Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 10 septembre 1998

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6 Le Procureur c/ Tihomir Blaskic

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8 L'audience est ouverte à 10 h 10.

9 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

10 introduisez l'accusé.

11 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

12 M. le Président. - Je salue les interprètes et ceux qui transcrivent

13 n'est-ce pas, en leur souhaitant une bonne journée J'espère que tout le

14 monde m'entend.

15 Les Interprètes. - Nous vous entendons parfaitement,

16 Monsieur le Président.

17 M. le Président. - Bien, nous allons pouvoir commencer. Je me tourne vers

18 Me Nobilo.

19 M. Nobilo (interprétation). - Oui, merci Monsieur le Président. Le

20 prochain témoin de la défense est le vice-amiral de la flotte de guerre

21 croate, M. Davor Domazet.

22 M. le Président. - Attendez, nous avons un problème de transcript, les

23 caractères ont changé, l'informatique a changé je suppose. Tout

24 normalement devrait être plus moderne, c'est cela Monsieur le Greffier ?

25 M. le Greffier. - Pour des raisons techniques, il ne sera pas possible

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1 d'avoir aujourd'hui un autre transcript.

2 M. le Président. - Nous avons changé de système.

3 M. le Greffier. - C'est pour pallier à un problème technique, nous

4 brancherons directement sur un autre système qui permet d'avoir le

5 transcript pour l'audience.

6 M. le Président. - Bien, nous allons faire avec cela. Maître Hayman ?

7 M. Hayman (interprétation). - Oui Monsieur le Président, les écrans du

8 compte rendu vidéo sont pratiquement illisibles. C'est quelque chose à ce

9 point ténu que l'on n'arrive pas à le lire et l'écran de l'ordinateur

10 portable est tout à fait lisible. Je pense que l'on pourrait peut-être

11 utiliser ici l'écran de l'ordinateur portable. Est-ce que ici le Tribunal

12 pourrait juste vérifier la qualité de la transcription sur vidéo ? Et

13 notamment en ce qui concerne la traduction de la déposition qui va être

14 faite.

15 M. le Président. - Oui mais nous n'avons pas de portables nous Monsieur le

16 Greffier. Il y en avait avant, d'ailleurs, des portables ici, qu'est-ce

17 que...

18 M. le Greffier. - Nous allons vous apporter un portable.

19 M. le Président. - C'est formidable cela, mais peut-être que l'on va

20 pouvoir avoir des portables. D'abord, je me tourne vers mes collègues,

21 voulez-vous que nous fonctionnons comme cela jusqu'à la pause ou pas du

22 tout ?

23 (Les juges se consultent sur le siège.)

24 M. le Président. - Bien pour ne pas retarder... Maintenant nous n'avons

25 plus rien Monsieur le Greffier. Nous étions prêts à une solution de

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1 conciliation. Les Juges sont prêts à fonctionner jusqu'à la pause avec

2 l'actuel transcript qui est de plus en plus mauvais d'ailleurs. Je

3 signale, je suis le moins handicapé parce que, de toute façon, pour moi,

4 c'était en anglais. Mais ce n'est pas le problème. Nous allons fonctionner

5 comme cela simplement nous allons demander au témoin de s'exprimer

6 lentement et puis à la pause on nous dotera de portables,

7 Monsieur le Greffier.

8 M. le Greffier. - Oui, il est d'ailleurs possible que d'ici 30 minutes le

9 problème technique soit résolu.

10 M. le Président. - Bien d'accord. Bon, alors, Maître Nobilo... Attendez là

11 on n'a plus rien... Voilà.

12 Maître Nobilo, vous allez nous présenter le témoin suivant. Je me permets

13 de vous rappeler, Maître Nobilo et Maître Hayman, qu'en vertu de la

14 récente décision sur la présentation sept jours avant au Bureau du

15 Procureur de la liste des témoins, il était entendu également que vous

16 deviez faire un résumé, la Chambre attend un résumé écrit de la déposition

17 et résumé qui ne soit pas d'une ou deux lignes parce que sinon ce ne

18 serait pas très opérant pour nous. Vous voyez ce que je veux dire

19 Maître Hayman et Maître Nobilo ?

20 M. Hayman (interprétation). - Oui Monsieur le Président, je viens de lire

21 ici la version anglaise de la décision hier pour la première fois nous

22 sommes en train de l'étudier et nous allons l'analyser de manière plus

23 détaillée en ce qui concerne la déclaration. Nous allons trouver ici une

24 solution appropriée et donc nous vous transmettrons les directives que

25 nous aurons retenues à ce sujet.

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1 M. Harmon (interprétation). - Juste un petit commentaire, nous avons

2 également un handicap en ce qui concerne l'examen de ces pièces parce

3 qu'ici nous disposons d'un résumé de celui qui a été présenté dans la

4 déposition et nous avons besoin également des décisions en français et en

5 anglais parce que nous avons également besoin ici d'un résumé des faits et

6 parce qu'il est important donc que les membres du Bureau de l'Accusation

7 puissent être présents sept jours à l'avance, donc, il faut que nous

8 puissions disposer de résumés des faits.

9 Oui, ici le problème n'est pas aussi simple que ce qui était suggéré par

10 Me Hayman.

11 M. Hayman (interprétation). - Quel serait ici le résumé qui va être fait

12 par le témoin ? Il faut savoir quelles ont été les actions, quelles ont

13 été les stratégies de la JNA en

14 Croatie et en Bosnie-Herzégovine essentiellement au cours des années 1991

15 et 1992 et ceci, pour rentrer dans les faits qu'il va présenter, soit nous

16 avons décrit le sujet, les éléments du sujet et la défense va être

17 contrainte de procéder à une présentation de mémoire des éléments de la

18 déposition. Nous n'avons pas toujours entendu ceci donc sept jours à

19 l'avance. Moi j'ai pu entendre cet exposé avant-hier et pour la première

20 fois. On lui a demandé de préparer un exposé sur un sujet particulier et

21 je n'avais jamais entendu cet exposé avec un délai préalable de sept

22 jours.

23 Donc, le Tribunal va devoir fournir, assurer une souplesse, un certain

24 degré de souplesse. Pour la défense, nous ne disposons pas ici d'un

25 personnel, si le Tribunal dit à M. Nobilo qu'il faut ici décompter le

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1 temps nécessaire pour la préparation difficile de cette affaire, pour

2 préparer un transcript de la déposition ou un état des faits, une

3 présentation des faits dont va parler le témoin, donc là, il s'agit ici

4 d'un problème de moyens dont va devoir traiter la défense. Il serait bon

5 ici que le témoin puisse travailler de manière efficace avec le Tribunal,

6 il faut que nous puissions trouver les moyens qui nous permettront de

7 satisfaire à l'esprit des décisions du Tribunal, mais il ne s'agit pas

8 d'une affaire aussi simple que cela.

9 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, il ne s'agit pas ici

10 d'une question, il s'agit d'un problème relativement simple. Le résumé qui

11 a été fourni par la défense, le 4 septembre, et je suis sûr,

12 Monsieur le Président, que le Tribunal… donc enfin si le résumé est

13 identique à celui que nous avons reçu et nous pouvons constater que ce

14 résumé ici est différent de celui que nous avons reçu.

15 M. Hayman (interprétation). - Oui effectivement, je n'avais jamais entendu

16 ici cette présentation par diapositive, alors que dans la décision du

17 Tribunal, on nous a demandé de transmettre ces pièces ici à l'accusation.

18 Ceci suscite le problème d'établir ici des échanges de calendrier au terme

19 duquel il faut déterminer ce que va devoir déposer le témoin et

20 particulièrement ici les experts ont pu entendre les exposés qu'ils ont eu

21 la possibilité de

22 préparer.

23 M. le Président. – Alors, écoutez-moi, conseil de la défense et conseil de

24 l'accusation, il s'agit d'interpréter, d'appliquer d'abord la décision

25 prise par la Chambre le 3 septembre 1998, mais il est un peu délicat

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1 évidemment d'interpréter nos propres décisions, mais puisque la question

2 se pose, nous allons le faire.

3 Premièrement, je dirai au conseil de la défense que je comprends que la

4 décision ayant été prise le 3 septembre, il n'ait pas pu, pour les témoins

5 de cette semaine-ci, réaliser exactement ce que demandaient les Juges de

6 la Chambre. En conséquence de quoi, pour cette semaine, c'est-à-dire

7 aujourd'hui et demain, nous nous contenterons, nous les Juges, et je

8 demande à l'accusation de s'en satisfaire, et nous nous contenterons de ce

9 que vous avez présenté, compte tenu de la "tardiveté" en tout cas, disons

10 de l'intervention le 3 septembre, c'est-à-dire quatre jours avant le début

11 de l'audition des témoins de la défense.

12 Par contre, nous ne siégerons pas la semaine prochaine, donc, pour le

13 lundi 21 septembre, nous entendons que soit respectée dans son esprit et

14 dans sa lettre la décision du 3 septembre. Que dit cette décision ? Je me

15 tourne vers les conseils de la défense : nous n'avons pas voulu,

16 évidemment, vous imposer toutes les obligations de l'article 73 ter, vous

17 l'avez compris, puisque c'était une obligation qui a comme pendant, comme

18 correspondance la teneur de l'article 73 bis, qui n'avait pas été

19 appliquée à l'accusation. Néanmoins, le règlement étant d'application

20 immédiate, nous avons essayé, les Juges, de demander ce qui nous

21 paraissait opportun pour avancer de façon efficace dans le procès. Nous

22 vous avons demandé premièrement de communiquer à la défense les noms et

23 les éléments d'identité, uniquement les noms et les autres éléments

24 d'identité, prénoms, date de naissance, domicile, et profession des

25 témoins et ceci dans le délai imparti.

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1 Nous avons ensuite demandé qu'un résumé des faits au sujet desquels

2 lesdits témoins déposeront, qu'un résumé soit fait. Ce résumé a été fait

3 par la défense, il a été fait

4 verbalement. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque il n'y avait pas de texte. A

5 partir de maintenant, nous estimons qu'il est tout à fait possible à la

6 défense de fournir à l'accusation comme à la Chambre un résumé des faits

7 sur lesquels le témoin déposera.

8 Troisièmement, nous ne pouvons pas, nous les Juges, et je pense

9 l'accusation –mais, cela, c'est son problème-, en tout cas, nous les

10 Juges, nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un résumé d'une ligne. Alors,

11 on ne va pas vous imposer quinze lignes, vingt lignes ou huit lignes. Il

12 faut respecter la lettre et l'esprit de cette décision : nous voulons

13 avoir un résumé.

14 Pourquoi faut-il avoir un résumé ? Parce qu'à partir de ce résumé, les

15 Juges pourront poser les questions, éventuellement vous interrompre. Tout

16 ceci est inspiré de l'idée d'accélérer le procès et de donner aux Juges

17 les moyens d'avoir une prise sur le procès, je le dis très nettement.

18 C'est d'ailleurs l'esprit des modifications du Règlement de preuve et de

19 procédure.

20 Alors, bien entendu, il ne s'agit pas de vous imposer des obligations plus

21 lourdes que celles que l'on a imposé à la défense. Mais nous estimons que

22 faire un résumé des faits sur lesquels le témoin va déposer ne doit pas

23 vous demander un trop lourd travail. Dans d'autres procès qui n'ont pas

24 encore commencé, le travail sera certainement plus lourd, mais ceci est

25 une autre affaire et ne vous concerne pas.

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1 Voilà la lettre et voilà l'esprit de la décision.

2 Alors, aujourd'hui et pour cette semaine-ci, évidemment, la décision étant

3 du 3 septembre, nous allons nous contenter d'un résumé verbal qu'allait

4 faire d'ailleurs, je pense, Me Nobilo. Mais, à partir du 21 septembre et

5 sept jours avant, je crois qu'il faut que l'accusation… je suis même sûr

6 qu'il faut que l'accusation ait un résumé des faits sur lesquels le

7 témoin, un résumé relativement substantiel ; je vous fais confiance, je

8 crois que vous savez discerner et faire la différence entre un résumé

9 d'une ligne et un résumé d'une page. Je crois quand même que tout le monde

10 ici doit garder raison.

11 Je ne m'exprimerai pas plus sur cette question. Cela dit, je donne la

12 parole à Me Nobilo pour qu'il nous présente le témoignage de l'Amiral dont

13 j'ai oublié le nom, l'Amiral Domazet.

14 M. Nobilo (interprétation). – Oui, merci, Monsieur le Président.

15 La suite de ce que je viens de dire : notre témoin est le Vice-Amiral de

16 la marine militaire de la flotte croate, l'Amiral Domazet qui est

17 l'adjoint du Chef d'Etat d'état-major des forces armées la République de

18 Croatie.

19 Le titre de son expertise, comme son témoignage d'expert, est donc le rôle

20 de l'armée populaire yougoslave et des formations paramilitaires serbes

21 dans la guerre en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Dans le cadre de son

22 travail d'expertise, l'Amiral Domazet va parler de la transformation de

23 l'armée populaire yougoslave en une force impérialiste serbe et des

24 préparations en vue de la guerre sur le sol des Républiques de Croatie et

25 de Bosnie-Herzégovine afin de la mise en oeuvre d'une modification de la

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1 frontière occidentale de la Serbie.

2 Deuxièmement, utilisation d'un plan de guerre de l'armée populaire

3 yougoslave. Il s'agit ici d'une défense en vue d'une attaque des forces de

4 l'OTAN à l'époque où existait l'ancienne fédération yougoslave, mise en

5 application de ce plan entre les années 1986 et 1990 et, en vertu de ce

6 plan, on a utilisé aussi bien les troupes des formations paramilitaires

7 serbes que de l'armée populaire yougoslave en Croatie et en Bosnie-

8 Herzégovine.

9 L'Amiral Domazet va également nous exposer la stratégie de ce que l'on

10 appelle les points-clés en Bosnie-Herzégovine qui correspondent aux

11 différents scénarios relatifs à l'agression contre la Bosnie-Herzégovine.

12 En point 4, il va également exposer la première phase de la guerre en

13 Bosnie-Herzégovine, ici du point de vue de la stratégie, et il va exposer

14 la composition des fonctions de commandement et de l'organisation de la

15 JNA et de l'armée des serbes de Bosnie en Bosnie-Herzégovine.

16 Il va également exposer le système des structures de commandement des

17 forces serbes en Bosnie après le retrait de la JNA de la Bosnie-

18 Herzégovine et il va également nous présenter une évolution des faits et

19 des événements de guerre en Bosnie-Herzégovine, également du point de vue

20 stratégique.

21 L'Amiral va également nous parler du cadre de guerre dans lequel sont

22 apparus les conflits entre les Croates et les Musulmans en Bosnie

23 centrale. Ce cadre de guerre, ces opérations de guerre contre la Bosnie-

24 Herzégovine ont exercé une influence fondamentale sur les événements qui

25 nous intéressent ici, sur les conflits qui sont apparus entre Croates et

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1 Musulmans en Bosnie centrale.

2 Cette enquête d'expertise va également nous exposer le processus de

3 dissolution de la Yougoslavie et le rôle fondamental qui a été joué par

4 l'armée populaire yougoslave dans ce processus et, dans ce sens, il va se

5 référer directement au témoignage qui a été fait par le

6 Professeur Bilandzic.

7 Cette expertise va également avoir une influence importante sur les

8 réflexions relatives, sur certaines interrogations que l'on pouvait avoir

9 sur le caractère du conflit qui s'est déroulé en Bosnie-Herzégovine, et il

10 va également nous expliquer la manière dont la Bosnie-Herzégovine et la

11 République de Croatie ont été traitées comme un champ de bataille unique

12 de par la JNA, ce qui est un élément très important et tout à fait exact

13 du point de vue de l'évaluation de la stratégie.

14 Ainsi, Monsieur le Président, c'est donc ici un résumé très rapide, très

15 bref, de l'exposé qui va être fait.

16 M. le Président. - Bien, je constate d'abord que vous faites très bien ce

17 résumé, Maître Nobilo. C'est ce genre de résumé que nous souhaitons avoir,

18 nous à la Chambre et qu'il faudra communiquer au Procureur. Je dis au

19 service de la traduction qu'évidemment... Oui, c'est

20 très bien, je vois que votre confrère vous félicite, Maître Nobilo. Je

21 signale à la traduction qu'évidemment, ce résumé, je le souhaiterais en

22 français avant que l'audience ne commence.

23 Lorsque ces résumés auront été faits, évidemment nous ne vous demanderons

24 pas de le répéter avant l'entrée du témoin. Nous le faisons cette semaine,

25 mais à partir du 21 septembre, chaque juge aura ce résumé, en français ou

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1 en anglais, et ainsi nous pourrons avancer et nous pourrons contrôler

2 d'ailleurs que l'interrogatoire se fait à partir de vos objectifs

3 d'examination principale. Voilà.

4 Alors à présent, Monsieur le greffier, vous pouvez faire introduire

5 l'amiral Domazet.

6 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

7 M. le Président. - Monsieur l'huissier, pouvez-vous demander au témoin de

8 rester debout ?

9 Monsieur le greffier, vous pourriez quand même expliquer une fois pour

10 toute à l'huissier le protocole qui doit exister dans cette enceinte. J'en

11 ai vraiment assez de répéter toujours la même chose. On va être obligés de

12 demander à l'amiral de se lever à nouveau. Je ne sais pas, qu'on

13 l'explique au témoin avant !

14 Amiral, d'abord est-ce que vous m'entendez ?

15 M. Domazet - Oui.

16 M. le Président. - Merci de répondre en français.

17 Vous allez uniquement, pour l'instant, nous rappeler votre nom, votre

18 prénom, votre grade -uniquement cela- et puis, ensuite, vous resterez

19 debout le temps de lire votre déclaration solennelle.

20 M. Domazet (interprétation). - Oui. Monsieur le Président, Messieurs les

21 Juges, je suis Vice-Amiral des forces armées de la République de Croatie,

22 amiral Domazet.

23 M. le Président. - Merci. L'huissier va vous tendre une déclaration

24 solennelle.

25 M. Domazet (interprétation). - Je déclare solennellement que je vais

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1 déclarer la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 M. le Président. - Merci, Amiral. Vous pouvez à présent vous asseoir.

3 M. Domazet - Merci beaucoup.

4 M. le Président. - Amiral, vous entendez bien ?

5 M. Domazet - Oui, Monsieur.

6 M. le Président. - Le Tribunal vous remercie. Vous êtes venu ici à la

7 demande de la défense du Gal Blaskic, dans le cadre du procès qui est

8 intenté devant le Tribunal pénal international et sur un acte d'accusation

9 dressé par le Procureur de ce Tribunal. Vous allez répondre à quelques

10 questions de la défense au départ, puis ensuite vous ferez votre

11 déposition le plus librement possible.

12 Maître Nobilo, c'est à vous.

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

14 Amiral, bonjour. Comme c'est la règle ici, devant ce Tribunal, il faut que

15 le témoin puisse être présenté au Tribunal. Est-ce que vous pourriez

16 expliquer au Tribunal où vous êtes né, quelle a été votre formation,

17 quelle est l'académie militaire que vous avez suivie et quelle était votre

18 carrière au sein de la JNA ?

19 M. Domazet (interprétation). - Je suis né le 1er mai 1948, à Sinj, en

20 République de Croatie.

21 J'ai suivi le collège en orientation "mathématiques" que j'ai achevé en

22 1967. Après cela, j'ai suivi l'académie de la Marine que j'ai achevée en

23 1971. Après cela, j'ai été commandant de différents bâtiments.

24 A la fin de mon séjour sur les bâtiments de la flotte de l'ancienne marine

25 de guerre des forces armées yougoslaves, j'ai commandé le port de guerre

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1 de Split.

2 En 1986, j'ai été démobilisé et j'ai travaillé en temps qu'analyste au

3 sein du

4 commandement de la flotte de guerre, dans l'analyse des modalités de

5 commandement de la flotte des forces armées de l'OTAN.

6 Entre-temps, j'ai achevé l'école de guerre, donc l'école de commandement

7 de l'école de guerre et en 1989, j'ai obtenu l'école, la plus haute école

8 de guerre que j'ai achevée trois jours avant le début de la guerre en

9 Slovénie.

10 M. Nobilo (interprétation). - En abandonnant l'école de guerre trois jours

11 avant votre temps de formation vous passez dans le cadre de la guerre

12 nationale qui a été la matrice originale des forces armées croates.

13 Quelles ont été la suite des fonctions que vous avez assumées au sein des

14 forces armées croates ?

15 M. Domazet (interprétation). - Oui, tout de suite après avoir quitté

16 l'école de guerre donc sur la route entre Belgrade et Zagreb ce chemin n'a

17 pas pu... Je n'ai pas pu faire ce chemin directement et je suis passé par

18 Sarajevo, Ploce, Split et ensuite à Zagreb. Le conseil de la garde

19 nationale a été la matrice de départ de la constitution des forces armées

20 de la Croatie.

21 Sur cette fonction, à cette fonction en tant que fonction de commandement

22 je suis resté tout au long mais ceci avec différents commandements,

23 différentes fonctions. Ma première fonction a été l'organisation de

24 l'état-major de la garde nationale croate.

25 Après cela, j'ai travaillé comme responsable du bureau d'études

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1 stratégiques pour la mise en oeuvre des forces armées croates. Et en 1992,

2 j'ai assumé les fonctions de responsable de l'état-major, chef d'état-

3 major des forces armées de Croatie et à la fin de 1996, j'ai assumé les

4 fonctions que je continue toujours à assumer, d'adjoint du chef d'état-

5 major des forces armées de la République de Croatie.

6 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez donc assumé, vous avez donc publié

7 plus d'une dizaine d'analyses relatives à la stratégie dans différentes

8 publications spécialisées, vous êtes devenu contre amiral en 1986 et

9 amiral en 1988.

10 Donc, compte tenu des galons que vous avez sur votre uniforme, quelles ont

11 été les

12 décorations que vous avez obtenues au sein des forces armées croates et

13 quelles sont pour vous les décorations que vous estimez être les plus

14 importantes ?

15 M. Domazet (interprétation). - J'ai reçu neuf décorations, tout d'abord la

16 décoration de l'ordre de Nikola Subic Zrinski pour témoignage de courage

17 au cours de la guerre.

18 Deuxième décoration, l'ordre du Ban Josip Jelacic pour le commandement

19 efficace des forces armées et j'ai également eu le trèfle croate pour ma

20 contribution à l'ensemble des forces armées croates. J'ai eu également le

21 treillis croate pour le commandement efficace des forces armées croates.

22 J'ai également reçu la médaille pour des opérations les plus importantes,

23 donc les offensives "éclairs/tempêtes" et également pour les opérations -

24 si l'on peut également qualifier ceci- pour la réintégration pacifique de

25 la vallée du Danube croate et de la Slovénie orientale. Dans la

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1 composition des terres croates.

2 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant j'aimerais, Monsieur le

3 Président, que l'on puisse présenter au témoins les matériels relatifs à

4 la déposition et j'aimerais que l'on demande aux techniciens que les

5 pièces relatives à la déposition et qui vont être présentées ici sur le

6 rétroprojecteur qu'elles puissent être présentées au rétroprojecteur que

7 l'on puisse donc mettre en route le transcript vidéo et que l'on

8 affaiblisse un petit peu la lumière et que l'on puisse améliorer la

9 qualité de l'écran et que l'on puisse mieux lire.

10 Est-ce que nous pouvons obtenir ici l'image semblable à celle que nous

11 avons ici... Qu'elle soit égale entre ce qui est présenté à l'écran et ce

12 qui est présenté sur le tableau ?

13 Oui, Amiral, je vous serais reconnaissant si vous pouviez répondre à mes

14 questions, si vous pouviez expliquer au Tribunal quel était le rôle de

15 l'armée populaire yougoslave et des forces paramilitaires serbes en

16 Croatie et tout particulièrement dans la guerre de Bosnie-Herzégovine ?

17 M. Domazet (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

18 Messieurs les Juges,

19 avant d'entamer la présentation de mon expertise relative au rôle assuré

20 par l'armée populaire yougoslave, donc en abrégé JNA, et le rôle qu'ont eu

21 également les forces paramilitaires serbes dans la guerre en Croatie et en

22 Bosnie-Herzégovine, je dois, je suis tenu et ceci afin d'un traitement

23 plus simple, facilité du sujet, vous dire que l'ensemble de l'exposé va

24 être tout à fait véridique et étant donné puisqu'il s'agit ici d'un exposé

25 qui traite de techniques militaires, qui traitera de la stratégie et ceci

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1 aux fins d'une meilleure compréhension de mon exposé.

2 Il y a un certain nombre de termes fondamentaux que je vais exposer au

3 cours de ma présentation.

4 Le premier terme, le premier concept est le concept de guerre asymétrique,

5 donc une guerre qui est menée en tant que facteur technique, qui, en tant

6 que facteur technique, représente un facteur qui est tout à fait

7 différencié en ce qui concerne l'application des normes militaires.

8 Le deuxième concept, c'est le concept de la stratégie et mon exposé va

9 être consacré exclusivement à la manière de percevoir sur le plan de la

10 stratégie un conflit militaire. Il s'agit ici d'une approche qui a été

11 élaborée depuis longtemps par les spécialistes en ce qui concerne le

12 concept de guerre et là, j'aimerais simplement faire mention à quelques-

13 uns de ces termes particuliers, l'un de vos théoriciens français,

14 Dofretjomini. également Von Schlieffen, Willenhartdt et il faut également

15 citer le Gal Sosowo et également bien entendu celui que l'on utilise dans

16 toutes les académies militaires Von Klausewitz.

17 La guerre est conçue uniquement au niveau des opérations militaires.

18 Un autre concept que je vais utiliser un peu moins souvent qui est le

19 concept de tactique, donc, il s'agit ici d'un niveau inférieur où l'on

20 exclut l'utilisation directe de la force militaire, aussi bien au niveau

21 des effectifs militaires que des matériels et là, maintenant, je vais

22 commencer l'exposé en tant que tel.

23 Le point de départ, notre point de départ, c'est l'année 85. Nous sommes

24 encore à

25 l'époque de l'ancienne fédération yougoslave. Comment, à cette époque-là,

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1 étaient organisées les forces armées de la Yougoslavie de l'époque ? Tout

2 d'abord, celles-ci étaient composées de deux composantes, l'on avait

3 l'armée populaire yougoslave et la Défense territoriale, donc il

4 s'agissait ici de forces armées organisées autour de deux composantes :

5 -l'armée populaire yougoslave était composée de régions militaires, de

6 terres organisées autour de régions militaires et également d'une marine

7 militaire.

8 -L'ensemble de l'espace territorial continental de la Yougoslavie était

9 divisé en armées, en corps d'armée, en tant qu'au niveau le plus élevé de

10 commandement. Il est important de voir ici que les corps d'armée

11 correspondaient à des organisations militaires et territoriales et pas

12 uniquement au titre militaire, donc aussi bien en temps de paix qu'en

13 temps de guerre, elles restent à l'intérieur de ces circonscriptions

14 militaires. Et ceci d'ailleurs correspondait à l'époque à un anachronisme

15 des conceptions actuelles de l'art militaire. Là maintenant, on parle

16 plutôt des zones ...

17 La troisième composante était l'armée de l'air des forces armées

18 yougoslaves. Si l'on examine la manière dont a été effectuée la

19 répartition des corps d'armée, l'on peut voir de manière tout à fait

20 claire que les corps d'armée étaient d'une manière plus ou moins

21 importante, dans une proportion plus ou moins importante, étaient,

22 couvraient approximativement ou dans leur intégralité les frontières de la

23 République socialiste fédérative de Yougoslavie.

24 Par conséquent, les forces armées étaient organisées autour de deux

25 composantes, l'armée populaire yougoslave, la JNA et la Défense

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1 territoriale. La Défense territoriale de son côté était exclusivement sous

2 la responsabilité des états-majors républicains, des républiques. Elles

3 étaient commandées par des hauts responsables militaires qui étaient

4 nommés au niveau des républiques et leur armement était assuré par les

5 stocks qui étaient destinés à ces républiques. Ainsi donc, les éléments

6 fondamentaux d'organisation des forces armées yougoslaves en 85 étaient

7 les corps d'armée, qui également disposaient de caractéristiques au niveau

8 des républiques.

9 Quelle était la structure nationale des effectifs des officiers, donc les

10 niveaux les plus élevés de commandement au sein des forces armées

11 yougoslaves ? Nous avons ici sous les yeux, Monsieur le Président,

12 Messieurs les Juges, les pourcentages des officiers supérieurs au sein de

13 l'armée populaire yougoslave par rapport... Ces pourcentages sont établis,

14 correspondent exactement aux effectifs tels qu'ils existaient à l'époque.

15 Aux fins d'analyse, il est nécessaire de tenir compte de ce que signifient

16 exactement ces pourcentages par rapport à la population globale, par

17 rapport à la répartition globale des groupes nationaux de la population de

18 Yougoslavie de l'époque. Ainsi ce qui entre en jeu ici aux fins de

19 l'analyse, il faut tenir compte du degré du pourcentage de représentation,

20 de représentativité. Ce pourcentage de représentativité nous illustre le

21 fait suivant : il y a ici une répartition avec beaucoup de différences et

22 celui-ci est tout à fait favorable à une représentation des Serbes. Donc,

23 il y a une sur-représentation pour un pourcentage de 51 % en faveur des

24 Serbes, on arrive à un pourcentage, même, de + 148 % en ce qui concerne

25 les Monténégrins, Macédoniens, + 8 un groupe particulier qui se

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1 définissait comme yougoslave, nous avons là un pourcentage supplémentaire

2 de 45 %. Donc, il y avait une sur-représentation au détriment des autres

3 nationalités, les Croates, les Slovènes, des Musulmans de Bosnie et, là,

4 nous avons même un déficit de – 78 % et, même, les Hongrois : - 70 %.

5 Quelles sont les conclusions que l'on peut tirer de ces répartitions de

6 pourcentage ? Il y a eu donc une représentation non équilibrée qui avait

7 été planifiée et qui avait pour but de réduire la participation au niveau

8 des structures de commandement de certains peuples, de certaines

9 nationalités. Ainsi, cette représentation telle qu'elle existait en 1985,

10 nous avons là une structure nationale qui va encore être modifiée

11 considérablement à partir de 1985 quand on va appliquer les dispositions

12 du mémorandum de l'académie serbe des sciences et arts qui a été publié en

13 1986 et quand on va commencer à appliquer une nouvelle organisation des

14 forces armées en Yougoslavie dont nous allons parler bientôt de

15 l'organisation.

16 La structure dans son ensemble, donc des officiers supérieurs… La

17 représentation des Serbes dépasse le pourcentage de 70 %.

18 M. Nobilo (interprétation). – Amiral, à partir de la structure de la

19 représentativité des officiers supérieurs, peut-on conclure qu'à cette

20 époque-là, l'armée populaire yougoslave, déjà dans sa structure,

21 constituait déjà une force militaire serbe ?

22 M. Domazet (interprétation). – On peut conclure effectivement dans ce

23 sens-là parce qu'ici, nous avons une présentation transversale de

24 l'ensemble des effectifs des officiers supérieurs et l'on peut voir que,

25 dans l'ensemble des personnels des officiers supérieurs, les serbes

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1 étaient en sur-représentation.

2 Quant à moi, en 1986, j'étais le commandant de la région de Split et,

3 après cela, après 1986, je n'ai plus été... alors que toutes mes notes

4 disaient que j'étais un bon commandant, un commandant efficace.

5 Sur la base de ces éléments, Messieurs les Juges, nous pouvons voir ici

6 toutes les orientations selon lesquelles l'armée populaire yougoslave

7 s'est transformée en force impériale serbe.

8 Tout d'abord, la conclusion a été que, d'un point de vue structurel, l'on

9 prenne les mesures nécessaires pour qu'on prenne un maximum de personnel

10 serbe et un minimum de personnel émanant d'autres peuples. Le critère

11 fondamental était que l'armée populaire yougoslave aurait dû, au terme de

12 la constitution, être les forces armées de tous les peuples et

13 nationalités de la Yougoslavie de l'époque. Ceci était effectivement le

14 cas à l'époque, ceci était le critère fondamental à l'époque, alors que

15 l'on assiste à une pareille modification, eh bien, l'on constatait ici la

16 violation du principe fondamental sur lequel reposait l'ensemble de

17 l'ordre social et politique de la Yougoslavie de l'époque.

18 En deuxième, ici, adapter la structure des forces armées à une

19 application, à une utilisation particulière des forces armées par rapport

20 à la mise en oeuvre d'une agression vers les frontières occidentales de la

21 Serbie. Du point de vue de l'organisation, nous n'assistions plus à

22 l'organisation tel que nous l'avions jusqu'à présent ici. Il s'agissait

23 d'adapter l'organisation des forces de manière à ce que l'on puisse

24 procéder à une pacification des espaces avant que l'on puisse découvrir

25 quels étaient les objectifs politiques et serbes.

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1 Ensuite, en ce qui concernait l'utilisation opérationnelle des forces, il

2 était nécessaire de la mettre à l'épreuve dans des circonstances

3 extraordinaires et dissimuler tout cela sous le prétexte d'une agression

4 généralisée sur le territoire de la Yougoslavie.

5 Messieurs les Juges, ici, nous avons des orientations fondamentales à

6 propos desquelles l'on ne devrait pas utiliser les forces armées d'un

7 pays. Il s'agit ici des circonstances exceptionnelles, les forces armées

8 ne devraient pas être utilisées pour la défense des territoires situés à

9 l'intérieur du pays. Elle n'est plus utilisée pour des agressions

10 extérieures. Donc, on l'utilise pour des circonstances exceptionnelles,

11 donc à l'intérieur de cet Etat et, là, il faudrait au contraire considérer

12 qu'il s'agit ici du rôle d'autres forces, notamment des forces de police.

13 En deuxième lieu, l'agression qui a été organisée à partir des années

14 1980, nous savons également que c'était l'époque d'événements fondamentaux

15 qui se sont déroulés sur la scène internationale. C'est l'époque où

16 MM. Gorbatchev et Reagan poursuivent des négociations à Reykjavik. C'est

17 l'époque où les Etats-Unis d'Amérique mènent à bien une opération de

18 répression contre les activités terroristes de Libye et, ainsi, dans cette

19 répartition bipolaire des forces politiques dans le monde, dans un pareil

20 contexte politique, on vous dira qu'une pareille utilisation des forces

21 armées était même inconcevable.

22 L'utilisation des forces armées pour des circonstances exceptionnelles et

23 même dans un contexte pareil…, il aurait fallu mettre en avant le fait que

24 l'armée populaire en Yougoslavie continuait à lutter pour la Yougoslavie

25 et c'est là qu'il était nécessaire d'attendre, de voir

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1 l'attaque d'un ennemi intérieur et, ensuite, détruire cet ennemi

2 intérieur. Ceci est les propos qui ont été tenus par le Gal Kadijevic dans

3 le livre intitulé "Ma conception de la dissolution de la fédération

4 yougoslave en 1991".

5 M. Nobilo (interprétation). – Et ceci aux fins d'explication, qui était le

6 Gal Kadijevic à cette époque ?

7 M. Domazet (interprétation). – Le Gal Kadijevic, à cette époque, était

8 l'officier le plus haut gradé des forces armées yougoslaves. Il était

9 secrétaire de la fédération pour les forces armées ou pour une plus simple

10 explication... Il était le Ministre de la Défense, il remplissait les

11 fonctions de Ministre de la Défense, mais il avait également le rang de

12 général et il disposait également des fonctions de commandement.

13 Ensuite, ce qu'il aurait fallu faire et ce qu'il était nécessaire, c'est

14 qu'il était nécessaire de restructurer l'armée populaire de Yougoslavie

15 entre différentes forces serbes en vue de la défense des différents

16 peuples serbes. Donc, il était nécessaire en partant des forces de l'armée

17 populaire de Yougoslavie de les transformer en trois armées serbes.

18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces six orientations ont été

19 les éléments conducteurs selon lesquels l'armée populaire de Yougoslavie

20 -nous allons le voir dans la suite de mon exposé- vont devenir une arme

21 très puissante au service de la stratégie grand Serbe parce que les

22 frontières ne peuvent pas être modifiées si on ne dispose pas des forces

23 armées. Ou alors ce sont des forces qui se sont modifiées, et alors

24 uniquement par l'utilisation des forces armées.

25 A présent, nous allons voir l'un des éléments fondamentaux qui vont nous

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1 aider à mieux comprendre l'évolution des opérations militaires sur

2 l'espace de la Yougoslavie et plus particulièrement sur les territoires

3 des républiques de Croatie et de Bosnie-Herzégovine.

4 Donc en 1985 l'on a conçu le concept de réorganisation et de

5 restructuration des forces des armées yougoslaves. Comment a-t-on mis en

6 oeuvre cette réorganisation ?

7 A présent, nous sommes confrontés à une nouvelle répartition territoriale

8 des corps

9 d'armée. Nous n'avons plus de corps d'armée en tant que tel. Les régions

10 militaires de la marine militaire restent avec en gros les mêmes

11 compétences, mais il y a des modifications très importantes qui sont

12 réalisées en ce qui concerne les forces de l'armée de terre.

13 Là je répète encore une fois, de manière à ce que l'on puisse le voir sur

14 l'écran du transcript, nous pouvons voir la première région militaire.

15 Avec l'autorisation de Monsieur le Président, j'aimerais ici maintenant

16 commenter ces cartes.

17 Cette nouvelle région de la marine militaire ou le commandement est assuré

18 à partir de Belgrade, celle-ci embrasse une grande partie de la Croatie,

19 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine et ainsi, d'un point de vue

20 stratégique de cette répartition, l'on peut considérer ceci comme un champ

21 de bataille unique et, dans ce champ de bataille unique, vont être

22 réalisés tout ce que la guerre a causé à la Yougoslavie.

23 Ensuite, les deux autres régions militaires, la troisième, et la cinquième

24 sont beaucoup plus petites et elles-mêmes jouent un rôle beaucoup moins

25 important du point de vue proportionnel et elles jouent un rôle

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1 périphérique et, dans une pareille structure en 1985, il s'agit ici d'une

2 modification qui a duré 2 ans.

3 Déjà en 1986, cette nouvelle répartition reprend les instructions qui

4 émanaient du mémorandum de l'Académie serbe des sciences et arts et cette

5 réorganisation s'achève en 1987 et au terme du mémorandum de l'Académie

6 serbe, l'on définit la frontière occidentale de la Serbie selon une ligne

7 Virovitica/Karlovac/Karlobag et celle-ci correspond de manière

8 pratiquement identique aux limites du champ de bataille unique de l'espace

9 militaire serbe.

10 M. Nobilo (interprétation). - Si l'on reprend ici les définitions de la

11 frontière occidentale de Serbie qui a été définie par les intellectuels

12 serbes dans le mémorandum de l'Académie serbe, donc il s'agit ici de la

13 même frontière qui avait été définie comme la frontière occidentale de la

14 Serbie au cours de la seconde guerre mondiale, notamment par M. Mijolevic

15 et ceci à l'époque de la seconde guerre mondiale et même déjà avant la

16 seconde guerre mondiale et il s'agit ici...

17 M. Domazet (interprétation). - Il s'agit ici, c'est exactement la même

18 frontière avec de toutes petites modifications... Le but de cette

19 frontière : comment va-t-on pouvoir s'emparer des ressources hydriques de

20 la Croatie, comment enlever à la Croatie deux tiers de l'Adriatique et de

21 cette manière isoler la Croatie, mais également la Bosnie-Herzégovine ?

22 Ainsi, une conclusion très importante selon laquelle la nouvelle

23 organisation de l'armée populaire yougoslave et de ses répartitions

24 territoriales correspond à des conceptions anachroniques en matière

25 militaire et, Monsieur le Président, comme ceci peut être constaté de

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1 manière très manifeste, elle suit une frontière et sur cet espace de

2 guerre unique c'est l'ensemble de la situation qui va évoluer.

3 Si nous utilisions ici une formule pseudo mathématique, ceci ne signifie

4 rien d'autre que la première région militaire ou district militaire avec

5 la troisième, la cinquième région militaire, donc avec deux tiers de la

6 mer, correspond donc à l'espace de la grande Serbie. Il s'agit ici d'une

7 constante que l'on va essayer de réaliser au début des années 1990.

8 Par ailleurs, il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer votre

9 attention. Le rapport entre la terre et la mer, cinq par rapport à un…,

10 par conséquent, les opérations de guerre ne vont pas se dérouler sur la

11 mer mais en gros cette guerre va se développer sur la terre, par

12 conséquent la guerre va être menée pour le territoire.

13 Eh bien, qu'est-ce qui était indispensable et pourquoi la JNA s'est

14 transformée de cette manière-là ? Tout simplement il fallait légitimer cet

15 objectif que les Serbes se sont proposés. Il y avait tout premièrement une

16 restructuration des forces armées en 1987, on avait supprimé les armées,

17 les divisions et à la place on a mis les corps et on a mis les brigades.

18 Ce qui serait intéressant par ailleurs, Monsieur le Président, c'est

19 d'attirer votre attention sur la chose suivante : Le premier corps

20 d'armée, au sein de l'armée yougoslave, a été mis en place en 1982,

21 Monsieur le Président. C'était au Kosovo. Pourquoi ? Parce que c'était

22 l'organisation la plus facile à organiser pour agir. C'était en 1991, au

23 Kosovo et c'est le modèle qui, depuis 81 jusqu'en 85, était le modèle qui

24 a fonctionné jusqu'à la restructuration, a servi de laboratoire où l'on a

25 fait des études, des examens, des analyses... A Belgrade, on avait dit que

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1 si cet échantillon marchait, étant donné que la population était non-serbe

2 dans la majorité, si cela marchait, à ce moment-là, il n'y a aucune raison

3 que cette expérimentation ne réussisse pas dans d'autres territoires en

4 Yougoslavie, où les Serbes étaient majoritaires. Au moment où ils ont été

5 convaincus que cela allait marcher, ils ont commencé à restructurer les

6 forces armées.

7 Cependant, il y avait un autre document également dont ils avaient besoin

8 et il fallait que les forces armées également soient restructurées au sein

9 de la Yougoslavie et que l'on trouve le fondement juridique pour y

10 aboutir.

11 Monsieur le Président, cet autre document auquel je me réfère, qui a été

12 adopté le 20 mai 1987, c'est la présidence qui l'avait adopté. C'était la

13 stratégie de la défense généralisée et de la protection sociale. Aucun

14 pays dans le monde n'a une telle stratégie, un modèle de stratégie pareil.

15 Ce qui est également intéressant, c'est de voir ce que représentent ces

16 deux documents. Quels sont les fondements de ces deux documents ?

17 Premièrement, chaque république, jusqu'à cette époque-là -comme disait le

18 Gal Kadijevic-, avait son armée et les commandants étaient le plus

19 fréquemment de ces républiques, provenaient de ces républiques.

20 Deuxièmement, cette nouvelle répartition sous-estime, néglige les

21 démarcations administratives ou les frontières administratives. C'est le

22 mot-clef, Monsieur le Président, "frontières administratives" car le

23 Gal Kadijevic y insiste. En d'autres termes, le ministre de la Défense, le

24 général et l'officier suprême déterminent ce qu'est la frontière et ce que

25 n'est pas la frontière. Par conséquent, il ne protège pas, il ne défend

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1 pas la constitution de la Yougoslavie mais, au contraire, il le détruit.

2 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, quand vous parlez de frontières

3 administratives, est-ce que j'ai raison de dire que Kadijevic avait pensé

4 aux frontières des Républiques de la Croatie, de Bosnie, de la Serbie,

5 etc ? Il ne les considère pas comme les frontières des républiques, mais

6 comme les frontières administratives ?

7 M. Domazet (interprétation). - Oui, vous avez raison car la Yougoslavie

8 était un Etat fédéral. Par conséquent, il sous-entend -et il n'y a aucun

9 doute- qu'il s'agit des frontières des républiques et il n'admet pas le

10 régime fédéral, il n'admet pas, il n'accepte pas la constitution de la

11 Yougoslavie.

12 Troisièmement, en ce qui concerne le développement des forces armées de la

13 JNA, il doit être appliqué en fonction d'événements-surprise et voir

14 comment, dans ces circonstances exceptionnelles, ces forces peuvent être

15 utilisées.

16 Par la suite, il avait donc désigné les officiers à des postes les plus

17 importants, ceux qui étaient pro-serbes et qui allaient mettre en

18 application l'idée de la grande Serbie, indépendamment de leurs qualités

19 professionnelles et d'autres qualités.

20 Ensuite, il y a un certain nombre d'exercices des structures et des unités

21 militaires qui devaient être organisés, dans le sens que le

22 quartier-général avait appelé la bataille sur le territoire. Par

23 conséquent, ce que nous allons expliquer ultérieurement, il s'agit d'un

24 système tout à fait particulier.

25 Une fois qu'ils ont restructuré la JNA, qui s'est transformée en une force

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1 armée des Serbes et des forces impériales serbes, elle devait donc être

2 utilisée en tant qu'instrument pour aboutir à cet objectif de la grande

3 Serbie, pour atteindre cet objectif de la grande Serbie. Il est clair que

4 les deux documents, l'un et l'autre, contenaient les cinq éléments, il y

5 avait une nouvelle force qui a été mise sur place et la légitimité a été

6 obtenue également au niveau politique.

7 Par conséquent, dans la mise en exécution de cette grande stratégie, le

8 grand théoricien Boffre, on en a parlé, on a parlé de cette stratégie

9 militaire... C'est une stratégie toute

10 spéciale, les autres stratégies sont beaucoup moins importants, c'est le

11 stratège Bofar... (l'interprète se reprend), par conséquent, cette

12 stratégie a pratiquement été en fonction de la grande Serbie.

13 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, nous voyons sur l'écran quelque

14 chose qui est en effet une conception de la grande Serbie ?

15 M. Domazet (interprétation). – Oui, c'est la grande Serbie selon la

16 nouvelle répartition militaire et c'est là où l'objectif était clair et ce

17 leitmotiv était effectivement l'explication de ce qui allait se passer

18 ultérieurement. Par conséquent, la stratégie militaire dans le cas concret

19 n'est pas prédominante. En d'autres termes, c'est avec cette stratégie

20 militaire que l'on peut conquérir le territoire, on peut conquérir le

21 territoire et on peut déplacer la population. Cette stratégie militaire

22 avait les trois fondements essentiels. Nous voyons à gauche, tout à fait à

23 gauche, en bas, d'abord, il y a le fondement théorique, le fondement

24 organisationnel et le fondement expérimental.

25 Premièrement, il y a ce fondement théorique qui repose sur le territoire,

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1 des opérations spéciales, les attaques et les actions spéciales, c'est

2 doctrinal et par conséquent, je vais vous donner des explications tout à

3 l'heure.

4 Ensuite, il y a le fondement organisationnel, nous en avons déjà parlé,

5 nous avons parlé de cette restructuration, de cette nouvelle

6 restructuration qui a été mise en oeuvre en 86-87.

7 Ensuite, nous arrivons à un point culminant, c'était le plus important :

8 le fondement expérimental. Nous nous trouvons, Monsieur le Président,

9 Messieurs les Juges, devant le signe S 2 et, S 2, c'est le plan de guerre

10 du quartier-général de la Yougoslavie qui veut dire l'agression radicale

11 de l'OTAN à l'égard de la Yougoslavie. Depuis 85, il y avait ce plan de

12 guerre et, S 1, la lettre S 1 voulait dire non pas une agression radicale

13 mais partielle du pacte de Varsovie et tous les ans, il y avait donc un

14 bataillon qui s'exerçait... Depuis 86, c'est S 2 qui s'entraîne et cela

15 veut

16 dire l'agression radicale de l'OTAN à l'égard de la Yougoslavie. Il

17 découle de ce plan de guerre, comme un document-clé, chaque année, ce qui

18 est parfaitement normal, d'ailleurs, toutes les armées le font dans le

19 monde, s'entraînent et mettent en exécution un certain nombre

20 d'entraînements. Ce qui est très significatif, c'est qu'au niveau

21 stratégique, les entraînements se passent selon le plan S 1, 86-87-88-89

22 et 90 et le titre était la Romanie, "Romanija".

23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je veux tout simplement vous

24 rappeler que la montagne Romanija se trouve à côté de Sarajevo, entre

25 Sarajevo et Pale. C'est très indicatif comme titre.

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1 Maintenant, si vous voulez bien, pour mieux comprendre, nous allons voir

2 maintenant ce que veut dire la porte des opérations de grande guerre, et

3 ce que sont les portes du premier district militaire. Nous allons analyser

4 cette situation au niveau du littoral et ceci pour pouvoir comprendre

5 quels étaient les points-clés.

6 Pourquoi est-ce important ? Nous allons le voir, nous allons le constater

7 parce que c'est très important, aussi bien quand il y avait la guerre en

8 Croatie que par la suite en Bosnie-Herzégovine. Il y a une corrélation.

9 Qu'est-ce qui est important ici ? Tout d'abord, la République de Croatie

10 ainsi que la République de Bosnie-Herzégovine. Au niveau du littoral, nous

11 avons, je le répète une fois de plus, des villes, nous avons des villes

12 qui sont les plus denses du point de vue peuplement, dans ces villes, dans

13 des centre-ville qui étaient en majorité de nationalité croate, ces

14 années-là on avait mis en place les institutions suivantes de la JNA, du

15 commandement des écoles militaires, des bases logistiques, des

16 appartements militaires, des familles des officiers de nationalité serbe,

17 un grand nombre également de maisons de seconde résidence qui pouvaient

18 être construites avec des arrangements très favorables et puis il y avait

19 des autorités politiques également. A l'intérieur ou plutôt en dehors,

20 excusez-moi, de ces villes, il y avait les deux choses qui étaient

21 signifiantes sur cette diapo la lettre A. Il y avait donc une couche qui

22 représente la population serbe et ensuite une deuxième en bleue, c'étaient

23 les îlots qui

24 longeaient la côte ou la JNA. La lettre B avait mis en place des renforts

25 avec des structures très puissantes pour, soi-disant, se défendre de

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1 l'OTAN et des forces de l'OTAN. A et B veulent dire, l'isolement des

2 grandes villes et des grandes agglomérations qui longeaient le littoral.

3 C'est par conséquent une question de "sandwich" et automatiquement il

4 était facile de conquérir cet espace de la façon suivante : donc, lier A

5 et B sous la lettre K, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

6 Les points K sont une constante, une constante du règne du point de vue de

7 la stratégie non seulement de l'espace croate mais aussi en profondeur.

8 Ces points K, depuis l'époque hellénique, depuis l'époque romaine étaient

9 importants car les légions romaines y pénétraient et les points K, ce sont

10 les croisades également qui passaient pour aller vers l'Orient.

11 C'est à travers le point K que ceux qui établissaient les plans à Belgrade

12 également disaient que les forces de l'OTAN allaient pénétrer.

13 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je pense que pour ce

14 qui concerne cette question nous avons véritablement terminé peut-être

15 nous pourrions lever la séance, faire une pause ?

16 M. le Président. - Tout à fait d'accord. Nous faisons une pause de

17 20 minutes. L'audience est suspendue.

18 (L'audience, suspendue à 11 h 20, est reprise à 11 h 50.)

19 M. le Président. - Nous reprenons l'audience.

20 Monsieur le Greffier, vous faites introduire l'accusé.

21 Maître Nobilo, nous reprenons jusqu'à 13 heures... C'est à vous, vous

22 poursuivez.

23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je vous remercie.

24 Nous en sommes au moment où l'on a commencé à parler des portes de la

25 Bosnie-Herzégovine et de la

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1 Croatie.

2 Auriez-vous l'amabilité, Amiral, de dire pourquoi vous utilisez ce terme

3 de "portes" ?

4 Je vais également demander à ce qu'on éteigne un peu les lumières, s'il

5 vous plaît, comme cela, on verra mieux la carte sur l'écran.

6 Je vous remercie.

7 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 du point de vue stratégique, du point de vue géostratégique (et je l'ai

9 déjà dit tout à l'heure, j'ai parlé un petit peu de l'historique de ce

10 territoire), il ne s'agit pas uniquement des portes. L'entrée de la côte

11 adriatique, c'est une côte qui rentre profondément sur le territoire. Il y

12 a également la voie de la soie qui se termine à peu près à ce niveau-là.

13 C'est la raison pour laquelle nous appelons cela "les portes". On pourrait

14 éventuellement appeler cela "une partie de la porte Euro-Asie". Ce n'est

15 pas par hasard que j'avais déjà parlé des temps helléniques, romains, de

16 la croisade, etc. Chaque fois qu'un plan militaire a été établi et avait

17 une envergure importante, ainsi que pendant la deuxième guerre mondiale

18 lors du débarquement des Alliés, on a parlé de cette voie, car elle

19 rentre, pénètre dans le territoire et continue également vers l'Asie.

20 Par conséquent, dans le cas concret, il s'agissait d'une voie par laquelle

21 on traversait le plus facilement la Bosnie ou on sortait de la Bosnie-

22 Herzégovine.

23 M. Nobilo (interprétation). - je vous remercie, vous pouvez continuer.

24 M. Domazet (interprétation). - Je suis arrivé à un certain nombre de

25 points-clés, j'ai parlé de la lettre K. Ce sont les points... Si A et B se

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1 rapprochent, à ce moment-là, ces deux points sont extrêmement importants,

2 ce sont les constantes, comme je l'ai dit. De manière simplifiée, je dois

3 donc dire les noms : c'est Maslenica et Slano.

4 M. Nobilo (interprétation). - Ce sont les deux villes en Croatie,

5 Maslenica et Slano ?

6 M. Domazet (interprétation). - Ce sont les deux constantes très

7 signifiantes pour comprendre la situation en Bosnie-Herzégovine. Par

8 conséquent, la formule pseudo-mathématique dit que, pour pouvoir s'emparer

9 de ces portes ou deux tiers du littoral, il faut donc avoir le

10 rapprochement entre A et B et les deux points K.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, maintenant, si vous voulez

12 bien, je vais expliquer quelque peu la conception S-2 et les entraînements

13 dans le cadre de Romanija qui ont été pratiqués en 86, 87, 88 89...

14 jusqu'à 90.

15 M. Nobilo (interprétation). - Mon Amiral, est-ce qu’il s'agissait d'un

16 plan de défense de la JNA ?

17 M. Domazet (interprétation). - Oui c'est une copie à gauche, tout à fait

18 en haut, c'est marqué "une idée possible des manoeuvres du groupe

19 opérationnel Jadran (c'est l'Adriatique)" donc c'est une désignation

20 secrète pour cette action agressive, éventuellement, qui se préparait sur

21 la Yougoslavie. C'est la copie de l'original.

22 Maintenant, si nous essayons d'analyser cela en utilisant l'informatique,

23 nous avons les deux K, nous avons les bandes A et B. A droite, dans

24 l'angle droit, il y a les manoeuvres du groupe opérationnel Adriatique,

25 des forces de l'OTAN...

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1 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, ce plan que nous voyons en

2 petit... Vous essayez donc de nous expliquer ce qu'étaient les portes de

3 Bosnie-Herzégovine ou les portes de Yougoslavie ou de l'Euro-Asie ?

4 M. Domazet (interprétation). - Oui, effectivement, pour mieux

5 comprendre... C'est pour cela que j'ai demandé d'agrandir la diapo.

6 S'il y a une agression de l'OTAN sur la Yougoslavie, à ce moment-là, le

7 littoral joue un rôle important car il y a l'Italie à côté. Par

8 conséquent, vous avez le groupe tactique en Kona. Ensuite, vous avez les

9 forces aériennes, et ce sont les Etats-Unis sous le commandement donc du

10 Pentagone, ensuite les forces sous-marines et ensuite vous avez donc le

11 jour qui est à la veille de l'agression imaginaire, ces forces se

12 retrouvent sur le littoral.

13 Nous avons les quatre groupes d'attaque des forces marines, nous avons eu

14 G1 c'est le groupe d'attaque 1 italien, ensuite, groupe d'attaque 2 et 3

15 ce sont les groupes des Etats-Unis et ensuite, le groupe d'attaque 4 de la

16 Grande-Bretagne.

17 Par conséquent, ce sont les forces qui s'attaquent sur la Yougoslavie, qui

18 entreprennent l'opération militaire sur la Yougoslavie. Ensuite, D plus 2,

19 une part des forces débarquent vers le point K.

20 M. Nobilo (interprétation). - D plus 2 veux dire donc le deuxième jour du

21 commencement de l'opération ?

22 M. Domazet (interprétation). - Oui le deuxième jour de l'agression. C'est

23 la terminologie qui a été utilisée dans toutes les forces armées dans le

24 monde entier et c'est une norme, norme de désigner les plans du point de

25 vue temps.

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1 Donc ce sont les forces qui rentrent à Slano. Le K sur la carte, ensuite

2 D plus 6, vous avez la majorité des forces avec les parachutes et c'est

3 donc Maslenica cette fois-ci et Ravni Kotari ensuite D plus 15, ces forces

4 pénètrent sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.

5 En d'autres termes, la grande majorité de ces forces traverse le point K,

6 K1 et K2 -à gauche K1 et à droite K2, ce qui est marqué, ce sont les deux-

7 points comme je l'ai dit.

8 A présent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez sous les

9 yeux le plan global grâce auquel la JNA et les formations serbes ont mené

10 à bien leur agression contre la Croatie en 1992.

11 L'opération de base, c'est-à-dire le gros des forces destinées à réaliser

12 cette agression contre la Croatie était l'espace de la Bosnie-Herzégovine,

13 c'est-à-dire que c'est à partir de la Bosnie-Herzégovine que la JNA avait

14 l'intention de démarrer son agression contre la Croatie.

15 L'intégralité du territoire de la Croatie était divisé en quatre parties.

16 Donc nous voyons encore une fois ici la façon dont l'armée yougoslave et

17 les unités et les formations serbes se sont conformées à un plan

18 déterminé. A l'exception de la partie orientale de la Slavonie où les

19 formations ont démarré de la Voïvodine c'est-à-dire de la Serbie, toutes

20 les autres unités ont démarré à partir du territoire de la Bosnie-

21 Herzégovine et dans une deuxième étape, ces forces devaient, à partir de

22 l'est de la Slavonie, rejoindre les formations provenant de l'ouest de la

23 Slavonie et ainsi couvrir la frontière avec la Serbie.

24 Si à partir de cette hypothèse nous ajoutons les deux points K que nous

25 connaissons désormais, les deux points K qui constituent des constantes,

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1 nous nous rendons compte, et cela s'est avéré vrai par la suite, nous nous

2 rendons compte des raisons qui ont motivé le plan de l'OTAN.

3 En effet, le but était d'envoyer des forces contre les deux points K, dans

4 le but d'occuper un territoire plus étendue par la suite.

5 Un plan stratégique de cette nature a été mis en oeuvre en deux étapes :

6 au cours de la première étape, de la première phase, le rôle de la JNA

7 consistait à s'emparer des points-clés et les points-clés étaient

8 Karlovac, Sisak, Pakrac, Osijek, Zadar, Dubrovnic et Vukovar, que l'on

9 voit en jaune sur la diapositive.

10 Le but, l'objectif de la JNA était, au cours de cette attaque, d'utiliser

11 les chars, l'infanterie et toute l'aide technique nécessaire pour

12 s'enfoncer vers l'intérieur du territoire.

13 Les forces aériennes avaient pour but de viser les objectifs civils,

14 c'est-à-dire de les anéantir pour créer la panique et la marine, elle,

15 avait pour but d'assurer le blocus. Dans une deuxième étape de mise en

16 oeuvre de cette stratégie, l'objectif consistait à mener une attaque

17 conjointe des différentes formations et donc, de s'emparer du territoire

18 situé à l'intérieur à partir de ces points de départ et de s'emparer de ce

19 territoire dans des superficies aussi importantes que possible pour se

20 rapprocher le plus rapidement possible de la frontière serbe. Donc, nous

21 sommes en train de parler de stratégie, mais à un niveau inférieur, il y

22 avait également des points tactiques qui étaient déterminés comme

23 points-clés et qu'il fallait prendre également.

24 L'attaque tactique, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, est une

25 conséquence de la stratégie et elle est élaborée dans le but de déterminer

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1 la meilleure façon de pacifier le territoire conquis. Il fallait d'abord

2 créer des bases. Or, ces bases ne sont rien d'autre que des casernes

3 situées sur le territoire de la Croatie et cette même tactique a été

4 appliquée également en Bosnie-Herzégovine et d'après ce que l'on sait

5 aujourd'hui, c'est la même tactique qui a été appliquée également au

6 Kosovo. Donc ces bases sont des casernes dans lesquelles il y a des

7 soldats, ces bases sont situées dans des villages qui sont peuplés

8 majoritairement ou exclusivement de Serbes et ces bases sont armées par la

9 JNA.

10 Ensuite, se produit l'attaque contre les villages croates, qui se trouvent

11 dans l'intérieur du pays par rapport aux villages serbes peuplés de

12 Serbes. Et la supériorité devait être au moins de deux à un.

13 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, excusez-moi de vous interrompre,

14 mais j'ai une question à vous poser de façon à vérifier si vous avez le

15 même avis que moi. Vous avez déclaré qu'en Croatie, et moi j'ajouterais

16 également en Bosnie-Herzégovine, selon moi, en tout cas vous avez dit

17 qu'en Croatie, l'une des principales caractéristiques résidait dans le

18 fait que les villages étaient des bases militaires et que les villages

19 constituaient donc d'une certaine façon la base d'une unité militaire.

20 Donc, tel ou tel village était la base de telle ou telle unité militaire.

21 Est-ce exact ?

22 M. Domazet (interprétation). - Oui, c'est tout à fait exact.

23 Les bases étaient des casernes, des bases militaires mais c'étaient

24 également des villages qui pouvaient constituer une certaine puissance

25 militaire sur le plan tactique.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Merci.

2 M. Domazet (interprétation). - Donc cette supériorité de deux à un

3 signifiait qu'il y

4 avait asymétrie sur le plan technique et sur le plan humain. Et je reviens

5 donc ici sur ce concept que j'ai déjà évoqué sous les termes de guerre

6 asymétrique au début de mon exposé, une guerre qui est menée dans

7 l'inégalité des forces. C'est un concept qui est bien connu dans

8 l'ensemble des forces armées du monde, à savoir que le rapport entre les

9 forces attaquantes et les forces qui se défendent doit être de trois à un.

10 Et s'il est permis de parler de guerre ethnique, pour qu'il y ait une

11 chance d'un côté et de l'autre, du côté de l'attaquant et du côté du

12 défenseur, il faut que ce rapport soit de cet ordre, mais en Croatie et en

13 Bosnie-Herzégovine le rapport n'était pas de trois à un, il était quelques

14 fois de 100 et 1 000 à 1 parce que nous avons été en présence de forces

15 armées possédant des armes qui ont attaqué des forces sans armes.

16 Quatrième point : dans une tactique de ce genre, l'artillerie qui était

17 aux mains de la JNA se trouvait à plus de 10 kilomètres de distance et là

18 intervient un autre élément-clé qui est la distance et cette distance a un

19 rôle double. D'abord, fournir un support au moment de l'attaque des forces

20 attaquantes, mais également agir dans les villages dans le but de créer la

21 panique et de terroriser. Et ce but, cet objectif que l'on peut appeler un

22 objectif terroriste a été mis en oeuvre en Croatie et notamment en Bosnie-

23 Herzégovine. Comme nous le voyons ces derniers jours, il est également

24 appliqué au Kosovo.

25 La logistique, lorsqu'une guerre est menée avec des objectifs tactiques de

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1 cette nature, eh bien la logistique réside dans la mise à disposition de

2 camions et d'hélicoptères. La conclusion générale que l'on peut tirer de

3 cette façon de déployer les forces au niveau tactique de la part des

4 rebelles serbes, c'est que ceux-ci voulaient éradiquer, chasser, détruire

5 la population croate et cette méthode qui a été utilisée en Bosnie-

6 Herzégovine était la même par rapport aux Musulmans et par rapport aux

7 Croates et s'appuyait exclusivement sur un objectif terroriste et sur

8 l'utilisation terroriste d'unités militaires puissantes.

9 Vous voyez donc de quelle façon la tactique a été mise en oeuvre grâce à

10 ces bases militaires, ce qui nous montre bien une théorie qui poursuit

11 l'objectif de la grande Serbie et sur

12 le plan que vous voyez ici, vous voyez au centre la ville.

13 De façon à appliquer cette doctrine spéciale que je viens de décrire, il

14 faut bien entendu saisir, s'emparer des voies de communication

15 principales. Autour de la ville que vous voyez indiquée ici sur le schéma,

16 il y a des villages de plus petite taille, et puis, il y a également des

17 villages, des hameaux qui sont les bases dont j'ai parlé tout à l'heure et

18 dont la population est majoritairement ou exclusivement serbe.

19 Puis, il fallait toujours bien entendu rejoindre ces différents lieux. De

20 cette façon, on prend le contrôle de l'espace sans être contraint de

21 procéder à des manoeuvres importantes de la part des forces engagées dans

22 les combats.

23 De façon à ce que la prise de cet espace et la pacification de cet espace

24 se réalisent, elle doit toujours se réaliser près d'une grande ville et,

25 en général, aux abords de la ville, on trouve une caserne qui existe

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1 depuis au moins 80 ans. Donc l'attaque qui part de la caserne va viser la

2 ville.

3 Ensuite, pour pacifier la totalité du territoire visé, on part des bases

4 où se trouvent des soldats serbes et on utilise la force de frappe, les

5 armements lourds qui sont positionnés en des lieux déterminés.

6 Une telle utilisation des forces montre qu'il n'est pas besoin d'effectuer

7 des manœuvres, que c'est une espèce de guerre de position et que les armes

8 sont utilisées exclusivement pour détruire des objectifs civils. C'est

9 d'ailleurs une caractéristique particulière que l'on a pu constater en

10 Bosnie-Herzégovine. Donc des villages sont ainsi nettoyés, éliminés et, de

11 façon relativement facile, on peut, en utilisant cette tactique et cette

12 stratégie, s'emparer d'un territoire.

13 Or, ces caractéristiques des combats n'ont été possibles que grâce à

14 l'existence de cette guerre asymétrique dont j'ai déjà parlé et que j'ai

15 déjà décrite.

16 Maintenant, quelle a été la stratégie appliquée dans les points-clés ? Eh

17 bien,

18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avons à présent ou plutôt

19 vous avez à présent devant vous un paradigme de la guerre qui montrera

20 toute la signification de ce qui s'est passé et vous permettra peut-être

21 de mieux comprendre la façon dont la guerre a été menée en Bosnie-

22 Herzégovine.

23 Vous voyez ici la date : 28 septembre 1991 qui est écrite sur la

24 diapositive. Vous voyez également un endroit, une localité dont le nom est

25 inscrit. Cette localité est la localité de Ravno. Comme vous le

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1 constaterez, Ravno se trouve en Bosnie-Herzégovine. Ravno est un village

2 qui est exclusivement habité par des Croates. C'est un village que la JNA

3 serbe et les Serbes ont attaqué ce 28 septembre 1991 dans le cadre de leur

4 avancée vers Dubrovnik. En détruisant cette localité étant donné que la

5 profondeur opérationnelle était faible, Dubrovnik a été atteinte.

6 M. Nobilo (interprétation). – Quand vous dites "profondeur opérationnelle

7 faible", qu'est-ce que cela signifie sur le plan militaire ?

8 M. Domazet (interprétation). – Sur le plan militaire, selon les normes de

9 l'OTAN publiées dans le règlement de l'OTAN FM 105 qui concerne les

10 combats aériens et terrestres et qui fait partie de la doctrine des forces

11 terrestres des Etats-Unis, une unité tactique est affectée à une brigade.

12 Cela signifie que la zone de responsabilité de la brigade, du point de vue

13 défensif, s'étend sur 35 kilomètres et la zone d'intérêt pour la brigade

14 doit être, si la brigade doit être efficace, de 75 kilomètres. Or, dans ce

15 cas, il n'y avait que 800 mètres et pas plus de 15 kilomètres en largeur.

16 M. Nobilo (interprétation). – Lorsque vous dites 800 mètres, est-ce que

17 vous voulez dire que la largeur du territoire croate sur la côte n'est que

18 de 800 mètres ?

19 M. Domazet (interprétation). – Exactement.

20 M. Nobilo (interprétation). – Ce qui signifie qu'une zone opérationnelle

21 ne peut pas défendre Dubrovnik si elle ne pénètre pas dans le territoire

22 de Bosnie-Herzégovine. C'est ce

23 que vous voulez dire ?

24 M. Domazet (interprétation). – Je crois que n'importe quel expert

25 militaire vous dira qu'il est impossible de défendre un territoire de ce

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1 genre, en disposant d'une profondeur aussi faible, aussi limitée qui va de

2 800 mètres à 15 kilomètres au maximum, si vous avez des forces qui

3 utilisent l'ensemble de la profondeur, parce que, dans ce cas-là, si les

4 forces qui sont opposées à vous sont étendues sur l'ensemble du

5 territoire, vous êtes immédiatement débordé. Ceci est un défi atroce pour

6 tout commandant militaire et, si je m'étais trouvé face à un défi de ce

7 genre, je n'aurais pas trouvé facile la solution d'un tel problème.

8 Donc, la combinaison qui s'est effectuée entre la JNA et les soldats

9 serbes sur les voies de communication principale a eu à remporter un

10 succès relatif, mais uniquement dans la région de Dubrovnik et pas dans

11 les autres régions. Pourquoi ? Parce que la JNA et les soldats serbes

12 n'ont pas mis au point un plan qui leur a permis de sortir sur la

13 frontière serbe occidentale mais n'a remporté de succès que dans cette

14 région-ci.

15 Alors la question se pose de savoir pourquoi. Eh bien la réponse est

16 aisée. D'abord parce que la Croatie à ce moment-là n'avait pas d'armes qui

17 lui eussent permis de s'opposer à cette façon d'agir et deuxièmement,

18 parce que dans le cadre de sa tactique elle n'aurait pas pu agir

19 uniquement à partir de son territoire, mais il y a un autre élément

20 important également significatif également ; si la JNA est partie à

21 l'assaut de Dubrovnic le 28 septembre 1991, et qu'elle a attaqué et

22 détruit une localité au passage, comme je l'ai dit, cela signifie qu'en

23 même temps elle visait et attaquait la Bosnie-Herzégovine et je pense, et

24 je vois d'ailleurs que cela est stipulé en de nombreux endroits. Je pense

25 qu'à ce moment-là le Président de la Bosnie-Herzégovine Alija Izetbegovic

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1 a fait savoir que ce n'était pas sa guerre, si je me rappelle bien et

2 c'est la raison pour laquelle l'opération n'a pas réussi.

3 Mais, voyons maintenant quelle était la place d'une telle façon de voir

4 dans un contexte plus large, c'est-à-dire essayons de nous transporter

5 jusqu'à la fin de la guerre en

6 Bosnie-Herzégovine ? La JNA et les Serbes n'ont pas réussi à atteindre

7 leur objectif stratégique, objectif stratégique qui selon Kadijevic

8 consistait à détruire l'armée croate, à briser la frontière Slovène, à

9 traverser la frontière Slovène, ce qui impliquait en fait la frontière

10 occidentale de la Serbie. C'était l'époque à la fin de 1995 où Vukovar

11 était assiégée et détruite et où les surfaces maritimes de la Croatie

12 étaient capturées parce que le point de vue stratégique le plus important

13 de la guerre contre la Croatie était centré sur deux objectifs uniques et

14 ces objectifs étaient la prise des zones maritimes. La JNA souhaitait

15 atteindre ces objectifs, Kadijevic l'a dit, la Croatie devait reculer par

16 rapport au littoral.

17 La Croatie et son état-major avaient un certain nombre d'idées à

18 l'époque : continuer la guerre en Croatie n'était pas indispensable, il

19 fallait donc l'éviter. Il était important de gagner du temps, il était

20 important pour la communauté internationale de s'engager. Donc, pendant un

21 moment, l'idée consistait à laisser la Croatie de côté, à créer pour les

22 Serbes une nouvelle armée baptisée "armée des Serbes de Krajina", tout le

23 reste des forces étant transporté ou axé sur la Bosnie-Herzégovine.

24 Si les Serbes parvenaient à pacifier donc à occuper la Bosnie-Herzégovine

25 en très peu de temps, pensaient-ils et dans la tête de certains ce temps

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1 très court devait ne pas dépasser sept jours, à ce moment-là, ils

2 pensaient qu'ils allaient s'emparer facilement de la Croatie et à ce

3 moment-là, c'est la Bosnie-Herzégovine qui entre dans le jeu.

4 Kadijevic a dit à l'époque : "En dehors de la Yougoslavie, il n'y aura pas

5 d'Etat de Bosnie-Herzégovine". Ce qui signifiait que la guerre en Croatie,

6 en tout cas la première phase que j'ai décrite tout à l'heure, la guerre

7 en Croatie et ensuite la guerre en Bosnie-Herzégovine faisaient partie

8 d'un même et seul plan. Et si l'on veut montrer les choses graphiquement,

9 vous voyez ici le cercle et la croix qui se trouvent au milieu de ce

10 cercle, nous voyons que le siège de ce cercle se trouve bien quelque part

11 dans la partie occidentale de la Bosnie-Herzégovine.

12 Du point de vue stratégique, ce schéma signifie que si l'on s'empare de ce

13 point, de

14 cette croix, eh bien la pacification de la Bosnie-Herzégovine devient très

15 facile.

16 C'est ainsi que le 3 janvier 1992, le 3 janvier 1992 donc, les forces

17 internationales de la FORPRONU arrivent sur le territoire que vous voyez

18 maintenant à l'écran. Territoire qui était occupé par la JNA et par les

19 Serbes.

20 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, ce territoire est connu sous le nom

21 de Krajina en Croatie en tout cas dans sa plus grande partie ?

22 M. Domazet (interprétation). - La Krajina c'est seulement cette partie-ci,

23 mais en fait, ils ont élargi ce para-Etat en lui adjoignant des

24 territoires complémentaires et ils ont baptisé ce para-Etat "Krajina

25 serbe", République de la Krajina serbe et ils ont adjoint à la Krajina

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1 existante des territoires qui à Belgrade n'avaient rien à voir avec la

2 Krajina, mais ils ont baptisé l'ensemble Krajina.

3 En tout cas, ces territoires occupés ne pouvaient être reliés entre eux

4 que par la prise de la Bosnie-Herzégovine. C'est la raison pour laquelle

5 en 1992, à partir du mois de janvier jusqu'au mois de mars 1992, lorsque

6 les forces internationales sont arrivées sur le territoire de Bosnie-

7 Herzégovine, les corps d'armée de la JNA se sont déployés.

8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les manoeuvres de ces corps

9 d'armée sont les plus faciles à voir à l'écran, grâce à l'animation qui

10 est disponible à l'écran. Donc, le premier corps d'armée de Slovénie

11 traverse la Croatie pour se rendre en Serbie. Et lorsque cette formation

12 traverse des territoires occupés, elle laisse la plus grande partie de ses

13 armes aux Serbes qui se trouvent dans ces zones occupées et selon la même

14 idéologie, le quatrième corps d'armée part lui aussi vers la Serbie, en

15 laissant des armes au passage. Et puis, ce quatrième corps d'armée, au

16 cours de ses manoeuvres, arrive au Monténégro.

17 Les manoeuvres réalisées par le treizième corps d'armée... Le déplacement

18 du treizième corps d'armée, qui était stationné à Rijeka, c'est-à-dire à

19 l'ouest de la Croatie, est particulièrement intéressant.

20 En effet, ce treizième corps d'armée arrive à Bar d'abord, au cours de son

21 déplacement (Bar qui se trouve au Monténégro), pour poursuivre son chemin

22 plus loin.

23 Et puis, nous avons le neuvième corps d'armée, dirigé par le Gal Mladic

24 qui, lui, va arriver jusqu'à l'ouest de la Bosnie, donc très près de ce

25 cercle, rappelez-vous, que je vous ai montré sur la diapositive

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1 précédente.

2 A ce moment-là, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, ces

3 trois corps d'armée étaient également déployés. Donc, il n'est pas

4 indispensable d'être un grand expert militaire pour, à la vue de cette

5 diapositive, conclure qu'après le regroupement de trois corps d'armée

6 venant du nord-ouest... réunis au nord-ouest de la Bosnie, et de

7 deux corps d'armées réunis au sud-est de la Bosnie, auxquels s'ajoutait un

8 corps d'armée déployé en Serbie et au Monténégro, il n'est pas difficile

9 de conclure, donc, que la prise de la Bosnie-Herzégovine avait commencé.

10 Les commandants de ces corps d'armée... Je ne vais pas vous lire leur nom,

11 mais ils sont les suivants : il y a le commandant du treizième corps

12 d'armée qui se trouvait en Herzégovine orientale, c'était le général-

13 major Perisic qui est aujourd'hui général et chef d'état-major de l'armée

14 yougoslave.

15 Ensuite, nous arrivons à l'année... Je voudrais maintenant que l'on

16 revienne à l'année 86, pour voir quelles étaient les manoeuvres militaires

17 menées sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine à partir de la Romanie.

18 Monsieur le Président, nous allons parler maintenant des événements

19 concrets survenus sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

20 Les idées de l'OTAN quant à une agression contre la Yougoslavie qui aurait

21 traversé la Croatie et grâce à laquelle l'OTAN aurait fait traverser le

22 territoire croate par la majorité de ses forces, lui aurait permis

23 d'entrer et de pénétrer jusqu'au coeur de la Bosnie. Comment cela eut-il

24 été possible ? Et bien d'abord en démarrant, en partant du point K, c'est-

25 à-dire de la Croatie, en traversant la vallée de la Neretva pour se

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1 diriger vers Sarajevo ; et deuxièmement, à partir du deuxième point K,

2 l'OTAN aurait pu traverser Knin, Sinj, Livno et

3 aller donc vers Sarajevo à partir de l'ouest.

4 Là, nous arrivons à un anachronisme complet, anachronisme qui est peut-

5 être un peu secondaire, mais qui remplit un rôle-clef pour répondre

6 éventuellement à la question de savoir comment et pourquoi Sarajevo a été

7 encerclée, assiégée comme elle l'a été, pourquoi Sarajevo a vécu les

8 terreurs de la guerre au 20ème siècle et, plus précisément, à la fin du

9 20ème siècle. Or, cela vient du fait que la division 101 des forces

10 aériennes américaines est descendue, Monsieur le Président, sur la

11 montagne Romanie. La 101ème division aérienne des Etats-Unis d'Amérique et

12 son raid, était une unité tout à fait stratégique dans le cadre de l'armée

13 américaine. Donc, dans le cadre d'une idée absurde, selon laquelle une

14 division bipolaire de l'Europe aurait pu se faire grâce à une seule unité,

15 il semblait que les Etats-Unis d'Amérique n'avaient pas pu choisir

16 d'autres endroits pour leur raid aérien que sur ce mont de Romani. C'est

17 sur la base de cette idée de l'armée américaine que la JNA a dû élaborer

18 une réponse, une réaction.

19 Comment pouvait-elle réagir ? Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

20 la JNA a réagi de la façon suivante : puisque la force la plus puissante

21 des Etats-Unis a effectué son raid sur Sarajevo, il a fallu à partir de la

22 Bosnie centrale et de la Bosnie occidentale et en utilisant également des

23 forces provenant de Serbie et de l'est de la Bosnie, se diriger vers

24 Sarajevo de façon à briser ce raid. De façon à l'empêcher au préalable, il

25 fallait organiser autour de Sarajevo une ceinture anti-raid, si je puis

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1 l'appeler ainsi. C'est donc à partir de 1986 et jusqu'en 1992 qu'à partir

2 de cette théorie, Sarajevo est tombée dans le piège.

3 Et puis, un autre élément à prendre en compte, c'est que les forces de la

4 Bosnie occidentale qui étaient des forces opérationnelles pouvaient

5 s'engager dans l'action, déboucher sur le littoral et contribuer à la

6 défense.

7 Troisièmement, du point de vue opérationnel, les forces qui étaient

8 présentes dans la vallée de la Neretva pouvaient également se mettre en

9 marche, déboucher sur le littoral et

10 contribuer à la défense.

11 Donc, d'un point de vue stratégique, à ce moment-là, il apparaît que la

12 Bosnie-Herzégovine, pour être défendue contre quelque adversaire que ce

13 soit, mais, dans le cas précis, pour pouvoir être défendue contre la JNA

14 et les forces serbes de Bosnie, il fallait que ce territoire de l'ouest de

15 l'Herzégovine soit défendu tout particulièrement car il permettait la

16 sortie sur la mer.

17 M. Nobilo (interprétation). – Amiral, pourriez-vous nous donner quelques

18 détails à moi et aux juges ? Donc, est-ce que vous êtes en train de dire

19 que la JNA avait imaginé la possibilité d'une attaque de l'OTAN même s'il

20 n'y avait pas de motif objectif ?

21 M. Domazet (interprétation). – Oui.

22 M. Nobilo (interprétation). – Et, dans ce sens, entre 1986 et 1990, la JNA

23 n'a cessé de mener des manoeuvres correspondant au modèle que nous voyons

24 graphiquement sur l'écran en ce moment ?

25 M. Domazet (interprétation). – C'est exact.

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1 M. Nobilo (interprétation). – Et parce qu'il n'y avait pas de raison

2 concrète de se défendre contre l'OTAN, est-ce que vous voulez nous laisser

3 penser qu'entre 86 et 90, la JNA préparait un combat contre la

4 Bosnie-Herzégovine ?

5 M. Domazet (interprétation). – Oui, c'est exact, elle a préparé un plan

6 destiné à lutter contre la Croatie et contre la Bosnie-Herzégovine. Ce

7 n'était pas un plan de défense contre l'OTAN parce que rien ne permettait

8 une telle attaque, mais l'OTAN a servi de prétexte à la JNA sur le plan de

9 son déploiement pour autoriser son déploiement opérationnel sur le

10 territoire de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie.

11 M. Nobilo (interprétation). – Et tous les ans ?

12 M. Domazet (interprétation). – Oui, tous les ans, exactement, c'est la

13 raison pour laquelle ces manoeuvres s'appelaient manoeuvres de "Romanie".

14 M. Nobilo (interprétation). – Mais, sur le schéma que nous avons sous les

15 yeux, nous constatons d'abord que le sud de la Croatie et les champs de

16 bataille de Bosnie ne font qu'un et nous voyons également que les

17 points-clés se trouvent aux abords de la frontière croato-bosniaque pour

18 s'emparer de ce territoire ?

19 M. Domazet (interprétation). – Oui, parce que c'étaient des points tout à

20 fait intéressants et importants sur le plan tactique.

21 M. Nobilo (interprétation). – Au sud de la Croatie notamment ?

22 M. Domazet (interprétation). – Oui, au sud de la Croatie notamment et ce,

23 d'un point de vue de combat opérationnel.

24 Puis-je continuer ?

25 M. Nobilo (interprétation). – Je vous en prie.

Page 11415

1 M. Domazet (interprétation). – Donc, un autre point très important pour

2 l'occupation de ce territoire, c'était la ville de Sarajevo.

3 Pour accéder à ce point aussi rapidement que possible, il fallait occuper

4 d'autres régions. Pourquoi ? Parce que les territoires occupés de Croatie

5 étaient occupés sous le contrôle de l'armée serbe de Krajina et que cela

6 permettait ici d'agir plus librement.

7 Nous pouvons donc maintenant utiliser les diapositives pour voir quelle

8 était la cohésion, la cohérence entre le plan militaire, le plan guerrier

9 imaginé et la façon concrète dont se sont menées les guerres en Croatie et

10 Bosnie-Herzégovine.

11 On peut voir, si l'on examine de manière plus détaillée cette image qui

12 est devant nous, que, d'une certaine façon, on peut y associer l'Etat qui

13 va s'établir en Bosnie entre janvier et avril, donc entre les mois de

14 janvier et avril 1992.

15 Vous avez donc, là, sous les yeux, Messieurs les Juges, les régions

16 occupées de la République de Croatie et, là, on assiste à une nouvelle

17 recomposition des forces de la JNA, en ce qui concerne les territoires

18 occupés de la République de Croatie.

19 Dans ces territoires, on établit des nouvelles forces de l'armée

20 yougoslave -il s'agit des forces de la République Serbe de Krajina- pour

21 qu'elles puissent défendre ces territoires et les autres répartitions

22 territoriales des forces armées yougoslaves sont présentées de la manière

23 suivante.

24 Vous avez maintenant sous les yeux les quatre nouvelles régions ou

25 districts militaires des forces armées yougoslaves et ces régions

Page 11416

1 militaires avaient l'importance suivante. La première était à Belgrade,

2 donc avec les corps d'armée qui en dépendaient et l'organisation qui en

3 dépendait. La deuxième région, c'est celle de Sarajevo. La troisième est

4 transférée de Skopje en Macédoine à Nis, et la quatrième est basée à

5 Podgorica au Monténégro. Il s'agit ici de la nouvelle répartition

6 territoriale des forces armées yougoslaves qui est réalisée après la

7 signature de l'accord du 3 janvier 1992 qui inaugure l'arrivée des forces

8 internationales sur les territoires de la Bosnie-Herzégovine et sur les

9 autres territoires de la Yougoslavie, nouvelle manière.

10 Ces forces, à ce moment-là, de la JNA avaient disposé des effectifs

11 suivants : tout d'abord, nous pouvons voir ici la répartition nationale,

12 non seulement ici au niveau des officiers supérieurs mais également de

13 l'ensemble des forces armées. Nous avons ici la répartition à l'intérieur

14 des structures de commandement des Serbes, nous en trouvons 92,6 %, les

15 Monténégrins 7 %; les autres nationalités 0,4 %.

16 M. Nobilo (interprétation). - Donc O,4 % ?

17 M. Domazet (interprétation). - Donc on peut conclure qu'à ce moment-là, la

18 JNA, donc l'ensemble de son cadre de commandement était serbe à l'époque

19 et, à ce moment-là, tout ce qui se trouve ici sur les espaces relevant de

20 la Bosnie-Herzégovine, eh bien nous n'avons pas ici des représentants des

21 deux autres peuples dans les forces armées qui se trouvaient dans la

22 région militaire relative à la Bosnie-Herzégovine.

23 En ce qui concerne les effectifs, si on analyse les effectifs présents

24 uniquement en

25 Bosnie-Herzégovine, nous avons les effectifs suivants : nous avons 83 000

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1 hommes, entre 460 et 500 tanks, entre 400 et 420 véhicules blindés, et

2 entre 950 et 1 000 différents types de fûts de canons.

3 Cette nouvelle organisation et également sa nouvelle structure de

4 commandement ici dans la première étape de la guerre, dans les premiers

5 moments de la guerre en Bosnie-Herzégovine étaient la suivante : le

6 commandement était assuré donc au niveau de l'état-major, c'était le

7 général... ce n'était plus M. Kadijevic mais Blagoje Hadjic, c'était lui

8 qui assumait la fonction également de secrétaire fédéral à la défense.

9 A ce moment-là, il assumait aussi bien les fonctions de ministre de la

10 Défense et de chef d'état-major des forces armées yougoslaves. Au-dessous,

11 au niveau juste inférieur, donc, le commandant de la deuxième région

12 militaire qui est la région militaire relative à la Bosnie-Herzégovine,

13 nous trouvons le Gal Milutin Kukanjac.

14 Les commandants qui lui sont associés : donc pour le quatrième corps

15 d'armée de Sarajevo, nous trouvons le Gal Vojislav Durtevec ; pour le

16 cinquième corps d'armée basé à Banja Luka nous trouvons le général-

17 major Vladimir Vukovic ; pour le neuvième corps qui se trouvait à Knin,

18 nous trouvons Sava Kovacevic et son adjoint ou en tout cas son responsable

19 d'état-major était le général-major Ratko Mladic ; pour le dixième corps

20 d'armée qui était basé à Bihac, nous trouvons le général-

21 major Spiro Ninkovic.

22 Pour la première région militaire, le premier district militaire dont le

23 centre était en Serbie qui avait son état-major à Belgrade, sur le

24 territoire de Bosnie-Herzégovine, nous trouvons le dix-septième corps

25 d'armée à Tuzla avec à sa tête le général lieutenant Sava Jankovic et pour

Page 11418

1 la quatrième région militaire, donc pour le Monténégro nous trouvons le

2 treizième corps d'armée sous le commandement de général-

3 major Moncila Perisic.

4 Une pareille structure de commandement après la révocation du

5 Gal Velko Kadijevic, après que celui-ci ait été relevé de ses fonctions de

6 secrétaire fédéral à

7 la défense, cette fonction était assumée à la suite de cela par le

8 Gal Blagoje Hadjic. En plus de cela on peut voir encore quelque chose en

9 plus, c'est que le commandement de la deuxième région militaire, donc le

10 Gal Kukanjac qui avait ses responsabilités à la région relative à

11 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, se voit associer les forces du

12 cinquième, dixième et treizième corps d'armée qui sont des forces venues

13 de Croatie.

14 A présent, nous allons nous efforcer, Monsieur le Président,

15 Messieurs les Juges, de vous illustrer pourquoi l'on a procédé à cette

16 répartition des régions militaires. A présent, c'est ce que nous vous

17 montrons.

18 En ce qui concerne la deuxième région militaire qui se trouve ici sur

19 l'espace, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, elle s'étend

20 naturellement sur les territoires occupés relevant de la République de

21 Croatie. Et déjà pour ce qui est de cet espace, l'on trouve l'armée de la

22 République de Krajina serbe. Et dans ce que l'on peut d'ores et déjà

23 qualifier de frontière ouest des terres serbes et pas seulement cela, mais

24 pour ce qui est de ce district dans la partie méridionale de ce district

25 militaire, elle passe donc sur l'ensemble du territoire de la Croatie et

Page 11419

1 les bords de l'Adriatique.

2 Pour ce qui est du quatrième district militaire, et là également en ce qui

3 concerne ses liens naturels avec le premier district militaire, à l'ouest

4 s'étend naturellement jusqu'à Split vers cet espace. Et il est très

5 important de voir que pour ce qui est du deuxième district militaire qui

6 se trouve sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, il faut également

7 ajouter à ce territoire que le premier district militaire va au-delà de la

8 rivière Drina et entre dans le territoire bosniaque lui-même. Ceci est

9 très important pour ce qui est de l'utilisation de la conception des

10 forces dans les premières étapes de la guerre et, pour ce qui est de la

11 quatrième région militaire, celle-ci s'étend encore sur le territoire de

12 la Serbie. Ainsi, on couvre l'ensemble du territoire de la Bosnie-

13 Herzégovine par cette répartition territoriale et les forces militaires

14 peuvent également être lancées, portées sur la Croatie.

15 A ce moment-là, si l'on s'empare de ce territoire, de cet espace, on

16 obtient... Si effectivement on s'empare du territoire de la Bosnie-

17 Herzégovine, on obtient les frontières de la Serbie, non pas sur une ligne

18 Virovitica/Karlovac/Karlobag... Mais elle en est inférieure de bien peu,

19 elle passe par une ligne qui part de Maslenica, qui remonte sur Karlovac,

20 qui suit ensuite le cours de la Sava et qui va jusqu'à Vukovar... Elle

21 monte également jusqu'à Vinkovci. A ce moment-là, si l'on réussit à

22 pacifier la Bosnie, on a grosso modo la grande Serbie.

23 Quel est l'élément déterminant pour venir à bout de toute possibilité de

24 résistance en Bosnie-Herzégovine ? Là, nous devons nous rappeler quels

25 étaient les deux points-clés pour ce territoire-là. Donc, ces deux points-

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1 clés étaient ici cette partie de l'Herzégovine (cet espace situé entre ces

2 deux points) et la ville de Sarajevo. Par conséquent, pour ce qui est de

3 la première étape de la guerre, avec cette répartition des forces, elle

4 commence, Monsieur le Président, Messieurs les juges, en avril 1992...

5 Ici, au moyen de l'animation, nous pouvons voir le mouvement suivant,

6 ainsi, conformément à la conception qui avait déjà été mise en pratique

7 depuis six ans, depuis les parties occidentales, par un mouvement conjoint

8 du groupe opérationnel, il est possible de verrouiller ce territoire dans

9 un étau.

10 Ainsi, l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine, à ce moment-

11 là... Si la JNA avait réussi à verrouiller dans un étau l'ensemble du

12 territoire de la Bosnie-Herzégovine, l'ensemble du territoire de la

13 Bosnie-Herzégovine se serait retrouvé isolé. Elle serait restée séparée

14 des autres territoires et on aurait pu ainsi procéder à la liquidation de

15 sa capitale, parce qu'à ce moment-là (il faut encore se souvenir de cela),

16 Sarajevo était déjà assiégée et, à la suite des cinq ans d'exercices, de

17 manoeuvres... Et ceci aurait dû être fait par la 105ème division.

18 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que nous pourrions ici nous

19 concentrer un petit peu sur ce moment particulier de la guerre ? Quand on

20 a verrouillé, au moyen d'un étau... Quelles auraient été les conséquences

21 de ce mouvement pour les peuples non-serbes de la Bosnie-Herzégovine ?

22 Quelles auraient été les conséquences pour leur défense à l'égard de

23 l'agression de la JNA ? Quels auraient été ses moyens de communication

24 avec les forces territoriales, continentales de la Croatie ? Qu'est-ce que

25 cela aurait représenté pour la Croatie, pour les ports en Croatie, pour

Page 11421

1 les territoires en Croatie, pour continuer à assurer la survie des forces

2 aussi bien de l'armée de Bosnie-Herzégovine que du HVO ?

3 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

4 si l'on regarde la situation, pour ce qui est des parties occupées de la

5 Croatie, il y avait deux orientations, deux lignes directrices. A ce

6 moment-là, la Croatie se retrouve coupée de sa façade maritime et la

7 circulation ne peut se faire qu'au travers d'un pont qui passe par l'île

8 de Pag et qui relie la Croatie continentale à sa façade maritime.

9 Ainsi l'ensemble de la circulation... La circulation sur le pont de

10 Maslenica était très difficile car ce pont avait été endommagé et de ce

11 pont dépendait l'ensemble de la circulation vers les parties méridionales

12 de la Croatie.

13 M. Nobilo (interprétation). - Par où passait la circulation vers la

14 Bosnie-Herzégovine, pour les parties non-occupées de la Bosnie-

15 Herzégovine, pour les besoins de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO ?

16 M. Domazet (interprétation). - L'ensemble de la circulation... Pour la

17 survie du reste de la population, la circulation, dans ce but-là, ne

18 pouvait passer que par les territoires libres, par ce côté-là de la

19 côte... donc, devait passer par cet espace-là. Il ne pouvait être assuré

20 que par la route qui allait de Split vers Sarajevo et vers Tuzla. C'était

21 le seul axe de communication, la seule ligne de communication qui pouvait

22 assurer la survie.

23 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, est-ce que l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine pouvait obtenir une seule balle de fusil sans que cette balle

25 ne passe par les espaces continentaux et maritimes de la République de

Page 11422

1 Croatie ?

2 M. Domazet (interprétation). - De toute façon, elle ne pouvait passer que

3 par là, car la seule ligne de communications passait par ces territoires-

4 là, par les territoires de la

5 Croatie, parce que, dans les plans Serbes, ceci était considéré comme un

6 facteur essentiel ? C'est pour cela que, dans mon expertise que j'ai

7 l'honneur de présenter ici au Tribunal, j'insiste tout particulièrement

8 sur ces points-clés. La stratégie nous enseigne seulement une chose, il

9 s'agit ici de conceptions d'un grand théoricien de l'art militaire,

10 Churchill l'a également défini à sa manière, selon ses mots à lui... Lui,

11 il avait déclaré que c'est que de la défaite qu'il faut passer à la

12 victoire. Par la défaite, il voulait entendre une tactique qui aurait pu

13 assurer ultérieurement une victoire. Et donc, dans ce cas-là, pour ce qui

14 est de la conception stratégique, cette voie de communication, qui passait

15 en partie par un itinéraire maritime et également par un itinéraire

16 continental, assurait pour la Bosnie une survie minimale, pour les

17 Musulmans de Bosnie et les Croates en Bosnie-Herzégovine.

18 Il y a encore une autre chose que j'aimerais citer, c'est le caractère

19 asymétrique de ce conflit, de cette guerre. Les Bosniaques musulmans et

20 les Croates ne disposaient pas suffisamment d'armement. Ils étaient dans

21 une situation autrement plus défavorable que la situation qui prévalait en

22 Croatie, parce que la Croatie a pu, avait pu s'emparer d'armements et de

23 munitions au cours d'une opération d'occupation des casernes qui se

24 trouvaient sur le territoire croate, et ceci n'avait pas pu se produire en

25 Bosnie-Herzégovine et ceci pour la simple raison que la JNA avait donc

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1 retiré la leçon de cette expérience et c'est pour cela que la JNA s'était

2 emparée des munitions, des casernes et la seule chose qu'on avait réussi à

3 conserver, c'était cette unique voie de communication qui assurait la

4 survie de la Bosnie-Herzégovine.

5 M. Nobilo (interprétation). – Merci, je vous en prie.

6 M. Domazet (interprétation). - A ce moment-là, dans les premières étapes

7 de la guerre, la Serbie, c'est-à-dire la JNA, ne réussit pas à réaliser

8 l'ensemble de son plan stratégique c'est-à-dire verrouiller ses portes,

9 ses voies d'accès, et à ce moment-là, la capitale Sarajevo, et ne réussit

10 pas à s'en emparer. Et à ce moment-là…

11 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais simplement ici vous interrompre.

12 Pourquoi

13 n'a-t-elle pas réussi à verrouiller cet étau ?

14 M. Domazet (interprétation). - Parce que les défenseurs ont réussi donc

15 deux coups, deux opérations, donc deux offensives qui passaient par la

16 région entre Kupres et Livno et ensuite en direction de Split et il y a

17 une autre offensive qui partait de la rive droite de la Neretva et donc,

18 ces deux forces ont réussi à s'unifier et il y avait ici une voie de

19 communication qui passait par Stolac jusque dans l'intérieur de

20 l'Herzégovine. Là, il s'agit de lignes de défense que les défenseurs ont

21 réussi à assurer, ils ont donc réussi à stopper ce mouvement de prise en

22 étau et donc, il s'agit ici de la région entre Livno, Kupres et également

23 la vallée de la Neretva dans la région de Mostar, il s'agit là de

24 concepts, de régions géographiques de la République de Bosnie-Herzégovine.

25 Il s'agit ici de localisations qui se trouvent exclusivement en Bosnie-

Page 11424

1 Herzégovine et, à ce moment-là, Monsieur le Président,

2 Messieurs les Juges, il y a eu une polémique qui a été menée pour savoir

3 si la Croatie, donc en 91, aurait pu infliger une défaite à la Serbie,

4 c'est-à-dire à la Yougoslavie, une nouvelle manière, et là, toutes les

5 expertises ont prouvé que tout simplement ceci n'était pas possible, elle

6 a donc pour cette première étape de la guerre réussi à obtenir

7 uniquement... donc la Serbie a remporté la victoire uniquement, mais elle

8 n'a pas réussi complètement à arriver aux frontières occidentales telles

9 qu'elle les avaient conçues dans un premier temps.

10 Mais pour ce qui est des premières étapes de la guerre qui concernent

11 directement la Bosnie-Herzégovine, ces premières étapes nous enseignent

12 qu'à ce moment-là les Serbes, -Clausewitz appelle ceci la stratégie du

13 point final- donc la stratégie du point de culmination, c'est-à-dire quand

14 une force dans la guerre arrive jusqu'à ce point ultime de développement

15 et, à ce moment-là, si nous ne réussissons pas à verrouiller par un étau,

16 et la Serbie avec sa force impérialiste, la JNA est arrivée à son point

17 culminant et, à ce moment-là, elle va devoir changer sa tactique et à la

18 suite de cela la guerre en Bosnie-Herzégovine va changer complètement de

19 nature, va prendre des connotations tout à fait différentes et moi je vais

20 vous présenter maintenant ces connotations, dans la suite de mon exposé.

21 Après l'échec…

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maître Nobilo, j'ai ici un petit

23 problème. Est-ce que vous pourriez m'aider un petit peu ? L'amiral nous

24 présente l'ensemble de ces points... certains point particuliers de la

25 carte et il continue tout à fait naturellement à s'exprimer et quand il

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1 continue à parler, il continue encore à désigner des endroits différents

2 de la carte. Donc, ici mon attention est un peu lente et je continue à

3 être attiré par d'autres points qui n'ont plus de pertinence avec ce qu'il

4 est en train de dire. Pourriez-vous résoudre le problème pour moi ?

5 M. Nobilo (interprétation). – Oui, c'est exact, l'amiral est une personne

6 qui est pleine de tempérament et donc quand il parle, effectivement,

7 parfois, il lui arrive de faire quelques gestes et donc, nous allons…

8 voilà, c'est d'accord, nous allons lui demander effectivement qu'il ne

9 modifie pas systématiquement ses localisations.

10 M. Domazet (interprétation). - Il y a juste un petit plan.

11 M. le Président. – Je vais aussi vous interrompre. Moi-même, j'avais une

12 petite préoccupation, vous êtes maître de votre temps, bien entendu, loin

13 de moi l'idée de vous limiter dans votre temps, mais je n'ai pas votre

14 résumé écrit... Le jour où je l'aurai, évidemment je pourrai peut-être

15 intervenir de façon plus efficace. Je voudrais quand même que vous cerniez

16 bien l'objectif. Nous sommes quand même, par rapport à l'acte d'accusation

17 de l'accusé, du Gal Blaskic, sur un aspect de la guerre qui, certes, je

18 comprends très bien, trouve à vos yeux des racines très lointaines, dans

19 les premières phases du conflit, mais je voudrais quand même peut-être que

20 vous profitiez du temps du déjeuner pour essayer de faire en sorte que

21 nous arrivions, comme dans un entonnoir, progressivement à ce qui doit

22 être aussi quand même les points capitaux des accusations qui sont contre

23 votre accusé. Je vous en remercie, Maître Nobilo.

24 M. Nobilo (interprétation). – Justement, nous allons entrer dans cette

25 phase.

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1 M. le Président. - Dans ces conditions, nous allons nous restaurer et nous

2 nous retrouvons à 14 heures 30.

3 (L'audience, suspendue à 12 h 55, est reprise à 14 h 35.)

4 M. le Président. - La séance est reprise.

5 Veuillez faire entrer l'accusé.

6 (L'accusé est introduit dans le prétoire)

7 Nous allons continuer. Amiral, vous m'entendez ?

8 M. Domazet (interprétation). – Oui.

9 M. le Président. - Vous avez pu vous reposer ?

10 M. Domazet (interprétation). – Oui.

11 M. le Président. - C'est presque aussi difficile qu'une conférence d'état-

12 major, j'ai l'impression… on va continuer.

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Nous allons

14 poursuivre, si vous voulez bien et je pense que nous allons pouvoir

15 terminer dans les 20 minutes qui suivent, tout au moins l'interrogatoire

16 principal.

17 Amiral, nous nous sommes arrêtés au niveau de la première étape de la

18 guerre de Bosnie-Herzégovine au moment où une bonne base a été créée pour

19 la résistance qui a été opposée à l'agresseur serbe et à la JNA également.

20 M. Domazet (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

21 la première caractéristique de cette première étape de la guerre en

22 Bosnie-Herzégovine était d'arrêter ou, pour mieux dire, d'empêcher de

23 verrouiller les portes qui en effet voudraient dire l'occupation de la

24 Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, c'est ce qui est démontré sur cette

25 carte. C'est la fin du mois d'avril 1992. A ce moment-là, le

Page 11427

1 quartier-général a modifié sa décision et la JNA devait se retirer de

2 l'espace de Bosnie-Herzégovine. C'est à ce moment-là qu'ils ont arrêté une

3 nouvelle décision dans la réorganisation d'une nouvelle armée serbe qui

4 allait poursuivre l'occupation de Bosnie-Herzégovine et ceci jusqu'en

5 1995, en d'autres termes jusqu'à l'accord de Dayton.

6 Maintenant, nous sommes au mois de mai 1992. A ce moment-là, il existe

7 deux ou trois armées serbes selon le scénario qui a été déjà établi bien

8 avant, six ans auparavant pour parler précisément, d'abord l'armée

9 yougoslave, l'armée de la République serbe en Bosnie-Herzégovine et

10 l'armée de la Krajina serbe. Il y avait au-dessus un commandement, le

11 commandement général, l'état-major de la JNA à Belgrade, ils avaient les

12 deux tâches du point de vue stratégique de coordonner les plans et ensuite

13 de protéger les frontières extérieures et leur intégration dans le régime

14 de Yougoslavie.

15 Pour ce qui concerne les frontières, c'étaient par conséquent les

16 territoires occupés de la Croatie et la plus grande partie du territoire

17 de Bosnie-Herzégovine.

18 En ce qui concerne les structures du commandement qui a été maintenu en

19 Bosnie-Herzégovine, voulait dire que le 10 mai 1992, le général,

20 colonel Blagoje Hadjic avait émis un ordre au moment où le

21 Gal Milutin Kukanjac a été emprisonné dans le foyer de la JNA et l'ordre a

22 été émis et il a été libellé de la manière suivante : à savoir que la

23 structure du commandement suprême au niveau de l'armée de la République

24 serbe et à la tête de cette armée se trouvait le général, lieutenant-

25 colonel Ratko Mladic.

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1 Par conséquent, il s'agissait d'une armée de la République serbe, le

2 commandant est Ratko Mladic et le chef de l'état-major Manojlovic, le

3 cinquième corps d'armée de la JNA devient le premier corps de Krajina.

4 Ensuite, vous avez le deuxième corps de Krajina, le dix-septième devient

5 le corps d'armée de la Bosnie orientale, le quatrième corps devient le

6 corps de Sarajevo et de Romanie avec leur commandant. Et le nouveau corps

7 -mais en effet c'étaient les forces qui sont restées du côté gauche de la

8 rivière de Drina avec leur commandant- c'est le corps de Drina et ensuite

9 le treizième qui a été transformé en corps de Herzégovine avec leur

10 commandant.

11 C'est une structure de commandement qui voulait dire que le retrait de la

12 JNA de la Bosnie, en effet, n'était qu'une chose déclarative, alors que la

13 proposition du commandement, la désignation aux postes différents, la

14 planification également des forces armées sont restées dans la

15 responsabilité du quartier-général de l'armée de Yougoslavie.

16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges sur ces diapositives ce qui est

17 fort important pour cette chambre, nous allons voir la répartition de

18 cette nouvelle armée serbe qui a été répandue sur le territoire de Bosnie,

19 c'était important parce que nous allons voir quel serait son rôle au cours

20 des années 1993, 1994 et 1995.

21 Il s'agit-là du territoire qui a été sous le contrôle de l'armée de la

22 République serbe. Vous voyez également l'espace qui a été sous le contrôle

23 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO. En ce moment-même, vous pouvez

24 voir que 70 % de Bosnie-Herzégovine, du territoire de Bosnie-Herzégovine,

25 étaient sous l'occupation des Serbes.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, en ce moment-même, est-ce que vous

2 pouvez -nous allons revenir aux portes- est-ce que vous pouvez, s'il vous

3 plaît, nous dire à quel point cela était verrouillé ?

4 M. Domazet (interprétation). - A gauche, il y a Livno, Kupres... C'est

5 donc une partie de l'étang et l'autre... il y avait Mostar et Stolovi. Ce

6 sont les portes dont on a parlé et qui vont permettre, au cours de la

7 deuxième étape de la guerre, de maintenir tout ce territoire sous

8 l'occupation jusqu'au nord-est de la Bosnie.

9 Ce qui est intéressant également à constater, c'est que le déploiement de

10 cette armée avait des étapes différentes. Il y avait d'abord le corps de

11 Bosnie orientale, vous voyez l'espace où il a été déployé.

12 Ensuite, il y avait le corps de Drina qui se déployait dans le district

13 qui est marqué en bleu-clair.

14 Ensuite, le corps d'Herzégovine s'était déployé à cet endroit-là, avec les

15 forces qu'il comprenait. Pour vous, Monsieur le Président, bien

16 évidemment, je pense que le plus important est le corps de Sarajevo, de

17 Romanie, qui avait la responsabilité sur la ville de Sarajevo -y compris

18 la Bosnie centrale, avec les forces dont il disposait.

19 Ensuite, il y avait le deuxième corps de Krajina qui s'étendait de Bihac

20 jusqu'à Livno et jusqu'à Kupres.

21 Enfin, le dernier -et le plus important au point de vue de l'espace qu'il

22 occupait- c'était le premier corps de Krajina.

23 Une telle répartition des forces voulait dire qu'il y avait les trois

24 espaces qui étaient restés libres et qui n'ont pas été sous la

25 responsabilité d'aucun de ces corps. On parle donc de trois régions, de

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1 trois espaces qui étaient sous le contrôle soit de l'armée de Bosnie-

2 Herzégovine à l'occident -ou à l'est-, soit, pendant la première étape de

3 la guerre, de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO qui agissaient

4 ensemble. Même la Bosnie centrale où les événements se sont déroulés, en

5 1993, cette partie centrale était sous le contrôle ou de l'armée de

6 Bosnie-Herzégovine ou de l'armée du HVO.

7 Ce déploiement du dix-septième corps de Romanie voulait dire que, dans

8 l'étape suivante dans la guerre, il allait essayer de résoudre, de

9 s'emparer de cette partie centrale. En d'autres termes, si on réussit à

10 s'emparer de cette partie centrale, à ce moment-là, c'est également qu'on

11 s'empare du nord-est et, par la suite, ce ne serait pas difficile non plus

12 de résoudre le problème de la partie ouest et, en final, à partir de ces

13 opérations, ils allaient pouvoir résoudre également les portes d'entrées

14 pour pénétrer en Bosnie-Herzégovine.

15 En d'autres termes, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une telle

16 répartition des forces armées, en 1993, voulait dire que les Serbes

17 avaient à leur disposition 135.000 personnes, 550 chars, 430 véhicules

18 blindés et 1.300 canons.

19 En d'autres termes, cela voulait dire également que la deuxième étape de

20 la guerre qui, du point de vue stratégique, était, à partir de 1993-

21 1995... A partir de cette période-là, jusqu'aux opérations où l'armée de

22 Bosnie-Herzégovine et les forces croates ont réussi à libérer le

23 territoire à l'ouest de la Bosnie... ce qui a également permis d'aboutir à

24 l'accord de Dayton.

25 En ce moment-même, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, compte tenu

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1 du fait que les Serbes, jusqu'à un certain point, ont perdu la puissance

2 d'attaque, à ce moment-là, ils ont pratiqué une nouvelle stratégie, une

3 stratégie qui a été conçue au quartier-général, elle a été appliquée

4 d'abord sur les territoires occupés en Croatie et ensuite également au

5 cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Et cette opération a été donc

6 appelée la stratégie d'une menace réelle. Cette stratégie voulait dire

7 qu'il fallait s'arrêter là où on s'était trouvé, donc une guerre de

8 position au niveau de ces frontières et à ce niveau-là, mettre en place la

9 Kiri et, par la suite, créer une psychose permanente qui est survenue bien

10 évidemment comme le résultat de la guerre car il y avait un déplacement de

11 la population de la Bosnie orientale, de la Bosnie centrale où il y avait

12 la population qui a été concentrée, soit des Musulmans, soit des Croates

13 qui habitaient dans ce territoire.

14 Cette stratégie d'une menace réelle voulait dire qu'en ce moment, en 1993,

15 qu'il fallait attendre que le processus de conflit se développe tout seul

16 entre les Musulmans et les Croates et là, Monsieur le Président, Messieurs

17 les Juges, je voudrais tout simplement attirer votre attention sur quelque

18 chose et sur un proverbe africain qui dit : "Quand les éléphants entrent

19 en combat c'est l'herbe qui en souffre".

20 Dans le cas concret, c'est un proverbe qui peut-être également utilisé

21 mais à l'inverse. Par conséquent, les Serbes ont de la force, ils

22 attendent et la communauté

23 internationale ne réagit pas d'une façon adéquate et c'est dans ce cadre-

24 là que l'herbe en Bosnie centrale avait subi les conséquences.

25 En d'autres termes, il y a un processus qui s'est développé, il y a par

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1 conséquent également le marché de Markale à Sarajevo et plein d'autres

2 choses qui se sont produites. Les Serbes à Sarajevo, donc la stratégie

3 d'attente et les processus évoluent de par eux-mêmes jusqu'à 1995,

4 jusqu'aux opérations conjointes qui ont réussi à..., même s'il y avait

5 85 % dans les mains des Serbes à réduire à 47 % et ceci a permis également

6 l'aboutissement à l'accord de Dayton.

7 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, je m'excuse on va s'arrêter ici, on

8 va voir également si on vous a bien compris. Vous êtes d'avis que l'armée

9 de la République serbe et la JNA avaient, par conséquent, fait déplacer la

10 population non serbe de la Krajina et de la Bosnie centrale également et

11 que c'était un détonateur du conflit entre les Musulmans et les Croates.

12 En d'autres termes, que c'était une stratégie également de l'armée de la

13 République serbe. Est-ce que je vous ai bien compris ?

14 M. Domazet (interprétation). - Oui, c'est un fait, c'est vrai car pour ce

15 qui est de la partie orientale, du point de vue de la JNA, il y avait la

16 population musulmane bosnienne qui était expulsée et de la Bosnie centrale

17 également et toute la Bosnie du nord septentrionale, orientale également.

18 Par ailleurs, il y a eu également un nombre assez important de réfugiés de

19 Musulmans et de Croates qui vivaient dans la Bosnie centrale qui ont été

20 déplacés, par conséquent, dans ce territoire qui était très restreint. Il

21 y avait un nombre très important de personnes qui se sont retrouvées à un

22 même endroit et c'est le chaos. Cela a provoqué un peu le chaos parce

23 qu'il y avait un très grand nombre de personnes qui ont été pratiquement

24 enfermées de tous les côtés, du côté du nord, du sud et il y avait qu'à

25 l'est et l'ouest, mais il y avait juste un corridor qui était du sud-est

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1 où l'on pouvait passer éventuellement.

2 Par conséquent, c'est une nouvelle stratégie, stratégie de la menace et,

3 en permanence, d'une façon ininterrompue on a agi sur l'état des gens, il

4 y avait une psychose qui a été créée, qui a provoqué ce conflit et cela

5 n'a pas pu conduire autrement qu'à ce conflit.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, vous pouvez poursuivre.

7 M. Domazet (interprétation). - Cette carte probablement ne demande pas

8 d'autres commentaires, mais j'aimerais tout simplement mettre l'accent sur

9 un autre point. Il y a les trois éléments-clés qui caractérisent la guerre

10 de Bosnie-Herzégovine. Tout d'abord, il y a une action conjointe des

11 Croates, des Musulmans bosniens dans la première étape quand ils ont donc

12 empêché que les portes soient verrouillées. Ensuite, ce chaos qui a été

13 créé dans la Bosnie centrale et troisièmement, une action conjointe dans

14 les opérations stratégiques pour libérer les territoires occupés de la

15 Bosnie-Herzégovine.

16 M. Nobilo (interprétation). - Est-ce que nous pouvons également tirer

17 comme conclusion de la première partie de votre exposé que l'analyse de la

18 restructuration de l'organisation de la JNA, d'abord sur le plan

19 territorial, montre que la JNA s'est transformée en force serbe impériale

20 principalement et que ses objectifs constituaient à établir les frontières

21 de la grande Serbie bien avant les transformations qui ont été vécues en

22 Croatie, en Slovénie et en Bosnie. Est-ce que cette affirmation est

23 exacte ?

24 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

25 cette affirmation est absolument exacte. Sur la base de la stratégie, il

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1 est possible globalement de tirer trois conclusions fondamentales.

2 Première conclusion : la JNA s'est restructurée pour devenir une force

3 impériale serbe et ce avant de réaliser l'objectif politique serbe, avant

4 l'arrivée de Milosevic au pouvoir politique et bien avant que sur la scène

5 politique n'arrive quelque autre gouvernement dans quelque république que

6 ce soit. C'est la première conclusion de cette stratégie.

7 La deuxième conclusion tout à fait fondamentale pour comprendre cette

8 stratégie est la suivante : c'est que la condition opérationnelle dans la

9 partie sud de la Croatie ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine était telle que,

10 d'un point de vue militaire, il existait une entité opérationnelle unie.

11 Aucun de ces territoires ne pouvait se défendre s'il n'y avait pas défense

12 intégrale.

13 Puis, troisième conclusion fondamentale, elle aussi, conclusion que l'on

14 peut tirer, eh bien, cette troisième conclusion c'est que dans une

15 situation opérationnelle aussi complexe et aussi défavorable, comme le

16 diraient les militaires, situation dans laquelle se trouvaient à la fois

17 les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine et les forces du conseil

18 croate de la défense, il n'était possible, du point de vue du maintien de

19 logistique d'une capacité opérationnelle, de passer par la voie maritime

20 par Mostar qui menait vers la Bosnie-Herzégovine.

21 Cette stratégie nous apporte donc, sur un plan global, les conclusions que

22 je viens de citer.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais d'abord vous remercier, puis

24 vous poser une question très directe et de nature théorique. Si la Croatie

25 avait décidé de quelque manière que ce soit de détruire l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine, est-ce qu'elle aurait pu le faire simplement ? Est-ce qu'elle

2 aurait pu tout simplement couper les voies de communication ? Est-ce que

3 cela eût signifié la fin de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

4 M. Domazet (interprétation). - Absolument.

5 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Merci,

6 Messieurs les Juges. L'interrogatoire principal est terminé.

7 Monsieur le Président, mon collègue Russell Hayman me rappelle que cette

8 série de cartes qui viennent d'être exposées sur le projecteur doivent

9 être versées au dossier. Nous en demandons donc le versement au dossier.

10 M. le Président. - Pas d'observations particulières, Maître Cayley ?

11 M. Cayley (interprétation). - Pas de commentaire.

12 M. le Greffier. - Il s'agit du n° D182 pour l'ensemble des cartes.

13 M. le Président. - Avec des barres ?

14 M. le Greffier. - C'est bien cela, Monsieur le Juge.

15 M. le Président. - D'accord, merci.

16 Alors, Maître Cayley... Amiral c'est maintenant au tour des conseils du

17 Bureau du Procureur de vous poser un certain nombre de questions.

18 M. Cayley (interprétation). - Bonjour, Amiral. Je m'appelle Cayley, je

19 représente le Bureau du Procureur aux côtés de mes collègues Me Harmon et

20 Me Kehoe.

21 J'ai quelques questions à vous adresser. Ce que je voudrais surtout c'est

22 m'assurer que j'ai bien compris la nature du plan dont vous avez parlé.

23 Pour l'essentiel, j'ai cru comprendre que ce que vous disiez c'est qu'à la

24 mi-1990, l'état-major de la JNA a transformé un plan défensif contre

25 l'OTAN en un plan offensif à l'intérieur de la Yougoslavie qui visait à

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1 créer un Etat serbe dans cette zone géographique. Est-ce que mon

2 interprétation est exacte ?

3 M. Domazet (interprétation). - C'est exact.

4 M. Cayley (interprétation). - Maintenant, vous nous avez exposé vos

5 conclusions, vous avez tiré des déductions à partir d'événements survenus

6 sur le terrain en ex-Yougoslavie. Est-ce exact ?

7 M. Domazet (interprétation). - C'est exact.

8 M. Cayley (interprétation). - Aviez-vous publié cette théorie dans quelque

9 publication officielle que ce soit ?

10 M. Domazet (interprétation). - Oui, dans plusieurs, c'est-à-dire plus

11 précisément dans deux publications : dans une revue militaire destinée aux

12 soldats croates. Mais je ne l'ai pas exposée de façon aussi complète. Cela

13 étant, elle a été publiée.

14 M. Cayley (interprétation). - Et quelle est la deuxième revue dans

15 laquelle vous avez publié cette théorie ?

16 M. Domazet (interprétation). - C'était la même publication mais il

17 s'agissait de deux études. La première décrivait le déroulement de la

18 guerre en Croatie et la préparation de l'agression contre la Croatie et la

19 deuxième décrivait la guerre en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'il

20 s'agissait de la même publication, mais de deux études différentes.

21 M. Cayley (interprétation). – A quel moment êtes-vous parvenu à vos

22 conclusions définitives quant à votre théorie relative à l'agression

23 serbe ?

24 M. Domazet (interprétation). – Eh bien, mes conclusions, je les ai tirées

25 avec le temps. Je les ai tirées principalement du fait que j'ai eu la

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1 possibilité de connaître cette école militaire de l'est, c'est-à-dire

2 l'école appliquée par la JNA, l'école appliquée par les académies

3 militaires rouges. Et puis deuxièmement, j'ai passé cinq à six ans dans

4 l'environnement de l'OTAN. Et en raison du fait que j'ai suivi les cours

5 de l'école militaire de Belgrade, j'ai constaté que certains éléments

6 étaient très visibles dans cette école militaire. Et puis, dans le

7 district militaire dans lequel j'exerçais mon commandement, j'ai assisté à

8 un certain nombre d'événements au niveau de l'état-major du

9 quartier-général qui préparaient les manœuvres de Romanie. C'était donc un

10 point de départ. Mais à cela s'est ajouté le fait que j'ai personnellement

11 constaté au cours de la guerre, à partir de 1991, que cette théorie

12 s'appliquait et j'ai suivi son application.

13 Ma conclusion est donc qu'il s'est agi d'une connaissance formelle à

14 laquelle je suis parvenu et j'ai écrit mes derniers écrits en 1996 au

15 sujet de cette question.

16 M. Cayley (interprétation). – L'article a été écrit dans la revue

17 "Hrvatski Vojnik " en 1998, n'est-ce pas ?

18 M. Domazet (interprétation). - C'était l'article portant sur la Bosnie,

19 mais l'article portant sur la Croatie a été publié plus tôt.

20 M. Cayley (interprétation). – J'ai des exemplaires de cet article, vous

21 avez écrit dans la revue "Hrvatski Vojnik", "le soldat croate". J'aimerais

22 vous demander de consacrer quelques instants à l'identification de ce

23 document et je demanderai l'aide de l'huissier à cette fin.

24 (L'huissier présente les documents au témoin)

25 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce 466.

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1 M. Cayley (interprétation). – Je dois immédiatement présenter mes excuses

2 aux Juges pour le fait que je ne dispose d'aucune traduction française ou

3 anglaise officielle de ce texte. J'avais prévu de me référer à des

4 portions très brèves de ce texte, de sorte que je pense que l'amiral

5 pourra en donner lecture.

6 Amiral, est-ce bien l'article que vous avez écrit pour la revue

7 "Hovatski Vojnik" ?

8 M. Domazet (interprétation). - C'est exact.

9 M. Cayley (interprétation). – Pourriez-vous vous rendre à la page 7 de cet

10 article, je vous prie ?

11 M. Domazet (interprétation). – Oui.

12 M. Cayley (interprétation). – Et lire le dernier paragraphe de cette

13 page 7 à l'intention des Juges, c'est le paragraphe qui commence par le

14 mot "Obrana".

15 M. Domazet (interprétation). – Oui, oui.

16 "La défense de la partie sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine

17 signifiait le salut de la Bosnie-Herzégovine, mais également de la

18 totalité de la partie méridionale de la Croatie…".

19 M. Cayley (interprétation). – Suis-je donc en droit, à partir de ce

20 commentaire, d'estimer que l'étau que vous avez décrit comme devant être

21 établi dans la totalité de la partie sud de la Croatie aurait disparu,

22 est-ce exact ?

23 M. Domazet (interprétation). - Eh bien, la première signification de cette

24 phrase –et je crois que je l'ai déjà expliquée- signifie qu'à ce moment-

25 là, il n'y aurait plus eu de Bosnie-Herzégovine. Après quoi, il existe une

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1 deuxième signification.

2 Donc, il n'y a plus de Bosnie-Herzégovine. La partie méridionale de la

3 Croatie est isolée totalement et, à ce moment-là, dans une partie

4 ultérieure de la guerre, on passe en Croatie. Comment la Croatie se serait

5 défendue ? Cela, bien sûr, c'est une autre question.

6 M. Cayley (interprétation). – Mais du point de vue d'empêcher la fermeture

7 de cet étau, la République de Croatie avait un intérêt stratégique à

8 empêcher que cette fermeture ne se réalise, le même intérêt que la

9 République de Bosnie-Herzégovine n'est-ce pas ?

10 M. Domazet (interprétation). - Eh bien, elle avait cet intérêt, parce que

11 ce n'est pas seulement le sud de la Croatie qui aurait été affecté, mais

12 l'ensemble du territoire croate.

13 M. Cayley (interprétation). – Merci.

14 J'aimerais maintenant vous demander de passer à la page suivante de ce

15 même article, à la page 8 et de lire le paragraphe qui commence par

16 "Priminja Strategia…" excusez-moi pour ma prononciation, les

17 quatre premières lignes de ce paragraphe, je vous prie.

18 M. Domazet (interprétation). – Oui.

19 "Etant donné que les efforts de la JNA visaient à faire tomber la Bosnie,

20 le choix sélectif des forces militaires n'a pas obtenu le résultat attendu

21 et d'abord avec le peuple croate qui avait organisé sa défense militaire

22 et s'était comporté de la façon la plus appropriée, il est apparu que la

23 guerre en Bosnie-Herzégovine ne suivrait pas le modèle croate. Ceci parce

24 qu'une partie des Musulmans, de la direction des Musulmans de Bosnie en

25 renonçant à sa participation s'était renforcée dans la conviction que la

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1 JNA terminerait la guerre rapidement".

2 M. Cayley (interprétation). - Et je pense que vous faites référence ici à

3 ce que vous avez dit précédemment, c'est-à-dire que sur le fond

4 Alija Izetbegovic ne pensait pas s'engager dans quelque action que ce soit

5 contre la JNA.

6 M. Domazet (interprétation). - Eh bien, nous pouvons le dire de cette

7 façon, c'est la conclusion qu'on peut tirer de Ravno, c'est-à-dire de la

8 période de la guerre en Croatie qui a commencé le 28 septembre 1991.

9 M. Cayley (interprétation). - Au début de ce paragraphe, vous déclarez que

10 les efforts de la JNA en Bosnie n'ont pas abouti à des résultats

11 satisfaisants, notamment auprès de la nation croate qui s'est organisée

12 militairement. Est-ce que vous faites référence aux Croates de Bosnie-

13 Herzégovine en parlant de cette nation croate ?

14 M. Domazet (interprétation). - Absolument.

15 M. Cayley (interprétation). - Merci. Je crois que nous en avons terminé

16 avec ce point. Je vous remercie Amiral et je vous prie, encore une fois,

17 d'excuser ma mauvaise prononciation.

18 Vous avez dit en réponse aux questions de l'interrogatoire principal que

19 l'un des objectifs de la JNA consistait à acquérir des territoires et à

20 expulser les populations qui y résidaient. En disant cela, est-ce que vous

21 entendez, est-ce que vous parlez de ce que l'on a communément appelé le

22 "nettoyage ethnique" ?

23 M. Domazet (interprétation). - Non, ce n'est pas dans ce sens que

24 j'emploie ces termes, car en tant que militaire ce ne sont pas les termes

25 que j'emploie. Je pense aux opérations militaires, à la libération des

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1 territoires qui est suivie du départ des populations.

2 La revue ne mentionne pas l'expression "nettoyage ethnique", en tout cas,

3 moi, je ne l'ai pas mentionnée.

4 M. Cayley (interprétation). - Pourrait-on placer cette carte sur le

5 chevalet ? Nous avons besoin du chevalet, j'espère qu'il sera assez grand,

6 la carte elle-même est très grande, mais nous allons faire de notre mieux.

7 M. Nobilo (interprétation). - Puis-je me rapprocher du chevalet,

8 Monsieur le Président, je suis un peu loin, je ne vois pas ?

9 M. Cayley (interprétation). - Je vous en prie, Maître.

10 (La carte est placée sur le chevalet.)

11 M. Cayley (interprétation). - Amiral, Me Nobilo vous a demandé un peu plus

12 tôt, et nous ne nous sommes pas appesantis sur ce sujet, vous a donc

13 interrogé au sujet de la nécessité, dans des régions restreintes, de faire

14 pénétrer les forces en profondeur. Vous rappelez-vous cette partie de

15 votre déposition ?

16 M. Domazet (interprétation). - Oui, et j'ai cité le règlement militaire

17 américain FM 105 selon lequel il fallait, pour que la défense soit

18 efficace, que la profondeur de pénétration soit au moins de 35 kilomètres.

19 M. Cayley (interprétation). - Vous parlez de cette bande littorale étroite

20 où la Croatie en fait n'a qu'un kilomètre de profondeur entre la côte et

21 la frontière bosniaque, n'est-ce pas ?

22 M. Domazet (interprétation). - Oui entre 800 mètres et un kilomètre.

23 M. Cayley (interprétation). - Au cours de l'action défensive destinée à

24 empêcher la fermeture de cet étau, vous admettrez, Amiral, que des

25 éléments des forces de la République de Croatie ont été déployés au niveau

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1 des frontières séparant la République de Croatie, de la République de

2 Bosnie-Herzégovine ?

3 M. Domazet (interprétation). - Compte tenu du fait que nous sommes en

4 train de parler d'une attaque tactique qui n'est pas le sujet de mon

5 expertise, puisque je suis appelé à témoigner en tant qu'expert sur des

6 questions de stratégie, je ne peux pas répondre à cette question.

7 Deuxièmement, si je devais répondre à cette question, il me faudrait

8 l'autorisation du ministre de la Défense de la République de Croatie. Or,

9 je ne suis autorisé, pour le moment, à m'exprimer que sur des questions

10 stratégiques et c'est ce que j'ai fait jusqu'à présent.

11 M. Cayley (interprétation). - Amiral, vous avez combattu vous-mêmes à

12 Livno avec l'armée de Croatie, n'est-ce pas ?

13 M. Domazet (interprétation). - Non, je n'ai pas combattu à Livno.

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il est important, me semble-t-

15 il, à ce stade de nos débats de montrer où se situe Livno. Livno se trouve

16 ici. Et l'endroit où je suis né est là.

17 (Le témoin indique ces endroits sur la carte.)

18 M. Domazet (interprétation). - Donc, à cette époque, j'étais l'un des

19 commandants en charge des recherches stratégiques et,

20 Monsieur le Président, je souhaiterais répondre complètement à la question

21 du Procureur, donc je vais peut-être m'écarter un peu du sujet.

22 A cette époque-là, les Serbes occupaient la centrale hydraulique de

23 Peruca, qui se trouve sur le territoire croate, ici. Ils menaçaient, par

24 la destruction du barrage, d'inonder toutes les populations habitant dans

25 cette région, c'est-à-dire a peu près 100.000 personnes.

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1 D'autre part, sur ce même territoire de Livno, se trouve un autre lac et

2 une autre centrale hydraulique qui s'appelle Busco Blato. La

3 caractéristique de cette centrale électrique est très intéressante. En

4 effet, le lac se trouve sur le territoire de la République de Bosnie-

5 Herzégovine, donc dans un autre Etat. Il faut traverser la montagne

6 Kamesnica par un tunnel qui a une longueur de 20 kilomètres pour arriver

7 au lac de retenues. Or, la centrale électrique, elle, se trouve du côté

8 croate. Donc, si à ce moment-là, la centrale hydraulique était prise par

9 les forces serbes, cela signifiait que l'ensemble de la Croatie allait

10 perdre, n'allait plus disposer d'électricité dans sa partie méridionale,

11 et tout était fini.

12 Mais il y a une autre conséquence très importante de ce que je viens de

13 dire. Ce tunnel de 20 kilomètres de long a été construit de telle sorte

14 que la centrale hydraulique pouvait être arrêtée. Et ce qui est

15 intéressant, c'est que les chars pouvaient traverser ce tunnel pour

16 déboucher en Dalmatie. Cette action aurait bien sûr constitué un élément

17 de plus de l'action terroriste destinée à créer la terreur non seulement

18 en Dalmatie, mais également dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine.

19 Il existe dans ce cadre ce qu'on appelle la défense préventive, qui est

20 une action tout à fait légitime. La défense préventive signifie qu'on

21 combat toute forme de terrorisme, en se servant de roquettes... Le fait

22 d'avoir envoyer des roquettes Tomawak au Soudan et en Irak était une forme

23 d'action de défense préventive.

24 Maintenant, une telle action de la part des Serbes eut été une catastrophe

25 et tout être humain a le droit et même le devoir de s'opposer, de

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1 combattre le terrorisme. C'était en tout cas le rôle qui m'incombait.

2 M. Cayley (interprétation). - Amiral, je ne suis pas en train de critiquer

3 le rôle que vous avez joué pendant la guerre, lorsque je dis que Livno a

4 été défendue. Mais suis-je en droit de comprendre que l'armée de la

5 République de Croatie, la HV, s'est déployée à Livno pour garantir la

6 sécurité de cette région et empêcher le terrorisme militaire dont vous

7 parlez ?

8 M. Domazet (interprétation). - Non, vous m'avez demandé si, moi, j'étais à

9 Livno et je vous ai expliqué pour quelle raison j'étais à Livno, pas dans

10 le cadre d'un quelconque déploiement de forces, mais en vous expliquant

11 quelle était la grande importance de cet endroit. Vous m'avez donc demandé

12 si j'étais sur les lieux, je vous ai dit quels étaient les motifs pour

13 lesquels je me trouvais sur les lieux. Ce sont les motifs que je viens

14 d'exposer.

15 M. Cayley (interprétation). - Pendant combien de temps l'armée de la

16 République de Croatie, la HV, était-elle déployée à l'intérieur des

17 frontières de Bosnie-Herzégovine ?

18 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, objection.

19 L'amiral Domazet est un militaire membre de l'état-major de la République

20 de Croatie et, conformément à la loi du secret qui protège les secrets

21 militaires, tout exposé qui sortirait de ces écrits doit être autorisé par

22 le ministère de la Défense, de façon à ce que soit levé le secret

23 militaire et à ce que soit accordée l'autorisation de rendre ces éléments

24 publics. L'amiral n'a obtenu l'autorisation que pour exposer des faits

25 stratégiques qui n'ont rien à voir avec les faits tactiques. Autrement

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1 dit, quelle a été l'utilisation concrète des unités au cours des

2 opérations de combat. Et il y a quelques minutes, il a d'ailleurs parlé de

3 cette loi, de ces lois et des obstacles qui s'opposent à ce qu'il réponde

4 à certaines questions. Je demande donc que ces questions soient interdites

5 par la Chambre.

6 M. le Président. - Je me pose quand même une question, Maître Nobilo. Ce

7 témoin a été présenté par vous, mais il n'est pas accompagné, il n'a pas

8 été accompagné d'une demande particulière de protection ou de mesure

9 -notamment celle de l'article 70. Est-ce que vous estimez, dans ces

10 conditions, que par exemple, la Chambre ne pourrait pas poser de question

11 sur ces thèmes ?

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, il existe des

13 contraintes, des obligations légales qui lient ce témoin. S'il enfreint

14 ces obligations légales, il se rend coupable d'un acte délictueux, donc je

15 suis convaincu que la Chambre ne va pas contraindre ce témoin à commettre

16 un délit.

17 M. le Président. - Oui, mais vous savez qu'en principe, Maître Nobilo, le

18 témoin doit répondre aux questions, tout le moins à celles qui seraient

19 posées par les juges. Vous m'embarrassez, je voudrais consulter mes

20 collègues. Nous avons déjà eu des témoins qui étaient sous une protection

21 particulière. Souvenez-vous de l'application ô combien délicate de

22 l'article 70 !

23 J'observe que l'amiral est ici aujourd'hui, il témoigne publiquement,

24 librement. Il est soumis au contre-interrogatoire, à des questions qui

25 peut-être, ne vous en déplaise, peuvent quand même... sont importantes, en

Page 11446

1 tout cas peuvent apparaître importantes à l'accusation. Donc la question

2 est très délicate, parce que... Quelle serait la réponse que nous ferait

3 le témoin si le juge posait cette question ?

4 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, vous pouvez bien sûr

5 poser cette question mais, selon moi, la sécurité nationale, la loi légale

6 ainsi que la menace de poursuites légales sont des motifs légitimes sur

7 lesquels le témoin peut s'appuyer, d'autant plus qu'il est ici un expert

8 destiné à parler d'un niveau stratégique. Le niveau tactique est quelque

9 chose de très différent qui sort en outre du champ de l'interrogatoire

10 principal.

11 M. le Président. - …très subtile entre la stratégie et la tactique. Dans

12 ma langue à moi, la stratégie et la tactique ont peut-être des

13 ressemblances, mais je voudrais quand même consulter mes collègues, parce

14 que le point me paraît important. Il ne faut quand même pas oublier que le

15 témoin est là, il est dans le champ de l'acte d'accusation. Nous sommes

16 bien, aussi bien vous, dans votre déclaration liminaire, Maître Hayman,

17 que dans les actes d'accusation dressés contre le général Blaskic,

18 notamment autour du conflit armé international, il est quand même fait

19 allusion, plus qu'allusion, il est explicitement traité de la question de

20 l'interférence supposée -je ne prends pas parti bien sûr- ou alléguée de

21 la Croatie. Alors, cela m'embarrasse quelque peu et parce que cela

22 m'embarrasse, je voudrais consulter mes collègues.

23 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, il y a des règles qui

24 portent sur cette question. Je vous rappelle l'article 66C et l'article 70

25 du Règlement qui s'appliquent à la défense dans ce cas. Il y a donc des

Page 11447

1 précédents et des possibilités de s'appuyer sur des éléments passés.

2 M. le Président. – Mais, l'article 66C traite de la communication des

3 pièces par le Procureur.

4 (Les juges se consultent sur le siège)

5 M. le Président. - Premièrement, la défense n'a pas demandé la protection

6 au titre de l'article 70.

7 Deuxièmement, l'article 66C n'est pas d'application dans le cas présent.

8 Troisièmement, il est exact que l'article 90 F permet à un témoin de

9 refuser de faire une déclaration qui risquerait de l'incriminer. Mais les

10 Juges estiment qu'il s'agit d'une incrimination devant le Tribunal, dans

11 le champ de compétence du Tribunal.

12 Quatrièmement, la Chambre autorise le Procureur à poser une par une les

13 questions qu'il souhaite poser.

14 Cinquièmement, le témoin répondra comme il l'entend. Il peut refuser de

15 répondre mais le Tribunal appréciera la valeur de la réponse.

16 Maître Cayley, vous avez la parole.

17 La Chambre appréciera la pertinence et la valeur de la réponse.

18 M. Cayley (interprétation). - Amiral, ce que j'aimerais que vous fassiez,

19 en vous appuyant sur la carte qui se trouve à vos côtés c'est de tracer

20 une ligne qui indiquera aux Juges, dans la période qui va du début 1992 à

21 la fin de 1993, quelle était la limite extérieure du déploiement des

22 forces de la HV, c'est-à-dire de l'armée de Croatie sur le territoire de

23 Bosnie-Herzégovine.

24 M. Domazet (interprétation). - Compte tenu qu'il s'agit d'éléments

25 tactiques qui ne font pas l'objet de ma déposition en tant qu'expert...

Page 11448

1 Interprète. - Peut-on demander au témoin de se rapprocher du micro, les

2 interprètes ne l'entendent pas.

3 M. Domazet (interprétation). - Je n'ai pas, en tant qu'officier, la

4 possibilité de répondre aux questions qui m'ont été posées. Je n'ai pas,

5 en effet, l'autorisation du ministre de la défense de la République de

6 Croatie pour répondre à ces questions.

7 M. le Président. - Question suivante, Maître Cayley.

8 M. Cayley (interprétation). - Amiral, est-ce que des unités de la HV ont

9 été déployées sur le territoire de Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1994 ?

10 M. Domazet (interprétation). - Etant donné que je remplissais les

11 fonctions de responsable des informations auprès de l'état-major des

12 forces armées, ce n'était pas quelque chose qui entrait dans mes

13 compétences. Et je répète encore une fois que je n'ai pas l'autorisation

14 du ministre de la défense pour répondre à cette question. C'est une

15 obligation qui pèse sur tous les officiers.

16 M. Cayley (interprétation). - Donc, vous dites qu'en tant que chef des

17 services de renseignements militaires, vous n'aviez aucune connaissance du

18 déploiement des forces armées croates en Bosnie-Herzégovine, c'est ce que

19 vous nous dites ?

20 M. Domazet (interprétation). - Je tiens à dire que le chef des services de

21 renseignements militaires n'a pour compétence que de suivre les

22 informations relatives aux forces ennemies et ce n'est pas de sa

23 compétence, cela ne relève pas de sa compétence de suivre les informations

24 relatives aux actions de ses alliés, cela n'existe d'ailleurs dans aucune

25 armée du monde.

Page 11449

1 M. Cayley (interprétation). - Amiral, je ne souhaite pas entrer dans une

2 polémique avec vous (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que Me Cayley est sujet lui-même,

8 fait l'objet lui-même du contre-interrogatoire ? Il est en train de

9 témoigner. Je souhaite que sa déclaration soit retirée du compte rendu et

10 j'aimerais qu'une décision soit rendue avant que la parole soit rendue à

11 Me Cayley.

12 M. le Président. - Objection accordée. Vous n'avez pas à faire de

13 commentaires, Maître Cayley, vous posez des questions, s'il vous plaît.

14 M. Cayley (interprétation). - Donc, en tant que chef des services de

15 renseignements militaires des forces armées, votre position consiste à

16 dire que vous n'aviez aucune connaissance quant au déploiement des forces

17 armées croates ?

18 M. Domazet (interprétation). - Ma tâche, ma mission consistait à suivre,

19 et uniquement à suivre, l'action des forces ennemies, le déploiement des

20 forces ennemies et l'intention des forces ennemies. Il n'entrait pas dans

21 ma mission de suivre l'action ou le déploiement des forces armées dont je

22 dépendais.

23 M. Cayley (interprétation). - Amiral, veuillez répondre à mes questions.

24 En tant que chef des services de renseignements militaires des forces

25 armées croates, vous n'aviez aucune connaissance quant au déploiement de

Page 11450

1 ces forces armées croates entre 1992 et 1994, je vous demande de répondre

2 par oui ou par non ?

3 M. Domazet (interprétation). - J'avais des connaissances quant au

4 déploiement des forces ennemies.

5 M. Cayley (interprétation). – Amiral, vous êtes évasif et j'aimerais

6 obtenir une réponse à ma question.

7 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, je demande que

8 Maître Cayley soit réprimandé pour ses commentaires. Il peut poser une

9 question, il peut demander à la Chambre…

10 M. le Président. – Je peux demander à Maître Cayley de ne pas faire de

11 commentaires, mais je ne peux pas réprimander d'un autre côté le conseil

12 de l'accusation lorsque que la réponse du témoin est aussi laconique.

13 Maître Hayman, il est extrêmement difficile, vous le concevez, de

14 continuer à fonctionner de cette façon-là, vous le savez très bien. Alors,

15 je demande à Maître Cayley de ne pas faire de commentaires, je suis tout à

16 fait d'accord, mais nous n'irons pas jusqu'à la réprimande, voyons, nous

17 sommes devant un blocage, c'est comme cela que j'appelle cela en ce qui me

18 concerne, j'appelle cela un blocage.

19 Maître Cayley, vous évitez les commentaires, vous posez vos questions. Les

20 réponses sont consignées.

21 M. Cayley (interprétation). – Pourrais-je vous demander,

22 Monsieur le Président, de simplement prier le témoin de répondre par un

23 oui ou par un non à ma question suivante qui, je crois, porte sur un sujet

24 très simple.

25 M. Hayman (interprétation). - Pas, Monsieur le Président, si cela

Page 11451

1 contredît l'arrêt de la Chambre, la Chambre a dit au témoin de quelle

2 façon il convenait qu'il réponde à ce genre de questions. Il est

3 impossible dans le cadre établi par la Chambre de répondre par un oui ou

4 par un non à cette question, sans ajouter un commentaire.

5 M. le Président. - Le témoin répond comme il l'entend, j'ai répété que les

6 juges apprécieront.

7 M. Cayley (interprétation). – Amiral, je vais vous reposer la même

8 question et j'aimerais que vous me répondiez par un oui ou par un non : en

9 tant que chef des services de renseignements militaires des forces armées

10 croates, êtes-vous en train de dire à ce Tribunal que vous n'aviez aucune

11 connaissance quant au déploiement des forces armées croates en Bosnie-

12 Herzégovine ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin a répondu

14 au moins trois fois à cette même question. Cette forme d'interrogatoire

15 ressemble beaucoup à mes yeux à ce que l'on peut voir dans de mauvais

16 films policiers.

17 M. le Président. – Maître Nobilo, j'ai demandé que des commentaires ne

18 soient pas faits. Je vous demanderai de ne pas faire vous-même des

19 commentaires. Le témoin s'est situé volontairement dans cette forme de

20 réponse. Nous avons rendu une décision. Nous avons autorisé Maître Cayley

21 à poser une par une toutes les questions, le témoin répond comme il

22 l'entend.

23 M. Cayley (interprétation). – Je ne vais pas continuer à me répéter, vous

24 avez entendu la question. Pouvez-vous y apporter une réponse ?

25 M. Domazet (interprétation). - J'ai répondu à cette question en tant que

Page 11452

1 chef des services de renseignements militaires, j'avais pour mission de

2 suivre l'action des forces ennemies et pas de suivre l'action des forces

3 armées de la République de Croatie.

4 M. Cayley (interprétation). – Amiral, pendant votre séjour à Livno, étiez-

5 vous membre du HVO ou de la HV ?

6 M. Domazet (interprétation). - Mon séjour à Livno n'avait pour but que de

7 déterminer quel était le sens à donner à la défense et quelle était la

8 forme de défense qu'il était possible d'appliquer, rien d'autre.

9 M. Cayley (interprétation). – Amiral, vous n'avez pas répondu à ma

10 question : lorsque vous étiez à Livno, je vous ai demandé si vous étiez

11 membre de la HV ou du HVO ?

12 M. Domazet (interprétation). - Je ne me suis trouvé à Livno que pour

13 déterminer quelle importance il fallait accorder à la défense de ce

14 territoire, de cette zone.

15 M. Cayley (interprétation). – Monsieur le Président, je prierai les

16 membres de la Chambre de première instance de tirer les déductions

17 nécessaires eu égard au fait que le témoin ne répond absolument pas à une

18 quelconque de mes questions.

19 Amiral, suis-je en droit de dire qu'à la fin du mois de mai 1994 vous avez

20 été promu par le Président Tudjman au poste de contre-amiral ?

21 M. Domazet (interprétation). - J'ai reçu le grade d'amiral en mai 1994.

22 M. Cayley (interprétation). – Et je crois que je suis en droit de dire que

23 Slobodan Pralja, au même moment, a été promu au poste de colonel général

24 réserviste au sein de la HV. Vous rappelez-vous cela ?

25 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, ces questions qui

Page 11453

1 portent sur Pralja et Gotovina sortent absolument du champ de notre

2 interrogatoire principal, absolument en-dehors du champ.

3 M. le Président. - Mais il y a eu des questions qui étaient tout à fait

4 dans le champ de l'interrogatoire principal. Je crois peut-être que le

5 témoin… je ne sais pas très bien effectivement sur quoi, si lorsqu'on lui

6 pose des questions sur le champ de l'interrogatoire principal, il ne peut

7 pas répondre parce qu'il a son ministre au-dessus de lui et si les autres

8 questions sortent du champ de l'interrogatoire principal, c'est vrai que

9 cela limite beaucoup la portée du témoignage. Alors, encore une fois, la

10 Chambre rappelle les textes en vigueur, notamment sur l'outrage et le

11 refus de répondre d'un témoin qui n'est pas sous la protection de

12 l'article 70, quoique vous en pensiez, Maître Nobilo, d'autre part, la

13 Chambre a en considération, à l'esprit, d'utiliser –elle ne l'a pas

14 décidé- l'article 98 pour éventuellement citer d'office le ministre de la

15 défense croate de venir pour suppléer aux interrogations légitimes que se

16 pose le contre-amiral sur la possibilité et la compétence qu'il a pour

17 répondre aux questions qui lui sont posées.

18 Il y a cet article, je vous le rappelle.

19 Dans ces conditions, Maître Cayley, poursuivez.

20 M. Fourmy. - Je crois que le transcript anglais donne une version, si je

21 puis me permettre, assez différente de ce que vous avez dit notamment

22 quant à l'audition éventuelle par la Chambre du Ministre de la Défense.

23 Je ne suis pas un spécialiste, mais je pense que peut-être il serait utile

24 que vous rappeliez ce que vous avez dit, s'il vous plaît.

25 M. le Président. – Alors, je me suis contenté de dire, et je le répète,

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1 qu'il est extrêmement difficile, Maître Nobilo de procéder à toute forme

2 de contre-interrogatoire dans la mesure où le témoin invoque qu'il n'est

3 pas mandaté par son ministre pour répondre à telle ou telle question. Je

4 rappelle à nouveau que le témoin n'est pas sous la protection de

5 l'article 70, comme nous l'avons vu pour d'autres témoins, je n'y peux

6 rien, c'est vous qui avez choisi votre stratégie.

7 Deuxièmement, l'article 90F donne la mesure des obligations d'un témoin,

8 d'un témoin sous serment.

9 Troisièmement, l'article 98 permet, le cas échéant, à la Chambre, qui

10 s'estimerait dans l'incapacité d'évaluer la pertinence des réponses du

11 témoin, de citer le supérieur du contre-amiral, celui derrière lequel le

12 témoin s'abrite en ce moment en disant qu'il n'a pas l'autorisation, en

13 faisant une différence sémantique entre ce qui est tactique et ce qui est

14 stratégique. La Chambre n'a pas décidé, la Chambre a simplement en

15 considération l'article concerné, c'est-à-dire l'article 98.

16 Voilà, c'est tout ce que je voulais dire. Le transcript,

17 Monsieur Olivier Fourmy, ne traduit pas cela… ?

18 (Signe négatif de M. Fourmy.)

19 Comme quoi les problèmes de sémantique sont très importants. Je demande

20 instamment aux interprètes de faire très attention, je ne peux pas répéter

21 une troisième fois.

22 Monsieur Olivier Fourmy, il faudra simplement veiller à ce que ceci soit

23 bien transcrit. Simplement, j'ai peur que mes interlocuteurs ne l'aient

24 pas bien saisi.

25 M. Fourmy. – Monsieur le Président, deux petites remarques, si je puis me

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1 permettre, et je ne voudrais pas intervenir plus longtemps.

2 La première chose, c'était qu'il était noté dans le transcript que c'était

3 Me Nobilo qui intervenait pour dire ce que je vous ai dit. Je crois que

4 cela devrait être corrigé.

5 La deuxième chose, Monsieur le Président, c'est que vous avez parlé de

6 différence sémantique entre "tactique" et "stratégie" et non pas, comme il

7 est donné dans le transcript, qu'il peut simplement donner des réponses

8 tactiques ou stratégiques. Cela n'a absolument rien à voir.

9 M. le Président. – Rien à voir, je demande que tout ceci soit corrigé.

10 M. Fourmy. – Pour le reste, c'est bien.

11 M. Nobilo (interprétation). – Je suis d'accord, Monsieur le Président,

12 j'ai compris ce que vous avez dit, mais l'objet de mon objection

13 consistait à dire que cette question sortait du champ de l'interrogation

14 principale. C'était le fondement de mon objection. Je sais que la Chambre

15 de première instance peut arrêter les décisions qui lui agréent.

16 M. Cayley (interprétation). – Monsieur le Président, puis-je prendre la

17 parole ?

18 M. le Président. – Maître Cayley.

19 M. Cayley (interprétation). – J'aimerais renvoyer mon collègue de la

20 partie adverse et les membres de la Chambre de première instance à

21 l'article 90H qui est le fondement de l'objection de M. Nobilo…

22 C'est l'article 90H qui stipule : "Le contre-interrogatoire se limite aux

23 points évoqués dans l'interrogatoire principal ou à ceux ayant trait à la

24 crédibilité du témoin. La Chambre de première instance peut, si elle le

25 juge bon, autoriser des questions sur d'autres sujets, comme s'il

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1 s'agissait d'un interrogatoire principal.".

2 La Chambre de première instance a bien entendu la possibilité

3 d'interroger le témoin sur d'autres questions, en exerçant son droit à

4 l'interrogatoire. Mon objection est simplement la suivante : je crois que

5 ces questions sont dans le champ de l'interrogatoire principal. Le contre-

6 amiral a parlé de sa carrière dans l'armée croate et, donc, ces éléments

7 sont liés à sa carrière et, même si le Tribunal considère que ce n'est pas

8 le cas, il a la possibilité de m'autoriser à poser des questions comme

9 s'il s'agissait d'un interrogatoire principal.

10 Si le témoin a à l'esprit les questions évasives qu'il a fournies, il doit

11 exprimer pourquoi.

12 M. Hayman (interprétation). – Oui, bien sûr, cet article est intéressant,

13 mais c'est un article qui n'existait pas pendant la présentation des

14 éléments de preuve de la défense, c'est un article qui fait suite à

15 l'amendement du Règlement de procédure et de preuve. Alors, combien de

16 fois la défense s'est vue opposer l'argument selon lequel nous sortions du

17 champ de l'interrogatoire principal et nous avons été empêchés d'avoir des

18 réponses à nos questions ? Nous soumettons ce point à la Chambre de

19 première instance, mais je crois que la question va plus loin que le fait

20 de savoir quel est le libellé exact du paragraphe H de l'article 90.

21 M. le Président. – Je comprends tout à fait ce que vous avez dit,

22 Maître Hayman, et, de façon générale, je vous rappellerai deux choses :

23 Premièrement, les modifications de règles de procédure s'appliquent

24 immédiatement –ainsi en a été décidé- sauf lorsqu'elles portent préjudice

25 à l'accusé, vous le savez très bien. Par exemple, l'article 73 ter ne vous

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1 a pas été appliqué parce que nous n'avions pas appliqué l'article 73 bis

2 au Procureur.

3 Deuxièmement, j'ai déjà souvent rappelé que la règle que le contre-

4 interrogatoire doit rester dans le champ de l'interrogation est une règle

5 flexible, elle n'est pas d'application stricte.

6 Troisièmement, il y a un principe qui gouverne, qui est un principe

7 fondamental. C'est que les juges, eux, qui, en fin de compte, rendent la

8 décision doivent avoir tous les éléments leur permettant d'éclairer ladite

9 décision et qu'on ne pourra pas faire revenir le témoin à plusieurs

10 reprises, surtout s'agissant d'un témoin qui, en principe, a un supérieur

11 au-dessus de lui dont il n'a, semble-t-il, pas l'autorisation de dire tout

12 ce qu'il avait envie de dire.

13 Enfin, dernier point : je pense que la carrière de l'amiral a été évoquée

14 par Me Nobilo au tout début.

15 Donc, je considère que la question fait partie d'un possible contre-

16 interrogatoire, au moins sur les deux plans du principe : d'une part, la

17 carrière de l'amiral a été évoquée et, d'autre part, il est exact que les

18 juges n'ont pas toutes les réponses possibles de l'amiral pour les raisons

19 sur lesquelles il n'y a pas lieu de revenir. Dans ces conditions, cette

20 question peut être posée, il n'est pas utile que la parole soit reprise

21 sur ce point-là.

22 Oui, d'accord, Maître Hayman, mais par la bienveillance du Président qui

23 ne veut pas couper la parole de la défense. Maître Hayman, pour une

24 dernière intervention, s'il vous plaît.

25 M. Hayman (interprétation). – Nous apprécions votre bonne volonté,

Page 11458

1 Monsieur le Président.

2 Je voudrais simplement remettre les choses dans un contexte, remettre ce

3 drame, si on peut l'appeler ainsi, dans le contexte. La défense ne

4 conteste pas que des forces de l'armée croate sont entrées dans le sud-

5 ouest de la Bosnie pendant cette période pour contribuer à l'accessibilité

6 des routes et s'opposer à la JNA. Nous sommes d'accord avec cela. En fait,

7 sur le plan stratégique, cela a fait grandement partie de la déposition du

8 témoin, mais je pense que le procureur sur le fond est en train de

9 provoquer le témoin pour le forcer à mettre en cause la sécurité

10 nationale : "Quelle est la date à laquelle pour la dernière fois vous avez

11 participé à une réunion secrète et que quelque chose a été dit devant vous

12 que vous n'avez pas le droit de divulguer ?". Voilà ce qui est au cœur du

13 débat, me semble-t-il.

14 M. le Président. – Je vous propose que le débat soit interrompu sur cette

15 dernière intervention. Nous allons reprendre. Je crois qu'il nous faudra

16 20 à 25 minutes de pause. L'audience est suspendue.

17 (L'audience, suspendue à 16 h, est reprise à 16 h 20.)

18 M. le Président. - L'audience est reprise, introduisez l'accusé.

19 Maître Cayley, poursuivez.

20 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

21 Amiral, vous avez déclaré antérieurement que, dans le cadre de vos

22 fonctions de chef des services des renseignements militaires, vous aviez

23 la tâche de superviser les forces armées, donc de suivre, de contrôler les

24 mouvements des forces militaires hostiles aux forces de la République de

25 Croatie. Ceci est-il exact ?

Page 11459

1 M. Domazet (interprétation). - Exact.

2 M. Cayley (interprétation). - En 1993, est-ce que ceci comprenait

3 également la supervision des forces armées de l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine ?

5 M. Domazet (interprétation). - Les forces armées n'existaient pas en 93

6 sur le territoire. Sur l'espace de la Bosnie-Herzégovine se trouvaient les

7 forces de l'armée des Serbes de Bosnie, les forces de l'armée de Bosnie-

8 Herzégovine et l'armée croate, l'armée de la République de Croatie.

9 M. Cayley (interprétation). - Retournons à présent à ce dont nous parlions

10 avant la pause. Vous avez confirmé qu'en 1994, vous avez été promu au rang

11 de contre-amiral par le Président Tudjman. Ceci est-il exact ?

12 M. Domazet (interprétation). - Oui.

13 M. Cayley (interprétation). - Au même moment, est-il exact que

14 Slobodan Praljak a été promu au rang de général de réserve dans le cadre

15 des forces armées de la République de Croatie ?

16 M. Domazet (interprétation). - Effectivement, le Gal Praljak a été nommé à

17 ce rang, en tant que général de réserve, à cette époque-là, des forces de

18 l'armée de la République de Croatie. Il a été promu à ce rang à Zagreb, en

19 tant que général de réserve.

20 M. Cayley (interprétation). - Ai-je raison de dire que Slobodan Praljak

21 avait formellement servi en tant que général au sein du HVO ? Ceci est-il

22 exact ?

23 M. Domazet (interprétation). - Oui, effectivement. Il a été membre du HVO.

24 M. Cayley (interprétation). - Pendant combien de temps a-t-il été officier

25 au sein du HVO ?

Page 11460

1 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

2 je ne peux vraiment pas me rappeler la période pendant laquelle il était

3 général du HVO. Je sais qu'il avait antérieurement quitté l'armée de la

4 République de Croatie, il s'était ensuite rendu en Bosnie-Herzégovine et

5 là, il a été général du conseil croate de défense du HVO. Je ne sais pas

6 la date exacte ; cela dit, il occupait cette fonction de général du HVO

7 pendant une année.

8 M. Cayley (interprétation). - Après son service au sein du HVO, le

9 Gal Praljak est revenu au sein des forces armées de la République de

10 Croatie ?

11 M. Domazet (interprétation). - Il avait été promu au rang de général et,

12 au même moment, mis dans les cadres de retraite.

13 M. Cayley (interprétation). - Au cours de votre service à Livno, votre

14 aide de camp, votre officier de commandement, était Ante Gotovina. Ceci

15 est-il exact ?

16 M. Domazet (interprétation). - Oui, au cours de mon service à Livno... Je

17 me trouvais à Livno parce que je devais... j'étais là dans une mission

18 d'exploration car nous savions que l'orientation des principales

19 offensives de l'ennemi allait se faire dans cette région. C'est pour cette

20 raison que je me trouvais dans la région de Livno, pour assurer une

21 mission d'exploration au préalable. Donc, bien entendu, ce Gotovina

22 n'était pas en position de supériorité hiérarchique.

23 M. Cayley (interprétation). - Est-ce que Ante Gotovina se trouvait à Livno

24 en avril 1992 ?

25 M. Domazet (interprétation). - Oui, effectivement, il s'y trouvait.

Page 11461

1 M. Cayley (interprétation). - Est-ce qu'à cette époque-là, il était membre

2 des cadres de la République de Croatie ou du HVO ?

3 M. Domazet (interprétation). - Le Gal Gotovina, comme il s'agissait d'un

4 officier très expérimenté à cette époque-là, était dans les cadres des

5 officiers de l'armée de la République de Croatie, parce qu'il avait pour

6 mission d'organiser les forces...Car on s'attendait à une offensive des

7 forces serbes sur cette région-là, à cette époque-là.

8 M. Cayley (interprétation). - Le transcript parle du Gal Kadijevic... On

9 parle d'une autre personne, il s'agit bien entendu du Gal Gotovina.

10 M. le Président. - Je voudrais demander aux intervenants, y compris à moi-

11 même d'ailleurs, de parler plus lentement. Je crois que c'est très

12 difficile pour les interprètes de suivre des débats aussi complexes.

13 Essayons tous de faire un effort.

14 Par ailleurs, c'est vrai qu'une erreur comme celle-ci est importante.

15 Kadijevic... même sur le plan phonétique, on n'a pas l'impression que ce

16 soit quand même tout à fait la même chose. Donc, essayons d'y faire

17 attention.

18 Allez-y, Maître Cayley, continuez. Merci, Maître Hayman.

19 M. Cayley (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Ai-je raison

20 de dire, Amiral, qu'en mai 1998, vous avez été donc promu du rang de

21 contre-amiral à celui de vice-amiral, ceci est-il exact ?

22 M. Domazet (interprétation). – Oui.

23 M. Cayley (interprétation). – Et je pense qu'effectivement, à la même

24 époque, le général de corps d'armée Petkovic a été également promu à ce

25 rang, donc au sein des forces armées de la République de Croatie.

Page 11462

1 M. Domazet (interprétation). – Oui, c'est exact.

2 M. Cayley (interprétation). – Et ai-je raison de dire que le lieutenant-

3 Gal Milivoje Petkovic avait été antérieurement le chef d'état-major du HVO

4 à l'époque où il était général de brigade au sein du HVO, ceci est-il

5 exact ? A quelle époque c'était ? Quand il était chef d'état major du HVO

6 à l'époque où il était chef d'état-major du HVO ?

7 M. Domazet (interprétation). - Je pense qu'il s'agit ici de l'année 1994

8 et il avait rejoint le HVO en 1992.

9 M. Cayley (interprétation). – Merci, Amiral. Avant ses fonctions de chef

10 d'état-major du HVO, il avait été officier au sein des forces armées de la

11 République de Croatie, ceci est-il exact ?

12 M. Domazet (interprétation). – Oui.

13 M. Cayley (interprétation). – Ai-je raison de dire qu'en avril 1992, le

14 Gal Bobetko de l'armée de la République de Croatie était le commandant du

15 front sud ?

16 M. Domazet (interprétation). – Oui, c'est exact.

17 M. Cayley (interprétation). – Donc au sein de ce commandement, ceci

18 impliquait également le commandement tactique également d'unités dépendant

19 du HVO en Bosnie-Herzégovine ? Ceci est-il exact, Amiral ?

20 M. Domazet (interprétation). - Dans le cadre de son commandement, il

21 fallait assurer l'organisation de la défense de cet espace. Donc, il

22 fallait procéder à l'organisation de la défense de cet espace, ceci de la

23 manière la plus efficace, comment on aurait pu défendre de la manière la

24 plus efficace cet espace pour éviter l'enfermement par étau.

25 M. Cayley (interprétation). – Je comprends cela, nous avons presque

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1 terminé, mais j'aimerais maintenant une réponse directe à ma question. Le

2 Gal Bobetko qui est un général croate de l'armée de la République de

3 Croatie disposait d'un commandement tactique d'unités dépendant du HVO en

4 Bosnie-Herzégovine à cette époque-là, dans le souci, dans le cadre de son

5 commandement. Question ici : quelle est la période concernée par la

6 question ? si vous pouviez bien disposer le cadre temporel, est-ce que

7 c'est avril 1992 ? Mon objection, là, pour l'instant est que les

8 indications temporelles sont très vagues, il faudrait que le témoin puisse

9 répondre à la question, il faut que le cadre temporel soit le plus précis

10 possible.

11 Amiral, en avril 1992, est-ce que le Gal Bobetko qui était le commandant

12 du front sud disposait également d'un commandement d'unités du HVO en

13 Bosnie-Herzégovine ?

14 M. Domazet (interprétation). - En Bosnie-Herzégovine, il y avait un

15 déploiement des différents lieux de commandement. Donc il n'y avait pas

16 des centres de commandement, ils avaient été répartis en différents

17 centres et les rôles de ces différents centres avaient pour tâche

18 d'organiser la défense de cet espace pour éviter le mouvement de

19 tenailles. Il ne s'agissait pas ici de modalités de commandement dans le

20 sens classique. C'était ainsi les caractéristiques de ces modalités de

21 commandement.

22 (Les juges se consultent sur le siège)

23 M. Cayley (interprétation). – Est-ce que le Gal Bobetko avait des unités

24 du HVO sous son commandement ?

25 M. Domazet (interprétation). – Effectivement, il participait à la

Page 11464

1 coordination et l'orientation de ces forces, il avait la responsabilité

2 ici de la coordination de ces forces, il fallait que, dans cet espace

3 relativement restreint, il organise au mieux les forces pour assurer au

4 mieux la défense de ce territoire et ceci, à partir de différents centres

5 de commandement. Il ne s'agissait pas ici d'une répartition territoriale

6 classique, il fallait que dans cet espace, dans cet ensemble, il puisse

7 assurer la défense la plus efficace de cet espace. Ceci était sa mission.

8 M. Cayley (interprétation). – Est-ce qu'il a émis des ordres à l'égard de

9 ces forces, Amiral, des ordres écrits ?

10 M. Domazet (interprétation). – Oui, probablement, il a dû émettre des

11 ordres écrits d'une manière ou d'une autre, il y a eu certainement des

12 ordres écrits d'une façon ou d'une autre. Il était de toute façon obligé

13 d'émettre des ordres d'une manière ou d'une autre.

14 (M. Cayley et M. Harmon se consultent.)

15 M. Cayley (interprétation). – Pourriez-vous indiquer au Tribunal où ces

16 ordres écrits sont archivés ou conservés ? Où se trouvent les archives

17 relatives à ces ordres écrits ?

18 M. Domazet (interprétation). - Les ordres écrits… tout commandant à un

19 degré hiérarchique déterminé dispose de ses propres archives auprès du

20 siège où il exerce son commandement.

21 M. Cayley (interprétation). – Et où sont localisées lesdites archives

22 Amiral ?

23 M. Domazet (interprétation). - Les archives se trouvent, si vous songez

24 ici aux ordres du Gal Bobetko, à Ploce qui est un endroit en Croatie.

25 M. Cayley (interprétation). – Est-ce que ces ordres font toujours l'objet

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1 d'une conservation au jour d'aujourd'hui ?

2 M. Domazet (interprétation). – Effectivement, ces ordres sont conservés

3 dans l'endroit où est donc le ressort territorial de la zone de

4 commandement.

5 M. Cayley (interprétation). – Donc, ces ordres écrits se trouvent toujours

6 à Ploce ?

7 M. Domazet (interprétation). - Je ne sais pas où se trouvent ces ordres

8 écrits, vraiment, je ne sais pas où se trouvent ces ordres écrits, mais en

9 principe, ils devraient se trouver dans un lieu de commandement qui serait

10 du ressort de la zone concernée et, en ce moment donc, à présent, le lieu

11 où s'exerce le commandement pour la région militaire sud en Croatie se

12 trouve à Ston dans le sud de la Croatie.

13 M. Cayley (interprétation). – Je n'ai pas d'autre question

14 Monsieur le Président. Si je pouvais demander le versement au dossier de

15 la pièce à conviction.

16 M. le Greffier. – C'est la pièce 466.

17 M. Cayley (interprétation). – Je vous remercie beaucoup, Amiral.

18 M. Nobilo (interprétation). – Mais, avant que je n'adresse ici quelques

19 questions à notre témoin, j'aimerais que l'on puisse décompter ici

20 l'intégralité de ce temps, que ceci puisse être décompté du temps de la

21 défense, parce que l'ensemble de ces débats se déroulait en-dehors du

22 champ principal de l'interrogation. Il s'agit uniquement de questions

23 relatives aux propos des promotions des archives, il s'agit ici des

24 informations qui ne relevaient pas du champ principal de l'interrogatoire.

25 M. le Président. – Je vais consulter.

Page 11466

1 M. Cayley (interprétation). – Monsieur le Président, puis-je prendre la

2 parole ?

3 Ce Tribunal, donc, ici, doit remplir une triple fonction. L'amiral dispose

4 d'informations, il dispose également de moyens de charge qui intéressent

5 directement notre affaire. Donc, ici, les Règlements ne nous permettent

6 que… la raison pour laquelle cet interrogatoire croisé a pris un peu plus

7 de temps, c'est parce que le témoin ne souhaitait pas répondre à mes

8 questions, est-ce que ce temps devrait être décompté ici du temps de la

9 défense ?

10 (Les juges se consultent sur le siège.)

11 M. le Président. - La Chambre, les Juges rendent cette décision qui fait

12 appel à des principes de nature différente. Ce qui a guidé l'accusation...

13 Premier principe : ce qui a guidé l'accusation dans ses questions, c'est

14 la conséquence du silence du témoin. Il a donc été nécessaire pour

15 l'accusation de poser des questions indirectes pour essayer d'avoir une

16 certaine réalité de ce que l'accusation poursuit dans son objectif.

17 Deuxièmement, il n'en est pas moins exact que, sur le plan en valeur

18 absolue, les questions posées depuis une demi-heure environ par

19 l'accusation sont en dehors du champ de l'interrogatoire principal.

20 Troisièmement, la Chambre n'a pas interrompu l'accusation et ne l'aurait

21 pas interrompue car la Chambre trouve dans le pouvoir souverain qui est le

22 sien de déterminer en fin de compte qu'elle est la vérité dans l'affaire

23 qui nous est soumise, trouve un fondement aux questions qui étaient posées

24 par l'accusation.

25 En conséquence de quoi, les questions pouvaient être posées par

Page 11467

1 l'accusation. Il ne serait pas totalement équitable que la défense en

2 subisse complètement le préjudice. Dans ces conditions, il sera accordé

3 30 minutes de plus à la défense.

4 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

5 Amiral, pour que nous essayons ici de démystifier certaines choses, par

6 quel miracle pourrais-je ici maintenant appeler votre ministre de la

7 défense pour qu'il envoie par fax son accord pour que vous puissiez dire

8 ici, au Tribunal quelles ont été les troupes et à quel moment, en Bosnie-

9 Herzégovine, et pendant quelle période de temps… est-ce que vous, par vos

10 souvenirs, vous serait-il possible de le dire ici au Tribunal ?

11 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

12 si une pareille décision devait arriver, je ne serais personnellement pas

13 en possibilité de dire quelles ont été les troupes et quels avaient été

14 les éléments de troupes qui avaient été déployés sur ce territoire de la

15 Bosnie-Herzégovine à cette époque-là.

16 Ceci aurait exigé des recherches supplémentaires et à cette époque-là

17 j'assumais les fonctions et dans le cadre de ces fonctions je n'avais pas

18 la disposition des troupes croates. Ce qui était dans le ressort de mes

19 compétences, c'étaient les études stratégiques pour déterminer comment on

20 allait pouvoir assurer ce processus de déploiement des forces.

21 M. Nobilo (interprétation). - Amiral, à l'époque où vous assumiez les

22 fonctions de chef du service des renseignements militaires de l'armée de

23 la République de Croatie, est-ce que vous avez traité l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine comme une armée ennemie ? Vous avez considéré cette armée

25 comme une armée hostile ou bien, vous, en tant que spécialiste de

Page 11468

1 l'information de l'armée de la République de la Croatie, vous avez

2 également considéré, traité la JNA et les troupes de la Krajina serbe

3 comme des troupes hostiles ? Qu'avez-vous fait effectivement dans le cadre

4 de vos fonctions en 92 et 93 ?

5 M. Domazet (interprétation). – Etant donné que, dans le cadre de la

6 stratégie de défense de la République de Croatie pour laquelle j'ai

7 participé, il y a trois principes fondamentaux qui sont mis en œuvre.

8 C'est que la Croatie considère qu'elle n'est l'ennemie de personne et,

9 moi, en tant que responsable de la formation militaire, ma compétence

10 était exclusivement orientée vers les Serbes qui, à cette époque-là,

11 constituaient la menace.

12 Et de quelle manière, ceci ? L'armée de Bosnie-Herzégovine, en aucun cas,

13 n'a été considérée comme une armée hostile. Elle n'était pas considérée

14 comme une menace pour les forces croates et, donc, mon activité, en tant

15 que responsable de la formation militaire, n'était orientée que sur les

16 forces serbes qui étaient présentes sur le territoires de la Bosnie-

17 Herzégovine, et ceci exclusivement.

18 M. Nobilo (interprétation). – Et si nous remettions en mémoire ici le

19 front sud qui était sous le commandement du Gal Bobetko, je vais aller un

20 peu plus loin dans ce domaine-là que ce qu'a fait le membre du Bureau du

21 Procureur, sans entrer pourtant dans la confidentialité de l'armée croate.

22 Est-ce que le Gal Bobetko aurait pu défendre et libérer la portion sud du

23 territoire de la République de la Croatie sans entrer dans le territoire

24 de la Bosnie-Herzégovine ?

25 M. Domazet (interprétation). – Compte tenu du peu de profondeur

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1 opérationnelle dont on disposait, le Gal Bobetko ne pouvait pas assurer la

2 défense de la portion méridionale du territoire de la République de

3 Croatie sans entrer dans le territoire de la Bosnie-Herzégovine, ceci ne

4 fait absolument aucun doute.

5 M. Nobilo (interprétation). – En partant de votre point de commandement

6 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, donc sur le territoire où

7 était en opération l'armée de la République de Croatie, est-ce que vous

8 pourriez nous montrer sur la carte quelle a été l'ampleur de la profondeur

9 de la pénétration de l'armée de la République de la Croatie ? Et quels ont

10 été les objectifs militaires à ce moment-là ?

11 M. Domazet (interprétation). – Pour ma part, je peux estimer quelle était

12 la profondeur de la pénétration des éléments des forces de la République

13 de Croatie, en tenant compte des conditions dans lesquelles ont été

14 déployées les forces serbes dans cette région de la Bosnie-Herzégovine.

15 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'après ma propre

16 estimation, en tant que spécialiste militaire, les éléments de l'armée de

17 la République de Croatie ont pu pénétrer au maximum sur une profondeur

18 depuis la frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, ceci

19 jusqu'à la hauteur de la ville de Livno. Donc, au cas le plus éloigné,

20 c'est la ville de Tomislavgrad. Ici est la ligne que nous pouvons tracer.

21 Ceci est donc l'espace parce que l'orientation principale de l'offensive

22 serbe visait à exercer une percée en direction de la ville de Split en

23 passant par la vallée de la Neretva et, en ce qui concerne le territoire

24 méridional, celui-ci va depuis la frontière avec la République de Croatie,

25 entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, jusqu'à une profondeur de la

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1 localité de Stolovi et c'est donc ce qui est montré ici par le rayon

2 laser.

3 Donc, ceci était l'ampleur maximale de la pénétration des forces de la

4 République de Croatie, ceci afin d'assurer la fermeture des tenailles,

5 l'établissement de l'étau et pour assurer la défense du territoire croate.

6 M. Nobilo (interprétation). – Maintenant, Amiral, dites au Tribunal : est-

7 ce que vous êtes au courant, est-ce qu'il existe ici un fondement

8 juridique ou des justifications politiques pour l'entrée sur le territoire

9 de la Bosnie-Herzégovine ?

10 M. Domazet (interprétation). – Pour autant que je sache, je pense que,

11 depuis 1992, existe un accord entre le Président de la présidence

12 collégiale de la Bosnie-Herzégovine, M. Alija Izetbegovic, et entre le

13 Président de la République de Croatie, M. Fanjo Tudjman, relatif à la

14 défense commune face à une agression serbe. Donc, je sais qu'un pareil

15 document existe et je pense que, probablement, c'est sur la base d'un

16 pareil document que ces événements ont pu se dérouler.

17 C'est le Gal Bobetko qui a reçu pour fonction d'assurer le commandement de

18 la zone sud.

19 M. Nobilo (interprétation). – Le Gal Bobetko, à partir de son point de

20 commandement, se trouvait sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine dans

21 le printemps 1992, quand cette bataille fatidique pour le salut de la

22 Bosnie-Herzégovine et de la Croatie méridionale se déroulait. Est-ce que

23 vous pouvez nous dire : à cette époque-là, indépendamment des modalités

24 formelles d'organisation, est-ce que l'on a systématiquement organisé,

25 est-ce que l'on a systématiquement préparé, et ceci au niveau

Page 11471

1 correspondant, les force des Croates de l'endroit d'Herzégovine

2 occidentale et des forces bosniaques qui se trouvaient sur l'endroit pour

3 qu'elles puissent elles-mêmes assurer l'empêchement de ce mouvement de

4 tenaille ? Est-ce que le Gal Bobetko émettait des commandements aussi bien

5 à l'égard des Croates d'Herzégovine que des Musulmans de Bosnie en vue

6 d'assurer la défense de la Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Domazet (interprétation). – Etant donné qu'il y a plusieurs questions

8 dans la question, je vais répondre de la manière suivante.

9 Il est tout à fait exact que l'organisation des forces croates en Bosnie

10 proprement dite a donc été meilleure que l'organisation militaire des

11 bosniaques dans cette région-là. Comme il s'agit ici d'une guerre à

12 caractère asymétrique où les facteurs techniques étaient plusieurs

13 centaines de fois supérieurs en faveur des serbes, de pareilles forces ne

14 pouvaient pas représenter en tant que telles une garantie absolue même si

15 les Croates, de leur côté, étaient mieux organisés que les Musulmans de

16 Bosnie. Mais il demeure toujours le fait qu'à côté des Croates, donc dans

17 les formations militaires, dont le commandement était assuré par le

18 Gal Bobetko où se trouvaient également des formations militaires composées

19 de Musulmans de Bosnie à cette époque-là et au même moment et je pense que

20 j'ai même d'ailleurs, je l'ai mis en évidence, ce fait-là, au cours de mon

21 exposé.

22 M. Nobilo (interprétation). - Dites-moi, en ce qui concerne Praljak, le

23 Gal Praljak, est-ce que lui, de part ses origines, il est originaire de

24 Bosnie-Herzégovine ?

25 M. Domazet (interprétation). - Pour autant que je sache, oui,

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1 effectivement.

2 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact que Petkovic est également

3 originaire de Bosnie-Herzégovine ?

4 M. Domazet (interprétation). - Pour autant que je sache, la famille du

5 Gal Petkovic est originaire de Bosnie-Herzégovine mais lui,

6 personnellement, il vivait à Sibenik, en Dalmatie.

7 M. Nobilo (interprétation). - Est-il exact qu'au début de la guerre en

8 Bosnie-Herzégovine, le groupe d'officiers et de soldats de Bosnie-

9 Herzégovine de part leur origine qui ensuite avaient fait la guerre dans

10 l'armée de la République de Croatie, au moment du conflit entre la Serbie

11 et la Croatie ont demandé, de leur propre souhait, d'être relevés de leurs

12 fonctions au sein de l'armée de la République de Croatie pour se rendre en

13 Bosnie, pour défendre leurs foyers en Bosnie ?

14 M. Domazet (interprétation). - Pour autant que je me souvienne, oui,

15 effectivement, il y a eu essentiellement les Croates qui se trouvaient

16 dans l'armée de la République de Croatie, donc après janvier 1992, tout de

17 suite après, en tout cas dans la deuxième moitié de mars et début

18 d'avril 1992, ont demandé à être relevés de leurs fonctions et ont demandé

19 à partir en Bosnie-Herzégovine et à servir là-bas.

20 M. Nobilo (interprétation). - Oui, merci, Monsieur le Président. C'est

21 tout pour cette question.

22 M. le Président. - Amiral, comme on a dû vous l'expliquer, vous allez

23 maintenant recevoir les questions que les Juges souhaitent pour leur

24 édification complète de votre témoignage. Je donne la parole à

25 Monsieur le Juge Riad.

Page 11473

1 M. Riad. - Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Amiral.

2 Interprète. - Micro, s'il vous plaît, le micro.

3 M. Riad. - Il se ferme tout seul.

4 J'ai écouté attentivement votre exposé de stratégie militaire, vous en

5 êtes un grand expert apparemment au point que je ne peux pas dire que j'ai

6 pu tout assimiler en une seule fois, je dois revoir certainement le

7 transcript plusieurs fois, mais j'ai pu conclure que la responsabilité

8 fondamentale de tout ce qui s'est passé, des événements, la responsabilité

9 en incombe aux Serbes.

10 J'aurais voulu poser des questions qui touchent plus aux questions plus

11 relatives directement, qui touchent directement notre procès et peut-être,

12 mais je vais me contenter des questions générales toujours dans le cadre

13 de votre témoignage.

14 Est-ce que vous considérez que les Serbes, si j'ai bien compris, sont

15 responsables de la confrontation entre les Croates et les Musulmans en

16 Bosnie ? Vous croyez qu'ils sont la cause, ou plutôt, en général, quelle

17 est la cause de cette confrontation puisque les deux avaient un ennemi

18 commun ?

19 Si vous voulez répondre, vous allez m'aider, ou nous aider à comprendre un

20 petit peu la situation.

21 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

22 si j'ai bien compris la question, c'est est-ce que les Serbes étaient la

23 cause du conflit entre les Bosniens, les Musulmans et les Croates ? Est-ce

24 que c'était bien cela la question, est-ce que je l'ai bien comprise ?

25 M. Riad. - Sinon, quelle est la cause ?

Page 11474

1 M. Domazet (interprétation). - Eh bien, les recherches auxquelles j'ai

2 procédé et bien évidemment en tant que stratège, je suis arrivé à la

3 conclusion, qui d'ailleurs coïncide avec la carte, c'est une carte qui

4 date de 1993. Et la cause principale, la cause objective dans la

5 stratégie, on parle du cercle extérieur, et le cercle extérieur est très

6 décisif pour ce qui se passe à l'intérieur du cercle est prédominant que

7 ce qui se passe à l'intérieur.

8 En d'autres termes, ceci veut dire qu'au niveau stratégique pour ce qui

9 concerne l'agression sur la Bosnie-Herzégovine, c'est ce phénomène qui

10 s'est produit, les Serbes ont en même temps donc déplacé dans ce cercle

11 les Croates et les Bosniens et en appliquant la stratégie de la menace

12 réelle ont créé la psychose. Elle se prolongeait dans le temps et plus

13 elle se prolongeait dans le temps plus elle générait le confit et la

14 possibilité du conflit entre les Croates et les Musulmans.

15 Par conséquent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ma conclusion

16 tout au moins qui est le résultat de ma recherche, c'est que la cause

17 principale, fondamentale effectivement était cette cause-là et ceci est

18 d'autant plus vrai que les Serbes avaient déjà épuisé une partie de leurs

19 forces et, par conséquent, ne pouvaient plus entreprendre les opérations

20 offensives et en appliquant cette stratégie, ils attendaient, ils étaient

21 dans l'expectative et nous pouvons même comparer cela également à une

22 stratégie de l'araignée : il y a le filet et ils attendent que quelque

23 chose tombe dans leur piège. Et en même temps, c'étaient les Musulmans et

24 les Croates.

25 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, par conséquent, je répète,

Page 11475

1 c'est le cercle extérieur dans la stratégie et c'est de cette manière-là

2 qu'ils ont produit la défaite de leurs ennemis et personnellement, je

3 pense que c'était la cause principale, effectivement.

4 M. Riad. - Vous avez donné un exemple assez intéressant quand vous avez

5 comparé cela aux éléphants qui entrent en conflit. Est-ce qu'il n'y a pas

6 une raison particulière entre les deux, il n'y a pas une raison spécifique

7 qui a opposé les Croates de Bosnie aux Musulmans ? Je pose cette question

8 pour ma propre gouverne. Vous dites, en passant : les Croates étaient

9 mieux organisés que les forces de Bosnie et qu'en général, l'armée de la

10 Bosnie n'a jamais été une menace pour les Croates. Alors tout milite à ce

11 qu'il n'y ait pas d'opposition. Quelle est alors la raison pour que les

12 Croates veulent se débarrasser des Musulmans ?

13 Il y a une phrase que vous avez dites qui m'a beaucoup, qui m'a intéressé,

14 j'ai pu l'enregistrer du transcript, alors je vais la lire en anglais, le

15 transcript en anglais.

16 Interprétation et traduction de la phrase : "Une partie de la direction

17 politique des Musulmans de Bosnie avait hérité, avait renforcé la

18 conviction que la JNA allait achever la guerre rapidement."

19 M. Riad. - Je répète parce que je ne crois pas que cela a été bien traduit

20 en français, qu'une partie de la... si Monsieur le Président a compris la

21 traduction.

22 M. le Président. - Je dois vous avouer, mon cher collègue, que je n'ai pas

23 très compris la traduction.

24 M. Riad. - Je le sais, car j'ai eu la traduction.

25 M. le Président. - Merci de m'aider également.

Page 11476

1 M. Riad. - Il s'agit qu'une partie des dirigeants musulmans avait son

2 abdication, avait renforcé la conviction de la JNA que la guerre allait se

3 terminer vite.

4 Croyez-vous que cela aurait pu alarmer les forces croates et les inciter à

5 croire qu'il y avait une sorte de connivence entre les Musulmans et les

6 Serbes, et que cela les a fait réagir brutalement ? J'essaye simplement...

7 C'est une sorte d'hypothèse. Pourquoi avez-vous dit cette phrase

8 concernant les dirigeants musulmans qui commençaient à abdiquer leurs

9 forces ?

10 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, c'est avec une

11 grande satisfaction que je vais essayer, bien évidemment, de vous donner

12 des explications. Il y a, bien évidemment, un certain nombre de nuances

13 dans la traduction, car la stratégie est remplie de nuances.

14 Vous avez vu le plan et vous avez vu qu'il était très complexe. Ce plan

15 avait pour but la grande Serbie. Même en République de Croatie, il y avait

16 des gens qui ne croyaient pas à cette guerre et de l'autre côté, il y

17 avait une partie également en Bosnie-Herzégovine... Il y avait un certain

18 nombre de gens qui ne croyaient pas à la guerre. Il n'est pas impossible,

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que cette part de la direction

20 des Musulmans (on parle du début de la guerre, je parle de 92), il n'est

21 pas impossible qu'on ait pensé tout simplement qu'on pouvait éviter

22 l'agression, ce qui, bien évidemment, sur le plan défense des intérêts

23 stratégiques, n'est pas une mauvaise chose en soi-même.

24 Ceci voulait dire, en d'autres termes, étant donné que les Serbes étaient

25 supérieurs... Et là, il n'y avait pas beaucoup de temps, Monsieur le

Page 11477

1 Président, Messieurs les Juges. Il s'agit d'un mois, d'une période d'un

2 mois, de 15 jours... Il s'agit du mois d'avril 1992. Par conséquent,

3 hésiter, ne pas réagir tout de suite, pouvait effectivement produire ce

4 qui s'est produit et dont on a parlé tout à l'heure. On ne peut pas dire

5 de manière explicite que les Bosniens, que les Musulmans, que leurs

6 dirigeants ne voulaient pas. Ils auraient pu vouloir, mais ils ne

7 comprenaient pas la situation, dans un premier temps. Ce ne sont que les

8 événements qui ont suivi... Ils ont démontré qu'à partir du moment où

9 l'accès était verrouillé, où les tenailles étaient verrouillées, que les

10 dirigeants musulmans ont compris que l'agression était là. Par conséquent,

11 ils ont commencé à s'organiser, ils se sont bien organisés, ils ont

12 organisé l'armée de Bosnie-Herzégovine d'une manière très efficace. C'est

13 dans ce sens que j'ai parlé.

14 M. Riad. - Ce n'est donc pas une des raisons du conflit. Vous avez parlé

15 aussi de l'entrée des forces croates en Bosnie pour assurer la défense du

16 territoire croate. Vous venez de dire cela au conseil de la défense.

17 Ces forces croates qui sont entrées, est-ce qu'elles se sont heurtées aux

18 forces bosniaques ? Est-ce qu'il y a eu des échanges de coups de feu ?

19 Est-ce qu'il y a eu non pas une guerre, mais... est-ce qu'ils se sont

20 heurtés aux forces bosniaques ?

21 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

22 nous parlons de 92 et nous parlons de la première étape de la guerre. Nous

23 parlons par conséquent de verrouiller l'accès, des tenailles. Je pense que

24 l'on s'est bien compris.

25 A cette époque-là, il n'y avait aucun conflit entre les Croates en Bosnie-

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1 Herzégovine et les Bosniens musulmans, tout au contraire. C'est dans cette

2 première étape, par différence à l'autre partie de Bosnie-Herzégovine...

3 Ils se sont intégrés très vite et ont agi d'une manière conjointe, tant

4 que cela leur a été possible, pour empêcher les tenailles de se

5 verrouiller. A cette époque, il n'y avait aucun conflit entre les Croates

6 et Bosniens musulmans.

7 M. Riad. - Je vous remercie. Une question, Général, pour finir, une

8 question qui me pose une petite difficulté de compréhension.

9 Vous avez dit qu'il y avait un manque total d'égalité, d'équilibre entre

10 les forces serbes et les forces croates et entre les force serbes et les

11 bosniaques. Avec les forces croates, c'était un contre dix, c'était

12 presque une proportion de un à dix. Ils étaient dix fois plus importants.

13 Avec les Bosniaques, c'était un par rapport à mille, puisque les

14 Bosniaques... C'étaient des gens armés, des forces armées contre des non-

15 armés.

16 Alors, comment cela s'est passé, puisque les Nations-Unies, si je me

17 souviens bien, avaient interdit la fourniture d'armes aux parties au

18 conflit. Comment se fait-il que les forces serbes étaient si fortes malgré

19 l'interdiction de fourniture d'armes ? Pourquoi y a-t-il eu, alors, cette

20 interdiction de fourniture d'armes, s'il y avait une telle inégalité ?

21 Vous, en tant que grand expert stratégique, avez-vous une idée ?

22 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

23 en ma qualité d'être humain et en ma qualité professionnelle, en tant

24 qu'amiral, c'est une question de toutes les questions qui se rapportent

25 aux événements sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. C'est une question

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1 dont beaucoup auront à s'occuper, pour rechercher la réponse.

2 Dans mes recherches, je dois dire la chose suivante : déjà au cours de mon

3 exposé d'introduction de ma déposition principale, j'ai parlé de la guerre

4 asymétrique. J'ai dit que, dans l'espace de l'ex-Yougoslavie, il y avait

5 une guerre asymétrique qui était en cours. Quand je parle de la guerre

6 asymétrique, c'est que, bien évidemment, elle aurait pu avoir lieu sous

7 une condition, c'est l'embargo, étant donné que déjà en 85-86, on avait

8 organisé la force impériale serbe qui voulait donc rejoindre les

9 frontières occidentales et occuper, s'emparer d'un certain nombre de

10 territoires de la Croatie, l'ensemble de Bosnie-Herzégovine.

11 Cette guerre asymétrique a conduit à ce que, dans cet espace, il y a eu

12 autant de victimes et qu'on a pu être témoin d'un tel chaos auquel nous

13 avons assisté, il y a eu un jeu stratégique tel et un chaos qui a été

14 organisé et déterminé, mais en même temps, devant cette Chambre, en tant

15 qu'officier, en ma qualité d'amiral, je dois dire que je suis très

16 satisfait de pouvoir constater que la Croatie et la Bosnie-Herzégovine

17 aient pu se maintenir en tant qu'Etats indépendants dans la première étape

18 de cette guerre et dans la deuxième étape de cette guerre également, grâce

19 à un effort commun et que la communauté internationale ait pu également

20 maintenir et préserver cette intégralité du territoire de la Bosnie-

21 Herzégovine et par conséquent de la Croatie automatiquement.

22 Pourquoi on avait permis cette guerre asymétrique ? Pourquoi a-t-on permis

23 que la ville de Sarajevo soit détruite pendant trois ans devant les yeux

24 de la communauté internationale ? Monsieur le Président,

25 Messieurs les Juges, ce n'est pas à moi d'en tirer les conclusions, ce

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1 sont les autres qui vont le rechercher.

2 M. Riad (interprétation). – Merci, Amiral.

3 M. le Président. – Merci, Monsieur le Juge Riad, je me tourne vers

4 Monsieur le Juge Shahabuddeen. -

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Amiral, donc j'ai eu la possibilité

6 d'écouter votre déposition et je l'ai fait avec un très grand intérêt. Là,

7 je vais commencer avec une petite question relative à l'académie serbe des

8 sciences et des arts.

9 Vous avez mentionné ladite académie. Je n'arrive pas très bien à voir, à

10 cerner le statut exact de l'académie. Est-ce que l'académie était

11 considérée comme le porte-parole du gouvernement de la République de

12 Serbie pour des sujets auxquels vous vous êtes référé ?

13 M. Domazet (interprétation). - J'ai bien compris la question. Je n'ai pas

14 fait des recherches toutes particulières sur le plan de la structure de

15 l'académie des sciences et des arts de Serbie, mais je peux vous dire ce

16 que je sais et ce qui fait partie de ma culture générale. A ma

17 connaissance, l'académie des sciences et des arts de Serbie, comme toute

18 autre académie des sciences et des arts, se doit de s'occuper des

19 recherches scientifiques dans des champs différents, dans des domaines

20 différents, les relations internationales, au niveau technique, au niveau

21 de sciences naturelles, etc. Toutefois, l'académie des sciences et des

22 arts n'était pas un instrument du gouvernement, elle n'était pas un

23 instrument de la présidence de Serbie, mais comme toute autre académie,

24 elle était indépendante. Toujours est-il qu'au niveau de l'académie des

25 sciences et des arts, selon la structure des académiciens, ceux qui

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1 composaient l'académie étaient les personnes qui venaient des domaines

2 humanitaires, des sciences humanitaires, sciences humaines et c'est dans

3 ce sens qu'ils ont entrepris un certain nombre de recherches et ce qui

4 était bien, ce qui n'était pas bien pour les Serbes dans l'ensemble.

5 C'est de cette façon qu'avec l'autorité des hommes scientifiques, il y

6 avait un mémorandum rédigé en 1986. Et cette autorité des sciences a

7 obligé en quelque sorte les Serbes et signifiait pour les Serbes la vérité

8 absolue, en d'autres termes, la vérité absolue, étant donné que c'étaient

9 les académiciens qui ont rédigé le document en question.

10 Par conséquent, 1986 est une année où les forces armées ou la JNA ont subi

11 cette restructuration et justement l'armée s'est transformée en une force

12 impériale serbe. Par

13 conséquent, ce mémorandum était une plate-forme idéologique, elle a été

14 également une légitimité, une ligne directrice pour la classe dirigeante

15 et qui s'est répercutée sur le plan fédéral.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que donc on voit une position

17 selon laquelle les conclusions auxquelles est parvenue l'académie serbe

18 des sciences et des arts étaient considérées comme les positions qui

19 correspondaient aux opinions qui avaient été adoptées par le gouvernement

20 de la République de Serbie ?

21 M. Domazet (interprétation). – Oui.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). – A présent, permettez-moi de vous poser

23 une toute petite question relative au lieutenant-général Granic, je ne

24 suis pas tout à fait sûr ici de la prononciation et j'espère que l'on me

25 pardonnera pour cela. J'ai cru comprendre qu'il se trouvait en captivité à

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1 Sarajevo. Est-ce qu'ici mon souvenir est exact ?

2 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Juge, il ne s'agit pas du

3 Gal Granic mais de Kukanjac, c'est le Gal Kukanjac qui se trouvait

4 emprisonné ou bien pour préciser, je vais revenir sur mon idée, il

5 s'agissait du 10 mai 1992, au moment où l'opération de Sarajevo a

6 commencé, donc l'attaque a commencé, l'artillerie a commencé à pilonner la

7 ville et la seule chose qu'on pouvait faire et que n'importe qui aurait

8 fait, c'est d'emprisonner celui qui était le principal. A ce moment-là,

9 c'était également la possibilité de sauver la ville de Sarajevo mais la

10 réponse à cette action était la nomination du Gal Mladic à ce poste qu'il

11 a occupé après.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourquoi est-ce que ce général avait

13 été retenu en captivité afin d'empêcher quelle action ?

14 M. Domazet (interprétation). - C'est la destruction de Sarajevo, c'était

15 le commandant serbe et les Bosniens, les habitants de Sarajevo ont réussi

16 à l'emprisonner, à le garder en captivité.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Là, je vois. Donc maintenant, je

18 réussis à comprendre un petit peu mieux.

19 A présent, vous avez donc ici entendu les questions du membre du Bureau de

20 l'accusation, donc Me Hayman, vous avez donc entendu que la défense dans

21 cette affaire ne conteste pas que les forces armées de la République de

22 Croatie se trouvaient sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce

23 que vous confirmez ici cette déclaration qu'effectivement des unités de

24 l'armée de la République de Croatie se trouvaient à l'intérieur de la

25 Bosnie-Herzégovine ?

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1 M. Domazet (interprétation). - Monsieur le Juge, selon mes estimations, je

2 ne peux pas dire exactement quelle est la formation de l'armée qui se

3 trouvait sur place, mais il y avait un certain nombre d'éléments

4 effectivement de l'armée croate qui se trouvaient à mon estimation, parce

5 que moi je suis un homme analyste. Donc ils auraient pu être

6 éventuellement entre Livno jusqu'à à peu près 15, 20 kilomètres dans la

7 profondeur du territoire de Bosnie.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, à présent je comprends.

9 Permettez-moi, en relation avec ce fait, de rappeler que cette partie de

10 votre déposition où vous vous référez à un accord passé entre le

11 Président Tudjman et le Président Izetbegovic. Donc qui est relatif aux

12 forces de l'armée de la République de Croatie, afin que celle-ci puisse

13 servir sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous vous

14 rappelez cette partie, en particulier, de votre déposition ?

15 M. Domazet (interprétation). - Oui, je m'en souviens. Il y avait un accord

16 entre le Président de la présidence, M. Izetbegovic et le

17 Président Tudjman sur la défense conjointe de Bosnie-Herzégovine. Oui, il

18 y avait un accord, à ma connaissance. Je ne connais pas la teneur de cet

19 accord, mais je sais que cela existait.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, très bien, j'accepte tout à fait

21 ce que vous venez de dire. Donc ici, vous ne disposez pas d'un souvenir

22 tout à fait minutieux, précis de ce contexte de l'époque mais est-ce que

23 vous pourriez nous retracer, de manière, nous dire de manière générale, si

24 cet accord entre les deux présidences autorisait les officiers de l'armée

25 de la République de Croatie de servir dans les unités du HVO ?

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1 M. Domazet (interprétation). - C'est dans ce sens-là, ils n'avaient pas

2 bien évidemment une autorisation, il n'était pas obligatoire dans ce sens-

3 là, je ne le pense pas. Le fait que les Croates de l'armée de Croatie

4 partaient tout simplement sur la base volontaire, c'est tout à fait

5 volontaire.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Maintenant parlons des officiers de

7 l'armée de la République de Croatie qui ont quitté de manière volontaire

8 l'armée de la République de Croatie pour servir en Bosnie, en Bosnie-

9 Herzégovine, il s'agissait d'officiers de l'armée de la République de

10 Croatie stationnés en Croatie, devaient-ils disposer d'une approbation

11 officielle pour être démobilisés de l'armée de la République de Croatie en

12 Croatie, pour se rendre en Bosnie-Herzégovine ?

13 M. Domazet (interprétation). - Oui, ils devaient avoir une autorisation

14 officielle, effectivement.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quel aurait été le statut au niveau du

16 service, de leurs services en Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'ils auraient

17 été considérés par les autorités croates comme des officiers servants...

18 d'officiers détachés servant en Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Domazet (interprétation). - Oui, c'est dans ce sens-là effectivement ;

20 les officiers détachés temporairement pour empêcher la catastrophe, oui,

21 c'est comme cela qu'il faudrait interpréter.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Tandis qu'ils se trouvaient en Bosnie-

23 Herzégovine, qui assurait leur solde depuis la Croatie ?

24 M. Domazet (interprétation). - Je pense qu'ils recevaient les soldes de la

25 part de la Croatie car il n'y avait personne en Bosnie pour les payer.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). – Dans ce cas-là, aurais-je raison de

2 supposer, Amiral, qu'à la fin de leur service en Bosnie-Herzégovine, ils

3 auraient eu un droit automatique

4 de revenir dans le cadre des forces armées de la République de Croatie ?

5 M. Domazet (interprétation). – Ceux qui voulaient rejoindre de nouveau les

6 rangs de l'armée croate, bien évidemment, pouvaient retourner.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). – A présent, parlons de la directive

8 émanant du Ministère de la Défense qui vous a autorisé à faire votre

9 déposition uniquement sur certains sujets déterminés. Aurais-je raison de

10 penser que, ce que vous étiez en train de dire est que, si vous alliez

11 faire une déposition sur ces sujets-là, non seulement, vous seriez en

12 train de violer les directives qui vous ont été données, mais la violation

13 de ces directives aurait constitué un délit au terme des lois en vigueur

14 en République de Croatie ?

15 M. Domazet (interprétation). – Oui, cela représenterait un acte

16 délictueux, effectivement.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). – Eh bien, parlons à présent des

18 pratiques en vigueur au sein des forces armées. Vous vous rappelez qu'au

19 cours d'une phase de votre déposition, vous vous êtes référé à certaines

20 pratiques, certaines procédures -je ne me rappelle plus exactement de quoi

21 il s'agissait-. Donc, il s'agissait ici de procédures standards en vigueur

22 dans les forces armées dans l'ensemble des pays du monde. Est-ce que vous

23 vous rappelez avoir dit quelque chose du genre… Vous parliez ici de normes

24 en vigueur dans les forces armées du monde.

25 M. Domazet (interprétation). – Je m'en souviens.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Diriez-vous, Amiral, qu'il s'agit de

2 normes militaires qui sont pratiquées dans le monde entier afin d'assurer

3 les activités d'informations militaires qui sont en vigueur dans n'importe

4 quelle armée pour être tenue informée du déploiement global des principaux

5 éléments de l'armée concernée ?

6 M. Domazet (interprétation). – Au niveau le plus élevé, bien évidemment,

7 on peut le savoir. C'est bien évidemment le domaine de stratégie. Mais le

8 chef des renseignements

9 généraux militaires, cela, je ne sais pas, c'est un secret, c'est le

10 secret le plus grand également au niveau militaire.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). – Donc, effectivement, nous faisons des

12 progrès très rapides, comme je peux le constater !

13 Parlons à présent de la position de la Serbie dans l'ensemble de ces

14 questions.

15 Je pense que vous êtes d'accord avec ce qui a été présenté dans le résumé

16 fait par le Juge Riad et que vous êtes d'accord avec cela. Donc, votre

17 déposition tend à dire que les conflits entre les Croates et les Musulmans

18 de Bosnie étaient dus principalement aux Serbes ?

19 M. Domazet (interprétation). – C'est vrai.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). – Donc, là, il s'agit d'une élaboration

21 théorique ample de ma part parce que, moi, je ne suis pas spécialiste des

22 choses militaires. Donc, un officier aurait suivi une formation. Aurait-il

23 reçu une formation afin d'examiner une situation du point de vue d'un

24 autre individu afin de pouvoir s'assurer une analyse objective ? Supposons

25 que nous ayons aujourd'hui un amiral serbe. Penseriez-vous qu'il pourrait

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1 accepter votre présentation des faits selon laquelle le conflit entre les

2 Croates et les Musulmans de Bosnie doit être entièrement attribué aux

3 Serbes ?

4 M. Domazet (interprétation). – Probablement, Monsieur le Président,

5 Messieurs les Juges, cela dépendrait également du fait de quel amiral il

6 s'agissait. Je pense, bien évidemment, au niveau de sa réflexion. Tout

7 dépend également comment il va examiner ce conflit au niveau stratégique

8 ou à un niveau plus bas. Cela dépend bien évidemment de l'homme, de sa

9 formation, de la compréhension de la stratégie également dans le sens

10 scientifique de ce terme.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). – Supposons qu'il s'agisse d'une

12 personnalité bien formée, bien cultivée comme vous-même. Est-ce qu'il

13 serait enclin d'accepter votre version ?

14 M. Domazet (interprétation). – D'abord, je vous remercie des compliments

15 que vous venez de m'avancer.

16 Deuxièmement, si, véritablement, il était à peu près à mon niveau de

17 formation, s'il se référait à la science et à la stratégie, je pense qu'il

18 serait arrivé à la même conclusion.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). – Oui, j'ai quelque mal à comprendre

20 cette distinction entre le niveau de la stratégie et le niveau de la

21 tactique. Aurais-je raison de supposer qu'il y a ici un vaste domaine à

22 l'intérieur duquel les deux concepts auraient plutôt tendance à fusionner

23 l'un avec l'autre ?

24 M. Domazet (interprétation). – Dans les milieux militaires, souvent, on

25 fait la distinction entre le niveau stratégique et le niveau tactique,

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1 l'OTAN par exemple. Au sein de l'OTAN, il y a la tactique et, dans le

2 cadre du niveau tactique, on parle exclusivement de l'utilisation d'une

3 formation ou d'un moyen dans un but très précis ; il s'agit par conséquent

4 d'une opération militaire très stricte.

5 En ce qui concerne le niveau de la stratégie, il ne comprend pas, pendant

6 la guerre, l'utilisation des moyens armés. Il y a d'autres moyens, outre

7 les moyens armés et, dans la théorie qui a été acceptée, notamment par le

8 théoricien français, il avait dit que la guerre est menée au niveau de la

9 stratégie générale qui comprend la stratégie militaire, politique,

10 diplomatique, culturelle. Les derniers temps, Monsieur le Président, étant

11 donné que nous vivons également dans une époque informatique, c'est la

12 stratégie informatique.

13 Par conséquent, la guerre est menée à partir de toutes ces stratégies.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Amiral, je vous suis extrêmement

15 reconnaissant et je vois qu'effectivement nous entrons dans des domaines

16 dans lesquels j'avais besoin de quelques éléments d'information. Merci

17 infiniment. Parlons un peu de cette phase. Si l'on suppose qu'il y avait

18 eu un accord passé entre le Président Tudjman et le Président Milosevic

19 relatif à une division de la Bosnie-Herzégovine, prenons ceci comme

20 hypothèse, est-ce que vous considéreriez ceci comme quelque chose qui

21 relève de la stratégie ou comme quelque chose qui relève de la tactique ?

22 M. Domazet (interprétation). - C'est la stratégie, exclusivement la

23 stratégie.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Aurais-je raison de penser que la

25 stratégie d'une nation pourrait elle-même connaître des évolutions au fur

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1 et à mesure du temps et pourrait même changer certaines de ses

2 composantes ?

3 M. Domazet (interprétation). - Par différence avec la tactique qui peut

4 changer énormément, la stratégie ne devrait pas, tout au moins cela ne

5 devrait pas être le cas, changer souvent. Mais, si jamais il y a une

6 modification, à ce moment-là, ce changement devrait être plutôt palliatif

7 et non pas véritablement de toucher à la stratégie globale.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais vous avez déjà dit que s'il

9 existait un accord entre les Présidents, accord destiné à partager la

10 Bosnie-Herzégovine, cet accord relèverait du champ de la stratégie.

11 M. Domazet (interprétation). - Oui j'ai dit cela.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Que pensez-vous de l'idée suivante :

13 supposons que selon vous, on ait dit que la stratégie des Serbes

14 consistait à absorber l'intégralité de la Bosnie-Herzégovine. Supposons

15 qu'en sus de cela, on tienne compte de l'accord, d'un accord du type que

16 je viens d'évoquer. Est-ce qu'il s'ensuivrait que la stratégie initiale

17 s'en trouve modifiée, c'est-à-dire que la stratégie visant à une

18 absorption complète se trouve modifiée pour devenir une stratégie de la

19 partition ?

20 M. Domazet (interprétation). - Je ne crois pas qu'il serait possible,

21 Monsieur le Juge, de tirer une telle conclusion. Cela ne serait possible

22 qu'en présence d'une seule hypothèse et cette hypothèse serait qu'il n'y

23 aurait pas eu de guerre en Croatie. Mais puisque par la suite une guerre

24 sanglante a éclaté, cette hypothèse ne tient absolument pas.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Amiral, n'est-il jamais venu un moment

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1 où les Serbes ont été prêts à accepter moins que la moitié de la Bosnie-

2 Herzégovine, est-il arrivé à un moment où ils ont accepté que le solde, le

3 reste soit donné à la Croatie ?

4 M. Domazet (interprétation). - Je comprendrais mieux la question si vous

5 m'expliquiez de quel équilibre de la situation vous parlez.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Non, je crois que, depuis l'anglais et

7 vers le serbo-croate, il doit y avoir un problème d'interprétation. Je ne

8 vous ai pas parlé d'équilibre de la situation, je vous ai demandé s'il

9 n'est jamais arrivé un moment où les Serbes ont été prêts à accepter moins

10 que la moitié du territoire de la Bosnie-Herzégovine et où ils ont accepté

11 de donner le reste à la Croatie.

12 M. Domazet (interprétation). - Je ne crois pas qu'une telle situation ait

13 prévalu chez les Serbes. Pourquoi suis-je capable d'affirmer cela, bien

14 qu'une telle affirmation puisse exiger des recherches complémentaires, je

15 le dis car les territoires occupés par les Serbes en République de Croatie

16 ont été retenus et que 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine a été

17 occupé par les Serbes.

18 Donc, si je tente de supposer la situation dont vous venez de parler -et

19 fondons-nous sur cette carte de 1993-, elle nous montre bien que les

20 Serbes ont toujours pensé que des conditions politiques secondaires

21 favorables allaient arriver pour leur permettre de s'emparer de la

22 totalité de la Bosnie-Herzégovine et une analyse rapide qui me vient à

23 l'esprit peut confirmer cela.

24 En effet, la stratégie de la menace réelle n'a pas cessé de constituer une

25 pression importante puisque Dubrovnik, y compris en 1995, était encore

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1 sous le feu des canons, ce qui montre bien que les Serbes n'ont pas

2 renoncé à quelque moment que ce soit à cette idée.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je comprends donc ce que vous dites.

4 Je vais maintenant vous poser une question légèrement différente. Est-il

5 jamais arrivé un moment où les Serbes ont coopéré avec les Croates en

6 Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Domazet (interprétation). - Avec les Croates... Mais est-ce que vous

8 parlez des Croates, citoyens de Bosnie-Herzégovine ou des Croates de

9 Croatie ?

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je parle des Croates de Croatie.

11 M. Domazet (interprétation). - Vous pensez aux civils ?

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je pense aux forces militaires.

13 M. Domazet (interprétation). - Il n'y a jamais eu de telle coopération sur

14 le plan militaire.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). – Finalement, revenons sur cet article.

16 Je ne me rappelle pas la cote de cette pièce. Est-ce que les conseils

17 pourraient m'aider ?

18 M. Hayman (interprétation). – Pièce 466.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous rappelez-vous, Amiral, la pièce à

20 conviction 466 ?

21 M. Domazet (interprétation). – Oui.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez donné lecture d'un passage

23 qui se trouvait à la page 8 et je n'ai pas pris de note à ce moment-là, ce

24 passage se situe dans la colonne en haut à gauche. Pourriez-vous nous

25 redonner lecture de ces mots qui commencent par : "Primenja strategia…".

Page 11492

1 Et les interprètes l'interpréteront pour moi…

2 (sans avoir le texte sous les yeux, ajoutent les interprètes)

3 M. Domazet (interprétation). – "Compte tenu que les efforts de la JNA pour

4 faire tomber la Bosnie… l'application d'une force sélective n'a pas donné

5 de résultats, notamment auprès du peuple croate qui s'est organisé

6 militairement, ces efforts se sont transformés en pacification concrète de

7 la Bosnie-Herzégovine selon le modèle appliqué en Croatie.

8 En effet, la partie bosnienne musulmane de la direction de la Bosnie-

9 Herzégovine a contribué à renforcer auprès de la JNA la conviction que la

10 guerre allait s'arrêter rapidement par ses propres hésitations" (fin de

11 citation)

12 M. Shahabuddeen (interprétation). – Puis-je attirer votre attention,

13 Amiral, sur le mot "pacification" ?

14 Est-ce que l'emploi de ce terme rend davantage compte d'une idée de

15 conquête ou de protection, dans votre champ d'activité ?

16 M. Domazet (interprétation). - Dans mon champ d'activité, c'est un terme

17 qui s'approche davantage d'une occupation complète, c'est-à-dire d'une

18 acquisition de territoire.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). – Amiral, vous avez été d'une très

20 grande aide pour moi.

21 M. Domazet (interprétation). - Cela a été un honneur pour moi,

22 Monsieur le Juge.

23 M. le Président. – Amiral, je ne vais pas prolonger trop longtemps ce

24 débat qui a été fort long. Je reprendrai simplement les derniers mots de

25 Monsieur Shahabuddeen. Vous avez bien répondu à beaucoup de questions que

Page 11493

1 moi-même je me posais et qui vous ont été posées par le Juge Riad et le

2 Juge Shahabuddeen, donc, nous n'y reviendrons pas, sinon quelques

3 précisions.

4 Je dois dire d'ailleurs que, dans votre apparent changement d'attitude,

5 j'ai été très satisfait, parce que, grâce à vous, j'ai mieux compris la

6 différence entre le mot "stratégie" et le mot "tactique". J'ai cru

7 comprendre que lorsque vous refusiez de répondre, cela pouvait être plutôt

8 de la "stratégie" et lorsque vous avez accepté de répondre, cela pouvait

9 être de la "tactique".

10 Donc, je vous remercie d'avoir fait prédominer le second concept.

11 Je voudrais simplement une ou deux précisions, Amiral, et ensuite nous

12 conclurons.

13 Dans l'accord, dans les questions duquel le Juge Shahabuddeen vous a

14 demandé de poursuivre votre réflexion, ce fameux accord de défense commune

15 entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, est-ce qu'à votre avis et du

16 poste que vous occupiez, est-ce que pour vous, M. Izetbegovic, en tous

17 cas, les hauts dignitaires politiques et militaires étaient-ils d'accord

18 pour appliquer à ce moment-là, en tout cas dans la période qui nous

19 intéresse, cet accord ? Autrement dit, est-ce qu'il y a eu une demande ?

20 Cela a-t-il été relayé par les médias ? Voyez ma question... Ou bien, au

21 contraire, est-ce que, quand les forces croates se sont mises à la

22 disposition du HVO, on s'est contenté de dire : "On a le droit, puisqu'il

23 y a un accord". Il y a une nuance entre les deux positions. Quel est votre

24 sentiment ?

25 M. Domazet (interprétation). - Je dois de nouveau en revenir à la

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1 stratégie. Compte tenu que, dans la stratégie générale qui régit la

2 conduite de la guerre, dans le cadre des différents processus de

3 civilisations que nous vivons et notamment de l'informatique, il est très

4 important et parfois tout à fait significatif de constater la présence de

5 certains éléments. Je dois dire qu'à ce moment-là, ni du côté croate, ni

6 du côté bosniaque, il n'était absolument décidé d'utiliser cette stratégie

7 et, pour autant que je le sache, cette stratégie n'a pas été suffisamment

8 utilisée et donc n'a pas fourni malheureusement les résultats qu'elle

9 aurait pu fournir.

10 M. le Président. - Vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question,

11 Amiral, je ne sais pas si c'est de la stratégie ou de la tactique, mais ce

12 n'était pas tout à fait ma question. Je voulais savoir simplement si, dans

13 cette sorte d'occupation partielle d'aide logistique de la Croatie en

14 Bosnie centrale, est-ce qu'à un moment donné, au cours des événements,

15 avez-vous eu le sentiment que M. Izetbegovic et les forces musulmanes

16 disaient "Ah ! Appliquons cet accord pour que nous soyons militairement

17 plus forts". C'était ma seule question, cela n'allait pas plus loin,

18 puisqu'accord il y avait. J'essayais de savoir si cet accord finalement,

19 au moment des événements, a pu être invoqué non pas par une partie -la

20 Croatie- mais par les deux parties. Quand il y a un accord, vous me

21 concéderez qu'il y a un accord entre deux parties. C'était ma question,

22 mais peut-être que vous ne pouvez pas y répondre.

23 M. Domazet (interprétation). - J'essaie vraiment, Monsieur le Président,

24 et je vous prie de m'excuser si j'ai mal compris la question, je vais

25 faire de mon mieux pour répondre à votre question, ce sera d'ailleurs un

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1 plaisir pour moi. Donc voyons si j'ai bien compris la question. Il

2 existait un accord et votre question, Monsieur le Président, compte tenu

3 de l'existence de cet accord est la suivante : est-ce que les dirigeants

4 bosniens ont utilisé cet accord et dans quelle mesure se sont-ils appuyés

5 sur cet accord ? Est-ce que je vous ai bien compris ?

6 M. le Président. – Oui, car j'ai cru comprendre que les dirigeants croates

7 se sont appuyés, eux, sur cet accord.

8 M. Domazet (interprétation). - A mon avis, cet accord n'a pas été utilisé,

9 pas suffisamment. J'essaie de me rappeler, je pense qu'il aurait pu être

10 utilisé mieux que cela, cela aurait été plus utile.

11 M. le Président. - Merci Amiral. J'ai une dernière question à vous poser.

12 L'accusé est ici -le colonel Blaskic-, à l'époque, je n'ai pas bien saisi

13 sa chaîne de commandement supérieur. Autrement dit, qui commandait le

14 colonel Blaskic et était-ce un commandement lié aux forces croates. ?

15 Est-ce que c'était le Gal Bobetko, est-ce que c'était...

16 M. Domazet (interprétation). - Pour autant que je le sache et je répète

17 pour autant que je le sache, le Gal Blaskic ne relevait pas d'une chaîne

18 de commandement impliquant le Gal Bobetko. Le Gal Blaskic était commandant

19 de la zone opérationnelle de Bosnie centrale et dans la structure

20 verticale de commandement, il dépendait de l'état-major du conseil croate

21 de la défense, du HVO, c'est ce qu'on appelle dans la chaîne de

22 commandement, la subordination au sein de l'armée.

23 M. le Président. - D'après vous, c'est à ce niveau-là que se faisait

24 l'articulation avec la République de Croatie ?

25 M. Domazet (interprétation). - Sur quelle base parlez-vous ? Sur la base

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1 de la zone opérationnelle ou de l'état-major ?

2 M. le Président. - La zone opérationnelle dépendait d'un état-major, vous

3 venez de le dire. Je vous demandais si au niveau de cet état-major il y

4 avait un lien militaire, tactique, stratégique avec les forces croates ?

5 Ou en tout cas, la République de Croatie ?

6 M. Domazet (interprétation). - Compte tenu du fait que l'on parle d'une

7 zone se situant au niveau de cette porte tout à fait capitale pour la

8 défense, il est possible qu'il ait existé diverses coordinations, mais pas

9 des rapports de commandement. Le terme "coordination" signifie dans une

10 certaine mesure qu'il y a accord ponctuel de tel ou tel, chacun sur son

11 territoire de façon à assurer la défense. Coordination, c'est cela le

12 concept.

13 M. le Président. - Si le rapport existait de coordination.

14 M. Domazet (interprétation). - Dans le sens d'une coordination, mais pas

15 d'un commandement.

16 M. le Président. - En temps de guerre, vous serez d'accord avec moi que la

17 coordination est extrêmement importante.

18 M. Domazet (interprétation). - Eh bien, elle est importante. La

19 coordination signifie que les forces qui se trouvent sur ce territoire

20 mènent à bien une mission déterminée et que les forces qui se trouvent sur

21 ce territoire le font aussi, car la menace était permanente d'une

22 fermeture de cet étau.

23 (Le témoin désigne les endroits sur la carte.)

24 M. Domazet (interprétation). - C'est la raison pour laquelle la

25 coordination était indispensable, mais entre coordination et commandement

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1 sur le plan militaire, dans un sens militaire, il existe une différence

2 fondamentale.

3 M. le Président. - Bien écoutez, Amiral, j'en ai terminé. Il nous reste à

4 vous remercier. J'ai noté au passage qu'à une question du Bureau du

5 Procureur vous avez pu définir où était un certain nombre d'archives, le

6 Procureur pourra en tirer profit dans le cadre d'autres instances et je

7 vous en remercie beaucoup puisque vous êtes un élément central de la

8 coopération de votre pays.

9 Je voudrais terminer en incitant à travers votre exemple, Amiral, les

10 pays, le vôtre, mais tous les autres pays concernés, à une coopération

11 totale, entière et loyale devant ce Tribunal. Ce Tribunal n'est pas

12 composé de juges qui font semblant d'être juges, ils sont mandatés par le

13 conseil de sécurité dans le cadre d'un statut et en vertu de standards

14 internationaux élevés, le Tribunal dispose des outils pour, fermement,

15 demander à tous les Etats concernés la meilleure des coopérations, c'est

16 d'abord et en premier lieu l'intérêt de celui qui est ici, c'est-à-dire

17 l'accusé, et c'est notre devoir à tous.

18 Amiral, soyez remercié d'être venu jusqu'ici. Cela a été long, mais je

19 crois que c'était nécessaire.

20 A présent, Monsieur le Greffier, nous pouvons demander... sauf si

21 Maître Nobilo a une question... C'est le versement des pièces peut-être,

22 non ? Vous avez une question à poser, Maître Nobilo ?

23 M. Nobilo (interprétation). - Non, Monsieur le Président, c'est un détail,

24 un détail tout à fait infime.

25 L'accusé, lui aussi, fait partie de ce procès. Il m'a envoyé un message

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1 stipulant que la déclaration de l'amiral, qui a énuméré les forces armées

2 composant les forces armées de Bosnie-Herzégovine... Il y a eu une erreur

3 dans le compte-rendu, après que l'amiral ait mentionné l'armée de Bosnie-

4 Herzégovine, l'armée de la Republika Srpska et le HVO, ce qui a été

5 inscrit au compte-rendu, c'est HV. Donc il convient de corriger cette

6 erreur.

7 M. le Président. - Monsieur le Greffier, il faudra faire très attention à

8 ce transcript, car il y a eu beaucoup de problèmes. Loin de moi l'idée de

9 critiquer nos interprètes qui font une tâche vraiment exténuante, mais

10 néanmoins il faut que les transcripts, notamment quand on s'y reporte par

11 la suite, soient fiables non pas à 99 % mais à 100 %.

12 Demain... Je rappelle que nous ne siégions que de demain matin, de

13 9 heures 45 à 13 heures 30, avec deux pauses (je le dis pour les

14 interprètes). A présent, il est 6 heures moins 5, je remercie les

15 interprètes d'avoir prolongé et je donne rendez-vous demain matin à

16 9 heures 45. L'audience est levée.

17 L'audience est levée à 17 heures 55.

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