Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 03 juin 1998

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 TIHOMIR BLASKIC

7 L'audience est ouverte à 09 heures 45.

8 M. le Président. - Monsieur l'huissier, vous introduisez

9 l'accusé s'il vous plaît.

10 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

11 Si j'ai bien compris, nous avons les Juges en civil aujourd'hui.

12 Comme vous le savez et comme nous l'avions annoncé, les circonstances sont

13 exceptionnelles. Le Juge Shahabuddeen est à Arusha.

14 Je proposerais qu'il y ait une requête verbale de la défense,

15 une requête verbale de l'accusation pour essayer de simplifier notre

16 fonctionnement. Je voudrais un accord de l'accusé.

17 Il n'y a pas de transcript, paraît-il. Mes propos n'étaient pas

18 enregistrés. Ils étaient très importants, Monsieur Marc Dubuisson, vous le

19 savez. Dans ces conditions, je vais me tourner vers mon collègue.

20 Nous allons lever cette courte séance. Il n'y a pas que les

21 pilotes d'Air France qui ne marchent pas, il y en a va de même pour le

22 transcript. Très bien. Alors écoutez, nous allons lever, nous retirer et

23 je demanderai qu'on essaie de faire en sorte d'essayer de gagner un peu de

24 temps. Monsieur le Greffier vous nous avertissez dès que le transcript

25 peut fonctionner.

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1 Je signale, même si ce n'est pas au transcript, que pour

2 faciliter notre fonctionnement je serais amené à ce que, tout à l'heure,

3 dès que le transcript marchera, la défense me fasse la présentation des

4 circonstances exceptionnelles pour entendre les témoins. Les transcripts

5 seront rapportés au Juge Shahabuddeen. Bien entendu, l'accusé me

6 confirmera son accord. En attendant nous levons, j'espère pour peu de

7 temps, notre audience.

8 L'audience, suspendue à 9 heures 50, est reprise à 9 heures 55.

9 M. le Président. - Je me tourne vers la défense. Maître Hayman,

10 êtes-vous d'accord pour procéder de cette façon dans le cadre de

11 l'article 71 ?

12 M. Hayman (interprétation). - Oui Monsieur le Président.

13 Bonjour, Monsieur le Président, bonjour Monsieur le Juge.

14 Nous pensons que nous pourrons utiliser le temps qui nous est

15 donné cette semaine malgré l'absence du Juge Shahabuddeen, malgré tout ce

16 que cela peut entraîner de difficultés. Par conséquent nous demandons de

17 procéder, cette semaine, par dépositions en vertu des articles pertinents

18 du Statut et du Règlement de ce Tribunal.

19 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Je vous remercie de

20 contribuer ainsi à l'accélération du procès. Monsieur le Procureur nous

21 sommes dans les mêmes conditions ?

22 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

23 L'accusation est d'accord avec la proposition et nous souhaitons suivre

24 les arguments présentés par la défense.

25 M. le Président. - Général Blaskic, vous êtes d'accord ?

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1 M. Blaskic (interprétation) - Bonjour, Monsieur le Président. Je

2 soutiens tout ce qui a été dit précédemment par mon conseil et je suis

3 tout à fait d'accord.

4 M. le Président. - Merci. Nous ne rendrons pas de décision

5 formelle comme, d'ailleurs, la dernière fois. Je demande à M. Fourmy et à

6 M. le greffier que tout ceci soit transcrit dans les minutes du Greffe et

7 consigné.

8 Nous pouvons donc continuer. Monsieur Kehoe, témoin suivant.

9 M. Kehoe (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

10 bonjour Monsieur le juge Riad. Le témoin suivant que l'accusation entend

11 citer à comparaître est le colonel de brigade Alastair Duncan. Au cours du

12 témoignage précédent, vous avez sans doute appris que M. Duncan était à

13 l'époque lieutenant-colonel et qu'il commandait le régiment du Prince-de-

14 Galles du Yorkshire. Il dirigeait le bataillon britannique à Vitez, du

15 11 mai 1993 environ jusqu'à la première semaine de novembre 1993. Le

16 régiment de Yorkshire était le bataillon britannique qui avait remplacé le

17 régiment du Cheshire, régiment qui se trouvait à Vitez au cours des

18 événements du 16 avril 1993.

19 Le colonel de brigade Duncan, qui était à l'époque lieutenant-

20 colonel, a eu un certain nombre de contacts avec l'accusé, le colonel

21 Blaskic. Il parlera notamment des événements qui ont eu lieu en Bosnie

22 centrale lorsqu'il est arrivé sur les lieux. Il parlera tout

23 particulièrement de la zone de Vitez : comment les événements d'Ahmici et

24 de la vallée de la Lasva, en avril 1993, ont modifié le paysage dans toute

25 la vallée de la Lasva. Il nous relatera les conversations, non seulement

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1 avec l'accusé M. Blaskic, mais également avec des dirigeants politiques de

2 la communauté croate d'Herceg-Bosna, notamment Dario Kordic et

3 Ante Valenta. Il parlera des conclusions qu'il a tirées après un certain

4 nombre de ces conversations, notamment avec Kordic et avec Valenta, et il

5 parlera également des conclusions tirées de conversations avec l'accusé,

6 lorsque l'accusé Blaskic a exprimé différentes opinions et différentes

7 explications sur ce qui s'était passé dans le cadre de l'attaque lancée

8 contre Ahmici.

9 Monsieur le Président, Monsieur le Juge Riad, ce n'est pas un

10 témoignage qui portera directement sur des événements mais sur un thème

11 général, parce que je crois que M. Duncan a eu la possibilité de parler à

12 une personne qui a eu des contacts avec l'accusé pendant que ces

13 deux personnes se trouvaient sur le terrain. A partir de ces

14 conversations, le colonel de brigade parlera de la façon dont Blaskic

15 commandait les hommes sur le terrain, comment il exerçait ce contrôle et

16 ce commandement, comment il se conduisait en tant qu'homme jouant le rôle

17 d'un commandement militaire, comment il a sanctionné des soldats lorsqu'il

18 l'estimait nécessaire ou lorsqu'il souhaitait le faire. Et, à partir de

19 ces éléments, nous passerons à la description de certains événements comme

20 ceux d'Ahmici ainsi que d'autres.

21 Monsieur Duncan nous exprimera son opinion et ses impressions

22 sur la façon dont l'accusé -un commandant qui avait reçu sa formation de

23 la JNA et qui avait reçu ses diplômes de l'académie militaire de Belgrade-

24 n'a pas rempli ses obligations de commandant.

25 Monsieur Duncan nous parlera également de son expérience et

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1 essaiera de nous expliquer pourquoi il estime que M. Blaskic n'a pas

2 rempli ses obligations de commandant. Nous parlons notamment de ses

3 obligations en vertu du droit international. Il dira également que

4 M. Blaskic n'a pas agi au moment où il aurait dû le faire, ce qui prouve

5 qu'il n'a pas rempli ses obligations en tant que commandant.

6 Et M. Duncan a également tiré un certain nombre de conclusions,

7 après cinq ans, sur la nature des événements qui se sont déroulés dans la

8 vallée de la Lasva pendant la période au cours de laquelle le général

9 Blaskic commandait.

10 Pour ce qui est de l'acte d'accusation, et pour nous ramener aux

11 faits dont nous venons de parler, le témoignage est principalement lié

12 avec les paragraphes 3 et 4 de l'acte d'accusation qui sont liés à la

13 description de M. Blaskic, son autorité, ses responsabilités par rapport

14 aux soldats qu'il commandait. Et le témoignage aura trait également à la

15 façon dont il exerçait son commandement sur des questions militaires.

16 C'est surtout sur ce point que va porter le témoignage, comment

17 il exerçait ce commandement, ce qu'il a fait, ce qu'il n'a pas fait, la

18 façon dont il n'a pas respecté ses obligations... Tous ces éléments ont

19 trait, en fait, à tous les chefs d'accusation qui se trouvent dans l'acte

20 d'accusation, parce qu'il y a eu manquement à son obligation de punir,

21 etc. Par conséquent, Monsieur le Président, Monsieur le juge Riad, tout ce

22 que va dire M. Duncan va avoir un effet ou va être lié directement à tous

23 les chefs d'accusation de l'acte d'accusation.

24 C'était donc le résumé du témoignage de M. Duncan.

25 M. le Président. - Bien. Ce témoignage est prévu pour combien de

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1 temps à peu près -pour la partie de l'accusation bien entendu ?

2 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien je dirais deux heures,

3 Monsieur le Président, Monsieur le Juge Riad ; peut-être un peu plus. Mais

4 je ne pense pas que cela prendra si longtemps. Nous n'allons pas aborder

5 tous les points qui ont été vécus par le brigadier général, nous allons

6 éviter d'être trop large. C'est pourquoi nous essayons de faire une

7 déposition qui soit basée sur un thème particulier, afin d'aborder

8 différentes questions et afin de permettre au brigadier général d'aborder

9 ces questions factuelles et ses impressions, les impressions qu'il a eues

10 de ces différentes situations.

11 M. le Président. - Je suis très content que vous disiez cela et

12 j'en profite, non seulement pour adhérer à ce que vous venez de dire, mais

13 pour vous y inciter particulièrement. Le procès, je vous le rappelle, a

14 commencé le 23 juin dernier. Nous allons, hélas, bientôt fêter le premier

15 anniversaire de ce procès. Je crois qu'un témoignage doit maintenant être

16 centré sur un ou deux thèmes très précis. Ne faites pas raconter au

17 colonel Duncan comment Ahmici a brûlé. Je crois que les Juges le savent ;

18 ils savent en tout cas qu'Ahmici a brûlé.

19 J'ai bien noté ce que vous avez dit, ce sont les contacts avec

20 l'accusé, c'est la manière dont il exerçait son commandement et, à vos

21 yeux, la façon dont il ne l'a pas exercé -à vos yeux tout au moins bien

22 entendu.

23 Je vous demande donc vraiment de vous concentrer là-dessus. Il

24 n'est pas forcé qu'on ait besoin de deux heures pour faire expliquer à un

25 témoin la manière dont il a pu constater ce que vous voulez au principal

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1 montrer aux Juges.

2 Faisons maintenant entrer le colonel Duncan, Monsieur le

3 greffier.

4 C'est brigadier ? Quel est son grade ? Général de brigade ?

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, il est maintenant brigadier

6 général.

7 M. le Président. - Brigadier général, bien.

8 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

9 M. le Président. - Vous m'entendez, Monsieur le brigadier

10 général ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui.

12 M. le Président. - Pouvez-vous nous indiquer votre grade et,

13 bien sûr, votre nom et votre prénom d'abord.

14 M. Duncan (interprétation). - Je m'appelle Alastair Duncan et je

15 suis brigadier général dans l'armée britannique.

16 M. le Président. - Vous restez debout le temps de lire votre

17 serment que va vous tendre l'huissier.

18 M. Duncan (interprétation). - Merci. Je déclare solennellement

19 que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

20 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir.

21 Général, vous êtes venu à la demande de l'accusation dans le

22 cadre du procès devant le Tribunal pénal international intenté contre le

23 général Blaskic, l'accusé ici présent. Nous connaissons le sommaire et les

24 traits généraux de votre témoignage. Nous vous demanderons de vous

25 cantonner, dans votre déposition, à ces traits principaux. Vous n'allez

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1 pas nous narrer tout ce que vous avez vu entre mai 1993 et novembre 1993.

2 Le procès a commencé le 23 juin et les juges connaissent un certain nombre

3 de choses.

4 Par contre, votre témoignage aux yeux de l'accusation est

5 important sur un certain nombre de points. Ces points viennent d'être mis

6 au point entre l'accusation et les juges et, en même temps, détermineront

7 la portée du contre-interrogatoire. Merci. Maître Kehoe, c'est à vous.

8 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

9 Bonjour, brigadier général Duncan.

10 M. Duncan (interprétation). - Bonjour.

11 M. Kehoe (interprétation). - Avant de passer à votre témoignage

12 à proprement parler portant sur les événements en Bosnie centrale, pouvez-

13 vous dire aux Juges quelle a été votre carrière, quelles ont été les

14 opérations auxquelles vous avez participé et votre expérience dans

15 l'infanterie.

16 M. Duncan (interprétation). - Merci. Je suis entré dans mon pays

17 et j'ai passé les premiers mois dans mon régiment en Irlande du Nord et

18 j'ai commandé des opérations à Belfast. Ensuite, je suis devenu

19 instructeur pour des jeunes soldats dans les stratégies d'infanterie, puis

20 je suis devenu adjudant.

21 Après cela, je suis rentré dans l'école d'infanterie pendant

22 trois ans où j'étais responsable des tactiques militaires et des

23 procédures de commandement. Après cela, je suis allé dans une école

24 d'état-major et j'ai suivi des cours de stratégie. Je suis retourné

25 ensuite dans un bataillon qui est allé en Irlande du Nord. Là encore, j'ai

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1 commandé différentes opérations dont une pendant dix-huit mois.

2 J'ai ensuite été chef d'état-major dans une brigade d'infanterie

3 qui était équipée de bâtiments blindés, mais je m'occupais principalement

4 de tactiques d'infanterie. On m'a demandé de m'occuper des opérations dans

5 le cadre de cette unité ainsi que de l'entraînement. Puis j'ai réintégré

6 l'école d'état-major en tant qu'instructeur. J'étais spécialisé dans les

7 véhicules d'infanterie et les différentes tactiques dans le cadre

8 d'opérations militaires.

9 J'ai dû prendre ensuite le commandement de mon bataillon, à la

10 fois à Belfast pendant six mois, et en Bosnie centrale pour sept mois,

11 en 1993. Après cela, je suis revenu à cette école d'état-major. Là,

12 j'étais responsable de l'instruction sur le commandement et l'éthique dans

13 le cadre d'opérations militaires. J'ai pris le commandement d'une brigade

14 mécanisée d'infanterie, j'y ai passé deux ans, puis j'ai repris le

15 commandement d'une unité pendant cinq mois.

16 Par conséquent, j'ai commandé différentes opérations à

17 différents niveaux : au niveau de la section, de la compagnie, du

18 bataillon, de la brigade... J'ai également été commandant de division. Par

19 conséquent, je me suis spécialisé, dans le cadre de ma carrière, sur

20 différents commandements, sur le type d'obligations que les commandants

21 doivent respecter.

22 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous passer à la période que

23 vous avez passée lorsque vous étiez commandant en Bosnie centrale ? Vous

24 commandiez le régiment du Prince de Galles à ce moment-là, n'est-ce pas ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Quand cela s’est-il produit

2 exactement ?

3 M. Duncan (interprétation). - Je suis allé sur deux opérations

4 de reconnaissance au début de 1993, d'une semaine à chaque fois, en

5 janvier et février. Ensuite, à partir du 11 mars 1993, j'ai été déployé en

6 Bosnie centrale.

7 M. Kehoe (interprétation). - Le 11 mars ou le 11 mai ?

8 M. Duncan (interprétation). - Non, pardon, le 11 mai... et ce

9 jusqu'au mois de novembre de la même année.

10 M. Kehoe (interprétation). - C'est en 1993 ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui, bien sûr, en 1993.

12 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de cette période, vous

13 avez couvert une zone de quelle ville à quelle ville, à peu près ? Quelle

14 était la zone responsabilité du bataillon britannique ?

15 M. Duncan (interprétation). - Notre but était de disséminer

16 l'aide humanitaire en Bosnie, du nord de la Bosnie jusqu'à Tuzla. Ma zone

17 de responsabilité allait du sud, des lacs de Prozor jusqu'à Gornji Vakuf,

18 Vitez, Zenica et puis jusqu'à Tuzla. J'étais responsable de cet itinéraire

19 qui nous permettait de transporter l'aide humanitaire.

20 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre période, avez-

21 vous eu différentes bases en Bosnie où opérait le bataillon britannique ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui, nous avions deux compagnies

23 mixtes qui se trouvaient à l'école de Vitez, une autre qui se trouvait à

24 Gornji Vakuf et l'autre était à Tuzla.

25 M. Kehoe (interprétation). - Il y avait une séparation physique

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1 entre votre compagnie à Tuzla, votre compagnie à Gornji Vakuf et votre

2 quartier général à Vitez, n'est-ce pas ?

3 M. Duncan (interprétation). - Effectivement.

4 M. Kehoe (interprétation). - Mais vous étiez responsable de tous

5 les soldats et des actions des soldats qui se trouvaient dans ces

6 différentes bases ?

7 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était mon bataillon et ce

8 bataillon tombait sous ma responsabilité, c'est normal.

9 M. Kehoe (interprétation). - J'allais vous demander cela. Est-ce

10 une pratique tout à fait courante ?

11 M. Kehoe (interprétation). - Oui, il y a un commandant qui est

12 responsable de toutes les actions de ses soldats, positives ou négatives.

13 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant aux événements

14 qui ont eu lieu au cours de votre opération de sept mois en Bosnie

15 centrale et au cours de votre période de reconnaissance en janvier et en

16 février. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé à ce moment-là ?

17 M. Duncan (interprétation). - Puis-je consulter mes notes

18 personnelles, s'il vous plaît ?

19 M. Kehoe (interprétation). - Ce sont des notes qui n'ont pas été

20 partagées avec l'accusation et, par conséquent, qui ne sont pas soumises

21 aux obligations de communication de déclaration, Monsieur le Président.

22 M. le Président. - Vous consultez des notes pour rafraîchir

23 votre mémoire et vous ne lisez pas un rapport préparé à l'avance ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui, je consulte simplement

25 quelques notes que j'ai prises précédemment.

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1 M. le Président. - Je dis cela vis-à-vis de la défense.

2 D'accord, allons-y.

3 M. Duncan (interprétation). - J'ai déjà dit que j'avais

4 participé à deux opérations de reconnaissance au début de 1993, d'une

5 semaine chacune. J'ai pris le commandement du bataillon après le colonel

6 Bob Steward, le 11 mai. J'ai passé une semaine avant cela, du 5 au 11, à

7 rendre visite à différents commandants et à évaluer la situation sur le

8 terrain.

9 J'ai découvert qu'il y avait une transformation de l'atmosphère

10 dans la région depuis mes opérations de reconnaissance et après les

11 événements d'Ahmici. Il y avait maintenant une méfiance, des suspicions en

12 Bosnie centrale. Cette méfiance devait durer pendant les quinze mois et

13 devait sans doute durer après mon départ de Bosnie centrale. Telle était

14 la situation lorsque j'y suis arrivé. Par la suite, l'armée de Bosnie-

15 Herzégovine -donc les forces musulmanes- a fait des progrès tout à fait

16 importants dans les zones contrôlées par les Croates et ceci a eu lieu en

17 mai et en juin. En juillet, le conflit est arrivé à la zone de

18 Gornji Vakuf et des conflits très graves ont eu lieu, ainsi que des

19 affrontements. Mais la situation est devenue relativement stable au cours

20 de la période que j'ai passée sur les lieux. Il y avait un certain nombre

21 de poches croates, notamment aux alentours de Vitez, Busovaca et Kiseljak,

22 la ligne de front se trouvant notamment à Gornji Vakuf. C'est donc la

23 situation qui régnait pendant que j'étais moi-même sur le terrain.

24 Le commandement du HVO, commandement opérationnel était exercé

25 directement de l'hôtel Vitez, et le commandement du troisième corps

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1 d'armée de l'armée de Bosnie-Herzégovine était exercé de Zenica, également

2 directement.

3 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre opération, le

4 commandement, exercé à partir de l'hôtel Vitez, était exercé par qui

5 exactement ?

6 M. Duncan (interprétation). - Par le colonel Tihomir Blaskic.

7 M. Keegan (interprétation). - C'est la personne qui se trouve

8 dans le prétoire aujourd'hui ?

9 M. Duncan (interprétation). - Oui effectivement.

10 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président,

11 Monsieur le Juge, j'aimerais que le compte-rendu reflète le fait que le

12 témoin a reconnu l'accusé. C'est bien la personne qui se trouve assise à

13 côté du garde, n'est-ce pas ?

14 M. Duncan (interprétation). - Oui

15 M. Kehoe (interprétation). - Et qui exerçait le contrôle du

16 troisième corps de Zenica ?

17 M. Duncan (interprétation). - Hadzihsanovic.

18 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, quelles étaient

19 les forces contrôlées par le général Blaskic lorsque vous êtes arrivé en

20 mai 1993 ?

21 M. Duncan (interprétation). - Le bataillon britannique avait une

22 cellule d'information militaire qui rassemblait des informations que les

23 patrouilles recueillaient également du terrain et des informations émanant

24 des officiers de liaison. Et ceci nous a permis de dessiner une image

25 générale de la structure de commandement du HVO.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Au cours des événements qui se sont

2 déroulés en été 1993, et d'après les progrès réalisés par l'armée

3 musulmane, y a-t-il eu des transformations dans ce schéma de la structure

4 du commandement et des différentes forces commandées par le

5 général Blaskic ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Au fur et à

7 mesure des progrès réalisés par les forces musulmanes, un certain nombre

8 de changements se sont exprimés. Ces changements ont été enregistrés, nous

9 en avons pris bonne note. Mais je dois dire que les zones commandées et le

10 nombre de soldats commandés étaient également les mêmes, les

11 responsabilités étaient les mêmes.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez parlé d'un ordre de

13 bataille. Qu'est-ce que cet ordre de bataille ?

14 M. Duncan (interprétation). - C'est, en fait, un schéma qu'on

15 peut utiliser et qui nous permet de déterminer qui était le commandant,

16 qui sont les subordonnés et qui sont les liens qui existent entre les deux

17 M. Kehoe (interprétation). - Je vais passer aux deux premières

18 pièces qui sont deux ordres de bataille. Ils ont été préparés par vos

19 subordonnés, n'est-ce pas ?

20 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.

21 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai à passer au premier

22 de ces documents puis au second. Pourrait-on placer ce document sur le

23 rétroprojecteur pour les interprètes, s'il vous plaît ?

24 M. Dubuisson. - Il s'agit des documents 378 et 379.

25 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Brigadier général Duncan, je

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1 vous demanderai de regarder la pièce 378, l'ordre de bataille préparé par

2 vos subordonnés. Pouvez-vous nous expliquer, en bref, de quoi il s'agit ?

3 M. Duncan (interprétation). - Il faut mettre l'autre pièce sur

4 le rétroprojecteur ; je crois que c'est celle qui vient en premier.

5 M. Kehoe (interprétation). - Oui, c'est celle qui n'a pas de X

6 ou de croix.

7 M. Duncan (interprétation). - Ceci a été préparé par mon

8 officier d'information militaire, un capitaine, Simon Harrison. Et en

9 haut, au milieu, on voit : "zone opérationnelle de Bosnie centrale, Vitez-

10 Travnik", le commandant étant Tihomir Blaskic et le commandant adjoint,

11 Franjo Nakic. A gauche, on voit une ligne en pointillés parce que ce n'est

12 pas véritablement un rapport de commandement. On trouve la ligne politique

13 du HDZ. Et, à droite, toujours en pointillés, on voit la commission

14 conjointe qui avait été constituée à Travnik. En dessous, on trouve les

15 unités commandées par le quartier général de Tihomir Blaskic. On voit le

16 premier groupe opérationnel sur la gauche, le deuxième au milieu et le

17 troisième sur la droite. Et, en dessous, on trouve les brigades avec les

18 petites croix.

19 Il s'agit des forces qui sont subordonnées au commandement

20 supérieur. Chaque fois que nous savions où se trouvaient les brigades nous

21 l'indiquions, par exemple la Brigade de Travnik se trouvait à Travnik, une

22 brigade se trouvait à Zenica, une autre à Kiseljak, d'autres à Vares et

23 Kakanj, Sarajevo, Dusan, Zepce, entre autres. On voyait donc ainsi

24 l'étendue couverte par ce commandement et par les unités commandées par le

25 quartier général du général Blaskic.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Passons à l'autre document, la

2 pièce 379 où certaines croix ont été apposées.

3 M. le Président. - Monsieur Dubuisson ?

4 M. Dubuisson. - Je pense que le document qu'on montre

5 actuellement est le 378.

6 M. Kehoe (interprétation). - Afin d'apporter une précision pour

7 le compte rendu, la pièce 378 est le document qui se trouve actuellement

8 sur le rétroprojecteur et qui comporte des croix. Chronologiquement, ce

9 document vient après le document que nous venons de consulter, à savoir la

10 pièce 379. Peut-être serait il plus simple, Monsieur le Président, de

11 changer les références apportées à ces documents. Nous pourrions appeler

12 le document où il n'y a pas de croix le 378 et le document avec des croix

13 le 379. Je pense que le conseil de la défense n'aura pas d'objection à

14 cette nouvelle numérotation plus simple.

15 M. le Président. - Je vois des croix partout, je m'excuse.

16 M. Kehoe (interprétation). - Si nous fonctionnons

17 chronologiquement, Monsieur le Président, ce sera plus simple pour le

18 compte rendu.

19 M. le Président. - Monsieur le Greffier ?

20 M. Dubuisson. - Il n'y a aucun problème.

21 M. le Président. - Parfait.

22 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, pour ce qui est

23 de la pièce 379...

24 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, il y a beaucoup de

25 croix sur ce document. C'est en fait toute la symbolique militaire qui

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1 nous permet de nous souvenir de la taille des unités. Les unités avec des

2 croix sont les petites unités, les autres sont plus importantes.

3 Dans la note en bas de ce document, on voit une référence faite

4 à la date du 14 juin lorsqu'une unité (dans ce cas celle-ci) a cessé

5 d'exister. C'est comme cela que nous arrivions à nous souvenir de

6 l'étendue du commandement au cours de toute la période que j'ai passée en

7 Bosnie.

8 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre témoignage

9 Brigadier général, vous avez dit qu'il y avait certaines poches dans

10 certaines régions qui se sont renforcées en juillet 1993. Il y en avait

11 une notamment à Vitez et à Busovaca, l'autre était constituée par la ville

12 de Kiseljak.

13 M. Duncan (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment-là votre ordre de

15 bataille indique que c'était toujours M. Blaskic qui commandait dans ces

16 zones ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout à fait.

18 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais maintenant vous montrer

19 un article danois qui a été traduit en partie en anglais et en français.

20 C'est une entrevue d'un journaliste danois accordée par l'accusé

21 M. Blaskic. Nous allons utiliser deux parties de cet entretien, Monsieur

22 le Président. Nous voudrions notamment aborder la première partie de cet

23 article, dès que le Brigadier général aura reçu cet article, il pourra

24 nous en dire plus long.

25 M. Dubuisson. - Il s'agit du document 380.

Page 9240

1 M. Kehoe (interprétation). - Concernant le premier paragraphe de

2 la traduction de cet article, Brigadier, pourriez-vous le lire, notamment

3 la question et la réponse qui se trouve au début de la page qui portent

4 sur Fojnica et sur Krecevo ?

5 M. Duncan (interprétation). - Je vais résumer. Il est indiqué :

6 "Krecevo, Kiseljak et une partie de la municipalité de Fojnica, également

7 contrôlés par le HVO, sont également en Bosnie centrale mais ne sont pas

8 liées avec les forces qui sont à Vitez et à Busovaca. Comment tiennent-

9 elles ?" La réponse de M. Blaskic est la suivante : "Il est certain que la

10 volonté et la détermination du peuple croate dans ces zones ont été

11 éveillés très tôt et que par conséquent ces zones ont été défendues. Ce

12 qui est dans la structure de notre seconde zone opérationnelle en Bosnie

13 centrale. Et je parle là de Vares. Les hommes qui sont à Vares travaillent

14 de façon coordonnée et organisée, et cette unité remplit tous les

15 commandements qui sont liés avec la défense de la population sur les

16 territoires croates. Ce n'est pas un facteur décisif parce que nous avons

17 planifié ce genre de choses dans ces zones. Travnik est le premier groupe

18 opérationnel, Kiseljak est le deuxième et Zepce le troisième".

19 M. Kehoe (interprétation). - Où sont toutes ces unités ?

20 M. Duncan (interprétation). - Toutes ces unités se trouvent dans

21 mon commandement et dans le cadre de la chaîne de mon commandement sans

22 aucune interruption.

23 M. Kehoe (interprétation). - Ceci correspond à ce que M. Blaskic

24 vous a dit, notamment qu'il commandait ces différentes zones ?

25 M. Duncan (interprétation). - C'est ce que m'a dit M. Blaskic

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1 pendant tout mon séjour en Bosnie centrale. Il a toujours effectivement

2 dit qu'il était le commandant de la zone de responsabilité, dans cette

3 zone.

4 M. Kehoe (interprétation). - Il y a un autre paragraphe,

5 Monsieur le Président, dont nous voudrions parler dans ce même article.

6 Nous ferons traduire l'intégralité de cet article à la fois en français et

7 en anglais, nous n'avons pas eu le temps de le faire. Avec ce témoin,

8 c'était surtout ces deux paragraphes-là qui nous intéressaient.

9 Brigadier général, revenons maintenant à la période que vous

10 avez passée en Bosnie lorsque vous commandiez le régiment du Yorkshire. A

11 partir du mois de mai, au cours de conversations que vous avez eues avec

12 M. Blaskic et des dirigeants politiques, en êtes-vous arrivé à un certain

13 nombre de conclusions sur la nature des projets du HVO dans la zone et si

14 c'est le cas pouvez-vous nous en dire plus ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui. Je me souviens que le 12 mai

16 j'ai parlé longuement avec un homme qui s'appelait Anto Valenta dans son

17 bureau à l'hôtel Vitez. Il était dans le quartier général de la zone de

18 Bosnie centrale à Vitez. Il m'a montré un livre, je ne me souviens plus du

19 titre, mais c'était un petit livre bleu qui avait été écrit par

20 Anto Valenta. Dans ce livre, il y décrivait un processus de déplacement

21 des personnes de différentes origines. Il y disait que ceci était

22 nécessaire afin d'installer une stabilité durable dans le pays. Ce

23 mouvement de personnes devrait être soit délibéré -volontaire donc- ou

24 bien forcé. D'ailleurs, il y est question de l'utilisation éventuelle de

25 l'armée yougoslave afin de parvenir à cet objectif.

Page 9242

1 Par conséquent, je pensais que le déplacement d'individus

2 n'était plus seulement une question civile mais qu'il allait peut-être y

3 avoir recours à la force puisque mention était faite de l'éventualité de

4 l'intervention de l'armée yougoslave.

5 J'ai été un peu surpris de lire cela, parce que c'était à mon

6 avis une opinion, une politique, orientée d'après les différents groupes

7 ethniques. Il fallait réorganiser le pays par la force. J'ai dit à

8 Anto Valenta que je trouvais ce concept détestable et que cela ne pouvait

9 pas correspondre au comportement d'individus dans un pays civilisé.

10 J'ai déclaré que l'Etat ne devait pas se mêler de la liberté des

11 individus d'une façon aussi radicale et d'une façon aussi inacceptable.

12 Rapidement, je me suis rendu compte que c'était la politique

13 d'un homme qui représentait le parti du HDZ et j'ai par conséquent conclu,

14 étant donné qu'il avait pris le temps de m'expliquer cette opinion, qu'en

15 fait il s'agissait d'un des éléments clé du programme de ce parti

16 politique, de l'objectif des Croates dans cette zone particulière qu'il

17 présentait dans son parti politique. Sincèrement, ceci m'a beaucoup

18 préoccupé.

19 Nous avons ensuite parlé de son attitude vis-à-vis de la

20 population musulmane. Il a déclaré que la population musulmane augmentait.

21 Il m'a montré un certain nombre de statistiques afin de me prouver que la

22 population musulmane allait croître alors que les autres groupes

23 ethniques, les Serbes et les Croates, allaient diminuer.

24 Ensuite il m'a donné l'exemple de comportements musulmans qu'il

25 a qualifiés de détestables. Les Musulmans dominaient leur village, à

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1 partir de leur mosquée. Ils étaient bruyants, ils priaient de façon

2 bruyante.

3 Nous avons parlé d'une personne en particulier et moi je lui ai

4 posé la question : "Mais qu'en est-il des gens avec lesquels vous avez été

5 à l'école, à l'université, etc. ? Vous avez vécu à côté de ces gens-là et

6 maintenant vous les détestez ?" Il a répondu oui, effectivement c'était

7 son état d'esprit. Ceci m'a également préoccupé.

8 J'ai repensé à une réunion qui s'était tenue à Vitez, à laquelle

9 j'avais participé dans le quartier général de Vitez le 9 mai. C'était ma

10 première réunion au cours de laquelle j'ai rencontré le colonel Blaskic et

11 notamment un homme qui s'appelait Dario Kordic. Au cours de cette réunion,

12 nous avons parlé des événements d'Ahmici. Là, j'ai pensé que c'était la

13 concrétisation de cette politique, la politique de mouvements forcés de

14 certains individus qui m'avait été expliquée par Anto Valenta et

15 maintenant cette politique était mise en place sur le terrain. Les

16 Croates, le HVO, étaient en train de nettoyer des villages et notamment le

17 village d'Ahmici en utilisant la force.

18 C'est pourquoi j'ai dit qu'il y avait ce changement de

19 procédure. Les hostilités qui ont éclaté à ce moment-là, et tout cela,

20 étaient très préoccupant. L'armée s'était déplacée et avait tué des

21 Musulmans. La doctrine avait été présentée par Anto Valenta. Je suppose

22 que Dario Kordic qui était également un homme politique avait transféré

23 cette politique à un niveau inférieur, c'est-à-dire au niveau du terrain

24 où elle avait été mise en place.

25 M. Kehoe (interprétation). - Pourrions-nous parler plus

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1 précisément de la réunion qui a eu lieu le 9 avec Dario Kordic et

2 M. Blaskic au cours de laquelle vous avez parlé des événements d'Ahmici ?

3 Pouvez-vous dire au Président et au Juge Riad quelles étaient les

4 personnes présentes, ce qu'a dit M. Blaskic, ce que vous avez dit, etc. ?

5 M. Duncan (interprétation). - Je me souviens de cette réunion

6 du 9, c'était la première fois que je rencontrais le commandant Blaskic.

7 En fait, ce n'est pas moi qui organisais la réunion, c'était le colonel

8 Stewart qui était toujours au commandement à l'époque. Nous nous sommes

9 assis. Les premiers propos du colonel Stewart ont été de se plaindre des

10 événements d'Ahmici et de poser des questions sur le pourquoi, le comment,

11 les soldats du HVO qu'on avait vu faire partir 150 Musulmans, pourquoi ces

12 Musulmans étaient emprisonnés maintenant à Vitez, détenus contre leur

13 volonté, qu'est-ce qui se passait, quelles étaient donc les explications

14 de ces événements, les explications de ces événements que j'ai entendues à

15 l'époque...

16 M. Kehoe (interprétation). - Qui vous a expliqué cela ?

17 M. Duncan (interprétation). - M. Blaskic a répondu que soit

18 c'était le fait d'extrémistes musulmans qui étaient entrés dans la poche

19 de Vitez et qui avaient été les auteurs de cet événement, qui avaient

20 disparu durant la nuit, soit le fait de Musulmans armés, des forces armées

21 de la BiH, ou même encore le fait de Musulmans déguisés portant des

22 uniformes du HVO. Plus exactement, je dois dire qu'on a parlé

23 d'extrémistes serbes... je me reprends, de Musulmans qui s'étaient

24 infiltrés ou de Musulmans déguisés dans des uniformes du HVO.

25 M. Kehoe (interprétation). - Mais vous y avez réfléchi. Qu'est-

Page 9245

1 ce que vous vous êtes dit ?

2 M. Duncan (interprétation). - Je me suis dit : mais comment est-

3 il possible que des Musulmans, à ce stade et vu ce qui se passe en Bosnie

4 centrale, aient effectué une attaque à grande échelle sur ce village,

5 attaque qui avait résulté (pour les opérations militaires) de l'ouverture

6 d'un deuxième front, et qu'en même temps ils se défendent contre les

7 Serbes. Est-ce que vraiment ils auraient pu, comme cela, tuer 97 personnes

8 de leur race ? Cette explication me semblait fort peu probable.

9 En ce qui concerne l'infiltration des Serbes qui seraient venus

10 le faire, cela me paraissait totalement ridicule. J'ai donc tout de suite

11 écarté cette possibilité.

12 Concernant maintenant l'insinuation selon laquelle il s'agirait

13 de Musulmans déguisés en soldats du HVO, j'en ai conclu que cela

14 démontrait que les uniformes du HVO étaient en tout cas présents à Ahmici,

15 sans quoi pourquoi parler des uniformes du HVO ?

16 Franchement, j'ai trouvé ces trois raisons ridicules et je l'ai

17 dit. J'ai dit : "Ecoutez, c'est tout à fait impossible". J'ai également

18 dit lors de cette réunion que si le HVO souhaitait être crédible auprès de

19 la communauté internationale, il devait faire une enquête formelle et

20 montrer au monde qui avait commis ce crime. Si les déclarations que

21 j'avais entendues étaient correctes, il faudrait qu'on puisse le voir. On

22 en a convenu d'ailleurs.

23 On en avait convenu précédemment avec le colonel Stewart et le

24 commandant Blaskic. La date du 25 mai avait été fixée pour la conclusion

25 de cette enquête et la publication des résultats. A ma connaissance, cela

Page 9246

1 n'a jamais été fait.

2 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Brigadier général,

3 quelques questions pour revenir à ce que vous venez de dire.

4 Est-ce que M. Blaskic a dit quoi que ce soit concernant le fait

5 que, oui ou non, les troupes du HVO avaient participé à ces événements ?

6 M. Duncan (interprétation). - Non, il a dit que ses troupes n'y

7 avaient jamais participé.

8 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous poursuivi et lui avez-

9 vous demandé, ce déni qu'il venait de vous donner et le fait que ces

10 civils avaient été emmenés par des troupes ?

11 M. Duncan (interprétation). - J'ai dit : "Oui, mais vos troupes

12 du HVO, si ce n'était pas elles qui l'ont fait, qui était-ce ?" Alors il

13 est revenu à ces trois possibilités qu'il avait avancées précédemment, et

14 à des extrémistes hors de contrôle. C'est souvent une expression qu'il

15 avait utilisé "des extrémistes hors de contrôle" qui n'étaient pas sous

16 mon contrôle et j'ai d'ailleurs trouvé cela assez étonnant.

17 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi d'être tout à fait

18 franc, mais avez-vous conclu que l'accusé vous mentait ?

19 M. Duncan (interprétation). - Oui, il n'y avait pas d'autre

20 conclusion à tirer. Il mentait. Et le problème était que ce n'était même

21 pas un mensonge intelligent, c'était un mensonge naïf.

22 M. Kehoe (interprétation). - Je vais revenir à la deuxième

23 partie de la pièce 380, Monsieur le Président. Nous passons au deuxième

24 paragraphe traduit de cette pièce 380, dont les interprètes ne disposent

25 pas, dernier paragraphe de cette version qui sera traduite.

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1 Pouvez-vous lire la question et la réponse ?

2 M. Duncan (interprétation). - La question au commandant Blaskic

3 dit : "Avez-vous fait une enquête sur ces crimes à Ahmici et quels sont,

4 jusqu'à présent, les résultats de l'enquête ?" Réponse du commandant

5 Blaskic : "L'enquête est toujours en cours. Des informations sont en train

6 d'être recueillies". Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un scénario bien

7 planifié où des forces musulmanes voulaient encore utiliser le HVO, ou

8 nuire à la réputation du HVO. Une fois que ces crimes ont été commis dans

9 les villages croates de la Lasva, de Zenica, de Kruscica et d'autres

10 villages dans la municipalité, l'affaire d'Ahmici a été planifiée pour

11 être montrée aux observateurs, sous les yeux d'ailleurs du commandant

12 britannique, à l'époque Bob Stewart.

13 "Jusqu'à présent, nous sommes sûrs que ce crime a été commis par

14 des membres du HOS, qui étaient essentiellement musulmans, et une partie

15 des forces musulmanes du MOS, les forces de défense musulmane. Comme je

16 l'ai déjà dit, l'enquête se poursuit. Il est clair que le HVO n'est pas du

17 tout impliqué dans ces crimes que d'autres essaient de lui attribuer.

18 Cependant, un crime encore beaucoup plus énorme est en train de

19 se réaliser. Il était prévu de tuer 40 personnes début juin dans le

20 village de Melina."

21 M. Dubuisson. - Pouvez-vous lire plus lentement, les interprètes

22 ne peuvent pas suivre.

23 M. le Président. - Les interprètes n'ont pas le texte. Que les

24 interprètes se rassurent j'ai la traduction. Néanmoins, essayez d'aller un

25 peu plus lentement pour les interprètes. Merci.

Page 9248

1 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi. Je vais reprendre à

2 la fin de la dernière phrase de la première page. "Les forces musulmanes

3 ont tué plus de 40 civils, des femmes et des enfants pour l'essentiel au

4 début juin, dans le village de Melina, de la municipalité de Travnik. Nous

5 n'avons pas pu, jusqu'à ce jour, et le haut-commandement aux réfugiés non

6 plus, ni la Croix-Rouge internationale, ni les observateurs de l'Union

7 européenne, inspecter cette zone et effectuer l'exhumation des corps. Il

8 s'agissait d'une exécution collective faite devant des Croates qui

9 devaient creuser les tombes de ceux qui étaient tués. "

10 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit donc d'un article du

11 5 octobre 1993 qui accuse les Musulmans d'avoir tué leur propre peuple,

12 n'est-ce pas, c'est bien de cela dont il s'agit ?

13 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est ce qu'il insinue.

14 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en pensez-vous ?

15 M. Duncan (interprétation). - Je suis totalement en désaccord.

16 C'est la poursuite du même mensonge.

17 M. Kehoe (interprétation). - Passons à autre chose et venons-en

18 à un autre domaine. J'aimerais que vous parliez, si vous le voulez bien,

19 de votre expérience, de vos observations, ce que vous pouvez dire à la

20 Cour concernant le commandement de M. Blaskic en fonction de votre

21 expérience. Dites-nous un peu à quel rythme vous le rencontriez, de sorte

22 que nous sachions mieux ce sur quoi vous fondez vos commentaires.

23 M. Duncan (interprétation). - J'ai rencontré le commandant

24 Blaskic à des intervalles réguliers au cours des sept mois que j'ai passés

25 en Bosnie. Je ne me précipitais pas toujours pour le rencontrer, mais mes

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1 réunions étaient uniquement prévues pour des rencontres importantes,

2 plutôt que de le rencontrer comme ça et de parler tous les quelque jours.

3 On se réunissait donc tous les huit ou dix jours. Nous étions évidemment

4 très proches l'un de l'autre puisque la poche de Vitez à l'époque était

5 assez petite. Il ne me fallait que quelques minutes, une dizaine de

6 minutes pour aller à son quartier général, si je souhaitais le rencontrer.

7 En tant que commandant, il était clair qu'il était en effet le commandant.

8 Il avait tous les signes extérieurs de commandement : il avait un QG avec

9 du matériel, des adjoints, des officiers de liaison, etc. Il y avait

10 également des moyens de communication dans son QG. Il m'a dit, comme je

11 vous l'ai signalé, qu'il était le commandant et, bien entendu, il recevait

12 également beaucoup de reconnaissance en tant que commandant de cette poche

13 de Vitez du fait même de sa promotion. Il était donc un commandant

14 capable, éminent. Il avait été capitaine précédemment dans l'armée

15 nationale yougoslave, un soldat de l'armée régulière, et il avait donc été

16 pleinement formé aux tactiques.

17 Il avait également pris connaissance des Conventions de Genève ;

18 il connaissait toutes les réglementations, les règles de la guerre, la

19 manière de planifier les opérations et de les effectuer... C'était donc un

20 soldat professionnel.

21 J'ajoute également que d'autres personnes dans la zone le

22 considéraient comme étant le commandant, la personne qui avait de

23 l'influence et qui possédait le contrôle. Les membres du haut-commandement

24 aux réfugiés de la Croix-Rouge internationale, toutes les agences d'aide

25 présentes dans la région et l'ONU (les affaires civiles et autres),

Page 9250

1 allaient toujours le voir et lui rendaient visite personnellement dans

2 sont QG parce que c'était lui qui exerçait le commandement dans cette

3 région.

4 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à cette dernière partie

5 concernant l'exercice de son commandement. Pouvez-vous nous parler de

6 l'exercice de ce commandement, des moyens de communication, des

7 déplacements de troupes, quelle était sa mission, comment il avait

8 effectué cette mission, etc... ?

9 M. Duncan (interprétation). - Sa mission était de défendre la

10 poche de Vitez, ce qu'il a fait de manière très efficace. Il exerçait ce

11 commandement à partir de son QG, mais il se déplaçait souvent pour aller

12 inspecter les troupes au sol. Et il y a eu des occasions où je me suis

13 rendu au QG et le commandant Blaskic revenait effectivement, à ce moment-

14 là, dans sa Rover. Il portait son casque et ses vêtements de soldat. Il

15 avait donc été faire des inspections pour sentir un peu ce qui se passait.

16 Parfois, il se déplaçait vers Kiseljak. Je l'ai d'ailleurs

17 emmené une fois à une réunion avec d'autres commandants du HVO. Il avait

18 eu, au cours de ces sept mois, des absences -peut-être deux ou trois fois

19 seulement- de cette poche de Vitez. Il avait dû se déplacer. Je ne sais

20 pas très bien comment... Je crois qu'il y avait même un hélicoptère et il

21 pouvait donc communiquer avec cet hélicoptère, afin d'organiser ses

22 départs et ses arrivées.

23 Parfois, je crois que l'hélicoptère venait de Prozor au sud,

24 donc d'assez loin. Il pouvait l'appeler à l'avance et organiser ses

25 visites comme il l'entendait, ce qui demandait tout de même des moyens de

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1 communication. Il avait une machine de téléfax, accès au réseau de

2 téléphone local. Il pouvait nous envoyer des fax. J'en recevais d'ailleurs

3 à Vitez. Il connaissait les événements qui se déroulaient en dehors de la

4 poche de Vitez. Une fois, il m'a d'ailleurs donné une liste de villages

5 dans la région de Vares qui avait été repris par les forces musulmanes de

6 Bosnie-Herzégovine. C'était une liste assez complète. Il avait

7 manifestement un réseau de renseignements qui lui permettait de recueillir

8 ces informations. Et, pour autant que je sache, il avait des

9 communications par satellite (Motorola).

10 J'ai déjà également parlé de la présence d'officiers de liaison.

11 Je peux vous dire qu'il m'apparaît très clairement qu'il était

12 un commandant qui exerçait son commandement, qui donnait des ordres, qui

13 contrôlait les événements, vraiment dans le style tout à fait classique de

14 tout commandant militaire qui opère un grand QG.

15 M. Kehoe (interprétation). - Laissez-moi vous poser une question

16 suite à ce que vous venez de dire : vous avez remarqué que Blaskic se

17 comportait de telle sorte qu'il défendait la poche de Vitez. Est-ce

18 essentiel que dans l'organisation d'une telle défense ou était-il

19 essentiel qu'un commandant tel que M. Blaskic puisse avoir connaissance de

20 ce qui se passe partout dans cette poche de Vitez et, si oui, pourquoi ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est tout à fait vital qu'un

22 commandant militaire sache exactement ce qui se passe, surtout lorsqu'il

23 s'agit d'une opération de défense. La forme de cette poche de Vitez était

24 telle qu'il y avait une route centrale qui la traversait par le milieu

25 depuis Novi Travnik, et le carrefour en T jusqu'à Vitez et jusqu'à

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1 Busovaca, et c'est sur cette route dorsale que les mouvements des réserves

2 pouvaient se faire.

3 La défense était organisée de telle sorte qu'il y avait des

4 soldats qui avaient des zones territoriales où ils habitaient d'ailleurs,

5 et qui pouvaient être dix jours sur le front et dix jours en congé.

6 C'était un peu comme cela que la défense était organisée et permettait de

7 maintenir le périmètre de la zone. Et cette route dorsale permettait de

8 transporter les réserves le plus rapidement possible.

9 La défense reposait sur le fait que des attaques à pied ne

10 pouvaient avancer qu'à la vitesse évidemment d'un homme à pied, alors que

11 les réserves pouvaient être déplacées par bus, par camions, ou par moyens

12 motorisés, et pouvaient donc se déplacer beaucoup plus rapidement pour

13 éteindre le feu en quelque sorte. C'était, si vous voulez, la même

14 situation du point de vue militaire que celle qui existait au cours de la

15 Première Guerre mondiale où des attaques à pied de la part de soldats

16 pouvaient être arrêtées assez facilement et "tuées dans l'œuf" puisque les

17 trains ramenaient des renforts beaucoup plus rapidement.

18 Alors, pour fonctionner comme cela dans le cadre d'une opération

19 de défense, il faut un commandement ; ce commandant doit ensuite avoir le

20 contrôle de tout ; troisièmement, il lui faut des réseaux d'information et

21 de communication suffisants pour pouvoir faire fonctionner ce système de

22 défense.

23 Je dois avouer que le commandant Blaskic a pu faire fonctionner

24 cette défense de manière superbe. Il disposait de tous les ingrédients

25 nécessaires et c'est ainsi qu'il a pu assurer la défense de cette poche

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1 avec beaucoup de compétence au cours de ces sept mois.

2 M. Kehoe (interprétation). - Pour faire suite à ce que vous

3 venez de dire, est-il l'essentiel pour un commandant tel que M. Blaskic

4 d'être au courant de l'endroit où se trouvent ses positions de défense ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet. Et, lors de nos

6 discussions, il me montrait souvent une carte où il nous montrait d'où les

7 attaques pourraient arriver et il y avait, sur cette carte, des détails de

8 sa stratégie sur le front.

9 M. Kehoe (interprétation). - Il vous a donc signalé qu'il

10 connaissait le fait qu'il y avait des tranchées à différents lieux dans

11 cette poche ?

12 M. Duncan (interprétation). - Oui, il y avait des symboles qui

13 expliquaient tout ce réseau de tranchées qui existaient dans la poche de

14 Vitez.

15 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on donc dire qu'il savait

16 précisément ce qui se passait ?

17 M. Duncan (interprétation). - Absolument.

18 M. Kehoe (interprétation). - Passons, si vous le voulez bien, à

19 un autre domaine de discussion, brigadier général, qui traite de

20 M. Blaskic, de ses obligations en tant que commandant, de la façon dont il

21 respectait ses obligations et quels furent ses manquements par rapport à

22 ses obligations.

23 M. Duncan (interprétation). - Je vous ai déjà parlé de l'intérêt

24 de la valeur de cette enquête indépendante. Il y a eu différents

25 événements, au cours de cette période de commandement, qui nécessitaient

Page 9254

1 une enquête. D'abord, il y a eu, bien sûr, Ahmici. Comme je vous l'ai dit,

2 on nous avait promis les résultats d'une enquête pour le 25 mai et, à ce

3 jour, cette enquête n'a pas été publiée ni annoncée de quelque manière que

4 ce soit. Comme je vous l'ai indiqué, ma conclusion était qu'il s'agissait

5 tout de même d'une doctrine bien établie qui avait enfin été traduite dans

6 les faits.

7 L'événement suivant qui peut nous intéresser, c'est lorsqu'un

8 convoi musulman s'est déplacé dans ma zone, début juin. Et, pour autant

9 que je le sache, il y avait des documents établissant un accord entre les

10 Musulmans et les Croates selon lequel ce convoi, qui comprenait pas mal de

11 véhicules -de camions-, avait la permission de se déplacer dans cette zone

12 sans problème. Et il y a eu un incident grave au cours duquel ce convoi a

13 dû s'arrêter lorsqu'il est arrivé dans la poche de Vitez. Arrêté par des

14 soldats du HVO, le convoi a été pillé. Certains chauffeurs ont ensuite été

15 extraits des camions et huit chauffeurs ont d'ailleurs été tués au cours

16 de cet événement. Là aussi, aucune mesure n'a été prise pour faire une

17 enquête concernant cet incident. Des personnes ont été tuées et,

18 cependant, personne n'a pris la peine de faire une enquête. Pourquoi n'a-

19 t-on pas pris la peine ? Eh bien, on ne voulait sans doute pas savoir qui

20 étaient ces troupes. C'est très bien de nier les faits mais il est clair

21 que cela s'est passé puisque mes troupes ont assisté à l'événement. Cela a

22 été enregistré. Il y a d'ailleurs des vidéos qui le montrent.

23 M. Kehoe (interprétation). - Avant de passer à l'incident

24 suivant, si vous le voulez bien, Monsieur le Président et

25 Monsieur le Juge Riad, pourrait-on montrer ce passage vidéo ? C'est la

Page 9255

1 pièce 381, je crois, Monsieur Dubuisson.... Est-ce là où nous en sommes ?

2 M. Dubuisson. - Oui, c'est cela.

3 M. Kehoe (interprétation). - En ce qui concerne la source de ces

4 vidéo, Monsieur le Président, il s'agit de vidéo qui proviennent de la

5 BBC. Certaines ont d'ailleurs été montrées sur antenne et d'autres sont

6 des prises qui n'ont pas été montrées mais qui ont été fournies au bureau

7 du Procureur par la BBC. Avec votre accord, nous allons éteindre les

8 lumières et vous montrez cette partie de film vidéo.

9 (Projection de la vidéo)

10 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on reculer jusqu'au début si

11 vous le voulez bien ? Il y a donc une personne, là... Voilà, on la voit.

12 Une personne est frappée par un soldat. C'est bien cela ?

13 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout à fait.

14 M. Kehoe (interprétation). - On va avancer et on va voir

15 quelqu'un derrière... Arrêtez-vous là. Vous voyez une personne -un

16 policier militaire- qui est là, n'est-ce pas ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet.

18 M. Kehoe (interprétation). - Il s'agit de troupes du HVO ?

19 M. Duncan (interprétation). - Oui. Ils portent effectivement le

20 badge du HVO.

21 M. Kehoe (interprétation). - On voit derrière un échange de

22 coups de feu. Il y a des soldats en uniforme qui sont là, n'est-ce pas ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui. Certains portaient la

24 ceinture blanche du HVO.

25 M. Kehoe (interprétation). - Voilà un de vos soldats, n'est-ce

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1 pas ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui, Neal Bauman.

3 (Projection de la vidéo)

4 M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous vous arrêter à

5 nouveau.... Vous voyez, là encore, un soldat en camouflage derrière.

6 M. Duncan (interprétation). - Oui, vous voyez d'ailleurs son

7 brassard d'épaule blanc du HVO.

8 M. Kehoe (interprétation). - Vous voyez des soldats derrière...

9 M. Duncan (interprétation). - En effet.

10 M. Kehoe (interprétation). - Poursuivez, s'il vous plaît...

11 (Poursuite de la projection)

12 C'est bien l'un des chauffeurs qui a été tué dans son camion ?

13 M. Duncan (interprétation). - En effet.

14 M. Kehoe (interprétation). - On poursuit... C'est M. Bauman ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - Arrêtez-vous là. Que voit-on là ?

17 M. Duncan (interprétation). - Ce sont des soldats du HVO qui

18 pillent les véhicules qui appartenaient à ce convoi. Parce qu'il y avait

19 des camions dans ce convoi, mais également des voitures.

20 M. Kehoe (interprétation). - On poursuit...

21 (Poursuite de la projection)

22 Voulez-vous vous arrêter là. Il a été dit, au cours du

23 commentaire, que certains camions avaient été amenés dans une carrière.

24 Pouvez-vous expliquer ce qui se passe ?

25 M. Duncan (interprétation). - Sur cette vidéo, on voit justement

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1 cette carrière où un certain nombre de bus et de camions ont été emmenés

2 afin d'être pillés.

3 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce la carrière où le HVO

4 disposait d'une station ?

5 M. Duncan (interprétation). - En effet.

6 M. Kehoe (interprétation). - Je vous remercie. Vous avez dit que

7 huit personnes avaient trouvé la mort. Vous avez également pu observer que

8 des soldats pillaient. A votre connaissance, le commandant de la zone de

9 Bosnie centrale -donc l'accusé- savait-il tout cela ?

10 M. Duncan (interprétation). - Il n'y a pas eu d'enquête.

11 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en avez-vous conclu ?

12 M. Duncan (interprétation). - Qu'il ne voulait pas d'enquête

13 parce que l'enquête prouverait qui l'avait fait et que les gens qui le

14 faisaient -comme vous l'avez vu sur la vidéo et comme mes soldats l'ont

15 vu- étaient des soldats du HVO.

16 M. Kehoe (interprétation). - Du fait que vous étiez sur le

17 terrain, pouvez-vous nous dire qui dirigeait cette opération et quelle fut

18 la participation de l'accusé ?

19 M. Duncan (interprétation). - Je pense que l'opération était

20 dirigée par Dario Kordic. La raison pour laquelle c'était lui qui la

21 dirigeait, c'est qu'il était le chef politique de cette région et qu'à ce

22 moment-là, les forces croates étaient un peu en arrière puisque leur poche

23 avait été complètement scellée et fermée par rapport au monde extérieur.

24 Il était un peu à cours de nourriture.

25 Dario Kordic avait décidé que ce convoi, dont il avait accepté

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1 le passage, permettrait à la population et aux soldats de prendre de la

2 nourriture dans ce convoi. C'était un pourcentage, une dîme si vous

3 voulez, à payer pour passer. Cela n'a jamais été publié dans l'accord,

4 mais c'est la seule chose que je puisse conclure. Il avait décidé qu'il

5 pourrait prendre une partie des provisions transportées par ce convoi et

6 qu'il jugerait ainsi du risque que cela impliquait.

7 Il y avait une motivation politique mais, comme avec toute autre

8 chose, quand il y a une décision politique, il faut ensuite des forces et

9 des troupes qui la planifient, qui conduisent l'opération. La

10 planification et la conduite de cette opération devaient être détaillées,

11 il fallait décider où on arrêterait les véhicules.

12 Il est apparu que lorsque ce convoi est passé, un plan bien

13 détaillé avait été mis en place : "On va les arrêter là, on va les piller

14 ici, on laissera les véhicules passer vers un autre point, au

15 contournement de Vitez où on pourra les contrôler et on les divisera pour

16 partir vers différentes parties de Vitez."

17 C'est un plan qu'on ne rêve pas comme cela en tant que

18 politicien, il faut un expert en planification et en contrôle. Les

19 personnes dans la zone de Vitez qui sont ces experts en planification, en

20 contrôle et en organisation des opérations, ce sont les militaires. C'est

21 pourquoi il fallait avoir absolument la participation des forces du HVO,

22 sinon cela n'aurait pas marché.

23 M. Kehoe (interprétation). - Pas d'enquête à Ahmici, pas

24 d'enquête ici non plus, concernant les tueries et les pillages ?

25 M. Duncan (interprétation). - Pas d'enquête en effet.

Page 9259

1 M. Kehoe (interprétation). - Quelle était la date du Convoi de

2 la Joie ?

3 M. Duncan (interprétation). - Tout début juin.

4 M. Kehoe (interprétation). - Passons au point suivant. Je

5 voudrais vous montrer, brigadier général, ce document-ci. Pouvons-vous

6 l'enregistrer ? Il est daté du 30 juin, c'est un document du colonel

7 Duncan.

8 M. Dubuisson. - Il s'agit du document 382.

9 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, les événements

10 liés à ce Convoi de la Joie sont en date du 10 ou 11 juin 1993, n'est-ce

11 pas ?

12 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.

13 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais vous montrer une lettre

14 en date du 30 juin 1993 et qui porte votre signature en bas. Reconnaissez-

15 vous cette lettre ?

16 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, c'est une lettre

17 que j'ai envoyée au colonel Blaskic. On y voit son nom et son poste en

18 haut à gauche. Cette lettre parle du lancement d'une roquette sur ma base

19 à Vitez.

20 M. Kehoe (interprétation). - Quelle a été la réponse de cette

21 lettre et quand cela s'est-il produit ?

22 M. Duncan (interprétation). - Vous voyez dans la lettre qu'un

23 incident s'est produit dans mon quartier général le 27 juin 1993.

24 L'incident était en fait le lancement d'un missile explosif sur ma base,

25 là où se trouvaient mes soldats. Bien entendu, j'étais extrêmement en

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1 colère, d'ailleurs c'est une litote, j'étais furieux puisque visiblement

2 ma base avait été visée délibérément.

3 Par conséquent, je me suis plaint très rapidement et directement

4 au commandant Blaskic. Vous voyez que je le remercie de son efficacité à

5 ce moment-là et de la rapidité de sa réponse parce que je fais référence à

6 la lettre que j'ai reçu du HVO le 29 juin 1993, date de sa réponse.

7 Ce qui m'a fait comprendre qu'il avait fait une enquête sur cet

8 incident, il s'est rendu compte que c'était l'un de ses soldats qui était

9 responsable de cet acte. L'enquête a donc été menée à son terme. Le soldat

10 a été déclaré coupable et il est maintenant emprisonné à la prison de

11 Busovaca. Toute cette procédure a pris deux jours. Une enquête a donc été

12 lancée, menée à son terme et des mesures ont été prises.

13 Cela m'a surpris que cette enquête puisse être menée aussi

14 rapidement, alors que d'autres n'ont pas été lancées ou n'ont pas été

15 menées à leur terme. Ceci m'a prouvé que le Commandant Blaskic avait la

16 structure et le système disciplinaire nécessaire pour mener précisément et

17 très efficacement ce type d'enquête, s'il le souhaitait. Mais s'il ne le

18 souhaitait pas, en revanche, les enquêtes n'étaient pas menées, c'était le

19 cas pour Ahmici, c'était le cas pour le Convoi de la Joie. Mais en tout

20 cas, ceci me prouvait très clairement qu'en tant que commandant, il

21 pouvait le faire s'il le souhaitait véritablement.

22 M. Kehoe (interprétation). - Il pouvait le faire s'il le

23 souhaitait, c'est cela ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant aux événements

Page 9261

1 tragiques qui ont eu lieu cinq jours plus tard. Le colonel Blaskic aurait-

2 il pu faire quelque chose ou non cinq jours plus tard ?

3 M. Duncan (interprétation). - Cinq jours plus tard -je crois que

4 je me souviendrai toujours de cette date-, c'était le 5 juillet.

5 Mon interprète personnelle a été tuée par balle sur les marches

6 de sa maison dans mon camp. Elle a été tuée par un tireur isolé du HVO qui

7 a tiré de la ligne du HVO, de l'autre côté de la route, et ceci était très

8 clair. Tout le monde le savait très clairement dans le camp. Elle a été

9 tuée, je pense, parce qu'elle avait été l'interprète personnelle du

10 colonel Stewart, qu'elle avait assisté à un certain nombre de réunions

11 avec le colonel Stewart, qu'elle savait ce qui se passait et qu'elle était

12 le lien entre le passé et le présent. C'était une source très utile de

13 conseils, pour moi en tout cas. Elle a été tuée parce qu'elle a pu être

14 identifiée facilement, elle était très grande et elle avait un physique

15 très particulier. Elle était Serbe de Bosnie, mais ce n'est pas pour cela

16 qu'elle a été tuée. Elle a été tuée parce qu'elle m'était utile et que

17 c'était une atteinte indirecte contre moi. Ce fut un événement terrible.

18 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai que nous passions à

19 l'extrait vidéo suivant qui montre, Monsieur le Président et Monsieur le

20 Juge Riad, cette femme. Il s'agit de la pièce 383.

21 (Diffusion de la cassette vidéo)

22 Là encore, ce document vient de la BBC, Monsieur le Président.

23 M. Kehoe (interprétation). - Arrêtez s'il vous plaît. Est-ce que

24 votre interprète se trouve ici ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement, à gauche. Elle

Page 9262

1 porte un casque bleu. Elle est grande. Elle s'appelait Dobrila.

2 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez poursuivre s'il vous

3 plaît.

4 Dobrila est-elle encore sur cette image ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui, elle est à droite sur cette

6 image et elle suit le colonel Steward ici.

7 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez poursuivre s'il vous

8 plaît.

9 Là encore, c'est elle qui interprète n'est-ce pas ?

10 M. Duncan (interprétation). - Effectivement.

11 M. Kehoe (interprétation). - Que représente ce dernier extrait ?

12 M. Duncan (interprétation). - Eh bien là, elle était transférée

13 sur une civière de l'endroit où elle a été tuée. Elle avait une blessure

14 grave à la tête.

15 M. Kehoe (interprétation). - Dobrila est morte à ce moment-là,

16 n'est-ce pas ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Elle est

18 morte, en fait, avant d'être transférée.

19 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous vous replacer dans le

20 temps et dans un lieu précis cette dernière séquence ? Pour cela, je

21 demanderai de passer à la pièce 384 qui est un élargissement de la

22 pièce 182 (une carte à trois couleurs)

23 M. Dubuisson. - C'est la pièce 384, c'est bien cela.

24 M. Kehoe (interprétation). - Je demanderai qu'elle soit placée

25 sur le rétroprojecteur.

Page 9263

1 (L'huissier s'exécute.)

2 Brigadier général, il s'agit d'un agrandissement de la

3 pièce 172. Pouvez-vous nous indiquer ce que représentent les zones

4 marquées de différentes couleurs ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui. Je voudrais commencer par

6 cette zone bleue, ici. Il s'agit du périmètre occupé par la base

7 britannique à Vitez. En haut de cette zone, ce sont les collines de

8 Gubovic. On voit ici la route principale qui passe au centre de

9 l'agrandissement, qui vient de Novi Travnik au sud et qui monte vers Vitez

10 dans le nord.

11 On voit d'abord, à l'intérieur du périmètre, l'endroit de la

12 maison où Dobrila a été tuée. C'est dans le cercle jaune. Et dans le

13 cercle rouge, on trouve la zone qui se trouve de l'autre côté de la route.

14 C'est de cet endroit que le coup a été tiré.

15 En fait, cette route représente la ligne de front entre les

16 forces musulmanes qui se trouvent de ce côté et les forces croates qui se

17 trouvent sur la droite, mais nous savions que le tir provenait de l'autre

18 côté de la route. Les maisons qui se trouvaient là étaient occupées par

19 des forces croates depuis deux mois.

20 M. Kehoe (interprétation). - Des forces du HVO ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui, des forces du HVO.

22 M. Kehoe (interprétation). - Ceci a eu lieu le 5 juillet 1993 ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - Cinq jours après avoir complimenté

25 M. Blaskic pour avoir mené une enquête très rapidement sur ce qui était

Page 9264

1 arrivé à votre camp, n'est-ce pas ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela.

3 M. Kehoe (interprétation). - C'était donc le colonel Blaskic, le

4 27 juin, qui avait mené cette enquête ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui.

6 M. Kehoe (interprétation). - Y a-t-il eu une enquête sur

7 l'événement du 5 juillet ?

8 M. Duncan (interprétation). - Certaines personnes ont été

9 envoyées et les conclusions ont été les suivantes : un Musulman était

10 passé de l'autre côté de la route, il avait occupé une maison qui était

11 occupée par des soldats du HVO à l'époque, qu'il avait tué délibérément

12 Dobrila, qu'il avait retraversé la ligne de front et qu'il s'était enfui.

13 M. Kehoe (interprétation). - Qu'avez-vous pensé de cette

14 explication ?

15 M. Duncan (interprétation). - Dire que c'était improbable serait

16 à nouveau une litote. Il était presque ridicule d'imaginer ce genre de

17 chose et de suggérer ce genre d'explication. La personne qui avait suggéré

18 cela était un enquêteur et cette personne me suggérait, à moi et à mes

19 officiers, quelque chose qui, bien évidemment, était faux. Par conséquent,

20 c'était un mensonge tellement tiré par les cheveux que c'était totalement

21 impossible de croire à ce genre d'explication. Mener une enquête arrivant

22 à de telles conclusions, eh bien c'était miner le système dans sa

23 totalité, c'était une perte de temps.

24 M. Kehoe (interprétation). - Après le meurtre de Dobrila, y a-t-

25 il eu d'autres événements qui ont remis en cause les actions de Blaskic et

Page 9265

1 qui ont prouvé son manquement en tant que commandant ?

2 M. Duncan (interprétation). - Il y a eu un autre meurtre, celui

3 de Boris, qui était chauffeur pour le HCR. Il a été tué lorsqu'une balle

4 d'un 12,7 millimètres a pénétré dans son véhicule. Là encore, nous avons

5 demandé une enquête et aucune enquête n'a été menée. Pourquoi ? Eh bien

6 parce que nous savions que c'était le HVO qui était responsable de ce

7 meurtre.

8 M. Kehoe (interprétation). - Et le meurtre de ce chauffeur

9 Boris s'est produit le 14 août 1993, n'est-ce pas ?

10 M. Duncan (interprétation). - Oui.

11 M. Kehoe (interprétation). - Là encore pour établir un cadre

12 temporel, je vous demanderai de consulter la pièce 385. Il s'agit de cette

13 carte.

14 M. le Président. - Ayant repris plus tôt ce matin, nous allons

15 maintenant faire une pause de 20 minutes. Nous reprendrons donc à

16 11 heures 35. L'audience est suspendue.

17 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à

18 11 heures 45.

19 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

20 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)

21 M. le Président. - Monsieur le Procureur ?

22 M. Kehoe (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

23 Brigadier général, avant de passer à la carte 385 qui se trouve

24 sur le rétroprojecteur, j'ai omis de vous poser un certain nombre de

25 questions liées à l'ordre de bataille, sur les pièces 378 et 379.

Page 9266

1 Dans cet ordre de bataille, il n'y a pas particulièrement de

2 désignations réservée à la police militaire. Pourquoi ?

3 M. Duncan (interprétation). - Généralement, nous ne faisons pas

4 figurer les unités de police militaire ou d'autres unités qui viennent

5 soutenir l'effort principal. Nous ne montrons que les unités participantes

6 elles-mêmes. Par conséquent, nous ne les faisons pas figurer dans un ordre

7 de bataille.

8 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre témoignage ce

9 matin, vous avez dit avoir emmené Blaskic à Kiseljak, le 29 mai 1993.

10 C'est exact ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui. Je ne suis pas sûr d'en avoir

12 parlé ce matin, mais j'ai effectivement dit ce qui avait été ordonné au

13 commandement de Kiseljak. Il fallait transférer le colonel Blaskic,

14 l'emmener à une réunion qui devrait se tenir à Kiseljak.

15 M. Kehoe (interprétation). - Cette réunion se tenait-elle au

16 quartier général des troupes des Nations Unies ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Mais, après

18 cette réunion, le commandant du HVO devait pouvoir disposer d'un certain

19 temps pour retourner à sa base ou à son quartier général.

20 M. Kehoe (interprétation). - Et le commandant du HVO a-t-il

21 utilisé ce temps ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement; nous sommes

23 arrivés à la réunion. En fait, cette réunion n'a pas véritablement porté

24 sur des points importants. Elle a été conclue très rapidement et

25 M. Petkovic a été emmené. Je les ai revus environ trois heures plus tard

Page 9267

1 lorsqu'on les a ramenés à leur base.

2 M. Kehoe (interprétation). - Qui avez-vous vu à ce moment-là ?

3 De qui parlez vous ?

4 M. Duncan (interprétation). - Je suppose que cette personne a

5 rencontré Blaskic et d'autres personnes importantes.

6 M. Kehoe (interprétation). - Après cette réunion, avez-vous vu

7 ou observé un rapport s'établissant à ce moment-là entre l'armée serbe de

8 Bosnie et le HVO en Bosnie centrale ?

9 M. Duncan (interprétation). - Il y a eu un changement très

10 important à partir de cette réunion du 29 mai. Après cela, les civils

11 croates avaient la possibilité de traverser les lignes de front pour se

12 rendre en territoire serbe, notamment à Travnik. Ils ont pu se rendre vers

13 l'ouest et revenir sur le territoire d'Herceg-Bosna. Il y avait également

14 la zone de Zepce. Je crois que des soldats du HVO travaillaient en

15 collaboration avec les Serbes contre les Musulmans. Et il y avait enfin la

16 zone de Vares et, là aussi, une collaboration était établie entre les

17 Serbes et les Croates. En tout cas, c'est ce que nous croyions.

18 M. Kehoe (interprétation). - Autre domaine dont nous n'avons pas

19 parlé ce matin et qui est lié à Prozor : vous avez traversé Prozor

20 parfois, lorsque vous vous trouviez sur les lieux. A un moment donné ou à

21 un autre, avez-vous vu des soldats du HV -des soldats de la République de

22 Croatie- sur les lieux ?

23 M. Duncan (interprétation). - J'ai vu des soldats d'artillerie

24 qui s'occupaient de l'artillerie à Prozor, donc des soldats de la

25 République de Croatie.

Page 9268

1 M. Kehoe (interprétation). - A quel moment à peu près, à quelle

2 période de l'année ?

3 M. Duncan (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire

4 précisément. C'était au milieu de l'année mais je ne peux pas vous donner

5 une date. En tout cas, j'ai vu des soldats du HV dans cette zone-là au

6 cours de l'année 1993.

7 M. Kehoe (interprétation). - Revenons au moment où nous nous

8 sommes arrêtés avant la pause ; nous avons parlé du meurtre de Boris, le

9 chauffeur, en 1993. Nous allons passer à la pièce constituée de cette

10 carte, Monsieur le Président. Il s'agit de la pièce 385.

11 Brigadier général, sur vos instructions, des membres du

12 bataillon britannique ont-ils enquêté sur le meurtre par balle de ce

13 chauffeur et déterminé l'endroit d'où la balle avait été tirée et qui en

14 était responsable ?

15 M. Duncan (interprétation). - Nous avons retrouvé le véhicule,

16 nous l'avons ramené à notre camp à Vitez, et nous avons étudié l'impact de

17 balle. Apparemment, le point de tir était Kravija. C'était un village. On

18 voit cette tâche orange sur la carte. Ce village était occupé à l'époque

19 par des troupes du HVO. Nous pensons que c'était de là qu'avait été tirée

20 la balle et que c'était de là qu'on tirait également sur Stari Vitez.

21 C'est à cet endroit que Boris a été tué. Je dois ajouter que Boris était

22 chauffeur pour le HCR et il était dans l'intérêt des Musulmans de faire en

23 sorte que le HCR puisse rentrer à Stari Vitez, afin d'obtenir un peu

24 d'aide humanitaire. Bien entendu, il était très improbable que les

25 Musulmans choisissent de tirer sur quelqu'un qui allait leur apporter de

Page 9269

1 l'aide.

2 M. Kehoe (interprétation). - Quel était le calibre de l'arme ?

3 M. Duncan (interprétation). - 12.7, je crois.

4 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous parlé du meurtre de Boris

5 avec l'accusé, M. Blaskic ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui.

7 M. Kehoe (interprétation). - Et qu'a-t-il dit ?

8 M. Duncan (interprétation). - Il a nié catégoriquement. Il a dit

9 que ce n'était pas le HVO qui avait perpétré ce crime.

10 M. Kehoe (interprétation). - Qu'en avez-vous pensé ?

11 M. Duncan (interprétation). - Eh bien, là encore, c'est une

12 déclaration qui était un mensonge flagrant. C'était faux. Il n'y avait

13 aucune raison pour que les Musulmans tirent sur un véhicule blanc qui

14 allait leur apporter de l'aide humanitaire, un véhicule qu'ils

15 connaissaient bien. Il y avait beaucoup de véhicules du HCR dans la zone

16 et il n'y avait aucune raison pour qu'une quelconque personne tire sur ce

17 véhicule.

18 M. Kehoe (interprétation). - Parlons maintenant d'autres

19 événements que vous souhaiteriez aborder et qui ont trait à l'accusé et au

20 fait qu'il n'ait pas respecté ses obligations en tant que commandant.

21 M. Duncan (interprétation). - Il y a un certain nombre

22 d'événements au cours desquels je crois que le colonel Blaskic en tant que

23 commandant n'a pas agi comme il aurait dû le faire. Au cours de la période

24 que j'ai passée sur les lieux, un certain nombre de prisonniers étaient

25 détenus par les Croates. Ils ont reçu différentes demandes de la Croix-

Page 9270

1 Rouge internationale, de l'équipe des observateurs européens et de l'Union

2 européenne, demandes ayant pour objectif de faire libérer les prisonniers.

3 Bien entendu, ces prisonniers n'ont pas été libérés parce que

4 nous ne cessions pas de les observer pendant toute notre période

5 d'opération sur les lieux. Lorsque nous les trouvions, ils étaient

6 évidemment libérés, mais il fallait les trouver. Je crois néanmoins que

7 les demandes de libération n'ont pas été exécutées pendant toute la

8 période où nous nous trouvions sur les lieux.

9 D'autre part, nous avons essayé de constituer des comités

10 conjoints militaires entre les Musulmans et les Croates -disons entre

11 l'armée des Musulmans et entre le HVO. Un certain nombre de décisions ont

12 été prises entre les différents commandants, entre Hadzihsanovic d'un côté

13 et entre Blaskic de l'autre. C'était un accord qui stipulait que

14 certaines mesures devaient être prises mais ceci n'a jamais été concrétisé

15 dans les faits.

16 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant aux

17 quatre pièces suivantes s'il vous plaît. Il s'agit de documents et de

18 rapports faits à l'issue de ces réunions de comité conjoint qui ont été

19 rédigés par vous.

20 Monsieur le Président, les traductions de ces documents ne sont

21 pas complètes -en français en tout cas.

22 M. Dubuisson. - Il s'agit du n° 386, pour le document du

23 19 juin, du n° 387 pour celui du 21 juin, du n° 388 pour celui du 24 juin

24 et du n° 389 pour celui qui n'est pas daté.

25 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, pour le

Page 9271

1 n° 388, je crois qu'on vient de dire qu'il s'agissait du 20 juin, et je

2 crois que le transcript a été modifié et qu'il y figure le 24 juin. Est-ce

3 correct ou non ?

4 M. Kehoe (interprétation). - Oui, je crois que le n° 388

5 correspond au 24 juin 1993. Mon collègue a raison. C'est écrit sur le

6 document, mais c'est un peu difficile à lire.

7 M. le Président. - Merci. Vous pouvez maintenant continuer

8 l'interrogatoire principal à partir de ces pièces, Monsieur Kehoe.

9 M. Kehoe (interprétation). - Ce sont des documents que vous avez

10 fournis au Bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous passer en revue ces

13 différentes réunions du commandement conjoint ? Que sont ces documents ?

14 Il s'agit d'un ensemble de décisions. Pouvez-vous nous dire quels ont été

15 les problèmes qui ont été débattus au cours de ces réunions ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui, ces quatre documents

17 représentent les résultats de quatre réunions auxquelles j'ai assistées,

18 réunions entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, à Vitez, aux dates

19 indiquées.

20 J'attire votre attention sur la troisième page du premier

21 document. Je pense que c'est une page qu'on retrouve dans les

22 quatre documents. Il s'agit de l'ensemble des personnes qui ont reçu ce

23 document. On voit colonels Blaskic, Filipovic, Hadzihsanovic, Karic,

24 Merdan, Nakic, Siver et Totic. C'étaient les principaux dirigeants du HVO

25 et de l'armée de Bosnie-Herzégovine à ce moment-là. Ils ont donc reçu

Page 9272

1 personnellement une copie de ce rapport.

2 Ce qui est important dans ces documents, c'est qu'ils ont

3 enregistré les décisions qui ont été prises et sur lesquelles les

4 deux commandements ont pu se mettre d'accord. Je ne veux pas rentrer dans

5 le détail, je voudrais simplement attirer votre attention sur un certain

6 nombre de paragraphes.

7 Pour ce qui est du paragraphe 4(A) qui se trouve au milieu de la

8 première page à peu près, pour le premier document en tout cas...

9 M. Kehoe (interprétation). - Pour le compte rendu, il s'agit de

10 la pièce n° 386.

11 M. Duncan (interprétation). - Oui. Il y est dit : "Libération

12 des prisonniers : les délégués de la Croix-Rouge internationale n'ont pas

13 pu". Dans le cadre de cette libération de prisonniers, les

14 deux commandants se sont mis d'accord pour leur donner toute l'assistance

15 nécessaire sans condition et émettre des instructions, afin que cette

16 assistance puisse leur être fournie. Et dans ce paragraphe 5, on voit que

17 ce paragraphe a trait aux personnes déplacées. Il y a un certain nombre de

18 mesures sur lesquelles les deux commandants se sont mis d'accord. "Il

19 fallait d'abord assurer la protection de tous les lieux de culte,

20 permettre d'instaurer les conditions favorables à la paix, de contrôler

21 tous les éléments criminels, d'assister le HCR et la Forpronu". Et surtout

22 en bas, les deux derniers paragraphes E et F sont les plus importants. On

23 voit : "d'émettre des ordres à tous leurs subordonnés, afin d'interdire

24 l'expulsion des civils de chez eux, et d'émettre des ordres afin

25 d'encourager les civils à revenir chez eux."

Page 9273

1 Sur la page 2 de ce document, on trouve également qu'il se sont

2 mis d'accord pour émettre des ordres, afin d'enquêter sur tous les

3 incidents et d'interdire que tout dégât soit provoqué à la vie des

4 individus ou à leurs biens.

5 Ces accords ont été conclus entre les deux commandants.

6 Généralement, à la fin de ces réunions, je posais une question à toutes

7 les personnes qui se trouvaient autour de la table et je demandais :

8 "Etes-vous d'accord, regardez-moi dans les yeux et dites-moi si

9 effectivement ces termes vous conviennent ?" Je passais en revue toutes

10 les personnes qui se trouvaient autour de la table. C'est donc le résumé

11 du premier document.

12 Je demanderai de passer au deuxième document, si je peux le

13 faire. En bas de la page vous voyez qu'au paragraphe 4, là aussi il s'agit

14 de la libération des prisonniers. On y dit que tous sont prêts à soutenir

15 le CCR. Je dis que si cela n'a pas encore été fait les commandants doivent

16 donner des ordres précis concernant le traitement des prisonniers et les

17 punitions infligées à ceux qui ont désobéi aux ordres. Les commandants qui

18 désobéissent aux ordres doivent être écartés du commandement et des ordres

19 particuliers doivent être donnés pour interdire le fait qu'il soit ordonné

20 aux prisonniers de creuser des tranchées. Vous voyez que des ordres très

21 précis sont repris ici. Tout ceci a été accepté par les commandants. Ce

22 sont donc des actions qu'ils avaient accepté d'entreprendre. Ceci étant

23 les points saillants du deuxième document.

24 Le troisième et le quatrième documents vous sont donnés pour

25 compléter les comptes rendus de ces réunions.

Page 9274

1 (L'huissier s'exécute.)

2 A la troisième réunion, nous avons eu quelques problèmes, parce

3 que le HVO n'a pas pu y assister en dernière minute. Je crois que c'était

4 parce qu'ils assistaient aux funérailles de l'un de leurs commandants.

5 C'était malheureux; mais c'est pourquoi les informations qui sont reprises

6 dans le troisième document traitent de la BiH et également de certains

7 points d'ordre technique.

8 Le quatrième document enfin, nous avons discuté d'un certain

9 nombre d'événements mais je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit à

10 signaler. Ceci vous est fourni pour être tout à fait complet, il s'agit

11 vraiment des comptes rendus de toutes les réunions que j'ai pu avoir en

12 juin avec les deux commandants.

13 M. Kehoe (interprétation). - Revenons aux deux premiers

14 documents et aux deux premières réunions. Y a-t-il eu des plaintes dans la

15 zone de Vitez selon lesquelles des civils auraient été expulsés ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, nous recevions tout

17 le temps des plaintes du comité de la Croix-Rouge, d'individus, de l'ONU,

18 etc, selon lesquelles des gens avaient été expulsés de leur maison.

19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des informations

20 selon lesquelles la BiH avait expulsé des gens ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui.

22 M. Kehoe (interprétation). - M. Blaskic était-il à la réunion ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - A-t-il été précisé à M. Blaskic en

25 détail le fait que ces expulsions de civils étaient tout à fait

Page 9275

1 inappropriées ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui, nous en avons parlé

3 longuement et l'ambassadeur Thébault de l'ECMM en a parlé également.

4 M. Kehoe (interprétation). - Est-il venu vous dire que des

5 Musulmans avaient été réinstallés à Vitez ?

6 M. Duncan (interprétation). - Voulez-vous répéter la question ?

7 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que des Musulmans sont

8 revenus à Vitez après en avoir été expulsés ?

9 M. Duncan (interprétation). - Non.

10 M. Kehoe (interprétation). - Revenons aux documents concernant

11 la libération des prisonniers dont vous avez parlé lors de cette deuxième

12 réunion de ce commandement conjoint. Dès lors que l'on parle de

13 commentaires apportés par l'ambassadeur Thébault, est-ce que Blaskic était

14 présent à cette réunion ?

15 M. Duncan (interprétation). - Je crois bien que oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - Lui a-t-on dit que l'utilisation de

17 ces prisonniers pour creuser des tranchées constituait une violation du

18 droit international ?

19 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, l'ambassadeur

20 Thébault lui a expliqué en détail.

21 M. Kehoe (interprétation). - L'ambassadeur Thébault a-t-il pu

22 remarquer que des tranchées avaient été creusées avant cette réunion ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui, il avait reçu des rapports

24 selon lesquels des civils étaient forcés à creuser des tranchées dans la

25 zone contrôlée par le HVO, c'étaient des Musulmans, et dans la zone

Page 9276

1 contrôlée par la BiH, c'étaient des Croates.

2 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que ces tranchées ont

3 continué à être creusées ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - A votre connaissance, est-ce que

6 Blaskic est venu vous voir à un moment ou à un autre pour vous dire qu'un

7 commandant qui avait désobéi aux ordres concernant ces tranchées avait été

8 écarté ?

9 M. Duncan (interprétation). - Non, jamais. Aucun commandant n'a

10 jamais reçu d'injonction disciplinaire à cet égard.

11 M. Kehoe (interprétation). - Revenons, si vous le voulez bien, à

12 quelques éléments avant de faire vos dernières remarques. Vous avez parlé

13 du fait que Blaskic avait fait un commentaire à une réunion concernant les

14 événements du Convoi de la Joie. Est-ce que cette enquête a été rapide

15 concernant l'attaque par missile sur le bataillon britannique le 27 juin

16 qui a donc été conclue le 29 ? Vous en avez parlé. Vous avez parlé de

17 l'enquête sur l'assassinat de Dobrila, de Boris et vous avez aussi parlé

18 des instructions concernant les tranchées et la libération des prisonniers

19 qui découlent de ces réunions conjointes des deux commandements.

20 Après tous ces événements, brigadier général, avec un peu de

21 recul maintenant, quand vous regardez ce qui s'est passé au cours de cette

22 époque, avez-vous pu tirer certaines conclusions concernant les

23 manquements de Blaskic quant à ses obligations en tant que commandant au

24 titre du droit ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui. Lorsque je regarde les

Page 9277

1 événements et les incidents, à l'époque évidemment, j'étais très occupé à

2 essayer de mener la bataille actuelle, à m'occuper du présent. Mais avec

3 un peu de recul maintenant, je vois qu'au cours de ces événements il y

4 avait un schéma de manquement dans le chef de M. Blaskic qui n'a pas agi

5 lorsqu'il estimait que ce n'était pas dans son intérêt. En fait, il

6 n'agissait que s'il considérait qu'il avait un intérêt direct, je dirai

7 "agir" dans le sens de "faire une enquête". Si c'était dans son intérêt, à

8 ce moment-là il le faisait très rapidement, si cela l'intéressait.

9 Par contre, s'il n'y avait aucun bénéfice à en tirer pour lui ou

10 si les questions étaient considérées comme mineures, il ne faisait rien du

11 tout, il laissait les choses couler et par omission les choses pouvaient

12 ainsi se poursuivre.

13 Je pense toujours avec un peu de recul qu'il estimait qu'il ne

14 serait jamais pris. Il n'a jamais pensé que quelqu'un viendrait lui poser

15 des questions sur ses activités. Il se disait : "Bon, j'ai pu me

16 débrouiller comme ça, et je peux continuer". Les déclarations qu'il

17 m'avait faites à l'époque étaient manifestement fausses. Enfin, c'était

18 tellement faux que c'était même incroyable. Il protégeait donc quelqu'un

19 dans son commandement ou alors il se protégeait lui-même. Il y avait donc

20 toujours ce message d'expédience. On peut se contenter de ce type de

21 message-là pour l'instant.

22 Encore une fois, avec un peu de recul, je pense qu'en tant que

23 commandant militaire, au cours d'une guerre -et le commandant Blaskic

24 était un militaire professionnel qui avait été formé en tant que

25 militaire-, il savait qu'il devait faire des choses, qu'il devait prendre

Page 9278

1 des mesures qui, parfois, ne plaisaient pas mais qu'il devait faire au

2 titre du droit. Il y a la Convention de Genève; il y a le droit de la

3 guerre. On ne peut pas violer ces règles, sinon on le fait à son propre

4 péril. On ne peut pas non plus conseiller à d'autres de violer le droit.

5 Si on vous demande de faire des choses qui vous semblent erronées, vous

6 pouvez toujours donner votre démission en disant : "Non, moi je ne peux

7 pas faire ce genre de chose".

8 Monsieur Blaskic était un soldat professionnel. Ce n'est donc

9 pas une excuse de dire que l'autre côté faisait ceci ou cela. Je sais que

10 le BiH à l'époque faisait également des choses similaires, mais on ne peut

11 pas dire : "Puisque eux le font, moi je peux le faire aussi". Ce n'est pas

12 un moyen de défense et ce n'est pas comme cela qu'un commandant travaille.

13 En fin de compte, la poche de Vitez était une zone militaire

14 mais également politique et d'importance stratégique pour les Croates,

15 pour les Croates bosniaques. Il s'agissait vraiment d'une zone vitale pour

16 un certain nombre de régions. Il y avait des usines d'armement. Cela

17 comprenait toutes les frontières qu'ils revendiquaient. Il s'agissait donc

18 d'une région qui était organisée et gérée par des équipes, une équipe qui

19 obéissait à une doctrine.

20 Monsieur Valenta avait justement prévu un plan et ce plan

21 incluait le déplacement de personnes, par la force s'il le fallait. Au

22 niveau politique, on avait M. Kordic qui donnait toute la version

23 politique des événements. Il expliquait comment il fallait faire et

24 exercer son influence. Enfin, vous aviez l'instrument de cette politique

25 qu'est le HVO, avec M. Blaskic à sa tête.

Page 9279

1 Concernant toute cette affaire, je pense justement que la

2 défense de cette poche de Vitez a été très réussie, ainsi que les mesures

3 entreprises par M. Blaskic. Je ne peux pas croire que les Croates de

4 Bosnie auraient mis quelqu'un à la tête de cette poche s'ils ne lui

5 faisaient pas totalement confiance pour mettre en place cette politique

6 définie par Valenta et qui avait également été actionnée par Kordic.

7 Donc, sachant qu'il y avait ce niveau de confiance du travail

8 qu'il pouvait faire pour soutenir les objectifs politiques, M. Blaskic a

9 quitté cette poche comme un héros national. Il a d'ailleurs été promu. On

10 l'a accueilli comme un héros. Il avait fait le travail qu'on lui

11 demandait. Il était donc tout à fait acceptable sur le plan politique.

12 D'après moi, on ne pouvait pas mettre à ce poste quelqu'un d'autre qu'un

13 homme qui avait toute la confiance, qui faisait également partie d'une

14 équipe pour atteindre cet objectif.

15 Voilà donc les derniers commentaires que je voulais vous faire

16 en guise de résumé.

17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Brigadier général,

18 Monsieur le Président, si vous le voulez bien, permettez-moi un petit

19 aparté.

20 M. le Président. - Pas d'autre question, Monsieur Kehoe ?

21 M. Kehoe (interprétation). - Pas d'autre question, Monsieur le

22 Président.

23 M. le Président. - Versement des pièces ?

24 M. Kehoe (interprétation). - Oui, 378 à 389.

25 M. le Président. - Pas d'objection et pas d'observation ?

Page 9280

1 M. Hayman (interprétation). - Quelques remarques tout de même en

2 ce qui concerne la pièce 380. C'est une déclaration précédente de l'accusé

3 dans une espèce de reportage un peu obscur que je n'ai jamais vu. Cela n'a

4 jamais été fourni à la défense et nous faisons objection. Nous n'avons pas

5 reçu ce texte et ceci en violation de la règle 66(A).

6 M. Kehoe (interprétation). - Cela vous a été remis.

7 M. Hayman (interprétation). - Alors, donnez-nous le numéro de

8 contrôle et nous confirmerons.

9 M. le Président. - Vous réglerez cela entre vous. En ce qui

10 concerne le Tribunal, pour l'instant, cette pièce a été identifiée par le

11 témoin et donc admise comme pièce à conviction. S'il s'avérait que

12 l'accusation ne l'avait pas eue, nous le verrions plus tard.

13 Contre-interrogatoire, Maître Hayman ?

14 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'avais

15 quelques commentaires sur les pièces 386 et 387, 388 et 389 qui ont été

16 identifiées comme ayant été présentées par le témoin. A ma connaissance,

17 et le conseil me corrigera, nous ne les avons pas reçues précédemment.

18 Nous venons de recevoir ces pièces, ce qui est contraire à la

19 règle 66(A). Les pièces doivent être fournies dès que possible. Si la

20 question est de savoir si l'accusation disposait de ces pièces avant

21 l'interrogatoire, elle devait nous les fournir et ne pas les garder

22 pendant une heure, un jour, une semaine ou deux semaines même, ceci pour

23 gagner un avantage tactique. Je n'ai même pas pu lire ces différents

24 textes. Je peux le faire au cours de la pause déjeuner, bien entendu, mais

25 je crois qu'il y a eu tellement de violations qu'il faut tout de même

Page 9281

1 tirer la ligne à un moment donné, si on nous exclut de la réception de

2 certains documents.

3 M. Kehoe (interprétation). - La déclaration du brigadier d'un

4 camp a été fournie à la défense et les différentes pièces sont attachées à

5 la déclaration.

6 M. Hayman (interprétation). - Ces documents, ces rapports, que

7 le témoin a dit avoir acquis ne nous ont pas été remis. Peu m'importe si

8 on en parle en référence dans d'autres documents, je voudrais savoir si

9 vous les avez fournis à la défense.

10 M. Kehoe (interprétation). - A ma connaissance, les documents

11 qui ont été annexés à cette déclaration ont été fournis à la défense,

12 accompagnant la déclaration elle-même.

13 M. le Président. - Pour l'instant, le Tribunal considère que ces

14 documents sont importants. Il ont été identifiés par le témoin et ils

15 seront en principe versés comme pièces à conviction. Nous n'allons pas

16 reprendre ces problèmes à chaque fois qu'il y a des déclarations de

17 témoins. Il est tout à fait normal que la défense ait le maximum de

18 documents. Il faut encore distinguer 66(A) et 66(B). Nous n'allons pas

19 refaire la décision que nous avions prise il y a plusieurs mois. Nous

20 sommes dans la 66(A). Doivent normalement être communiquées à la défense

21 toutes les pièces jointes à l'acte d'accusation. Je suppose qu'il ne

22 s'agit pas de ces pièces qui ne devaient pas être jointes, à l'époque, à

23 l'acte d'accusation, n'est-ce pas Maître Kehoe ?

24 Je répète l'article 66(A)(i) : Doivent normalement être jointes

25 à la déclaration du témoin les pièces qui étaient déjà jointes au moment

Page 9282

1 de l'acte d'accusation. Alors s'agissait-il d'une déclaration du témoin au

2 sens de l'article 66(A)(ii) ? Je vous rappelle que c'est soixante jours au

3 plus tard avant la date fixée du début du procès que doivent être

4 communiquées les copies et déclarations de tous les témoins que le

5 Procureur entend citer à l'audience.

6 S'agissait-il d'une déclaration du témoin ?

7 Monsieur Olivier Fourmy, avez-vous votre point de vue sur la question ?

8 M. Fourmy. - Cette appréciation relève bien évidemment de la

9 Chambre. Il me semble néanmoins, si j'ai bien compris, que les pièces

10 visées par la défense qui sont en l'espèce les pièces 386 à 389 sont des

11 rapports qui auraient été écrits par le Brigadier général Duncan à

12 l'époque, ce qui, de mon point de vue, ne paraît pas nécessairement

13 constituer des déclarations au sens de l'article 66, ces déclarations

14 consistant normalement en la teneur des documents qui sont pris par le

15 Procureur lorsqu'il entend les témoins et qui sont éventuellement

16 communiqués à la défense lorsque le Procureur entend présenter ces témoins

17 à l'audience.

18 Je ne suis donc pas certain qu'on puisse considérer ces rapports

19 sur les opérations de la commission rédigés à l'époque comme des

20 déclarations au sens de l'article 66(A)(ii).

21 M. le Président. - Merci. La déclaration du témoin vous avait

22 donc été fournie, Maître Hayman.

23 M. Hayman (interprétation). - Si ces documents étaient fournis,

24 eh bien donnez-nous la lettre de couverture avec les références. Je

25 m'excuse auprès de l'accusation. Si c'était le cas, si nous n'avions pas

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1 reçu ces documents, je veux qu'ils soient versés et pour que ce soit tout

2 à fait clair, qu'on dise qu'on ne nous a pas fourni ces documents en temps

3 voulu.

4 M. Kehoe (interprétation). - J'ai consulté mon collègue. La

5 déclaration n'a pas été fournie. J'avais tort de dire qu'elle avait été

6 produite. On vient de me signaler, de la bouche de mon collègue, que les

7 quatre comptes rendus des réunions du commandement conjoint n'avaient, en

8 fait, pas été communiqués.

9 M. le Président. - Eh bien ils sont communiqués aujourd'hui.

10 Je vous rappelle également qu'on peut les considérer comme des

11 documents au titre de l'article 66(B), mais, Maître Hayman, vous avez

12 effectivement mis l'article 66(B) dans l'hypothèse où vous n'aviez pas

13 vous-même introduit la réciprocité.

14 Ces pièces sont pour l'instant versées comme pièces à

15 conviction. Il n'est pas question pour le Tribunal de se passer de ces

16 documents. Par contre, si vous aviez besoin d'éléments complémentaires par

17 la suite, on rouvrirait le débat autour de ces documents, mais il s'agit

18 normalement de documents de l'article 66(B). Vous n'avez pas introduit la

19 requête vous permettant de tomber dans l'article 67(C). Je n'y peux rien,

20 c'est votre choix stratégique. Nous tournons autour de cela depuis le

21 début du procès. Nous sommes, pour l'instant, dans l'article 66 que je

22 vais relire une dernière fois.

23 "66(A) : Dans les trente jours, avoir toutes les pièces jointes

24 à l'acte d'accusation." Si le Procureur manque à cette obligation, je la

25 lui rappellerai. Dans les soixante jours, le Procureur doit vous

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1 communiquer la déclaration des témoins. La déclaration des témoins vous a

2 été communiquée.

3 Restent les documents. Nous devons décider des documents point

4 par point, d'après notre décision. A chaque fois qu'il y a un document, je

5 constate qu'il y a une discussion et une interprétation byzantine et

6 exégétique de tous ces problèmes. Les juges ont le droit et le devoir

7 d'avoir tous les documents leur permettant de faire la vérité dans le

8 procès Blaskic. Je ne peux rien si ces documents font partie de

9 l'article 66(B).

10 L'article 66(B) doit se référer à l'article 67(C). C'est là la

11 difficulté. Vous avez choisi cette stratégie et c'est votre droit. Cela

12 introduit effectivement des difficultés d'interprétation. Cela étant, la

13 Chambre a le devoir de respecter un contradictoire absolu. Pour l'instant,

14 vous discuterez -ou vous ne discuterez pas- sur ces documents dans votre

15 contre-interrogatoire. Si vous aviez besoin d'éléments complémentaires par

16 la suite, soit nous ferons revenir le témoin -mais personne ne se plaindra

17 si le procès dure longtemps-, soit nous discuterons, nous rouvrirons le

18 débat autour de ces documents. Le Tribunal, lui, arrive quand même à lire

19 ces documents. Je vous rappelle, de surcroît, qu'on me les communique en

20 anglais et que je n'en fais pas une histoire. Pour l'instant, nous

21 discutons. Veuillez commencer le contre-interrogatoire.

22 Nous ne pouvons pas passer notre temps dans ces guerres de

23 tranchées à propos des documents qui sont versés comme pièces à

24 conviction. J'appartiens à des juridictions nationales, et maintenant

25 internationales, où les Juges ont le droit et le devoir de s'appuyer sur

Page 9285

1 des documents fournis, soit par l'accusation, soit par la défense. Cette

2 histoire est extravagante.

3 Je regrette, il s'agit de documents de l'article 66(B). Si vous

4 avez besoin de renseignements complémentaires et d'affiner votre enquête à

5 partir de ces documents, c'est votre droit absolu et ce droit vous sera

6 donné mais, de grâce, ne nous plaignons pas que le procès dure longtemps.

7 Nous passons maintenant au contre-interrogatoire. Je considère

8 que l'incident est clos. Maître Hayman, si vous ne pouvez pas discuter sur

9 ces documents, c'est votre droit le plus absolu mais, pour l'instant, ils

10 sont versés.

11 M. Hayman (interprétation). - Je devrais en prendre connaissance

12 avant de vous dire s'il me faut davantage de temps et éventuellement

13 rappeler le témoin pour poursuivre notre enquête.

14 M. le Président. - Nous rappellerons le témoin si vous voulez,

15 et nous en serons encore au procès Blaskic dans deux ans ! Et que personne

16 ne se plaigne ! Qu'on ne dise surtout pas que c'est le problème des Juges.

17 Je sais aussi bien qu'un autre, ce qu'est, dans une juridiction nationale,

18 le contradictoire et les droits de l'accusé.

19 Alors abordons maintenant votre contre-interrogatoire et vous

20 étudierez vos documents quand vous le souhaiterez.

21 Je constate pour l'instant que ces pièces ont été identifiées

22 par le témoin conformément à la jurisprudence de la Chambre, et qu'elles

23 sont donc, a priori, des pièces à conviction.

24 Quant à la communication, je constate et j'en prends note -c'est

25 marqué dans le compte rendu-, qu'elle n'est pas communiquée par

Page 9286

1 l'accusation, elle tombe dans la notion de document. Vous nous le direz

2 dans quelques jours.

3 Simplement, Monsieur le Greffier, vous ferez quand même le

4 décompte.

5 Depuis le 23 juin 1997, nous avons un nombre considérable de

6 points en suspens concernant les échanges de pièces. Nous consacrerons

7 parfois une journée entière à régler le problème des pièces à conviction.

8 Simplement, dépêchons-nous, car les Juges, à un moment donné, auront aussi

9 besoin de délibérer sur ces pièces et de savoir si elles sont dans le

10 cadre du contradictoire.

11 Nous avons perdu, bien entendu, un quart d'heure. Maintenant le

12 contradictoire commence.

13 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

14 Bonjour Monsieur le brigadier général Duncan. Lorsque vous êtes arrivé sur

15 le théâtre des opérations en mai 1993, pourriez-vous dire comme moi que le

16 HVO n'était pas une armée qu'on pourrait qualifier d'équivalente à celle

17 des nations modernes, à une armée équipée de manière moderne et

18 technologique ?

19 M. Duncan (interprétation). - C'était une armée différente, qui

20 opérait dans un système différent. Mais, en termes généraux, c'étaient des

21 troupes de combat soutenues par de l'artillerie, des troupes arrière, une

22 structure de commandement. C'était, en fait, très similaire à toute armée

23 de par le monde.

24 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous les décrire comme

25 étant plutôt une armée de milice, tant le HVO que la BiH, à l'époque où

Page 9287

1 vous êtes arrivé ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui, mais je savais également

3 qu'il y avait un code complet de discipline militaire qui soutenait le

4 HVO, publié par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, qui détaillait

5 vraiment tout, jusqu'au processus disciplinaire. C'est tout de même le

6 signe d'une armée développée.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous répondez à des questions que

8 je ne pose pas encore.

9 M. Kehoe (interprétation). - Si le conseil a une objection à la

10 réponse du témoin, cette objection doit être dirigée vers nous. Le conseil

11 doit poser des questions simples au témoin.

12 M. Hayman (interprétation). - J'essaie d'accélérer et de

13 demander au témoin de répondre précisément à mes questions et au plus

14 vite. J'en aurais ainsi fini avec mon contre-interrogatoire.

15 Etes-vous d'accord pour dire que les brigades du HVO étaient

16 basées territorialement ?

17 M. Duncan (interprétation). - C'étaient des brigades

18 territoriales mais également de manoeuvre.

19 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des brigades de

20 manoeuvre ? Y avait-il uniquement des brigades territoriales du HVO au

21 cours de votre mandat sur le théâtre de la Bosnie centrale en 1993 ?

22 M. Duncan (interprétation). - Pouvez-vous répéter ?

23 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il uniquement des brigades

24 territoriales au cours de votre mandat et pas d'autres types de brigades ?

25 Je parle bien des brigades.

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1 M. Duncan (interprétation). - Il n'y avait que des brigades

2 territoriales, en effet.

3 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous m'expliquer la

4 différence entre une brigade territoriale et une brigade de manoeuvre ?

5 M. Duncan (interprétation). - Absolument. La différence est que,

6 dans un scénario de défense, il faut des forces qui défendent certaines

7 petites zones bien définies afin de donner un cadre de défense. Pour

8 boucher les trous, si vous voulez, ou apporter des renforts ou contre-

9 attaquer, il faut des unités de manoeuvre à l'intérieur qui viennent

10 compléter les brigades. On ne peut pas faire de la défense sans

11 combinaison de manoeuvres et de brigades qui détiennent le territoire.

12 M. Hayman (interprétation). - Dans ces brigades territoriales,

13 vous avez des personnels qui sont recrutés sur place...

14 M. Duncan (interprétation). - Par définition, oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Les personnes qui font partie de

16 ces brigades vivent-elles chez elles, dans leur maison, et pas dans des

17 casernes,?

18 M. Duncan (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Par définition, elles ont leur

20 uniforme à la maison, les armes sont à la maison aussi ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Est-il vrai également que ces

23 soldats des brigades du HVO servent de manière continue pendant un certain

24 nombre de jours, et qu'ils ont ensuite une période de congé chez eux ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est de cette façon que cela

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1 se passe.

2 M. Hayman (interprétation). - Lorsqu'ils n'étaient pas de garde,

3 ces gens s'occupaient de leur jardin, cultivaient, avaient des activités

4 économiques ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui.

6 M. Hayman (interprétation). - En fait, ceci était nécessaire, de

7 sorte que la population puisse survivre et survenir à ses besoins ? Toute

8 la population ne devait pas être en service militaire à temps plein, sinon

9 on ne peut plus cultiver, etc.?

10 M. Duncan (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Est-ce pareil dans une armée

12 professionnelle moderne ? Dans votre armée, par exemple, est-ce que vos

13 soldats vivent chez eux lorsqu'ils sont en mission ?

14 M. Duncan (interprétation). - Si leur maison est tout prêt, ils

15 peuvent le faire.

16 M. Hayman (interprétation). - Et en temps de guerre ?

17 M. Duncan (interprétation). - En temps de guerre, non.

18 M. Hayman (interprétation). - Ils se trouvent dans des

19 casernes ?

20 M. Duncan (interprétation). - Oui, dans des casernes. Mais il

21 faut définir le temps de guerre. Je vais l'expliquer : si on parle de

22 menace directe pesant sur votre pays et que votre propre territoire est

23 menacé, oui, en effet, ils pourraient éventuellement être...

24 M. Hayman (interprétation). - Mais normalement, si une armée est

25 assez développée, les troupes sont dans des casernes de sorte qu'elles

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1 puissent tout de suite être activées, et très rapidement. On n'a donc pas

2 à téléphoner ou à envoyer un messager pour avertir chaque soldat du fait

3 qu'il doit se retrouver à un certain endroit ?

4 M. Duncan (interprétation). - Cela dépend comment vous organisez

5 la défense. Dans certains pays, on préfère garder ses soldats dans la

6 caserne et les déployer à l'avant pendant un certain temps, et d'autres

7 pays, comme la Norvège et la Suisse, ont leurs forces déployées dans leurs

8 foyers, chez eux, ce qui est tout à fait normal. Ces pays ont tout de même

9 des moyens de communication extrêmement efficaces pour faire appel à leurs

10 soldats quand c'est nécessaire.

11 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mandat, avez-

12 vous pu remarquer que le colonel Blaskic donnait assez fréquemment des

13 ordres qui n'étaient pas suivis ? Et vous accompagniez donc vous-même le

14 colonel Blaskic à tel et tel endroit pour qu'il parle aux soldats HVO qui

15 suivaient ensuite l'ordre ? Vous êtes-vous rendu compte que cela s'est

16 passé à plusieurs reprises au cours de votre mandat ?

17 M. Duncan (interprétation). - Cela s'est passé à plusieurs

18 reprises.

19 M. Hayman (interprétation). - Venons-en aux ordres de bataille.

20 Peut-on les fournir au témoin ? Il s'agit des pièces 378 et 379. Pendant

21 qu'on vous les donne et pour faire avancer les choses, pouviez-vous vous

22 déplacer et aller voir les troupes dont vous étiez le commandant, à Tuzla

23 et Gornji Vakuf, dans votre véhicule blindé appelé le Warrior ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui. Parfois, je ne pouvais pas

25 passer.

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1 M. Hayman (interprétation). - Mais, normalement, vous pouviez

2 passer avec ce véhicule et vous aviez des moyens protégés de communication

3 avec ces troupes ?

4 M. Duncan (interprétation). - Nous n'avions pas de moyens

5 protégés de communication, cela faisait partie de l'ONU.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous n'aviez pas besoin de moyens

7 sécurisés ?

8 M. Duncan (interprétation). - Il n'y avait pas de chiffrement.

9 M. Hayman (interprétation). - Mais vous aviez des équipements de

10 communication modernes qui vous permettaient de communiquer avec vos

11 troupes à Tuzla et Gornji Vakuf.

12 M. Duncan (interprétation). - C'était de la vieille technologie

13 des années 50, mais cela marchait quand même bien.

14 M. Hayman (interprétation). - Vous aviez des officiers à Tuzla

15 et à Gornji Vakuf qui avaient également une formation de l'académie

16 militaire et, par leur biais, vous pouviez contrôler vos forces ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Si vous avez maintenant devant

19 vous les pièces 378 et 379, je voudrais vous demander si vous savez de

20 quand cela date. Quand a-t-on fait cela ? Ceci reflète la position de la

21 situation à un moment précis. Pouvez-vous nous dire de quand cela date ?

22 M. Duncan (interprétation). - La 378 m'a été fournie à mon

23 arrivée par mon officier d'information militaire qui était lui-même arrivé

24 quelques mois avant moi et qui avait travaillé avec l'unité précédente.

25 C'est lui qui a fait ces diagrammes. Je reconnais son écriture.

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1 M. Hayman (interprétation). - C'était donc vers la mi-mai, à peu

2 près, de 1993 ?

3 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est à peu près cela... Oui,

4 c'est cela, début ou mi-mai.

5 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous répondre également ?

6 En avez-vous fini avec la pièce 378 ?

7 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela, en mai. Je l'ai

8 reçue dès que suis arrivé.

9 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous de quand la cour et les

10 parties doivent dater la pièce 379 ?

11 M. Duncan (interprétation). - La pièce 379 date de juin. Vous

12 voyez un événement daté du 14 juin en bas à droite. On peut donc supposer

13 que ce document m'a été fourni par mon officier d'information à la mi-juin

14 à peu près pour refléter la situation telle qu'elle se présentait à

15 l'époque.

16 M. Hayman (interprétation). - Si je vous comprends bien, si on

17 compare les pièces 378 et 379 -je ne sais pas si vous pouvez les placer

18 sur le rétroprojecteur toutes les deux ensemble pour voir de quoi il

19 s'agit-, disons qu'entre ces deux dates, entre le début mai et le 14 juin,

20 on voit que les deux brigades du HVO à Travnik ont disparu (vous voyez

21 cela à gauche du diagramme). C'est bien cela ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Que s’est-il passé ?

24 M. Duncan (interprétation). - Soit elles avaient été battues au

25 cours de la bataille ou bien le territoire avait été conquis et ces

Page 9293

1 brigades territoriales ont donc été dissoutes et réintégrées dans une

2 autre structure.

3 M. Hayman (interprétation). - Travnik a-t-elle été capturée par

4 la Bosnie-Herzégovine au cours de votre mandat ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet.

6 M. Hayman (interprétation). - Alors nous voyons que la brigade à

7 Zenica, qui se trouve au deuxième niveau de ces cases... La deuxième case

8 de gauche est barrée dans la pièce 379. Que s'est il passé concernant

9 cette brigade du HVO à Zenica ?

10 M. Duncan (interprétation). - Je crois que le commandant qui

11 s'appelait Totic a été emprisonné et les forces du HVO à Zenica ont dû

12 quitter la zone puisqu'elle était contrôlée par la BIH.

13 M. Hayman (interprétation). - Ils ont été attaqués par la BIH ?

14 M. Duncan (interprétation). - En effet, d'où cette croix qui

15 supprime cette brigade de l'ordre de bataille.

16 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à droite de la

17 pièce 379 ; il y a une case "Kakanj HVO" qui est également biffée sur la

18 pièce 379. Que s'est-il passé à cette brigade Kakanj ?

19 M. Duncan (interprétation). - Cette brigade de Kakanj a été,

20 soit battue, soit déplacée de la zone de Kakanj. C'est pourquoi elle a été

21 dissoute. Et vous voyez cela indiqué par la croix.

22 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mandat, est-ce

23 que la brigade de Vares qu'on retrouve sur la pièce 378 et 379, et la

24 Brigade de Bobovac qui est à peu près au milieu du diagramme. Cette

25 brigade a-t-elle également disparu ? Est-elle tombée ?

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1 M. Ducan (interprétation). - Oui, en effet.

2 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais vous poser une

3 question sur la Brigade du HVO à Sarajevo : savez-vous ce qu'il est advenu

4 de cette brigade ?

5 M. Duncan (interprétation). - Non, c'était en dehors de ma zone

6 de responsabilité, je ne couvrais pas Sarajevo ; c'est pourquoi je ne sais

7 pas ce qui lui est arrivé.

8 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si le colonel Blaskic

9 avait quelques moyens de communication que ce soit avec les brigades du

10 HVO à Sarajevo ?

11 M. Duncan (interprétation). - Personnellement, je ne le sais

12 pas.

13 M. Hayman (interprétation). - S'il n'en disposait pas...

14 M. Duncan (interprétation). - Spéculations...

15 M. Hayman (interprétation). - Acceptez-vous le fait qu'il serait

16 impossible pour un commandant d'être au courant des événements en pleine

17 mutation sur le terrain, de pouvoir commander véritablement et de

18 contrôler ses forces si ce commandant ne dispose pas d'informations

19 concernant l'état de la situation dans un lieu tel que celui-là ?

20 M. Duncan (interprétation). - Tout dépend du niveau de

21 commandement. Au niveau tactique, au niveau du terrain, vous allez donner

22 des ordres régulièrement mais, à un niveau plus élevé, vous donnez

23 seulement des ordres à certains intervalles parce qu'il y a des

24 commandants sur le terrain qui ont une certaine discrétion. Vous donnez

25 des ordres qui sont des directives, vous devez faire ceci ou cela, et vous

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1 permettez au commandant ensuite d'exercer son pouvoir de commandement dans

2 le cadre de ces directives. Il n'y a aucune demande de vérification

3 quotidienne. Cela l'écarterait en quelque sorte de sa mission essentielle.

4 M. Hayman (interprétation). - En tant que commandant, pourriez-

5 vous traiter de choses pour lesquelles vous n'avez pas les informations

6 suffisantes pour véritablement diriger ?

7 M. Duncan (interprétation). - Vous traitez de choses qui ne vous

8 regardent pas parce que vous êtes à un autre niveau. C'est ce que je veux

9 dire. Sur le plan professionnel, c'est comme cela que les soldats

10 travaillent.

11 M. Hayman (interprétation). - Vous nous dites que, sur la zone

12 d'opération, la direction que le commandant peut fournir à une brigade de

13 Sarajevo consistait à coopérer avec l'armée de Bosnie-Herzégovine au mieux

14 de ses capacités ? "Faites-le mieux que vous pouvez". C'est ce style de

15 directive-là ?

16 M. Duncan (interprétation). - C'est assez insuffisant comme

17 directive, d'après moi. Nous parlons de spéculations ici et, donc, au

18 niveau de ces spéculations, cela me paraît insuffisant.

19 M. Hayman (interprétation). - Cela dépend des informations que

20 le commandant du niveau supérieur reçoit ?

21 M. Duncan (interprétation). - Il y a des limites aux paramètres.

22 Vous devez faire X, Y et Z avec telles et telles forces, et vous faites

23 rapport dans les circonstances suivantes. Vous avez donc une directive qui

24 couvre l'étendue du commandement, les limites et la direction dans

25 laquelle les choses doivent se faire. Ces directives doivent être assez

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1 complètes. C'est ce qu'un commandement de zone opérationnelle veut dire.

2 M. Hayman (interprétation). - Permettez-moi de vous demander

3 ceci : vous êtes d'accord pour dire que l'enclave de Vitez et de Busovaca

4 était, en fait, coupée de l'enclave de Kiseljak par l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine au cours de votre mandat ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Et, dès lors, que les

8 communications entre ces deux enclaves -en laissant de côté pour l'instant

9 les transports de l'ONU- fonctionnaient par radio, fax, téléphone... enfin

10 ce genre de choses ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des problèmes dans la

13 poche de Vitez concernant la fourniture d'électricité pour faire tourner

14 des radios, etc. ? L'électricité était-elle parfois coupée ?

15 M. Duncan (interprétation). - En effet, elle était parfois

16 coupée et contrôlée, d'ailleurs, par les forces locales qui pouvaient

17 éteindre, fermer et rouvrir l'électricité.

18 M. Hayman (interprétation). - Pendant des périodes assez

19 longues, il n'y avait donc pas d'électricité du tout dans l'enclave de

20 Vitez ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui. Puis-je nuancer cependant ?

22 On a souvent des systèmes de secours, on a des générateurs.

23 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mandat, vous

24 avez eu connaissance du fait qu'il n'y avait pas suffisamment de batteries

25 pour faire fonctionner les radios militaires, dans l'enclave de Vitez par

Page 9297

1 exemple, au moment où, justement, il y avait des coupures d'électricité.

2 Ne l'avez-vous pas su ?

3 M. Duncan (interprétation). - J'ai su que la population n'avait

4 pas de batteries, mais j'ai vu des officiers avec des radios qu'ils

5 tenaient dans la main, des Motorola.

6 M. Hayman (interprétation). - Cela ne pouvait pas vous permettre

7 de communiquer avec Kiseljak ?

8 M. Duncan (interprétation). - Il y avait des systèmes de relais

9 sur les collines qui permettaient de communiquer. Il y avait des systèmes

10 à répétition avec des relais ; des systèmes civils qui avaient été

11 adaptés. Il était facile de couvrir des distances, même assez longues.

12 M. Hayman (interprétation). - Où se trouvaient ces répétiteurs

13 entre Kacuni et Bilalovac ?

14 M. Duncan (interprétation). - Il faudrait que vous le montriez

15 sur la carte parce que je ne m'en souviens pas, mais il y avait un système

16 efficace qui fonctionnait sur place.

17 M. Hayman (interprétation). - Supposez-vous qu'il fonctionne

18 ainsi où bien avez-vous vu ce système ?

19 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai pas vu le système mais

20 j'ai vu des gens qui communiquaient avec des talkies-walkies.

21 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant à votre réunion

22 de mai 1993 avec le colonel Blaskic. C'était votre première réunion avec

23 lui, n'est-ce pas, ou bien l'aviez-vous déjà rencontré ?

24 M. Duncan (interprétation). - Je n'en suis pas convaincu mais je

25 crois que le 9 mai était la date de la réunion au cours de laquelle on m'a

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1 officiellement présenté, par l'intermédiaire du colonel Stewart, au

2 colonel Blaskic.

3 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que M. Kordic était

4 également présent. Que portait-il ?

5 M. Duncan (interprétation). - Il portait un uniforme militaire.

6 Il ne portait pas d'insigne ni de grade.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il été présenté comme

8 ayant un grade particulier ?

9 M. Duncan (interprétation). - On m'a dit que c'était

10 Dario Kordic tout simplement. On m'a fait comprendre que c'était un

11 colonel, en tout cas qu'il avait le statut de colonel.

12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé du colonel Blaskic

13 et vous l'avez qualifié de commandant et non de colonel à l'époque. Y a-t-

14 il une raison à cela ?

15 M. Duncan (interprétation). - Je pensais qu'étant commandant de

16 la région, c'était une façon polie de m'adresser à lui.

17 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous conclu qu'il avait

18 également des responsabilités, dans la zone de responsabilité que vous

19 occupiez, qu'un colonel n'aurait pas eu, et qu'il était comparable, dans

20 le cadre de sa zone de responsabilité, au commandant du 3ème Corps d'armée

21 qui, lui, était colonel ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois qu'il n'y a aucun

23 problème à dire cela. En temps de guerre, les gens reçoivent des

24 promotions. Par exemple, mon père était major, il était lieutenant-colonel

25 local, et il est devenu colonel et brigadier général. Son rang ou son

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1 grade est resté le même, mais ses responsabilités sont devenues plus

2 importantes.

3 M. Hayman (interprétation). - D'accord. Alors, si je dis que le

4 colonel Blaskic était colonel avec les responsabilités d'un général, j'ai

5 raison étant donné que c'était en temps de guerre, n'est-ce pas ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Au cours de cette réunion du

8 9 mai, est-il exact de dire que le colonel Stewart, que vous avez

9 accompagné à cette réunion, a dit au colonel Blaskic : "Vous êtes

10 responsable d'Ahmici" ? En tout cas, il a proféré des accusations.

11 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est exact.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire que le

13 colonel Blaskic a dit : "Je n'ai pas ordonné et je n'ai pas lancé ce type

14 de crime à Ahmici, je n'ai rien fait de tout cela" ? Il a dit cela, n'est-

15 ce pas ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - A-t-il dit également : "Mes

18 soldats n'ont pas été impliqués dans les événements d'Ahmici" ?

19 M. Duncan (interprétation). - Je crois, oui.

20 M. Hayman (interprétation). - On vous a montré la

21 retranscription d'une interview -en tous cas une partie d'une interview-

22 qui semble avoir été publiée dans un journal ou dans un magazine -mon

23 collègue me le dit parce que la date n'a, en fait, pas été traduite dans

24 la traduction anglaise-, le 5 octobre 1993. Peut-on fournir la pièce 380

25 au témoin, s'il vous plaît ?

Page 9300

1 (L'huissier s'exécute.)

2 Etiez-vous présent lorsque cette interview a été recueillie ?

3 M. Duncan (interprétation). - Non.

4 M. Hayman (interprétation). - La totalité de l'entrevue a-t-elle

5 été traduite pour vous ou n'avez-vous obtenu que ce dont nous disposons ?

6 M. Duncan (interprétation). - Que ce dont nous disposons.

7 M. Hayman (interprétation). - En temps de guerre, général, est-

8 il normal qu'une force militaire partage des informations plus ou moins

9 confidentielles avec les médias ou avec des organisations internationales,

10 ou bien une organisation militaire doit-elle conserver des informations

11 confidentielles et maintenir leur statut d'informations confidentielles ?

12 M. Duncan (interprétation). - Il est normal qu'un général fasse

13 des rapports aux médias. J'ai moi-même écrit un article sur ce point et je

14 me suis beaucoup occupé des relations avec les médias dans le cadre de

15 l'armée britannique. Il est tout à fait normal qu'un général exprime

16 certaines opinions qui viennent expliquer la situation dans laquelle vous

17 vous trouvez et qui donnent une image favorable de ce que vous faites, de

18 la mission que vous êtes en train d'accomplir.

19 M. Hayman (interprétation). - En fait, cela fait partie des

20 missions d'un commandant militaire. Il faut faire preuve de force, d'un

21 sens du contrôle et d'une possibilité de succès, n'est-ce pas ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Ces tâches existent dans le cadre

24 des rapports avec les médias et avec des instances tierces, n'est-ce pas ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui, mais il faut parfois

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1 expliquer lorsque la situation tourne mal, parce que vous risquez d'en

2 être tenu pour responsable. On vous demandera des comptes, c'est normal.

3 M. Hayman (interprétation). - Dans cette traduction anglaise

4 partielle de la pièce 380, le colonel Blaskic dit d'ailleurs que la

5 volonté et la détermination du peuple croate dans ces zones a mené à une

6 défense forte, et il a ajouté : "Vares et la catégorie des différents

7 endroits déjà cités". Est-ce que vous voyez ce passage ?

8 M. Duncan (interprétation). - Laissez-moi vérifier, s'il vous

9 plaît... De quelle ligne parlez-vous ?

10 M. Hayman (interprétation). - De la sixième ligne à partir d'en

11 haut, sur la première page de la traduction anglaise partielle.

12 M. Duncan (interprétation). - Oui, je trouve Vares

13 effectivement.

14 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, Vares était tombée

15 en un mois et la brigade du HVO avait été dissoute, n'est-ce pas ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Fojnica était déjà tombée en

18 octobre ou vous ne vous en souvenez pas ? Nous trouvons Fojnica dans la

19 première ligne de la page 1.

20 M. Duncan (interprétation). - Je ne m'en souviens plus

21 exactement, mais je sais qu'elle a fini par tomber parce que nous avons dû

22 travailler avec l'hôpital à ce moment-là.

23 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on contacté et vous a-t-

24 on demandé de fournir de l'aide parce qu'il manquait du personnel ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui. L'hôpital se trouvait sur la

Page 9302

1 ligne de front et le personnel de l'hôpital était parti. C'était une

2 situation très difficile. C'était un hôpital psychiatrique. Nous avons

3 fourni un certain nombre d'infirmières militaires et d'autres personnes

4 également qui sont venues travailler à l'hôpital.

5 M. Hayman (interprétation). - Qui a demandé de l'aide ?

6 M. Duncan (interprétation). - Je crois que c'était le colonel

7 Blaskic ou son quartier général.

8 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-il demandé d'apporter

9 votre aide parce que lui-même ne pouvait pas se rendre sur les lieux étant

10 donnée la situation ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui, il nous a demandé de l'aide

12 parce qu'il savait que nous avions suffisamment de personnes pour l'aider

13 et les moyens nécessaires.

14 M. Hayman (interprétation). - Et pas lui ?

15 M. Duncan (interprétation). - Non. Puis-je ajouter quelque

16 chose ? Il aurait eu le nombre de personnes nécessaires, mais était-il

17 prêt à les transférer à cet endroit ? Cétait beaucoup moins sûr.

18 M. Hayman (interprétation). - Au moment où vous avez été

19 contacté, l'hôpital se trouvait-il sur le territoire contrôlé par l'armée

20 de Bosnie-Herzégovine ?

21 M. Duncan (interprétation). - Non, il était juste au milieu.

22 M. Hayman (interprétation). - Tout juste sur la ligne de front ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela.

24 M. Hayman (interprétation). - Lorsque vous avez aidé à

25 l'hôpital, la Forpronu a-t-elle utilisé des véhicules blindés et d'autres

Page 9303

1 moyens qui étaient à sa disposition pour accomplir cette activité ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - Le 9 mai, après votre visite au

4 colonel Blaskic, vous êtes-vous rendu avec le colonel Stewart à Zenica

5 pour rendre visite à M. Hadzihsanovic ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois.

7 M. Hayman (interprétation). - Lors de cette visite, avez-vous

8 appris qu'il y avait encore 300 Croates emprisonnés à Zenica, même s'il

9 n'y avait pas de Musulmans en prison à Vitez ? Avez-vous appris cela au

10 cours de votre réunion avec le général Hadzihsanovic, le 9 mai 1993 ?

11 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, vous faites un

12 certain nombre de liens dans votre question. Je savais qu'il y avait des

13 Croates emprisonnés à Zenica, mais vous êtes en train de dire qu'il n'y

14 avait pas de Musulmans prisonniers à Vitez. Pourtant il y en avait.

15 M. Hayman (interprétation). - On vous a dit qu'il y en avait, ou

16 plutôt qu'il était connu par la Forpronu qu'il n'y avait plus de Musulmans

17 emprisonnés à Vitez ?

18 M. Duncan (interprétation). - Non. Il y avait une représentante

19 du HCR lors de cette réunion qui a eu lieu avec M. Blaskic, et elle se

20 plaignait du fait qu'il y avait encore des prisonniers musulmans à Vitez.

21 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous combien de prisonniers

22 croates étaient encore à Zenica, le 9 mai ?

23 M. Duncan (interprétation). - Non.

24 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le colonel

25 Blaskic disposait d'un quartier général bien équipé. Savez-vous combien

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1 d'officiers ayant suivi une éducation militaire étaient à sa disposition

2 dans le quartier général de la zone opérationnelle de Bosnie centrale,

3 officiers qui l'aidaient à gérer les différentes activités du quartier

4 général ?

5 M. Duncan (interprétation). - Non.

6 M. Hayman (interprétation). - Seriez-vous surpris d'apprendre

7 qu'il avait deux officiers à sa disposition ?

8 M. Duncan (interprétation). - Non, pas particulièrement.

9 M. Hayman (interprétation). - Combien d'officiers ayant reçu une

10 formation à l'académie militaire seraient utilisés par l'armée britannique

11 dans le cadre du quartier général d'un corps d'armée ou d'une zone de

12 responsabilité équivalente à celle de la zone opérationnelle de Bosnie

13 centrale ?

14 M. Duncan (interprétation). - Elle pourrait être couverte par

15 une brigade britannique. Si c'est une brigade territoriale, il y aurait le

16 commandant et le chef d'état-major. Seules deux personnes seraient des

17 personnes qui auraient suivi une formation de l'académie militaire.

18 M. Hayman (interprétation). - Et ceci en temps de guerre ? Ce

19 serait effectivement cela ?

20 M. Duncan (interprétation). - Mais je ne peux pas faire de

21 spéculations. Il faudrait essayer d'évaluer les risques, les missions, le

22 type de soldats à impliquer. Fallait-il des véhicules blindés, etc...

23 M. Hayman (interprétation). - Mais si vous aviez un quartier

24 général responsable de forces se trouvant dans six ou sept différentes

25 enclaves (Vares, Kakanj, Kiseljak, Krecevo, Fornica, Travnik, Zetce,

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1 Maglaj ainsi que Vitez et Busovaca), ne serait-il pas normal qu'une armée

2 moderne mette en place un commandement du quartier général ou d'état-

3 major, afin d'essayer de commander les différentes unités sur ces

4 enclaves ?

5 M. Duncan (interprétation). - Eh bien vous venez juste de

6 décrire les endroits où se trouvaient mes différents soldats et mes

7 différentes unités dans cette grande zone.

8 M. Hayman (interprétation). - Et vous aviez plus de deux

9 officiers ayant reçu une formation à l'académie militaire ?

10 M. Duncan (interprétation). - Mais que voulez-vous dire lorsque

11 vous parlez d'une formation à l'académie militaire ? Il y a deux choses

12 différentes : vous pouvez passer seize mois dans une académie militaire et

13 vous pouvez suivre une formation complète qui vous permettra d'arriver à

14 un statut professionnel.

15 M. Hayman (interprétation). - Je parle d'une formation complète

16 à l'académie militaire.

17 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas... Cela peut

18 dépendre. Cela peut aller entre dix-huit mois et seize semaines pour mes

19 officiers.

20 M. le Président. - Ces questions sont très spéculatives. J'ai

21 l'impression qu'on compare des choses qui ne sont pas du tout comparables.

22 Je vous ai laissé poursuivre les questions parce que je comprends très

23 bien ce que vous voulez en tirer, mais je crois qu'il convient peut-être

24 maintenant de passer à une autre question.

25 M. Hayman (interprétation). - Avec plaisir,

Page 9306

1 Monsieur le Président. Vous nous avez parlé d'une visite à Kiseljak au

2 cours de laquelle vous avez assuré le transport du colonel Blaskic dans un

3 véhicule armé, n'est-ce pas ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui.

5 Me Hayman (interprétation). -...Et vous nous avez donné la date

6 de cette visite. Une fois cette réunion terminée, pendant combien de temps

7 le colonel Blaskic a-t-il pu rester à Kiseljak avant d'être ramené en

8 véhicule blindé à Vitez ?

9 M. Duncan (interprétation). - Entre deux et trois heures.

10 M. Hayman (interprétation). - Et, par la suite, avez-vous à

11 nouveau participé à un autre voyage avec le commandant Blaskic ?

12 M. Duncan (interprétation). - Non.

13 M. Hayman (interprétation). - Le général Petkovic était à

14 Kiseljak, n'est-ce pas ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui.

16 Me Hayman (interprétation). - Comment est-il arrivé là ?

17 M. Duncan (interprétation). - Je n'en sais rien.

18 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous s'il a été transporté

19 par un véhicule armé des Nations Unies ?

20 M. Duncan (interprétation). - Je n'en sais rien.

21 M. Hayman (interprétation). - Au cours de l'automne 1993, le

22 colonel Blaskic vous a-t-il demandé de l'emmener à Kiseljak, afin qu'il

23 puisse assister aux funérailles de son père qui avait été tué par un

24 tireur isolé. ? Vous en souvenez-vous ?

25 M. Duncan (interprétation). - Je me rappelle avoir reçu une

Page 9307

1 demande du commandant Blaskic -je crois que c'était le 4 septembre- afin

2 qu'il soit transféré de la poche de Vitez ailleurs.

3 Nous en avons parlé lors d'une conversation privée.

4 Il n'y avait que son interprète qui était là. Je crois, qu'il

5 voulait, à ce moment-là, rendre visite à un de ses enfants qui était

6 malade.

7 C'est la raison qui m'a été donnée.

8 M. Hayman (interprétation). - En novembre, vous a-t-il demandé

9 d'être transporté par la Forpronu pour aller assister aux funérailles de

10 son père à la municipalité de Kiseljak, son père ayant été tué par un

11 tireur isolé ?

12 M. Duncan (interprétation). - Je ne m'en souviens plus.

13 Me Hayman (interprétation). - Cela figurait-il dans vos notes ?

14 M. Duncan (interprétation). - Ce n'est pas dans mes notes. Je me

15 souviendrais d'un événement tel que celui-là, mais je n'en ai aucun

16 souvenir.

17 M. Hayman (interprétation). - Passons maintenant au Convoi de la

18 Joie. Le Convoi de la Joie est arrivé en Bosnie centrale, dans la vallée

19 de la Lasva, le 10 juin 1993 environ, n'est-ce pas ?

20 M. Duncan (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - Décrivons donc ce convoi. Il était

22 constitué de 10 kilomètres de véhicules à peu près, n'est-ce pas ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - Nous parlons peut-être de

25 centaines ou de milliers de véhicules.

Page 9308

1 M. Duncan (interprétation). - Je dirais 300 véhicules environ.

2 M. Hayman (interprétation). - Ce n'était pas un convoi des

3 Nations Unies ou du HCR ?

4 M. Duncan (interprétation). - Non.

5 M. Hayman (interprétation). - C'était un convoi privé ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Et ce convoi se dirigeait vers

8 Tuzla, n'est-ce pas ?

9 M. Duncan (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Afin de fournir l'aide contenue

11 dans ce convoi à des Musulmans qui se trouvaient à Tuzla, n'est-ce pas ?

12 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.

13 M. Hayman (interprétation). - Et, à votre connaissance, le

14 contenu du convoi devait être livré aux autorités municipales de Tuzla

15 pour qu'il soit distribué ?

16 M. Duncan (interprétation). - C'est cela. C'est ce que j'ai bien

17 compris.

18 M. Hayman (interprétation). - La première fois que ce convoi a

19 été stoppé dans la vallée de la Lasva, où cela s’est-il passé ?

20 M. Duncan (interprétation). - Sur la route qui séparait

21 Novi Travnik et Gornji Vakuf ; une petite route étroite qui se trouve au

22 sud de Radicevici ou quelque chose comme cela, mais je n'en suis pas sûr.

23 M. Hayman (interprétation). - Saviez-vous, à l'époque, qu'il y

24 avait quelque 20 000 Croates de Bosnie réfugiés qui s'étaient repliés dans

25 cette zone ?

Page 9309

1 M. Duncan (interprétation). - Vous parlez de la poche de Vitez

2 ou de Novi Travnik ?

3 M. Hayman (interprétation). - Eh bien de Novi Travnik, de la

4 région qui se trouve au sud de Novi Travnik, à l'endroit où le convoi a

5 été arrêté pour la première fois.

6 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est possible. Vous êtes en

7 train d'impliquer que c'était dans Ravinovici* mais ce n'était pas à cet

8 endroit-là.

9 M. Hayman (interprétation). - Oui, mais il y avait des milliers

10 et des milliers de Croates de Bosnie déplacés qui se trouvaient autour de

11 l'endroit où ce convoi a été arrêté la première fois, n'est-ce pas ?

12 M. Duncan (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Et seriez-vous d'accord avec moi

14 pour dire....

15 M. le Président. - Quand la défense vous pose des questions,

16 vous vous tournez vers elle mais, pour les réponses, vous vous tournez

17 vers les juges, s'il vous plaît.

18 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, je suis désolé... Je

19 ne voulais pas offenser les juges.

20 M. Hayman (interprétation). - Et une grande partie de ces

21 personnes déplacées n'avaient-elles pas, ou très peu de moyens et

22 n'étaient-elles pas privées de nourriture ?

23 M. Duncan (interprétation). - Ces personnes avaient peu de

24 moyens. Elles étaient arrivées dans cette zone avec rien d'autre qu'un sac

25 en plastique, la plupart du temps. Je pense qu'il y avait suffisamment de

Page 9310

1 nourriture et je n'ai jamais vu personne mourir de faim en Bosnie

2 centrale, en tout cas pas comme ce que l'on voit aux informations, en

3 Afrique.

4 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

5 dire que la plupart de ces réfugiés avaient apparemment du mal à voir

6 passer un convoi de 10 à 11 kilomètres, traversant leur ville pour se

7 rendre vers des territoires musulmans, alors que rien du contenu de ce

8 convoi n'allait leur être distribué ?

9 M. Duncan (interprétation). - C'est effectivement une situation

10 difficile, mais les mêmes personnes qui se trouvaient là avaient déjà vu

11 passer tous les convois des Nations Unies qui avaient suivi ce même

12 itinéraire. C'était tout à fait normal. Il y avait beaucoup de camions

13 blancs ou colorés. Il y en avait tous les jours.

14 M. Hayman (interprétation). - Il y a eu également d'autres

15 problèmes avec d'autres convois.

16 M. Duncan (interprétation). - Oui. Mais chaque convoi qui

17 arrivait à ma zone de responsabilité a tout de même atteint sa destination

18 finale (je parle des convois des Nations Unies).

19 M. Hayman (interprétation). - La cassette de la BBC, que nous

20 avons visionnée, dit que les organisateurs du convoi savaient que ce

21 voyage allait être extrêmement dangereux et que cette zone-là était

22 particulièrement dangereuse. Etes-vous d'accord avec cela ? Etait-ce

23 effectivement une zone extrêmement dangereuse pour un convoi de ce type et

24 de cette envergure ?

25 M. Duncan (interprétation). - C'était l'opinion du journaliste

Page 9311

1 qui couvrait l'événement. C'était effectivement une zone dangereuse parce

2 que les Musulmans de Bosnie savaient que c'était une zone dangereuse. Ils

3 avaient passé un accord avec le gouvernement croate afin que ce convoi

4 puisse passer. J'ai vu des documents portant sur cet accord et ce convoi

5 devait effectivement pouvoir passer par ces territoires afin d'arriver à

6 sa destination.

7 M. Kehoe (interprétation). - Savez-vous qui a signé cet accord

8 ou qui a donné son accord ?

9 M. Duncan (interprétation). - Eh bien j'ai compris que c'était

10 Mate Boban qui avait signé cet accord.

11 M. Hayman (interprétation). - Et savez-vous si le colonel

12 Blaskic avait exprimé une opinion contraire au passage de ce convoi ?

13 Parce qu'il était très probable que ce convoi ne pourrait pas passer en

14 toute sécurité la vallée de la Lasva. Savez-vous s'il a dit quoi que ce

15 soit sur le Convoi de la Joie ?

16 M. Duncan (interprétation). - Je n'en sais rien.

17 M. Hayman (interprétation). - En juin, vous a-t-il dit qu'il ne

18 pourrait pas garantir la sécurité de ce convoi dans sa zone de

19 responsabilité parce qu'il y avait des dizaines de milliers de personnes

20 déplacées et d'éléments incontrôlables sur ce territoire ?

21 M. Duncan (interprétation). - Eh bien, il a dit qu'il y aurait

22 sûrement un certain nombre de difficultés et de problèmes si le convoi

23 devait passer dans cette zone à ce moment-là. C'était effectivement une

24 situation difficile.

25 M. Hayman (interprétation). - Je vais lire un passage de votre

Page 9312

1 déclaration au Bureau du Procureur, à la page 7. Vous faites référence au

2 21 juin...

3 M. le Président. - Maître Hayman, il s'agit toujours du problème

4 du Convoi ? Parce que je songe à la pause. Je préférerais qu'on termine

5 sur le problème du convoi mais, si c'est trop long, je préférerais qu'on

6 fasse la pause.

7 M. Hayman (interprétation). - Si je peux finir cette dernière

8 question, Monsieur le Président, je crois que nous en arriverons à un

9 point tout à fait approprié.

10 M. le Président. - D'accord. Merci.

11 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

12 Est-il exact, brigadier général, comme vous le dites dans votre

13 déclaration du milieu de la page 7, que, le 21 juin 1993, le deuxième JCM

14 (réunion du commandement conjoint) s'est tenu au camp de Vitez au cours

15 duquel le colonel Blaskic m'a dit qu'il serait incapable de garantir la

16 sécurité du convoi du HCR dans sa zone de responsabilité ? Est-ce exact ?

17 M. Duncan (interprétation). - Eh bien, si c'est dit dans ma

18 déclaration, c'est exact, oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai

20 terminé. Si le Procureur est prêt à reconnaître que cet extrait est bien

21 dans la déclaration du témoin. Je crois donc qu'il est temps de faire la

22 pause.

23 M. le Président. - Nous allons nous arrêter.

24 Je voudrais simplement revenir sur l'incident de tout à l'heure,

25 Maître Hayman. Je ne sais pas ce que vous ferez cet après-midi avec les

Page 9313

1 pièces 386 à 389. Vous êtes entièrement libre des intérêts de la défense

2 de votre client, mais je voudrais dire que si vous vous appuyez sur ces

3 quatre pièces dans votre contre-interrogatoire de cet après-midi, je les

4 considérerais comme identifiées par vous et désormais comme des pièces à

5 conviction. Vous avez la pause pour réfléchir. Si, par contre, vous

6 estimez que vous n'êtes pas prêt à les discuter, nous traiterons à ce

7 moment-là le problème différemment.

8 L'audience est suspendue.

9 L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à

10 14 heures 35.

11 M. le Président. - Faites entrer l'accusé, Monsieur l'huissier.

12 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience)

13 M. le Président. - Maître Hayman, poursuivez le contre-

14 interrogatoire, s'il vous plaît.

15 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

16 Monsieur le brigadier général, revenons au Convoi de la Joie.

17 J'ai encore quelques questions à vous poser sur ce sujet.

18 La première fois qu'on l'a arrêté, au sud de Novi Travnik, il se

19 trouvait dans la région de Puticevo. Est-ce que cela vous dit quelque

20 chose ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est le long de la route qui

22 va vers le sud.

23 M. Hayman (interprétation). - N'avez-vous jamais été sur le lieu

24 où le convoi a été arrêté ?

25 M. Duncan (interprétation). - Non.

Page 9314

1 M. Hayman (interprétation). - A la vidéo de la BBC que nous

2 avons vue, des images montraient des hommes en uniforme qui semblaient

3 passer à tabac un autre homme en civil. Pourriez-vous dire que les hommes

4 en uniforme n'étaient pas vêtus d'uniformes complets et tous leurs

5 équipements de combat ?

6 M. Duncan (interprétation). - En effet, ils ne portaient pas

7 d'équipement de combat. C'étaient des policiers militaires.

8 M. Hayman (interprétation). - N'était-il pas possible de dire, à

9 partir de ces photos, s'il s'agissait de soldats qui étaient soit en

10 mission, soit hors mission ? Peut-on faire la différence à partir de ces

11 photos ?

12 M. Duncan (interprétation). - Non. Mais quelle est la

13 pertinence ? Ce sont des soldats en uniforme. Ils sont en zone de guerre

14 et j'imagine qu'ils sont en mission.

15 M. Hayman (interprétation). - Je ne crois pas que ce soit à moi

16 de répondre à la question, j'aimerais bien, mais ce n'est pas à moi de le

17 faire.

18 M. le Président. - Ce n'est effectivement pas à vous de répondre

19 aux questions, c'est normal, mais si vous posez une question dont la

20 difficulté pour le témoin est soit de ne pas totalement la comprendre,

21 soit de sentir, à travers la question que vous posez, une conclusion que

22 vous allez déduire, il me paraît tout à fait normal que le témoin puisse

23 préciser, et il peut parfois avoir besoin de préciser, lui-même par une

24 question. Merci.

25 M. Hayman (interprétation). - Le Convoi de la Joie a-t-il été

Page 9315

1 arrêté une deuxième fois ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui, Monsieur. Il a complètement

3 été arrêté au contrôle de Vitez, juste avant le carrefour en T, à

4 l'extrémité orientale de la ville.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous êtes-vous rendu sur le lieu

6 où ce convoi était arrêté cette fois-là ?

7 M. Duncan (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous rencontré le général

9 Petkovic en ce lieu ?

10 M. Duncan (interprétation). - Non, Monsieur. J'ai rencontré le

11 général Petkovic à Radicevici où j'essayais justement de me déplacer vers

12 le sud pour voir ce qui se passait concernant l'incident dont vous venez

13 de parler (les personnes en uniforme, c'est de cet incident dont je

14 parle), mais une foule de femmes et d'enfants m'ont arrêté. C'était eux

15 qui bloquaient la route.

16 M. Hayman (interprétation). - En ce lieu, avez-vous demandé au

17 général Petkovic de faire quoi que ce soit ?

18 M. Duncan (interprétation). - Oui, je lui ai demandé son aide

19 pour pouvoir aller vers Radicevici où se trouvait le convoi, tout au moins

20 où semblait se produire ce problème de convoi, et il a refusé de me donner

21 quelque aide que ce soit.

22 M. Hayman (interprétation). - Le général Petkovic a-t-il parlé à

23 cette foule après que vous ayez demandé de l'aide pour passer à travers

24 cette barrière de civils croates ?

25 M. Duncan (interprétation). - En effet.

Page 9316

1 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous des informations sur ce

2 qu'il a dit ?

3 M. Duncan (interprétation). - Non, mais je dirais que la foule

4 avait l'air d'être satisfaite de ce qu'il disait.

5 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que le général Petkovic

6 vous a dit qu'il avait demandé à cette foule de se déplacer et qu'elle

7 avait refusé de se déplacer ?

8 M. Duncan (interprétation). - Non, il ne m'a apporté aucune

9 aide.

10 M. Hayman (interprétation). - Vous aviez dit précédemment au

11 Bureau du Procureur (au milieu de la page 3) que le général Petkovic avait

12 parlé à cette foule, mais avait dit que cette foule refusait de se

13 déplacer.

14 M. Duncan (interprétation). - Attendez, laissez-moi vérifier le

15 texte...

16 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit de la page 3, une

17 douzaine de lignes au milieu du grand paragraphe du milieu de la page.

18 M. Duncan (interprétation). - Je suis désolé, de quel texte

19 parlez-vous ? Je ne suis pas sûr d'avoir le même exemplaire que vous.

20 M. Hayman (interprétation). - Dans mon exemplaire, il s'agit de

21 la deuxième page de votre déclaration, mais elle porte néanmoins le

22 numéro 3, page 3.

23 Votre conseil peut-il vous aider ?

24 M. Kehoe (interprétation). - C'est le paragraphe qui commence

25 par "An incident occurred in relation to the "Convoy of Joy". Ce sont les

Page 9317

1 premiers mots de ce paragraphe, page 3.

2 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, oui, j'ai trouvé...

3 Je vous prie de m'excuser.

4 M. Hayman (interprétation). - Une douzaine de lignes plus loin,

5 on dit : "J'ai arrêté Petkovic et je lui ai demandé s'il pouvait m'aider à

6 passer à travers cette barrière de civils croates. Il a parlé à la foule,

7 mais a dit qu'il refusait de se déplacer".

8 M. Duncan (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - C'est précis. C'est bien cela ?

10 M. Duncan (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Alors pensez-vous qu'en ce lieu,

12 il s'agissait d'autochtones qui avaient arrêté ce convoi ?

13 M. Duncan (interprétation). - Oui, il s'agissait de civils de

14 l'endroit même.

15 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic est-il allé sur

16 le lieu de l'arrêt du Convoi de la Joie sur votre injonction ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Etiez-vous là en même temps que

19 lui ?

20 M. Duncan (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - Si je lis de nouveau le même

22 paragraphe, est-il correct de dire : "Lorsque le Convoi de la Joie a pu

23 poursuivre sa route, il a fallu l'autorité de Dario Kordic et des Croates

24 pour obtenir de pouvoir partir. Dario Kordic était la clé de cette

25 libération. J'avais précédemment emmené Blaskic au contournement de Vitez,

Page 9318

1 là où le convoi avait été arrêté pour la deuxième fois. Il s'agissait du

2 carrefour en T dans la partie Est de Vitez où on peut ensuite tourner à

3 droite vers la ville de Vitez. Blaskic portait son casque militaire et son

4 gilet pare-balles. Les soldats ont refusé de permettre au convoi de

5 poursuivre sa route, même lorsque j'ai cité le nom du colonel Blaskic en

6 tant qu'autorité. Les soldats ont dit catégoriquement qu'ils souhaitaient

7 que l'ordre provienne directement de Kordic. Ils semblaient être des

8 soldats normaux du HVO, en vêtements de combat normaux verts, mais

9 également avec des vêtements de camouflage."

10 Cette citation est-elle correcte ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Est-il également correct de lire

13 deux lignes plus loin : "Il m'est apparu clairement que Kordic contrôlait

14 les actions de la police locale et des civils qui bloquaient les routes et

15 qui pillaient les convois". Est-ce bien vrai ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est vrai. Je parle de

17 police locale militaire.

18 M. Hayman (interprétation). - Lorsque Blaskic s'est trouvé au

19 lieu du deuxième arrêt du convoi, semblait-il donner des ordres ou des

20 commandements aux soldats qui avaient arrêté le convoi ?

21 M. Duncan (interprétation). - Non...

22 Je m'excuse, je ne pense pas que le commandant Blaskic

23 souhaitait parler à la foule. La foule était plutôt menaçante à ce moment-

24 là et je ne pense pas que le commandant Blaskic avait ordonné à la foule

25 d'être là. Je crois que c'est M. Kordic qui avait ordonné à la foule

Page 9319

1 d'être là puisqu'il s'agissait d'une foule essentiellement de civils. Les

2 barrières sur la route étaient civiles à chaque fois.

3 M. Hayman (interprétation). - Il s'agissait donc, de toute

4 façon, d'une situation dont vous concluez que le colonel Blaskic n'en

5 avait pas le contrôle.

6 M. Duncan (interprétation). - Oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Voici un document fourni aux

8 interprètes et j'en ai des copies pour le conseil et le témoin (pièces à

9 décharge). Il faut qu'on lui accorde la cote suivante.

10 M. Dubuisson. - Il s'agit du document D 135.

11 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit donc d'un document qui a

12 été fourni à la défense par le Procureur en fin de matinée aujourd'hui.

13 Reconnaissez-vous ce document, brigadier général ?

14 M. Duncan (interprétation). - Oui, il s'agit de la copie d'un

15 document que j'ai envoyée à un certain nombre de personnes au sein de la

16 BritFor après une réunion avec le commandant Blaskic.

17 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous signé ce document ? En

18 êtes-vous l'auteur ?

19 M. Duncan (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Peut-on le placer sur le

21 rétroprojecteur pour qu'on puisse bien voir le paragraphe 3 ? J'aimerais

22 en donner lecture de sorte qu'on puisse le traduire. Ensuite, j'aurai des

23 questions à vous poser.

24 Tout d'abord, quelle est la date de ce document ?

25 M. Duncan (interprétation). - Plus ou moins le 17 août.

Page 9320

1 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'une réunion avec

2 M. Blaskic qui a eu lieu un certain jour. Cette date est le 17 août 1993 ?

3 M. Duncan (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Paragraphe 3 : "Blaskic était

5 perturbé. D'après lui, le BritBat avait organisé des réunions entre le

6 chef de la police de Zenica, M. Hasim Fazlic, et un Croate local de la

7 vallée de la Lasva appelé le parrain de la Mafia, M. Marko Andric, alias

8 Zuti. Il semblerait que Zuti avait une influence importante sur les

9 personnes de la vallée de la Lasva alors que Blaskic ne disposait pas de

10 cette influence, comme peuvent le prouver les événements du Convoi de la

11 Joie, où Blaskic s'est avéré n'être rien d'autre qu'un commandant fantoche

12 ignoré par les autochtones.

13 Zuti semblait avoir parlé au chef de la police de Zenica lors

14 d'une réunion officieuse près des casernes du Britbat à Vitez concernant

15 la possibilité que les Croates pourraient se rendre dans la vallée de la

16 Lasva. Ceci sera ensuite investigué puisque, pour le moment, cela ne fait

17 pas véritablement foi."

18 Sur la référence à ce Convoi de la Joie, s'agit-il du même

19 incident que celui dont vous avez parlé à ce carrefour en T près de

20 Vitez ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - A quelle distance de l'hôtel Vitez

23 à quelques mètres ou à quelques centaines demètres ?

24 M. Duncan (interprétation). - 500 ou 600 à peu près.

25 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il des soldats à cet

Page 9321

1 endroit ? Y avait-il des soldats dans le deuxième endroit où le convoi a

2 été arrêté ?

3 M. Duncan (interprétation). - Il y avait, je crois, quelques

4 personnes en uniforme.

5 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous parlé à ces personnes,

6 pour obtenir leur aide et libérer la route ?

7 M. Duncan (interprétation). - Mes officiers leur en ont parlé,

8 mais ils ont refusé de libérer la route.

9 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que ce sont les deux

10 personnes qui ont dit qu'elles répondraient aux ordres de Kordic et non

11 pas de Blaskic.

12 M. Duncan (interprétation). - C'étaient les personnes qui se

13 trouvaient là dans ce barrage. Elles ont dit qu'elles ne se déplaceraient

14 pas.

15 M. Hayman (interprétation). - Dans votre déclaration, vous dites

16 que les soldats ont refusé de permettre aux convois d'avancer. Même quand

17 vous utilisez le nom du colonel Blaskic, en tant qu'autorité. C'est au

18 milieu de votre déclaration. Vous parlez là de cette personne qui se

19 trouvait là en uniforme, à ce carrefour de Vitez, la deuxième fois que le

20 convoi était arrêté. N'est-ce pas ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Concernant la pièce 135 de la

23 défense, au cours de votre mission , avez vous entendu que cette personne,

24 nommée Zuti, disposait d'une force privée qu'elle contrôlait pleinement ?

25 M. Duncan (interprétation). - Il avait une bande de personnes

Page 9322

1 qu'il commandait. Je ne suis pas tout à fait sûr de son statut de

2 commandement.

3 M. Hayman (interprétation). - Il n'est pas dans l'ordre de

4 bataille dans la pièce 318 319

5 M. Duncan (interprétation). - Non, comme je vous l'ai déjà

6 expliqué, l'ordre de bataille ne reprend que les grandes unités et non pas

7 les petites unités de soutien, telle que l'artillerie, la police militaire

8 ou les unités de balistique.

9 M. Hayman (interprétation). - Soit. Dans le deuxième lieu où le

10 Convoi de la Joie a été arrêté, les hommes de la Forpronu ont-ils utilisé

11 la force pour essayer de dégager cette foule ou même les soldats. Ont-ils

12 tiré sur qui que ce soit ?

13 M. Duncan (interprétation). - Nous avons tiré des coups au

14 premier lieu, suite au fait que les Musulmans ont été tués. Manifestement,

15 à ce moment-là, bien que notre mandat ne nous permettait pas de participer

16 au déplacement de ce convoi, car ce n'était pas un convoi de l'ONU, nous

17 avions le pouvoir d'intervenir car des vies étaient en jeu.

18 M. Hayman (interprétation). - Je ne veux pas du tout vous

19 critiquer, loin de moi. Mais après avoir tiré, certaines personnes ont-

20 elles été tuées ou blessées ?

21 M. Duncan (interprétation). - Il y a eu des personnes blessées

22 au sein de cette zone de l'enclave de Vitez. Deux personnes ont été tuées

23 par nos soldats qui avaient tiré sur ces personnes car ces autres

24 personnes avaient tiré les premières. Il s'agissait de soldats de la HV.

25 M. Hayman (interprétation). - Vous a-t-on dit s'il s'agissait

Page 9323

1 d'autochtones du village ou du village adjacent où le convoi était arrêté.

2 Venaient-ils d'ailleurs et auraient-ils été envoyés en ce lieu ?

3 M. Duncan (interprétation). - D'après ce que je sais, les deux

4 soldats tués étaient des locaux.

5 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez fait le commentaire

6 suivant : vous avez été critique contre le colonel Blaskic, vous avez dit

7 qu'il n'y avait eu , à votre connaissance, aucune enquête faite sur ce

8 Convoi de la Joie. Lui avez vous écrit et demander de faire une enquête

9 sur la mort de ce chauffeur musulman ?

10 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne lui ai pas écrit, je

11 lui ai demandé de faire une enquête lors de l'une de nos rencontres.

12 M. Hayman (interprétation). - Peut-on dire que ce n'est pas

13 quelque chose que vous avez réellement poussé à faire ?

14 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas combien de fois il

15 faut demander.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous demandez une fois ?

17 M. Duncan (interprétation). - Non. Au moins deux fois, mais pas

18 plus que cela, sans doute.

19 M. Hayman (interprétation). - Etait-il présent dans ce premier

20 lieu, lorsque le convoi a été arrêté ?

21 M. Duncan (interprétation). - Non.

22 M. Hayman (interprétation). - A-t-il reçu copie de cette

23 émission de la BBC que l'on a vue, a-t-il reçu copie de Sadovo* ?

24 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne lui ai pas donné de

25 copie.

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1 M. Hayman (interprétation). - Le lieutenant Bolmer* de votre

2 force a-t-il fait un rapport concernant ces observations autour de

3 Putecevo, le premier lieu où le convoi a été arrêté ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui, le caporal Bulmer m'a parlé

5 par radio de ce qui se passait.

6 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous donné au colonel Blaskic

7 copie du rapport du caporal Bulmer.

8 M. Duncan (interprétation). - Non.

9 M. Hayman (interprétation). - C'était donc le 10 juin 1993 ?

10 M. Duncan (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Quand est tombé Travnik et quand

12 le HVO a perdu Travnik ? Deux jours plus tard, Monsieur le Brigadier ? Le

13 12 juin 1993 ou quelques jours plus tard ?

14 M. Duncan (interprétation). - Soit juste avant ou juste après.

15 M. Hayman (interprétation). - La chute de Travnik a provoqué

16 l'exode de milliers de réfugiés.

17 M. Duncan (interprétation). - Oui, pas mal ont traversé la

18 frontière avec les Serbes. Ils sont allés vers l'ouest et non pas l'est.

19 M. Hayman (interprétation). - Certains sont revenus à Vitez.

20 M. Duncan (interprétation). - Ils sont revenus en Herceg-Bosna,

21 vers le sud. En tout cas certaines personnes de Travnik sont arrivés à

22 l'est mais beaucoup sont passées de l'autre côté de la frontière dans les

23 mains des Serbes.

24 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous dire avec moi que si

25 le colonel Blaskic a donné l'ordre aux soldats du HVO, présents au

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1 carrefour en T de Vitez de piller le convoi, ces soldats auraient dû

2 donner l'ordre d'arrêter de le faire.

3 M. Duncan (interprétation). - Je suppose que le colonel Blaskic

4 a donné cet ordre. Cela semble une hypothèse normale qu'il donne un ordre

5 et que ses soldats vont le suivre.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que Dario Kordic

7 semblait diriger ces activités contre le Convoi de la Joie. Avez-vous des

8 informations particulières pour dire que oui, il était à la tête de cela

9 et comment il a mis en oeuvre son plan ?

10 M. Duncan (interprétation). - Je pense savoir. Cet événement

11 particulier a été orchestré par Dario Kordic. Mais manifestement il devait

12 faire participer des personnes qui pouvaient planifier et décider des

13 meilleurs endroits où on pouvait piller ce convoi. Je crois qu'il y avait

14 donc un accord entre les Croates. Petkovic était là et que j'avais vu

15 quelque chose précédemment. Il fallait faire intervenir sur le terrain

16 pour arrêter le convoi. C'était un arrangement qui avait été pris et

17 c'était donc pratiquement pour arrêter le convoi, c'était un arrangement

18 qui avait été pris et c'était donc pratique pour Kordic -qui, lui,

19 travaillait sur le plan politique- de pouvoir déplacer ces personnes

20 puisque c'était Kordic qui était au commandement de ces personnes.

21 M. Blaskic, lui, devait veiller à commander ses propres troupes, y compris

22 la police militaire qui était sous son commandement. Ces polices ont

23 transgressé les ordres et non pas aidé ; elles se sont simplement

24 contentées de regarder ce qui se passait. Qu'elles soient de garde ou pas,

25 je crois tout de même qu'un code militaire s'applique à ces personnes.

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1 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les soldats en

2 uniforme, qui se trouvaient au carrefour en T de Vitez où le convoi a été

3 arrêté, étaient des policiers militaires du HVO ?

4 M. Duncan (interprétation). - Je le pense.

5 M. Hayman (interprétation). - Peut-on dire que le

6 colonel Blaskic vous a dit assez régulièrement qu'il ne pouvait pas

7 contrôler les milliers de personnes déplacées dans cette enclave ?

8 M. Duncan (interprétation). - Oui, et je lui ai rappelé tout

9 aussi régulièrement que c'était de sa responsabilité de contrôler les

10 militaires, ce qu'il faisait d'ailleurs.

11 M. Hayman (interprétation). - Saviez-vous que le contrôle des

12 personnes déplacées à Vitez relevait de la responsabilité du maire local

13 et de la police ?

14 M. Duncan (interprétation). - Oui, je le sais.

15 M. Hayman (interprétation). - La pièce 382 peut-elle être

16 fournie au témoin ? Il s'agit de l'incident de la roquette, quand une

17 roquette explosive est arrivée dans votre camp.

18 M. Duncan (interprétation). - En effet.

19 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le

20 colonel Blaskic vous avait fait savoir qu'une enquête était effectuée, et

21 il s'agit de votre lettre de réponse, n'est-ce pas ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui, je le remercie de sa réponse

23 rapide.

24 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous qui, au HVO, a fait

25 l'enquête sur cet incident ?

Page 9327

1 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne sais pas. Il s'agissait

2 d'une question qui relevait du HVO et je n'avais pas à demander au

3 colonel Blaskic qui avait fait l'investigation. C'était son affaire. Il

4 suffisait qu'il me dise dans sa réponse qu'il avait pris des mesures

5 rapides et que quelqu'un, d'ailleurs, était incarcéré dans la prison de

6 Busovaca.

7 M. Hayman (interprétation). - Est-il normal que la police

8 militaire fasse des enquêtes sous forme pénale ? Est-ce normal ?

9 M. Duncan (interprétation). - Oui.

10 M. Hayman (interprétation). - Peut-on dire que vous n'aviez pas

11 beaucoup d'estime pour la police du HVO, vous personnellement ?

12 M. Duncan (interprétation). - Je trouve cette remarque assez

13 bizarre.

14 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous aider. A la page 4,

15 au premier paragraphe, vous dites dans cette déclaration que "la police de

16 la force locale du HVO avait l'habitude de voler tous les matériels sur

17 lesquels elle pouvait mettre la main. Ils ne se comportaient pas mieux que

18 des mafieux en uniforme."

19 M. Duncan (interprétation). - C'est bien ce que j'ai dit.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous parlez de la police militaire

21 du HVO ?

22 M. Duncan (interprétation). - Puis-je vous signaler quelque

23 chose ?

24 M. Hayman (interprétation). - Vous faites tout ce que vous

25 voulez.

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1 M. Duncan (interprétation). - Je veux dire qu'il s'agissait de

2 mes impressions à ce moment-là, suite à des incidents particuliers. Nous

3 parlons vraiment d'un cliché, d'un instantané, où cette opinion était

4 présente dans mon esprit. Les événements au fil du temps peuvent avoir

5 modifié mon opinion.

6 Si vous prenez des incidents particuliers qui m'ont beaucoup

7 agacé, il est vrai que j'avais cette opinion. Par exemple, j'ai pu écrire

8 qu'il s'agissait d'une bande de bandits mais, à certaines occasions, la

9 police militaire a fait une enquête complète par ailleurs. Donc vous

10 comprenez qu'il s'agit d'instantanés et on donne, à ce moment-là, une

11 fausse impression.

12 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit du 16 avril 1997, c'est

13 la date de votre déposition. Voyez la dernière page. Pouvez-vous citer

14 d'autres incidents de la police militaire qui ont eu lieu après le

15 16 avril 1997 qui auraient pu vous amener à changer d'opinion (l'opinion

16 que vous donnez en page 4 de votre déclaration dont je viens de donner

17 lecture) ?

18 M. Duncan (interprétation). - Je suis désolé, je ne peux pas

19 répondre de manière directe à cela.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous étiez en-dehors du théâtre ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui, j'étais en-dehors du théâtre.

22 Tout ce que je peux dire, c'est que, depuis que j'ai quitté le théâtre,

23 j'ai pu voir la situation dans sa totalité et plutôt, que de voir une

24 série d'incidents, j'ai pu avoir un peu de recul et voir les événements

25 dans leur contexte alors qu'à l'époque où je me trouvais là-bas, je

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1 réagissais à des événements particuliers et individuels.

2 M. Hayman (interprétation). - La déclaration que je viens de

3 lire a été donnée en 1997 et non pas au moment où vous étiez sur le

4 théâtre ?

5 M. Duncan (interprétation). - C'est exact. Il est vrai que

6 j'avais fait un peu l'analyse de ce qui s'était passé entre temps.

7 M. Hayman (interprétation). - En ce qui concerne Ahmici, peut-on

8 dire que vous avez critiqué le colonel Blaskic du fait qu'il n'avait pas

9 ordonné d'enquête concernant les événements d'Ahmici ? Est-ce bien exact ?

10 M. Duncan (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Le Bureau du Procureur vous a-t-il

12 dit qu'il avait donné l'ordre d'une enquête concernant les événements

13 d'Ahmici ou ne vous l'a-t-il pas dit ?

14 M. Duncan (interprétation). - Je savais qu'il avait ordonné une

15 enquête. Je savais qu'une enquête aurait dû être conclue en date du 25

16 mai. A ma connaissance, je crois que cette enquête n'a toujours pas été

17 conclue.

18 M. Hayman (interprétation). - Si vous aviez d'autres

19 informations, cela changerait-il votre opinion concernant ce que vous

20 pensez du fait que le colonel Blaskic s'est acquitté de ses obligations en

21 matière d'enquête sur les événements d'Ahmici ?

22 M. Duncan (interprétation). - Je crois qu'il faut plus que

23 simplement terminer l'enquête. Si cette enquête avait été terminée et

24 qu'on en sorte avec le même type de commentaires qui étaient faux à ce

25 moment-là, cette enquête ne servirait strictement à rien.

Page 9330

1 M. Hayman (interprétation). - Vous voudriez qu'il ordonne encore

2 une autre enquête, une meilleure enquête ?

3 M. le Président. - Vous venez de demander au témoin s'il y avait

4 d'autres éléments. Ne tournons pas trop autour de la difficulté. Si vous

5 avez d'autres éléments, donnez-les, car on est en train, ici, de spéculer

6 sur le fait de savoir si l'opinion du témoin changerait au cas où il y

7 aurait d'autres éléments. Si vous en avez, donnez-les, sinon ne spéculons

8 pas comme cela dans le vide, s'il vous plaît.

9 M. Duncan (interprétation). - Il serait du devoir d'un

10 commandant militaire, s'il n'était pas satisfait des résultats d'une

11 enquête et s'il pensait qu'elle n'était pas réaliste, de demander une

12 nouvelle enquête ou de placer cette enquête dans les mains de quelqu'un

13 d'autre.

14 M. Hayman (interprétation). - Et si c'était le cas, votre

15 témoignage changerait-il sur ce point ?

16 M. Duncan (interprétation). - Mais je crois que nous sommes, là

17 encore, dans le domaine de la spéculation.

18 M. Hayman (interprétation). - Mais êtes-vous d'accord que vous

19 n'avez pas un ensemble très complet d'informations sur ce point ?

20 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, je fais objection. La

21 réponse est ce qu'elle est. Nous sommes dans le domaine de la spéculation.

22 Si vous avez un rapport, montrez-le au témoin.

23 M. Hayman (interprétation). - Mais le Procureur a un rapport et

24 il ne l'a vraisemblablement pas montré au témoin. Or, le témoin est en

25 train de formuler une opinion sur le fait que l'accusé n'a pas fait

Page 9331

1 d'enquête efficace.

2 M. le Président. - Vous demandez au témoin, si d'autres éléments

3 existaient, si cela changerait son opinion. Le témoin vous dit : "Peut-

4 être que cela changerait, peut-être que cela ne changerait pas...". Il ne

5 peut pas vous le dire. Vous avez des éléments et cela fait la troisième

6 fois que vous posez la même question. Alors, soit vous avez des éléments

7 pour compléter la fameuse enquête balbutiante faite par l'accusé, soit

8 vous n'en avez pas, mais arrêtons de dire au témoin : "Changeriez-vous

9 d'opinion si vous aviez... ?".

10 Soit vous avez des éléments, soit vous n'en avez pas. Sinon nous

11 passons à une autre question. Cela me paraît évident, Maître Hayman.

12 M. Hayman (interprétation). - Je vais poursuivre, Monsieur le

13 Président, mais je dis que le bureau du Procureur n'a pas montré les

14 rapports dont il dispose sur les événements d'Ahmici. C'est tout ce que je

15 dis. Et je vais passer à autre chose.

16 M. Kehoe (interprétation). - J'objecte à ce que vient de dire

17 Maître Hayman. Ce sont des arguments spécieux et le conseil devrait, à ce

18 moment-là, demander au témoin si le bureau du Procureur lui a montré des

19 documents reprenant les ordres d'enquête de M. Blaskic. Il faut, à ce

20 moment-là, que Maître Hayman pose la question au témoin et qu'il entende

21 sa réponse, au lieu de formuler des opinions critiques sur le bureau du

22 Procureur.

23 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai posé

24 cette question. Ce n'est pas la peine qu'on me demande de la reposer.

25 M. le Président. - Il y a un président qui préside. Y a-t-il des

Page 9332

1 éléments supplémentaires, y a-t-il eu d'autres enquêtes, Monsieur le

2 Procureur ? Article 98. Y a-t-il, oui ou non, une enquête complémentaire

3 faite par l'accusé sur les événements d'Ahmici et, si oui, cela a-t-il été

4 communiqué à la défense ? C'est une question qui n'est ni de

5 Maître Hayman, ni de Maître Kehoe, elle est du juge Jorda. Y a-t-il eu un

6 élément complémentaire ?

7 M. Kehoe (interprétation). - Nous n'avons pas reçu de résultat

8 complémentaire.

9 M. Kehoe (interprétation). - Nous n'avons pas reçu de résultats

10 d'autre enquête. Tout ce que nous avons, c'est une lettre que montrait le

11 conseil et que j'ai moi-même montrée au Brigadier général. C'est une

12 lettre en date du 10 qui reprend cette enquête en date du 25 mai 1993.

13 C'est ce dont il a été question.

14 M. Ducan (interprétation). - Comment voulez-vous que nous

15 ayons les résultats de cette enquête faite par l'accusé !

16 M. Hayman (interprétation). - Le conseil de la partie adverse a

17 deux ordres de l'accusé demandant qu'il y ait une nouvelle enquête. Alors

18 il faut qu'il les produise.

19 M. Kehoe (interprétation). - Mais l'ordre demandant les

20 résultats, dont vient de parler le témoin, est en date du 25 mai 1993.

21 C'est un ordre qui a été délivré juste après la réunion du témoin avec

22 l'accusé. Je ne vois pas pourquoi le conseil de la défense remettrait cela

23 en cause uniquement parce qu'il n'aime pas la réponse du témoin. Il fait

24 croire que le Bureau du Procureur essaie de donner de fausses idées aux

25 Juges. Je ne comprends pas, c'est impossible.

Page 9333

1 M. le Président. - Nous avons beaucoup de difficultés à traduite

2 et le Juge encore plus à comprendre. Je répète ma question : y a-t-il eu,

3 oui ou non, des enquêtes complémentaires faites par l'accusé à propos

4 d'Ahmici, au delà des débuts d'enquête du 25 mai ? C'est une question que

5 je pose au Bureau du Procureur. Oui ou non, avez-vous eu la connaissance

6 d'enquêtes complémentaires ?

7 M. Kehoe (interprétation). - Non. Nous n'avons que l'ordre de

8 M. Blaskic, sur ce document qui nous a été fourni -le document du10-, et

9 les résultats qui étaient en date du 25 mai 1993. C'est tout ce que nous

10 avons. C'est la dernière information dont nous disposons sur l'enquête

11 menée par rapport aux événements d'Ahmici.

12 M. le Président. - Cela correspond d'ailleurs à votre idée,

13 Général ?

14 M. Ducan (interprétation). - Oui, tout à fait.

15 M. le Président (interprétation). - Maître Hayman, veuillez

16 passer à une autre question. Je ne vois pas vraiment pourquoi nous

17 discuterions à perte de vue sur le point de savoir ce que penserait le

18 témoin des résultats d'une enquête qui, semble-t-il, n'existent pas. Par

19 contre, Monsieur le Procureur, s'il s'avérait qu'il y ait eu des enquêtes,

20 le Tribunal reconsidérerait sa position. D'accord ?

21 M. Hayman (interprétation). - Il y a un deuxième ordre, Monsieur

22 le Président.

23 Brigadier général, n'avez-vous jamais vu ce deuxième ordre qui

24 avait pour objectif d'ouvrir une autre enquête sur Ahmici ?

25 M. le Président. - Vous n'avez pas vu de deuxième ordre,

Page 9334

1 Général ? Oui ou non ?

2 M. Ducan (interprétation). - Non, je n'en ai pas vu.

3 M. le Président. - Il vous appartient, Maître Hayman, si vous

4 avez un deuxième ordre, de le produire. Nous ferons éventuellement revenir

5 le témoin.

6 Depuis ce matin, cela fait deux fois que nous demandons à faire

7 revenir le témoin. Nous finirons par le faire revenir plusieurs fois.

8 J'espère que nous éviterons cette éventualité. L'incident est clos.

9 Passez à une autre question, Maître Hayman.

10 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé des obligations du

11 Colonel Blaskic, lesquelles constituaient notamment la défense de

12 l'enclave.

13 M. Ducan (interprétation). - C'est exact.

14 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mission, l'armée

15 deBosnie-Herzégovine a-t-elle admis que l'un de ses objectifs était de

16 couper l'enclave Vitez/Busovaca, de la diviser en plusieurs parties ?

17 M. Ducan (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Cette armée vous a dit quelle

19 allait sans doute parvenir à cet objectif ?

20 M. Ducan (interprétation). - Oui, elle était très confiante.

21 M. Hayman (interprétation). - Et cela a été le cas, elle a tenté

22 d'y parvenir à plusieurs reprises au cours de votre mission ?

23 M. Ducan (interprétation). - Oui.

24 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous montrer un certain

25 nombre de rapports émanant de votre unité. Je vais vous en donner cinq. Je

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1 vous demanderai de les regarder, de nous dire si vous pouvez les

2 identifier et de nous dire s'il s'agit bien de rapports émanant de votre

3 unité. Il y a cinq rapports différents et je demanderai que leur soit

4 attribuée la cote suivante.

5 M. Dubuisson. - Ce document porte le numéro D136.

6 M. Hayman (interprétation). - Brigadier général, pendant qu'on

7 attribue une cote à ce numéro, dites-nous s'il s'agit bien de rapports

8 émanant du régiment du Prince de Galles, à savoir le vôtre, même s'ils ont

9 été relativement expurgés ?

10 M. le Président. - Prenez votre temps, Général.

11 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous, Monsieur le

12 Greffier, nous donner les cotes des différents documents et leurs dates,

13 afin que nous puissions nous y retrouver pendant que le témoin les

14 regarde ?

15 M. Dubuisson. - (inaudible)

16 M. Hayman (interprétation). - Vous avez pu les consulter ?

17 M. Ducan (interprétation). - Oui, effectivement. Il semble bien

18 que ce soient des extraits hors contexte, ce qui me préoccupe quelque peu.

19 Je sais que vous avez pris isolément certains des commentaires qui ont été

20 formulés sur certains événements.

21 M. Hayman (interprétation). - Mais je partage votre

22 préoccupation.

23 M. Ducan (interprétation). - Certaines des abréviations

24 utilisées ne sont pas très courantes.

25 M. Hayman (interprétation). - Je vous les ai données telles que

Page 9336

1 nous les avons reçues du Procureur. Si je pouvais mieux faire, je le

2 ferai, Brigadier général.

3 Je vous demande de consulter l'extrait en date du

4 6 septembre 1993. Quelle cote lui est attribuée, s'il vous plaît ?

5 M. Dubuisson. - Il s'agit de la pièce D136.

6 M. Hayman (interprétation). - Très bien. Je vais vous lire la

7 remarque qui figure sur cette pièce. Il y aura interprétation et je vous

8 poserai un certain nombre de questions. Commentaire : "L'objectif immédiat

9 de l'armée de Bosnie-Herzégovine en cette zone est de contrôler Zabilje.

10 Ceci permettra finalement à leurs forces d'aller plus vers le sud, afin de

11 couper le MSR du HVO, donc la route d'approvisionnement principal du HVO,

12 qui va de l'est à l'ouest en passant par GRSQ 1995, comme ceci a été

13 signalé précédemment. C'est un objectif à long terme de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine de diviser l'enclave Novi Travnik, Vitez, Busovaca, en un

15 certain nombre de petites poches isolées". (fin du commentaire).

16 M. Hayman (interprétation). - Tout d'abord, brigadier général,

17 êtes-vous d'accord avec ce commentaire ?

18 M. Duncan (interprétation). - Oui, il me semble que c'est un

19 commentaire tout à fait raisonnable. Cela souligne simplement les

20 ambitions de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

21 M. Hayman (interprétation). - Mais Isabelje, est-ce un village

22 qui se situe au nord-nord-ouest de l'axe, ou plutôt de Stare Vila, et vers

23 Grubenca, au-dessus du camp du bataillon britannique ?

24 M. Duncan (interprétation). - Je ne pourrai pas vous le dire

25 sans jeter un oeil à une carte.

Page 9337

1 M. Hayman (interprétation). - Ne vous inquiétez pas, nous avons

2 des cartes, et nous vérifierons. Passons maintenant au rapport

3 d'information militaire du 28 septembre 1993.

4 M. le Greffier (interprétation). - Je l'ai.

5 M. Hayman (interprétation). - Puis-je vous en demander la cote ?

6 M. le Greffier (interprétation). - 239.

7 M. Hayman (interprétation). - C'est un extrait court, et je le

8 lis dans son intégralité, Monsieur le Président :

9 "Le niveau d'activité dans la zone, ces derniers jours, est le

10 fait que le point de contrôle de Cadraz est encore occupé par sept membres

11 de brigades musulmanes et qu'il coupe l'accès au sud, vers Vitez. Ces

12 échanges sont plus qu'une simple routine. Darko Gelic, l'officier de

13 liaison pour le BritBat, dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale du

14 HVO, déclare que l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé une attaque

15 simultanée mais qui a été vouée à l'échec au sud de Severino Celo. Il est

16 remarquable de noter que c'est à ce moment-là que la poche croate est

17 extrêmement limitée en taille et qu'elle représente la meilleure

18 possibilité de diviser la poche en deux. Il n'y a toujours pas eu

19 d'indication d'éventuelles modifications territoriales. Un certain nombre

20 de mortiers sont tombés dans le centre de Vitez, notamment trois sur

21 l'hôpital croate, coordonnées 24-49-24, qui ont causé la mort de deux

22 personnes."

23 M. Hayman (interprétation). - L'objectif de l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine, qui serait de couper cette poche, semble-t-il conforme à vos

25 connaissances personnelles ?

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1 M. Duncan (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai donc maintenant

3 de consulter l'extrait en date du 13 septembre 1993. Il y a tout d'abord

4 un sigle : NGO. Pouvez-vous dire ce que c'est ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui, cela veut dire "organisation

6 non gouvernementale" (ONG en français). C'est une organisation

7 humanitaire.

8 M. Hayman (interprétation). - Paragraphe 3 : "Une ONG a réussi à

9 avoir accés à Krucica, le 29 septembre, et a remarqué que Sikret Kuckic,

10 commandant la dix-septième brigade de Slavna de Krajina, se trouvait dans

11 le village et y avait établi un quartier général. Ils ont également

12 remarqué qu'il y avait un grand nombre de soldats de la dix-septième

13 brigade dans le village et qu'un HLS..."

14 De quoi s'agit-il ?

15 M. Duncan (interprétation). - Il s'agit d'une piste

16 d'hélicoptère. Une piste d'hélicoptère avait été installée. L'officier G5

17 du BritBat a également remarqué, dans le bureau de Ramiz Dukalic, trois

18 officiers de sécurité du corps d'armée, une carte de la zone coupée où la

19 poche croate était coupée en différents endroits.

20 M. Hayman (interprétation). - Etait-il donc connu, au cours de

21 votre mission, que l'armée de Bosnie-Herzégovine essayait de diviser cette

22 poche en passant par l'axe est-ouest de Vitez ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui, il y avait effectivement un

24 certain nombre de lignes que nous pensions que l'armée de Bosnie-

25 Herzégovine allait suivre. Mais je dois souligner que tout ce qui est taxé

Page 9339

1 de commentaires dans les rapports d'information militaire ne sont pas de

2 véritables faits, ce sont des spéculations et des suppositions émises par

3 l'officier ou le sous-officier qui est chargé de rédiger ce rapport. Par

4 conséquent, seuls les faits peuvent être pris en compte à cent pour cent.

5 Les commentaires ne le sont pas.

6 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous en désaccord avec tous

7 les extraits que je viens de lire dans les différentes pièces ?

8 M. Duncan (interprétation). - Je ne peux pas être d'accord ou

9 non, parce que, là encore, ils sont sortis de leur contexte. Il faut que

10 je me remette dans la situation. Je suis d'accord pour dire qu'il y a eu

11 un certain nombre de points, un certain nombre de moments au cours

12 desquels l'armée de Bosnie-Herzégovine a essayé de couper la route et il

13 aurait effectivement été de l'intérêt de l'armée de Bosnie-Herzégovine de

14 diviser l'enclave. Mais je ne fais que décrire ce qui est évident en

15 disant cela.

16 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire qu'au cours

17 de votre mission, le HVO a perdu plus de la moitié du territoire de

18 l'enclave Vitez/Busovaca au profit de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas si c'était la

20 moitié, mais le HVO a effectivement perdu énormément de territoire au

21 profit de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire qu'en

23 plus de la défense, l'objectif du colonel Blaskic était d'assurer sa

24 survie et celle d'autres Croates dans l'enclave de Vitez/Busovaca ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement, et il a

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1 d'ailleurs très bien défendu la poche de Vitez.

2 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire

3 qu'une pression très forte s'exerçait sur lui à ce moment-là ?

4 M. Duncan (interprétation). - Le commandant de toute unité est

5 toujours soumis à une très grande pression. La situation exerçait aussi

6 une pression très forte à un moment donné sur moi. Cela dépend des

7 situations. C'est quelque chose qu'on apprend à gérer quand on est

8 commandant.

9 M. Hayman (interprétation). - Je vous renvoie maintenant aux

10 rapports d'information militaire du 8 août 1993. Quelle est sa cote ? 137

11 peut-être ?

12 M. Duncan (interprétation). - Oui D 137, c'est cela.

13 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous lire cet extrait et

14 vous poser un certain nombre de questions. Paragraphe 7, de nouveaux

15 détails sont apparus sur l'unité des forces spéciales des Vitezovi opérant

16 dans la zone de Vitez. Cette force a été décrite ainsi qu'un certain

17 nombre d'autres unités -il y a une référence- dans la liste de répartition

18 d'un ordre CF du HVO comme étant une unité indépendante placée sous le

19 commandement du commandement de la troisième zone opérationnelle du HVO.

20 Selon Boris Lavioulic, un officier de l'état-major qui se trouve

21 au quartier général de la zone opérationnelle de Bosnie centrale : "Les

22 Chevaliers représentent une organisation extrémiste opérant dans

23 l'ensemble de la Bosnie. L'organisation est née à Mostar sous le

24 commandement de Bruno Stoic. Dans la zone de Vitez, les chevaliers sont

25 environ au nombre de vingt ou trente, et commandés par Darko Kraljevic,

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1 qui est un homme de Rijeka. Josic déclare que les Vitezovi sont

2 responsables de nombre des atrocités commises contre les "MUSS" (je

3 suppose que ce sont les Musulmans). Ils déclarent également qu'ils

4 n'étaient pas véritablement sous le contrôle de Blaskic, mais ont nié,

5 lorsqu'on leur a posé la question, le fait qu'ils avaient travaillé sous

6 le commandement de Dario Kordic."

7 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous ajouter d'autres

8 informations à ce rapport produit par votre unité au cours de votre

9 mission ?

10 M. Duncan (interprétation). - J'ajouterai que ce type de rapport

11 a été produit sporadiquement et qu'il est fondé sur les opinions des gens

12 qu'on rencontre, quel que soit leur grade, quel que soit leur poste.

13 Comme je l'ai déjà dit, la défense de la poche de Vitez se

14 fondait sur des forces qui occupaient des positions territoriales, ainsi

15 que des unités de manoeuvre.

16 Or, ces unités de manoeuvre devaient être efficaces et devaient

17 être placées sous le commandement du commandant tactique et le commandant

18 tactique, à ce moment-là, était le colonel Blaskic. Il fallait que ces

19 unités soient sous son commandement parce qu'il a mené une défense

20 réussie.

21 Pourquoi était-ce si réussi ? Parce qu'il arrivait à transférer

22 les différentes unités rapidement. Pour cela, il fallait que ses unités se

23 trouvent sous son commandement. Il ne pouvait pas les laisser seules dans

24 leur coin car si jamais il y avait un problème, il ne pourrait pas les

25 mobiliser. Il fallait donc qu'il les maintienne sous son contrôle direct.

Page 9342

1 C'est ce que je voulais ajouter.

2 M. Hayman (interprétation). - Eh bien passons maintenant au

3 dernier rapport d'information militaire en date du 10 août 1993.

4 M. Duncan (interprétation). - C'est le document D138.

5 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous lire cet extrait ou,

6 du moins, ce qui semble faire partie du paragraphe précédent,

7 paragraphe 9 : "Les Jokeri -c'est-à-dire les jokers- et les Vitezovi

8 -c'est-à-dire les Chevaliers- ne sont pas une seule et même unité, mais ce

9 sont des organisations différentes. Les Jokeri sont une sous-unité dans le

10 quatrième BN". Bataillon, peut-être ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.

12 M. Hayman (interprétation). - "Le quatrième bataillon, donc de

13 la police militaire du HVO (Vojna Policja), constitué de vingt à trente

14 personnes, dans la zone de Vitez, était basé dans le village de Nadioci

15 (référence). L'armée de Bosnie-Herzégovine les tient pour responsables du

16 massacre d'Ahmici (à nouveau référence de carte).

17 "Les Vitezovi sont indépendants par rapport à la police

18 militaire du HVO et opèrent à partir de l'école de Vitez. L'armée de

19 Bosnie-Herzégovine les tient pour responsables des massacres à Gacice

20 (référence de carte) alors que les jockeri n'opèrent plus dans la région

21 de Vitez. Les Vitezovi y sont encore et continuent les activités -selon

22 Boris Laziovic, officier d'échange de la zone opérationnelle de Bosnie

23 centrale-, et continuent donc à tuer des prisonniers de l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine.

25 Le dirigeant des Vitezovi à Vitez, Darko Krajevic, est un ami

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1 personnel de Mario Cerkez, commandant de la brigade du HVO Vitez K".

2 Brigadier général, avez-vous jamais entendu les allégations de

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine selon lesquelles les Jockeri étaient

4 effectivement responsables des massacres à Ahmici, ou bien le fait que les

5 Vitezovi étaient responsables d'un éventuel massacre à Gacice ?

6 M. Duncan (interprétation). - Je l'aurais entendu. J'ai entendu

7 ce type d'allégations de crimes commis par toutes les unités et contre

8 toutes les autres unités. Ce n'était pas un fait rare, cela arrivait tous

9 les jours.

10 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic vous a-t-il

11 dit, à un moment donné, que tout tireur isolé qui posait des problèmes à

12 la Forpronu devait être éliminé et que la Forpronu ne devait pas hésiter à

13 tirer sur des tireurs isolés du HVO si c'était nécessaire ?

14 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement. Mais, pour

15 revenir un peu au contexte, nous avons eu un problème avec un tireur isolé

16 qui tirait sur notre camp. Des tireurs isolés, à la fois musulmans et

17 croates, se tiraient dessus et je me suis plaint auprès du colonel Blaskic

18 qui m'a effectivement répondu que je devais riposter et tirer sur ces

19 tireurs isolés si c'était nécessaire.

20 M. Hayman (interprétation). - Parlons de votre réunion avec

21 M. Valenta. Le colonel Blaskic était-il présent ?

22 M. Duncan (interprétation). - Non.

23 M. Hayman (interprétation). - Quel était le poste occupé par

24 M. Valenta ?

25 M. Duncan (interprétation). - Comment cela ?

Page 9344

1 M. Hayman (interprétation). - Eh bien travaillait-il dans une

2 organisation ?

3 M. Duncan (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,

4 Valenta était le représentant du HDZ dans la zone de Vitez et au-delà.

5 M. Hayman (interprétation). - Le maire, le chef du parti ?

6 M. Duncan (interprétation). - Non, pas le maire, le représentant

7 dans cette zone. Parce qu'il était à Vitez, j'ai pensé, mais je n'en avais

8 aucune preuve, qu'il avait la même influence sur sa zone que celle que son

9 homologue avait sur la zone dont nous avons parlé précédemment.

10 M. Hayman (interprétation). - Valenta vous a-t-il dit que son

11 livre était devenu la théorie adoptée par son parti ?

12 M. Duncan (interprétation). - Non.

13 M. Hayman (interprétation). - Une autre personne vous en a-t-

14 elle parlé ?

15 M. Duncan (interprétation). - Non.

16 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous quand son livre a été

17 publié ?

18 M. Duncan (interprétation). - En 1991, je crois.

19 M. Hayman (interprétation). - Avant que la guerre n'éclate en

20 Bosnie centrale ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic vous a-t-il

23 jamais parlé du contenu de ce livre et vous a-t-il dit qu'il s'agissait,

24 pour ce genre de choses, d'idées valables ?

25 M. Duncan (interprétation). - Le colonel Blaskic et moi-même

Page 9345

1 évitions d'aborder des problèmes politiques parce que nous étions des

2 soldats. Nous pensions que nous devions nous en tenir à des questions

3 militaires et que nous devions laisser les questions politiques à

4 d'autres.

5 M. Hayman (interprétation). - Donc peut-on dire que le colonel

6 Blaskic n'a jamais, dans aucune conversation avec vous, parlé de Musulmans

7 avec des préjugés raciaux dans ses interventions ?

8 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est vrai.

9 M. Hayman (interprétation). - J'en viens au sujet malheureux du

10 décès de votre interprète. La maison dans laquelle elle habitait ? Vous

11 nous l'avez décrite et on l'a vue dans la pièce 384 qui se trouvait donc

12 près de la ligne de front entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine,

13 n'est-ce pas ?

14 M. Duncan (interprétation). - Oui. Juste derrière la ligne de

15 front, dans le périmètre du camp du bataillon britannique.

16 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous s'il y avait des

17 éléments de preuve disponibles qui auraient pu constituer le fondement

18 d'une enquête, sauf le fait qu'un tireur isolé lui a tiré dessus juste

19 en sortant de sa maison dans son jardin ? En d'autres termes, y avait-

20 il des témoins de cet échange de coups de feu ? Y avait-il des

21 douilles qu'on a pu récupérer en ce lieu où le tireur lui a tiré

22 dessus ou des éléments de preuve de ce type ? En avez-vous

23 connaissance ?

24 M. Duncan (interprétation). - Etant donné que ce bâtiment

25 avait été occupé par des Croates, il y avait des douilles partout de

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1 toute façon et donc les gens tiraient depuis ce lieu depuis longtemps.

2 Sur le plan technique, c'était assez difficile de faire ce genre

3 d'enquête. Cela n'aurait même servi à rien.

4 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez dit qu'une

5 enquête accusait un infiltrateur musulman. Y a-t-il eu un rapport sur

6 ce plan ?

7 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai pas vu de rapport de ce

8 genre. C'est oralement qu'on m'a informé des résultats de cette

9 enquête disant qu'un Musulman avait traversé du côté du BiH, avait

10 donc infiltré et tiré depuis un bâtiment qui avait été occupé par des

11 Croates pendant deux mois et qu'il était ensuite revenu et avait

12 retraversé les lignes.

13 M. Hayman (interprétation). - Après cet assassinat, le

14 colonel Blaskic est-il venu vous voir pour vous présenter ses

15 condoléances et ses excuses personnelles ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Le sentiez-vous sincère ?

18 M. Duncan (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Concernant ce chauffeur du HCR,

20 M. Boris, savez-vous où il a été tué à Stari Vitez ? Etait-ce dans le

21 périmètre, au milieu ?

22 M. Duncan (interprétation). - Je crois que c'était dans le

23 périmètre, le long du périmètre.

24 M. Hayman (interprétation). - Ce périmètre constituait-il une

25 ligne de front ?

Page 9347

1 M. Duncan (interprétation). - Oui.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que la Forpronu

3 avait fait une analyse de la voiture pour essayer de déterminer la

4 direction depuis laquelle le projectile était arrivé. Le temps était-

5 il partagé avec le colonel Blaskic ou le HVO?

6 M. Duncan (interprétation). - Je le crois, je crois qu'on en

7 a discuté entre officiers de liaison, mais il était clair pour nous

8 que cette balle provenait de l'extérieur de la poche de Stari Vitez et

9 non pas de la poche.

10 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais vous proposer la

11 pièce 385, peut-on vous la fournir ? Et là on voit la direction du

12 projectile telle que vous l'avez établie après vos analyses

13 balistiques.

14 M. Duncan (interprétation). - C'est très conceptuel ici, on

15 voit grosso modo la région dont il est question. Compte tenu de

16 l'échelle et des détails qui sont en noir et blanc, cela vous donne

17 simplement une indication, c'est tout.

18 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous si d'autres éléments

19 de preuve existaient concernant l'assassin qui a tiré cette balle, si

20 ce n'est ces éléments que vous nous avez fournis concernant la

21 direction du tir ? Je ne sais pas, un témoin oculaire, la présence de

22 douilles, des analyses balistiques d'un genre ou d'un autre ?

23 M. Duncan (interprétation). - Les analyses effectuées

24 concernant les balles et les douilles n'ont aucun sens puisque, tant

25 la Bosnie-Herzégovine que le HVO utilisent les mêmes armes et les

Page 9348

1 mêmes munitions. On ne peut donc pas en tirer grand-chose. C'est

2 simplement la direction du tir qu'on peut définir à partir des marques

3 d'impact.

4 M. Hayman (interprétation). - J'ai encore quelques instants.

5 Nous arrivons à la fin, Monsieur le Président. En ce qui concerne les

6 faits, vous avez vu les troupes du HVO à Prozor en 1993, combien de

7 troupes, combien de soldats avez-vous vus ?

8 M. Duncan (interprétation). - J'ai vu un camion, un grand

9 camion militaire et une pièce d'artillerie 152 millimètres, je crois,

10 un obusier D30.

11 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu des soldats avec

12 des écussons du HV ou étaient-ce simplement des plaques HV sur les

13 véhicules ?

14 M. Duncan (interprétation). - Uniquement des plaques et deux

15 soldats avec des écussons du HV.

16 M. Hayman (interprétation). - D'où venaient-ils et où

17 allaient-ils ?

18 M. Duncan (interprétation). - Ils étaient à l'arrêt à ce

19 moment-là.

20 M. Hayman (interprétation). - Au cours de votre mission,

21 avez-vous vu des soldats HV dans la vallée de Kiseljak ou de Lasva ?

22 M. Duncan (interprétation). - Non.

23 M. Hayman (interprétation). - Accusez-vous le colonel Blaskic de

24 ne pas avoir donné des ordres adéquats en matière de libération des

25 prisonniers ? Pensez-vous qu'il y ait eu des manquements à ce sujet ?

Page 9349

1 M. Duncan (interprétation). - Je crois qu'il y a eu des

2 manquements parce que dans l'accord qui avait été fait lors des réunions

3 conjointes militaires que nous avons étudiées ce matin avec certains

4 documents, on demandait que des ordres soient émis et les instructions

5 étaient très claires à ce sujet. Et je crois donc qu'il y a eu un

6 manquement de sa part, car il n'a pas donné suite.

7 M. Hayman (interprétation). - Quel ordre de libération de

8 détenus civils ? Le bureau du Procureur vous a-t-il montré en préparation

9 à votre témoin ? Vous ont-ils montré des ordres de cette nature ?

10 M. Duncan (interprétation). - Non, je n'en ai vu aucun.

11 M. Hayman (interprétation). - Vous serez donc assez étonné

12 d'entendre que des ordres concernant la protection et la libération de

13 prisonniers ont été donnés par le colonel Blaskic le 18 avril 1993, le

14 21 avril 1993, le 24 avril 1993 et le 29 avril 1993 pour en citer

15 quelques-uns seulement.

16 Cela vous étonne donc ?

17 M. Duncan (interprétation). - Oui cela m'étonne.

18 M. Hayman (interprétation). - Venons-en au sujet de ces

19 tranchées.

20 Etes-vous d'accord...

21 M. le Président. - Non pardon, Maître Hayman, vous citez ces

22 éléments d'ordre, mais vous les possédez, vous les connaissez ? C'est dans

23 la déclaration ? Le Procureur les a-t-il ?

24 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, il s'agit

25 des pièces D32, D39, D77 et D79 qui se trouvent dans le compte rendu de

Page 9350

1 cette affaire. On peut prendre le temps de les montrer au témoin. Je crois

2 qu'il me suffit du fait qu'on lui ait demandé simplement son opinion,si

3 l'accusé a agi correctement, alors qu'il semblerait qu'il n'ait pas vu ces

4 ordres, que l'accusé a donné à ce sujet.

5 M. Kehoe (interprétation). - Je crois que l'important c'est

6 qu'il s'agit de quelque chose qui fait partie des instructions de

7 commandement conjoint qui avait été donné en juin et que ce témoin était

8 censé suivre. Aucun ordre, suite à cette première réunion, n'a été produit

9 par l'accusé et il disait que ces soldats devaient continuer à respecter

10 le droit humanitaire, que le témoin était sur le théâtre et, en ce qui

11 concerne ces réunions particulières, Blaskic n'a rien fait par la suite,

12 il a continué comme avant.

13 M. le Président. - C'est votre opinion Monsieur le Procureur. Je

14 reviens à ce qui est dit par la défense. Monsieur le Greffier, vous avez

15 ces pièces ?

16 M. Dubuisson. - Oui je les ai.

17 M. le Président. - Peut-on les montrer au témoin et que le

18 témoin nous dise s'il les reconnaît. Excusez-moi Maître Hayman, je

19 voudrais aller jusqu'au bout de la question. Les Juges ne peuvent pas

20 comme cela, on passe des pièces comme cela et je veux savoir ce qu'en

21 pense le témoin voyons.

22 M. Hayman (interprétation). - Oui, pour aider le Greffe D32,

23 D39, D77 et D79.

24 M. le Président. - Bien alors si vous voulez bien les regarder

25 rapidement.

Page 9351

1 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit donc de sujets traitant

2 de la libération de prisonniers.

3 M. le Président. - Général, nous ne les avons pas là

4 directement, mais nous savons qu'elles sont dans le dossier. Quelle est

5 votre point de vue sur ces pièces ?

6 M. Duncan (interprétation). - Si vous me le permettez, elles ont

7 été publiées par le colonel Blaskic avant que je n'arrive pour prendre mon

8 commandement du bataillon à Vitez et donc je n'ai pas vu ces ordres

9 précédemment mais, manifestement, étant donné les dispositions sur

10 lesquelles j'ai dû insister en juin, et donc plus tard dans l'année, il

11 semblerait que les choses n'ont pas donné suite à ces ordres, bien qu'ils

12 aient été donnés.

13 Il a fallu insister pour qu'on redonne ces ordres. Mon

14 commentaire sur ces documents, c'est que cela date d'avant l'époque où je

15 suis arrivé et où j'ai repris mon commandement.

16 M. Riad (interprétation). - Vous dites qu'on n'a pas donné suite

17 à ces ordres ?

18 M. Duncan (interprétation). - De la part de qui ?

19 M. Riad (interprétation). - De la part du général Blaskic ?

20 M. Duncan (interprétation). - Pas que je sache. Je le regrette.

21 Ces ordres ont été donnés avant que je n'arrive, le dernier je vois 5 ou 6

22 jours avant mon arrivée.

23 M. le Président. - Voilà un point éclairé. Je crois maintenant

24 que nous pouvons reprendre ces pièces. Monsieur le Greffier, vous les

25 reclassez. Maître Hayman, continuez.

Page 9352

1 M. Hayman (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

2 Monsieur le brigadier général, êtes-vous d'accord pour dire qu'on savait

3 dans les enclaves de Busovaca et de Vitez que l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine utilisait des prisonniers croates pour creuser des tranchées

5 et que c'était de renommée publique ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout le monde le savait.

7 M. Hayman (interprétation). - Dans vos déplacements, avez-vous

8 jamais personnellement pu voir des soldats du HVO avec des prisonniers

9 musulmans qui étaient obligés de creuser des tranchées ?

10 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai jamais vu cela

11 personnellement.

12 M. Hayman (interprétation). - Vous avez parlé d'hélicoptère.

13 M. Duncan (interprétation). - Excusez-moi, je dois quand même

14 dire que, de la manière dont vous formulez la question et du fait qu'on

15 passe très vite là-dessus, vous sous-entendez que l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine utilisait des Croates, que c'était normal et ensuite que les

17 Croates utilisent des gens de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

18 M. Hayman (interprétation). - Non, vous tirez des conclusions

19 trop rapides. Je ne sous-entend rien du tout de ce genre.

20 M. Kehoe (interprétation). - Alors la question n'est pas

21 pertinente.

22 M. Hayman (interprétation). - Je veux bien vous expliquer la

23 pertinence de la question si vous voulez m'écouter.

24 M. Kehoe (interprétation). - Si la question est de savoir s'il

25 est de notoriété publique qu'ils obligeaient les Croates à faire des

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1 tranchées, quelle est l'incidence si ce n'est de sous-entendre au

2 brigadier général, et c'est comme cela qu'il l'a bien entendu d'ailleurs,

3 que c'était alors normal, puisque les Musulmans le faisaient, que les

4 Croates le faisaient ensuite. Ce qui d'ailleurs n'a aucune pertinence.

5 M. Hayman (interprétation). - Ce n'est bien de faire cela dans

6 le chef de personne. Simplement, je dis que, si vous avez une population

7 dans la poche de Vitez et une autre dans la région de Venica qui pensent

8 que leurs homologues prennent des civils en otage pour les utiliser comme

9 monnaie d’échange ou pour creuser des tranchées, je crois qu'il est

10 d'autant plus difficile à ce moment-là pour les autorités, qu'elles soient

11 civiles ou militaires, de contrôler la situation et de contrôler ces

12 civils qu'ils connaissent.

13 M. le Président. - J'ai très bien compris ce que vous êtes en

14 train de dire, mais je vous signale que vous êtes en train très exactement

15 de tomber dans l'objection que vous a faite le témoin. Vous aviez donc une

16 certaine ligne dans votre question. Sinon tout le monde a compris, le

17 témoin a répondu et vous pouvez passer à une autre question. Merci.

18 M. Hayman (interprétation). – Alors, les hélicoptères : il y

19 avait des évacuations faites par hélicoptère, des évacuations militaires,

20 des hélicoptères de l’ONU. Ont-ils été utilisés pour procéder à ces

21 évacuations militaires ?

22 M. Duncan (interprétation). - Le système qu'on avait à Novivila,

23 c'était une église en fait, dans la poche même, et nous utilisions des

24 hélicoptères de Kiseljak. On transportait les blessés dans des ambulances,

25 si on pouvait le faire, de Vitez jusqu'à Kiseljak par la route principale,

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1 avec des escortes de véhicules de l'ONU, et on les évacuait par

2 hélicoptère de Kiseljak.

3 M. Hayman (interprétation). - Des hélicoptères de l'ONU ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui, mais nous utilisions

5 également des hélicoptères croates.

6 M. Hayman (interprétation). - Vous nous disiez que vous pensiez

7 qu'à plusieurs occasions au cours de votre mission, à l'une ou l'autre

8 occasion, le colonel Blaskic a quitté l'enclave de Vitez pendant une

9 période d'un certain nombre de jours.

10 M. Duncan (interprétation). - Oui.

11 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle était

12 la première fois qu'il a pu quitter cette enclave ?

13 M. Duncan (interprétation). - Je ne peux pas vous donner une

14 date précise, mais je ne pouvais, de toute façon, pas le toucher quand je

15 le voulais. Il était donc clair qu'il n'était pas là. Il n'était pas dans

16 son intérêt de faire savoir aux gens qu'il était parti évidemment. On sait

17 très bien que, quand le commandant n'est pas là, c'est toujours l'occasion

18 de prendre des mesures dans son dos.

19 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si, la

20 première fois dont vous croyez qu'il était parti, c'était en

21 automne 1993 ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui, je pense que cela pourrait

23 être le cas. Au vu des événements, le colonel Blaskic était extrêmement

24 occupé au cours de la période où la BiH avançait. Une fois que la

25 situation s'est stabilisée, que nous avions ces différentes poches et

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1 qu'il avait établi une bonne défense, il pensait que les choses tenaient

2 suffisamment et donc qu'il pouvait sortir à moment-là.

3 M. Hayman (interprétation). - Quand à ce moment-là?

4 M. Duncan (interprétation). - A peu près à l'automne.

5 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que des hélicoptères,

6 qui arrivaient dans l'enclave de Vitez sans sauf-conduit de la part de

7 l'armée BiH, risquaient de recevoir des coups de feu de l'armée BiH ?

8 M. Duncan (interprétation). - D'après mon expérience, tout

9 hélicoptère, quel qu'en soit le propriétaire, est toujours en danger quand

10 il vole dans une zone de guerre, car personne ne fait trop attention pour

11 savoir si c'est un hélicoptère ami ou ennemi. Les hélicoptères arrivaient

12 sans accord préalable de la BiH ou parfois avec un accord préalable.

13 En général, les accords arrivaient trop tard ou de manière fort

14 peu précise, mais les hélicoptères eux-mêmes arrivaient de manière assez

15 régulière.

16 M. Hayman (interprétation). - Volaient-ils la nuit étant donné

17 le danger de feu ?

18 M. Duncan (interprétation). - Oui. La nuit, des pilotes,

19 extrêmement capables, arrivaient à descendre en spirale à très haute

20 altitude et à grande vitesse pour éviter justement d'être la cible de

21 missiles ou de coups de feu.

22 M. Hayman (interprétation). - Est-ce dangereux ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est très dangereux et cela

24 demande un pilote extrêmement compétent.

25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous eu le plaisir de voler

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1 dans un hélicoptère qui descendait en spirale comme cela ?

2 M. Duncan (interprétation). - Non, malheureusement pas.

3 M. le Président. - Heureusement d'ailleurs.

4 M. Duncan (interprétation). - Oui, sans doute heureusement en

5 effet.

6 M. Hayman (interprétation). - Il me reste quelques questions.

7 Vous nous disiez que le colonel Blaskic a été accepté sur le plan

8 politique, vue sa promotion d'ailleurs. Avez-vous eu l'occasion de

9 rencontrer Philip Filipovic, un officier du HVO ?

10 M. Duncan (interprétation). - Il y avait plusieurs Filipovic là.

11 Vous parlez d'un officier qui était le deuxième de la zone ?

12 M. Hayman (interprétation). - Philip Filipovic qui était le

13 commandant de brigade à Travnik et ensuite après la chute de Travnik, il a

14 repris un autre poste sur le théâtre.

15 M. Duncan (interprétation). - Je crois qu'il est arrivé au QG de

16 Vitez. C'était un homme qui avait été très touché par les événements de

17 Travnik.

18 M. Hayman (interprétation). - Avait-il l'impression d'avoir été

19 trompé, trahi ?

20 M. Duncan (interprétation). - Il avait perdu plutôt la bataille.

21 M. Hayman (interprétation). - Avait-il été accepté sur le plan

22 politique par le HVO ?

23 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas du tout.

24 M. Hayman (interprétation). - A-t-il été promu général du HVO ?

25 M. Duncan (interprétation). - Je ne le sais pas non plus.

Page 9357

1 M. Hayman (interprétation). - Vous nous avez dit tout à l'heure

2 que la défense de cette enclave de Vitez dépendait du contrôle du HVO, de

3 la route centrale de Novi Travnik à Vitez et Busovaca, est-ce bien cela?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui.

5 M. Hayman (interprétation). - Pour illustrer ce principe, puis-

6 je vous demander : à Gurbavice, il y avait un village musulman n'est-ce

7 pas ? Gurbavice, juste à côté de la base BritBat qui se trouvait au nord

8 de cette grande route, n'est-ce pas ? A l'automne 1993, il y a eu des

9 actions militaires visant à prendre le contrôle de ce village n'est-ce

10 pas ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que cette action a été

13 véritablement une action militaire pour assurer le MSR ?

14 M. Duncan (interprétation). - Le but de cette action militaire

15 pour reprendre le terrain, juste au nord de cette route, était tout à fait

16 incompréhensible. Elle a eu lieu en automne, le lendemain du jour où j'ai

17 quitté pour un congé de quinze jours. Vous savez, j'ai parlé du fait qu'on

18 profitait toujours de l'absence des commandants, eh bien voilà.

19 M. Hayman (interprétation). - Cette action militaire nécessitait

20 le contrôle du village en haut de la colline vu que la population

21 autochtone était armée et qu'elle constituait déjà une défense des forces

22 militaires ?

23 M. Duncan (interprétation). - C'est vrai qu'il était nécessaire

24 de posséder les bâtiments en haut du village parce qu'ils représentaient

25 un poste intéressant, mais il n'était pas nécessaire, d'après moi, de

Page 9358

1 détruire ces bâtiments -pour autant c'est ce qui s'est passé- étant donné

2 que la valeur militaire de ces bâtiments, en haut, était intéressante du

3 fait qu'ils donnaient couverture et protection et la capacité d'avoir une

4 bonne position de défense.

5 Mais ils les ont incendiés et c'est ce qui s'est passé après

6 l'attaque. D'après moi, je dirai que cela ne poursuit aucun but militaire.

7 M. Hayman (interprétation). - Contrairement à la défense de

8 l'enclave que vous nous avez décrite, pouvez-vous conclure que les routes

9 et les villes, à l'intérieur de cette enclave de Vitez, étaient une

10 question de sécurité interne qui dépendait du contrôle plutôt des

11 politiciens locaux que du contrôle du colonel Blaskic ? Je cite la page 4

12 de votre déclaration tout en bas.

13 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était l'opinion de

14 l'époque. Je me souviens avoir dit cela en avril de l'année dernière.

15 M. Hayman (interprétation). - Je vais vous en donner lecture :

16 "Le contrôle des troupes, des opérations militaires était fait directement

17 par le colonel Blaskic et la sécurité intérieure était contrôlée par

18 Dario Kordic avec M. Blaskic. Il me semblait que Blaskic était responsable

19 de la défense militaire, mais que les routes, les villes etc, l'intérieur

20 de la poche relevaient de la sécurité intérieure et, dès lors, étaient

21 placés davantage sous le contrôle des politiciens locaux et donc de

22 M. Kordic". Est-ce bien ce que vous avez dit ?

23 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, c'est bien ce que

24 j'ai dit.

25 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit également dans votre

Page 9359

1 déclaration en page 14 : "Je pense que l'organisation politique était

2 responsable des déplacements ethniques forcés de cette zone", cette zone

3 étant la vallée de la Lasva. C'est bien cela, n'est-ce pas ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était bien cela la

5 responsabilité, mais ce sont ensuite des forces militaires qui doivent

6 effectuer le travail.

7 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous dit dans le même passage

8 que vous ne pensiez pas que Tihomir Blaskic était proche des individus, en

9 parlant des individus qui se trouvaient dans l'organisation politique de

10 la vallée de la Lasva ? C'est le début du paragraphe suivant.

11 M. Duncan (interprétation). - C'est ce que je dis ici. Comme je

12 l'ai révélé précédemment, c'est la première fois que j'ai revu ces

13 événements qui ont eu lieu depuis que j'ai quitté la Bosnie. J'ai fait

14 cette déclaration l'année dernière. C'est donc quelque chose qui date de

15 cette époque. Pour un certain nombre de raisons, après avoir quitté la

16 Bosnie, je n'avais pas beaucoup d'intérêts à analyser en détail tout ce

17 qui s'était passé.

18 M. Hayman (interprétation). - Combien de temps avez vous passé à

19 analyser ces questions au cours de l'année dernière depuis votre

20 déclaration ?

21 M. Duncan (interprétation). - Depuis ma déclaration, j'y ai

22 passé quelque temps.

23 M. Hayman (interprétation). - A la demande du Bureau du

24 Procureur ?

25 M. Duncan (interprétation). - Non, pas à la demande du Bureau du

Page 9360

1 Procureur. Lorsque j'ai reçu la déclaration en retour, par la poste, je

2 l'ai revue en détail.

3 M. Hayman (interprétation). - Avant ou après l'avoir signée ?

4 Vous l'avez regardée en détail avant ou après l'avoir signée ?

5 M. Duncan (interprétation). - Après l'avoir signée, vu qu'il

6 s'agissait d'un reflet fidèle de la réunion et de ce que j'avais dit à

7 l'époque. Ce que j'essaie de dire, c'est peut-être que je me suis trompé

8 dans certaines des hypothèses que j'avance ici et qui étaient basées sur

9 des opinions personnelles. C'est tout ce que je veux dire. C'est

10 simplement ce que je souhaitais vous dire.

11 M. Hayman (interprétation). - Vous m'avez dit l'été dernier,

12 lorsque nous nous sommes parlés que vous pensiez que Tihomir Blaskic était

13 "Une personne raisonnable et honnête, essayant de faire son travail dans

14 une situation ou les circonstances les plus difficiles". Vous en tenez-

15 vous à cette déclaration ?

16 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai jamais reçu copie de cette

17 transcription.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les autorités

19 militaires vous ont dit que vous pouviez l'avoir ?

20 M. Duncan (interprétation). - Je crois que vous devriez m'en

21 envoyer copie.

22 M. Hayman (interprétation). - Alors je ne vais pas répondre avec

23 la réponse maintenant. Etes-vous d'accord avec cette déclaration ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui, je l'ai dit à l'époque,

25 connaissant ce que je savais.

Page 9361

1 M. Hayman (interprétation). - Merci, brigadier général. Je n'ai

2 plus de question, Monsieur le Président.

3 M. le Président. - Merci, Maître Hayman. Nous allons essayer de

4 faire la pause vers 16 heures 10. Si nous pouvions arriver à terminer, à

5 moins qu'il y ait beaucoup de questions. Maître Kehoe, avez-vous beaucoup

6 de questions ?

7 M. Kehoe (interprétation). - J'ai quelques questions, Monsieur

8 le Président.

9 M. le Président. - Je me tourne vers mon collègue.

10 (Les Juges se consultent sur le siège.)

11 Je crois que les esprits ont besoin de calme et peut-être que le

12 brigadier général, aussi, a besoin de se reposer et les interprètes bien

13 entendu comme toujours. Nous allons reprendre dans une vingtaine de

14 minutes. L'audience est suspendue.

15 L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.

16 M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

17 M. Kehoe (interprétation). - J'ai oublié de demander le

18 versement des pièces D135 à D140.

19 M. le Président. - Parfait, elles sont versées.

20 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je y aller, Monsieur le

21 Président.

22 M. le Président. - Vous pouvez commencer.

23 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, je voudrais vous

24 poser un certain nombre de questions liées par le conseil de la défense au

25 cours du contre-interrogatoire. Je vais donc passer d'un sujet à l'autre,

Page 9362

1 j'espère que cela ne vous dérangera pas. Vous avez entendu un certain

2 nombre de questions liées au premier rapport du 19 juin 1993 et portant

3 sur la réunion du premier commandement conjoint. Maître Hayman, vous a

4 donc posé un certain nombre de questions sur ce point. A l'époque, la

5 situation était assez difficile pour l'accusé. Travnik venait de tomber.

6 Beaucoup de personnes déplacées arrivaient dans la région. Et Blaskic, à

7 ce moment-là, pensait que l'armée de Bosnie-Herzégovine allait attaquer,

8 n'est-ce pas ?

9 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.

10 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on dire également qu'au cours

11 de cette période Blaskic a tenté d'obtenir votre aide au cas où une telle

12 attaque se produirait ?

13 M. Duncan (interprétation). - Oui, à ce moment-là, c'était dans

14 son intérêt. Il était un peu en arrière plan, il était un peu déstabilisé.

15 Il avait donc besoin de l'aide des Nations Unies.

16 M. Kehoe (interprétation). - A ce moment-là, il n'était donc pas

17 dans son intérêt de faire de vous un ennemi, n'est-ce pas ?

18 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, cela n'aurait pas

19 été très censé.

20 M. Kehoe (interprétation). - Revenons à la pièce de

21 l'accusation 386 qui reprend la première réunion du commandement conjoint.

22 Monsieur l'Huissier, avec votre aide, je remettrai ce document au témoin.

23 M. Hayman (interprétation). - Je voudrais noter que les Juges

24 m'ont demandé de ne pas poser de questions au témoin liées à ces quatre

25 rapports si je voulais que mon objection soit maintenue en vertu de

Page 9363

1 l'article 66, et je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas posé de questions sur

2 ces quatre rapports étant donné ce que m'ont dit les Juges. Car nous

3 souhaitons maintenir cette objection.

4 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le

5 Juge Riad, des questions très importantes ont été posées par le conseil de

6 la défense, qui étaient liées aux ordres d'avril 1993. Il a déclaré que

7 nous ne les avions pas montrés au Brigadier général. Je tiens donc à faire

8 suivre les conséquences qu'on pourrait tirer des questions posées par le

9 conseil de la défense. Pour faire cela, il faut revenir à la pièce 386. Il

10 faut revenir aux pièces ayant fait l'objet de questions par le conseil de

11 la défense.

12 M. le Président. - Je suis un peu gêné Maître Kehoe, j'ai bien

13 dit en fin de matinée, à Me Hayman et à Me Nobilo, que ces pièces seraient

14 versées si, cet après-midi, le conseil de la défense les utilisait. Je

15 considèrerais qu'à ce moment-là il renoncerait, en quelque sorte, à son

16 objection. Il est entendu que vous ne devez poser des questions que dans

17 le cadre du contre-interrogatoire, donc je préférerais que vous

18 n'utilisiez pas ces pièces, qui pour l'instant sont sous la réserve d'une

19 objection, avec tendance des Juges de les admettre comme pièces à

20 conviction pour les raisons que j'ai admis. Mais c'est vrai que nous avons

21 admis cette possibilité à la défense. Donc je préférerais que vous

22 n'utilisiez pas ces pièces car elles n'ont pas été citées dans le cadre du

23 contre-interrogatoire.

24 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président,

25 je peux poursuivre.

Page 9364

1 M. le Président. - J'avais compris que vous pouviez poser votre

2 question sans vous référer à ces pièces.

3 M. Kehoe (interprétation). - Oui.

4 M. le Président. - Eh bien donc, nous nous passerons de ces

5 pièces pour l'instant. C'est Parfait. Posez donc des questions mais je

6 vous demande de rester dans le cadre du contre-interrogatoire. Allez-y.

7 M. Kehoe (interprétation). - D'accord. Merci, Monsieur le

8 Président. Je crois vous avoir entendu dire, enfin peut-être ne l'avez

9 vous pas dit, que votre fax était assez utilisé, que vous receviez de

10 nombreux fax de l'accusé, n'est-ce pas?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'était notre moyen principal

12 de communication.

13 M. Kehoe (interprétation). - Parfois, il bloquait même votre fax

14 tellement il vous en envoyait ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui effectivement.

16 M. Kehoe (interprétation). - Vous a-t-il jamais montrer les

17 ordres dont a parlé le conseil de la défense ?

18 M. Duncan (interprétation). - Non jamais.

19 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de toutes les réunions que

20 vous avez eues, entre mai et novembre, il n'a jamais rien dit à propos de

21 ces documents dont vient de parler le

22 conseil de la défense?

23 M. Duncan (interprétation). - Non, il n'a jamais rien dit.

24 M. Kehoe (interprétation). - Merci. Le conseil vous a parlé des

25 communications radios dans la zone. Il vous a posé des questions

Page 9365

1 concernant l'électricité, les problèmes posés par le manque d'électricité

2 et les coupures d'électricité. Vous avez répondu que les armées avaient

3 généralement des systèmes de soutien.

4 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.

5 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Blaskic, vous a-t-il

6 jamais dit qu'il ne savait pas ce qui se passait dans la zone de

7 responsabilité qui se trouvait sous son contrôle ?

8 M. Duncan (interprétation). - Non il n'a jamais dit cela, il n'a

9 jamais dit : "Je ne sais pas ce qui se passe". C'était même le contraire.

10 Il me disait ce qui se passait sur le

11 terrain dans sa zone de responsabilité.

12 M. Kehoe (interprétation). - Je passe à un autre sujet qui a

13 trait à Kiseljak. Nous en avons parlé lors de l'interrogatoire principal.

14 Le conseil vous a posé des questions sur Kiseljak et sur la séparation

15 géographique entre l'enclave de Vitez et l'enclave de Kiseljak. La défense

16 vous a également posé un certain nombre de questions qui n'avaient pas

17 trait d'ailleurs à des questions posées dans l'interrogatoire principal.

18 Elle vous a demandé si, à Rakovici, le 10 juin 1993, le premier jour de

19 transit du Convoi de la Joie, le général Petkovic et ses policiers

20 militaires se sont trouvés sur la route, si vous les avez arrêtés et si

21 vous avez parlé avec eux.

22 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.

23 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous essayé d'obtenir leur

24 aide afin de pouvoir traverser ce poste de contrôle ?

25 M. Duncan (interprétation). - C'est exact, c'était pour passer

Page 9366

1 le barrage qui se trouvait sur la route.

2 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de l'interrogatoire

3 principal, vous avez dit que le 29 mai 1993, vous avez rencontré

4 M. Petkovic, ainsi que l'accusé et d'autres membres dirigeants du HVO à

5 Kiseljak ?

6 M. Duncan (interprétation). - C'est exact.

7 M. Kehoe (interprétation). - Et ensuite quelques 11 jours plus

8 tard, le 10? Petkovic, c'était le chef d'Etat major, peut-être général

9 d'armée à ce moment-là, se trouvaient dans la zone de Vitez le de Genève

10 pas ?

11 M. Duncan (interprétation). - Oui.

12 M. Kehoe (interprétation). - Comment était-il arrivé là ?

13 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas ce n'est pas, ce

14 n'est pas moi qui l'y ait emmené.

15 M. Kehoe (interprétation). - Vous ne l'y avait pas emmené ?

16 M. Duncan (interprétation). - Non, notre politique était de ne

17 pas ballader les gens d'un endroit à un autre. Après la réunion du 29,

18 nous avons décidé de ne pas transférer les gens d'un point à un autre.

19 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, s'il n'y avait pas

20 les Nations Unies, ni un service de taxi, le général n'aurait pas réussi à

21 se rendre deKiseljak à Vitez ? Il a pourtant réussi ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Il est reparti en voiture sur la

24 route de Novi Travnik ?

25 M. Duncan (interprétation). - Il allait vers Prozor.

Page 9367

1 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il dans un transporteur de

2 troupes blindées ?

3 M. Duncan (interprétation). - Il était dans un 4/4.

4 M. Kehoe (interprétation). - vous êtes d'accord avec moi pour

5 dire que si un général du HVO, le général Petkovic, un homme important,

6 pouvait se rendre à Vitez en venant de Kiseljak, dans un autre véhicule

7 qu'un véhicule blindé, l'accusé aurait très bien pu le faire aussi ?

8 M. Duncan (interprétation). - Oui je suppose, je ne vois pas

9 pourquoi il n'aurait pas pu le faire. Si le général Petkovic a pu le

10 faire, d'autres également.

11 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que cela veut dire qu'il le

12 faisait effectivement, que le trajet était suffisamment sûr pour que les

13 gens puissent se déplacer de ce point à l'autre ?

14 M. Duncan (interprétation). - Je ne pense pas que Petkovic

15 aurait fait ce voyage s'il pensait qu'il y avait une éventuelle menace.

16 M. Kehoe (interprétation). - Général, parlons maintenant du

17 Convoi de la Joie et de ce qui s'est passé.

18 Le conseil de la défense vous a posé certaines questions sur

19 l'attitude de Petkovic lorsque vous avez demandé son aide.

20 Mais lorsque vous lui avez effectivement demandé de l'aide,

21 qu'est-ce qu'il a fait, quels ont été ces gestes, ces réactions ?

22 M. Duncan (interprétation). - Il m'a ri au nez et puis il est

23 parti, c'est tout.

24 M. Kehoe (interprétation). - Mais a-t-il parlé aux gens ?

25 M. Duncan (interprétation). - Il a parlé aux gens qui se

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1 trouvaient là, et il semblait être heureux d'entendre ce qu'il a dit. Et

2 puis ensuite il a ri, sourit, alors moi à l'aide de mon interprète j'ai

3 demandé si nous pouvions passer, il a ri et puis il est parti.

4 M. Kehoe (interprétation). - A-t-il donné l'ordre à ses soldats

5 de séparer les civils, de disperser la foule ?

6 M. Duncan (interprétation). - Non.

7 M. Kehoe (interprétation). - Au cours du contre-interrogatoire,

8 on vous a posé la question de savoir si ces soldats, qui frappaient

9 visiblement un chauffeur civil et qui pillaient ces différents véhicules,

10 étaient en mission ou non de service ou non ?

11 Je crois que cela fait 25 ans que vous êtes dans l'armée, n'est-

12 ce pas ?

13 M. Duncan (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - En tant que commandant du régiment

15 du Prince de Galles, je pense que vous avez réussi à discipliner vos

16 soldats. Peut-être avez-vous pris des mesures pour la conduite de certains

17 soldats, qu'ils soient en mission ou qu'ils n'y soient pas ?

18 M. Duncan (interprétation). - Cela ne fait aucune différence

19 dans l'armée britannique, qu'ils soient en mission, de service ou pas.

20 M. Kehoe (interprétation). - Diriez-vous que pour ce qui est de

21 l'attitude de ces soldats, de leur conduite, un officier, un commandant a

22 pour obligation d'assurer la discipline, que le soldat soit en service ou

23 non.

24 M. Duncan (interprétation). - Effectivement.

25 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui s'est passé avec le

Page 9369

1 Convoi de la Joie, les 10 et 11 juin, le pillage et les tirs, ces

2 événements étaient-ils connus à ce moment-là ?

3 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai pas très bien compris

4 votre question.

5 M. Kehoe (interprétation). - Etait-il probable que M. Blaskic

6 ait entendu parler du meurtre de ces chauffeurs, du pillage de ce convoi

7 et des autres actes violents qui ont été perpétrés autour du Convoi de la

8 Joie ?

9 M. Duncan (interprétation). - Il est tout à fait improbable

10 qu'il n'en ait pas entendu parler, parce qu'il y avait des gens partout.

11 Une organisation avait été prévue, un barrage pour bloquer les véhicules,

12 tous ces véhicules ont été disséminés dans différents endroits de la

13 ville, là où ils ont été pillés. Par conséquent il y avait un plan

14 derrière tout cela, c'était organisé.

15 M. Kehoe (interprétation). - Blaskic a-t-il fait une tentative

16 visant à assurer la discipline de ses soldats ? Y a-t-il eu un effort de

17 sa part ?

18 M. Duncan (interprétation). - Non.

19 M. Kehoe (interprétation). - C'est un commandant qui vous a dit

20 à plusieurs reprises qu'il avait du mal à diriger, à contrôler les

21 éléments extrémistes, n'est-ce pas ?

22 M. Duncan (interprétation). - Oui.

23 M. Kehoe (interprétation). - Vous rappelez-vous d'un message qui

24 a été diffusé en août 1993 à Radio Vitez et qui portait sur la relation

25 entre la Forpronu et le HVO ? Radio Kiseljak a dit que les commandants du

Page 9370

1 HVO avaient eu certains propos vis-à-vis des soldats, n'est-ce pas ?

2 M. Duncan (interprétation). - Le message était le suivant :

3 "Personne ne pouvait assurer la sécurité des soldats de la Forpronu qui

4 étaient dans les véhicules blancs".

5 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, les officiers

6 contrôlant le HVO n'étaient plus responsables des actions de leurs

7 soldats ? C'est bien ce qui a été dit ?

8 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois effectivement que

9 c'est le texte qui a été prononcé.

10 M. Kehoe (interprétation). - Qui était le commandant à ce

11 moment-là ?

12 M. Duncan (interprétation). - C'était Blaskic.

13 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, à la radio, un

14 message passe, à savoir que le commandant ne peut plus commander ses

15 soldats, c'est bien ce qui a été diffusé ?

16 M. Duncan (interprétation). - Oui, c'est cela.

17 M. Kehoe (interprétation). - Y a-t-il eu des menaces proférées à

18 l'encontre des véhicules blancs dans ce message ?

19 M. Duncan (interprétation). - Quelque chose a été dit à propos

20 de véhicules, y compris à propos de véhicules blancs.

21 M. Hayman (interprétation). - Il n'y a pas de fondement à ce

22 genre d'argumentation. On ne peut pas dire que l'accusé contrôlait

23 Radio Kiseljak ou Radio Vitez. En fait, des témoignages sont venus étayer

24 l'argument contraire. Je crois qu'ici, nous entrons dans une question

25 d'éthique.

Page 9371

1 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends que ceci est très

2 nuisible aux arguments de la défense, mais malheureusement,...

3 M. Hayman (interprétation). - Non, ce n'est pas nuisible, il ne

4 s'agit pas de cela, c'est simplement une question d'éthique, Monsieur le

5 Président. Le témoignage dit que Radio Kiseljak était sous le contrôle

6 d'éléments politiques dans l'enclave de Kiseljak. Il y a là une question

7 éthique. M. Kehoe ne peut pas recueillir ce type de témoignage, ou du

8 moins essayer de le recueillir.

9 M. Kehoe (interprétation). - J'entends bien que Me Hayman n'aime

10 pas ce qui est dit par le témoin, à savoir qu'un commandant du HVO -à

11 savoir Blaskic- et ses officiers ont fait passer un message à Radio Vitez

12 disant qu'ils ne pouvaient plus contrôler leurs soldats.

13 M. le Président. - Brigadier général, le message du commandant

14 est passé à la radio ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui, tout à fait.

16 M. le Président. - Donc la question me paraît possible. Allez-y,

17 continuez.

18 M. Kehoe (interprétation). - Pour ce qui est à nouveau du Convoi

19 de la Joie, Brigadier général, les informations dont vous disposiez sur

20 les activités de Zuti, notamment les informations dont il est question

21 dans la pièce D135, en date du 17 août 1993, je vous ai posé une question

22 sur ce point. Certains camions de ce convoi ont fini chez Zuti ou bien

23 dans une zone contrôlée par le HVO ?

24 M. Duncan (interprétation). - Dans toute la poche de Vitez en

25 fait, juste en face de Rankovici et dans des zones se trouvant dans la

Page 9372

1 ville même de Vitez.

2 M. Kehoe (interprétation). - Sur la vidéo, nous avons vu des

3 camions dans la carrière ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Concernant Zuti, avait-il un

6 quelconque pouvoir sur ce Convoi de la Joie qui est arrivé en

7 octobre 1993 ?

8 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

9 pouvoir reposer des questions au témoin sur le Convoi de la Joie II, dont

10 il n'a pas été question dans l'interrogatoire principal, ni au cours du

11 contre-interrogatoire. Il faut nous donner la possibilité d'entrer dans de

12 nouveaux domaines au cours de questions supplémentaires, si ces nouveaux

13 domaines sont abordés par Me Kehoe.

14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, au cours du

15 contre-interrogatoire, il a été question de la relation entre le témoin et

16 Zuti.

17 M. le Président. - Restez sur la relation avec Zuti, s'il vous

18 plaît, Maître Kehoe.

19 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, j'en reste à

20 la relation entre Blaskic et Zuti, mais il faut quelques explications

21 supplémentaires étant donné que Blaskic semble travailler en coopération

22 avec Zuti afin de détourner le Convoi de la Joie II. C'est pour cela que

23 j'évoque ce point.

24 M. le Président. - Je vous écoute. Vous restez bien dans ce

25 cadre-là. Je ne souhaite pas, et je pense me faire l'interprète de mon

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1 collègue, que vous refassiez un interrogatoire, Maître Kehoe.

2 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends, Monsieur le

3 Président, je vais poursuivre. Restons-en à ce document, la pièce D135.

4 Vous l'avez, je crois.

5 M. Duncan (interprétation). - Oui.

6 M. Kehoe (interprétation). - Passons au passage qui se trouve

7 dans le paragraphe 3 et qui porte sur la relation de Zuti avec Blaskic et

8 l'éventuel retrait des Croates de la vallée de la Lasva. Vous le voyez ?

9 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement.

10 M. Kehoe (interprétation). - Mais cela n'est jamais arrivé ? Les

11 Croates ne se sont jamais rendus ?

12 M. Duncan (interprétation). - Non.

13 M. Kehoe (interprétation). - Je voudrais aller à la deuxième

14 page, au paragraphe 5 plus précisément. Quel est ce paragraphe et qu'est-

15 ce qui y est dit ?

16 M. Duncan (interprétation). - En fait, il y a eu une menace de

17 descendre tous les hélicoptères, qu'ils soient des Nations Unies, de

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine ou tout autre.

19 M. Kehoe (interprétation). - Y avait-il des hélicoptères qui

20 arrivaient à ce moment-là ?

21 M. Duncan (interprétation). - Non, mais si jamais c'était le

22 cas, ils auraient été descendus.

23 M. Kehoe (interprétation). - Tous les hélicoptères ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Passons maintenant au paragraphe 7.

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1 Quelle est la menace de Blaskic par rapport à l'usine de Vitez ?

2 M. Duncan (interprétation). - Si cette usine était menacée, il

3 la ferait sauter et nous, les Nations Unies serions responsables des

4 conséquences de cela, ceci allait créer une pollution extrêmement

5 importante de toute la vallée, une destruction de toute la zone, avec la

6 dissémination de produits chimiques dans l'air et dans l'atmosphère.

7 M. Kehoe (interprétation). - Par conséquent, ceci affecterait la

8 vie de civils dans la zone.

9 M. Duncan (interprétation). - Oui ?

10 M. Kehoe (interprétation). - Et c'est M. Blaskic qui a proféré

11 cette menace ?

12 M. Duncan (interprétation). - Oui.

13 M. Kehoe (interprétation). - Il a menacé de mettre son plan à

14 exécution ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez devant vous un certain

17 nombre de documents, je crois. C'est le conseil de la défense qui vous les

18 a montrés. Le conseil de la défense vous a demandé si Blaskic ne vous

19 avait jamais conseillé de tirer sur des tireurs isolés. Vous vous en

20 souvenez ?

21 M. Duncan (interprétation). - Oui.

22 M. Kehoe (interprétation). - Il vous a dit cela ? De tirer sur

23 des tireurs isolés ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Il vous l'a dit à plusieurs

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1 reprises ?

2 M. Duncan (interprétation). - Oui.

3 M. Kehoe (interprétation). - Et ceci au moment où lui a mené

4 cette enquête sur l'attaque du tireur isolé à l'encontre de Boris et de

5 Dobrila ? C'est la même personne qui vous a envoyé les deux messages,

6 n'est-ce pas ?

7 M. Duncan (interprétation). - Oui.

8 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur l'huissier, je voudrais

9 maintenant passer au document qui commence par 28 septembre 1993, mais je

10 ne sais pas de quelle pièce de la défense il s'agit exactement.

11 M. Duncan (interprétation). - Il s'agit de la pièce D139.

12 M. Kehoe (interprétation). - D139, merci.

13 Passons d'abord à la pièce D137, il est question de

14 M. Darko Kraljevic et de ses Chevaliers qui ont vingt à trente hommes.

15 Blaskic avait-il suffisamment de soldats sous son contrôle pour contrôler

16 vingt à trente hommes.

17 M. Duncan (interprétation). - Oui, bien entendu, s'il souhaitait

18 éliminer ces hommes, il aurait pu le faire très facilement.

19 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous jamais entendu parler

20 d'une éventuelle tentative de la part de Blaskic d'essayer d'écarter les

21 Vitezovi ou Darko Kraljevic*, d'essayer d'arrêter ces individus ?

22 M. Duncan (interprétation). - Non, jamais.

23 M. Kehoe (interprétation). - Dans le document D139, nous

24 trouvons le nom de Darko Zilic, vous le connaissez ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui, Darko Gilic était l'officier

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1 de liaison qui agissait entre le colonel Blaskic et moi-même.

2 M. Kehoe (interprétation). - C'était donc le messager de

3 Blaskic ?

4 M. Duncan (interprétation). - Oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Donc si vous aviez quelque chose à

6 dire ou si Blaskic avait quelque chose à vous dire, c'était lui qui

7 venait.

8 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que Gilic a donné une

9 entrevue à la BBC en louant les activités des Vitezovi ? Si c'était le

10 cas, s'il avait donné une interview à la BBC en louant le travail des

11 Vitezovi, est-ce que ceci indiquerait que Blaskic et les Vitezovi

12 travaillaient de concert ?

13 M. Duncan (interprétation). - Oui, je pense effectivement. Et je

14 pense que ceci voudrait dire que Blaskic avait dit à son officier de

15 liaison de transmettre ce message.

16 M. Kehoe (interprétation). - Plus tard, Monsieur le Président,

17 Monsieur le Juge Riad, nous produirons cet extrait de la BBC. Nous ne

18 l'avons pas actuellement.

19 Passons maintenant à l'été 1993. Vous avez parlé des

20 hélicoptères qui ont commencé à survoler les zones du HVO.

21 M. Duncan (interprétation). - Oui, surtout dans la vallée de la

22 Lasva, vers Vitez.

23 M. Kehoe (interprétation). - Qui allaient vers on ne sait où.

24 M. Duncan (interprétation). - Vers Prozor.

25 M. Kehoe (interprétation). - Ceci allait-il freiner Blaskic dans

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1 sa communication avec d'autres zones ou cela l'aurait-il aidé ?

2 M. Duncan (interprétation). - Non, cela était très positif pour

3 lui, parce qu'il pouvait faire passer des messages par hélicoptère. En

4 même temps, de toute façon, pour obtenir ces hélicoptères, il fallait

5 qu'il puisse communiquer avec les autres zones, parce qu'il fallait

6 synchroniser les allées et venues. C'était très dangereux à l'époque. Donc

7 il fallait pouvoir communiquer avec les autres zones pour dire : "Allez-y,

8 il n'y a aucune activité ennemie, vous pouvez atterrir ou vous pouvez

9 décoller." C'est une communication très complexe, une organisation très

10 complexe, parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre de perdre des

11 hélicoptères, il fallait donc qu'ils aient un système de communication

12 efficace.

13 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit que au moins à trois

14 reprises Blaskic a quitté les lieux au cours de votre mission.

15 M. Duncan (interprétation). - Oui.

16 M. Kehoe (interprétation). - Comment est-il parti ?

17 M. Duncan (interprétation). - Je ne sais pas, mais je suppose

18 qu'il est parti en hélicoptère.

19 M. Kehoe (interprétation). - Une fois en hélicoptère, aurait-il

20 pu aller à Kiseljak pour vérifier certains événements sans vous ?

21 M. Duncan (interprétation). - Ce sont ses affaires, évidemment

22 c'était sans moi.

23 M. Kehoe (interprétation). - Donc il aurait pu se rendre à

24 Kiseljak et évaluer la situation là-bas ?

25 M. Duncan (interprétation). - Je suppose qu’il aurait pu aller

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1 dans n’importe quel territoire contrôlé par le HVO.

2 M. Kehoe (interprétation). - Il aurait pu aller à Vares

3 également, n’est-ce pas ?

4 M. Duncan (interprétation). - S’il le souhaitait, oui.

5 M. Kehoe (interprétation). - Ces voyages en hélicoptère auraient

6 pu être organisés au dernier moment pour une visite rapide à Vitez ou à

7 d’autres endroits encore ? Entre Vitez et Kiseljak, par exemple ?

8 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est tout à fait possible.

9 M. Kehoe (interprétation). - Nous arrivons maintenant au mois de

10 juin. Nous savons qu’il y a des vols d’hélicoptère entre la poche de Vitez

11 et d’autres zones à l’extérieur de la poche de Vitez, et nous savons que

12 Petkovic peut se rendre entre Vitez et Kiseljak par la route, n’est-ce pas

13 ?

14 M. Duncan (interprétation). - Oui.

15 M. Kehoe (interprétation). - Cela n’indique-t-il pas que ce flux

16 d’informations entre différentes zones contrôlées par le HVO était assez

17 régulier, assez solide ?

18 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est exact, il y avait un

19 système de communications, de communications radio, de vols d’hélicoptères

20 et de transmissions qui fonctionnaient bien.

21 M. Kehoe (interprétation). - Le conseil de la défense vous a

22 posé un certain nombre de questions portant sur les hommes politiques

23 responsables des mouvements ethniques ?

24 M. Duncan (interprétation). - C’est exact.

25 M. Kehoe (interprétation). - Quel était l’outil utilisé dans

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1 cette politique ?

2 M. Duncan (interprétation). - Eh bien cette politique est

3 suggérée par Valenta, transmise par Kordic, mais l’application, la mise en

4 place doit se faire sur le terrain par les soldats.

5 M. Kehoe (interprétation). - Vous parlez de ceci à la page 4 de

6 votre déclaration ; vous parlez de la sécurité interne et du fait qu’elle

7 est contrôlée par Kordic en coordination avec Blaskic, et que Blaskic

8 s’occupe des questions de défense militaire de la zone.

9 M. Duncan (interprétation). - Oui.

10 M. Kehoe (interprétation). - Mais là, nous parlons d’autorité

11 civile et militaire, n’est-ce pas ?

12 M. Duncan (interprétation). - Nous parlons de Blaskic qui

13 participe, dans une certaine mesure, à l’administration civile, de la

14 société civile de la zone... non pardon, je parle de Kordic, là, bien

15 sûr... de Kordic, avec Skopljak, Santic, le maire etc...

16 Mais Blaskic n’était responsable que des questions militaires.

17 M. Kehoe (interprétation). - Passons à ma dernière série de

18 questions. Je n’en ai plus qu’un certain nombre, Monsieur le Président, je

19 serai rapide. Parlons de Gorbavica, le village qui se trouvait juste à

20 côté du camp britannique et qui a été attaqué le 7 septembre 1993. Le

21 lendemain de votre départ en permission ?

22 M. Duncan (interprétation). - C’est exact.

23 M. Kehoe (interprétation). - Et je crois qu’en réponse à une

24 question posée par le conseil de la défense, vous avez dit que le fait

25 d’attaquer ce village était tout à fait légitime pour le HVO, parce que

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1 ceci permettait d’ouvrir cette route principale qui leur permettrait de

2 faciliter les manoeuvres des différentes unités ?

3 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est exact.

4 M. Kehoe (interprétation). - Brigadier général, lorsque vous

5 êtes revenu, toutes les maisons avaient été incendiées, n’est-ce pas ?

6 M. Duncan (interprétation). - Oui, toutes les maisons qui se

7 trouvaient en haut de la colline, au lieu d’avoir été fortifiées et d’être

8 utilisées en tant que position de défense, avaient été incendiées, il ne

9 restait plus rien.

10 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez passé quelque sept mois

11 dans la vallée de la Lasva ; est-ce que ceci était cohérent avec les

12 attaques lancées par le HVO dans toute la vallée de la Lasva ?

13 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, c’était, disons, la

14 procédure standard, la procédure généralement utilisée par ces forces :

15 ils attaquaient et puis ils incendiaient les bâtiments.

16 M. Kehoe (interprétation). - Lors d’une réponse que vous avez

17 apportée à une question du conseil de la défense, vous avez dit qu’il n’y

18 avait aucun objectif militaire dans la destruction de ces bâtiments.

19 M. Duncan (interprétation). - Oui, je crois qu’en fait, il était

20 de leur intérêt de maintenir ces bâtiments en l’état.

21 M. Kehoe (interprétation). - Mais avant cela, Blaskic vous a dit

22 qu’il allait être obligé d’attaquer Gorbavica et d’éliminer les Musulmans

23 de cette zone, n’est-ce pas ?

24 M. Duncan (interprétation). - Oui.

25 M. Kehoe (interprétation). - Les maisons sont donc incendiées,

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1 il n’y a pas d’objectif militaire, ceci correspond à la procédure utilisée

2 dans le reste de la vallée de la Lasva. Alors, quel était le message que

3 Blaskic et ses hommes essayaient d’envoyer aux Musulmans ?

4 M. Duncan (interprétation). - Le message était très clair : il

5 n’y avait plus de maisons dans lesquelles les Musulmans pouvaient revenir,

6 il n’y avait aucune raison de revenir.

7 M. Kehoe (interprétation). - Et ils ne sont pas revenus, n’est-

8 ce pas ?

9 M. Duncan (interprétation). - Effectivement, ils ne sont pas

10 revenus.

11 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

12 consulter mon collègue un instant. Je n’ai plus de questions, merci

13 beaucoup, Monsieur le brigadier général.

14 M. le Président. - Général, vous allez à présent recevoir les

15 questions des Juges. Je me tourne vers M. le Juge Riad.

16 M. Riad (interprétation). - Bonjour, Monsieur le

17 brigadier général.

18 M. Duncan (interprétation). - Bonjour.

19 M. Riad (interprétation). - J’ai écouté avec attention votre

20 déposition et je voudrais vous poser une question d’ordre général, sans

21 entrer dans les détails.

22 Vous vous êtes exprimé très clairement et vous avez établi une

23 dichotomie entre les décisions politiques du nettoyage ethnique que vous

24 avez comprises de votre discussion avec Anto Valenta et des discussions

25 entre Blaskic et Kordic le 9 mai, dichotomie entre les décisions

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1 politiques, donc, et leur mise en place sur le terrain par les soldats

2 parce que les membres politiques n’avaient pas les outils nécessaires pour

3 appliquer ces décisions sans l’armée.

4 Par conséquent, en admettant que cette décision ait été

5 effectivement une décision politique, les soldats auraient-ils pu

6 appliquer cette décision sans toute la violence que vous avez décrite,

7 sans toutes les violations du droit humanitaire international ?

8 Cette décision, en d’autres termes, aurait-elle pu être

9 concrétisée d’une autre façon ?

10 M. Duncan (interprétation). - Si les gens avaient décidé de leur

11 plein gré de partir et de dire "Je m’en vais, ça ne fait rien", là oui.

12 Mais les Musulmans ne souhaitaient pas partir. Je crois que les Musulmans

13 qui sont partis de la région ont été expulsés par la force. Je crois qu’il

14 s’agissait simplement d’une façon inhumaine de faire partir les gens.

15 C’était du nettoyage ethnique, c’était absolument tragique.

16 M. Hayman (interprétation). - Ceci aurait-il pu être appliqué

17 sans incendier les maisons, sans envoyer des civils creuser des tranchées,

18 sans tuer ?

19 M. Duncan (interprétation). - Oui, je suppose.

20 M. Hayman (interprétation). - Etait-ce une nécessité ?

21 M. Duncan (interprétation). - Je suppose que le fait d’incendier

22 les maisons était une nécessité en quelque sorte, parce que ceci empêchait

23 les gens de revenir. Si on envoie des gens loin et s’ils savent qu’ils

24 vont retrouver leur maison en rentrant, il leur reste un espoir, mais

25 s’ils savent que leur maison a été incendiée, ils savent qu’ils n’ont plus

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1 d’endroit pour vivre.

2 M. Hayman (interprétation). - Alors quelle est la limite ici

3 entre l’aspect politique et l’aspect militaire, à votre avis ?

4 M. Duncan (interprétation). - A mon avis, les idées politiques

5 sont nées, les hommes politiques ont dit ce qui devait se passer et là je

6 vous renvoie à ma remarque selon laquelle l’armée mettait en place,

7 concrétisait les idées politiques.

8 M. Hayman (interprétation). - L’armée a-t-elle été efficace ?

9 M. Duncan (interprétation). - Oui, très efficace.

10 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que Blaskic avait

11 été promu au rang de Général et vous pensez que c’était un signe de sa

12 dévotion ?

13 M. Duncan (interprétation). - Eh bien je pense que cela veut

14 dire qu’il était tout à fait en accord avec les idées politiques et que

15 ses dirigeants politiques et militaires étaient très contents de la façon

16 dont il avait fait son travail. C’était une personne à qui on faisait

17 confiance dans la communauté croate de Bosnie.

18 M. Hayman (interprétation). - Mais vous avez parlé de cela avec

19 Kordic entre autres et ils vous ont indiqué que le nettoyage ethnique

20 était une nécessité ?

21 M. Duncan (interprétation). - Lorsque j’ai parlé de dirigeant

22 politique, je parlais de structure politique, je parlais de Mate Boban,

23 notamment. Je crois que la branche politique était satisfaite du travail

24 qui avait été réalisé par Blaskic. Mais je pense qu’il y avait des idées

25 partagées par Valenta, Kordic et Blaskic. Ils travaillaient ensemble,

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1 c’était un effort commun.

2 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, il n’y avait pas

3 véritablement de maître et de disciple, n’est-ce pas ? C’était une

4 politique conjointe ?

5 M. Duncan (interprétation). - Oui, effectivement, chacun était

6 responsable d’actions différentes, mais c’était un effort commun, oui.

7 M. Hayman (interprétation). - Vous avez dit que le général ou un

8 commandant peut refuser de violer le droit international humanitaire ?

9 M. Duncan (interprétation). - Oui, c’est exact.

10 M. Hayman (interprétation). - Et qu’il peut même être amené à

11 démissionner ?

12 M. Duncan (interprétation). - C’est exact.

13 M. Hayman (interprétation). - Pensez-vous que c’était possible à

14 cette période-là et dans cette région ?

15 M. Duncan (interprétation). - Oui, sans doute. Je pense qu’à ce

16 moment-là ils auraient trouvé quelqu’un d’autre.

17 M. Riad (interprétation). - Vous avez été plus loin quand vous

18 avez parlé du Convoi de la Joie. Vous avez signalé que cette opération

19 n’aurait pas pu se dérouler sans une organisation minutieuse de la part

20 des militaires.

21 M. Duncan (interprétation). - Oui, en effet, parce que les

22 militaires sont extrêmement efficaces dès lors qu’il s’agit de concrétiser

23 un plan, de coordonner tout. C’est à cela que servent les militaires.

24 M. Riad (interprétation). - Donc vous pensez qu’ils relèvent là

25 d’une responsabilité militaire ?

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1 M. Duncan (interprétation). - La manière dont cela s'est fait

2 provient des militaires en effet.

3 M. Riad (interprétation). - Vous avez parlé de la demande de la

4 Croix-Rouge et de l'ONU visant à libérer des prisonniers civils. Il y a eu

5 manquement à donner suite à cette demande. Quelle fut la raison de ne pas

6 avoir répondu à cette demande ?

7 M. Duncan (interprétation). - Je dois vous dire que tant les

8 Musulmans que les Croates ont gardé leurs prisonniers comme outil de

9 négociation et ils les ont utilisés également comme force de travail des

10 deux côtés.

11 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit que dans certains cas,

12 les ordres du colonel Blaskic n'ont pas été exécutés et que lorsque vous

13 lui en avez parlé et je vous cite : "Il est allé parler lui-même à ses

14 troupes et à ce moment-là, ses troupes exécutaient les ordres". Donc dans

15 le fond, son commandement a ensuite été suivi.

16 M. Duncan (interprétation). - Dans ma déclaration, j'ai dit

17 qu'il n'y a eu qu'une seule occasion où j'ai vu que les ordres ont été

18 désobéis, c'est lors de cette réunion concernant le Convoi de la Joie, le

19 peuple et les troupes n'ont pas suivi. C'est la seule occasion dont je me

20 souviens sur les sept mois, mais à toute autre période, les troupes

21 exécutaient ses ordres.

22 M. Riad (interprétation). - Vous avez dit également qu'il était

23 facile de couvrir de grandes distances grâce aux moyens de communication,

24 bien qu'il y ait eu des coupures de d'électricité ?

25 M. Duncan (interprétation). - Ce n'est pas facile, mais disons

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1 qu'il y avait différents moyens de communication : à pied, par lettre, par

2 téléphone, par téléfax, les radios, etc.

3 M. Riad (interprétation). - Donc en bref, il n'y avait pas

4 véritablement d'obstacle majeur pour savoir ce qui se passait ?

5 M. Duncan (interprétation). - Non, il n'y avait pas d'obstacle

6 en effet.

7 M. Riad (interprétation). - Vous pensez que vu qu'il s'agissait

8 d'une décision politique disiez-vous, la mise en oeuvre pouvait se faire

9 par les petits commandants ?

10 M. Duncan (interprétation). - Non, je ne pense pas, parce que

11 ces petits groupes font partie des forces armées dans cette enclave. Si

12 l'on veut maintenir une défense crédible et si on découvre d'un seul coup

13 que trente à quarante personnes agissent contre vos souhaits dans une

14 zone, comment pouvez-vous accepter cela en tant que commandant ? Cela n'a

15 pas de sens pour moi. Vous essayez de défendre votre enclave contre

16 l'armée de la BiH, on ne peut pas se permettre d'avoir des gens qui

17 agissent de manière indépendante et qui dépensent vos munitions, votre

18 essence, votre nourriture. Il vous faut toutes ces ressources et toutes

19 ces forces dans vos réserves. Ces actions indépendantes ne peuvent pas

20 faire partie du plan sauf si vous l'avez ordonné et que vous en êtes au

21 courant.

22 M. Riad (interprétation). - Permettez-moi de conclure de votre

23 déposition que vous vouliez dire que le colonel Blaskic a joué un rôle

24 actif dans la purification ethnique ?

25 M. Duncan (interprétation). - Oui.

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1 M. Riad (interprétation). - Je vous remercie.

2 M. le Président. - Très peu de questions. Mon collègue a posé

3 également un nombre de questions très importantes. Je voulais peut-être

4 revenir sur un ou deux points qui n'ont pas été abordés toujours. Lors de

5 la réunion du 9 mai 1993, où on a parlé d'Ahmici et de l'enquête en cours,

6 vous vous souvenez ? Quel est votre sentiment lorsque dans le document, le

7 compte rendu, l'accusé dit à la fois que l'enquête suit son cours mais que

8 le HVO n'est pas responsable ? Qu'est-ce que cela évoquait pour vous et

9 votre état-major ?

10 M. Duncan (interprétation). - Je ne pouvais pas croire que la

11 solution présentée, que ce soient les extrémistes serbes ou ces Musulmans,

12 que ce soit plausible du tout, il devait y avoir des soldats du HVO qui

13 déplaçaient ces prisonniers.

14 M. le Président. - Je voulais savoir : dans vos esprits à vous

15 le bataillon britannique, que pouvait évoquer l'idée "Une enquête est en

16 cours mais ce n'est pas le HVO" sur le plan de la logique ?

17 M. Duncan (interprétation). - Je ne suis pas tout à fait au

18 clair. "Une enquête est en cours mais ce n'est pas le HVO". C'était

19 illogique pour moi.

20 M. le Président. - Cela m'a beaucoup frappé que l'on dise

21 "voilà, une enquête est en cours, mais ce n'est pas le HVO". Il y a

22 quelque chose qui heurte le bon sens. Encore une fois, je ne prends pas

23 parti.

24 M. Duncan (interprétation). - Oui, ils avaient écarté tout de

25 suite la participation du HVO. Ils ont dit "de toute façon, ce n'est pas

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1 le HVO et nous allons essayer de savoir qui cela peut être".

2 M. le Président. - Vous disiez qu'il connaissait les Conventions

3 de Genève, vous en aviez parlé avec lui ? Vous avez l'air de le considérer

4 comme un soldat formé, professionnel et vous avez dit qu'il connaissait

5 les Conventions de Genève. Vous vouliez dire qu'il devait connaître les

6 Conventions de Genève ou avez-vous la certitude qu'il les connaissait

7 réellement ?

8 M. Duncan (interprétation). - Je n'ai jamais confirmé qu'il les

9 connaissait mais nous avons parlé de poursuites en temps de guerre et de

10 limites de comportements adéquats et je lui ai dit qu'il se comportait

11 d'une manière dont les armées civilisées ne se comportent pas.

12 M. le Président. - A la fin de votre témoignage, vous avez dit

13 de l'accusé que c'est une personne raisonnable et honnête. Vous avez

14 confirmé cela à la défense. A plusieurs reprises, vous avez dit que vous

15 l'avez surpris en flagrant délit de mensonge. Y a-t-il une logique

16 apparente ou réelle dans vos propos ? Peut-on dire de quelqu'un qu'il est

17 raisonnable et honnête et en même temps, chaque fois que vous discutiez

18 avec lui sur des points importants, vous aviez le sentiment qu'il mentait.

19 M. Duncan (interprétation). - Lorsque j'étais dans les Balkans

20 et que je discutais de tous les côtés, avec les Serbes, les Croates et les

21 Musulmans, je savais très bien que des crimes horribles avaient eu lieu

22 partout dans le pays. J'ai eu des discussions passionnantes avec le

23 commandant Blaskic. Donc on ne peut pas arriver à chaque réunion en se

24 disant "cet homme est un fou". Il faut tout de même établir un rapport

25 avec lui. C'est pourquoi je pense que nous avions une bonne relation. Nous

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1 avons beaucoup parlé. Ce que je pense de lui et de son comportement, je ne

2 le communiquais pas, cela aurait été tout à fait négatif d'arriver à une

3 réunion, frapper sur la table et dire "vous êtes un assassin, vous avez

4 fait ceci, vous avez fait cela". Cela ne m'aurait mené à rien.

5 Pour établir ce bon rapport entre nous, j'ai parlé avec lui de

6 la manière la plus normale possible. Donc vous voyez, c'est une relation

7 double. D'un côté, je savais très bien ce qui se passait et cela me

8 déplaisait complètement, je n'aimais pas ce qu'il faisait ni comment il le

9 faisait. D'autre part, il fallait que je maintienne avec lui une certaine

10 relation. Si nous n'arrivions plus à nous parler, cela ne nous aidait ni

11 l'un, ni l'autre.

12 M. le Président. - Lorsque vous avez parlé du Convoi de la Joie,

13 vous avez dit qu'il y avait eu un accord avec le gouvernement croate,

14 accord qui a été donné par Mate Boban, vous vous souvenez ? En même temps,

15 vous avez dit que l'accusé avait annoncé qu'il y aurait des difficultés

16 pour le passage de ce convoi.

17 M. Duncan (interprétation). - Oui.

18 M. le Président. - Quelles conclusions en avez-vous tiré ? On

19 peut titrer deux conclusions de ces difficultés. Quand quelqu'un vous dit

20 "Il va y avoir des difficultés", on peut tirer la conclusion qu'il n'aura

21 pas d'autorité suffisante pour empêcher ces difficultés, on peut en tirer

22 la conclusion inverse qu'après tout, il a une telle autorité qu'il sait

23 déjà que le convoi connaîtra des blocages, des agressions ou des pillages.

24 Quelles ont été vos conclusions ? Qu'il avait ou qu'il n'avait pas

25 d'autorité ?

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1 M. Duncan (interprétation). - Ma conclusion fut qu'il me donnait

2 un certain avertissement selon lequel le convoi allait être attaqué. Il

3 disait donc "écoutez, le convoi va être attaqué, je ne pourrai pas

4 l'empêcher" et il essayait en quelque sorte de se dédouaner de cela et de

5 se retirer de ses responsabilités.

6 M. le Président. - J'en ai terminé. J'avais une autre question

7 mais elle a été posée. Brigadier général, le Tribunal vous sait gré d'être

8 venu, d'avoir consacré cette longue journée à répondre à toutes les

9 questions. Néanmoins, une difficulté de procédure reste : la production

10 des pièces 387 ou 382 ou 385 à 389. Ceci a donné lieu ce matin à un

11 échange assez vif, dont une des conséquences serait que s'il n'était pas

12 tranché, peut-être que vous seriez amené à revenir, ce qui n'est pas

13 forcément la meilleure chose, en tout cas pour vous. Je propose ceci : que

14 nous suspendions pour laisser nos interprètes se reposer pendant une

15 dizaine de minutes, que vous restiez à la disposition du Tribunal, si cela

16 ne vous dérange pas.

17 Selon la décision que nous allons prendre, vous resterez dans la

18 salle qui vous est assignée car je voudrais, en accord avec mon collègue,

19 faire une petite conférence de mise en état à huis clos pour que nous

20 essayions de régler à la lumière des décisions de principe que nous avons

21 déjà prises sur ces problèmes de production de documents. En fonction de

22 cela, nous saurons s'il faut nous revoir soit ce soir soit demain matin.

23 Il est 17 heures 15. Nous allons suspendre une dizaine de

24 minutes. Nous reprenons, nous faisons une Conférence de mise en état et

25 nous verrons ce qu'il convient d'en tirer. L'audience est levée.

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1 L'audience est levée à 17 heures 15.

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