Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 Vendredi 08 mai 1998

5

6 LE PROCUREUR

7 c/

8 TIHOMIR BLASKIC

9

10 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

11

12 M. le Président. - L'audience est reprise. Veuillez vous

13 asseoir. Monsieur le Greffier, veuillez introduire l'accusé. Les

14 interprètes sont-ils prêts ? Je les salue. Le général Blaskic m'entend-

15 il ? La défense ? L'accusation ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

17 je vous entends bien.

18 M. le Président. - C'est Maître Kehoe qui est au banc du

19 Ministère public. Maître, présentez le témoin qui est protégé, l'audience

20 étant publique. C'est bien cela ?

21 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, c'est

22 exact. Bonjour. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le témoin que

23 nous allons entendre maintenant sera désigné d'un pseudonyme, à savoir NN.

24 Pour l'essentiel, les faits évoqués par ce témoin concerneront Tulica et

25 l'attaque menée contre ce village en juin 1993. Je demande que l'on

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1 branche le rétroprojecteur. Je voudrais que nous situions de cette manière

2 Tulica géographiquement. Le document qui se trouve sur le rétroprojecteur

3 est le document que mon collègue, Maître Harmon, a présenté hier ou peut-

4 être même avant-hier. C'est la pièce 238. Je voudrais que l'on voie le bas

5 du document. Nous descendons donc la vallée et, Messieurs les Juges,

6 Monsieur le Président, le village de Tulica se trouve en bas, à droite,

7 surligné en orange.

8 Le témoin NN parlera en partie de ce qu'il a connu en 1992 dans

9 le cadre du conflit avec le HVO. Mais, comme je l'ai dit, l'essentiel de

10 son témoignage portera sur les événements survenus au village de Tulica.

11 Il parlera de l'attaque contre Tulica déclenchée le 12 juin 1993. Il

12 racontera qu'il se trouvait sur la ligne de front avec les Serbes, qu'il

13 est rentré chez lui pour prendre un bain et que l'attaque contre le

14 village a commencé par un pilonnage mené depuis les positions du HVO et

15 depuis les positions tenues par les Serbes ou le VRS, les forces serbes de

16 la Bosnie. Il parlera de l'attaque d'infanterie qui a encerclé le village.

17 Un des soldats du HVO menait l'attaque. Il racontera comment l'unité de

18 sabotage -ou quelque autre le nom qu'on lui donne- arrivait pour

19 "nettoyer" le village, ce qui signifie incendier les maisons, emmener des

20 individus, séparer les femmes et les enfants des hommes en âge de porter

21 les armes. Ensuite, il racontera les exécutions dont il a été témoin : pas

22 moins de sept hommes musulmans bosniaques non armés et sans défense.

23 Il nous donnera d'autres informations liées à ces événements,

24 notamment pour ce qui est du pillage ; il nous racontera certains passages

25 à tabac ou assassinats qui se sont déroulés durant ces incidents. Ensuite,

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1 il expliquera qu'il a été emmené avec d'autres bosniaques musulmans à la

2 caserne de Kiseljak ou, encore une fois, il a été battu ; il a ensuite été

3 emmené pour creuser des tranchées. Il nous relatera de nombreux passages à

4 tabac infligés à de nombreuses personnes, le fait que de nombreuses

5 personnes ont été emmenées de la caserne de Kiseljak pour creuser les

6 tranchées. Il parlera des efforts déployés par le HVO pour éviter que la

7 Croix-Rouge ne se rende compte des passages à tabac, et du fait que des

8 prisonniers ont été battus ailleurs que dans la caserne de Kiseljak.

9 En résumé, ce sera la teneur du témoignage de M. NN. Ces

10 accusations recouvrent les chefs d'accusation 1 (meurtre et atteinte à

11 l'intégrité physique), chefs 11 à 13 (destruction et pillage de biens),

12 chefs 5 à 10 (homicide intentionnel et atteinte grave à l'intégrité

13 physique). Il y aura un autre témoin pour parler des destructions

14 d'édifices religieux. L'accent sera donc mis, Monsieur le Président, sur

15 les chefs 1 à 13 et, si vous le permettez, pour les chefs 15 à 20, sur une

16 grande partie des traitements inhumains survenus dans la caserne de

17 Kiseljak, l'une des prisons mentionnées au paragraphe 12.

18 Nous avons dit d'emblée que le témoin NN est un témoin protégé.

19 Son visage sera donc masqué, sa voix sera déformée, et je voudrais que

20 l'on tienne une audience à huis clos, pendant quelques minutes simplement,

21 pour lui poser quelques questions concernant son origine, et pour empêcher

22 ainsi que son identité ne soit divulguée.

23 M. le Président. - Bien. Tout d'abord, les Juges vous

24 remercient, le résumé est très synthétique. Surtout, Maître Kehoe, lorsque

25 le témoin déposera, je vous demanderai de ne pas lui faire répéter ce

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1 qu'il a dit : les juges entendent ce que dit le témoin. Deuxièmement, nous

2 allons introduire le témoin. Voulez-vous que la partie à huis clos, qui va

3 durer quelques minutes, ait lieu immédiatement -ceci pour éviter de

4 remonter les rideaux- ou aura-t-elle lieu au cours de son interrogatoire

5 principal ?

6 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, ce sera

7 durant l'interrogatoire principal, juste après que je commence. Mais il

8 suffit de tenir un huis clos partiel et non pas un huis clos total. Je ne

9 pense donc pas, Monsieur le Président, qu'il faille baisser et lever les

10 rideaux pour ces quelques questions que je pourrais poser.

11 M. le Président. - On pourra donc faire un huis clos partiel.

12 Monsieur le greffier, vous allez introduire le témoin et faire baisser les

13 rideaux, le temps que le témoin soit introduit. Nous relèverons ensuite le

14 rideau dès que le témoin sera installé. Allons-y.

15 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

16 M. le Président. - M'entendez-vous ?

17 Témoin NN (interprétation). - Oui.

18 M. le Président. - Vous allez vérifier votre identité sur un

19 document que le greffier va vous tendre. Vous ne prononcez pas votre nom.

20 Vous vous contentez d'opiner de la tête. C'est pour vérifier votre

21 identité.

22 (Le témoin opine de la tête.)

23 Ensuite, vous restez assis et l'on va vous tendre un document

24 qui est votre prestation de serment. Monsieur le greffier. Allez-y, lisez.

25 Témoin NN (interprétation). - Je déclare solennellement que je

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1 dirai la vérité, rien que la vérité, toute la vérité.

2 M. le Président. - Merci. Vous avez accepté de témoigner à la

3 demande de M. le Procureur dans le cadre du procès intenté devant le

4 Tribunal pénal international contre l'accusé ici présent, le

5 général Blaskic, qui a été colonel à l'époque des faits. Le Tribunal vous

6 en remercie, bien sûr. Après quelques brèves questions, vous témoignerez

7 sur des événements dont le Procureur nous a donné la trame générale. Bien

8 entendu, les Juges souhaitent vous entendre. Si vous avez omis quelque

9 détail important pour l'accusation, le Procureur vous posera des

10 questions. Après le Procureur, vous le savez, la défense -les deux

11 avocats-, l'un des deux avocats du général Blaskic vous posera des

12 questions. A la fin, les Juges vous poseront également des questions.

13 Maître Kehoe, c'est à vous.

14 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

15 Bonjour, Monsieur NN.

16 Témoin NN (interprétation). - Bonjour.

17 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais demander à l'huissier

18 de déplacer quelque peu le rétroprojecteur. Monsieur NN, ne vous inquiétez

19 pas de cette pièce pour l'instant. Etes-vous un Musulman bosniaque ?

20 Témoin NN (interprétation). - Oui.

21 M. Kehoe (interprétation). - A peu près jusqu'au 12 juin 1993,

22 habitiez-vous dans le village de Tulica, dans la municipalité de

23 Kiseljak ?

24 Témoin NN (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Durant cette période, en juin 1993,

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1 étiez-vous membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

2 Témoin NN (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais revenir un instant en

4 arrière, à l'année 1992.

5 Témoin NN (interprétation). - Oui.

6 M. Kehoe (interprétation). - En 1992, étiez-vous membre de la

7 Ligue patriotique ?

8 Témoin NN (interprétation). - Oui.

9 M. Kehoe (interprétation). - Si vous me le permettez,

10 Monsieur le Président, pour les quelques questions à venir concernant

11 l'origine du témoin, je voudrais que nous tenions un huis clos partiel.

12 M. le Président. - Bien. Nous prononçons le huis clos partiel

13 qui consiste simplement à isoler le public pendant quelques instants des

14 questions et des réponses apportées, qui dévoileraient des éléments

15 d'identification qui doivent rester confidentiels. Est-ce fait,

16 Monsieur le greffier ?

17 M. Dubuisson. - Oui.

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19 Audience à huis clos partiel

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24 Audience publique

25 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur NN, pourriez-vous raconter

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1 aux Juges, dans vos propres termes, ce qui vous est arrivé exactement à

2 partir de votre arrestation, en 1992, et nous raconter les événements qui

3 se sont déroulés à Tulica le 12 juin 1993 ? Ensuite, que vous est-il

4 arrivé lorsque vous êtes venu à la caserne de Kiseljak et que vous avez

5 été détenu à la caserne pendant à peu près une semaine, en utilisant vos

6 propres termes ?

7 Témoin NN (interprétation). - Lorsque j'ai été arrêté pour la

8 première fois à Busovaca, j'étais membre de la Ligue patriotique et

9 j'étais basé à Kiseljak. Comme je ne retournais pas à Tulica pendant un

10 certain temps, Mufid Tulic et moi-même sommes rentrés chez nous pour

11 changer de vêtements et nous laver. Alors que nous revenions près du

12 village de Lepenice, nous avons essayé de faire de l'auto-stop pour

13 rentrer à Kiseljak.

14 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges à quel

15 moment cela s'est passé, à peu près quand cela s’est-il passé ?

16 Témoin NN (interprétation). - Cela s'est passé à peu près à la

17 fin de juillet, début août, pour autant que je m'en souvienne.

18 M. Kehoe (interprétation). - De 1992 ?

19 Témoin NN (interprétation). - Oui, oui. A Han Ploce, un barrage

20 avait été érigé par la TO, donc l'armée de Bosnie-Herzégovine. Nous

21 n'avons pas pu poursuivre sur cette route en voiture. Nous avons donc

22 attendu là pour voir ce qui se passerait ensuite. C'est alors que

23 Mato Lucic, surnommé Maturice, est arrivé alors que la nuit tombait.

24 Quelqu'un, je ne me souviens pas de son nom, mais il est de Brnjaci, est

25 arrivé dans une Golf rouge. Ils ont parlé à Sinanbasic et se sont mis

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1 d'accord avec lui. Sinanbasic était le commandant de la Défense

2 territoriale, à l'époque. Ils se sont mis d'accord pour démanteler ce

3 point de contrôle et laisser la circulation libre, sans entrave. C'est

4 effectivement ce qui a été fait. En route vers Kiseljak, au village de

5 Brnjaci, nous avons été arrêtés. Mais, avant cela, une autre voiture était

6 arrivée et Mato Lucic -Maturice- et Girgad Bernjace se trouvaient dans ce

7 véhicule qui nous avait dépassés alors que nous étions en train d'aller

8 vers Kiseljak.

9 Nous approchions de Brnjaci. Là, nous avons été arrêtés. On nous

10 a fait sortir de la voiture, pris nos armes et fait monter dans une

11 camionnette sans fenêtre. Il y avait une petite fenêtre à l'arrière de la

12 camionnette à travers laquelle je pouvais voir un bâtiment de Brnjaci, que

13 l'on appelle la maison de la Culture, en quelque sorte. J'ai pu voir que

14 Sinanbasic et Macin étaient emmenés. Il y avait un certain nombre de

15 soldats aux alentours et l'on pouvait aussi entendre des voix qui

16 parlaient fort. On nous a emmenés à ce moment-là par Bukva, c'est-à-dire

17 que l'on nous a fait faire tout le tour par Kresovo pour arriver à la

18 caserne de Kiseljak. Lorsqu'ils nous ont amenés à la caserne de Kiseljak,

19 nous avons aussi constater qu'il y avait beaucoup de soldats du HVO. Je ne

20 peux pas vous dire exactement combien de temps nous avons passé là, à la

21 caserne. Et puis on nous a emmenés à Busovaca. Devant le bureau de police

22 à Busovaca, encore une fois, on nous a fouillés, on a retiré nos ceintures

23 et nos lacets. On nous a aussi pris nos badges de la Défense territoriale,

24 les plaques que nous avions autour du cou, et on nous a emmenés dans une

25 cellule.

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1 Nous étions sept à avoir été arrêtés et placés dans la même

2 cellule. Pendant les deux ou trois jours que nous avons passés là, nous ne

3 pouvions aller aux toilettes que si le policier qui était de garde nous

4 laissait y aller et, par la même occasion, boire un peu d'eau, nous

5 rafraîchir. Pour ce qui est de la nourriture, nous n'avons rien mangé

6 pendant ces quelques jours. On nous insultait, on nous traitait de

7 "Balija", de "putain de Balija" et ce genre de chose, donc on nous

8 maltraitait psychologiquement. Quatre ou cinq jours plus tard, finalement,

9 un policier est venu, son surnom était " Isus ", cela veut dire Jésus. Il

10 a demandé s'il y avait des volontaires. Je me suis avancé avec Fazlibasic.

11 Ils nous ont retiré les menottes que nous portions et nous ont dit qu'il y

12 aurait du travail pour nous. Un camion était arrivé, chargé de tabac. Nous

13 avons donc déchargé la cargaison de tabac et l'avons emmenée dans le

14 bureau de police.

15 Après cela, on nous a ramenés au bureau de police. On nous a

16 encore une fois immédiatement mis les menottes, avec les mains dans le

17 dos, et nous nous sommes retrouvés avec les autres. A ce moment-là, il y

18 avait des combats autour de Kacuni et de Busovaca. C'est ce que nous avons

19 entendu dire car les gens parlaient dans les couloirs et l'on pouvait

20 entendre.

21 Après cela, je ne sais pas lequel des policiers était là, lequel

22 des policiers a dit cela, mais il nous a menacé. Il a dit : "Oui, les

23 troupes avancent vers Kacuni et, s'il arrive quelque chose à l'un d'entre

24 nous, vous serez tous tués." Sinanbasic nous a dit qu'Ivica Rajic l'avait

25 déjà menacé avant de l'arrêter, s'il ne faisait pas ce que Rajic lui

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1 disait de faire. Le quatrième ou le cinquième jour, on nous a fait sortir

2 pour un interrogatoire. Nous y sommes allés chacun à notre tour. Cet

3 interrogatoire était mené par un certain Vlado que je ne connaissais pas.

4 Mais alors que l'on me ramenait de cet interrogatoire, Amir Hadzic m'a dit

5 qu'ils se connaissaient déjà avant et que ce Vlado travaillait auparavant

6 avec Dragan Vikic. Pendant l'interrogatoire, je n'ai pas été maltraité

7 physiquement. J'avais une carte d'identité, un carnet avec des adresses,

8 des numéros de téléphone. Celui qui m'interrogeait m'a posé des questions

9 là-dessus. Il m'a dit : "Tu as de la chance que ton arme RPG -lance-

10 roquettes légères- n'a pas servi." Il voulait dire par là que je n'avais

11 pas tiré, donc que je n'avais tué personne. Les choses sont redevenues un

12 peu plus normales et l'on a reçu deux repas par jour. Amir Hadzic ainsi

13 que Mufid Tulic, Nusret Masin et moi-même avons été échangés, c'est-à-dire

14 que l'on nous a ramenés à la ville de Kiseljak.

15 Après cela, mon unité de la Ligue patriotique a été transférée

16 au mont Igman. J'ai passé à peu près deux mois là-haut et, après ces deux

17 mois, je suis retourné dans mon village à Tulica. Je ne sais pas

18 exactement combien de temps j'ai passé à Tulica mais, ensuite, je suis

19 allé dans la localité de Koscan, où l'armée de Bosnie-Herzégovine avait

20 son front. Pendant le temps que j'ai passé dans le village de Tulica, il y

21 a eu aussi des affrontements, des créations de barrages, des pillages de

22 maisons de week-end, des saisies d'automobiles appartenant à des civils et

23 saisies par des soldats du HVO. Quand je suis parti pour la ligne de front

24 à Koscan, j'y suis resté pendant deux ou trois mois jusqu'au moment des

25 événements qui se sont produits à Tulica.

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1 Ce jour-là, j'étais avec Mufid Tulic et Mithet Barjaktarevic.

2 Nous sommes passés entre les lignes du HVO et les lignes des Chetniks pour

3 entrer dans le village parce que nous n'avions pas d'autre chemin. Toutes

4 les autres voies d'accès étaient bloquées. Quand nous sommes arrivés à peu

5 près au milieu du village, Mediha Huseinovic nous a arrêtés. Elle était

6 accompagnée d'Hamdija Tulic ; elles nous ont dit qu'il ne fallait pas

7 continuer la traversée du village avec nos armes pour que les Chetniks,

8 qui se trouvaient sur le mont Ostrik, ne nous voient pas avec ces armes et

9 ne fassent pas ce qu'ils faisaient d'habitude, c'est-à-dire tirer sur les

10 civils. Nous avons donc laissé nos armes dans la maison de

11 Mediha Huseinovic et je suis parti vers l'entrée du village, à l'autre

12 bout. Quand je suis arrivé près de la maison d'Avdo Huseinovic, j'ai vu

13 que de l'aide humanitaire était en cours de distribution. J'ai trouvé mon

14 père à cet endroit et je l'ai raccompagné jusqu'à notre maison.

15 Je ne sais pas exactement combien de temps je suis resté à la

16 maison. Je pense qu'il a dû s'écouler une heure ou deux, puis Mufid Tulic

17 et Sakib Barjarktarevic sont arrivés. Ils m'ont demandé si je voulais

18 acheter des cigarettes ; à ce moment-là, il y avait une pénurie très

19 importante et Mufid Tulic avait un voisin croate prêt à lui remettre des

20 cigarettes. Pendant que nous parlions, le premier obus est tombé non loin

21 de la maison. Nous avons immédiatement cherché à nous protéger en rentrant

22 dans la cave. A ce moment là, Rasim Huseinovic, Ramiza Huseinovic et

23 Hakif Huseinovic sont arrivés pour s'abriter aussi dans notre cave

24 puisque, juste avant, ils travaillaient dans des champs, très près de là.

25 Le pilonnage s'est un petit peu calmé ; les villageois étaient habitués à

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1 entendre des obus car il y en avait déjà eu auparavant, mais ils pensaient

2 que les pilonnages ne reprendraient pas.

3 Sakib est donc parti pour acheter les cigarettes dont j'ai déjà

4 parlé et nous, nous sommes restés dans la cave. Peu de temps après, le

5 pilonnage a repris. Pour autant que j'aie pu le voir, les obus venaient

6 surtout des localités de Vela et Buhotine. Mais peu de temps après, le

7 pilonnage a commencé à venir également de Voljak, c'est-à-dire des lignes

8 du HVO. Je me suis alors rendu compte que quelque chose n'allait pas du

9 tout.

10 En fait, c'est le haut du village qui était principalement visé

11 par les obus. Mon père ne pouvait pas supporter de rester à la maison sans

12 rien faire ; il est parti jusqu'à l'étable pour voir quelle était la

13 situation du bétail et donner à manger aux animaux. A son retour, il a dit

14 à Mufid Tulic qu'il avait vu le père de ce dernier, se tenant le ventre

15 avec les mains, se diriger vers Lepenica, ce qui pouvait laisser penser

16 qu'il avait été blessé. Mais Mufid Tulic est encore resté avec nous,

17 pendant une quinzaine de minutes peut-être, parce que les obus pleuvaient

18 alors avec une intensité accrue. A un certain moment, Mufid Tulic a vu de

19 la fumée. Au moment où il est parti voir si ce n'était pas sa propre

20 maison qui brûlait, je lui ai demandé d'emporter ses armes, mais aussi les

21 miennes. Je lui ai dit que, dès que tout cela serait fini, nous allions

22 tous les deux retourner jusqu'à la ligne de front.

23 Mon père, qui avait ouvert la porte, a vu que dans le haut du

24 village il y avait déjà des maisons incendiées. Il est donc parti pour

25 essayer d'éteindre le feu parce qu'il avait déjà l'habitude de le faire.

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1 Il avait déjà aidé des gens dans des situations du même genre. Il est

2 revenu rapidement, en courant, et nous a informés, tous ceux d'entre nous

3 qui nous trouvions dans la cave, qu'il fallait que nous prenions la fuite

4 parce que des soldats avaient pénétré dans le village et qu'ils avaient

5 tiré sur lui. A ce moment-là, une certaine panique régnait. J'ai couru

6 pour essayer de récupérer les armes mais, au niveau de la maison

7 d'Avdo Huseinovic, j'ai déjà remarqué la présence de trois soldats qui se

8 dirigeaient dans ma direction. Dès qu'ils m'ont aperçu, ils ont commencé à

9 hurler : "Arrête-toi, rends-toi". Mais j'ai eu beaucoup de chance parce

10 qu'il y avait un muret. J'ai commencé à courir et ils n'ont pas pu

11 m'atteindre. Je m'enfuyais et je ne savais même pas qui était en train

12 d'attaquer, ni pourquoi. J'ai donc commencé à courir dans la direction de

13 Lepenica en sautant par-dessus une haie. J'étais très fatigué. J'ai cru

14 que j'avais été blessé parce que j'ai ressenti une certaine chaleur en

15 dessous du genou.

16 Je suis arrivé dans la maison de Zahid Hasic où j'ai décidé de

17 m'arrêter quelques instants pour me reposer et vérifier si j'avais

18 vraiment été blessé. C'est là que j'ai entendu de nombreuses personnes qui

19 faisaient beaucoup de bruit, à peu près au niveau de Mujo Barjaktarevic.

20 Non loin de la maison de Rasim Hasic vers laquelle je me suis dirigé, plus

21 précisément au niveau de son étable, j'ai vu un soldat de Brnjaci avec

22 lequel j'avais l'habitude, quelques mois auparavant, de prendre le café à

23 Kiseljak. C'était un soldat du HVO mais son père travaillait avec moi. Il

24 m'a ordonné de m'arrêter. Il m'a dit : "Les mains en l'air, couche-toi".

25 J'avais un sac à la main dans lequel je transportais des boîtes de

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1 conserve, un peu de pain, ce genre de choses et il m'a tout de suite

2 demandé : "Sur quelle ligne de front te trouves-tu ?". Il m'a amené

3 jusqu'à ce groupe de personnes déjà rassemblées et qui se composait

4 principalement de femmes et d'enfants.

5 Entre-temps, un peu avant mon arrestation, quand je me dirigeais

6 vers la maison de Rasim Hasic, j'ai vu Mufid Tulic qui courait vers la

7 maison de Hilmo Rajic. Il m'a donc amené jusqu'à ce groupe de personnes

8 et, peu de temps après, les soldats ont aussi amené Mufid Tulic. En fait,

9 ils regroupaient les gens de toutes les directions. C'est alors que j'ai

10 clairement remarqué qu'il s'agissait de soldats du HVO qui étaient en

11 train de regrouper en majorité les habitants de Brnjaci. Il y en a pas mal

12 que j'ai très bien reconnus, pas mal de mes collègues de travail. La

13 maison de Zifet Huseinovic était en feu. Non loin de là, des gens

14 essayaient d'éteindre le feu. Au niveau de cette maison, pas mal

15 d'habitants ont donc aussi été arrêtés, c'est-à-dire tous ceux qui

16 essayaient d'éteindre cet incendie. Un peu plus tard, en provenance

17 d'Ostrik, j'ai vu arriver un groupe d'hommes. Au début de la guerre, ils

18 faisaient partie de ce que l'on appelait la division Vrazija. J'ai

19 personnellement reconnu Tibor Prajo, Zdravkomir Heilovic surnommé Pijuk

20 dans ce groupe. Tibor Prajo est arrivé à mon niveau et m'a dit : "Que

21 fais-tu ici ?", à quoi j'ai répondu que j'habitais dans ce village. Il m'a

22 demandé où se trouvait Selver Katkic. Je lui ai dit à peu près où se

23 trouvait Selver Katkic et, en même temps, je lui ai demandé de m'aider, de

24 me secourir. Mais il m'a répondu qu'il ne pouvait rien pour moi.

25 A ce moment-là, un soldat du HVO, qui transportait déjà un câble

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1 vidéo et une télévision avec un magnétoscope dans une brouette et qui

2 portait une veste toute neuve sur lui -qu'il avait prise à un de mes

3 amis-, a simplement fait un geste de la main. J'ai vu qu'il a pris la

4 direction de Lepenica. Mais Pijuk était déjà près du groupe que nous

5 constituions. Il avait un bas sur la tête, sur le visage et l'on voyait

6 donc mal ses traits. Mais il a tout de suite commencé à nous insulter, à

7 insulter nos mères balijas, à nous dire : "Où sont donc votre Selver et

8 votre Halja ? Que peuvent-ils pour vous aujourd'hui ? Qu'attendent-ils

9 pour vous aider ?".

10 Salko Barjaktarevic est arrivé et a dit à Pijuk : "Mon Dieu,

11 qu'êtes-vous en train de faire ?" parce que, à ce moment-là, une grande

12 partie du village était déjà en flammes ; les femmes et les enfants

13 étaient en larmes, une grande panique s'était déjà installée. Pijuk a

14 simplement répondu :"Le vieux, boucle-la, je vais te tuer". Et d'ailleurs,

15 il l'a fait. Devant tout ce groupe que nous constituions, nous étions au

16 moins 70 ou 80 déjà à ce moment-là parce qu'ils n'arrêtaient pas d'amener

17 des villageois. Devant tout ce groupe, il a tiré deux balles dans la

18 poitrine de Salko et quand Salko est tombé, il s'est plié en deux, il

19 s'est écroulé à croupetons et, à ce moment, Pijuk est venu et lui a tiré

20 encore deux balles dans le corps. Mais Vlatko Trogulic, surnommé "Zuna",

21 est arrivé ainsi que Zeljo Gutulovic, avec un certain Musa, qui était

22 aussi un soldat du HVO. Je ne sais pas exactement quel est son nom de

23 famille. Vlatko Trogulic, surnommé Zuna, faisait partie des forces de

24 sécurité. Il a donné un ordre à Pijuk.

25 Sur ces entrefaites, Pijuk s'est rapproché de nous et a exigé

Page 8610

1 que tous ceux qui étaient aptes à porter des armes, à se battre, se

2 séparent du reste du groupe. Il nous a donc isolé des autres et nous a

3 dit :"Saluer vos proches parce que vous ne les verrez plus jamais. Je vous

4 emmène à Ostrik voir ce que font les Chetniks". Mais avant de nous emmener

5 dans la direction d'Ostrik, j'ai vu Anto Cnijanovic, surnommé Tana,

6 arriver. C'était un collègue de travail de Zijad Huseinovic par le passé.

7 Donc, Zijad Huseinovic lui a demandé l'autorisation d'aller chercher

8 quelques objets nécessaire pour le bébé, parce qu'il avait un bébé de deux

9 mois. Tana ne lui a pas donné cette autorisation. Ensuite, on nous a

10 ordonné de marcher. Nous avons pris la direction d'Ostrik et nous sommes

11 arrivés au niveau du cimetière. Une fois au niveau du cimetière, il nous a

12 donné l'ordre de regarder dans la direction de Kulis.

13 M. Kehoe (interprétation). - Vous dites "il", mais de qui

14 s'agit-il ?

15 Témoin NN (interprétation). - C'est Pijuk qui nous a donné

16 l'ordre de nous tourner dans la direction de Kulis, et de nous serrer les

17 uns contre les autres, de nous rapprocher les uns des autres. Mais pendant

18 que nous marchions, avant d'arriver au niveau du cimetière, à un certain

19 moment, il y avait une vingtaine de soldats du HVO. Je ne sais pas

20 exactement combien ils étaient, mais je dirais une vingtaine qui portaient

21 des fusils. Ces fusils étaient donc pointés sur nous, de toute façon il

22 n'y avait aucun moyen de s'enfuir. Quand il nous a dit de nous rapprocher,

23 de nous resserrer, il a ordonné à Ahmed Barjaktarevic, à Mufid Tulic, à

24 Refic Huseihovic et à Safet Katkic de sortir des rangs. Et lui, ainsi que

25 deux ou trois autres hommes, je ne sais pas exactement combien, ont emmené

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1 ces quatre hommes à quinze ou vingt mètres de là, et ont commencé à les

2 interroger en leur demandant où était leurs armes, en les frappant à coups

3 de crosses de fusils, et en les forçant à s'engager à partir de la route

4 sur la pente qui se trouvait sur le bas-côté. Comme la pente était assez

5 importante, je ne les ai plus vus au bout d'un moment.

6 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, pouvez-vous dire

7 aux Juges qui les forçait à s'engager sur la pente, et qui subissait cette

8 contrainte ?

9 Témoin NN (interprétation). - C'est Pijuk qui les forçait à

10 descendre avec les autres soldats du HVO, et ceux qui subissaient cela

11 étaient Safet Katkic, Refik Huseihovic, surnommé Ferid, Mufid Tulic et

12 Ahmed Barjaktarevic. Après cela, j'ai simplement entendu une rafale,

13 plusieurs rafales, et Pijuk et les autres soldats sont revenus à notre

14 niveau. Nous, nous étions toujours regroupés. Il a dit à un homme qui

15 s'appelait Halil de sortir des rangs. C'était un réfugié de Blazuj. Il lui

16 a donné un bon coup sur l'épaule. Lui portait une veste en cuir assez

17 longue, donc Pijuk l'a frappé à l'épaule et lui a donné l'ordre suivant :

18 "Aller, dis-nous le nom de tous ceux qui possèdent des armes". Halil a

19 donné le nom de Zijad Huseinovic, et Pijuk a immédiatement dit : "Qui

20 c'est, celui-là ?" et il lui a donné l'ordre de sortir des rangs. Quand

21 Zijad Huseinovic est sorti du rang, il lui a donné l'ordre de se diriger

22 vers le même endroit que celui où se trouvaient les autres, à une dizaine

23 de mètres à peu près. Ensuite, Halil a donné le nom de Aziz Huseinovic, de

24 Admir Barjaktarevic aussi et, quand Pijuk a dit : "Où il est celui-là ?",

25 il n'a pas répondu.

Page 8612

1 Aziz Huseinovic a essayé de se justifier. Il disait qu'il ne

2 possédait pas d'armes. A ce moment-là, je n'ai pas tout vu, mais il y

3 avait un certain Mario Bradara, surnommé le Montenegrin, "Crnogorac", et

4 d'autres hommes derrière nous. Mario Bradara, si je me souviens bien, a

5 tiré deux balles dans le corps de Aziz Huseinovic, sous les genoux.

6 Aziz Huseinovic est tombé immédiatement. Zijad Huseinovic avait déjà été

7 tué, il était déjà mort. Aziz Huseinovic est donc tombé au sol. D'autres

8 soldats du HVO se sont alors approchés de son corps et lui ont donné des

9 coups de pied en lui donnant l'ordre de se relever. Il s'est relevé et ils

10 lui ont dit : "Allez, va par là." Aziz a commencé à avancer, mais en

11 sautant sur une jambe. Après quoi, Pijuk s'est approché de moi et

12 d'Elvir Huseinovic surnommé Buco -si je ne me trompe pas. Il nous a donné

13 l'ordre à tous les deux de sortir des rangs et il m'a frappé avec la

14 crosse de son fusil en me donnant cet ordre. Je suis passé à un certain

15 moment à côté de Zijad Huseinovic sur la route, parce qu'il nous a donné

16 l'ordre de marcher et j'ai vu Aziz Huseinovic qui enlevait un T-shirt

17 rouge qu'il portait sur lui pour s'en faire un bandage autour de la jambe.

18 En même temps, Pijuk lui disait : "Ne te fais pas de bandage, ce n'est pas

19 la peine, tu n'en auras pas besoin".

20 Pijuk m'a demandé et à Elvir Huseinovic surnommé "Buco" de

21 remettre nos armes. Or, le petit jeune, Buco, qui avait 15 ans, n'avait

22 pas d'arme du tout. Je ne sais plus exactement quel ordre il nous a donné

23 mais, en tout cas, il nous a dit de rentrer dans les rangs.

24 Aziz Huseinovic est resté sur les lieux. Il pleurait. Pijuk et son groupe

25 sont restés également à l'arrière. Quant à nous, nous avons été emmenés en

Page 8613

1 direction de Lepenica. Ils nous ont demandé de nous arrêter à la maison

2 d'Ibrahim Jahic et un véhicule d'une entreprise de Kiseljak nous

3 attendait. Nous avons donc dû tous monter dans ce véhicule, en fait un

4 camion ; on nous emmenés en direction de Lepenica. Au cours du trajet,

5 Ibrahim Jahic a jeté quelque chose qui était emballé dans du papier, dans

6 les buissons qui se trouvaient au bord de la route.

7 Lorsque nous sommes arrivés au centre de Lepenica, Milo Cimic,

8 ou Dragan, quelque chose comme cela, était le propriétaire d'un café qui

9 s'appelait Fortuna. C'est là que nous nous sommes arrêtés. Je ne me

10 souviens plus très bien qui a donné l'ordre à Ibrahim Jahic, parce que des

11 véhicules contenant des soldats du HVO nous suivaient. Ils tiraient en

12 l'air pour nous faire peur au moment où nous sommes arrivés à Lepenica. Je

13 ne sais plus très bien qui a dit à Ibrahim Jahic de sortir de ce camion.

14 Ils lui ont demandé : "Dis-nous, le vieux, qu'est-ce que tu as jeté à

15 l'extérieur du camion ?". Deux ou trois soldats du HVO ont commencé à le

16 frapper. Ils l'ont poussé à l'intérieur d'une voiture et nous avons vu

17 qu'on le ramenait vers Tulica.

18 Dans le centre de Lepenica, nous avons vu de nombreux soldats du

19 HVO rassemblés. Ensuite, ils nous ont emmenés dans un autre véhicule en

20 direction de Kiseljak. Sur la route, nous avons été escortés par d'autres

21 véhicules qui se trouvaient derrière nous. Là encore, les gens qui étaient

22 transportés tiraient en l'air pour nous faire peur. Ils nous ont donc

23 emmenés jusqu'à la caserne de Kiseljak, (expurgée)

24 (expurgée). Lorsque nous sommes arrivés à la

25 caserne, nous nous sommes arrêtés devant le bâtiment qui abritait la

Page 8614

1 police militaire. On nous a donné l'ordre de rentrer dans le couloir du

2 bâtiment. Nous avons été placés en rang et j'ai vu que des prisonniers

3 sortaient des autres bâtiments, des gens que je connaissais bien, de

4 Visnjica, Gomionica et Rotilj.

5 Puis, quelques personnes de mon village sont rentrées afin de

6 donner différentes informations sur eux. Un soldat du HVO est alors venu

7 jusqu'à moi. Il avait un bandeau sur un oeil. Il m'a dit de faire un pas

8 en avant. Lorsque je suis arrivé devant lui, il m'a emmené vers la sortie

9 du bâtiment qui abritait la police militaire. Une chaise noire était là,

10 dans un coin et je m'y suis donc assis. C'est là que j'ai vu

11 Mario Bradara, que l'on surnommait "le Montenegrin". Il a commencé à me

12 poser des questions sur Bakir Alispahic, où il se trouvait. Il m'a dit

13 "lève-toi", "assieds-toi", "lève-toi", "assieds-toi" à plusieurs reprises.

14 Il a juré sur le nom de ma mère et lorsque j'étais trop fatigué pour

15 m'asseoir et me lever, je suis finalement resté assis sur la chaise. C'est

16 à ce moment-là qu'il m'a frappé à la tête. Je suis tombé. Alors il m'a

17 donné l'ordre de me rasseoir sur la chaise. Il m'a dit de faire des

18 pompes, ce que j'ai fait. J'ai peut-être pu en faire deux ou trois avant

19 que le soldat du HVO qui avait ce bandeau sur l'oeil, commence à me

20 frapper dans les reins, dans le ventre et à la tête.

21 Puis Mario Bradara m'a dit de me rasseoir à nouveau sur la

22 chaise. A ce moment-là, un petit enfant est passé juste à côté dans le

23 bâtiment. Mario Bradara a appelé l'enfant, lui a dit de venir et lui a dit

24 de me frapper. J'ai commencé à pleurer parce que c'était insupportable.

25 Mario Bradara m'a dit de retourner dans les rangs, dans le couloir.

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1 Lorsque j'ai rejoint les autres, Selver Bajrakjarevic a demandé où se

2 trouvaient les toilettes. Alors le soldat du HVO qui portait ce bandeau

3 sur l'oeil, l'a emmené pour lui montrer où se trouvaient les toilettes.

4 Quelques instants plus tard, il est revenu. Il saignait du nez. Ses lèvres

5 étaient coupées et l’un de ses yeux était gonflé. Et il a rejoint les

6 rangs que nous formions.

7 Alors que nous donnions différentes informations qui nous avait

8 été demandées, Marinko Steko se trouvait là. C'était une personne que je

9 connaissais bien. A ma connaissance, c'était un commandant de la police du

10 HVO. Il me connaissait bien également par conséquent, je n'avais pas

11 besoin de lui donner d'informations sur moi. Il savait tout de moi. Il m'a

12 simplement demandé pourquoi je n'avais pas de tee-shirt, ou de pull, ou de

13 chemise. Je lui ai répondu que je n'avais pas eu le temps d'enfiler quoi

14 que ce soit. Il m'a dit de rejoindre les autres qui se trouvaient dans le

15 couloir. Ils nous ont alors placés dans une pièce dans laquelle nous avons

16 été détenus, au fond du couloir, au fond du bâtiment. Et lorsque nous

17 sommes entrés dans cette pièce, Tica Haro, qui venait de Lepenica s'y

18 trouvait déjà.

19 A l'intérieur de la pièce, il n'y avait rien. Il n'y avait que

20 le sol, pas de lit ou d'autres objets encore. Nous nous tenions donc

21 debout dans la pièce et, Hemdo Bajnaktarevic, à un moment donné, est sorti

22 de la pièce, il a été frappé lui aussi. D'autres personnes ont été amenées

23 dans la pièce au cours du séjour que j'ai passé là-bas. Ils ont été amenés

24 par des soldats du HVO. C'était des gens que je ne connaissais pas.

25 C'était terrible, ils avaient été roués de coups et leur corps entier

Page 8616

1 saignait. Ils sont restés dans la pièce peut-être une heure tout au plus.

2 La police est venue les chercher à nouveau pour les emmener ailleurs.

3 Puis la Croix-Rouge est venue nous rendre visite. Je ne sais pas qui

4 étaient ces personnes, mais en tout cas, elles ont pris nos noms et le

5 nombre de personnes qui se trouvaient dans la pièce. Après cela, moi-même

6 et les autres avons été emmenés pour creuser des tranchées. Je connaissais

7 bien l'endroit donc je sais que nous avons traversé le village de

8 Gomionica, et je crois que nous sommes allés vers le village de Stojkovic,

9 ou quelque chose comme ça. C'est là que nous avons creusé des tranchées.

10 Quoi qu'il en soit, je sais que, de cet endroit, on peut apercevoir

11 l'aéroport de Ljes, quelque chose comme ça, je crois.

12 J'ai passé deux jours à creuser là-bas, et le deuxième jour de

13 ce travail, Vlatko Lucic est arrivé ; il a amené avec lui un morceau de

14 papier qui était en fait une liste de personnes qui devaient faire l'objet

15 d'un échange. Mon nom était aussi sur la liste. Il y avait dix noms en

16 tout. On nous a ramenés à la caserne et là, un minibus rouge nous

17 attendait, qui nous a emmenés au village de Lepenica. J'ai reconnu

18 Marinko Steko et d'autres encore à Lepenica. Bien sûr, je ne peux pas me

19 souvenir de tous les membres du HVO et de la police militaire qui se

20 trouvaient là-bas. On nous a emmenés à Gojakovac immédiatement, chez

21 Mirko Zendo. C'est là que l'échange a eu lieu. Nous sommes passés sur le

22 territoire contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine et je suis allé au

23 village de Zabrde.

24 Deux ou trois jours plus tard, j'ai rejoint la défense de Koscan

25 sur la ligne de front qui s'y trouvait. Sur cette ligne, on voyait et on

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1 entendait également assez bien que des prisonniers de notre camp s'y

2 trouvaient et devaient creuser des tranchées ainsi que des abris

3 souterrains. Pour renforcer l'argument que des prisonniers étaient

4 effectivement sur la ligne de front, il y avait Vinko Katava, du village

5 de Kulijes. Il a appelé l'un d'entre nous et lui a dit que Himo Jahic et

6 Bajro Bajmarktareric se trouvaient là. Il avait entre 65 et 70 ans et

7 avait été libéré par les soldats du HVO sans faire l'objet d'un échange.

8 Ils l'avaient simplement laissé passer sur notre territoire. Après cela,

9 j'ai été transféré à Golubac, sur la ligne de front qui se trouvait là-

10 bas, au cours d'une opération de sabotage organisée par l'armée de Bosnie-

11 Herzégovine. Je ne connais pas véritablement le nombre de personnes qui

12 avaient été faites prisonnières, mais c'étaient nos frères qui étaient

13 emmenés par le HVO et emmenés pour creuser des tranchées. Je me souviens

14 simplement du nom d'Esad Mehadir. J'ai donc passé toute cette période sur

15 la ligne de front.

16 M. le Président. - Monsieur le témoin, vous avez à peu près

17 relaté tous les événements auxquels vous avez assisté. Peut-être,

18 Monsieur le Procureur, aurez-vous quelques précisions pour réintroduire

19 quelques dates, mettre un peu d'ordre dans le récit ? Voulez-vous le faire

20 après la pause ? Ce serait mieux.

21 M. Kehoe (interprétation). - Oui, effectivement. Je pense que ce

22 serait une meilleure idée, Monsieur le Président.

23 M. le Président - L'audience est suspendue pour une vingtaine de

24 minutes.

25 (L’accusé est reconduit hors du prétoire).

Page 8618

1

2 L'audience, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 55.

3

4 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

5 (L’accusé est introduit dans le prétoire).

6 Monsieur Kehoe, c'est à vous.

7 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

8 voudrais maintenant poser les questions qui vont suivre le témoignage et

9 nous pourrons ainsi procéder rapidement. Témoin NN, je vais vous poser un

10 certain nombre de questions sur la déposition que vous venez de faire et

11 je vais vous ramener à la période au cours de laquelle vous avez été

12 détenu en prison à Busovaca. Au cours de cette période, Dario Kordic est-

13 il venu à la prison ?

14 Témoin NN (interprétation). - Oui, Dario Kordic est

15 effectivement venu à la prison et lorsqu’il est arrivé, l'un des policiers

16 qui nous surveillait a dit "Sortez, sortez, les hommes que vous devez voir

17 viennent d'arriver". Nous sommes donc sortis de nos cellules dans le

18 couloir. On nous a mis en rang et Dario Kordic est entré. Il était

19 accompagné de deux de ses gardes du corps. Moi, je le connaissais déjà, je

20 l'avais connu lorsque je travaillais pour la police militaire.

21 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, vous avez vu

22 Dario Kordic à la prison de Busovaca ?

23 Témoin NN (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - La police militaire du HVO et la

25 police civile coopéraient-elles ?

Page 8619

1 Témoin NN (interprétation). - Oui, dans la prison où nous nous

2 trouvions, à mon souvenir, en tout cas. Il s'agissait d'une police civile.

3 Les locaux étaient occupés par la police civile.

4 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, parlons maintenant de

5 votre arrestation et de la conversation qui a eu lieu au poste de contrôle

6 à Han Ploca. Je crois que c'était à la fin du mois de juillet-début

7 août 1992 et vous avez reconnu un homme du nom de Mato Lucic, que l'on

8 appelait également Maturica. Est-ce exact ?

9 Témoin NN (interprétation). - Oui.

10 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai ici l'aide de

11 l'huissier et je voudrais que nous montrions au témoin les trois premières

12 photos qui se trouvent sur la table du témoin. Monsieur le Président, il

13 s'agit là d'extraits de la pièce 260.

14 (L'huissier s'exécute).

15 Commençons par la pièce 337, qui se trouve maintenant sur le

16 rétroprojecteur. Témoin NN, reconnaissez-vous cet homme ?

17 Témoin NN (interprétation). - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - Qui est-ce ?

19 Témoin NN (interprétation). - C'est Mato Lucic, surnommé

20 Maturica, du village de Busovaca.

21 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la photographie suivante,

22 la numéro 338. Témoin NN, reconnaissez-vous ces trois hommes ?

23 Témoin NN (interprétation). - Oui. C'est Mato Lucic.

24 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous utiliser le pointeur

25 pour nous l'indiquer ?

Page 8620

1 (Le témoin s’exécute).

2 M. Kehoe (interprétation). - Qui est cette personne ?

3 Témoin NN (interprétation). - Mato Lucic.

4 M. Kehoe (interprétation). - Et l'homme qui se trouve au

5 milieu ?

6 Témoin NN (interprétation). - C'est Ivica Rajic.

7 M. Kehoe (interprétation). - Connaissez-vous celui qui se trouve

8 sur la gauche ?

9 Témoin NN (interprétation). - Oui. C'est Evoje Krijtic. Il était

10 boulanger à Kiseljak.

11 M. Kehoe (interprétation). - Les hommes qui se trouvent derrière

12 étaient-ils membres de l'unité spéciale ?

13 Témoin NN (interprétation). - Derrière, oui. Et entre eux, peut-

14 être y en avait-il d'autres.

15 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la troisième photo. Il

16 s'agit de la pièce 339. Pouvez-vous reconnaître les personnes qui figurent

17 sur cette photo ?

18 Témoin NN (interprétation). - Oui. Je connais cet homme âgé, son

19 surnom est Bojo et il vient de Kiseljak.

20 M. Kehoe (interprétation). - Vous parlez de l'homme qui se

21 trouve sur le podium ?

22 Témoin NN (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez poursuivre.

24 Témoin NN (interprétation). - Ivica Rajic...

25 M. Kehoe (interprétation). - C'est celui qui se trouve sur la

Page 8621

1 gauche n'est-ce pas ?

2 Témoin NN (interprétation). - Oui. Juste à côté de lui, on voit

3 Mato Lucic, surnommé Maturica, et derrière Bojo, l'homme âgé, se trouve

4 Tihomir Blaskic.

5 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur NN, connaissez-vous

6 l'unité que commandait Mato Lucic ?

7 Témoin NN (interprétation). - Je ne peux pas vous dire

8 exactement de quelle unité il s’agissait. Mais les trois que je vous ai

9 indiqués, à l'exception du vieux Bojo, étaient les commandants en charge

10 de la caserne de Kiseljak.

11 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la photo suivante, la

12 pièce 340. A l'occasion de votre déposition concernant l'attaque contre

13 Tulica, vous avez évoqué un individu que vous avez désigné sous le nom de

14 Pijuk. Pijuk se trouve-t-il sur cette photo ?

15 Témoin NN (interprétation). - Oui.

16 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, dans ce

17 groupe de personnes que l'on voit sur la photo, deux personnes ont la tête

18 entourée d'un cercle. Nous ne savons pas qui a entouré la tête de ces

19 personnes d'un cercle. Si cette photo est utilisée à des fins

20 d’identification, je crois qu'il ne faudrait pas prémarquer la photo.

21 M. le Président. - Je suppose que c'est le Procureur qui a

22 prémarqué la photo ; cela ne me semble pas être un problème fondamental,

23 Maître Nobilo.

24 M. Nobilo (interprétation). - Je ne sais pas, mais dans un

25 système où plusieurs personnes sont identifiées sur une photo, on ne

Page 8622

1 marque pas au préalable la photo, on demande au témoin d'identifier les

2 personnes une à une et ensuite seulement, on marque la photo.

3 M. le Président. - Ce n'est pas la première fois depuis le

4 23 juin que des documents ont des encadrés et des flèches. Vous-même y

5 avez procédé. L'objection n'est pas retenue. C'est le Bureau du Procureur

6 qui a identifié cela pour faciliter le dialogue avec son témoin. Ne

7 perdons pas trop de temps. Il y a deux personnes entourées, l'une avec un

8 numéro 1, l'autre avec un numéro 2. Témoin NN, quel est le nom de la

9 personne dont le visage est entouré et marqué du numéro 1 ? Est-ce bien le

10 dénommé Pijuk ?

11 Témoin NN (interprétation). - Oui. Ici c'est Zdravko Mihajlovic,

12 surnommé Pijuk, qui était au village de Tulica.

13 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, vous montriez le

14 personnage numéro 2 ou le personnage numéro 1 ?

15 Témoin NN (interprétation). - Excusez-moi, je montrais le

16 personnage numéro 2, Zdravko Mihajlovic, ou Pijuk, que je connaissais bien

17 déjà avant.

18 M. Kehoe (interprétation). - Le Président vous a posé une

19 question concernant le personnage numéro 1, dont le visage est marqué d'un

20 cercle. De qui s'agit-il ?

21 Témoin NN (interprétation). - Oui, je le vois bien. Il s'agit de

22 Mario Bradara. Et pour autant que je sache, il avait comme surnom

23 "Crnogorac", qui signifie "le Monténégrin"." Il a participé à l'attaque

24 contre Tulica.

25 M. le Président. - Photo suivante, s'il vous plaît, numéro 341.

Page 8623

1 M. Kehoe (interprétation). - J'ai encore une question concernant

2 cette photo. On l'appelle "le Monténégrin" ; cela signifie-t-il que

3 Mario Bradara était originaire du Monténégro ?

4 Témoin NN (interprétation). - Non, en Bosnie, pour autant que je

5 sache, c'est un surnom que l'on donne d'habitude aux gens qui sont bien

6 portants, costauds, forts, et aussi qui ont les cheveux noirs.

7 M. le Président. - Nous retiendrons qu'il faut être bien portant

8 pour s'appeler "Monténégrin". Passons à la photo 341, s'il vous plaît.

9 M. Kehoe (interprétation). - Encore une question sur la

10 pièce 340, si vous voulez bien. Savez-vous qui sont les personnes qui se

11 trouvent à la droite de cette photographie, de l'autre côté de Pijuk ? A

12 quelle unité appartenaient-elles ?

13 Témoin NN (interprétation). - Il s'agit de personnes qui

14 venaient de Brnjaci et de Kiseljak, de la région, et qui étaient toutes

15 membres du HVO. Il y a des gens qui sont de Lepenica, mais la plupart

16 d'entre elles sont des personnes qui me sont bien connues.

17 M. Kehoe (interprétation). - Appartenaient-elles à cette unité

18 spéciale au sein du HVO ?

19 Témoin NN (interprétation). - Oui.

20 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la photo suivante,

21 pièce 341.

22 Juge Riad (interprétation). - Excusez-moi, mais qu'appelez-vous

23 "unité spéciale du HVO" ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, pouvez-vous expliquer au

25 Juge Riad de quoi il s'agit ?

Page 8624

1 Juge Riad (interprétation). - Qu'est-ce que c'est que cette

2 unité spéciale du HVO ?

3 Témoin NN (interprétation). - Pour autant que je sache, il

4 s'agissait d'une unité de sabotage qui n'était engagée que dans des

5 attaques et dans ce genre d'actions. En d'autres termes, il ne s'agissait

6 pas de soldats utilisés pour tenir des positions sur la ligne de front,

7 par exemple. Il s'agit d'une unité de sabotage qui menait des opérations

8 de sabotage.

9 Juge Riad (interprétation). - Des opérations de sabotage, mais

10 où ?

11 Témoin NN (interprétation). - N'importe où, où le commandement

12 les envoyait, on leur donnait des ordres.

13 Juge Riad (interprétation). - Sur la ligne de front ou dans des

14 villes ? Pouvez-vous être plus précis quant à ces actes de sabotage ?

15 Témoin NN (interprétation). - Sur la ligne de front.

16 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, ces sabotages ont-ils

17 été utilisés dans l'attaque contre Tulica ?

18 Témoin NN (interprétation). - Oui.

19 M. Kehoe (interprétation). - Soit dit en passant, témoin NN,

20 quelle était la date de l'attaque contre Tulica ?

21 Témoin NN (interprétation). - Tulica a été attaquée le

22 12 juin 1993.

23 M. Kehoe (interprétation). - Nous pouvons passer à la photo

24 suivante, pièce 341. Qui est l'homme dont le visage est marqué d'un

25 cercle ?

Page 8625

1 Témoin NN (interprétation). - La personne au visage encerclé est

2 Zdravko Mihajlovic, aussi connu sous le surnom de Pijuk, que je

3 connaissais déjà d'avant.

4 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la photo 342. Témoin NN,

5 reconnaissez-vous la personne dont la tête est encerclée ?

6 Témoin NN (interprétation). - Oui, je le reconnais, il s'agit de

7 Tibor Prajo, qui était soldat du HVO et qui m'a approché directement lors

8 de l'attaque contre Tulica : il m'a parlé, il m'a demandé ce que je

9 faisais là, il m'a aussi demandé où trouver Safet Katkic. Il m'a également

10 posé d'autres questions.

11 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce la personne à qui vous vous

12 êtes adressé pour obtenir de l'aide ?

13 Témoin NN (interprétation). - Oui. C'est bien la personne à qui

14 j'ai demandé de l'aide, et il m'a dit qu'il ne pouvait rien faire pour

15 moi, qu'il ne pouvait pas m'aider. Quand je l'ai vu ce jour-là, il avait

16 la poitrine nue et un bandage sur la poitrine.

17 M. Kehoe (interprétation). - Vous a-t-il dit qui menait

18 l'attaque ?

19 Témoin NN (interprétation). - Non.

20 M. Kehoe (interprétation). - Je propose de passer à la

21 pièce 343. Je voudrais attirer votre attention sur l'homme dont le visage,

22 encore une fois, est marqué d'un cercle.

23 Témoin NN (interprétation). - C'est quelqu'un qui a aussi

24 participé à l'attaque contre Tulica. Il habite près du village de Brnjaci.

25 Il portait deux fusils : un devant et un derrière, dans le dos.

Page 8626

1 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la pièce 344.

2 Reconnaissez-vous la personne qui apparaît sur cette photo ?

3 Témoin NN (interprétation). - Oui. Il a aussi pris part à

4 l'attaque contre Tulica et son père travaillait dans la même entreprise

5 que moi.

6 M. Kehoe (interprétation). - Toutes ces personnes qui, d'après

7 vous, ont participé à l'attaque contre Tulica, faisaient-elles partie du

8 HVO, à votre connaissance ?

9 Témoin NN (interprétation). - Oui. Ils étaient tous membres du

10 HVO.

11 M. Kehoe (interprétation). - La personne que vous avez

12 identifiée comme faisant partie de la Division du diable, faisait-elle

13 aussi partie du HVO ?

14 Témoin NN (interprétation). - Oui, sauf que c'est une autre

15 unité de sabotage et que c'était le nom qu'elle portait.

16 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais passer à une autre

17 pièce. Nous en aurons terminé avec les photos. Je voudrais maintenant la

18 pièce concernant la ligne de front, Monsieur Dubuisson.

19 M. le Greffier. - Il s'agit du document 345. Peut-on la placer

20 sur le rétroprojecteur ?

21 (L’huissier s’exécute)

22 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur NN, c'est une carte qui

23 montre la ligne de front ; elle a été établie grâce à votre aide, n'est-ce

24 pas ?

25 Témoin NN (interprétation). - Oui.

Page 8627

1 M. Kehoe (interprétation). - En rouge, c'est la ligne de front

2 tenue par les Serbes de Bosnie, en bleu, par les Croates de Bosnie, en

3 vert, la ligne contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

4 Témoin NN (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - En utilisant le pointeur,

6 pourriez-vous indiquer où se trouve le village de Tulica sur la carte, sur

7 la pièce 345 ?

8 Témoin NN (interprétation). - C'est ici.

9 M. Kehoe (interprétation). - Quelle est la date approximative de

10 ces lignes de front ou, était-ce bien à peu près les lignes de front,

11 le 12 juin 1993 ?

12 Témoin NN (interprétation). - Il n'y avait pas de tranchées

13 terminées ou de fortifications terminées, complètes, à cette date

14 du 12 juin. Dix ou quinze jours plus tard, tous les travaux de

15 fortifications ont été terminés. Les tranchées étaient alors complètes.

16 M. Kehoe (interprétation). - Mais sur la carte, on voit les

17 lignes de front telles qu'elles étaient à peu près fixées

18 au 12 juin 1993 ?

19 Témoin NN (interprétation). - Oui.

20 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit dans votre témoignage

21 qu'Ostrik a été marqué en rouge ; pourriez-vous nous indiquer la colline

22 d'Ostrik sur la carte ?

23 Témoin NN (interprétation). - Oui.

24 (Le témoin s’exécute).

25 M. Kehoe (interprétation). - Cette position était-elle

Page 8628

1 contrôlée par les Serbes de Bosnie ?

2 Témoin NN (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - A côté de cet endroit, il y a une

4 butte marquée en bleu qui s'appelle Plesovac. La voyez-vous ?

5 Témoin NN (interprétation). - Oui, c'est ici.

6 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce une position contrôlée par

7 le HVO ?

8 Témoin NN (interprétation). - Oui. C'est une position qui a été

9 contrôlée pendant un temps par le HVO, mais qui a changé de main : d'abord

10 par le HVO, ensuite par l'armée des Serbes de Bosnie.

11 M. Kehoe (interprétation). - Les Serbes de Bosnie et le HVO se

12 rencontraient-ils, se parlaient-ils, dans ce coin précis ?

13 Témoin NN (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais que l'on passe à la

15 carte suivante, Monsieur Dubuisson, si c'est possible.

16 (Le greffier s’exécute).

17 Je voudrais poser plusieurs questions au témoin concernant

18 l'attaque et les détails de l'attaque perpétrée contre Tulica,

19 le 12 juin 1993. Il s'agira de la pièce 346 ?

20 M. le Greffier. - C'est bien cela.

21 M. Riad (interprétation). - Maître Kehoe, vous avez posé une

22 question concernant les contacts entre les Serbes et les Croates sur

23 place ; pourriez-vous nous dire pourquoi ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, voudriez-vous répondre

25 à la question du Juge Riad et nous dire pourquoi le HVO parlait aux Serbes

Page 8629

1 de Bosnie à cet endroit ?

2 Témoin NN (interprétation). - A cet endroit, les lignes étaient

3 un peu brouillées et il existait de la contrebande à travers cette ligne,

4 notamment de spiritueux et de cigarettes. Avant l'attaque sur Tulica, à

5 Kobiljaca notamment, les Serbes et les Croates étaient en contact.

6 M. Riad (interprétation). - Ces contacts étaient-ils liés à

7 l'attaque contre Tulica ?

8 Témoin NN (interprétation). - Je ne sais pas.

9 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, vous avez dit que,

10 le 12 juin, le village de Tulica a été pilonné et vous avez expliqué de

11 quels endroits venaient ces pilonnages, n'est-ce pas ?

12 Témoin NN (interprétation). - Oui.

13 M. Kehoe (interprétation). - Ce pilonnage venait autant des

14 positions contrôlées par les Serbes de Bosnie que des positions contrôlées

15 par le HVO ?

16 Témoin NN (interprétation). - Oui.

17 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant à la carte qui

18 se trouve sur le rétroprojecteur et qui porte la cote 346. Encore une

19 fois, cette carte a été établie avec votre assistance. Les flèches

20 indiquent les positions d'où ont été tirés les tirs d'artillerie, n'est-ce

21 pas ?

22 Témoin NN (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Encore une fois, en rouge, c'est la

24 zone contrôlée par les Serbes de Bosnie et, en bleu, la région contrôlée

25 par le HVO ?

Page 8630

1 Témoin NN (interprétation). - Oui.

2 M. Kehoe (interprétation). - Les endroits désignés par les

3 flèches sont-ils les endroits que vous aviez indiqués comme étant ceux

4 d'où les tirs d'artillerie ont été tirés à droite, la partie serbe de

5 Bosnie et, à gauche, les positions contrôlées par le HVO ?

6 Témoin NN (interprétation). - Oui, oui.

7 M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous regarder cette carte de

8 plus près et nous indiquer ce qu'est ce demi-cercle marqué en noir, autour

9 du village de Tulica ? De quoi s'agit-il ?

10 Témoin NN (interprétation). - Oui.

11 M. Kehoe (interprétation). - Que signifie ce demi-cercle ?

12 Témoin NN (interprétation). - C'est un cercle qui marque

13 l'endroit d’où personne ne pouvait s'échapper.

14 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous expliquer comment

15 l'attaque s'est déroulée et quel rôle ont joué les soldats du HVO et

16 l'unité de sabotage ?

17 Témoin NN (interprétation). - Les soldats du HVO jouaient un

18 rôle dans la mesure où ils ont été déployés en demi-cercle, comme indiqué

19 sur la carte ; l'unité de sabotage est entrée dans la zone en venant

20 d'Ostrik, entre les villages de Ban Brdo et Kulic. Le seul espace encore

21 ouvert qui permettait de fuir était une espèce de couloir qui allait vers

22 les positions détenues par les Serbes de Bosnie. Tout le reste était en

23 quelque sorte scellé, encerclé. Quiconque essayait de fuir dans la

24 direction de Kulic ou de Lepenica était ramené à l'endroit où Salko a été

25 tué et où se trouvaient tous ces civils, notamment les femmes et les

Page 8631

1 enfants rassemblés là.

2 M. Kehoe (interprétation). - Le village de Tulica est un village

3 croate, musulman ou mixte ?

4 Témoin NN (interprétation). - Le village de Tulica était un

5 village musulman.

6 M. Kehoe (interprétation). - Combien de personnes vivaient-elles

7 à Tulica, approximativement ? Combien y avait-il de maisons à peu près,

8 dans le village ?

9 Témoin NN (interprétation). - Je dirais à peu près une centaine

10 de maisons et quelque chose comme 400 ou 500 habitants, si je me souviens

11 bien.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous savez que la partie supérieure

13 du village a été pilonnée plus lourdement, n'est-ce pas ?

14 Témoin NN (interprétation). - Oui.

15 M. Kehoe (interprétation). - Des maisons ont-elles été

16 incendiées dans la partie supérieure du village ?

17 Témoin NN (interprétation). - Oui.

18 M. Kehoe (interprétation). - La partie inférieure du village a-

19 t-elle aussi été incendiée ?

20 Témoin NN (interprétation). - Non.

21 M. Kehoe (interprétation). - Savez-vous ce qui s'est finalement

22 passé après l'expulsion des Musulmans du village dans la partie inférieure

23 du village ?

24 Témoin NN (interprétation). - Pour autant que je sache, la

25 plupart des maisons ont été pillées et un certain nombre de maisons de la

Page 8632

1 partie inférieure du village de Tulica ont été utilisées pour héberger des

2 réfugiés Croates de la région.

3 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais vous poser une question

4 concernant l'attaque elle-même. Les soldats du HVO qui ont attaqué, est-ce

5 que vous les avez vus porter des rubans ou toute autre marque distinctive,

6 et quels étaient les mots que l'on pouvait lire sur ces marques ?

7 Témoin NN (interprétation). - Oui, ils portaient des badges du

8 HVO sur leurs uniformes et aussi des rubans blancs, pour être

9 reconnaissables.

10 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez fait remarquer, dans le

11 cours de votre déposition, que vous avez reconnu un commandant du HVO qui

12 répondait au nom de Trogrlic, également connu sous le nom de "Zuna".

13 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce exact ?

14 Témoin NN (interprétation). - Il était commandant, pour autant

15 que je le sache, en charge du territoire de Lepenica.

16 M. Kehoe (interprétation). - Sur la base de ce que vous avez vu,

17 Témoin NN, savez-vous ou pas si c'est lui qui commandait cette attaque ?

18 Témoin NN (interprétation). - Moi, j'ai conclu que c'est lui qui

19 commandait cette attaque parce que Vlatko Trogulic, surnommé Zuna, avec

20 Anto Cnijanovic, qui était le commandant pour Brnjaci, était à cet

21 endroit, à Tulica, en même temps que Pijuk.

22 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez fait remarquer

23 antérieurement que ces hommes donnaient des ordres à Pijuk ; est-ce

24 exact ?

25 Témoin NN (interprétation). - Oui.

Page 8633

1 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous vu qui exactement donnait

2 ces ordres ?

3 Témoin NN (interprétation). - Oui, c'est Vlatko Trogulic,

4 surnommé Zuna, qui donnait les ordres.

5 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, intéressons-nous, si vous

6 le voulez bien, à Pijuk en tant que tel. Cet homme a pour nom Pijuk ; est-

7 ce qu'il a tenté de vous faire savoir qu'il était Serbe de Bosnie ?

8 Témoin NN (interprétation). - Oui. Quand il est arrivé au milieu

9 de toutes ces personnes, il a dit : " Je vais vous emmener à Ostrik. Dites

10 au-revoir aux vôtres, vous ne les reverrez plus jamais. Je vous emmène

11 voir ce que font les Serbes ".

12 M. Kehoe (interprétation). - Pourquoi pensez-vous qu'il ait fait

13 cela ?

14 Témoin NN (interprétation). - Il a fait cela pour que nous

15 pensions que c'était les Serbes qui avaient pénétré dans le village.

16 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que, pour vous, le fait que

17 les unités du HVO commandées par Zuna, ainsi que les hommes qui étaient

18 avec Pijuk, c’était clair que tous ces hommes travaillaient ensemble ?

19 Témoin NN (interprétation). - Oui. Ils étaient tous des soldats

20 du HVO, simplement Vlatko Trogulic, surnommé Zuna, Anto Cnijanovic

21 surnommé Tana, et les autres commandants étaient des commandants locaux,

22 que je connaissais tous très bien d'avant le conflit.

23 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais parler avec vous de

24 quelques-unes des victimes qui ont été assassinées au cours de cette

25 journée, et nous allons commencer, si vous le voulez bien, par

Page 8634

1 Salko Bajraktarevic. Je vous demanderai quel était son âge.

2 Témoin NN (interprétation). - Pour autant que je le sache,

3 Salko Bajraktarevic avait entre 65 et 70 ans, quelque chose comme cela.

4 M. Kehoe (interprétation). - Salko Bajraktarevic était-il un

5 Musulman de Bosnie ?

6 Témoin NN (interprétation). - Oui.

7 M. Kehoe (interprétation). - Les quatre victimes suivantes, les

8 quatre hommes qui ont été assassinés ensuite sont Ahmed Barjaktarevic,

9 Mufid Tulic, Refic Huseihovic, connu sous le surnom de Refid, et

10 Safet Katkic ; est-ce bien cela ?

11 Témoin NN (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Tous ces hommes étaient-ils

13 Musulmans de Bosnie ?

14 Témoin NN (interprétation). - Oui.

15 M. Kehoe (interprétation). - Lorsqu'ils ont été tués, ont-ils

16 tenté, de quelque manière que ce soit, de s'enfuir ?

17 Témoin NN (interprétation). - Je n'ai pas pu voir cela parce que

18 la pente était très importante.

19 M. Kehoe (interprétation). - Les a-t-on poussés le long de cette

20 pente ?

21 Témoin NN (interprétation). - Oui.

22 M. Kehoe (interprétation). - Qui les a poussés ?

23 Témoin NN (interprétation). - Pijuk et les deux ou trois hommes

24 qui l'accompagnaient. Ils poussaient ces hommes dans le dos avec la crosse

25 de leur fusil.

Page 8635

1 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre déposition, vous

2 avez fait observer que vous n'aviez pas réellement vu le moment où ces 4

3 hommes se sont fait tuer, mais que vous avez entendu les coups de feu ;

4 c'est bien cela ?

5 Témoin NN (interprétation). - Oui.

6 M. Kehoe (interprétation). - N'avez-vous jamais revu ces 4

7 hommes en vie par la suite ?

8 Témoin NN (interprétation). - Non.

9 M. Kehoe (interprétation). - Ensuite, vous avez parlé de deux

10 autres hommes, le premier étant Zijad Huseinovic.

11 Témoin NN (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Etait-ce un Musulman de Bosnie ?

13 Témoin NN (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - Je crois me souvenir que vous

15 l'avez vu mort, couché sur le sol ; c'est bien cela ?

16 Témoin NN (interprétation). - Oui.

17 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre déposition, je ne

18 me souviens pas exactement si vous avez mentionné le nom de cet homme ou

19 pas, mais au cours des événements de Tulica, dont nous venons de parler,

20 un homme répondant au nom de Kasim Huseinovic a-t-il été emmené au sein du

21 groupe ?

22 Témoin NN (interprétation). - Oui. C'est Kasim Huseinovic. Il a

23 été amené depuis la direction de Lepenica, juste derrière nous. Et quand

24 ils l'ont amené à cet endroit, Pijuk a demandé qui il était. Quelques-uns

25 des soldats lui ont dit que cet homme avait déjà avoué avoir des armes

Page 8636

1 chez lui à la maison, et qu'ils l'avaient amené avec eux pour lui retirer

2 son fusil. Pijuk a simplement demandé où se trouvait sa maison et Kasim a

3 répondu, après quoi, Pijuk a dit : "Bon ça va, nous l'avons trouvé ".

4 Après quoi, ce groupe de soldats du HVO qui se trouvait dans notre dos a

5 commencé à passer Kasim à tabac. L'homme hurlait et quand ils l'ont emmené

6 à l'endroit où ils avaient déjà assassiné les autres hommes, j'ai vu qu'il

7 avait une blessure grave à la tête et que quelque chose s'écoulait de

8 cette blessure. L'homme poussait des cris qui étaient absolument en-dehors

9 de la normale. Pijuk et ses hommes qui se trouvaient avec lui l'ont tué

10 immédiatement après.

11 M. Kehoe (interprétation). - Kasim Huseinovic était bien

12 Musulman de Bosnie, n'est-ce pas ?

13 Témoin NN (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - Zijad Huseinovic était aussi

15 Musulman de Bosnie, n'est-ce pas ?

16 Témoin NN (interprétation). - Oui.

17 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez aussi parlé

18 d'Aziz Huseinovic ; était-il aussi Musulman de Bosnie ?

19 Témoin NN (interprétation). - Oui.

20 M. Kehoe (interprétation). - N'avez-vous jamais revu l'un ou

21 l'autre de ces hommes vivants par la suite, après ce jour ?

22 Témoin NN (interprétation). - Non.

23 M. Kehoe (interprétation). - Après le meurtre de

24 Kasim Huseinovic, quelqu'un a-t-il donné l'ordre à Pijuk de cesser de

25 tuer ?

Page 8637

1 Témoin NN (interprétation). - Je ne me souviens pas moi-même de

2 ce fait, mais d'autres autour de moi ont dit ensuite que certains avaient

3 crié : "il y en a assez des tueries !".

4 M. Kehoe (interprétation). - Mais vous ne savez pas qui a crié

5 cela ?

6 Témoin NN (interprétation). - Non, je ne le sais pas.

7 M. Kehoe (interprétation). - Après votre départ de cet endroit,

8 vous avez dit que l'on vous avait fait monter à bord d'un camion et que

9 l'on vous avait emmenés dans la direction de Lepenica.

10 Témoin NN (interprétation). - Oui.

11 M. Kehoe (interprétation). - Et qu'un homme appelé Ibrahim Jahic

12 avait jeté quelque chose à l'extérieur du camion ; c'est bien cela ?

13 Témoin NN (interprétation). - C'est bien cela.

14 M. Kehoe (interprétation). - Quel âge avait Ibrahim Jahic ?

15 Témoin NN (interprétation). - Entre 55 et 60 ans.

16 M. Kehoe (interprétation). - Quand on l’a fait sortir du camion

17 pour le ramener dans la direction de Tulica, n'avez-vous, à partir de ce

18 moment-là, jamais revu Ibrahim Jahic ?

19 Témoin NN (interprétation). - Non. Il y a aussi

20 Fatima Huseinovic, de Tulica, dont on n'a aucune nouvelle.

21 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment-là, on vous a emmenés à

22 la caserne de Kiseljak. C'est bien cela ?

23 Témoin NN (interprétation). - Oui. On nous y a emmenés, mais

24 j'avais déjà été avant à la caserne de Kiseljak, donc je connais bien

25 l'organisation des bâtiments de la caserne à Kiseljak.

Page 8638

1 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais que nous passions à la

2 pièce à conviction suivante, qui est un agrandissement de la pièce à

3 conviction 75, et Monsieur Dubuisson, je vous demanderai une cote pour

4 cette nouvelle pièce.

5 M. Dubuisson. - C'est le n° 347.

6 M. Riad (interprétation). - Maître Kehoe, le témoin a mentionné

7 Fatima Huseinovic ; c'est la première fois qu'elle est évoquée. Il n'y a

8 pas eu mention d'une femme dans le récit de toutes ces opérations.

9 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, vous étiez présent au

10 moment de l'assassinat des personnes dont vous avez déjà parlé ; avez-vous

11 reçu des informations selon lesquelles d'autres personnes auraient été

12 tuées dans le village ce jour-là, y compris Fatima Huseinovic ?

13 Témoin NN (interprétation). - Oui, ce jour-là, Fatima Huseinovic

14 s'est fait tuer, ainsi que Ilija Tuliza et une autre femme qui s'appelait

15 Tulic, mais dont je ne connais pas le prénom. Ces trois femmes ont été

16 tuées ce jour-là.

17 M. Riad (interprétation). - Pourquoi ces femmes ont-elles été

18 tuées ?

19 Témoin NN (interprétation). - Elles essayaient de s'enfuir vers

20 Kulis et les soldats qui se trouvaient là-bas les ont tuées. Parce que

21 vraiment les coups de feu étaient très nombreux. Il y avait des soldats de

22 tous les côtés et ils tiraient de tous les côtés.

23 M. Kehoe (interprétation). - Ces femmes étaient-elles musulmanes

24 de Bosnie ?

25 Témoin NN (interprétation). - Oui.

Page 8488

1 M. Kehoe (interprétation). - Connaissez-vous leur âge ?

2 Témoin NN (interprétation). - Ilija Tuliza avait, pour autant

3 que je puisse le savoir, 60 à 65 ans. La plus jeune, sa belle-fille,

4 avait 45 à 50 ans et Fatima Huseinovic avait aussi une cinquantaine

5 d'années.

6 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je poursuivre,

7 Monsieur le Juge Riad ? Passons, si vous le voulez bien, à la pièce à

8 conviction n° 347, et Monsieur le Président, je vous demanderai une séance

9 à huis clos partiel pour une seule question, après quoi, nous pourrons

10 revenir en séance publique.

11 M. le Président. - Donc huis clos partiel pour une seule

12 question.

13

14 Audience à huis clos partiel

15

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25

Page 8640

1

2 Audience publique

3

4

5 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien en vous fondant sur cette

6 pièce à conviction, deux numéros, les n° 2 et 3 figurent sur la pièce ;

7 pouvez-vous dire aux Juges ce que désignent exactement ces n° 2 et 3 ?

8 Témoin NN (interprétation). - Le n° 2 désigne l'endroit où se

9 trouvait le commandement du HVO et le n° 3 désigne 2 bâtiments et je ne

10 suis pas sûr d'avoir été détenu dans l'un ou dans l'autre de ces

11 bâtiments. Mais j'ai été détenu dans l'un des deux, c'est une certitude.

12 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, toutes les personnes

13 incarcérées dans ces bâtiments au moment où vous vous y êtes trouvé, le 16

14 juin 1993, toutes les personnes que vous y avez vues jusqu'à votre départ,

15 étaient-elle des Musulmans de Bosnie ?

16 Témoin NN (interprétation). - Oui.

17 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre déposition, vous

18 avez évoqué plusieurs personnes qui se sont fait passer à tabac très

19 sérieusement. Un homme, en particulier, était couvert de sang et vous ne

20 saviez pas exactement d'où provenait ce sang. Est-ce exact ?

21 Témoin NN (interprétation). - Oui, mais il n'y en avait pas un

22 seul, il y avait 3 hommes.

23 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez aussi évoqué la visite de

24 la Croix-Rouge à la caserne de Kiseljak, n'est-ce pas?

25 Témoin NN (interprétation). - Oui.

Page 8641

1 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que ces personnes ont été

2 écartées de la caserne avant la visite de la Croix-Rouge ?

3 Témoin NN (interprétation). - Oui, ces personnes ont été isolées

4 avant l'arrivée de la Croix-Rouge. Et pour autant que je m'en souvienne,

5 c'est un certain Pero qui portait une moustache, un policier militaire,

6 qui est venu personnellement les chercher. Il était de Kiseljak. Je

7 connais très bien son prénom.

8 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit aussi que, lorsque

9 vous êtes arrivé le 16 juin 1993 à la caserne de Kiseljak, Crnogorac, le

10 Monténégrin, et un soldat du HVO qui portait un bandage sur l'oeil, vous

11 ont frappé. Est-ce exact ?

12 Témoin NN (interprétation). - Oui, c'est exact, mais il y a une

13 petite erreur. Cela ne s’est pas passé le 16 juin 1993, mais le 12 juin

14 1993.

15 M. Kehoe (interprétation). - Merci beaucoup. Oui, effectivement,

16 le 12 juin 1993. Et vous avez identifié Crnogorac, le Monténégrin, comme

17 étant Mario Bradara, n'est-ce pas ?

18 Témoin NN (interprétation). - Oui.

19 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce bien l’homme qui avait

20 participé à l'attaque à Tulica un peu plus tôt au cours de la même

21 journée ?

22 Témoin NN (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Si nous le pouvons, j'aimerais que

24 nous passions à la pièce à conviction... est-ce le n° 348,

25 Monsieur Dubuisson ?

Page 8642

1 M. Dubuisson. - Oui, c'est bien cela.

2 M. Kehoe (interprétation). - Passons donc à la pièce à

3 conviction 348. J'aimerais qu'elle soit placée sur le rétroprojecteur.

4 (L'huissier s'exécute).

5 En vous fondant sur la pièce à conviction 348, sur laquelle vous

6 voyez un certain nombre de villages surlignés en jaune, Témoin NN, vous

7 trouvez aussi une petite portion du territoire surlignée en orange. Vous

8 voyez cela ?

9 Témoin NN (interprétation). - Oui.

10 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cette région surlignée

11 en orange l’a été avec votre aide et si oui, que représente-t-elle ?

12 Témoin NN (interprétation). - Les villages de Rotilj, Visnjica,

13 Polje, Visoko, Gromiljak, Gomionica, Sviniarevo sont des villages

14 musulmans qui avaient déjà été attaqués au moment où nous avons été

15 arrêtés et où on nous a mis en détention à Kiseljak.

16 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre détention, vous

17 avez dit avoir été emmené pour creuser des tranchées ; est-ce que la zone

18 vers laquelle on vous a emmené creuser des tranchées, la zone

19 approximative, figure sur la carte ? Et vous êtes en train de pointer la

20 région qui est surlignée en orange, n'est-ce pas ?

21 Témoin NN (interprétation). - Oui, oui, et je sais très bien que

22 c'était là parce qu'on nous a fait traverser le village de Kiseljak tout

23 entier, on nous a emmenés jusqu'au village de Gomionica, on a traversé

24 Gomionica et au bout du village, il y a une espèce de ravin que nous avons

25 traversé à pied parce qu'on ne pouvait plus passer en voiture.

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1 Nous sommes arrivés finalement jusqu'à un petit village ; je ne

2 connais pas exactement son nom, mais c'est là que nous avons creusé des

3 tranchées.

4 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, vous avez dit également

5 qu'après votre libération, vous êtes retourné sur la ligne de front à

6 Koscan et que vous avez constaté qu'en face, du côté du HVO, il y avait

7 d'autres tranchées qui étaient creusées, n'est-ce pas ?

8 Témoin NN (interprétation). - Oui.

9 M. Kehoe (interprétation). - Et ces autres tranchées, étaient-

10 elles creusées par les Musulmans de Bosnie ?

11 Témoin NN (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

13 maintenant que nous nous concentrions sur la dernière pièce à conviction,

14 la pièce 349. A des fins de précision, Monsieur le Président, je dirai

15 simplement que la pièce 349 est une version réduite en noir et blanc des

16 lignes de confrontation qui figurent sur une pièce à conviction en

17 couleurs, qui est la pièce 345.

18 (L'huissier s'exécute).

19 Témoin NN, regardons d'un peu plus près la pièce à

20 conviction 349 et veuillez me dire encore une fois s'il y a un

21 surlignement en orange sur cette pièce à conviction.

22 Témoin NN (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Que représente ce surlignement en

24 orange ?

25 Témoin NN (interprétation). - Le surlignement en orange indique

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1 les lignes de front du HVO qui existaient à ce moment-là.

2 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cela représente la zone

3 dans laquelle les tranchées étaient creusées ?

4 Témoin NN (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous entendu le bruit des

6 tranchées que l'on creusait lorsque vous étiez à cet endroit ?

7 Témoin NN (interprétation). - Oui. A l'endroit que je montre à

8 l'instant, j'ai entendu cela.

9 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez placé le pointeur au

10 niveau de Koscan, c'est bien cela ?

11 Témoin NN (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Témoin NN, vous veniez de Tulica et

13 vous êtes arrivé tout près de ces lignes ; croyez-vous, ayant fait cela,

14 que les unités du HVO qui se trouvaient dans la zone avaient quelque

15 rapport que ce soit avec les unités serbes de Bosnie ?

16 Témoin NN (interprétation). - Pour autant que je le sache, il y

17 avait des contacts à Kobiljaca et Hadzici. Il y avait quelques passages,

18 mais je ne pourrais pas dire que c'était le cas pour tout le monde.

19 M. Kehoe (interprétation). - Avançons un petit peu. Avez-vous

20 jamais eu l'occasion de vous trouver sur le mont Igman et d'y avoir

21 rencontré l'accusé, M. Blaskic ?

22 Témoin NN (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - A quel moment cela s’est-il passé ?

24 Témoin NN (interprétation). - Cela s'est passé en 1995 ou 1996,

25 je ne sais pas exactement.

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1 M. Kehoe (interprétation). - S'agissait-il d'une section de la

2 route très dangereuse qui sort de Sarajevo et qui était souvent attaquée

3 par les Serbes ?

4 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, il s'agit

5 d'une période, l'année 1995, qui ne fait pas partie de l'acte

6 d'accusation. Donc objection de notre part.

7 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, il est tout

8 à fait clair que l'accusé avait des rapports avec les Serbes de Bosnie ;

9 ce témoin va nous dire qu’à un moment très crucial, quand il se trouvait

10 sur la route, il a vu M. Blaskic passer un coup de téléphone. Cette route

11 était attaquée très régulièrement par les Serbes qui attaquaient la

12 Fédération alors que ce jour-là, il n'y avait pas d'attaque.

13 M. le Président. - Reformulez votre question, mais c'est vrai

14 que l'on ne peut pas faire allusion à des événements de 1995. Ou vous

15 changez votre question, ou vous passez à une autre question.

16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, la question

17 concerne l'année 1995, maintenant, si vous ne souhaitez pas que je pose

18 cette question, je passerai à une autre question.

19 M. Hayman (interprétation). - Le témoin a même dit " 1995 ou

20 1996 " ; l'année 1996 se situe deux ans après la période évoquée dans

21 l'acte d'accusation. Nous pensons que ce que notre confrère de la partie

22 adverse a dit est tellement un soupçon que cela n'en vaut pas la peine.

23 M. le Président. - La décision a été prise. Vous passez à une

24 autre question, Maître Kehoe.

25 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président.

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1 Pouvez-vous m'accorder un instant pour consulter mes confrères ?

2 Monsieur le Président, je demande le versement au dossier des

3 pièces 337 à 349.

4 M. le Président. - Excusez-moi, je m'entretenais avec mon

5 collègue, je n'ai pas entendu. Pouvez-vous reprendre ?

6 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

7 Je demande le versement au dossier des pièces à conviction 337

8 à 349, qui viennent d'être discutées par le témoin NN.

9 M. le Président. - La 349 est celle qui est encore sur le

10 rétroprojecteur. C'est cela, Monsieur Dubuisson ?

11 M. le Greffier. - Oui, c'est bien cela.

12 M. le Président. - Pas d'objection. Les pièces sont versées et

13 admises.

14 M. Kehoe (interprétation). - Une dernière pièce à conviction,

15 Monsieur le Président.

16 La plupart de ces photographies ont été prises lors de la

17 réunion qui a eu lieu en décembre 1992 et qui a déjà été évoquée devant

18 cette Chambre de première instance. Mais une photographie vient d'une

19 version qui n'a pas encore été montée, donc pas vue par la Chambre de

20 première instance. C'est une photographie sur laquelle il y a un certain

21 nombre de soldats. Nous l'avons un petit peu revue pour la présenter, mais

22 c'est une photo fondée sur une version non montée et je pense que cette

23 version non montée devrait faire partie du dossier également.

24 M. Hayman (interprétation). - Pas d'objection, à condition que

25 nous voyions la bande vidéo d'où est extraite cette photo.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président.

2 Je voulais simplement vous donner le contexte de cette photographie.

3 M. le Président. - Pas d'objection. Avez-vous terminé,

4 Maître Kehoe ?

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, nous avons terminé,

6 Monsieur le Président. Plus d'autres questions au témoin NN.

7 M. le Président. - Il est 13 heures, nous allons suspendre nos

8 travaux et nous les reprendrons lundi matin à 10 heures. C'est bien cela,

9 Monsieur Dubuisson ?

10 M. Dubuisson. - Oui, Monsieur le Président, lundi matin

11 à 10 heures.

12 M. le Président. - L'audience est levée et sera reprise lundi

13 matin à 10 heures.

14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire)

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16 L'audience est levée à 13 heures.

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