupes et ils ont insisté sur le fait que les crimes qui avaient été

14 commis contre leurs propres familles étaient tels qu’il fallait qu'ils

15 prennent leur revanche. ». Vous rappelez-vous avoir dit cela dans votre

16 déclaration ?

17 M. Buffini (interprétation). - Oui, je me rappelle.

18 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment précis, les problèmes

19 liés à Ahmici étaient présents à l'esprit de chacun à l’époque où le

20 cessez-le-feu a été conclu ?

21 M. Buffini (interprétation). - Du point de vue musulman, il

22 était apparent que c'était leur plus gros problème, que rien n'était dit

23 au sujet d’Ahmici dans les négociations.

24 M. Kehoe (interprétation). - N'est-il pas vrai Monsieur Buffini,

25 que les troupes du HVO ont exprimé des réserves concernant ce cessez-le-

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1 feu parce qu’elles pensaient que les Musulmans souhaiteraient prendre leur

2 revanche du fait des événements qui s'étaient passés à Ahmici ?

3 M. Buffini (interprétation). - Cette crainte existait, mais il y

4 a eu aussi des occasions où des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine

5 avaient tué des soldats du HVO et des civils dans certaines régions. Ce

6 sont les troupes du HVO qui m’en ont informé, effectivement.

7 M. Kehoe (interprétation). - Donc cela existait des deux côtés,

8 n'est-ce pas ? Il y avait des facteurs des deux côtés, n'est-ce pas ?

9 M. Buffini (interprétation). - Oui, mais l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine souffrait le plus à ce moment-là au sujet d'Ahmici.

11 M. Kehoe (interprétation). – Je reviens à ces ordres sur

12 lesquels le conseil de la

13 défense vous a posé certaines questions.

14 Nous nous penchons sur la série d'ordres qui ont été placés sur

15 le rétroprojecteur et nous revenons sur les questions qui vous ont été

16 posées par les conseils de la défense à ce propos.

17 Les questions qui vous ont été posées tendent à essayer de

18 montrer que les ordres émis par Blaskic n’étaient pas obéis, n’est-ce

19 pas ?

20 M. Buffini (interprétation). - C'est ce que j'ai effectivement

21 compris.

22 M. Kehoe (interprétation). – Vous comprenez cela au vu des

23 questions qui vous ont été posées, n'est-ce pas ?

24 M. Buffini (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). – Au cours de l’interrogatoire, vous

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1 avez dit que vous étiez présent à 90 % de ces réunions, n’est-ce pas ?

2 M. Buffini (interprétation). – Oui, c'est exact, à ce moment-là,

3 oui.

4 M. Kehoe (interprétation). - Nakic ou Cerkez ne vous ont-ils

5 jamais précisé, à vous ou à l’une quelconque des personnes participant à

6 ces réunions, que le commandant du HVO ou qu'un soldat avait été

7 sanctionné parce qu'il n’avait pas respecté les ordres délivrés par le

8 Colonel Blaskic ?

9 M. Buffini (interprétation). - Non, jamais.

10 M. Kehoe (interprétation). - N'ont-ils jamais laissé entendre

11 que quelqu'un avait été relevé de son poste, poursuivi ou puni en une

12 quelconque façon pour ne pas avoir respecté des ordres émis par le

13 Colonel Blaskic ?

14 M. Buffini (interprétation). - Non. Je ne me rappelle aucun cas

15 de ce genre.

16 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de cette période de temps,

17 vous avez continué à recevoir des informations selon lesquelles le HVO

18 utilisait les prisonniers pour creuser les tranchées et comme boucliers

19 humains, n'est-ce pas ?

20 M. Buffini (interprétation). - Nous recevions des plaintes de

21 l'armée de Bosnie-Herzégovine quant au fait que cela se produisait. Oui.

22 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Buffini, en fait, il me

23 semble que vous avez déclaré dans le cadre du contre-interrogatoire que

24 lorsque vous avez essayé d'avoir accès à des prisons, ils n'avaient pas

25 reçu d'ordre du Colonel Blaskic qui vous aurait permis d'entrer dans ces

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1 prisons, n'est-ce pas ?

2 M. Buffini (interprétation). - C'est ce que l'on nous a dit.

3 M. Kehoe (interprétation). - Je n'ai plus de question.

4 M. le Président. - Je passe la parole à Monsieur le Juge Riad.

5 M. Riad (interprétation). - Merci, Monsieur le Juge. Bonjour

6 Monsieur Buffini.

7 M. Buffini (interprétation). - Bonjour.

8 M. Riad (interprétation). - Au vu de votre déclaration, je pense

9 que vous êtes sans doute en mesure d'aider le Tribunal à expliciter un

10 certain nombre de points. Dans votre déclaration, vous dites -j'ai pris

11 note, c'est donc la teneur de vos propos que je cite- que le

12 Colonel Blaskic contrôlait l'ensemble des troupes de l’ensemble de Bosnie

13 centrale. Puis, vous avez ajouté que tous les commandants avaient peur de

14 M. Blaskic et qu’ils ne feraient rien qui ne contreviendrait à ses ordres

15 et que Franjo Nakic devait le consulter au sujet de toute décision

16 sérieuse.

17 Ma question est la suivante mais vous êtes libre de ne pas y

18 répondre, au vu de ces déclarations, une action de la dimension qu’ont

19 revêtu les événements de Stari Vitez et d'Ahmici, est-elle une action qui

20 aurait pu avoir lieu en l'absence d'un ordre de celui que vous avez appelé

21 le commandant qui contrôlait les événements ?

22 Cela aurait-il pu se produire en l'absence de son ordre ou, à

23 l'inverse, ce commandant aurait-il pu émettre un ordre pour empêcher cette

24 action et cet ordre aurait-il pu être ignoré ?

25 M. Buffini (interprétation). - Pour ce qui est de la première

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1 question : cela aurait-il pu se produire sans l'ordre et sans l'autorité

2 de quelqu'un comme le Colonel Blaskic ? La réponse est non.

3 L'envergure de l’opération, son champ d'application était tel

4 qu'il aurait fallu impliquer nombre de troupes dans la réalisation de

5 cette opération. Il aurait fallu des ordres émanants d'une haute autorité.

6 Deuxième partie de la question : cela aurait-il pu se produire

7 en contravention à des ordres émis par quelqu’un comme le

8 Colonel Blaskic ? Au vu de ce que j'ai pu comprendre du fonctionnement du

9 commandement au niveau local dans la région et étant donné leur respect

10 pour le Colonel Blaskic, je ne pense pas qu'ils n'auraient pas contrevenu

11 à ses ordres.

12 M. Riad (interprétation). - Dans le même ordre d'idée, vous avez

13 dit que la représentante de la Croix Rouge internationale a fermement

14 protesté contre le fait que des prisonniers aient été emmenés creuser des

15 tranchées sur les lignes de front et contre le fait qu’ils aient été

16 utilisés en tant que boucliers humains. Cela relevait-il de la compétence

17 du commandant, qui à l'époque était le Colonel Blaskic, de réagir à ce

18 genre d'événement en empêchant l'utilisation des prisonniers en tant que

19 boucliers humains ou pour creuser les tranchées, ou bien cela allait-il

20 au-delà de ses compétences ?

21 M. Buffini (interprétation). - Cela ne sortait certainement pas

22 de son champ de compétences, c’est pour cela que nous en avons parlé au

23 cours des réunions. Il fallait que ce message lui parvienne très

24 clairement via Cerkez et Nakic.

25 Il fallait que ce soit lui qui donne les ordres pour qu’on

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1 arrête de telles choses. Cela a été également signalé aux commandants

2 locaux de ces secteurs où se produisaient les incidents. On leur a dit

3 qu'il ne fallait pas que ces incidents continuent à se produire. Nous

4 l’avons donc fait comprendre aux commandants locaux et à la fois au

5 commandant Blaskic.

6 M. Riad (interprétation). - C'est donc à lui qu'il appartenait

7 d'arrêter ces actes ?

8 M. Buffini (interprétation). – Oui, en dernier lieu c’était lui

9 le commandant des troupes sur le terrain. Par conséquent, c’était à lui

10 d'insister sur le fait que ces troupes devaient arrêter de pratiquer de

11 telles choses.

12 M. Riad (interprétation). - Merci, Monsieur Buffini, Merci

13 beaucoup.

14 M. le Président. - Merci Monsieur le Juge Riad.

15 Monsieur Shahabuddeen ?

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'ai quelques questions à

17 vous adresser. Je commencerais par une question très préliminaire.

18 Les soldats du HV étaient des soldats croates venus de Croatie

19 même, n'est-ce pas ?

20 M. Buffini (interprétation). - C'est ce que nous avons compris,

21 oui.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Toutes les fois où vous avez

23 vu des autocars transportant des soldats du HV, vous étiez en

24 Bosnie Centrale, qu’en diriez-vous ?

25 M. Buffini (interprétation). - C'était en Bosnie Centrale parce

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1 qu'une fois le point de contrôle passé on entrait en Bosnie Centrale.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maintenant, ces autocars qui

3 avaient à leur bord des soldats du HV s'écartaient-ils de la frontière

4 croate ou se dirigeaient-ils vers la frontière croate ?

5 M. Buffini (interprétation). - Ils s'éloignaient de la frontière

6 croate, ils s'enfonçaient vers le nord, vers la Bosnie Centrale.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). – Donc, tout à l’heure il

8 s’agissait de soldats en bon état. Lorsque les soldats étaient en moins

9 bon état, dans quelle direction allaient les autocars ?

10 M. Buffini (interprétation). - Ils s’y dirigeaient. Comme ils

11 n'étaient pas encore partis, on avait l’impression qu’ils s’apprêtaient à

12 prendre la direction du sud. Ils allaient de Prozor vers la Croatie.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vers la Croatie. A partir de

14 ce que vous avez

15 vu, c'est-à-dire ces soldats en mauvais état, vous avez tiré la

16 conclusion qu’ils avaient participé à des combats, n’est-ce pas ?

17 M. Buffini (interprétation). - En effet.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). – Etiez-vous en mesure de

19 tirer la moindre conclusion quant au fait que les lieux de ces combats

20 auraient été quelque part en Bosnie Centrale ou quant au fait qu’ils

21 auraient été à l'extérieur de la Bosnie centrale.

22 M. Buffini (interprétation). - La conclusion était très claire,

23 ils venaient du secteur environnant Prozor, de la Bosnie Centrale.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vois. Vous avez vu un

25 certain nombre de documents versés au dossier par le conseil de la

Page 5686

1 défense. L'un de ces documents est daté du 21 avril.

2 Monsieur le Greffier cela m'arrangerait de pouvoir y faire

3 référence par une cote, mais je ne sais pas quelle cote utiliser.

4 Cela ne vous dérange pas ? Vous comprenez de quel document je

5 parle ?

6 M. Buffini (interprétation). - Oui, je comprends Monsieur.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous êtes un militaire

8 Monsieur, et vous avez sous les yeux un document militaire.

9 M'est-il permis de conclure que votre impression consiste à dire

10 que le document que vous avez sous les yeux est présenté dans le format

11 habituel d'un document de cette nature ?

12 M. Buffini (interprétation). - Oui, tout à fait. D'une façon

13 générale, c'est tout à fait le cas.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, maintenant les mots qui

15 figurent dans le corps de ce texte sont les suivants et ce document est

16 signé par le Colonel Blaskic qui déclare : « J’émets par la présente

17 l'ordre suivant ». Qualifieriez-vous ces mots de « mots de

18 commandement » ?

19 M. Buffini (interprétation). – Absolument, à partir du moment où

20 ils atteignent les troupes auxquelles ils sont destinés.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui bien sûr. Maintenant si

22 vous regardez le haut de ce document, en haut à droite, il semblerait

23 qu’il soit adressé au commandant des brigades du HVO 1 à 12, aux unités

24 indépendantes situées dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale et

25 finalement à l'unité spéciale des Vitezovi.

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1 L’emploi de ces mots impliquerait-il que l'officier à l'origine

2 de cet ordre émet cet ordre en étant d'avis qu'il a le droit d'ordonner,

3 de donner des ordres aux unités dont les noms suivent?

4 M. Buffini (interprétation). - C'est absolument exact.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). – Avez-vous la moindre

6 connaissance, sur la base de l'expérience que vous avez acquise sur le

7 terrain, quant à ce que cette référence aux unités indépendantes situées

8 dans la zone opérationnelle de Bosnie Centrale, pourrait signifier ?

9 Voyez-vous cette référence ?

10 M. Buffini (interprétation). – Oui, je la vois. Mais j’ai bien

11 peur de ne pas avoir eu connaissance d’activités menées par des unités

12 indépendantes dans le secteur.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - On trouve des mots très

14 similaires dans le document du 24 avril 1993. En haut à droite de ce

15 document, on trouve une référence, également, à des unités indépendantes.

16 M. Buffini (interprétation). - Tout à fait, Monsieur.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Les mots utilisés dans le

18 corps du texte sont les suivants : « J'exige, par la présente ». Ces mots,

19 encore une fois, seraient compris par un militaire comme étant des mots de

20 commandement ?

21 M. Buffini (interprétation). - Dans l'armée britannique, on

22 n'exigerait pas quelque chose, on ordonnerait quelquechose, voilà.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - On ordonnerait, je vois.

24 Et puis le dernier document est en date du 29 avril. On y trouve

25 des termes très semblables, bien qu'un peu différents. Vous voyez ce

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1 texte ?

2 M. Buffini (interprétation). - Oui, Monsieur, je le vois.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Votre conclusion, n'est-ce

4 pas, consisterait à dire que quoi qu'il se soit passé en pratique sur le

5 terrain, l'officier à l'origine de ces documents se considérait investi de

6 l'autorité nécessaire pour exercer le contrôle sur les personnes

7 destinataires de ces documents, n'est-ce pas ?

8 M. Buffini (interprétation). - Il n'y a aucun doute sur ce

9 point.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Passons à la commission

11 mixte. Vous avez parlé de la position de M. Nakic, et vous avez comparé sa

12 façon d'agir à celle de M. Merdan. Monsieur Merdan semblait capable de

13 prendre des décisions immédiates, alors que M. Nakic avait tendance à agir

14 ad référendum, après consultation de M. Blaskic. Ai-je bien compris ?

15 M. Buffini (interprétation). - Tout à fait, Monsieur.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Y avait-il des questions

17 militaires au sujet desquelles M. Nakic estimait qu'elles sortaient du

18 champ de responsabilité, ou du champ de commandement, ou de l'autorité

19 dont était investi le Colonel Blaskic ?

20 M. Buffini (interprétation). - La question est : est-ce que cela

21 sortait du champ de compétence du Colonel Blaskic ? Je ne crois pas avoir

22 compris votre question correctement

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais essayer de

24 reformuler. Est-ce qu’il y avait des questions militaires au sujet

25 desquelles M. Nakic déclarait que cette question ne faisait pas partie des

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1 responsabilités du Colonel Blaskic ?

2 M. Buffini (interprétation). - Non, pas une question militaire.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Major, je vous remercie.

4 M. le Président. - Le Président va également vous remercier,

5 parce que toutes les

6 questions ont été posées excellemment par mes collègues. Je n'ai

7 donc pas de question complémentaire.

8 Major, le Tribunal vous sait gré d'être venu ici, à l'invitation

9 du Procureur, pour cette longue déposition. Il vous renvoie maintenant à

10 vos activités civiles, si j'ai bien compris. On peut donc demander au

11 Greffier de vous faire raccompagner.

12 M. Buffini (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le

13 Président.

14 (Le témoin est reconduit par l'huissier.)

15 M. le Président. - La présente déposition clôt nos travaux du

16 mois de décembre, comme cela a été indiqué.

17 Nous reprendrons au mois de janvier. Je peux, semble-t-il, au

18 jour d’aujourd'hui, vous indiquer le jour de la reprise. Je le fais avec

19 un certain nombre de précautions, puisque vous savez que ce calendrier

20 change très fréquemment, et pratiquement d'heure en heure. En l’état

21 actuel, au moment où je vous parle, nous reprendrons le 19 janvier 1998 à

22 14 heures, pour une longue après-midi. Ce sera une des nouvelles formules.

23 Je vois maître Hayman... Je ne sais pas si je me trompe, mais il

24 me semble que c’est le calendrier que l’on nous a communiqué ce matin.

25 Nous commencerons donc le 19 janvier à 14 heures, et nous irons jusqu'à

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1 19 heures. Ce sera d'ailleurs une formule qui ne sera pas toujours en

2 usage, pas toutes les semaines. Mais il y aura des moments où nous

3 partagerons la salle d'audience avec un autre procès, qui aura lieu le

4 matin ou parfois l'inverse.

5 Tout ceci devrait vous être communiqué très rapisement par le

6 Greffe, n'est-ce pas Monsieur Dubuisson ? Mais les derniers arbitrages ne

7 sont pas tout à fait rendus. Il est à peu près sûr que nous recommencerons

8 le 19 janvier à 14 heures, jusqu'à 19 heures, ce qui nous fera une journée

9 équivalente à nos journées complètes d’aujourd’hui.

10 Nous ajournons donc cette audience jusqu'à cette date.

11 L'audience est levée.

12 L'audience est levée à 12 heures 30.

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