Page 9223
1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Mercredi 03 juin 1998
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 TIHOMIR BLASKIC
7 L'audience est ouverte à 09 heures 45.
8 M. le Président. - Monsieur l'huissier, vous introduisez
9 l'accusé s'il vous plaît.
10 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)
11 Si j'ai bien compris, nous avons les Juges en civil aujourd'hui.
12 Comme vous le savez et comme nous l'avions annoncé, les circonstances sont
13 exceptionnelles. Le Juge Shahabuddeen est à Arusha.
14 Je proposerais qu'il y ait une requête verbale de la défense,
15 une requête verbale de l'accusation pour essayer de simplifier notre
16 fonctionnement. Je voudrais un accord de l'accusé.
17 Il n'y a pas de transcript, paraît-il. Mes propos n'étaient pas
18 enregistrés. Ils étaient très importants, Monsieur Marc Dubuisson, vous le
19 savez. Dans ces conditions, je vais me tourner vers mon collègue.
20 Nous allons lever cette courte séance. Il n'y a pas que les
21 pilotes d'Air France qui ne marchent pas, il y en a va de même pour le
22 transcript. Très bien. Alors écoutez, nous allons lever, nous retirer et
23 je demanderai qu'on essaie de faire en sorte d'essayer de gagner un peu de
24 temps. Monsieur le Greffier vous nous avertissez dès que le transcript
25 peut fonctionner.
Page 9224
1 Je signale, même si ce n'est pas au transcript, que pour
2 faciliter notre fonctionnement je serais amené à ce que, tout à l'heure,
3 dès que le transcript marchera, la défense me fasse la présentation des
4 circonstances exceptionnelles pour entendre les témoins. Les transcripts
5 seront rapportés au Juge Shahabuddeen. Bien entendu, l'accusé me
6 confirmera son accord. En attendant nous levons, j'espère pour peu de
7 temps, notre audience.
8 L'audience, suspendue à 9 heures 50, est reprise à 9 heures 55.
9 M. le Président. - Je me tourne vers la défense. Maître Hayman,
10 êtes-vous d'accord pour procéder de cette façon dans le cadre de
11 l'article 71 ?
12 M. Hayman (interprétation). - Oui Monsieur le Président.
13 Bonjour, Monsieur le Président, bonjour Monsieur le Juge.
14 Nous pensons que nous pourrons utiliser le temps qui nous est
15 donné cette semaine malgré l'absence du Juge Shahabuddeen, malgré tout ce
16 que cela peut entraîner de difficultés. Par conséquent nous demandons de
17 procéder, cette semaine, par dépositions en vertu des articles pertinents
18 du Statut et du Règlement de ce Tribunal.
19 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Je vous remercie de
20 contribuer ainsi à l'accélération du procès. Monsieur le Procureur nous
21 sommes dans les mêmes conditions ?
22 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
23 L'accusation est d'accord avec la proposition et nous souhaitons suivre
24 les arguments présentés par la défense.
25 M. le Président. - Général Blaskic, vous êtes d'accord ?
Page 9225
1 M. Blaskic (interprétation) - Bonjour, Monsieur le Président. Je
2 soutiens tout ce qui a été dit précédemment par mon conseil et je suis
3 tout à fait d'accord.
4 M. le Président. - Merci. Nous ne rendrons pas de décision
5 formelle comme, d'ailleurs, la dernière fois. Je demande à M. Fourmy et à
6 M. le greffier que tout ceci soit transcrit dans les minutes du Greffe et
7 consigné.
8 Nous pouvons donc continuer. Monsieur Kehoe, témoin suivant.
9 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
10 bonjour Monsieur le juge Riad. Le témoin suivant que l'accusation entend
11 citer à comparaître est le colonel de brigade Alastair Duncan. Au cours du
12 témoignage précédent, vous avez sans doute appris que M. Duncan était à
13 l'époque lieutenant-colonel et qu'il commandait le régiment du Prince-de-
14 Galles du Yorkshire. Il dirigeait le bataillon britannique à Vitez, du
15 11 mai 1993 environ jusqu'à la première semaine de novembre 1993. Le
16 régiment de Yorkshire était le bataillon britannique qui avait remplacé le
17 régiment du Cheshire, régiment qui se trouvait à Vitez au cours des
18 événements du 16 avril 1993.
19 Le colonel de brigade Duncan, qui était à l'époque lieutenant-
20 colonel, a eu un certain nombre de contacts avec l'accusé, le colonel
21 Blaskic. Il parlera notamment des événements qui ont eu lieu en Bosnie
22 centrale lorsqu'il est arrivé sur les lieux. Il parlera tout
23 particulièrement de la zone de Vitez : comment les événements d'Ahmici et
24 de la vallée de la Lasva, en avril 1993, ont modifié le paysage dans toute
25 la vallée de la Lasva. Il nous relatera les conversations, non seulement
Page 9226
1 avec l'accusé M. Blaskic, mais également avec des dirigeants politiques de
2 la communauté croate d'Herceg-Bosna, notamment Dario Kordic et
3 Ante Valenta. Il parlera des conclusions qu'il a tirées après un certain
4 nombre de ces conversations, notamment avec Kordic et avec Valenta, et il
5 parlera également des conclusions tirées de conversations avec l'accusé,
6 lorsque l'accusé Blaskic a exprimé différentes opinions et différentes
7 explications sur ce qui s'était passé dans le cadre de l'attaque lancée
8 contre Ahmici.
9 Monsieur le Président, Monsieur le Juge Riad, ce n'est pas un
10 témoignage qui portera directement sur des événements mais sur un thème
11 général, parce que je crois que M. Duncan a eu la possibilité de parler à
12 une personne qui a eu des contacts avec l'accusé pendant que ces
13 deux personnes se trouvaient sur le terrain. A partir de ces
14 conversations, le colonel de brigade parlera de la façon dont Blaskic
15 commandait les hommes sur le terrain, comment il exerçait ce contrôle et
16 ce commandement, comment il se conduisait en tant qu'homme jouant le rôle
17 d'un commandement militaire, comment il a sanctionné des soldats lorsqu'il
18 l'estimait nécessaire ou lorsqu'il souhaitait le faire. Et, à partir de
19 ces éléments, nous passerons à la description de certains événements comme
20 ceux d'Ahmici ainsi que d'autres.
21 Monsieur Duncan nous exprimera son opinion et ses impressions
22 sur la façon dont l'accusé -un commandant qui avait reçu sa formation de
23 la JNA et qui avait reçu ses diplômes de l'académie militaire de Belgrade-
24 n'a pas rempli ses obligations de commandant.
25 Monsieur Duncan nous parlera également de son expérience et
Page 9227
1 essaiera de nous expliquer pourquoi il estime que M. Blaskic n'a pas
2 rempli ses obligations de commandant. Nous parlons notamment de ses
3 obligations en vertu du droit international. Il dira également que
4 M. Blaskic n'a pas agi au moment où il aurait dû le faire, ce qui prouve
5 qu'il n'a pas rempli ses obligations en tant que commandant.
6 Et M. Duncan a également tiré un certain nombre de conclusions,
7 après cinq ans, sur la nature des événements qui se sont déroulés dans la
8 vallée de la Lasva pendant la période au cours de laquelle le général
9 Blaskic commandait.
10 Pour ce qui est de l'acte d'accusation, et pour nous ramener aux
11 faits dont nous venons de parler, le témoignage est principalement lié
12 avec les paragraphes 3 et 4 de l'acte d'accusation qui sont liés à la
13 description de M. Blaskic, son autorité, ses responsabilités par rapport
14 aux soldats qu'il commandait. Et le témoignage aura trait également à la
15 façon dont il exerçait son commandement sur des questions militaires.
16 C'est surtout sur ce point que va porter le témoignage, comment
17 il exerçait ce commandement, ce qu'il a fait, ce qu'il n'a pas fait, la
18 façon dont il n'a pas respecté ses obligations... Tous ces éléments ont
19 trait, en fait, à tous les chefs d'accusation qui se trouvent dans l'acte
20 d'accusation, parce qu'il y a eu manquement à son obligation de punir,
21 etc. Par conséquent, Monsieur le Président, Monsieur le juge Riad, tout ce
22 que va dire M. Duncan va avoir un effet ou va être lié directement à tous
23 les chefs d'accusation de l'acte d'accusation.
24 C'était donc le résumé du témoignage de M. Duncan.
25 M. le Président. - Bien. Ce témoignage est prévu pour combien de
Page 9228
1 temps à peu près -pour la partie de l'accusation bien entendu ?
2 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien je dirais deux heures,
3 Monsieur le Président, Monsieur le Juge Riad ; peut-être un peu plus. Mais
4 je ne pense pas que cela prendra si longtemps. Nous n'allons pas aborder
5 tous les points qui ont été vécus par le brigadier général, nous allons
6 éviter d'être trop large. C'est pourquoi nous essayons de faire une
7 déposition qui soit basée sur un thème particulier, afin d'aborder
8 différentes questions et afin de permettre au brigadier général d'aborder
9 ces questions factuelles et ses impressions, les impressions qu'il a eues
10 de ces différentes situations.
11 M. le Président. - Je suis très content que vous disiez cela et
12 j'en profite, non seulement pour adhérer à ce que vous venez de dire, mais
13 pour vous y inciter particulièrement. Le procès, je vous le rappelle, a
14 commencé le 23 juin dernier. Nous allons, hélas, bientôt fêter le premier
15 anniversaire de ce procès. Je crois qu'un témoignage doit maintenant être
16 centré sur un ou deux thèmes très précis. Ne faites pas raconter au
17 colonel Duncan comment Ahmici a brûlé. Je crois que les Juges le savent ;
18 ils savent en tout cas qu'Ahmici a brûlé.
19 J'ai bien noté ce que vous avez dit, ce sont les contacts avec
20 l'accusé, c'est la manière dont il exerçait son commandement et, à vos
21 yeux, la façon dont il ne l'a pas exercé -à vos yeux tout au moins bien
22 entendu.
23 Je vous demande donc vraiment de vous concentrer là-dessus. Il
24 n'est pas forcé qu'on ait besoin de deux heures pour faire expliquer à un
25 témoin la manière dont il a pu constater ce que vous voulez au principal
Page 9229
1 montrer aux Juges.
2 Faisons maintenant entrer le colonel Duncan, Monsieur le
3 greffier.
4 C'est brigadier ? Quel est son grade ? Général de brigade ?
5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, il est maintenant brigadier
6 général.
7 M. le Président. - Brigadier général, bien.
8 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
9 M. le Président. - Vous m'entendez, Monsieur le brigadier
10 général ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui.
12 M. le Président. - Pouvez-vous nous indiquer votre grade et,
13 bien sûr, votre nom et votre prénom d'abord.
14 M. Duncan (interprétation). - Je m'appelle Alastair Duncan et je
15 suis brigadier général dans l'armée britannique.
16 M. le Président. - Vous restez debout le temps de lire votre
17 serment que va vous tendre l'huissier.
18 M. Duncan (interprétation). - Merci. Je déclare solennellement
19 que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir.
21 Général, vous êtes venu à la demande de l'accusation dans le
22 cadre du procès devant le Tribunal pénal international intenté contre le
23 général Blaskic, l'accusé ici présent. Nous connaissons le sommaire et les
24 traits généraux de votre témoignage. Nous vous demanderons de vous
25 cantonner, dans votre déposition, à ces traits principaux. Vous n'allez
Page 9230
1 pas nous narrer tout ce que vous avez vu entre mai 1993 et novembre 1993.
2 Le procès a commencé le 23 juin et les juges connaissent un certain nombre
3 de choses.
4 Par contre, votre témoignage aux yeux de l'accusation est
5 important sur un certain nombre de points. Ces points viennent d'être mis
6 au point entre l'accusation et les juges et, en même temps, détermineront
7 la portée du contre-interrogatoire. Merci. Maître Kehoe, c'est à vous.
8 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
9 Bonjour, brigadier général Duncan.
10 M. Duncan (interprétation). - Bonjour.
11 M. Kehoe (interprétation). - Avant de passer à votre témoignage
12 à proprement parler portant sur les événements en Bosnie centrale, pouvez-
13 vous dire aux Juges quelle a été votre carrière, quelles ont été les
14 opérations auxquelles vous avez participé et votre expérience dans
15 l'infanterie.
16 M. Duncan (interprétation). - Merci. Je suis entré dans mon pays
17 et j'ai passé les premiers mois dans mon régiment en Irlande du Nord et
18 j'ai commandé des opérations à Belfast. Ensuite, je suis devenu
19 instructeur pour des jeunes soldats dans les stratégies d'infanterie, puis
20 je suis devenu adjudant.
21 Après cela, je suis rentré dans l'école d'infanterie pendant
22 trois ans où j'étais responsable des tactiques militaires et des
23 procédures de commandement. Après cela, je suis allé dans une école
24 d'état-major et j'ai suivi des cours de stratégie. Je suis retourné
25 ensuite dans un bataillon qui est allé en Irlande du Nord. Là encore, j'ai
Page 9231
1 commandé différentes opérations dont une pendant dix-huit mois.
2 J'ai ensuite été chef d'état-major dans une brigade d'infanterie
3 qui était équipée de bâtiments blindés, mais je m'occupais principalement
4 de tactiques d'infanterie. On m'a demandé de m'occuper des opérations dans
5 le cadre de cette unité ainsi que de l'entraînement. Puis j'ai réintégré
6 l'école d'état-major en tant qu'instructeur. J'étais spécialisé dans les
7 véhicules d'infanterie et les différentes tactiques dans le cadre
8 d'opérations militaires.
9 J'ai dû prendre ensuite le commandement de mon bataillon, à la
10 fois à Belfast pendant six mois, et en Bosnie centrale pour sept mois,
11 en 1993. Après cela, je suis revenu à cette école d'état-major. Là,
12 j'étais responsable de l'instruction sur le commandement et l'éthique dans
13 le cadre d'opérations militaires. J'ai pris le commandement d'une brigade
14 mécanisée d'infanterie, j'y ai passé deux ans, puis j'ai repris le
15 commandement d'une unité pendant cinq mois.
16 Par conséquent, j'ai commandé différentes opérations à
17 différents niveaux : au niveau de la section, de la compagnie, du
18 bataillon, de la brigade... J'ai également été commandant de division. Par
19 conséquent, je me suis spécialisé, dans le cadre de ma carrière, sur
20 différents commandements, sur le type d'obligations que les commandants
21 doivent respecter.
22 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous passer à la période que
23 vous avez passée lorsque vous étiez commandant en Bosnie centrale ? Vous
24 commandiez le régiment du Prince de Galles à ce moment-là, n'est-ce pas ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui.
Page 9232
1 M. Kehoe (interprétation). - Quand cela s’est-il produit
2 exactement ?
3 M. Duncan (interprétation). - Je suis allé sur deux opérations
4 de reconnaissance au début de 1993, d'une semaine à chaque fois, en
5 janvier et février. Ensuite, à partir du 11 mars 1993, j'ai été déployé en
6 Bosnie centrale.
7 M. Kehoe (interprétation). - Le 11 mars ou le 11 mai ?
8 M. Duncan (interprétation). - Non, pardon, le 11 mai... et ce
9 jusqu'au mois de novembre de la même année.
10 M. Kehoe (interprétation). - C'est en 1993 ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui, bien sûr, en 1993.
12 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de cette période, vous
13 avez couvert une zone de quelle ville à quelle ville, à peu près ? Quelle
14 était la zone responsabilité du bataillon britannique ?
15 M. Duncan (interprétation). - Notre but était de disséminer
16 l'aide humanitaire en Bosnie, du nord de la Bosnie jusqu'à Tuzla. Ma zone
17 de responsabilité allait du sud, des lacs de Prozor jusqu'à Gornji Vakuf,
18 Vitez, Zenica et puis jusqu'à Tuzla. J'étais responsable de cet itinéraire
19 qui nous permettait de transporter l'aide humanitaire.
20 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre période, avez-
21 vous eu différentes bases en Bosnie où opérait le bataillon britannique ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui, nous avions deux compagnies
23 mixtes qui se trouvaient à l'école de Vitez, une autre qui se trouvait à
24 Gornji Vakuf et l'autre était à Tuzla.
25 M. Kehoe (interprétation). - Il y avait une séparation physique
Page 9233
1 entre votre compagnie à Tuzla, votre compagnie à Gornji Vakuf et votre
2 quartier général à Vitez, n'est-ce pas ?
3 M. Duncan (interprétation). - Effectivement.
4 M. Kehoe (interprétation). - Mais vous étiez responsable de tous
5 les soldats et des actions des soldats qui se trouvaient dans ces
6 différentes bases ?
7 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était mon bataillon et ce
8 bataillon tombait sous ma responsabilité, c'est normal.
9 M. Kehoe (interprétation). - J'allais vous demander cela. Est-ce
10 une pratique tout à fait courante ?
11 M. Kehoe (interprétation). - Oui, il y a un commandant qui est
12 responsable de toutes les actions de ses soldats, positives ou négatives.
13 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant aux événements
14 qui ont eu lieu au cours de votre opération de sept mois en Bosnie
15 centrale et au cours de votre période de reconnaissance en janvier et en
16 février. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé à ce moment-là ?
17 M. Duncan (interprétation). - Puis-je consulter mes notes
18 personnelles, s'il vous plaît ?
19 M. Kehoe (interprétation). - Ce sont des notes qui n'ont pas été
20 partagées avec l'accusation et, par conséquent, qui ne sont pas soumises
21 aux obligations de communication de déclaration, Monsieur le Président.
22 M. le Président. - Vous consultez des notes pour rafraîchir
23 votre mémoire et vous ne lisez pas un rapport préparé à l'avance ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui, je consulte simplement
25 quelques notes que j'ai prises précédemment.
Page 9234
1 M. le Président. - Je dis cela vis-à-vis de la défense.
2 D'accord, allons-y.
3 M. Duncan (interprétation). - J'ai déjà dit que j'avais
4 participé à deux opérations de reconnaissance au début de 1993, d'une
5 semaine chacune. J'ai pris le commandement du bataillon après le colonel
6 Bob Steward, le 11 mai. J'ai passé une semaine avant cela, du 5 au 11, à
7 rendre visite à différents commandants et à évaluer la situation sur le
8 terrain.
9 J'ai découvert qu'il y avait une transformation de l'atmosphère
10 dans la région depuis mes opérations de reconnaissance et après les
11 événements d'Ahmici. Il y avait maintenant une méfiance, des suspicions en
12 Bosnie centrale. Cette méfiance devait durer pendant les quinze mois et
13 devait sans doute durer après mon départ de Bosnie centrale. Telle était
14 la situation lorsque j'y suis arrivé. Par la suite, l'armée de Bosnie-
15 Herzégovine -donc les forces musulmanes- a fait des progrès tout à fait
16 importants dans les zones contrôlées par les Croates et ceci a eu lieu en
17 mai et en juin. En juillet, le conflit est arrivé à la zone de
18 Gornji Vakuf et des conflits très graves ont eu lieu, ainsi que des
19 affrontements. Mais la situation est devenue relativement stable au cours
20 de la période que j'ai passée sur les lieux. Il y avait un certain nombre
21 de poches croates, notamment aux alentours de Vitez, Busovaca et Kiseljak,
22 la ligne de front se trouvant notamment à Gornji Vakuf. C'est donc la
23 situation qui régnait pendant que j'étais moi-même sur le terrain.
24 Le commandement du HVO, commandement opérationnel était exercé
25 directement de l'hôtel Vitez, et le commandement du troisième corps
Page 9235
1 d'armée de l'armée de Bosnie-Herzégovine était exercé de Zenica, également
2 directement.
3 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre opération, le
4 commandement, exercé à partir de l'hôtel Vitez, était exercé par qui
5 exactement ?
6 M. Duncan (interprétation). - Par le colonel Tihomir Blaskic.
7 M. Keegan (interprétation). - C'est la personne qui se trouve
8 dans le prétoire aujourd'hui ?
9 M. Duncan (interprétation). - Oui effectivement.
10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président,
11 Monsieur le Juge, j'aimerais que le compte-rendu reflète le fait que le
12 témoin a reconnu l'accusé. C'est bien la personne qui se trouve assise à
13 côté du garde, n'est-ce pas ?
14 M. Duncan (interprétation). - Oui
15 M. Kehoe (interprétation). - Et qui exerçait le contrôle du
16 troisième corps de Zenica ?
17 M. Duncan (interprétation). - Hadzihsanovic.
18 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, quelles étaient
19 les forces contrôlées par le général Blaskic lorsque vous êtes arrivé en
20 mai 1993 ?
21 M. Duncan (interprétation). - Le bataillon britannique avait une
22 cellule d'information militaire qui rassemblait des informations que les
23 patrouilles recueillaient également du terrain et des informations émanant
24 des officiers de liaison. Et ceci nous a permis de dessiner une image
25 générale de la structure de commandement du HVO.
Page 9236
1 M. Kehoe (interprétation). - Au cours des événements qui se sont
2 déroulés en été 1993, et d'après les progrès réalisés par l'armée
3 musulmane, y a-t-il eu des transformations dans ce schéma de la structure
4 du commandement et des différentes forces commandées par le
5 général Blaskic ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Au fur et à
7 mesure des progrès réalisés par les forces musulmanes, un certain nombre
8 de changements se sont exprimés. Ces changements ont été enregistrés, nous
9 en avons pris bonne note. Mais je dois dire que les zones commandées et le
10 nombre de soldats commandés étaient également les mêmes, les
11 responsabilités étaient les mêmes.
12 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez parlé d'un ordre de
13 bataille. Qu'est-ce que cet ordre de bataille ?
14 M. Duncan (interprétation). - C'est, en fait, un schéma qu'on
15 peut utiliser et qui nous permet de déterminer qui était le commandant,
16 qui sont les subordonnés et qui sont les liens qui existent entre les deux
17 M. Kehoe (interprétation). - Je vais passer aux deux premières
18 pièces qui sont deux ordres de bataille. Ils ont été préparés par vos
19 subordonnés, n'est-ce pas ?
20 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.
21 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai à passer au premier
22 de ces documents puis au second. Pourrait-on placer ce document sur le
23 rétroprojecteur pour les interprètes, s'il vous plaît ?
24 M. Dubuisson. - Il s'agit des documents 378 et 379.
25 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Brigadier général Duncan, je
Page 9237
1 vous demanderai de regarder la pièce 378, l'ordre de bataille préparé par
2 vos subordonnés. Pouvez-vous nous expliquer, en bref, de quoi il s'agit ?
3 M. Duncan (interprétation). - Il faut mettre l'autre pièce sur
4 le rétroprojecteur ; je crois que c'est celle qui vient en premier.
5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, c'est celle qui n'a pas de X
6 ou de croix.
7 M. Duncan (interprétation). - Ceci a été préparé par mon
8 officier d'information militaire, un capitaine, Simon Harrison. Et en
9 haut, au milieu, on voit : "zone opérationnelle de Bosnie centrale, Vitez-
10 Travnik", le commandant étant Tihomir Blaskic et le commandant adjoint,
11 Franjo Nakic. A gauche, on voit une ligne en pointillés parce que ce n'est
12 pas véritablement un rapport de commandement. On trouve la ligne politique
13 du HDZ. Et, à droite, toujours en pointillés, on voit la commission
14 conjointe qui avait été constituée à Travnik. En dessous, on trouve les
15 unités commandées par le quartier général de Tihomir Blaskic. On voit le
16 premier groupe opérationnel sur la gauche, le deuxième au milieu et le
17 troisième sur la droite. Et, en dessous, on trouve les brigades avec les
18 petites croix.
19 Il s'agit des forces qui sont subordonnées au commandement
20 supérieur. Chaque fois que nous savions où se trouvaient les brigades nous
21 l'indiquions, par exemple la Brigade de Travnik se trouvait à Travnik, une
22 brigade se trouvait à Zenica, une autre à Kiseljak, d'autres à Vares et
23 Kakanj, Sarajevo, Dusan, Zepce, entre autres. On voyait donc ainsi
24 l'étendue couverte par ce commandement et par les unités commandées par le
25 quartier général du général Blaskic.
Page 9238
1 M. Kehoe (interprétation). - Passons à l'autre document, la
2 pièce 379 où certaines croix ont été apposées.
3 M. le Président. - Monsieur Dubuisson ?
4 M. Dubuisson. - Je pense que le document qu'on montre
5 actuellement est le 378.
6 M. Kehoe (interprétation). - Afin d'apporter une précision pour
7 le compte rendu, la pièce 378 est le document qui se trouve actuellement
8 sur le rétroprojecteur et qui comporte des croix. Chronologiquement, ce
9 document vient après le document que nous venons de consulter, à savoir la
10 pièce 379. Peut-être serait il plus simple, Monsieur le Président, de
11 changer les références apportées à ces documents. Nous pourrions appeler
12 le document où il n'y a pas de croix le 378 et le document avec des croix
13 le 379. Je pense que le conseil de la défense n'aura pas d'objection à
14 cette nouvelle numérotation plus simple.
15 M. le Président. - Je vois des croix partout, je m'excuse.
16 M. Kehoe (interprétation). - Si nous fonctionnons
17 chronologiquement, Monsieur le Président, ce sera plus simple pour le
18 compte rendu.
19 M. le Président. - Monsieur le Greffier ?
20 M. Dubuisson. - Il n'y a aucun problème.
21 M. le Président. - Parfait.
22 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, pour ce qui est
23 de la pièce 379...
24 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, il y a beaucoup de
25 croix sur ce document. C'est en fait toute la symbolique militaire qui
Page 9239
1 nous permet de nous souvenir de la taille des unités. Les unités avec des
2 croix sont les petites unités, les autres sont plus importantes.
3 Dans la note en bas de ce document, on voit une référence faite
4 à la date du 14 juin lorsqu'une unité (dans ce cas celle-ci) a cessé
5 d'exister. C'est comme cela que nous arrivions à nous souvenir de
6 l'étendue du commandement au cours de toute la période que j'ai passée en
7 Bosnie.
8 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre témoignage
9 Brigadier général, vous avez dit qu'il y avait certaines poches dans
10 certaines régions qui se sont renforcées en juillet 1993. Il y en avait
11 une notamment à Vitez et à Busovaca, l'autre était constituée par la ville
12 de Kiseljak.
13 M. Duncan (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment-là votre ordre de
15 bataille indique que c'était toujours M. Blaskic qui commandait dans ces
16 zones ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout à fait.
18 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais maintenant vous montrer
19 un article danois qui a été traduit en partie en anglais et en français.
20 C'est une entrevue d'un journaliste danois accordée par l'accusé
21 M. Blaskic. Nous allons utiliser deux parties de cet entretien, Monsieur
22 le Président. Nous voudrions notamment aborder la première partie de cet
23 article, dès que le Brigadier général aura reçu cet article, il pourra
24 nous en dire plus long.
25 M. Dubuisson. - Il s'agit du document 380.
Page 9240
1 M. Kehoe (interprétation). - Concernant le premier paragraphe de
2 la traduction de cet article, Brigadier, pourriez-vous le lire, notamment
3 la question et la réponse qui se trouve au début de la page qui portent
4 sur Fojnica et sur Krecevo ?
5 M. Duncan (interprétation). - Je vais résumer. Il est indiqué :
6 "Krecevo, Kiseljak et une partie de la municipalité de Fojnica, également
7 contrôlés par le HVO, sont également en Bosnie centrale mais ne sont pas
8 liées avec les forces qui sont à Vitez et à Busovaca. Comment tiennent-
9 elles ?" La réponse de M. Blaskic est la suivante : "Il est certain que la
10 volonté et la détermination du peuple croate dans ces zones ont été
11 éveillés très tôt et que par conséquent ces zones ont été défendues. Ce
12 qui est dans la structure de notre seconde zone opérationnelle en Bosnie
13 centrale. Et je parle là de Vares. Les hommes qui sont à Vares travaillent
14 de façon coordonnée et organisée, et cette unité remplit tous les
15 commandements qui sont liés avec la défense de la population sur les
16 territoires croates. Ce n'est pas un facteur décisif parce que nous avons
17 planifié ce genre de choses dans ces zones. Travnik est le premier groupe
18 opérationnel, Kiseljak est le deuxième et Zepce le troisième".
19 M. Kehoe (interprétation). - Où sont toutes ces unités ?
20 M. Duncan (interprétation). - Toutes ces unités se trouvent dans
21 mon commandement et dans le cadre de la chaîne de mon commandement sans
22 aucune interruption.
23 M. Kehoe (interprétation). - Ceci correspond à ce que M. Blaskic
24 vous a dit, notamment qu'il commandait ces différentes zones ?
25 M. Duncan (interprétation). - C'est ce que m'a dit M. Blaskic
Page 9241
1 pendant tout mon séjour en Bosnie centrale. Il a toujours effectivement
2 dit qu'il était le commandant de la zone de responsabilité, dans cette
3 zone.
4 M. Kehoe (interprétation). - Il y a un autre paragraphe,
5 Monsieur le Président, dont nous voudrions parler dans ce même article.
6 Nous ferons traduire l'intégralité de cet article à la fois en français et
7 en anglais, nous n'avons pas eu le temps de le faire. Avec ce témoin,
8 c'était surtout ces deux paragraphes-là qui nous intéressaient.
9 Brigadier général, revenons maintenant à la période que vous
10 avez passée en Bosnie lorsque vous commandiez le régiment du Yorkshire. A
11 partir du mois de mai, au cours de conversations que vous avez eues avec
12 M. Blaskic et des dirigeants politiques, en êtes-vous arrivé à un certain
13 nombre de conclusions sur la nature des projets du HVO dans la zone et si
14 c'est le cas pouvez-vous nous en dire plus ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui. Je me souviens que le 12 mai
16 j'ai parlé longuement avec un homme qui s'appelait Anto Valenta dans son
17 bureau à l'hôtel Vitez. Il était dans le quartier général de la zone de
18 Bosnie centrale à Vitez. Il m'a montré un livre, je ne me souviens plus du
19 titre, mais c'était un petit livre bleu qui avait été écrit par
20 Anto Valenta. Dans ce livre, il y décrivait un processus de déplacement
21 des personnes de différentes origines. Il y disait que ceci était
22 nécessaire afin d'installer une stabilité durable dans le pays. Ce
23 mouvement de personnes devrait être soit délibéré -volontaire donc- ou
24 bien forcé. D'ailleurs, il y est question de l'utilisation éventuelle de
25 l'armée yougoslave afin de parvenir à cet objectif.
Page 9242
1 Par conséquent, je pensais que le déplacement d'individus
2 n'était plus seulement une question civile mais qu'il allait peut-être y
3 avoir recours à la force puisque mention était faite de l'éventualité de
4 l'intervention de l'armée yougoslave.
5 J'ai été un peu surpris de lire cela, parce que c'était à mon
6 avis une opinion, une politique, orientée d'après les différents groupes
7 ethniques. Il fallait réorganiser le pays par la force. J'ai dit à
8 Anto Valenta que je trouvais ce concept détestable et que cela ne pouvait
9 pas correspondre au comportement d'individus dans un pays civilisé.
10 J'ai déclaré que l'Etat ne devait pas se mêler de la liberté des
11 individus d'une façon aussi radicale et d'une façon aussi inacceptable.
12 Rapidement, je me suis rendu compte que c'était la politique
13 d'un homme qui représentait le parti du HDZ et j'ai par conséquent conclu,
14 étant donné qu'il avait pris le temps de m'expliquer cette opinion, qu'en
15 fait il s'agissait d'un des éléments clé du programme de ce parti
16 politique, de l'objectif des Croates dans cette zone particulière qu'il
17 présentait dans son parti politique. Sincèrement, ceci m'a beaucoup
18 préoccupé.
19 Nous avons ensuite parlé de son attitude vis-à-vis de la
20 population musulmane. Il a déclaré que la population musulmane augmentait.
21 Il m'a montré un certain nombre de statistiques afin de me prouver que la
22 population musulmane allait croître alors que les autres groupes
23 ethniques, les Serbes et les Croates, allaient diminuer.
24 Ensuite il m'a donné l'exemple de comportements musulmans qu'il
25 a qualifiés de détestables. Les Musulmans dominaient leur village, à
Page 9243
1 partir de leur mosquée. Ils étaient bruyants, ils priaient de façon
2 bruyante.
3 Nous avons parlé d'une personne en particulier et moi je lui ai
4 posé la question : "Mais qu'en est-il des gens avec lesquels vous avez été
5 à l'école, à l'université, etc. ? Vous avez vécu à côté de ces gens-là et
6 maintenant vous les détestez ?" Il a répondu oui, effectivement c'était
7 son état d'esprit. Ceci m'a également préoccupé.
8 J'ai repensé à une réunion qui s'était tenue à Vitez, à laquelle
9 j'avais participé dans le quartier général de Vitez le 9 mai. C'était ma
10 première réunion au cours de laquelle j'ai rencontré le colonel Blaskic et
11 notamment un homme qui s'appelait Dario Kordic. Au cours de cette réunion,
12 nous avons parlé des événements d'Ahmici. Là, j'ai pensé que c'était la
13 concrétisation de cette politique, la politique de mouvements forcés de
14 certains individus qui m'avait été expliquée par Anto Valenta et
15 maintenant cette politique était mise en place sur le terrain. Les
16 Croates, le HVO, étaient en train de nettoyer des villages et notamment le
17 village d'Ahmici en utilisant la force.
18 C'est pourquoi j'ai dit qu'il y avait ce changement de
19 procédure. Les hostilités qui ont éclaté à ce moment-là, et tout cela,
20 étaient très préoccupant. L'armée s'était déplacée et avait tué des
21 Musulmans. La doctrine avait été présentée par Anto Valenta. Je suppose
22 que Dario Kordic qui était également un homme politique avait transféré
23 cette politique à un niveau inférieur, c'est-à-dire au niveau du terrain
24 où elle avait été mise en place.
25 M. Kehoe (interprétation). - Pourrions-nous parler plus
Page 9244
1 précisément de la réunion qui a eu lieu le 9 avec Dario Kordic et
2 M. Blaskic au cours de laquelle vous avez parlé des événements d'Ahmici ?
3 Pouvez-vous dire au Président et au Juge Riad quelles étaient les
4 personnes présentes, ce qu'a dit M. Blaskic, ce que vous avez dit, etc. ?
5 M. Duncan (interprétation). - Je me souviens de cette réunion
6 du 9, c'était la première fois que je rencontrais le commandant Blaskic.
7 En fait, ce n'est pas moi qui organisais la réunion, c'était le colonel
8 Stewart qui était toujours au commandement à l'époque. Nous nous sommes
9 assis. Les premiers propos du colonel Stewart ont été de se plaindre des
10 événements d'Ahmici et de poser des questions sur le pourquoi, le comment,
11 les soldats du HVO qu'on avait vu faire partir 150 Musulmans, pourquoi ces
12 Musulmans étaient emprisonnés maintenant à Vitez, détenus contre leur
13 volonté, qu'est-ce qui se passait, quelles étaient donc les explications
14 de ces événements, les explications de ces événements que j'ai entendues à
15 l'époque...
16 M. Kehoe (interprétation). - Qui vous a expliqué cela ?
17 M. Duncan (interprétation). - M. Blaskic a répondu que soit
18 c'était le fait d'extrémistes musulmans qui étaient entrés dans la poche
19 de Vitez et qui avaient été les auteurs de cet événement, qui avaient
20 disparu durant la nuit, soit le fait de Musulmans armés, des forces armées
21 de la BiH, ou même encore le fait de Musulmans déguisés portant des
22 uniformes du HVO. Plus exactement, je dois dire qu'on a parlé
23 d'extrémistes serbes... je me reprends, de Musulmans qui s'étaient
24 infiltrés ou de Musulmans déguisés dans des uniformes du HVO.
25 M. Kehoe (interprétation). - Mais vous y avez réfléchi. Qu'est-
Page 9245
1 ce que vous vous êtes dit ?
2 M. Duncan (interprétation). - Je me suis dit : mais comment est-
3 il possible que des Musulmans, à ce stade et vu ce qui se passe en Bosnie
4 centrale, aient effectué une attaque à grande échelle sur ce village,
5 attaque qui avait résulté (pour les opérations militaires) de l'ouverture
6 d'un deuxième front, et qu'en même temps ils se défendent contre les
7 Serbes. Est-ce que vraiment ils auraient pu, comme cela, tuer 97 personnes
8 de leur race ? Cette explication me semblait fort peu probable.
9 En ce qui concerne l'infiltration des Serbes qui seraient venus
10 le faire, cela me paraissait totalement ridicule. J'ai donc tout de suite
11 écarté cette possibilité.
12 Concernant maintenant l'insinuation selon laquelle il s'agirait
13 de Musulmans déguisés en soldats du HVO, j'en ai conclu que cela
14 démontrait que les uniformes du HVO étaient en tout cas présents à Ahmici,
15 sans quoi pourquoi parler des uniformes du HVO ?
16 Franchement, j'ai trouvé ces trois raisons ridicules et je l'ai
17 dit. J'ai dit : "Ecoutez, c'est tout à fait impossible". J'ai également
18 dit lors de cette réunion que si le HVO souhaitait être crédible auprès de
19 la communauté internationale, il devait faire une enquête formelle et
20 montrer au monde qui avait commis ce crime. Si les déclarations que
21 j'avais entendues étaient correctes, il faudrait qu'on puisse le voir. On
22 en a convenu d'ailleurs.
23 On en avait convenu précédemment avec le colonel Stewart et le
24 commandant Blaskic. La date du 25 mai avait été fixée pour la conclusion
25 de cette enquête et la publication des résultats. A ma connaissance, cela
Page 9246
1 n'a jamais été fait.
2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Brigadier général,
3 quelques questions pour revenir à ce que vous venez de dire.
4 Est-ce que M. Blaskic a dit quoi que ce soit concernant le fait
5 que, oui ou non, les troupes du HVO avaient participé à ces événements ?
6 M. Duncan (interprétation). - Non, il a dit que ses troupes n'y
7 avaient jamais participé.
8 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous poursuivi et lui avez-
9 vous demandé, ce déni qu'il venait de vous donner et le fait que ces
10 civils avaient été emmenés par des troupes ?
11 M. Duncan (interprétation). - J'ai dit : "Oui, mais vos troupes
12 du HVO, si ce n'était pas elles qui l'ont fait, qui était-ce ?" Alors il
13 est revenu à ces trois possibilités qu'il avait avancées précédemment, et
14 à des extrémistes hors de contrôle. C'est souvent une expression qu'il
15 avait utilisé "des extrémistes hors de contrôle" qui n'étaient pas sous
16 mon contrôle et j'ai d'ailleurs trouvé cela assez étonnant.
17 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi d'être tout à fait
18 franc, mais avez-vous conclu que l'accusé vous mentait ?
19 M. Duncan (interprétation). - Oui, il n'y avait pas d'autre
20 conclusion à tirer. Il mentait. Et le problème était que ce n'était même
21 pas un mensonge intelligent, c'était un mensonge naïf.
22 M. Kehoe (interprétation). - Je vais revenir à la deuxième
23 partie de la pièce 380, Monsieur le Président. Nous passons au deuxième
24 paragraphe traduit de cette pièce 380, dont les interprètes ne disposent
25 pas, dernier paragraphe de cette version qui sera traduite.
Page 9247
1 Pouvez-vous lire la question et la réponse ?
2 M. Duncan (interprétation). - La question au commandant Blaskic
3 dit : "Avez-vous fait une enquête sur ces crimes à Ahmici et quels sont,
4 jusqu'à présent, les résultats de l'enquête ?" Réponse du commandant
5 Blaskic : "L'enquête est toujours en cours. Des informations sont en train
6 d'être recueillies". Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un scénario bien
7 planifié où des forces musulmanes voulaient encore utiliser le HVO, ou
8 nuire à la réputation du HVO. Une fois que ces crimes ont été commis dans
9 les villages croates de la Lasva, de Zenica, de Kruscica et d'autres
10 villages dans la municipalité, l'affaire d'Ahmici a été planifiée pour
11 être montrée aux observateurs, sous les yeux d'ailleurs du commandant
12 britannique, à l'époque Bob Stewart.
13 "Jusqu'à présent, nous sommes sûrs que ce crime a été commis par
14 des membres du HOS, qui étaient essentiellement musulmans, et une partie
15 des forces musulmanes du MOS, les forces de défense musulmane. Comme je
16 l'ai déjà dit, l'enquête se poursuit. Il est clair que le HVO n'est pas du
17 tout impliqué dans ces crimes que d'autres essaient de lui attribuer.
18 Cependant, un crime encore beaucoup plus énorme est en train de
19 se réaliser. Il était prévu de tuer 40 personnes début juin dans le
20 village de Melina."
21 M. Dubuisson. - Pouvez-vous lire plus lentement, les interprètes
22 ne peuvent pas suivre.
23 M. le Président. - Les interprètes n'ont pas le texte. Que les
24 interprètes se rassurent j'ai la traduction. Néanmoins, essayez d'aller un
25 peu plus lentement pour les interprètes. Merci.
Page 9248
1 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi. Je vais reprendre à
2 la fin de la dernière phrase de la première page. "Les forces musulmanes
3 ont tué plus de 40 civils, des femmes et des enfants pour l'essentiel au
4 début juin, dans le village de Melina, de la municipalité de Travnik. Nous
5 n'avons pas pu, jusqu'à ce jour, et le haut-commandement aux réfugiés non
6 plus, ni la Croix-Rouge internationale, ni les observateurs de l'Union
7 européenne, inspecter cette zone et effectuer l'exhumation des corps. Il
8 s'agissait d'une exécution collective faite devant des Croates qui
9 devaient creuser les tombes de ceux qui étaient tués. "
10 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit donc d'un article du
11 5 octobre 1993 qui accuse les Musulmans d'avoir tué leur propre peuple,
12 n'est-ce pas, c'est bien de cela dont il s'agit ?
13 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est ce qu'il insinue.
14 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en pensez-vous ?
15 M. Duncan (interprétation). - Je suis totalement en désaccord.
16 C'est la poursuite du même mensonge.
17 M. Kehoe (interprétation). - Passons à autre chose et venons-en
18 à un autre domaine. J'aimerais que vous parliez, si vous le voulez bien,
19 de votre expérience, de vos observations, ce que vous pouvez dire à la
20 Cour concernant le commandement de M. Blaskic en fonction de votre
21 expérience. Dites-nous un peu à quel rythme vous le rencontriez, de sorte
22 que nous sachions mieux ce sur quoi vous fondez vos commentaires.
23 M. Duncan (interprétation). - J'ai rencontré le commandant
24 Blaskic à des intervalles réguliers au cours des sept mois que j'ai passés
25 en Bosnie. Je ne me précipitais pas toujours pour le rencontrer, mais mes
Page 9249
1 réunions étaient uniquement prévues pour des rencontres importantes,
2 plutôt que de le rencontrer comme ça et de parler tous les quelque jours.
3 On se réunissait donc tous les huit ou dix jours. Nous étions évidemment
4 très proches l'un de l'autre puisque la poche de Vitez à l'époque était
5 assez petite. Il ne me fallait que quelques minutes, une dizaine de
6 minutes pour aller à son quartier général, si je souhaitais le rencontrer.
7 En tant que commandant, il était clair qu'il était en effet le commandant.
8 Il avait tous les signes extérieurs de commandement : il avait un QG avec
9 du matériel, des adjoints, des officiers de liaison, etc. Il y avait
10 également des moyens de communication dans son QG. Il m'a dit, comme je
11 vous l'ai signalé, qu'il était le commandant et, bien entendu, il recevait
12 également beaucoup de reconnaissance en tant que commandant de cette poche
13 de Vitez du fait même de sa promotion. Il était donc un commandant
14 capable, éminent. Il avait été capitaine précédemment dans l'armée
15 nationale yougoslave, un soldat de l'armée régulière, et il avait donc été
16 pleinement formé aux tactiques.
17 Il avait également pris connaissance des Conventions de Genève ;
18 il connaissait toutes les réglementations, les règles de la guerre, la
19 manière de planifier les opérations et de les effectuer... C'était donc un
20 soldat professionnel.
21 J'ajoute également que d'autres personnes dans la zone le
22 considéraient comme étant le commandant, la personne qui avait de
23 l'influence et qui possédait le contrôle. Les membres du haut-commandement
24 aux réfugiés de la Croix-Rouge internationale, toutes les agences d'aide
25 présentes dans la région et l'ONU (les affaires civiles et autres),
Page 9250
1 allaient toujours le voir et lui rendaient visite personnellement dans
2 sont QG parce que c'était lui qui exerçait le commandement dans cette
3 région.
4 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à cette dernière partie
5 concernant l'exercice de son commandement. Pouvez-vous nous parler de
6 l'exercice de ce commandement, des moyens de communication, des
7 déplacements de troupes, quelle était sa mission, comment il avait
8 effectué cette mission, etc... ?
9 M. Duncan (interprétation). - Sa mission était de défendre la
10 poche de Vitez, ce qu'il a fait de manière très efficace. Il exerçait ce
11 commandement à partir de son QG, mais il se déplaçait souvent pour aller
12 inspecter les troupes au sol. Et il y a eu des occasions où je me suis
13 rendu au QG et le commandant Blaskic revenait effectivement, à ce moment-
14 là, dans sa Rover. Il portait son casque et ses vêtements de soldat. Il
15 avait donc été faire des inspections pour sentir un peu ce qui se passait.
16 Parfois, il se déplaçait vers Kiseljak. Je l'ai d'ailleurs
17 emmené une fois à une réunion avec d'autres commandants du HVO. Il avait
18 eu, au cours de ces sept mois, des absences -peut-être deux ou trois fois
19 seulement- de cette poche de Vitez. Il avait dû se déplacer. Je ne sais
20 pas très bien comment... Je crois qu'il y avait même un hélicoptère et il
21 pouvait donc communiquer avec cet hélicoptère, afin d'organiser ses
22 départs et ses arrivées.
23 Parfois, je crois que l'hélicoptère venait de Prozor au sud,
24 donc d'assez loin. Il pouvait l'appeler à l'avance et organiser ses
25 visites comme il l'entendait, ce qui demandait tout de même des moyens de
Page 9251
1 communication. Il avait une machine de téléfax, accès au réseau de
2 téléphone local. Il pouvait nous envoyer des fax. J'en recevais d'ailleurs
3 à Vitez. Il connaissait les événements qui se déroulaient en dehors de la
4 poche de Vitez. Une fois, il m'a d'ailleurs donné une liste de villages
5 dans la région de Vares qui avait été repris par les forces musulmanes de
6 Bosnie-Herzégovine. C'était une liste assez complète. Il avait
7 manifestement un réseau de renseignements qui lui permettait de recueillir
8 ces informations. Et, pour autant que je sache, il avait des
9 communications par satellite (Motorola).
10 J'ai déjà également parlé de la présence d'officiers de liaison.
11 Je peux vous dire qu'il m'apparaît très clairement qu'il était
12 un commandant qui exerçait son commandement, qui donnait des ordres, qui
13 contrôlait les événements, vraiment dans le style tout à fait classique de
14 tout commandant militaire qui opère un grand QG.
15 M. Kehoe (interprétation). - Laissez-moi vous poser une question
16 suite à ce que vous venez de dire : vous avez remarqué que Blaskic se
17 comportait de telle sorte qu'il défendait la poche de Vitez. Est-ce
18 essentiel que dans l'organisation d'une telle défense ou était-il
19 essentiel qu'un commandant tel que M. Blaskic puisse avoir connaissance de
20 ce qui se passe partout dans cette poche de Vitez et, si oui, pourquoi ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est tout à fait vital qu'un
22 commandant militaire sache exactement ce qui se passe, surtout lorsqu'il
23 s'agit d'une opération de défense. La forme de cette poche de Vitez était
24 telle qu'il y avait une route centrale qui la traversait par le milieu
25 depuis Novi Travnik, et le carrefour en T jusqu'à Vitez et jusqu'à
Page 9252
1 Busovaca, et c'est sur cette route dorsale que les mouvements des réserves
2 pouvaient se faire.
3 La défense était organisée de telle sorte qu'il y avait des
4 soldats qui avaient des zones territoriales où ils habitaient d'ailleurs,
5 et qui pouvaient être dix jours sur le front et dix jours en congé.
6 C'était un peu comme cela que la défense était organisée et permettait de
7 maintenir le périmètre de la zone. Et cette route dorsale permettait de
8 transporter les réserves le plus rapidement possible.
9 La défense reposait sur le fait que des attaques à pied ne
10 pouvaient avancer qu'à la vitesse évidemment d'un homme à pied, alors que
11 les réserves pouvaient être déplacées par bus, par camions, ou par moyens
12 motorisés, et pouvaient donc se déplacer beaucoup plus rapidement pour
13 éteindre le feu en quelque sorte. C'était, si vous voulez, la même
14 situation du point de vue militaire que celle qui existait au cours de la
15 Première Guerre mondiale où des attaques à pied de la part de soldats
16 pouvaient être arrêtées assez facilement et "tuées dans l'œuf" puisque les
17 trains ramenaient des renforts beaucoup plus rapidement.
18 Alors, pour fonctionner comme cela dans le cadre d'une opération
19 de défense, il faut un commandement ; ce commandant doit ensuite avoir le
20 contrôle de tout ; troisièmement, il lui faut des réseaux d'information et
21 de communication suffisants pour pouvoir faire fonctionner ce système de
22 défense.
23 Je dois avouer que le commandant Blaskic a pu faire fonctionner
24 cette défense de manière superbe. Il disposait de tous les ingrédients
25 nécessaires et c'est ainsi qu'il a pu assurer la défense de cette poche
Page 9253
1 avec beaucoup de compétence au cours de ces sept mois.
2 M. Kehoe (interprétation). - Pour faire suite à ce que vous
3 venez de dire, est-il l'essentiel pour un commandant tel que M. Blaskic
4 d'être au courant de l'endroit où se trouvent ses positions de défense ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet. Et, lors de nos
6 discussions, il me montrait souvent une carte où il nous montrait d'où les
7 attaques pourraient arriver et il y avait, sur cette carte, des détails de
8 sa stratégie sur le front.
9 M. Kehoe (interprétation). - Il vous a donc signalé qu'il
10 connaissait le fait qu'il y avait des tranchées à différents lieux dans
11 cette poche ?
12 M. Duncan (interprétation). - Oui, il y avait des symboles qui
13 expliquaient tout ce réseau de tranchées qui existaient dans la poche de
14 Vitez.
15 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on donc dire qu'il savait
16 précisément ce qui se passait ?
17 M. Duncan (interprétation). - Absolument.
18 M. Kehoe (interprétation). - Passons, si vous le voulez bien, à
19 un autre domaine de discussion, brigadier général, qui traite de
20 M. Blaskic, de ses obligations en tant que commandant, de la façon dont il
21 respectait ses obligations et quels furent ses manquements par rapport à
22 ses obligations.
23 M. Duncan (interprétation). - Je vous ai déjà parlé de l'intérêt
24 de la valeur de cette enquête indépendante. Il y a eu différents
25 événements, au cours de cette période de commandement, qui nécessitaient
Page 9254
1 une enquête. D'abord, il y a eu, bien sûr, Ahmici. Comme je vous l'ai dit,
2 on nous avait promis les résultats d'une enquête pour le 25 mai et, à ce
3 jour, cette enquête n'a pas été publiée ni annoncée de quelque manière que
4 ce soit. Comme je vous l'ai indiqué, ma conclusion était qu'il s'agissait
5 tout de même d'une doctrine bien établie qui avait enfin été traduite dans
6 les faits.
7 L'événement suivant qui peut nous intéresser, c'est lorsqu'un
8 convoi musulman s'est déplacé dans ma zone, début juin. Et, pour autant
9 que je le sache, il y avait des documents établissant un accord entre les
10 Musulmans et les Croates selon lequel ce convoi, qui comprenait pas mal de
11 véhicules -de camions-, avait la permission de se déplacer dans cette zone
12 sans problème. Et il y a eu un incident grave au cours duquel ce convoi a
13 dû s'arrêter lorsqu'il est arrivé dans la poche de Vitez. Arrêté par des
14 soldats du HVO, le convoi a été pillé. Certains chauffeurs ont ensuite été
15 extraits des camions et huit chauffeurs ont d'ailleurs été tués au cours
16 de cet événement. Là aussi, aucune mesure n'a été prise pour faire une
17 enquête concernant cet incident. Des personnes ont été tuées et,
18 cependant, personne n'a pris la peine de faire une enquête. Pourquoi n'a-
19 t-on pas pris la peine ? Eh bien, on ne voulait sans doute pas savoir qui
20 étaient ces troupes. C'est très bien de nier les faits mais il est clair
21 que cela s'est passé puisque mes troupes ont assisté à l'événement. Cela a
22 été enregistré. Il y a d'ailleurs des vidéos qui le montrent.
23 M. Kehoe (interprétation). - Avant de passer à l'incident
24 suivant, si vous le voulez bien, Monsieur le Président et
25 Monsieur le Juge Riad, pourrait-on montrer ce passage vidéo ? C'est la
Page 9255
1 pièce 381, je crois, Monsieur Dubuisson.... Est-ce là où nous en sommes ?
2 M. Dubuisson. - Oui, c'est cela.
3 M. Kehoe (interprétation). - En ce qui concerne la source de ces
4 vidéo, Monsieur le Président, il s'agit de vidéo qui proviennent de la
5 BBC. Certaines ont d'ailleurs été montrées sur antenne et d'autres sont
6 des prises qui n'ont pas été montrées mais qui ont été fournies au bureau
7 du Procureur par la BBC. Avec votre accord, nous allons éteindre les
8 lumières et vous montrez cette partie de film vidéo.
9 (Projection de la vidéo)
10 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on reculer jusqu'au début si
11 vous le voulez bien ? Il y a donc une personne, là... Voilà, on la voit.
12 Une personne est frappée par un soldat. C'est bien cela ?
13 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout à fait.
14 M. Kehoe (interprétation). - On va avancer et on va voir
15 quelqu'un derrière... Arrêtez-vous là. Vous voyez une personne -un
16 policier militaire- qui est là, n'est-ce pas ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet.
18 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit de troupes du HVO ?
19 M. Duncan (interprétation). - Oui. Ils portent effectivement le
20 badge du HVO.
21 M. Kehoe (interprétation). - On voit derrière un échange de
22 coups de feu. Il y a des soldats en uniforme qui sont là, n'est-ce pas ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui. Certains portaient la
24 ceinture blanche du HVO.
25 M. Kehoe (interprétation). - Voilà un de vos soldats, n'est-ce
Page 9256
1 pas ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui, Neal Bauman.
3 (Projection de la vidéo)
4 M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous vous arrêter à
5 nouveau.... Vous voyez, là encore, un soldat en camouflage derrière.
6 M. Duncan (interprétation). - Oui, vous voyez d'ailleurs son
7 brassard d'épaule blanc du HVO.
8 M. Kehoe (interprétation). - Vous voyez des soldats derrière...
9 M. Duncan (interprétation). - En effet.
10 M. Kehoe (interprétation). - Poursuivez, s'il vous plaît...
11 (Poursuite de la projection)
12 C'est bien l'un des chauffeurs qui a été tué dans son camion ?
13 M. Duncan (interprétation). - En effet.
14 M. Kehoe (interprétation). - On poursuit... C'est M. Bauman ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation). - Arrêtez-vous là. Que voit-on là ?
17 M. Duncan (interprétation). - Ce sont des soldats du HVO qui
18 pillent les véhicules qui appartenaient à ce convoi. Parce qu'il y avait
19 des camions dans ce convoi, mais également des voitures.
20 M. Kehoe (interprétation). - On poursuit...
21 (Poursuite de la projection)
22 Voulez-vous vous arrêter là. Il a été dit, au cours du
23 commentaire, que certains camions avaient été amenés dans une carrière.
24 Pouvez-vous expliquer ce qui se passe ?
25 M. Duncan (interprétation). - Sur cette vidéo, on voit justement
Page 9257
1 cette carrière où un certain nombre de bus et de camions ont été emmenés
2 afin d'être pillés.
3 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce la carrière où le HVO
4 disposait d'une station ?
5 M. Duncan (interprétation). - En effet.
6 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie. Vous avez dit que
7 huit personnes avaient trouvé la mort. Vous avez également pu observer que
8 des soldats pillaient. A votre connaissance, le commandant de la zone de
9 Bosnie centrale -donc l'accusé- savait-il tout cela ?
10 M. Duncan (interprétation). - Il n'y a pas eu d'enquête.
11 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en avez-vous conclu ?
12 M. Duncan (interprétation). - Qu'il ne voulait pas d'enquête
13 parce que l'enquête prouverait qui l'avait fait et que les gens qui le
14 faisaient -comme vous l'avez vu sur la vidéo et comme mes soldats l'ont
15 vu- étaient des soldats du HVO.
16 M. Kehoe (interprétation). - Du fait que vous étiez sur le
17 terrain, pouvez-vous nous dire qui dirigeait cette opération et quelle fut
18 la participation de l'accusé ?
19 M. Duncan (interprétation). - Je pense que l'opération était
20 dirigée par Dario Kordic. La raison pour laquelle c'était lui qui la
21 dirigeait, c'est qu'il était le chef politique de cette région et qu'à ce
22 moment-là, les forces croates étaient un peu en arrière puisque leur poche
23 avait été complètement scellée et fermée par rapport au monde extérieur.
24 Il était un peu à cours de nourriture.
25 Dario Kordic avait décidé que ce convoi, dont il avait accepté
Page 9258
1 le passage, permettrait à la population et aux soldats de prendre de la
2 nourriture dans ce convoi. C'était un pourcentage, une dîme si vous
3 voulez, à payer pour passer. Cela n'a jamais été publié dans l'accord,
4 mais c'est la seule chose que je puisse conclure. Il avait décidé qu'il
5 pourrait prendre une partie des provisions transportées par ce convoi et
6 qu'il jugerait ainsi du risque que cela impliquait.
7 Il y avait une motivation politique mais, comme avec toute autre
8 chose, quand il y a une décision politique, il faut ensuite des forces et
9 des troupes qui la planifient, qui conduisent l'opération. La
10 planification et la conduite de cette opération devaient être détaillées,
11 il fallait décider où on arrêterait les véhicules.
12 Il est apparu que lorsque ce convoi est passé, un plan bien
13 détaillé avait été mis en place : "On va les arrêter là, on va les piller
14 ici, on laissera les véhicules passer vers un autre point, au
15 contournement de Vitez où on pourra les contrôler et on les divisera pour
16 partir vers différentes parties de Vitez."
17 C'est un plan qu'on ne rêve pas comme cela en tant que
18 politicien, il faut un expert en planification et en contrôle. Les
19 personnes dans la zone de Vitez qui sont ces experts en planification, en
20 contrôle et en organisation des opérations, ce sont les militaires. C'est
21 pourquoi il fallait avoir absolument la participation des forces du HVO,
22 sinon cela n'aurait pas marché.
23 M. Kehoe (interprétation). - Pas d'enquête à Ahmici, pas
24 d'enquête ici non plus, concernant les tueries et les pillages ?
25 M. Duncan (interprétation). - Pas d'enquête en effet.
Page 9259
1 M. Kehoe (interprétation). - Quelle était la date du Convoi de
2 la Joie ?
3 M. Duncan (interprétation). - Tout début juin.
4 M. Kehoe (interprétation). - Passons au point suivant. Je
5 voudrais vous montrer, brigadier général, ce document-ci. Pouvons-vous
6 l'enregistrer ? Il est daté du 30 juin, c'est un document du colonel
7 Duncan.
8 M. Dubuisson. - Il s'agit du document 382.
9 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, les événements
10 liés à ce Convoi de la Joie sont en date du 10 ou 11 juin 1993, n'est-ce
11 pas ?
12 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.
13 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais vous montrer une lettre
14 en date du 30 juin 1993 et qui porte votre signature en bas. Reconnaissez-
15 vous cette lettre ?
16 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, c'est une lettre
17 que j'ai envoyée au colonel Blaskic. On y voit son nom et son poste en
18 haut à gauche. Cette lettre parle du lancement d'une roquette sur ma base
19 à Vitez.
20 M. Kehoe (interprétation). - Quelle a été la réponse de cette
21 lettre et quand cela s'est-il produit ?
22 M. Duncan (interprétation). - Vous voyez dans la lettre qu'un
23 incident s'est produit dans mon quartier général le 27 juin 1993.
24 L'incident était en fait le lancement d'un missile explosif sur ma base,
25 là où se trouvaient mes soldats. Bien entendu, j'étais extrêmement en
Page 9260
1 colère, d'ailleurs c'est une litote, j'étais furieux puisque visiblement
2 ma base avait été visée délibérément.
3 Par conséquent, je me suis plaint très rapidement et directement
4 au commandant Blaskic. Vous voyez que je le remercie de son efficacité à
5 ce moment-là et de la rapidité de sa réponse parce que je fais référence à
6 la lettre que j'ai reçu du HVO le 29 juin 1993, date de sa réponse.
7 Ce qui m'a fait comprendre qu'il avait fait une enquête sur cet
8 incident, il s'est rendu compte que c'était l'un de ses soldats qui était
9 responsable de cet acte. L'enquête a donc été menée à son terme. Le soldat
10 a été déclaré coupable et il est maintenant emprisonné à la prison de
11 Busovaca. Toute cette procédure a pris deux jours. Une enquête a donc été
12 lancée, menée à son terme et des mesures ont été prises.
13 Cela m'a surpris que cette enquête puisse être menée aussi
14 rapidement, alors que d'autres n'ont pas été lancées ou n'ont pas été
15 menées à leur terme. Ceci m'a prouvé que le Commandant Blaskic avait la
16 structure et le système disciplinaire nécessaire pour mener précisément et
17 très efficacement ce type d'enquête, s'il le souhaitait. Mais s'il ne le
18 souhaitait pas, en revanche, les enquêtes n'étaient pas menées, c'était le
19 cas pour Ahmici, c'était le cas pour le Convoi de la Joie. Mais en tout
20 cas, ceci me prouvait très clairement qu'en tant que commandant, il
21 pouvait le faire s'il le souhaitait véritablement.
22 M. Kehoe (interprétation). - Il pouvait le faire s'il le
23 souhaitait, c'est cela ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant aux événements
Page 9261
1 tragiques qui ont eu lieu cinq jours plus tard. Le colonel Blaskic aurait-
2 il pu faire quelque chose ou non cinq jours plus tard ?
3 M. Duncan (interprétation). - Cinq jours plus tard -je crois que
4 je me souviendrai toujours de cette date-, c'était le 5 juillet.
5 Mon interprète personnelle a été tuée par balle sur les marches
6 de sa maison dans mon camp. Elle a été tuée par un tireur isolé du HVO qui
7 a tiré de la ligne du HVO, de l'autre côté de la route, et ceci était très
8 clair. Tout le monde le savait très clairement dans le camp. Elle a été
9 tuée, je pense, parce qu'elle avait été l'interprète personnelle du
10 colonel Stewart, qu'elle avait assisté à un certain nombre de réunions
11 avec le colonel Stewart, qu'elle savait ce qui se passait et qu'elle était
12 le lien entre le passé et le présent. C'était une source très utile de
13 conseils, pour moi en tout cas. Elle a été tuée parce qu'elle a pu être
14 identifiée facilement, elle était très grande et elle avait un physique
15 très particulier. Elle était Serbe de Bosnie, mais ce n'est pas pour cela
16 qu'elle a été tuée. Elle a été tuée parce qu'elle m'était utile et que
17 c'était une atteinte indirecte contre moi. Ce fut un événement terrible.
18 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai que nous passions à
19 l'extrait vidéo suivant qui montre, Monsieur le Président et Monsieur le
20 Juge Riad, cette femme. Il s'agit de la pièce 383.
21 (Diffusion de la cassette vidéo)
22 Là encore, ce document vient de la BBC, Monsieur le Président.
23 M. Kehoe (interprétation). - Arrêtez s'il vous plaît. Est-ce que
24 votre interprète se trouve ici ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement, à gauche. Elle
Page 9262
1 porte un casque bleu. Elle est grande. Elle s'appelait Dobrila.
2 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez poursuivre s'il vous
3 plaît.
4 Dobrila est-elle encore sur cette image ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui, elle est à droite sur cette
6 image et elle suit le colonel Steward ici.
7 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez poursuivre s'il vous
8 plaît.
9 Là encore, c'est elle qui interprète n'est-ce pas ?
10 M. Duncan (interprétation). - Effectivement.
11 M. Kehoe (interprétation). - Que représente ce dernier extrait ?
12 M. Duncan (interprétation). - Eh bien là, elle était transférée
13 sur une civière de l'endroit où elle a été tuée. Elle avait une blessure
14 grave à la tête.
15 M. Kehoe (interprétation). - Dobrila est morte à ce moment-là,
16 n'est-ce pas ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Elle est
18 morte, en fait, avant d'être transférée.
19 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous vous replacer dans le
20 temps et dans un lieu précis cette dernière séquence ? Pour cela, je
21 demanderai de passer à la pièce 384 qui est un élargissement de la
22 pièce 182 (une carte à trois couleurs)
23 M. Dubuisson. - C'est la pièce 384, c'est bien cela.
24 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai qu'elle soit placée
25 sur le rétroprojecteur.
Page 9263
1 (L'huissier s'exécute.)
2 Brigadier général, il s'agit d'un agrandissement de la
3 pièce 172. Pouvez-vous nous indiquer ce que représentent les zones
4 marquées de différentes couleurs ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui. Je voudrais commencer par
6 cette zone bleue, ici. Il s'agit du périmètre occupé par la base
7 britannique à Vitez. En haut de cette zone, ce sont les collines de
8 Gubovic. On voit ici la route principale qui passe au centre de
9 l'agrandissement, qui vient de Novi Travnik au sud et qui monte vers Vitez
10 dans le nord.
11 On voit d'abord, à l'intérieur du périmètre, l'endroit de la
12 maison où Dobrila a été tuée. C'est dans le cercle jaune. Et dans le
13 cercle rouge, on trouve la zone qui se trouve de l'autre côté de la route.
14 C'est de cet endroit que le coup a été tiré.
15 En fait, cette route représente la ligne de front entre les
16 forces musulmanes qui se trouvent de ce côté et les forces croates qui se
17 trouvent sur la droite, mais nous savions que le tir provenait de l'autre
18 côté de la route. Les maisons qui se trouvaient là étaient occupées par
19 des forces croates depuis deux mois.
20 M. Kehoe (interprétation). - Des forces du HVO ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui, des forces du HVO.
22 M. Kehoe (interprétation). - Ceci a eu lieu le 5 juillet 1993 ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - Cinq jours après avoir complimenté
25 M. Blaskic pour avoir mené une enquête très rapidement sur ce qui était
Page 9264
1 arrivé à votre camp, n'est-ce pas ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela.
3 M. Kehoe (interprétation). - C'était donc le colonel Blaskic, le
4 27 juin, qui avait mené cette enquête ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation). - Y a-t-il eu une enquête sur
7 l'événement du 5 juillet ?
8 M. Duncan (interprétation). - Certaines personnes ont été
9 envoyées et les conclusions ont été les suivantes : un Musulman était
10 passé de l'autre côté de la route, il avait occupé une maison qui était
11 occupée par des soldats du HVO à l'époque, qu'il avait tué délibérément
12 Dobrila, qu'il avait retraversé la ligne de front et qu'il s'était enfui.
13 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez-vous pensé de cette
14 explication ?
15 M. Duncan (interprétation). - Dire que c'était improbable serait
16 à nouveau une litote. Il était presque ridicule d'imaginer ce genre de
17 chose et de suggérer ce genre d'explication. La personne qui avait suggéré
18 cela était un enquêteur et cette personne me suggérait, à moi et à mes
19 officiers, quelque chose qui, bien évidemment, était faux. Par conséquent,
20 c'était un mensonge tellement tiré par les cheveux que c'était totalement
21 impossible de croire à ce genre d'explication. Mener une enquête arrivant
22 à de telles conclusions, eh bien c'était miner le système dans sa
23 totalité, c'était une perte de temps.
24 M. Kehoe (interprétation). - Après le meurtre de Dobrila, y a-t-
25 il eu d'autres événements qui ont remis en cause les actions de Blaskic et
Page 9265
1 qui ont prouvé son manquement en tant que commandant ?
2 M. Duncan (interprétation). - Il y a eu un autre meurtre, celui
3 de Boris, qui était chauffeur pour le HCR. Il a été tué lorsqu'une balle
4 d'un 12,7 millimètres a pénétré dans son véhicule. Là encore, nous avons
5 demandé une enquête et aucune enquête n'a été menée. Pourquoi ? Eh bien
6 parce que nous savions que c'était le HVO qui était responsable de ce
7 meurtre.
8 M. Kehoe (interprétation). - Et le meurtre de ce chauffeur
9 Boris s'est produit le 14 août 1993, n'est-ce pas ?
10 M. Duncan (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation). - Là encore pour établir un cadre
12 temporel, je vous demanderai de consulter la pièce 385. Il s'agit de cette
13 carte.
14 M. le Président. - Ayant repris plus tôt ce matin, nous allons
15 maintenant faire une pause de 20 minutes. Nous reprendrons donc à
16 11 heures 35. L'audience est suspendue.
17 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à
18 11 heures 45.
19 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
20 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)
21 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?
22 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
23 Brigadier général, avant de passer à la carte 385 qui se trouve
24 sur le rétroprojecteur, j'ai omis de vous poser un certain nombre de
25 questions liées à l'ordre de bataille, sur les pièces 378 et 379.
Page 9266
1 Dans cet ordre de bataille, il n'y a pas particulièrement de
2 désignations réservée à la police militaire. Pourquoi ?
3 M. Duncan (interprétation). - Généralement, nous ne faisons pas
4 figurer les unités de police militaire ou d'autres unités qui viennent
5 soutenir l'effort principal. Nous ne montrons que les unités participantes
6 elles-mêmes. Par conséquent, nous ne les faisons pas figurer dans un ordre
7 de bataille.
8 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre témoignage ce
9 matin, vous avez dit avoir emmené Blaskic à Kiseljak, le 29 mai 1993.
10 C'est exact ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui. Je ne suis pas sûr d'en avoir
12 parlé ce matin, mais j'ai effectivement dit ce qui avait été ordonné au
13 commandement de Kiseljak. Il fallait transférer le colonel Blaskic,
14 l'emmener à une réunion qui devrait se tenir à Kiseljak.
15 M. Kehoe (interprétation). - Cette réunion se tenait-elle au
16 quartier général des troupes des Nations Unies ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Mais, après
18 cette réunion, le commandant du HVO devait pouvoir disposer d'un certain
19 temps pour retourner à sa base ou à son quartier général.
20 M. Kehoe (interprétation). - Et le commandant du HVO a-t-il
21 utilisé ce temps ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement; nous sommes
23 arrivés à la réunion. En fait, cette réunion n'a pas véritablement porté
24 sur des points importants. Elle a été conclue très rapidement et
25 M. Petkovic a été emmené. Je les ai revus environ trois heures plus tard
Page 9267
1 lorsqu'on les a ramenés à leur base.
2 M. Kehoe (interprétation). - Qui avez-vous vu à ce moment-là ?
3 De qui parlez vous ?
4 M. Duncan (interprétation). - Je suppose que cette personne a
5 rencontré Blaskic et d'autres personnes importantes.
6 M. Kehoe (interprétation). - Après cette réunion, avez-vous vu
7 ou observé un rapport s'établissant à ce moment-là entre l'armée serbe de
8 Bosnie et le HVO en Bosnie centrale ?
9 M. Duncan (interprétation). - Il y a eu un changement très
10 important à partir de cette réunion du 29 mai. Après cela, les civils
11 croates avaient la possibilité de traverser les lignes de front pour se
12 rendre en territoire serbe, notamment à Travnik. Ils ont pu se rendre vers
13 l'ouest et revenir sur le territoire d'Herceg-Bosna. Il y avait également
14 la zone de Zepce. Je crois que des soldats du HVO travaillaient en
15 collaboration avec les Serbes contre les Musulmans. Et il y avait enfin la
16 zone de Vares et, là aussi, une collaboration était établie entre les
17 Serbes et les Croates. En tout cas, c'est ce que nous croyions.
18 M. Kehoe (interprétation). - Autre domaine dont nous n'avons pas
19 parlé ce matin et qui est lié à Prozor : vous avez traversé Prozor
20 parfois, lorsque vous vous trouviez sur les lieux. A un moment donné ou à
21 un autre, avez-vous vu des soldats du HV -des soldats de la République de
22 Croatie- sur les lieux ?
23 M. Duncan (interprétation). - J'ai vu des soldats d'artillerie
24 qui s'occupaient de l'artillerie à Prozor, donc des soldats de la
25 République de Croatie.
Page 9268
1 M. Kehoe (interprétation). - A quel moment à peu près, à quelle
2 période de l'année ?
3 M. Duncan (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire
4 précisément. C'était au milieu de l'année mais je ne peux pas vous donner
5 une date. En tout cas, j'ai vu des soldats du HV dans cette zone-là au
6 cours de l'année 1993.
7 M. Kehoe (interprétation). - Revenons au moment où nous nous
8 sommes arrêtés avant la pause ; nous avons parlé du meurtre de Boris, le
9 chauffeur, en 1993. Nous allons passer à la pièce constituée de cette
10 carte, Monsieur le Président. Il s'agit de la pièce 385.
11 Brigadier général, sur vos instructions, des membres du
12 bataillon britannique ont-ils enquêté sur le meurtre par balle de ce
13 chauffeur et déterminé l'endroit d'où la balle avait été tirée et qui en
14 était responsable ?
15 M. Duncan (interprétation). - Nous avons retrouvé le véhicule,
16 nous l'avons ramené à notre camp à Vitez, et nous avons étudié l'impact de
17 balle. Apparemment, le point de tir était Kravija. C'était un village. On
18 voit cette tâche orange sur la carte. Ce village était occupé à l'époque
19 par des troupes du HVO. Nous pensons que c'était de là qu'avait été tirée
20 la balle et que c'était de là qu'on tirait également sur Stari Vitez.
21 C'est à cet endroit que Boris a été tué. Je dois ajouter que Boris était
22 chauffeur pour le HCR et il était dans l'intérêt des Musulmans de faire en
23 sorte que le HCR puisse rentrer à Stari Vitez, afin d'obtenir un peu
24 d'aide humanitaire. Bien entendu, il était très improbable que les
25 Musulmans choisissent de tirer sur quelqu'un qui allait leur apporter de
Page 9269
1 l'aide.
2 M. Kehoe (interprétation). - Quel était le calibre de l'arme ?
3 M. Duncan (interprétation). - 12.7, je crois.
4 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous parlé du meurtre de Boris
5 avec l'accusé, M. Blaskic ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui.
7 M. Kehoe (interprétation). - Et qu'a-t-il dit ?
8 M. Duncan (interprétation). - Il a nié catégoriquement. Il a dit
9 que ce n'était pas le HVO qui avait perpétré ce crime.
10 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en avez-vous pensé ?
11 M. Duncan (interprétation). - Eh bien, là encore, c'est une
12 déclaration qui était un mensonge flagrant. C'était faux. Il n'y avait
13 aucune raison pour que les Musulmans tirent sur un véhicule blanc qui
14 allait leur apporter de l'aide humanitaire, un véhicule qu'ils
15 connaissaient bien. Il y avait beaucoup de véhicules du HCR dans la zone
16 et il n'y avait aucune raison pour qu'une quelconque personne tire sur ce
17 véhicule.
18 M. Kehoe (interprétation). - Parlons maintenant d'autres
19 événements que vous souhaiteriez aborder et qui ont trait à l'accusé et au
20 fait qu'il n'ait pas respecté ses obligations en tant que commandant.
21 M. Duncan (interprétation). - Il y a un certain nombre
22 d'événements au cours desquels je crois que le colonel Blaskic en tant que
23 commandant n'a pas agi comme il aurait dû le faire. Au cours de la période
24 que j'ai passée sur les lieux, un certain nombre de prisonniers étaient
25 détenus par les Croates. Ils ont reçu différentes demandes de la Croix-
Page 9270
1 Rouge internationale, de l'équipe des observateurs européens et de l'Union
2 européenne, demandes ayant pour objectif de faire libérer les prisonniers.
3 Bien entendu, ces prisonniers n'ont pas été libérés parce que
4 nous ne cessions pas de les observer pendant toute notre période
5 d'opération sur les lieux. Lorsque nous les trouvions, ils étaient
6 évidemment libérés, mais il fallait les trouver. Je crois néanmoins que
7 les demandes de libération n'ont pas été exécutées pendant toute la
8 période où nous nous trouvions sur les lieux.
9 D'autre part, nous avons essayé de constituer des comités
10 conjoints militaires entre les Musulmans et les Croates -disons entre
11 l'armée des Musulmans et entre le HVO. Un certain nombre de décisions ont
12 été prises entre les différents commandants, entre Hadzihsanovic d'un côté
13 et entre Blaskic de l'autre. C'était un accord qui stipulait que
14 certaines mesures devaient être prises mais ceci n'a jamais été concrétisé
15 dans les faits.
16 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant aux
17 quatre pièces suivantes s'il vous plaît. Il s'agit de documents et de
18 rapports faits à l'issue de ces réunions de comité conjoint qui ont été
19 rédigés par vous.
20 Monsieur le Président, les traductions de ces documents ne sont
21 pas complètes -en français en tout cas.
22 M. Dubuisson. - Il s'agit du n° 386, pour le document du
23 19 juin, du n° 387 pour celui du 21 juin, du n° 388 pour celui du 24 juin
24 et du n° 389 pour celui qui n'est pas daté.
25 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, pour le
Page 9271
1 n° 388, je crois qu'on vient de dire qu'il s'agissait du 20 juin, et je
2 crois que le transcript a été modifié et qu'il y figure le 24 juin. Est-ce
3 correct ou non ?
4 M. Kehoe (interprétation). - Oui, je crois que le n° 388
5 correspond au 24 juin 1993. Mon collègue a raison. C'est écrit sur le
6 document, mais c'est un peu difficile à lire.
7 M. le Président. - Merci. Vous pouvez maintenant continuer
8 l'interrogatoire principal à partir de ces pièces, Monsieur Kehoe.
9 M. Kehoe (interprétation). - Ce sont des documents que vous avez
10 fournis au Bureau du Procureur, n'est-ce pas ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui.
12 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous passer en revue ces
13 différentes réunions du commandement conjoint ? Que sont ces documents ?
14 Il s'agit d'un ensemble de décisions. Pouvez-vous nous dire quels ont été
15 les problèmes qui ont été débattus au cours de ces réunions ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui, ces quatre documents
17 représentent les résultats de quatre réunions auxquelles j'ai assistées,
18 réunions entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, à Vitez, aux dates
19 indiquées.
20 J'attire votre attention sur la troisième page du premier
21 document. Je pense que c'est une page qu'on retrouve dans les
22 quatre documents. Il s'agit de l'ensemble des personnes qui ont reçu ce
23 document. On voit colonels Blaskic, Filipovic, Hadzihsanovic, Karic,
24 Merdan, Nakic, Siver et Totic. C'étaient les principaux dirigeants du HVO
25 et de l'armée de Bosnie-Herzégovine à ce moment-là. Ils ont donc reçu
Page 9272
1 personnellement une copie de ce rapport.
2 Ce qui est important dans ces documents, c'est qu'ils ont
3 enregistré les décisions qui ont été prises et sur lesquelles les
4 deux commandements ont pu se mettre d'accord. Je ne veux pas rentrer dans
5 le détail, je voudrais simplement attirer votre attention sur un certain
6 nombre de paragraphes.
7 Pour ce qui est du paragraphe 4(A) qui se trouve au milieu de la
8 première page à peu près, pour le premier document en tout cas...
9 M. Kehoe (interprétation). - Pour le compte rendu, il s'agit de
10 la pièce n° 386.
11 M. Duncan (interprétation). - Oui. Il y est dit : "Libération
12 des prisonniers : les délégués de la Croix-Rouge internationale n'ont pas
13 pu". Dans le cadre de cette libération de prisonniers, les
14 deux commandants se sont mis d'accord pour leur donner toute l'assistance
15 nécessaire sans condition et émettre des instructions, afin que cette
16 assistance puisse leur être fournie. Et dans ce paragraphe 5, on voit que
17 ce paragraphe a trait aux personnes déplacées. Il y a un certain nombre de
18 mesures sur lesquelles les deux commandants se sont mis d'accord. "Il
19 fallait d'abord assurer la protection de tous les lieux de culte,
20 permettre d'instaurer les conditions favorables à la paix, de contrôler
21 tous les éléments criminels, d'assister le HCR et la Forpronu". Et surtout
22 en bas, les deux derniers paragraphes E et F sont les plus importants. On
23 voit : "d'émettre des ordres à tous leurs subordonnés, afin d'interdire
24 l'expulsion des civils de chez eux, et d'émettre des ordres afin
25 d'encourager les civils à revenir chez eux."
Page 9273
1 Sur la page 2 de ce document, on trouve également qu'il se sont
2 mis d'accord pour émettre des ordres, afin d'enquêter sur tous les
3 incidents et d'interdire que tout dégât soit provoqué à la vie des
4 individus ou à leurs biens.
5 Ces accords ont été conclus entre les deux commandants.
6 Généralement, à la fin de ces réunions, je posais une question à toutes
7 les personnes qui se trouvaient autour de la table et je demandais :
8 "Etes-vous d'accord, regardez-moi dans les yeux et dites-moi si
9 effectivement ces termes vous conviennent ?" Je passais en revue toutes
10 les personnes qui se trouvaient autour de la table. C'est donc le résumé
11 du premier document.
12 Je demanderai de passer au deuxième document, si je peux le
13 faire. En bas de la page vous voyez qu'au paragraphe 4, là aussi il s'agit
14 de la libération des prisonniers. On y dit que tous sont prêts à soutenir
15 le CCR. Je dis que si cela n'a pas encore été fait les commandants doivent
16 donner des ordres précis concernant le traitement des prisonniers et les
17 punitions infligées à ceux qui ont désobéi aux ordres. Les commandants qui
18 désobéissent aux ordres doivent être écartés du commandement et des ordres
19 particuliers doivent être donnés pour interdire le fait qu'il soit ordonné
20 aux prisonniers de creuser des tranchées. Vous voyez que des ordres très
21 précis sont repris ici. Tout ceci a été accepté par les commandants. Ce
22 sont donc des actions qu'ils avaient accepté d'entreprendre. Ceci étant
23 les points saillants du deuxième document.
24 Le troisième et le quatrième documents vous sont donnés pour
25 compléter les comptes rendus de ces réunions.
Page 9274
1 (L'huissier s'exécute.)
2 A la troisième réunion, nous avons eu quelques problèmes, parce
3 que le HVO n'a pas pu y assister en dernière minute. Je crois que c'était
4 parce qu'ils assistaient aux funérailles de l'un de leurs commandants.
5 C'était malheureux; mais c'est pourquoi les informations qui sont reprises
6 dans le troisième document traitent de la BiH et également de certains
7 points d'ordre technique.
8 Le quatrième document enfin, nous avons discuté d'un certain
9 nombre d'événements mais je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit à
10 signaler. Ceci vous est fourni pour être tout à fait complet, il s'agit
11 vraiment des comptes rendus de toutes les réunions que j'ai pu avoir en
12 juin avec les deux commandants.
13 M. Kehoe (interprétation). - Revenons aux deux premiers
14 documents et aux deux premières réunions. Y a-t-il eu des plaintes dans la
15 zone de Vitez selon lesquelles des civils auraient été expulsés ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, nous recevions tout
17 le temps des plaintes du comité de la Croix-Rouge, d'individus, de l'ONU,
18 etc, selon lesquelles des gens avaient été expulsés de leur maison.
19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des informations
20 selon lesquelles la BiH avait expulsé des gens ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). - M. Blaskic était-il à la réunion ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation). - A-t-il été précisé à M. Blaskic en
25 détail le fait que ces expulsions de civils étaient tout à fait
Page 9275
1 inappropriées ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui, nous en avons parlé
3 longuement et l'ambassadeur Thébault de l'ECMM en a parlé également.
4 M. Kehoe (interprétation). - Est-il venu vous dire que des
5 Musulmans avaient été réinstallés à Vitez ?
6 M. Duncan (interprétation). - Voulez-vous répéter la question ?
7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que des Musulmans sont
8 revenus à Vitez après en avoir été expulsés ?
9 M. Duncan (interprétation). - Non.
10 M. Kehoe (interprétation). - Revenons aux documents concernant
11 la libération des prisonniers dont vous avez parlé lors de cette deuxième
12 réunion de ce commandement conjoint. Dès lors que l'on parle de
13 commentaires apportés par l'ambassadeur Thébault, est-ce que Blaskic était
14 présent à cette réunion ?
15 M. Duncan (interprétation). - Je crois bien que oui.
16 M. Kehoe (interprétation). - Lui a-t-on dit que l'utilisation de
17 ces prisonniers pour creuser des tranchées constituait une violation du
18 droit international ?
19 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, l'ambassadeur
20 Thébault lui a expliqué en détail.
21 M. Kehoe (interprétation). - L'ambassadeur Thébault a-t-il pu
22 remarquer que des tranchées avaient été creusées avant cette réunion ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui, il avait reçu des rapports
24 selon lesquels des civils étaient forcés à creuser des tranchées dans la
25 zone contrôlée par le HVO, c'étaient des Musulmans, et dans la zone
Page 9276
1 contrôlée par la BiH, c'étaient des Croates.
2 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que ces tranchées ont
3 continué à être creusées ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - A votre connaissance, est-ce que
6 Blaskic est venu vous voir à un moment ou à un autre pour vous dire qu'un
7 commandant qui avait désobéi aux ordres concernant ces tranchées avait été
8 écarté ?
9 M. Duncan (interprétation). - Non, jamais. Aucun commandant n'a
10 jamais reçu d'injonction disciplinaire à cet égard.
11 M. Kehoe (interprétation). - Revenons, si vous le voulez bien, à
12 quelques éléments avant de faire vos dernières remarques. Vous avez parlé
13 du fait que Blaskic avait fait un commentaire à une réunion concernant les
14 événements du Convoi de la Joie. Est-ce que cette enquête a été rapide
15 concernant l'attaque par missile sur le bataillon britannique le 27 juin
16 qui a donc été conclue le 29 ? Vous en avez parlé. Vous avez parlé de
17 l'enquête sur l'assassinat de Dobrila, de Boris et vous avez aussi parlé
18 des instructions concernant les tranchées et la libération des prisonniers
19 qui découlent de ces réunions conjointes des deux commandements.
20 Après tous ces événements, brigadier général, avec un peu de
21 recul maintenant, quand vous regardez ce qui s'est passé au cours de cette
22 époque, avez-vous pu tirer certaines conclusions concernant les
23 manquements de Blaskic quant à ses obligations en tant que commandant au
24 titre du droit ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui. Lorsque je regarde les
Page 9277
1 événements et les incidents, à l'époque évidemment, j'étais très occupé à
2 essayer de mener la bataille actuelle, à m'occuper du présent. Mais avec
3 un peu de recul maintenant, je vois qu'au cours de ces événements il y
4 avait un schéma de manquement dans le chef de M. Blaskic qui n'a pas agi
5 lorsqu'il estimait que ce n'était pas dans son intérêt. En fait, il
6 n'agissait que s'il considérait qu'il avait un intérêt direct, je dirai
7 "agir" dans le sens de "faire une enquête". Si c'était dans son intérêt, à
8 ce moment-là il le faisait très rapidement, si cela l'intéressait.
9 Par contre, s'il n'y avait aucun bénéfice à en tirer pour lui ou
10 si les questions étaient considérées comme mineures, il ne faisait rien du
11 tout, il laissait les choses couler et par omission les choses pouvaient
12 ainsi se poursuivre.
13 Je pense toujours avec un peu de recul qu'il estimait qu'il ne
14 serait jamais pris. Il n'a jamais pensé que quelqu'un viendrait lui poser
15 des questions sur ses activités. Il se disait : "Bon, j'ai pu me
16 débrouiller comme ça, et je peux continuer". Les déclarations qu'il
17 m'avait faites à l'époque étaient manifestement fausses. Enfin, c'était
18 tellement faux que c'était même incroyable. Il protégeait donc quelqu'un
19 dans son commandement ou alors il se protégeait lui-même. Il y avait donc
20 toujours ce message d'expédience. On peut se contenter de ce type de
21 message-là pour l'instant.
22 Encore une fois, avec un peu de recul, je pense qu'en tant que
23 commandant militaire, au cours d'une guerre -et le commandant Blaskic
24 était un militaire professionnel qui avait été formé en tant que
25 militaire-, il savait qu'il devait faire des choses, qu'il devait prendre
Page 9278
1 des mesures qui, parfois, ne plaisaient pas mais qu'il devait faire au
2 titre du droit. Il y a la Convention de Genève; il y a le droit de la
3 guerre. On ne peut pas violer ces règles, sinon on le fait à son propre
4 péril. On ne peut pas non plus conseiller à d'autres de violer le droit.
5 Si on vous demande de faire des choses qui vous semblent erronées, vous
6 pouvez toujours donner votre démission en disant : "Non, moi je ne peux
7 pas faire ce genre de chose".
8 Monsieur Blaskic était un soldat professionnel. Ce n'est donc
9 pas une excuse de dire que l'autre côté faisait ceci ou cela. Je sais que
10 le BiH à l'époque faisait également des choses similaires, mais on ne peut
11 pas dire : "Puisque eux le font, moi je peux le faire aussi". Ce n'est pas
12 un moyen de défense et ce n'est pas comme cela qu'un commandant travaille.
13 En fin de compte, la poche de Vitez était une zone militaire
14 mais également politique et d'importance stratégique pour les Croates,
15 pour les Croates bosniaques. Il s'agissait vraiment d'une zone vitale pour
16 un certain nombre de régions. Il y avait des usines d'armement. Cela
17 comprenait toutes les frontières qu'ils revendiquaient. Il s'agissait donc
18 d'une région qui était organisée et gérée par des équipes, une équipe qui
19 obéissait à une doctrine.
20 Monsieur Valenta avait justement prévu un plan et ce plan
21 incluait le déplacement de personnes, par la force s'il le fallait. Au
22 niveau politique, on avait M. Kordic qui donnait toute la version
23 politique des événements. Il expliquait comment il fallait faire et
24 exercer son influence. Enfin, vous aviez l'instrument de cette politique
25 qu'est le HVO, avec M. Blaskic à sa tête.
Page 9279
1 Concernant toute cette affaire, je pense justement que la
2 défense de cette poche de Vitez a été très réussie, ainsi que les mesures
3 entreprises par M. Blaskic. Je ne peux pas croire que les Croates de
4 Bosnie auraient mis quelqu'un à la tête de cette poche s'ils ne lui
5 faisaient pas totalement confiance pour mettre en place cette politique
6 définie par Valenta et qui avait également été actionnée par Kordic.
7 Donc, sachant qu'il y avait ce niveau de confiance du travail
8 qu'il pouvait faire pour soutenir les objectifs politiques, M. Blaskic a
9 quitté cette poche comme un héros national. Il a d'ailleurs été promu. On
10 l'a accueilli comme un héros. Il avait fait le travail qu'on lui
11 demandait. Il était donc tout à fait acceptable sur le plan politique.
12 D'après moi, on ne pouvait pas mettre à ce poste quelqu'un d'autre qu'un
13 homme qui avait toute la confiance, qui faisait également partie d'une
14 équipe pour atteindre cet objectif.
15 Voilà donc les derniers commentaires que je voulais vous faire
16 en guise de résumé.
17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Brigadier général,
18 Monsieur le Président, si vous le voulez bien, permettez-moi un petit
19 aparté.
20 M. le Président. - Pas d'autre question, Monsieur Kehoe ?
21 M. Kehoe (interprétation). - Pas d'autre question, Monsieur le
22 Président.
23 M. le Président. - Versement des pièces ?
24 M. Kehoe (interprétation). - Oui, 378 à 389.
25 M. le Président. - Pas d'objection et pas d'observation ?
Page 9280
1 M. Hayman (interprétation). - Quelques remarques tout de même en
2 ce qui concerne la pièce 380. C'est une déclaration précédente de l'accusé
3 dans une espèce de reportage un peu obscur que je n'ai jamais vu. Cela n'a
4 jamais été fourni à la défense et nous faisons objection. Nous n'avons pas
5 reçu ce texte et ceci en violation de la règle 66(A).
6 M. Kehoe (interprétation). - Cela vous a été remis.
7 M. Hayman (interprétation). - Alors, donnez-nous le numéro de
8 contrôle et nous confirmerons.
9 M. le Président. - Vous réglerez cela entre vous. En ce qui
10 concerne le Tribunal, pour l'instant, cette pièce a été identifiée par le
11 témoin et donc admise comme pièce à conviction. S'il s'avérait que
12 l'accusation ne l'avait pas eue, nous le verrions plus tard.
13 Contre-interrogatoire, Maître Hayman ?
14 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'avais
15 quelques commentaires sur les pièces 386 et 387, 388 et 389 qui ont été
16 identifiées comme ayant été présentées par le témoin. A ma connaissance,
17 et le conseil me corrigera, nous ne les avons pas reçues précédemment.
18 Nous venons de recevoir ces pièces, ce qui est contraire à la
19 règle 66(A). Les pièces doivent être fournies dès que possible. Si la
20 question est de savoir si l'accusation disposait de ces pièces avant
21 l'interrogatoire, elle devait nous les fournir et ne pas les garder
22 pendant une heure, un jour, une semaine ou deux semaines même, ceci pour
23 gagner un avantage tactique. Je n'ai même pas pu lire ces différents
24 textes. Je peux le faire au cours de la pause déjeuner, bien entendu, mais
25 je crois qu'il y a eu tellement de violations qu'il faut tout de même
Page 9281
1 tirer la ligne à un moment donné, si on nous exclut de la réception de
2 certains documents.
3 M. Kehoe (interprétation). - La déclaration du brigadier d'un
4 camp a été fournie à la défense et les différentes pièces sont attachées à
5 la déclaration.
6 M. Hayman (interprétation). - Ces documents, ces rapports, que
7 le témoin a dit avoir acquis ne nous ont pas été remis. Peu m'importe si
8 on en parle en référence dans d'autres documents, je voudrais savoir si
9 vous les avez fournis à la défense.
10 M. Kehoe (interprétation). - A ma connaissance, les documents
11 qui ont été annexés à cette déclaration ont été fournis à la défense,
12 accompagnant la déclaration elle-même.
13 M. le Président. - Pour l'instant, le Tribunal considère que ces
14 documents sont importants. Il ont été identifiés par le témoin et ils
15 seront en principe versés comme pièces à conviction. Nous n'allons pas
16 reprendre ces problèmes à chaque fois qu'il y a des déclarations de
17 témoins. Il est tout à fait normal que la défense ait le maximum de
18 documents. Il faut encore distinguer 66(A) et 66(B). Nous n'allons pas
19 refaire la décision que nous avions prise il y a plusieurs mois. Nous
20 sommes dans la 66(A). Doivent normalement être communiquées à la défense
21 toutes les pièces jointes à l'acte d'accusation. Je suppose qu'il ne
22 s'agit pas de ces pièces qui ne devaient pas être jointes, à l'époque, à
23 l'acte d'accusation, n'est-ce pas Maître Kehoe ?
24 Je répète l'article 66(A)(i) : Doivent normalement être jointes
25 à la déclaration du témoin les pièces qui étaient déjà jointes au moment
Page 9282
1 de l'acte d'accusation. Alors s'agissait-il d'une déclaration du témoin au
2 sens de l'article 66(A)(ii) ? Je vous rappelle que c'est soixante jours au
3 plus tard avant la date fixée du début du procès que doivent être
4 communiquées les copies et déclarations de tous les témoins que le
5 Procureur entend citer à l'audience.
6 S'agissait-il d'une déclaration du témoin ?
7 Monsieur Olivier Fourmy, avez-vous votre point de vue sur la question ?
8 M. Fourmy. - Cette appréciation relève bien évidemment de la
9 Chambre. Il me semble néanmoins, si j'ai bien compris, que les pièces
10 visées par la défense qui sont en l'espèce les pièces 386 à 389 sont des
11 rapports qui auraient été écrits par le Brigadier général Duncan à
12 l'époque, ce qui, de mon point de vue, ne paraît pas nécessairement
13 constituer des déclarations au sens de l'article 66, ces déclarations
14 consistant normalement en la teneur des documents qui sont pris par le
15 Procureur lorsqu'il entend les témoins et qui sont éventuellement
16 communiqués à la défense lorsque le Procureur entend présenter ces témoins
17 à l'audience.
18 Je ne suis donc pas certain qu'on puisse considérer ces rapports
19 sur les opérations de la commission rédigés à l'époque comme des
20 déclarations au sens de l'article 66(A)(ii).
21 M. le Président. - Merci. La déclaration du témoin vous avait
22 donc été fournie, Maître Hayman.
23 M. Hayman (interprétation). - Si ces documents étaient fournis,
24 eh bien donnez-nous la lettre de couverture avec les références. Je
25 m'excuse auprès de l'accusation. Si c'était le cas, si nous n'avions pas
Page 9283
1 reçu ces documents, je veux qu'ils soient versés et pour que ce soit tout
2 à fait clair, qu'on dise qu'on ne nous a pas fourni ces documents en temps
3 voulu.
4 M. Kehoe (interprétation). - J'ai consulté mon collègue. La
5 déclaration n'a pas été fournie. J'avais tort de dire qu'elle avait été
6 produite. On vient de me signaler, de la bouche de mon collègue, que les
7 quatre comptes rendus des réunions du commandement conjoint n'avaient, en
8 fait, pas été communiqués.
9 M. le Président. - Eh bien ils sont communiqués aujourd'hui.
10 Je vous rappelle également qu'on peut les considérer comme des
11 documents au titre de l'article 66(B), mais, Maître Hayman, vous avez
12 effectivement mis l'article 66(B) dans l'hypothèse où vous n'aviez pas
13 vous-même introduit la réciprocité.
14 Ces pièces sont pour l'instant versées comme pièces à
15 conviction. Il n'est pas question pour le Tribunal de se passer de ces
16 documents. Par contre, si vous aviez besoin d'éléments complémentaires par
17 la suite, on rouvrirait le débat autour de ces documents, mais il s'agit
18 normalement de documents de l'article 66(B). Vous n'avez pas introduit la
19 requête vous permettant de tomber dans l'article 67(C). Je n'y peux rien,
20 c'est votre choix stratégique. Nous tournons autour de cela depuis le
21 début du procès. Nous sommes, pour l'instant, dans l'article 66 que je
22 vais relire une dernière fois.
23 "66(A) : Dans les trente jours, avoir toutes les pièces jointes
24 à l'acte d'accusation." Si le Procureur manque à cette obligation, je la
25 lui rappellerai. Dans les soixante jours, le Procureur doit vous
Page 9284
1 communiquer la déclaration des témoins. La déclaration des témoins vous a
2 été communiquée.
3 Restent les documents. Nous devons décider des documents point
4 par point, d'après notre décision. A chaque fois qu'il y a un document, je
5 constate qu'il y a une discussion et une interprétation byzantine et
6 exégétique de tous ces problèmes. Les juges ont le droit et le devoir
7 d'avoir tous les documents leur permettant de faire la vérité dans le
8 procès Blaskic. Je ne peux rien si ces documents font partie de
9 l'article 66(B).
10 L'article 66(B) doit se référer à l'article 67(C). C'est là la
11 difficulté. Vous avez choisi cette stratégie et c'est votre droit. Cela
12 introduit effectivement des difficultés d'interprétation. Cela étant, la
13 Chambre a le devoir de respecter un contradictoire absolu. Pour l'instant,
14 vous discuterez -ou vous ne discuterez pas- sur ces documents dans votre
15 contre-interrogatoire. Si vous aviez besoin d'éléments complémentaires par
16 la suite, soit nous ferons revenir le témoin -mais personne ne se plaindra
17 si le procès dure longtemps-, soit nous discuterons, nous rouvrirons le
18 débat autour de ces documents. Le Tribunal, lui, arrive quand même à lire
19 ces documents. Je vous rappelle, de surcroît, qu'on me les communique en
20 anglais et que je n'en fais pas une histoire. Pour l'instant, nous
21 discutons. Veuillez commencer le contre-interrogatoire.
22 Nous ne pouvons pas passer notre temps dans ces guerres de
23 tranchées à propos des documents qui sont versés comme pièces à
24 conviction. J'appartiens à des juridictions nationales, et maintenant
25 internationales, où les Juges ont le droit et le devoir de s'appuyer sur
Page 9285
1 des documents fournis, soit par l'accusation, soit par la défense. Cette
2 histoire est extravagante.
3 Je regrette, il s'agit de documents de l'article 66(B). Si vous
4 avez besoin de renseignements complémentaires et d'affiner votre enquête à
5 partir de ces documents, c'est votre droit absolu et ce droit vous sera
6 donné mais, de grâce, ne nous plaignons pas que le procès dure longtemps.
7 Nous passons maintenant au contre-interrogatoire. Je considère
8 que l'incident est clos. Maître Hayman, si vous ne pouvez pas discuter sur
9 ces documents, c'est votre droit le plus absolu mais, pour l'instant, ils
10 sont versés.
11 M. Hayman (interprétation). - Je devrais en prendre connaissance
12 avant de vous dire s'il me faut davantage de temps et éventuellement
13 rappeler le témoin pour poursuivre notre enquête.
14 M. le Président. - Nous rappellerons le témoin si vous voulez,
15 et nous en serons encore au procès Blaskic dans deux ans ! Et que personne
16 ne se plaigne ! Qu'on ne dise surtout pas que c'est le problème des Juges.
17 Je sais aussi bien qu'un autre, ce qu'est, dans une juridiction nationale,
18 le contradictoire et les droits de l'accusé.
19 Alors abordons maintenant votre contre-interrogatoire et vous
20 étudierez vos documents quand vous le souhaiterez.
21 Je constate pour l'instant que ces pièces ont été identifiées
22 par le témoin conformément à la jurisprudence de la Chambre, et qu'elles
23 sont donc, a priori, des pièces à conviction.
24 Quant à la communication, je constate et j'en prends note -c'est
25 marqué dans le compte rendu-, qu'elle n'est pas communiquée par
Page 9286
1 l'accusation, elle tombe dans la notion de document. Vous nous le direz
2 dans quelques jours.
3 Simplement, Monsieur le Greffier, vous ferez quand même le
4 décompte.
5 Depuis le 23 juin 1997, nous avons un nombre considérable de
6 points en suspens concernant les échanges de pièces. Nous consacrerons
7 parfois une journée entière à régler le problème des pièces à conviction.
8 Simplement, dépêchons-nous, car les Juges, à un moment donné, auront aussi
9 besoin de délibérer sur ces pièces et de savoir si elles sont dans le
10 cadre du contradictoire.
11 Nous avons perdu, bien entendu, un quart d'heure. Maintenant le
12 contradictoire commence.
13 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
14 Bonjour Monsieur le brigadier général Duncan. Lorsque vous êtes arrivé sur
15 le théâtre des opérations en mai 1993, pourriez-vous dire comme moi que le
16 HVO n'était pas une armée qu'on pourrait qualifier d'équivalente à celle
17 des nations modernes, à une armée équipée de manière moderne et
18 technologique ?
19 M. Duncan (interprétation). - C'était une armée différente, qui
20 opérait dans un système différent. Mais, en termes généraux, c'étaient des
21 troupes de combat soutenues par de l'artillerie, des troupes arrière, une
22 structure de commandement. C'était, en fait, très similaire à toute armée
23 de par le monde.
24 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous les décrire comme
25 étant plutôt une armée de milice, tant le HVO que la BiH, à l'époque où
Page 9287
1 vous êtes arrivé ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui, mais je savais également
3 qu'il y avait un code complet de discipline militaire qui soutenait le
4 HVO, publié par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, qui détaillait
5 vraiment tout, jusqu'au processus disciplinaire. C'est tout de même le
6 signe d'une armée développée.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous répondez à des questions que
8 je ne pose pas encore.
9 M. Kehoe (interprétation). - Si le conseil a une objection à la
10 réponse du témoin, cette objection doit être dirigée vers nous. Le conseil
11 doit poser des questions simples au témoin.
12 M. Hayman (interprétation). - J'essaie d'accélérer et de
13 demander au témoin de répondre précisément à mes questions et au plus
14 vite. J'en aurais ainsi fini avec mon contre-interrogatoire.
15 Etes-vous d'accord pour dire que les brigades du HVO étaient
16 basées territorialement ?
17 M. Duncan (interprétation). - C'étaient des brigades
18 territoriales mais également de manoeuvre.
19 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des brigades de
20 manoeuvre ? Y avait-il uniquement des brigades territoriales du HVO au
21 cours de votre mandat sur le théâtre de la Bosnie centrale en 1993 ?
22 M. Duncan (interprétation). - Pouvez-vous répéter ?
23 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il uniquement des brigades
24 territoriales au cours de votre mandat et pas d'autres types de brigades ?
25 Je parle bien des brigades.
Page 9288
1 M. Duncan (interprétation). - Il n'y avait que des brigades
2 territoriales, en effet.
3 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous m'expliquer la
4 différence entre une brigade territoriale et une brigade de manoeuvre ?
5 M. Duncan (interprétation). - Absolument. La différence est que,
6 dans un scénario de défense, il faut des forces qui défendent certaines
7 petites zones bien définies afin de donner un cadre de défense. Pour
8 boucher les trous, si vous voulez, ou apporter des renforts ou contre-
9 attaquer, il faut des unités de manoeuvre à l'intérieur qui viennent
10 compléter les brigades. On ne peut pas faire de la défense sans
11 combinaison de manoeuvres et de brigades qui détiennent le territoire.
12 M. Hayman (interprétation). - Dans ces brigades territoriales,
13 vous avez des personnels qui sont recrutés sur place...
14 M. Duncan (interprétation). - Par définition, oui.
15 M. Hayman (interprétation). - Les personnes qui font partie de
16 ces brigades vivent-elles chez elles, dans leur maison, et pas dans des
17 casernes,?
18 M. Duncan (interprétation). - Oui.
19 M. Hayman (interprétation). - Par définition, elles ont leur
20 uniforme à la maison, les armes sont à la maison aussi ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Est-il vrai également que ces
23 soldats des brigades du HVO servent de manière continue pendant un certain
24 nombre de jours, et qu'ils ont ensuite une période de congé chez eux ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est de cette façon que cela
Page 9289
1 se passe.
2 M. Hayman (interprétation). - Lorsqu'ils n'étaient pas de garde,
3 ces gens s'occupaient de leur jardin, cultivaient, avaient des activités
4 économiques ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui.
6 M. Hayman (interprétation). - En fait, ceci était nécessaire, de
7 sorte que la population puisse survivre et survenir à ses besoins ? Toute
8 la population ne devait pas être en service militaire à temps plein, sinon
9 on ne peut plus cultiver, etc.?
10 M. Duncan (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Est-ce pareil dans une armée
12 professionnelle moderne ? Dans votre armée, par exemple, est-ce que vos
13 soldats vivent chez eux lorsqu'ils sont en mission ?
14 M. Duncan (interprétation). - Si leur maison est tout prêt, ils
15 peuvent le faire.
16 M. Hayman (interprétation). - Et en temps de guerre ?
17 M. Duncan (interprétation). - En temps de guerre, non.
18 M. Hayman (interprétation). - Ils se trouvent dans des
19 casernes ?
20 M. Duncan (interprétation). - Oui, dans des casernes. Mais il
21 faut définir le temps de guerre. Je vais l'expliquer : si on parle de
22 menace directe pesant sur votre pays et que votre propre territoire est
23 menacé, oui, en effet, ils pourraient éventuellement être...
24 M. Hayman (interprétation). - Mais normalement, si une armée est
25 assez développée, les troupes sont dans des casernes de sorte qu'elles
Page 9290
1 puissent tout de suite être activées, et très rapidement. On n'a donc pas
2 à téléphoner ou à envoyer un messager pour avertir chaque soldat du fait
3 qu'il doit se retrouver à un certain endroit ?
4 M. Duncan (interprétation). - Cela dépend comment vous organisez
5 la défense. Dans certains pays, on préfère garder ses soldats dans la
6 caserne et les déployer à l'avant pendant un certain temps, et d'autres
7 pays, comme la Norvège et la Suisse, ont leurs forces déployées dans leurs
8 foyers, chez eux, ce qui est tout à fait normal. Ces pays ont tout de même
9 des moyens de communication extrêmement efficaces pour faire appel à leurs
10 soldats quand c'est nécessaire.
11 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mandat, avez-
12 vous pu remarquer que le colonel Blaskic donnait assez fréquemment des
13 ordres qui n'étaient pas suivis ? Et vous accompagniez donc vous-même le
14 colonel Blaskic à tel et tel endroit pour qu'il parle aux soldats HVO qui
15 suivaient ensuite l'ordre ? Vous êtes-vous rendu compte que cela s'est
16 passé à plusieurs reprises au cours de votre mandat ?
17 M. Duncan (interprétation). - Cela s'est passé à plusieurs
18 reprises.
19 M. Hayman (interprétation). - Venons-en aux ordres de bataille.
20 Peut-on les fournir au témoin ? Il s'agit des pièces 378 et 379. Pendant
21 qu'on vous les donne et pour faire avancer les choses, pouviez-vous vous
22 déplacer et aller voir les troupes dont vous étiez le commandant, à Tuzla
23 et Gornji Vakuf, dans votre véhicule blindé appelé le Warrior ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui. Parfois, je ne pouvais pas
25 passer.
Page 9291
1 M. Hayman (interprétation). - Mais, normalement, vous pouviez
2 passer avec ce véhicule et vous aviez des moyens protégés de communication
3 avec ces troupes ?
4 M. Duncan (interprétation). - Nous n'avions pas de moyens
5 protégés de communication, cela faisait partie de l'ONU.
6 M. Hayman (interprétation). - Vous n'aviez pas besoin de moyens
7 sécurisés ?
8 M. Duncan (interprétation). - Il n'y avait pas de chiffrement.
9 M. Hayman (interprétation). - Mais vous aviez des équipements de
10 communication modernes qui vous permettaient de communiquer avec vos
11 troupes à Tuzla et Gornji Vakuf.
12 M. Duncan (interprétation). - C'était de la vieille technologie
13 des années 50, mais cela marchait quand même bien.
14 M. Hayman (interprétation). - Vous aviez des officiers à Tuzla
15 et à Gornji Vakuf qui avaient également une formation de l'académie
16 militaire et, par leur biais, vous pouviez contrôler vos forces ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui.
18 M. Hayman (interprétation). - Si vous avez maintenant devant
19 vous les pièces 378 et 379, je voudrais vous demander si vous savez de
20 quand cela date. Quand a-t-on fait cela ? Ceci reflète la position de la
21 situation à un moment précis. Pouvez-vous nous dire de quand cela date ?
22 M. Duncan (interprétation). - La 378 m'a été fournie à mon
23 arrivée par mon officier d'information militaire qui était lui-même arrivé
24 quelques mois avant moi et qui avait travaillé avec l'unité précédente.
25 C'est lui qui a fait ces diagrammes. Je reconnais son écriture.
Page 9292
1 M. Hayman (interprétation). - C'était donc vers la mi-mai, à peu
2 près, de 1993 ?
3 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est à peu près cela... Oui,
4 c'est cela, début ou mi-mai.
5 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous répondre également ?
6 En avez-vous fini avec la pièce 378 ?
7 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela, en mai. Je l'ai
8 reçue dès que suis arrivé.
9 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous de quand la cour et les
10 parties doivent dater la pièce 379 ?
11 M. Duncan (interprétation). - La pièce 379 date de juin. Vous
12 voyez un événement daté du 14 juin en bas à droite. On peut donc supposer
13 que ce document m'a été fourni par mon officier d'information à la mi-juin
14 à peu près pour refléter la situation telle qu'elle se présentait à
15 l'époque.
16 M. Hayman (interprétation). - Si je vous comprends bien, si on
17 compare les pièces 378 et 379 -je ne sais pas si vous pouvez les placer
18 sur le rétroprojecteur toutes les deux ensemble pour voir de quoi il
19 s'agit-, disons qu'entre ces deux dates, entre le début mai et le 14 juin,
20 on voit que les deux brigades du HVO à Travnik ont disparu (vous voyez
21 cela à gauche du diagramme). C'est bien cela ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui.
23 M. Hayman (interprétation). - Que s’est-il passé ?
24 M. Duncan (interprétation). - Soit elles avaient été battues au
25 cours de la bataille ou bien le territoire avait été conquis et ces
Page 9293
1 brigades territoriales ont donc été dissoutes et réintégrées dans une
2 autre structure.
3 M. Hayman (interprétation). - Travnik a-t-elle été capturée par
4 la Bosnie-Herzégovine au cours de votre mandat ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet.
6 M. Hayman (interprétation). - Alors nous voyons que la brigade à
7 Zenica, qui se trouve au deuxième niveau de ces cases... La deuxième case
8 de gauche est barrée dans la pièce 379. Que s'est il passé concernant
9 cette brigade du HVO à Zenica ?
10 M. Duncan (interprétation). - Je crois que le commandant qui
11 s'appelait Totic a été emprisonné et les forces du HVO à Zenica ont dû
12 quitter la zone puisqu'elle était contrôlée par la BIH.
13 M. Hayman (interprétation). - Ils ont été attaqués par la BIH ?
14 M. Duncan (interprétation). - En effet, d'où cette croix qui
15 supprime cette brigade de l'ordre de bataille.
16 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à droite de la
17 pièce 379 ; il y a une case "Kakanj HVO" qui est également biffée sur la
18 pièce 379. Que s'est-il passé à cette brigade Kakanj ?
19 M. Duncan (interprétation). - Cette brigade de Kakanj a été,
20 soit battue, soit déplacée de la zone de Kakanj. C'est pourquoi elle a été
21 dissoute. Et vous voyez cela indiqué par la croix.
22 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mandat, est-ce
23 que la brigade de Vares qu'on retrouve sur la pièce 378 et 379, et la
24 Brigade de Bobovac qui est à peu près au milieu du diagramme. Cette
25 brigade a-t-elle également disparu ? Est-elle tombée ?
Page 9294
1 M. Ducan (interprétation). - Oui, en effet.
2 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais vous poser une
3 question sur la Brigade du HVO à Sarajevo : savez-vous ce qu'il est advenu
4 de cette brigade ?
5 M. Duncan (interprétation). - Non, c'était en dehors de ma zone
6 de responsabilité, je ne couvrais pas Sarajevo ; c'est pourquoi je ne sais
7 pas ce qui lui est arrivé.
8 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si le colonel Blaskic
9 avait quelques moyens de communication que ce soit avec les brigades du
10 HVO à Sarajevo ?
11 M. Duncan (interprétation). - Personnellement, je ne le sais
12 pas.
13 M. Hayman (interprétation). - S'il n'en disposait pas...
14 M. Duncan (interprétation). - Spéculations...
15 M. Hayman (interprétation). - Acceptez-vous le fait qu'il serait
16 impossible pour un commandant d'être au courant des événements en pleine
17 mutation sur le terrain, de pouvoir commander véritablement et de
18 contrôler ses forces si ce commandant ne dispose pas d'informations
19 concernant l'état de la situation dans un lieu tel que celui-là ?
20 M. Duncan (interprétation). - Tout dépend du niveau de
21 commandement. Au niveau tactique, au niveau du terrain, vous allez donner
22 des ordres régulièrement mais, à un niveau plus élevé, vous donnez
23 seulement des ordres à certains intervalles parce qu'il y a des
24 commandants sur le terrain qui ont une certaine discrétion. Vous donnez
25 des ordres qui sont des directives, vous devez faire ceci ou cela, et vous
Page 9295
1 permettez au commandant ensuite d'exercer son pouvoir de commandement dans
2 le cadre de ces directives. Il n'y a aucune demande de vérification
3 quotidienne. Cela l'écarterait en quelque sorte de sa mission essentielle.
4 M. Hayman (interprétation). - En tant que commandant, pourriez-
5 vous traiter de choses pour lesquelles vous n'avez pas les informations
6 suffisantes pour véritablement diriger ?
7 M. Duncan (interprétation). - Vous traitez de choses qui ne vous
8 regardent pas parce que vous êtes à un autre niveau. C'est ce que je veux
9 dire. Sur le plan professionnel, c'est comme cela que les soldats
10 travaillent.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous nous dites que, sur la zone
12 d'opération, la direction que le commandant peut fournir à une brigade de
13 Sarajevo consistait à coopérer avec l'armée de Bosnie-Herzégovine au mieux
14 de ses capacités ? "Faites-le mieux que vous pouvez". C'est ce style de
15 directive-là ?
16 M. Duncan (interprétation). - C'est assez insuffisant comme
17 directive, d'après moi. Nous parlons de spéculations ici et, donc, au
18 niveau de ces spéculations, cela me paraît insuffisant.
19 M. Hayman (interprétation). - Cela dépend des informations que
20 le commandant du niveau supérieur reçoit ?
21 M. Duncan (interprétation). - Il y a des limites aux paramètres.
22 Vous devez faire X, Y et Z avec telles et telles forces, et vous faites
23 rapport dans les circonstances suivantes. Vous avez donc une directive qui
24 couvre l'étendue du commandement, les limites et la direction dans
25 laquelle les choses doivent se faire. Ces directives doivent être assez
Page 9296
1 complètes. C'est ce qu'un commandement de zone opérationnelle veut dire.
2 M. Hayman (interprétation). - Permettez-moi de vous demander
3 ceci : vous êtes d'accord pour dire que l'enclave de Vitez et de Busovaca
4 était, en fait, coupée de l'enclave de Kiseljak par l'armée de Bosnie-
5 Herzégovine au cours de votre mandat ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Et, dès lors, que les
8 communications entre ces deux enclaves -en laissant de côté pour l'instant
9 les transports de l'ONU- fonctionnaient par radio, fax, téléphone... enfin
10 ce genre de choses ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des problèmes dans la
13 poche de Vitez concernant la fourniture d'électricité pour faire tourner
14 des radios, etc. ? L'électricité était-elle parfois coupée ?
15 M. Duncan (interprétation). - En effet, elle était parfois
16 coupée et contrôlée, d'ailleurs, par les forces locales qui pouvaient
17 éteindre, fermer et rouvrir l'électricité.
18 M. Hayman (interprétation). - Pendant des périodes assez
19 longues, il n'y avait donc pas d'électricité du tout dans l'enclave de
20 Vitez ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui. Puis-je nuancer cependant ?
22 On a souvent des systèmes de secours, on a des générateurs.
23 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mandat, vous
24 avez eu connaissance du fait qu'il n'y avait pas suffisamment de batteries
25 pour faire fonctionner les radios militaires, dans l'enclave de Vitez par
Page 9297
1 exemple, au moment où, justement, il y avait des coupures d'électricité.
2 Ne l'avez-vous pas su ?
3 M. Duncan (interprétation). - J'ai su que la population n'avait
4 pas de batteries, mais j'ai vu des officiers avec des radios qu'ils
5 tenaient dans la main, des Motorola.
6 M. Hayman (interprétation). - Cela ne pouvait pas vous permettre
7 de communiquer avec Kiseljak ?
8 M. Duncan (interprétation). - Il y avait des systèmes de relais
9 sur les collines qui permettaient de communiquer. Il y avait des systèmes
10 à répétition avec des relais ; des systèmes civils qui avaient été
11 adaptés. Il était facile de couvrir des distances, même assez longues.
12 M. Hayman (interprétation). - Où se trouvaient ces répétiteurs
13 entre Kacuni et Bilalovac ?
14 M. Duncan (interprétation). - Il faudrait que vous le montriez
15 sur la carte parce que je ne m'en souviens pas, mais il y avait un système
16 efficace qui fonctionnait sur place.
17 M. Hayman (interprétation). - Supposez-vous qu'il fonctionne
18 ainsi où bien avez-vous vu ce système ?
19 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai pas vu le système mais
20 j'ai vu des gens qui communiquaient avec des talkies-walkies.
21 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à votre réunion
22 de mai 1993 avec le colonel Blaskic. C'était votre première réunion avec
23 lui, n'est-ce pas, ou bien l'aviez-vous déjà rencontré ?
24 M. Duncan (interprétation). - Je n'en suis pas convaincu mais je
25 crois que le 9 mai était la date de la réunion au cours de laquelle on m'a
Page 9298
1 officiellement présenté, par l'intermédiaire du colonel Stewart, au
2 colonel Blaskic.
3 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que M. Kordic était
4 également présent. Que portait-il ?
5 M. Duncan (interprétation). - Il portait un uniforme militaire.
6 Il ne portait pas d'insigne ni de grade.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il été présenté comme
8 ayant un grade particulier ?
9 M. Duncan (interprétation). - On m'a dit que c'était
10 Dario Kordic tout simplement. On m'a fait comprendre que c'était un
11 colonel, en tout cas qu'il avait le statut de colonel.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé du colonel Blaskic
13 et vous l'avez qualifié de commandant et non de colonel à l'époque. Y a-t-
14 il une raison à cela ?
15 M. Duncan (interprétation). - Je pensais qu'étant commandant de
16 la région, c'était une façon polie de m'adresser à lui.
17 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous conclu qu'il avait
18 également des responsabilités, dans la zone de responsabilité que vous
19 occupiez, qu'un colonel n'aurait pas eu, et qu'il était comparable, dans
20 le cadre de sa zone de responsabilité, au commandant du 3ème Corps d'armée
21 qui, lui, était colonel ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois qu'il n'y a aucun
23 problème à dire cela. En temps de guerre, les gens reçoivent des
24 promotions. Par exemple, mon père était major, il était lieutenant-colonel
25 local, et il est devenu colonel et brigadier général. Son rang ou son
Page 9299
1 grade est resté le même, mais ses responsabilités sont devenues plus
2 importantes.
3 M. Hayman (interprétation). - D'accord. Alors, si je dis que le
4 colonel Blaskic était colonel avec les responsabilités d'un général, j'ai
5 raison étant donné que c'était en temps de guerre, n'est-ce pas ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Au cours de cette réunion du
8 9 mai, est-il exact de dire que le colonel Stewart, que vous avez
9 accompagné à cette réunion, a dit au colonel Blaskic : "Vous êtes
10 responsable d'Ahmici" ? En tout cas, il a proféré des accusations.
11 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est exact.
12 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire que le
13 colonel Blaskic a dit : "Je n'ai pas ordonné et je n'ai pas lancé ce type
14 de crime à Ahmici, je n'ai rien fait de tout cela" ? Il a dit cela, n'est-
15 ce pas ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui.
17 M. Hayman (interprétation). - A-t-il dit également : "Mes
18 soldats n'ont pas été impliqués dans les événements d'Ahmici" ?
19 M. Duncan (interprétation). - Je crois, oui.
20 M. Hayman (interprétation). - On vous a montré la
21 retranscription d'une interview -en tous cas une partie d'une interview-
22 qui semble avoir été publiée dans un journal ou dans un magazine -mon
23 collègue me le dit parce que la date n'a, en fait, pas été traduite dans
24 la traduction anglaise-, le 5 octobre 1993. Peut-on fournir la pièce 380
25 au témoin, s'il vous plaît ?
Page 9300
1 (L'huissier s'exécute.)
2 Etiez-vous présent lorsque cette interview a été recueillie ?
3 M. Duncan (interprétation). - Non.
4 M. Hayman (interprétation). - La totalité de l'entrevue a-t-elle
5 été traduite pour vous ou n'avez-vous obtenu que ce dont nous disposons ?
6 M. Duncan (interprétation). - Que ce dont nous disposons.
7 M. Hayman (interprétation). - En temps de guerre, général, est-
8 il normal qu'une force militaire partage des informations plus ou moins
9 confidentielles avec les médias ou avec des organisations internationales,
10 ou bien une organisation militaire doit-elle conserver des informations
11 confidentielles et maintenir leur statut d'informations confidentielles ?
12 M. Duncan (interprétation). - Il est normal qu'un général fasse
13 des rapports aux médias. J'ai moi-même écrit un article sur ce point et je
14 me suis beaucoup occupé des relations avec les médias dans le cadre de
15 l'armée britannique. Il est tout à fait normal qu'un général exprime
16 certaines opinions qui viennent expliquer la situation dans laquelle vous
17 vous trouvez et qui donnent une image favorable de ce que vous faites, de
18 la mission que vous êtes en train d'accomplir.
19 M. Hayman (interprétation). - En fait, cela fait partie des
20 missions d'un commandant militaire. Il faut faire preuve de force, d'un
21 sens du contrôle et d'une possibilité de succès, n'est-ce pas ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui.
23 M. Hayman (interprétation). - Ces tâches existent dans le cadre
24 des rapports avec les médias et avec des instances tierces, n'est-ce pas ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui, mais il faut parfois
Page 9301
1 expliquer lorsque la situation tourne mal, parce que vous risquez d'en
2 être tenu pour responsable. On vous demandera des comptes, c'est normal.
3 M. Hayman (interprétation). - Dans cette traduction anglaise
4 partielle de la pièce 380, le colonel Blaskic dit d'ailleurs que la
5 volonté et la détermination du peuple croate dans ces zones a mené à une
6 défense forte, et il a ajouté : "Vares et la catégorie des différents
7 endroits déjà cités". Est-ce que vous voyez ce passage ?
8 M. Duncan (interprétation). - Laissez-moi vérifier, s'il vous
9 plaît... De quelle ligne parlez-vous ?
10 M. Hayman (interprétation). - De la sixième ligne à partir d'en
11 haut, sur la première page de la traduction anglaise partielle.
12 M. Duncan (interprétation). - Oui, je trouve Vares
13 effectivement.
14 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, Vares était tombée
15 en un mois et la brigade du HVO avait été dissoute, n'est-ce pas ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui.
17 M. Hayman (interprétation). - Fojnica était déjà tombée en
18 octobre ou vous ne vous en souvenez pas ? Nous trouvons Fojnica dans la
19 première ligne de la page 1.
20 M. Duncan (interprétation). - Je ne m'en souviens plus
21 exactement, mais je sais qu'elle a fini par tomber parce que nous avons dû
22 travailler avec l'hôpital à ce moment-là.
23 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on contacté et vous a-t-
24 on demandé de fournir de l'aide parce qu'il manquait du personnel ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui. L'hôpital se trouvait sur la
Page 9302
1 ligne de front et le personnel de l'hôpital était parti. C'était une
2 situation très difficile. C'était un hôpital psychiatrique. Nous avons
3 fourni un certain nombre d'infirmières militaires et d'autres personnes
4 également qui sont venues travailler à l'hôpital.
5 M. Hayman (interprétation). - Qui a demandé de l'aide ?
6 M. Duncan (interprétation). - Je crois que c'était le colonel
7 Blaskic ou son quartier général.
8 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il demandé d'apporter
9 votre aide parce que lui-même ne pouvait pas se rendre sur les lieux étant
10 donnée la situation ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui, il nous a demandé de l'aide
12 parce qu'il savait que nous avions suffisamment de personnes pour l'aider
13 et les moyens nécessaires.
14 M. Hayman (interprétation). - Et pas lui ?
15 M. Duncan (interprétation). - Non. Puis-je ajouter quelque
16 chose ? Il aurait eu le nombre de personnes nécessaires, mais était-il
17 prêt à les transférer à cet endroit ? Cétait beaucoup moins sûr.
18 M. Hayman (interprétation). - Au moment où vous avez été
19 contacté, l'hôpital se trouvait-il sur le territoire contrôlé par l'armée
20 de Bosnie-Herzégovine ?
21 M. Duncan (interprétation). - Non, il était juste au milieu.
22 M. Hayman (interprétation). - Tout juste sur la ligne de front ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela.
24 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez aidé à
25 l'hôpital, la Forpronu a-t-elle utilisé des véhicules blindés et d'autres
Page 9303
1 moyens qui étaient à sa disposition pour accomplir cette activité ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui.
3 M. Hayman (interprétation). - Le 9 mai, après votre visite au
4 colonel Blaskic, vous êtes-vous rendu avec le colonel Stewart à Zenica
5 pour rendre visite à M. Hadzihsanovic ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois.
7 M. Hayman (interprétation). - Lors de cette visite, avez-vous
8 appris qu'il y avait encore 300 Croates emprisonnés à Zenica, même s'il
9 n'y avait pas de Musulmans en prison à Vitez ? Avez-vous appris cela au
10 cours de votre réunion avec le général Hadzihsanovic, le 9 mai 1993 ?
11 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, vous faites un
12 certain nombre de liens dans votre question. Je savais qu'il y avait des
13 Croates emprisonnés à Zenica, mais vous êtes en train de dire qu'il n'y
14 avait pas de Musulmans prisonniers à Vitez. Pourtant il y en avait.
15 M. Hayman (interprétation). - On vous a dit qu'il y en avait, ou
16 plutôt qu'il était connu par la Forpronu qu'il n'y avait plus de Musulmans
17 emprisonnés à Vitez ?
18 M. Duncan (interprétation). - Non. Il y avait une représentante
19 du HCR lors de cette réunion qui a eu lieu avec M. Blaskic, et elle se
20 plaignait du fait qu'il y avait encore des prisonniers musulmans à Vitez.
21 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous combien de prisonniers
22 croates étaient encore à Zenica, le 9 mai ?
23 M. Duncan (interprétation). - Non.
24 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le colonel
25 Blaskic disposait d'un quartier général bien équipé. Savez-vous combien
Page 9304
1 d'officiers ayant suivi une éducation militaire étaient à sa disposition
2 dans le quartier général de la zone opérationnelle de Bosnie centrale,
3 officiers qui l'aidaient à gérer les différentes activités du quartier
4 général ?
5 M. Duncan (interprétation). - Non.
6 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous surpris d'apprendre
7 qu'il avait deux officiers à sa disposition ?
8 M. Duncan (interprétation). - Non, pas particulièrement.
9 M. Hayman (interprétation). - Combien d'officiers ayant reçu une
10 formation à l'académie militaire seraient utilisés par l'armée britannique
11 dans le cadre du quartier général d'un corps d'armée ou d'une zone de
12 responsabilité équivalente à celle de la zone opérationnelle de Bosnie
13 centrale ?
14 M. Duncan (interprétation). - Elle pourrait être couverte par
15 une brigade britannique. Si c'est une brigade territoriale, il y aurait le
16 commandant et le chef d'état-major. Seules deux personnes seraient des
17 personnes qui auraient suivi une formation de l'académie militaire.
18 M. Hayman (interprétation). - Et ceci en temps de guerre ? Ce
19 serait effectivement cela ?
20 M. Duncan (interprétation). - Mais je ne peux pas faire de
21 spéculations. Il faudrait essayer d'évaluer les risques, les missions, le
22 type de soldats à impliquer. Fallait-il des véhicules blindés, etc...
23 M. Hayman (interprétation). - Mais si vous aviez un quartier
24 général responsable de forces se trouvant dans six ou sept différentes
25 enclaves (Vares, Kakanj, Kiseljak, Krecevo, Fornica, Travnik, Zetce,
Page 9305
1 Maglaj ainsi que Vitez et Busovaca), ne serait-il pas normal qu'une armée
2 moderne mette en place un commandement du quartier général ou d'état-
3 major, afin d'essayer de commander les différentes unités sur ces
4 enclaves ?
5 M. Duncan (interprétation). - Eh bien vous venez juste de
6 décrire les endroits où se trouvaient mes différents soldats et mes
7 différentes unités dans cette grande zone.
8 M. Hayman (interprétation). - Et vous aviez plus de deux
9 officiers ayant reçu une formation à l'académie militaire ?
10 M. Duncan (interprétation). - Mais que voulez-vous dire lorsque
11 vous parlez d'une formation à l'académie militaire ? Il y a deux choses
12 différentes : vous pouvez passer seize mois dans une académie militaire et
13 vous pouvez suivre une formation complète qui vous permettra d'arriver à
14 un statut professionnel.
15 M. Hayman (interprétation). - Je parle d'une formation complète
16 à l'académie militaire.
17 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas... Cela peut
18 dépendre. Cela peut aller entre dix-huit mois et seize semaines pour mes
19 officiers.
20 M. le Président. - Ces questions sont très spéculatives. J'ai
21 l'impression qu'on compare des choses qui ne sont pas du tout comparables.
22 Je vous ai laissé poursuivre les questions parce que je comprends très
23 bien ce que vous voulez en tirer, mais je crois qu'il convient peut-être
24 maintenant de passer à une autre question.
25 M. Hayman (interprétation). - Avec plaisir,
Page 9306
1 Monsieur le Président. Vous nous avez parlé d'une visite à Kiseljak au
2 cours de laquelle vous avez assuré le transport du colonel Blaskic dans un
3 véhicule armé, n'est-ce pas ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui.
5 Me Hayman (interprétation). -...Et vous nous avez donné la date
6 de cette visite. Une fois cette réunion terminée, pendant combien de temps
7 le colonel Blaskic a-t-il pu rester à Kiseljak avant d'être ramené en
8 véhicule blindé à Vitez ?
9 M. Duncan (interprétation). - Entre deux et trois heures.
10 M. Hayman (interprétation). - Et, par la suite, avez-vous à
11 nouveau participé à un autre voyage avec le commandant Blaskic ?
12 M. Duncan (interprétation). - Non.
13 M. Hayman (interprétation). - Le général Petkovic était à
14 Kiseljak, n'est-ce pas ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui.
16 Me Hayman (interprétation). - Comment est-il arrivé là ?
17 M. Duncan (interprétation). - Je n'en sais rien.
18 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous s'il a été transporté
19 par un véhicule armé des Nations Unies ?
20 M. Duncan (interprétation). - Je n'en sais rien.
21 M. Hayman (interprétation). - Au cours de l'automne 1993, le
22 colonel Blaskic vous a-t-il demandé de l'emmener à Kiseljak, afin qu'il
23 puisse assister aux funérailles de son père qui avait été tué par un
24 tireur isolé. ? Vous en souvenez-vous ?
25 M. Duncan (interprétation). - Je me rappelle avoir reçu une
Page 9307
1 demande du commandant Blaskic -je crois que c'était le 4 septembre- afin
2 qu'il soit transféré de la poche de Vitez ailleurs.
3 Nous en avons parlé lors d'une conversation privée.
4 Il n'y avait que son interprète qui était là. Je crois, qu'il
5 voulait, à ce moment-là, rendre visite à un de ses enfants qui était
6 malade.
7 C'est la raison qui m'a été donnée.
8 M. Hayman (interprétation). - En novembre, vous a-t-il demandé
9 d'être transporté par la Forpronu pour aller assister aux funérailles de
10 son père à la municipalité de Kiseljak, son père ayant été tué par un
11 tireur isolé ?
12 M. Duncan (interprétation). - Je ne m'en souviens plus.
13 Me Hayman (interprétation). - Cela figurait-il dans vos notes ?
14 M. Duncan (interprétation). - Ce n'est pas dans mes notes. Je me
15 souviendrais d'un événement tel que celui-là, mais je n'en ai aucun
16 souvenir.
17 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant au Convoi de la
18 Joie. Le Convoi de la Joie est arrivé en Bosnie centrale, dans la vallée
19 de la Lasva, le 10 juin 1993 environ, n'est-ce pas ?
20 M. Duncan (interprétation). - Oui.
21 M. Hayman (interprétation). - Décrivons donc ce convoi. Il était
22 constitué de 10 kilomètres de véhicules à peu près, n'est-ce pas ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui.
24 M. Hayman (interprétation). - Nous parlons peut-être de
25 centaines ou de milliers de véhicules.
Page 9308
1 M. Duncan (interprétation). - Je dirais 300 véhicules environ.
2 M. Hayman (interprétation). - Ce n'était pas un convoi des
3 Nations Unies ou du HCR ?
4 M. Duncan (interprétation). - Non.
5 M. Hayman (interprétation). - C'était un convoi privé ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Et ce convoi se dirigeait vers
8 Tuzla, n'est-ce pas ?
9 M. Duncan (interprétation). - Oui.
10 M. Hayman (interprétation). - Afin de fournir l'aide contenue
11 dans ce convoi à des Musulmans qui se trouvaient à Tuzla, n'est-ce pas ?
12 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.
13 M. Hayman (interprétation). - Et, à votre connaissance, le
14 contenu du convoi devait être livré aux autorités municipales de Tuzla
15 pour qu'il soit distribué ?
16 M. Duncan (interprétation). - C'est cela. C'est ce que j'ai bien
17 compris.
18 M. Hayman (interprétation). - La première fois que ce convoi a
19 été stoppé dans la vallée de la Lasva, où cela s’est-il passé ?
20 M. Duncan (interprétation). - Sur la route qui séparait
21 Novi Travnik et Gornji Vakuf ; une petite route étroite qui se trouve au
22 sud de Radicevici ou quelque chose comme cela, mais je n'en suis pas sûr.
23 M. Hayman (interprétation). - Saviez-vous, à l'époque, qu'il y
24 avait quelque 20 000 Croates de Bosnie réfugiés qui s'étaient repliés dans
25 cette zone ?
Page 9309
1 M. Duncan (interprétation). - Vous parlez de la poche de Vitez
2 ou de Novi Travnik ?
3 M. Hayman (interprétation). - Eh bien de Novi Travnik, de la
4 région qui se trouve au sud de Novi Travnik, à l'endroit où le convoi a
5 été arrêté pour la première fois.
6 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est possible. Vous êtes en
7 train d'impliquer que c'était dans Ravinovici* mais ce n'était pas à cet
8 endroit-là.
9 M. Hayman (interprétation). - Oui, mais il y avait des milliers
10 et des milliers de Croates de Bosnie déplacés qui se trouvaient autour de
11 l'endroit où ce convoi a été arrêté la première fois, n'est-ce pas ?
12 M. Duncan (interprétation). - Oui.
13 M. Hayman (interprétation). - Et seriez-vous d'accord avec moi
14 pour dire....
15 M. le Président. - Quand la défense vous pose des questions,
16 vous vous tournez vers elle mais, pour les réponses, vous vous tournez
17 vers les juges, s'il vous plaît.
18 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, je suis désolé... Je
19 ne voulais pas offenser les juges.
20 M. Hayman (interprétation). - Et une grande partie de ces
21 personnes déplacées n'avaient-elles pas, ou très peu de moyens et
22 n'étaient-elles pas privées de nourriture ?
23 M. Duncan (interprétation). - Ces personnes avaient peu de
24 moyens. Elles étaient arrivées dans cette zone avec rien d'autre qu'un sac
25 en plastique, la plupart du temps. Je pense qu'il y avait suffisamment de
Page 9310
1 nourriture et je n'ai jamais vu personne mourir de faim en Bosnie
2 centrale, en tout cas pas comme ce que l'on voit aux informations, en
3 Afrique.
4 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour
5 dire que la plupart de ces réfugiés avaient apparemment du mal à voir
6 passer un convoi de 10 à 11 kilomètres, traversant leur ville pour se
7 rendre vers des territoires musulmans, alors que rien du contenu de ce
8 convoi n'allait leur être distribué ?
9 M. Duncan (interprétation). - C'est effectivement une situation
10 difficile, mais les mêmes personnes qui se trouvaient là avaient déjà vu
11 passer tous les convois des Nations Unies qui avaient suivi ce même
12 itinéraire. C'était tout à fait normal. Il y avait beaucoup de camions
13 blancs ou colorés. Il y en avait tous les jours.
14 M. Hayman (interprétation). - Il y a eu également d'autres
15 problèmes avec d'autres convois.
16 M. Duncan (interprétation). - Oui. Mais chaque convoi qui
17 arrivait à ma zone de responsabilité a tout de même atteint sa destination
18 finale (je parle des convois des Nations Unies).
19 M. Hayman (interprétation). - La cassette de la BBC, que nous
20 avons visionnée, dit que les organisateurs du convoi savaient que ce
21 voyage allait être extrêmement dangereux et que cette zone-là était
22 particulièrement dangereuse. Etes-vous d'accord avec cela ? Etait-ce
23 effectivement une zone extrêmement dangereuse pour un convoi de ce type et
24 de cette envergure ?
25 M. Duncan (interprétation). - C'était l'opinion du journaliste
Page 9311
1 qui couvrait l'événement. C'était effectivement une zone dangereuse parce
2 que les Musulmans de Bosnie savaient que c'était une zone dangereuse. Ils
3 avaient passé un accord avec le gouvernement croate afin que ce convoi
4 puisse passer. J'ai vu des documents portant sur cet accord et ce convoi
5 devait effectivement pouvoir passer par ces territoires afin d'arriver à
6 sa destination.
7 M. Kehoe (interprétation). - Savez-vous qui a signé cet accord
8 ou qui a donné son accord ?
9 M. Duncan (interprétation). - Eh bien j'ai compris que c'était
10 Mate Boban qui avait signé cet accord.
11 M. Hayman (interprétation). - Et savez-vous si le colonel
12 Blaskic avait exprimé une opinion contraire au passage de ce convoi ?
13 Parce qu'il était très probable que ce convoi ne pourrait pas passer en
14 toute sécurité la vallée de la Lasva. Savez-vous s'il a dit quoi que ce
15 soit sur le Convoi de la Joie ?
16 M. Duncan (interprétation). - Je n'en sais rien.
17 M. Hayman (interprétation). - En juin, vous a-t-il dit qu'il ne
18 pourrait pas garantir la sécurité de ce convoi dans sa zone de
19 responsabilité parce qu'il y avait des dizaines de milliers de personnes
20 déplacées et d'éléments incontrôlables sur ce territoire ?
21 M. Duncan (interprétation). - Eh bien, il a dit qu'il y aurait
22 sûrement un certain nombre de difficultés et de problèmes si le convoi
23 devait passer dans cette zone à ce moment-là. C'était effectivement une
24 situation difficile.
25 M. Hayman (interprétation). - Je vais lire un passage de votre
Page 9312
1 déclaration au Bureau du Procureur, à la page 7. Vous faites référence au
2 21 juin...
3 M. le Président. - Maître Hayman, il s'agit toujours du problème
4 du Convoi ? Parce que je songe à la pause. Je préférerais qu'on termine
5 sur le problème du convoi mais, si c'est trop long, je préférerais qu'on
6 fasse la pause.
7 M. Hayman (interprétation). - Si je peux finir cette dernière
8 question, Monsieur le Président, je crois que nous en arriverons à un
9 point tout à fait approprié.
10 M. le Président. - D'accord. Merci.
11 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.
12 Est-il exact, brigadier général, comme vous le dites dans votre
13 déclaration du milieu de la page 7, que, le 21 juin 1993, le deuxième JCM
14 (réunion du commandement conjoint) s'est tenu au camp de Vitez au cours
15 duquel le colonel Blaskic m'a dit qu'il serait incapable de garantir la
16 sécurité du convoi du HCR dans sa zone de responsabilité ? Est-ce exact ?
17 M. Duncan (interprétation). - Eh bien, si c'est dit dans ma
18 déclaration, c'est exact, oui.
19 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai
20 terminé. Si le Procureur est prêt à reconnaître que cet extrait est bien
21 dans la déclaration du témoin. Je crois donc qu'il est temps de faire la
22 pause.
23 M. le Président. - Nous allons nous arrêter.
24 Je voudrais simplement revenir sur l'incident de tout à l'heure,
25 Maître Hayman. Je ne sais pas ce que vous ferez cet après-midi avec les
Page 9313
1 pièces 386 à 389. Vous êtes entièrement libre des intérêts de la défense
2 de votre client, mais je voudrais dire que si vous vous appuyez sur ces
3 quatre pièces dans votre contre-interrogatoire de cet après-midi, je les
4 considérerais comme identifiées par vous et désormais comme des pièces à
5 conviction. Vous avez la pause pour réfléchir. Si, par contre, vous
6 estimez que vous n'êtes pas prêt à les discuter, nous traiterons à ce
7 moment-là le problème différemment.
8 L'audience est suspendue.
9 L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à
10 14 heures 35.
11 M. le Président. - Faites entrer l'accusé, Monsieur l'huissier.
12 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)
13 M. le Président. - Maître Hayman, poursuivez le contre-
14 interrogatoire, s'il vous plaît.
15 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
16 Monsieur le brigadier général, revenons au Convoi de la Joie.
17 J'ai encore quelques questions à vous poser sur ce sujet.
18 La première fois qu'on l'a arrêté, au sud de Novi Travnik, il se
19 trouvait dans la région de Puticevo. Est-ce que cela vous dit quelque
20 chose ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est le long de la route qui
22 va vers le sud.
23 M. Hayman (interprétation). - N'avez-vous jamais été sur le lieu
24 où le convoi a été arrêté ?
25 M. Duncan (interprétation). - Non.
Page 9314
1 M. Hayman (interprétation). - A la vidéo de la BBC que nous
2 avons vue, des images montraient des hommes en uniforme qui semblaient
3 passer à tabac un autre homme en civil. Pourriez-vous dire que les hommes
4 en uniforme n'étaient pas vêtus d'uniformes complets et tous leurs
5 équipements de combat ?
6 M. Duncan (interprétation). - En effet, ils ne portaient pas
7 d'équipement de combat. C'étaient des policiers militaires.
8 M. Hayman (interprétation). - N'était-il pas possible de dire, à
9 partir de ces photos, s'il s'agissait de soldats qui étaient soit en
10 mission, soit hors mission ? Peut-on faire la différence à partir de ces
11 photos ?
12 M. Duncan (interprétation). - Non. Mais quelle est la
13 pertinence ? Ce sont des soldats en uniforme. Ils sont en zone de guerre
14 et j'imagine qu'ils sont en mission.
15 M. Hayman (interprétation). - Je ne crois pas que ce soit à moi
16 de répondre à la question, j'aimerais bien, mais ce n'est pas à moi de le
17 faire.
18 M. le Président. - Ce n'est effectivement pas à vous de répondre
19 aux questions, c'est normal, mais si vous posez une question dont la
20 difficulté pour le témoin est soit de ne pas totalement la comprendre,
21 soit de sentir, à travers la question que vous posez, une conclusion que
22 vous allez déduire, il me paraît tout à fait normal que le témoin puisse
23 préciser, et il peut parfois avoir besoin de préciser, lui-même par une
24 question. Merci.
25 M. Hayman (interprétation). - Le Convoi de la Joie a-t-il été
Page 9315
1 arrêté une deuxième fois ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui, Monsieur. Il a complètement
3 été arrêté au contrôle de Vitez, juste avant le carrefour en T, à
4 l'extrémité orientale de la ville.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes-vous rendu sur le lieu
6 où ce convoi était arrêté cette fois-là ?
7 M. Duncan (interprétation). - Oui.
8 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous rencontré le général
9 Petkovic en ce lieu ?
10 M. Duncan (interprétation). - Non, Monsieur. J'ai rencontré le
11 général Petkovic à Radicevici où j'essayais justement de me déplacer vers
12 le sud pour voir ce qui se passait concernant l'incident dont vous venez
13 de parler (les personnes en uniforme, c'est de cet incident dont je
14 parle), mais une foule de femmes et d'enfants m'ont arrêté. C'était eux
15 qui bloquaient la route.
16 M. Hayman (interprétation). - En ce lieu, avez-vous demandé au
17 général Petkovic de faire quoi que ce soit ?
18 M. Duncan (interprétation). - Oui, je lui ai demandé son aide
19 pour pouvoir aller vers Radicevici où se trouvait le convoi, tout au moins
20 où semblait se produire ce problème de convoi, et il a refusé de me donner
21 quelque aide que ce soit.
22 M. Hayman (interprétation). - Le général Petkovic a-t-il parlé à
23 cette foule après que vous ayez demandé de l'aide pour passer à travers
24 cette barrière de civils croates ?
25 M. Duncan (interprétation). - En effet.
Page 9316
1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations sur ce
2 qu'il a dit ?
3 M. Duncan (interprétation). - Non, mais je dirais que la foule
4 avait l'air d'être satisfaite de ce qu'il disait.
5 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que le général Petkovic
6 vous a dit qu'il avait demandé à cette foule de se déplacer et qu'elle
7 avait refusé de se déplacer ?
8 M. Duncan (interprétation). - Non, il ne m'a apporté aucune
9 aide.
10 M. Hayman (interprétation). - Vous aviez dit précédemment au
11 Bureau du Procureur (au milieu de la page 3) que le général Petkovic avait
12 parlé à cette foule, mais avait dit que cette foule refusait de se
13 déplacer.
14 M. Duncan (interprétation). - Attendez, laissez-moi vérifier le
15 texte...
16 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit de la page 3, une
17 douzaine de lignes au milieu du grand paragraphe du milieu de la page.
18 M. Duncan (interprétation). - Je suis désolé, de quel texte
19 parlez-vous ? Je ne suis pas sûr d'avoir le même exemplaire que vous.
20 M. Hayman (interprétation). - Dans mon exemplaire, il s'agit de
21 la deuxième page de votre déclaration, mais elle porte néanmoins le
22 numéro 3, page 3.
23 Votre conseil peut-il vous aider ?
24 M. Kehoe (interprétation). - C'est le paragraphe qui commence
25 par "An incident occurred in relation to the "Convoy of Joy". Ce sont les
Page 9317
1 premiers mots de ce paragraphe, page 3.
2 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, oui, j'ai trouvé...
3 Je vous prie de m'excuser.
4 M. Hayman (interprétation). - Une douzaine de lignes plus loin,
5 on dit : "J'ai arrêté Petkovic et je lui ai demandé s'il pouvait m'aider à
6 passer à travers cette barrière de civils croates. Il a parlé à la foule,
7 mais a dit qu'il refusait de se déplacer".
8 M. Duncan (interprétation). - Oui.
9 M. Hayman (interprétation). - C'est précis. C'est bien cela ?
10 M. Duncan (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Alors pensez-vous qu'en ce lieu,
12 il s'agissait d'autochtones qui avaient arrêté ce convoi ?
13 M. Duncan (interprétation). - Oui, il s'agissait de civils de
14 l'endroit même.
15 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic est-il allé sur
16 le lieu de l'arrêt du Convoi de la Joie sur votre injonction ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui.
18 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous là en même temps que
19 lui ?
20 M. Duncan (interprétation). - Oui.
21 M. Hayman (interprétation). - Si je lis de nouveau le même
22 paragraphe, est-il correct de dire : "Lorsque le Convoi de la Joie a pu
23 poursuivre sa route, il a fallu l'autorité de Dario Kordic et des Croates
24 pour obtenir de pouvoir partir. Dario Kordic était la clé de cette
25 libération. J'avais précédemment emmené Blaskic au contournement de Vitez,
Page 9318
1 là où le convoi avait été arrêté pour la deuxième fois. Il s'agissait du
2 carrefour en T dans la partie Est de Vitez où on peut ensuite tourner à
3 droite vers la ville de Vitez. Blaskic portait son casque militaire et son
4 gilet pare-balles. Les soldats ont refusé de permettre au convoi de
5 poursuivre sa route, même lorsque j'ai cité le nom du colonel Blaskic en
6 tant qu'autorité. Les soldats ont dit catégoriquement qu'ils souhaitaient
7 que l'ordre provienne directement de Kordic. Ils semblaient être des
8 soldats normaux du HVO, en vêtements de combat normaux verts, mais
9 également avec des vêtements de camouflage."
10 Cette citation est-elle correcte ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Est-il également correct de lire
13 deux lignes plus loin : "Il m'est apparu clairement que Kordic contrôlait
14 les actions de la police locale et des civils qui bloquaient les routes et
15 qui pillaient les convois". Est-ce bien vrai ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est vrai. Je parle de
17 police locale militaire.
18 M. Hayman (interprétation). - Lorsque Blaskic s'est trouvé au
19 lieu du deuxième arrêt du convoi, semblait-il donner des ordres ou des
20 commandements aux soldats qui avaient arrêté le convoi ?
21 M. Duncan (interprétation). - Non...
22 Je m'excuse, je ne pense pas que le commandant Blaskic
23 souhaitait parler à la foule. La foule était plutôt menaçante à ce moment-
24 là et je ne pense pas que le commandant Blaskic avait ordonné à la foule
25 d'être là. Je crois que c'est M. Kordic qui avait ordonné à la foule
Page 9319
1 d'être là puisqu'il s'agissait d'une foule essentiellement de civils. Les
2 barrières sur la route étaient civiles à chaque fois.
3 M. Hayman (interprétation). - Il s'agissait donc, de toute
4 façon, d'une situation dont vous concluez que le colonel Blaskic n'en
5 avait pas le contrôle.
6 M. Duncan (interprétation). - Oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Voici un document fourni aux
8 interprètes et j'en ai des copies pour le conseil et le témoin (pièces à
9 décharge). Il faut qu'on lui accorde la cote suivante.
10 M. Dubuisson. - Il s'agit du document D 135.
11 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit donc d'un document qui a
12 été fourni à la défense par le Procureur en fin de matinée aujourd'hui.
13 Reconnaissez-vous ce document, brigadier général ?
14 M. Duncan (interprétation). - Oui, il s'agit de la copie d'un
15 document que j'ai envoyée à un certain nombre de personnes au sein de la
16 BritFor après une réunion avec le commandant Blaskic.
17 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous signé ce document ? En
18 êtes-vous l'auteur ?
19 M. Duncan (interprétation). - Oui.
20 M. Hayman (interprétation). - Peut-on le placer sur le
21 rétroprojecteur pour qu'on puisse bien voir le paragraphe 3 ? J'aimerais
22 en donner lecture de sorte qu'on puisse le traduire. Ensuite, j'aurai des
23 questions à vous poser.
24 Tout d'abord, quelle est la date de ce document ?
25 M. Duncan (interprétation). - Plus ou moins le 17 août.
Page 9320
1 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'une réunion avec
2 M. Blaskic qui a eu lieu un certain jour. Cette date est le 17 août 1993 ?
3 M. Duncan (interprétation). - Oui.
4 M. Hayman (interprétation). - Paragraphe 3 : "Blaskic était
5 perturbé. D'après lui, le BritBat avait organisé des réunions entre le
6 chef de la police de Zenica, M. Hasim Fazlic, et un Croate local de la
7 vallée de la Lasva appelé le parrain de la Mafia, M. Marko Andric, alias
8 Zuti. Il semblerait que Zuti avait une influence importante sur les
9 personnes de la vallée de la Lasva alors que Blaskic ne disposait pas de
10 cette influence, comme peuvent le prouver les événements du Convoi de la
11 Joie, où Blaskic s'est avéré n'être rien d'autre qu'un commandant fantoche
12 ignoré par les autochtones.
13 Zuti semblait avoir parlé au chef de la police de Zenica lors
14 d'une réunion officieuse près des casernes du Britbat à Vitez concernant
15 la possibilité que les Croates pourraient se rendre dans la vallée de la
16 Lasva. Ceci sera ensuite investigué puisque, pour le moment, cela ne fait
17 pas véritablement foi."
18 Sur la référence à ce Convoi de la Joie, s'agit-il du même
19 incident que celui dont vous avez parlé à ce carrefour en T près de
20 Vitez ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - A quelle distance de l'hôtel Vitez
23 à quelques mètres ou à quelques centaines demètres ?
24 M. Duncan (interprétation). - 500 ou 600 à peu près.
25 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des soldats à cet
Page 9321
1 endroit ? Y avait-il des soldats dans le deuxième endroit où le convoi a
2 été arrêté ?
3 M. Duncan (interprétation). - Il y avait, je crois, quelques
4 personnes en uniforme.
5 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé à ces personnes,
6 pour obtenir leur aide et libérer la route ?
7 M. Duncan (interprétation). - Mes officiers leur en ont parlé,
8 mais ils ont refusé de libérer la route.
9 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que ce sont les deux
10 personnes qui ont dit qu'elles répondraient aux ordres de Kordic et non
11 pas de Blaskic.
12 M. Duncan (interprétation). - C'étaient les personnes qui se
13 trouvaient là dans ce barrage. Elles ont dit qu'elles ne se déplaceraient
14 pas.
15 M. Hayman (interprétation). - Dans votre déclaration, vous dites
16 que les soldats ont refusé de permettre aux convois d'avancer. Même quand
17 vous utilisez le nom du colonel Blaskic, en tant qu'autorité. C'est au
18 milieu de votre déclaration. Vous parlez là de cette personne qui se
19 trouvait là en uniforme, à ce carrefour de Vitez, la deuxième fois que le
20 convoi était arrêté. N'est-ce pas ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Concernant la pièce 135 de la
23 défense, au cours de votre mission , avez vous entendu que cette personne,
24 nommée Zuti, disposait d'une force privée qu'elle contrôlait pleinement ?
25 M. Duncan (interprétation). - Il avait une bande de personnes
Page 9322
1 qu'il commandait. Je ne suis pas tout à fait sûr de son statut de
2 commandement.
3 M. Hayman (interprétation). - Il n'est pas dans l'ordre de
4 bataille dans la pièce 318 319
5 M. Duncan (interprétation). - Non, comme je vous l'ai déjà
6 expliqué, l'ordre de bataille ne reprend que les grandes unités et non pas
7 les petites unités de soutien, telle que l'artillerie, la police militaire
8 ou les unités de balistique.
9 M. Hayman (interprétation). - Soit. Dans le deuxième lieu où le
10 Convoi de la Joie a été arrêté, les hommes de la Forpronu ont-ils utilisé
11 la force pour essayer de dégager cette foule ou même les soldats. Ont-ils
12 tiré sur qui que ce soit ?
13 M. Duncan (interprétation). - Nous avons tiré des coups au
14 premier lieu, suite au fait que les Musulmans ont été tués. Manifestement,
15 à ce moment-là, bien que notre mandat ne nous permettait pas de participer
16 au déplacement de ce convoi, car ce n'était pas un convoi de l'ONU, nous
17 avions le pouvoir d'intervenir car des vies étaient en jeu.
18 M. Hayman (interprétation). - Je ne veux pas du tout vous
19 critiquer, loin de moi. Mais après avoir tiré, certaines personnes ont-
20 elles été tuées ou blessées ?
21 M. Duncan (interprétation). - Il y a eu des personnes blessées
22 au sein de cette zone de l'enclave de Vitez. Deux personnes ont été tuées
23 par nos soldats qui avaient tiré sur ces personnes car ces autres
24 personnes avaient tiré les premières. Il s'agissait de soldats de la HV.
25 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on dit s'il s'agissait
Page 9323
1 d'autochtones du village ou du village adjacent où le convoi était arrêté.
2 Venaient-ils d'ailleurs et auraient-ils été envoyés en ce lieu ?
3 M. Duncan (interprétation). - D'après ce que je sais, les deux
4 soldats tués étaient des locaux.
5 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez fait le commentaire
6 suivant : vous avez été critique contre le colonel Blaskic, vous avez dit
7 qu'il n'y avait eu , à votre connaissance, aucune enquête faite sur ce
8 Convoi de la Joie. Lui avez vous écrit et demander de faire une enquête
9 sur la mort de ce chauffeur musulman ?
10 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne lui ai pas écrit, je
11 lui ai demandé de faire une enquête lors de l'une de nos rencontres.
12 M. Hayman (interprétation). - Peut-on dire que ce n'est pas
13 quelque chose que vous avez réellement poussé à faire ?
14 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas combien de fois il
15 faut demander.
16 M. Hayman (interprétation). - Vous demandez une fois ?
17 M. Duncan (interprétation). - Non. Au moins deux fois, mais pas
18 plus que cela, sans doute.
19 M. Hayman (interprétation). - Etait-il présent dans ce premier
20 lieu, lorsque le convoi a été arrêté ?
21 M. Duncan (interprétation). - Non.
22 M. Hayman (interprétation). - A-t-il reçu copie de cette
23 émission de la BBC que l'on a vue, a-t-il reçu copie de Sadovo* ?
24 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne lui ai pas donné de
25 copie.
Page 9324
1 M. Hayman (interprétation). - Le lieutenant Bolmer* de votre
2 force a-t-il fait un rapport concernant ces observations autour de
3 Putecevo, le premier lieu où le convoi a été arrêté ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui, le caporal Bulmer m'a parlé
5 par radio de ce qui se passait.
6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous donné au colonel Blaskic
7 copie du rapport du caporal Bulmer.
8 M. Duncan (interprétation). - Non.
9 M. Hayman (interprétation). - C'était donc le 10 juin 1993 ?
10 M. Duncan (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Quand est tombé Travnik et quand
12 le HVO a perdu Travnik ? Deux jours plus tard, Monsieur le Brigadier ? Le
13 12 juin 1993 ou quelques jours plus tard ?
14 M. Duncan (interprétation). - Soit juste avant ou juste après.
15 M. Hayman (interprétation). - La chute de Travnik a provoqué
16 l'exode de milliers de réfugiés.
17 M. Duncan (interprétation). - Oui, pas mal ont traversé la
18 frontière avec les Serbes. Ils sont allés vers l'ouest et non pas l'est.
19 M. Hayman (interprétation). - Certains sont revenus à Vitez.
20 M. Duncan (interprétation). - Ils sont revenus en Herceg-Bosna,
21 vers le sud. En tout cas certaines personnes de Travnik sont arrivés à
22 l'est mais beaucoup sont passées de l'autre côté de la frontière dans les
23 mains des Serbes.
24 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous dire avec moi que si
25 le colonel Blaskic a donné l'ordre aux soldats du HVO, présents au
Page 9325
1 carrefour en T de Vitez de piller le convoi, ces soldats auraient dû
2 donner l'ordre d'arrêter de le faire.
3 M. Duncan (interprétation). - Je suppose que le colonel Blaskic
4 a donné cet ordre. Cela semble une hypothèse normale qu'il donne un ordre
5 et que ses soldats vont le suivre.
6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que Dario Kordic
7 semblait diriger ces activités contre le Convoi de la Joie. Avez-vous des
8 informations particulières pour dire que oui, il était à la tête de cela
9 et comment il a mis en oeuvre son plan ?
10 M. Duncan (interprétation). - Je pense savoir. Cet événement
11 particulier a été orchestré par Dario Kordic. Mais manifestement il devait
12 faire participer des personnes qui pouvaient planifier et décider des
13 meilleurs endroits où on pouvait piller ce convoi. Je crois qu'il y avait
14 donc un accord entre les Croates. Petkovic était là et que j'avais vu
15 quelque chose précédemment. Il fallait faire intervenir sur le terrain
16 pour arrêter le convoi. C'était un arrangement qui avait été pris et
17 c'était donc pratiquement pour arrêter le convoi, c'était un arrangement
18 qui avait été pris et c'était donc pratique pour Kordic -qui, lui,
19 travaillait sur le plan politique- de pouvoir déplacer ces personnes
20 puisque c'était Kordic qui était au commandement de ces personnes.
21 M. Blaskic, lui, devait veiller à commander ses propres troupes, y compris
22 la police militaire qui était sous son commandement. Ces polices ont
23 transgressé les ordres et non pas aidé ; elles se sont simplement
24 contentées de regarder ce qui se passait. Qu'elles soient de garde ou pas,
25 je crois tout de même qu'un code militaire s'applique à ces personnes.
Page 9326
1 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les soldats en
2 uniforme, qui se trouvaient au carrefour en T de Vitez où le convoi a été
3 arrêté, étaient des policiers militaires du HVO ?
4 M. Duncan (interprétation). - Je le pense.
5 M. Hayman (interprétation). - Peut-on dire que le
6 colonel Blaskic vous a dit assez régulièrement qu'il ne pouvait pas
7 contrôler les milliers de personnes déplacées dans cette enclave ?
8 M. Duncan (interprétation). - Oui, et je lui ai rappelé tout
9 aussi régulièrement que c'était de sa responsabilité de contrôler les
10 militaires, ce qu'il faisait d'ailleurs.
11 M. Hayman (interprétation). - Saviez-vous que le contrôle des
12 personnes déplacées à Vitez relevait de la responsabilité du maire local
13 et de la police ?
14 M. Duncan (interprétation). - Oui, je le sais.
15 M. Hayman (interprétation). - La pièce 382 peut-elle être
16 fournie au témoin ? Il s'agit de l'incident de la roquette, quand une
17 roquette explosive est arrivée dans votre camp.
18 M. Duncan (interprétation). - En effet.
19 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le
20 colonel Blaskic vous avait fait savoir qu'une enquête était effectuée, et
21 il s'agit de votre lettre de réponse, n'est-ce pas ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui, je le remercie de sa réponse
23 rapide.
24 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous qui, au HVO, a fait
25 l'enquête sur cet incident ?
Page 9327
1 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne sais pas. Il s'agissait
2 d'une question qui relevait du HVO et je n'avais pas à demander au
3 colonel Blaskic qui avait fait l'investigation. C'était son affaire. Il
4 suffisait qu'il me dise dans sa réponse qu'il avait pris des mesures
5 rapides et que quelqu'un, d'ailleurs, était incarcéré dans la prison de
6 Busovaca.
7 M. Hayman (interprétation). - Est-il normal que la police
8 militaire fasse des enquêtes sous forme pénale ? Est-ce normal ?
9 M. Duncan (interprétation). - Oui.
10 M. Hayman (interprétation). - Peut-on dire que vous n'aviez pas
11 beaucoup d'estime pour la police du HVO, vous personnellement ?
12 M. Duncan (interprétation). - Je trouve cette remarque assez
13 bizarre.
14 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous aider. A la page 4,
15 au premier paragraphe, vous dites dans cette déclaration que "la police de
16 la force locale du HVO avait l'habitude de voler tous les matériels sur
17 lesquels elle pouvait mettre la main. Ils ne se comportaient pas mieux que
18 des mafieux en uniforme."
19 M. Duncan (interprétation). - C'est bien ce que j'ai dit.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous parlez de la police militaire
21 du HVO ?
22 M. Duncan (interprétation). - Puis-je vous signaler quelque
23 chose ?
24 M. Hayman (interprétation). - Vous faites tout ce que vous
25 voulez.
Page 9328
1 M. Duncan (interprétation). - Je veux dire qu'il s'agissait de
2 mes impressions à ce moment-là, suite à des incidents particuliers. Nous
3 parlons vraiment d'un cliché, d'un instantané, où cette opinion était
4 présente dans mon esprit. Les événements au fil du temps peuvent avoir
5 modifié mon opinion.
6 Si vous prenez des incidents particuliers qui m'ont beaucoup
7 agacé, il est vrai que j'avais cette opinion. Par exemple, j'ai pu écrire
8 qu'il s'agissait d'une bande de bandits mais, à certaines occasions, la
9 police militaire a fait une enquête complète par ailleurs. Donc vous
10 comprenez qu'il s'agit d'instantanés et on donne, à ce moment-là, une
11 fausse impression.
12 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit du 16 avril 1997, c'est
13 la date de votre déposition. Voyez la dernière page. Pouvez-vous citer
14 d'autres incidents de la police militaire qui ont eu lieu après le
15 16 avril 1997 qui auraient pu vous amener à changer d'opinion (l'opinion
16 que vous donnez en page 4 de votre déclaration dont je viens de donner
17 lecture) ?
18 M. Duncan (interprétation). - Je suis désolé, je ne peux pas
19 répondre de manière directe à cela.
20 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez en-dehors du théâtre ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui, j'étais en-dehors du théâtre.
22 Tout ce que je peux dire, c'est que, depuis que j'ai quitté le théâtre,
23 j'ai pu voir la situation dans sa totalité et plutôt, que de voir une
24 série d'incidents, j'ai pu avoir un peu de recul et voir les événements
25 dans leur contexte alors qu'à l'époque où je me trouvais là-bas, je
Page 9329
1 réagissais à des événements particuliers et individuels.
2 M. Hayman (interprétation). - La déclaration que je viens de
3 lire a été donnée en 1997 et non pas au moment où vous étiez sur le
4 théâtre ?
5 M. Duncan (interprétation). - C'est exact. Il est vrai que
6 j'avais fait un peu l'analyse de ce qui s'était passé entre temps.
7 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne Ahmici, peut-on
8 dire que vous avez critiqué le colonel Blaskic du fait qu'il n'avait pas
9 ordonné d'enquête concernant les événements d'Ahmici ? Est-ce bien exact ?
10 M. Duncan (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Le Bureau du Procureur vous a-t-il
12 dit qu'il avait donné l'ordre d'une enquête concernant les événements
13 d'Ahmici ou ne vous l'a-t-il pas dit ?
14 M. Duncan (interprétation). - Je savais qu'il avait ordonné une
15 enquête. Je savais qu'une enquête aurait dû être conclue en date du 25
16 mai. A ma connaissance, je crois que cette enquête n'a toujours pas été
17 conclue.
18 M. Hayman (interprétation). - Si vous aviez d'autres
19 informations, cela changerait-il votre opinion concernant ce que vous
20 pensez du fait que le colonel Blaskic s'est acquitté de ses obligations en
21 matière d'enquête sur les événements d'Ahmici ?
22 M. Duncan (interprétation). - Je crois qu'il faut plus que
23 simplement terminer l'enquête. Si cette enquête avait été terminée et
24 qu'on en sorte avec le même type de commentaires qui étaient faux à ce
25 moment-là, cette enquête ne servirait strictement à rien.
Page 9330
1 M. Hayman (interprétation). - Vous voudriez qu'il ordonne encore
2 une autre enquête, une meilleure enquête ?
3 M. le Président. - Vous venez de demander au témoin s'il y avait
4 d'autres éléments. Ne tournons pas trop autour de la difficulté. Si vous
5 avez d'autres éléments, donnez-les, car on est en train, ici, de spéculer
6 sur le fait de savoir si l'opinion du témoin changerait au cas où il y
7 aurait d'autres éléments. Si vous en avez, donnez-les, sinon ne spéculons
8 pas comme cela dans le vide, s'il vous plaît.
9 M. Duncan (interprétation). - Il serait du devoir d'un
10 commandant militaire, s'il n'était pas satisfait des résultats d'une
11 enquête et s'il pensait qu'elle n'était pas réaliste, de demander une
12 nouvelle enquête ou de placer cette enquête dans les mains de quelqu'un
13 d'autre.
14 M. Hayman (interprétation). - Et si c'était le cas, votre
15 témoignage changerait-il sur ce point ?
16 M. Duncan (interprétation). - Mais je crois que nous sommes, là
17 encore, dans le domaine de la spéculation.
18 M. Hayman (interprétation). - Mais êtes-vous d'accord que vous
19 n'avez pas un ensemble très complet d'informations sur ce point ?
20 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, je fais objection. La
21 réponse est ce qu'elle est. Nous sommes dans le domaine de la spéculation.
22 Si vous avez un rapport, montrez-le au témoin.
23 M. Hayman (interprétation). - Mais le Procureur a un rapport et
24 il ne l'a vraisemblablement pas montré au témoin. Or, le témoin est en
25 train de formuler une opinion sur le fait que l'accusé n'a pas fait
Page 9331
1 d'enquête efficace.
2 M. le Président. - Vous demandez au témoin, si d'autres éléments
3 existaient, si cela changerait son opinion. Le témoin vous dit : "Peut-
4 être que cela changerait, peut-être que cela ne changerait pas...". Il ne
5 peut pas vous le dire. Vous avez des éléments et cela fait la troisième
6 fois que vous posez la même question. Alors, soit vous avez des éléments
7 pour compléter la fameuse enquête balbutiante faite par l'accusé, soit
8 vous n'en avez pas, mais arrêtons de dire au témoin : "Changeriez-vous
9 d'opinion si vous aviez... ?".
10 Soit vous avez des éléments, soit vous n'en avez pas. Sinon nous
11 passons à une autre question. Cela me paraît évident, Maître Hayman.
12 M. Hayman (interprétation). - Je vais poursuivre, Monsieur le
13 Président, mais je dis que le bureau du Procureur n'a pas montré les
14 rapports dont il dispose sur les événements d'Ahmici. C'est tout ce que je
15 dis. Et je vais passer à autre chose.
16 M. Kehoe (interprétation). - J'objecte à ce que vient de dire
17 Maître Hayman. Ce sont des arguments spécieux et le conseil devrait, à ce
18 moment-là, demander au témoin si le bureau du Procureur lui a montré des
19 documents reprenant les ordres d'enquête de M. Blaskic. Il faut, à ce
20 moment-là, que Maître Hayman pose la question au témoin et qu'il entende
21 sa réponse, au lieu de formuler des opinions critiques sur le bureau du
22 Procureur.
23 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai posé
24 cette question. Ce n'est pas la peine qu'on me demande de la reposer.
25 M. le Président. - Il y a un président qui préside. Y a-t-il des
Page 9332
1 éléments supplémentaires, y a-t-il eu d'autres enquêtes, Monsieur le
2 Procureur ? Article 98. Y a-t-il, oui ou non, une enquête complémentaire
3 faite par l'accusé sur les événements d'Ahmici et, si oui, cela a-t-il été
4 communiqué à la défense ? C'est une question qui n'est ni de
5 Maître Hayman, ni de Maître Kehoe, elle est du juge Jorda. Y a-t-il eu un
6 élément complémentaire ?
7 M. Kehoe (interprétation). - Nous n'avons pas reçu de résultat
8 complémentaire.
9 M. Kehoe (interprétation). - Nous n'avons pas reçu de résultats
10 d'autre enquête. Tout ce que nous avons, c'est une lettre que montrait le
11 conseil et que j'ai moi-même montrée au Brigadier général. C'est une
12 lettre en date du 10 qui reprend cette enquête en date du 25 mai 1993.
13 C'est ce dont il a été question.
14 M. Ducan (interprétation). - Comment voulez-vous que nous
15 ayons les résultats de cette enquête faite par l'accusé !
16 M. Hayman (interprétation). - Le conseil de la partie adverse a
17 deux ordres de l'accusé demandant qu'il y ait une nouvelle enquête. Alors
18 il faut qu'il les produise.
19 M. Kehoe (interprétation). - Mais l'ordre demandant les
20 résultats, dont vient de parler le témoin, est en date du 25 mai 1993.
21 C'est un ordre qui a été délivré juste après la réunion du témoin avec
22 l'accusé. Je ne vois pas pourquoi le conseil de la défense remettrait cela
23 en cause uniquement parce qu'il n'aime pas la réponse du témoin. Il fait
24 croire que le Bureau du Procureur essaie de donner de fausses idées aux
25 Juges. Je ne comprends pas, c'est impossible.
Page 9333
1 M. le Président. - Nous avons beaucoup de difficultés à traduite
2 et le Juge encore plus à comprendre. Je répète ma question : y a-t-il eu,
3 oui ou non, des enquêtes complémentaires faites par l'accusé à propos
4 d'Ahmici, au delà des débuts d'enquête du 25 mai ? C'est une question que
5 je pose au Bureau du Procureur. Oui ou non, avez-vous eu la connaissance
6 d'enquêtes complémentaires ?
7 M. Kehoe (interprétation). - Non. Nous n'avons que l'ordre de
8 M. Blaskic, sur ce document qui nous a été fourni -le document du10-, et
9 les résultats qui étaient en date du 25 mai 1993. C'est tout ce que nous
10 avons. C'est la dernière information dont nous disposons sur l'enquête
11 menée par rapport aux événements d'Ahmici.
12 M. le Président. - Cela correspond d'ailleurs à votre idée,
13 Général ?
14 M. Ducan (interprétation). - Oui, tout à fait.
15 M. le Président (interprétation). - Maître Hayman, veuillez
16 passer à une autre question. Je ne vois pas vraiment pourquoi nous
17 discuterions à perte de vue sur le point de savoir ce que penserait le
18 témoin des résultats d'une enquête qui, semble-t-il, n'existent pas. Par
19 contre, Monsieur le Procureur, s'il s'avérait qu'il y ait eu des enquêtes,
20 le Tribunal reconsidérerait sa position. D'accord ?
21 M. Hayman (interprétation). - Il y a un deuxième ordre, Monsieur
22 le Président.
23 Brigadier général, n'avez-vous jamais vu ce deuxième ordre qui
24 avait pour objectif d'ouvrir une autre enquête sur Ahmici ?
25 M. le Président. - Vous n'avez pas vu de deuxième ordre,
Page 9334
1 Général ? Oui ou non ?
2 M. Ducan (interprétation). - Non, je n'en ai pas vu.
3 M. le Président. - Il vous appartient, Maître Hayman, si vous
4 avez un deuxième ordre, de le produire. Nous ferons éventuellement revenir
5 le témoin.
6 Depuis ce matin, cela fait deux fois que nous demandons à faire
7 revenir le témoin. Nous finirons par le faire revenir plusieurs fois.
8 J'espère que nous éviterons cette éventualité. L'incident est clos.
9 Passez à une autre question, Maître Hayman.
10 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé des obligations du
11 Colonel Blaskic, lesquelles constituaient notamment la défense de
12 l'enclave.
13 M. Ducan (interprétation). - C'est exact.
14 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mission, l'armée
15 deBosnie-Herzégovine a-t-elle admis que l'un de ses objectifs était de
16 couper l'enclave Vitez/Busovaca, de la diviser en plusieurs parties ?
17 M. Ducan (interprétation). - Oui.
18 M. Hayman (interprétation). - Cette armée vous a dit quelle
19 allait sans doute parvenir à cet objectif ?
20 M. Ducan (interprétation). - Oui, elle était très confiante.
21 M. Hayman (interprétation). - Et cela a été le cas, elle a tenté
22 d'y parvenir à plusieurs reprises au cours de votre mission ?
23 M. Ducan (interprétation). - Oui.
24 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous montrer un certain
25 nombre de rapports émanant de votre unité. Je vais vous en donner cinq. Je
Page 9335
1 vous demanderai de les regarder, de nous dire si vous pouvez les
2 identifier et de nous dire s'il s'agit bien de rapports émanant de votre
3 unité. Il y a cinq rapports différents et je demanderai que leur soit
4 attribuée la cote suivante.
5 M. Dubuisson. - Ce document porte le numéro D136.
6 M. Hayman (interprétation). - Brigadier général, pendant qu'on
7 attribue une cote à ce numéro, dites-nous s'il s'agit bien de rapports
8 émanant du régiment du Prince de Galles, à savoir le vôtre, même s'ils ont
9 été relativement expurgés ?
10 M. le Président. - Prenez votre temps, Général.
11 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous, Monsieur le
12 Greffier, nous donner les cotes des différents documents et leurs dates,
13 afin que nous puissions nous y retrouver pendant que le témoin les
14 regarde ?
15 M. Dubuisson. - (inaudible)
16 M. Hayman (interprétation). - Vous avez pu les consulter ?
17 M. Ducan (interprétation). - Oui, effectivement. Il semble bien
18 que ce soient des extraits hors contexte, ce qui me préoccupe quelque peu.
19 Je sais que vous avez pris isolément certains des commentaires qui ont été
20 formulés sur certains événements.
21 M. Hayman (interprétation). - Mais je partage votre
22 préoccupation.
23 M. Ducan (interprétation). - Certaines des abréviations
24 utilisées ne sont pas très courantes.
25 M. Hayman (interprétation). - Je vous les ai données telles que
Page 9336
1 nous les avons reçues du Procureur. Si je pouvais mieux faire, je le
2 ferai, Brigadier général.
3 Je vous demande de consulter l'extrait en date du
4 6 septembre 1993. Quelle cote lui est attribuée, s'il vous plaît ?
5 M. Dubuisson. - Il s'agit de la pièce D136.
6 M. Hayman (interprétation). - Très bien. Je vais vous lire la
7 remarque qui figure sur cette pièce. Il y aura interprétation et je vous
8 poserai un certain nombre de questions. Commentaire : "L'objectif immédiat
9 de l'armée de Bosnie-Herzégovine en cette zone est de contrôler Zabilje.
10 Ceci permettra finalement à leurs forces d'aller plus vers le sud, afin de
11 couper le MSR du HVO, donc la route d'approvisionnement principal du HVO,
12 qui va de l'est à l'ouest en passant par GRSQ 1995, comme ceci a été
13 signalé précédemment. C'est un objectif à long terme de l'armée de Bosnie-
14 Herzégovine de diviser l'enclave Novi Travnik, Vitez, Busovaca, en un
15 certain nombre de petites poches isolées". (fin du commentaire).
16 M. Hayman (interprétation). - Tout d'abord, brigadier général,
17 êtes-vous d'accord avec ce commentaire ?
18 M. Duncan (interprétation). - Oui, il me semble que c'est un
19 commentaire tout à fait raisonnable. Cela souligne simplement les
20 ambitions de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
21 M. Hayman (interprétation). - Mais Isabelje, est-ce un village
22 qui se situe au nord-nord-ouest de l'axe, ou plutôt de Stare Vila, et vers
23 Grubenca, au-dessus du camp du bataillon britannique ?
24 M. Duncan (interprétation). - Je ne pourrai pas vous le dire
25 sans jeter un oeil à une carte.
Page 9337
1 M. Hayman (interprétation). - Ne vous inquiétez pas, nous avons
2 des cartes, et nous vérifierons. Passons maintenant au rapport
3 d'information militaire du 28 septembre 1993.
4 M. le Greffier (interprétation). - Je l'ai.
5 M. Hayman (interprétation). - Puis-je vous en demander la cote ?
6 M. le Greffier (interprétation). - 239.
7 M. Hayman (interprétation). - C'est un extrait court, et je le
8 lis dans son intégralité, Monsieur le Président :
9 "Le niveau d'activité dans la zone, ces derniers jours, est le
10 fait que le point de contrôle de Cadraz est encore occupé par sept membres
11 de brigades musulmanes et qu'il coupe l'accès au sud, vers Vitez. Ces
12 échanges sont plus qu'une simple routine. Darko Gelic, l'officier de
13 liaison pour le BritBat, dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale du
14 HVO, déclare que l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé une attaque
15 simultanée mais qui a été vouée à l'échec au sud de Severino Celo. Il est
16 remarquable de noter que c'est à ce moment-là que la poche croate est
17 extrêmement limitée en taille et qu'elle représente la meilleure
18 possibilité de diviser la poche en deux. Il n'y a toujours pas eu
19 d'indication d'éventuelles modifications territoriales. Un certain nombre
20 de mortiers sont tombés dans le centre de Vitez, notamment trois sur
21 l'hôpital croate, coordonnées 24-49-24, qui ont causé la mort de deux
22 personnes."
23 M. Hayman (interprétation). - L'objectif de l'armée de Bosnie-
24 Herzégovine, qui serait de couper cette poche, semble-t-il conforme à vos
25 connaissances personnelles ?
Page 9338
1 M. Duncan (interprétation). - Oui.
2 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai donc maintenant
3 de consulter l'extrait en date du 13 septembre 1993. Il y a tout d'abord
4 un sigle : NGO. Pouvez-vous dire ce que c'est ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui, cela veut dire "organisation
6 non gouvernementale" (ONG en français). C'est une organisation
7 humanitaire.
8 M. Hayman (interprétation). - Paragraphe 3 : "Une ONG a réussi à
9 avoir accés à Krucica, le 29 septembre, et a remarqué que Sikret Kuckic,
10 commandant la dix-septième brigade de Slavna de Krajina, se trouvait dans
11 le village et y avait établi un quartier général. Ils ont également
12 remarqué qu'il y avait un grand nombre de soldats de la dix-septième
13 brigade dans le village et qu'un HLS..."
14 De quoi s'agit-il ?
15 M. Duncan (interprétation). - Il s'agit d'une piste
16 d'hélicoptère. Une piste d'hélicoptère avait été installée. L'officier G5
17 du BritBat a également remarqué, dans le bureau de Ramiz Dukalic, trois
18 officiers de sécurité du corps d'armée, une carte de la zone coupée où la
19 poche croate était coupée en différents endroits.
20 M. Hayman (interprétation). - Etait-il donc connu, au cours de
21 votre mission, que l'armée de Bosnie-Herzégovine essayait de diviser cette
22 poche en passant par l'axe est-ouest de Vitez ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui, il y avait effectivement un
24 certain nombre de lignes que nous pensions que l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine allait suivre. Mais je dois souligner que tout ce qui est taxé
Page 9339
1 de commentaires dans les rapports d'information militaire ne sont pas de
2 véritables faits, ce sont des spéculations et des suppositions émises par
3 l'officier ou le sous-officier qui est chargé de rédiger ce rapport. Par
4 conséquent, seuls les faits peuvent être pris en compte à cent pour cent.
5 Les commentaires ne le sont pas.
6 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en désaccord avec tous
7 les extraits que je viens de lire dans les différentes pièces ?
8 M. Duncan (interprétation). - Je ne peux pas être d'accord ou
9 non, parce que, là encore, ils sont sortis de leur contexte. Il faut que
10 je me remette dans la situation. Je suis d'accord pour dire qu'il y a eu
11 un certain nombre de points, un certain nombre de moments au cours
12 desquels l'armée de Bosnie-Herzégovine a essayé de couper la route et il
13 aurait effectivement été de l'intérêt de l'armée de Bosnie-Herzégovine de
14 diviser l'enclave. Mais je ne fais que décrire ce qui est évident en
15 disant cela.
16 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire qu'au cours
17 de votre mission, le HVO a perdu plus de la moitié du territoire de
18 l'enclave Vitez/Busovaca au profit de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
19 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas si c'était la
20 moitié, mais le HVO a effectivement perdu énormément de territoire au
21 profit de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
22 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire qu'en
23 plus de la défense, l'objectif du colonel Blaskic était d'assurer sa
24 survie et celle d'autres Croates dans l'enclave de Vitez/Busovaca ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement, et il a
Page 9340
1 d'ailleurs très bien défendu la poche de Vitez.
2 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire
3 qu'une pression très forte s'exerçait sur lui à ce moment-là ?
4 M. Duncan (interprétation). - Le commandant de toute unité est
5 toujours soumis à une très grande pression. La situation exerçait aussi
6 une pression très forte à un moment donné sur moi. Cela dépend des
7 situations. C'est quelque chose qu'on apprend à gérer quand on est
8 commandant.
9 M. Hayman (interprétation). - Je vous renvoie maintenant aux
10 rapports d'information militaire du 8 août 1993. Quelle est sa cote ? 137
11 peut-être ?
12 M. Duncan (interprétation). - Oui D 137, c'est cela.
13 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous lire cet extrait et
14 vous poser un certain nombre de questions. Paragraphe 7, de nouveaux
15 détails sont apparus sur l'unité des forces spéciales des Vitezovi opérant
16 dans la zone de Vitez. Cette force a été décrite ainsi qu'un certain
17 nombre d'autres unités -il y a une référence- dans la liste de répartition
18 d'un ordre CF du HVO comme étant une unité indépendante placée sous le
19 commandement du commandement de la troisième zone opérationnelle du HVO.
20 Selon Boris Lavioulic, un officier de l'état-major qui se trouve
21 au quartier général de la zone opérationnelle de Bosnie centrale : "Les
22 Chevaliers représentent une organisation extrémiste opérant dans
23 l'ensemble de la Bosnie. L'organisation est née à Mostar sous le
24 commandement de Bruno Stoic. Dans la zone de Vitez, les chevaliers sont
25 environ au nombre de vingt ou trente, et commandés par Darko Kraljevic,
Page 9341
1 qui est un homme de Rijeka. Josic déclare que les Vitezovi sont
2 responsables de nombre des atrocités commises contre les "MUSS" (je
3 suppose que ce sont les Musulmans). Ils déclarent également qu'ils
4 n'étaient pas véritablement sous le contrôle de Blaskic, mais ont nié,
5 lorsqu'on leur a posé la question, le fait qu'ils avaient travaillé sous
6 le commandement de Dario Kordic."
7 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous ajouter d'autres
8 informations à ce rapport produit par votre unité au cours de votre
9 mission ?
10 M. Duncan (interprétation). - J'ajouterai que ce type de rapport
11 a été produit sporadiquement et qu'il est fondé sur les opinions des gens
12 qu'on rencontre, quel que soit leur grade, quel que soit leur poste.
13 Comme je l'ai déjà dit, la défense de la poche de Vitez se
14 fondait sur des forces qui occupaient des positions territoriales, ainsi
15 que des unités de manoeuvre.
16 Or, ces unités de manoeuvre devaient être efficaces et devaient
17 être placées sous le commandement du commandant tactique et le commandant
18 tactique, à ce moment-là, était le colonel Blaskic. Il fallait que ces
19 unités soient sous son commandement parce qu'il a mené une défense
20 réussie.
21 Pourquoi était-ce si réussi ? Parce qu'il arrivait à transférer
22 les différentes unités rapidement. Pour cela, il fallait que ses unités se
23 trouvent sous son commandement. Il ne pouvait pas les laisser seules dans
24 leur coin car si jamais il y avait un problème, il ne pourrait pas les
25 mobiliser. Il fallait donc qu'il les maintienne sous son contrôle direct.
Page 9342
1 C'est ce que je voulais ajouter.
2 M. Hayman (interprétation). - Eh bien passons maintenant au
3 dernier rapport d'information militaire en date du 10 août 1993.
4 M. Duncan (interprétation). - C'est le document D138.
5 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous lire cet extrait ou,
6 du moins, ce qui semble faire partie du paragraphe précédent,
7 paragraphe 9 : "Les Jokeri -c'est-à-dire les jokers- et les Vitezovi
8 -c'est-à-dire les Chevaliers- ne sont pas une seule et même unité, mais ce
9 sont des organisations différentes. Les Jokeri sont une sous-unité dans le
10 quatrième BN". Bataillon, peut-être ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.
12 M. Hayman (interprétation). - "Le quatrième bataillon, donc de
13 la police militaire du HVO (Vojna Policja), constitué de vingt à trente
14 personnes, dans la zone de Vitez, était basé dans le village de Nadioci
15 (référence). L'armée de Bosnie-Herzégovine les tient pour responsables du
16 massacre d'Ahmici (à nouveau référence de carte).
17 "Les Vitezovi sont indépendants par rapport à la police
18 militaire du HVO et opèrent à partir de l'école de Vitez. L'armée de
19 Bosnie-Herzégovine les tient pour responsables des massacres à Gacice
20 (référence de carte) alors que les jockeri n'opèrent plus dans la région
21 de Vitez. Les Vitezovi y sont encore et continuent les activités -selon
22 Boris Laziovic, officier d'échange de la zone opérationnelle de Bosnie
23 centrale-, et continuent donc à tuer des prisonniers de l'armée de Bosnie-
24 Herzégovine.
25 Le dirigeant des Vitezovi à Vitez, Darko Krajevic, est un ami
Page 9343
1 personnel de Mario Cerkez, commandant de la brigade du HVO Vitez K".
2 Brigadier général, avez-vous jamais entendu les allégations de
3 l'armée de Bosnie-Herzégovine selon lesquelles les Jockeri étaient
4 effectivement responsables des massacres à Ahmici, ou bien le fait que les
5 Vitezovi étaient responsables d'un éventuel massacre à Gacice ?
6 M. Duncan (interprétation). - Je l'aurais entendu. J'ai entendu
7 ce type d'allégations de crimes commis par toutes les unités et contre
8 toutes les autres unités. Ce n'était pas un fait rare, cela arrivait tous
9 les jours.
10 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic vous a-t-il
11 dit, à un moment donné, que tout tireur isolé qui posait des problèmes à
12 la Forpronu devait être éliminé et que la Forpronu ne devait pas hésiter à
13 tirer sur des tireurs isolés du HVO si c'était nécessaire ?
14 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Mais, pour
15 revenir un peu au contexte, nous avons eu un problème avec un tireur isolé
16 qui tirait sur notre camp. Des tireurs isolés, à la fois musulmans et
17 croates, se tiraient dessus et je me suis plaint auprès du colonel Blaskic
18 qui m'a effectivement répondu que je devais riposter et tirer sur ces
19 tireurs isolés si c'était nécessaire.
20 M. Hayman (interprétation). - Parlons de votre réunion avec
21 M. Valenta. Le colonel Blaskic était-il présent ?
22 M. Duncan (interprétation). - Non.
23 M. Hayman (interprétation). - Quel était le poste occupé par
24 M. Valenta ?
25 M. Duncan (interprétation). - Comment cela ?
Page 9344
1 M. Hayman (interprétation). - Eh bien travaillait-il dans une
2 organisation ?
3 M. Duncan (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,
4 Valenta était le représentant du HDZ dans la zone de Vitez et au-delà.
5 M. Hayman (interprétation). - Le maire, le chef du parti ?
6 M. Duncan (interprétation). - Non, pas le maire, le représentant
7 dans cette zone. Parce qu'il était à Vitez, j'ai pensé, mais je n'en avais
8 aucune preuve, qu'il avait la même influence sur sa zone que celle que son
9 homologue avait sur la zone dont nous avons parlé précédemment.
10 M. Hayman (interprétation). - Valenta vous a-t-il dit que son
11 livre était devenu la théorie adoptée par son parti ?
12 M. Duncan (interprétation). - Non.
13 M. Hayman (interprétation). - Une autre personne vous en a-t-
14 elle parlé ?
15 M. Duncan (interprétation). - Non.
16 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous quand son livre a été
17 publié ?
18 M. Duncan (interprétation). - En 1991, je crois.
19 M. Hayman (interprétation). - Avant que la guerre n'éclate en
20 Bosnie centrale ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui.
22 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic vous a-t-il
23 jamais parlé du contenu de ce livre et vous a-t-il dit qu'il s'agissait,
24 pour ce genre de choses, d'idées valables ?
25 M. Duncan (interprétation). - Le colonel Blaskic et moi-même
Page 9345
1 évitions d'aborder des problèmes politiques parce que nous étions des
2 soldats. Nous pensions que nous devions nous en tenir à des questions
3 militaires et que nous devions laisser les questions politiques à
4 d'autres.
5 M. Hayman (interprétation). - Donc peut-on dire que le colonel
6 Blaskic n'a jamais, dans aucune conversation avec vous, parlé de Musulmans
7 avec des préjugés raciaux dans ses interventions ?
8 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est vrai.
9 M. Hayman (interprétation). - J'en viens au sujet malheureux du
10 décès de votre interprète. La maison dans laquelle elle habitait ? Vous
11 nous l'avez décrite et on l'a vue dans la pièce 384 qui se trouvait donc
12 près de la ligne de front entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine,
13 n'est-ce pas ?
14 M. Duncan (interprétation). - Oui. Juste derrière la ligne de
15 front, dans le périmètre du camp du bataillon britannique.
16 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous s'il y avait des
17 éléments de preuve disponibles qui auraient pu constituer le fondement
18 d'une enquête, sauf le fait qu'un tireur isolé lui a tiré dessus juste
19 en sortant de sa maison dans son jardin ? En d'autres termes, y avait-
20 il des témoins de cet échange de coups de feu ? Y avait-il des
21 douilles qu'on a pu récupérer en ce lieu où le tireur lui a tiré
22 dessus ou des éléments de preuve de ce type ? En avez-vous
23 connaissance ?
24 M. Duncan (interprétation). - Etant donné que ce bâtiment
25 avait été occupé par des Croates, il y avait des douilles partout de
Page 9346
1 toute façon et donc les gens tiraient depuis ce lieu depuis longtemps.
2 Sur le plan technique, c'était assez difficile de faire ce genre
3 d'enquête. Cela n'aurait même servi à rien.
4 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez dit qu'une
5 enquête accusait un infiltrateur musulman. Y a-t-il eu un rapport sur
6 ce plan ?
7 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai pas vu de rapport de ce
8 genre. C'est oralement qu'on m'a informé des résultats de cette
9 enquête disant qu'un Musulman avait traversé du côté du BiH, avait
10 donc infiltré et tiré depuis un bâtiment qui avait été occupé par des
11 Croates pendant deux mois et qu'il était ensuite revenu et avait
12 retraversé les lignes.
13 M. Hayman (interprétation). - Après cet assassinat, le
14 colonel Blaskic est-il venu vous voir pour vous présenter ses
15 condoléances et ses excuses personnelles ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui.
17 M. Hayman (interprétation). - Le sentiez-vous sincère ?
18 M. Duncan (interprétation). - Oui.
19 M. Hayman (interprétation). - Concernant ce chauffeur du HCR,
20 M. Boris, savez-vous où il a été tué à Stari Vitez ? Etait-ce dans le
21 périmètre, au milieu ?
22 M. Duncan (interprétation). - Je crois que c'était dans le
23 périmètre, le long du périmètre.
24 M. Hayman (interprétation). - Ce périmètre constituait-il une
25 ligne de front ?
Page 9347
1 M. Duncan (interprétation). - Oui.
2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que la Forpronu
3 avait fait une analyse de la voiture pour essayer de déterminer la
4 direction depuis laquelle le projectile était arrivé. Le temps était-
5 il partagé avec le colonel Blaskic ou le HVO?
6 M. Duncan (interprétation). - Je le crois, je crois qu'on en
7 a discuté entre officiers de liaison, mais il était clair pour nous
8 que cette balle provenait de l'extérieur de la poche de Stari Vitez et
9 non pas de la poche.
10 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais vous proposer la
11 pièce 385, peut-on vous la fournir ? Et là on voit la direction du
12 projectile telle que vous l'avez établie après vos analyses
13 balistiques.
14 M. Duncan (interprétation). - C'est très conceptuel ici, on
15 voit grosso modo la région dont il est question. Compte tenu de
16 l'échelle et des détails qui sont en noir et blanc, cela vous donne
17 simplement une indication, c'est tout.
18 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si d'autres éléments
19 de preuve existaient concernant l'assassin qui a tiré cette balle, si
20 ce n'est ces éléments que vous nous avez fournis concernant la
21 direction du tir ? Je ne sais pas, un témoin oculaire, la présence de
22 douilles, des analyses balistiques d'un genre ou d'un autre ?
23 M. Duncan (interprétation). - Les analyses effectuées
24 concernant les balles et les douilles n'ont aucun sens puisque, tant
25 la Bosnie-Herzégovine que le HVO utilisent les mêmes armes et les
Page 9348
1 mêmes munitions. On ne peut donc pas en tirer grand-chose. C'est
2 simplement la direction du tir qu'on peut définir à partir des marques
3 d'impact.
4 M. Hayman (interprétation). - J'ai encore quelques instants.
5 Nous arrivons à la fin, Monsieur le Président. En ce qui concerne les
6 faits, vous avez vu les troupes du HVO à Prozor en 1993, combien de
7 troupes, combien de soldats avez-vous vus ?
8 M. Duncan (interprétation). - J'ai vu un camion, un grand
9 camion militaire et une pièce d'artillerie 152 millimètres, je crois,
10 un obusier D30.
11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu des soldats avec
12 des écussons du HV ou étaient-ce simplement des plaques HV sur les
13 véhicules ?
14 M. Duncan (interprétation). - Uniquement des plaques et deux
15 soldats avec des écussons du HV.
16 M. Hayman (interprétation). - D'où venaient-ils et où
17 allaient-ils ?
18 M. Duncan (interprétation). - Ils étaient à l'arrêt à ce
19 moment-là.
20 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mission,
21 avez-vous vu des soldats HV dans la vallée de Kiseljak ou de Lasva ?
22 M. Duncan (interprétation). - Non.
23 M. Hayman (interprétation). - Accusez-vous le colonel Blaskic de
24 ne pas avoir donné des ordres adéquats en matière de libération des
25 prisonniers ? Pensez-vous qu'il y ait eu des manquements à ce sujet ?
Page 9349
1 M. Duncan (interprétation). - Je crois qu'il y a eu des
2 manquements parce que dans l'accord qui avait été fait lors des réunions
3 conjointes militaires que nous avons étudiées ce matin avec certains
4 documents, on demandait que des ordres soient émis et les instructions
5 étaient très claires à ce sujet. Et je crois donc qu'il y a eu un
6 manquement de sa part, car il n'a pas donné suite.
7 M. Hayman (interprétation). - Quel ordre de libération de
8 détenus civils ? Le bureau du Procureur vous a-t-il montré en préparation
9 à votre témoin ? Vous ont-ils montré des ordres de cette nature ?
10 M. Duncan (interprétation). - Non, je n'en ai vu aucun.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous serez donc assez étonné
12 d'entendre que des ordres concernant la protection et la libération de
13 prisonniers ont été donnés par le colonel Blaskic le 18 avril 1993, le
14 21 avril 1993, le 24 avril 1993 et le 29 avril 1993 pour en citer
15 quelques-uns seulement.
16 Cela vous étonne donc ?
17 M. Duncan (interprétation). - Oui cela m'étonne.
18 M. Hayman (interprétation). - Venons-en au sujet de ces
19 tranchées.
20 Etes-vous d'accord...
21 M. le Président. - Non pardon, Maître Hayman, vous citez ces
22 éléments d'ordre, mais vous les possédez, vous les connaissez ? C'est dans
23 la déclaration ? Le Procureur les a-t-il ?
24 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, il s'agit
25 des pièces D32, D39, D77 et D79 qui se trouvent dans le compte rendu de
Page 9350
1 cette affaire. On peut prendre le temps de les montrer au témoin. Je crois
2 qu'il me suffit du fait qu'on lui ait demandé simplement son opinion,si
3 l'accusé a agi correctement, alors qu'il semblerait qu'il n'ait pas vu ces
4 ordres, que l'accusé a donné à ce sujet.
5 M. Kehoe (interprétation). - Je crois que l'important c'est
6 qu'il s'agit de quelque chose qui fait partie des instructions de
7 commandement conjoint qui avait été donné en juin et que ce témoin était
8 censé suivre. Aucun ordre, suite à cette première réunion, n'a été produit
9 par l'accusé et il disait que ces soldats devaient continuer à respecter
10 le droit humanitaire, que le témoin était sur le théâtre et, en ce qui
11 concerne ces réunions particulières, Blaskic n'a rien fait par la suite,
12 il a continué comme avant.
13 M. le Président. - C'est votre opinion Monsieur le Procureur. Je
14 reviens à ce qui est dit par la défense. Monsieur le Greffier, vous avez
15 ces pièces ?
16 M. Dubuisson. - Oui je les ai.
17 M. le Président. - Peut-on les montrer au témoin et que le
18 témoin nous dise s'il les reconnaît. Excusez-moi Maître Hayman, je
19 voudrais aller jusqu'au bout de la question. Les Juges ne peuvent pas
20 comme cela, on passe des pièces comme cela et je veux savoir ce qu'en
21 pense le témoin voyons.
22 M. Hayman (interprétation). - Oui, pour aider le Greffe D32,
23 D39, D77 et D79.
24 M. le Président. - Bien alors si vous voulez bien les regarder
25 rapidement.
Page 9351
1 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit donc de sujets traitant
2 de la libération de prisonniers.
3 M. le Président. - Général, nous ne les avons pas là
4 directement, mais nous savons qu'elles sont dans le dossier. Quelle est
5 votre point de vue sur ces pièces ?
6 M. Duncan (interprétation). - Si vous me le permettez, elles ont
7 été publiées par le colonel Blaskic avant que je n'arrive pour prendre mon
8 commandement du bataillon à Vitez et donc je n'ai pas vu ces ordres
9 précédemment mais, manifestement, étant donné les dispositions sur
10 lesquelles j'ai dû insister en juin, et donc plus tard dans l'année, il
11 semblerait que les choses n'ont pas donné suite à ces ordres, bien qu'ils
12 aient été donnés.
13 Il a fallu insister pour qu'on redonne ces ordres. Mon
14 commentaire sur ces documents, c'est que cela date d'avant l'époque où je
15 suis arrivé et où j'ai repris mon commandement.
16 M. Riad (interprétation). - Vous dites qu'on n'a pas donné suite
17 à ces ordres ?
18 M. Duncan (interprétation). - De la part de qui ?
19 M. Riad (interprétation). - De la part du général Blaskic ?
20 M. Duncan (interprétation). - Pas que je sache. Je le regrette.
21 Ces ordres ont été donnés avant que je n'arrive, le dernier je vois 5 ou 6
22 jours avant mon arrivée.
23 M. le Président. - Voilà un point éclairé. Je crois maintenant
24 que nous pouvons reprendre ces pièces. Monsieur le Greffier, vous les
25 reclassez. Maître Hayman, continuez.
Page 9352
1 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.
2 Monsieur le brigadier général, êtes-vous d'accord pour dire qu'on savait
3 dans les enclaves de Busovaca et de Vitez que l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine utilisait des prisonniers croates pour creuser des tranchées
5 et que c'était de renommée publique ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout le monde le savait.
7 M. Hayman (interprétation). - Dans vos déplacements, avez-vous
8 jamais personnellement pu voir des soldats du HVO avec des prisonniers
9 musulmans qui étaient obligés de creuser des tranchées ?
10 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai jamais vu cela
11 personnellement.
12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d'hélicoptère.
13 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, je dois quand même
14 dire que, de la manière dont vous formulez la question et du fait qu'on
15 passe très vite là-dessus, vous sous-entendez que l'armée de Bosnie-
16 Herzégovine utilisait des Croates, que c'était normal et ensuite que les
17 Croates utilisent des gens de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?
18 M. Hayman (interprétation). - Non, vous tirez des conclusions
19 trop rapides. Je ne sous-entend rien du tout de ce genre.
20 M. Kehoe (interprétation). - Alors la question n'est pas
21 pertinente.
22 M. Hayman (interprétation). - Je veux bien vous expliquer la
23 pertinence de la question si vous voulez m'écouter.
24 M. Kehoe (interprétation). - Si la question est de savoir s'il
25 est de notoriété publique qu'ils obligeaient les Croates à faire des
Page 9353
1 tranchées, quelle est l'incidence si ce n'est de sous-entendre au
2 brigadier général, et c'est comme cela qu'il l'a bien entendu d'ailleurs,
3 que c'était alors normal, puisque les Musulmans le faisaient, que les
4 Croates le faisaient ensuite. Ce qui d'ailleurs n'a aucune pertinence.
5 M. Hayman (interprétation). - Ce n'est bien de faire cela dans
6 le chef de personne. Simplement, je dis que, si vous avez une population
7 dans la poche de Vitez et une autre dans la région de Venica qui pensent
8 que leurs homologues prennent des civils en otage pour les utiliser comme
9 monnaie d’échange ou pour creuser des tranchées, je crois qu'il est
10 d'autant plus difficile à ce moment-là pour les autorités, qu'elles soient
11 civiles ou militaires, de contrôler la situation et de contrôler ces
12 civils qu'ils connaissent.
13 M. le Président. - J'ai très bien compris ce que vous êtes en
14 train de dire, mais je vous signale que vous êtes en train très exactement
15 de tomber dans l'objection que vous a faite le témoin. Vous aviez donc une
16 certaine ligne dans votre question. Sinon tout le monde a compris, le
17 témoin a répondu et vous pouvez passer à une autre question. Merci.
18 M. Hayman (interprétation). – Alors, les hélicoptères : il y
19 avait des évacuations faites par hélicoptère, des évacuations militaires,
20 des hélicoptères de l’ONU. Ont-ils été utilisés pour procéder à ces
21 évacuations militaires ?
22 M. Duncan (interprétation). - Le système qu'on avait à Novivila,
23 c'était une église en fait, dans la poche même, et nous utilisions des
24 hélicoptères de Kiseljak. On transportait les blessés dans des ambulances,
25 si on pouvait le faire, de Vitez jusqu'à Kiseljak par la route principale,
Page 9354
1 avec des escortes de véhicules de l'ONU, et on les évacuait par
2 hélicoptère de Kiseljak.
3 M. Hayman (interprétation). - Des hélicoptères de l'ONU ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui, mais nous utilisions
5 également des hélicoptères croates.
6 M. Hayman (interprétation). - Vous nous disiez que vous pensiez
7 qu'à plusieurs occasions au cours de votre mission, à l'une ou l'autre
8 occasion, le colonel Blaskic a quitté l'enclave de Vitez pendant une
9 période d'un certain nombre de jours.
10 M. Duncan (interprétation). - Oui.
11 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était
12 la première fois qu'il a pu quitter cette enclave ?
13 M. Duncan (interprétation). - Je ne peux pas vous donner une
14 date précise, mais je ne pouvais, de toute façon, pas le toucher quand je
15 le voulais. Il était donc clair qu'il n'était pas là. Il n'était pas dans
16 son intérêt de faire savoir aux gens qu'il était parti évidemment. On sait
17 très bien que, quand le commandant n'est pas là, c'est toujours l'occasion
18 de prendre des mesures dans son dos.
19 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si, la
20 première fois dont vous croyez qu'il était parti, c'était en
21 automne 1993 ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui, je pense que cela pourrait
23 être le cas. Au vu des événements, le colonel Blaskic était extrêmement
24 occupé au cours de la période où la BiH avançait. Une fois que la
25 situation s'est stabilisée, que nous avions ces différentes poches et
Page 9355
1 qu'il avait établi une bonne défense, il pensait que les choses tenaient
2 suffisamment et donc qu'il pouvait sortir à moment-là.
3 M. Hayman (interprétation). - Quand à ce moment-là?
4 M. Duncan (interprétation). - A peu près à l'automne.
5 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que des hélicoptères,
6 qui arrivaient dans l'enclave de Vitez sans sauf-conduit de la part de
7 l'armée BiH, risquaient de recevoir des coups de feu de l'armée BiH ?
8 M. Duncan (interprétation). - D'après mon expérience, tout
9 hélicoptère, quel qu'en soit le propriétaire, est toujours en danger quand
10 il vole dans une zone de guerre, car personne ne fait trop attention pour
11 savoir si c'est un hélicoptère ami ou ennemi. Les hélicoptères arrivaient
12 sans accord préalable de la BiH ou parfois avec un accord préalable.
13 En général, les accords arrivaient trop tard ou de manière fort
14 peu précise, mais les hélicoptères eux-mêmes arrivaient de manière assez
15 régulière.
16 M. Hayman (interprétation). - Volaient-ils la nuit étant donné
17 le danger de feu ?
18 M. Duncan (interprétation). - Oui. La nuit, des pilotes,
19 extrêmement capables, arrivaient à descendre en spirale à très haute
20 altitude et à grande vitesse pour éviter justement d'être la cible de
21 missiles ou de coups de feu.
22 M. Hayman (interprétation). - Est-ce dangereux ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est très dangereux et cela
24 demande un pilote extrêmement compétent.
25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu le plaisir de voler
Page 9356
1 dans un hélicoptère qui descendait en spirale comme cela ?
2 M. Duncan (interprétation). - Non, malheureusement pas.
3 M. le Président. - Heureusement d'ailleurs.
4 M. Duncan (interprétation). - Oui, sans doute heureusement en
5 effet.
6 M. Hayman (interprétation). - Il me reste quelques questions.
7 Vous nous disiez que le colonel Blaskic a été accepté sur le plan
8 politique, vue sa promotion d'ailleurs. Avez-vous eu l'occasion de
9 rencontrer Philip Filipovic, un officier du HVO ?
10 M. Duncan (interprétation). - Il y avait plusieurs Filipovic là.
11 Vous parlez d'un officier qui était le deuxième de la zone ?
12 M. Hayman (interprétation). - Philip Filipovic qui était le
13 commandant de brigade à Travnik et ensuite après la chute de Travnik, il a
14 repris un autre poste sur le théâtre.
15 M. Duncan (interprétation). - Je crois qu'il est arrivé au QG de
16 Vitez. C'était un homme qui avait été très touché par les événements de
17 Travnik.
18 M. Hayman (interprétation). - Avait-il l'impression d'avoir été
19 trompé, trahi ?
20 M. Duncan (interprétation). - Il avait perdu plutôt la bataille.
21 M. Hayman (interprétation). - Avait-il été accepté sur le plan
22 politique par le HVO ?
23 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas du tout.
24 M. Hayman (interprétation). - A-t-il été promu général du HVO ?
25 M. Duncan (interprétation). - Je ne le sais pas non plus.
Page 9357
1 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez dit tout à l'heure
2 que la défense de cette enclave de Vitez dépendait du contrôle du HVO, de
3 la route centrale de Novi Travnik à Vitez et Busovaca, est-ce bien cela?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui.
5 M. Hayman (interprétation). - Pour illustrer ce principe, puis-
6 je vous demander : à Gurbavice, il y avait un village musulman n'est-ce
7 pas ? Gurbavice, juste à côté de la base BritBat qui se trouvait au nord
8 de cette grande route, n'est-ce pas ? A l'automne 1993, il y a eu des
9 actions militaires visant à prendre le contrôle de ce village n'est-ce
10 pas ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui.
12 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que cette action a été
13 véritablement une action militaire pour assurer le MSR ?
14 M. Duncan (interprétation). - Le but de cette action militaire
15 pour reprendre le terrain, juste au nord de cette route, était tout à fait
16 incompréhensible. Elle a eu lieu en automne, le lendemain du jour où j'ai
17 quitté pour un congé de quinze jours. Vous savez, j'ai parlé du fait qu'on
18 profitait toujours de l'absence des commandants, eh bien voilà.
19 M. Hayman (interprétation). - Cette action militaire nécessitait
20 le contrôle du village en haut de la colline vu que la population
21 autochtone était armée et qu'elle constituait déjà une défense des forces
22 militaires ?
23 M. Duncan (interprétation). - C'est vrai qu'il était nécessaire
24 de posséder les bâtiments en haut du village parce qu'ils représentaient
25 un poste intéressant, mais il n'était pas nécessaire, d'après moi, de
Page 9358
1 détruire ces bâtiments -pour autant c'est ce qui s'est passé- étant donné
2 que la valeur militaire de ces bâtiments, en haut, était intéressante du
3 fait qu'ils donnaient couverture et protection et la capacité d'avoir une
4 bonne position de défense.
5 Mais ils les ont incendiés et c'est ce qui s'est passé après
6 l'attaque. D'après moi, je dirai que cela ne poursuit aucun but militaire.
7 M. Hayman (interprétation). - Contrairement à la défense de
8 l'enclave que vous nous avez décrite, pouvez-vous conclure que les routes
9 et les villes, à l'intérieur de cette enclave de Vitez, étaient une
10 question de sécurité interne qui dépendait du contrôle plutôt des
11 politiciens locaux que du contrôle du colonel Blaskic ? Je cite la page 4
12 de votre déclaration tout en bas.
13 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était l'opinion de
14 l'époque. Je me souviens avoir dit cela en avril de l'année dernière.
15 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous en donner lecture :
16 "Le contrôle des troupes, des opérations militaires était fait directement
17 par le colonel Blaskic et la sécurité intérieure était contrôlée par
18 Dario Kordic avec M. Blaskic. Il me semblait que Blaskic était responsable
19 de la défense militaire, mais que les routes, les villes etc, l'intérieur
20 de la poche relevaient de la sécurité intérieure et, dès lors, étaient
21 placés davantage sous le contrôle des politiciens locaux et donc de
22 M. Kordic". Est-ce bien ce que vous avez dit ?
23 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, c'est bien ce que
24 j'ai dit.
25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit également dans votre
Page 9359
1 déclaration en page 14 : "Je pense que l'organisation politique était
2 responsable des déplacements ethniques forcés de cette zone", cette zone
3 étant la vallée de la Lasva. C'est bien cela, n'est-ce pas ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était bien cela la
5 responsabilité, mais ce sont ensuite des forces militaires qui doivent
6 effectuer le travail.
7 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit dans le même passage
8 que vous ne pensiez pas que Tihomir Blaskic était proche des individus, en
9 parlant des individus qui se trouvaient dans l'organisation politique de
10 la vallée de la Lasva ? C'est le début du paragraphe suivant.
11 M. Duncan (interprétation). - C'est ce que je dis ici. Comme je
12 l'ai révélé précédemment, c'est la première fois que j'ai revu ces
13 événements qui ont eu lieu depuis que j'ai quitté la Bosnie. J'ai fait
14 cette déclaration l'année dernière. C'est donc quelque chose qui date de
15 cette époque. Pour un certain nombre de raisons, après avoir quitté la
16 Bosnie, je n'avais pas beaucoup d'intérêts à analyser en détail tout ce
17 qui s'était passé.
18 M. Hayman (interprétation). - Combien de temps avez vous passé à
19 analyser ces questions au cours de l'année dernière depuis votre
20 déclaration ?
21 M. Duncan (interprétation). - Depuis ma déclaration, j'y ai
22 passé quelque temps.
23 M. Hayman (interprétation). - A la demande du Bureau du
24 Procureur ?
25 M. Duncan (interprétation). - Non, pas à la demande du Bureau du
Page 9360
1 Procureur. Lorsque j'ai reçu la déclaration en retour, par la poste, je
2 l'ai revue en détail.
3 M. Hayman (interprétation). - Avant ou après l'avoir signée ?
4 Vous l'avez regardée en détail avant ou après l'avoir signée ?
5 M. Duncan (interprétation). - Après l'avoir signée, vu qu'il
6 s'agissait d'un reflet fidèle de la réunion et de ce que j'avais dit à
7 l'époque. Ce que j'essaie de dire, c'est peut-être que je me suis trompé
8 dans certaines des hypothèses que j'avance ici et qui étaient basées sur
9 des opinions personnelles. C'est tout ce que je veux dire. C'est
10 simplement ce que je souhaitais vous dire.
11 M. Hayman (interprétation). - Vous m'avez dit l'été dernier,
12 lorsque nous nous sommes parlés que vous pensiez que Tihomir Blaskic était
13 "Une personne raisonnable et honnête, essayant de faire son travail dans
14 une situation ou les circonstances les plus difficiles". Vous en tenez-
15 vous à cette déclaration ?
16 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai jamais reçu copie de cette
17 transcription.
18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les autorités
19 militaires vous ont dit que vous pouviez l'avoir ?
20 M. Duncan (interprétation). - Je crois que vous devriez m'en
21 envoyer copie.
22 M. Hayman (interprétation). - Alors je ne vais pas répondre avec
23 la réponse maintenant. Etes-vous d'accord avec cette déclaration ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui, je l'ai dit à l'époque,
25 connaissant ce que je savais.
Page 9361
1 M. Hayman (interprétation). - Merci, brigadier général. Je n'ai
2 plus de question, Monsieur le Président.
3 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Nous allons essayer de
4 faire la pause vers 16 heures 10. Si nous pouvions arriver à terminer, à
5 moins qu'il y ait beaucoup de questions. Maître Kehoe, avez-vous beaucoup
6 de questions ?
7 M. Kehoe (interprétation). - J'ai quelques questions, Monsieur
8 le Président.
9 M. le Président. - Je me tourne vers mon collègue.
10 (Les Juges se consultent sur le siège.)
11 Je crois que les esprits ont besoin de calme et peut-être que le
12 brigadier général, aussi, a besoin de se reposer et les interprètes bien
13 entendu comme toujours. Nous allons reprendre dans une vingtaine de
14 minutes. L'audience est suspendue.
15 L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.
16 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
17 M. Kehoe (interprétation). - J'ai oublié de demander le
18 versement des pièces D135 à D140.
19 M. le Président. - Parfait, elles sont versées.
20 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je y aller, Monsieur le
21 Président.
22 M. le Président. - Vous pouvez commencer.
23 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, je voudrais vous
24 poser un certain nombre de questions liées par le conseil de la défense au
25 cours du contre-interrogatoire. Je vais donc passer d'un sujet à l'autre,
Page 9362
1 j'espère que cela ne vous dérangera pas. Vous avez entendu un certain
2 nombre de questions liées au premier rapport du 19 juin 1993 et portant
3 sur la réunion du premier commandement conjoint. Maître Hayman, vous a
4 donc posé un certain nombre de questions sur ce point. A l'époque, la
5 situation était assez difficile pour l'accusé. Travnik venait de tomber.
6 Beaucoup de personnes déplacées arrivaient dans la région. Et Blaskic, à
7 ce moment-là, pensait que l'armée de Bosnie-Herzégovine allait attaquer,
8 n'est-ce pas ?
9 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.
10 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on dire également qu'au cours
11 de cette période Blaskic a tenté d'obtenir votre aide au cas où une telle
12 attaque se produirait ?
13 M. Duncan (interprétation). - Oui, à ce moment-là, c'était dans
14 son intérêt. Il était un peu en arrière plan, il était un peu déstabilisé.
15 Il avait donc besoin de l'aide des Nations Unies.
16 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment-là, il n'était donc pas
17 dans son intérêt de faire de vous un ennemi, n'est-ce pas ?
18 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, cela n'aurait pas
19 été très censé.
20 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à la pièce de
21 l'accusation 386 qui reprend la première réunion du commandement conjoint.
22 Monsieur l'Huissier, avec votre aide, je remettrai ce document au témoin.
23 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais noter que les Juges
24 m'ont demandé de ne pas poser de questions au témoin liées à ces quatre
25 rapports si je voulais que mon objection soit maintenue en vertu de
Page 9363
1 l'article 66, et je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas posé de questions sur
2 ces quatre rapports étant donné ce que m'ont dit les Juges. Car nous
3 souhaitons maintenir cette objection.
4 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le
5 Juge Riad, des questions très importantes ont été posées par le conseil de
6 la défense, qui étaient liées aux ordres d'avril 1993. Il a déclaré que
7 nous ne les avions pas montrés au Brigadier général. Je tiens donc à faire
8 suivre les conséquences qu'on pourrait tirer des questions posées par le
9 conseil de la défense. Pour faire cela, il faut revenir à la pièce 386. Il
10 faut revenir aux pièces ayant fait l'objet de questions par le conseil de
11 la défense.
12 M. le Président. - Je suis un peu gêné Maître Kehoe, j'ai bien
13 dit en fin de matinée, à Me Hayman et à Me Nobilo, que ces pièces seraient
14 versées si, cet après-midi, le conseil de la défense les utilisait. Je
15 considèrerais qu'à ce moment-là il renoncerait, en quelque sorte, à son
16 objection. Il est entendu que vous ne devez poser des questions que dans
17 le cadre du contre-interrogatoire, donc je préférerais que vous
18 n'utilisiez pas ces pièces, qui pour l'instant sont sous la réserve d'une
19 objection, avec tendance des Juges de les admettre comme pièces à
20 conviction pour les raisons que j'ai admis. Mais c'est vrai que nous avons
21 admis cette possibilité à la défense. Donc je préférerais que vous
22 n'utilisiez pas ces pièces car elles n'ont pas été citées dans le cadre du
23 contre-interrogatoire.
24 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président,
25 je peux poursuivre.
Page 9364
1 M. le Président. - J'avais compris que vous pouviez poser votre
2 question sans vous référer à ces pièces.
3 M. Kehoe (interprétation). - Oui.
4 M. le Président. - Eh bien donc, nous nous passerons de ces
5 pièces pour l'instant. C'est Parfait. Posez donc des questions mais je
6 vous demande de rester dans le cadre du contre-interrogatoire. Allez-y.
7 M. Kehoe (interprétation). - D'accord. Merci, Monsieur le
8 Président. Je crois vous avoir entendu dire, enfin peut-être ne l'avez
9 vous pas dit, que votre fax était assez utilisé, que vous receviez de
10 nombreux fax de l'accusé, n'est-ce pas?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était notre moyen principal
12 de communication.
13 M. Kehoe (interprétation). - Parfois, il bloquait même votre fax
14 tellement il vous en envoyait ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui effectivement.
16 M. Kehoe (interprétation). - Vous a-t-il jamais montrer les
17 ordres dont a parlé le conseil de la défense ?
18 M. Duncan (interprétation). - Non jamais.
19 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de toutes les réunions que
20 vous avez eues, entre mai et novembre, il n'a jamais rien dit à propos de
21 ces documents dont vient de parler le
22 conseil de la défense?
23 M. Duncan (interprétation). - Non, il n'a jamais rien dit.
24 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Le conseil vous a parlé des
25 communications radios dans la zone. Il vous a posé des questions
Page 9365
1 concernant l'électricité, les problèmes posés par le manque d'électricité
2 et les coupures d'électricité. Vous avez répondu que les armées avaient
3 généralement des systèmes de soutien.
4 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.
5 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Blaskic, vous a-t-il
6 jamais dit qu'il ne savait pas ce qui se passait dans la zone de
7 responsabilité qui se trouvait sous son contrôle ?
8 M. Duncan (interprétation). - Non il n'a jamais dit cela, il n'a
9 jamais dit : "Je ne sais pas ce qui se passe". C'était même le contraire.
10 Il me disait ce qui se passait sur le
11 terrain dans sa zone de responsabilité.
12 M. Kehoe (interprétation). - Je passe à un autre sujet qui a
13 trait à Kiseljak. Nous en avons parlé lors de l'interrogatoire principal.
14 Le conseil vous a posé des questions sur Kiseljak et sur la séparation
15 géographique entre l'enclave de Vitez et l'enclave de Kiseljak. La défense
16 vous a également posé un certain nombre de questions qui n'avaient pas
17 trait d'ailleurs à des questions posées dans l'interrogatoire principal.
18 Elle vous a demandé si, à Rakovici, le 10 juin 1993, le premier jour de
19 transit du Convoi de la Joie, le général Petkovic et ses policiers
20 militaires se sont trouvés sur la route, si vous les avez arrêtés et si
21 vous avez parlé avec eux.
22 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.
23 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous essayé d'obtenir leur
24 aide afin de pouvoir traverser ce poste de contrôle ?
25 M. Duncan (interprétation). - C'est exact, c'était pour passer
Page 9366
1 le barrage qui se trouvait sur la route.
2 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de l'interrogatoire
3 principal, vous avez dit que le 29 mai 1993, vous avez rencontré
4 M. Petkovic, ainsi que l'accusé et d'autres membres dirigeants du HVO à
5 Kiseljak ?
6 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.
7 M. Kehoe (interprétation). - Et ensuite quelques 11 jours plus
8 tard, le 10? Petkovic, c'était le chef d'Etat major, peut-être général
9 d'armée à ce moment-là, se trouvaient dans la zone de Vitez le de Genève
10 pas ?
11 M. Duncan (interprétation). - Oui.
12 M. Kehoe (interprétation). - Comment était-il arrivé là ?
13 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas ce n'est pas, ce
14 n'est pas moi qui l'y ait emmené.
15 M. Kehoe (interprétation). - Vous ne l'y avait pas emmené ?
16 M. Duncan (interprétation). - Non, notre politique était de ne
17 pas ballader les gens d'un endroit à un autre. Après la réunion du 29,
18 nous avons décidé de ne pas transférer les gens d'un point à un autre.
19 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, s'il n'y avait pas
20 les Nations Unies, ni un service de taxi, le général n'aurait pas réussi à
21 se rendre deKiseljak à Vitez ? Il a pourtant réussi ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation). - Il est reparti en voiture sur la
24 route de Novi Travnik ?
25 M. Duncan (interprétation). - Il allait vers Prozor.
Page 9367
1 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il dans un transporteur de
2 troupes blindées ?
3 M. Duncan (interprétation). - Il était dans un 4/4.
4 M. Kehoe (interprétation). - vous êtes d'accord avec moi pour
5 dire que si un général du HVO, le général Petkovic, un homme important,
6 pouvait se rendre à Vitez en venant de Kiseljak, dans un autre véhicule
7 qu'un véhicule blindé, l'accusé aurait très bien pu le faire aussi ?
8 M. Duncan (interprétation). - Oui je suppose, je ne vois pas
9 pourquoi il n'aurait pas pu le faire. Si le général Petkovic a pu le
10 faire, d'autres également.
11 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cela veut dire qu'il le
12 faisait effectivement, que le trajet était suffisamment sûr pour que les
13 gens puissent se déplacer de ce point à l'autre ?
14 M. Duncan (interprétation). - Je ne pense pas que Petkovic
15 aurait fait ce voyage s'il pensait qu'il y avait une éventuelle menace.
16 M. Kehoe (interprétation). - Général, parlons maintenant du
17 Convoi de la Joie et de ce qui s'est passé.
18 Le conseil de la défense vous a posé certaines questions sur
19 l'attitude de Petkovic lorsque vous avez demandé son aide.
20 Mais lorsque vous lui avez effectivement demandé de l'aide,
21 qu'est-ce qu'il a fait, quels ont été ces gestes, ces réactions ?
22 M. Duncan (interprétation). - Il m'a ri au nez et puis il est
23 parti, c'est tout.
24 M. Kehoe (interprétation). - Mais a-t-il parlé aux gens ?
25 M. Duncan (interprétation). - Il a parlé aux gens qui se
Page 9368
1 trouvaient là, et il semblait être heureux d'entendre ce qu'il a dit. Et
2 puis ensuite il a ri, sourit, alors moi à l'aide de mon interprète j'ai
3 demandé si nous pouvions passer, il a ri et puis il est parti.
4 M. Kehoe (interprétation). - A-t-il donné l'ordre à ses soldats
5 de séparer les civils, de disperser la foule ?
6 M. Duncan (interprétation). - Non.
7 M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,
8 on vous a posé la question de savoir si ces soldats, qui frappaient
9 visiblement un chauffeur civil et qui pillaient ces différents véhicules,
10 étaient en mission ou non de service ou non ?
11 Je crois que cela fait 25 ans que vous êtes dans l'armée, n'est-
12 ce pas ?
13 M. Duncan (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation). - En tant que commandant du régiment
15 du Prince de Galles, je pense que vous avez réussi à discipliner vos
16 soldats. Peut-être avez-vous pris des mesures pour la conduite de certains
17 soldats, qu'ils soient en mission ou qu'ils n'y soient pas ?
18 M. Duncan (interprétation). - Cela ne fait aucune différence
19 dans l'armée britannique, qu'ils soient en mission, de service ou pas.
20 M. Kehoe (interprétation). - Diriez-vous que pour ce qui est de
21 l'attitude de ces soldats, de leur conduite, un officier, un commandant a
22 pour obligation d'assurer la discipline, que le soldat soit en service ou
23 non.
24 M. Duncan (interprétation). - Effectivement.
25 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui s'est passé avec le
Page 9369
1 Convoi de la Joie, les 10 et 11 juin, le pillage et les tirs, ces
2 événements étaient-ils connus à ce moment-là ?
3 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai pas très bien compris
4 votre question.
5 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il probable que M. Blaskic
6 ait entendu parler du meurtre de ces chauffeurs, du pillage de ce convoi
7 et des autres actes violents qui ont été perpétrés autour du Convoi de la
8 Joie ?
9 M. Duncan (interprétation). - Il est tout à fait improbable
10 qu'il n'en ait pas entendu parler, parce qu'il y avait des gens partout.
11 Une organisation avait été prévue, un barrage pour bloquer les véhicules,
12 tous ces véhicules ont été disséminés dans différents endroits de la
13 ville, là où ils ont été pillés. Par conséquent il y avait un plan
14 derrière tout cela, c'était organisé.
15 M. Kehoe (interprétation). - Blaskic a-t-il fait une tentative
16 visant à assurer la discipline de ses soldats ? Y a-t-il eu un effort de
17 sa part ?
18 M. Duncan (interprétation). - Non.
19 M. Kehoe (interprétation). - C'est un commandant qui vous a dit
20 à plusieurs reprises qu'il avait du mal à diriger, à contrôler les
21 éléments extrémistes, n'est-ce pas ?
22 M. Duncan (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation). - Vous rappelez-vous d'un message qui
24 a été diffusé en août 1993 à Radio Vitez et qui portait sur la relation
25 entre la Forpronu et le HVO ? Radio Kiseljak a dit que les commandants du
Page 9370
1 HVO avaient eu certains propos vis-à-vis des soldats, n'est-ce pas ?
2 M. Duncan (interprétation). - Le message était le suivant :
3 "Personne ne pouvait assurer la sécurité des soldats de la Forpronu qui
4 étaient dans les véhicules blancs".
5 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, les officiers
6 contrôlant le HVO n'étaient plus responsables des actions de leurs
7 soldats ? C'est bien ce qui a été dit ?
8 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois effectivement que
9 c'est le texte qui a été prononcé.
10 M. Kehoe (interprétation). - Qui était le commandant à ce
11 moment-là ?
12 M. Duncan (interprétation). - C'était Blaskic.
13 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, à la radio, un
14 message passe, à savoir que le commandant ne peut plus commander ses
15 soldats, c'est bien ce qui a été diffusé ?
16 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela.
17 M. Kehoe (interprétation). - Y a-t-il eu des menaces proférées à
18 l'encontre des véhicules blancs dans ce message ?
19 M. Duncan (interprétation). - Quelque chose a été dit à propos
20 de véhicules, y compris à propos de véhicules blancs.
21 M. Hayman (interprétation). - Il n'y a pas de fondement à ce
22 genre d'argumentation. On ne peut pas dire que l'accusé contrôlait
23 Radio Kiseljak ou Radio Vitez. En fait, des témoignages sont venus étayer
24 l'argument contraire. Je crois qu'ici, nous entrons dans une question
25 d'éthique.
Page 9371
1 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends que ceci est très
2 nuisible aux arguments de la défense, mais malheureusement,...
3 M. Hayman (interprétation). - Non, ce n'est pas nuisible, il ne
4 s'agit pas de cela, c'est simplement une question d'éthique, Monsieur le
5 Président. Le témoignage dit que Radio Kiseljak était sous le contrôle
6 d'éléments politiques dans l'enclave de Kiseljak. Il y a là une question
7 éthique. M. Kehoe ne peut pas recueillir ce type de témoignage, ou du
8 moins essayer de le recueillir.
9 M. Kehoe (interprétation). - J'entends bien que Me Hayman n'aime
10 pas ce qui est dit par le témoin, à savoir qu'un commandant du HVO -à
11 savoir Blaskic- et ses officiers ont fait passer un message à Radio Vitez
12 disant qu'ils ne pouvaient plus contrôler leurs soldats.
13 M. le Président. - Brigadier général, le message du commandant
14 est passé à la radio ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout à fait.
16 M. le Président. - Donc la question me paraît possible. Allez-y,
17 continuez.
18 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui est à nouveau du Convoi
19 de la Joie, Brigadier général, les informations dont vous disposiez sur
20 les activités de Zuti, notamment les informations dont il est question
21 dans la pièce D135, en date du 17 août 1993, je vous ai posé une question
22 sur ce point. Certains camions de ce convoi ont fini chez Zuti ou bien
23 dans une zone contrôlée par le HVO ?
24 M. Duncan (interprétation). - Dans toute la poche de Vitez en
25 fait, juste en face de Rankovici et dans des zones se trouvant dans la
Page 9372
1 ville même de Vitez.
2 M. Kehoe (interprétation). - Sur la vidéo, nous avons vu des
3 camions dans la carrière ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Concernant Zuti, avait-il un
6 quelconque pouvoir sur ce Convoi de la Joie qui est arrivé en
7 octobre 1993 ?
8 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
9 pouvoir reposer des questions au témoin sur le Convoi de la Joie II, dont
10 il n'a pas été question dans l'interrogatoire principal, ni au cours du
11 contre-interrogatoire. Il faut nous donner la possibilité d'entrer dans de
12 nouveaux domaines au cours de questions supplémentaires, si ces nouveaux
13 domaines sont abordés par Me Kehoe.
14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, au cours du
15 contre-interrogatoire, il a été question de la relation entre le témoin et
16 Zuti.
17 M. le Président. - Restez sur la relation avec Zuti, s'il vous
18 plaît, Maître Kehoe.
19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'en reste à
20 la relation entre Blaskic et Zuti, mais il faut quelques explications
21 supplémentaires étant donné que Blaskic semble travailler en coopération
22 avec Zuti afin de détourner le Convoi de la Joie II. C'est pour cela que
23 j'évoque ce point.
24 M. le Président. - Je vous écoute. Vous restez bien dans ce
25 cadre-là. Je ne souhaite pas, et je pense me faire l'interprète de mon
Page 9373
1 collègue, que vous refassiez un interrogatoire, Maître Kehoe.
2 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends, Monsieur le
3 Président, je vais poursuivre. Restons-en à ce document, la pièce D135.
4 Vous l'avez, je crois.
5 M. Duncan (interprétation). - Oui.
6 M. Kehoe (interprétation). - Passons au passage qui se trouve
7 dans le paragraphe 3 et qui porte sur la relation de Zuti avec Blaskic et
8 l'éventuel retrait des Croates de la vallée de la Lasva. Vous le voyez ?
9 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.
10 M. Kehoe (interprétation). - Mais cela n'est jamais arrivé ? Les
11 Croates ne se sont jamais rendus ?
12 M. Duncan (interprétation). - Non.
13 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais aller à la deuxième
14 page, au paragraphe 5 plus précisément. Quel est ce paragraphe et qu'est-
15 ce qui y est dit ?
16 M. Duncan (interprétation). - En fait, il y a eu une menace de
17 descendre tous les hélicoptères, qu'ils soient des Nations Unies, de
18 l'armée de Bosnie-Herzégovine ou tout autre.
19 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il des hélicoptères qui
20 arrivaient à ce moment-là ?
21 M. Duncan (interprétation). - Non, mais si jamais c'était le
22 cas, ils auraient été descendus.
23 M. Kehoe (interprétation). - Tous les hélicoptères ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant au paragraphe 7.
Page 9374
1 Quelle est la menace de Blaskic par rapport à l'usine de Vitez ?
2 M. Duncan (interprétation). - Si cette usine était menacée, il
3 la ferait sauter et nous, les Nations Unies serions responsables des
4 conséquences de cela, ceci allait créer une pollution extrêmement
5 importante de toute la vallée, une destruction de toute la zone, avec la
6 dissémination de produits chimiques dans l'air et dans l'atmosphère.
7 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, ceci affecterait la
8 vie de civils dans la zone.
9 M. Duncan (interprétation). - Oui ?
10 M. Kehoe (interprétation). - Et c'est M. Blaskic qui a proféré
11 cette menace ?
12 M. Duncan (interprétation). - Oui.
13 M. Kehoe (interprétation). - Il a menacé de mettre son plan à
14 exécution ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez devant vous un certain
17 nombre de documents, je crois. C'est le conseil de la défense qui vous les
18 a montrés. Le conseil de la défense vous a demandé si Blaskic ne vous
19 avait jamais conseillé de tirer sur des tireurs isolés. Vous vous en
20 souvenez ?
21 M. Duncan (interprétation). - Oui.
22 M. Kehoe (interprétation). - Il vous a dit cela ? De tirer sur
23 des tireurs isolés ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - Il vous l'a dit à plusieurs
Page 9375
1 reprises ?
2 M. Duncan (interprétation). - Oui.
3 M. Kehoe (interprétation). - Et ceci au moment où lui a mené
4 cette enquête sur l'attaque du tireur isolé à l'encontre de Boris et de
5 Dobrila ? C'est la même personne qui vous a envoyé les deux messages,
6 n'est-ce pas ?
7 M. Duncan (interprétation). - Oui.
8 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur l'huissier, je voudrais
9 maintenant passer au document qui commence par 28 septembre 1993, mais je
10 ne sais pas de quelle pièce de la défense il s'agit exactement.
11 M. Duncan (interprétation). - Il s'agit de la pièce D139.
12 M. Kehoe (interprétation). - D139, merci.
13 Passons d'abord à la pièce D137, il est question de
14 M. Darko Kraljevic et de ses Chevaliers qui ont vingt à trente hommes.
15 Blaskic avait-il suffisamment de soldats sous son contrôle pour contrôler
16 vingt à trente hommes.
17 M. Duncan (interprétation). - Oui, bien entendu, s'il souhaitait
18 éliminer ces hommes, il aurait pu le faire très facilement.
19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous jamais entendu parler
20 d'une éventuelle tentative de la part de Blaskic d'essayer d'écarter les
21 Vitezovi ou Darko Kraljevic*, d'essayer d'arrêter ces individus ?
22 M. Duncan (interprétation). - Non, jamais.
23 M. Kehoe (interprétation). - Dans le document D139, nous
24 trouvons le nom de Darko Zilic, vous le connaissez ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui, Darko Gilic était l'officier
Page 9376
1 de liaison qui agissait entre le colonel Blaskic et moi-même.
2 M. Kehoe (interprétation). - C'était donc le messager de
3 Blaskic ?
4 M. Duncan (interprétation). - Oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Donc si vous aviez quelque chose à
6 dire ou si Blaskic avait quelque chose à vous dire, c'était lui qui
7 venait.
8 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que Gilic a donné une
9 entrevue à la BBC en louant les activités des Vitezovi ? Si c'était le
10 cas, s'il avait donné une interview à la BBC en louant le travail des
11 Vitezovi, est-ce que ceci indiquerait que Blaskic et les Vitezovi
12 travaillaient de concert ?
13 M. Duncan (interprétation). - Oui, je pense effectivement. Et je
14 pense que ceci voudrait dire que Blaskic avait dit à son officier de
15 liaison de transmettre ce message.
16 M. Kehoe (interprétation). - Plus tard, Monsieur le Président,
17 Monsieur le Juge Riad, nous produirons cet extrait de la BBC. Nous ne
18 l'avons pas actuellement.
19 Passons maintenant à l'été 1993. Vous avez parlé des
20 hélicoptères qui ont commencé à survoler les zones du HVO.
21 M. Duncan (interprétation). - Oui, surtout dans la vallée de la
22 Lasva, vers Vitez.
23 M. Kehoe (interprétation). - Qui allaient vers on ne sait où.
24 M. Duncan (interprétation). - Vers Prozor.
25 M. Kehoe (interprétation). - Ceci allait-il freiner Blaskic dans
Page 9377
1 sa communication avec d'autres zones ou cela l'aurait-il aidé ?
2 M. Duncan (interprétation). - Non, cela était très positif pour
3 lui, parce qu'il pouvait faire passer des messages par hélicoptère. En
4 même temps, de toute façon, pour obtenir ces hélicoptères, il fallait
5 qu'il puisse communiquer avec les autres zones, parce qu'il fallait
6 synchroniser les allées et venues. C'était très dangereux à l'époque. Donc
7 il fallait pouvoir communiquer avec les autres zones pour dire : "Allez-y,
8 il n'y a aucune activité ennemie, vous pouvez atterrir ou vous pouvez
9 décoller." C'est une communication très complexe, une organisation très
10 complexe, parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre de perdre des
11 hélicoptères, il fallait donc qu'ils aient un système de communication
12 efficace.
13 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que au moins à trois
14 reprises Blaskic a quitté les lieux au cours de votre mission.
15 M. Duncan (interprétation). - Oui.
16 M. Kehoe (interprétation). - Comment est-il parti ?
17 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas, mais je suppose
18 qu'il est parti en hélicoptère.
19 M. Kehoe (interprétation). - Une fois en hélicoptère, aurait-il
20 pu aller à Kiseljak pour vérifier certains événements sans vous ?
21 M. Duncan (interprétation). - Ce sont ses affaires, évidemment
22 c'était sans moi.
23 M. Kehoe (interprétation). - Donc il aurait pu se rendre à
24 Kiseljak et évaluer la situation là-bas ?
25 M. Duncan (interprétation). - Je suppose qu’il aurait pu aller
Page 9378
1 dans n’importe quel territoire contrôlé par le HVO.
2 M. Kehoe (interprétation). - Il aurait pu aller à Vares
3 également, n’est-ce pas ?
4 M. Duncan (interprétation). - S’il le souhaitait, oui.
5 M. Kehoe (interprétation). - Ces voyages en hélicoptère auraient
6 pu être organisés au dernier moment pour une visite rapide à Vitez ou à
7 d’autres endroits encore ? Entre Vitez et Kiseljak, par exemple ?
8 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est tout à fait possible.
9 M. Kehoe (interprétation). - Nous arrivons maintenant au mois de
10 juin. Nous savons qu’il y a des vols d’hélicoptère entre la poche de Vitez
11 et d’autres zones à l’extérieur de la poche de Vitez, et nous savons que
12 Petkovic peut se rendre entre Vitez et Kiseljak par la route, n’est-ce pas
13 ?
14 M. Duncan (interprétation). - Oui.
15 M. Kehoe (interprétation). - Cela n’indique-t-il pas que ce flux
16 d’informations entre différentes zones contrôlées par le HVO était assez
17 régulier, assez solide ?
18 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est exact, il y avait un
19 système de communications, de communications radio, de vols d’hélicoptères
20 et de transmissions qui fonctionnaient bien.
21 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense vous a
22 posé un certain nombre de questions portant sur les hommes politiques
23 responsables des mouvements ethniques ?
24 M. Duncan (interprétation). - C’est exact.
25 M. Kehoe (interprétation). - Quel était l’outil utilisé dans
Page 9379
1 cette politique ?
2 M. Duncan (interprétation). - Eh bien cette politique est
3 suggérée par Valenta, transmise par Kordic, mais l’application, la mise en
4 place doit se faire sur le terrain par les soldats.
5 M. Kehoe (interprétation). - Vous parlez de ceci à la page 4 de
6 votre déclaration ; vous parlez de la sécurité interne et du fait qu’elle
7 est contrôlée par Kordic en coordination avec Blaskic, et que Blaskic
8 s’occupe des questions de défense militaire de la zone.
9 M. Duncan (interprétation). - Oui.
10 M. Kehoe (interprétation). - Mais là, nous parlons d’autorité
11 civile et militaire, n’est-ce pas ?
12 M. Duncan (interprétation). - Nous parlons de Blaskic qui
13 participe, dans une certaine mesure, à l’administration civile, de la
14 société civile de la zone... non pardon, je parle de Kordic, là, bien
15 sûr... de Kordic, avec Skopljak, Santic, le maire etc...
16 Mais Blaskic n’était responsable que des questions militaires.
17 M. Kehoe (interprétation). - Passons à ma dernière série de
18 questions. Je n’en ai plus qu’un certain nombre, Monsieur le Président, je
19 serai rapide. Parlons de Gorbavica, le village qui se trouvait juste à
20 côté du camp britannique et qui a été attaqué le 7 septembre 1993. Le
21 lendemain de votre départ en permission ?
22 M. Duncan (interprétation). - C’est exact.
23 M. Kehoe (interprétation). - Et je crois qu’en réponse à une
24 question posée par le conseil de la défense, vous avez dit que le fait
25 d’attaquer ce village était tout à fait légitime pour le HVO, parce que
Page 9380
1 ceci permettait d’ouvrir cette route principale qui leur permettrait de
2 faciliter les manoeuvres des différentes unités ?
3 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est exact.
4 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, lorsque vous
5 êtes revenu, toutes les maisons avaient été incendiées, n’est-ce pas ?
6 M. Duncan (interprétation). - Oui, toutes les maisons qui se
7 trouvaient en haut de la colline, au lieu d’avoir été fortifiées et d’être
8 utilisées en tant que position de défense, avaient été incendiées, il ne
9 restait plus rien.
10 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez passé quelque sept mois
11 dans la vallée de la Lasva ; est-ce que ceci était cohérent avec les
12 attaques lancées par le HVO dans toute la vallée de la Lasva ?
13 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, c’était, disons, la
14 procédure standard, la procédure généralement utilisée par ces forces :
15 ils attaquaient et puis ils incendiaient les bâtiments.
16 M. Kehoe (interprétation). - Lors d’une réponse que vous avez
17 apportée à une question du conseil de la défense, vous avez dit qu’il n’y
18 avait aucun objectif militaire dans la destruction de ces bâtiments.
19 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois qu’en fait, il était
20 de leur intérêt de maintenir ces bâtiments en l’état.
21 M. Kehoe (interprétation). - Mais avant cela, Blaskic vous a dit
22 qu’il allait être obligé d’attaquer Gorbavica et d’éliminer les Musulmans
23 de cette zone, n’est-ce pas ?
24 M. Duncan (interprétation). - Oui.
25 M. Kehoe (interprétation). - Les maisons sont donc incendiées,
Page 9381
1 il n’y a pas d’objectif militaire, ceci correspond à la procédure utilisée
2 dans le reste de la vallée de la Lasva. Alors, quel était le message que
3 Blaskic et ses hommes essayaient d’envoyer aux Musulmans ?
4 M. Duncan (interprétation). - Le message était très clair : il
5 n’y avait plus de maisons dans lesquelles les Musulmans pouvaient revenir,
6 il n’y avait aucune raison de revenir.
7 M. Kehoe (interprétation). - Et ils ne sont pas revenus, n’est-
8 ce pas ?
9 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, ils ne sont pas
10 revenus.
11 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais
12 consulter mon collègue un instant. Je n’ai plus de questions, merci
13 beaucoup, Monsieur le brigadier général.
14 M. le Président. - Général, vous allez à présent recevoir les
15 questions des Juges. Je me tourne vers M. le Juge Riad.
16 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Monsieur le
17 brigadier général.
18 M. Duncan (interprétation). - Bonjour.
19 M. Riad (interprétation). - J’ai écouté avec attention votre
20 déposition et je voudrais vous poser une question d’ordre général, sans
21 entrer dans les détails.
22 Vous vous êtes exprimé très clairement et vous avez établi une
23 dichotomie entre les décisions politiques du nettoyage ethnique que vous
24 avez comprises de votre discussion avec Anto Valenta et des discussions
25 entre Blaskic et Kordic le 9 mai, dichotomie entre les décisions
Page 9382
1 politiques, donc, et leur mise en place sur le terrain par les soldats
2 parce que les membres politiques n’avaient pas les outils nécessaires pour
3 appliquer ces décisions sans l’armée.
4 Par conséquent, en admettant que cette décision ait été
5 effectivement une décision politique, les soldats auraient-ils pu
6 appliquer cette décision sans toute la violence que vous avez décrite,
7 sans toutes les violations du droit humanitaire international ?
8 Cette décision, en d’autres termes, aurait-elle pu être
9 concrétisée d’une autre façon ?
10 M. Duncan (interprétation). - Si les gens avaient décidé de leur
11 plein gré de partir et de dire "Je m’en vais, ça ne fait rien", là oui.
12 Mais les Musulmans ne souhaitaient pas partir. Je crois que les Musulmans
13 qui sont partis de la région ont été expulsés par la force. Je crois qu’il
14 s’agissait simplement d’une façon inhumaine de faire partir les gens.
15 C’était du nettoyage ethnique, c’était absolument tragique.
16 M. Hayman (interprétation). - Ceci aurait-il pu être appliqué
17 sans incendier les maisons, sans envoyer des civils creuser des tranchées,
18 sans tuer ?
19 M. Duncan (interprétation). - Oui, je suppose.
20 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce une nécessité ?
21 M. Duncan (interprétation). - Je suppose que le fait d’incendier
22 les maisons était une nécessité en quelque sorte, parce que ceci empêchait
23 les gens de revenir. Si on envoie des gens loin et s’ils savent qu’ils
24 vont retrouver leur maison en rentrant, il leur reste un espoir, mais
25 s’ils savent que leur maison a été incendiée, ils savent qu’ils n’ont plus
Page 9383
1 d’endroit pour vivre.
2 M. Hayman (interprétation). - Alors quelle est la limite ici
3 entre l’aspect politique et l’aspect militaire, à votre avis ?
4 M. Duncan (interprétation). - A mon avis, les idées politiques
5 sont nées, les hommes politiques ont dit ce qui devait se passer et là je
6 vous renvoie à ma remarque selon laquelle l’armée mettait en place,
7 concrétisait les idées politiques.
8 M. Hayman (interprétation). - L’armée a-t-elle été efficace ?
9 M. Duncan (interprétation). - Oui, très efficace.
10 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que Blaskic avait
11 été promu au rang de Général et vous pensez que c’était un signe de sa
12 dévotion ?
13 M. Duncan (interprétation). - Eh bien je pense que cela veut
14 dire qu’il était tout à fait en accord avec les idées politiques et que
15 ses dirigeants politiques et militaires étaient très contents de la façon
16 dont il avait fait son travail. C’était une personne à qui on faisait
17 confiance dans la communauté croate de Bosnie.
18 M. Hayman (interprétation). - Mais vous avez parlé de cela avec
19 Kordic entre autres et ils vous ont indiqué que le nettoyage ethnique
20 était une nécessité ?
21 M. Duncan (interprétation). - Lorsque j’ai parlé de dirigeant
22 politique, je parlais de structure politique, je parlais de Mate Boban,
23 notamment. Je crois que la branche politique était satisfaite du travail
24 qui avait été réalisé par Blaskic. Mais je pense qu’il y avait des idées
25 partagées par Valenta, Kordic et Blaskic. Ils travaillaient ensemble,
Page 9384
1 c’était un effort commun.
2 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, il n’y avait pas
3 véritablement de maître et de disciple, n’est-ce pas ? C’était une
4 politique conjointe ?
5 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement, chacun était
6 responsable d’actions différentes, mais c’était un effort commun, oui.
7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le général ou un
8 commandant peut refuser de violer le droit international humanitaire ?
9 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est exact.
10 M. Hayman (interprétation). - Et qu’il peut même être amené à
11 démissionner ?
12 M. Duncan (interprétation). - C’est exact.
13 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que c’était possible à
14 cette période-là et dans cette région ?
15 M. Duncan (interprétation). - Oui, sans doute. Je pense qu’à ce
16 moment-là ils auraient trouvé quelqu’un d’autre.
17 M. Riad (interprétation). - Vous avez été plus loin quand vous
18 avez parlé du Convoi de la Joie. Vous avez signalé que cette opération
19 n’aurait pas pu se dérouler sans une organisation minutieuse de la part
20 des militaires.
21 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, parce que les
22 militaires sont extrêmement efficaces dès lors qu’il s’agit de concrétiser
23 un plan, de coordonner tout. C’est à cela que servent les militaires.
24 M. Riad (interprétation). - Donc vous pensez qu’ils relèvent là
25 d’une responsabilité militaire ?
Page 9385
1 M. Duncan (interprétation). - La manière dont cela s'est fait
2 provient des militaires en effet.
3 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé de la demande de la
4 Croix-Rouge et de l'ONU visant à libérer des prisonniers civils. Il y a eu
5 manquement à donner suite à cette demande. Quelle fut la raison de ne pas
6 avoir répondu à cette demande ?
7 M. Duncan (interprétation). - Je dois vous dire que tant les
8 Musulmans que les Croates ont gardé leurs prisonniers comme outil de
9 négociation et ils les ont utilisés également comme force de travail des
10 deux côtés.
11 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que dans certains cas,
12 les ordres du colonel Blaskic n'ont pas été exécutés et que lorsque vous
13 lui en avez parlé et je vous cite : "Il est allé parler lui-même à ses
14 troupes et à ce moment-là, ses troupes exécutaient les ordres". Donc dans
15 le fond, son commandement a ensuite été suivi.
16 M. Duncan (interprétation). - Dans ma déclaration, j'ai dit
17 qu'il n'y a eu qu'une seule occasion où j'ai vu que les ordres ont été
18 désobéis, c'est lors de cette réunion concernant le Convoi de la Joie, le
19 peuple et les troupes n'ont pas suivi. C'est la seule occasion dont je me
20 souviens sur les sept mois, mais à toute autre période, les troupes
21 exécutaient ses ordres.
22 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit également qu'il était
23 facile de couvrir de grandes distances grâce aux moyens de communication,
24 bien qu'il y ait eu des coupures de d'électricité ?
25 M. Duncan (interprétation). - Ce n'est pas facile, mais disons
Page 9386
1 qu'il y avait différents moyens de communication : à pied, par lettre, par
2 téléphone, par téléfax, les radios, etc.
3 M. Riad (interprétation). - Donc en bref, il n'y avait pas
4 véritablement d'obstacle majeur pour savoir ce qui se passait ?
5 M. Duncan (interprétation). - Non, il n'y avait pas d'obstacle
6 en effet.
7 M. Riad (interprétation). - Vous pensez que vu qu'il s'agissait
8 d'une décision politique disiez-vous, la mise en oeuvre pouvait se faire
9 par les petits commandants ?
10 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne pense pas, parce que
11 ces petits groupes font partie des forces armées dans cette enclave. Si
12 l'on veut maintenir une défense crédible et si on découvre d'un seul coup
13 que trente à quarante personnes agissent contre vos souhaits dans une
14 zone, comment pouvez-vous accepter cela en tant que commandant ? Cela n'a
15 pas de sens pour moi. Vous essayez de défendre votre enclave contre
16 l'armée de la BiH, on ne peut pas se permettre d'avoir des gens qui
17 agissent de manière indépendante et qui dépensent vos munitions, votre
18 essence, votre nourriture. Il vous faut toutes ces ressources et toutes
19 ces forces dans vos réserves. Ces actions indépendantes ne peuvent pas
20 faire partie du plan sauf si vous l'avez ordonné et que vous en êtes au
21 courant.
22 M. Riad (interprétation). - Permettez-moi de conclure de votre
23 déposition que vous vouliez dire que le colonel Blaskic a joué un rôle
24 actif dans la purification ethnique ?
25 M. Duncan (interprétation). - Oui.
Page 9387
1 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.
2 M. le Président. - Très peu de questions. Mon collègue a posé
3 également un nombre de questions très importantes. Je voulais peut-être
4 revenir sur un ou deux points qui n'ont pas été abordés toujours. Lors de
5 la réunion du 9 mai 1993, où on a parlé d'Ahmici et de l'enquête en cours,
6 vous vous souvenez ? Quel est votre sentiment lorsque dans le document, le
7 compte rendu, l'accusé dit à la fois que l'enquête suit son cours mais que
8 le HVO n'est pas responsable ? Qu'est-ce que cela évoquait pour vous et
9 votre état-major ?
10 M. Duncan (interprétation). - Je ne pouvais pas croire que la
11 solution présentée, que ce soient les extrémistes serbes ou ces Musulmans,
12 que ce soit plausible du tout, il devait y avoir des soldats du HVO qui
13 déplaçaient ces prisonniers.
14 M. le Président. - Je voulais savoir : dans vos esprits à vous
15 le bataillon britannique, que pouvait évoquer l'idée "Une enquête est en
16 cours mais ce n'est pas le HVO" sur le plan de la logique ?
17 M. Duncan (interprétation). - Je ne suis pas tout à fait au
18 clair. "Une enquête est en cours mais ce n'est pas le HVO". C'était
19 illogique pour moi.
20 M. le Président. - Cela m'a beaucoup frappé que l'on dise
21 "voilà, une enquête est en cours, mais ce n'est pas le HVO". Il y a
22 quelque chose qui heurte le bon sens. Encore une fois, je ne prends pas
23 parti.
24 M. Duncan (interprétation). - Oui, ils avaient écarté tout de
25 suite la participation du HVO. Ils ont dit "de toute façon, ce n'est pas
Page 9388
1 le HVO et nous allons essayer de savoir qui cela peut être".
2 M. le Président. - Vous disiez qu'il connaissait les Conventions
3 de Genève, vous en aviez parlé avec lui ? Vous avez l'air de le considérer
4 comme un soldat formé, professionnel et vous avez dit qu'il connaissait
5 les Conventions de Genève. Vous vouliez dire qu'il devait connaître les
6 Conventions de Genève ou avez-vous la certitude qu'il les connaissait
7 réellement ?
8 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai jamais confirmé qu'il les
9 connaissait mais nous avons parlé de poursuites en temps de guerre et de
10 limites de comportements adéquats et je lui ai dit qu'il se comportait
11 d'une manière dont les armées civilisées ne se comportent pas.
12 M. le Président. - A la fin de votre témoignage, vous avez dit
13 de l'accusé que c'est une personne raisonnable et honnête. Vous avez
14 confirmé cela à la défense. A plusieurs reprises, vous avez dit que vous
15 l'avez surpris en flagrant délit de mensonge. Y a-t-il une logique
16 apparente ou réelle dans vos propos ? Peut-on dire de quelqu'un qu'il est
17 raisonnable et honnête et en même temps, chaque fois que vous discutiez
18 avec lui sur des points importants, vous aviez le sentiment qu'il mentait.
19 M. Duncan (interprétation). - Lorsque j'étais dans les Balkans
20 et que je discutais de tous les côtés, avec les Serbes, les Croates et les
21 Musulmans, je savais très bien que des crimes horribles avaient eu lieu
22 partout dans le pays. J'ai eu des discussions passionnantes avec le
23 commandant Blaskic. Donc on ne peut pas arriver à chaque réunion en se
24 disant "cet homme est un fou". Il faut tout de même établir un rapport
25 avec lui. C'est pourquoi je pense que nous avions une bonne relation. Nous
Page 9389
1 avons beaucoup parlé. Ce que je pense de lui et de son comportement, je ne
2 le communiquais pas, cela aurait été tout à fait négatif d'arriver à une
3 réunion, frapper sur la table et dire "vous êtes un assassin, vous avez
4 fait ceci, vous avez fait cela". Cela ne m'aurait mené à rien.
5 Pour établir ce bon rapport entre nous, j'ai parlé avec lui de
6 la manière la plus normale possible. Donc vous voyez, c'est une relation
7 double. D'un côté, je savais très bien ce qui se passait et cela me
8 déplaisait complètement, je n'aimais pas ce qu'il faisait ni comment il le
9 faisait. D'autre part, il fallait que je maintienne avec lui une certaine
10 relation. Si nous n'arrivions plus à nous parler, cela ne nous aidait ni
11 l'un, ni l'autre.
12 M. le Président. - Lorsque vous avez parlé du Convoi de la Joie,
13 vous avez dit qu'il y avait eu un accord avec le gouvernement croate,
14 accord qui a été donné par Mate Boban, vous vous souvenez ? En même temps,
15 vous avez dit que l'accusé avait annoncé qu'il y aurait des difficultés
16 pour le passage de ce convoi.
17 M. Duncan (interprétation). - Oui.
18 M. le Président. - Quelles conclusions en avez-vous tiré ? On
19 peut titrer deux conclusions de ces difficultés. Quand quelqu'un vous dit
20 "Il va y avoir des difficultés", on peut tirer la conclusion qu'il n'aura
21 pas d'autorité suffisante pour empêcher ces difficultés, on peut en tirer
22 la conclusion inverse qu'après tout, il a une telle autorité qu'il sait
23 déjà que le convoi connaîtra des blocages, des agressions ou des pillages.
24 Quelles ont été vos conclusions ? Qu'il avait ou qu'il n'avait pas
25 d'autorité ?
Page 9390
1 M. Duncan (interprétation). - Ma conclusion fut qu'il me donnait
2 un certain avertissement selon lequel le convoi allait être attaqué. Il
3 disait donc "écoutez, le convoi va être attaqué, je ne pourrai pas
4 l'empêcher" et il essayait en quelque sorte de se dédouaner de cela et de
5 se retirer de ses responsabilités.
6 M. le Président. - J'en ai terminé. J'avais une autre question
7 mais elle a été posée. Brigadier général, le Tribunal vous sait gré d'être
8 venu, d'avoir consacré cette longue journée à répondre à toutes les
9 questions. Néanmoins, une difficulté de procédure reste : la production
10 des pièces 387 ou 382 ou 385 à 389. Ceci a donné lieu ce matin à un
11 échange assez vif, dont une des conséquences serait que s'il n'était pas
12 tranché, peut-être que vous seriez amené à revenir, ce qui n'est pas
13 forcément la meilleure chose, en tout cas pour vous. Je propose ceci : que
14 nous suspendions pour laisser nos interprètes se reposer pendant une
15 dizaine de minutes, que vous restiez à la disposition du Tribunal, si cela
16 ne vous dérange pas.
17 Selon la décision que nous allons prendre, vous resterez dans la
18 salle qui vous est assignée car je voudrais, en accord avec mon collègue,
19 faire une petite conférence de mise en état à huis clos pour que nous
20 essayions de régler à la lumière des décisions de principe que nous avons
21 déjà prises sur ces problèmes de production de documents. En fonction de
22 cela, nous saurons s'il faut nous revoir soit ce soir soit demain matin.
23 Il est 17 heures 15. Nous allons suspendre une dizaine de
24 minutes. Nous reprenons, nous faisons une Conférence de mise en état et
25 nous verrons ce qu'il convient d'en tirer. L'audience est levée.
Page 9391
1 L'audience est levée à 17 heures 15.
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25