Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 13 Mai 1998

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 TIHOMIR BLASKIC

7 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

8 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur l'Huissier,

9 voulez-vous faire entrer l'accusé ?

10 (L'accusé est introduit dans le prétoire)

11 Tout le monde m’entend. Je salue tout le monde. Je salue la

12 défense, je salue le Bureau du Procureur, je salue l'accusé.

13 Nous reprenons où nous en étions, Maître Cayley. Nous allons

14 introduire le Capitaine Eric Liebert, Monsieur l'Huissier.

15 M. Cayley (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

16 M. le Président. - Capitaine, m'entendez-vous ?

17 M. Liebert. - Oui, Monsieur. Bonjour.

18 M. le Président. - Bien. Nous reprenons l'interrogatoire

19 principal. Maître Cayley, c'est à vous.

20 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie,

21 Monsieur le Président. Monsieur le Capitaine Liebert, bonjour. Nous en

22 étions restés hier, avec votre déposition, après une réunion à laquelle

23 vous avez participée dans la municipalité de Zenica avec un certain nombre

24 d'ONG.

25 J'aimerais que nous avancions dans le temps et que nous passions

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1 à une visite que vous avez faite aux villages de Rotilj et de Visnica le

2 22 mai 1993. Pourriez-vous conter au Tribunal ce que vous avez découvert

3 dans les villages au cours de cette visite ?

4 M. Liebert (interprétation). - Oui. J'ai visité le village de

5 Rotilj et celui de Visnica, le 22 mai. Les notes que j'ai se fondent sur

6 des entretiens que j'ai eus avec les civils musulmans bosniaques sur le

7 terrain. Mes premières notes ici portent sur leurs besoins médicaux, sur

8 la situation médicale qui n'était pas particulièrement satisfaisante à

9 l'époque. Ils ont demandé à un médecin ou une infirmière de s'occuper

10 d'environ dix personnes malades. L'une de ces personnes était un homme qui

11 souffrait d'un problème oculaire qui ne pouvait être traité par le biais

12 des premiers secours courants.

13 J'ai également noté des commentaires sur les patrouilles. Je

14 crois qu'il doit s'agir des activités du HVO dans cette zone et des

15 préoccupations ont été exprimées sur la liberté religieuse ; notamment des

16 préoccupations quant au fait de savoir si les prêtres de la cérémonie du

17 Bahram, j'ai compris cela comme étant le Ramadan, ils venaient de Visnica,

18 allaient avoir accès à la zone de Rotilj. Ce que j'ai cru comprendre,

19 c'est que bien que la mosquée ait été détruite, ils avaient installé une

20 sorte de lieu de fortune pour poursuivre leur pratique de culte. Et ils

21 étaient préoccupés car ils croyaient qu'ils ne pourraient célébrer

22 pleinement leurs cérémonies religieuses.

23 Voilà mes notes sur cette visite. Compte tenu de mon souvenir,

24 je dirai que l'état d'esprit sur le terrain était essentiellement de

25 désespoir total. Ils en étaient à un point où ils acceptaient que leur vie

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1 se poursuive quoi qu'il arrive et à accepter les mesures de contrôle qui

2 s'exerçaient sur eux de la part des autorités du HVO notamment.

3 M. Cayley (interprétation). - Ces personnes étaient-elles

4 essentiellement des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes, des

5 personnes âgées ?

6 M. Liebert (interprétation). - Si mes souvenirs sont bons, la

7 population de la zone de Rotilj-Visnica est essentiellement une population

8 composée de personnes âgées, de femmes et d'enfants, il y avait des hommes

9 en âge de combattre, mais ils constituaient une minorité. Si j'ai bien

10 compris la situation, la plupart des personnes qui répondaient à ce profil

11 étaient parties au cours des combats antérieurs.

12 M. Cayley (interprétation). - Ces personnes représentaient-elles

13 une menace en termes de sécurité pour quiconque ?

14 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai jamais vu ces personnes

15 avec des armes. Selon moi, elles ne constituaient pas une menace sérieuse

16 pour la sécurité.

17 M. Cayley (interprétation). - Diriez-vous que la population

18 était lourdement contrôlée dans ces deux villages ?

19 M. Liebert (interprétation). - Oui, il y avait deux barrages

20 routiers très proche, un dont j'ai parlé hier, l'autre je ne peux me

21 souvenir exactement où il était situé, mais le contrôle pour entrer et

22 pour sortir de cette zone était très présent, il était le fait du HVO. La

23 population était contenue car les zones autour de ces villages étaient

24 peuplées de Croates bosniaques, et en réalité il s'agissait là d'une

25 population civile hostile selon moi. Il aurait été très difficile pour un

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1 civil musulman bosniaque qui habitait dans cette zone de se déplacer

2 librement sans rencontrer soit des soldats du HVO armés soit un public

3 hostile.

4 M. Cayley (interprétation). - Avançons jusqu'au 30 mai 1993. Je

5 crois qu'à cette date vous avez reçu des renseignements sur des activités

6 dans la municipalité de Kresevo. J'aimerais que vous nous relatiez ce que

7 vous avez entendu à ce sujet.

8 M. Liebert (interprétation). - Mes notes sont très brèves, ici.

9 Mais le 30 mai, j'ai reçu un rapport de nettoyage ethnique à Kresevo, je

10 n'aime pas ce terme personnellement. Ce que j'ai cru comprendre, c'est

11 qu'on avait ordonné aux gens de quitter la zone. Par gens, j'entends des

12 civils musulmans bosniaques. Je ne suis pas absolument sûr de la personne

13 qui m'a transmis ce renseignement, je ne l'ai pas noté ici ; mais ces

14 renseignements, compte tenu de la présentation dans mes notes, me

15 provenaient d'un officier de liaison, ou ont été enregistrés par le HVO ou

16 par l'armée de Bosnie-Herzégovine.

17 M. Cayley (interprétation). - Savez-vous qui a donné l'ordre à

18 ces Musulmans bosniaques de quitter Kresevo ?

19 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas de notes précises là-

20 dessus.

21 M. Cayley (interprétation). - Je vous remercie. Si nous pouvions

22 passer au 1er juin 1993, autre visite régulière au village de Rotilj. Il

23 s'est agi d'une visite sans escorte, c'est-à-dire sans escorte du HVO.

24 Pourriez-vous dire au Tribunal ce que vous avez découvert à cette occasion

25 et ce que les villageois vous ont dit ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Mes notes concernant la visite du

2 1er juin font état des choses suivantes : j'ai entendu des rapports des

3 locaux, des Musulmans bosniaques, concernant des bunkers dans les collines

4 autour de Rotilj. Je n'ai jamais pu avoir confirmation de ces rapports. Il

5 n'y avait pas de système de fortifications autour de ces villages.

6 J'ai également eu des entretiens avec la population sur place,

7 sur les événements qui se sont produits au départ et la manière dont cela

8 a commencé à Rotilj. Ce qu'on m’a dit à l'époque, c'est que sept personnes

9 avaient été tuées au cours de l'attaque initiale contre le village et que

10 six personnes, six villageois, étaient toujours en prison. J'ai compris

11 cela comme signifiant emprisonnés dans la zone de Kiseljak.

12 Mes notes sur cette visite portent également sur la situation du

13 logement et l'état général des villageois. Ils ont demandé du plastique

14 pour réparer des fenêtres endommagées et pour imperméabiliser certaines

15 maisons. Ils ont dit que toute forme d'aide serait la bienvenue et ils ont

16 dit qu'ils avaient reçu une ration de quatre kilos de farine par personne

17 environ, vingt jours avant. Cela m’a entendre qu'ils avaient un problème

18 d'alimentation et que la nourriture n'était pas aussi abondante que

19 précédemment, au cours de mes visites.

20 M. Cayley (interprétation). - Ces personnes se sont exprimées

21 plus librement vis-à-vis de vous lors de cette visite. Pourquoi ?

22 M. Liebert (interprétation). - La différence a été marquée

23 lorsque j'ai visité le village sans escorte. Les gens se sentaient plus en

24 confiance pour me parler. Plus de personnes étaient intéressées pour

25 s'entretenir avec moi et leurs remarques étaient nettement plus précises.

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1 Lorsque j'étais escorté, ils faisaient très attention à ce qu'ils

2 disaient. Je ne peux pas dire qu'il y avait une peur très marquée, mais

3 ils étaient préoccupés quant à la façon dont leurs commentaires seraient

4 perçus par les gens qui m’escortaient.

5 M. Cayley (interprétation). - Les gens qui vous escortaient

6 étaient généralement le HVO ?

7 M. Liebert (interprétation). - J’étais toujours escorté par le

8 HVO lorsque j’allais dans cette zone.

9 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous essayé de faire une

10 enquête sur les allégations de détentions de la part du HVO pour les

11 villageois ?

12 M. Liebert (interprétation). - Nous avons essayé d'enquêter sur

13 ces allégations. Sur ce village précis, je n'ai pas été en mesure

14 d'identifier des civils en détention dans les casernes du HVO. Nous

15 n'avions pas accès à toutes les zones de la poche de Kiseljak, par

16 conséquent nous n'étions pas en mesure de vérifier cela. J'ai obtenu des

17 vérifications sur d'autres points ultérieurement, mais je pense que nous

18 en parlerons de manière séparée.

19 M. Cayley (interprétation). - Vous n'aviez donc pas d'accès

20 libre dans les baraques de Kiseljak pour tout inspecter ?

21 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

22 M. Cayley (interprétation). - Passons au 15 juin 1993, à la

23 chute de Kakanj aux forces gouvernementales bosniaques. J'aimerais que

24 vous nous disiez ce que vous savez de ces événements.

25 M. Liebert (interprétation). - Je crois que le 14 juin environ,

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1 la situation en Bosnie centrale a commencé à changer de manière

2 dramatique. Je veux dire par là qu'une série d'événements se sont produits

3 qui ont entraîné des changements dans la situation militaire dans ma zone.

4 Le 14 juin, un assassinat s'est produit dans la région de Kakanj : un

5 diplomate iranien a été assassiné.

6 Cet acte a précipité le conflit entre l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine et le HVO dans cette région. Ce conflit a essentiellement mené

8 à la défaite des forces du HVO dans cette région et à des mouvements

9 importants de population vers la zone de Vares, à l'est, qui était sous le

10 contrôle du HVO. Les mouvements de population étaient très importants, en

11 tout cas c'est ce que j'ai constaté : environ 10 à 15 000 personnes se

12 sont vu contraintes d'aller vers Vares. Autant que je le sache, c'était le

13 premier revers important pour les forces du HVO dans cette région.

14 M. Cayley (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait eu un

15 mouvement de population important de Kakanj vers Vares. Est-ce que l'un de

16 vos officiers de liaison a enquêté sur les causes de ce mouvement de

17 population ?

18 M. Liebert (interprétation). - Oui. Ce mouvement de population,

19 ce changement a eu un impact considérable sur le terrain. Suite à cela, on

20 s'est demandé pourquoi c'était arrivé. L'un de mes officiers de liaison,

21 Christian Lévêque, a eu une série d'entretiens avec des Croates

22 bosniaques, des personnes déplacées dans la zone de Vares, après ces

23 événements, afin de déterminer ce qui s'était passé et afin de voir ce

24 qu'il en était de certaines allégations que nous avions entendues.

25 L'un des éléments qu'il a remarqués dans plusieurs entretiens a

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1 été que des civils croates bosniaques ont dit qu'ils avaient été

2 contraints de quitter leurs maisons par les forces militaires du HVO, à

3 mesure qu'elles avançaient. Je crois que ce n'était pas vrai pour la

4 majorité peut-être, mais je crois que cela a contribué au déplacement de

5 population.

6 M. Cayley (interprétation). - Comment cette augmentation

7 importante de population à Vares a-t-elle eu un impact sur les conditions

8 de vie à Vares ?

9 M. Liebert (interprétation). - Les conditions de vie se sont

10 détériorées très rapidement à Vares. J'ai rendu visite à cette région au

11 cours des jours suivants, à plusieurs reprises, afin de coordonner l'aide

12 d'urgence aux personnes concernées. La population de Vares se composait de

13 21 000 personnes environ. Ajouter 10 000 ou 15 000 personnes signifiait

14 des contraintes énormes sur l'infrastructure. Ce qui s'est produit

15 immédiatement, c'est une dégradation rapide d'éléments de base comme la

16 santé et l'assainissement. Ce qui nous préoccupait à cette époque,

17 c'étaient les maladies. Cela a également exercé des pressions

18 considérables sur les autorités civiles car il fallait exercer un contrôle

19 sur ces personnes et cela exerçait des pressions sur le système en termes

20 d'alimentation. Cela a eu un certain nombre de conséquences, entre autres

21 une augmentation considérable de la tension, notamment pour ce qui est des

22 Musulmans bosniaques qui résidaient encore dans cette région. Nous avons

23 reçu très rapidement plusieurs rapports de Musulmans bosniaques qui

24 avaient subi des attaques de la part de civils ou de soldats déplacés et

25 qu'on avait forcé à quitter leur maison pour faire de la place aux

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1 familles déplacées de la région de Kakanj.

2 M. Cayley (interprétation). - Ces Musulmans bosniaques, par qui

3 étaient-ils attaquaient et qui les avaient forcés à quitter leur maison ?

4 M. Liebert (interprétation). - Nous avons reçu plusieurs

5 rapports, je crois que les attaques émanaient à la fois de civils et d'un

6 certain nombre de soldats du HVO déplacés également. On m'a parlé de

7 860 soldats. Je crois que ces soldats venaient à l'origine de la région de

8 Travnik. Ils avaient participé au combat à Kakanj et ils s'étaient retirés

9 à mesure que la situation avait évolué dans cette zone.

10 M. Cayley (interprétation). - Le 18 juin 1993, je crois savoir

11 qu'un autre mouvement important de population a eu lieu mais cette fois-là

12 à partir de Vares. J'aimerais qu'on montre la pièce 365 au témoin, je vous

13 prie.

14 (L'huissier s'exécute)

15 En fait, c'est une carte que vous avez dessinée pour moi. Est-ce

16 exact ?

17 M. Liebert (interprétation). - Oui.

18 M. Cayley (interprétation). - Que montre la ligne orange ?

19 M. Liebert (interprétation). - Cette ligne orange est une

20 indication grossière de la ligne d'affrontement ou de la ligne qui

21 séparait les Croates bosniaques des Bosniaques Serbes.

22 M. Cayley (interprétation). - Pourriez-vous indiquer la ville de

23 Vares ?

24 M. Liebert (interprétation). - C'est là qu'est la ville de

25 Vares.

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1 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous exposer au Tribunal la

2 manière dont vous vous souvenez de ce mouvement de population du 18 juin ?

3 M. Liebert (interprétation). - Après les événements dans la zone

4 de Kakanj/Vares, il est ressorti que d'autres mouvements de population

5 étaient en cours. Au départ j'ai reçu un rapport des autorités de l'armée

6 de Bosnie-Herzégovine à Visoko, selon lequel des Croates bosniaques

7 traversaient les lignes des Serbes bosniaques. Ces rapports par la suite

8 ont étaient avérés. Un nombre important de personnes sont arrivées à

9 Vares, non je me reprends, à Kiseljak, les activités du HVO également. Je

10 crois que les autorités de Kiseljak, ainsi qu'à Vares, et notamment

11 Zonko Duzunovic* ont confirmé que c'était le cas. Si j'ai bien compris ce

12 qui s'est passé, il y a eu un arrangement conclu entre les Serbes

13 bosniaques, un arrangement détaillé, négocié entre les Croates bosniaques

14 et les Serbes bosniaques, pour permettre le mouvement de population par

15 les zones qu'ils contrôlaient. Si j'ai bien compris, les Serbes bosniaques

16 ont facilité ce mouvement en fournissant des moyens de transport. Si j'ai

17 bien compris, le mouvement passait par une ville dans cette région, qui

18 s'appelle Brgulji, ensuite vers la région que j'ai signalée par ces

19 flèches bleues. Plus au sud, hors de la carte, il rejoignait un réseau de

20 routes qui allait vers la zone de Kiseljak et devait retourner vers des

21 zones contrôlées par les Croates bosniaques dans cette direction.

22 M. Cayley (interprétation). - Avez-vous une idée du nombre de

23 personnes impliquées ?

24 M. Liebert (interprétation). - Il y a eu des milliers de

25 personnes concernées. Les 860 soldats environs du HVO de la zone de

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1 Travnik ont emprunté cette route et il en allait de même de milliers de

2 civils. Si j'ai bien compris la situation, si on examine les 12 à 15 00

3 personnes déplacées de Kakanj, à l'origine, environ 10 % de ces personnes

4 ont en fin de compte retrouvé leur foyer. Le reste, environ

5 10 000 personnes, se sont installées à Vares et à Kiseljak, ce qui

6 représentait une augmentation de plusieurs milliers de personnes dans la

7 région de Kiseljak, ce qui a eu des incidences sur les demandes en termes

8 de logement dans cette région.

9 Essentiellement les Croates bosniaques qui avaient été déplacés

10 de Kakanj et qui arrivaient à Kiseljak, demandaient un certain niveau de

11 logement, de confort. Evidemment cela a eu des incidences directes sur le

12 niveau de tension entre les civils croates bosniaques et les musulmans

13 bosniaques. Les logements étaient très demandés. Les Musulmans bosniaques

14 ont été la source la plus aisée de logements.

15 M. Cayley (interprétation). - Savez-vous si des Croates

16 bosniaques qui ont quitté Kakanj pour aller vers Vares sont revenus à

17 Kakanj ?

18 M. Riad (interprétation). - Qu'entendez-vous par la phrase : les

19 Musulmans bosniaques étaient la source la plus facile de logement ?

20 M. Liebert (interprétation). - Ce que j'entendais par là, c'est

21 qu'il y avait énormément d'événements qui se passaient en Bosnie centrale

22 à l'époque. Comme je l'ai dit, la situation militaire a changé rapidement.

23 Ce n'était pas le bon moment pour commencer à construire des logements. Il

24 y avait d'autres exigences pour les ressources. Si vous examiniez la

25 situation du logement, vous deviez trouver un logement à partir de ce qui

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1 existait déjà. Du point de vue d'un Croate bosniaque, compte tenu du

2 climat à l'époque, la source la plus évidente de logement, c'est vous

3 attaquer à déloger un Musulman bosniaque.

4 M. Riad (interprétation). - Qu'entendez-vous par là ?

5 M. Liebert (interprétation). - Cela signifie les expulser.

6 M. Riad (interprétation). - Restaient-ils généralement dans la

7 ville ou est-ce qu'ils partaient ?

8 M. Liebert (interprétation). - Il s'agissait essentiellement de

9 les déloger de leur maison. Ils devaient trouver un logement de rechange à

10 proximité auprès d'un membre de leur famille ou d'un centre d'urgence ou

11 ils devaient quitter la région pour passer dans une région contrôlée par

12 d'autres forces. Ils devaient trouver quelque part où habiter, dans une

13 autre région, etc.

14 M. Cayley (interprétation). - Nous allons revenir à la question

15 précédente. Savez-vous si des Croates sont revenus à Katana ?

16 M. Liebert (interprétation). - Il y en a 10 % à peu près qui

17 sont rentrés à Katana.

18 M. Cayley (interprétation). - C'était à l'époque une région qui

19 était sous le contrôle du gouvernement bosniaque.

20 M. Liebert (interprétation). - Oui.

21 M. Cayley (interprétation). - Parlons de la période qui commence

22 le 20 juin 1993. Je pense que vous avez joué un certain rôle au niveau des

23 échanges de dépouilles mortelles entre le HVO et l'armée bosniaque.

24 M. Liebert (interprétation). - Le 20 juin, j'ai appris que les

25 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine, dans la région de Visoko ont

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1 coordonné l'échange des dépouilles mortelles avec le HVO dans la région de

2 Kiseljak. A cette époque, nous avons donc évité les échanges qu'il

3 s'agisse de prisonniers ou de dépouilles mortelles. La raison en est,

4 notamment en ce qui concerne les dépouilles mortelles, que lors des

5 situations précédentes, des échanges de coups de feu ont eu lieu. On avait

6 tiré sur un de mes officiers. Par conséquent, nous avons considéré que

7 c'était un risque qu'il ne fallait pas courir. Il fallait tout simplement

8 les laisser pour qu'ils résolvent la question. Dans le cas concret, on

9 m'avait dit que ceux-ci devraient donc avoir lieu étant donné que l'armée

10 bosniaque avait demandé de procéder à un tel échange et qu'ils avaient

11 précisé que les dépouilles mortelles, qu'ils avaient prises à Kiseljak,

12 étaient des personnes qui avaient été tuées pendant qu'elles étaient en

13 maison de détention.

14 Le 19 juin, un jour avant, les corps ont été découverts. Je ne

15 les ai pas vus avant le 20 juin. J'ai pu comprendre, sur la base de ce qui

16 m'a été dit, que les corps ont été trouvés dans les deux fosses, dans le

17 cimetière de Kiseljak. C'est un cimetière civil, et en général, les corps

18 ont été déposés là-bas avant que l'on organise leur transport. Dès que

19 l'on m'a informé de cela, j'ai entrepris les démarches indispensables pour

20 faire l'enquête et procéder à la constitution d'un dossier.

21 Je suis rentré à Visoko. J'ai pris ma caméra, mon appareil

22 photo. Avec un autre officier qui m'avait accompagné, le

23 Lieutenant Ranlejo, nous nous sommes rendus à l'endroit qui m'avait été

24 indiqué ; la morgue. J'ai pu constater que les sept corps avaient été

25 déposés aux forces armées de l'armée bosniaque. Il s'agissait de ceux qui

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1 avaient été enterrés auparavant et pendant les deux semaines. J'ai pu

2 constater immédiatement, parce que j'ai eu l'occasion d'examiner les corps

3 un par un, que certains commençaient déjà à se décomposer, mais d'autres

4 étaient dans un état plus ou moins bon. Le Musulman bosniaque, qui avait

5 été responsable de l'enterrement, avait procédé à une description des

6 blessures. L'interprète qui était auprès de moi m'avait traduit tout cela.

7 J'ai pu en constater par moi-même et j'ai non seulement pris des

8 notes mais j'ai également pris des photos. Le Lieutenant était avec moi,

9 comme je l'ai précisé tout à l'heure, il était un peu mon soutien. J'ai

10 notamment pu remarquer que les personnes en question portaient des lésions

11 très graves sur le crâne. Par moment ceux-ci avaient des lésions très

12 graves et d'autres sur le corps. Mais c'est surtout le crâne.

13 M. Cayley (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre,

14 Capitaine Liebert mais nous avons une série de photographies qui sont fort

15 désagréables à voir. Je ne vais pas vous les montrer toutes mais il y en a

16 quand même deux que le témoin avait identifiées et je pense que c'est une

17 preuve concrète de ce qu'il a dit. Je vais donc demander que les

18 photographies 366 et 367 soient mises sur le rétroprojecteur et comme cela

19 nous irons plus vite, si vous êtes d'accord, Monsieur le Président.

20 M. le Président. - Tout à fait d'accord, merci. Allez-y,

21 Maître Cayley. Effectivement, nous avons sous les yeux des photos. Les

22 autres photos seront-elles déposées ?

23 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

24 l'intention de vous montrer plus que ces deux photographies mais si jamais

25 mon collègue le souhaite, bien évidemment il peut les voir.

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1 Monsieur Liebert, vous pouvez continuer.

2 M. Liebert (interprétation). - Je ne veux pas être trop long et

3 surtout me pencher trop longtemps sur ces photographies. Je voudrais tout

4 simplement préciser qu'il s'agit des deux photographies que j'ai pu

5 prendre sur place. Comme je l'ai déjà précisé, j'avais tout d'abord

6 remarqué les lésions considérables au niveau du crâne. Par moment il y en

7 avait qui étaient écrasés. On voyait ceux sur lesquels on avait donné des

8 coups avec une arme blanche. Je ne suis pas médecin mais la personne en

9 question a probablement été passée à tabac et l'autre corps avait été

10 calciné. Je pense que je n'avais pas tellement de temps à l'époque pour

11 regarder tous ces corps de près, mais j'ai vu quand même ce que je vous ai

12 décrit.

13 M. Cayley (interprétation). - Le médecin légal était-il sur

14 place ? Un examen légal a-t-il été fait ?

15 M. Liebert (interprétation). - Non, je n'ai jamais été dans une

16 telle situation, et je n'ai donc pas demandé que le médecin soit présent.

17 J'ai par conséquent montré les photographies à un des chirurgiens qui

18 était dans les forces canadiennes. Personnellement j'ai donné mon

19 sentiment et le chirurgien en question m'avait dit qu'il pouvait bien

20 évidemment me donner son point de vue mais qu'il ne pouvait pas me donner

21 une conclusion définitive étant donné qu'il n'était pas sur place, mais

22 que selon lui, et sur la base de la photographie et des photographies que

23 j'ai faites, il y avait des choses qui n'étaient pas bonnes, qui étaient

24 assez louches, que par conséquent un crime avait été commis et que les

25 personnes en question n'avaient pas été tuées sur le champ de bataille,

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1 mais que c'était plutôt la conséquence des tortures.

2 Le chirurgien en question avait regardé la photo que je lui

3 avais présentée et il avait parfaitement partagé mon point de vue sur la

4 base de ce qu'il avait vu.

5 M. Cayley (interprétation). - Il s'agissait par conséquent des

6 prisonniers de guerre bosniaques ?

7 M. Liebert (interprétation). - Je pense qu'il s'agissait

8 effectivement des Musulmans de Bosnie. Personnellement, j'ai parlé tout à

9 l'heure de ma préoccupation. La raison de ce sentiment, c'est que les

10 lésions au niveau des crânes n'étaient pas la conséquences de tirs sur le

11 front, indépendamment de l'appartenance à une force ou à une autre, parce

12 qu'il y avait la guerre civile et qu’il y avait souvent des combats

13 directs. J’ai pu voir, bien évidemment, les blessés, j'ai pu voir

14 également les victimes, ceux qui ont été tués. Mais il est rare de voir

15 des crânes écrasés et des lésions de ce genre.

16 M. Cayley (interprétation). - Quand avez-vous approché le HVO ?

17 M. Liebert (interprétation). - J’ai passé une semaine, un peu

18 plus ou un peu moins peut-être. J’ai essayé de préparer le rapport et

19 surtout de recueillir un certain nombre de documents. J'ai eu également

20 l'occasion, comme je l’ai dit, de rencontrer Vinko Lucic, représentant du

21 HVO, qui m'avait parlé différemment. Je lui ai dit que je ne pensais pas

22 qu'ils avaient été tués sur le champ de bataille, alors que lui prétendait

23 que c'était le cas. J’ai insisté là-dessus et il m'a répondu que peut-être

24 ces lésions provenaient effectivement du fait d'exhumations faites par la

25 suite.

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1 M. Cayley (interprétation). - Et l’échange a été fait à

2 Kiseljak ?

3 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est vrai. Ce que je tiens

4 également à préciser, c'est que des accusations de ce genre sont parvenues

5 de la part des Croates bosniaques vis-à-vis d'autres personnes. Il y avait

6 des corps, que personnellement je n'ai pas pu voir, qui étaient calcinés

7 ou enterrés auparavant. Je ne les ai pas vus.

8 M. Cayley (interprétation). - Nous allons maintenant parler du

9 22 et 23 juin 1993. Si je ne m'abuse, vous avez eu, à cette époque, une

10 raison pour laquelle vous vous êtes déplacé pour visiter les Musulmans de

11 Bosnie, les civils qui se trouvaient à Kiseljak. Pourriez-vous nous

12 expliquer ce qui s'est passé à cette occasion ?

13 M. Liebert (interprétation). - Oui, je vous l’ai déjà dit. J'ai

14 beaucoup voyagé à cette époque. J'ai voyagé entre Visoko et Kiseljak,

15 pratiquement tous les jours, et j'ai essayé de résoudre un certain nombre

16 de questions parce qu’un certain nombre d'allégations et d'accusations

17 venaient d'un côté et de l'autre.

18 Le 22 juin, le commandant des forces bosniaques, donc de Bosnie-

19 Herzégovine à Visoko, m'avait informé qu'un certain nombre de personnes

20 s'étaient rendues à Visoko en provenance de Kiseljak. Il avait été

21 notamment préoccupé pour les villages de Radanovici, ainsi que

22 Poljeska Kupija, les deux villages qui se trouvaient dans la région de

23 Kiseljak. Il y avait des femmes, des enfants dans le village, qui étaient

24 ramassés, envoyés dans des endroits différents, et qui se trouvaient

25 également dans les bâtiments de la commune.

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1 Les hommes, par conséquent, ont été obligés d'aller creuser des

2 fossés, les civils ont été pratiquement emprisonnés dans une villa, à côté

3 du stade de Kresevo. Nous avons considéré, de notre côté, qu'il s'agissait

4 d’accusations très graves. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes

5 adressés tout de suite aux autorités du HVO à Kiseljak.

6 Le 23 juin, à 11 heures 05, j'ai rencontré Vinko Lucic au

7 quartier général du HVO, donc la caserne de Kiseljak. Il m'avait dit que

8 pour ce qui concernait les deux villages, des enquêtes avaient

9 effectivement été organisées, que les hommes avaient été regroupés, que

10 des femmes et des enfants, et également un certain nombre d’hommes,

11 avaient été relâchés par la suite. Entre temps, après les interrogatoires

12 et les enquêtes qui ont été menés, d'autres hommes ont été relâchés.

13 Par la suite, il a dit que tous les hommes de Kiseljak avaient

14 été mobilisés, que les Musulmans de Bosnie ne portaient pas d'armes mais

15 qu'ils étaient utilisés pour d'autres travaux, par exemple pour travailler

16 dans les boulangeries, etc. A la mairie, je ne sais pas exactement combien

17 il y avait de personnes, mais il y en avait entre soixante et soixante-dix

18 à peu près.

19 C'était en quelque sorte un centre de transit et il y avait un

20 certain nombre de personnes auxquelles on avait imposé de quitter leurs

21 propres maisons, de s’y rendre. Ils sont restés à cet endroit jusqu'à un

22 nouvel arrangement. Par moment également, j'avais l'occasion de rencontrer

23 les personnes à cet endroit. Plus tard, je les ai rencontrées ailleurs.

24 M. Cayley (interprétation). - S'agissait-il des Musulmans de

25 Bosnie ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Oui.

2 M. Cayley (interprétation). - Toutes ces installations étaient-

3 elles sous le contrôle du HVO ?

4 M. Liebert (interprétation). - Oui, sous le contrôle du HVO et

5 des autorités civiles locales, mairie, etc.

6 M. Cayley (interprétation). - Quand Vinko Lucic vous a dit que

7 les Musulmans étaient utilisés dans les boulangeries pour faire du pain,

8 qu'avez-vous pensé à sujet ?

9 M. Liebert (interprétation). - Je pense que c'était un exemple,

10 un bon exemple. J'ai donc entendu parler souvent de ce genre

11 d'observations quand je parlais avec les gens. Je n'ai pas compris à la

12 lettre que les gens étaient utilisés pour être des boulangers. Mon

13 interprétation, c'était qu'il s'agissait plutôt d'une plaisanterie aux

14 questions que je leur avais posées. On m'avait posé la question de savoir

15 si on les utilisait pour creuser les tranchées, les fortifications, etc..

16 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, nous allons passer au

17 25 juin 1993, si vous le voulez bien. A ma connaissance, vous avez parlé à

18 cette époque avec une femme à Duhri.

19 M. Liebert (interprétation). - Oui. Dans la région de Kiseljak,

20 un certain nombre d'événements se sont produits. Il y a eu d'abord un

21 déplacement assez important de population. Par ailleurs, il y a eu

22 également un certain nombre d'activités vers l’est, ce que nous avons

23 appelé la poche de Kiseljak. Il y a eu un certain nombre d'informations

24 selon lesquelles il y avait un échange de tirs à Han Ploca. J’ai été

25 informé par la suite qu'il y avait également des tortures. On m'avait dit,

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1 pour parler très précisément, qu'une fille musulmane avait été violée par

2 des soldats du HVO.

3 Vu également l'incident avec les corps, j'ai essayé de trouver

4 la personne en question. Quand je l'ai trouvée, je me suis assuré qu'un

5 officier chargé de la santé vienne avec nous. Au moment où je me suis

6 entretenu avec la personne en question -je pense que c'était le village de

7 Duhri- il y avait également notre officier chargé de la santé, le major

8 Kotet. Je pense que la personne en question avait le prénom de Fatima,

9 mais je ne suis pas sûr de son nom de famille. J'ai pris un certain nombre

10 de notes. Elle nous a dit à peu près ce que je vais vous citer : "Le

11 15 juin 1993, elle était dans son village à Grakovica à côté d'Han Ploca.

12 Au moment où s’est produit l'attaque, conjointement entre les Croates du

13 HVO et les Serbes, elle-même ainsi qu'une quinzaine de personnes sont

14 passées dans la forêt. Elles n'avaient pas de quoi manger. Dans la ville,

15 la situation était assez active. Elle était accompagnée d'une personne

16 âgée de Tulica, je pense que c'est le nom du village qui a été brûlé un

17 jour auparavant. On a demandé à ce monsieur et à elle qu'ils se rendent et

18 ensuite il ont été ramenés à la maison. Fatima, ainsi qu'une dame un peu

19 plus âgée, sont restées à la maison pour s'occuper du bétail. Elle a

20 appelé sa mère mais rien ne s'est produit. Il y avait une trentaine de

21 soldats du HVO, ainsi que des Serbes de Bosnie. Ils se sont arrêtés à côté

22 de leur maison. On leur a posé la question : « Où est ton père ? Qui est

23 le commandant des forces de Bosnie-Herzégovine ? Où se trouvent ces

24 gens ?" Ensuite on a dit à Fatima qu'elle devait tirer sur quelques uns de

25 ses cousins. L'homme qui lui a demandé de le faire a tiré plusieurs fois

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1 en l'air. Il s'appelait, son surnom était Firka. Le soldat du HVO lui a

2 demandé d'ouvrir la bouche et a mis le fusil dans sa bouche. Il lui a dit

3 qu'elle devait aller dans l’étable. Il a dit qu'il allait la violer. Les

4 deux autres soldats croates l'ont accompagné. Elle a donc été emmenée

5 dans le même village comme d'autres personnes. A l'endroit, c'était une

6 étable où un de ses voisins avait été tué. On lui a dit qu'elle devait se

7 détendre. Elle avait même entendu dire que Firka avait été tué. Il y avait

8 encore un échange de coups de feu.

9 Ce qui s'est passé en définitive, c'est que les personnes qui

10 étaient avec elle ont été emmenées en passant par la montagne pour

11 rejoindre la caserne de Kiseljak où ils ont été traités d'une manière

12 assez correcte. Le 17 juin, ils ont été transférés dans l’école

13 élémentaire. Il y avait d'autres personnes de leur propre village.

14 D'autres personnes également ont été déplacées à cet endroit. Elles se

15 sont ensuite trouvées dans la mairie où les conditions de vie n'étaient

16 pas véritablement très bonnes et ils ont été encore une fois ramenés à

17 l'école puis à la mairie, etc. Il y avait des déplacements à plusieurs

18 reprises."

19 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, après ceci, vous avez

20 eu l'occasion de vous rendre à Han Ploca et Grakovica ?

21 M. Liebert (interprétation). - Oui, je suis passé à travers ces

22 villages et chaque fois que je me suis rendu à Sarajevo, j'ai pu constater

23 que les villages ont été endommagés. C'était tout à fait évident.

24 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi, avez-vous terminé votre

25 histoire sur le viol ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Elle n'a pas été violée en

2 définitive, elle a été torturée, maltraitée, mais j'étais quand même

3 préoccupé. Mais cela n'a pas été confirmé, le viol n'a pas été confirmé.

4 M. Cayley (interprétation). - Pouvons-nous revenir maintenant

5 sur Rotilj, la région de Rotilj. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur

6 les conditions dans lesquelles se trouvait la population dans ce village

7 en septembre, octobre 1993 ?

8 M. le Président. - Ne l'avons nous pas déjà dit ? Vous pourriez

9 synthétiser quand même. On a traité Rotilj il me semblait, la zone de

10 concentration des Musulmans. Que voulez-vous faire dire au témoin ?

11 M. Cayley (interprétation). - Monsieur le Président, il s'agit

12 là véritablement d'une partie très significative du témoin en question ?

13 parce qu'il s'est rendu à plusieurs reprises dans le village et il a pu

14 constater véritablement la détérioration de la situation à Rotilj, il a vu

15 cela de ses propres yeux, par conséquent il pourrait dire également

16 comment Rotilj était à la fin de son séjour.

17 M. le Président. - Je vous demande de vous concentrer et d'être

18 synthétique. Parce que souvent vous vous perdez dans les détails, on ne

19 savait plus très bien si la femme était violée ou pas, vous partez dans

20 des morceaux de récit, on a un résumé de votre déposition, capitaine, vous

21 n'êtes pas un témoin comme les autres, vous êtes un témoin intelligent,

22 vous avez beaucoup d'autres témoins qui sont des victimes, qui sont pour

23 la première fois devant un Tribunal. Vous êtes un officier supérieur, je

24 vous demande de vous concentrer sur les questions qui sont posées, de dire

25 tout ce que vous avez à dire mais uniquement ce que vous avez à dire,

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1 sinon nous nous répétons. Nous revenons en arrière pour des choses que

2 nous savons. Nous sommes en procès depuis le 23 juin et nous savons

3 beaucoup de choses déjà. Donc concentrez-vous sur les questions. Je

4 m'assure que Maître Cayley veut poser cette question. C'est le droit de

5 Maître Cayley de la poser, mais c'est le droit des Juges d'avoir des

6 réponses synthétiques et concentrées. Allez-y. Maître Cayley, posez bien

7 votre question et que le témoin y réponde.

8 M. Cayley (interprétation). - Capitaine Liebert, pourriez vous

9 donc dire aux Juges dans quelles conditions vivait la population dans le

10 village de Rotilj à la fin de votre mission ?

11 M. Liebert (interprétation). - Je me suis rendu dans cette

12 région encore deux fois. C'était donc le 28 septembre et à cette époque,

13 je me suis rendu donc à Rotilj et à Visjnica. Il y avait donc beaucoup de

14 personnes que j'avais rencontré déjà auparavant. Il y avait à peu près

15 600 personnes déplacées en provenance de la région de Kiseljak. Je me suis

16 adressé tout particulièrement aux personnes qui étaient de Visjnica, Doci,

17 Han Ploca et Grakovica. Ce que je pourrais dire, c'est que Rotilj et toute

18 la région environnante étaient les régions où il y avait une concentration

19 de la population musulmane, notamment de cette région. En fait, les

20 Musulmans résidaient dans 15 à 20 maisons qui avaient été abandonnée par

21 leurs propriétaires originaux et lorsque je me suis rendu sur place, il

22 n'y avait pas d'électricité sur les lieux. Les conditions de vie n'étaient

23 pas bonnes et pour ce qui nous concerne, nous avons eu une très grande

24 préoccupation : nous craignions que ces personnes ne puissent pas passer

25 l'hiver, notamment en raison des pénuries alimentaires qui se

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1 développaient dans l'ensemble de la Bosnie centrale mais plus

2 particulièrement dans cette zone. Ces pénuries alimentaires étaient pour

3 nous une source de préoccupation extrême étant donné les conditions de vie

4 dans lesquels se trouvaient ces personnes. Nombre d'entre elles habitaient

5 dans des conditions de surpopulation importante et cela nous préoccupait

6 également sur le plan de la santé bien sûr.

7 M. Cayley (interprétation). - Il est permis de dire que les

8 conditions de vie étaient considérablement aggravées par rapport à celles

9 que vous aviez constatées lors de votre première visite ?

10 M. Liebert (interprétation). - C'est tout à fait cela.

11 M. Cayley (interprétation). - Passons à un autre domaine, la

12 filière de commandement. La chaîne de commandement entre Kiseljak et

13 Vares, comment est-ce que vous la qualifieriez, et est-ce que vous pouvez

14 donner des exemples précis aux Juges à l'appui de ce que vous allez dire ?

15 M. Liebert (interprétation). - Je considérais la chaîne de

16 commandement entre Kiseljak et Vares comme étant très efficace. Le

17 transfert d'informations fonctionnait bien, sans problème, les

18 possibilités de circulation entre les deux endroits étaient tout à fait

19 satisfaisantes en passant par les lignes Serbes de Bosnie.

20 Sur la base des informations que je recevais, je peux conclure

21 et des preuves existaient à l'appui de ce que je dis, qu'il était possible

22 de passer d'un endroit à l'autre.

23 La coordination des activités étaient également tout à fait

24 possible. Le meilleur exemple auquel je puisse penser c'est la capture

25 d'un officier commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui Memecevic

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1 et qui avait été capturé à Vares. Il a été détenu ensuite dans la région

2 de Kiseljak. Il a été arrêté alors qu'il allait rendre visite à sa famille

3 à Tuzla. Il a été intercepté dans la région de Vares. Je suppose que c'est

4 par le biais des forces Serbes de Bosnie qu'il a ensuite été transféré

5 jusqu'à Kiseljak où je l'ai vu ensuite en détention et gardé par les

6 membres du HVO.

7 M. Cayley (interprétation). - Lorsque vous avez vu M. Rajic

8 donner des ordres à ses subordonnés, est-ce qu'il lui obéissaient

9 toujours ?

10 M. Liebert (interprétation). - Pour autant que je le sache oui,

11 il semble qu'il exerçait un contrôle tout à fait effectif sur ses

12 subordonnés et lorsqu'il donnait des ordres que ces ordres étaient

13 respectés.

14 M. Cayley (interprétation). - J'aimerais qu'on montre la pièce à

15 conviction suivante au témoin.

16 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi, vous avez dit que ce

17 commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine avait été transféré jusqu'à

18 Kiseljak en passant par les forces Serbes de Bosnie Y avait-il une

19 coopération entre les Croates de Bosnie et les Serbes Bosnie ?

20 M. Liebert (interprétation). - Il existait de très nombreuses

21 preuves d'une coordination et d'une coopération très étroite qui existait

22 entre les forces croates de Bosnie et les forces serbes de Bosnie dans

23 cette région. J'ai été amené à croire qu'un appui était également fourni

24 sous forme de fournitures.

25 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

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1 M. Cayley (interprétation). - Peut-on montrer la pièce à

2 conviction suivante au témoin, je vous prie ?

3 Capitaine Liebert, je crois comprendre que les lignes oranges et

4 bleus représentent un itinéraire que vous avez suivi à de nombreuses

5 reprises entre Visoko et Fojnica. En orange, c'est le premier itinéraire

6 avec la partie supérieure contrôlée par les forces de l'armée de Bosnie-

7 Herzégovine. Ensuite l'itinéraire bleu est celui qui mène à Fojnica.

8 Savez-vous que le secteur de la route où vous avez indiqué la présence de

9 deux barrages routiers était sous le contrôle des forces de l'armée de

10 Bosnie-Herzégovine ?

11 M. Liebert (interprétation). - Oui, entre les deux point verts

12 la route était contrôlée par les forces gouvernementales bosniaques,

13 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

14 M. Cayley (interprétation). - Et le secteur qui était de chaque

15 côté à l'extérieur de ces points était contrôlé par les Croates de Bosnie,

16 n'est-ce pas ?

17 M. Liebert (interprétation). - Oui, il y avait un no man's land

18 et ensuite les forces croates de Bosnie.

19 M. Cayley (interprétation). - Le barrage qui se trouve à droite

20 dans la direction... Si on poursuit la route, on va vers Kiseljak et dans

21 l'autre sens vers Busovaca, n'est-ce pas ?

22 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

23 M. Cayley (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges si oui

24 ou non le secteur situé entre ces deux barrages routiers était perméable

25 pour un individu ou pour une force peu nombreuse ? Etait-il possible de

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1 voyager entre Busovaca et Kiseljak ?

2 M. Liebert (interprétation). - Lorsque je suis arrivé pour la

3 première fois dans cette région au mois de mai, la zone de Fojnica, qui se

4 trouve ici c'est-à-dire dans la partie inférieure gauche, était pour

5 l'essentiel une zone neutre. En fait, le quartier général des Nations

6 Unies de Kiseljak l'appelait zone de paix ou zones d'accès spécial. Il n'y

7 avait donc pas de combat à ce niveau-là. Et, pour l'essentiel, même si des

8 tensions existaient, les Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie, à

9 ce niveau-là, cohabitaient. Ensuite, cette situation a changé lorsque des

10 combats ont commencé et que Kiseljak a été physiquement séparé de

11 Busovaca.

12 J'ai donc emprunté cette route bleue, la route Fojnica / Kacuni,

13 à plusieurs reprises, jusqu'à ce que je ne puisse plus accéder à Fojnica

14 en raison du HVO. J'ai eu des renseignements de première main sur la

15 situation à l'époque dans la région.

16 On peut parler à cet endroit d'une région qui est accidentée et

17 peu densément peuplée. Ce qui signifie que pour passer de Kiseljak à

18 Busovaca il n'y avait pas de grandes difficultés, mais il était très

19 difficile de regarder loin devant soit étant donné les arbres très

20 nombreux et la vue, le contrôle du trajet était assez difficile. Sur le

21 plan civil donc pas de difficulté, mais sur le plan militaire je dirai

22 modestement que si je voulais faire passer une force peu nombreuse, de la

23 taille d'un détachement par exemple, dans cette région, eh bien je pense

24 que cela eût été possible sans craindre d'être arrêté sur la route.

25 M. Cayley (interprétation). - Mais le mais le gros des forces de

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1 l'armée de Bosnie-Herzégovine patrouillait-il dans cette région ?

2 M. Liebert (interprétation). - Sur la base de mon expérience, et

3 j'ai acquis cette expérience uniquement au cours des trajets que j'ai

4 effectués, on trouvait des hommes au niveau du barrage routier, au niveau

5 de Kacuni, au niveau de Bilalovac. Je crois que c'est sans doute à

6 Bilalovac que se trouvait le gros des troupes. Il y avait également des

7 hommes, des soldats, au niveau du deuxième barrage routier. Les forces

8 étaient concentrées pour l'essentiel sur les routes, et dans les zones de

9 peuplement importantes, c'est-à-dire les villages.

10 M. Cayley (interprétation). - Quel a été le nombre le plus

11 important de soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine que vous ayez vus ?

12 M. Liebert (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir vu

13 davantage qu'un détachement et un peloton.

14 M. Cayley (interprétation). - Combien d’hommes cela représente-

15 t-il ?

16 M. Liebert (interprétation). - Une trentaine.

17 M. Cayley (interprétation). - Pendant votre séjour sur les

18 lieux, avez-vous eu des preuves d'une coopération entre le quartier

19 général de Vitez et celui de Kiseljak ?

20 M. Liebert (interprétation). - Oui, je n'ai pas de preuve

21 directe, je n'ai pas entendu de conversation à la radio ou vu de passage

22 de messages faxés. Mais je dirai que ce que j'ai vu était symptomatique de

23 l'existence d'un système de communication faisant partie d'une chaîne de

24 commandement.

25 A l'automne 1993, un certain nombre d'évacuations ont eu lieu à

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1 Nova Bila, zone qui était sous le contrôle des forces britanniques et qui

2 se trouve non loin de Vitez. Il s'agissait d'évacuations médicales. Il y

3 avait un hôpital de campagne du HVO, un hôpital de fortune, et étant donné

4 que le nombre de leurs victimes augmentait, ils avaient besoin d'un lieu

5 pour évacuer les blessés, vu les conditions rudimentaires qui régnaient

6 dans cet hôpital de campagne.

7 Le lieu d'évacuation le plus proche et le plus pratique se

8 trouvait à Kiseljak, c'est-à-dire dans une zone placée sous notre

9 contrôle. C'est ainsi qu'un certain nombre d'opération d'évacuations se

10 sont faites sous la responsabilité d'un homme appelé Finley, dans le cadre

11 d'une opération répondant au nom de code Finley, et c'est ainsi que les

12 responsabilités ont été transférées des forces britanniques à nos forces à

13 nous, à Kiseljak.

14 Les seules difficultés que nous ayons vécues au moment de ces

15 évacuations ont été des problèmes qui ont surgi entre la Forpronu et le

16 HVO. Les activités du HVO étaient très bien coordonnées. En fait, je me

17 rappelle que les blessés ont été évacués à partir de Kiseljak vers

18 d'autres endroits, en hélicoptère.

19 Pour procéder à de telles évacuations, il faut qu’il y ait une

20 bonne coordination et donc un bon système de communication si on veut

21 réussir.

22 M. Cayley (interprétation). - Ont-ils utilisé une zone

23 d'atterrissage d'hélicoptère ?

24 M. Liebert (interprétation). - Oui, ils ont utilisé un terrain

25 de sport de Kiseljak à cette fin.

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1 M. Cayley (interprétation). - Enfin, Capitaine Liebert, je vous

2 prierai de résumer le plus simplement possible ce que vous avez constaté

3 comme étant la politique du HVO à Kiseljak et à Vares, pendant votre

4 séjour en Bosnie.

5 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas vu de preuves

6 directes quant au fait que le HVO ait mis en oeuvre un programme délibéré

7 prenant pour cible la population civile musulmane des villages de la

8 région, mais je décrirai néanmoins le comportement du HVO comme

9 caractérisé par ce que j'appellerai une indifférence presque criminelle.

10 Et je ne choisis pas ces mots au hasard ou indifféremment.

11 J'estime que la chaîne de commandement a été négligente dans

12 l'exercice de ses responsabilités de commandement. J'estime que M. Rajic

13 en particulier a fourni un très mauvais exemple à ses subordonnés.

14 J'estime que les opinions négatives formulées par M. Rajic ont été

15 partagées par nombre de ses hommes qui se sont mis à exprimer ouvertement

16 leurs points de vue, sous la forme de plaisanteries et de commentaires.

17 Cela m'a montré qu'il existait un manque d'intérêt pour la

18 population musulmane dans cette région. J'estime que cela a eu un effet

19 direct sur la situation qui régnait sur le terrain. Si cela n'a pas

20 contribué au traitement très pénible vécu par la population dans cette

21 zone, j'estime en tout cas, et sans l'ombre d'un doute, que cela n'a pas

22 du tout amélioré la situation. Je pense qu'un commandant militaire

23 responsable, disposant d'hommes, de soldats pouvant intervenir, aurait dû

24 exercer ses responsabilités et fournir une certaine protection à cette

25 population.

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1 Ce qui s'est passé, et je considère que c'est tout à fait

2 évident, c'est que le HVO n'est intervenu aucunement pour améliorer la

3 situation, alors qu'il aurait pu le faire. J’estime qu'il s'agit là d'un

4 échec du commandement.

5 M. Cayley (interprétation). - La dernière carte sur laquelle le

6 témoin s'est exprimé, la carte où l’on voit la route Kacuni / Bilalovac,

7 est je crois la pièce à conviction n° 368. Je n'ai plus d'autres questions

8 à poser au témoin maintenant et je demande donc le versement au dossier de

9 toutes les pièces à conviction qui portent la cote 362 jusqu'à 368.

10 M. le Président - Je vois qu'il n'y a pas d'objection de la part

11 de la défense.

12 Dans ces conditions, nous allons interrompre nos travaux pendant

13 une vingtaine de minutes, après quoi nous passerons au contre-

14 interrogatoire. Merci. L'audience est suspendue.

15 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à

16 11 heures 40.

17 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé,

18 s'il vous plaît.

19 (L'accusé est introduit dans le prétoire)

20 Maître Hayman.

21 M. Hayman (interprétation). - Effectivement,

22 Monsieur le Président. Merci. Bonjour, Monsieur le Président, bonjour

23 Monsieur le Juge, bonjour Capitaine.

24 M. Liebert (interprétation). - Bonjour.

25 M. Hayman (interprétation). - Les officiers du HVO avec lesquels

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1 vous avez eu des contacts, si j'ai bien compris, étaient Ivica Rajic et

2 ses subordonnés, n'est-ce pas ?

3 M. Liebert (interprétation). - Oui, en effet.

4 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous jamais rencontré ou vu

5 le Colonel Blaskic avant de le voir dans le prétoire hier ?

6 M. Liebert (interprétation). - Non.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit qu'à votre avis, la

8 chaîne de commandement du HVO avait été négligente dans l'exercice de ses

9 responsabilités de commandement. Parlez-vous des officiers avec lesquels

10 vous avez eu vous-même des contacts, c'est-à-dire Ivica Rajic et ses

11 subordonnés ?

12 M. Liebert (interprétation). - Je fais précisément référence à

13 ces hommes. Mais au Canada nous disons, en parlant de la chaîne de

14 commandement, qu'il est possible de déléguer son autorité mais pas sa

15 responsabilité. Ce qui signifie que je peux déléguer mon autorité, eu

16 égard à une opération particulière, mais je suis encore et toujours

17 responsable du rôle de supervision dans le cadre de mon commandement.

18 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous parlez de

19 responsabilité dans ce contexte, vous parlez de responsabilité militaire

20 et non pas de responsabilité pénale, n'est-ce pas ?

21 M. Liebert (interprétation). - Je parle de responsabilité

22 militaire.

23 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous dites à votre avis

24 que certaines personnes se sont conduites en manifestant une indifférence

25 criminelle vis-à-vis du sort des Musulmans, par exemple dans la

Page 8911

1 municipalité de Kiseljak, vous n'incluez pas le Colonel Blaskic à l'époque

2 dans l'avis que vous exprimiez, n'est-ce pas ?

3 M. Liebert (interprétation). - Cet avis a été exprimé eu égard

4 précisément aux individus avec lesquels j'ai eu des contacts. Maintenant,

5 j'ai cru comprendre que le Colonel Blaskic occupait un poste supérieur et

6 j'estime donc qu'il avait une responsabilité dans ce cadre mais je ne

7 faisais pas référence à lui.

8 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous parlez de

9 responsabilités vous faites référence à des responsabilités militaires et

10 pas à des responsabilités pénales dans le cadre du droit international

11 humanitaire ou du droit international pénal, n'est-ce pas ?

12 M. Liebert (interprétation). - Je fais référence à des

13 responsabilités précises eu égard aux actes des subordonnés sur lesquels

14 on a une autorité.

15 M. Hayman (interprétation). - Vous dites qu'il est possible de

16 déléguer quelque chose, mais qu'il n'est pas possible au sens militaire de

17 déléguer ses responsabilités, c'est bien cela ?

18 M. Liebert (interprétation). - C'est bien cela.

19 M. Hayman (interprétation). - Et vous ne pouvez pas donner

20 d'avis sur mon client, le Général Blaskic, car je suppose que vous serez

21 d'accord pour dire que vous n'avez jamais vu le moindre rapport qu'il ait

22 pu recevoir du quartier général de Kiseljak, n'est-ce pas ? Vous n'avez

23 jamais vu ce genre de rapport ?

24 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai aucune observation

25 directe à exprimer sur ce type de rapport.

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1 M. Hayman (interprétation). - Vous n'avez jamais vu non plus le

2 moindre ordre que le Colonel Blaskic ait pu transmettre ou essayer de

3 transmettre à la municipalité de Kiseljak, n'est-ce pas ?

4 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

5 M. Hayman (interprétation). - Merci. Pourriez-vous nous donner

6 quelques détails sur vos rapports avec le Capitaine Lanthier car j'ai cru

7 comprendre que vous aviez servi en même temps que lui ?

8 M. Liebert (interprétation). - Oui. Lorsque je suis arrivé en

9 Bosnie-Herzégovine, en mai, au début du mois de mai 1993, le

10 Capitaine Lanthier était l'officier de liaison aux affaires militaires

11 dont les responsabilités spécifiques étaient d'établir des contacts avec

12 la partie adverse. Il est revenu sur le théâtre d'opérations en Bosnie-

13 Herzégovine en novembre 1993 moment où il a été employé en qualité

14 d'officier de liaison supérieure et il est donc devenu mon homologue.

15 M. Hayman (interprétation). - Je crois donc comprendre qu'il est

16 parti au moment de votre arrivée, n'est-ce pas ?

17 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

18 M. Hayman (interprétation). - Lorsqu'il est revenu, étiez-vous

19 des collègues ? Etiez-vous employés aux mêmes activités ou en tout cas

20 quels ont été vos rapports avec lui lorsque vous êtes revenu sur le

21 théâtre des opérations ?

22 M. Liebert (interprétation). - Il a passé environ deux semaines

23 sur le théâtre des opérations avec moi à la fin de mon séjour et à ce

24 moment-là, je lui ai transmis mes devoirs, mes responsabilités et je me

25 suis assuré qu'il soit informé de façon tout à fait appropriée au sujet

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1 des opérations que je menais à cette époque.

2 M. Hayman (interprétation). - Au cours des discussions que vous

3 avez pu avoir avec lui à ce moment-là, vous a-t-il dit quel était à son

4 avis le poste de Vinko Lucic ?

5 M. Liebert (interprétation). - Je ne me rappelle pas de

6 discussions particulières avec Jean-Marc Lanthier à ce sujet. J'ai cru

7 comprendre que le poste de Vinko Lucic était un poste déterminé et j'ai

8 tiré cette conclusion de mes rapports avec cet homme.

9 M. Hayman (interprétation). - Hier, vous nous avez parlé de la

10 façon dont le bataillon canadien communiquait et menait à bien ses

11 fonctions à Visoko et à Srebrenica, deux lieux séparés par une certaine

12 distance. Vous nous avez parlé de l'utilisation d'une radio pour maintenir

13 les communications entre ces deux lieux.

14 Pouvez-vous nous dire quel genre de radio possédait votre

15 bataillon ?

16 M. Liebert (interprétation). - Au départ, la radio que nous

17 utilisions était une AN haute fréquence, AN 515. Nous l'utilisions pour

18 les communications de longue distance car elle était la plus appropriée

19 pour nos besoins en Bosnie-Herzégovine. Celle que j'utilisais

20 personnellement était une HF Kodan civil. C'était un appareil plus petit

21 et plus moderne. En effet, la technologie, radio utilisée par les forces

22 canadiennes datait des années 60 alors que la Radio Kodan était beaucoup

23 plus moderne et de technologie plus fiable.

24 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre que l'AN 515

25 n'était pas très fiable dans les circonstances dans lesquelles vous

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1 opériez.

2 M. Liebert (interprétation). - Cette radio était fiable mais sur

3 le plan technologique elle ne présentait pas les avantages de

4 l'informatique notamment, etc.

5 M. Hayman (interprétation). - Pas de système numérique, n'est-ce

6 pas ?

7 M. Liebert (interprétation). - Effectivement.

8 M. Hayman (interprétation). - Connaissez-vous le genre de radio

9 qui était utilisé par l'ex-armée yougoslave ?

10 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas de connaissance

11 détaillée du système de communication employé par l'armée yougoslave, je

12 ne me rappelle pas non plus précisément quel était le système de

13 communication utilisé par l'une ou l'autre des factions adverses. Je n'ai

14 pas assisté à l'emploi de ce type de technologie à ce moment-là.

15 M. Hayman (interprétation). - Je ne vous demande pas de

16 divulguer quoi que ce soit qui risque d'être couvert par le secret au

17 niveau de votre gouvernement, mais est-ce que les équipements de

18 communication dont disposait le Bataillon canadien incluaient des formes

19 de communication cryptées ?

20 M. Liebert (interprétation). - Oui, nous avions cette

21 possibilité de crypter les messages, mais en général nous n'utilisions pas

22 cette possibilité parce que les Nations Unies n'avaient pas l'habitude de

23 coder leurs messages.

24 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec la

25 proposition selon laquelle le fait d'assurer la sécurité des

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1 communications entre des parties combattantes est tout à fait essentiel ?

2 M. Liebert (interprétation). - En règle générale, c'est le cas

3 pour une armée. Mais nous n'avions pas besoin de cette technologie à ce

4 moment-là.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d'un commandement

6 exercé à partir de Visoko par le Bataillon canadien sur le bataillon

7 canadien de Srebrenica et vous avez également relaté vos expériences à

8 Chypre.

9 Je vous poserai d'abord des questions à propos de Chypre, après

10 quoi je vous poserai des questions plus générales. Lorsque vous étiez à

11 Chypre, vous agissiez en tant que responsable du maintien de la paix ?

12 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

13 M. Hayman (interprétation). - Et votre rôle en Bosnie-

14 Herzégovine était le même ?

15 M. Liebert (interprétation). - Notre rôle en Bosnie-Herzégovine

16 était un peu différent. Le mandat était complètement différent. Nous

17 n'étions pas responsables du maintien de la paix, parce que la paix ne

18 régnait pas à l'époque.

19 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu’il y avait la paix et un

20 cessez-le-feu en vigueur à Chypre lorsque vous vous y trouviez ?

21 M. Liebert (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Si je fais une pause après les

23 réponses, c'est pour aider les interprètes dans leur travail. Est-il exact

24 qu’aussi bien à Chypre qu'en Bosnie-Herzégovine la présence du bataillon

25 canadien relevait du mandat international ?

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1 M. Liebert (interprétation). - C'est exact. Conviendriez-vous

2 qu'en revanche la situation dans laquelle se trouvait le général Blaskic

3 était caractérisée par le fait qu'il était membre d'une des parties

4 belligérantes engagée dans des opérations de combat ?

5 M. Hayman (interprétation). - C'est effectivement une

6 description appropriée.

7 M. Hayman (interprétation). - Conviendriez-vous que s'il

8 subissait une embuscade due à l’armée de Bosnie-Herzégovine, dans le

9 meilleur cas, il eût été capturé et emprisonné et dans le pire il eût été

10 tué sur place, n'est-ce pas ?

11 M. Liebert (interprétation). - Cela a l'air raisonnable.

12 M. Hayman (interprétation). - Le bataillon canadien possédait-il

13 des transports de troupes blindées ou des véhicules blindés ?

14 M. Liebert (interprétation). - Nous avions des véhicules blindés

15 américains, nous avions également des véhicules de soutien aux combats,

16 appelés Kuger et armés de canon de 70 millimètres.

17 M. Hayman (interprétation). - Les utilisiez-vous lors de vos

18 trajets entre Visoko et Srebrenica ?

19 M. Liebert (interprétation). - En général, les trajets entre

20 Visoko et Srebrenica impliquaient ces véhicules. Différents véhicules

21 participaient à ces convois, notamment des ambulances, des ravitailleurs

22 en carburant, etc.

23 M. Hayman (interprétation). - Les véhicules blindés étaient

24 surtout destinés à assurer la protection ?

25 M. Liebert (interprétation). - Les véhicules blindés faisaient

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1 partie de notre compagnie. Ils étaient utilisés, ou en tout cas pouvaient

2 être utilisés comme système d'armement.

3 M. Hayman (interprétation). - Encore une question sur ce sujet :

4 vous avez dit qu'à Chypre voyager de nuit était difficile en raison des

5 barrages routiers. Est-ce que circuler de jour, pendant votre séjour à

6 Chypre, était possible pour le personnel des Nations Unies ?

7 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'était possible et beaucoup

8 plus facile, car il était possible de s'approcher des barrages routiers en

9 s'attendant à ce que les hommes responsables de ces barrages soient

10 réveillés. Il n'y avait donc pas de réel danger, de jour, de se voir

11 impliqué dans des combats avec les forces de sécurité de ces barrages

12 routiers.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez fourni une

14 déposition très détaillée en vous appuyant sur vos notes et j'aimerais

15 revenir à votre première visite à la caserne de Kiseljak, dont vous avez

16 parlé hier dans votre déposition. Vous n'avez pas cité la date de cette

17 visite. Pouvez-vous nous donner une date ?

18 M. Liebert (interprétation). - J’ai relu mes notes que je n'ai

19 pas écrites dans un but particulier. Je ne me rappelle donc pas exactement

20 qui était présent ou quelle est la date exacte de cette visite. Mes notes

21 étaient destinées initialement à me rafraîchir la mémoire sur des points

22 très importants.

23 M. Hayman (interprétation). - Il y a quelques instants, j'ai

24 évoqué Vinko Lucic. Vous rappelez-vous qui vous l’a présenté et de quelle

25 façon il vous a été présenté ?

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1 M. Liebert (interprétation). - J’ai été présenté à M. Lucic dans

2 le cadre du transfert de responsabilités dont j'ai bénéficié. Je ne me

3 rappelle pas précisément ce qui s'est passé au cours de cette

4 présentation, mais très tôt pendant mon séjour, j'ai rencontré M. Lucic et

5 M. Rajic, dans la caserne du HVO de Kiseljak.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous appris que M. Lucic a

7 plus tard représenté le HVO lors de certaines rencontres tenues à Sarajevo

8 en août 1993 ?

9 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est exact. Je me rappelle

10 que M. Lucic a représenté le HVO avec une délégation qui a participé à

11 plusieurs rencontres du groupe militaire mixte, comme nous l'appelions.

12 Ces réunions se sont tenues à Sarajevo les 17 et 18 août, si je ne

13 m'abuse. Je crois qu’y ont participé également d'autres responsables

14 importants des forces du HVO. Si je ne me trompe, M. Petkovic a assisté à

15 l’une de ces rencontres.

16 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une

17 estimation du nombre de visites que vous avez rendues à la caserne de

18 Kiseljak pendant votre séjour ?

19 M. Liebert (interprétation). - Je ne peux pas vous donner un

20 chiffre absolument exact, mais je suppose que j'ai dû m’y rendre une

21 vingtaine de fois environ pendant la durée de mon séjour, peut-être plus

22 souvent, peut-être moins souvent, mais mes responsabilités n'étaient pas

23 axées sur les affaires militaires. J'avais un officier de liaison chargé

24 des affaires militaires.

25 Mes visites avaient donc pour but essentiel de remplacer cet

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1 officier lorsqu'il était en permission, de coordonner mes mouvements dans

2 la région, ou de traiter telle ou telle question grave. En effet, il y

3 avait parfois des restrictions aux possibilités de circulation qu'il

4 fallait lever.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous venez de dire n'avoir jamais

6 vu le colonel Blaskic sur le théâtre des opérations. Vous rappelez-vous

7 une ou plusieurs visites que vous avez rendues à la caserne de Kiseljak et

8 si à ce moment-là le colonel Blaskic se trouvait dans la caserne ?

9 M. Liebert (interprétation). - Je me rappelle ne jamais avoir vu

10 le colonel Blaskic. Quant à ce que j'ai compris de ses fonctions, je l'ai

11 compris principalement sur la base des rapports que j'entretenais avec le

12 bataillon britannique.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous avez déclaré qu’Ivica Rajic,

14 et d'autres hommes dont vous avez donné les noms, manifestaient dans leurs

15 commentaires une certaine indifférence, sinon un certain mépris à l’égard

16 des Musulmans de la municipalité de Kiseljak.

17 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

18 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre séjour, est-ce

19 qu’un membre du bataillon britannique ou quelqu'un d'autre vous a jamais

20 parlé de conversations personnelles avec le colonel Blaskic au cours

21 desquelles le colonel Blaskic aurait manifesté de l'indifférence ou du

22 mépris à l'encontre des Musulmans de la municipalité de Kiseljak ?

23 M. Liebert (interprétation). - Je ne me rappelle pas de rapport

24 particulier traitant précisément de M. Blaskic et de son attitude à

25 l’égard des Musulmans, des civils musulmans.

Page 8920

1 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé de l'expérience

2 vécue par le bataillon canadien en Bosnie centrale et j'aimerais compléter

3 vos réponses par quelques questions supplémentaires. Connaissez-vous des

4 officiers qui ont vécu une formation militaire structurée dans le cadre

5 d'écoles militaires précises et qui aient fait partie de l'encadrement du

6 bataillon canadien au cours de votre séjour ? Donnez-nous une estimation

7 si vous pouvez.

8 M. Liebert (interprétation). - Vous voulez un chiffre, sans

9 doute ? Parlez-vous de leur formation militaire ?

10 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que certains ont suivi les

11 cours d'une Académie militaire, ont eu une formation militaire tout à fait

12 officielle ?

13 M. Liebert (interprétation). - Environ quatre officiers ont

14 suivi une telle formation au sein de notre force.

15 M. Hayman (interprétation). - Combien d'officiers, d'après vous,

16 ont eu une formation militaire professionnelle ?

17 M. Liebert (interprétation). - Tous.

18 M. Hayman (interprétation). - Oui, mais étaient-ils cent, deux

19 cents ? Combien étaient-ils environ ? Pouvez-vous nous donner un chiffre ?

20 M. Liebert (interprétation). - Notre groupe de combat comportait

21 environ 1 200 soldats qui étaient simples soldats ou sous-officiers. Le

22 nombre des officiers commandant ce groupe de combat était d'environ

23 quarante. Nous avions également des spécialistes, des chirurgiens, des

24 infirmiers, dont le nombre était d'environ soixante.

25 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si ces chiffres

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1 répondent aux normes de l'OTAN, s'il existe une telle norme ?

2 M. Liebert (interprétation). - Il n'existe pas de norme de

3 l'OTAN, mais en tout cas c'est la norme au sein des forces canadiennes.

4 Ces chiffres correspondent à ce qui caractérisait l'organisation du

5 bataillon britannique, en tout cas.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit hier, dans votre

7 déposition, qu'il pouvait être habituel pour une force d'être séparée d'un

8 quartier général au cours d'opérations militaires.

9 M. Liebert (interprétation). - Oui, si j'ai bien compris

10 l'histoire des opérations militaires, c'est le cas.

11 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

12 qu'il n'est pas normal, qu'il est exceptionnel pour un commandant en temps

13 de guerre de commander un grand nombre d'enclaves qui restent séparées

14 (cinq, six ou plus) pendant une période prolongée qui avoisine un an ?

15 Seriez vous d'accord pour dire que cela n'est pas normal et que

16 c'est plutôt une situation exceptionnelle ?

17 M. Liebert (interprétation). - C'est une situation difficile,

18 oui, exceptionnelle, non. Les Allemands, les Japonais ont eu des problèmes

19 semblables pendant la deuxième guerre mondiale.

20 M. Hayman (interprétation). - Des commandants canadiens n'ont-

21 ils jamais commandé des forces dans six enclaves ou plus sur une durée

22 d'un an en période de combat ? Avez-vous des exemples qui vous viennent à

23 l'esprit ?

24 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas d'exemples qui me

25 viennent immédiatement à l'esprit.

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1 M. Hayman (interprétation). - Si cette situation se produisait

2 dans le système canadien, ce serait une première ? Savez-vous si cela a

3 été le cas ?

4 M. Liebert (interprétation). - Oui, dans l'histoire

5 contemporaine.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu d'autres expériences

7 à part le maintien de la paix à Chypre et en Bosnie ?

8 M. Liebert (interprétation). - Non.

9 M. Hayman (interprétation). - Vous avez brièvement parlé du

10 commandant de la brigade du HVO à Zenica. Vous avez dit qu'il s'agissait

11 de Branko Stanic.

12 M. Liebert (interprétation). - Oui, si ma mémoire est bonne.

13 M. Hayman (interprétation). - Ce poste a-t-il été modifié

14 pendant votre séjour ? Si M. Stanic était commandant -et je n'essaie pas

15 de suggérer qu'il l'était même si c'est votre déposition-, est-ce que

16 cette situation a changé à un moment donné pendant votre séjour, à votre

17 connaissance ?

18 M. Liebert (interprétation). - J'essaie de me souvenir

19 d'événements qui datent d'environ cinq ans. Je ne peux me souvenir d'un

20 changement de commandement. Peut-être que la situation a changé sur le

21 terrain.

22 M. Hayman (interprétation). - Pourrait-on montrer la pièce à

23 conviction 363 sur le rétroprojecteur ? C'est le diagramme montrant un

24 certain nombre de commandants. Pourrait-on allumer le rétroprojecteur,

25 merci ? Peut-être, pourrait-on agrandir quelque peu ce diagramme ?

Page 8923

1 Monsieur le capitaine, j'aimerais que vous vous intéressiez à

2 Emil Herak, que vous voyez sur cette pièce 363. Il s'agit, je crois, d'un

3 commandant du HVO à Vares. Vous l'avez décrit comme étant modéré.

4 Pouvez-vous nous donner un exemple de sa modération ?

5 M. Liebert (interprétation). - J'essaie de me souvenir

6 d'exemples précis, ici. Il m'est difficile de me souvenir d'un cas précis

7 mais compte tenu de mes entretiens avec M. Herak -peut-être que je l'ai

8 rencontré à trois ou quatre reprises au total- compte tenu de la manière

9 dont il s'est présenté, dont nous avons parlé des forces adverses dans les

10 zones qui étaient à côté de la sienne, de ses réponses à mes

11 préoccupations, c'est là que j'en ai tiré l'opinion dont je vous ai fait

12 part.

13 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous tiré cette conclusion de

14 vos entretiens avec lui, c'est-à-dire qu'il souhaitait entretenir un

15 rapport positif avec les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

16 M. Liebert (interprétation). - C'est la manière dont j'ai

17 compris les choses. J'ai cru comprendre essentiellement que ce n'était pas

18 inhabituel. En effet, la zone au nord était une zone où les forces du HVO

19 et de l'armée de Bosnie-Herzégovine coopéraient ouvertement et préparaient

20 une défense contre les Serbes.

21 D'après ce que j'ai pu constater, il avait une position modérée

22 compte tenu des menaces militaires sur sa zone et de ses rapports

23 personnels avec les commandants des zones qui entouraient la sienne.

24 M. Hayman (interprétation). - A votre connaissance, est-ce que

25 le Commandant Herak a continué à occuper ce poste en tant que commandant

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1 de brigade du HVO à Vares jusqu'à un moment après le massacre à Stupnidol,

2 en octobre 1993 ?

3 M. Liebert (interprétation). - Pour autant que je le sache, oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Sur cette pièce à conviction 363,

5 à l'extrémité droite, vous voyez le nom d'une autre personne, M. Daznovic

6 et on lit au-dessus : "chaîne de commandement peu claire". Avez-vous vu

7 M. Daznovic en compagnie de sa propre force, de sa propre unité ?

8 M. Liebert (interprétation). - Oui, il avait son propre

9 détachement de sécurité qui portait des vêtements différents de ceux des

10 forces du HVO dans la région. Leur uniforme était différent. En effet, il

11 était plus noir et ils avaient des armes qui n'étaient pas typiques des

12 forces du HVO dans cette région.

13 M. Hayman (interprétation). - Etaient-ils mieux équipés,

14 avaient-ils des armes supérieures ?

15 M. Liebert (interprétation). - Je ne dirai pas forcément qu'ils

16 étaient mieux équipés mais les armes étaient différentes. L'arme qui

17 dominait dans cette région était la version yougoslave d'un AK 47 qui est

18 un fusil d'assaut. Ces individus avaient des armes. Je ne me souviens plus

19 exactement de quoi il s'agissait. L'équipement en tout cas différait

20 sensiblement de celui des forces du HVO local.

21 M. Hayman (interprétation). - Cela vous a-t-il amené à penser

22 que leurs chaînes d'approvisionnements logistiques différaient de celles

23 de la base du HVO à Vares ?

24 M. Liebert (interprétation). - Cela m'a amené à penser que

25 j'avais affaire à une organisation distincte et comme le diagramme

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1 l'indique, je n'ai pas compris clairement quel était leur lien avec la

2 chaîne de commandement. J'ai cru comprendre que Svonko Duzonovic était

3 l'égal d'Emil Herak en termes d'autorité qu'il exerçait. Il répondait aux

4 ordres de quelqu'un qui était certainement plus haut placé.

5 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit inégal ou égal ?

6 M. Liebert (interprétation). - Il était l'égal de M. Erac.

7 M. Hayman (interprétation). - La situation était donc qu'il y

8 avait deux personnes qui avaient autant de pouvoir, autant d'influence et

9 des chaînes de commandement n'aboutissaient pas à la même personne ou aux

10 mêmes personnes. C'est cela ?

11 M. Liebert (interprétation). - J'ignore où cette chaîne de

12 commandement aboutissait, il avait des domaines de responsabilité

13 différents. Emile Erac s'occupait essentiellement de la défense de la zone

14 de Vares. C'est ainsi qu'il se comportait. C'est ainsi qu'il exerçait un

15 contrôle sur les soldats si j'ai bien compris. La position de Zvonko était

16 différente, il s'occupait de contrôler les civils de cette zone et il

17 s'intéressait plus précisément en tout cas c'est ce que j'ai constaté, à

18 contrôler notre accès aux zones peuplées de civils musulmans au sein de

19 Vares.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que cette distinction ne

21 serait pas appelée généralement sécurité interne par opposition à sécurité

22 externe ? Monsieur Erac était responsable de la sécurité externe alors que

23 M. Duzunovic vous a semblé responsable de la sécurité interne ?

24 M. Liebert (interprétation). - Cela me semble décrire la

25 situation de manière précise.

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1 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que c'est une description

2 exacte ?

3 M. Liebert (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu connaissance d'une

5 affiliation éventuelle de M. Duzunovic auprès de la police militaire,

6 d'une organisation de renseignements ou autres ?

7 M. Liebert (interprétation). - Si mes souvenirs sont bons, je

8 crois qu'il avait des relations de travail avec M. Rajic. Je ne me

9 souviens pas d'exemples précis de cela. C'est un souvenir d'ordre général.

10 Je ne me souviens plus d'autres liens particuliers au sein de la chaîne de

11 commandement du HVO. Il s'agissait d'une situation exceptionnelle dans la

12 zone de responsabilité canadienne et essentiellement nous l'avons traité

13 ainsi.

14 M. Hayman (interprétation). - Je crois comprendre donc que vous

15 n'essayez pas de suggérer aux Juges que M. Duzunovic était le représentant

16 du colonel Blaskic à Vares ?

17 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas de preuve dans ce

18 sens.

19 M. Hayman (interprétation). - Vous n'avez pas de fondement pour

20 une telle affirmation ?

21 M. Liebert (interprétation). - Non.

22 M. Hayman (interprétation). - J'ai une dernière question là-

23 dessus : avez-vous eu connaissance de renseignements qui vous auraient

24 appris si la chaîne de commandement de M. Dujnovic allait vers Kiseljak,

25 vers Mostar ou ailleurs ou est-ce que vous ne pouvez pas le dire ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Je suis dans l'impossibilité de

2 vous le dire. C'est pour cela que j'ai dit "chaîne de commandement peu

3 claire".

4 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie et j'en ai

5 terminé avec cette série de questions. Vous avez parlé de la caserne de

6 Kiseljak comme étant bien organisée et comme étant normale. Vous avez

7 parlé des escortes qui vous accompagnaient et du fait qu'il y avait du

8 personnel. Pourriez-vous nous faire état d'autres éléments et pourquoi

9 vous avez dit que la caserne de Kiseljak était "normale" et bien

10 organisée ?

11 M. Liebert (interprétation). - Mes observations se fondent

12 essentiellement sur les visites que j'ai effectuées dans ces

13 installations. Il y avait un équipement militaire à l'arrière et je crois

14 qu'une formation militaire était en cours, c'est la constatation que j'en

15 ai tiré. La caserne était organisée comme ce à quoi je me serais attendu

16 compte tenu des circonstances.

17 M. Hayman (interprétation). - Vous avez cru comprendre qu'il

18 s'agissait de la caserne de la JNA à Kiseljak ?

19 M. Liebert (interprétation). - C'est exact.

20 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous de qui Ivica Rajic

21 prenait ses ordres ?

22 M. Liebert (interprétation). - Est-ce que j'ai des

23 renseignements de première main là-dessus ?

24 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous personnellement d'où il

25 prenait ses ordres ?

Page 8928

1 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas assisté à une

2 situation où M. Rajic recevait des ordres et je n'ai pas d'éléments de

3 preuve là-dessus.

4 M. Hayman (interprétation). - Revenons un instant à M. Dujnovic

5 et à Vares : pouvez-vous songer à une situation comparable dans l'armée

6 canadienne où vous auriez deux personnes d'autorité égale qui ont des

7 chaînes de commandement différentes ?

8 M. Liebert (interprétation). - Il y a toutes sortes d'exemples

9 de ce type, différents commandements de brigade qui occupent le même

10 niveau d'autorité, manifestement pour des groupes de soldats différents.

11 M. Hayman (interprétation). - Mais seriez-vous d'accord pour

12 dire que lorsqu'il y a des chaînes de commandement différentes pour des

13 commandements dans la même région, il est très important que les devoirs

14 des deux commandements soient clairement définis et séparés ?

15 M. Liebert (interprétation). - Oui, certainement.

16 M. Hayman (interprétation). - Si ce n'est pas le cas, vous êtes

17 d'accord pour dire que cela va semer la confusion ?

18 M. Liebert (interprétation). - Il ne s'agit pas de mon opinion,

19 il s'agit de ce que j'ai constaté de premières mains, par exemple au cours

20 des opérations d'urgence au Québec lors de tempêtes de glace.

21 M. Hayman (interprétation). - Il peut y avoir confusion ?

22 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est cela.

23 M. Hayman (interprétation). - Il peut également y avoir

24 incohérence des conduites incohérentes.

25 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas compris ce que vous

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1 impliquez par là.

2 M. Hayman (interprétation). - Il peut y avoir des personnes

3 différentes qui entrent en conflit parce que les chaînes de commandement

4 étaient multiples et différentes.

5 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est une possibilité.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous pouvez avoir un manque de

7 responsabilité lorsqu'il y a des chaînes de commandements multiples qui se

8 chevauchent.

9 M. Liebert (interprétation). - Si vous avez différents groupes

10 de soldats qui reçoivent leurs ordres de différentes personnes, oui ce

11 serait le cas.

12 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à vos visites à

13 Rotilj. Peut-être que j'avancerai dans votre déposition ici pour faire le

14 tour de toutes vos remarques sur Rotilj en même temps. Début mai, est-ce

15 que vous pourriez être plus précis sur la date de votre visite ? Est-ce

16 que c'est la première semaine ? Avez-vous une date ? Pourriez-vous y

17 consacrer quelques minutes et essayer de nous la donner ?

18 Pendant que le Capitaine relit ses notes, peut-être que le

19 Greffe pourrait retrouver la photographie de la mosquée de Kiseljak qui a

20 été identifiée lors de la déposition de M. Lici ? Je vous prie de

21 m'excuser, je n'ai pas le numéro de cette photographie.

22 M. Liebert (interprétation). - J’ai relu mes notes, je n'ai pas

23 de date précise pour cette première visite. Je dirais qu'elle est

24 intervenue au début de mai 1993.

25 M. Hayman (interprétation). - En parlant de cette première

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1 visite, vous avez dit qu'il n'y avait pas de dégât suite à des batailles

2 perceptibles.

3 Généralement, si des forces défendent des positions en utilisant

4 des habitations de civils, et si une autre force attaquait, quels dégâts

5 vous attendriez-vous à trouver ?

6 M. Liebert (interprétation). - Je m'attendrais à trouver des

7 trous assez grands, assez importants dans les bâtiments et des dégâts très

8 importants. Plus généralement, je décrirais les dégâts dans les zones qui

9 ont été touchées par des combats très lourds comme des dégâts d'ordre

10 structurel importants. Je ne m'attendrais pas forcément à voir des

11 bâtiments avec les quatre murs encore intacts.

12 M. Hayman (interprétation). - Les structures de résidence en

13 Bosnie centrale étaient-elles des structures de type mortier ?

14 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est exact.

15 M. Hayman (interprétation). - Un petit obus pourrait-il faire

16 tomber un mur ?

17 M. Liebert (interprétation). - Probablement pas.

18 M. Hayman (interprétation). - Comment pourriez-vous utiliser des

19 RPG ?

20 M. Liebert (interprétation). - S’ils sont utilisés de la manière

21 dont nous utilisons des armes antichars, nous ne les utilisons pas

22 forcément pour détruire des bâtiments, mais nous les utilisons pour créer

23 une ouverture.

24 M. Hayman (interprétation). - Mais un RPG ne va pas détruire les

25 murs d'un bâtiment, c'est exact ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Non, mais il pourrait créer un

2 trou important.

3 M. Hayman (interprétation). - Et des grenades ne pourraient pas

4 non plus avoir le même effet ?

5 M. Liebert (interprétation). - Non.

6 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie monsieur le

7 greffier. Il s'agit de la pièce à conviction 63. Pourrait-on la

8 transmettre au témoin ? Je crois qu'il serait préférable de les placer sur

9 le rétroprojecteur pour que nous puissions tous les voir.

10 Monsieur le capitaine, vous avez parlé de dégâts pour la mosquée

11 de Kiseljak en mai 1993. La pièce à conviction 63 se compose d'une série

12 de photographies. J’aimerais qu'on présente la première photographie ou

13 les deux premières photographies et j'aimerais vous demander si vous les

14 reconnaissez.

15 Reconnaissez-vous ces deux premières photographies qui ont été

16 enregistrées comme 63-8 et 63-9 dans la pièce 63 ?

17 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas de souvenirs précis

18 de ce bâtiment, certainement pas de l'intérieur.

19 M. Hayman (interprétation). - Pourrions-nous montrer d'autres

20 photographies dans l'espoir de susciter davantage de réactions de la part

21 du témoin ?

22 La photographie 650 est maintenant sur le rétroprojecteur et

23 montre des dégâts à l'intérieur d'un bâtiment. Avez-vous le souvenir de

24 cela, Capitaine ?

25 M. Liebert (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas. Je

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1 n'ai pas passé beaucoup de temps à entrer dans le bâtiment endommagé. Nous

2 avions peur des endroits piégés et j'ai donc évité de le faire dans la

3 mesure du possible.

4 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous décrire une fois de

5 plus, et je vous prie de m’excuser si vous allez répéter ce que vous avez

6 dit en réponse à l'interrogatoire principal, comment la mosquée vous est

7 apparue de l'extérieur ?

8 M. Liebert (interprétation). - Si mes souvenirs sont bons, cela

9 m'oblige à remonter longtemps dans le temps. La mosquée de Kiseljak était

10 endommagée lorsque je suis arrivé et c'est certainement une chose qu'on

11 m'a signalée lorsque nous avons fait le tour.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-ce là que s'arrêtent vos

13 souvenirs ?

14 M. Liebert (interprétation). - C’est ce que je peux me souvenir

15 à ce moment donné. Je ne me suis pas approché de la mosquée à l'époque et

16 il s'est agi de quelque chose que j'ai vu, à mesure que nous avons

17 traversé l'endroit. Je ne me souviens pas de date précise où j'ai pu faire

18 cette observation.

19 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. J'en ai terminé

20 avec ces pièces à conviction et je me suis écarté de Rotilj, alors que je

21 comptais en parler. Revenons donc à Rotilj. Début mai, lors de votre

22 visite, avez-vous parlé aux habitants ?

23 M. Liebert (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Ont-ils dit qu'avant le conflit

25 dans ce village il y avait un groupe armé important avec plus de

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1 50 fusils ?

2 M. Liebert (interprétation). - Personne ne m'a dit quoi que ce

3 soit de la sorte.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous ont-ils dit que des

5 négociations avaient eu lieu entre ces hommes et le HVO sur une remise

6 éventuelle de ces armes ?

7 M. Liebert (interprétation). - Nous n'en avons pas parlé non

8 plus.

9 M. Hayman (interprétation). - Seriez vous d'accord pour dire que

10 les résidents musulmans de Rotilj étaient en fait entourés par ce qu'on

11 pourrait décrire comme une population croate civile hostile ?

12 M. Liebert (interprétation). - C'est ainsi que je décrirai la

13 situation lorsque j'ai fait ce tour.

14 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire

15 qu'il y avait une risque sérieux, si le HVO n'avait pas eu de barrages

16 routiers sur la route de Rotilj de voir certains de ces civils croates en

17 colère comme ceux de Kakanj ou Vares qui avait été déplacés, un risque

18 qu'ils s'en prennent aux civils musulmans ?

19 M. Liebert (interprétation). - Est-ce que vous dites que c'était

20 le cas avant mon arrivée ?

21 M. Hayman (interprétation). - Non je dis est-ce que cela aurait

22 pu arriver si le HVO n'avait pas eu un barrage routier sur la route de

23 Rotilj pour empêcher ces personnes d'entrer dans le village ?

24 M. Liebert (interprétation). - Le barrage routier contrôlé par

25 le HVO rendait l'accès relativement plus difficile mais il ne les aurait

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1 pas empêchés de le faire.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous le dites en pensant à un

3 groupe de soldats en état d'ébriété, en colère, qui aurait pu traverser ce

4 barrage routier ?

5 M. Liebert (interprétation). - Ce que je dis, c'est qu'il y

6 avait un certain nombre d'habitations croates bosniaques à l'est de

7 Rotilj. Une route reliait Rotilj à cette crête. Cette route n'était pas

8 contrôlée. Si un Croate bosniaque souhaitait s'en prendre à un de ses

9 voisins, il aurait très bien pu emprunter cette route et le faire.

10 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que la sécurité des

11 habitants s'est améliorée ou non avec ce barrage routier ou est-ce que

12 vous n'avez pas d'opinion là-dessus ?

13 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas vraiment d'opinion

14 là-dessus.

15 M. Hayman (interprétation). - Je vous remercie. Vous êtes revenu

16 à Rotilj en mai 1993 et vous avez décrit cette visite. Est-ce que la

17 population vous a dit qu'elle pouvait quitter le village et se rendre à

18 Kiseljak par exemple, si elle le souhaitait ?

19 M. Liebert (interprétation). - On m'a dit que les femmes et les

20 enfants étaient libres de se rendre à Kiseljak pour acheter de la

21 nourriture, etc. On m'a dit qu'on contrôlait la population masculine, que

22 les hommes n'avaient pas entière liberté de mouvement.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes retourné à Rotilj en

24 septembre et en octobre 1993 peut-être et vous avez parlé de la situation

25 que vous avez trouvé à ce moment-là. A ce moment-là, une aide alimentaire

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1 régulière était disponible pour les habitants à votre connaissance ?

2 M. Liebert (interprétation). - A l'époque, la situation en

3 termes d'alimentation en Bosnie centrale était sporadique. Nous essayions

4 de faire tout ce que nous pouvions pour aider, mais il n'y avait pas de

5 mécanisme général en place.

6 M. Hayman (interprétation). - Dites-vous qu'une famine

7 généralisée prévalait ?

8 M. Liebert (interprétation). - Je dis que l'approvisionnement

9 était difficile.

10 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il une famine générale à

11 l'automne 1993 dans la région ?

12 M. Liebert (interprétation). - Ce serait relativement exact de

13 le dire.

14 M. Hayman (interprétation). - Les approvisionnements en

15 nourriture à Rotilj étaient-ils meilleurs que le niveau général de

16 nourriture disponible ?

17 M. Liebert (interprétation). - J'ignore si c'est exact. Je sais

18 qu'ils recevaient une attention plus marquée de la part des organisations

19 d'aide internationale, compte tenu de la situation sur le terrain.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'ils recevaient de l'aide

21 de Merhamet ?

22 M. Liebert (interprétation). - Je ne sais pas exactement d'où

23 venait l'aide, mais Caritas et Merhamet seraient deux sources probables.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé de pénurie

25 d'électricité à Rotilj. Est-ce que c'était vrai de manière générale pour

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1 la Bosnie centrale, pouvait-on dire qu'à moins que vous n'ayez un

2 générateur plus petit, privé, il n'y avait pas d'approvisionnements

3 généralisés d'électricité ?

4 M. Liebert (interprétation). - Il y avait une pénurie

5 d'électricité en Bosnie centrale due aux activités militaires. C'est un

6 élément auquel nous avons essayé de remédier pendant mon séjour et je

7 pense que nous avons remporté quelques succès. Toutefois, cette pénurie

8 d'électricité affectait à la fois Rotilj et la zone de Kiseljak en tant

9 que telle.

10 M. Hayman (interprétation). - A votre connaissance lors de votre

11 visite en septembre-octobre 1993, est-ce que les habitants de Rotilj

12 recevaient des visites régulières de représentants des professions

13 médicales ?

14 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas de souvenirs précis

15 là-dessus. Je sais qu'ils recevaient une attention toute particulière des

16 organisations non gouvernementales et j'imagine que cela incluait des

17 visites de personnel médical.

18 M. Hayman (interprétation). - Pendant votre visite du mois de

19 septembre à Rotilj, avez-vous eu connaissance de négociations en cours

20 pour échanger 800 ou 900 Croates bosniaques de Kakanj contre des Musulmans

21 de Rotilj ?

22 M. Liebert (interprétation). - Oui. J'en avais connaissance. Je

23 ne sais pas exactement quand j'ai appris l'existence de ces négociations,

24 mais en tout cas lors de ma visite du mois d'octobre, du 26 octobre,

25 c'était manifeste. A l'époque, il y avait environ 360 personnes à Kakanj

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1 et 300 personnes ou plus à Rotilj, qu'on mentionnait dans cet échange

2 éventuel.

3 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que c'étaient 360 personnes

4 à Kakanj ou 800 à 900 Croates bosniaques de Kakanj ?

5 M. Liebert (interprétation). - A l'origine, les chiffres étaient

6 élevés mais ces chiffres ont diminué suite à la chute de Kakanj, pendant

7 le mois d'octobre et à ma connaissance, le 26 octobre 1993, 368 personnes

8 déplacées restaient dans le camp de Kakanj selon mes notes, 625 personnes

9 déplacées au total dans la région de Rotilj. Mes notes comportent

10 également une référence à la commission d'échanges qui était dirigée par

11 Mme Amira Bulic et le HVO a proposé de faciliter cela en fournissant un

12 moyen de transport.

13 M. Hayman (interprétation). - Avez vous visité le camp des

14 Croates bosniaques à Kakanj ?

15 M. Liebert (interprétation). - Je ne l'ai pas visité en tant que

16 tel, je suis allé à Kakanj, j'ai vu le camp mais je n'ai pas fait le tour

17 de ce camp.

18 M. Hayman (interprétation). - Nous allons revenir à votre

19 déposition maintenant. J'en ai terminé avec mes questions sur Rotilj. Vous

20 avez dit que vous aviez parlé à deux personnes âgées à Visjnica en

21 mai 1993 je crois, ils vous ont dit qu'ils avaient participé à mettre le

22 feu au village de leurs voisins.

23 M. Liebert (interprétation). - Oui c'est exact.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous souvenez vous de quel village

25 il s'agissait ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Je ne me souviens plus du

2 village, des habitations dont ils parlaient exactement, mais je suppose

3 qu'ils devaient parler des habitations dans la région de Visjnica. Je ne

4 me souviens pas exactement de l'endroit mais je pense que c'était à

5 Visjnica.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également parlé des

7 travaux qui ont été organisés à Kiseljak.

8 M. Liebert (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que Kiseljak était

10 sous le contrôle civil ou le contrôle militaire ?

11 M. Liebert (interprétation). - J'ai des raisons de croire que

12 c'était sous le contrôle civil, mais d'un autre côté des autorités

13 militaires avaient également accès à cette installation, à ma

14 connaissance. Concernant Radio de Kiseljak, il n'y avait pas beaucoup de

15 détails dont nous avions pu entendre parler. Nous appartenions à la

16 Forpronu, et nous avions accès, par conséquent, à ce bâtiment. Ce que je

17 peux également dire, c'est que c’étaient des périodes limitées au cours

18 desquelles nous avons pu accéder. D’un autre côté, j'ai également eu un

19 certain nombre d'entretiens avec des personnes différentes. J’ai pu

20 conclure également que la radio avait été utilisée notamment pour faire de

21 la propagande etc. Je ne peux pas dire les choses de manière très concrète

22 parce que je n'ai pas d'expérience très concrète.

23 M. Hayman (interprétation). - Selon vous, Radio-Kiseljak a-t-

24 elle joué un rôle primordial ou, pour ne pas dire primordial, un rôle

25 important pour ce qui concerne la propagande, notamment dans la région de

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1 la municipalité de Kiseljak ?

2 M. Liebert (interprétation). - Effectivement, c'était, à ma

3 connaissance, une des activités de Radio-Kiseljak.

4 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais maintenant vous faire

5 revenir à votre témoignage du 15 juin 1993, ceci dans le cadre de la

6 défaite qui s'est produite dans la région de Kakanj. Est-ce le HVO qui a

7 connu cette défaite à Kakanj par l'armée bosniaque ?

8 M. Liebert (interprétation). - Oui, c’est exact.

9 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous combien de personnes

10 ont été interviewées ?

11 M. Liebert (interprétation). - Entre vingt et trente personnes.

12 M. Hayman (interprétation). - Votre collègue vous a-t-il dit si

13 les Croates de Bosnie étaient obligés de quitter Kakanj ?

14 M. Liebert (interprétation). - Je ne sais pas exactement combien

15 de personnes, mais je sais qu'il y avait plusieurs rapports à ce sujet.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous voulez dire qu'une minorité

17 de personnes avaient dit qu'elles étaient obligées de quitter Kakanj ?

18 M. Liebert (interprétation). - Oui, à ma connaissance.

19 M. Hayman (interprétation). - Pour les autres Croates bosniaques

20 qui n'ont pas été forcés de quitter Kakanj, quelles étaient leurs raisons

21 de quitter Kakanj ?

22 M. Liebert (interprétation). - Personnellement, je pense

23 qu'elles sont parties pendant les combats qui ont eu lieu et tout ce qui

24 se passait là-bas.

25 M. Hayman (interprétation). - Elles sont donc partis de la zone

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1 où il y avait des opérations militaires ?

2 M. Liebert (interprétation). - Oui, je pense que c'est un peu

3 comme cela.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé de 860 soldats du

5 HVO à Kakanj qui avaient auparavant été déplacés en provenance de Travnik.

6 Pensez-vous que les soldats en question étaient partis de Travnik au

7 moment où la ville est tombée dans les mains de l'armée bosniaque ?

8 Pensez-vous que la situation était la même à Kakanj ?

9 M. Liebert (interprétation). - Je ne sais pas, mais je pense

10 qu'il est logique de conclure comme cela.

11 M. Hayman (interprétation). - Vares a été quitté par le HVO,

12 quand l'armée de Bosnie-Herzégovine en a pris le contrôle. Est-ce exact ?

13 M. Liebert (interprétation). - Je considère qu'ils attendaient

14 effectivement ce qui allait se passer depuis les lignes serbes bosniaques

15 et que ce n'est que par la suite qu'ils ont réagi.

16 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous pu entendre parler du

17 comportement des soldats du HVO qui étaient d'abord à Travnik, ensuite à

18 Kiseljak, et qui ont été déplacés plusieurs fois ?

19 M. Liebert (interprétation). - Oui, effectivement, j'ai eu un

20 certain nombre de rapports à ce sujet. Par exemple, j'ai pu constater tout

21 de suite que la population de Kakanj avait été déplacée. Ces soldats ont

22 participé à un certain nombre d'activités et opérations pour menacer les

23 populations de Vares qui n'était pas professionnelles du tout. Ils

24 intimidaient les civils. J'ai entendu dire également qu'il y avait des

25 préoccupations, des soucis, des tensions. Le niveau de discipline n'était

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1 pas très élevé au niveau de Kiseljak.

2 M. Hayman (interprétation). - Pour ce qui concerne le

3 déplacement et la libre circulation des civils de Vares à Kiseljak, et à

4 travers les territoires qui étaient sous le contrôle des Serbes

5 bosniaques, savez-vous qui avait négocié avec les Serbes de Bosnie cet

6 arrangement pour traverser leur territoire ?

7 M. Liebert (interprétation). - Je ne peux pas véritablement

8 répondre à cette question. Je ne sais pas si on est parvenu à cet accord

9 et je ne sais pas à quel niveau on est parvenu à cet accord. Je peux vous

10 dire que c'était, en gros, au niveau local. Pour ce qui concerne Vares par

11 exemple, j'ai vu un rapport qui, à mon avis, est très fiable. D’après ce

12 rapport, Zvonko Duzunovic avait un contact avec les personnes qui

13 appartenaient à l'armée serbe. Je sais par exemple qu’un officier de

14 liaison britannique m’avait dit qu’il y avait eu un contact direct et un

15 entretien avec Zvonko.

16 M. Hayman (interprétation). - En général, pouvez-vous abonder

17 dans mon sens en disant qu’il y avait 26 000 Croates à Kakanj, que la

18 majorité est partie (10 000 plus précisément) à Vares et que d’autres sont

19 partis ailleurs ? Au total, est-ce 30 000 Croates de Bosnie qui ont été

20 déplacés et qui se sont retrouvés dans la région de Kakanj et de Vares ?

21 M. Liebert (interprétation). - Je ne peux pas vous dire

22 exactement le nombre de personnes qui ont été déplacées. Je sais

23 effectivement que des Croates sont partis de Vares. Entre 10 000 et

24 15 000, approximativement, sont partis de Vares. Je parle des Croates

25 cette fois-ci. Je n'ai évidemment pas compté mais c'étaient les

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1 conclusions que j'en avais tirées sur la base des statistiques qui avaient

2 été établies par la Croix-Rouge et par les organisations non

3 gouvernementales qui agissaient dans cette région.

4 En ce qui concerne le déplacement qui s'est produit de Vares

5 vers Kiseljak, je ne me souviens pas véritablement d'un très grand ou bien

6 d'un massif déplacement après la chute de Kakanj. Je ne peux pas

7 véritablement vous parler des chiffres mais cela s'est passé quelques

8 jours plus tard, dix jours plus tard, donc après la chute de Kakanj.

9 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si c'est parmi les 800

10 à 900 Croates bosniaques qui, par la suite, ont représenté 360 Croates

11 bosniaques dans le camp de détention à Kakanj, qu'il faut compter les 10 %

12 qui sont retournés à Kakanj de Vares ?

13 M. Liebert (interprétation). - Non, je pense que c'est en dehors

14 de 10 %. J'ai compris qu'il y avait d'abord 900 personnes qui étaient

15 protégées par le bataillon français qui a été installé à Kakanj entre juin

16 et fin octobre. Le nombre de ces personnes avait diminué. Un grand nombre

17 avait volontairement quitté le camp de détention.

18 M. Hayman (interprétation). - C'était donc un camp de détention

19 qui, à partir du 20 juin 1993, était contrôlé par les Français ? Avez-vous

20 également entendu parler des personnes qui ont été torturées, qui ont été

21 maltraitées, etc ?

22 M. Liebert (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de

23 réponse précise. Je sais que beaucoup de personnes ont été emprisonnées.

24 Je ne connais pas exactement les localisations, les emplacements, mais je

25 pense que beaucoup de personnes autour de Svinarevo ont été arrêtées à un

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1 moment donné parce que des opérations militaires avaient lieu dans cette

2 zone. Beaucoup ont été emprisonnés ou tués à l'époque, et ceci, bien

3 évidemment, en fonction des informations que j'ai reçues d'un côté ou d'un

4 autre. Je n'ai pas de preuve concrète, je ne sais pas où ils ont été tués

5 exactement, à quel emplacement.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous trouvé des rapports

7 précis à ce sujet ?

8 M. Liebert (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Les avez-vous remis au Bureau du

10 Procureur ?

11 M. Liebert (interprétation). - J'avais une seule copie d'un

12 rapport et je l'ai remise au Major Stenson. C'est une dame qui était

13 officier de l'état-major des Nations Unies à Kiseljak. Ce rapport n'était

14 pas complet et je ne pouvais donc pas finir l'enquête car les conditions

15 ont agi (?), et puis j'avais d'autres tâches à exécuter.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également parlé d'un

17 bâtiment de Kiseljak dans lequel se trouvaient des civils.

18 M. Liebert (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Quand avez-vous visité ce

20 bâtiment ? C'était bien le 24 juin 1993, si je m'abuse, et il avait été

21 dit à ces personnes qu'elles avaient le droit de partir et elles avaient

22 répondu qu'elles ne pouvaient pas partir.

23 M. Liebert (interprétation). - Oui à ma connaissance, c'était

24 comme cela.

25 M. Hayman (interprétation). - Je vais demander à l'huissier de

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1 bien vouloir remettre la pièce à conviction 368 sur le rétroprojecteur. Il

2 s'agit d'une carte, pièce à conviction n° 368, qui représente des régions

3 différentes entre Kacuni et Bilalovac ainsi que les régions qui se

4 trouvent au sud-est par rapport à Kacuni et Bilalovac. Tout d'abord, en ce

5 qui concerne donc vos déplacements dont vous avez parlé, auriez-vous

6 l'amabilité, Capitaine, de me dire si, au moment où vous vous êtes déplacé

7 par la route bleue et par la route rouge, c'étaient les régions qui

8 étaient sous le contrôle de l'armée bosniaque, à savoir Fojnica, etc. ?

9 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est exact.

10 M. Hayman (interprétation). - Pour ce qui concerne la ligne

11 bleue, il y avait, grosso modo, plusieurs villages, n'est-ce pas ?

12 M. Liebert (interprétation). - Je devrais regarder la carte et

13 puis les compter. Quand vous êtes en voiture et que vous conduisez sur

14 cette route, je dirais que c'est, en effet, comme une route en Colombie

15 britannique, quelques villages qui sont dans les environs. Mais il

16 s'agissait véritablement de toutes petites agglomérations très dispersées.

17 Ce n'était pas une région très peuplée.

18 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord pour dire que

19 les villages qui sont autour de la ligne bleue étaient peuplés par la

20 population musulmane ?

21 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas visité les villages

22 mais je peux effectivement considérer que c'était la région qui était sous

23 le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

24 M. Hayman (interprétation). - Ceci est vrai probablement pour

25 tout le long de la ligne bleue ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est vrai.

2 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il également une Défense

3 territoriale qui avait été organisée dans les villages ?

4 M. Liebert (interprétation). - Je suppose que les villages

5 avaient également un certain nombre de structures sur le plan riposte et

6 sur le plan surtout organisation. Je ne pense pas que des opérations

7 importantes ont été organisées mais la défense nationale a probablement

8 été organisée.

9 M. Hayman (interprétation). - Au moment où vous vous êtes

10 déplacé entre les deux point qui sont marqués en vert sur la pièce à

11 conviction 368, aviez-vous à ce moment-là des autorisations de l'armée de

12 Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Liebert (interprétation). - Oui, j'avais besoin d'avoir des

14 autorisations aussi bien du HVO que de l'armée de Bosnie-Herzégovine si

15 jamais j'avais à me déplacer entre les deux points de contrôle.

16 M. Hayman (interprétation). - Et à l'intérieur de cette région

17 qui est présentée sur la pièce à conviction 368, il fallait donc aussi

18 avoir l'autorisation de l'armée bosniaque ?

19 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est exact.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes-vous déplacé dans cette

21 route de manière clandestine sans demander d'autorisation et sans que

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine en soit au courant ?

23 M. Liebert (interprétation). - Non, ce n'était pas

24 indispensable.

25 M. Hayman (interprétation). - Vous ne l'avez donc pas fait ?

Page 8946

1 M. Liebert (interprétation). - Non.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également décrit le

3 terrain autour de la ligne bleue, pièce à conviction 368, comme étant une

4 région montagneuse ?

5 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'était une région

6 montagneuse. Ce n'étaient pas de très hautes montagnes mais, de toute

7 façon, il y avait beaucoup de forêts aux alentours.

8 M. Hayman (interprétation). - La route autour de la ligne bleue

9 était-elle en macadam où étaient ce des sentiers de montagne ?

10 M. Liebert (interprétation). - C'étaient des sentiers de

11 montagne en terre.

12 M. Hayman (interprétation). - Capitaine voulez-vous me dire une

13 chose : la première fois qu'on vous a interviewé, quand on vous a parlé de

14 Bosnie-Herzégovine, on vous a dit de ne pas trop aller en dehors des

15 routes qui ont été asphaltées. Est-ce exact ?

16 M. Liebert (interprétation). - Oui, effectivement. On nous a dit

17 d'abord qu'il y avait des restrictions concernant nos déplacements, etc.,

18 qu'il fallait surtout utiliser les routes annexes, la route bleue par

19 exemple ; c'était la route, comme je l'ai dit, que nous avions empruntée

20 pour aller à Fojnica et dans la région de Fojnica. Il y avait les deux

21 hôpitaux psychiatriques qui se trouvaient dans la région de Fojnica. Ce

22 qui était important pour nous à ce moment-là, c'était de transporter nos

23 cadres et surtout d'être présent en permanence dans cette région.

24 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec moi pour

25 dire que le terrain qui était sous les forêts, à l'ouest par rapport à la

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1 ligne bleue, était un terrain extrêmement approprié pour organiser des

2 embuscades, etc ?

3 M. Liebert (interprétation). - Oui effectivement, c'était un

4 terrain excellent pour les opérations d'infanterie. C'est mon point de vue

5 professionnel en tant qu'officier.

6 M. Hayman (interprétation). - Si vous regardez maintenant la

7 ligne bleue que vous avez empruntée -toujours sur la même pièce à

8 conviction 368-, vous n'avez donc jamais quitté cette route ?

9 M. Liebert (interprétation). - Non, comme vous l'avez déjà

10 précisé, ce n'était pas indispensable. Quitter cette route aurait

11 constitué un fort grand risque pour moi. Par conséquent, je n'ai pas eu de

12 témoignage ni de preuve que c'était une région minée mais, de toute façon,

13 ce n'était pas impossible. Je ne l'ai pas quittée.

14 M. Hayman (interprétation). - C'était probable ?

15 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'était probable, mais

16 c'était plutôt possible. Moi je ne dis pas que c'est vrai parce que je

17 n'ai pas de preuves comme je l'ai dit.

18 M. Hayman (interprétation). - Dans ce cas, vous auriez

19 éventuellement pris plus de risques.

20 M. Liebert (interprétation). - Oui, bien sûr.

21 M. le Président. - Essayons d'aller plus directement aux

22 questions.

23 M. Hayman (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

24 vais être le plus concret possible. Je vais pratiquement terminer. Je vais

25 tout simplement encore poser quelques questions.

Page 8948

1 Capitaine, avez-vous des rapports où éventuellement des

2 informations sur le HVO, sur d'autres groupes qui auraient emprunté cette

3 route ou qui se déplaçaient pas trop loin par rapport à cette ligne

4 bleue ?

5 M. Liebert (interprétation). - Non je n'ai pas eu ce genre de

6 rapports en ce qui concerne donc le passage du HVO à cette époque.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez également parlé de

8 l'évacuation des malades par hélicoptère de Nova Bila. C'était d'abord

9 donc une évacuation vers Kiseljak ? Est-ce exact ?

10 M. Liebert (interprétation). - Non, c'est d'abord par la voie

11 terrestre que les malades ont été transportés de Nova Bila à Kiseljak.

12 Pour ce qui concerne l'évacuation par hélicoptère, c'était fait à partir

13 de Kiseljak.

14 M. Hayman (interprétation). - Merci de nous avoir précisé tout

15 cela. Nous allons maintenant parler des évacuations terrestres. Ces

16 évacuations ont-elles été coordonnées de la part des organisations

17 internationales, la Croix-Rouge par exemple ?

18 M. Liebert (interprétation). - Elles nous ont effectivement

19 aidés. Nous faisions partie de la Forpronu. Nous avons donc assuré une

20 escorte. Nous avons organisé le convoi de notre côté. Nous étions donc

21 présents militairement.

22 M. Hayman (interprétation). - Mais des négociations avaient eu

23 lieu auparavant ?

24 M. Liebert (interprétation). - Oui, bien avant ; des

25 négociations avaient eu lieu, c'est exact, mais une proposition nous avait

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1 également été faite qu'on ne coordonne pas trop sur le terrain, et ceci en

2 vue de surmonter les problèmes dans les points de contrôle car ce qui

3 était indispensable, c'était surtout d'éviter les problèmes parce que des

4 acteurs différents avaient été inclus dans l'opération, par conséquent

5 traverser tous ces points de contrôle sans trop de confusion et sans

6 danger, etc., c'est ce qui était indispensable.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous voulez dire que les

8 négociations avant l'évacuation ont duré des jours et des jours ?

9 M. Liebert (interprétation). - Oui, à ma connaissance, oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Est-il vrai que ces négociations

11 comprenaient aussi bien les représentants des organisations

12 internationales, de la Croix-Rouge, etc., et les parties en cause qui

13 étaient en conflit ?

14 M. Liebert (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Est-il vrai que les Nations Unies

16 ont assuré la logistique pour protéger les unités et tout ce qui était

17 équipement etc., et qu'ils ont également participé à la planification de

18 l'évacuation ?

19 M. Liebert (interprétation). - Oui, nous avons participé à la

20 coordination de ces opérations, comme je l'ai précisé.

21 M. Hayman (interprétation). - Nous allons donc maintenant parler

22 de nouveau d'hélicoptères et l'évacuation par hélicoptère. Ces opérations

23 se sont-elles déroulées par hélicoptères Medivak qui auraient dû être

24 utilisés uniquement à l'intention des malades, donc de ceux qui avaient

25 des raisons médicales pour se déplacer ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Personnellement je n'y ai pas

2 participer énormément. A ma connaissance on avait utilisé à cette fin les

3 hélicoptères MI 8. On les a utilisé bien évidemment pour des besoins de

4 soins médicaux, etc..

5 M. Hayman (interprétation). - Les hélicoptères Medivak qui ont

6 été utilisés pour une évacuation sanitaire ont-ils été planifiés pour une

7 mise en application par la Forpronu ?

8 M. Liebert (interprétation). - L'évacuation par hélicoptère

9 aurait dû être coordonnée par nous-mêmes. A cette époque, les pays membres

10 de l'OTAN avaient imposé l'embargo sur le contrôle, et le contrôle aérien

11 au-dessus de l'espace de Bosnie-Herzégovine. Par conséquent il était

12 complètement interdit de voler et c'était la réponse pour coordonner cette

13 activité.

14 M. Hayman (interprétation). - Et en Bosnie centrale également il

15 était indispensable de coordonner ?

16 M. Liebert (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Et vous ne pouviez pas par

18 conséquent voler sans avoir une autorisation ?

19 M. Liebert (interprétation). - Si jamais vous avez organisé sans

20 autorisation le vol à ce moment-là, l'OTAN avait le droit de tirer sur

21 l'hélicoptère, sur l'avion etc.. C'était une menace potentielle mais je ne

22 pense pas que cela se serait produit.

23 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu une protection des

24 Nations Unies ? Si la violation s'est produite, y a-t-il une preuve, est-

25 ce que cela a été enregistré ?

Page 8951

1 M. Liebert (interprétation). - Je ne le pense pas, il y a peut-

2 être eu des essais et des tentatives mais, de toute façon, dans ma région,

3 si on avait remarqué qu'il y avait des tentatives de violation de l'espace

4 aérien à ce moment-là, nous l'aurions tout de suite fait remarqué à nos

5 supérieurs, etc. par exemple je sais qu'à Vares il y avait de telles

6 tentatives. Il y avait un certain nombre de telles démarches.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez donc été obligé de faire

8 de l'information et de rapporter ce qui se passait ?

9 M. Liebert (interprétation). - Oui, je l'ai fait.

10 M. Hayman (interprétation). - L'évacuation a-t-elle été

11 organisée ? A-t-elle été également organisée en dehors de la zone de

12 Bosnie centrale ?

13 M. Liebert (interprétation). - A ma connaissance, c'étaient les

14 personnes qui devaient être évacuées vers le sud. Je ne peux pas vous dire

15 exactement dans quelle région.

16 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu les hélicoptères qui

17 étaient stationnées dans la zone de Bosnie centrale pendant que vous y

18 étiez, qu'il s'agissait des hélicoptères du HVO ?

19 M. Liebert (interprétation). - Je ne connais pas de tels cas.

20 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

21 le commandant ne peut pas donner des ordres à distance ?

22 M. Liebert (interprétation). - Je ne serais pas d'accord avec

23 vous.

24 M. Hayman (interprétation). - Merci, Capitaine.

25 Monsieur le Président, j'ai terminé le contre-interrogatoire.

Page 8952

1 M. le Président. - Maître Cayley, j'espérais beaucoup que l'on

2 en termine avec cette audition. J'observe que nous avons commencé hier

3 vers 17 heures et nous avions eu trois quarts d'heure hier. Je crois qu'il

4 s'agit quand même du troisième témoin du bataillon canadien. Vous n'êtes

5 pas en cause, Capitaine Liebert mais je dois dire qu'aucune des parties...

6 (interrompu par l'interprète.)

7 Je crois que nous tournons en rond sur beaucoup de points. Je

8 rappelle que le procès a commencé le 23 juin dernier, alors Maître Cayley,

9 vous allez faire vos questions. Je pensais pouvoir terminer avec cette

10 audition de témoin pour que le Juge Riad puisse enchaîner. Maître Cayley,

11 avez-vous des questions complémentaires à poser ?

12 M. Cayley (interprétation). - Oui, le Président, j'ai un

13 certain nombre de questions à poser au témoin en contre-interrogatoire.

14 Cela me prendra certainement plus d'une minute pour le faire mais je pense

15 que cela ne devrait pas excéder quinze minutes. Il y a un certain nombre

16 de points que j'aimerais éclaircir avec le témoin.

17 M. le Président. - Bien. Nous allons lever l'audience, mais je

18 dois dire que je ne suis pas très content. Je crois que nous rendons une

19 justice difficile et il faudra que chacun médite lors d'une prochaine

20 Conférence de mise en état sur la manière dont se conduit ce procès.

21 L'audience est suspendue et reprendra à 14 heures 45.

22 L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 50.

23 M. le Président. - Monsieur l'huissier, pouvez-vous faire entrer

24 l'accusé, s'il vous plaît ?

25 (L'accusé est introduit dans le prétoire)

Page 8953

1 Maître Cayley, vous vouliez exercer votre droit de réplique ?

2 M. Cayley (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Cela

3 prendra moins de dix minutes.

4 Capitaine Liebert, vous venez d'entendre un grand nombre de

5 questions au sujet de la liberté de circulation du Bataillon canadien sur

6 le terrain en Bosnie. Il existait un accord international qui vous

7 octroyait ce droit de circulation. Suis-je en droit de dire que, dans la

8 pratique, votre liberté de circulation dépendait des trois parties

9 belligérantes en Bosnie-Herzégovine ?

10 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est exact. Nos mouvements

11 vers Srebrenica et à partir de Srebrenica dépendaient, depuis le début, de

12 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Nous n'avions pas la liberté de circuler en

13 dehors de cette enclave ouverte, et nous ne pouvions y accéder, ni par

14 terre ni par air, à moins d'avoir conclu un accord avec les Musulmans de

15 Bosnie pour ce faire.

16 Quant à notre accès dans d'autres parties de la zone placée sous

17 notre responsabilité, il était très facile au début de mon séjour en

18 Bosnie mais, au moment où j'ai quitté la Bosnie-Herzégovine, le HVO et

19 l'armée de Bosnie-Herzégovine plaçaient des restrictions très importantes

20 à notre liberté de circulation. Il m'est devenu impossible d'entrer dans

21 de grandes parties de la région, sous notre contrôle, en l'absence d'une

22 escorte.

23 M. Cayley (interprétation). - Merci. Une question m'est venue à

24 l'esprit à l'écoute de mon collègue, au cours du contre-interrogatoire. Il

25 a été dit qu'il était extraordinaire pour une zone de commandement d'être

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1 divisée en plusieurs zones de responsabilité. Vous avez répondu à cette

2 question que cela pouvait créer une situation difficile, mais pas une

3 situation extraordinaire.

4 J'en arrive à ma question : suis-je en droit de dire que dans

5 l'histoire militaire on trouve de nombreux exemples de zones de

6 commandements militaires qui sont séparées du centre de commandement au

7 cours d'opérations de combats ?

8 M. Liebert (interprétation). - Ma connaissance de l'histoire

9 militaire générale indique que ce que vous dites est en fait exact et,

10 selon la région que vous choisissez d'examiner, vous trouverez sans doute

11 un exemple de ce genre très facilement.

12 M. Cayley (interprétation). - J'en arrive à Zvonko Duzunovic qui

13 a été évoqué par mon collègue de la partie adverse. Au cours des réponses

14 que vous avez apportées à l'interrogatoire principal et au contre-

15 interrogatoire, vous avez parlé de son intervention. A votre avis avec qui

16 avait-il les contacts de travail les plus étroits au sein du HVO ?

17 M. Liebert (interprétation). - Ce que je vais vous dire est en

18 fait une information de deuxième main, mais selon les informations dont je

19 disposais il travaillait en relations très étroites avec M. Rajic. Je n'ai

20 jamais vu les deux hommes ensemble mais j'ai acquis l'impression générale,

21 ayant travaillé avec les deux hommes, qu'il existait une espèce de rapport

22 de travail entre eux.

23 M. Cayley (interprétation). - Monsieur Rajic faisait-il partie

24 de la chaîne de commandement principal du HVO ?

25 M. Liebert (interprétation). - Oui. Comme je l'ai déjà dit il

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1 faisait partie régulièrement de la structure du commandement du HVO.

2 M. Cayley (interprétation). - Revenons sur Rotilj, au cours du

3 contre-interrogatoire vous avez répondu à de nombreuses questions portant

4 sur les barrages routiers, entre autres. A votre avis, quel était l'objet

5 principal de l'existence de ces barrages routiers au niveau de Rotilj ?

6 M. Liebert (interprétation). - Les barrages routiers dressés à

7 l'entrée de Rotilj n'avaient pas d'objectif de protection pour autant que

8 j'ai pu le constater. Leur objet était de contrôler la population et

9 d'empêcher l'accès ou la sortie de cette région. C'est en tout cas

10 l'impression que j'ai acquise sur la base de la situation que j'ai

11 constatée sur le terrain.

12 M. Cayley (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,

13 vous avez déclaré que des Musulmans de Bosnie détenus dans le bâtiment du

14 conseil de la municipalité de Kiseljak avaient la liberté de circuler.

15 Qu'est-ce qui vous a fait penser cela ?

16 M. Liebert (interprétation). - Ce sont mes observations au

17 moment d'une visite au bâtiment du conseil municipal. C'était une visite

18 sous escorte et je ne me rappelle pas exactement qui me l'a dit mais je

19 crois que c'est un point de vue qui a été exprimé par un membre du HVO,

20 cela ne fait aucun doute.

21 M. Cayley (interprétation). - Vous avez évoqué la présence

22 hypothétique de mines dans les zones contrôlées par l'armée de Bosnie-

23 Herzégovine qui séparaient les enclaves de Busovaca et de Kiseljak. Suis-

24 je en droit de dire que cela fait partie des opérations d'infanterie que

25 de rencontrer des champs de mines ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Du point de vue canadien, nous

2 avons une bonne connaissance des mines depuis la Première Guerre mondiale.

3 Cela fait partie de notre formation. Après la déposition que je fais ici

4 je rentrerai au Canada pour participer à un exercice de déminage au niveau

5 de la Compagnie et du Bataillon.

6 M. Cayley (interprétation). - Vous avez répondu à une question

7 portant sur l'équipement radio. Vous avez déclaré, et je ne me rappelle

8 pas les mots exacts que vous avez prononcés, qu'il n'était pas nécessaire

9 de disposer d'une technologie très avancée pour crypter des messages

10 radio. Pouvez-vous expliquer cela ?

11 M. Liebert (interprétation). - Oui, à l'heure actuelle, et je ne

12 rentrerai pas exagérément dans les détails, les forces armées canadiennes

13 ne font pas uniquement confiance au système de cryptage des messages

14 radio. En conséquence, nous utilisons des codes de bas niveau pour

15 protéger des informations sensibles au cours de leur transmission. J'ai

16 utilisé moi-même un certain nombre de codes qui ne sont pas

17 particulièrement compliqués et dont l'emploi est en fait très facile. Nous

18 autorisons nos soldats à les utiliser pour protéger les communications par

19 radio.

20 M. Cayley (interprétation). - Suis-je en droit de dire que c'est

21 une pratique courante pour toutes les armées du monde d'utiliser ces codes

22 relativement simples ?

23 M. Liebert (interprétation). - Oui, j'ai pu voir de tels codes

24 dans les forces armées canadiennes. Je sais qu'il existe un système

25 similaire appelé "bas de code" dans les forces armées britanniques qui

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1 sert à peu près au même usage.

2 M. Cayley (interprétation). - Enfin, Capitaine, mon collègue

3 maître Hayman vous a dit, et c'était à la fin du contre-interrogatoire,

4 qu'un commandant ne pouvait pas continuer à imposer son commandement à

5 distance. Vous avez exprimé un désaccord avec cela. Pourquoi ?

6 M. Liebert (interprétation). - Parce que je ne peux pas être

7 d'accord avec cette déclaration j'ai le sentiment qu'un commandant peut

8 exercer sa volonté sur ses subordonnés même s'ils sont séparés

9 physiquement. Il y a de nombreuses façons de le faire dont l'une consiste

10 à poser des questions supplémentaires pour que la situation soit tout à

11 fait explicitée ou bien vous détachez une personne qui va vous représenter

12 qui est officier de liaison, qui va vous représenter sur les lieux ou

13 encore, vous vous adressez à quelqu'un en qui vous avez confiance pour

14 améliorer votre collecte d'informations sur le terrain. Et enfin, si vous

15 manquez vraiment de confiance à l'égard de vos subordonnés, vous pouvez

16 bien entendu visiter les lieux vous-mêmes, c'est-à-dire vous rendre sur

17 les lieux. C'est la meilleure façon d'agir.

18 M. Cayley (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions,

19 Monsieur le Président.

20 M. le Président. - Merci, Monsieur Cayley. Je me tourne vers le

21 Juge Riad.

22 M. Riad (interprétation). - Capitaine Eric Liebert, bonjour.

23 M. Liebert (interprétation). - Bonjour, Monsieur.

24 M. Riad (interprétation). - Vous venez de nous faire une

25 déposition détaillée et très claire. J'aimerais vous poser quelques

Page 8958

1 questions supplémentaires pour mieux synthétiser un certain nombre de

2 détails entre lesquels vous avez établi une relation très nette. Et je ne

3 vais pas bien entendu rentrer exagérément dans les détails. Ma première

4 question est de nature générale, en principe et sur la base de

5 l'expérience que vous avez acquise en tant qu'officier, il s'agit d'une

6 expérience directe, à votre avis, vis-à-vis de qui les officiers du HVO

7 étaient-ils responsables en dernière analyse dans la région de la Bosnie

8 centrale ?

9 M. Liebert (interprétation). - En Bosnie centrale et je n'ai pas

10 d'informations de première main sur la question mais j'ai eu le sentiment

11 que M. Blaskic était le commandant au plus haut grade et le plus

12 responsable dans la région de Bosnie centrale.

13 M. Riad (interprétation). - Est-ce que des subordonnés

14 méprisaient cette autorité ouvertement ?

15 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas eu connaissance d'une

16 telle situation. Je n'ai pas eu de contact au quotidien avec M. Blaskic

17 pendant mon séjour. C'est avec M. Rajic que j'avais des contacts et lui

18 n'apparaissait pas comme mettant en cause ouvertement les ordres qu'il

19 recevait de l'échelon supérieur.

20 M. Riad (interprétation). - Est-ce que M. Rajic s'est comporté

21 d'une façon susceptible d'indiquer qu'il agissait indépendamment ou en

22 tant que subordonné indiscipliné du général Blaskic ?

23 M. Liebert (interprétation). - Sur le plan général, je répondrai

24 par la négative. Je me rappelle cependant un cas qui impliquait un

25 cratère. Je n'ai pas parlé de cette situation dans ma déposition. Nous

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1 souhaitions que ce cratère soit comblé parce que la route était très

2 importante pour nous. M. Rajic souhaitait se servir de cette situation

3 pour obtenir un certain nombre d'autres choses et un désaccord s'en est

4 suivi. Nous avons finalement fait appel aux autorités supérieures par le

5 biais du quartier général des Nations Unies pour essayer de résoudre le

6 problème. A un certain moment, le Bataillon canadien a perdu patience, la

7 situation est devenue extrêmement tendue, nous avons reçu l'ordre de

8 combler le cratère et je ne me rappelle pas qui a donné un ordre, mais

9 M. Rajic a répondu au désir de personnes qui n'étaient pas directement

10 dans notre zone.

11 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit à un moment dans votre

12 déposition que le départ des Musulmans améliorerait la situation

13 finalement. Est-ce que vous parliez d'une politique déterminée ?

14 M. Liebert (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre

15 honnêtement par une réponse tout à fait affirmative. Je crois, c'est mon

16 avis personnel, qu'il est permis d'avoir un avis sur la question, mais je

17 n'ai pas eu d'informations de première main quant à l'existence éventuelle

18 d'un tel programme ou d'une terre politique.

19 M. Riad (interprétation). - Mais est-ce qu'il aurait pu mettre

20 au point un tel programme étant un subordonné ? Je parle de M. Rajic.

21 M. Liebert (interprétation). - Théoriquement oui, Monsieur le

22 Juge, mais je n'ai pas eu le sentiment que c'était le cas.

23 M. Riad (interprétation). - Par ailleurs, est-ce que des gens

24 tels que les modérés existaient, que leur est-il arrivé ? Ont-ils reçu des

25 blâmes, sont-ils devenus généraux ?

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1 M. Liebert (interprétation). - Si je m'en rappelle bien,

2 Monsieur le Juge, juste avant la chute de l'enclave de Vares, à la fin de

3 mon séjour, M. Arah a été emprisonné à peu près au moment de la chute de

4 Stupnijo et finalement de la chute de l'enclave.

5 M. Riad (interprétation). - En réponse à une question posée par

6 le conseil de la défense et je crois qu'on en a déjà parlé, vous avez

7 parlé de la difficulté de contrôler, de commander plusieurs enclaves pour

8 une armée disciplinée. Vous avez dit qu'il n'était pas difficile d'exercer

9 un tel contrôle. Mais dans quelle mesure le HVO était il discipliné ?

10 M. Liebert (interprétation). - A l'évidence, c'est mon point de

11 vue, le niveau de discipline au sein du HVO était inférieur à celui qu'on

12 peut constater dans mon armée ou peut-être au sein des forces armées

13 britanniques. Mais ce que j'ai vu sur le terrain était tout de même

14 l'existence d'une force militaire uniforme qui apparaissait apte à

15 coordonner des activités et donc il s'agissait d'une force militaire

16 cohérente au sens militaire du terme.

17 M. Riad (interprétation). - Cohérente ?

18 M. Liebert (interprétation). - Cohérente, oui.

19 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé du système de

20 communication vous avez dit qu'il était bon.

21 M. Liebert (interprétation). - Sur la base des informations de

22 première main dont je dispose, j'ai vu des communications qui

23 fonctionnaient très bien, en tout cas à l'intérieur de la zone dont

24 j'étais responsable. En ce qui concerne les communications à l'extérieur

25 de la zone dont j'étais responsable, je n'ai pas d'information mais au vu

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1 par exemple de l'évacuation de l'hôpital de Nova Bila, je conclurai qu'il

2 existait un système de communication efficace.

3 M. Riad (interprétation). - Avez-vous constaté des difficultés

4 de communication entre le commandant et ses subordonnés ?

5 M. Liebert (interprétation). - Non, je n'en ai pas eu

6 connaissance. Un autre exemple des communications dont j'estime qu'elles

7 existaient réside dans le fait que M. Lucic représentait le point de vue

8 global du HVO. Il a agi en tant que porte-parole du HVO à plusieurs

9 reprises et je pense que pour agir de la sorte il fallait qu'il existe des

10 communications.

11 M. Riad (interprétation). - Je vous demanderai si la même

12 réponse serait valable eu égard à ce que vous avez dit : "Dans l'armée

13 canadienne, on peu déléguer l'autorité, mais pas la responsabilité" ?

14 M. Liebert (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge.

15 M. Riad (interprétation). - Pensez-vous que cette déclaration

16 s'applique également au HVO ?

17 M. Liebert (interprétation). - Monsieur le Juge, sur la base de

18 la formation que j'ai reçue et de la façon dont je conçois le commandement

19 et les responsabilités impliquées dans le commandement, je pense que cette

20 déclaration s'appliquerait. Un commandant se voit octroyer des privilèges

21 par la nature même de ses fonctions. Ces privilèges sont compensés par les

22 responsabilités qu'il exerce eu égard aux personnes placées aux niveaux

23 hiérarchiques inférieurs. A mon avis, si le commandant n'apprécie pas

24 telle ou telle action, son travail consiste à modifier les choses et s'il

25 ne peut pas modifier les choses, si quelqu'un interfère, s'il s'agissait

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1 de moi, je démissionnerais. C'est-à-dire que je dirais : "Vous ne me

2 laissez pas faire mon travail, choisissez quelqu'un d'autre pour le faire

3 à ma place".

4 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé "d'indifférence

5 criminelle du HVO" et je cite vos mots.

6 M. Liebert (interprétation). - Oui.

7 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que la scène de

8 commandement avait été négligente dans l'exercice des responsabilités de

9 commandement. Il s'agirait donc d'un crime commis par omission ?

10 M. Liebert (interprétation). - C'est de cette façon que je le

11 caractériserais et que je le qualifierais Monsieur le Juge, effectivement.

12 M. Riad (interprétation). - Pourquoi les soldats n'ont-ils pas

13 interféré pour empêcher une obstruction manifeste et des meurtres

14 manifestes ?

15 M. Liebert (interprétation). - C'est une très bonne question,

16 Monsieur le Juge. Sur la base de mes observations, la chaîne de

17 commandement, pour être plus précis M. Rajic et son entourage immédiat ont

18 fait preuve d'une attitude indifférente. J'ai exprimé un certain nombre de

19 préoccupations et les ayant entendues, ils n'ont pas pris très au sérieux

20 les menaces subies par la population musulmane de la région. D'après ce

21 que j'ai vu, leur attitude était extrêmement ouverte. Donc si j'avais été

22 un subordonné de M. Rajic, si j'avais dû suivre son exemple, je n'aurais

23 pas été enclin à agir autrement que lui. Je pense donc qu'il a donné à ses

24 subordonnés un exemple négatif.

25 M. Riad (interprétation). - Négatif parce qu'il impliquait une

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1 non ingérence ?

2 M. Liebert (interprétation). - Attitude négative parce qu'à mon

3 avis, il n'est pas intervenu pour arrêter ce qui se passait.

4 M. Riad (interprétation). - Est-ce que certain de ces crimes ont

5 été commis par les soldats ou par des voyous armés ?

6 M. Liebert (interprétation). - Monsieur le Juge, je n'ai pas été

7 personnellement témoin de ces meurtres. Dans la région de Svinjarevo par

8 exemple, j'ai vu un certain nombre d'exactions mais dans la région de

9 Rotilj je n'étais pas physiquement présent, donc je ne peux pas vous dire

10 qui a commis ces actes. Mais d'après les premiers rapports que j'ai reçus,

11 des soldats du HVO ont effectivement été impliqués. J'ai cité des passages

12 de mes notes : lorsque j'ai parlé notamment de la jeune fille de

13 Grahovica, lorsque j'ai dit au départ qu'elle avait été violée, j'ai eu un

14 entretien avec cette jeune fille et à mon avis c'est un exemple qui permet

15 d'identifier de façon précise des soldats du HVO comme impliqués dans ce

16 genre d'action.

17 M. Riad (interprétation). - Vous avez utilisé à un certain

18 moment des termes médicaux. Vous avez parlé de la nature chirurgicale des

19 dommages provoqués. Vous avez dit cela lorsque vous avez parlé des maisons

20 dont certaines étaient détruites et d'autres intactes. Est-ce que ce genre

21 d'action pouvait être le résultat de l'action de soldats indisciplinés ou

22 s'agissait-il d'actes prémédités ?

23 M. Liebert (interprétation). - Monsieur le Juge, la meilleure

24 façon dont je puisse décrire cela, j'ai l'intention de vous donner un

25 exemple. J'ai vu des forces du HVO engagées dans des combats contre les

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1 forces gouvernementales dans la région de Svinjarevo. J'ai regardé ce qui

2 s'est passé un après-midi au cours duquel les combats ont été très

3 intenses et j'ai vu que les tirs visaient un groupe de maisons qui se

4 trouvait sur une colline à laquelle je faisais face. Ces tirs portaient

5 sur une surface importante et n'étaient pas destinés à telle ou telle

6 maison en particulier. Lorsque je suis rentré dans la zone de Rotilj en

7 revanche, j'ai vu quelque chose de très différent, à savoir que les

8 destructions étaient très centrés, très focalisés sur des maisons

9 déterminées et ces maisons étaient parfois entourées à très courte

10 distance de maison intactes, ce qui indique une différence importante avec

11 les combats que j'ai pu voir dans d'autres régions.

12 M. Riad (interprétation). - C'était indicatif de quoi ?

13 M. Liebert (interprétation). - Cela pouvait être indicatif d'une

14 campagne menée au porte à porte et d'une volonté déterminée de destruction

15 de tel ou tel bâtiment.

16 M. Riad (interprétation). - Est-ce que cela pouvait être le fait

17 de soldats ?

18 M. Liebert (interprétation). - Je pense qu'il s'agissait de

19 soldats, mais cela aurait pu être le fait de civils également.

20 M. Riad (interprétation). - Mais de canon et d'artillerie ?

21 M. Liebert (interprétation). - Non, Monsieur le Juge, je ne

22 parle pas de cela. Ces dommages auraient pu être provoqués par quelqu'un

23 qui portait de l'essence par exemple.

24 M. Riad (interprétation). - Vous voulez dire que les

25 destructions étaient destinées à certaines maisons ?

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1 M. Liebert (interprétation). - J'ai vu des maisons qui ont été

2 détruites par pilonnage, en général par des canons lourds et les tirs

3 étaient initiés au départ par l'envoi de munitions incendiaires tirées par

4 les mêmes canons et si les obus incendiaires sont nombreux, ils peuvent

5 finir par incendier une maison.

6 M. Riad (interprétation). - C'était le fait du HVO ?

7 M. Liebert (interprétation). - Oui.

8 M. Riad (interprétation). - Et seulement du HVO ?

9 M. Liebert (interprétation). - Oui.

10 M. Riad (interprétation). - Est-ce que l'objectif était

11 spécifique ? Des maisons précises ?

12 M. Liebert (interprétation). - Monsieur le Juge, je vais vous

13 décrire ce qui s'est passé un jour, cela me revient que car cela s'est

14 passé très tôt au cours de mon séjour. Nous avions un camp à Kiseljak à

15 l'époque et notre camp se trouvaient en état d'urgence parce que des

16 menaces existaient. Nous pensions que nous risquions de subir des coups de

17 feu. Le HVO avait en fait des positions, des nids de mitrailleuses tout au

18 tour de notre camp à très faible distance. Nous craignions donc de devoir

19 retourner les tirs et en tout cas d'être frappés. J'ai regardé ce qui se

20 passait très près du village de Rotilj en fait et j'ai passé deux heures à

21 observer. Les combats au niveau de Rotilj étaient dirigés contre la zone

22 où se trouvaient les forces de l'armée gouvernementale bosniaque et

23 couvraient une surface très importante. Donc je ne sais pas si c'était dû

24 à un manque de discipline de la part des soldats qui tiraient ou si

25 s'était dû à des ordres précis, cela je ne le sais pas, mais en tout cas

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1 la surface visée était très importante et si j'applique cette observation

2 aux dommages que j'ai vu lors de ma première visite à Rotilj, je ne crois

3 pas que cela permette de décrire correctement ce que j'ai vu. C'est-à-dire

4 que l'opération militaire normale ne produit pas le même genre de résultat

5 que ce que j'ai constaté lors de ma première entrée dans le village de

6 Rotilj.

7 M. Riad (interprétation). - Cela permet de revenir sur la nature

8 chirurgicale dont vous avez parlé ?

9 M. Liebert (interprétation). - Je crois que les dommages, les

10 destructions étaient très déterminées, très précises et on peut donc

11 penser que les maisons avaient été choisies au départ, sélectionnées, que

12 ce n'était pas le fait du hasard et ces maisons appartenaient à des

13 Musulmans bosniaques.

14 M. Riad (interprétation). - Ce n'était donc pas le résultat d'un

15 échange de coups de feu aléatoire ?

16 M. Liebert (interprétation). - C'est l'impression que j'ai

17 acquise Monsieur le Juge.

18 M. Riad (interprétation). - Vous avez également parlé de

19 nombreux exemples de coopération entre les Serbes de Bosnie et les Croates

20 de Bosnie en Bosnie centrale. Vous avez cité l'exemple de l'arrestation de

21 ce dirigeant bosniaque ou commandant bosniaque -je ne me rappelle pas son

22 nom- qui a été transféré à un autre endroit en passant par les lignes

23 serbes bosniaques, n'est-ce pas ?

24 M. Liebert (interprétation). - Oui, c'est exact.

25 M. Riad (interprétation). - Vous avez également déclaré qu'il y

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1 avait des passages de munitions par ces lignes ?

2 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas de preuve directe de

3 cela, mais j'ai été amené à croire que les Croates bosniaques de la région

4 de Kiseljak recevaient une certaine aide de la part des Serbes bosniaques.

5 M. Riad (interprétation). - Est-ce que cela pourrait indiquer

6 l'existence d'accords entre des soldats de niveau inférieur ou pensez-vous

7 que c'était le résultat d'un plan à un niveau supérieur ?

8 M. Liebert (interprétation). - Je n'ai pas d'information directe

9 sur les dispositions qui étaient en vigueur, mais je pense que les

10 dispositions prises devaient être à un niveau assez élevé.

11 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

12 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge. Je n'ai pas de

13 questions en ce qui me concerne. Le débat a été fourni et dense et je suis

14 pleinement éclairé. Capitaine Liebert, le Tribunal vous remercie de votre

15 témoignage. Vous avez su nous dire avec à la fois beaucoup de conviction

16 tout ce que vous aviez vécu pendant cette période de votre vie militaire.

17 A présent, le Greffier va ordonner que vous soyez raccompagné et

18 avant que le témoin suivant n'entre, j'aimerais m'adresser aux deux

19 parties, mais une fois que le témoin aura quitté la salle. Merci

20 capitaine.

21 M. Liebert. - Merci beaucoup, monsieur.

22 (Le témoin est raccompagné hors du prétoire).

23 M. le Président. - Je voudrais, maintenant que le témoin est

24 parti, appeler votre attention sur l'écoulement du temps de ce procès.

25 Je demanderai d'abord à monsieur le Greffier que vendredi, qui

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1 est le jour de notre séparation, tant que nous n'avons pas une salle

2 d'audience spécifique, le temps qui reste soit bien décompté et bien

3 précisé à l'intention de chacune des parties.

4 Je vais demander à Monsieur le Procureur, à partir de cette

5 évaluation, de nous dire, par l'intermédiaire de M. Olivier Fourmy, quand

6 il aura fini de présenter les éléments de preuve de l'accusation.

7 Je voudrais vous faire une observation d'ordre plus général.

8 Dans cette procédure, qui est celle que nous suivons tous et que nous

9 respectons, tout au moins tant qu'elle n'a pas été modifiée par le

10 Règlement de procédure, le procès est l'affaire des parties. Il est donc

11 moins l'affaire des juges.

12 Je voudrais appeler votre attention sur le fait que vous ne

13 pouvez pas demander -je parle aussi bien à la défense qu'à l'accusation-

14 aux Juges plus qu'ils ne peuvent faire, plus que vous ne faites vous-

15 mêmes. Je me tournerai vers l'accusation, surtout parce que c'est elle qui

16 a l'initiative du procès pour l'instant, mais ma réflexion vaudra le

17 moment venu pour la défense.

18 Vous avez l'initiative, Monsieur Harmon. Je crois que vous

19 pouvez choisir un nombre de témoins considérables, vous pouvez choisir une

20 durée de temps dans l'interrogatoire principal qui va conditionner le

21 contre-interrogatoire. Vous pouvez choisir les deux, ce que vous avez

22 fait, c'est-à-dire 300 témoins et une durée très longue. C'est votre

23 choix. Je ne le critiquerai pas tant que nous n'aurons pas changé les

24 règles de procédure. Je dis simplement que le jour où le sommaire que je

25 vous ai demandé, et que vous faites très bien au demeurant, me permettra

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1 d'avoir un support écrit, je me permettrai d'intervenir plus directement

2 dans le cours du procès.

3 Ce que je veux dire aujourd’hui de façon un peu grave, c'est

4 qu'on ne peut pas à la fois demander de faire passer 300 témoins, de

5 prendre un temps d'interrogatoire très long qui va conditionner un temps

6 de contre-interrogatoire aussi long. J’ai fait le décompte, voilà un

7 témoin, qui est le troisième ou le quatrième officier du bataillon

8 canadien, qui sera passé en plus de quatre heures.

9 Souvenez-vous, quand vous m'avez présenté 300 témoins, monsieur

10 le Procureur, j'ai évalué que le procès se terminerait en 2003. Il y a ici

11 un accusé qui attend et ce n'est pas que la faute du Tribunal s’il n’y a

12 pas de salle d'audience, si cela prend autant de temps, quand on sait que

13 par ailleurs on multiplie les contentieux, les requêtes et les motions.

14 Je fais alors appel à votre sens du raisonnable. Si vous

15 développez très longuement l'interrogatoire, par exemple pour un troisième

16 ou quatrième ou cinquième officier canadien, et si vous lui faites résumer

17 tout son passage en Bosnie, il est bien certain que cela ne peut être que

18 long, depuis son petit déjeuner du premier matin où il est arrivé en

19 Bosnie jusqu'au baissé du drapeau ou le dernier pot qui a été donné en son

20 honneur le dernier jour. S'il a passé douze ou quinze mois en Bosnie, il

21 est certain qu'il aura beaucoup de choses à dire, ce qui signifie que le

22 débat va être long au niveau de l'interrogatoire, long au niveau du

23 contre-interrogatoire, long au niveau des questions que vont poser les

24 juges.

25 En fin de compte, ce qui est plus grave, c'est que je ne suis

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1 pas sûr que le débat gagne en clarté. Quand vous mettez beaucoup de choses

2 dans une valise, forcément on s'y retrouve un peu moins quand on veut

3 s’habiller. Voilà ce que je voulais dire gravement.

4 Mais pour l'instant, le procès est votre affaire. Je dis

5 simplement que quand le Procureur trouve que c'est long, quand l'accusé

6 trouve que c'est long, il faut que chacun médite les responsabilités. Vous

7 avez entendu tout à l'heure, on peut déléguer l'autorité, on ne peut pas

8 déléguer la responsabilité. Cette phrase, qui est valable dans toutes les

9 armées du monde, s'applique également pour la justice qui, dans mon esprit

10 doit être également en ordre de marche ici, et à l'heure actuelle elle ne

11 l'est pas.

12 Monsieur le greffier, je voudrais pour vendredi un tableau très

13 exact de l'évaluation. Si j'ai bien compris -je vous l'avais demandé

14 vendredi dernier- il restait 28 journées pour le Procureur.

15 M. Dubuisson. - Non, il restait en fait 23 journées.

16 M. le Président. - Je vous demande de méditer ces chiffres. A

17 présent, nous pouvons introduire le second témoin de l'après-midi.

18 M. Harmon (interprétation). - Auparavant, monsieur le Président,

19 monsieur le Juge Riad, ce témoin a une identité qui n'a pas été discutée

20 dans la requête que j'ai déposée il y a deux jours. Pour que le compte

21 rendu soit tout à fait clair, nous demandons de continuer à entendre les

22 dépositions, et notamment celle du témoin suivant. Je déposerai une

23 demande formelle à la fin de la semaine, de façon à prendre en compte tous

24 les témoins entendus.

25 M. le Président. - Je note donc, avec le juge Riad, que vous

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1 déposez une demande formelle pour que nous puissions continuer à agir en

2 fonction de l'article 71. Vous savez que je tiens à l'accord complet des

3 parties. Maître Hayman, êtes-vous d'accord sur cette façon de procéder ?

4 Vous joindrez-vous à la requête du Procureur ?

5 M. Hayman (interprétation). - Nous nous joignons à la requête,

6 monsieur le Président.

7 M. le Président - Je parle à l’accusé. Général Blaskic, vous

8 pouvez vous lever et nous dire si vous vous joignez à ce qu'ont dit vos

9 conseils.

10 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je suis

11 entièrement d'accord et j’appuie ce que vient de dire mon conseil de la

12 défense.

13 M. le Président - Je vous en remercie, c'est une façon également

14 d'accélérer la procédure. Je vous remercie de ce concours volontaire que

15 vous apportez tous en ce moment, au moins dans ce domaine.

16 M. le Président. - Maître Harmon, vous pouvez maintenant

17 introduire le témoin. Est-ce un témoin protégé ?

18 M. Harmon (interprétation). - Non, monsieur le Président, mais

19 j'aimerais commencer par ma synthèse, si vous me le permettez. Le témoin

20 suivant s'appelle Sejad Djozic. Il est né à Srebrenica, il a étudié la

21 théologie à Sarajevo et a achevé ses études de théologie en 1984. Il est

22 donc devenu imam à l'issue de ces études.

23 De 1985 à 1989, il a travaillé à l'université de Sarajevo où il

24 a été professeur de Science islamique. Il a été imam à Duhri, Petkraj et

25 Topole dans la municipalité de Kiseljak à partir de novembre 1990.

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1 M. le Président. - Allez un peu moins vite, parce que vous savez

2 que j'ai l'habitude de prendre des notes pour mieux vous surveiller

3 ensuite. Parlez un peu plus lentement s’il vous plaît.

4 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je

5 vous prie de m'excuser, je vais ralentir un peu.

6 M. Djozic a été imam dans les villages de Duhri, Petkraj et

7 Topole, dans la municipalité de Kiseljak de novembre 1990 au

8 9 septembre 1993, date à laquelle il a été expulsé de Duhri par le HVO. Au

9 cours de sa déposition, j'utiliserai un terme un peu particulier, Dzemat,

10 que j’explique. Dzemat se rapporte à la zone placée sous la responsabilité

11 d'un imam dans les régions que je viens d'évoquer en particulier. Le

12 témoignage de M. Djozic portera d'abord sur les événements survenus dans

13 sa Dzemat avant l'attaque d’août 1992 contre Duhri, Petkraj et Topole. Ces

14 attaques ont déjà fait l'objet de dépositions de la part du témoin MM. Le

15 témoin que nous allons entendre, Monsieur le Président, vous dira que ces

16 villages étaient habités par des civils et qu'il n'y avait pas de cible

17 militaire. Les villageois possédaient un nombre minimal d'armes qui se

18 résumait pour l'essentiel à des fusils de chasse. Il vous dira encore dans

19 sa déposition qu'il n'était pas présent dans le village au moment de

20 l'attaque mais qu'au mois de novembre 1993, il est retourné dans sa

21 Dzemat. Il décrira à votre intention les dommages qu'il a observés à ce

22 moment-là sur les maisons et les biens des Musulmans, ainsi que l'absence

23 de dommages sur les maisons croates.

24 Monsieur le Président, mon collègue me signale que j'ai dit

25 qu'il était retourné dans son village en novembre 1993. Je me suis trompé

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1 de date ; la date exacte est 1992.

2 Ce témoin parlera des victimes que l'attaque a engendrées,

3 notamment trois, deux Musulmanes et une Croate. Il vous parlera des

4 circonstances dans lesquelles il pense que ces personnes ont été tuées.

5 Après quoi, il concentrera son attention à la période comprise entre

6 novembre 1992 et la mi avril 1993, période au cours de laquelle le HVO a

7 exercé des pressions accrues sur les villageois qui habitaient dans sa

8 Dzemat. Il consacrera ensuite son attention à la période débutant le

9 18 avril, à savoir à la date de l'attaque contre Rotilj, Svinjarevo et les

10 autres villages de la municipalité de Kiseljak et vous décrira les

11 événements survenus jusqu'au 12 juin 1993, date du début de l'attaque

12 contre Tulica.

13 Dans cette période, il témoignera d'abord des destructions et

14 des dommages subis par un grand nombre de sites religieux musulmans et de

15 ce qu'il a entendu dire à ce sujet. Il vous dira que, suite à ces

16 attaques, tous les imams de la municipalité de Kiseljak, à l'exception de

17 lui-même et d'un autre iman, sont restés sur place. Il décrira à votre

18 intention les vols constants subis par les Musulmans, notamment vols de

19 voitures et de tracteurs dans sa Dzemat. Il vous dira comment les

20 Musulmans étaient systématiquement expulsés de leur domicile par des

21 soldats du HVO. La conséquence en a été que la population de sa Dzemat a

22 baissé de moitié. A ce moment-là, il concentrera son attention à la

23 période qui a suivi l'attaque contre Tulica, Grahovci et Han Ploc, à

24 savoir la période qui commence le 12 juin 1993. Il vous dira que, suite à

25 ces attaques, les habitants de sa Dzemat ont été saisis de crainte et de

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1 panique, et que les soldats du HVO sont arrivés dans ces villages en

2 exigeant des villageois qu'ils rendent leurs armes. En fait, les quelques

3 armes qui restaient -fusils de chasse notamment, qui étaient en possession

4 des villageois- ont été rendues à ce moment-là.

5 Le témoin vous dira ensuite ce qui s'est passé un ou deux jours

6 plus tard. Il le dira avec précision. Il dira que des soldats du HVO sont

7 entrés dans son village et dans d'autres villages, qu'ils ont regroupé

8 tous les hommes musulmans, y compris l'imam, et qu'ils les ont d'abord

9 emmenés à la caserne de Kiseljak, après quoi ils les ont transportés

10 jusqu'au bâtiment municipal de Kiseljak où l'imam est resté en détention

11 pendant neuf jours.

12 Il vous dira que près d'une centaine d'autres civils musulmans

13 étaient détenus avec lui dans le bâtiment municipal de Kiseljak, et il

14 décrira à votre intention, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, les

15 conditions de cet emprisonnement. Il vous dira que les soldats du HVO ont

16 forcé les civils enfermés dans le bâtiment municipal de Kiseljak d'aller

17 creuser des tranchées, et il identifiera par leur nom les hommes qui ont

18 été tués ou blessés après avoir été contraints de creuser des tranchées

19 sur les lignes de front.

20 La période suivante dont le témoin parlera dans sa déposition

21 est celle qui a fait suite à sa libération après son emprisonnement. Cette

22 période s'étend jusqu'au 9 septembre 1993, date à laquelle lui-même, sa

23 famille et tous les résidents de Duhri ont été expulsés de ce village par

24 le HVO.

25 Dans cette période, Monsieur le Président, le témoin parlera de

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1 ce qui se résume sous le terme de règne constant de la terreur exercée

2 contre les villageois par le HVO. Le témoin décrira à votre intention,

3 Monsieur le Président, Monsieur le Juge, les vols constants dus aux

4 soldats du HVO, les viols commis par les soldats du HVO, les expulsions de

5 Musulmans chassés de leur maison par des soldats du HVO, et ce témoin vous

6 dira même de quelle façon des Serbes de Bosnie traversaient leurs lignes

7 pour entrer dans sa Dzemat et terroriser la population et, ce, très

8 fréquemment.

9 Le témoin vous dira que 100 à 120 Musulmans à peine demeuraient

10 encore dans sa Dzemat au début du mois de septembre 1993. Le

11 9 septembre 1993, les quelques Musulmans qui restaient encore dans cette

12 région ont été expulsés du village et envoyés à Rotilj.

13 La déposition du témoin porte sur les paragraphes 1, 4, et 5.2

14 de l'acte d'accusation ainsi que sur les chefs d'accusation n° 1,

15 "persécutions", notamment le paragraphe 6.1, "attaques contre des villes

16 et des villages", 6.3, "vols de propriétés et de biens", paragraphe 6.4 et

17 6.5, "traitements inhumains de civils", les paragraphes 6.6, 6.7 et 7,

18 "transfert forcé de civils". Sa déposition porte également sur les chefs 2

19 à 4, "attaques illégales contre des civils et des objets appartenant à ces

20 civils", sur les chefs 11 à 13, "destructions et vols de biens", chef 14,

21 "destructions d'institutions et de bâtiments consacrés à la religion".

22 Enfin, sa déposition aura une relation avec les chefs 15 et 16,

23 "traitements inhumains et cruels de détenus".

24 Voilà, Monsieur le Président, ce que j'avais à dire à titre de

25 synthèse.

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1 M. le Président. - C'est un témoignage qui est long, a priori.

2 Mais pourquoi pas. Les Juges ne sont pas contre les témoignages longs, ils

3 sont contre les témoignages qui sont tous longs. Je n'ai pas vu de justice

4 au monde où les témoignages sont tous longs.

5 J'ai une observation préalable, Maître Harmon. Monsieur Sejad

6 Djozic figurait-il dans votre liste ? Je ne le trouve pas. Ou peut-être

7 l'orthographe me manque-t-elle ?

8 M. Harmon (interprétation). - Cela commence par la lettre D,

9 Monsieur le Président. Je ne l'ai pas dans la liste dans moi. C'est la

10 lettre D, Monsieur le Président.

11 M. le Président. - D'accord. C'est celui qui était prévu pour

12 14 heures. C'est cela ?

13 M. Harmon (interprétation). - C'est exact, Monsieur le

14 Président.

15 M. le Président. - D'accord. On peut introduire le témoin.

16 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

17 M'entendez vous, Monsieur l'iman ? Pouvez-vous confirmer, au

18 Juge et à moi-même, votre nom, votre prénom et votre qualité religieuse ?

19 Et puis, une fois cela fait vous resterez debout et vous lirez votre

20 déclaration. D'abord votre nom et votre prénom, s'il vous plaît ?

21 M. Djozic (interprétation). - Je m'appelle Sejad Djozic,

22 Monsieur le Président.

23 M. le Président. - Peut-on avoir l'orthographe exacte dans le

24 compte rendu ?

25 M. le Président. - Je croyais qu'il y avait un "D". On va voir

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1 ça.

2 Je vous appellerai monsieur l'iman.

3 M. Djozic (interprétation). - Oui.

4 M. le Président. - Vous restez debout le temps de lire votre

5 déclaration, s'il vous plaît.

6 M. Djozic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

7 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 M. le Président. - Merci, monsieur l'iman. Vous pouvez vous

9 asseoir. Vous avez accepté de venir témoigner à la demande du Procureur

10 dans le cadre du procès intenté contre le général Blaskic, l'accusé, ici

11 présent, qui était colonel à l'époque des faits présumés contre lui. Vous

12 allez entendre quelques questions préalables du Procureur. Ensuite, vous

13 nous relaterez toute votre expérience en essayant de vous centrer sur les

14 événements principaux que vient de nous résumer le Procureur. Après quoi,

15 vous aurez à recevoir les questions des conseils de la défense et puis

16 bien sûr celles des Juges.

17 Monsieur Harmon, allez-y.

18 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, monsieur Djozic.

19 M. Djozic (interprétation). - Bonjour.

20 M. Harmon (interprétation). - Quel âge avez-vous ?

21 M. Djozic (interprétation). - 34 ans.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes de Bosnie-Herzégovine.

23 Ou êtes-vous né ?

24 M. Djozic (interprétation). - Je suis né à Srebrenica, le

25 14 janvier 1965.

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1 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez vous fait dans votre vie ?

2 M. Djozic (interprétation). - A Srebrenica, j'ai d'abord été à

3 l'école élémentaire. Ensuite, j'ai suivi l'école religieuse en 1974. Puis,

4 j'ai passé un an dans l'armée yougoslave de l'ex-Yougoslavie. De 1985 à

5 1989, j'ai été à la faculté de théologie à Sarajevo. Je suis iman et

6 professeur de Sciences islamiques.

7 M. Harmon (interprétation). - Etiez-vous iman à Duhri et Topole

8 entre 1991 et 1992, et à Kiseljak également de 1990 0 1992, jusqu'au

9 moment où le HVO vous a expulsé ?

10 M. Djozic (interprétation). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - Je vais demander à l'huissier de

12 bien vouloir placer la pièce sur le rétroprojecteur. Pouvez-vous me donner

13 le numéro de la cote ?

14 M. Dubuisson. - Pièce 369.

15 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Djozic, je vais parler de

16 Dzemat. Vous allez également utiliser ce même terme. Auriez-vous

17 l'amabilité de dire aux Juges ce qu'il signifie ?

18 M. Djozic (interprétation). - Le mot Dzemat est le terme

19 d'origine arabe qui veut dire les groupes de la confession islamique qui

20 sont regroupés dans un département. Par conséquent, j'ai couvert dans ma

21 responsabilité Duhri, Topole et Kiseljak.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous m'avez aidé à réaliser la

23 pièce à conviction ? Je vois, ici, votre région en orange.

24 M. Djozic (interprétation). - Oui, c'est effectivement cette

25 région.

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1 M. le Président. - Je voudrais une précision, c'est une région

2 paroissiale en quelque sorte ? C'est votre région pastorale, dirions-

3 nous ?

4 M. Djozic (interprétation). - Si vous dites que mon église

5 couvre plusieurs régions, plusieurs villages, dans mon cas concret, il y

6 avait Bejaci, Zupa, Duhri. Plusieurs villages étaient sous la

7 responsabilité de mon église.

8 M. le Président. - J'ai compris, merci beaucoup, monsieur

9 l'iman.

10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Djozic, voulez-vous

11 décrire la composition ethnique dans votre Dzemat, s'il vous plaît ?

12 M. Djozic (interprétation). - Tout d'abord le village Potkre

13 était composé d'abord de Musulmans et d'une partie de Croates, alors que

14 Topole et Duhri étaient composés exclusivement de Musulmans, Brnjac était

15 un village croate et à la frontière de Topole. Ce sont les villages qui

16 étaient frontaliers, mais bien évidemment on y trouvait également une

17 population mixte du point de vue des confessions religieuses.

18 M. Harmon (interprétation). - Combien de Bosniaques musulmans y

19 avaient-ils dans votre Dzemat ?

20 M. Djozic (interprétation). - A peu près 600, si nous comptons

21 les femmes, les hommes, les adultes, les enfants.

22 M. Harmon (interprétation). - Pourrions-nous dire qu'il

23 s'agissait de petits villages ?

24 M. Djozic (interprétation). - Oui, de 200 à 250 familles à peu

25 près au total.

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1 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des industries dans

2 votre Dzemat ?

3 M. Djozic (interprétation). - Non.

4 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il installations

5 militaires dans votre territoire ?

6 M. Djozic (interprétation). - Non.

7 M. Harmon (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de dire

8 très brièvement aux Juges étaient vos responsabilités dans cette région

9 pastorale ?

10 M. Djozic (interprétation). - J'ai d'abord été chargé de

11 m'occuper, cinq fois par jour, des personnes qui étaient de notre

12 confession musulmane. J'avais également la possibilité de me mettre en

13 communication avec mes fidèles, le vendredi. Ensuite, pendant les Baïram,

14 la communication toute particulière a été réalisée au moment où nous avons

15 construit la mosquée en 1991.

16 M. Harmon (interprétation). - Par conséquent vous connaissiez

17 très bien les gens de votre Dzemat ? Vous étiez presque en bonne

18 communication avec tous ces gens-là ?

19 M. Djozic (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant vous

21 demander de bien vouloir nous dire ce qui s'est passé avant l'attaque de

22 votre Dzemat par le HVO en août 1992. Pourriez-vous nous dire s'il y avait

23 des opérations militaires dans votre Dzemat, s'il y avait des armes,

24 notamment quand il s'agissait des Musulmans. En disposaient-il ou pas ?

25 M. Djozic (interprétation). - Tout d'abord, il n'y avait pas de

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1 cible militaire, il y avait quelques armes, quelques fusils semi-

2 automatiques, automatiques, c'était à peu près ce que j'avais laissé début

3 juillet, quand je suis allé chercher ma famille en Slovénie.

4 M. Harmon (interprétation). - Quand vous dites qu'il y avait

5 quelques armes d'infanterie, des fusils automatiques, semi-automatiques,

6 c'étaient les armes dont vous disposiez déjà ou bien maintenant sur la

7 ligne de front ?

8 M. Djozic (interprétation). - Il y avait un certain nombre

9 d'armes sur la ligne de front, en ce qui concerne l'armement militaire,

10 c'était la police de réserve qui y a eu recours.

11 M. Harmon (interprétation). - Combien de policiers y avait-il

12 dans votre village, dans votre Dzemat plutôt ?

13 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux pas

14 répondre à cette question. Je ne pense pas qu'ils étaient nombreux.

15 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il des unités militaires

16 de l'armée bosniaque dans votre Dzemat ?

17 M. Djozic (interprétation). - Non, les unités de l'armée se

18 trouvaient à Koscan et non pas dans mon Dzemat.

19 M. Harmon (interprétation). - Vous n'étiez pas présent au moment

20 où il y a eu l'attaque sur votre village en août 1992 n'est-ce pas ?

21 M. Djozic (interprétation). - Non.

22 M. Harmon (interprétation). - Quand vous êtes retourné dans

23 votre village, avez-vous pu constater quels dommages avaient été commis

24 lors de l'attaque ?

25 M. Djozic (interprétation). - J'ai pu constater, j'ai vu de mes

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1 propres yeux que des maisons étaient brûlées, des étables étaient brûlées.

2 J'ai pu voir également Salem Mujic qui était sur ses béquilles parce qu'il

3 avait eu des blessures lors de cette attaque, j'ai pu entendre également

4 par des voisins qu'il y avait Mutap Hasan, on essayant donc d'arrêter

5 l'incendie dans les étables et qu'à Potkraj également, Zahid Hadzic avait

6 été atteint au moment où il avait vu que l'étable était incendiée, il

7 voulait faire sortir le bétail et à ce moment-là, on a tiré sur lui, il a

8 été tué sur place. Un Croate de Potkraj également a été tué. Il s'appelait

9 Luka, c'est un Croate qui était un cas psychiatrique, qui n'était pas en

10 très bonne santé mentale. Il vivait avec nous dans notre village, il était

11 très ami avec Zahid Hadzic et probablement quand il a remarqué qu'on avait

12 tiré sur lui, il voulait s'approcher de lui et il a été tué lui-même.

13 C'est ce que j'ai entendu dire de ce qui s'était passé pendant l'attaque

14 en question.

15 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges si ce

16 que vous avez pu constater dans votre Dzemat, si les dommages ont été

17 provoqués uniquement sur les maisons musulmanes ou également sur les

18 maisons croates ?

19 M. Djozic (interprétation). - Quand vous traversez Potkraj, vous

20 devez d'abord traverser le quartier croate et ensuite le musulman. Je n'ai

21 pas remarqué qu'il y avait des destructions ou des dommages sur les

22 maisons croates, en revanche s'agissant de maisons musulmanes, beaucoup de

23 façades ont été endommagées par les balles. Ma maison a également été

24 détruite, quelques vitres avaient sauté.

25 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que Mekteb ou la mosquée

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1 ont été détruites ?

2 M. Djozic (interprétation). - C'est le minaret, la façade

3 également qui ont été endommagés. Mekteb et la mosquée également. Les deux

4 ont été quelque peu endommagés par les balles.

5 M. Harmon (interprétation). - A partir du moment où vous avez pu

6 y retourner, c'était en novembre 1992, jusqu'à l'attaque qui a eu lieu le

7 18 avril 1993 à Rotilj, pouvez-vous nous dire comment les Musulmans

8 vivaient dans cette période ?

9 M. Djozic (interprétation). - Depuis novembre 1992 jusqu'à cet

10 événement du mois d'avril 1993, je dois dire que la vie a été plus ou

11 moins normale, les gens pouvaient se déplacer normalement. Il y avait

12 toujours bien évidemment ce danger que quelqu'un soit emprisonné, que sa

13 propriété ou ce qu'il emportait lui soit volé, mais c'était un risque

14 qu'il courait.

15 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi d'attirer votre

16 attention sur le 18 avril 1993, le jour où il y a eu l'attaque sur Rotilj

17 et d'autres villages. Tout premièrement, avez-vous pu voir vous-même ces

18 attaques à partir de votre village ?

19 M. Djozic (interprétation). - Nous n'avons pas pu voir les

20 attaques directement mais nous avons entendu les tirs, les coups de feu,

21 nous avons également vu la fumée des installations qui brûlaient.

22 M. Harmon (interprétation). - Une fois que l'attaque a eu lieu,

23 avez-vous été informé sur les dommages subis par les installations

24 religieuses musulmanes ?

25 M. Djozic (interprétation). - J'ai entendu dire que la mosquée

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1 de Gromiljak était détruite et celle de Kiseljak était endommagée, j'ai

2 appris par la suite qu'un certain nombre de maisons musulmanes ont été

3 endommagées, qu'un certain nombre de Musulmans ont réussi à partir et se

4 joindre à l'armée bosniaque, d'autres ont retrouvé leurs cousins. D'autres

5 ont été tués, d'autres blessés ou bien emprisonnés. C'est à peu près ce

6 que nous avons entendu dire par les gens.

7 M. Harmon (interprétation). - Avant l'attaque du 18 avril,

8 pourriez-vous nous dire combien il y avait d'imams dans la municipalité de

9 Kiseljak.

10 M. Djozic (interprétation). - Sept à ma connaissance.

11 M. Harmon (interprétation). - Après les attaques s'il vous

12 plaît, Monsieur Djozic, il y en avait combien ?

13 M. Djozic (interprétation). - Moi-même, Omer Efendija, Drkic de

14 Han Ploca a été tué lors de l'attaque qui a eu lieu le 12 juin à

15 Han Ploca.

16 M. Harmon (interprétation). - Après les attaques dont nous avons

17 parlé, jusqu'au moment où les villages Tulica, Han Ploca et Borovica ont

18 été attaqués le 12 juin 1993, auriez-vous l'amabilité de dire aux Juges ce

19 qui s'est passé avec les gens dans votre Dzemat ?

20 M. Djozic (interprétation). - Après les événements de Rotilj,

21 Gromiljak et quelques autres villages, la panique s'est emparée de la

22 population, les gens ont tiré des conclusions de ce qui s'était passé en

23 août 1992 et ils ont essayé de mettre à l'écart les femmes, les enfants,

24 de les envoyer vers le territoire bosniaque. Il y en a qui ont réussi

25 grâce à des amis, des Croates, d'autres ont été obligés de payer les

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1 Croates pour qu'ils les transportent jusqu'au point de contrôle. Ce qui

2 était important dans cet intervalle, dans cette période, c'est que les

3 pillages des propriétés des Musulmans ont commencé, d'abord les voitures,

4 les tracteurs. Ensuite les réfugiés croates qui sont arrivés en provenance

5 de Fojnica, les Musulmans sont partis, un certain nombre ont été

6 transportés jusqu'au point de contrôle du HVO et ensuite probablement sous

7 le contrôle de l'armée bosniaque jusqu'au contrôle où ils pouvaient

8 rester. D'autres sont partis soit dans leur résidence secondaire, les

9 vieilles maisons ou bien ils cherchaient d'autres possibilités, la

10 famille, partout où ils pouvaient, ils allaient.

11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Dzojic, pouvons-nous

12 éclaircir quelques points ? Vous avez parlé du vol et du pillage, du vol

13 des véhicules, etc, parce qu'il y avait les victimes.

14 M. Djozic (interprétation). - Mais les victimes, c'étaient les

15 Musulmans du Dzemat et ceux qui ont provoqué, ceux qui ont volé et pillé,

16 c'étaient les soldats croates. Ils savaient très bien qui était

17 propriétaire de telle ou telle chose, ils venaient donc à la porte sans

18 autorisation, sans demander quoi que ce soit, ils ont tous simplement pris

19 la voiture ou bien autre chose.

20 M. Harmon (interprétation). - Les propriétaires des automobiles

21 ou des tracteurs recevaient-ils des attestations selon lesquelles les

22 voitures ou les tracteurs avaient été pris ?

23 M. Djozic (interprétation). - Je ne le sais pas.

24 M. Harmon (interprétation). - A-t-on procédé à des

25 dédommagements, des remboursements éventuels ?

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1 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne connais pas

2 du tout de tels exemples de gens qui ont été remboursés ou dédommagés.

3 M. Harmon (interprétation). - Le HVO avait-il rendu les voitures

4 ou les tracteurs par la suite ?

5 M. Djozic (interprétation). - Non.

6 M. Harmon (interprétation). - Vous avez parlé de l’expulsion en

7 ce qui concerne votre communauté. Qui l’a fait ? Pouvez-vous le préciser ?

8 M. Djozic (interprétation). - Ce sont les Musulmans qui ont été

9 évincés de nos villages. C'étaient les soldats du HVO qui justement

10 voulaient s'emparer de leurs appartements, de leurs véhicules, comme je

11 l'ai dit, de leurs propriétés.

12 M. Harmon (interprétation). - Qu’est-ce qui se passait avec les

13 Musulmans qui étaient expulsés ?

14 M. Djozic (interprétation). - En général, on les accompagnait

15 jusqu'au point de contrôle. Ensuite, ils cherchaient l'endroit où ils

16 pouvaient se placer, dans leur famille... Ils sont restés comme cela, sans

17 savoir où aller. De toute façon, on les laissait et ils devaient se

18 débrouiller par la suite.

19 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les personnes qui ont

20 été expulsées avaient été informées qu'elles devaient partir et que par

21 conséquent elles devaient faire leurs bagages et se préparer pour partir

22 en voyage ou est-ce que cela se passait dans des conditions différentes ?

23 M. Djozic (interprétation). - Par moment, ils avaient du temps,

24 par moment, ils n'en avaient pas.

25 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux juges

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1 quelle était l'incidence de ces expulsions sur la situation générale, au

2 niveau de la population musulmane, jusqu'en juin 1993 ?

3 M. Djozic (interprétation). - Les gens se sentaient peu sûrs,

4 ils paniquaient de plus en plus. Personne ne se sentait en sécurité, la

5 vie était bon marché, n'importe qui pouvait les tuer sans être responsable

6 par la suite. Par conséquent, la peur s'emparait des gens.

7 M. Harmon (interprétation). - Du point de vue des chiffres,

8 pouvez-vous me dire combien sont restés dans la Dzemat ? Vous avez dit

9 auparavant qu'il y en avait 600 jusqu'en juin 1993. Combien sont restés

10 dans votre Dzemat ?

11 M. Djozic (interprétation). - Trois cents à peu près.

12 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Djozic, nous allons

13 parler de la possibilité, maintenant, de faire une déposition, de raconter

14 aux Juges ce qui s'est passé dans votre Dzemat après les événements du

15 12 juin, après l'attaque de Tulica. Pourriez-vous le raconter aux juges,

16 s'il vous plaît ?

17 M. Djozic (interprétation). - En ce qui concerne Tulica,

18 Radanovici, l'attaque qui a eu lieu le 12 juin a été comme tout autre

19 événement qui a eu lieu à Rotilj, à Visnjica, à Gomionica, etc. Par

20 conséquent, nous avons pu voir le feu, nous avons pu voir la fumée, nous

21 avons entendu les obus. Des grenades également ont été jetées. Les

22 informations que nous avons reçues le lendemain matin nous ont encore plus

23 catastrophés : il y avait des viols, des gens étaient expulsés.

24 La veille, nous étions dans les champs, nous avions fauché le

25 foin et nous avions vu les soldats du HVO qui escortaient les prisonniers

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1 musulmans. Quelques jours plus tard, après les événements qui ont suivi,

2 la direction du HVO a demandé à des Musulmans de mon Dzemat de se rendre,

3 de rendre les armes. En gros, il n'y avait que des fusils, des pistolets,

4 quelques grenades également. Ils les ont rendus.

5 Quelques jours plus tard, le matin, entre 5 heures et demi et

6 6 heures, la sonnette m'a réveillé. Je suis donc sorti, j'ai vu les deux

7 soldats du HVO qui m'ont ordonné de me préparer. Ils m'ont dit que j'avais

8 cinq minutes pour sortir et aller vers la mosquée. J’ai donc obéi. Je me

9 suis préparé, je suis allé vers la mosquée et j'ai pu voir que la grande

10 majorité des hommes de mon Dzemat se dirigeaient vers la mosquée, là où on

11 nous avait ordonné de nous rendre. Nous étions une centaine à peu près,

12 des personnes qui appartenaient à mon Dzemat, tous les hommes qui étaient

13 en bonne condition physique, de 30 ans à 65 ans.

14 Après quoi, ils nous ont ordonné de monter dans les camions qui

15 se trouvaient là-bas. Par la suite, nous avons été transportés à Kiseljak

16 dans la caserne. Nous avons été installés dans trois ou quatre pièces à

17 peu près. C’était la première installation en entrant. Nous y sommes

18 restés deux à trois heures. Personne ne nous disait les raisons pour

19 lesquelles nous étions emprisonnés.

20 Au moment où nous nous sommes trouvés dans ces pièces, tout au

21 moins en ce qui me concerne, quand je me suis retrouvé dans la pièce que

22 j'ai partagée avec quelques personnes que je connaissais, il y avait une

23 personne qui venait d’être passée à tabac et qui avait des bleus partout.

24 Un jeune de 15 ans avait été passé à tabac également et se plaignait parce

25 qu'il avait mal un peu partout.

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1 On a donc posé la question de savoir comment cela s'était fait.

2 Ils nous ont dit qu’ils avaient été faits prisonniers, qu'ils avaient été

3 emmenés dans la caserne et qu'ils avaient été passés à tabac par les

4 soldats du HVO. Après deux ou trois heures, on nous a ordonné de sortir et

5 de monter dans les camions, ce que nous avons fait.

6 De là, on nous a emmenés jusqu'au bâtiment municipal de

7 Kiseljak. A l’époque, c'était la mairie, avant que les événements n’aient

8 eu lieu. On nous a ordonné de descendre des camions et de rentrer dans le

9 bâtiment en question. Il était vide, il avait deux étages. Au moment où

10 nous sommes rentrés, nous avons disposé de quelques dortoirs, de quelques

11 pièces. Nous avons été répartis par groupes. Nous n'avions pas de lits,

12 pas de couvertures.

13 Quelques jours ont passé. Les premiers jours, nous avons posé du

14 papier. Il y en avait beaucoup dans la mairie. Nous avons pris des

15 dossiers qu’on mettait sous la tête. Il y avait également un autre

16 problème, c'est qu'il n'y avait pas d'eau en permanence, que les toilettes

17 n'étaient pas en très bon état.

18 Pendant que je suis resté dans ce bâtiment -je suis resté neuf

19 jours au total- personne des membres des autorités n'est venu nous voir ni

20 nous dire quelles étaient les raisons pour lesquelles nous étions

21 emprisonnés. Ensuite, le deuxième jour, deux soldats du HVO ont demandé à

22 un groupe de personnes -il y en avait entre 30 et 35- de sortir. Les

23 soldats juraient, ces gens-là ne savaient pas où on les emmenait...

24 Après quoi, il y avait ce groupe de 30 à 35 personnes qu’on a

25 fait monter dans un camion. Le lendemain matin, on les a transportés vers

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1 nous. Nous avons su par eux qu'ils avaient creusé les tranchées sur la

2 ligne de front du HVO qui se trouvait face au terrain qui était sous le

3 contrôle de l'armée bosniaque. Nous avons donc compris quelles étaient les

4 raisons pour lesquelles on nous avait emmené dans ce bâtiment. Il y avait

5 une centaine de personnes qui a été divisée en deux groupes, un qui

6 travaillait le soir, la nuit et l'autre travaillait pendant le jour.

7 En gros, les personnes creusaient les tranchées partout où le

8 HVO avait une frontière avec l'armée bosniaque, c'était donc vers Fojnica,

9 vers d'autres régions, Kazadici, Palez et d'autres endroits. Durant ma

10 détention de neuf jours, je ne suis pas allé creuser des tranchées parce

11 que mes compagnons m'ont dit : "Tu es responsable de la foi, tu ne vas pas

12 aller creuser ". De sorte que j'ai appris, pour l'essentiel sur la base de

13 leurs récits, ce qui s'est passé pendant qu'ils allaient creuser des

14 tranchées.

15 Le premier jour nous n'avons rien eu à manger, mais le deuxième

16 jour, nos femmes ont reçu l'autorisation de nous apporter de la nourriture

17 de chez nous. C'est aussi ce jour-là qu'elles nous ont apporté des

18 vêtements pour nous changer et des couvertures. Pendant mon séjour qui a

19 duré neuf jours nous avons reçu la visite de M. Fra Bozo et de M. Cakan

20 qui était Président de la Croix-Rouge de Kiseljak. Au moment de cette

21 visite nous avons exigé d'être enregistrés en qualité de prisonniers de

22 guerre auprès de la Croix-Rouge internationale. Je crois que cela a été

23 fait mais je n'étais plus là à ce moment-là. Au bout de neuf jours, ils

24 m'ont en effet libéré et j'ai passé le reste du temps chez moi à la

25 maison. Le policier qui m'avait escorté jusqu'à ma maison...

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1 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre,

2 Monsieur, à ce niveau parce que j'aurais quelques questions à vous poser

3 de façon à ce que votre récit soit tout à fait clair. Avant de vous

4 laisser poursuivre, Monsieur Djozic, vous avez dit qu'une centaine de

5 civils musulmans ont été détenus dans le bâtiment municipal. Au cours des

6 neuf jours environ que vous avez passés dans ce bâtiment...

7 M. Djozic (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que tous les civils

9 musulmans qui s'y trouvaient, à l'exception de vous-mêmes et de quelques

10 autres peut-être, étaient forcés d'aller creuser des tranchées tous les

11 jours, toutes les nuits ?

12 M. Djozic (interprétation). - Oui, chacun dans son équipe.

13 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais vous demander si vous

14 et les autres prisonniers qui étaient enfermés dans le bâtiment municipal

15 de Kiseljak avez eu, à quelque moment que ce soit pendant les neuf jours

16 que vous y avez passé, la liberté de sortir du bâtiment quand vous le

17 souhaitiez ?

18 M. Djozic (interprétation). - Nous n'étions pas libres et il y

19 avait un gardien devant la porte principale de ce bâtiment. Seuls ceux qui

20 se rendaient à une consultation médicale recevaient l'autorisation d'aller

21 jusqu'au centre médical sous escorte d'un gardien avant de revenir dans le

22 bâtiment municipal. Telles étaient les conditions en vigueur pendant la

23 durée de mon séjour.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que quiconque vous a donné

25 une quelconque explication pendant les neuf jours que vous y avez passés,

Page 8992

1 je parle de représentants des autorités du HVO ?

2 Est-ce que quiconque vous a donné la moindre explication quant

3 aux raisons de votre détention dans le bâtiment municipal de Kiseljak ?

4 M. Djozic (interprétation). - Jamais personne ne nous a expliqué

5 pourquoi nous étions enfermés.

6 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous jamais appris que

7 certaines des personnes qui avaient été emprisonnées dans le bâtiment

8 municipal de Kiseljak, et qui étaient emmenées pour creuser des tranchées,

9 avaient été blessées ou se sont fait tuer ?

10 M. Djozic (interprétation). - Rasim Bulut est mort au moment où

11 il creusait des tranchées. J'ai personnellement participé à son

12 enterrement. Mais ces personnes sont mortes ou ont été bléssées après mon

13 départ ; deux hommes ont été blessés. Redo Emso est également mort mais je

14 n'ai pas eu l'occasion de l'enterrer malgré ma présence à Rotilj à ce

15 moment-là. J'ai beaucoup regretté parce que cet homme avait été enterré en

16 dehors de toute cérémonie religieuse et nous ne savons pas où il se

17 trouve.

18 M. Riad (interprétation). - Ont-ils été tués au moment où ils

19 creusaient des tranchées ou sont-ils morts de mort naturelle ?

20 M. Djozic (interprétation). - Non, ils sont morts au moment où

21 ils creusaient des tranchées. Rasim Bulut est mort à cause d'une balle

22 perdue qui provenait des lignes du HVO. C'est ce que l'on m'a dit.

23 M. Riad (interprétation). - Merci.

24 M. Djozic (interprétation). - Un autre homme a été blessé ce

25 jour-là ainsi que deux soldats du HVO au moment du déminage d'une mine.

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1 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

2 M. le Président. - Monsieur Harmon, il est 16 heures 10. J'ai

3 observé qu'il nous reste tout ce qui s'est passé après la libération, je

4 crois, non ? Avez-vous terminé vos questions sur la période du 12 juin ?

5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'aurais

6 encore une ou deux questions mais je peux les reprendre après la pause.

7 M. le Président. - Je préférerais que vous les posiez maintenant

8 pour que nous abordions le dernier point juste après la pause pour essayer

9 de faire en sorte que ce soir nous puissions libérer Monsieur l'imam.

10 Posez votre question sur la période après le 12 juin. Je vous en

11 prie, brièvement.

12 M. Harmon (interprétation). - Oui. Monsieur Djozic, vous avez

13 été libéré, vous êtes sorti du bâtiment municipal après neuf jours. Mais

14 les autres personnes incarcérées dans le bâtiment municipal, combien de

15 temps ont-elles été détenues avant d'en être libérées, si vous le savez ?

16 M. Djozic (interprétation). - Cela dépend. Certaines sont mêmes

17 restées jusqu'au mois d'octobre. Mais pour autant que je le sache, à la mi

18 septembre celles qui étaient encore détenues dans le bâtiment municipal

19 ont été transférées à Rotilj et étaient emmenées tous les jours pour

20 effectuer les travaux nécessaires au HVO.

21 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai fini

22 cette partie de mon Interrogatoire et après la pause, j'ai l'intention de

23 demander à l'imam de témoigner au sujet des événements survenus après son

24 retour à Duhri.

25 M. le Président. - Nous sommes d'accord avec votre plan et votre

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1 sommaire. Merci. L’audience est suspendue et reprendra un peu après

2 16 heures 30.

3 L'audience, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 40.

4 M. le Président - L'audience est reprise, faites entrer

5 l'accusé.

6 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Djozic, je vous

7 demanderai de concentrer votre attention sur la période qui sépare le

8 moment où vous avez été relâché dans le bâtiment municipal et le moment où

9 votre famille et vous-même avez été expulsés du village de Duhri par le

10 HVO.

11 Pouvez-vous expliquer, avec les mots qui sont les vôtres, ce qui

12 s'est passé pendant la période dans votre Dzemat ?

13 M. Djozic (interprétation). - A l’issue des neuf jours que j'ai

14 passés dans le bâtiment municipal, on m'a permis de rentrer chez moi où je

15 suis resté jusqu'au 9 septembre 1993, date à laquelle, avec les membres de

16 ma famille et une centaine d'autres habitants de ma Dzemat, j’ai été

17 transféré dans le camp de Rotilj.

18 Un certain nombre d'événements sont survenus dans cette période.

19 Les expulsions et la saisie des propriétés des Musulmans ont continué de

20 la part des soldats du HVO, et puisqu'il n'y avait plus de voitures ni de

21 tracteurs, ils ont commencé à saisir les animaux. Ils pénétraient dans une

22 étable, choisissaient la vache ou l'animal qui leur plaisait et emmenaient

23 l'animal, sans la moindre autorisation du propriétaire.

24 Il y avait aussi des vols de produits alimentaires, dans les

25 champs, produits alimentaires qui avaient été laissés dans les champs par

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1 les Musulmans, dans une période antérieure, après la moisson.

2 Ensuite, ils ont saisi ma voiture -c'était la seule voiture qui

3 existait encore dans le village- et une voiture officielle. Cette voiture

4 a été prise par la police du HVO qui m'a promis un reçu, mais à ce jour je

5 n'ai eu aucun reçu ni la moindre compensation financière pour cette

6 voiture qui ne m'a pas non plus été restituée.

7 Ces événements ont provoqué une très grande panique dans mon

8 village. Il y a eu aussi le viol d'une jeune fille de 19 ans, au début du

9 mois d’août 1992 en soirée. Deux soldats du HVO sont arrivés...

10 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, je voudrais une

11 correction avant que vous entamiez cette partie de votre narration. Le

12 compte rendu indique la date du mois d’août 1992.

13 M. Djozic (interprétation). - Non, 1993, excusez-moi, le viol

14 est survenu au début du mois d’août 1993.

15 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi de vous avoir

16 interrompu, mais j'avais besoin de cette correction. Pouvez-vous

17 poursuivre votre récit, monsieur Djozic ?

18 M. Djozic (interprétation). - Trois soldats du HVO sont arrivés

19 dans une maison et se sont opposés, d'une façon très violente, à la mère

20 de cette jeune fille qui a essayé de résister, ainsi qu’à la soeur de

21 cette jeune fille qui, elle, avait 14 ans. Les deux femmes ont été

22 enfermées dans la maison. La jeune fille de 19 ans a été emmenée dans une

23 autre maison musulmane qui se trouvait à 300 mètres environ de la première

24 maison. Après trois heures, les deux jeunes filles sont revenues : la

25 jeune fille la plus âgée avait été violée, l'autre non. Deux soldats ont

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1 participé au viol, le troisième non.

2 Le lendemain matin, la mère s’est rendue à la police et les

3 policiers ont déclaré que l’auteur de l'acte avait été arrêté et que des

4 sanctions avaient été décidées à son encontre. Mais nous ne savons pas si

5 cela est vrai. Cet événement a tout particulièrement semé la terreur parmi

6 les jeunes filles et les jeunes femmes, de sorte qu'après cet événement

7 pas une jeune fille et pas une jeune femme n'osait dormir chez elle, mais

8 en général les jeunes femmes se rendaient dans les champs de maïs, qui

9 étaient très hauts à l'époque, ou bien elles dormaient dans les étables ou

10 dans la forêt.

11 Cette situation s'est poursuivie jusqu'à l'échange des habitants

12 musulmans contre des Croates sur le territoire de Lepenice. A ce moment-

13 là, nous sommes parvenus à transférer pratiquement toutes les jeunes

14 filles -je dis bien pratiquement toutes- ainsi qu'un certain nombre de

15 personnes âgées sur le territoire libre dépendant de l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine, dans le cadre d'un accord.

17 Mais les pressions ont continué, les expulsions des Musulmans

18 ont continué et les habitants musulmans se sont retrouvés sur un

19 territoire qui était de plus en plus réduit, dans des conditions de vie

20 qui étaient tout à fait insupportables. L'événement qui a eu lieu au début

21 du mois de septembre a aussi choqué les habitants musulmans, à savoir

22 qu'un soir, aux alentours de 23 heures, j'ai entendu des cris, du bruit

23 dans une maison qui se trouvait à 150 mètres de celle dans laquelle

24 j'habitais moi-même. La nuit était tombée, nous n'avions pas le courage de

25 nous déplacer, nous avions peur.

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1 Le lendemain, j'ai appris qu'une jeune femme avait été violée en

2 présence de son beau-père qui, lui, avait été passé à tabac, et une croix

3 lui avait été gravée sur le front. Cette jeune femme a été violée en

4 présence également de son fils de 5 ans par trois soldats du HVO qui

5 venaient de Travnik.

6 Une femme a porté plainte le lendemain matin contre ce qui

7 s'était passé cette nuit-là, et la plainte a été déposée à la Forpronu

8 qui, elle-même, a porté plainte devant le HVO. Un responsable de la police

9 est arrivé chez moi avec à la main la plainte que la Forpronu avait remise

10 au HVO, et ce policier m'a demandé si les événements s’étaient réellement

11 produits. J'ai répondu par la vérité, par l'affirmative, et à cette

12 occasion il a été décidé qu'un barrage de police serait créé à l'entrée du

13 village et que les policiers du HVO allaient désormais protéger les

14 Musulmans qui habitaient dans mon village.

15 Il y a un point que j'aimerais ajouter, à savoir que ce barrage

16 de police avait déjà été créé une fois après le premier viol. Il est resté

17 sur place pendant quelques jours avant d'être supprimé.

18 Cette deuxième fois, nous attendions la création du barrage de

19 police à l'entrée de notre village, mais des policiers du HVO sont arrivés

20 avec un autobus et un minibus et ils nous ont donné l'ordre d'emballer les

21 affaires les plus urgentes en quinze minutes et de nous approcher de ces

22 véhicules. Nous avons obéi aux ordres qui nous avaient été donnés et ce

23 jour-là, près d'une centaine d'habitants musulmans qui étaient encore dans

24 notre village ont été transférés. Nous sortions donc des maisons qui

25 n'avaient pas encore été saisies et dans lesquelles nous habitions encore.

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1 Dès notre sortie, des familles des membres du HVO y pénétraient. Dans la

2 maison où j'habitais moi-même, un homme du nom de Branko y réside. Il

3 venait de Fojnica.

4 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous poser quelques

5 questions supplémentaires pour éclaircir davantage les événements qui se

6 sont déroulés dans la période dont nous venons de parler. Lorsque vous

7 êtes revenu du bâtiment municipal, après votre emprisonnement dans ce

8 bâtiment, votre épouse et d'autres femmes du village vous ont-elles

9 informé du fait que des soldats du HVO leur avaient volé des bijoux ?

10 Pouvez-vous dire aux Juges ce que ces femmes vous ont dit ?

11 M. Djozic (interprétation). - Oui, mon épouse m'a dit que

12 pendant mon emprisonnement dans le bâtiment municipal, elle et les autres

13 femmes se trouvaient dans le garage d'un voisin, dans la maison en face de

14 la nôtre et que deux soldats du HVO sont arrivés pendant qu'elles se

15 trouvaient dans cette maison et ont exigé qu'elles leur remettent tout

16 l’or qu'elles avaient sur elles. Ma femme a remis ce jour-là une bague en

17 or, un bracelet et un collier et les autres femmes ont également remis

18 tous les bijoux qu'elles portaient sur elles. Il arrivait fréquemment que

19 des bijoux ou de l'argent soient saisis dès lors qu'il était connu que

20 telle ou telle personne possédait cet argent.

21 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi une seconde... Vous avez

22 dit que des bijoux avaient été saisis. Ils n'ont donc pas été volés,

23 c'était un acte pratiquement officiel, quelqu'un est arrivé et a pris ces

24 bijoux tout à fait ouvertement ou bien est-ce qu'ils ont été volés la nuit

25 ou en cachette ?

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1 M. Djozic (interprétation). - Non non, c'est pendant la journée

2 qu'un soldat ou deux soldats arrivent près de vous et vous donnent l'ordre

3 de remettre les bijoux ou l'argent que vous avez sur vous.

4 M. Riad (interprétation). - C'était donc un acte pratiquement

5 officiel ?

6 M. Djozic (interprétation). - Je ne vois pas ce que vous

7 entendez par officiel.

8 M. Riad (interprétation). - Ce n'est pas quelqu'un qui vient

9 vous voler ?

10 M. Djozic (interprétation). - Je comprends...

11 M. Riad (interprétation). - C'était un acte commis au nom de la

12 loi ?

13 M. Djozic (interprétation). - Oui, mais celui qui agit au nom de

14 la loi doit vous remettre un papier, un reçu qui le confirme or aucun

15 d'entre nous n'a jamais reçu le moindre reçu ou la moindre compensation,

16 le moindre certificat.

17 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

18 M. Harmon (interprétation). - Pour clarifier un peu la teneur de

19 votre déposition au sujet du viol des deux jeunes femmes qui faisaient

20 partie de votre Dzemat, ces deux jeunes femmes étaient-elles Musulmanes ?

21 M. Djozic (interprétation). - Oui

22 M. Harmon (interprétation). - Cela s'est-il passé un jour où

23 deux soldats serbes sont venus dans votre village et pouvez-vous d'écrire

24 aux Juges les circonstances dans lesquelles cela s'est passé ?

25 M. Djozic (interprétation). - Oui, un jour dans la matinée, je

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1 suis sorti devant la maison et j'ai eu la surprise de voir deux soldats

2 serbes qui portaient le couvre-chef spécifique et la cocarde qui sont les

3 insignes de l'armée serbe de Bosnie. Ils ont demandé à une femme du

4 village si quelqu'un avait des moutons parce qu'ils voulaient en acheter.

5 Ma voisine Mustafa a dit qu'elle connaissait quelqu'un. Nous avons donc

6 été très surpris de voir des membres de l'armée serbe dans notre Dzemat.

7 Bien entendu nous leur avons dit où se trouvait la femme qu'ils

8 cherchaient, et apparemment ils ont pris six moutons à cette femme qu'ils

9 ont payé un prix minimal.

10 M. Harmon (interprétation). - Vous avez également parlé

11 d'expulsions pendant cette période, expulsions visant des Musulmans.

12 Pouvez-vous dire aux Juges qui expulsait les Musulmans de chez eux ?

13 M. Djozic (interprétation). - Les expulsions n'ont jamais cessé

14 entre le mois d'avril et le mois de septembre 1993, et bien entendu ce

15 sont les membres de l'armée du HVO qui expulsaient les gens. Ils

16 arrivaient tout simplement à la porte d'une maison et disaient au

17 propriétaire de la maison qu'il avait un temps déterminé pour rassembler

18 les objets les plus urgents.

19 M. Harmon (interprétation). - Je n'entends pas l'interprétation

20 en anglais, Monsieur le Président, et la sténotypiste non plus.

21 Monsieur Djozic, pourriez-vous reprendre votre réponse depuis le

22 début car elle n'a pas été enregistrée ? Elle n'est pas apparue à l'écran.

23 M. Djozic (interprétation). - Oui. Les expulsions visant des

24 Musulmans qui étaient chassés de leur lieu d'habitation n'ont pas cessé

25 entre avril et septembre 1993. Ce qui se passait le plus souvent, c'est

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1 que des soldats du HVO arrivaient ; ils disaient au propriétaire de la

2 maison qu'il avait une période déterminée pour rassembler les objets les

3 plus nécessaires et quitter le bâtiment dans lequel les soldats

4 souhaitaient pénétrer. Ces expulsions se passaient quelquefois de façon

5 violente, quelquefois non. Quelquefois, un délai plus important était

6 accordé aux gens qui pouvaient rassembler davantage d'objets.

7 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges les

8 événements que vous avez vécus au moment où vous exerciez les droits

9 d'inhumation religieuse, dans l'intérêt d'un certain nombre de citoyens

10 décédés de votre communauté ?

11 M. Djozic (interprétation). - J’ai déjà parlé de Rasim Bulut qui

12 s’est fait tuer alors qu'il creusait des tranchées. Le cimetière dans

13 lequel nous enterrons nos morts se trouve près de la route Sarajevo /

14 Kiseljak et les soldats dans leur voiture, s'ils passaient par la route,

15 proféraient des mots insultants « balija, Turc » ou autres insultes, et à

16 ce moment-là, des maisons qui se trouvaient au voisinage du cimetière

17 sortaient le son de musique dont le volume était mis au maximum. Cela nous

18 déplaisait considérablement. La maison en question était celle dans

19 laquelle vivait Firga et son groupe. La maison d'Emeko Kasinj.

20 M. Harmon (interprétation). - Suite aux événements du

21 9 septembre, lorsque les autobus sont arrivés dans votre village et vous

22 ont emmenés, vous-même, les autres familles et les autres musulmans, est-

23 ce que des Musulmans sont restés dans votre village ?

24 M. Djozic (interprétation). - Après cette date, il n'y a plus eu

25 un seul Musulman dans mon village, et à partir du lendemain il n'y a plus

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1 eu un seul Musulman dans la municipalité de Kiseljak, à part les Musulmans

2 qui se trouvaient dans le camp de Rotilj.

3 Autrement dit, tous les Musulmans de la municipalité de Kiseljak

4 ont été regroupés en un seul et unique endroit.

5 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté à

6 Rotilj ?

7 M. Djozic (interprétation). - Je resté environ un mois et demi à

8 Rotilj.

9 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

10 d'autres questions. Je suis arrivé au terme de mon interrogatoire

11 principal. Monsieur Djozic, merci beaucoup.

12 M. Djozic (interprétation). - Je vous en prie.

13 M. le Président. - Merci Maître Harmon. De gros efforts ont été

14 faits dans la présentation du sommaire des questions et j'espère que vous

15 avez pu en même temps poser toutes les questions que vous vouliez poser

16 pour mener votre interrogatoire.

17 A présent, Monsieur l'imam, vous allez donc recevoir des

18 questions de Maître Nobilo, qui est l'un des deux défenseurs de l'accusé.

19 Maître Nobilo ?

20 M. Nobilo (interprétation). - Merci monsieur le Président.

21 Bonjour Monsieur Djozic, vous avez déjà entendu dire qu'avec

22 Maître Hayman, je suis du côté de la défense du général Blaskic. Par

23 conséquent, si vous le permettez, je vais apporter quelques

24 éclaircissements sur des événements dont vous avez parlé. Vous avez parlé

25 de votre Dzemat, vous avez dessiné également quelle était cette région, si

Page 9003

1 vous êtes d'accord pour que cela puisse rentrer dans le compte-rendu, que

2 votre Dzemat entoure l'axe principal autour de Kiseljak ?

3 M. Djozic (interprétation). - Oui,. Kiseljak et Sarajevo. C'est

4 donc la route principale menant de Kiseljak à Sarajevo.

5 M. Nobilo (interprétation). - En avril donc, quand il y avait la

6 première attaque...

7 M. Djozic (interprétation). - C’était le mois de juillet et pas

8 le mois d'avril.

9 M. Nobilo (interprétation). - Au mois de juillet, avant le mois

10 de juillet 1992, avant que vous ne partiez, quelles étaient les relations

11 entre les Croates et les Musulmans au sein de la Défense territoriale ?

12 Est-ce que les relations étaient correctes et bonnes ?

13 M. Djozic (interprétation). - Elles étaient bonnes, avant mon

14 départ du mois de juillet.

15 M. Nobilo (interprétation). - Vous êtes donc parti en juillet.

16 Ensuite, il y a eu un conflit armé dans votre Dzemat. Vous n'étiez pas

17 présent, mais vous avez entendu parler de ce qui s'était passé par des

18 paysans et vous nous en avez parlé. Pouvez-vous nous dire quelle était la

19 raison principale pour que cet incident et ce conflit armé se produisent

20 justement dans votre Dzemat ?

21 M. Djozic (interprétation). - Une barricade avait été montée.

22 M. Nobilo (interprétation). - Qui avait posé la barricade ?

23 M. Djozic (interprétation). - C'étaient les Musulmans qui

24 l'avaient montée. J'avais su qu'elle avait été enlevée. Il y avait les

25 représentants des Musulmans et des Croates et le barrage a été enlevé.

Page 9004

1 C'est comme cela qu'on m'avait précisé par la suite que l'attaque, par

2 conséquent, était survenue après que le barrage soit enlevé. Je ne peux

3 pas en dire plus.

4 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que c'étaient les

5 Musulmans qui avaient monté le barrage. D’après vous, était-ce les membres

6 de la Défense territoriale ?

7 Savez-vous que ce barrage qui avait donc rompu, barré cette

8 route, cet axe principal était protégé par des personnes armées ?

9 M. Djozic (interprétation). - On m'avait dit que le barrage

10 avait été enlevé.

11 M. Nobilo (interprétation). - Mais avant qu'il ne soit enlevé,

12 il était gardé ?

13 M. Djozic (interprétation). - Avant l'attaque, on m'avait bien

14 précisé qu'il avait été enlevé avant l'attaque.

15 M. Nobilo (interprétation). - On vous demande : avant qu'elle

16 soit enlevée, combien de personnes armées se trouvaient autour du barrage,

17 et en gros dans le Dzemat ?

18 M. Djozic (interprétation). - Je ne suis pas au courant, je ne

19 sais pas, je n'ai pas entendu parler de cela.

20 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous que pendant que

21 l'attaque a eu lieu, Sined Pasic, commandant principal de Kiseljak, était

22 à Topole et donc avait dans votre région le siège de son commandement ?

23 M. Djozic (interprétation). - J'ai dit que je ne m’étais pas

24 intéressé à ce sujet. Par conséquent, je ne peux pas parler de cette

25 question.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Au moment où vous avez répondu à

2 l'interrogatoire principal, vous avez parlé des dommages sur les maisons,

3 des balles qui ont endommagé les maisons de façon différente. Avez-vous

4 entendu dire que des personnes s'étaient rendu sur place pour poser les

5 grenades et faire exploser les maisons ?

6 M. Djozic (interprétation). - D'après ce qu'on m'a dit, c'était

7 d'abord le pilonnage. Il y a eu également beaucoup d'obus jetés. Les

8 étables également ont été détruites. Il y avait également des balles, dont

9 j’ai vu les traces sur la façade de ma propre maison, qui incendiaient les

10 maisons. C’étaient des munitions incendiaires, en tout cas pour ce que

11 j’ai pu voir.

12 M. Nobilo (interprétation). - Donc les maisons musulmanes ont

13 été détruites. Qu'est ce que vous avez dit.

14 Il ne faut pas parler trop vite à cause des interprètes.

15 Vous a-t-on précisé qui se trouvait dans les villages croates à

16 cette époque ? Etait-ce le HVO ?

17 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas.

18 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous où était la ligne de

19 front ? quelle était la région ?

20 M. Djozic (interprétation). - Non, je ne sais pas

21 M. Nobilo (interprétation). - Vous ne savez pas ? Vous avez dit

22 qu'il y avait une police de réserve. Savez-vous qu'à Duhri il y avait

23 41 soldats ?

24 M. Djozic (interprétation). - Les soldats qui se trouvaient à

25 Duhri étaient sur la ligne de front et ils étaient à Kocjene, ils

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1 rentraient tout simplement à la maison au moment où ils n'étaient pas dans

2 l'équipe qui creusait les tranchées.

3 M. le Président. - Quand vous répondez, faites face aux Juges

4 s'il vous plaît.

5 M. Djozic (interprétation). - Excusez-moi, monsieur le

6 Président.

7 M. Nobilo (interprétation). - Indépendamment du lieu où ils se

8 trouvaient, êtes-vous d'accord que 41 soldats de l'armée bosniaque se

9 trouvaient sur place et qu'ils provenaient de Duhri ?

10 M. Djozic (interprétation). - Je ne le sais pas.

11 M. Nobilo (interprétation). - Lors de cette première attaque, en

12 août 1992, les Musulmans sont-ils partis tout de suite ou bien sont-ils

13 restés dans les villages et ils ont donc continué à vivre dans votre

14 Dzemat ?

15 M. Djozic (interprétation). - J'ai entendu dire qu'ils sont

16 partis pour deux ou trois jours et que par la suite, ils sont retournés

17 dans le village et ils ont continué à vivre normalement.

18 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de votre interrogatoire

19 principal, vous avez dit qu'en novembre 1992 et jusqu'en avril 1993, on

20 vivait normalement sauf quelques incidents dans les points de contrôle,

21 dont vous avez parlé. Est-ce vrai s'il vous plaît ? Ai-je bien retenu ?

22 M. Djozic (interprétation). - A ma connaissance, c'est vrai.

23 M. Nobilo (interprétation). - Est-il vrai que j'ai trouvé dans

24 votre déposition initiale que les premiers pillages qui se passaient au

25 niveau des points de contrôle ont été commis par les Maturice ? C'est le

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1 surnom de ces unités qui étaient des extrémistes ?

2 M. Djozic (interprétation). - Non, mais j'ai parlé des pillages

3 dans le village.

4 M. Nobilo (interprétation). - Mais en ce qui concerne les

5 pillages dans votre village, c'était donc fait effectivement par les

6 Maturice ?

7 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi, quelle page ?

8 M. Nobilo (interprétation). - C'est la page n° 3 de la

9 déposition.

10 M. le Président. - C'est dans le cadre de l'interrogatoire, je

11 serais très ferme sur la question. Je ne me souviens pas qu'on est parlé

12 de cela dans l'interrogatoire. Maître M. Harmon, a-t-on parlé de cela dans

13 l'interrogatoire principal ?

14 M. Harmon (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

15 M. Nobilo (interprétation). - Le témoin a parlé de cet

16 événement, je le répète, lors de l'interrogatoire principal, il n'a pas

17 parlé de l'unité. La question est de savoir s'il c'est vrai et qu'elle

18 était l'unité qui l'a commis.

19 M. le Président. - Très bien.

20 M. Nobilo (interprétation). - A ce moment-là, en avril, quand

21 l'attaque a eu lieu sur le village, entre avril et novembre, a-t-on

22 enregistré que des unités militaires ont attaqué un village ou l'autre

23 comme c'était le cas de Kiseljak par exemple ?

24 M. Djozic (interprétation). - Non, je ne connais pas.

25 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit également que le

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1 18 avril, les villages ont été attaqués, une panique s'est emparée de la

2 population et que les gens ont commencé à partir du village ? Pourriez-

3 vous me préciser combien de personne étaient parties avant l'expulsion

4 faite par les soldats dont on a parlé ? Combien sont partis comme cela

5 volontairement ?

6 M. Djozic (interprétation). - Je ne peux pas dire effectivement

7 que beaucoup de personnes sont parties tout de suite, mais une fois que

8 les réfugiés, des Croates de Fojnica sont arrivés, à ce moment-là ce

9 n'était plus volontaire, il y avait donc des expulsions carrément. Par

10 conséquent jusqu'en juin, 300 personnes qui sont partis du village et j'ai

11 bien parlé de 300.

12 M. Nobilo (interprétation). - Donc tous compris ?

13 M. Djozic (interprétation). - Oui.

14 M. Nobilo (interprétation). - J'ai bien compris mais j'aimerais

15 bien que vous me disiez combien de gens sont partis tout simplement parce

16 qu'ils voulaient partir et combien ont été expulsés ?

17 M. Djozic (interprétation). - Je ne peux pas vous donner

18 exactement les chiffres.

19 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant la question que je me

20 pose : c'était véritablement des Croates qui venaient de Fojnica ou de

21 Kakanj, de Vares ?

22 M. Djozic (interprétation). - Il y avait des gens qui venaient

23 de Fojnica, ensuite de Kakanj, ensuite les soldats que nous avons appelé

24 Travnicari sont arrivés en passant par le territoire des Chetniks, nous

25 les avons vus arriver en bus. Un Croate nous a prévenus : "Surtout faites

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1 attention". Ils sont passés par ce territoire et ils ont commencé à

2 chercher les maisons pour s'installer etc... Trois personnes sont arrivées

3 de Travnik, ont violé la femme dont j'ai parlé. Ils habitaient à une

4 trentaine de mètres à peu près dans une maison dans laquelle ils se sont

5 installés.

6 M. Nobilo (interprétation). - Pouvons-nous dire que tous ceux

7 qui sont arrivés dans votre village pour expulser les gens du village

8 étaient de Fojnica, de Vares et de Travnik, c'étaient les Croates qui sont

9 venus de l'extérieur et ce n'étaient pas les Croates voisins ?

10 M. Djozic (interprétation). - Pourquoi vous les voulez que les

11 Croates de chez nous nous expulsent car eux-mêmes avaient leur propre

12 maison ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que ma conclusion est

14 exacte ? Ce n'était pas les voisins qui vous ont expulsés mais d'autres

15 qui étaient donc arrivés de l'autre côté ?

16 M. Djozic (interprétation). - En ce qui nous concerne, c'était

17 donc les personnes qui étaient des membres du HVO, par conséquent ce sont

18 les autorités qui devaient nous protéger.

19 M. Nobilo (interprétation). - Je vous comprends M. Djozic, que

20 des choses vous paraissent importantes mais il y a des choses qui sont

21 importantes pour moi également et donc je vous demande de bien vouloir me

22 donner la réponse exacte. Est-ce que ce sont les gens qui sont arrivés de

23 loin qui ont expulsé les Musulmans ?

24 M. Djozic (interprétation). - Oui.

25 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que dans la plupart des

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1 cas, quand les soldats expulsaient les Musulmans, la famille croate se

2 tenait à côté et rentrait tout de suite ?

3 M. Djozic (interprétation). - Des expulsions se faisaient de

4 manière différente. Des soldats entraient dans ces maisons pour en

5 expulser la population musulmane. Leurs familles s'emparaient des maisons.

6 Mais les cas étaient différents.

7 M. Nobilo (interprétation). - En dehors de votre voiture, les

8 soldats du HVO s'emparaient-ils de ces véhicules pour leurs besoins de

9 service ou bien s'appropriaient-ils les voitures pour leurs propres

10 besoins ?

11 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas mais je sais qu'ils

12 ne nous ont pas donné de certificats, d'attestations ou de reçus. Bref, je

13 ne sais pas pourquoi ils les ont pris et pourquoi ils les ont utilisés.

14 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez été libéré en avril.

15 Est-il vrai que le curé croate vous a protégés ?

16 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas. Je sais qu'il nous

17 avait promis de nous protéger et d'intervenir.

18 M. Nobilo (interprétation). - Il vous a donc promis

19 d'intervenir. Combien de temps après que vous soyez sorti ?

20 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas combien de temps

21 mais je sais que ce n'était pas long et que je suis sorti relativement

22 vite.

23 M. Nobilo (interprétation). - S'agit-il du curé Ferven Frabozo ?

24 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas exactement comment

25 il s'appelait, mais je sais effectivement que c'était quelqu'un qui était

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1 un des principaux (..?) et il a promis de nous laisser partir.

2 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce qu'au moment où vous avez

3 été libéré, un policier croate ou plusieurs policiers croates vous ont dit

4 qu'il fallait faire attention parce que, sinon, il y avait des extrémistes

5 croates qui voulaient en quelque sorte vous protéger ? (..?)

6 M. Djozic (interprétation). - Oui, il me l'a dit.

7 M. Nobilo (interprétation). - Il y a eu un deuxième viol. Les

8 personnes ont donc été emprisonnées. Pouvez-vous me dire si des sanctions

9 ont été prises par la suite ?

10 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas parce que ma

11 famille a été transférée vers une autre région, vers une autre ville. Je

12 sais tout simplement que les trois soldats croates ont également commis à

13 Rotilj, par la suite, des viols sur des femmes de 35 ans qui n'avaient

14 jamais été mariées, qui étaient vierges. Cette fille de 35 ans a donc été

15 cachée et ils n'ont pas pu la trouver mais, quand ils l'ont trouvée, ils

16 l'ont violée. Je l'ai appris ultérieurement.

17 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit qu'après le deuxième

18 viol, on vous avait promis -tout au moins les policiers- qu'ils allaient

19 mettre sur place un point de contrôle. Est-il vrai que vous-même ainsi que

20 les villageois avez demandé à la police croate de monter ce point de

21 contrôle ?

22 M. Djozic (interprétation). - Nous avons, bien sûr, demandé

23 qu'ils nous protègent car il y avait eu un point de contrôle après le

24 premier viol et il n'y avait pas eu d'excès à ce moment-là. Ce point de

25 contrôle est resté très peu de temps en place, et c'est pourquoi le

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1 deuxième viol a été commis. Nous avons, une fois de plus, réclamé le point

2 de contrôle. Ils nous ont donc promis de reprendre les mesures de

3 protection, etc.

4 M. Nobilo (interprétation). - Pouvons-nous conclure que, pour

5 vous, le fait même que le contrôle existait était une plus grande

6 sécurité ?

7 M. Djozic (interprétation). - Certainement, c'était une plus

8 grande sécurité pour nous.

9 M. Nobilo (interprétation). - Il y avait un point de contrôle

10 dans votre village. Si ce point de contrôle avait été placé dans votre

11 village, auriez-vous cru que la protection ne constituait qu'un camp de

12 concentration, que vous étiez encerclés, etc. ?

13 M. Djozic (interprétation). - Nous étions quelque peu dans un

14 camp de concentration et on ne pouvait même pas sortir parce que nous

15 étions véritablement menacés. On ne pouvait même pas sortir du village

16 entre avril 1993 et la date dont je vous ai parlé. On ne pouvait pas

17 quitter Kiseljak de manière régulière depuis le mois d'avril 1993. Les

18 Musulmans ont été pratiquement emprisonnés dans la municipalité de

19 Kiseljak et ils ne pouvaient pas quitter le territoire normalement comme

20 ils le voulaient. Ils devaient avoir des autorisations ou bien ils avaient

21 des relations. Ou alors ils risquaient également de passer la ligne de

22 front. Il y avait encore un certain nombre de sentiers qu'on connaissait,

23 etc..

24 Par conséquent, les Musulmans étaient encerclés et ne pouvaient

25 pas régulièrement se déplacer où ils le souhaitaient. C'était clair.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvons-nous conclure de ce que

2 vous venez de dire que les autorités du HVO ne permettaient pas que les

3 Musulmans quittent la municipalité de Kiseljak ?

4 M. Djozic (interprétation). - Ils pouvaient uniquement le faire

5 avec des autorisations toutes particulières.

6 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne les soldats

7 dont vous avez entendu dire qu'ils étaient emprisonnés, etc., étaient-ils

8 saouls ou pas ?

9 M. Djozic (interprétation). - Je ne sais pas vraiment s'ils

10 avaient été emprisonnés, s'ils avaient été sanctionnés... Je n'ai jamais

11 entendu parler de ces soldats.

12 M. Nobilo (interprétation). - Je reviens à la page 4, le

13 paragraphe n° 2, à l'avant-dernière ligne, il est marqué que vous avez été

14 informé qu'il s'agissait de soldats qui étaient saouls.

15 M. Djozic (interprétation). - Peut-être.

16 M. Nobilo (interprétation). - Comment cela se passait-il avec

17 l'alimentation quand vous êtes arrivé à Rotilj ? Y avait-il suffisamment

18 de vivres ou pas ?

19 M. Djozic (interprétation). - En gros, oui. C'était l'automne et

20 les gens avaient suffisamment de blé, suffisamment de pommes de terre.

21 Nous savons ce qu'est la guerre, par conséquent nous savons ce dont nous

22 avons besoin durant la guerre.

23 M. Nobilo (interprétation). - Fra Bozo est-il venu au nom de

24 Caritas pour vous apporter des vivres, faire des consultations, vous

25 apporter une aide médicale ?

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1 M. Djozic (interprétation). - Pour avoir une consultation, il

2 fallait prévenir. Il fallait obtenir des autorisations dans ce cas.

3 Malheureusement, une fois, une Musulmane âgée, qui était en uniforme

4 traditionnel musulman, a été passée à tabac.

5 M. Nobilo (interprétation). - Je vous ai posé la question de

6 savoir si Fra Bozo vous a apporté de la nourriture. Il paraît que ce n'est

7 pas apparu dans le compte-rendu.

8 M. Djozic (interprétation). - Fra Bozo avait effectivement

9 apporté deux camions de nourriture au nom de Caritas qu'il avait distribué

10 aux villageois.

11 M. Nobilo (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté à

12 Rotilj ?

13 M. Djozic (interprétation). - Un mois et demi.

14 M. Nobilo (interprétation). - Vous déplaciez-vous avec une

15 escorte ou tout seul ?

16 M. Djozic (interprétation). - Seul.

17 M. Nobilo (interprétation). - Les gens pouvaient-ils se déplacer

18 pour aller au marché, dans les boutiques, etc. ?

19 M. Djozic (interprétation). - Oui, mais c'était risqué.

20 M. Nobilo (interprétation). - Puis-je en conclure qu'il y avait

21 un peu plus de sécurité à Rotilj qu'en dehors de Rotilj ?

22 M. Djozic (interprétation). - En ce qui concerne la sécurité,

23 tout est relatif.

24 M. Nobilo (interprétation). - Mais si vous faites la

25 comparaison ? Pourriez-vous être précis, s'il vous plaît... ?

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1 M. Harmon (interprétation). - Excusez-moi,

2 Monsieur le Président, je demande à Maître Nobilo de donner le temps au

3 témoin de répondre avant de poser la question.

4 M. Nobilo (interprétation). - Je vais donc répéter ma question.

5 Je pense effectivement que je n'ai pas fait en sorte que le compte-rendu

6 soit correct.

7 Je répète : vous avez dit que la sécurité en dehors de Rotilj

8 était moindre qu'à Rotilj même.

9 M. Djozic (interprétation). - Oui, on peut le dire.

10 M. Nobilo (interprétation). - Une fois de plus, je vais vous

11 reposer les questions parce que quelques erreurs se sont glissées dans le

12 compte-rendu. La sécurité en dehors de Rotilj était-elle moindre que dans

13 le village de Rotilj lui-même ?

14 M. Djozic (interprétation). - Oui.

15 M. Nobilo (interprétation). - C'est tout, Monsieur le Président.

16 Merci.

17 M. le Président. - Mark Harmon, voulez-vous compléter ?

18 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

19 Monsieur Djozic, Maître Nobilo vient de vous poser la question concernant

20 la sécurité à l'extérieur de Rotilj qui était moindre que dans Rotilj lui-

21 même. Pourriez-vous dire quelle était la réaction des Musulmans qui

22 étaient emprisonnés à Rotilj ? Comment avaient-ils réagi au moment où les

23 membres du HVO se sont rendus à Rotilj en uniforme ?

24 M. Djozic (interprétation). - Tout d'abord, j'avais bien dit que

25 tout ce qui était notion de sécurité était relatif. La panique existait,

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1 la peur s'était emparée des gens. Il suffisait qu'une voiture apparaisse

2 avec les soldats du HVO pour que les Musulmans se retirent dans les

3 maisons ou bien dans la forêt, etc., parce qu'on ne savait absolument pas

4 ce qui pourrait arriver par la suite.

5 M. Harmon (interprétation). - Mais vous parlez des Musulmans

6 dans le village de Rotilj ?

7 M. Djozic (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

9 de question supplémentaire et je vais donc demander au Procureur la pièce

10 à conviction 369, c'est la carte du dzemat et je vais demander qu'on la

11 verse au dossier.

12 M. le Président. - D'accord. Monsieur le Juge Riad ?

13 M. Riad (interprétation). - Bonjour Monsieur l'imam Djozic. Je

14 voudrais d'abord quelques éclaircissements au sujet d'une question qui

15 vous a été posée au cours de l'interrogatoire principal. Vous avez dit que

16 des bijoux étaient saisis par des soldats du HVO et je vous ai demandé si

17 cela se faisait au nom de la loi, vous m'avez répondu que vous ne receviez

18 pas de reçu ni rien de genre et que donc ce n'était pas au nom de la loi.

19 Moi je ne vous demandais pas si c'était légal ou illégal, je voulais dire

20 c'était un acte exécuté au nom de l'autorité et non pas par des gens qui

21 rentrent par la porte de derrière et volent quelque chose en cachette.

22 Alors la même remarque s'applique aux voitures. Est-ce que les voitures

23 étaient prises au nom de la loi par des autorités ou est-ce qu'elles

24 étaient volées par des gens qui se cachaient des autorités ? Est-ce que ma

25 question est claire ?

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1 M. Djozic (interprétation). - Je vais essayer donc de vous

2 donner une réponse plus précise. Tout d'abord, cela se passait au cours de

3 la journée, les soldats du HVO se présentaient tout simplement. Ils

4 étaient armés et il y en avait un ou deux, ils savaient qui étaient les

5 propriétaires de la voiture ou du tracteur, ils demandaient les clefs et

6 puis ils les prenaient. Cela aurait été normal si c'était la mobilisation

7 de tout le matériel technique, c'était de donner des attestations, des

8 certificats, des reçus. Etant donné qu'ils ne l'ont pas fait, que peut-on

9 conclure ? Nous avons vu souvent ces soldats, ces jeunes hommes prendre

10 les voitures et se les approprier, les utiliser pour leurs propres

11 besoins.

12 M. Riad (interprétation). - C'étaient donc des actes commis en

13 privé, mais en plein jour et sans aucune sanction, sans aucune punition de

14 la part des autorités, c'est ce que vous voulez dire ?

15 M. Djozic (interprétation). - Mais nous ne savons rien.

16 M. Riad (interprétation). - Avec le feu vert des autorités ?

17 M. Djozic (interprétation). - Oui.

18 M. Riad (interprétation). - Je vous ai posé la même question au

19 sujet des voitures et des bijoux, mais vous avez répondu au moment des

20 questions au sujet du viol, qu'il a été dit que les auteurs des viols

21 avaient été punis.

22 M. Djozic (interprétation). - On nous l'a dit mais on ne sait

23 pas très bien ce qui s'est passé.

24 M. Riad (interprétation). - Le barrage routier, y a-t-il eu des

25 passages à travers ce barrage ou pas ?

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1 M. Djozic (interprétation). - Il n'avait pas de point de

2 contrôle avant le deuxième viol.

3 M. Riad (interprétation). - Mais cet acte était le fait des

4 soldats du HVO ?

5 M. Djozic (interprétation). - Oui, des soldats du HVO.

6 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que lorsque vous êtes

7 retourné dans le village, vous avez découvert que les bâtiments des

8 Musulmans, les façades étaient endommagées mais que ce n'était pas le cas

9 pour les bâtiments appartenant à des Croates et vous avez également parlé

10 de Zahid et d'autres qui s'étaient faits tuer. Je vous parle maintenant

11 des bâtiments. Est-ce que les bâtiments croates et musulmans étaient

12 situés les uns à côté des autres ou est-ce qu’ils se trouvaient dans des

13 parties distinctes du village ?

14 M. Djozic (interprétation). - A Potkraj, dans un village, les

15 maisons étaient l'une à côté de l'autre. A Topole et Duhri, des quartiers

16 comprenaient uniquement des maisons musulmanes et comme je l'ai précisé

17 également, le village Brnjaci qui appartenait aux Croates continuait vers

18 Sarajevo et se trouvaient à côté de la route.

19 M. Riad (interprétation). - Avez-vous une idée des auteurs de

20 ces actes ?

21 M. Djozic (interprétation). - On m'a dit que c'étaient les

22 soldats du HVO, je dis ce qui m'a été dit et personnellement je ne l'ai

23 pas vu de mes propres yeux, je ne peux pas témoigner des choses que je

24 n'ai pas vues. Je pense que c'est quelqu'un qui la vu de ces propres yeux

25 qui doit en parler.

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1 M. Riad (interprétation). - Vous avez été arrêté et vous avez

2 passé quelques temps en détention en compagnie d'autres personnes. Avez-

3 vous été choisi pour les fonctions que vous exerciez car vous êtes un

4 imam, peut-être avez-vous été considéré comme un membre important de la

5 communauté, ou avez-vous simplement été regroupé avec les autres ? Est-ce

6 qu’ils visaient des personnalités symboliques ?

7 M. Djozic (interprétation). - Si vous avez suivi de près ce que

8 j'ai dit dans ma déposition, j'ai dit que tous ceux qui étaient entre

9 18 ans et 65 ans et en bonne condition physique et mentale étaient

10 regroupés et emprisonnés.

11 M. Riad (interprétation). - Et envoyés également en détention ?

12 Certains d'entre eux ont été passés à tabac. Pourquoi certains ont-ils été

13 passés à tabac, est-ce qu’ils résistaient ? Renvoyaient-ils les coups ou

14 s’agissait-il simplement d'une attitude automatique ? D'un comportement

15 automatique.

16 M. Djozic (interprétation). - Pour ce qui est du passage à tabac

17 dont j'ai parlé, il y avait les deux hommes que nous avons donc pu

18 rencontrer dans les pièces de la caserne qui sont dans notre village mais

19 que nous avons donc vu une fois quand nous sommes arrivés. En ce qui

20 concerne notre groupe, quelques uns ont essayé de se cacher et c'est la

21 raison pour laquelle on les a passés à tabac.

22 M. Riad (interprétation). - J'en arrive à ma dernière question,

23 vous avez dit que deux soldats serbes sont arrivés pour acheter des

24 moutons à bas prix, etc.. Etait-il possible pour des Serbes de venir dans

25 le village, est-ce que le HVO les autorisait à venir ?

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1 M. Djozic (interprétation). - Mais on dirait que oui.

2 M. Riad (interprétation). - Vous ne savez pas comment ils sont

3 arrivés ? Est-ce qu’ils sont arrivés en tant que soldats ?

4 M. Djozic (interprétation). - En qualité de soldats avec des

5 uniformes de camouflage, des bonnets de fourrure, des cocardes dont j'ai

6 parlé, la cocarde est un symbole que portent les Chetniks.

7 M. Riad (interprétation). - Ils ont circulé dans le village sans

8 être arrêtés par le HVO ? En plein jour ?

9 M. Djozic (interprétation). - Oui.

10 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

11 M. le Président. - Merci Monsieur le Juge. Merci Monsieur

12 l'imam, je n'ai pas de questions complémentaires habituelles, compte tenu

13 de tous les dégâts et les dommages qui ont été causés. Cela a dû être une

14 période bien difficile et bien cruelle pour vous.

15 A présent, on va vous raccompagner avant que le Tribunal ne

16 continue ses travaux. Le Tribunal vous dit encore toute sa gratitude.

17 Merci, Monsieur l’Imam.

18 M. Djozic (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le

19 Juge, je tiens à vous remercier de m’avoir écouté. Je vous souhaite du

20 succès dans vos travaux.

21 (Le témoin est raccompagné hors du prétoire)

22 M. le Président - Monsieur le Procureur, où en sommes-nous de

23 nos travaux ? Nous voudrions essayer de terminer vendredi, en fin de

24 matinée, compte tenu de la conférence à huis clos -je ne sais pas comment

25 l’appeler- avec la défense qui ne durera peut-être pas tout l’après-midi.

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1 Où en sommes-nous ? Je n’ai plus fait le décompte, je ne sais pas où nous

2 en sommes.

3 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, il nous

4 reste deux témoins. Je crois que nous pourrons terminer leur audition

5 demain, en tout cas vendredi matin.

6 M. le Président. - Tout le monde est bien fatigué. Nous allons

7 donc faire grâce de dix minutes. Nous reprendrons demain matin à

8 10 heures.

9 Pensez-vous que nous pouvons terminer l’audition de l’un des

10 témoins demain matin et l’autre vendredi matin ? Je ne connais pas les

11 heures que vous avez prévues.

12 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous

13 pourrions même peut-être en finir avec les deux témoins demain, mais en

14 tout cas avec un témoin, c’est sûr.

15 M. le Président. - Monsieur le Greffier, nous avons pris

16 Monsieur l’Imam à 15 Heures 30 pratiquement. Combien cela fait-il pour le

17 Procureur ? Je crois que tout le monde a essayé de synthétiser ce qu'il

18 avait à dire à la suite des observations que j’avais faites, et j'en

19 remercie Maître Nobilo et Maître Harmon. Je crois que cela n’a pas

20 perturbé. La défense ainsi que l’accusation ont pu s’exprimer, de même que

21 les Juges.

22 Combien de temps cela a-t-il pu faire ?

23 M. Dubuisson.- Plus ou moins 1 heure 45.

24 M. le Président - C’est à peu près la moyenne que nous devrions

25 essayer d’observer pour que l’accusation puisse faire son travail, ainsi

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1 que la défense. Nous allons essayer de tenir, sans vouloir vous limiter

2 dans le temps, ce qui n’est pas du tout mon propos. J’espère que vous

3 comprenez quelle est ma préoccupation.

4 Il nous reste donc deux témoins. S’agit-il de témoins protégés,

5 Monsieur Harmon ?

6 M. Harmon (interprétation). - Pour l’un des deux en tout cas,

7 Monsieur le Président, mais je ne sais pas pour le deuxième.

8 M. le Président - Dernière question pratique : Monsieur le

9 Greffier, nous retrouvons-nous dans cette salle demain matin ?

10 M. Dubuisson.- Oui, dans cette salle.

11 M. le Président - Parfait. Nous allons lever l’audience. Nous

12 nous retrouverons demain matin à 10 heures dans cette salle. Merci.

13

14 La séance est levée à 17 heures 40.

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