Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL  Affaire IT-95-14-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3  

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   Tihomir BLASKIC

  7         Jeudi 17 décembre 1998

  8  

  9   L’audience est ouverte à 10 heures 15.

 10  

 11   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Introduisez l'accusé.

 12   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 13   Je salue les interprètes. Je salue les conseils de l'accusation,

 14   les conseils de la défense, ainsi que l'accusé. Je vous prie d'excuser mon

 15   retard, ce n'est pas celui de mon collègue, pour différentes raisons. Nous

 16   reprenons, Maître Nobilo.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

 18   Nous avons un nouveau témoin, Tomislav Rajic.

 19   M. le Président. - Il n'est pas protégé donc ?

 20   M. Nobilo (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Non,

 21   aucune mesure de protection n'a été demandée.

 22   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 23   M. le Président. - M'entendez-vous, Monsieur, c'est le Président qui vous

 24   parle.

 25   M. Rajic (interprétation). - Oui.


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  1   M. le Président. - Vous nous donnez votre nom, votre profession,

  2   votre résidence et, ensuite, vous prêterez serment. Nous vous écoutons.

  3   M. Rajic (interprétation). - Je m'appelle Tomislav Rajic. Je

  4   suis né le 25 mai 1959 à Travnik. J'ai obtenu un diplôme de l'université

  5   de droit. Je suis actuellement, en tant que réfugié, résidant de la

  6   municipalité de Vitez, à savoir de Guca Gora : 1 B, municipalité de

  7   Travnik. C'est mon adresse exacte.

  8   M. le Président. - Si vous pouvez prêter serment sur la formule

  9   que va vous tendre M. l'huissier...

 10   M. Rajic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 11   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Vous avez accepté

 13   de venir témoigner, à la demande de la défense, dans le cadre du procès

 14   attenté contre le général Blaskic, l'accusé, ici présent. Vous allez

 15   d'abord répondre aux questions de la défense puis, ensuite, aux questions

 16   du Procureur et certainement aussi les questions des juges. Maître Nobilo.

 17   C'est à vous.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Monsieur Rajic.

 19   Vous vous êtes déjà présenté, mais pourriez-vous nous dire,

 20   avant le début des hostilités en Bosnie-Herzégovine, avant le conflit,

 21   quelle était votre profession ?

 22   M. Rajic (interprétation). - Après les premières élections

 23   démocratiques libres qui se sont tenues en décembre 1990, le

 24   20 février 1991, j'ai été nommé secrétaire général de  la municipalité, au

 25   niveau de la municipalité pour la défense nationale. J'ai occupé ce poste


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  1   jusqu'au 31 décembre 1993.

  2   Après quoi, je suis devenu chef de la brigade du HVO de Travnik

  3   et j'ai occupé ce poste jusqu'au 20 mai 1994. A ce moment-là, j'ai été

  4   transféré à nouveau à la municipalité et, à ce moment-là, j'ai travaillé

  5   dans la section de l'administration et des services sociaux.

  6   Après le 27 novembre 1996, j'ai été nommé responsable des

  7   autorités municipales de Travnik qui se trouvait à Nova Bila, à savoir la

  8   partie croate des autorités de Travnik.

  9   Après les élections en 1997, dans le cadre des autorités

 10   conjointes, j'ai été nommé Président du Conseil municipal de Travnik,

 11   poste que j'ai occupé jusqu'au 24 novembre de cette année. A ce moment-là,

 12   j'ai remis ma démission parce que j'étais mécontent du travail des entités

 13   conjointes de la municipalité de Travnik.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Au cours de votre témoignage, nous

 15   nous concentrerons sur la période de votre vie lorsque vous étiez

 16   secrétaire municipal de la défense nationale de la municipalité de

 17   Travnik, à savoir la période entre 1992 et 1993. C'est la période sur

 18   laquelle nous allons nous concentrer, donc.

 19   Mais avant de parler de vos fonctions à proprement parler,

 20   pourriez-vous nous dire la chose suivante : après les premières élections

 21   libres, comment fonctionnait le gouvernement civil de Travnik, quelle

 22   était sa structure, la structure des autorités civiles ? Ces autorités

 23   regroupaient-elles à la fois des Croates, des Musulmans et des Serbes ?

 24   M. Rajic (interprétation). - Eh bien, la structure des autorités

 25   municipales était telle que des élections locales ont été organisées pour


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  1   nommer l'Assemblée municipale. L'Assemblée municipale regroupait soixante

  2   membres représentant les trois nationalités vivant à Travnik.

  3   Le Président de l'Assemblée municipale était le plus haut

  4   représentant des autorités municipales. Il avait un secrétaire et l'entité

  5   exécutive -si je puis dire- des autorités municipales était le Conseil

  6   exécutif de l'Assemblée municipale. D'ailleurs, ces conseils existaient

  7   partout en Bosnie-Herzégovine, notamment à Travnik. Ce Conseil exécutif

  8   avait également des sous-

  9   divisions, par exemple le département chargé des Affaires économiques et

 10   des finances, nous appelions cela des secrétariats, à l'époque. Il y avait

 11   un Secrétariat pour les affaires administratives et sociales. Il y avait

 12   également le Secrétariat chargé de la Défense civile. Il y avait un

 13   Secrétariat chargé des Affaires intérieures qui s'occupait notamment de la

 14   police, etc.

 15   M. Nobilo (interprétation). - Si nous devions comparer cette

 16   structure avec une structure d'Etat, pourrions-nous dire que le Conseil

 17   exécutif de l'Assemblée municipale de la Ville pouvait être comparé avec

 18   ce qui est au niveau de l'Etat, le gouvernement lui-même ?

 19   M. Rajic (interprétation). - Oui, effectivement, c'était le

 20   gouvernement municipal.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Ce que l'on appelle des ministères

 22   au niveau d'un Etat correspondent au Secrétariat municipal ?

 23   M. Rajic (interprétation). - Effectivement.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Le seul Secrétariat qui nous

 25   intéresse aujourd'hui est le Secrétariat pour la Défense nationale.


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  1   S'agissait-il d'une entité civile ou d'une entité militaire ?

  2   M. Rajic (interprétation). - Ces entités étaient exclusivement

  3   civiles. Mais ils détenaient certaines responsabilités vis-à-vis de

  4   certains bâtiments ou structures militaires. Par exemple, lorsque le HVO a

  5   lancé un appel à la mobilisation à la demande des entités militaires, le

  6   Secrétariat a exécuté certaines fonctions dans ce sens, même si les

  7   responsables de ces Secrétariats étaient des civils.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Qui était votre supérieur

  9   immédiat ?

 10   M. Rajic (interprétation). - C'était le Président du Conseil

 11   exécutif de l'Assemblée municipale.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, il était

 13   responsable du Conseil exécutif civil. Et qui était son supérieur ?

 14   M. Rajic (interprétation). - C'était le Président de l'Assemblée

 15   municipale.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Au sein des entités

 17   municipales, vous avez dit qu'il y avait un Secrétariat chargé de la

 18   défense nationale. Pouvez-vous décrire quelle était la structure interne

 19   de ce Secrétariat dont vous étiez le responsable ? Et pourriez-vous nous

 20   dire quelles sous-sections composaient ce Secrétariat ?

 21   M. Rajic (interprétation). - Le Secrétariat pour la défense

 22   nationale était composé de trois entités. A leur tête se trouvait donc le

 23   responsable. Il y avait notamment le département ou la sous-division de

 24   l'armée ; la deuxième était celle de la défense civile, et le troisième

 25   était la section d'observation et d'information -telle qu'on l'appelait à


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  1   l'époque. Pour ce qui est des compétences de chacune de ces sous-

  2   divisions, l'entité qui s'occupait de l'armée conservait les noms de tous

  3   les hommes aptes au service militaire, des conscrits potentiels donc.

  4   Cette entité maintenait ou conservait le nom des hommes. Dès

  5   qu'ils atteignaient l'âge de 17 ans, leur aptitude au service militaire

  6   était vérifiée ; cela, c'était lorsqu'ils atteignaient 18 ans. Ensuite,

  7   ces jeunes hommes étaient envoyés faire leur service militaire lorsqu'ils

  8   atteignaient l'âge de 19 ans. C'était la règle générale. Par conséquent,

  9   cette entité était responsable du service militaire.

 10   Elle conservait également le nom des personnes qui avaient fait

 11   leur service militaire, mais qui étaient maintenant soldats de réserve

 12   pour la JNA et la Défense territoriale. Il y avait également des dossiers

 13   personnels qui étaient conservés, dossiers personnels d'officiers de

 14   réserve, membres de la police militaire de réserve également. Il y avait

 15   un service de transmission de courrier qui était organisé de sorte que les

 16   conscrits recevaient directement leur convocation.

 17   Et puis, il y avait également des listes relatives à des entités

 18   civiles, lorsqu'il y avait une menace imminente de guerre. Des civils

 19   devaient remplir leurs obligations de travail vis-à-vis de telle

 20   entreprise. C'était donc la section de l'armée ou la section militaire qui

 21   devait se charger de ces différentes tâches.

 22   La deuxième sous-division n'envisageait pas de service actif

 23   dans la défense civile, mais il y avait en fait deux éléments principaux.

 24   Il y avait des unités de la défense civile -je parle d'unité ayant pour

 25   mission des missions de nature générale-, des unités donc à partir


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  1   desquelles des pelotons de travail étaient formés. Il y avait également

  2   des unités spéciales chargées des premiers soins lorsqu'il y avait des

  3   blessés, chargées de déblayer des débris lorsque des bâtiments étaient

  4   endommagés, et puis qui étaient chargées d'autres missions également.

  5   Alors que la troisième sous-section du Secrétariat chargé de la 

  6   défense nationale était le centre d'observation et d'information.

  7   Ce centre fonctionnait 24 heures/24 heures. Tout incident, tout

  8   événement néfaste qui se produisait dans la municipalité leur était

  9   signalé. Ce centre devait également observer les mouvements aériens au-

 10   dessus de la municipalité, dans la mesure du possible. En fait, ce centre

 11   rassemblait des informations qui m'étaient transmises. Ensuite, je les

 12   transmettais au président du Conseil exécutif ou bien au président de

 13   l'Assemblée municipale au cas où les circonstances étaient exceptionnelles

 14   ou bien si une urgence se présentait dans la municipalité.

 15   M. Nobilo (interprétation). - La structure des autorités, telle

 16   que vous venez de la décrire, s'est maintenue plus ou moins jusqu'à

 17   l'été 92. A moment-là, une division s'est produite, n'est-ce pas ! Avant

 18   cela, l'Assemblée municipale a cessé de fonctionner. Comment les autorités

 19   se sont-elles scindées et selon quels critères ?

 20   M. Rajic (interprétation). - Eh bien, à la fin de 1991, certains

 21   problèmes se sont présentés dans le travail de ces entités et de ces

 22   autorités conjointes, notamment au sein des secrétariats dont j'ai parlés.

 23   Ces entités ont été constituées d'après les résultats des

 24   élections. Le nombre de voix remporté, par chacun des partis nationaux, se

 25   reflétait dans les structures municipales. Les Serbes ont été les premiers


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  1   à quitter les autorités conjointes. Ils se sont simplement retirés. Et les

  2   entités élues ont cessé de fonctionner. Disons que, de façon officielle,

  3   les mêmes entités ont été maintenues jusqu'en été 1992.

  4   Pour ce qui est de mon secrétariat, nous sommes restés dans les

  5   mêmes locaux. Mais chaque individu, membre du secrétariat, travaillait

  6   pour les intérêts, si je puis dire, de son groupe ethnique. Les Musulmans

  7   de Bosnie ont formé leur propre présidence qui a assumé les compétences de

  8   l'Assemblée. Il y avait donc deux entités parallèles disposant des mêmes

  9   pouvoirs, des mêmes compétences. La seule différence étant que la première

 10   autorité était composée de personnes appartenant à un groupe ethnique, la

 11   deuxième à un autre groupe ethnique.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Parlons maintenant du groupe

 13   croate qui occupait les postes dans les autorités. Vous avez dit que

 14   toutes les personnes, travaillant dans les autorités, travaillaient aux

 15   intérêts de leur propre groupe ethnique.

 16   C'est surtout le secrétariat de la défense nationale qui nous

 17   intéresse. Dans ce secrétariat, y a-t-il eu des changements

 18   d'organisation ? Les pratiques et les activités de ce secrétariat ont-

 19   elles changé, notamment dans l'application d'éventuels textes de lois et

 20   de réglementations ?

 21   M. Rajic (interprétation). - Pour ce qui est des changements qui

 22   se sont produits, ils se sont d'abord exercés au niveau du personnel.

 23   Les services se sont maintenus en l'état, mais ce sont les noms

 24   des personnes qui ont changé ou les noms des services. Ce qui était le

 25   secrétariat auparavant a été baptisé département, département de


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  1   l'Economie et des Finances par exemple ou département de la Défense.

  2   Ensuite, des changements se sont opérés dans le personnel

  3   puisque nous avons été divisés selon des critères ethniques. Cependant

  4   nous avons continué à coexister les uns avec les autres.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, l'organisation est

  6   restée la même.

  7   Avant de poursuivre et de passer à ma question suivante,

  8   j'aimerais demander l'aide de l'huissier pour distribuer une loi de la

  9   République socialiste fédérative de Yougoslavie.

 10   Nous en avons également des exemplaires pour les interprètes.

 11   Nous sommes heureux de vous dire que nous avons un exemplaire de cette

 12   pièce en français.

 13   M. le Président. – J'en suis très heureux, maître Nobilo. Vous

 14   avez fait travailler jour et nuit un interprète français.

 15   M. Dubuisson. - Document D492, D492a pour la version française

 16   et D492b pour la version anglaise.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Le premier document est la version

 18   croate de ce document. Avant de passer au texte à proprement parler,

 19   veuillez nous dire la chose suivante : dans la République socialiste

 20   fédérative de Yougoslavie, il y avait des lois fédérales et des lois au

 21   niveau des Républiques, n'est-ce pas ?

 22   M. Rajic (interprétation). – Oui.

 23   M. Nobilo (interprétation). – Les deux lois, je parle des lois

 24   fédérales, étaient valables sur tout le territoire et les lois prises au

 25   niveau de la République n'étaient valables que dans le territoire de la


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  1   République où elles avaient été adoptées. Mais en Bosnie-Herzégovine, les

  2   lois fédérales et les lois de Bosnie-Herzégovine étaient en vigueur n'est-

  3   ce pas ?

  4   M. Rajic (interprétation). – Oui.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande de jeter un œil à

  6   ce décret, dont je vous lirai une partie de l'article premier, notamment

  7   la deuxième phrase : "Les unités de travail obligatoire sont organisées en

  8   y affectant des citoyens soumis au travail obligatoire et non affectés aux

  9   forces armées ou soumis au travail obligatoire dans les organes du

 10   ministère de l'Intérieur". Pourriez-vous nous expliquer cette phrase s'il

 11   vous plaît ?

 12   M. Rajic (interprétation). – Oui, je peux vous expliquer. En ex-

 13   Yougoslavie, nous

 14   avions tous une tâche à accomplir en cas de guerre ou en cas de menace

 15   imminente de guerre. Tous ceux qui n'étaient pas affectés aux unités de la

 16   JNA, tous ceux qui ne faisaient pas partie des forces de réserve dans la

 17   Défense territoriale, dans les unités de la défense civile ou dans les

 18   entités du ministère de l'Intérieur étaient soumis à des obligations de

 19   travail.

 20   Ces obligations pouvaient être effectuées dans le cadre

 21   d'entreprises qui devaient théoriquement continuer à fonctionner en cas de

 22   guerre ou de menace imminente de guerre. Certaines entreprises étaient

 23   considérées comme étant cruciales en cas de guerre. Par conséquent, les

 24   employés de ces entreprises, qui occupaient des postes très importants,

 25   étaient affectés ou plutôt restaient dans le cadre de leur propre


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  1   entreprise pour y effectuer leur travail obligatoire.

  2   Mais ces personnes qui ne travaillaient pas dans ce type

  3   d'entreprises étaient soumises au travail obligatoire dans d'autres

  4   endroits. Ils devaient, par exemple, charger et décharger certaines

  5   cargaisons, ils devaient assurer la sécurité de certains locaux, etc.

  6   M. Nobilo (interprétation). – Peut-on dire par conséquent qu'il

  7   était prévu de par la loi que tous les citoyens devaient contribuer à la

  8   défense de leur pays soit en participant aux activités de l'armée soit en

  9   exécutant des tâches obligatoires ?

 10   M. Rajic (interprétation). – Oui, c'étaient un droit et une

 11   obligation de tous les citoyens. Ils devaient participer à la défense de

 12   leur pays. Chacun d'entre nous avait une tâche spécifique dans les

 13   différents domaines que j'ai mentionnés.

 14   M. Nobilo (interprétation). – Par conséquent, si une personne

 15   n'était pas intégrée à l'armée, elle était soumise au travail

 16   obligatoire ?

 17   M. Rajic (interprétation). – Oui. Disons que dans la hiérarchie

 18   des tâche à exécuter, le travail obligatoire était la dernière, la plus

 19   basse, parce que la priorité était de constituer des unités dans la JNA ou

 20   dans la défense nationale, puis ensuite dans la Défense territoriale et

 21   les personnes qui ne correspondaient pas à ce type d'obligation étaient

 22   soumises

 23   au travail obligatoire.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, ceux qui n'étaient

 25   pas intégrés au rang de l'armée ?


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  1   M. Rajic (interprétation). – Oui.

  2   M. Nobilo (interprétation). - Passons maintenant à l'article 3

  3   de ce décret. Il est dit que des unités sont organisées, des unités de

  4   travail obligatoires, qu'il y a des escadrons, des bataillons et même des

  5   brigades. Il s'agit là de termes militaires.

  6   Cela veut-il dire qu'ils deviennent des unités militaires ou

  7   s'agit-il, là encore, des entités civiles mêmes s'ils portent des noms

  8   militaires. Je parle de ces groupes de civils.

  9   M. Rajic (interprétation). - Non, il s'agissait exclusivement

 10   d'unités, d'entités civiles. Ces groupes pouvaient être rattachés à des

 11   unités militaires. C'est pourquoi les noms ont été maintenus ainsi. Il

 12   s'agissait d'unités civiles.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'on parlait d'un peloton ou

 14   d'une compagnie, vous saviez très bien combien de personnes le

 15   composaient, n'est-ce pas ?

 16   M. Rajic (interprétation). - Oui, par exemple les unités

 17   pouvaient être composées de 15 hommes ou de 70 hommes. On savait au moins

 18   combien de personnes constituaient tel ou tel groupe, c'est pourquoi ce

 19   type de termes militaires étaient utilisés.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Je vais lire l'article 4 qui est

 21   extrêmement pertinent, ensuite je vous poserai une question.

 22   Je cite : "Les unités de travail obligatoire destinées aux

 23   besoins de forces armées en guerre sont organisées en temps de paix sur

 24   ordre de l'organe municipal compétent, pris en réponse à une demande de

 25   l'autorité compétente du ressort militaire...", (fin de citation).


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  1   "...En guerre, si les forces armée nécessitaient des hommes pour

  2   des activités militaires ou des activités de combat, que l'organe

  3   municipal compétent n'est pas en mesure d'émettre l'ordre visé au

  4   paragraphe premier du présent article, les unités de travail

  5   obligatoire sont organisées sur ordre de l'officier chargé de l'autorité

  6   compétente du ressort militaire, ou sur ordre d'officiers militaires

  7   occupant le poste de commandant, ou un poste équivalent ou supérieur.

  8   L'officier commandant ci-après", (fin de citation).

  9   Pourriez-vous interpréter cet article ? En règle générale, qui

 10   organisait ces unités ?

 11   M. Rajic (interprétation). - En règle générale, c'était le

 12   Conseil exécutif de l'Assemblée municipale, dans des conditions normales.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, c'est une autorité

 14   civile, n'est-ce pas ? Quand l'armée a-t-elle établi ou organisé

 15   directement des unités de travail obligatoire ?

 16   M. Rajic (interprétation). - Lorsque les autorités civiles ne

 17   fonctionnaient plus. Par conséquent, à moment là, sur demande de

 18   l'officier commandant, une certaine unité de travail obligatoire peut être

 19   établie.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Faisons une digression, si vous le

 21   voulez bien, pour donner un exemple spécifique.

 22   A votre connaissance, à Vitez et à Busovaca, en 1992 et 1993,

 23   mais surtout en 1993, les autorités civiles de la municipalité

 24   fonctionnaient-elles ?

 25   M. Rajic (interprétation). - A ma connaissance, oui.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Passons à l'article 6, j'aimerais

  2   vous lire certaines parties de cet article qui, je pense, sont

  3   pertinentes.

  4   L'article 6 dit la chose suivante, je cite : "Lorsqu'elle

  5   s'acquitte des fonctions et tâches nécessaires pour les besoins des forces

  6   armées, les unités de travail obligatoire peuvent se voir assigner les

  7   tâches suivantes :

  8   N°1. Travaux de fortification...".

  9   Et ensuite, à la ligne 4, à partir de la fin de ce paragraphe,

 10   je ne vais pas le lire dans son intégralité, il est dit : "Il peut y avoir

 11   des tâches visant à creuser des abris" ; et puis : "Il peut y avoir

 12   l'exécution d'autres travaux dans les directions, les secteurs et les

 13   zones de combat

 14    qui assurent la meilleure exécution possible des missions des unités des

 15   forces armées", (fin de citation).

 16   Ma question est donc la suivante. Conformément à cet article,

 17   une unité de travail obligatoire pouvait-elle être utilisée pour

 18   participer à des travaux de fortification dans des zones de combat ?

 19   M. Rajic (interprétation). - Oui, mais il y a également le

 20   point 7 qui laisse toujours la possibilité d'utiliser ces unités à

 21   d'autres fins, toujours pour répondre aux besoins des forces armées. C'est

 22   ainsi que nos textes de loi étaient formulés. Il est dit explicitement

 23   quelles sont les tâches que de telles unités peuvent accomplir, mais ils

 24   envisagent également les choses pour lesquelles les unités ne peuvent pas

 25   être utilisées.


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  1   En effet, toutes les situations spécifiques ne peuvent pas être

  2   citées précisément dans un texte de loi et il était tout à fait naturel,

  3   de plus, que de telles unités travaillent dans des zones de combat.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Très bien. Donc ceci était

  5   logique, n'est-ce pas ? Après tout, les fortifications sont généralement

  6   nécessaires dans les zones de combat !

  7   M. Rajic (interprétation). - Oui, effectivement.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Il s'agissait bien de la ligne de

  9   front, n'est-ce pas ?

 10   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Dans l'article 7, il est question

 12   de procédure.

 13   Je vais lire cet article parce que je pense que c'est un article

 14   important. Je cite : "L'officier commandant compétent présente à l'organe

 15   municipal compétent, précisant tous les éléments nécessités par

 16   l'organisation des unités de travail obligatoire,(le nombre et les

 17   effectifs des unités de travail obligatoire, la structure et

 18   l'organisation de chaque unité, pour quels besoins elles sont organisées,

 19   le secteur et la durée de la mission, le mode et le lieu de réception des

 20   unités militaires, le matériel, les outils et les machines nécessaires

 21   pour l'unité,

 22   etc.", fin de citation.

 23   L'article 8 dit également la chose suivante, je cite : "En

 24   fonction de la demande de l'officier commandant compétent, l'organe

 25   municipal compétent organisme les unités de travail obligatoire, affecte


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  1   les personnes assujetties au travail obligatoire à leur poste, affecte les

  2   équipements et matériels, et les animaux, conformément à la réglementation

  3   relative au travail obligatoire des citoyens, ainsi que des organisations

  4   de base et autre travail collectif, etc.", fin de citation.

  5   Peut-on dire par conséquent que ce texte précise la personne qui

  6   peut demander l'établissement d'une unité de travail obligatoire et qui

  7   est chargée de sa mise en place ? Y avait-il donc cette division de tâches

  8   entre les autorités militaires et civiles, entre la personne qui demande

  9   l'organisation de cette unité et la personne qui s'en charge ? Qui

 10   sélectionne les personnes qui vont être membres de cette unité ? Une

 11   autorité civile ?

 12   M. Rajic (interprétation). - Eh bien lorsqu'il est effectivement

 13   nécessaire d'établir ce type d'unité, l'officier commandant s'adresse aux

 14   autorités municipales, notamment au secrétariat de la défense, et demande

 15   qu'un certain nombre de personnes soient mobilisées ou regroupées pour

 16   exécuter certaines tâches.

 17   Puisque ce secrétariat pour la défense détient une liste des

 18   personnes, des hommes, aptes au service militaire, puisqu'elle détient une

 19   liste des personnes chargées de la mobilisation (en quelque sorte), et

 20   peut donc se mettre en contact avec les personnes concernées, eh bien

 21   c'est cette entité municipale qui contacte les personnes afin qu'elles

 22   viennent prendre leur fonction dans une unité, quelle que soit l'unité

 23   concernée d'ailleurs.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Pour simplifier les choses, peut-

 25   on dire que les autorités militaires formulent une certaine demande :


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  1   "Nous avons besoin de 30 personnes en 24 heures" par exemple, et que ce

  2   sont ensuite les autorités civiles qui vont choisir les personnes qui vont

  3   participer à l'unité ?

  4   M. Rajic (interprétation). - Oui.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, le choix des

  6   personnes qui vont être envoyées, par exemple pour creuser des tranchées,

  7   dépend des autorités civiles ?

  8   M. Rajic (interprétation). - Oui. Ce sont les autorités civiles

  9   qui contactent les personnes qui vont exécuter les tâches demandées.

 10   M. Nobilo (interprétation). - Passons maintenant à une autre

 11   question s'il vous plaît.

 12   M. Dubuisson - Document D493, 493a pour la version française,

 13   493b pour la version anglaise.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur Rajic, c'est le

 15   document D493. Il s'agit d'un décret de la République qui se réfère à la

 16   Défense nationale. Est-ce le décret relatif à l'organisation du travail

 17   obligatoire en République de Bosnie-Herzégovine ?

 18   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 19   M. Nobilo (interprétation). - P     assons maintenant, s'il vous

 20   plaît, à l'article 2, dernier alinéa. On y sous-entend que sous les tâches

 21   et fonctions, dont on parle dans l'article premier, on compte également

 22   les équipements, les constructions d'abris, de fortifications, de ponts et

 23   de routes, et d'autres travaux.

 24   Nous allons être concrets. Est-ce que sous la définition ou le

 25   terme "fortification", on peut considérer les tranchées ? Est-ce que,


Page 15886

  1   d'après vous, dans la terminologie de l'ex-JNA, on comprenait "sous la

  2   fortification" également "creusement des tranchées" ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Oui, ce sont les tranchées, les

  4   axes de communication, toutes les fortifications de ce genre-là.

  5   M. Nobilo (interprétation). - L'article 4 : il est stipulé que

  6   les équipes de travail obligatoire sont approvisionnées avec le matériel

  7   et l'équipement technique, etc. Est-ce que c'est ce dont vous avez parlé :

  8   qu'il faut d'abord compléter les unités opérationnelles et ensuite

  9   ce qui reste pour les pelotons de travail ?

 10   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 11   M. Nobilo (interprétation). - On va parler des articles 5 et 6.

 12   Si vous voulez bien les regarder, on ne va pas les citer. Est-ce qu'il en

 13   ressort clairement quelle est la responsabilité des autorités civiles pour

 14   la formation des pelotons de travail ?

 15   M. Rajic (interprétation). - Oui. J'en ai déjà parlé, je pense,

 16   tout à l'heure. Chaque municipalité avait le plan de la défense, on

 17   prévoyait également les pelotons de travail dans ce cadre-là, en cas de

 18   guerre. Mais dans la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés, ce

 19   qui avait déjà existé, cela a été également écarté parce qu'il n'y avait

 20   plus de trois groupes ethniques. Mais, de toute façon, nous avons repris

 21   pratiquement la même méthodologie de travail.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Je vais donner lecture de

 23   l'article 9 : "Le Secrétariat municipal pour la défense nationale est

 24   chargé du recrutement, de la tenue des dossiers et de la notification de

 25   leurs affectations prévues aux personnes affectées aux équipes de travail


Page 15887

  1   obligatoire, ainsi que de l'appel de ces équipes quand leur ordre de

  2   recrutement est donné pour exécuter les fonctions et tâches de l'article 2

  3   du présent décret."

  4   Est-ce qu'il s'agit du même règlement dont vous avez parlé, à

  5   savoir que les autorités civiles, ce Secrétariat de la défense nationale

  6   est celui qui recrute et mobilise les personnes qui vont travailler dans

  7   les pelotons de travail ?

  8   M. Rajic (interprétation). - Oui.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Je vais demander le document

 10   suivant, s'il vous plaît.

 11   M. Dubuisson. - Document D494, D494a pour la version anglaise.

 12   M. le Président. - Il n'y a pas de version française, Maître

 13   Nobilo. Votre traducteur était épuisé, je suppose.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Il ne faut pas s'attendre à

 15   beaucoup de choses. Et puis,

 16   les interprètes ont travaillé dur.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, dans la

 18   pièce à conviction n° 38, je pense qu'il y a une version française. Je

 19   suis pratiquement sûr que ceci pourrait vous aider, Monsieur le Président.

 20   M. le Président. - Dans la pièce à conviction 38 ?

 21   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Il

 22   s'agit de ces nombreux documents qui ont été utilisés au cours de la

 23   déposition du Pr Pajic, lorsque M. Cayley menait l'interrogatoire. Si je

 24   ne m'abuse, Monsieur Dubuisson, je pense qu'il s'agit de l'intercalaire 2

 25   de ces documents.


Page 15888

  1   M. le Président. - Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

  2   Procureur. Allez-y, poursuivez, Maître Nobilo.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, je vais attirer votre

  4   attention sur les trois articles qui sont pertinents. Ils ne sont pas

  5   longs, je vais en donner lecture. On parle des tâches des citoyens pour la

  6   défense : "Chaque citoyen a le devoir de défendre le territoire et, dans

  7   ce sens-là, il doit tout d'abord remplir son obligation militaire, son

  8   obligation de travail, troisièmement, son obligation de participer à la

  9   protection civile, quatrièmement, son obligation de participer dans le

 10   service d'observation et de reconnaissance et, cinquièmement, une

 11   obligation matérielle.

 12   Les citoyens sont affectés, conformément à l'article et les

 13   points 1, 2 et 3 de cet article.

 14   Ensuite, l'obligation de travail (article 4) : "tous les

 15   citoyens ayant atteint 16 ans ont l'obligation de participation à cette

 16   obligation de travail. Cette obligation de travail est demandée en cas de

 17   menace en Bosnie et selon les plans de direction et les ordres du HVO.

 18   L'article 5 : l'obligation de travail ne comprend pas les

 19   personnes qui travaillent aux forces armée, les femmes âgées de plus de

 20   55 ans, les femmes enceintes et les hommes dont

 21   l'âge dépasse 65 ans."

 22   Monsieur Rajic, pourriez-vous nous dire si l'obligation de

 23   travail a été résolue selon le même principe au niveau de la Communauté

 24   Herceg-Bosna, comme c'était le cas en Bosnie-Herzégovine ou en

 25   Yougoslavie ?


Page 15889

  1   M. Rajic (interprétation). – Oui, cela a été repris. Il y a

  2   quelques différentes terminologiques.

  3   M. Nobilo (interprétation). – Avez-vous eu également les textes

  4   de lois subordonnés à ce décret qui régularisent  cette obligation de

  5   travail ou c'était l'unique document ?

  6   M. Rajic (interprétation). - C'était l'unique document.

  7   M. Nobilo (interprétation). - Dans cette situation-là, quelle

  8   était votre pratique ? Quels étaient les règlements auxquels vous vous

  9   êtes référés dans vos activités ? Parce qu'il s'agit d'un travail de base

 10   et il ne réglemente pas d'une manière complète vos activités ?

 11   M. Rajic (interprétation). - Vu l'expérience au niveau du

 12   Secrétariat pour la Défense, on a su comment procéder, bien évidemment.

 13   Puis il y avait des règlements et il y avait la loi en ex-République

 14   socialiste de Bosnie-Herzégovine et de Yougoslavie.

 15   M. Nobilo (interprétation). – D'après vos souvenirs, est-ce que

 16   la communauté Herceg-Bosna a mis en suspens un certain nombre de lois ou

 17   de décrets ?

 18   M. Rajic (interprétation). - Je ne le sais pas. Je ne le pense

 19   pas.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

 21   terminé l'interrogatoire principal, nous allons demander que les documents

 22   D493, D494 et D492 soient versés au dossier comme pièces à conviction de

 23   la défense. Mais je vois que dans le compte rendu que l'interprète de la

 24   cabine anglaise n'a pas entendu la dernière réponse du témoin.

 25   Je répète donc ma question.


Page 15890

  1   Est-ce que vous savez si la Communauté croate d'Herceg-Bosna

  2   avait mis en suspens les règlements et la loi de Bosnie-Herzégovine ?

  3   Pouvez-vous, s'il vous plaît, répéter ce que vous avez dit tout à l'heure,

  4   monsieur le témoin.

  5   M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas. Je ne pense pas

  6   qu'il y ait eu de règlements ou de lois qui ont été suspendus parce que

  7   nous avons repris pratiquement et avons travaillé selon la même

  8   expérience.

  9   M. Nobilo (interprétation). – Je vous remercie. Nous demandons

 10   que soient versées au dossier les trois pièces à conviction.

 11   M. le Président. – Il n'y a pas d'objection, d'autant que

 12   certaines pièces avaient déjà été versées par l'accusation, n'est-ce pas ?

 13   M. Kehoe (interprétation). – Il n'y a pas d'objection.

 14   M. le Président. – Monsieur Rajic, c'est au Bureau du Procureur

 15   de vous poser des questions par rapport à l'interrogatoire principal.

 16   Monsieur Kehoe, allez-y.

 17   M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 18   Bonjour, Monsieur Rajic. Bonjour mes collègues de la partie

 19   adverse. Je me présente? je m'appelle Greg Kehoe, je travaille pour le

 20   Bureau du Procureur avec les collègues qui sont assis à ma droite, à

 21   commencer par M. Mark Harmon et, à sa droite, M. Cayley.

 22   Monsieur Rajic, j'aimerais vous poser quelques questions, ce

 23   matin. Nous pourrions peut-être commencer rapidement par la pièce à

 24   conviction D452. Je crois que c'est ce document de la RSFY dont vous venez

 25   de parler. Avez-vous ce document ? Sinon je demanderai l'aide de


Page 15891

  1   l'huissier

  2   M. le Président. – 452 ?

  3   L'Interprète. – 492, pardon.

  4   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, examinons donc ce

  5   document. C'est un document qui, semble-t-il, a été publié dans le Journal

  6   Officiel de la RSFY, le 8 juillet 1993.

  7   Est-ce exact ?

  8   M. le Président. – 8 juillet 1983.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, nous avons tellement

 10   parlé de 1993 dans ce procès qu'il faut que je fasse un effort pour

 11   supprimer dix ans. Il s'agit de 1983.

 12   Monsieur Rajic, ce document est un document qui a été adopté par

 13   ce qui était à l'époque la République fédérale socialiste de Yougoslavie,

 14   a été un document contraignant pour toutes les Républiques, n'est-ce pas,

 15   c'est-à-dire pour la Slovénie, la Croatie, le Serbie, le Monténégro, la

 16   Voïvodine, le Kosovo. Bien sûr, on peut leur appliquer des dénominations

 17   différentes. Ce n'est pas le sujet qui nous occupe.

 18   Ces règlements étaient contraignants pour toutes ces régions et

 19   toutes ces républiques, n'est-ce pas ?

 20   M. Rajic (interprétation). - Oui, pour l'ensemble du territoire

 21   de la Yougoslavie.

 22   M. Kehoe (interprétation) - Il y avait des organismes

 23   représentatifs pour toutes ces entités qui existaient en 1983, n'est-ce

 24   pas ?

 25   M. Rajic (interprétation). - Oui, il y avait... Cet organisme


Page 15892

  1   était l'assemblée de la République.

  2   M. Kehoe (interprétation) - Dans ces instances, on votait ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Oui.

  4   M. Kehoe (interprétation) - Bien entendu, nous savons qu'un vote

  5   destiné à créer une organisation comme celle-ci, nous savons qu'un scrutin 

  6   a eu lieu au niveau des Républiques, et a donné lieu à une loi en date du

  7   8 juillet 1983. C'était un texte réglementant les obligations de travail ?

  8   M. Rajic (interprétation). - Ce n'était pas une loi. C'était un

  9   décret, la loi est arrivée plus tard sur la base du décret. C'est sur la

 10   base de la loi de la défense populaire que le décret a été voté, décret

 11   qui organisait les différentes circonstances liées aux obligations de

 12   travail.

 13   M. Kehoe (interprétation) - Merci pour votre correction,

 14   Monsieur Rajic. Nous parlons pour l'essentiel de l'adoption d'un document

 15   qui s'est faite de façon démocratique, c'est-à-dire dans des circonstances

 16   où les gens ont eu la possibilité de parler, de discuter, de débattre des

 17   avantages relatifs de cette loi, avant de décider d'appliquer la loi en

 18   question. Cela a abouti au décret que nous voyons ici, sous la forme de la

 19   pièce à conviction  492.

 20   Est-ce que nous pouvons convenir tous les deux que c'est bien

 21   ainsi que les choses se sont bien passées ?

 22   M. Rajic (interprétation). - A cette époque, c'était la façon de

 23   voter ces actes. Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit.

 24   M. Kehoe (interprétation) - Bien. J'aurais dû en fait, en même

 25   temps que la pièce à conviction de la défense 492, vous faire remettre la


Page 15893

  1   pièce de la défense 493. Je demande qu'elle soit remise au témoin

  2   maintenant.

  3   Avez-vous ce texte, Monsieur Rajic ?

  4   M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est le décret relatif à la

  5   Bosnie-Herzégovine, de la République.

  6   M. Kehoe (interprétation) - D'une façon absolument démocratique,

  7   le décret qui constituait la pièce à conviction de la défense 492 existe

  8   d'abord au niveau fédéral pour, ensuite, être repris dans d'autres textes

  9   au niveau des Républiques. Nous avons entre les mains, à présent, le

 10   document relatif à la République de Bosnie-Herzégovine qui, je crois, est

 11   paru au journal officiel de la République socialiste de Bosnie-

 12   Herzégovine, le 10 décembre 1984. Est-ce bien cela ?

 13   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 14   M. Kehoe (interprétation) - Là encore, l'adoption de ce texte

 15   s'est faite de façon démocratique, n'est-ce pas ?

 16   C'est à l'issue d'un débat démocratique que le texte du décret a

 17   été voté ?

 18   M. Kehoe (interprétation) - Oui, les débats ont eu lieu dans les

 19   organes compétents pour l'adoption de ce décret.

 20   M. Kehoe (interprétation) - Vous nous avez fait remarquer qu'en

 21   décembre 1990, c'est-à-dire quelques années après la parution de ces deux

 22   décrets, se sont tenues les premières élections libres ?

 23   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 24   M. Kehoe (interprétation) - Mais avant d'en arriver aux

 25   élections, il y a un point que j'ai omis de mentionner. Je reviendrai donc


Page 15894

  1   dans les deux documents dont nous venons de parler. Dans ces deux décrets,

  2   je vous demanderai si vous avez lu ces deux décrets, avant de venir ici

  3   aujourd'hui ?

  4   M. Rajic (interprétation). - C'était mon travail. J'étais donc

  5   dans l'obligation de lire ce texte puisque depuis 1991 jusqu'en 1993,

  6   j'étais dirigeant d'un bureau qui était responsable et avait pour

  7   obligation de connaître les décrets applicables par son secrétariat.

  8   M. Kehoe (interprétation) - Je suppose qu'en tant que juriste,

  9   et en tant que juriste de qualité, vous étiez au courant de l'existence

 10   des dispositions des Conventions de Genève et saviez que certaines d'entre

 11   elles s'appliquent à l'emploi de civils pour le travail, n'est-ce pas ?

 12   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 13   M. Kehoe (interprétation) - Vous saviez également que la

 14   République socialiste de Yougoslavie était signataire des Conventions de

 15   Genève ?

 16   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 17   M. Kehoe (interprétation) - Je vous prierai de jeter un coup œil

 18   de plus près à ces documents, je parlais des pièces. Je parle des pièces à

 19   conviction de la défense 492 et 493, je sais que vous avez entre les mains

 20   le document 493, mais j'aimerais que vous repreniez en même temps le

 21   document 492. Si vous ne l'avez pas, l'huissier pourrait peut-être vous le

 22   remettre.

 23   Ces deux documents autorisent-ils la JNA, ou le ministère de la

 24   Défense, ou l'administration responsable de la Défense, d'utiliser des

 25   civils ou de contraindre des civils à creuser des tranchées ou des


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  1   fortifications, comme l'a dit M. Nobilo, de contraindre des civils à

  2   creuser des tranchées sur des lieux de combat dangereux. Est-ce qu'il y a

  3   quoi que ce soit dans ces textes qui autorise ce genre de choses, car je

  4   suis sûr que c'est illégal en vertu des Conventions de Genève. En tant que

  5   juriste, vous avez dû lire ces textes ?

  6   M. Rajic (interprétation). - Il ne s'agissait pas de civils,

  7   mais de citoyens de Bosnie-Herzégovine dont l'obligation était une

  8   obligation de travail. Selon les textes en vigueur à l'époque, en ex-

  9   Yougoslavie, il s'agissait de quelque chose de légal, c'est-à-dire qu'une

 10   loi permettait d'engager à des tâches particulières des personnes soumises

 11   à cette obligation de travail.

 12   M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Rajic, en réponse aux

 13   questions de M. Nobilo, n'avez-vous pas dit aux juges que les personnes

 14   qui étaient soumises à ces obligations de travail n'étaient pas des

 15   civils ?

 16   N'avez-vous pas dit cela ?

 17   M. Rajic (interprétation). - Nous étions tous des civils, dans

 18   l'état dont je parle, à condition de ne pas être des militaires de

 19   carrière. En cas de guerre ou de menace imminente de guerre, nous avions

 20   une obligation en droit, une obligation légale contraignante d'effectuer

 21   un certain nombre de travaux. Et tout employé, tout paysan, tout citoyen

 22   habitant la ville ou la campagne avaient ces obligations de travail très

 23   strictement déterminées. Toute personne ne participant pas l'effort de

 24   guerre au niveau militaire avait une obligation de travail, et la

 25   définition précise des tâches couvertes par l'obligation de travail figure


Page 15896

  1   dans les documents.

  2   Il s'agit d'une activité légale; est-ce que c'était bon ou pas

  3   bon, on peut en discuter, mais c'était une activité légale.

  4   M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Rajic, ma question va

  5   maintenant être très simple : avez-vous dit ou n'avez-vous pas dit à

  6   M. Nobilo, il y a quarante cinq minutes environ, que les personnes qui

  7   effectuaient ces travaux étaient des civils ?

  8   M. Hayman (interprétation). - Question posée qui a déjà obtenu

  9   réponse. Le compte rendu comporte la réponse.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous bien supporter mon

 11   intervention sans m'interrompre, merci.

 12   M. Hayman (interprétation). - Cette question a déjà été posée,

 13   la réponse a été apportée, cette question est erronée sur le plan de la

 14   forme. Le compte rendu stipule ce que le témoin a répondu au cours de

 15   l'interrogatoire principal. Donc il ne devrait pas interroger le témoin en

 16   lui disant "page tant et tant, paragraphe tant et tant". Nous ne sommes

 17   pas ici face à un questionnaire destiné à tester la mémoire du témoin.

 18   M. le Président. - Calmez-vous, Maître Hayman. Reposez votre

 19   question, Maître Kehoe, s'il vous plaît. J'invite le témoin à répondre

 20   clairement. Maître Kehoe, reposez votre question clairement et que le

 21   témoin y réponde clairement. Très courte, votre question, très courte !

 22   M. Kehoe (interprétation). - Une question très courte. En

 23   réponse aux questions de l'interrogatoire principal, en réponse aux

 24   questions posées par Me Nobilo, avez-vous dit ou n'avez-vous pas dit que

 25   les personnes qui effectuaient ces travaux étaient des civils ? N'avez-


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  1   vous pas dit cela ?

  2   M. le Président. - Monsieur Rajic, c'est aux Juges que vous

  3   répondez. Alors, quelle est votre réponse ?

  4   M. Rajic (interprétation). - Ma réponse est la suivante. Toute

  5   personne qui n'était pas engagée au sein d'une unité militaire était un

  6   civil engagé à d'autres tâches relevant de la défense, à savoir obligation

  7   de travail, défense civile, renseignements et observations, et

  8   également astreintes financières.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Les Conventions de Genève

 10   interdisent-elles l'emploi de civils sur des fronts, sur des positions

 11   dangereuses ?

 12   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, vous n'avez

 13   pas autorisé le Pr Degan à parler des Conventions de Genève. Donc il nous

 14   est difficile d'admettre que ces questions soient posées à notre collègue

 15   qui a des connaissances en la matière, bien sûr.

 16   M. le Président. - Le témoin occupait une position officielle et

 17   administrativo-politique. A condition de ne pas lui demander un cours sur

 18   les Conventions de Genève, je pense que la question peut lui être posée.

 19   Et arrêtons de nous interrompre les uns les autres, sinon c'est moi qui

 20   reprendrai les questions à mon compte.

 21   Allez-y, Maître Kehoe. Vous répondez si vous savez. Si vous ne

 22   savez pas, vous répondez tout simplement que vous ne savez pas.

 23   Poursuivez.

 24   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, en outre

 25   cette question sort du champ dans la mesure où ce témoin dépose sur ce


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  1   qu'est une loi étrangère dans le domaine des faits, comme le Juge

  2   Shahabuddeen l'a souligné. Cette question ne porte pas sur le contenu des

  3   lois, mais elle consiste à dire : "Voilà, dites-nous, la Convention de

  4   Genève dit cela et cela, vous vous dites ça et ça". Donc c'est exactement

  5   la distinction que le Tribunal, que la Chambre a déjà établie

  6   précédemment.

  7   M. le Président. - La distinction est complexe à mettre en

  8   oeuvre. Ce n'est pas la première fois que je le dis. C'est une distinction

  9   qui est d'ailleurs directement issue de nos textes, qui eux-mêmes sont

 10   repris d'un système judiciaire. J'ai déjà dit à plusieurs reprises que,

 11   premièrement, c'est une distinction qui est extrêmement subtile à mettre

 12   en place et à organiser et que, deuxièmement, nous tenons de nos textes, à

 13   nous, les Juges, la possibilité suprême de connaître la vérité, c'est

 14   notre mission. Nous avons un témoin qui peut quand même donner son avis

 15   pour savoir si on peut utiliser les civils, dans le cadre des Conventions

 16   de Genève par

 17   rapport à des textes qu'il a été chargé de mettre en application.

 18   Si ce n'est pas une question de Me Kehoe, de Me Hayman, alors

 19   c'est une question du Juge Jorda.

 20   Veuillez répondre, Monsieur Rajic.

 21   M. Rajic (interprétation). - Mon travail à moi, personnellement,

 22   était concentré sur les réglementations de l'ex-Yougoslavie. Donc les

 23   Conventions de Genève, je ne saurais les interpréter.

 24   M. le Président. - La question était de savoir si vous vous êtes

 25   posé à un moment donné la question de savoir si on peut creuser des


Page 15899

  1   tranchées dans le cadre de ce texte, et si vous avez eu une idée que cela

  2   pouvait sortir d'un champ légal ; c'est tout !

  3   On ne va pas vous demander un cours sur les Convention de

  4   Genève. Si d'ailleurs le Procureur vous le demandait, je vous arrêterais

  5   et j'arrêterais le Procureur.

  6   La question est très claire, je la revendique en mon propre nom.

  7   Est-ce qu'à un moment donné, en appliquant à la lettre ces textes, vous

  8   vous êtes posé la question en envoyant des personnes creuser des tranchées

  9   de savoir si cela vous paraissait possible, oui ou non ? C'est le Juge

 10   Jorda qui vous la pose, cette question, veuillez répondre s'il vous plaît.

 11   M. Rajic (interprétation). - J'avais l'impression que c'était

 12   légal.

 13   M. le Président. - Posez une autre question.

 14   M. Kehoe (interprétation). - En tant que juriste, Monsieur

 15   Rajic, vous conviendrez avec moi que le droit national n'a pas préséance

 16   sur les Conventions de Genève ?

 17   M. Hayman (interprétation). - En dehors du champ et c'est le

 18   genre de témoignage d'expert , de témoignage juridique, que nous n'avons

 19   pas été autorisé à obtenir de nos témoins précédemment.

 20   M. le Président. - Monsieur le Procureur, posez une autre

 21   question. J'ai moi-même repris la question à mon compte, mais je vous ai

 22   demandé de poser une autre question.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

 24   passerai à une autre question. Revenons aux élections libres et reprenons

 25   les deux documents de la défense, documents de la défense 492 et 493, pour


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  1   en parler. Les premières élections libres et démocratiques se sont

  2   déroulées en ex-Yougoslavie en décembre 1990, n'est-ce pas ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Je ne sais pas exactement si

  4   c'était le mois de décembre, mais en tout cas c'était effectivement à la

  5   fin de l'année 1990.

  6   M. Kehoe (interprétation). - Très bien, mais y a-t-il eu

  7   d'autres élections démocratiques dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine

  8   après ces élections libres qui se sont déroulées après la fin de 1990 ?

  9   M. Rajic (interprétation). - Il n'y a pas eu d'autres élections.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Bien. Alors, si vous le voulez

 11   bien, j'aimerais bavarder quelques instants avec vous au sujet de la pièce

 12   à conviction suivante. Je sais que vous, vous aviez entre les mains la

 13   pièce 494, je crois, au sujet de la création des forces armées en Croatie.

 14   Peut-on remettre ce texte à M. Rajic ?

 15   Monsieur le Président, je vous redis qu'il s'agit de la

 16   pièce 38C, intercalaire 2 en version française.

 17   M. le Président. - Cela me permet de suivre plus facilement.

 18   Merci, allez-y, posez votre question.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Moi, j'utilise la pièce de la

 20   défense parce que c'est plus facile à manipuler. Monsieur Rajic, est-ce

 21   que vous avez ce document entre les mains ?

 22   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, ce document a été

 24   adopté par la communauté croate d'Herceg-Bosna le 3 juillet 1992, si je ne

 25   m'abuse, n'est-ce pas ?


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  1   M. Rajic (interprétation). - Oui.

  2   M. Kehoe (interprétation). - Les Musulmans ont-ils voté au sujet

  3   de ce texte ?

  4   M. Rajic (interprétation). - Je ne sais pas. Il y avait des

  5   Musulmans qui étaient au sein du HVO. Mais est-ce qu'un de leurs membres

  6   était présent à cette réunion de l'Assemblée ? Je ne le sais pas. S'il y

  7   était, il a voté. Mais je sais en tout cas qu'il y avait des Musulmans au

  8   sein du HVO. Donc, s'ils étaient présents à l'Assemblée, ils ont voté.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Mais Monsieur, conviendriez-vous

 10   qu'à ce moment-là il existait un gouvernement légitime en Bosnie-

 11   Herzégovine, un gouvernement établi après les élections libres de 1990 et

 12   dont le siège était à Sarajevo, n'est-ce pas ? Donc des représentants

 13   légitimes de ce gouvernement ?

 14   M. Rajic (interprétation). - En 1992, à cette époque précise, je

 15   considère qu'il n'existait pas de gouvernement légal puisque certains ont

 16   abandonné leurs activités et leur poste. Il n'est resté que quelques

 17   représentants d'autres peuples au sein de ce gouvernement. Peut-être

 18   pouvait-on avoir l'impression peut-être que c'était un gouvernement, mais

 19   ce n'était pas le gouvernement qui avait été élu à l'issue des élections

 20   libres et démocratiques.

 21   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, ce document en

 22   particulier, cette loi particulière est la loi dont vous avez parlé avec

 23   Me Nobilo, et c'est également la loi qui a été appliquée à la création

 24   d'unités de travail et au fait que des Musulmans de Bosnie ont été

 25   contraints de creuser des tranchées ou de creuser des fortifications ou de


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  1   faire d'autres types de travaux. N'est-ce pas cette loi qui a été utilisée

  2   à cette fin ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Cela, c'est vous qui le dites. Moi,

  4   je n'ai pas dit cela. Ce décret n'a été adopté qu'à la mi-92, or nous

  5   avions des pelotons de travail avant cette date. Les pelotons de travail

  6   n'ont pas été créés pour que les Croates ne contraignent que les Musulmans

  7   à effectuer des tâches de travail. Dans ces pelotons de travail, il y

  8   avait tous les citoyens d'un territoire déterminé qui n'étaient pas

  9   utilisés à l'accomplissement d'autres tâches obligatoires.

 10   M. Kehoe (interprétation). - Nous parlons à présent de la pièce

 11   à conviction de la défense 494, n'est-ce pas, qui a été utilisée dans

 12   votre déposition. N'a-t-elle pas été utilisée pour prouver que vous aviez

 13   légalement l'autorisation de créer ces unités de travail, n'est-ce pas

 14   l'objectif qui était poursuivi dans la présentation de cette pièce à

 15   conviction ?

 16   M. Hayman (interprétation). - Objection quant à la fin

 17   poursuivie par le représentant de l'accusation en présentant cette pièce.

 18   Présenter une pièce est notre travail, ce n'est pas le travail du témoin.

 19   M. le Président. - Objection accordée, vous avez raison.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Je vais reformuler ma question,

 21   Monsieur Rajic. Quelle était l'autorité légale sur laquelle vous vous êtes

 22   appuyé en 1992 et 1993 et par la suite pour créer ces unités de travail ?

 23   Sur quelle loi fondiez-vous votre décision ?

 24   M. Rajic (interprétation). - Les unités de travail existaient

 25   déjà avant l'adoption de ce décret relatif aux forces armées, parce que le


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  1   conflit avait déjà commencé. Mais la nécessité qui est survenue plus tard

  2   de répondre à certains besoins du point de vue du travail nous a poussés à

  3   envoyer des gens exécuter ces diverses tâches.

  4   M. Kehoe (interprétation). – Après cette adoption de cette loi,

  5   en 1992, êtes-vous d'accord pour dire que c'est la loi précise qui a été

  6   utilisée, la loi qui a été discutée au cours de l'interrogatoire principal

  7   par Me Nobilo. La loi portant création des forces armées de la communauté

  8   croate de Herceg-Bosna n'est elle pas la loi que vous-mêmes et d'autres

  9   membres du HVO avaient utilisée pour la création des unités de travail

 10   dans lesquelles on trouvait des Musulmans, des Croates, des Roms, etc.

 11   N'est-ce pas cette loi précise ? Si ce n'est pas cette loi, quelle loi

 12   avez-vous utilisée ?

 13   M. Rajic (interprétation). -  Ce décret ne réglementait pas,

 14   dans le détail, les modalités de création et d'emploi, mais les décrets de

 15   l'ancienne République fédérale étaient ceux que nous utilisions, nous

 16   appliquions concrètement dans notre travail.

 17   M. Kehoe (interprétation). - Je vais essayer de voir un peu ce

 18   que Me Nobilo a lu au cours de son interrogatoire principal. L'article 3

 19   de ce document, pièce à conviction de la

 20   défense 494, article 3, et corrigez-moi si je me trompe, je lis : "Tout

 21   citoyen de la communauté croate d'Herceg-Bosna aura pour devoir de

 22   défendre et de faire respecter l'intégrité territoriale de la communauté

 23   croate d'Herceg-Bosna, et donc l'obligation de…(et là, nous avons le

 24   petit 2) exécuter une obligation de travail". N'est-ce pas, monsieur, le

 25   passage lu par Me Nobilo, au cours de l'interrogatoire principal ?


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  1   M. Rajic (interprétation). - Ceci est repris de la loi de la

  2   défense populaire de la RSFY, et de la loi de la République de Bosnie.

  3   M. Kehoe (interprétation). - N'est-ce pas cette disposition de

  4   la loi, monsieur Rajic, que vous avez utilisée pour créer ces unités de

  5   travail ?

  6   M. Rajic (interprétation). - Nous avons appliqué les décrets

  7   relatifs aux forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Dans la

  8   pratique, nous avons travaillé sur la base des décrets qui organisaient

  9   dans la pratique les forces de travail parce qu'ici, c'est un décret de la

 10   Bosnie-Herzégovine qui réglemente les obligations et les droits des

 11   citoyens en temps de guerre, alors que le décret relatif à l'organisation

 12   et à l'engagement des unités de travail sont des règlements que nous avons

 13   hérités de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, en tant que

 14   République socialiste et hérités, également, des règlements de la RSFY qui

 15   étaient applicables à l'ensemble de la Yougoslavie par le passé.

 16   M. Kehoe (interprétation). – Donc la réponse à ma question est

 17   oui, n'est-ce pas ? Ce sont bien les éléments juridiques que vous avez

 18   appliqués dans l'accomplissement de vos tâches.

 19   M. Rajic (interprétation). - C'était une partie des textes

 20   juridiques que nous appliquions dans notre travail.

 21   M. Kehoe (interprétation). – Et qu'appliquiez-vous d'autre ?

 22   Quelle autre loi existait-il qui vous permettait de contraindre les

 23   Musulmans à entrer dans des unités de travail ?

 24   M. Hayman (interprétation). - Question posée qui a déjà reçu

 25   réponse.


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  1   M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, dans les

  2   questions est toujours présente une affirmation qui n'a pas été dite, qui

  3   n'a pas été formulée par ce témoin. Mon collègue de l'accusation ne cesse

  4   de dire : "Selon quelle loi vous avez agi pour forcer les Musulmans à

  5   creuser" ? Or, ce témoin n'a forcé aucun Musulman à creuser. Il

  6   travaillait à Travnik et s'il forçait quiconque à creuser, il forçait les

  7   Croates, alors que les Musulmans forçaient les Musulmans à creuser à

  8   partir de Sarajevo. Pourquoi est-ce que mon collègue fait intervenir dans

  9   la question quelque chose qui n'a pas été dit ?

 10   M. le Président. – Ecartez votre dernière observation, maître

 11   Nobilo, parce que je crois qu'il est tout à fait du droit du Procureur de

 12   poursuivre à travers ses questions, le but qu'il s'est assigné.

 13   Par contre, c'est vrai que sur la première question, cela fait

 14   plusieurs fois que vous avez posé la question au témoin.

 15   Moi, je vous poser une autre question, plus pragmatique. Est-ce

 16   que vous avez beaucoup de questions encore ? Il y a un problème de pause

 17   qui va se poser, donc on peut peut-être faire la pause maintenant ou est-

 18   ce que vous comptiez terminer avant la pause ?

 19   M. Kehoe (interprétation). - Il en reste encore quelques-unes.

 20   M. le Président. - Nous allons suspendre pour 20 minutes.

 21   L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures.

 22   M. le Président. – L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 23   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 24   M. le Président. – Bien, nous pouvons reprendre nos travaux dans

 25   le calme et la sérénité. Monsieur  Kehoe, allez-y.


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  1   M. Kehoe (interprétation). – Toujours, monsieur le Président,

  2   toujours. Excusez-moi, monsieur Rajic. Cela fait longtemps que nous

  3   passons du temps ensemble, nous avons quelques petites plaisanteries entre

  4   nous.

  5   Monsieur l'Huissier, avant de vous rasseoir, s'il vous plaît,

  6   pouvez-vous vérifier que le témoin a toujours la pièce qui nous intéresse

  7   sous les yeux. Monsieur Rajic, je vous demanderais de regarder la pièce à

  8   nouveau, la pièce 494. La pièce que vous avez lue avec Me Nobilo. Je vous

  9   invite à consulter l'article 3 de ce décret, s'il vous plaît.

 10   M. Rajic (interprétation). – Eh bien, je ne peux pas suivre les

 11   numéros. Est-ce que vous pouvez me dire. J'ai les trois documents et, je

 12   dois dire que je ne sais pas de quel document il s'agit.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Je parle du journal officiel, du

 14   décret paru dans le journal officiel sur la communauté croate d'Herceg-

 15   Bosna.

 16   M. le Président. – Vous parlez de l'Herceg-Bosna, n'est-ce pas

 17   maître Kehoe ? Si j'ai bien compris.

 18   M. Kehoe (interprétation). – Oui, c'est cela, monsieur le

 19   Président.

 20   M. le Président. – Vous voyez, monsieur Rajic ? C'est la pièce

 21   n° 494, monsieur l'Huissier, vous pouvez l'aider. Allez-y.

 22   M. Kehoe (interprétation). – Je vous invite à consulter la

 23   disposition que vous avez lue avec Me Nobilo, les dispositions de

 24   l'article 3. Pourriez-vous lire la première phrase de l'article 3, si vous

 25   plaît ?


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  1   M. Rajic (interprétation). – "Chaque citoyen de la communauté

  2   croate de Herceg-Bosna a le devoir de défendre l'intégrité territoriale.

  3   Tout d'abord, l'obligation immunitaire, l'obligation de travail,

  4   l'obligation de participer à la protection civile, l'obligation de

  5   participer à l'observation et information et, cinq, obligation

  6   financière".

  7   M. Kehoe (interprétation). – Dans la même phrase, il est dit que

  8   les citoyens

  9   doivent protéger défendre l'indépendance et l'intégrité territoriale de la

 10   communauté croate d'Herceg-Bosna. La communauté  croate de Herceg-Bosna a-

 11   t-elle jamais était reconnue par la communauté internationale en tant que

 12   pays ?

 13   M. Rajic (interprétation). – En tant qu'Etat, non, à ma

 14   connaissance.

 15   M. Kehoe (interprétation). – Eu égard à ce décret, en

 16   particulier, sur les forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna,

 17   les autorités de Sarajevo ont-elles consultées avant l'adoption de ce

 18   texte ?

 19   M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Quelles ont été les conclusions

 21   finales du gouvernement légitime ou du gouvernement qui se trouvait à

 22   Sarajevo ? Quelles ont été ces conclusions sur ce décret relatif aux

 23   forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 24   M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas, que le gouvernement

 25   dont vous parlez, s'était déclaré en ce qui concerne le décret sur les


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  1   forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Je pense qu'il ne

  2   s'est même pas déclaré au sujet, il ne s'est pas prononcé sur ce décret.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, où avez-vous obtenu

  4   votre diplôme de droit ? A l'université de Sarajevo ou ailleurs ?

  5   M. Rajic (interprétation). – A Sarajevo et à Zenica, le

  6   département à Zenica.

  7   M. Kehoe (interprétation). - Je comprends. Vous connaissez

  8   l'existence du tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

  9   pas ?

 10   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous parler de cette cour

 12   constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine aux Juges ?

 13   M. le Président. – Je pense, maître Kehoe, là je relaie les

 14   objections précédentes… Vous ne pouvez pas demander quand même au témoin

 15   plus qu'il n'apporte par sa compétence.

 16   Que vous lui demandiez ce qu'il peut penser de l'article 3 sur

 17   l'indépendance du territoire, quelle indépendance ; je le crois.

 18   Maintenant, lui demander ce qu'est le tribunal constitutionnel de Bosnie

 19   et ce qu'il a à voir avec cela, c'est peut-être à mon avis lui demander

 20   plus qu'il ne peut apporter dans le débat judiciaire qui nous occupe.

 21   Reformulez votre question, en restant autour de ce décret de la

 22   Herceg-Bosna.

 23   M. Kehoe (interprétation). – Oui, monsieur le Président. Eh bien

 24   je vais aller au cœur de ma question pour suivre vos conseils. Monsieur

 25   Rajic, je voudrais vous montrer une partie la pièce 38, à savoir le n° 22.


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  1   Il existe un exemplaire en français de ce document, monsieur le Président.

  2   Il s'agit de la pièce 38b, sous-pièce 22.

  3   M. le Président. - Je suis comblé puisque, sur le

  4   rétroprojecteur, c'est la version française qui a été inscrite !

  5   M. Kehoe (interprétation). - Il y a toujours des miracles qui

  6   sont possibles, Monsieur le Président.

  7   M. le Président. - C'est plutôt à la cabine de traduction

  8   anglaise que vous devriez vous adresser. Allez-y.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, il s'agit d'une

 10   décision prise par la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine en date

 11   du 18 septembre 1992. Dans cette décision ou dans ce décret, nous allons

 12   aller au cœur de ma question...

 13   Excusez-moi... Est-ce bien la décision de la Cour

 14   constitutionnelle que vous avez sous les yeux ?

 15   M. le Président. - C'est un décret, qui est en français

 16   d'ailleurs, et qui porte sur les options du décret, avec force de loi. Il

 17   y a un petit problème, essayons de clarifier cela.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, avez-vous sous les

 19   yeux le décret paru dans le Journal Officiel de la Bosnie-Herzégovine en

 20   date du 18 septembre 1992 ?

 21   M. Dubuisson. - Non, il s'agit du document 38/23.

 22   M. le Président. - Maître Kehoe, vous voulez montrer quel texte

 23   au témoin ? Que ce soit bien clair.

 24   M. Kehoe (interprétation). - J'essaie de montrer à ce témoin le

 25   texte de la décision de la Cour constitutionnelle du 18 septembre 1992.


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  1   M. le Président. - Ce texte est au Journal Officiel du

  2   18 septembre 1992. Il porte effectivement la cote 38B pour la version

  3   française, document 38/23.

  4   Nous sommes d'accord ? Est-ce que la défense est au point pour

  5   le débat ? D'accord ? Oui. Et est-ce que le témoin a bien ce texte ?

  6   M. Rajic (interprétation). - J'ai l'Officiel du

  7   18 septembre 1992 et je sais pas si vous parlez de cela ?

  8   M. le Président. - Oui, c'est bien. Allez-y, Maître Kehoe.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, une décision a été

 10   rendue, n'est-ce pas ? Je vous invite donc à consulter cette décision

 11   rendue par la Cour constitutionnelle. Il est dit : "Les points suivants

 12   ont été déclarés nuls et non avenus".

 13   Il est question notamment du décret sur les forces armées de la

 14   communauté croate de Herceg-Bosna qui a été adopté le 3 juillet 1992 par

 15   la présidence de la communauté croate de Herceg-Bosna.

 16   Vous êtes d'accord avec moi pour dire que, sur la base de cette

 17   décision, la Cour constitutionnelle de Sarajevo a déclaré nul et non avenu

 18   le décret adopté par la communauté croate de Herceg-Bosna ?

 19   M. Rajic (interprétation). - Premièrement, c'est la première

 20   fois que je vois le texte en question. Deuxièmement, au cours de cette

 21   période, il n'y avait pas de communications possibles entre Sarajevo et

 22   Travnik par exemple, où je me trouvais. C'est pourquoi, non seulement moi-

 23   même, mais nous autres, on n'était pas en possibilité d'avoir quelque

 24   chose dans ce genre-là entre les mains, car Sarajevo était encerclée.

 25   C'était un blocus total, il n'y avait


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  1   aucune communication avec les autorités centrales en Bosnie-Herzégovine, à

  2   ma connaissance.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Vous savez, n'est-ce pas, Monsieur

  4   Rajic, que cette décision a été prise le 18 septembre 1992 ?

  5   M. Rajic (interprétation). - Non, je ne suis pas conscient de ce

  6   fait. Je n'ai pas le temps et je ne peux pas lire tout le document. Je ne

  7   vois pas de quoi il s'agit.

  8   M. Kehoe (interprétation) - Pour en rester avec le premier point

  9   de cette décision, elle a également déclaré nulle la décision relative à

 10   l'établissement de la communauté croate d'Herceg-Bosna, prise le

 11   18 novembre 1991 par des représentants démocratiquement élus du peuple

 12   croate en Bosnie-Herzégovine. Cette décision a également été déclarée

 13   nulle, n'est-ce pas, vous le voyez, ceci figure au point 1 de la

 14   décision ?

 15   M. Rajic (interprétation). - Je ne vois ce passage et je ne suis

 16   pas en mesure de discuter de façon compétente sur un texte que je vois

 17   pour la première fois, je ne vois pas où est le point 1, où est le point 5

 18   dont vous parlez, je ne le vois pas clairement.

 19   M. Kehoe (interprétation) - Laissez-moi vous poser la question

 20   suivante : après le 18 septembre 1992, sur la base du décret relatif aux

 21   forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna, vous et d'autres

 22   membres du HVO avez délivré des ordres visant à établir des pelotons de

 23   travail constitués de Musulmans, de Croates et de Serbes, et je suppose de

 24   Roms également ; nous avons entendu des témoignages sur la présence de

 25   Roms qui devaient aller creuser des tranchées ; là, il s'agit de la


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  1   période ultérieure à la date du 18 septembre 1992, c'est bien exact,

  2   n'est-ce pas ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Non. C'est sur la base du décret

  4   relatif aux forces armées, je n'ai pas donné l'ordre qu'un Musulman, quel

  5   qu'il soit, soit engagé au sein du peloton de travail, étant donné que

  6   nous, les Croates à Travnik, nous avons été dans une petite partie de la

  7   municipalité de Travnik et, à cet endroit, les pelotons de travail qui

  8   travaillaient dans le cadre de ma responsabilité et de ma compétence, il

  9   n'y avait que des Croates qui faisaient partie de

 10   ces pelotons et quelques Serbes qui se sont trouvés sur ce territoire.

 11   M. Kehoe (interprétation) - Qu'en était-il dans la municipalité

 12   de Vitez ? Des ordres ont-ils été délivrés afin que les Musulmans

 13   rejoignent ces unités à Vitez ?

 14   M. Rajic (interprétation). - Je ne savais pas qu'il y avait des

 15   ordres pour que les Musulmans soient obligés de travailler à Vitez ; moi,

 16   j'ai travaillé à Travnik.

 17   M. Kehoe (interprétation) - Mais en avez-vous entendu parler,

 18   Monsieur Rajic ?

 19   M. Rajic (interprétation). - Je n'ai pas entendu dire que

 20   quelqu'un avait été forcé. En ce qui concerne la mobilisation et la notion

 21   de mobilisation, c'est également en quelque sorte une force, une

 22   imposition aux personnes de joindre une des modalités de défendre son

 23   propre territoire, de participer dans ces pelotons de travail.

 24   M. Kehoe (interprétation) - Par conséquent, vous êtes en train

 25   de dire que, théoriquement, vous pouvez apercevoir des Musulmans vivant


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  1   dans la région de la vallée de la Lasva et se voyant forcés de creuser des

  2   tranchées, conformément à ce décret relatif aux forces armées, celui dont

  3   nous venons de parler, n'est-ce pas ?

  4   M. Rajic (interprétation). - Probablement qu'il y avait un

  5   certain nombre de Musulmans ou quelques Musulmans qui ont creusé les

  6   tranchées à Vitez, mais je sais qu'à un moment donné il y avait treize ou

  7   dix-huit membres de peloton de travail qui étaient des Croates qui ont été

  8   tués dans la région de Vitez, alors qu'en grande majorité ces pelotons de

  9   travail étaient composés de Croates et quelques Serbes qui avaient été

 10   tués comme membres de peloton de travail à Vitez, ça je le sais. Mais je

 11   n'ai pas entendu dire qu'il y avait un seul Musulman qui était membre de

 12   peloton de travail qui a été tué à cette époque-là, ni Roms.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Lorsque la guerre a éclaté, en

 14   avril 1993, et qu'on forçait la population à creuser des tranchées, des

 15   représentants du CICR, le Comité international de la Croix-Rouge, se sont-

 16   ils plaints aux autorités du HVO de ces activités, à savoir du fait que le

 17   HVO forçait certains individus à creuser des tranchées ?

 18   M. Rajic (interprétation). - Je ne savais pas qu'il y avait de

 19   tels cas de plaintes, mais j'avais des contacts avec les membres de la

 20   Croix-Rouge internationale et je n'en n'ai pas entendu parler.

 21   M. Kehoe (interprétation). – Savez-vous si la Croix-Rouge s'est

 22   plainte auprès du colonel Blaskic ?

 23   M. Rajic (interprétation). - Non.

 24   M. Kehoe (interprétation). - Vous dites également que vous ne

 25   savez pas si l'ECMM ou bien les Nations unies ont formulé des plaintes ?


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  1   M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas si ces plaintes ont

  2   été formulées. J'ai travaillé à Travnik, j'ai eu un certain nombre de

  3   contacts, et aujourd'hui également, avec les observateurs de la Communauté

  4   internationale. C'est nous qui avons  formulé les plaintes en ce qui

  5   concerne l'engagement des Croates de Travnik pour creuser les tranchées et

  6   pas uniquement pour le creusement de tranchées.

  7   M. Kehoe (interprétation). – Vous vous êtes plaint auprès des

  8   autorités internationales pour dire que vous obligiez des Croates à

  9   creuser des tranchées pour le compte du HVO ? C'est ce vous venez de

 10   dire ?

 11   M. Rajic (interprétation). – Eh bien, vous avez donné une autre

 12   formule, mais ce n'est pas de la même manière que je l'ai dit. Je répète

 13   ce que j'ai dit : j'ai dit que nous nous avons formulé les plaintes compte

 14   tenu du fait que par l'intermédiaire des observateurs européens, nous

 15   avons eu un certain nombre de contacts avec des familles qui sont restées

 16   à Travnik et que nous avons appris que les Croates ont été engagés pour

 17   creuser les tranchées de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine et ils

 18   ont creusé les tranchées, mais c'était une obligation.

 19   M. Kehoe (interprétation). - Je comprends. Peut-être que j'ai eu

 20   un problème d'interprétation, mais je crois vous avoir compris. Vous vous

 21   êtes plaint auprès de l'ECMM parce que vous pensiez que les autorités

 22   musulmanes forçaient les Croates de Bosnie à creuser des tranchées. C'est

 23   cela ?

 24   M. Rajic (interprétation). – Ce n'est pas que nous avons pensé.

 25   Moi je savais qu'on avait procédé de cette manière-là.


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  1   M. Kehoe (interprétation). – Et vous vous êtes plaint, monsieur

  2   Rajic, parce que vous saviez que ceci était illégal et inacceptable ?

  3   M. Rajic (interprétation). – Non, ce n'était pas illégal.

  4   C'était fondé sur la loi. C'était une question morale et pas de légalité.

  5   M. Kehoe (interprétation). – Je comprends, mais pourquoi vous

  6   êtes- vous plaint alors, si ces activités-là étaient légales ? Pourquoi

  7   vous êtes-vous plaint auprès de l'ECMM du fait que des Croates devaient

  8   creuser des tranchées sous la contrainte musulmane ?

  9   M. Rajic (interprétation). – Tout simplement, on avait essayé

 10   que ces individus soient protégés. Dans les conditions données, c'était

 11   quelque peu privilégier par rapport aux autres civils sur le territoire

 12   qui était sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du HVO.

 13   M. Kehoe (interprétation). – Oui, mais vous vous êtes plaint

 14   auprès de l'ECMM, même si vous continuez à dire que l'utilisation de

 15   civils croates pour creuser des tranchées par les Musulmans était un acte

 16   de tout à fait légal. C'est bien ce que vous dites ?

 17   M. Rajic (interprétation). – Oui. Même si je savais que c'était

 18   légal, nous avons essayé de les protéger étant donné qu'ils devaient

 19   creuser les tranchées sur les lignes de front face au HVO.

 20   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, étiez-vous membre

 21   du HVO ?

 22   M. Rajic (interprétation). – Oui, dans les autorités civiles.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Dans cette structure en

 24   particulier, si un ordre était donné visant à obliger un Musulman de

 25   Bosnie à creuser des tranchées pour le compte du


Page 15916

  1   HVO, que se serait-il passé, quel aurait été le sort du Musulman si celui-

  2   ci avait refusé ?

  3   M. Rajic (interprétation). – Là où j'étais, il n'y avait pas de

  4   tel cas. Maintenant, je ne peux pas prononcer des hypothèses.

  5   M. Kehoe (interprétation). – Parlons du statut dont nous avons

  6   déjà parlé, la pièce de la défense 494. Je crois que des peines sont

  7   prévues, n'est-ce pas, lorsqu'une personne refuse d'exécuter un ordre de

  8   travail ?

  9   M. Rajic (interprétation). – Oui, il y avait des peines et des

 10   sanctions qui ont été réglementées.

 11   M. Kehoe (interprétation). - Et entre autres, une peine de

 12   prison est prévue, n'est-ce pas ? Regardez les articles 59 et 60.

 13   (Le témoin s'exécute.)

 14   Ai-je bien interprété ces articles : "Si un Musulman de Bosnie

 15   refuse de se plier à un ordre visant à l'envoyer creuser des tranchées

 16   pour le HVO, il pourrait être condamné à une amende ou à une peine de

 17   prison" ? Donc chaque fois qu'il refusera d'exécuter l'ordre, n'est-ce

 18   pas ? Si j'ai tort, s'il vous plaît, dites-le moi et donnez-nous votre

 19   interprétation de ces articles.

 20   M. Rajic (interprétation). - Vous n'avez pas raison quand vous

 21   parlez de Musulmans bosniens, quand ils creusent des tranchées pour les

 22   Croates. Ici, on parle d'un individu : un individu doit se plier à un

 23   certain nombre d'obligations. Il y en a cinq, on en a parlé : en cas de

 24   guerre, en cas de menace de guerre... C'est une obligation à laquelle il

 25   fallait que tout individu se soustrait. Si c'était le territoire contrôlé


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  1   par l'armée de Bosnie-Herzégovine ou par le HVO, chaque individu devait

  2   s'y soumettre en tant que citoyen. C'est donc de cette chose-là qu'on a

  3   parlé.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, si un Musulman de

  5   Bosnie se trouvant à Vitez refusait d'aller travailler à la ligne de front

  6   et d'y creuser des tranchées dans un

  7   peloton de travail après avoir reçu l'ordre de le faire par le HVO,

  8   conformément à l'article 3 du décret, s'il refusait, il pourrait se voir

  9   condamner à une amende ou à une peine de prison chaque fois qu'il

 10   refuserait de creuser une tranchée pour le HVO, n'est-ce pas ?

 11   M. Rajic (interprétation). - Théoriquement parlant, il aurait pu

 12   être soumis à une peine. Mais en ce qui concerne les amendes, la plupart

 13   n'avaient pas d'argent, par conséquent on ne pouvait même pas les

 14   sanctionner dans ce sens-là ; et d'un autre côté, pour la peine de prison,

 15   il n'y avait pas de locaux pour les installer. Par conséquent, les gens,

 16   indépendamment de l'appartenance aux groupes ethniques, préféraient plutôt

 17   travailler au peloton de travail parce que, de cette manière, ils ont été

 18   engagés et personne ne pouvait, éventuellement, les retrouver chez eux et

 19   leur dire qu'ils ne faisaient rien pendant que les autres travaillaient.

 20   Par conséquent, participer au peloton de travail était une

 21   obligation de travail et, dans tous les cas, c'était mieux pour chaque

 22   individu que d'aller en prison. C'est la raison pour laquelle il n'y avait

 23   pas eu de ceux qui refusaient de participer à cette obligation de travail.

 24   Il n'y avait pas de cas où il y en avait qui ont été détenus pour cette

 25   raison-là. Il y en a qui ont refusé de participer, éventuellement, aux


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  1   unités opérationnelles. Je ne connais pas de cas où il y a des gens qui

  2   ont payé des amendes, qui sont allés en prison. Cela, moi, je ne connais

  3   pas de cas.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, imaginons que vous

  5   êtes Musulman de Bosnie, que vous recevez à Vitez un ordre du HVO qui vous

  6   envoie travailler dans un peloton de travail sur la ligne de front. Eh

  7   bien, ma fois, c'est à prendre ou à laisser : soit il reste là, soit il va

  8   en prison, n'est-ce pas, ou soit il part sur la ligne de front ? Alors,

  9   que faire ?

 10   M. Nobilo (interprétation). - Je le répète : cette question a

 11   été reprise plusieurs fois et je pense que le témoin l'a précisée.

 12   M. le Président. - Je crois le témoin vous a répondu. Il vous a

 13   même répondu qu'il valait mieux aller creuser des tranchées que d'aller en

 14   prison. J'ai retenu ça. Donc, nous passons

 15   à une autre question, si vous voulez bien.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, connaissez-vous le

 17   nom d'un Musulman qui aurait refusé d'aller creuser des tranchées sur la

 18   ligne de front ?

 19   M. Rajic (interprétation). - Je ne connais pas, moi.

 20   M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre interrogatoire

 21   principal, vous avez parlé avec mon éminent collègue, Me Nobilo, et vous

 22   avez déclaré que les commandants devaient formuler une demande visant à ce

 23   que les pelotons de section soient en mesure de fonctionner. Est-ce bien

 24   ce que vous avez dit à Me Nobilo ?

 25   M. Rajic (interprétation). - Oui, cela, c'est exact.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - A quelle fréquence Blaskic a-t-il

  2   utilisé cette procédure ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Moi, je ne sais pas si M. Blaskic a

  4   utilisé cette procédure. J'ai eu un certain nombre de contacts avec le

  5   commandant de la brigade qui se trouvait dans une partie de la

  6   municipalité et qui ne m'a pas demandé. Moi, j'étais responsable de la

  7   défense au niveau de la municipalité, je n'ai jamais reçu un ordre direct

  8   de la part de M. Blaskic.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des ordres de son

 10   subordonné immédiat, les commandants des différentes brigades ?

 11   M. Rajic (interprétation). - Il y avait de telles demandes.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Lorsque cette demande vous

 13   parvenait, Monsieur Rajic, l'armée du HVO, que ce soit le commandant ou

 14   bien le commandant de brigade indiquait-il l'endroit où ces pelotons de

 15   travail devaient aller creuser des tranchées ou établir des

 16   fortifications ?

 17   M. Rajic (interprétation). - Ils ont désigné les gens en

 18   fonction de leurs besoins.

 19   M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, si l'armée du HVO

 20   décidait de ces

 21   besoins, des endroits où des tranchées étaient nécessaires aux lignes de

 22   front et, par conséquent, ils vous envoyaient une demande pour que vous,

 23   vous envoyiez  cinquante ou cent personnes pour aller travailler, n'est-ce

 24   pas ?

 25   M. Rajic (interprétation). – Oui, tout d'abord, c'est en


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  1   fonction des besoins mais pas régulièrement. On sait très bien qui sont

  2   les membres des pelotons de travail. Par conséquent, au moment où on en

  3   avait besoin, ils se rendent sur les endroits. Il y avait le commandant du

  4   peloton de travail qui était au courant où se trouvaient tous les membres

  5   des pelotons de travail. Il devait les informer, il les appelait. Le

  6   peloton de travail était formé et, ensuite, il a été utilisé en fonction

  7   des besoins. Et s'il y avait le besoin d'engagements complémentaires, dans

  8   ce cas-là, nous autres qui étions au niveau de la municipalité, on

  9   régissait toutes les personnes qui étaient sur nos listes. Nous avons bien

 10   évidemment répondu si on pouvait ou pas satisfaire à cette demande.

 11   M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, afin de résumer cet

 12   longue procédure, vous travaillez en concert avec l'armée du HVO

 13   finalement pour répondre à leurs demandes et à leurs souhaits, n'est-ce

 14   pas ?

 15   M. Rajic (interprétation). – Oui, nous étions en quelque sorte à

 16   leur service pour ces besoins.

 17   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, toute la population

 18   de la Lasva valley, à Travnik, à Vitez, savait-elle que ces pelotons de

 19   travail regroupant des civils creusaient des tranchées aux lignes de

 20   front ? Etait-ce un fait connu de tous ?

 21   M. Rajic (interprétation). – Oui, tout le monde savait qu'il

 22   s'agissait de creuser les tranchées sur la première ligne de front et

 23   indépendamment d'appartenance au groupe ethnique, indépendamment également

 24   du pouvoir qui contrôlait ce territoire.

 25   M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, d'après votre


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  1   réponse, pensez-vous que le colonel Blaskic savait que des civils étaient

  2   utilisés pour creuser des tranchées sur les

  3   lignes de front ?

  4   M. Rajic (interprétation). – Eh bien, si je suppose… Je ne sais

  5   pas quoi vous dire. Moi, j'ai eu des contacts avec ceux qui lui ont été

  6   subordonnés. S'il était au courant, il faudrait peut-être poser la

  7   question à quelqu'un d'autre.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Je vous demande quelle est votre

  9   opinion, puisque vous étiez dans la vallée de la Lasva à l'époque ?

 10   M. Hayman (interprétation). – Si le témoin a quelque chose à

 11   nous dire, très bien, des faits, mais il s'agit là d'hypothèses. Alors,

 12   quelle est la pertinence de sa réponse ?

 13   M. le Président. – Pertinence de la réponse, vous avez dit,

 14   l'interprète ?

 15   L'interprète. - Oui, Monsieur le Président, pertinence de

 16   l'hypothèse du témoin.

 17   M. le Président. – Je ne sais pas. Je crois quand même que la

 18   question est légitime. Le Procureur demande effectivement… Le témoin a

 19   reconnu qu'il travaillait pour le HVO et pour les commandants. Cela ne me

 20   paraît pas illégitime de demander s'il pouvait estimer que l'accusé était

 21   au courant. Le témoin a répondu qu'il n'en savait rien. Poursuivez,

 22   Maître Kehoe, ou changez de question.

 23   M. Kehoe (interprétation). – Ma question est assez simple,

 24   Monsieur Rajic. Au cours de cette période, pensiez-vous que Blaskic savait

 25   que des civils étaient utilisés pour creuser des tranchées dans des zones


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  1   de lignes de front ?

  2   M. Rajic (interprétation). – A cette époque-là, je ne

  3   réfléchissais même pas à ce sujet-là. Maintenant, je pourrais peut-être y

  4   réfléchir pour savoir s'il était au courant ou non mais, à cette époque-

  5   là, je n'y pensais même pas parce que j'avais contacté d'autres personnes

  6   à d'autres niveaux de commandement, de structure de commandements et je ne

  7   pensais pas du tout.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Et maintenant, quelle est votre

  9   hypothèse ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?

 10   M. Rajic (interprétation). – Moi, je suppose qu'il aurait dû, il

 11   aurait pu, plutôt, savoir.

 12   M. Kehoe (interprétation). - Très bien.

 13   Parlons de ces personnes qui travaillaient dans les pelotons de

 14   travail. Puis-je avoir un instant pour consulter mon collègue avant de

 15   passer au point suivant, s'il vous plaît ?

 16   Je vais vous demander une ou deux questions qui ont trait à la

 17   sélection des personnes qui devaient aller creuser des tranchées, ce dont

 18   nous venons de parler. Vous aviez affaire avec des commandants de brigade

 19   et pas nécessairement avec le colonel Blaskic. Ces commandants demandaient

 20   de la main d'oeuvre pour aller creuser des tranchées.

 21   Au cours de cette période, avez-vous reçu des demandes de

 22   membres de la HV, de l'armée de Croatie, afin d'établir des pelotons de

 23   travail pour aller creuser des tranchées ?

 24   M. Rajic (interprétation). – Non, je n'étais absolument pas en

 25   contact avec les représentants de l'armée croate et je n'ai reçu aucune


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  1   demande et je n'avais aucun contact avec les représentants de l'armée

  2   croate du temps de la vallée de la Lasva.

  3   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, vous souvenez-vous

  4   avoir dit dans l'affaire "le Procureur contre Aleksovski", c'était le

  5   25 août 1998, vous souvenez-vous de ce témoignage ?

  6   M. Rajic (interprétation). - Je me souviens de ce témoignage,

  7   peut-être pas de tous les détails mais, si vous voulez me les rappeler, je

  8   pourrais le faire.

  9   M. Kehoe (interprétation) - Je vais vous relire ceci. Cela se

 10   trouve à la page 3235 du compte rendu.

 11   On vous a posé cette question suivante, je cite : "Qui était

 12   responsable globalement du rassemblement des unités chargées des

 13   obligations de travail" ? Etait-ce vous ?".

 14   M. Hayman (interprétation). - Quelle ligne ?

 15   M. Kehoe (interprétation) - Ligne 18.

 16   M. Hayman (interprétation). - Page 3235, n'est-ce pas !

 17   D'accord. Merci.

 18   M. Kehoe (interprétation) - La question était donc la suivante :

 19   Je vais vous la relire, ainsi nous pourrons remettre questions et réponses

 20   dans leur contexte.

 21   Je cite, la question était : "Qui était responsable globalement

 22   du fonctionnement et de la mise en place des unités chargées du travail ?

 23   Etait ce vous ? Vous répondez, Monsieur Rajic : "Entre autres, j'étais

 24   l'un d'entre eux, mais il y avait également les commandants des unités si

 25   une situation l'exigeait.".


Page 15924

  1   Je fais une pause afin que les interprètes puissent terminer

  2   l'interprétation de ce passage.

  3   La question était celle-ci : "Et les commandants des unités

  4   étaient des commandants des unités du HVO ?". Votre réponse est : "Des

  5   membres du HVO, les commandants du HVO s'il s'agissait de leurs membres,

  6   s'il s'agissait de la HV il s'agissait des commandants de la HV".

  7   M. Rajic (interprétation). - Je n'ai jamais pu dire qu'il

  8   s'agissait de l'armée croate !

  9   M. Hayman (interprétation). - Nous voudrions la cassette, s'il

 10   vous plaît. Nous voudrions que le Bureau du greffe vérifie cette cassette.

 11   La question suivante, Monsieur le Président, est celle-ci :

 12   "N'est-il pas vrai que vous étiez responsable des unités du HVO ?".

 13   Et il n'y a pas de suivi sur cette mention de la HV. Il semble

 14   que cette réponse soit tout à fait bizarre.

 15   M. Kehoe (interprétation) - Ce qui est très bizarre, c'est que

 16   ce témoin, au cours de son témoignage, fait une distinction entre les

 17   commandants du HVO et les commandants de la HV.

 18   M. Hayman (interprétation). - Ou bien, il répète.

 19   M. Kehoe (interprétation) - Je ne vous ai pas interrompu !

 20   La réponse est la suivante, il est dit : "membres du HVO ou

 21   commandants du HVO s'il s'agissait de ses membres, s'il s'agissait de la

 22   HV il s'agissait de ses commandants".

 23   Par conséquent, une distinction très claire, Monsieur le

 24   Président, Monsieur le Juge Shahabudden, est faite entre deux entités

 25   militaires différentes : le HVO d'un côté, la HV de l'autre.


Page 15925

  1   M. Hayman (interprétation). - Ou bien il s'agit d'une

  2   répétition, nous n'en savons rien. Nous l'apprendrons de la cassette, nous

  3   demandons au Bureau du greffe d'obtenir la cassette. Merci.

  4   M. le Président. - Je propose d'abord de garder tout votre

  5   calme.

  6   Je voudrais savoir s'il y en a pour longtemps encore ? Avez-vous

  7   encore beaucoup de questions, Maître Kehoe ?

  8   M. Kehoe (interprétation) - Oui, quelques-unes. Je n'en ai plus

  9   beaucoup. Mais je pourrais peut-être en terminer d'ici à 1 heure.

 10   M. le Président. -  Je veux qu'on accélère. Ce sont les pouvoirs

 11   du Président de dire qu'il faut qu'on accélère.

 12   S'agissant de transcript, les transcripts font autorité.

 13   Maintenant, il appartient à une partie, si elle doute de ce qui est marqué

 14   dans les transcripts, de demander la vérification. Vous plaiderez ce point

 15   plus tard.

 16   Pour l'instant, nous allons nous contenter de demander au témoin

 17   s'il a le souvenir d'avoir répondu cela. S'il n'a pas le souvenir d'avoir

 18   répondu cela, nous passerons à une autre question.

 19   Par la suite, dans vos plaidoiries finales, vous plaiderez -

 20   chacun- à partir de ce transcript, si ce point vous apparaît important.

 21   Monsieur Rajic, est-ce que vous avez dit cela, c'est-à-dire

 22   qu'il y avait non seulement les membres du HVO, mais également les

 23   commandants de la HV ? Est-ce que vous souvenez d'avoir dit cela dans le

 24   témoignage que vous avez donné dans le cadre de l'affaire Aleksovski ?

 25   M. Rajic (interprétation). - Je n'ai jamais pu déclarer une


Page 15926

  1   chose pareille !

  2   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

  3   votre autorisation afin d'obtenir cette cassette d'une autre affaire.

  4   C'est une audience publique.

  5   M. le Président. - L'audience était publique, nous éclairerons

  6   ce point. Si le témoin ne peut pas répondre,ou n'assume pas ou ne confirme

  7   pas sa réponse, nous mettrons cela à plus tard, soit aux plaidoiries

  8   finales. On ne fera pas revenir le témoin sur ce point-là.

  9   C'est le Président qui décide et je demanderai qu'on accélère un

 10   tout petit peu.

 11   Poursuivez, maître Kehoe. Si ce témoin revient cet après-midi,

 12   entre-temps, on aura vu la cassette. Monsieur le Greffier, vous mettrez la

 13   cassette à la disposition de la défense et nous reprendrons la question,

 14   mais le témoin ne reviendra pas sur cette question-là. Vous plaiderez au

 15   final, dans vos conclusions finales, les uns et les autres.

 16   Nous ne pouvons pas tout refaire à l'audience. Il faut

 17   accélérer. Je rappelle que le procès a commencé le 23 juin 1997. Nous

 18   poursuivons.

 19   M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Rajic, eu égard aux unités

 20   de travail, les Musulmans ont-ils été victimes de ségrégation ? Dans ces

 21   unités, y avaient-ils des unités exclusivement musulmanes, exclusivement

 22   Roms, exclusivement croates ?

 23   M. Rajic (interprétation). – C'était au début de 1992, pendant

 24   qu'on travaillait ensemble sous le même toit et dans les mêmes bureaux car

 25   les Musulmans devaient venir s'enregistrer devant les personnes qui


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  1   étaient Musulmanes et les Croates dans le bureau à ceux qui étaient des

  2   Croates. Nous avons coordonné, à un moment donné à Travnik, nos activités.

  3   Plus tard, à Travnik, dans cette petite région qui était sous le contrôle

  4   du HVO, il n'y avait plus de Musulmans qui avaient été engagés au sein des

  5   pelotons de travail pour creuser les tranchées pour les besoins du HVO.

  6   Mais à Travnik, des Croates ont été engagés et qui ont travaillé pour les

  7   besoins du HVO dans cette partie qui a été contrôlée par l'armée de

  8   Bosnie-Herzégovine.

  9   M. Kehoe (interprétation). - Mais dans toute la région de la

 10   vallée de Lasva, les unités de travail étaient-elles exclusivement roms,

 11   par exemple, ou exclusivement composées de Croates, exclusivement

 12   composées de Musulmans ? Là, je parle particulièrement de la municipalité

 13   de Travnik ?

 14   M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas. Mais je pense que

 15   les Roms étaient séparés et les autres étaient ensemble.

 16   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des informations

 17   selon lesquelles des Musulmans de Bosnie, travaillant à la ligne de front

 18   dans ces unités de travail, avaient été tués ?

 19   M. Rajic (interprétation). – J'ai déclaré que je n'étais pas au

 20   courant que des Musulmans ont été tués, mais je sais qu'il y avait tout un

 21   peloton de travail qui se composait en majorité de Croates et de quelques

 22   Serbes qui se sont faits tuer.

 23   M. Kehoe (interprétation). – Qu'en est-il des Musulmans de

 24   Bosnie qui ont été blessés au cours de leur travail dans les unités ? En

 25   avez-vous entendu parler ?


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  1   M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas. S'ils avaient été

  2   blessés, ils se faisaient soigner dans des hôpitaux. Je suppose que

  3   c'était comme cela.

  4   M. Kehoe (interprétation). – Avez-vous reçu des informations

  5   selon lesquelles des soldats du HVO frappaient certains des hommes qui

  6   creusaient des tranchées dans ces unités de travail ?

  7   M. Rajic (interprétation). – Je n'ai pas cette information.

  8   M. Kehoe (interprétation). - Qui au fait était votre homologue

  9   dans le secrétariat chargé de la Défense nationale à Vitez, au cours de

 10   1993 ? Marius Skolpijak, peut-être ?

 11   M. Rajic (interprétation). – Pero Skolpijak n'y était pas. Je

 12   pense que c'était Stipo

 13   Zigonic qui reste encore à ce poste.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Dans ces unités de travail

 15   considérait-on que leurs membres étaient des membres du HVO ?

 16   M. Rajic (interprétation). – Oui, dans un certain sens, ils ont

 17   été considérés comme membres du HVO et les certificats qui sont délivrés,

 18   indépendamment des nationalités, on avait reconnu dans cette période comme

 19   s'ils avaient participé au conflit, enfin à la guerre.

 20   M. Kehoe (interprétation). – Je voudrais attirer votre attention

 21   sur l'acte d'accusation lui-même et ce sera mon dernier domaine de

 22   questions, Monsieur le Président, monsieur le Juge Shahabuddeen.

 23   En avril et début mai 1993, des Musulmans de Bosnie ont été

 24   arrêtés et détenus, notamment dans le cinéma de Vitez, à l'école de

 25   Dubravica, dans le camp de Kaonik près de Busovaca, au bureau du SDK à


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  1   Vitez, n'est-ce pas ? Des témoignages ont été entendus par cette Chambre

  2   selon lesquels des Musulmans de Bosnie détenus dans ces différents

  3   endroits étaient emmenés aux lignes de front pour y creuser des tranchées.

  4   Connaissez-vous ces faits ? Ceci s'est produit après Ahmici qui a eu lieu

  5   le 16 avril 1993.

  6   M. le Président. – Quel est le point de l'acte d'accusation,

  7   s'il vous plaît, Monsieur le Procureur ?

  8   M. Kehoe (interprétation). – Je parle du paragraphe 12, Monsieur

  9   le Président. C'est là que ces faits sont relatés et concernent les chefs

 10   d'accusation 15 à 20. Je crois d'ailleurs que ces faits sont repris dans

 11   une autre partie de l'acte d'accusation, mais c'est sur cette partie de

 12   l'acte que je me base maintenant.

 13   M. Rajic (interprétation). - Je ne connais pas ces cas, car à

 14   Travnik on avait beaucoup de problèmes. Il y avait un certain nombre de

 15   meurtres à l'encontre des Croates qui se sont produits. Il y avait des

 16   incidents et moi j'étais un de ceux qui avait essayé d'apaiser la

 17   situation pour que cela ne se transforme pas en conflit plus étendu. Mais

 18   malheureusement, il

 19   s'est passé ce qui s'est passé.

 20   Mais pour les cas concrets auxquels vous faites référence, je ne

 21   suis pas au courant. Nous avons eu quotidiennement des incidents à

 22   Travnik, des incidents qui étaient de grande envergure et très complexes.

 23   M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, vous dites que vous

 24   ne savez rien sur ces Musulmans qui auraient été détenus dans ces

 25   différents locaux. Vous n'en savez rien, n'est-ce pas ?


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  1   M. Rajic (interprétation). – C'est comme cela, mais je n'étais

  2   même pas dans l'obligation de le savoir.

  3   M. Kehoe (interprétation). - J'aurai quelques questions en guise

  4   de conclusion et j'en aurai terminé, Monsieur le Président, avant une

  5   heure donc.

  6   M. le Président. - C'est parfait. Vous voyez, comme quoi, un peu

  7   de directivité amène les parties à plus de conciliation. Effectivement,

  8   j'allais vous imposer une contrainte de temps et vous dire qu'à 13 heures

  9   le contre-interrogatoire serait terminé. Mais je suis très heureux que

 10   vous ayez souscrit avant même que nous ayons à prendre cette mesure.

 11   Allez-y pour vos dernières questions. Après quoi, cet après-

 12   midi, Me Nobilo exercera son droit de réplique et les Juges poseront

 13   éventuellement leurs questions. Poursuivez.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, quel était votre

 15   grade dans le HVO ?

 16   M. Rajic (interprétation). - J'ai reçu un grade mi-1994, mais

 17   jusqu'à cette époque-là je n'avais aucun grade. Après, j'étais commandant.

 18   M. Kehoe (interprétation). - A cette période, avez-vous reçu des

 19   décorations, éventuellement du Président Tudjman, pour vos services rendus

 20   au cours du conflit en Bosnie centrale ?

 21   M. Rajic (interprétation). - Je n'ai pas reçu de distinction, ni

 22   d'ordre du Mérite, pour avoir participé au conflit, à la guerre.

 23   M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu une quelconque

 24   distinction de la République de Croatie ?

 25   M. Rajic (interprétation). - Non, ni de la part de la République


Page 15931

  1   de Croatie, ni de la part de M. le général Blaskic. Non, je n'ai jamais

  2   été décoré, je n'ai jamais reçu aucune distinction. Ni de la part de la

  3   République de Croatie, aucune médaille, aucun ordre, aucune distinction.

  4   M. Kehoe (interprétation). - Puis-je clarifier un point du

  5   compte rendu, Monsieur le Président ? Je crois que la traduction a dit, en

  6   anglais, qu'il avait été sergent en 1994 et l'interprète de la cabine

  7   anglaise l'a corrigé pour dire que le témoin avait le grade de commandant.

  8   Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.

  9   Monsieur Rajic, au fait, avez-vous un passeport de la République

 10   de Croatie aujourd'hui ?

 11   M. le Président. - Je crois que Me Nobilo n'a pas

 12   d'interprétation.

 13   M. Rajic (interprétation). - Je n'entends pas.

 14   M. Kehoe (interprétation). - Je vous reposerai la question.

 15   Détenez-vous aujourd'hui un passeport de la République de Croatie et

 16   voyagez-vous avec ce passeport ?

 17   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 18   M. Kehoe (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur Rajic,

 19   vous avez été très utile, merci de votre présence. Monsieur le Président,

 20   Monsieur le Juge conseil, je n'ai plus de questions.

 21   M. le Président. - Merci, Maître Kehoe. Il est une heure moins

 22   dix. Maître Nobilo, avez-vous beaucoup de questions à poser ?

 23   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

 24   beaucoup de questions, mais je ne sais pas si je vais pouvoir terminer à

 25   une heure. Il est difficile de le dire. Je n'ai pas beaucoup de questions,


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  1   donc je peux essayer de terminer avent une heure, si vous le

  2   souhaitez.

  3   M. le Président. - Nous allons faire la pause, cela permettra de

  4   récupérer beaucoup de calme autour de ce témoignage.

  5   Je vous propose, Monsieur le Greffier, de passer à l'audience,

  6   cet après-midi, le passage de la cassette. Cela permettrait d'assurer le

  7   contradictoire absolu entre la défense et l'accusation. Est-ce que cela

  8   sera possible, Monsieur le Greffier ?

  9   M. Dubuisson - C'est tout à fait possible, Monsieur le

 10   Président.

 11   M. le Président. - C'est parfait, c'est ainsi que nous

 12   procèderons. Et pour cela, nous vous donnons, Monsieur le Greffier, les

 13   dix minutes que nous avons gagnées sur le temps et éventuellement sur

 14   votre déjeuner.

 15   Bien, nous interrompons, nous reprendrons à 14 heures 30.

 16   L'audience est suspendue à 12 heures 50.

 17   L'audience est reprise à 14 heures 40.

 18   M. le Président. - L'audience est reprise, introduisez l'accusé.

 19   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 20   Nous faisons rentrer le témoin.

 21   M. Kehoe (interprétation) - Monsieur le Président, un point

 22   d'ordre avant l'entrée du témoin.

 23   Le compte rendu, la cassette ont été vérifiés par l'accusation

 24   et la défense et le compte rendu officiel de l'affaire Aleksovski est

 25   erroné; ce qui est écrit dans ce compte rendu , c'est la chose qui suit  :


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  1   "Si c'était la HV, ce serait ses commandants", alors que le compte rendu

  2   aurait dû se lire comme suit : "Si cela avait été l'armée de Bosnie-

  3   Herzégovine, cela aurait été ses commandants."

  4   Il y a une divergence entre le compte rendu officiel du Greffe

  5   et la cassette que la partie adverse et nous-mêmes avons lue et je pense

  6   que la défense est d'accord sur ce point.

  7   M. le Président. - La défense est d'accord, je suppose ?

  8   M. Nobilo (interprétation). - Oui, bien entendu, nos sommes

  9   d'accord car nous avons entendu très nettement l'armée de "BH" et BH,

 10   c'est le cycle officiel qui signifie armée de Bosnie-Herzégovine.

 11   M. Kehoe (interprétation) - D'accord.

 12   M. le Président. - Mais c'est très bien, vous êtes un grand

 13   sportif, maître Kehoe, vous savez, on a raison ou on a tort ; nous avons

 14   fonctionné sur la base du compte rendu, c'est le compte rendu officiel et

 15   je note, d'ailleurs, que s'agissant du compte rendu de l'affaire

 16   Aleksovski, le greffier pourrait peut-être faire savoir que ce compte

 17   rendu particulier comporte une erreur. Je ne sais pas si cela peut avoir

 18   des conséquences sur le procès. Je ne suis pas membre de ce procès.

 19   M. Fourmy. - Je pense que cela rejoint ce que vient de dire

 20   M. le Procureur, apparemment, les deux parties ont écouté la cassette en

 21   langue - excusez-moi - BCS, les transcripts sont évidemment faits à partir

 22   des interprétations et ce sont ces éléments-là qui font foi, sauf comme

 23   dans le cas présent, on découvre quelque chose d'incorrect. Mais le

 24   transcript n'est pas faux en soi puisqu'il est justement supposé

 25   reproduire ce qui est traduit.


Page 15934

  1   M. le Président. - Il reste qu'il y a un problème. Le transcript

  2   ne traduit pas ce qu'a dit le témoin, si j'ai bien compris.

  3   M. Fourmy. - En général, dans l'une ou l'autre, ou les deux

  4   langues officielles du Tribunal, pour des raisons évidentes.

  5   M. le Président. - Vous porterez, Monsieur le greffier,

  6   l'intégralité de cette discussion à la connaissance de M. le Président

  7   Rodriguez.

  8   M. Dubuisson. - Je n'y manquerai pas, monsieur le Juge, et je

  9   ferai également remarquer, pour être complet, que la version française

 10   était correcte... de l'interprétation.

 11   M. le Président. - Presque tout le monde a raison, à commencer

 12   par le juge français qui voit satisfait enfin la correction de sa langue.

 13   L'incident est clos tout simplement. Ce qui veut dire, mes chers

 14   collègues de la défense et de l'accusation, que lorsqu'on brandit des

 15   arguments avec la certitude absolue qu'on a raison, il faut toujours y

 16   mettre la nuance propre à des hommes de loi que vous êtes. Voilà sur cette

 17   phrase qui se voulait pleine de sagesse, j'invite à faire rentrer le

 18   témoin, pour assurer le droit de réplique de Maître Nobilo.

 19   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 20   M. le Président. - Asseyez-vous, monsieur Rajic. Maître Nobilo,

 21   c'est à vous.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Merci, monsieur le Président. Je

 23   vais essayer d'être bref.

 24   Monsieur Rajic, à votre connaissance, lorsque l'éclatement, la

 25   séparation de la


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  1   Bosnie-Herzégovine a eu lieu par rapport à la Yougoslavie et au moment où

  2   la Croatie se séparait aussi de la Yougoslavie, ces Etats nouvellement

  3   formés, au moment où il sont devenus indépendants, ont-ils les lois en

  4   vigueur en l'ex-Yougoslavie ?

  5   M. Rajic (interprétation). - Pour la Croatie, je ne sais pas,

  6   mais pour la Bosnie-Herzégovine, je sais qu'en général, les règles en

  7   vigueur dans l'ex-Yougoslavie ont été reprises car le temps manquait pour

  8   adopter de nouveaux textes.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Et bien, veuillez nous dire dans

 10   ces conditions, si vous-même et vos collègues musulmans du pouvoir civil

 11   de Travnik avez appliqué ces deux décrets, ces deux textes de loi dont

 12   vous avez parlés aujourd'hui qui réglementaient les obligations de

 13   travail ?

 14   M. Rajic (interprétation). - Oui, c'étaient les textes officiels

 15   que nous appliquions.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Et les Musulmans du pouvoir civil

 17   de Travnik formaient-ils également des pelotons de travail qu'ils

 18   envoyaient sur les fronts qui les séparaient des Croates ou des Serbes ?

 19   M. Rajic (interprétation). - Je sais qu'ils l'ont fait.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Encore une fois, si vous voyiez ou

 21   si vous entendiez dire... Avez-vous vu ou entendu dire que l'armée croate

 22   était présente dans la vallée de la Lasva ?

 23   M. Rajic (interprétation). - Je n'ai jamais vu et je n'ai jamais

 24   entendu dire que l'armée croate était présente dans la vallée de la Lasva

 25   et je sais qu'elle n'y était pas.


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Mais si cela avait été le cas, si

  2   une unité de l'armée croate était venue dans la vallée de la Lasva, étant

  3   donné vos responsabilités, vous auriez dû le savoir ?

  4   M. Rajic (interprétation). - Nous aurions tous dû le savoir mais

  5   je sais que ces unités ne sont pas venues.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Mais si ces unités étaient

  7   arrivées, est-ce qu'elles auraient provoqué l'enthousiasme de la

  8   population ?

  9   M. Rajic (interprétation). - En ce qui me concerne,

 10   personnellement, je sais qu'elles auraient suscité de l'enthousiasme chez

 11   moi.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Nous attendons un peu pour les

 13   interprètes. Vous avez dit que les membres des pelotons de travail ont,

 14   en 1997 et 1998, obtenu le même statut que les membres des unités

 15   militaires. Mais en 1993, les considérait-on comme des membres d'unité

 16   militaire ou les considérait-on comme membres d'une entité spéciale

 17   appelée "peloton de travail" ?

 18   M. Rajic (interprétation). - Ils n'étaient pas membres d'unités

 19   militaires. Ils étaient des citoyens qui accomplissaient leurs obligations

 20   par le biais de l'application de leurs obligations de travail. Quant aux

 21   personnes qui étaient soumises à des obligations militaires, il s'agissait

 22   de soldats. C'est plus tard et, en fait, cette année que le travail

 23   accompli au sein des unités de travail a été mis sur un pied d'égalité sur

 24   le plan des droits auxquels donne lieu cette participation, donc a été mis

 25   sur un pied d'égalité avec les autres activités, notamment les activités


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  1   militaires, qu'il s'agisse d'activités militaires au sein du HVO ou au

  2   sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que l'on vous a

  4   décerné un grade en 1994. Mais avant l'année 1994, existait-il en fait un

  5   système hiérarchique composé de grades officiels au sein du HVO ?

  6   M. Rajic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

  7   n'existait pas de grade. Les postes étaient importants : un commandant

  8   était quelqu'un qui commandait, mais les grades, je pense qu'ils

  9   n'existaient pas. Mais c'est après l'accord de Washington, en avril ou en

 10   mai -je ne me souviens pas exactement-, que j'ai moi-même été gradé.

 11   M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous deux nationalités, de la

 12   République de

 13   Croatie et de la Bosnie-Herzégovine ?

 14   M. Rajic (interprétation). - Oui, je suis avant tout

 15   ressortissant de la Bosnie-Herzégovine, mais j'ai utilisé les

 16   circonstances qui me le permettaient pour obtenir également la

 17   citoyenneté, la nationalité de la République de Croatie.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Le Procureur vous a interrogé au

 19   sujet d'un document de voyage. Quand est-ce que vous l'avez reçu ?

 20   M. Rajic (interprétation). - Je l'ai reçu, je l'ai obtenu le

 21   23 janvier 1993, alors que je devais voyager pour la Suisse. Il n'existait

 22   pas, à ce moment-là, d'autres documents de travail, en tout cas je n'en

 23   n'avais pas en ma possession. Je possédais mon vieux passeport de l'ex-

 24   Yougoslavie mais, à ce moment-là, il n'était plus possible : il fallait

 25   des visas, etc., alors que le document de voyage de la République de


Page 15938

  1   Croatie, le passeport de la République de Croatie permettait de voyager

  2   sans aucun problème dans toute l'Europe.

  3   M. Nobilo (interprétation). - Et aujourd'hui, de nouveaux

  4   documents de voyage, de nouveaux passeports de Bosnie-Herzégovine sont-ils

  5   en vigueur ou y a-t-il encore des problèmes ?

  6   M. Rajic (interprétation). - Apparemment, il y a encore des

  7   problèmes : l'aspect de ce passeport n'a pas encore été défini de façon

  8   définitive. Je crois que c'est finalement le Haut représentant de l'Union

  9   européenne, M. Westendorp, qui va en décider.

 10   M. Nobilo (interprétation). – Encore une question, vous avez

 11   parlé de l'attitude que les citoyens ont manifestée à l'égard de la

 12   défense de leur pays. Dites-nous, si l'on voulait définir les membres des

 13   unités militaires, les membres des autres pelotons et tous les autres

 14   citoyens qui ne remplissent ni des obligations de travail ni des

 15   obligations militaires, c'est-à-dire qui sont des enfants, des femmes

 16   enceintes ou des personnes âgées de plus de 65 ans, quelles sont les

 17   personnes que vous mettriez dans ces trois catégories ; si vous m'avez

 18   bien compris ?

 19   M. Rajic (interprétation). – Je vous ai compris. A mon avis, les

 20   civils purs se composaient de personnes à qui n'incombait aucune des cinq

 21   obligations dont j'ai parlé un peu plus tôt. Il s'agissait donc d'hommes

 22   âgés de plus de 65 ans ou de garçons âgés de moins de 11 ans et de femmes

 23   âgées de plus de 55 ans ou de femmes enceintes. Et puis, c'étaient des

 24   personnes qui n'étaient pas mobilisables au moment de la mobilisation

 25   générale par exemple.


Page 15939

  1   Quant aux autres personnes non mobilisables, donc entrant

  2   également dans cette catégorie, c'étaient les personnes qui n'avaient pas

  3   l'aptitude de remplir les obligations qui leur incombaient en vertu de la

  4   loi. Et la commission militaire chargée d'établir l'aptitude ou la non

  5   aptitude d'une personne à remplir des fonctions particulières prenaient

  6   donc les décisions de classement.

  7   M. Nobilo (interprétation). – Donc, nous avons un groupe de

  8   citoyens, dont nous venons de parler, que vous venez de définir auquel

  9   n'incombait ni des obligations de travail ni des obligations militaires.

 10   Et si nous partons de ce point de vue, comment définirions-nous les

 11   membres des unités de travail ? Ces membres d'unité de travail sont-ils

 12   des soldats ou des gens à qui n'incombent aucune obligation ou entrent-ils

 13   dans une troisième catégorie ?

 14   M. Rajic (interprétation). – Je pense qu'ils sont dans une

 15   troisième catégorie parce que ce ne sont pas des soldats qui, eux,

 16   combattent avec les armes à la main, mais ce ne sont pas non plus des gens

 17   qui renoncent à leur responsabilité. Ce sont des citoyens qui, se trouvant

 18   pris dans des conditions de guerre ou de danger imminent de guerre,

 19   devaient remplir des obligations qui n'étaient pas purement militaires,

 20   mais ce sont tout de même des gens dont les fonctions les placent tout de

 21   même dans ces unités armées.

 22   M. Nobilo (interprétation). - Si nous tenons compte de

 23   l'ancienneté, des conditions de retraite et des soldes ou salaires

 24   auxquelles avait droit un soldat ou une personne remplissant une

 25   obligation de travail, est-ce qu'un civil qui n'avait pas de telles


Page 15940

  1   obligations était concerné par toutes ces conditions ?

  2   M. Rajic (interprétation). – Non, ce genre de civil n'était pas

  3   concerné par toutes ces conditions. Il ne touchait pas d'argent puisqu'il

  4   n'accomplissait pas un travail donnant lieu au paiement d'émoluments.

  5   M. Nobilo (interprétation). – Eh bien, une autre question

  6   hypothétique que j'aimerais vous poser, qui vous a été posée d'ailleurs

  7   par mon collègue de la partie adverse : un Musulman de Vitez creuse des

  8   tranchées pendant un an, par exemple, est-ce que qu'il a les mêmes droits

  9   qu'un Croate qui est membre du HVO ? Est-ce qu'aujourd'hui, il a les mêmes

 10   droits ?

 11   M. Rajic (interprétation). – Pour autant que je sache, tous

 12   avaient les mêmes droits, tous ceux qui ont participé à des unités de

 13   travail obligatoire ou à des unités militaires.

 14   M. Nobilo (interprétation). – Et finalement, conclusion, ai-je

 15   raison de dire qu'à mon avis, il y a deux ou trois groupes différents,

 16   l'un qui est composé de pur civils...

 17   M. Kehoe (interprétation). – La question a déjà été posée. Elle

 18   a reçu réponse.

 19   M. le Président. – Terminez juste votre réponse, maître Nobilo.

 20   Je pense que Me Nobilo ne posait pas tout à fait la même question que

 21   celle que vous posiez. Je pense qu'il doit y avoir une différence, maître

 22   Kehoe, à mon avis. Ce n'est pas tout à fait la même. Allez-y maître

 23   Nobilo.

 24   M. Nobilo (interprétation). – Ma dernière question : ai-je bien

 25   compris ce que vous avez dit et, d'ailleurs, c'est une question


Page 15941

  1   intéressante pour tous les participants au processus. Pouvons-nous dire

  2   que, engagés dans les axions relevant de la guerre, il existe trois

  3   groupes différents de personnes ?

  4   M. Rajic (interprétation). – Oui.

  5   M. Nobilo (interprétation). – Merci, monsieur le Président, j'en

  6   ai fini.

  7   M. le Président. – Merci maître Nobilo. Je me tourne vers mon

  8   collègue, M. le Juge Shahabuddeen.

  9   M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le témoin, en fait,

 10   je ne voudrais pas vous poser la moindre question, mais vous féliciter

 11   simplement pour avoir insisté lorsque vous avez dit que le compte rendu de

 12   l'affaire Aleksovski comportait une erreur et je félicite également les

 13   deux parties pour avoir réalisé l'accord qu'ils ont réalisé.

 14   M. le Président. – Merci, monsieur le Juge. C'est effectivement

 15   ainsi qu'il faut procéder dans une enceinte judiciaire. Je vais vous poser

 16   moi-même simplement une ou deux questions, Monsieur Rajic.

 17   J'ai cru comprendre que les textes de 1989, relatifs à la

 18   Défense nationale, avaient été conçus à une époque où l'on pensait que le

 19   danger pouvait venir d'un pays autre que la République fédérative de l'ex-

 20   Yougoslavie  ? Est-ce que je me trompe ?

 21   M. Rajic (interprétation). – Vous avez raison.

 22   M. le Président. - Ma question est celle-ci. N'avez-vous pas le

 23   sentiment qu'en utilisant ces textes, ceux-ci, les deux ce 1989 ou celui

 24   qui a été refait en quelque sorte par la Communauté croate de défense,

 25   n'avez-vous pas le sentiment qu'on les a détournés de leur sens dans la


Page 15942

  1   mesure où autant il est concevable d'organisation la défense civile,

  2   défense militaire et défense civile lorsqu'on imagine que la patrie est en

  3   danger, la patrie étant la République, les six Républiques en quelque

  4   sorte, autant n'est-ce pas un détournement de pouvoir que d'utiliser le

  5   même cadre, la même organisation, mais l'utiliser finalement contre un

  6   peuple frère sous prétexte qu'on temporairement ennemi ?

  7   N'y a-t-il pas là, vous qui avez fait de la science politique,

  8   un détournement de pouvoir?

  9   M. Rajic (interprétation). – Eh bien, je ne pense pas qu'il y

 10   ait eu détournement parce que ces textes étaient applicables, y compris

 11   dans ces conditions, dans ces circonstances. Il n'existait aucun autre

 12   texte.

 13   M. le Président. – Dois-je comprendre qu'en 1989, on prévoyait

 14   que les Croates

 15   lutteraient comme les Tchetniks ou contre les Musulmans ? C'est ce que

 16   cela voulait dire ?

 17   M. Rajic (interprétation). – Non. A ce moment-là, nous ne

 18   savions pas qui allait se battre contre qui. En tout cas, moi je ne le

 19   savais pas et une majorité de la population ne le savait sûrement pas non

 20   plus.

 21   M. le Président. – Il était sûr que personne ne le savait.

 22   Personne n'avait prévu ces événements. Il n'en demeure pas moins vrai que

 23   lorsqu'on dit dans un texte que des pelotons de travail vont faire des

 24   fortifications, je pense que dans l'esprit du Maréchal Tito ou de ses

 25   successeurs, comme dans d'autres pays -j'appartiens à un pays qui a


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  1   souvent connu des invasions-, on met effectivement toutes les ressources

  2   au travail, chacun a sa place. Il nous faut aussi bien des agents des

  3   transmissions, il faut des généraux, il faut des soldats, il faut des

  4   artilleurs, il faut des statisticiens. Et puis, il faut des gens qui

  5   creusent des tranchées.

  6   Alors ma deuxième question est celle-ci : est-ce que vous-même

  7   vous êtes allé creuser des tranchées ? Etes-vous allé creuser des

  8   tranchées vous-même ?

  9   M. Rajic (interprétation). – Moi, je n'ai pas creusé de

 10   tranchées.

 11   M. le Président. – Vous nous dites que le régime appliqué à ceux

 12   qui creusaient des tranchées était un régime convenable ?

 13   M. Rajic (interprétation). – Je n'ai pas compris la question.

 14   M. le Président. - Vous nous dites que le régime de travail de

 15   ceux qui accomplissaient cette tâche de creuser des tranchées était un

 16   régime correct.

 17   M. Rajic (interprétation). - Ce qui pose problème, c'est dans

 18   une guerre, dans une guerre qui éclate dont personne ne savait qu'elle

 19   allait éclater et qui se développe comme elle s'est développée, il est

 20   difficile de dire… Nous avons dû trouver des solutions en fonction de la

 21   situation. Parce que vous-même l'avez remarqué très justement, les

 22   préparatifs concernaient un situation où il y aurait un agresseur

 23   extérieur. Dans ces conditions, toutes les forces et toutes les ressources

 24   auraient été mises à la disposition du combat. Mais là, nous étions dans

 25   une


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  1   situation un peu différente.

  2   M. le Président. – C'est bien ce que je dis : on a utilisé des

  3   textes, qui étaient faits pour une agression extérieure, dans le cadre

  4   d'une guerre intérieure, à supposer qu'il n'y ait pas d'autres

  5   composantes.

  6   Ma dernière question est celle-ci : est-ce que ces pelotons de

  7   travail, qui sont allés creuser des tranchées, ont été envoyés sur des

  8   lignes de front contre les Musulmans ?

  9   M. Rajic (interprétation). - Dans ces pelotons de travail que,

 10   moi, j'étais responsable de former, des Musulmans n'ont pas été envoyés

 11   sur les lignes séparant les Croates des Musulmans. Il n'y avait que des

 12   Croates.

 13   M. le Président. - Mais il y a bien eu utilisation de tranchées

 14   sur la ligne de front contre l'armée de Bosnie ? C'était fait pour ça ?

 15   M. Rajic (interprétation). - Oui, ces tranchées étaient

 16   utilisées.

 17   M. le Président. - Alors, dans le document qui nous a été

 18   fourni, le décret d'organisation d'Herceg-Bosna, c'est bien sûr un décret

 19   qui est repris des anciens décrets de 1989. Nous sommes d'accord ?

 20   M. Rajic (interprétation). - Oui.

 21   M. le Président. - Or peut-être ne le savez-vous pas, mais

 22   puisque vous êtes membre du HVO et que vous avez la nationalité croate

 23   vous devez savoir de quand date la décision qui a porté création de la

 24   communauté croate d'Herceg-Bosna ? Vous la connaissez ? Je vais peut-être

 25   vous la rappeler, elle date de novembre 1991. Vous savez cela, puisque


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  1   vous aimez l'idée d'appartenir à cette communauté ? Vous savez quand a été

  2   créée la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  3   M. Rajic (interprétation). - Je sais quand la communauté croate

  4   d'Herceg-Bosna a été créée. Mais est-ce que c'était une idée durable, ça !

  5   En tout cas, à l'époque, c'était la réalité.

  6   M. le Président. - Ce n'est pas la question. C'est une réalité

  7   qui s'est concrétisée parce que -je vais vous le dire tout de suite- c'est

  8   une décision qui a été prise par M. Mate Boban le 18 novembre 1991.

  9   Ma question est celle-ci : est-ce que cette communauté croate

 10   d'Herceg-Bosna a été créée pour lutter contre les Musulmans de l'armée de

 11   Bosnie ?

 12   M. Rajic (interprétation). - A ma connaissance, non. Elle a été

 13   créée pour assurer la protection -avant tout- du peuple croate contre ce

 14   qui était à l'époque l'agression de la JNA, c'est-à-dire l'agression des

 15   Serbes.

 16   M. le Président. - Je suis heureux que vous soyez d'accord avec

 17   moi là-dessus. Car, effectivement, l'exposé des motifs de la décision

 18   porte bien qu'on s'organise en communauté croate d'Herceg-Bosna pour

 19   lutter contre l'agression venant des Chetniks.

 20   Donc je suis en droit de penser que les tranchées qu'on fait

 21   creuser sur le front dans la lutte contre l'armée de Bosnie-Herzégovine,

 22   l'armée officielle, étaient des tranchées qui n'étaient pas légales ?

 23   M. Rajic (interprétation). - Etaient-elles légales ou non, c'est

 24   à vous qu'il appartient d'en juger. Mais la réalité, c'est qu'il y avait

 25   un conflit et que les tranchées avaient pour fonction d'assurer la défense


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  1   sur un territoire particulier, la défense du peuple croate.

  2   M. le Président. - Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'en

  3   fin de compte non seulement le décret qui fait l'objet de la pièce 494 est

  4   un décret qui a été conçu sur le modèle de textes qui, sous l'empire des

  5   anciennes républiques, étaient faits pour l'organisation de la défense

  6   dans le cadre d'un conflit avec une puissance extérieure à l'ancienne

  7   République, premièrement.

  8   Mais, de surcroît, que le décret de 1992, celui de la communauté

  9   croate d'Herceg-Bosna, a détourné également votre propre organisation,

 10   c'est-à-dire une organisation de la défense qui devait être tournée contre

 11   les Chetniks. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce que

 12   je vous dis ?

 13   M. Rajic (interprétation). - Je suis d'accord en partie. Mais, à

 14   ce moment-là, l'éclatement, l'arrêt de fonctionnement des organes

 15   officiels de la Bosnie-Herzégovine a commencé et nous avons pris

 16   conscience du fait que la guerre qui avait commencé en Croatie ne

 17   s'achèverait pas en Croatie, mais qu'elle serait transférée ailleurs. Donc

 18   l'Herceg-Bosna était pour nous un instrument d'organisation du peuple

 19   croate afin de lui permettre de s'opposer à cela. C'est un fait. C'est un

 20   fait que, plus tard, le conflit s'est déplacé pour devenir un conflit

 21   également contre l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 22   Mais pour tout ce qui s'est fait du point de vue de la

 23   consolidation des fortifications et du travail sur les lignes -qu'il

 24   s'agisse de lignes séparant de l'une ou de l'autre des parties- il y a eu

 25   un moment où, en Bosnie, nous avons tous combattu contre tout le monde, et


Page 15947

  1   chacun s'est débrouillé comme il l'a pu, au mieux de ses capacités du

  2   moment.

  3   M. le Président. - Oui, mais peut-être qu'à ce moment-là ceux

  4   qui étaient les plus faibles ne pouvaient pas lutter de la même façon.

  5   Parce que, autant en vertu de ces textes, lorsqu'il s'agit d'un

  6   effort de mobilisation générale, de l'envahissement d'un pays, toutes les

  7   forces concourent à la volonté commune de défendre la patrie, autant là

  8   vous preniez le risque qu'une des communautés n'aille pas aux tranchées,

  9   j'allais dire la fleur au fusil, très contente d'y aller.

 10   Encore qu'hier, on a eu un témoin qui semblait être satisfait

 11   d'aller dans les tranchées, mais ça c'est un autre problème.

 12   Je crois qu'on ne peut pas en dire davantage. Je peux quand même

 13   conclure en disant qu'au fond, lorsque dans votre témoignage vous nous

 14   dites que les textes étaient pour vous, que c'était une obligation de tous

 15   les citoyens, seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'une certaine

 16   catégorie de citoyens n'étaient peut-être pas tout à fait d'accord avec

 17   les objectifs que vous poursuiviez ?

 18   M. Rajic (interprétation). - Peut-être n'étaient-ils pas

 19   d'accord avec les objectifs, certains citoyens, mais tous les citoyens qui

 20   étaient aptes à accomplir certaines tâches, avaient un devoir, c'était

 21   leur droit aussi mais c'était avant tout leur devoir de participer.

 22   M. le Président. - En tout cas, vous vous avez accompli votre

 23   tâche, ici au Tribunal, et il vous en remercie beaucoup. Vous apportez cet

 24   élément qui fait partie de l'acte d'accusation dans le paragraphe 12,

 25   l'éclairage de ceux qui ont vécu cela au plus près, nous vous en


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  1   remercions.

  2   A présent, votre témoignage est achevé, l'huissier va vous

  3   raccompagner. Et nous allons pouvoir procéder à l'audition du témoin

  4   suivant qui devrait être le dernier, n'est-ce pas, maître Nobilo ?

  5   Merci encore, monsieur Rajic.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Oui, monsieur le Président, ce

  7   sera le dernier témoin pour cette semaine.

  8   M. Fourmy. - Monsieur le Président, si je puis me permettre.

  9   M. le Président. - Oui.

 10   M. Fourmy. - En vous demandant de m'excuser d'intervenir à

 11   nouveau, c'est pour le transcript anglais, en tout cas, pour ce que je

 12   peux lire sur le système "live note", à la page 82 d'aujourd'hui, les

 13   lignes 12, 13.

 14   M. le Président. - Comment arrivez-vous à retrouver les

 15   lignes 12, 13 ?

 16   M. Fourmy. - Parce que j'en ai pris note, monsieur le Président,

 17   mais je crois qu'aussi bien la défense que le Bureau du Procureur, que

 18   nous-mêmes ici et le greffier, pouvons remonter dans le système.

 19   M. le Président. - Pas les juges.

 20   M. Fourmy. - Les juges ont tous les pouvoirs, sauf celui de

 21   revérifier le transcript à l'arrière.

 22   M. le Président. - Chers collègues, vous voyez, nous pensions

 23   avoir tous les pouvoirs, il faudra que nous révisions notre position là-

 24   dessus.

 25   Que voulez-vous nous dire sur cette question-là ?


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  1   M. Fourmy. - Page 82, lignes 12, 13 : au lieu de "I suppose,

  2   there is no other component", il faut lire "Assuming, there is no other

  3   component".

  4   Et à la page 84...

  5   M. le Président. - Tout le monde est d'accord, là ?

  6   M. Hayman (interprétation). - La défense est peut-être capable

  7   de remonter dans le compte rendu à l'arrière, mais nous ne l'avons jamais

  8   fait, nous ne savons pas le faire.

  9   M. Fourmy. - La ligne 20, vous avez fait référence, monsieur le

 10   Président, dans une question au témoin à la pièce D494. Ce qui est apparu,

 11   c'est le 14 novembre 1994, suivi d'un petit chapeau ce qui signifie que

 12   les Courts Reporters vont vérifier cela. Je peux peut-être les aider tout

 13   de suite en leur disant que c'est D494.

 14   M. le Président. - Tout le monde est admiratif de votre

 15   vigilance à surveiller cela, monsieur Fourmy, et j'en profite une fois de

 16   plus pour vous remercier de votre présence compétente aux audiences.

 17   Maître Nobilo, le témoin suivant, s'il vous plaît.

 18   (Le précédent témoin a été raccompagné par l'huissier.)

 19   (Le nouveau témoin est introduit dans le prétoire.)

 20   M. le Président. - Vous m'entendez, monsieur ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, je vous entends.

 22   M. le Président. - Vous allez nous préciser à l'intention des

 23   Juges votre nom, votre prénom, votre date et votre lieu de naissance,

 24   votre profession et votre résidence actuelle puisque l'audience est

 25   publique. Après quoi, vous resterez debout pour prêter serment, et puis,


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  1   vous pourrez vous asseoir.

  2   M. Mlivoncic (interprétation). - Je m'appelle Ivo Mlivoncic, je

  3   suis né à Vares, à côté de Sarajevo en 1931. Je suis depuis quarante ans à

  4   Split, je réside à Split, je suis citoyen de la République de Croatie. Je

  5   suis journaliste de profession. Je vis et je travaille à Split.

  6   M. le Président. - Pouvez-vous prêter serment, s'il vous plaît ?

  7   M. Mlivoncic (interprétation). -  Je déclare solennellement que

  8   je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   M. le Président. - Merci, monsieur. Vous pouvez-vous asseoir à

 10   présent. Merci d'être venu jusqu'au Tribunal pénal international où se

 11   déroule depuis déjà un certain temps le procès intenté par le Procureur

 12   dudit Tribunal à l'encontre de M. Tihomir Blaskic, dans la salle à votre

 13   gauche. Vous allez recevoir, d'abord, les questions de la défense et,

 14   ensuite, les questions du Procureur. Maître Nobilo, c'est vous ? Faites

 15   repréciser le nom et le prénom du témoin que j'ai mal perçu, en m'en

 16   excusant ?

 17   L'interprète. – Mlivoncic.

 18   M. le Président. – Merci.

 19   M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président. Monsieur

 20   Mlivoncic, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire un petit peu votre

 21   itinéraire professionnel de vie. Vous êtes né en 1931, à Vares, en Bosnie

 22   centrale. C'est une région dont on parle depuis quelques années, est-ce

 23   que vous pouvez décrire un petit peu votre vie et votre itinéraire

 24   professionnel ?

 25   M. Mlivoncic (interprétation). – Je suis né dans une famille


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  1   ouvrière, une famille croate depuis toujours. J'ai terminé l'école

  2   élémentaire à Vares où je suis né. Ensuite, lycée classique, huit ans, à

  3   Visoko. C'était un lycée franciscain. Après cela, j'ai fait des études de

  4   théologie à Sarajevo et, ensuite, à Ljubljana. Par la suite, j'ai été

  5   diplômé en archéologie à Zadar et en histoire. Et j'ai été diplômé en

  6   sciences politiques à Belgrade.

  7   J'ai travaillé dans le journal Slobodna Dalmacija, à Split. J'ai

  8   fait un certain nombre de recherches au niveau de théologie, des

  9   recherches religieuses, des confessions.

 10   M. Nobilo (interprétation). - On vous demande de bien vouloir

 11   parler un peu plus lentement, monsieur le témoin, parce que l'on est en

 12   train d'interpréter. C'est dans l'intérêt de la défense, que les Juges et

 13   que nos collègues de l'accusation vous suivent de très près.

 14   M. Mlivoncic (interprétation). – En ma qualité de journaliste,

 15   j'ai également entrepris un certain nombre de recherches scientifiques,

 16   sociologiques, politiques, politologiques. J'ai étudié également le

 17   confessions et les religions différentes sur l'espace de l'ex-Yougoslavie.

 18   Je suis devenu également spécialiste en matière de confessions

 19   et de religions, notamment pour les relations entre les religions et la

 20   politique entre l'Etat et l'Eglise. J'ai écrit toute une série d'articles

 21   sur le catholicisme, sur l'orthodoxie, sur l'islam. J'ai fait plusieurs

 22   interviews également avec des hommes de théologie, des théologiens, aussi

 23   bien orthodoxes que catholiques, ainsi qu'avec les cardinaux, les évêques,

 24   avec les efendija, archevêques et les autres.

 25   J'ai également publié deux livres. Il y a un livre, L'Eglise en


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  1   Amérique latine, c'est un livre sur la théologie de la libération et,

  2   ensuite, il y a un autre livre intitulé : Les papes et les Croates,

  3   l'histoire des relations entre le Vatican et la Croatie.

  4   Il y avait un troisième livre, c'est le plus récent. C'est un

  5   livre qui a été publié il y a

  6   un mois. C'est le crime et les crimes de guerre et le génocide des

  7   Musulmans de Bosnie sur les Croates en Bosnie-Herzégovine. C'est un sujet

  8   dont je me suis occupé. J'écris également pour la revue Balkanika. C'était

  9   mes premières recherches. Là, ici, j'ai pratiquement terminé mes

 10   recherches.

 11   Par conséquent, j'ai écrit sur de nombreux sujets également pour

 12   la maison, la maison de presse pour laquelle j'ai travaillé, et écrit les

 13   livres dont j'ai parlé tout à l'heure.

 14   M. Nobilo (interprétation). - Je pense que, maintenant, nous

 15   allons parler un peu plus du thème qui nous intéresse et dont vous allez

 16   témoigner. Vous avez écrit également un livre sur les crimes qui ont été

 17   commis par les Musulmans sur les Croates. Pourriez-vous décrire aux Juges

 18   quels sont vos motifs ? Quelles sont vos raisons pour rechercher un

 19   domaine aussi spécifique ?

 20   M. Mlivoncic (interprétation). -Quant à Stupni Do, le crime

 21   s'est produit, il y avait une municipalité qui est à côté de l'endroit où

 22   je suis né. Le premier qui avait décrit ce crime qui a été commis comme

 23   une honte croate, c'était moi. Cela s'est produit à Stupni Do. A ce

 24   moment-là, j'ai informé tout de suite Franjo Puharic, qui est le cardinal.

 25   Et j'ai également informé le chef religieux musulman, en


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  1   Slovénie, en Bosnie, Omerbasic, de ce qui s'est passé à Stupni Do. C'était

  2   par conséquent pour moi un acte moral; J'ai réagi à un phénomène. Et, moi,

  3   personnellement, je m'en suis rendu compte parce que j'ai eu des

  4   informations et des détails.

  5   Mais comme dans l'opinion publique, on a répété en permanence le

  6   fait qu'il y avait des crimes qui ont été commis à l'encontre des

  7   Musulmans, à Ahmici, à Stupni Do, etc. Moi, j'ai été… Je me suis dit que

  8   je devrais également attirer l'attention de l'opinion publique sur les

  9   crimes qui se sont produits et qui ont été commis par les forces

 10   musulmanes, les forces bosniennes à l'encontre des Croates.

 11   C'étaient mes motifs, mes raisons pour lesquelles j'ai

 12   recherché. Et parce que j'ai tout simplement voulu prouver qu'il n'avait

 13   pas des extrémistes uniquement dans le peuple croate, mais qu'il y avait

 14   également des extrémistes dans le peuple bosnien, musulman.

 15   M. Nobilo (interprétation). – Avant de parler en détail, vous

 16   avez fait les recherches. Quelles sont les méthodes ? Et quelle est votre

 17   méthodologie de travail ? Comment vous avez réuni les données ?

 18   M. Mlivoncic (interprétation). - Je suis journaliste, par

 19   conséquent, les cinq motifs : qui, comment, où et quand et c'est comme ça

 20   que j'ai essayé de me poser les questions et avoir les réponses. Pour

 21   avoir les réponses à ces questions simples, moi, j'avais développer ma

 22   propre méthodologie. Moi-même, je suis chercheur. Je l'ai déjà dit.

 23   C'est pour cette raison que je me suis référé aux documents que

 24   je possédais car j'avais visité les terrains et j'ai pu me rendre compte

 25   de ce qui s'était passé au cours des conflits entre le HVO et l'armée de


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  1   Bosnie-Herzégovine. J'ai pu me rendre compte sur place. J'ai été à Mostar.

  2   J'ai été à Sarajevo également. On avait accueillit le Pape en 1994. A ce

  3   moment-là, il ne pouvait pas venir car on avait pilonné la ville.

  4   J'ai été à Stolac également et c'est là où j'ai été arrêté par

  5   la police militaire. On m'avait posé la question sur ce que je faisais à

  6   Stolac, à Vares, ma ville natale. C'est la police musulmane bosnienne qui

  7   m'a arrêté. Ils m'ont demandé de leur laisser mon appareil photos et les

  8   films que j'avais fais. Je ne l'ai pas permis. J'ai eu à faire face

  9   également, à côté de Knin, à un Chetnik et on a pointé une kalachnikov sur

 10   moi.

 11   Par conséquent, je veux dire que j'ai visité le terrain et j'ai

 12   pu me rendre compte de tout ce qui s'était passé sur le terrain. J'avais

 13   les informations, j'avais les documents et j'ai pu également me rendre

 14   compte des crimes qui étaient commis à un endroit et à l'autre. Notamment,

 15   je disposais d'un recueil de documents qui m'a été remis par la Communauté

 16   croate de Herceg-Bosna.

 17   Ensuite, j'ai pu également rassembler un certain nombre de

 18   documents auprès des églises à Zagreb, à Sarajevo et puis également dans

 19   la province de Herceg-Bosna et notamment du Bishop qui avait agi à cet

 20   endroit-là. Mais je dois dire qu'ils ne disposaient pas, eux, de beaucoup

 21   de documents, c'était assez pauvre.

 22   Chaque prêtre, normalement, aurait dû tenir les registres et

 23   savoir ce qui s'était passé, à quel moment tel et tel fidèles avaient été

 24   tués et blessés, etc. Mais la plupart de ces données manquaient. Il y

 25   avait beaucoup de lacunes. Quand j'avais demandé le prêtre franciscain qui


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  1   était à Bugonoj pendant la guerre, qui actuellement se trouve à Fojnica,

  2   pourquoi il ne l'avait pas fait, pourquoi il n'avait pas marqué que telle

  3   et telle personnes ont été tuées, il avait dit : "si jamais les autorités

  4   bosniennes se rendaient ici, ils verraient ce que j'avais fait et moi,

  5   j'aurais été une des victimes également".

  6   C'est la raison pour laquelle, par conséquent, il y avait un

  7   témoignage qui manquait sur ce qui se passait. Je me dois de vous dire

  8   qu'un certain nombre de documents ne pouvaient rester en ma possession ou

  9   je n'avais pas accès à un certain nombre de documents.

 10   Par exemple, à Grbovica, à côté de Zagreb également, je ne

 11   pouvais même pas avoir accès à un certain nombre de documents. C'était le

 12   cas également d'un village situé à côté de Mostar parce que de toute

 13   façon, ce n'était pas possible d'avoir tous ces documents.

 14   M. Nobilo (interprétation). – Je vous prie, s'il vous plaît, de

 15   ne pas parler aussi rapidement.

 16   M. Mlivoncic (interprétation). – Mais j'ai parlé des sources de

 17   mes documents et j'ai dit également qu'il y avait des lacunes dans ces

 18   documents, que je ne pouvais pas en avoir comme je voulais. Je veux dire

 19   également que bien évidemment je me suis référé à un certain nombre

 20   d'articles dans les quotidiens, dans les revues mensuelles, etc. Mais ce

 21   sont les textes qui n'étaient pas convaincants parce que souvent ils

 22   étaient au service d'une politique quotidienne. Par conséquent, il fallait

 23   publier ou pas à telle et telle dates les documents.

 24   C'est la raison pour laquelle je ne me suis pas toujours référé

 25   à cette presse et la presse quotidienne.


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  1   M. Nobilo (interprétation). – Est-ce que vous vous êtes arrêté

  2   dans vos recherches ou bien avez-vous poursuivi vos recherches ? Qu'avez-

  3   vous fait par la suite, après la guerre ?

  4   M. Mlivoncic (interprétation). – Mais j'ai écrit, dans le

  5   préambule de mon livre, que mon livre n'est pas définitif et qu'il y a

  6   peut-être des données qui ne sont pas tout à fait exactes, que je n'ai pas

  7   expliquées jusqu'au bout, que je n'ai peut-être pas disposé de tous les

  8   documents et c'est pourquoi je poursuis mes recherches. Je ne me suis pas

  9   arrêté. Je pourrais même vous présenter quelques données.

 10   Au cours de mes recherches, j'ai essayé également…

 11   M. Harmon (interprétation). – Excusez-moi, Monsieur le

 12   Président, excusez-moi conseils de la défense, j'objecte au témoignage du

 13   témoin. Il semble qu'il lise un texte préparé. Alors je ne sais pas s'il a

 14   besoin de notes pour se rafraîchir la mémoire. Si c'est le cas, qu'il les

 15   utilise, mais cela fait quelques minutes que je le regarde et il semble

 16   qu'il soit en train de lire et de tourner, page après page. J'objecte donc

 17   à cette forme de témoignage.

 18   M. le Président. – Vous savez que dans les enceintes

 19   judiciaires, et en tout cas dans celle-ci, le témoin doit déposer

 20   librement. Il ne peut pas arriver avec des documents pré-rédigés. Il peut

 21   avoir des documents, mais uniquement pour des statistiques, pour

 22   rafraîchir sa mémoire, c'est tout à fait normal. Et il le fait avec

 23   l'autorisation de la partie adverse. Je suis obligé de vous demander,

 24   excusez-moi, si vous lisez un document pré-rédigé ?

 25   L'interprète. - Le témoin n'entend pas, il n'a pas écouté


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  1   l'interprétation, ou bien il a éventuellement changé le canal. 

  2   M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, il va y

  3   avoir beaucoup de dates, beaucoup de chiffres. Par conséquent, il  n'est

  4   pas possible pour le témoin de garder tout cela en mémoire.

  5   M. le Président. – Je ne crois pas que telle soit l'objection de

  6   Me Harmon. Tout d'abord, m'entendez-vous, monsieur Mlivoncic?

  7   M. Mlivoncic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, là

  8   je vous entends.

  9   M. le Président. - L'objection de la partie adverse consiste à

 10   dire ceci : vous ne pouvez pas lire un document près rédigé. Vous pouvez

 11   faire appel à des notes personnelles, avec l'autorisation du Tribunal,

 12   mais ne vous ne pouvez pas arriver, sortir de votre serviette un document

 13   et vous mettre à lire. Cela, vous ne pouvez pas le faire. Il faut que vous

 14   répondiez aux questions avec vos souvenirs, avec ce que vous savez, et

 15   s'il vous manque une date, une précision, une statistique, soit vous

 16   communiquez un tableau soit une statistique sur le rétroprojecteur, ce

 17   sera communiqué à la partie adresse, mais vous ne pouvez pas lire un

 18   document. Vous déposez.

 19   Donc vous allez faire un petit effort, je suis persuadé que vous

 20   arriverez à le faire. Par contre, si vous avez une défaillance de mémoire,

 21   si vous avez besoin de consulter des notes, je vous y autoriserai. Nous

 22   sommes d'accord ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui. Merci, excusez-moi. Je

 24   n'ai pas lu, je jetais un coup d'œil juste pour voir les endroits que j'ai

 25   soulignés. Je n'ai pas véritablement lu. Je donne l'impression de lire,


Page 15958

  1   mais je n'ai pas lu.

  2   M. le Président. - Essayez de ne pas lire votre document. Vous

  3   devez certainement très bien le connaître, vous êtes un historien, un

  4   chercheur, un journaliste : vous devez arriver à parler pratiquement sans

  5   document, j'en suis persuadé. Si vous en avez besoin, vous vous référerez,

  6   avec notre autorisation, à vos notes. Nous revenons au cours de nos

  7   questions, Maître Nobilo.

  8   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. La

  9   question que j'avais posée et vous l'avez confirmé, Monsieur le Témoin,

 10   c'est que vous avez poursuivi vos recherches et que, après 1997, quand

 11   vous avez terminé les recherches pour préparer votre

 12   dernier livre, quand vous avez terminé votre manuscrit donc, vous avez

 13   poursuivi vos recherches. Est-ce que vous pouvez me dire que, pour le

 14   moment, vous n'avez rien écrit ? Il n'y a pas donc tous ces détails dans

 15   votre dernier livre ?

 16   Est-ce que, éventuellement, vous êtes parvenu à un certain

 17   nombre d'autres données qui pourraient être intéressantes, notamment pour

 18   cette affaire ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, j'ai poursuivi mes

 20   recherches. Je pensais évidemment déjà au départ que c'était le minimum

 21   dont je disposais et que j'aurais probablement, à l'avenir, davantage de

 22   données sur les victimes. C'est la raison pour laquelle j'ai poursuivi mes

 23   recherches.

 24   Une fois, quand j'avais remis le manuscrit en me laissant 97, je

 25   suis allé en septembre jusqu'à Kiseljak -pardon, en juillet- et j'ai pu


Page 15959

  1   également contacter la mère du général Blaskic, sa sœur, etc. J'ai appris

  2   une donnée, je l'ignorais auparavant, je ne savais pas que le père du

  3   général Blaskic, qui est né en 1933, était membre du HVO et qui a

  4   travaillé dans un service sanitaire et que le 12 novembre 1993, il a été

  5   tué au moment où il portait l'insigne de la Croix Rouge. Dans mon livre,

  6   il va être cité comme une victime de guerre.

  7   Je me suis intéressé également un petit peu à ce sujet-là,

  8   autour de ce nom, Blaskic. C'est un nom qui n'existe pas parce que, dans

  9   la paroisse où il y a des extraits d'actes de naissance, et dans la

 10   paroisse où le général Blaskic a été baptisé, j'ai pu constater qu'il

 11   s'appelait Teofil, par conséquent, Bogoljub en croate. Dans sa famille, on

 12   l'appelait Tihomir.

 13   Eh bien, lors de ces recherches sur les origines de sa famille,

 14   la manière dont il a été élevé, son prêtre Kujundzic avait dit bien des

 15   choses qui étaient agréables à son égard, et moi j'avais publié tout cela

 16   dans le journal "Slobodna Dalmacija". Je me suis adressé aux autres

 17   personnes également pour leur demander ce qu'ils pensaient de lui.

 18   M. le Président. - Si une question vous est posée sur les

 19   origines tout à fait honorables de la famille de l'accusé, vous y

 20   répondrez. Mais essayez -le temps nous est

 21   compté-, vous êtes ici pour parler, notamment, de la substance de votre

 22   livre, essayez et vous, Maître Nobilo, essayez de bien centrer le

 23   témoignage de votre témoin sur ce qui vous paraît essentiel pour la

 24   défense de l'accusé. Merci.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Témoin. Nous


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  1   allons distribuer quelques cartes. Ce sera le fondement de votre

  2   témoignage. Je vais demander à l'huissier de vous aider pour distribuer

  3   ces cartes.

  4   (L'huissier s'exécute.)

  5   M. Dubuisson. - Document D495.

  6   M. Nobilo (interprétation). - Je vous prie, monsieur l'huissier,

  7   de mettre cette première page sur le rétroprojecteur.

  8   (L'huissier s'exécute.)

  9   Monsieur Mlivoncic, pourriez-vous nous décrire ce que représente

 10   cette carte ? Nous avons d'abord représentés la Bosnie-Herzégovine et les

 11   chiffres qui sont portés sur la carte couleur jaune.

 12   Qu'est-ce que cela représente, s'il vous plaît ?

 13   M. Mlivoncic (interprétation). - Il s'agit de la carte de

 14   Bosnie-Herzégovine. Tout ce qui est marqué en couleur jaune, que je vois

 15   verte, ce sont les régions de la Fédération de Bosnie-Herzégovine où les

 16   conflits se sont produits entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine,

 17   où des crimes ont été commis à l'encontre des Croates.

 18   M. Nobilo (interprétation). - A gauche, il y a un certain nombre

 19   de chiffres de victimes. Voulez-vous faire un commentaire, s'il vous

 20   plaît ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Tout d'abord nous pouvons

 22   conclure qu'au total, d'après les recherches que j'ai faites, il y avait

 23   1606 victimes.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Quand vous dites des victimes de

 25   guerre, vous pensez aux victimes de guerre qui sont tombées sur les champs


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  1   de bataille pendant les combats ou qui

  2   ont été des victimes de crimes ?

  3   M. Mlivoncic (interprétation). - Ce sont les civils et les

  4   soldats du HVO détenus, 1 606 au total.

  5   M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, continuez.

  6   M. Mlivoncic (interprétation). - On voit que 968 personnes

  7   étaient des civils adultes, 120 enfants et 518 soldats détenus, les

  8   soldats du HVO. J'ai déjà précisé qu'il y avait au total 1 606 victimes,

  9   c'est un minimum. Je pense que suivant les recherches que nous allons

 10   poursuivre, et je l'ai déjà prouvé, il s'agirait d'un chiffre beaucoup

 11   plus important.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Combien y avait-il de réfugiés

 13   croates de ces municipalités, qui sont marquées en jaune sur la carte ?

 14   M. Mlivoncic (interprétation). - D'après mes recherches, pendant

 15   le conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, pour ce qui est

 16   des réfugiés et des déplacés, ils étaient au total 140 000. Si nous

 17   faisons la comparaison avec des Musulmans qui ont été expulsés pendant ce

 18   même temps, chassés de ces mêmes régions, ils étaient de l'ordre de

 19   50 000.

 20   En pourcentage, selon le recensement de la population de 1991,

 21   ceci voudrait dire que sur le total les Croates qui ont été chassés et qui

 22   sont des réfugiés représentent 19,5 %, alors que les Musulmans bosniens

 23   s'élevaient à 2,9 %.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Tout ceci, par conséquent,

 25   concerne cette zone qui est en jaune, où il y avait les conflits entre les


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  1   Musulmans et les Croates ?

  2   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, ni avant ni après, mais

  3   pendant le conflit même.

  4   M. Nobilo (interprétation). - Ces chiffres-là ne comprennent pas

  5   les conflits avec les Tchetniks ou d'autres conflits ?

  6   M. Mlivoncic (interprétation). - Non. Est-ce que je peux juste

  7   ajouter le chiffre de

  8   120 enfants...

  9   M. Nobilo (interprétation). - Répondez, s'il vous plaît, à la

 10   question et ensuite on va corriger le compte rendu. Je vous en prie,

 11   allez-y.

 12   M. Mlivoncic (interprétation). - Il y a un autre chiffre qui est

 13   intéressant et ce pour la raison suivante. Alija Izetbegovic, lors d'un

 14   meeting pour le 5ème anniversaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine, avait

 15   dit ouvertement que les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine ne

 16   tuaient pas les enfants, ne tuaient pas les vieillards et ne tuaient pas

 17   de femmes. Par conséquent, ses paroles sont totalement contradictoires

 18   avec les recherches auxquelles j'ai procédées.

 19   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Votre réponse n'est pas

 20   rentrée dans le compte rendu concernant les victimes et les réfugiés. Ce

 21   sont les victimes du conflit qui a eu lieu entre l'armée de Bosnie-

 22   Herzégovine et le HVO ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, exactement.

 24   M. Nobilo (interprétation). - 1992 et 1993. Nous allons demander

 25   le versement de ces documents au dossier, en tant que pièces à conviction.


Page 15963

  1   Mais nous allons d'abord voir la carte suivante. Il y a le

  2   chiffre 1, la municipalité de Rama, et entre parenthèses (Prozor).

  3   Pouvez-vous dire combien il y a eu de victimes, d'après les

  4   recherches auxquelles vous avez procédées, lors du conflit qui a eu lieu

  5   entre les Musulmans et les Croates ?

  6   M. Mlivoncic (interprétation). - Sur la carte, il est marqué

  7   qu'au total il y a eu 66 victimes dans la municipalité de Rama (Prozor),

  8   dont 34 soldats emprisonnés, 6 enfants et 26 personnes adultes civiles.

  9   M. Nobilo (interprétation). - Vous parlez des réfugiés ? 3 500 ?

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, 3 500.

 11   M. Nobilo (interprétation). - La carte suivante ? Dites

 12   aux Juges ce que représente

 13   cette carte.

 14   M. Mlivoncic (interprétation). - Cette carte représente les

 15   endroits où il y avait de grands martyrs croates. C'était Jurici.

 16   M. Nobilo (interprétation). - Quelle municipalité ?

 17   M. Mlivoncic (interprétation). - La municipalité de Rama

 18   (Prozor). Il y a d'abord Jurici, avec trois victimes, et Uzbol avec

 19   quarante et une victimes.

 20   M. Nobilo (interprétation). - Et les dates, on les voit bien

 21   dans les rectangulaires, ensemble avec le nombre de victimes, n'est-ce

 22   pas ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui.

 24   M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous allons passer à la

 25   carte suivante.


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  1   M. Mlivoncic (interprétation). - Cette carte-là représente la

  2   municipalité de Jablanica. Il y avait dans cette municipalité cinquante-

  3   neuf Croates qui ont été victimes, dont onze adultes...

  4   M. le Président. - Cette carte, les Juges en disposent. Posez

  5   des questions, peut-être sur tel et point qui n'est pas bien éclairé mais,

  6   sinon, nous voyons bien -pour votre compte rendu ce sera très clair- que

  7   le témoin a fourni aux Juges et aux conseils de l'accusation des cartes,

  8   municipalité par municipalité. Il a fait le recensement des civils, des

  9   victimes du HVO, des réfugiés de nationalité croate.

 10   Posez peut-être des questions, Maître Nobilo, qui compléteraient

 11   l'information.

 12   M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, bien

 13   évidemment, on peut pratiquer des méthodes différentes. Il est un fait que

 14   ces cartes sont claires, on voit très bien de quoi il s'agit et, pour

 15   économiser du temps, effectivement...

 16   M. le Président. - Il faut que par la suite, dans son contre-

 17   interrogatoire, il faut que cela soit bien entendu, que si l'accusation

 18   dans son contre-interrogatoire utilisait l'une des cartes pour poser des

 19   questions au témoin, évidemment vous auriez tout à fait le droit de

 20   répliquer ensuite sur la carte en question.

 21   Mais pour l'instant, sur la méthode d'interrogation, je pense

 22   que les Juges se satisfont de l'ensemble des cartes détaillées, sauf si

 23   vous avez besoin de compléter, soit sur la méthode, soit sur tel ou tel

 24   point particulier.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je suis


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  1   parfaitement d'accord, il faut économiser du temps. Il s'agit de cartes

  2   qui sont claires et précises, elles sont suffisantes pour donner des

  3   informations sur ce qui s'est passé.

  4   Nous pourrions éventuellement, outre ce que vous venez de dire

  5   également, vous demander, Monsieur Mlivoncic, de nous donner un petit peu

  6   vos conclusions parce que nous voulons rationaliser notre temps. Nous

  7   n'allons pas passer chaque carte sur le rétroprojecteur, nous allons

  8   verser ces cartes comme pièces à conviction.

  9   Par conséquent, Monsieur Mlivoncic, nous allons peut-être vous

 10   demander de nous décrire un certain nombre de crimes ou des phénomènes

 11   dont vous avez pris connaissance, ou des conclusions éventuellement qui

 12   sont les vôtres à partir de ces recherches. Nous n'allons pas passer d'une

 13   municipalité à l'autre, nous n'allons pas présenter tous ces crimes car je

 14   ne peux que partager le point de vue du Président et du Juge Shahabuddeen

 15   car, effectivement, il s'agit de cartes qui sont claires et l'on voit très

 16   bien où ces crimes ont été commis.

 17   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, d'accord.

 18   M. Nobilo (interprétation). - Merci.

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Au cours de mes recherches,

 20   j'ai essayé tout d'abord, bien évidemment, de me référer à l'histoire du

 21   crime en Bosnie-Herzégovine. Chaque pays connaît également l'histoire du

 22   crime. Pour ce qui concerne la Bosnie, du point de vue de l'itinéraire,

 23   c'est Ivo Andric, le prix Nobel, qui avait étudié cette question-là et

 24   avait approché cette question-là du point de vue littéraire.

 25   Mais quand nous essayons de voir quelles étaient les modalités


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  1   de procéder aux

  2   crimes, la manière, le type de meurtre, etc., pendant le conflit qui a eu

  3   lieu entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO, il y a un nouveau type

  4   de crime qui n'a pas été connu jusqu'à cette époque-là en Bosnie. Moi,

  5   j'ai appelé cela des meurtres de rituel. Je vais essayer de m'expliquer,

  6   je vais vous donner des exemples.

  7   Dans la municipalité de Travnik, le village Miletici, le

  8   24 avril 1993, les forces musulmanes bosniennes ont arrêté trente jeunes

  9   gens, dont un certain nombre de civils, quelques-uns soldats du HVO. Eh

 10   bien, on les a alignés et on les a mis dans un cercle ; ensuite on avait

 11   d'abord décapité le premier, on a mis la tête sur une assiette, un

 12   plateau, et on avait demandé aux autres de l'embrasser. Après quoi, il y

 13   avait l'autre qui a été décapité et toujours le même procédé. Ce sont les

 14   témoins qui l'ont confirmé.

 15   Ce qui a été confirmé également lors de l'exhumation qui a été

 16   faite en 1996. C'était la Commission de la Fédération de Bosnie-

 17   Herzégovine avec la communauté internationale qui ont procédé à cette

 18   exhumation et quand ils avaient découvert les cadavres qui avaient été

 19   décapités.

 20   Au cimetière de Kandja, à côté de Bugonoj, on a découvert une

 21   tombe de vieillard prénommé Ilija Mostarac. On l'avait empalé. Il y avait

 22   un pale qui avait été enfoncé dans le cou, un autre dans le corps et c'est

 23   assez connu sous le terme de "Danse macabre", c'était un rituel auquel ils

 24   ont procédé.

 25   A l'entrée de Bugonoj, juste du côté de Kupes, sur le point de


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  1   contrôle qui a été contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine, il y avait

  2   des Moudjahidins qui avaient arrêté les trois soldats du HVO, ils les ont

  3   tués, ensuite, ils se sont agenouillés et ils ont remercié Allah, en se

  4   baignant dans leur propre sang pour ce qu'ils avaient fait. Ils se sont

  5   mis à genoux dans les flaques de sang.

  6   Ce sont les exemples qui démontrent que des crimes en Bosnie-

  7   Herzégovine lors de ce conflit, et un conflit malheureux pour moi-même et

  8   entre les Croates et les Musulmans,

  9   ont donc témoigné de nouveau type de meurtres et ceux-ci ont été amenés

 10   par les Moudjahidins des pays islamiques, et ce sont eux qui ont participé

 11   dans ce nouveau type de meurtres. C'est une de mes conclusions.

 12   M. Nobilo (interprétation). - Merci, monsieur Mlivoncic.

 13   Monsieur le Président, nous allons demander que toutes ces cartes avec

 14   toutes les données soient versées au dossier, sous un même cote. Nous vous

 15   demandons de verser au dossier, sous la même cote, tous ces documents.

 16   Je vous remercie.

 17   M. le Président. - Vous avez terminé votre interrogatoire,

 18   Maître Nobilo, si je comprends bien  ?

 19   M. Nobilo (interprétation). - Oui, monsieur le Président, nous

 20   venons de terminer notre interrogatoire principal.

 21   M. le Président. - Nous allons procéder à une pause, maintenant,

 22   et dans vingt minutes, nous reprendrons pour le contre-interrogatoire.

 23   L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

 24   M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Introduisez,

 25   l'accusé. Monsieur le Procureur, vous en avez pour combien de temps. Je


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  1   vous tiens en liberté surveillée.

  2   M. Harmon (interprétation). - Je dirai, Monsieur le Président,

  3   pas plus d'une demi-heure, cela dépend des réponses du témoin, bien sûr.

  4   M. le Président. - C'est  parfait. Monsieur Harmon, c'est à

  5   vous.

  6   M. Harmon (interprétation). - Bonjour, monsieur Mlivoncic.

  7   J'espère avoir prononcé votre nom correctement.

  8   M. Mlivoncic (interprétation). - Bonjour.

  9   M. Harmon (interprétation). - Je m'appelle Mark Harmon, mes

 10   collègues du Bureau du Procureur sont à ma droite. Maître Gregory Kehoe

 11   est à sa droite.

 12   Je voudrais tout d'abord que vous consultiez la carte relative à

 13   la municipalité de Kiseljak dans la pièce de la défense 495. Peut-on la

 14   placer sur le rétroprojecteur. Merci.

 15   (La carte est placée sur le rétroprojecteur.)

 16   M. le Président. - Allez-y?

 17   M. Harmon (interprétation). - Non, il s'agit de cette carte

 18   Monsieur l'huissier. Voilà, merci.

 19   Monsieur Mlivoncic, le 18 avril  1993, quel parti a été

 20   responsable de l'éclatement des affrontements dans la municipalité de

 21   Kiseljak, le 18 avril  1993 ? Etait-ce le HVO ou l'armée de Bosnie-

 22   Herzégovine ? Qu'ont démontré vos recherches ?

 23   M. Nobilo (interprétation). - Objection.

 24   M. Harmon (interprétation). - Je parle du 18 avril 1993.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je m'excuse


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  1   mais je fais objection. Je pense que cette question sort du champ de

  2   l'interrogatoire principal, nous avons cité M. Mlivoncic ici pour nous

  3   parler des victimes et pas de la responsabilité des affrontements... Qui

  4   était le premier, qui était le second  ?

  5   M. Mlivoncic (interprétation). - Est-ce que je peux  ?

  6   M. Harmon (interprétation). - Un instant, il faut attendre que

  7   les juges aient fini de se consulter, suite à l'objection de Me Nobilo.

  8   M. le Président. - Laissez poser la question à Me Harmon

  9   d'abord. Vous ne savez pas du tout si Me Harmon ne va pas revenir aux

 10   problèmes des victimes. Je vous ai dit d'ailleurs, Maître Nobilo, c'est

 11   une garantie pour la défense, si sur une carte particulière, ou sur un

 12   point particulier, l'accusation développe un point, vous aurez tout à fait

 13   le droit dans votre réplique de reprendre la question. Je tiens à vous le

 14   dire.

 15   Vous posez cette question dans quel but, Maître Harmon ?

 16   M. Harmon (interprétation). - Comme vous le verrez sur la carte,

 17   une référence est faite au 18 avril 1993 à Kiseljak, et il est question de

 18   sept victimes. Alors la question que je souhaitais poser à M. Mlivoncic

 19   est : qui a commencé le 18 avril 1993 ? Qui était à l'origine des

 20   affrontements.

 21   M. le Président. - Je ne sais pas si vous êtes habilité à

 22   répondre. Mais s'il veut répondre... Répondez, monsieur le Professeur, ou

 23   monsieur le journaliste, monsieur Mlivoncic, répondez, si vous le pouvez.

 24   M. Mlivoncic (interprétation). - Et bien, je vais bien

 25   évidemment répondre à cette question, volontiers. Je n'ai pas fait des


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  1   recherches sur qui était le premier à commencer les affrontements, qui

  2   dans une situation concrète a commencé les conflits. Je n'ai pas même pas

  3   étudié qui était coupable. J'ai simplement cherché les victimes.

  4   M. le Président. - Le témoin vous a bien répondu. Il a été

  5   convoqué pour parler uniquement des victimes. Il a fait une recherche sur

  6   les victimes croates. Voulez-vous passer à une autre question, monsieur le

  7   Procureur ?

  8   M. Harmon (interprétation). -Volontiers, monsieur le Président.

  9   Et vous faites donc référence aux sept victimes identifiées à Kiseljak le

 10   18 avril 1993.

 11   Qui étaient ces victimes ?

 12   M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne peux pas vous énumérer

 13   les noms de toutes ces victimes. J'ai, bien évidemment, marqué les dates

 14   de naissance, les noms des victimes, mais je ne les connais pas par coeur.

 15   M. Harmon (interprétation). - Malheureusement je n'ai pas

 16   d'exemplaires de votre ouvrage, qui a été publié hors de la Yougoslavie je

 17   crois.

 18   Pourriez-vous, s'il vous plaît, consulter votre ouvrage et nous

 19   donner le nom des sept victimes qui ont péri le 18 avril 1993 dans la

 20   ville de Kiseljak ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Un petit instant, s'il vous

 22   plaît, pour consulter mes notes.

 23   M. le Président. - J'espère que les Juges auront la chance, à la

 24   fin des débats, d'avoir cet ouvrage.

 25   M. Hayman (interprétation). - Je pourrais proposer de donner


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  1   cela à l'unité de traduction, mais ce serait peut-être un peu trop

  2   demander après tous les documents que nous leur avons soumis. Vous

  3   pourriez le faire vous-même, mais nous nous n'avons pas osé le fournir à

  4   l'unité de traduction parce que c'est un ouvrage long et que ceci

  5   représentait une somme de travail très importante.

  6   M. le Président. - Je ne leur demande pas de travailler dans

  7   l'urgence, mais il faudra que d'ici la fin des débats, de ce présent

  8   procès, les Juges aient une traduction de cet ouvrage. Cela paraît

  9   possible ou faudra-t-il payer des droits d'auteur, si nous le recopions

 10   ainsi ?

 11   M. Dubuisson - Non, tout d'abord, il faudrait que le document

 12   soit soumis officiellement, ici, à la Chambre, qu'il soit reconnu comme

 13   pièce à conviction. Suite à cela, à votre demande, nous ferons

 14   éventuellement des traductions des passages pertinents, à tout le moins.

 15   M. le Président. - Si vous voulez bien, si vous le voulez comme

 16   pièce à conviction, nous le ferons selon cette procédure, Maître Nobilo.

 17   Vous indiquerez les passages pertinents pour que nous puissions les faire

 18   traduire.

 19   Bien, nous continuons. Poursuivons.

 20   M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, à cet

 21   égard, je demanderai également qu'un exemplaire de cet ouvrage soit remis

 22   au Bureau du Procureur afin que nous puissions, nous-mêmes, marquer les

 23   passages pertinents ou au moins lire les passages que le témoin a utilisé

 24   dans le cadre de son témoignage.

 25   M. Hayman (interprétation). - Cela ne nous pose pas de problème,


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  1   outre le fait qu'il y a quand même un problème de principe. Il y a eu des

  2   ouvrages à partir desquels certains témoins de l'accusation ont travaillé,

  3   et auxquels nous n'avons pas eu accès. Nous n'avons pas pu les obtenir

  4   s'ils étaient disponibles, ou peut-être n'étaient-ils pas disponibles du

  5   tout.

  6   Cette proposition de l'accusation ne nous pose aucun problème,

  7   simplement nous faisons remarquer que ce n'est pas le principe qui a régi

  8   le travail de la défense lorsque les témoins de l'accusation ont été

  9   présentés. Alors s'il s'agit d'une requête informelle, très bien. Mais

 10   s'il s'agit d'une requête officielle nous nous opposons à celle-ci.

 11   M. Harmon (interprétation). - Afin de permettre à la défense de

 12   répondre favorablement à notre demande, nous serions tout à fait prêts à

 13   acheter nous-mêmes cet ouvrage, à nos propres frais, mais nous ne

 14   connaissons pas l'éditeur de ce livre.

 15   M. le Président. - La question va être vite réglée. La défense

 16   est invitée à remettre cet ouvrage qui sera affecté d'un numéro de pièce à

 17   conviction.

 18   D'autre part, les Juges demandent que cet ouvrage soit versé au

 19   Bureau des Juges avec le numéro de défense et qu'un exemple le soit

 20   également au Bureau du Procureur. De sorte que si les Juges en avaient

 21   besoin dans leur délibéré, chacune des parties sachent que cela peut-être

 22   un document contradictoire.

 23   Par ailleurs, vous fournirez au greffe, tout simplement,

 24   l'éditeur de cet ouvrage.

 25   M. Dubuisson - En respect de ce que vous venez de dire Monsieur


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  1   le Président, la cote est D496.

  2   M. le Président. - D496. Maintenant, Monsieur Mlivoncic, nous

  3   reprenons.

  4   Chercher donc dans Kiseljak le nom des sept victimes, je crois

  5   que c'est la question qui était posée par le Monsieur le Procureur. Vous

  6   les avez trouvés ?

  7   M. Mlivoncic (interprétation). - J'ai regardé et j'ai vu que

  8   c'est un document qui a été signé par l'autorité compétente du HVO ; il

  9   n'y a pas de noms et de prénoms. Lors de mes recherches qui ont suivie,

 10   j'ai pu par conséquent obtenir un certain nombre de documents, mais ils ne

 11   se trouvent pas dans l'ouvrage et je n'ai pas pris le document, donc je ne

 12   peux donc pas satisfaire votre demande. Je n'ai pas ce document ici.

 13   M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mlivoncic, avez-vous

 14   ensuite vérifié l'exactitude, la réalité, de ces sept décès ? Avez-vous pu

 15   vérifier cette information par le témoignage de victimes ou bien par les

 16   déclarations de témoins qui auraient pu assister à la mort de ces

 17   personnes, avant de publier votre ouvrage ?

 18   M. Mlivoncic (interprétation). - Chaque document auquel je me suis référé,

 19   j'ai essayé de le vérifier. Précédemment, j'avais des documents qui se

 20   contredisaient et, dans ce cas-là, j'allais sur le terrain, je discutais

 21   avec la famille, avec les membres de la famille, avec les cousins, et ce

 22   n'est que par la suite que je portais les noms, les noms et prénoms, sur

 23   les documents. Alors que ce document qui a été édité ultérieurement, c'est

 24   un document qui porte le sceau, il y a une signature. Voilà, c'est un

 25   document qui fait foi.


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  1   M. Harmon.(interprétation) - Les documents du HVO, ou le document du

  2   HVO, si j'ai bien compris votre témoignage, ne donnait pas le nom de ces

  3   sept victimes, n'est-ce pas ?

  4   M. Mlivoncic (interprétation). - Au moment où j'avais rassemblé les

  5   données pour mon ouvrage, je n'avais pas encore identifié toutes les

  6   victimes. C'est la raison pour laquelle je ne pouvais pas publier

  7   leurs noms. C'est dans mon ouvrage suivant que ces noms seront donnés.

  8   Mais Blaskic également, Tihomir, n'est pas dans le bouquin.

  9   M. Harmon.(interprétation) - Ma question est : disposez-vous et avez-

 10   vous jamais vérifié les noms des sept personnes tuées le 18 avril 1993 ?

 11   M. Mlivoncic (interprétation). - Je viens de vous dire qu'il s'agit

 12   d'un document que j'ai dans mes archives, mais qui n'est pas rentré dans

 13   mon ouvrage car je l'ai reçu seulement au cours de l'année dernière, pour

 14   préciser, en automne. Alors, le manuscrit, je l'ai

 15   remis au mois de juin 1997. C'est la raison pour laquelle c'est un

 16   document qui va certainement être intégré dans mon ouvrage que

 17   je publierai à l'avenir.

 18   M. Harmon.(interprétation) - Monsieur Mlivoncic, ces sept victimes

 19   étaient-elles des soldats du HVO qui ont été tués au cours de combats ?

 20   M. Mlivoncic (interprétation). - Non.

 21   M. Harmon.(interprétation) - Savez-vous quel âge avaient ces

 22   personnes ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne peux pas m'en souvenir parce

 24   qu'il y a 1 600 noms. Je ne peux pas véritablement me souvenir des noms de

 25   Kazanici, de sept personnes dont vous parlez.


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  1   M. Harmon.(interprétation) - Très bien. Avez-vous parlé aux parents

  2   proches de ces sept victimes et si c'est le cas, quand ?

  3   M. Mlivoncic (interprétation). - J'ai parlé avec le prêtre Pervan, de

  4   Kiseljak. C'est avec lui que je me suis entretenu et c'est lui qui va

  5   préparer ce qu'il faut préparer.

  6   M. Harmon.(interprétation) - Je suppose donc que votre réponse à ma

  7   question est : vous n'avez pas vu, vous n'avez pas rencontré les proches

  8   parents des sept victimes qui sont décédées à Kiseljak le 18 avril

  9   1993. Mais vous avez parlé au père Pervan, c'est cela ?

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, il est curé. C'est lui qui a des

 11   extraits d'actes de décès pour tous les paroissiens. C'est lui qui est

 12   fiable. C'est la raison pour laquelle je me suis adressé à lui.

 13   M. Harmon.(interprétation) - Le père Pervan reprend dans ses registres

 14   le nom des personnes décédées. Mais reprend-il également les conditions

 15   dans lesquelles elles sont décédées ?

 16   M. Mlivoncic (interprétation). - Je vous ai déjà dit, en parlant de la

 17   méthodologie que j'ai suivie : j'ai essayé de trouver les documents auprès

 18   des autorités ecclésiastiques, alors que ces autorités n'ont pas toujours

 19   rempli leur obligation canonique, c'est-à-dire de tenir

 20   les registres sur tous les paroissiens. Il y en avait, bien évidemment,

 21   qui en tenaient compte. Il y a un prêtre, par exemple, qui avait

 22   justement publié la chronique avec tous les noms. Mais la plupart

 23   n'ont pas osé parce qu'ils avaient peur que de tels registres tombent

 24   dans les mains des forces armées musulmanes, bosniennes et que,

 25   par la suite, ils aient des problèmes et des conséquences.


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  1   M. Harmon.(interprétation) - Je comprends tout à fait. Vous avez été

  2   très clair sur ce point. Mais je m'intéresse toujours à ces sept présumées

  3   victimes. Vous dites ne pas avoir rencontré les proches parents de ces

  4   victimes. Vous dites avoir

  5   vu la liste des paroissiens du père Pervan, paroissiens décédés.

  6   Etes-vous en train de dire maintenant que le père Pervan n'a pas

  7   inclus les faits entourant la mort de ces sept paroissiens survenue le

  8   18 avril 1993 ?

  9   M. Mlivoncic (interprétation). - Le curé ne doit pas parler des

 10   conditions dans lesquelles telle et telle personne a été tuée. Il doit tout

 11   simplement noter les dates où ils ont été tués.

 12   M. Harmon.(interprétation) - Monsieur, mais comment en arrivez-vous à la

 13   conclusion qu'il y a eu 7 victimes de crime de guerre à Kiseljak le 18

 14   avril 1993, si vous ne vous êtes pas entretenu avec les parents de ces 7

 15   victimes présumées et si le père Pervan n'a pas noté dans son registre la

 16   façon dont les 7 personnes décédées ont été tuées ? Comment en arrivez-vous

 17   alors à la conclusion qu'il s'agit là de victimes de crimes de guerre ?

 18   M. Mlivoncic (interprétation). - Je me suis référé au document qui m'a

 19   été délivré par l'autorité compétente du HVO de Kiseljak.

 20   M. Harmon.(interprétation) - Je vois. Eh bien, changeons de sujet et

 21   changeons de lieu peut-être. Je vous invite... Un instant, s'il vous plaît.

 22   Puis-je avoir un instant, Monsieur le Président, s'il vous plaît ? Je

 23   cherche une carte très précise. Cela y est, je l'ai trouvée.

 24   M. le Président. - Un instant.

 25   (Les juges, assis, se consultent sur le siège.)


Page 15977

  1   M. le Président. - Poursuivez, monsieur le Procureur.

  2   M. Harmon (interprétation). - Je vous invite donc à consulter la

  3   carte de la municipalité de Novi Travnik. Peut-on placer cette carte sur

  4   le rétroprojecteur car j'aimerais

  5   vous poser un certain nombre de questions, eu égard à cette carte.

  6   M. Harmon (interprétation). - Maintenant, monsieur l'huissier,

  7   pourriez-vous remonter cette carte, s'il vous plaît ?

  8   Je voudrais la carte de Travnik, excusez-moi si j'ai dit

  9   Novi Travnik, j'ai fait un lapsus.

 10   Maintenant, vous voyez au bas de cette pièce qu'il est dit

 11   "Hôpital de Nova Bila". On ne le voit pas sur le rétroprojecteur.

 12   L'huissier pourrait-il monter la carte dans l'autre sens ? Voilà, merci.

 13   En bas, on voit maintenant "Hôpital de Nova Bila, 1993-1994,

 14   30 victimes." Qui était ces victimes, monsieur Mlivoncic ?

 15   M. Mlivoncic (interprétation). - Ce sont les victimes qui ont

 16   été blessées lors du conflit à Busovaca, à Travnik, à Vitez, à

 17   Novi Travnik et qui sont décédées à l'hôpital parce qu'elles étaient

 18   blessées grièvement et elles sont décédées à l'hôpital.

 19   M. Harmon (interprétation). - En conséquence, ce sont des

 20   victimes de combat, n'est-ce pas ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - L'enfant grièvement blessé, le

 22   10 juin 1993, à Travnik, où les cinq enfants sont décédés, et les trois à

 23   l'hôpital parce qu'ils ont été blessés grièvement  ; à mon avis, ce ne

 24   sont pas des conflits de guerre, c'est un obus qui est tombé. C'est un

 25   exemple. Ils ne sont pas des victimes de guerre.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Et ceci, ces personnes, ces

  2   enfants font partie du groupe des personnes mortes à l'hôpital de

  3   Nova Bila. N'est-ce pas ?  Vous les incluez dans les trente victimes,

  4   n'est-ce pas ?

  5   M. Mlivoncic (interprétation). - Il ne s'agit pas ici de soldats

  6   qui ont participé au combat directement.

  7   M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous aider à

  8   identifier les trente victimes dont vous parlez comme des victimes de

  9   crimes de guerre, à l'hôpital de Nova Bila, entre 1993 et 1994. Dans votre

 10   livre, leurs noms y figurent-ils ?

 11   M. Mlivoncic (interprétation). - Non, je ne les ai pas

 12   identifiés. Un petit moment... Etant donné qu'un certain nombre de

 13   personnes qui sont mortes ont été portées comme victime de guerre dans la

 14   municipalité de Vitez, dans la municipalité de Travnik. Ils ne figurent

 15   pas dans le nombre total des victimes. Par conséquent, les trois enfants

 16   qui sont décédés à Nova Bila, à l'hôpital, ils ne figurent pas sur le

 17   nombre total de ceux qui ont été victimes. Mais on cite leurs noms.

 18   Ceci est fait pour des raisons méthodologiques parce que nous

 19   avons bien précisé qu'à cause des blessures très graves, il y avait même

 20   des civils, des enfants qui sont morts à l'hôpital. Il fallait préciser la

 21   raison, il fallait dire que ces enfants-là, qui étaient blessés

 22   grièvement, on ne les a pas aidés pour qu'ils survivent. C'est un exemple

 23   classique.

 24   Il y a un médecin de Split, j'ai oublié son nom, il avait

 25   demandé à ce que l'hélicoptère de la Forpronu transfère un petit garçon de


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  1   sept ans à l'hôpital de Split, car on savait que s'il n'était pas

  2   transféré, il allait décéder. Le commandant de la Forpronu a tout

  3   simplement fait un geste de main, il n'a pas accepté de transférer

  4   l'enfant.

  5   M. Harmon (interprétation). - Monsieur, s'il y avait

  6   effectivement des activités de combat entre le HVO et l'armée de Bosnie-

  7   Herzégovine, et si un obus tombait dans une zone où des combats avaient

  8   lieu, si un civil était tué, incluez-vous cette personne dans vos

  9   statistiques ?

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - Pour ce qui est des

 11   statistiques, nous avons inclus tous ceux qui sont des civils, qui sont

 12   véritablement des victimes parce qu'on avait agi contre, à l'encontre des

 13   civils et pas à l'encontre des unités, des formations du HVO.

 14   Par conséquent, il s'agit du décès des enfants qui jouaient dans

 15   la rue. Et, pendant ce temps-là, il n'y avait aucune opération militaire,

 16   aucune action militaire au moment où les enfants ont été victimes.

 17   M. Harmon (interprétation). - Ont-ils été tués pas un obus qui

 18   est tombé à Vitez ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, l'obus est tombé. Moi, je

 20   ne suis pas expert en matière militaire, mais c'est un obus qui était

 21   dirigé, guidé, qui était téléguidé. Il paraît que l'enfant jouait

 22   pratiquement dans la rue. Il y avait des enfants musulmans, des enfants

 23   croates. Et le jour où cette tragédie s'est produite, il n'y avait pas

 24   d'enfants musulmans dans cette cour, sur ce terrain-là. Par conséquent, on

 25   peut en conclure ce genre de chose.


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  1   M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous me parler des

  2   27 autres victimes que vous avez incluses dans le chiffre présenté sur

  3   cette carte, lorsqu'il est dit que 30 victimes sont mortes à l'hôpital de

  4   Nova Bila ? Dans quelles circonstances ces 27 victimes ont-elles pu être

  5   incluses dans votre chiffre des victimes de crimes de guerre ?

  6   M. Mlivoncic (interprétation). - C'est un petit peu difficile,

  7   j'ai un certain nombre de documents qui se trouvent chez moi à la maison

  8   et qui ne sont pas dans mon ouvrage. J'ai plus de 600 000 pièces, de

  9   documents. Je ne peux évidemment pas me souvenir de chaque nom, des

 10   conditions dans lesquelles ceci s'est produit, des opérations qui ont eu

 11   lieu. Il y a beaucoup d'exemples, c'est extrêmement difficile.

 12   M. Harmon (interprétation). - Je comprends tout à fait. J'essaie

 13   d'obtenir des informations sur les précisions qui me sont présentées ici,

 14   dans cette salle d'audience.

 15   Il y a des cases sur cette carte qui décrivent les victimes,

 16   victimes de crimes de guerre, et qui ne sont pas décrites dans vos

 17   ouvrages. Peut-être qu'elles le sont dans vos archives, mais elles ne sont

 18   pas encore publiques, n'est-ce pas ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas publié tout ce que

 20   j'ai dans mes archives. C'est un livre qui est assez épais, il y a des

 21   noms, des prénoms, les conditions dans

 22   lesquelles cela s'est passé. C'est un livre qui aurait été trop épais. Il

 23   y a un certain nombre de documents, notamment des déclarations qui ont été

 24   publiées. Je ne sais pas si vous êtes en possession de ces livres qui ont

 25   été publiés. Il y a des déclarations des témoins auxquels je me réfère. Il


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  1   y en avait qui ont été citées ici. Il y avait des déclarations qui ont été

  2   publiées.

  3   M. Harmon (interprétation). - Ma question est, une fois de plus,

  4   d'abord avez-vous vous-même préparé ces pièces ?

  5   M. Mlivoncic (interprétation). - Dans quel sens, s'il vous

  6   plaît ?

  7   M. Harmon (interprétation). - En fournissant des informations au

  8   conseil de la défense afin que le conseil de la défense ou vous-même vous

  9   soyez à même de préparer les pièces. Ou bien avez-vous simplement examiné

 10   ces pièces aux fins de les présenter en tant qu'éléments de preuve ?

 11   M. Mlivoncic (interprétation). - Si vous voulez, et juste pour

 12   un petit moment, je peux vous montrer mon ouvrage ?

 13   M. Harmon (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. Avez-

 14   vous examiné ces différentes pièces ? Y a-t-il des informations sur ces

 15   cartes qui ne figurent pas dans votre ouvrage ?

 16   M. Mlivoncic (interprétation). - En ce qui concerne mon ouvrage,

 17   il y a des graphiques, des municipalités différentes. Mais je n'ai pas

 18   fait la comparaison entre ce que représentent ces cartes et ce que j'ai.

 19   Je n'ai pas fait la comparaison hier soir, entre chaque ville qui est

 20   représentée sur les cartes et qui est dans mon ouvrage.

 21   M. Harmon (interprétation). - Revenons à une question que j'ai

 22   posée précédemment, je crois que je n'ai pas très bien compris votre

 23   réponse.

 24   S'il y avait un pilonnage, par exemple si l'armée de Bosnie-

 25   Herzégovine pilonnait un territoire contrôlé par le HVO, si des civils


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  1   étaient tués au cours de ces pilonnage, avez-vous inclus dans vos

  2   chiffres, dans vos statistiques, ces civils qui ont été tués au cours du

  3   pilonnage ?

  4   M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas inclus de tels

  5   types de données.

  6   M. Harmon (interprétation). - D'accord. Passons maintenant à la

  7   carte relative à Zenica. Cette carte peut-elle être placée sur le

  8   rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

  9   (L'huissier s'exécute.)

 10   Pourriez-vous examiner cette carte, s'il vous plaît ? Vous

 11   voyez, sur la droite de cette carte, qu'il est dit : "Zenica, avril 1993,

 12   36 victimes". Connaissez-vous le nom de ces victimes ?

 13   M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne connais pas le nom de ces

 14   victimes. Je connais les noms de Susanj, Cajdras. Ici, j'ai un document

 15   qui a été délivré par une autorité compétente.

 16   M. Harmon (interprétation). - Qui est cette autorité compétente

 17   qui a dit qu'il y avait eu 36 victimes de crimes de guerre qui étaient de

 18   nationalité croate; d'ailleurs ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Une fois de plus, je ne dispose

 20   pas de documents, mais il s'agit du ministère des Affaires intérieures

 21   d'Herceg-Bosna.

 22   M. Harmon (interprétation). - Par conséquent, le ministère de

 23   Affaires intérieures d'Herceg-Bosna vous a donné un document disant qu'il

 24   y avait eu 36 victimes à Zenica en avril 1993, n'est-ce pas ?

 25   M. Mlivoncic (interprétation). - Je vous ai déjà dit que je disposais


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  1   de tous les documents qui étaient en possession de la communauté croate

  2   d'Herceg-Bosna, que ces documents sont dans la archives à Mostar, et que

  3   j'avais à ma disposition tous ces documents. Il y en a que j'ai photocopiés

  4   et que je garde actuellement dans mes propres archives, chez moi.

  5   M. Harmon.(interprétation) - Cet ensemble de documents incluait-il les

  6   noms des 36 victimes présumées décédées dans la municipalité de Zenica

  7   en avril 1993 ? Dans la ville de Zenica, plutôt que dans la municipalité de

  8   Zenica, devrais-je dire.

  9   M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne suis pas en mesure de vous

 10   répondre, je ne m'en souviens pas.

 11   M. Harmon.(interprétation) - Vous êtes-vous rendu à Zenica et avez-

 12   vous parlé... Laissez-moi terminer ma question, s'il vous plaît. Puis-je

 13   terminer ma question ? Vous êtes-vous rendu à Zenica et vous êtes-vous

 14   entretenu avec les proches parents de

 15   ces victimes présumées décédées dans la ville de Zenica en avril 1993 ?

 16   M. Mlivoncic (interprétation). - Non, je n'ai pas parlé avec les

 17   membres de la famille, j'ai parlé avec le prêtre, le père Stjepan Radic.

 18   M. Harmon.(interprétation) - Et c'est le père Stjepan Radic qui vous a

 19   informé qu'il y avait eu 36 victimes qui étaient mortes en avril 1993 dans

 20   la municipalité de Zenica ?

 21   Ou bien, laissez-moi reformuler ma question : le père Stjepan vous a-

 22   t-il montré un registre faisant état du décès de trente-six de ses

 23   paroissiens en avril 1993 ?

 24   M. Mlivoncic (interprétation). - Non. J'ai eu l'occasion de le contacter

 25   une fois, il était à Split. Il me l'a confirmé. Il y avait quelques


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  1   autres situations similaires que j'ai essayé d'expliquer. Il y avait, par

  2   exemple, une telle situation dans le village Susanj. C'était le 5 juin : 17

  3   victimes. Moi, j'ignorais tout ce qui s'était passé mais, à cette époque-

  4   là, je me suis entretenu avec un prêtre franciscain, le docteur Fro Ivo

  5   Markovic et il a eu cette reconnaissance-là également récemment. C'est lui

  6   qui m'avait donné ce document qu'il avait rédigé lui-même. Ce document, il

  7   l'avait rédigé, il l'avait envoyé au Président du tribunal, M. Boslong, et

  8   il avait décrit comment, à Susanj, son père et ses sept cousins ont été

  9   tués. J'ai les noms de toutes ces personnes. C'est comme ça que j'ai

 10   essayé de résoudre les questions et le problème.

 11   M. Harmon.(interprétation) - Je ne parle pas de Susanj, je vous parle

 12   de Zenica. Je parle de l'information qui figure sur cette pièce. Le père

 13   Stjepan vous a-t-il donné des détails quant aux

 14   circonstances du décès de ces 36 victimes ? Vous a-t-il donné des faits ?

 15   M. Mlivoncic (interprétation). - Non, je n'ai même pas demandé les faits.

 16   J'étais à la fin de mon manuscrit et je ne suis pas allé pour identifier

 17   toutes les victimes car il y a beaucoup de victimes dont les noms n'ont pas

 18   été donnés. C'était cette fois-ci le cas.

 19   M. Harmon.(interprétation) - Par conséquent, peut-on dire que pour ce

 20   qui est de cette pièce et pour ce qui est de l'information des 36 victimes

 21   présumées identifiées comme étant des victimes de crimes de guerre à

 22   Zenica, en avril 1993, vous ne savez pas dans quelles

 23   circonstances ces personnes sont décédées ?

 24   M. Mlivoncic (interprétation). - Pour un certain nombre de victimes,

 25   je le savais. Je savais qu'il y avait des victimes qui étaient dans


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  1   quelques camps, à l'école de musique. Il y en a d'autres qui ont

  2   été tuées par des tireurs isolés, d'autres également ont été tuées

  3   dans des conditions assez bizarres, et tous étaient des Croates.

  4   M. Harmon.(interprétation) - J'aimerais passer aux chiffres qui sont

  5   présentés à la première page de votre carte, la carte que vous avez vous-

  6   même élaborée. En bas à droite, il est dit qu'il y a eu

  7   un total de 140 000 réfugiés. Au cours de vos recherches,

  8   avez-vous rencontré... ou plutôt avez-vous rencontré

  9   la doctrine du HVO adoptée par les différents dirigeants politiques de

 10   l'Herceg-Bosna lorsqu'il était question de l'installation humanitaire de la

 11   population ? Avez-vous jamais entendu parler de ce terme ?

 12   M. Mlivoncic (interprétation). - Non seulement j'en ai entendu parler,

 13   mais j'ai même écrit contre lui.

 14   M. Harmon.(interprétation) - Et certains dirigeants politiques, donc,

 15   ont défendu cette théorie de la réinstallation humanitaire de population.

 16   Alors, en quelques mots, de quoi s'agissait-il ?

 17   M. Mlivoncic (interprétation). - Je pense que c'est en dehors de mon

 18   interrogatoire principal. Je peux bien évidemment vous donner des réponses,

 19   mais en ce qui concerne mon ouvrage sur ce point, les conséquences de

 20   déplacements...Mais je vais vous donner un exemple très concret de ma

 21   ville natale de Vares. Il y avait eu une attaque le 3 novembre 1992 et

 22   8 500 personnes se sont réfugiées et sont arrivées à Split, chez moi.

 23   Il y avait mon frère également parmi ces 8 500 personnes.

 24   Par conséquent, il ne s'agissait pas de la politique humanitaire :

 25   c'était la menace, c'était le danger, ce sont les représailles qu'ils


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  1   craignaient pour Stupni Do. C'est la raison pour laquelle ils se sont

  2   réfugiés à Split. Il y avait de tels cas ailleurs, également.

  3   Par conséquent, toutes les données qui concernent les réfugiés, les

  4   chassés, ce ne sont pas les données officielles de Bosnie-Herzégovine, mais

  5   des données que j'ai pu obtenir auprès des églises car les prêtres,

  6   ensemble, avec les paroissiens, se rendaient dans des centres de

  7   rassemblement et ils espéraient qu'ils allaient pouvoir retourner d'où ils

  8   sont partis dès qu'ils le pourront.

  9   M. Harmon.(interprétation) - Permettez-moi de reposer ma question...

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - Il est connu également que les

 11   franciscains bosniens étaient contre cette politique d'un déplacement

 12   humanitaire. Le cardinal en avait parlé à plusieurs reprises.

 13   M. Harmon.(interprétation) - Permettez-moi de reposer la question :

 14   quelle était, en quoi consistait cette politique de la réinstallation

 15   humanitaire de population contre laquelle vous vous êtes prononcé et qui a

 16   été appliquée par le HVO ? Pouvez-vous l'expliquer aux Juges ?

 17   M. Mlivoncic (interprétation). - Je pense que c'est en dehors de mon

 18   témoignage. La politique de réinstallation humanitaire était la politique

 19   de ceux qui souhaitaient que la Bosnie soit partagée en trois entités.

 20   M. Harmon (interprétation). – Très bien. La politique menée par

 21   le HVO, contre laquelle vous vous êtes prononcée, était-elle une politique

 22   mono-ethnique dans certaines régions, à savoir que les Croates devaient se

 23   regrouper, que les Musulmans devaient vivre dans une autre région et même

 24   chose pour les Serbes.

 25   Etait-ce donc l'idéologie contre laquelle vous vous êtes


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  1   prononcée ?

  2   M. Mlivoncic (interprétation). – Oui, mais ce n'était pas une

  3   idéologique, l'idéologie unique des extrémistes croates et de la politique

  4   extrémiste croate. C'était l'idéologie des Musulmans et des Bosniens

  5   également, si vous voulez le savoir.

  6   M. Harmon (interprétation). – Etait-ce la politique appliquée

  7   par les dirigeants de l'Herceg-Bosna ?

  8   M. Mlivoncic (interprétation). – Je n'ai pas fait des recherches

  9   dans ce domaine, mais je suis contre parce que je voudrais que les membres

 10   de ma famille restent là où ils sont nés et où ils devaient rester.

 11   M. Harmon (interprétation). – Ma question est celle-ci. Vous

 12   avez vécu dans la région, vous avez fait des recherches approfondies dans

 13   cette région, et vous êtes parvenu à certaines conclusions, eu égard au

 14   nombre de réfugiés croates ayant quitté différentes régions, différentes

 15   municipalités et ma question est la suivante : connaissez-vous la

 16   politique de réinstallation humanitaire de civils, et cette politique

 17   était-elle défendue par les dirigeants politiques de le Herceg-Bosna ?

 18   M. Mlivoncic (interprétation). – En ce qui me concerne, cette

 19   donnée  concernant les chassés, les réfugiés, n'est pas la conséquence de

 20   la réinstallation humanitaire. Par conséquent, ce n'est pas un concept qui

 21   a m'avait intéressé. Je n'ai pas recherché ce sujet-là et je n'en ai pas

 22   écrit beaucoup de choses. J'ai tout simplement parlé d'un certain nombre

 23   de réinstallations humanitaires. J'ai parlé de ma ville natale de Vares,

 24   au moment où les habitants de Vares devaient partir de cette ville.

 25   M. Harmon (interprétation). – Avez-vous jamais critiqué les


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  1   autorités de l'Herceg-Bosna ou du HVO parce qu'elles défendaient une telle

  2   politique ?

  3   M. Mlivoncic (interprétation). – Dans les situations concrètes,

  4   j'ai critiqué, mais pas globalement parlant.

  5   M. Harmon (interprétation). – Mais en défendant ce type de

  6   politique afin de faire

  7   en sorte que les Croates vivent avec les Croates et que les Musulmans

  8   rejoignent les leurs, le HVO a-t-il encouragé les Croates vivants dans des

  9   zones multiethniques à rejoindre des zones dominées par le HVO en Herceg-

 10   Bosna ?

 11   M. Mlivoncic (interprétation). – Je vous ai déjà dit que je n'ai

 12   pas recherché ce problème-là. Ce sont les questions qui ne m'intéressaient

 13   pas, qui ne faisaient pas l'objet de mes recherches.

 14   M. Harmon (interprétation). – D'après votre expérience

 15   personnelle, monsieur, savez-vous si les dirigeants ont encouragé les

 16   Croates, par exemple les Croates de Zenica, à se rendre à Vitez ? Vitez

 17   contrôlée et dominée par le HVO ?

 18   M. Mlivoncic (interprétation). – Cela, je ne le sais pas.

 19   M. Harmon (interprétation). – Savez-vous, monsieur, quel est

 20   pourcentage de  ces 140 000 réfugiés que vous avez identifiés, quel

 21   pourcentage était des réfugiés qui ont quitté leur foyer après avoir

 22   entendu des informations propagées par le HVO, de la propagande, les

 23   encourageant à se rendre dans des zones dominées par le HVO ? Savez-vous

 24   quel est le pourcentage de ces réfugiés qui ont quitté leur foyer pour

 25   cette raison ?


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  1   M. Mlivoncic (interprétation). – Comme je l'ai dit, je n'ai pas

  2   recherché ce problème. D'après les données dont je dispose, je sais qu'ils

  3   ont été chassés. Je n'ai pas parlé de la politique du HVO, de la politique

  4   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, moi je n'ai pas fait mes

  5   recherches dans ce domaine-là. Mais je sais qu'en ce qui concerne Vares,

  6   il y a 8 500 Croates qui, en une nuit, se sont enfuis. Aucune politique

  7   n'aurait pu le faire. C'est la peur de l'armée.

  8   M. Harmon (interprétation). – Conviendriez-vous avec moi,

  9   monsieur Mlivoncic, que le chiffre de 140 000 réfugiés incluait ces gens

 10   qui avaient peur des représailles ? Vous avez parlé de Stupni Do, par

 11   exemple. Donc des gens auraient pu partir ayant peur des représailles

 12   suite aux événements de Stupni Do. Mais conviendriez-vous également avec

 13   moi

 14   qu'un grand nombre de personnes ou qu'un certain nombre de personnes, qui

 15   sont devenues réfugiées, le sont devenues parce qu'elles ont été incitées

 16   à quitter leur foyer par la propagande du HVO qui a encouragé la

 17   population à partir et à rejoindre des zones où vivaient prédominamment

 18   des Croates. Le savez-vous ou non ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). – Oui, je peux supposer qu'il y

 20   avait de tels cas. En quelle quantité ? Je ne peux pas le dire. Il serait

 21   peut-être utile de faire des recherches dans ce sens-là et savoir quels

 22   étaient les motifs et les raisons de ceux qui ont été chassés et de ceux

 23   qui se considèrent comme réfugiés.

 24   M. Harmon (interprétation). - Pas conséquent, votre étude ne

 25   portait pas sur ce type de renseignements et d'informations ? Vous n'aviez


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  1   pas l'intention de faire ce type de recherches ?

  2   M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas fait une recherche

  3   sociologique au niveau des réfugiés.

  4   M. Harmon (interprétation). - Passons à une autre carte, la

  5   dernière, il s'agira de celle de la municipalité de Vitez.

  6   M. le Président. - C'est la n°11 ? Vous avez bien dit Vitez ou

  7   Vares ?

  8   M. Harmon (interprétation). - Vitez. Concentrons-nous un instant

  9   sur cette carte, Monsieur Mlivoncic, j'attire votre attention sur la

 10   carte. Monsieur l'Huissier, pourriez-vous monter cette carte, s'il vous

 11   plaît, la carte où il est dit "Krizancevo Selo, 22 décembre 1993,

 12   74 victimes" ? Pouvez-vous dire aux Juges dans quelles circonstances ces

 13   74 victimes ont été tuées, le 22 décembre 1993 ?

 14   M. Mlivoncic (interprétation). - Il faudrait maintenant que je

 15   puisse disposer du temps pour lire ce que j'ai écrit.

 16   M. le Président. - Prenez votre temps, Monsieur.

 17   Pendant ce temps, je pourrais peut-être demander à M. Fourmy de

 18   me refaire les

 19   comptes du tableau, vous ne l'avez pas là, Monsieur Fourmy ? Pouvez-vous

 20   le prendre, s'il vous plaît ? Je ne dois pas être très bon en calcul...

 21   D'une façon générale, je ne retrouve pas toujours très bien les comptes.

 22   J'ai la curiosité de....

 23   Maître Nobilo, les chiffres des cas doivent correspondre aux

 24   chiffres de la municipalité indiqués ? Est-ce que les chiffres indiqués

 25   sur les cartes correspondent aux chiffres indiqués sur le graphique ?


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  1   M. Nobilo (interprétation). - Oui, cela devrait être comme cela.

  2   M. le Président. - Vous pouvez demander au témoin. Je dois dire

  3   que j'ai eu la curiosité de vérifier, cela ne correspond pas du tout. J'ai

  4   une maladie, dès que je vois des chiffres, j'ai envie de les additionner !

  5   M. Nobilo (interprétation). - Nous avons donné cet ouvrage aux

  6   techniciens. Ce sont eux qui ont repris tous les chiffres, j'espère qu'ils

  7   ont repris les chiffres comme il le fallait.

  8   M. le Président. - Monsieur Mlivoncic, les chiffres qui sont ici

  9   doivent-ils correspondre à ceux qui sont là ou pas du tout ?

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui.

 11   M. le Président. - Il faut vous méfier. J'ai fait une

 12   vérification. Cela ne correspond pas du tout. A Zenica, cela ne correspond

 13   pas. Ce n'est pas un problème, hélas, nous parlons de victimes, c'est

 14   dramatique d'avoir à faire cela. Mais dans une instance judiciaire, il

 15   faut que les choses soient précises. Je pourrais vous citer : Jablanica.

 16   M. Mlivoncic (interprétation). - Juste une remarque

 17   méthodologique, s'il vous plaît.

 18   M. le Président. - Cela ne correspond pas. Skoplje, cela ne

 19   correspond pas. Je me suis arrêté.

 20   M. Mlivoncic (interprétation). - Ce n'est pas bien, je m'excuse.

 21   Est-ce que je peux expliquer, s'il vous plaît ?

 22   M. Nobilo (interprétation). - On peut tout d'abord faire la

 23   comparaison.

 24   M. Mlivoncic (interprétation). - Attendez, je vais expliquer.

 25   Vous avez les données qui portent... C'est le total par municipalité.


Page 15992

  1   Ensuite, sur les cartes différentes, vous avez Krizancevo Selo, tel et tel

  2   nombre de victimes, alors que c'est marqué où il y a un nombre de victimes

  3   plus élevé.

  4   Par conséquent, il s'agit de tireurs isolés qui avaient tué

  5   juste une personne. Donc cela ne n'a pas été marqué et porté sur la carte.

  6   Je ne vous ai pas compris tout de suite au début, excusez-moi.

  7   M. le Président. - Je vous remercie de cette explication. Il

  8   reste quand même le tableau final sur lequel les juristes de la Chambre

  9   sont en train de vérifier si je ne me suis pas trompé. Excusez-moi de

 10   cette interruption, mais il fallait que les choses soient précises.

 11   Maintenant... Je vous ai interrompu, vous étiez en train de

 12   faire une recherche pour le Bureau du Procureur.

 13   M. Nobilo (interprétation). - Là où il s'agissait des fosses

 14   communes.

 15   M. Mlivoncic (interprétation). - De trois et plus de victimes.

 16   M. Harmon (interprétation). - Ma question était la suivante :

 17   pourriez-vous décrire les circonstances dans lesquelles 74 personnes à

 18   Krizancevo Selo ont été tuées ? Que dit votre ouvrage sur ce point ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Dans mon ouvrage, il y a deux

 20   pages ; j'ai parlé des jours, des dates. Nous avons identifié les

 21   victimes : le 22 janvier, l'autre le 23 janvier, le troisième le

 22   24 janvier et, le 1er février, le plus grand nombre des victimes ont été

 23   identifiées.

 24   Moi, je n'ai pas tenu le registre de toutes les données, car

 25   dans le document, en effet, on parle d'une jambe qui a été fracturée, on


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  1   dit s'il avait été tué. Je ne sais plus maintenant comment m'exprimer ! On

  2   dit par une arme à feu ou par une arme blanche. C'est comme ça que nous

  3   pouvons conclure qu'il a été tué en tant que soldat au cours des combats ;

  4   ou bien en conclure ultérieurement qu'il portait l'uniforme, mais qu'il a

  5   été tué dans la nuque et, à ce moment-là, ce n'était pas lors des combats

  6   qu'il a été tué, mais... vous voyez.

  7   M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderai encore un

  8   instant, Monsieur Mlivoncic. Cette page dans laquelle il est indiqué

  9   74 victimes de crimes de guerre à Krizancevo Selo le 22 décembre 1993,

 10   dites-vous maintenant qu'elle ne représente pas un seul événement au cours

 11   de laquelle 74 victimes ont été tuées par l'armée de Bosnie-Herzégovine le

 12   22 décembre 1993 ? Alors, que représente cette case ?

 13   M. Mlivoncic (interprétation). - Nous ne nous sommes pas

 14   compris. Vous m'avez posé la question et j'ai dit que c'étaient les

 15   victimes qui ont été identifiées des jours différents : le 22, 23, 24 et

 16   le plus grand nombre de victimes a été identifié le 1er février, alors que

 17   toutes ces victimes étaient victimes de combats. Car on ne pouvait pas se

 18   rendre à Krizancevo Selo tout de suite.

 19   Vous savez que le fils de Martin Garaud avait essayé de s'y

 20   rendre. On lui avait dit qu'on allait le fusiller, qu'on allait le tuer,

 21   c'est à Zenica qu'on le lui avait dit.

 22   M. Harmon (interprétation). - Ce sont des personnes qui sont

 23   décédées en 1994 plutôt qu'en 1993 ?

 24   M. Mlivoncic (interprétation). - Non, ce sont les personnes qui

 25   ont été tuées le 22/12/93, juste à la veille de Noël 1993.


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  1   L'identification de leurs cadavres s'est faite ultérieurement.

  2   M. Harmon (interprétation). - Savez-vous que le Bataillon

  3   britannique travaillant pour les Nations Unies a pratiqué une exhumation à

  4   Krizancevo Selo ?

  5   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, ce sont les résultats de

  6   ces recherches et, moi, j'ai des documents qui le prouvent.

  7   M. Harmon (interprétation). - Savez-vous que le Bataillon

  8   britannique en est arrivé à la conclusion que la plupart de ces victimes

  9   ont été victimes au cours de combats ?

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - D'après les autopsies et

 11   d'après la manière dont ces victimes sont mortes, elles n'ont pas été

 12   tuées lors d'un combat direct.

 13   M. Harmon (interprétation). - D'accord. J'aimerais maintenant

 14   attirer votre attention, enfin, sur la case qui se trouve juste au-dessus

 15   et dans laquelle il est dit : "Nadioci, le 8 février 1993". Pouvez-vous

 16   nous dire qui étaient ces 3 victimes et dans quelles circonstances elles

 17   sont mortes ?

 18   M. le Président. - Je vous demande, autant que possible,

 19   Monsieur le Procureur, que nous terminions ce soir ; le témoin pourra

 20   rentrer.

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Excusez-moi, mais pour moi

 22   c'est un peu difficile parce que c'est un texte qui est assez long et qui

 23   a plusieurs pages.

 24   M. Harmon (interprétation). - Nous aurons terminé dans un

 25   instant, Monsieur le Président.


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  1   M. Mlivoncic (interprétation). - A Nadioci, il y avait des

  2   personnes : Ivo Vidovic, Pero Papic et Ivo Papic qui ont été tués. Ils ont

  3   été tués à Nadioci mais ils sont originaires de Poculice.

  4   M. Harmon (interprétation). - Il ont été tués le

  5   8 février 1993 ?

  6   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui.

  7   M. Harmon (interprétation). - Dans quelles circonstances ?

  8   M. Mlivoncic (interprétation). – Je vais m'engager peut-être à

  9   vous donner le détail. Il s'agissait des coups de feu qui ont été

 10   échangés…

 11   M. Harmon (interprétation). – Coups de feu entre qui et qui ?

 12   M. Mlivoncic (interprétation). – C'étaient les trois hommes,

 13   avec cinq femmes. Les coups de feu ont été échangés. Ivo Vidovic avait

 14   donné un certain nombre signes. Il a été tué sur-le-champ. Les cinq femmes

 15   qui étaient d'origine de Putkovici qui ont été tuées. Tous ceux se sont

 16   retranchés dans une maison et ce sont les forces de l'armée de Bosnie-

 17   Herzégovine

 18   qui ont tiré sur eux.

 19   Il y avait même un médecin de renommée. Il y avait cinq

 20   infirmiers qui se sont rendus sur place, l'aide a été fournie, mais Ivo

 21   Vidovic est décédé ultérieurement parce que l'aide, le secours n'est pas

 22   arrivé à temps. Je pense là aux Bosniens, aux Musulmans.

 23   M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous poser ma

 24   dernière question justement sur ce point. Qui a identifié les auteurs de

 25   ces crimes et qui a dit que ces personnes faisaient partie de l'armée de


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  1   Bosnie-Herzégovine ? 

  2   M. Mlivoncic (interprétation). – Une fois de plus, je n'ai pas

  3   le document. Mais je pense que c'était le ministère ou éventuellement le

  4   Bureau du Procureur du HVO. C'était soit le ministère de l'Intérieur ou le

  5   Bureau du Procureur militaire.

  6   M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, monsieur

  7   Mlivoncic. J'apprécie la patience dont vous avez fait preuve. Je n'ai plus

  8   de question, Monsieur le Président, monsieur le Juge.

  9   M. le Président. – Merci, Monsieur le Procureur. Maître Nobilo,

 10   vous voulez apporter quelques précisions dans votre droit de réplique ?

 11   M. Nobilo (interprétation). – Très brièvement. Monsieur

 12   Mlivoncic, vous vous êtes référé à combien de documents, lors de

 13   l'écriture de votre ouvrage ?

 14   M. Mlivoncic (interprétation). –  Les documents qui existent

 15   dans la commission pour déterminer les crimes de guerre se réfèrent à

 16   10 000 documents. J'ai vu et étudié tous ces documents. 60 % se réfèrent

 17   au conflit entre les Musulmans bosniens et les Croates ; les autres se

 18   réfèrent aux conflits qui ont eu lieu avec les Tchetniks. Il y a mille

 19   documents également, dont je dispose, et que j'ai pu obtenir des autorités

 20   ecclésiastiques.

 21   M. Nobilo (interprétation). - Cet ouvrage est un résumé de ces

 22   très nombreux documents, de ces sept mille documents ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). – C'est exact.

 24   M. Nobilo (interprétation). – Considérez-vous que chacun des

 25   chiffres figurant ici est exact ?


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  1   M. Mlivoncic (interprétation). – Absolument exact. J'ai dit, au

  2   moment de l'édition de l'ouvrage, que cette recherche n'était pas une

  3   recherche définitive, que c'était un travail global qui citait des faits

  4   assez globaux, qu'il pouvait s'être glissée une erreur, y compris dans les

  5   chiffres et qu'une étude supplémentaire était nécessaire. C'est d'ailleurs

  6   la raison pour laquelle j'ai poursuivi cette étude.

  7   Mais j'ajouterai quelques mots. Dans mes recherches

  8   complémentaires, un exemple pratique prouve qu'à Grmace, j'ai bien dit que

  9   treize Croates avaient été enterrés dans une fosse commune et lorsque

 10   l'exhumation a eu lieu, les 4 et 5 mars 1998, treize victimes ont été

 11   exhumées. C'est-à-dire exactement le chiffre que j'avais cité. Lorsque

 12   j'ai rencontré les parents des victimes qui étaient à cette exhumation,

 13   j'ai pu constater qu'ils reconnaissaient les corps des leurs qui avaient

 14   été enterrés.

 15   Donc les exhumations et les autopsies vont confirmer, en tout

 16   cas j'en suis certain, ce qui figure dans les documents que j'ai utilisés.

 17   M. Nobilo (interprétation). – Donc pouvons-nous considérer que

 18   vous estimez que ce document n'est absolument pas achevé ni absolument

 19   exact et que vous maintenez la possibilité que lors de recherches

 20   complémentaires, il se produise quelques modifications dans ce textes ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). – Je l'espère. C'est l'espoir que

 22   je nourris en raison du sentiment que j'éprouve à l'égard des victimes.

 23   Les victimes, toutes les victimes ont le droit que leur nom et leur prénom

 24   soient cités et j'espère que quelqu'un poursuivra cette recherche pour

 25   identifier, de façon précise, l'ensemble des victimes. Car il faut


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  1   connaître le nom et le prénom de la victime, et aussi le nom des auteurs

  2   des actes qui ont causé ces victimes.

  3   M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, ces recherches, vous

  4   les avez dédiées à

  5   qui ?

  6   M. Mlivoncic (interprétation). – Etant donné que je considère

  7   que toutes les victimes sont égales, qu'il n'y a pas de victimes de rang

  8   supérieur ou de rang inférieur, qu'il n'y a pas mes victimes et les

  9   victimes d'un tiers, donc c'est pour cette raison la dédicace de mon livre

 10   est la suivante :

 11   "Ce livre est dédié à toutes les victimes du conflit armé qui a

 12   opposé les Croates et les Musulmans bosniens de Bosnie-Herzégovine entre

 13   1992 et 1994, indépendamment de leur appartenance nationale."

 14   M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 15   C'est sur cette question que nous en terminons avec nos questions

 16   supplémentaires, avec notre droit de réplique.

 17   M. le Président. - Monsieur le Juge Shahabuddeen ?

 18   M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Mlivoncic, je

 19   souhaite parler avec vous de…

 20   M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'entends pas.

 21   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous n'entendez pas ? Tout

 22   va bien maintenant, vous m'entendez ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, oui, très bien.

 24   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je souhaitais donc vous

 25   poser une question ou deux au sujet des 18 victimes croates de Kiseljak.


Page 15999

  1   Le conseil de la défense vous a interrogé sur ce point. Et votre réponse,

  2   votre dernière réponse a consisté à dire que vous estimiez qu'il

  3   s'agissait de crimes parce que c'est ce qui vous a été présenté dans un

  4   document du HVO.

  5   Est-ce que la façon dont j'ai compris votre réponse est exacte ?

  6   M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, je me suis appuyé sur ce

  7   document.

  8   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous le dites beaucoup mieux

  9   que je ne l'ai fait moi-même. Eh bien, en tant que journaliste

 10   d'expérience, monsieur, admettriez-vous qu'il existe une différence entre

 11   une allégation et une conclusion, ou une constatation ? Un fait allégué

 12   est le fait en tant que tel.

 13   M. Mlivoncic (interprétation). - Dans les conditions... Je me

 14   suis trouvé à plusieurs reprises devant ce dilemme. J'avais en effet

 15   différentes données qui portaient sur le même événement, auquel cas il me

 16   fallait compulser un grand nombre de documents et chercher un moyen de

 17   résoudre le dilemme. A Susanj, par exemple, lorsque j'ai parlé des

 18   11 victimes, des bruits divers circulaient et, notamment, que les Croates

 19   avaient tué ces personnes eux-mêmes. C'est le docteur Fra Ivo Markovic,

 20   qui vivait dans ce village et dont les parents et dont le père notamment

 21   était au nombre des victimes, m'a permis de résoudre ce dilemme. C'est ce

 22   qui figure dans les documents.

 23   Mais par ailleurs, lorsqu'il s'agissait de documents d'organes

 24   officiels de l'Herceg-Bosna, ces documents étaient rédigés par des

 25   professionnels, des juristes, des juristes militaires. Il s'agissait de


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  1   documents qui avaient un tampon, un numéro de référence, etc.

  2   M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Mlivoncic, de

  3   quelle façon souhaiteriez-vous que les Juges perçoivent votre déposition ?

  4   Voudriez-vous que les Juges considèrent votre déposition comme une série

  5   d'allégations ou bien voudriez-vous que les Juges perçoivent votre

  6   déposition comme une narration des faits ?

  7   M. Mlivoncic (interprétation). - Dans l'introduction de mon

  8   ouvrage, j'ai dit que je ne condamnais personne, que je ne condamnais

  9   personne mais que j'écrivais pour faire connaître la vérité parce que je

 10   voulais qu'elle soit sue.

 11   M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc serais-je en droit de

 12   comprendre que ce que vous voulez dire, c'est que vous présentez des faits

 13   avérés ?

 14   M. Mlivoncic (interprétation). - J'ai écrit l'introduction de

 15   mon ouvrage en disant que je pensais qu'un certain nombre de choses, un

 16   certain nombre de faits seraient éventuellement modifiés dans mon ouvrage,

 17   mais pas au point d'être en droit de remettre en

 18   cause l'objectif de ma recherche.

 19   M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, vous avez une

 20   longue carrière de journaliste derrière vous. Devrais-je considérer la

 21   question de la façon suivante ? Quelqu'un affirme, ce sont des faits.

 22   Alors, devrais-je poser deux questions ? Première question : la personne

 23   est-elle impartiale ? Question n° 2 : quelle a été la procédure suivie par

 24   cette personne ?

 25   M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne vous ai pas suffisamment


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  1   bien compris. La personne qui a reçu le document, ou la personne qui a

  2   fourni le document ? Est-ce la personne à qui le document a été

  3   communiqué ?

  4   M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez tout à fait raison

  5   de me reprendre, je ne me suis pas exprimé de façon tout à fait claire. Je

  6   parlais de la personne qui soumettait les documents aux Juges et qui dit :

  7   "Ce sont des faits, il s'agit de faits."

  8   M. Mlivoncic (interprétation). - Donc, vous parlez de moi ?

  9   M. Shahabuddeen (interprétation). - Exactement.

 10   M. Mlivoncic (interprétation). - Vous pouvez le déduire de ma

 11   déposition. J'ai dit que je faisais cela par fidélité aux victimes. Et

 12   j'aurais très grand plaisir et exactement de la même manière à identifier

 13   les victimes musulmanes de la main des Croates en Bosnie, si j'avais à ma

 14   disposition les documents nécessaires. Je crois que j'ai amplement répondu

 15   à votre question.

 16   M. Shahabuddeen (interprétation). - Je comprends votre position.

 17   Mais entre temps, vous nous avez parlé, cet après-midi, de crimes commis

 18   contre des Croates, n'est-ce pas ?

 19   (Signe affirmatif du témoin.)

 20   Avez-vous enquêté au sujet de crimes commis par les Croates ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas été...  Je n'ai pas

 22   eu la possibilité de

 23   recevoir des documents. S'agissant des conditions entourant les événements

 24   de Stupni Do, j'ai publié les documents auxquels j'ai eu accès dans la

 25   presse, donc publiquement. C'étaient des documents qui condamnaient les


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  1   gens de mon peuple. J'ai estimé que c'était une honte pour les Croates.

  2   M. Shahabuddeen (interprétation). - Permettez-moi de vous poser

  3   encore une ou deux questions pour finir. Supposons que l'armée de Bosnie-

  4   Herzégovine vous ait remis un document et que, dans ce document, on lise

  5   que le HVO a commis 18 crimes de guerre. Que diriez-vous ? Diriez-vous

  6   qu'il s'agit d'une allégation ou d'une constatation factuelle ?

  7   M. Mlivoncic (interprétation). - Cela dépend de la qualité du

  8   document. Si le document émane d'organes compétents de l'armée de Bosnie-

  9   Herzégovine et qu'il comporte toutes les autres qualités nécessaires pour

 10   que ce document soit considéré comme fiable, alors il est possible de

 11   croire à ce qui est écrit dans ce document.

 12   M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en arrive à présent à ma

 13   dernière question qui porte sur les réfugiés. Je crois vous avoir entendu

 14   dire qu'ils étaient au nombre de 140 000, ces réfugiés. Et à 17 heures 02,

 15   vous étiez interrogé par un Conseil qui vous posait des questions au sujet

 16   de cette conception de réinstallation humanitaire de réfugiés, à laquelle

 17   vous avez dit vous être opposé, à très juste titre. Vous avez déclaré que

 18   la réinstallation d'êtres humains était une politique pratiquée par les

 19   Musulmans bosniens. Mais vous avez ajouté qu'elle ne s'est pas pratiquée

 20   uniquement d'un côté. Etait-ce une politique pratiquée par le HVO ?

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Une partie du HVO, je ne sais

 22   pas ce que préconisaient les organes principaux du HVO, je n'ai pas suivi

 23   cela. Je ne peux pas vous répondre, cela ne m'intéressait pas

 24   particulièrement, en tout cas pas dans ces modalités. A mon avis, la

 25   réinstallation humaine relève d'un concept moral en premier lieu et,


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  1   seulement ensuite, d'un concept politique. Il est impossible d'exiger de

  2   quelqu'un qu'il quitte son foyer, ses racines,

  3   sa patrie, les tombes de ses aïeux pour des raisons politiques.

  4   M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, je saisis

  5   l'occasion de me corriger moi-même. J'ai parlé de politique de

  6   réinstallation humaine, d'êtres humains, alors que vous aviez parlé d'une

  7   politique de réinstallation humanitaire. Je vous remercie, Monsieur

  8   Mlivoncic, j'espère que vous rentrerez agréablement chez vous.

  9   M. le Président. - Je remercie, Monsieur le Juge Shahabuddeen.

 10   Vous posez des questions comme toujours pertinentes qui vont permettre

 11   d'achever le débat très rapidement.

 12   Revérifiez vos chiffres, notamment ceux du tableau général.

 13   Revérifiez-les quand même, ce n'est pas tout à fait exact. C'est

 14   certainement une erreur de calcul. Simplement, c'est un calcul un peu

 15   sinistre que l'on fait là. Ce n'est pas plaisant. J'en profite pour dire

 16   qu'on vient de rendre hommage à tous ces morts, de quelque bord qu'ils

 17   soient, que ce soit du bord musulman ou du bord croate. A cet égard, je

 18   crois qu'au Tribunal international un mort de quelque nationalité qu'il

 19   soit est autant considéré.

 20   Je vais peut-être vous poser une deuxième question : est-ce que

 21   vous connaissiez avant de venir témoigner... Vous m'entendez ? Est-ce que

 22   vous m'entendez bien ?

 23   M. Mlivoncic (interprétation). - Je vous entends.

 24   M. le Président. - Est-ce que vous connaissiez le nom des

 25   villages qui font l'objet de l'acte d'accusation, qui figurent dans l'acte


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  1   d'accusation ? Est-ce que le conseil de la défense a pu vous indiquer ?

  2   M. Mlivoncic (interprétation). - Dans la plupart de ces

  3   endroits, dans ces villages, j'y suis allé quand j'étais jeune. Je

  4   marchais beaucoup à l'époque. Après j'y suis retourné. J'ai des

  5   expériences très agréables qui sont liées à ces villages, des rencontres.

  6   M. le Président. - Je ne vous parle pas d'expériences agréables.

  7   Nous ne parlons pas de choses agréables ici.

  8   Je voulais savoir simplement si, lorsque vous vous êtes préparé

  9   à venir déposer, on vous a donné la liste des villages et des villes où

 10   l'accusation estime qu'il y a eu des morts d'hommes, de femmes, d'enfants

 11   et de combattants ?

 12   Et ma question est celle-ci : est-ce que vous avez pu regarder

 13   s'il avait des morts croates ? Je prends par exemple le village d'Ahmici,

 14   est-ce que ce village a fait l'objet de votre étude ?

 15   M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai reçu aucune suggestion

 16   de personne. Je suis allé à Ahmici, mais pas au moment où le crime a été

 17   commis, j'y suis allé plus tard. J'y suis allé au moment...

 18   M. le Président. - Excusez-moi, nous ne nous comprenons pas. Je

 19   voudrais savoir si, lorsque vous vous êtes préparé à venir ici, vous avez

 20   eu la curiosité de comparer les villages pour lesquels l'accusation estime

 21   qu'à la suite des combats, il y a eu des morts musulmans, avec les

 22   villages pour lesquels vous avez fait votre statistique des morts

 23   croates ? Est-ce que vous comprenez bien ma question ? Par exemple,

 24   Nadioci, je pense que de Nadioci, vous vous en êtes occupé. Mais j'allais

 25   vous poser la question sur d'autres villages. Est-ce que vous vous êtes


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  1   préparé à cela ou pas du tout ?

  2   M. Mlivoncic (interprétation). - Non, non. Concernant ce que

  3   j'ai écrit dans le livre, j'ai considéré que je pourrais me servir des

  4   données qui étaient dans ce livre, vous comprenez ! Mais, par ailleurs,

  5   dans mon travail de recherches, je me suis rendu dans ces villages

  6   depuis 1994. J'ai été à Vares en 1994, quelques mois après les problèmes.

  7   M. le Président. - Je comprends. Mais bien que vous ne disposiez

  8   pas des documents, est-ce que vous vous êtes, à un moment donné, posé une

  9   question d'ordre comparatif ? Ceci permettrait aux Juges, évidemment, de

 10   se faire une meilleure idée de l'ampleur de la catastrophe humanitaire qui

 11   a eu lieu dans cette région.

 12   Par exemple, quand vous allez à Vitez, quand vous allez à

 13   Kiseljak, dans les

 14   municipalités de Vitez et de Kiseljak, est-ce que vous ne vous concentrez

 15   que sur les morts croates ? Ou vous êtes-vous posé la question de savoir

 16   s'il y avait eu un nombre de morts très important, plus important, moins

 17   important de l'autre côté ? Ou bien est-ce que cela n'a pas fait l'objet

 18   de votre curiosité ?

 19   M. Mlivoncic (interprétation). - Les victimes musulmanes, je

 20   n'en n'ai eu connaissance que lorsque j'en ai entendu parlé dans des

 21   conversations. Ce n'était pas le sujet de ma recherche, de mon enquête, de

 22   mon investigation. Je ne me suis jamais laissé aller à tenter de savoir

 23   qui avait subi un nombre supérieur ou inférieur de victimes, parce que

 24   cela, à mon avis personnel, est sans intérêt dans le cadre d'un travail de

 25   ce genre, s'il n'y a pas confirmation scientifique. J'ai donc évité une


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  1   telle comparaison ou une telle affirmation.

  2   J'ai comparé les chiffres relatifs aux personnes déplacées et

  3   aux réfugiés, aux exilés réfugiés parce que ces deux chiffres sont des

  4   chiffres exacts, n'est-ce pas ! Je me suis servi de documents bosniens qui

  5   affirment que 50 000 Musulmans Bosniens de territoires sous contrôle du

  6   HVO se sont transformés en réfugiés au cours de ce conflit. C'est le seul

  7   élément que j'ai vérifié.

  8   M. le Président. - Dans le milieu professionnel que vous

  9   fréquentez, est-ce que vous avez eu connaissance d'ouvrages semblables qui

 10   seraient écrits sur les morts de l'autre camp, ou pas du tout ?

 11   M. Mlivoncic (interprétation). - De façon générale et globale,

 12   non. Mais il existe des éléments partiels comme il en existe au sujet des

 13   victimes dans certaines municipalités, par exemple la municipalité de

 14   Konjic, les Croates de Konjic ont effectué leur propre recherche qui est

 15   incluse ici, etc.. Mais une recherche globale relative aux victimes

 16   musulmanes et dues à des actions croates, il n'en existe pas, en tout cas

 17   pas à ma connaissance.

 18   M. le Président. - Je vais vous poser une dernière question, qui

 19   est très simple. Cet ouvrage que vous avez écrit, où a-t-il été imprimé ?

 20   L'imprimature a été donnée, en quelque

 21   sorte, en Croatie ou en Bosnie ?

 22   M. Mlivoncic (interprétation). - En Croatie ! C'est la société,

 23   la maison d'édition Napredak de Split qui a publié ce livre. Moi, je vis à

 24   Split. Il est donc normal que j'aie utilisé cette maison d'édition. Sinon,

 25   il y en a bien sûr d'autres. Le siège est à Sarajevo.


Page 16007

  1   M. le Président. - Le gouvernement croate s'est-il intéressé à

  2   vos travaux d'une façon ou une autre ?

  3   M. Mlivoncic (interprétation). - Ça, je ne saurais le dire. Nous

  4   avons vécu la promotion de mon ouvrage à Split. C'est le Pr Separovic qui

  5   a effectué la promotion de mon livre, c'est quelqu'un de très connu, ainsi

  6   que Nikola Skobic, un avocat de Mostar, qui fait partie de la commission

  7   qui étudie les crimes de guerre en Herceg-Bosna. Donc, cet ouvrage a été

  8   publié. L'information selon laquelle le livre existe a été répandue. Les

  9   journaux en ont parlé ; à la télévision, la promotion s'est faite

 10   également, de sorte que pas mal de gens savent que ce livre existe.

 11   M. le Président. - Je crois que, comme vous l'a dit M. le Juge

 12   Shahabuddeen, le Tribunal vous décerne de grandes félicitations -c'est un

 13   sujet qui est vraiment très complexe- et vous exprime sa gratitude pour

 14   être venu expliquer le sens et la portée des travaux que vous avez

 15   entrepris dans un sujet aussi douloureux. Il va donc vous souhaiter un bon

 16   retour chez vous. L'huissier va vous raccompagner.

 17   Je vais demander que nous fassions un très court huis clos pour

 18   faire le point chiffré de nos travaux et savoir comment nous allons

 19   reprendre au mois de janvier.

 20   Merci, Monsieur Mlivoncic.

 21   M. Mlivoncic (interprétation). - Moi aussi, je vous remercie.

 22   M. le Président. - Huis clos partiel, bien sûr.

 23   Monsieur le Procureur, vous aviez des pièces à déposer peut-

 24   être, c'est cela ?

 25   M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, rapidement,


Page 16014

  1   il y a un point

  2   que j'aimerais évoquer en huis clos partiel qui porte directement sur le

  3   procès avant que nous parlions de questions d'intendance. Mais je demande

  4   un huis clos partiel. Il s'agit d'un élément de preuve qui a été versé au

  5   dossier plus tôt dans la semaine.

  6   (L'audience se poursuit à huis clos partiel)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


Page 16015

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 11   Pages 16015 – 16030 expurgées en audience à huis clos partiel

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 23  

 24  

 25   L'audience est levée à 18 heures 20.