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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2
3 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
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5 Mercredi 22 avril 1998
6
7 LE PROCUREUR
8 c/
9 TIHOMIR BLASKIC
10
11 L'audience est reprise à 14 heures 40.
12
13 M. le Président. - Monsieur le Greffier, voulez-vous introduire
14 l'accusé.
15 (L’accusé est introduit dans la salle d’audience.)
16 Nous saluons toutes les parties en présence.
17 Monsieur le Procureur, nous n'aurons pas à délivrer une
18 ordonnance contraignante pour le témoin, il est présent au Tribunal ?
19 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, tout
20 d'abord le Bureau du Procureur dans son ensemble souhaite vous présenter
21 ses excuses, il y a eu un petit malentendu quant au début de l'audience.
22 Le témoin bien évidemment est arrivé ici et il est prêt à être introduit.
23 Nous pouvons poursuivre, si vous le souhaitez.
24 M. le Président. - Nous l'introduisons et nous allons poursuivre
25 au-delà de 15 heures, nous retarderons l'audience suivante. Nous
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1 essaierons de faire une séquence à un moment cohérent.
2 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
3 M. le Président. - Nous reprenons le contre-interrogatoire.
4
5 Bonjour, Colonel. Vous vous sentez bien, vous êtes reposé, vous
6 êtes en forme, comme tout militaire doit l'être ?
7 M. Landry. - Très bien, Monsieur le Président.
8 M. le Président. - Bien. Le contre-interrogatoire va se
9 poursuivre. Maître Hayman, vous avez la parole.
10 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.
11 Bonjour Lieutenant-colonel. Je vais attirer votre attention plus
12 particulièrement sur la visite que vous avez faite au village de Skradno
13 qui a eu lieu, je crois, entre les conflits de janvier et d'avril 1993.
14 Pouvez-vous nous dire exactement lors de quel mois vous vous êtes pour la
15 première fois rendu au village de Skradno ?
16 M. Landry. - Oui, si vous pouvez juste me laisser quelques
17 instants pour trouver l'information pertinente dans mes notes.
18 M. le Président. - Prenez votre temps, Colonel.
19 M. Hayman (interprétation). - Pendant que le lieutenant-colonel
20 consulte ses notes, nous pouvons peut-être brancher le rétroprojecteur et
21 regarder la carte qui a été placée sur le rétroprojecteur. Il s'agit d'une
22 carte classique de la JNA, une carte au 1/50 000 qui nous montre la région
23 de la rivière de la Lasva.
24 Lieutenant-colonel, vous êtes-vous retrouvé dans vos notes ?
25 M. Landry. - L'entrée que j'ai date du 21 mars, et je dois vous
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1 avouer que j'ai d'autres entrées jusque... je crois que la dernière fois
2 où j'y suis allé, c'était en juin ou en juillet.
3 M. Hayman (interprétation). - Veuillez vous tourner vers le
4 rétroprojecteur à votre droite et en prenant le pointeur, veuillez nous
5 indiquer où se trouve le village de Skradno, s'il vous plaît ? Permettez-
6 moi de vous aider, c'est au nord-est de Busovaca.
7 Pouvez-vous nous dire où se trouvaient les lignes de front par
8 rapport à ce village, les lignes de front opposant le HVO aux lignes de
9 Bosnie-Herzégovine quand vous vous êtes
10
11 rendu sur place en mars 1993 ? Est-ce que le village était loin des lignes
12 de front ?
13 M. Landry. - Sur la route principale reliant Zenica, je crois
14 que le point de contact sur la route qui était sous contrôle bosniaque
15 était quelque part ici.
16 M. Hayman (interprétation). - Ensuite, est-ce que les lignes de
17 front arrivaient vers le sud, c'est-à-dire entre Skradno et Merdani ?
18 M. Landry. - Ca devait être quelque part dans cette région,
19 parce que, comme je l'ai mentionné, j'ai travaillé énormément dans la
20 région de Donji et Gornji Solakovici. Donc n'ayant pas personnellement
21 marché cette distance, j'assure que les lignes de front ou les lignes de
22 combat entre les deux territoires bosniaques et croates au HVO devaient
23 être quelque part entre ces deux-points.
24 M. Hayman (interprétation). - Donc, à l'est de Skradno et au sud
25 sud-ouest de Merdani ?
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1 M. Landry. - Oui quelque chose comme cela
2 M. Hayman (interprétation). - Y-avait-il une clôture ou des
3 barbelés qui entouraient le village de Skradno lorsque vous vous y êtes
4 rendu le 21 mars ?
5 M. Landry. - Pas à ma connaissance, non.
6 M. Hayman (interprétation). - Hier, nous avons parlé de la
7 présence de certains gardes aux alentours de ce village. Y avait-il des
8 patrouilles de garde dans les alentours du village de Skradno lorsque vous
9 vous y êtes rendu pour la première fois ?
10 M. Landry. - Non, pas à ma mémoire. La seule chose qu'on ait vu
11 quand on a été à Skradno, il y avait seulement une route qui donnait accès
12 à Skradno. En regardant la carte, il semble qu'il y en ait plus qu'une
13 mais je suis toujours allé à Skradno en me servant de la route qui donne
14 accès sur la route principale de Busovaca.
15 Les policiers, soit policiers civils soit policiers HVO, étaient
16 à la jonction de cette route, juste avant de traverser la rivière, soit de
17 ce côté-ci de la rivière, du côté de Busovaca, ou
18
19 de l'autre côté, mais c'est eux qui gardaient l'accès à cette enclave
20 musulmane.
21 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque des
22 habitants du village vous a dit si les gardes que vous avez vus à ce point
23 d'accès du village, étaient les responsables des attaques et des vols dont
24 le village avait fait l'objet ou bien au contraire, est-ce que ils étaient
25 chargés de protéger le village contre des attaques ou des vols possibles ?
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1 M. Landry. - C'est ce que les policiers et les représentant du
2 HVO nous ont dit, que les gens étaient en bas, de façon à assurer la
3 sécurité des gens de Skradno compte tenu des tensions qui existaient à ce
4 moment-là entre les diverses ethnies.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré que les
6 villageois eux-mêmes avaient parlé de vols, d'attaques. Vous ont-ils dit
7 si c'étaient les gardes qui étaient responsables de ces attaques, ou ne
8 vous ont-ils rien dit ? Ou alors n'étaient-ce pas ces gardes-là qui
9 étaient responsables ? Ces actes avaient-ils été commis par quelqu'un
10 d'autre ?
11 M. Landry. - Ce qu'on nous a dit et ce que j'ai rapporté, je
12 crois, dans l'un des rapports subséquents, c'est qu'il y avait des
13 allégations de la part de quelques personnes desquelles on a recueilli les
14 témoignages sur les activités de Skradno. Elles nous ont dit se rappeler
15 d'au moins une des personnes habillées en noir, avec des cagoules. Au
16 moins une de ces personnes semblait être un des gardes qui, durant le
17 jour, faisaient le guet pour supposément les protéger.
18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque des
19 gardes que vous avez vus était revêtu d'uniformes noirs ou portait-il
20 d'autres types d'uniformes ?
21 M. Landry. - Je vous ai mentionné les informations que j'ai
22 prises en notes. J'ai dit que c'étaient des policiers HVO et j'ai
23 spécifier que, par la suite, je me suis rendu compte qu'il était très
24 difficile de faire la différence entre les policiers militaires et les
25 policiers civils. Un jour les gens portaient l'uniforme militaire ; le
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1 lendemain ils étaient en policier. Pour moi, tous ceux qui étaient
2 habillés en uniforme à l'intérieur du secteur HVO devaient répondre au
3
4 commandement des autorités HVO.
5 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous avez été
6 accompagné par un représentant du HVO quand vous vous êtes rendu à
7 Skradno, ce jour-là ?
8 M. Landry. - Oui, comme je l'ai mentionné hier, on avait reçu un
9 protêt le matin, lors de la commission. C'était chose courante, l'après-
10 midi, d'investiguer certains de ces protêts. Le groupe s'est alors séparé
11 en deux. J'étais avec un groupe, avec un représentant BiH et un
12 représentant HVO, pour investiguer la situation.
13 M. Hayman (interprétation). - Hier, le représentant du bureau du
14 Procureur vous a demandé de rester succinct, parce que cela permet aux
15 débats d'avancer plus rapidement. Je vais formuler la même demande, si
16 vous le voulez bien.
17 Quelle est la personne du HVO qui vous accompagnait lors de
18 cette visite, si vous vous en souvenez, bien sûr.
19 M. Landry. - Si vous voulez que je sois succinct, il faut que je
20 vous dise que je ne m'en souviens pas. Mais si vous voulez le nom de la
21 personne, je vais rechercher mes notes.
22 M. Hayman (interprétation). - Vous pouvez dire que vous ne vous
23 en souvenez pas. C'est une réponse satisfaisante.
24 M. Landry. - Je peux vous dire, par contre, que c'était une des
25 personnes autorisées à siéger dans la commission de Busovaca. A aucun
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1 moment, nous ne faisions des enquêtes ou des investigations avec des
2 personnes qui n'avaient pas été légitimement mises en place par les
3 autorités HVO ou les autorités bosniaques.
4 M. le Président. - Lieutenant-colonel, essayez de répondre aux
5 questions qui vous sont posées. S'il est nécessaire d'y apporter des
6 compléments, le conseil de la défense, les Juges ou le Procureur vous les
7 demanderont.
8 Mais merci, car je distingue là que vous essayez d'apporter des
9 réponses très précises.
10
11 Continuez, Maître Hayman.
12 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
13 Vous souvenez-vous de la demande -ou des demandes- que vous-même
14 ou que les autres membres de la commission avaient formulées auprès du
15 représentant du HVO, des requêtes relatives à Skradno, que ce soit le jour
16 de votre visite ou par la suite.
17 M. Landry. - Oui, on a demandé, à ce moment-là -en résumé-,
18 c'est de s'assurer que la vie puisse reprendre son cours normal à Skradno,
19 qu'on cesse d'abuser de ces gens-là, qu'on leur permette d'aller dans
20 leurs champs pour faire les récoltes, que les choses reviennent à la
21 normale.
22 M. Hayman (interprétation). - Il y a donc eu une demande visant
23 à obtenir plus de mesures de sécurité, ou moins de mesures de sécurité,
24 quelque soient les personnes qui assuraient la sécurité dans le village ?
25 Avez-vous demandé que ces personnes quittent le village, ou, au contraire,
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1 que les forces en présence soient renforcées ?
2 M. Landry. - On a tout simplement demandé que Skradno ne soit
3 pas considérée comme une prison, mais que les gens soient en mesure de
4 faire les choses quotidiennes, étant donné qu'il n'y avait pratiquement
5 pas de mâles en âge... enfin, pas de combattant. Voilà ce qu'on leur a
6 demandé : que Skradno ne devienne pas une prison, mais qu'elle soit une
7 place où les activités quotidiennes reprennent.
8 M. Hayman (interprétation). - Par la suite, vous êtes revenu à
9 Skradno. Vous nous avez dit hier que la situation, lors de votre seconde
10 visite, était bien meilleure. Les conditions de vie dans le village
11 étaient nettement meilleures. Pouvez-vous préciser les choses ? En quoi la
12 situation s'était-elle amélioré ?
13 M. Landry. - La situation s'était principalement améliorée par
14 rapport au fait qu'il n'y avait plus d'action de violence commise contre
15 les habitants, le soir. Comme vous vous souvenez, hier, j'ai décrit que
16 régulièrement on sortait les habitants de leur maison durant la nuit
17
18 et on faisait semblant de faire un peloton d'exécution. Ces choses-là ont
19 cessé.
20 J'ai dit que les choses s'étaient améliorées, mais je n'ai pas
21 dit qu'elles étaient retournées à la normale. Il y avait toujours des vols
22 de véhicules, on empêchait les gens d'aller recueillir leurs foins, des
23 gens m'ont montré le tracteur leur appartenant, conduit par un bosniaque
24 croate possiblement, dans un champ voisin
25 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous déclaré à
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1 l’ambassadeur Thébault que la situation dans le village de Skradno
2 demandait qu'il intervienne au côté du colonel Blaskic ?
3 M. Landry. - Tous les jours, la commission jointe de Busovaca
4 émettait un rapport directement adressé à l'ambassadeur Thébault. Tous les
5 jours, on recevait en moyenne une dizaine, parfois même une quinzaine de
6 protêts d'incidents, d'allégations de cessez-le-feu.
7 Donc, ce n'était pas monnaie courante de faire un rapport
8 détaillé à M. Thébault sur chacun de ces protêts. L'entente consistait à
9 faire état du protêt aux deux factions, HVO et bosniaque, et ils devaient
10 par la suite nous donner des comptes rendus sur la situation.
11 M. Hayman (interprétation). – Peut-on donc dire qu'il y a eu
12 tant de plaintes formulées des deux côtés, tant de plaintes étudiées par
13 la commission mixte de Busovaca, que l'ECMM et l’Ambassadeur Thébault ont
14 dû prendre une décision quant à la fréquence de leurs interventions auprès
15 de M. Hadzihuseinovic ou de M. Blaskic parce qu'ils ne pouvaient pas tous
16 les jours se manifester. Vous êtes d’accord ?
17 M. Landry.– Oui, c'est pour cela qu'il y avait une rencontre
18 mensuelle, bi ou tri-hebdomadaire de la commission jointe pour que
19 l'Ambassadeur Thébault soit en mesure de leur dire qu'il y avait un manque
20 de collaboration, ou de leur demander de collaborer un peu plus.
21 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit hier que vous
22 pensiez qu'il existait un programme secret du côté du HVO qui visait à
23 expulser les Musulmans de la vallée de la Lasva. Cela dit, vous ne savez
24 pas qui a établi ce programme. Pourriez-vous nous dire si effectivement
25 vous ne le savez pas ou si au contraire vous pouvez nous apporter des
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1 informations plus
2
3 précises. Qui a établi ce programme ?
4 M. Landry. - Comme je l’ai dit hier, je crois que cette
5 stratégie venait principalement des autorités centrales HDZ et HVO et que
6 les activités qui se passaient à ce moment-là en Bosnie centrale étaient
7 les mêmes types d’activités ou de provocation qui se passaient en
8 Herzégovine.
9 M. Hayman (interprétation). - Vous ne donnez toujours pas de
10 nom. Avez-vous jamais eu un entretien avec le colonel Blaskic, au cours
11 duquel il a fait part de sa volonté d'expulser les Musulmans de la vallée
12 de la Lasva, de Kiseljak ?
13 M. Landry. - Je ne me souviens pas de ce genre de rencontre,
14 mais je me souviens très bien que le Colonel Blaskic a demandé que tous
15 les Croates de Zenica soient évacués par autobus pour qu'ils puissent
16 prendre les maisons vacantes dans la région de Busovaca et de Vitez.
17 M. Hayman (interprétation). - Nous parlerons de Zenica un peu
18 plus tard. Vous dites ne pas vous souvenir de ce type de réunion, mais
19 pensez-vous que si une telle réunion avait eu lieu, vous devriez être en
20 mesure de vous en rappeler ?
21 M. Landry. – Oui, je crois bien parce que cela fait déjà un
22 petit bout de temps que je me prépare à ma visite ici, depuis 1996, et si
23 ce genre de rencontre avait eu lieu, je crois que je m'en souviendrais.
24 M. Hayman (interprétation). – Avez-vous jamais eu une discussion
25 en tête-à-tête avec le colonel Blaskic, portant sur un quelconque sujet ?
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1 Ma question porte sur l'ensemble de votre séjour en Bosnie-Herzégovine.
2 M. Landry. - Je dois vous avouer qu’à quelques occasions, j'ai
3 essayé de rencontrer le colonel Blaskic, mais cela m’a été très difficile
4 de le faire parce qu'à partir d'un certain moment, on ne voulait pas que
5 je le rencontre.
6 Pourquoi est-ce que je vous dis cela ? Je me souviens très bien
7 d’un incident lors de
8
9 mon retour d'un congé au Canada. J'avais apporté des présents à tous les
10 gens avec qui je travaillais. J'ai voulu aller porter un présent au
11 Colonel Blaskic, mais encore une fois, on m'a dit qu’il n'était pas
12 disponible, qu’il ne pouvait pas me rencontrer. J'ai donc laissé le
13 présent que je lui avais apporté à sa secrétaire.
14 M. Hayman (interprétation). - Je suis sûr qu'il vous aurait
15 remercié de ce cadeau, mais ma question est la suivante : avez-vous jamais
16 eu un entretien avec le Colonel Blaskic lors de votre séjour en Bosnie-
17 Herzégovine ?
18 M. Landry. - Une fois, au début de mon arrivée, je l'ai
19 rencontré mais très brièvement.
20 M. Hayman (interprétation). - Y a-t-il eu une discussion sur un
21 sujet quelconque lors de cette occasion ou est-ce que c'était une visite
22 de courtoisie ?
23 M. le Président. - Vous avez déjà posé la question. Vous ne
24 pouvez pas à la fois demander au témoin d'aller plus vite et vous-même
25 relancer les questions. Cette question a été posée, il y a été répondu à
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1 trois reprises, y compris un cadeau qu'aurait dû recevoir le colonel
2 Blaskic et qu'il n'a jamais reçu, le Tribunal l'a entendu. Nous
3 continuons.
4 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous décrire un acte ou
5 un ordre établi par le Colonel Blaskic, ordre qui auraient pour objectif
6 d'expulser les Musulmans de la vallée de la Lasva ou de Kisiljak ? Pouvez-
7 vous nous citer un seul ordre ou un seul acte qui aurait été dans ce
8 sens ?
9 M. Landry. - Je ne me souviens pas d'avoir vu aucun ordre écrit,
10 mais je vous ai dit hier qu'énormément d'incidents de provocation ont
11 contribué au nettoyage ethnique de part et d'autre dans cette région.
12 M. Hayman (interprétation). - Monsieur, si vous accusez le
13 colonel Blaskic d'avoir été à l'origine d'un incident provocateur,
14 pourriez-vous s’il vous plaît spécifier de quel incident ou de quels
15 incidents il s'agit ? De quels incidents l'accusez-vous personnellement ?
16
17 M. Landry. - Monsieur le Président, est-ce que je peux faire un
18 petit commentaire de façon à pouvoir répondre à cette question ?
19 M. le Président. - Tout à fait, colonel, vous avez été sommé de
20 préciser votre pensée, donc vous devez le faire. Pour la bonne
21 compréhension des débats par les Juges, vous devez le faire. Cette fois-
22 ci, c'est le Tribunal qui vous demande de bien expliciter votre pensée.
23 M. Landry. - Dans un premier temps, à aucun moment je n'ai
24 accusé personnellement le Colonel Blaskic de quoi que ce soit. La majorité
25 de ma déposition est basée sur la responsabilité du chef militaire de
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1 l'ensemble de la Bosnie centrale.
2 Si le Colonel Blaskic n'est pas coupable, ça me fera plaisir
3 pour lui, je n'ai absolument rien contre l'individu, mais je peux vous
4 dire une chose : j’ai vu énormément de crimes commis et je crois que ces
5 crimes-là ne sont tout simplement pas une situation normale qui s'est
6 développée en Bosnie. Il y a des gens qui étaient en autorité, qui
7 auraient pu faire quelque chose pour prévenir et mon impression, de mon
8 séjour en Bosnie, c'est que les gens qui étaient en autorité n'ont pas
9 tout fait en leur possible pour prévenir les vies qui ont été perdues.
10 C’est ce que je dis depuis le début. Ne me dites pas que
11 j'accuse le Colonel Blaskic, je ne l'ai jamais accusé. La seule raison
12 pour laquelle j'ai décidé de venir ici, Monsieur le Président, c'est tout
13 simplement pour apporter à la Cour ma perception de mon séjour en Bosnie,
14 et pour mettre à profit mon expérience militaire de façon à faire
15 comprendre aux gens que les gens qui se disent responsables militaires, ce
16 n'est pas juste pour siéger dans des conférences et être invités dans des
17 « parties ». Il y a une responsabilité qui s'ensuit.
18 Et je dois vous avouer que le commandement en Bosnie centrale,
19 le Colonel Blaskic, à l’époque, est resté assez longtemps, il aurait dû
20 tout faire en son possible, prendre des mesures pour assumer qu'il était
21 bien responsable.
22 M. le Président. - Vous avez répondu, colonel, c’est clair, ce
23 n'est pas la peine d’ajouter quoi que ce soit, vous n'avez pas à prendre
24 parti plus que cela, vous avez donné votre
25
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1 opinion, et c’est ce que le Tribunal attendait.
2 L'incident est clos. Il a été apporté une réponse à la question
3 posée, il n'y a donc pas eu de fait précis, de provocation à l'encontre du
4 général, dans votre réponse, d'après vous, bien entendu.
5 Maître Hayman, vous pouvez passer à la question suivante.
6 M. Hayman (interprétation). - Pour que tout soit bien clair, si
7 je vous comprends bien, Lieutenant-colonel...
8 M. Cayley (interprétation). - Ne disons pas « pour que tout soit
9 bien clair » ! Je connais le procédé, Maître Hayman, non, tout est clair,
10 donc il n'y a pas du tout à y revenir. Nous allons relancer une polémique
11 qui n'a pas lieu d'être posée, il n'y a pas à dire :"Pour que tout soit
12 clair". C'est clair ! Vous posez une autre question.
13 M. Hayman (interprétation). - Lieutenant-colonel, savez-vous
14 combien de réfugiés musulmans ont été accueillis dans la vallée de la
15 Lasva au cours de 1992 et 1993 ?
16 M. Landry. - Lorsque j'ai quitté la Bosnie en août 1993, les
17 statistiques à ce moment du UNHCR démontraient que sur une population de
18 4,2 millions... non, excusez-moi, de 4,4 millions en Bosnie, environ
19 2,2 millions de Bosniaques avaient été déplacés.
20 Pour vous donner d'autres indications, lorsque je suis arrivé
21 dans la ville de Zenica en mars, la ville avait environ une population de
22 80 000 habitants, d'après ce que l’on m’a dit. A mon départ, la ville de
23 Zenica avait pratiquement doublé suite aux personnes déplacées. Donc je
24 pense que la même situation devait prévaloir dans les villes de Vitez ou
25 de Busovaca.
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1 M. Hayman (interprétation). - Je vais aborder une nouvelle série
2 de questions, Monsieur le Président, je ne sais pas quelles sont vos
3 intentions, quand souhaitez-vous suspendre l'audience ?
4 M. le Président. - Mes intentions étaient très claires, mais
5 hélas, je suis obligé de les réviser. Si nous avions commencé à l'heure,
6 je comptais terminer avec votre
7
8 contre-interrogatoire, nous aurions ensuite pris l'audience suivante qui
9 vous concerne tous, puis nous aurions repris le témoignage du colonel pour
10 les questions du droit de réplique du Procureur et les questions des
11 juges.
12 Cela étant, je me tourne vers vous, Maître Hayman, pour combien
13 de temps en avez-vous encore ? A combien évaluez-vous le temps qu'il vous
14 faut ?
15 M. Hayman (interprétation). - Entre deux et quatre heures,
16 Monsieur le Président, cela dépend de la durée de nos échanges avec le
17 lieutenant-colonel, de la durée de ses réponses. J'ai un certain nombre de
18 documents à soumettre au témoin, cela va prendre un certain temps parce
19 que nous voulons un témoignage très complet.
20 M. le Président. - Merci de cette précision qui effectivement,
21 me permet de réviser complètement mes positions et celles de mes
22 collègues. En leur nom, je crois pouvoir m'exprimer.
23 Si vous voulez bien, nous allons suspendre un quart d'heure et
24 nous reprenons avec les mêmes parties en audience publique l'ordre du jour
25 suivant de nos travaux. Le
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1 Colonel reste à la disposition du Tribunal, bien entendu.
2 L'audience est suspendue.
3
4 L'audience est levée à 15 heures 10
5 La séance est reprise à 15 heures 30
6
7 M. le Président. - Monsieur le Greffier, pouvez-vous nous
8 identifier l'affaire inscrite au rôle de la présente session, s'il-vous-
9 plait ?
10 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agit de l'affaire IT-95-
11 14-T, le Procureur contre Tihomir Blaskic.
12 M. le Président. - Je vous remercie. Nous sommes saisis
13 aujourd'hui et réunis ce jour pour statuer sur une ordonnance de
14 production de documents qui avait été émise par nous-même, moi-même en
15 l'occurrence. Cette ordonnance du 30 janvier 1998 a fait l'objet d'un
16 appel de la part de la Croatie.
17 Nous sommes réunis à la suite d'une décision de la Chambre
18 d'appel demandant à la Chambre, réunie au complet, d'entendre
19 principalement la Croatie et l'ensemble des parties. Je voudrais d'abord
20 identifier chacune des parties.
21
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24
25
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1 Est-ce que la Croatie peut se lever, en tout cas le leader de la
2 présentation des arguments de la Croatie, pour nous indiquer leurs
3 éléments nous permettant de les identifier ?
4 Je les salue, bien entendu.
5 M. Jacic. - Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
6 Jaksamo Jacic, leader de la République de Croatie en Pays-Bas. Sont avec
7 moi M. Likesi conseil juridique au Conseil de Croatie, M. Rivkin, conseil,
8 M. Orsat Milenic, Premier secrétaire de l'Ambassade de Croatie.
9 M. le Président. - Je vous remercie de vous être exprimé dans ma
10 langue maternelle qui est une des langues officielles du Tribunal. Vous me
11 pardonnerez, je commettrai peut-être quelques erreurs dans l'énoncé de vos
12 noms. Je me tourne maintenant vers le banc du Procureur.
13 Monsieur Harmon ?
14 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président
15 Messieurs les Juges, Monsieur l'Ambassadeur, Conseils. Je m'appelle Mark
16 Harmon. Je représente le Bureau du Procureur au cours de cette audience.
17 M. le Président. - Au titre de la Défense ?
18 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
19 bonjour Messieurs les Juges. Mon collègue Russel Hayman et moi-même, Anto
20 Nobilo, nous assurerons la défense du Général Blaskic.
21 M. le Président. - Je vous rappelle les termes du débat.
22 L'ordonnance contraignante, que j'avais prise et signée à l'encontre de la
23 République de Croatie, avait été émise le 30 janvier 1998.
24 En vertu de cette ordonnance, la Croatie était tenue de
25 communiquer un certain nombre de documents au Bureau du Procureur pour le
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1 27 février au plus tard
2 C'est le 13 février 1998 que la République de Croatie, en
3 application de l'article 108 bis du Règlement de Procédure et de Preuve du
4 présent Tribunal, a introduit une demande aux fins de l'examen de
5 l'ordonnance contraignante. Je ne reviendrai pas sur la motivation qui
6 étayait la position de la Croatie et j'irai tout simplement au dispositif
7 de la décision de la Chambre d'appel, décision rendue le 26 février 1998,
8 qui a renvoyé à l’unanimité (je lis la décision) l'affaire devant la
9 présente Chambre au complet, avec M. le Juge Riad et M. le Juge
10 Shahabuddeen, et devant laquelle la République de Croatie et les parties
11 pourront être entendues au sujet de l'ordonnance contraignante, et on a
12 sursis, c'était bien entendu la conséquence de cette décision, à
13 l'unanimité également, à l'exécution de l'ordonnance que j'avais été amené
14 à prendre.
15 La Chambre d'appel restera éventuellement saisie de ce qui
16 pourrait ne pas être jugé, mais je pense qu'elle avait épuisé sa
17 compétence.
18 Voilà donc le débat ouvert. Je propose que prennent la parole
19 successivement les représentants de la Croatie, puisque la décision de la
20 Chambre d'appel nous enjoint d'entendre les arguments de la Croatie, qui
21 n'avait pas été entendue.
22 Nous entendrons ensuite le Procureur, qui était demandeur
23 primitif à l’ordonnance, puis nous entendrons les observateurs de
24 Me Nobilo et, éventuellement, de Me Hayman, et le cas échéant, les Juges
25 seront amenés à vous poser des questions.
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1 Je ne sais pas qui intervient pour la Croatie. Y a-t-il un
2 leader ? Comment avez-vous organisé le débat, Monsieur l'ambassadeur ?
3 M. Muljacic (interprétation). - Notre conseil juridique,
4 M. Rivkin, sera le principal intervenant.
5 M. le Président. - Monsieur Rivkin, vous avez la parole au nom
6 de la République de Croatie.
7 M. Rivkin (interprétation). – Merci. Si je peux poursuivre, ma
8 déclaration sera brève et déterminera la façon dont la République de
9 Croatie envisage le problème qui se pose actuellement. Nous serons prêts à
10 répondre à vos questions par la suite afin de préciser cette demande aux
11 fins de produire certains documents.
12 Tout d'abord, il est important de rappeler le statut de la
13 République de Croatie dans cette affaire. La République de Croatie se
14 retrouve dans une position similaire à tout autre pays. En fait, la
15 Croatie n'est intéressée que par la bonne application du droit
16 international. La Croatie est une tierce partie à partir de laquelle le
17 bureau du Procureur tente d'obtenir certains documents et des éléments de
18 preuve dont elle a besoin au cours du procès. Le Bureau du Procureur a le
19 droit de le faire en vertu de l'article 29 et du paragraphe 2 de cet
20 article du Statut du Tribunal.
21 En revanche, cet article est, selon nous, assez limité. Il est
22 par conséquent important de rappeler que ce dont nous parlons actuellement
23 est une ordonnance contraignante émise en vertu de l'article 29,
24 paragraphe 2. D'après ce qu'a dit la Chambre de première instance du
25 29 octobre 1997, la Chambre d'appel a déclaré que les ordonnances
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1 contraignantes adressées à un Etat doivent être relativement spécifiques
2 ou que l'on doit en définir l'ampleur, et la Chambre a indiqué qu'il faut
3 préciser certaines catégories de documents très spécifiques qui doivent
4 contenir des éléments de preuve pertinents.
5 Dans ce cas, le bureau du Procureur doit absolument inclure des
6 éléments de preuve spécifiques lorsqu'elle adresse ce genre de documents à
7 un Etat et lorsque ce document prend la forme d’une ordonnance
8 contraignante. Les documents doivent être identifiés le mieux possible et
9 en plus, leur nombre doit être limité.
10 En règle générale, la Chambre de première instance pense que les
11 documents doivent porter un titre et doivent également, dans la mesure du
12 possible, préciser d'autres renseignements importants sur ces documents.
13 Mais, en exception à cette règle, la Chambre d'appel a également
14 déclaré que si un document spécifique ne peut pas être identifié par sa
15 date, par son titre, par son auteur ou par autre renseignement, la partie
16 doit préciser la raison pour laquelle il est important que ce document
17 soit obtenu et doit en tout cas identifier les documents de façon
18 appropriée.
19 Je crois qu'il est important de noter que la Chambre de première
20 instance sait que, bien sûr, les titres sont importants, dans ce cas, la
21 date également, et d'autres renseignements. Et la Chambre de première
22 instance comprend cette situation si, premièrement, elle est convaincue
23 que la partie qui demande la production de documents agit en bonne foi et
24 qu'elle n'a pas les moyens de fournir ce type d'informations.
25 D'autre part, même si une Chambre de première instance décide
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1 que les détails ont été omis dans la demande de production de documents,
2 la partie qui émet la demande doit néanmoins identifier des documents
3 spécifiques et ne doit pas établir des catégories trop larges, comme c'est
4 ce qu’a fait le Bureau du Procureur jusqu’ici.
5 Nous pensons qu'il faut que suffisamment de détails soient
6 fournis afin que les documents qui font l'objet de la demande puissent
7 être identifiés et distingués, ainsi que d'autres documents qui sont
8 actuellement dans les archives d'un gouvernement. C’est un peu ce qui pose
9 problème dans la plupart des documents qui ont été demandés par le Bureau
10 du Procureur dans sa requête du 30 janvier. En effet, il semble que la
11 requête du Procureur ne satisfasse pas aux critères établis par cette
12 Chambre.
13 D'autre part, nous ne pensons que la demande émise par le Bureau
14 du Procureur puisse tomber dans le cadre d’une quelconque exception à la
15 règle générale.
16 D'autre part, les documents demandés doivent être considérés
17 comme étant pertinents à ce procès et une partie pourrait éviter de
18 proposer les détails dont il est question si ces documents n'étaient pas
19 pertinents au procès.
20 D'autre part, la partie qui formule la demande doit expliquer
21 les motifs qui motivent sa demande, bien que certaines catégories des
22 documents demandés par le Bureau du Procureur puissent effectivement
23 contenir certains documents qui soient pertinents à l'affaire Blaskic, ce
24 n'est peut-être pas le cas pour la totalité des catégories mentionnées
25 puisque les documents n'ont pas été suffisamment identifiés par le Bureau
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1 du Procureur, nous pensons.
2 Selon la Chambre de première instance, la requête du Bureau du
3 Procureur doit être plus précise. Une partie ne peut pas véritablement
4 demander des centaines de documents sans en spécifier la nature et, là
5 encore, parce que le Bureau du Procureur a demandé de larges
6
7 catégories de documents et n'a pas demandé des documents très
8 spécifiques, comme l'arrêt de la Chambre d'appel l'avait spécifié dans son
9 arrêt du 29 octobre, il nous est impossible, à nous, de savoir quel est le
10 nombre exact de documents qui ont été demandés.
11 Enfin, l'Etat qui fait l'objet de la demande doit avoir un laps
12 de temps suffisant afin de répondre à la demande formulée et je crois que
13 l'on ne peut pas dire que parce que la Croatie a mis en question la
14 demande du Bureau du Procureur depuis un certain nombre de mois déjà, que
15 la Croatie se trouve dans une position actuellement de répondre à la
16 demande. Une fois que cette demande sera réduite et limitée, affinée, à un
17 certain nombre de documents spécifiques tel que l’a demandée la Chambre
18 d'appel dans sa décision, la Croatie fera en sorte de respecter la
19 demande qui a été formulée, et ceci, le plus rapidement possible.
20 A ce moment-là, la Croatie décidera si, oui ou non, ces
21 documents existent, où ils sont et qui est le dépositaire de ces
22 documents, mais ces documents devront être identifiés de façon
23 indépendante, de façon individuelle, et je pense que cette Chambre de
24 première instance devrait établir un délai qui devra être respecté afin
25 que tous les documents puissent être fournis. La Chambre de première
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1 instance devrait prendre en compte tous ces éléments que je viens de
2 mentionner afin d'établir une date limite et que nous puisions produire
3 les documents demandés.
4 Autre point qui nous préoccupe, le Bureau du Procureur et sa
5 demande à intégrer la demande. La demande du Bureau du Procureur, dans sa
6 forme, a été incorporée dans l'ordonnance du 30 janvier. Nous pensons que
7 ceci va à l'encontre des critères fixés dans la décision de la Chambre
8 d'appel du 29 octobre. Bien que le Bureau du Procureur ait effectivement
9 essayé de définir de façon très superficielle les choses, la Chambre
10 d'appel a bien compris quelle était la procédure suivie par le Bureau du
11 Procureur. Nous pensons que malgré les efforts apparents du Bureau du
12 Procureur, les documents cités n'ont été ni modifiés ni détaillés
13 davantage.
14 Nous voulons attirer votre attention notamment sur la
15 catégorie 7-a dans l'annexe confidentielle et ex parte. Cette requête
16 cite, entre autres, tous les documents du ministère de la Défense du
17 gouvernement croate et du ministère de l'Intérieur, toutes les archives,
18 tous les rapports qui reflètent la présence et le déploiement d'unités de
19 police et d'armée du HV à partir de mai 1992 jusqu'à janvier 1994 en
20 incluant sans s'y limiter les unités du HV décrites dans le paragraphe 7-b
21 ci-dessous.
22 Il est intéressant que la requête similaire apparaissant dans
23 l'autre document soit citée de la façon suivante : "Tous les documents du
24 ministère de la Défense du gouvernement croate, les archives, les rapports
25 et les ordres reflétant la présence de personnels militaires du HV et
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1 reflétant leur activité en République de Bosnie-Herzégovine à partir de
2 novembre 1991 et suivant", ce qui inclut sans s'y limiter les unités
3 militaires du HVO.
4 Il semble qu'en fait la demande reformulée soit ironiquement
5 encore plus large et vague que la première requête formulée par le Bureau
6 du Procureur. En effet, en vertu de celle-ci, tout document émanant du
7 ministère de la Défense ou du ministère de l'Intérieur croate, tout
8 document de police ou autres, où qu'ils se trouvent, peut être demandé par
9 le Bureau du Procureur. Il s'agit donc de documents confidentiels, entre
10 autres, qui auraient pu être émis par la police à partir de mai 1989 et
11 ceci jusqu'en janvier 1994. Il nous sera extrêmement difficile de trouver
12 meilleur exemple d'une "pêche à l'information", si je puis dire.
13 Autre exemple : nous le trouvons dans la catégorie 8 de l'annexe
14 du mois de janvier. Cette catégorie demande tous les documents du
15 gouvernement croate et toutes les archives incluant les documents du
16 ministère de la Défense et du ministère de l'Intérieur qui reflètent la
17 mort, la blessure de membres de la police militaire du HV et du personnel
18 chargé des renseignements qui se seraient produits en République de
19 Bosnie-Herzégovine entre janvier 1993 et janvier 1994.
20 Ceci nous ramène au document émis le 12 janvier sous la forme
21 d'une subpoena. A l'époque, il était dit : "Nous demandons tous les
22 documents ayant trait au personnel militaire du HV et toutes les activités
23 qui y ont trait dans la République de Bosnie-Herzégovine du
24 1er janvier 1993 au 1er janvier 1994." Là encore, la requête formulée lors
25 du 30 janvier a une ampleur beaucoup plus large que l'original.
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1 Nous laissons de côté toutes les questions liées à la pertinence
2 de cette demande puisque les combats qui nous intéressent dans ce cadre
3 n'ont pas commencé avant mars 1990 et ont eu lieu dans la vallée de la
4 Lasva, non dans la totalité du territoire de la Bosnie-Herzégovine.
5 Par conséquent, cette demande couvre des rapports qui ont été
6 rédigés par le ministère de la Défense et également des rapports dressés
7 par des individus. Peut-être d'ailleurs que ces rapports n'ont rien à voir
8 avec l'affaire en cause actuellement.
9 Ces requêtes-là et les requêtes formulées dans le cadre de
10 l'annexe du 30 janvier semblent donc être un exemple typique de
11 l'expédition de "pêche" qui correspond tout à fait à un style américain et
12 qui a été refusé dans sa forme par cette Chambre.
13 Il semble que le Bureau du Procureur ne sache pas véritablement
14 quels sont les documents dont il a besoin et il pense, qu'en utilisant
15 cette procédure, il tombera peut-être sur certains documents qui
16 pourraient illustrer ses arguments.
17 Nous pensons que cette procédure n'est pas acceptable étant
18 donné le Statut de ce Tribunal, étant donné que le Règlement de ce
19 Tribunal a été rejeté par la Chambre d'appel le 29 octobre.
20 Nous pensons également qu'il est tout à fait possible pour le
21 Bureau du Procureur que celui-ci satisfasse aux critères fixés par la
22 Chambre de première instance. Par exemple, si l'objectif du Bureau du
23 Procureur est d'obtenir des chiffres officiels dans le cadre de sa demande
24 dans la catégorie 7, et d'obtenir des chiffres sur les victimes
25 éventuelles qui auraient pu souffrir dans le cadre du conflit et qui
Page 7693
1 auraient pu être comptées dans les forces croates de la Bosnie-
2 Herzégovine, peut-être a-t-il besoin de toutes ces informations, dans les
3 forces du HV.
4 Cependant, pour obtenir toutes ces informations, le Bureau du
5 Procureur ne peut pas ne pas fixer un cadre à sa requête afin que les
6 documents très spécifiques qui l'intéressent puissent être identifiés,
7 afin que leur pertinence soit vérifiée et qu'ils puissent donc être
8 communiqués.
9 Le Bureau du Procureur ne peut véritablement demander des
10 informations, des documents qui ne sont pas liés à des arguments qu'il
11 entend présenter dans cette affaire. En effet, la Croatie se trouverait
12 alors dans une position impossible et elle ne peut pas se permettre de
13 deviner quels sont les documents qui intéressent le Bureau du Procureur.
14 M. le Président. - Monsieur Harmon, vous souhaitez répondre
15 certainement.
16 M. Harmon (interprétation). - Oui, merci, Monsieur le Président.
17 D'abord, Monsieur le Président, nous estimons que la subpoena
18 émise par cette Chambre de première instance répond bien aux critères qui
19 ont été définis dans le jugement, dans l'arrêt de la Chambre d'appel.
20 Je voudrais maintenant en arriver aux arguments qui ont été
21 évoqués et soulevés par le conseil de la partie adverse. Je me limiterai à
22 trois arguments importants : le fait que l'ordonnance exige la production
23 de documents qui entrent dans une catégorie trop vaste, le fait que les
24 arguments demandés dans l'ordonnance contraignante ne sont pas pertinents,
25 l'argument relatif au fait que répondre à cette demande de documents est
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1 un fardeau trop important pour la Croatie.
2 Prenons l'argument de la pertinence. Il a été dit que les
3 documents demandés n'ont pas de pertinence avérée avec l'affaire qui nous
4 intéresse. Comme M. Rivkin vient de le dire, la Croatie n'est pas une
5 partie dans ce procès, elle assiste à ce procès depuis le 24 juin 1997 et
6 doit donc savoir ce qui est pertinent et non pertinent par rapport à ce
7 procès.
8 Je reviendrai, Monsieur le Président, sur le paragraphe 32 de la
9 décision de la Chambre d'appel qui signale qu'il n'appartient pas à la
10 Croatie de déterminer la pertinence des documents en question, comme la
11 Chambre de première instance l'a dit dans un autre paragraphe et comme
12 cela est repris dans le paragraphe 32, il est signalé qu'il appartient aux
13 Juges de la Chambre de première instance concernés d'évaluer en première
14 instance quels sont les éléments qui apparaissent comme pertinents et
15 admissibles. Donc de les identifier avec un précision suffisante.
16 Donc, Monsieur le Président, en premier lieu, le problème de la
17 pertinence, comme vous l'avez dit vous-même au cours du procès tous les
18 jours, est une question sur laquelle il appartient aux Juges de se
19 prononcer et non que la Croatie se prononce.
20 L'arrêt de la Chambre d'appel qui a rejeté l'affirmation de la
21 Croatie selon laquelle le Tribunal pénal international pour l'ex-
22 Yougoslavie ne peut émettre aucune ordonnance à l'encontre de la Croatie,
23 ce jugement stipule au paragraphe 30 -et je tiens à signaler pour
24 commencer que la Croatie était bien un des Etats belligérants dans ce
25 conflit- que je cite maintenant, qu'en tant que partie prenante au
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1 conflit, la Croatie détient sans doute des informations très importantes
2 dont le Tribunal Pénal International a besoin. Ceci,
3 Monsieur le Président, est bien une manière d'admettre que la Croatie est
4 en possession de certaines informations, informations dont ce Tribunal
5 peut avoir besoin.
6 Votre ordonnance, Monsieur le Président, stipule bien la même
7 chose, à savoir que ces documents évoqués dans l'ordonnance contraignante
8 à l'encontre de la Croatie sont bien une nécessité pour le Tribunal. Je
9 puis, si vous le souhaitez, avec le plus grand plaisir rentrer dans le
10 détail à ce sujet.
11 Ensuite, Monsieur le Président, je voudrais citer le
12 paragraphe 65 de l'arrêt de la Chambre d'appel qui stipule, je cite : "Il
13 est par conséquent tout à fait évident que les documents militaires ou
14 d'autres moyens de preuve documentaire liée aux opérations militaires
15 peuvent avoir une importance critique." (fin de citation).
16 Donc, Monsieur le Président, ce qui est demandé par le Tribunal,
17 et cela apparaît dans l'arrêt de la Chambre d'appel, ce qui est exigé,
18 c’est la production de documents qui sont pertinents.
19 Je serais très heureux de rappeler aux Juges de cette Chambre de
20 première instance tous les documents écrits qui ont été introduits à
21 l'effet de prouver la pertinence de chacun des documents demandés.
22 Je suis prêt, Monsieur le Président, à rentrer dans les
23 différentes catégories, à les détailler. Si vous le souhaitez, je peux le
24 faire dans l'immédiat ou plus tard. Ce document écrit peut être versé au
25 dossier. Je suis entièrement à votre disposition, Monsieur le Président,
Page 7696
1 pour agir comme vous le jugerez préférable. Mais, en tout état de cause,
2 la pertinence est manifeste et elle n'a rien à voir avec la stratégie de
3 l'accusation.
4 Monsieur le Président, décrivant les éléments qui prouvent la
5 pertinence des documents, je suis prêt à ce que nous nous réunissions en
6 séance à huis clos partiel. Je laisse aux Juges le soin de déterminer s'il
7 convient ou non que nous siégions en séance à huis clos partiel. Mais le
8 paragraphe 32, en toute état de cause, dispose que si la nécessité de
9 prouver la pertinence peut aller à l'encontre de la stratégie de
10 l'accusation, cette dernière est prête à en subir les conséquences à huis
11 clos partiel, en l'absence de la Croatie et de mes collègues assis au même
12 banc que moi aujourd'hui.
13 Monsieur le Président, je suis donc tout à fait prêt à rentrer
14 dans le détail le plus précis au sujet des arguments qui prouvent la
15 pertinence des documents demandés. Si vous le souhaitez, je suis prêt à
16 agir de la sorte.
17 S'agissant, Monsieur le Président, de la demande formulée dans
18 l'ordonnance contraignante n°1, dans les paragraphes A, B, C, à savoir la
19 nécessité de prouver la composante "conflit international" relative aux
20 infractions graves qui sont stipulées dans les chefs 5, 8, 11, 15, 17 et
21 19...
22 M. le Président. - (Hors micro).
23 M. Harmon (interprétation). - Je parle de votre ordonnance,
24 Monsieur le Président.
25 M. le Président. - C'est l'annexe qui a été jointe à
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1 l'ordonnance du 30 janvier, c'est cela ? Nous parlons bien de la même
2 chose ?
3 M. Harmon (interprétation). - Oui, c'est cela. Je parle du
4 point 1(a)(b)(c) qui a trait à la pertinence, Monsieur le Président, et
5 qui traite de la nécessité de prouver l'existence d'une composante de
6 conflit international dans le conflit dont nous parlons. C'est un élément
7 qui a une pertinence par rapport à tous les chefs d'accusation liés à la
8 notion d'infraction grave.
9 Monsieur le Président, cela a également une pertinence par
10 rapport au plan Vance-Owen, vous en avez entendu parler, ainsi bien sûr
11 que de l'ultimatum émis par le HVO le 15 avril 1993.
12 Le paragraphe 1(e) porte sur le paragraphe 6.6, 6.7 et sur le
13 paragraphe 7 de l'acte d'accusation.
14 Eu égard, Monsieur le Président, au deuxième point de l'annexe,
15 à savoir la demande relative au service militaire de quatre individus,
16 membres de l'armée croate, identifiés de façon très précise...
17 M. le Président. - Maître Harmon, est-ce qu'en ce moment, vous
18 êtes en train de plaider ce que vous auriez souhaité plaider à huis clos,
19 en ex parte, ou non ? Je ne comprends pas là. Pouvez-vous nous expliquer ?
20 M. Harmon (interprétation). - Je peux, Monsieur le Président,
21 présenter certains de ces éléments en dehors d'une séance ex parte, je
22 peux parler de certains de ces éléments en public. Je suis tout à fait
23 prêt à le faire. C'est aux Juges qu'il appartient d'en décider.
24 M. le Président. - J'avais cru comprendre, lorsque j'ai pris mes
25 notes, que sur l'ensemble de l'argumentation concernant la pertinence et
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1 surtout la spécificité des documents, vous disiez : "Nous sommes prêts à
2 démontrer la pertinence, mais dans une audience ultérieure à huis clos
3 partiel, ou bien vous en remettre la démonstration par le biais d'un
4 document." Voilà ce que j'avais compris. Là, en vous entendant, j'ai
5 l'impression que d'ores et déjà vous plaidez la pertinence. C'est
6 indifférent pour les Juges, d'une certaine façon. Mais choisissez ce que
7 vous préférez faire.
8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, très
9 franchement, je préférerais plaider cette partie de mon argumentation à
10 huis clos partiel ou à huis clos. Mais, ayant entendu votre réponse, j'ai
11 pensé que vous préfériez que nous siégions en public. J'ai donc dit que
12 j'étais prêt à le faire sur une partie de mon argumentation. Cela dit, si
13 vous me demandez ma préférence, je préfère un huis clos.
14 M. le Président. - Vous parlez de huis clos ou d'ex parte ?
15 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
16 M. le Président. - Excusez-moi : oui à quoi ? Je vous ai demandé
17 si c'était un huis clos ou une audience ex parte ?
18 M. Harmon (interprétation). - Une séance ex parte.
19 M. le Président. - Très bien. Je voudrais consulter mes
20 collègues.
21 (Les Juges se consultent sur le siège.)
22 M. Rivkin (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le
23 Président, mais est-ce que la Croatie peut être entendue brièvement sur ce
24 point, avant que vous ne rendiez votre décision sur le problème de
25 l'ex parte et de la séance à huis clos.
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1 M. le Président. - Oui, je vais vous donner la parole mais je
2 n'oublie pas qu'il faut également donner la parole à la défense. Pour
3 l'instant, je vais redonner la parole au Procureur mais en lui demandant
4 de ne pas traiter les problèmes de la pertinence. Avez-vous d'autres
5 observations à faire sur d'autres questions ? Ne vous lancez pas dans la
6 démonstration des critères de la Chambre d'appel appliqués à votre
7 demande ; cela sera traité autrement. Avez-vous d'autres observations
8 générales sur votre ordonnance ?
9 M. Harmon (interprétation). - Oui.
10 M. le Président. - (Hors micro).
11 Puis nous terminerons par la Croatie. Les Juges décideront s'ils
12 souhaitent une audience ex parte sur l'application des critères de la
13 Chambre d'appel aux documents que vous avez demandés.
14 Maître Harmon, sur le point précis de vos observations d'ordre
15 général, avez-vous des observations complémentaires ?
16 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je ne
17 parlerai donc plus de la question de la pertinence.
18 Mais le deuxième argument évoqué par la Croatie consiste à dire
19 que le Bureau du Procureur a interdit la demande de diverses catégories de
20 documents. La décision de la Chambre d'appel, Monsieur le Président, dans
21 son paragraphe 32 stipule que lorsque le Procureur ne peut pas spécifier,
22 ne peut pas identifier avec précision les documents dont il a besoin, il
23 devrait être libéré de l'exigence de formuler une identification aussi
24 spécifique.
25 Par ailleurs, la Chambre de première instance et la Chambre
Page 7700
1 d'appel ont toutes deux signalé, je cite, « La Chambre de première
2 instance peut juger qu'il est approprié, au vu du statut applicable, et
3 conformément aux articles 89(B) et (D) du Règlement, d'autoriser
4 l'omission de ces détails si elle est convaincue que la partie requérant
5 l'ordonnance, agissant de bonne foi, n'a aucun moyen de fournir lesdits
6 détails ».
7 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voilà quel est
8 le dilemme auquel le Bureau du Procureur se trouve confronté et je suis
9 tout à fait convaincu que la Croatie comprend bien le problème.
10 Nous n'avons pas accès aux documents du ministère de la Défense,
11 nous n'avons pas accès aux communications qui ont pu survenir entre les
12 dirigeants militaires, les dirigeants politiques de la Croatie et les
13 dirigeants politiques et militaires du HVO.
14 Il est absolument impossible, pour le Bureau du Procureur,
15 d'identifier de façon précise les documents dont il demande la production,
16 et la démarche appliquée par le Bureau du Procureur, par le biais de cette
17 ordonnance contraignante, a consisté à alléger le fardeau autant que
18 possible pour la Croatie.
19 C’est ce que nous avons essayé de faire par le biais de cette
20 ordonnance contraignante en tentant de restreindre autant que possible les
21 catégories de façon à alléger le fardeau pour la Croatie, qui a eu plus de
22 quinze mois pour découvrir les documents mentionnés dans la requête.
23 Je pense qu'il serait sans doute utile que vous vous posiez la
24 même question que celle que je me pose moi-même, à savoir serait-il
25 prudent, pour le Bureau du Procureur, de demander à la Croatie certains
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1 documents pertinents en laissant toute discrétion à la Croatie de décider
2 quels sont les moyens de preuve pertinents qui seront fournis au Bureau du
3 Procureur et à la Chambre de première instance.
4 Parce que très précisément, Monsieur le Président, nous n'avons
5 pas eu la possibilité d'identifier de façon précise les documents dont
6 nous avons besoin. Nous avons donc, de ce fait, tenté en toute bonne foi
7 de réduire autant que possible l'éventail de ces documents et nous avons
8 constaté l'échec de la Croatie, s'agissant de la production de ces
9 documents pendant plus de quinze mois.
10 Il serait donc un peu stupide de la part du Bureau du Procureur
11 de remplacer le mot « quelques » par le mot « tous », s'agissant des
12 documents demandés par la Chambre de première instance.
13 Je considère donc que les arguments de la Croatie quant au fait
14 que les documents demandés ne sont pas identifiés de façon précise, est un
15 argument à prendre tout à fait au sérieux, et si vous m'accordez quelques
16 instants, je dirai que les documents mentionnés au paragraphe 1 de
17 l'ordonnance contraignante concernent donc deux types de documents et cinq
18 catégories différentes de documents. Nous définissons donc les catégories
19 et nous les demandons à partir de deux sources. Dans le deuxième point de
20 la demande, nous demandons des documents liés à l’activité militaire de
21 quatre individus membres de l'armée croate, du HV.
22 Toute armée, à ma connaissance, conserve ce genre de documents
23 et ce genre de dossiers, et laisser entendre qu’il est particulièrement
24 pénible de rechercher les dossiers personnels de quatre individus membres
25 de l'armée croate est une affirmation tout à fait ridicule.
Page 7702
1 El troisième point de la demande porte sur les rémunérations
2 accordées à ces quatre individus par la Croatie. Encore une fois, Monsieur
3 le Président, toute armée, de quelque pays que ce soit, conserve ce genre
4 d'archives, et laisser entendre que ce serait tout à fait difficile pour
5 la Croatie de retrouver les fiches de paie de quatre individus sur une
6 période très restreinte, très réduite, est une affirmation ridicule.
7 Quatrième point de la demande : il s'agit de documents et
8 d'archives concernant des attaques sur une période très réduite, dans des
9 lieux très peu nombreux qui ont été préparés par le Colonel Blaskic, par
10 le HV, par les autorités de la Bosnie-Herzégovine ou bien par un individu
11 répondant au nom de Ceckovic, nom qui est spécifié dans un document trouvé
12 en annexe B.
13 Tous ces éléments permettent de réduire de façon assez
14 importante la charge de travail pour la Croatie, s'agissant de découvrir
15 ces documents.
16 Le rapport que l'on trouve en annexe B est une ordonnance qui
17 est sensée être signée par le Colonel Blaskic et qui demande le démarrage
18 d'une enquête à réaliser par le SIS.
19 S'agissant des éléments géographiques, des éléments temporels,
20 des personnes concernées par ces documents, les éléments demandés se
21 situent dans un champ relativement étroit.
22 S'agissant maintenant de la cinquième demande, nous l'avons
23 réduite de façon considérable. Il s'agit d’une demande concernant les noms
24 de certaines personnes liées aux événements qui se sont déroulés dans le
25 village d’Ahmici et dans les autres villages de la vallée de la Lasva en
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1 avril 1993.
2 Là encore, le nombre des personnes concernées est limité et la
3 portée des événements évoqués est réduite également.
4 Ensuite, nous avons une demande de documents liés aux armes, aux
5 munitions, aux troupes et aux équipements militaires de la République de
6 Croatie ou de ses agents, aux fournitures d'équipement au HVO, à la
7 Bosnie-Herzégovine ou à ses représentants entre mai 1992 et janvier 1994.
8 Cette demande se situe dans un champ plus limité que la demande
9 précédente qui réclamait des documents au sujet d'élément médicaux et
10 d'éléments logistiques. Nous avons donc réduit notre demande.
11 Le septième point de la demande est un élément qui a déjà été
12 évoqué par le conseil de la partie adverse et, à la relecture, je
13 comprends un peu sa préoccupation lorsqu'il a parlé des amendes pour
14 infraction aux règles de la circulation à Zagreb. Je crois toutefois que
15 nous n'avons pas à aller autant dans le détail mais nous essaierons encore
16 de réduire la portée de notre demande puisque je comprends sa
17 préoccupation.
18 La deuxième partie de cet article 7, j’aimerais le souligner,
19 est une erreur. Il y est stipulé « novembre 1991 » ; la date est erronée,
20 c'est la date de novembre 1992 qui devrait figurer dans le texte, et donc
21 dans le petit b du paragraphe 7, 1991 devrait être remplacé par 1992.
22 Là encore, dans le paragraphe 7 b nous avant réduit notre
23 demande à des documents portant sur les activités de combat contre l'armée
24 de Bosnie-Herzégovine et nous avons supprimé la demande concernant les
25 activités militaires contre les Serbes. Les localités sont donc en nombre
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1 plus restreint, ainsi que le nombre de combattants.
2 Huitième paragraphe : il s'agit de documents liés aux blessés,
3 aux morts, parmi les personnels militaires policiers du renseignement de
4 la HV, et ce sont, me semble-t-il, des éléments que la plupart des armées
5 du monde possèdent, parce que les armées doivent en général payer des
6 indemnités aux soldats blessés ou aux soldats décédés ainsi qu’à leur
7 famille, au paragraphe 9, Monsieur le Président, les éléments cités, et la
8 Croatie a admis à cet égard que les éléments cités répondaient aux
9 exigences de spécificité stipulées par elle-même.
10 Les points 10 et 11 portent sur des éléments très précis ; ce
11 sont des demandes qui portent sur les registres de visiteurs, tout à fait
12 classiquement conservés par tout organisme d'Etat.
13 Cette demande porte également sur les procès-verbaux et rapports
14 établis à l'issue des rencontres officielles, et si le Tribunal me le
15 permet, Monsieur le Président, je demanderai également les cassettes, les
16 documents audios enregistrés à l'issue de ces rencontres.
17 J'élargis un peu le champ de la demande stipulée au
18 paragraphe 10.
19 Le paragraphe 11 peut faire l'objet d'un commentaire similaire.
20 J'ai quelques explications à fournir à ce sujet, j'ai des documents à
21 remettre aux Juges et aux représentants de la Croatie.
22 A ce sujet, je prierai donc l'huissier de bien vouloir veiller à
23 ce que ces documents soient d'abord enregistrés aux fins d'identification,
24 puis remis aux Juges et aux représentants de la Croatie, et nous verrons
25 quel en est le détail
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1 (L'huissier s'exécute.)
2 Monsieur le Président, je viens de recevoir ces documents, qui
3 ne sont pas traduits en Français. Il s'agit de traduction en Anglais, mais
4 je vais vous fournir quelques explications.
5 Les trois premiers documents portent sur un homme décédé dont le
6 nom apparaît en haut à droite en lettres majuscules. Il est indiqué qu'il
7 s'agit d'un membre de la 145ème Brigade de l'armée croate.
8 Le document suivant est un certificat de décès envoyé à Zagreb
9 pour archivage. Il s'agit donc du premier document.
10 Le second document est un rapport qui émane d'Herceg-Bosna, de
11 Mostar, plus précisément, qui décrit les circonstances dans lesquelles ce
12 même individu a trouvé la mort. Il y est stipulé qu'il a trouvé la mort au
13 cours de combats contre les forces armées musulmanes, en un lieu
14 particulier et à une date bien définie.
15 Le troisième document indique que l'homme qui a trouvé la mort
16 était en fait membre de l'armée de la Croatie. L'annonce des funérailles y
17 est stipulé également.
18 Donc ces documents, Monsieur le Président, sont clairs. Ces
19 documents vous sont soumis à titre d'illustration uniquement, ce sont des
20 documents qui illustrent les demandes formulées à l'égard de la Croatie.
21 Je ne dis pas que ces documents sont une illustration exhaustive de ce que
22 nous pensons que la Croatie a en sa possession, mais nous pensons
23 néanmoins qu'il est possible que la Croatie ait en sa possession des
24 documents de ce genre.
25 Pour que le compte rendu soit clair, il est apparu
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1 ultérieurement que cet homme a été tué par un membre du HVO et n'a pas
2 trouvé la mort au cours de combats contre les forces armées musulmanes,
3 selon les informations que j'ai à ma disposition.
4 J'ai également reçu des informations selon lesquelles cet homme
5 était un soldat croate envoyé sur le front méridional, et qu'au moment de
6 sa mort, il portait un écusson, et une procédure devant les tribunaux a
7 été engagée en Croatie au moment de son décès.
8 Ce procès a ensuite été transféré devant le Tribunal de Mostar.
9 Aujourd'hui, ce sont toutes les informations dont je dispose au
10 sujet de ces documents. Mais, ce que je tiens à prouver est tout à fait
11 simple. Les armées conservent des documents, des archives au sujet des
12 hommes qui relèvent de leur armée et qui ont été tués au service de leur
13 pays. La Croatie, j'en suis sûr, ne fait pas exception à cette règle.
14 En fait, cet homme, selon les informations que j'ai en ma
15 possession, a été élevé après sa mort au titre de capitaine honoraire de
16 l'armée croate. Je présente ces documents, Monsieur le Président,
17 uniquement à titre d'illustration des documents que nous demandons à la
18 Croatie, en essayant d'alléger au maximum le fardeau pour la Croatie.
19 Le troisième argument développé par la Croatie récemment dans ce
20 prétoire porte sur la concordance entre l'ordonnance reçue par la Croatie
21 et la supboena émise en janvier 1997, le 15 janvier.
22 Lors de l'audience tenue devant le Juge Mc Donald, le 19
23 février, le Juge Mc Donald a suspendu la subpoena duces tecum après avoir
24 entendu les arguments de l'Ambassadeur, qui signalait qu'il faisait
25 objection à la forme de cette requête, et le 19 février 1997, le Bureau du
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1 Procureur a émis à l'encontre de la Croatie, qui a accepté, une demande
2 officielle d'assistance.
3 Ces documents sont en la possession des Juges, et ont été versés
4 au dossier des audiences. Donc, Monsieur le Président, la Croatie n'a
5 jamais fait objection à cette demande d'assistance. En fait, peu de temps
6 après le 19 février l'Ambassadeur Salic a écrit au Bureau du Procureur
7 pour l'informer qu'une rencontre se déroulerait en Croatie le
8 26 février 1997 et qu'il s'attendait à ce que certains documents soient, à
9 ce moment-là, fournis au Bureau du Procureur, en application de la demande
10 d'assistance.
11 Le Bureau du Procureur a envoyé des représentants en Croatie et
12 nous n'avons reçu aucun document en application de cette demande
13 d'assistance. Nous sommes certains qu'au cours de cette réunion, la
14 Croatie a tenté de localiser des documents qui pourraient entrer dans le
15 cadre de la demande d'assistance, mais par la suite, le Bureau du
16 Procureur a reçu un rapport provenant de la République de Croatie selon
17 lequel la Croatie n'était pas en possession des documents demandés
18 antérieurement, et la Croatie ajoutait un argument, à savoir que les
19 documents demandés n'étaient pas pertinents.
20 Là encore, il appartient aux Juges de se prononcer sur la
21 question de la pertinence, et ce n'est pas de la responsabilité de la
22 Croatie de le faire.
23 Il serait difficile de dire, en se prétendant sérieux, qu'au
24 cours des quinze mois qui se sont écoulés depuis la réception par la
25 Croatie de la subpoena duces tecum, et qu'en dépit des quatorze mois
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1 écoulés depuis la réception par la Croatie de la demande d'assistance, que
2 la Croatie a coopéré en toute bonne foi avec le Bureau du Procureur pour
3 tenter de découvrir les documents prouvant que la Croatie était impliquée
4 dans un conflit international armé.
5 En vérité, Monsieur le Président, et très franchement, la
6 pertinence sera établie, pertinence de ces très nombreux documents, il est
7 clair que la Croatie ne souhaite pas présenter un certain nombre de moyens
8 de preuve liés à la guerre qui s'est déroulée contre la Bosnie.
9 Donc, Monsieur le Président, nos efforts de coopération avec la
10 Croatie, qui durent depuis quinze mois, n'ont fourni que très peu de
11 résultats s'agissant de la production de moyens de preuve.
12 Je puis affirmer que j'ai reçu une liasse de documents qui a une
13 épaisseur d'un pouce environ ; elle contient des reçus d'achats d'essence
14 des stations-services, ainsi que d'autres moyens de preuve qui ne rentrent
15 pas dans le cadre de la demande d'assistance et qui apparaissent comme
16 ayant très peu de relation avec la subpoena initiale.
17 Pour ma part, je dirais que la Croatie n'a pratiquement rien
18 fourni. Je pense que les demandes d'ordonnance contraignante, les demandes
19 contenues dans l'ordonnance contraignante, sont en parfaite harmonie avec
20 les paramètres établis par la Chambre d'appel dans son arrêt.
21 Je demanderai, Monsieur le Président, compte tenu des audiences
22 déjà tenues à ce sujet, que nous essayions d'accélérer un peu
23 l'application de l'ordonnance car nous nous trouvons dans une situation,
24 en tant que Bureau du Procureur, dans le procès qui nous intéresse, assez
25 difficile.
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1 Je ne voudrais pas retarder le procès mais le Bureau du
2 Procureur insiste pour pouvoir bénéficier des moyens de preuve qui sont en
3 la possession et sous le contrôle exclusif de la Croatie, c'est une
4 nécessité, de façon que le Tribunal puisse avoir une image précise et
5 complète des événements que vous, Messieurs les Juges, avez pour devoir de
6 juger.
7 Voilà, Monsieur le Président, à l'exclusion des arguments que je
8 possédais au sujet de la pertinence, c'est tout ce que j'avais à dire. Je
9 vous remercie de votre attention.
10 M. le Président. - Merci. Je voudrais entendre l'autre partie
11 dans l'affaire. Maître Hayman va intervenir.
12 M. Hayman(interprétation). - Je vais m'exprimer très
13 succinctement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
14 La première chose que je souhaite dire, c'est que je trouve que
15 les mots prononcés par l'accusation sont de très mauvais augure. Sont-ils
16 en train de dire qu'ils vont essayer de retarder l'avancée du procès et
17 que tout cela dépend de leur capacité à obtenir des documents d'une façon
18 ou d'une autre ?
19 Il me semble qu'il incombe à l'accusation de rassembler ces
20 éléments de preuve avant même de lancer quelque poursuite que ce soit
21 contre l'accusé. Bien sûr qu'il faut essayer d'obtenir d'autres éléments
22 de preuve mais, en tout cas, nous nous opposons à toute tentative de
23 retarder l'avancée des débats sur la base du fait que l'accusation ne
24 dispose pas de suffisamment d'éléments de preuve pour poursuivre ses
25 poursuites contre le Colonel Blaskic, étant donné que celui-ci a été
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1 accusé en novembre 1995 et qu'il est en détention depuis deux ans, à
2 partir de ce mois-ci, d'ailleurs.
3 Concernant les arguments entendus et les sujets abordés, nous
4 avons peu de choses à dire. Nous nous sommes déjà prononcés devant la
5 Chambre de première instance. Nous avons déjà dit que la défense devait
6 pouvoir bénéficier des mêmes droits que l'accusation, notamment concernant
7 l'accès aux éléments de preuve. Et, dans ce sens, nous souhaitons réitérer
8 une fois encore que nous devons avoir accès aux mêmes droits et que tout
9 ce qui est accordé à une partie doit l'être à l'autre également. Il faut
10 établir un même critère de procédure pour les deux parties.
11 Nous n'avons pas vu la demande déposée relative à la demande
12 actuelle, nous n'avons pas vu le projet d'ordonnance. Si ce projet existe
13 bien, en tout cas nous ne serions pas en mesure de faire des commentaires
14 sur ces deux points, même si on nous le demandait, parce que nous n'avons
15 pas vu ces documents. Nous ne pensons pas être à même et en droit
16 d'émettre quelque commentaire que ce soit.
17 Pour ce qui est maintenant de la question de l'audience en ex
18 parte ou à huis clos, nous sommes d'avis qu'une partie est en droit de
19 demander une audience ex parte et une ordonnance visant à établir une
20 audience ex parte parce que cela permet à certaines entités de comparaître
21 et de témoigner.
22 Nous ne sommes ici, il me semble, que parce que l'accusation a
23 décidé, à un certain moment de sa stratégie, de déposer des demandes
24 publiques. Je crois même qu'un communiqué de presse a été délivré. D'une
25 certaine façon, elle a renoncé à son droit à des procédures se déroulant
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1 en ex parte du fait même des actes qu'elle a pris.
2 Ceci dit, nous ne souhaitons pas faire trop de commentaires sur
3 ce point, nous souhaitons réitérer le fait que les deux parties doivent
4 bénéficier des mêmes droits.
5 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Le Juriste de la
6 Chambre, M. Olivier Fourmy, qui a une mémoire à laquelle il faut rendre
7 hommage, me rappelle qu'en fait, la requête du Procureur était
8 confidentielle, que l'ordonnance a été rendue publique, comme toute les
9 ordonnances de façon générale (il y a certes des exceptions) et que
10 l'annexe à l'ordonnance est restée couverte par la confidentialité. Il
11 faut que ce soit clair sur ce point.
12 Pour la Croatie, je crois que vous vouliez répliquer, n'est-ce
13 pas pas ?
14 M. Rivkin (interprétation) - Absolument, Monsieur le Président.
15 Permettez-moi d'établir le commentaire suivant.
16 Je voudrais émettre un certain nombre de remarques et mon
17 collègue Casey va répondre au nom de la Croatie à un certain nombre
18 d'arguments avancés qui concernent diverses catégories de documents
19 décrits par l'accusation.
20 La remarque que je souhaite faire est la suivante. Nous
21 comprenons qu'il y ait parfois nécessité de tenir une audience en ex
22 parte, mais dans la mesure du possible, nous préférerions une audience à
23 huis clos, notamment si elle concerne la question de la pertinence et du
24 degré de spécificité des documents qui doit être précisée.
25 Si toutes les questions sont abordées dans le cadre d'une
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1 audience ex parte, la Croatie n'aura pas l'occasion de bénéficier des
2 dispositions spécifiques qui ont été établies dans l'arrêt de la Chambre
3 d'appel.
4 J'aimerais également déclarer la chose suivante, et je ne
5 voudrais pas faire dire certaines choses à mon collègue de l'accusation,
6 mais il semble que l'accusation a déclaré que d'une certaine façon elle
7 pouvait poursuivre et s'exprimer sur le problème de la pertinence et de la
8 spécificité des documents dans le cadre d'une audience normale, et non pas
9 dans le cadre d'une ordonnance ex parte.
10 Donc j'aimerais que nous n'ayons pas à choisir entre une
11 audience où toutes les questions de la pertinence sont soulevées et une
12 audience où tout se fait en ex parte et où nous ne pouvons pas faire
13 connaître nos vues sur les questions qui y seront abordées.
14 Il faut que nous trouvions un moyen terme, si c'est possible, et
15 j'ai l'impression, en écoutant l'accusation, qu'elle serait prête, elle
16 aussi, à trouver un moyen terme et à ne pas forcément avoir recours à une
17 audience en ex parte.
18 Je cède la parole à Maître Casey, mon collègue.
19 M. Casey (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
20 Messieurs les Juges. Je voulais très brièvement répondre à un certain
21 nombre des pièces soulevées par l'accusation.
22 La première chose que je souhaite dire, c'est que si on lit
23 attentivement le paragraphe 32 de la décision de la Chambre d'appel du
24 29 octobre, cette décision ne permet pas à l'accusation de ne pas
25 respecter son obligation de préciser quels sont les documents qu'elle
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1 souhaite obtenir.
2 Tout ce que dit la Chambre d'appel, c'est que si l'accusation
3 n'est pas à même d'identifier certains documents en donnant un titre, une
4 date ou d'autres types d'informations, dans ce cas précis l'accusation
5 peut être autorisée à omettre ces détails dès lors qu'elle explique quels
6 sont les motifs qui expliquent cet acte.
7 De toute façon, il est précisé que l'accusation doit tout de
8 même essayer de détailler la nature des documents d'une façon qui lui
9 paraît satisfaisante. Nous disons que peut-être l'accusation pourrait, si
10 elle ne donne pas de dates ou de noms, donner une description précise des
11 documents.
12 Nous avons fait, je crois, beaucoup de progrès cet après-midi
13 pour ce qui est des documents concernés par la deuxième catégorie. Si vous
14 regardez l'annexe confidentielle, vous verrez de quel document je veux
15 parler.
16 C’est la demande notamment des documents relatifs aux états de
17 service au sein des unités militaires policières et de renseignement de la
18 HV des individus suivants, et puis suivent le nom des individus.
19 Bien évidemment, il existe des archives qui font état de cela,
20 mais ces documents ne sont pas définis de façon précise et en fait, on
21 pourrait penser que ces documents recouvrent tout document, toute feuille
22 de papier qui se trouve en possession du gouvernement croate et qui porte
23 le nom des personnes citées dans l'annexe confidentielle.
24 Maintenant, je crois comprendre que l'accusation souhaite
25 disposer des dossiers personnels des personnes citées, alors si ces
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1 dossiers existent, nous pouvons essayer de les localiser dans nos archives
2 et peut-être que nous serons à même de les communiquer dans la mesure où
3 nous n'avons pas à nous soucier d'autres questions qui seraient précisées
4 indépendamment par la Chambre de première instance.
5 La même chose s'applique pour la catégorie 3 de documents, à
6 savoir des documents relatifs à la rémunération par la République de
7 Croatie de certaines personnes.
8 Là encore, cela manque de précisions. Nous comprenons bien qu'il
9 s'agit de demandes de feuilles de salaire, mais là encore, il faut essayer
10 de savoir si l'on peut obtenir plus de précisions, et si ces documents
11 existent effectivement, alors peut-être pourrons-nous les communiquer.
12 Maintenant pour ce qui est de la catégorie n° 8, là aussi,
13 l'accusation en a parlé cet après-midi et ils demandent tous les documents
14 et dossiers du gouvernement croate, notamment ceux du ministère de la
15 défense et du ministère de l'intérieur, documents faisant état de tués ou
16 de blessés parmi les personnels militaires, policiers et du renseignement
17 de la HV qui se trouve en République de Bosnie-Herzégovine du
18 1er janvier 1993 au 1er janvier 1994.
19 Là encore, nous parlons de tout type de document qui pourrait se
20 trouver dans les archives du gouvernement, que nous parlions de coupures
21 de presse, de rapports, de certificats de décès. Là encore, la catégorie
22 est très vague.
23 Si ce que veut l’accusation, c’est en fait des certificats de
24 décès, alors là, effectivement, c'est quelque chose de précis. Nous
25 pouvons essayer de savoir si nous pouvons trouver des documents qui
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1 correspondent à certaines périodes de temps, nous pouvons essayer de voir
2 si nous pouvons effectivement les communiquer.
3 Moi, Monsieur le Président, je propose que l'on demande à
4 l’accusation, pour chacune des catégories que j'ai citées, de préciser,
5 comme je viens de le faire, quels sont les documents qu’elle recherche. Ce
6 n'est qu'alors que nous serons à même d'essayer de nous conformer à
7 l'ordonnance émise par la Chambre.
8 Autre remarque, relative à ce qu’a dit l'accusation, et
9 notamment à sa proposition d'aide à l'égard de la Croatie dans la
10 recherche des documents. Je crois qu’ici, nous parlons de quelque chose de
11 complètement différent : une demande d'aide peut être formulée dans tous
12 types de cadres. Cela peut se faire dans le cadre de la collaboration
13 entre le Bureau du Procureur et l'Etat et dans ce cas-là, l’Etat n’a en
14 fait qu’à faire preuve de sa bonne volonté à coopérer.
15 L'Etat n'a qu'à déployer tous les efforts qu'il peut pour
16 essayer d'aborder sans aide au bureau du Procureur. Mais une ordonnance,
17 c’est quelque chose de bien différent, c’est complètement différent. Un
18 ordre, comme l’a dit la Chambre d'appel, pourrait découler dans la chose
19 suivante, à savoir que si la Croatie ne se conforme pas à l'ordre qui a
20 été émis, il pourrait y avoir rapport de ce fait au Conseil de sécurité
21 des Nations Unies, rapport qui suggérerait que la Croatie est en train de
22 violer les obligations internationales. C'est quelque chose de
23 particulièrement sérieux et grave.
24 Par conséquent, je pense que les ordonnances doivent être
25 beaucoup plus précises, beaucoup plus clairement définis. Il faut que le
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1 gouvernement croate puisse savoir ce qu'on lui demande de faire. Voilà,
2 Monsieur le Président, ce que j'avais à dire.
3 M. le Président. - Je voudrais consulter mes collègues.
4 (Les Juges se consultent sur le siège).
5 La Chambre émet l'opinion en forme d'ordonnance suivante : nous
6 allons suspendre pendant vingt minutes, nous allons nous retrouver en
7 audience à huis clos uniquement entre la Croatie et l'accusation, la
8 défense ayant achevé de donner ses observations.
9 A l'intérieur de cette audience à huis clos, si, au cours de ce
10 huis clos, qui permettra de déterminer la consistance, la substance, de
11 l'ordonnance future que rendra la Chambre, le Procureur qui, vous l'avez
12 rappelé, n'était pas opposé même à garder une audience publique, nous
13 demande un ex parte pour expliquer certains problèmes de pertinence, à ce
14 moment-là, les juges décideront s'il convient d'accorder en plus un ex
15 parte, mais au départ, nous allons nous retrouver d'ici vingt minutes pour
16 une audience à huis clos uniquement entre la Croatie et l'accusation.
17 L'audience, suspendue à 16 heures 45
18
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