Page 15869
1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 Tihomir BLASKIC
7 Jeudi 17 décembre 1998
8
9 L’audience est ouverte à 10 heures 15.
10
11 M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Introduisez l'accusé.
12 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
13 Je salue les interprètes. Je salue les conseils de l'accusation,
14 les conseils de la défense, ainsi que l'accusé. Je vous prie d'excuser mon
15 retard, ce n'est pas celui de mon collègue, pour différentes raisons. Nous
16 reprenons, Maître Nobilo.
17 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
18 Nous avons un nouveau témoin, Tomislav Rajic.
19 M. le Président. - Il n'est pas protégé donc ?
20 M. Nobilo (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Non,
21 aucune mesure de protection n'a été demandée.
22 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
23 M. le Président. - M'entendez-vous, Monsieur, c'est le Président qui vous
24 parle.
25 M. Rajic (interprétation). - Oui.
Page 15870
1 M. le Président. - Vous nous donnez votre nom, votre profession,
2 votre résidence et, ensuite, vous prêterez serment. Nous vous écoutons.
3 M. Rajic (interprétation). - Je m'appelle Tomislav Rajic. Je
4 suis né le 25 mai 1959 à Travnik. J'ai obtenu un diplôme de l'université
5 de droit. Je suis actuellement, en tant que réfugié, résidant de la
6 municipalité de Vitez, à savoir de Guca Gora : 1 B, municipalité de
7 Travnik. C'est mon adresse exacte.
8 M. le Président. - Si vous pouvez prêter serment sur la formule
9 que va vous tendre M. l'huissier...
10 M. Rajic (interprétation). - Je déclare solennellement que je
11 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir. Vous avez accepté
13 de venir témoigner, à la demande de la défense, dans le cadre du procès
14 attenté contre le général Blaskic, l'accusé, ici présent. Vous allez
15 d'abord répondre aux questions de la défense puis, ensuite, aux questions
16 du Procureur et certainement aussi les questions des juges. Maître Nobilo.
17 C'est à vous.
18 M. Nobilo (interprétation). - Bonjour, Monsieur Rajic.
19 Vous vous êtes déjà présenté, mais pourriez-vous nous dire,
20 avant le début des hostilités en Bosnie-Herzégovine, avant le conflit,
21 quelle était votre profession ?
22 M. Rajic (interprétation). - Après les premières élections
23 démocratiques libres qui se sont tenues en décembre 1990, le
24 20 février 1991, j'ai été nommé secrétaire général de la municipalité, au
25 niveau de la municipalité pour la défense nationale. J'ai occupé ce poste
Page 15871
1 jusqu'au 31 décembre 1993.
2 Après quoi, je suis devenu chef de la brigade du HVO de Travnik
3 et j'ai occupé ce poste jusqu'au 20 mai 1994. A ce moment-là, j'ai été
4 transféré à nouveau à la municipalité et, à ce moment-là, j'ai travaillé
5 dans la section de l'administration et des services sociaux.
6 Après le 27 novembre 1996, j'ai été nommé responsable des
7 autorités municipales de Travnik qui se trouvait à Nova Bila, à savoir la
8 partie croate des autorités de Travnik.
9 Après les élections en 1997, dans le cadre des autorités
10 conjointes, j'ai été nommé Président du Conseil municipal de Travnik,
11 poste que j'ai occupé jusqu'au 24 novembre de cette année. A ce moment-là,
12 j'ai remis ma démission parce que j'étais mécontent du travail des entités
13 conjointes de la municipalité de Travnik.
14 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de votre témoignage, nous
15 nous concentrerons sur la période de votre vie lorsque vous étiez
16 secrétaire municipal de la défense nationale de la municipalité de
17 Travnik, à savoir la période entre 1992 et 1993. C'est la période sur
18 laquelle nous allons nous concentrer, donc.
19 Mais avant de parler de vos fonctions à proprement parler,
20 pourriez-vous nous dire la chose suivante : après les premières élections
21 libres, comment fonctionnait le gouvernement civil de Travnik, quelle
22 était sa structure, la structure des autorités civiles ? Ces autorités
23 regroupaient-elles à la fois des Croates, des Musulmans et des Serbes ?
24 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, la structure des autorités
25 municipales était telle que des élections locales ont été organisées pour
Page 15872
1 nommer l'Assemblée municipale. L'Assemblée municipale regroupait soixante
2 membres représentant les trois nationalités vivant à Travnik.
3 Le Président de l'Assemblée municipale était le plus haut
4 représentant des autorités municipales. Il avait un secrétaire et l'entité
5 exécutive -si je puis dire- des autorités municipales était le Conseil
6 exécutif de l'Assemblée municipale. D'ailleurs, ces conseils existaient
7 partout en Bosnie-Herzégovine, notamment à Travnik. Ce Conseil exécutif
8 avait également des sous-
9 divisions, par exemple le département chargé des Affaires économiques et
10 des finances, nous appelions cela des secrétariats, à l'époque. Il y avait
11 un Secrétariat pour les affaires administratives et sociales. Il y avait
12 également le Secrétariat chargé de la Défense civile. Il y avait un
13 Secrétariat chargé des Affaires intérieures qui s'occupait notamment de la
14 police, etc.
15 M. Nobilo (interprétation). - Si nous devions comparer cette
16 structure avec une structure d'Etat, pourrions-nous dire que le Conseil
17 exécutif de l'Assemblée municipale de la Ville pouvait être comparé avec
18 ce qui est au niveau de l'Etat, le gouvernement lui-même ?
19 M. Rajic (interprétation). - Oui, effectivement, c'était le
20 gouvernement municipal.
21 M. Nobilo (interprétation). - Ce que l'on appelle des ministères
22 au niveau d'un Etat correspondent au Secrétariat municipal ?
23 M. Rajic (interprétation). - Effectivement.
24 M. Nobilo (interprétation). - Le seul Secrétariat qui nous
25 intéresse aujourd'hui est le Secrétariat pour la Défense nationale.
Page 15873
1 S'agissait-il d'une entité civile ou d'une entité militaire ?
2 M. Rajic (interprétation). - Ces entités étaient exclusivement
3 civiles. Mais ils détenaient certaines responsabilités vis-à-vis de
4 certains bâtiments ou structures militaires. Par exemple, lorsque le HVO a
5 lancé un appel à la mobilisation à la demande des entités militaires, le
6 Secrétariat a exécuté certaines fonctions dans ce sens, même si les
7 responsables de ces Secrétariats étaient des civils.
8 M. Nobilo (interprétation). - Qui était votre supérieur
9 immédiat ?
10 M. Rajic (interprétation). - C'était le Président du Conseil
11 exécutif de l'Assemblée municipale.
12 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, il était
13 responsable du Conseil exécutif civil. Et qui était son supérieur ?
14 M. Rajic (interprétation). - C'était le Président de l'Assemblée
15 municipale.
16 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Au sein des entités
17 municipales, vous avez dit qu'il y avait un Secrétariat chargé de la
18 défense nationale. Pouvez-vous décrire quelle était la structure interne
19 de ce Secrétariat dont vous étiez le responsable ? Et pourriez-vous nous
20 dire quelles sous-sections composaient ce Secrétariat ?
21 M. Rajic (interprétation). - Le Secrétariat pour la défense
22 nationale était composé de trois entités. A leur tête se trouvait donc le
23 responsable. Il y avait notamment le département ou la sous-division de
24 l'armée ; la deuxième était celle de la défense civile, et le troisième
25 était la section d'observation et d'information -telle qu'on l'appelait à
Page 15874
1 l'époque. Pour ce qui est des compétences de chacune de ces sous-
2 divisions, l'entité qui s'occupait de l'armée conservait les noms de tous
3 les hommes aptes au service militaire, des conscrits potentiels donc.
4 Cette entité maintenait ou conservait le nom des hommes. Dès
5 qu'ils atteignaient l'âge de 17 ans, leur aptitude au service militaire
6 était vérifiée ; cela, c'était lorsqu'ils atteignaient 18 ans. Ensuite,
7 ces jeunes hommes étaient envoyés faire leur service militaire lorsqu'ils
8 atteignaient l'âge de 19 ans. C'était la règle générale. Par conséquent,
9 cette entité était responsable du service militaire.
10 Elle conservait également le nom des personnes qui avaient fait
11 leur service militaire, mais qui étaient maintenant soldats de réserve
12 pour la JNA et la Défense territoriale. Il y avait également des dossiers
13 personnels qui étaient conservés, dossiers personnels d'officiers de
14 réserve, membres de la police militaire de réserve également. Il y avait
15 un service de transmission de courrier qui était organisé de sorte que les
16 conscrits recevaient directement leur convocation.
17 Et puis, il y avait également des listes relatives à des entités
18 civiles, lorsqu'il y avait une menace imminente de guerre. Des civils
19 devaient remplir leurs obligations de travail vis-à-vis de telle
20 entreprise. C'était donc la section de l'armée ou la section militaire qui
21 devait se charger de ces différentes tâches.
22 La deuxième sous-division n'envisageait pas de service actif
23 dans la défense civile, mais il y avait en fait deux éléments principaux.
24 Il y avait des unités de la défense civile -je parle d'unité ayant pour
25 mission des missions de nature générale-, des unités donc à partir
Page 15875
1 desquelles des pelotons de travail étaient formés. Il y avait également
2 des unités spéciales chargées des premiers soins lorsqu'il y avait des
3 blessés, chargées de déblayer des débris lorsque des bâtiments étaient
4 endommagés, et puis qui étaient chargées d'autres missions également.
5 Alors que la troisième sous-section du Secrétariat chargé de la
6 défense nationale était le centre d'observation et d'information.
7 Ce centre fonctionnait 24 heures/24 heures. Tout incident, tout
8 événement néfaste qui se produisait dans la municipalité leur était
9 signalé. Ce centre devait également observer les mouvements aériens au-
10 dessus de la municipalité, dans la mesure du possible. En fait, ce centre
11 rassemblait des informations qui m'étaient transmises. Ensuite, je les
12 transmettais au président du Conseil exécutif ou bien au président de
13 l'Assemblée municipale au cas où les circonstances étaient exceptionnelles
14 ou bien si une urgence se présentait dans la municipalité.
15 M. Nobilo (interprétation). - La structure des autorités, telle
16 que vous venez de la décrire, s'est maintenue plus ou moins jusqu'à
17 l'été 92. A moment-là, une division s'est produite, n'est-ce pas ! Avant
18 cela, l'Assemblée municipale a cessé de fonctionner. Comment les autorités
19 se sont-elles scindées et selon quels critères ?
20 M. Rajic (interprétation). - Eh bien, à la fin de 1991, certains
21 problèmes se sont présentés dans le travail de ces entités et de ces
22 autorités conjointes, notamment au sein des secrétariats dont j'ai parlés.
23 Ces entités ont été constituées d'après les résultats des
24 élections. Le nombre de voix remporté, par chacun des partis nationaux, se
25 reflétait dans les structures municipales. Les Serbes ont été les premiers
Page 15876
1 à quitter les autorités conjointes. Ils se sont simplement retirés. Et les
2 entités élues ont cessé de fonctionner. Disons que, de façon officielle,
3 les mêmes entités ont été maintenues jusqu'en été 1992.
4 Pour ce qui est de mon secrétariat, nous sommes restés dans les
5 mêmes locaux. Mais chaque individu, membre du secrétariat, travaillait
6 pour les intérêts, si je puis dire, de son groupe ethnique. Les Musulmans
7 de Bosnie ont formé leur propre présidence qui a assumé les compétences de
8 l'Assemblée. Il y avait donc deux entités parallèles disposant des mêmes
9 pouvoirs, des mêmes compétences. La seule différence étant que la première
10 autorité était composée de personnes appartenant à un groupe ethnique, la
11 deuxième à un autre groupe ethnique.
12 M. Nobilo (interprétation). - Parlons maintenant du groupe
13 croate qui occupait les postes dans les autorités. Vous avez dit que
14 toutes les personnes, travaillant dans les autorités, travaillaient aux
15 intérêts de leur propre groupe ethnique.
16 C'est surtout le secrétariat de la défense nationale qui nous
17 intéresse. Dans ce secrétariat, y a-t-il eu des changements
18 d'organisation ? Les pratiques et les activités de ce secrétariat ont-
19 elles changé, notamment dans l'application d'éventuels textes de lois et
20 de réglementations ?
21 M. Rajic (interprétation). - Pour ce qui est des changements qui
22 se sont produits, ils se sont d'abord exercés au niveau du personnel.
23 Les services se sont maintenus en l'état, mais ce sont les noms
24 des personnes qui ont changé ou les noms des services. Ce qui était le
25 secrétariat auparavant a été baptisé département, département de
Page 15877
1 l'Economie et des Finances par exemple ou département de la Défense.
2 Ensuite, des changements se sont opérés dans le personnel
3 puisque nous avons été divisés selon des critères ethniques. Cependant
4 nous avons continué à coexister les uns avec les autres.
5 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, l'organisation est
6 restée la même.
7 Avant de poursuivre et de passer à ma question suivante,
8 j'aimerais demander l'aide de l'huissier pour distribuer une loi de la
9 République socialiste fédérative de Yougoslavie.
10 Nous en avons également des exemplaires pour les interprètes.
11 Nous sommes heureux de vous dire que nous avons un exemplaire de cette
12 pièce en français.
13 M. le Président. – J'en suis très heureux, maître Nobilo. Vous
14 avez fait travailler jour et nuit un interprète français.
15 M. Dubuisson. - Document D492, D492a pour la version française
16 et D492b pour la version anglaise.
17 M. Nobilo (interprétation). - Le premier document est la version
18 croate de ce document. Avant de passer au texte à proprement parler,
19 veuillez nous dire la chose suivante : dans la République socialiste
20 fédérative de Yougoslavie, il y avait des lois fédérales et des lois au
21 niveau des Républiques, n'est-ce pas ?
22 M. Rajic (interprétation). – Oui.
23 M. Nobilo (interprétation). – Les deux lois, je parle des lois
24 fédérales, étaient valables sur tout le territoire et les lois prises au
25 niveau de la République n'étaient valables que dans le territoire de la
Page 15878
1 République où elles avaient été adoptées. Mais en Bosnie-Herzégovine, les
2 lois fédérales et les lois de Bosnie-Herzégovine étaient en vigueur n'est-
3 ce pas ?
4 M. Rajic (interprétation). – Oui.
5 M. Nobilo (interprétation). - Je vous demande de jeter un œil à
6 ce décret, dont je vous lirai une partie de l'article premier, notamment
7 la deuxième phrase : "Les unités de travail obligatoire sont organisées en
8 y affectant des citoyens soumis au travail obligatoire et non affectés aux
9 forces armées ou soumis au travail obligatoire dans les organes du
10 ministère de l'Intérieur". Pourriez-vous nous expliquer cette phrase s'il
11 vous plaît ?
12 M. Rajic (interprétation). – Oui, je peux vous expliquer. En ex-
13 Yougoslavie, nous
14 avions tous une tâche à accomplir en cas de guerre ou en cas de menace
15 imminente de guerre. Tous ceux qui n'étaient pas affectés aux unités de la
16 JNA, tous ceux qui ne faisaient pas partie des forces de réserve dans la
17 Défense territoriale, dans les unités de la défense civile ou dans les
18 entités du ministère de l'Intérieur étaient soumis à des obligations de
19 travail.
20 Ces obligations pouvaient être effectuées dans le cadre
21 d'entreprises qui devaient théoriquement continuer à fonctionner en cas de
22 guerre ou de menace imminente de guerre. Certaines entreprises étaient
23 considérées comme étant cruciales en cas de guerre. Par conséquent, les
24 employés de ces entreprises, qui occupaient des postes très importants,
25 étaient affectés ou plutôt restaient dans le cadre de leur propre
Page 15879
1 entreprise pour y effectuer leur travail obligatoire.
2 Mais ces personnes qui ne travaillaient pas dans ce type
3 d'entreprises étaient soumises au travail obligatoire dans d'autres
4 endroits. Ils devaient, par exemple, charger et décharger certaines
5 cargaisons, ils devaient assurer la sécurité de certains locaux, etc.
6 M. Nobilo (interprétation). – Peut-on dire par conséquent qu'il
7 était prévu de par la loi que tous les citoyens devaient contribuer à la
8 défense de leur pays soit en participant aux activités de l'armée soit en
9 exécutant des tâches obligatoires ?
10 M. Rajic (interprétation). – Oui, c'étaient un droit et une
11 obligation de tous les citoyens. Ils devaient participer à la défense de
12 leur pays. Chacun d'entre nous avait une tâche spécifique dans les
13 différents domaines que j'ai mentionnés.
14 M. Nobilo (interprétation). – Par conséquent, si une personne
15 n'était pas intégrée à l'armée, elle était soumise au travail
16 obligatoire ?
17 M. Rajic (interprétation). – Oui. Disons que dans la hiérarchie
18 des tâche à exécuter, le travail obligatoire était la dernière, la plus
19 basse, parce que la priorité était de constituer des unités dans la JNA ou
20 dans la défense nationale, puis ensuite dans la Défense territoriale et
21 les personnes qui ne correspondaient pas à ce type d'obligation étaient
22 soumises
23 au travail obligatoire.
24 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, ceux qui n'étaient
25 pas intégrés au rang de l'armée ?
Page 15880
1 M. Rajic (interprétation). – Oui.
2 M. Nobilo (interprétation). - Passons maintenant à l'article 3
3 de ce décret. Il est dit que des unités sont organisées, des unités de
4 travail obligatoires, qu'il y a des escadrons, des bataillons et même des
5 brigades. Il s'agit là de termes militaires.
6 Cela veut-il dire qu'ils deviennent des unités militaires ou
7 s'agit-il, là encore, des entités civiles mêmes s'ils portent des noms
8 militaires. Je parle de ces groupes de civils.
9 M. Rajic (interprétation). - Non, il s'agissait exclusivement
10 d'unités, d'entités civiles. Ces groupes pouvaient être rattachés à des
11 unités militaires. C'est pourquoi les noms ont été maintenus ainsi. Il
12 s'agissait d'unités civiles.
13 M. Nobilo (interprétation). - Lorsqu'on parlait d'un peloton ou
14 d'une compagnie, vous saviez très bien combien de personnes le
15 composaient, n'est-ce pas ?
16 M. Rajic (interprétation). - Oui, par exemple les unités
17 pouvaient être composées de 15 hommes ou de 70 hommes. On savait au moins
18 combien de personnes constituaient tel ou tel groupe, c'est pourquoi ce
19 type de termes militaires étaient utilisés.
20 M. Nobilo (interprétation). - Je vais lire l'article 4 qui est
21 extrêmement pertinent, ensuite je vous poserai une question.
22 Je cite : "Les unités de travail obligatoire destinées aux
23 besoins de forces armées en guerre sont organisées en temps de paix sur
24 ordre de l'organe municipal compétent, pris en réponse à une demande de
25 l'autorité compétente du ressort militaire...", (fin de citation).
Page 15881
1 "...En guerre, si les forces armée nécessitaient des hommes pour
2 des activités militaires ou des activités de combat, que l'organe
3 municipal compétent n'est pas en mesure d'émettre l'ordre visé au
4 paragraphe premier du présent article, les unités de travail
5 obligatoire sont organisées sur ordre de l'officier chargé de l'autorité
6 compétente du ressort militaire, ou sur ordre d'officiers militaires
7 occupant le poste de commandant, ou un poste équivalent ou supérieur.
8 L'officier commandant ci-après", (fin de citation).
9 Pourriez-vous interpréter cet article ? En règle générale, qui
10 organisait ces unités ?
11 M. Rajic (interprétation). - En règle générale, c'était le
12 Conseil exécutif de l'Assemblée municipale, dans des conditions normales.
13 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, c'est une autorité
14 civile, n'est-ce pas ? Quand l'armée a-t-elle établi ou organisé
15 directement des unités de travail obligatoire ?
16 M. Rajic (interprétation). - Lorsque les autorités civiles ne
17 fonctionnaient plus. Par conséquent, à moment là, sur demande de
18 l'officier commandant, une certaine unité de travail obligatoire peut être
19 établie.
20 M. Nobilo (interprétation). - Faisons une digression, si vous le
21 voulez bien, pour donner un exemple spécifique.
22 A votre connaissance, à Vitez et à Busovaca, en 1992 et 1993,
23 mais surtout en 1993, les autorités civiles de la municipalité
24 fonctionnaient-elles ?
25 M. Rajic (interprétation). - A ma connaissance, oui.
Page 15882
1 M. Nobilo (interprétation). - Passons à l'article 6, j'aimerais
2 vous lire certaines parties de cet article qui, je pense, sont
3 pertinentes.
4 L'article 6 dit la chose suivante, je cite : "Lorsqu'elle
5 s'acquitte des fonctions et tâches nécessaires pour les besoins des forces
6 armées, les unités de travail obligatoire peuvent se voir assigner les
7 tâches suivantes :
8 N°1. Travaux de fortification...".
9 Et ensuite, à la ligne 4, à partir de la fin de ce paragraphe,
10 je ne vais pas le lire dans son intégralité, il est dit : "Il peut y avoir
11 des tâches visant à creuser des abris" ; et puis : "Il peut y avoir
12 l'exécution d'autres travaux dans les directions, les secteurs et les
13 zones de combat
14 qui assurent la meilleure exécution possible des missions des unités des
15 forces armées", (fin de citation).
16 Ma question est donc la suivante. Conformément à cet article,
17 une unité de travail obligatoire pouvait-elle être utilisée pour
18 participer à des travaux de fortification dans des zones de combat ?
19 M. Rajic (interprétation). - Oui, mais il y a également le
20 point 7 qui laisse toujours la possibilité d'utiliser ces unités à
21 d'autres fins, toujours pour répondre aux besoins des forces armées. C'est
22 ainsi que nos textes de loi étaient formulés. Il est dit explicitement
23 quelles sont les tâches que de telles unités peuvent accomplir, mais ils
24 envisagent également les choses pour lesquelles les unités ne peuvent pas
25 être utilisées.
Page 15883
1 En effet, toutes les situations spécifiques ne peuvent pas être
2 citées précisément dans un texte de loi et il était tout à fait naturel,
3 de plus, que de telles unités travaillent dans des zones de combat.
4 M. Nobilo (interprétation). - Très bien. Donc ceci était
5 logique, n'est-ce pas ? Après tout, les fortifications sont généralement
6 nécessaires dans les zones de combat !
7 M. Rajic (interprétation). - Oui, effectivement.
8 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agissait bien de la ligne de
9 front, n'est-ce pas ?
10 M. Rajic (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - Dans l'article 7, il est question
12 de procédure.
13 Je vais lire cet article parce que je pense que c'est un article
14 important. Je cite : "L'officier commandant compétent présente à l'organe
15 municipal compétent, précisant tous les éléments nécessités par
16 l'organisation des unités de travail obligatoire,(le nombre et les
17 effectifs des unités de travail obligatoire, la structure et
18 l'organisation de chaque unité, pour quels besoins elles sont organisées,
19 le secteur et la durée de la mission, le mode et le lieu de réception des
20 unités militaires, le matériel, les outils et les machines nécessaires
21 pour l'unité,
22 etc.", fin de citation.
23 L'article 8 dit également la chose suivante, je cite : "En
24 fonction de la demande de l'officier commandant compétent, l'organe
25 municipal compétent organisme les unités de travail obligatoire, affecte
Page 15884
1 les personnes assujetties au travail obligatoire à leur poste, affecte les
2 équipements et matériels, et les animaux, conformément à la réglementation
3 relative au travail obligatoire des citoyens, ainsi que des organisations
4 de base et autre travail collectif, etc.", fin de citation.
5 Peut-on dire par conséquent que ce texte précise la personne qui
6 peut demander l'établissement d'une unité de travail obligatoire et qui
7 est chargée de sa mise en place ? Y avait-il donc cette division de tâches
8 entre les autorités militaires et civiles, entre la personne qui demande
9 l'organisation de cette unité et la personne qui s'en charge ? Qui
10 sélectionne les personnes qui vont être membres de cette unité ? Une
11 autorité civile ?
12 M. Rajic (interprétation). - Eh bien lorsqu'il est effectivement
13 nécessaire d'établir ce type d'unité, l'officier commandant s'adresse aux
14 autorités municipales, notamment au secrétariat de la défense, et demande
15 qu'un certain nombre de personnes soient mobilisées ou regroupées pour
16 exécuter certaines tâches.
17 Puisque ce secrétariat pour la défense détient une liste des
18 personnes, des hommes, aptes au service militaire, puisqu'elle détient une
19 liste des personnes chargées de la mobilisation (en quelque sorte), et
20 peut donc se mettre en contact avec les personnes concernées, eh bien
21 c'est cette entité municipale qui contacte les personnes afin qu'elles
22 viennent prendre leur fonction dans une unité, quelle que soit l'unité
23 concernée d'ailleurs.
24 M. Nobilo (interprétation). - Pour simplifier les choses, peut-
25 on dire que les autorités militaires formulent une certaine demande :
Page 15885
1 "Nous avons besoin de 30 personnes en 24 heures" par exemple, et que ce
2 sont ensuite les autorités civiles qui vont choisir les personnes qui vont
3 participer à l'unité ?
4 M. Rajic (interprétation). - Oui.
5 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, le choix des
6 personnes qui vont être envoyées, par exemple pour creuser des tranchées,
7 dépend des autorités civiles ?
8 M. Rajic (interprétation). - Oui. Ce sont les autorités civiles
9 qui contactent les personnes qui vont exécuter les tâches demandées.
10 M. Nobilo (interprétation). - Passons maintenant à une autre
11 question s'il vous plaît.
12 M. Dubuisson - Document D493, 493a pour la version française,
13 493b pour la version anglaise.
14 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur Rajic, c'est le
15 document D493. Il s'agit d'un décret de la République qui se réfère à la
16 Défense nationale. Est-ce le décret relatif à l'organisation du travail
17 obligatoire en République de Bosnie-Herzégovine ?
18 M. Rajic (interprétation). - Oui.
19 M. Nobilo (interprétation). - P assons maintenant, s'il vous
20 plaît, à l'article 2, dernier alinéa. On y sous-entend que sous les tâches
21 et fonctions, dont on parle dans l'article premier, on compte également
22 les équipements, les constructions d'abris, de fortifications, de ponts et
23 de routes, et d'autres travaux.
24 Nous allons être concrets. Est-ce que sous la définition ou le
25 terme "fortification", on peut considérer les tranchées ? Est-ce que,
Page 15886
1 d'après vous, dans la terminologie de l'ex-JNA, on comprenait "sous la
2 fortification" également "creusement des tranchées" ?
3 M. Rajic (interprétation). - Oui, ce sont les tranchées, les
4 axes de communication, toutes les fortifications de ce genre-là.
5 M. Nobilo (interprétation). - L'article 4 : il est stipulé que
6 les équipes de travail obligatoire sont approvisionnées avec le matériel
7 et l'équipement technique, etc. Est-ce que c'est ce dont vous avez parlé :
8 qu'il faut d'abord compléter les unités opérationnelles et ensuite
9 ce qui reste pour les pelotons de travail ?
10 M. Rajic (interprétation). - Oui.
11 M. Nobilo (interprétation). - On va parler des articles 5 et 6.
12 Si vous voulez bien les regarder, on ne va pas les citer. Est-ce qu'il en
13 ressort clairement quelle est la responsabilité des autorités civiles pour
14 la formation des pelotons de travail ?
15 M. Rajic (interprétation). - Oui. J'en ai déjà parlé, je pense,
16 tout à l'heure. Chaque municipalité avait le plan de la défense, on
17 prévoyait également les pelotons de travail dans ce cadre-là, en cas de
18 guerre. Mais dans la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés, ce
19 qui avait déjà existé, cela a été également écarté parce qu'il n'y avait
20 plus de trois groupes ethniques. Mais, de toute façon, nous avons repris
21 pratiquement la même méthodologie de travail.
22 M. Nobilo (interprétation). - Je vais donner lecture de
23 l'article 9 : "Le Secrétariat municipal pour la défense nationale est
24 chargé du recrutement, de la tenue des dossiers et de la notification de
25 leurs affectations prévues aux personnes affectées aux équipes de travail
Page 15887
1 obligatoire, ainsi que de l'appel de ces équipes quand leur ordre de
2 recrutement est donné pour exécuter les fonctions et tâches de l'article 2
3 du présent décret."
4 Est-ce qu'il s'agit du même règlement dont vous avez parlé, à
5 savoir que les autorités civiles, ce Secrétariat de la défense nationale
6 est celui qui recrute et mobilise les personnes qui vont travailler dans
7 les pelotons de travail ?
8 M. Rajic (interprétation). - Oui.
9 M. Nobilo (interprétation). - Je vais demander le document
10 suivant, s'il vous plaît.
11 M. Dubuisson. - Document D494, D494a pour la version anglaise.
12 M. le Président. - Il n'y a pas de version française, Maître
13 Nobilo. Votre traducteur était épuisé, je suppose.
14 M. Nobilo (interprétation). - Il ne faut pas s'attendre à
15 beaucoup de choses. Et puis,
16 les interprètes ont travaillé dur.
17 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, dans la
18 pièce à conviction n° 38, je pense qu'il y a une version française. Je
19 suis pratiquement sûr que ceci pourrait vous aider, Monsieur le Président.
20 M. le Président. - Dans la pièce à conviction 38 ?
21 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Il
22 s'agit de ces nombreux documents qui ont été utilisés au cours de la
23 déposition du Pr Pajic, lorsque M. Cayley menait l'interrogatoire. Si je
24 ne m'abuse, Monsieur Dubuisson, je pense qu'il s'agit de l'intercalaire 2
25 de ces documents.
Page 15888
1 M. le Président. - Je vous remercie beaucoup, Monsieur le
2 Procureur. Allez-y, poursuivez, Maître Nobilo.
3 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, je vais attirer votre
4 attention sur les trois articles qui sont pertinents. Ils ne sont pas
5 longs, je vais en donner lecture. On parle des tâches des citoyens pour la
6 défense : "Chaque citoyen a le devoir de défendre le territoire et, dans
7 ce sens-là, il doit tout d'abord remplir son obligation militaire, son
8 obligation de travail, troisièmement, son obligation de participer à la
9 protection civile, quatrièmement, son obligation de participer dans le
10 service d'observation et de reconnaissance et, cinquièmement, une
11 obligation matérielle.
12 Les citoyens sont affectés, conformément à l'article et les
13 points 1, 2 et 3 de cet article.
14 Ensuite, l'obligation de travail (article 4) : "tous les
15 citoyens ayant atteint 16 ans ont l'obligation de participation à cette
16 obligation de travail. Cette obligation de travail est demandée en cas de
17 menace en Bosnie et selon les plans de direction et les ordres du HVO.
18 L'article 5 : l'obligation de travail ne comprend pas les
19 personnes qui travaillent aux forces armée, les femmes âgées de plus de
20 55 ans, les femmes enceintes et les hommes dont
21 l'âge dépasse 65 ans."
22 Monsieur Rajic, pourriez-vous nous dire si l'obligation de
23 travail a été résolue selon le même principe au niveau de la Communauté
24 Herceg-Bosna, comme c'était le cas en Bosnie-Herzégovine ou en
25 Yougoslavie ?
Page 15889
1 M. Rajic (interprétation). – Oui, cela a été repris. Il y a
2 quelques différentes terminologiques.
3 M. Nobilo (interprétation). – Avez-vous eu également les textes
4 de lois subordonnés à ce décret qui régularisent cette obligation de
5 travail ou c'était l'unique document ?
6 M. Rajic (interprétation). - C'était l'unique document.
7 M. Nobilo (interprétation). - Dans cette situation-là, quelle
8 était votre pratique ? Quels étaient les règlements auxquels vous vous
9 êtes référés dans vos activités ? Parce qu'il s'agit d'un travail de base
10 et il ne réglemente pas d'une manière complète vos activités ?
11 M. Rajic (interprétation). - Vu l'expérience au niveau du
12 Secrétariat pour la Défense, on a su comment procéder, bien évidemment.
13 Puis il y avait des règlements et il y avait la loi en ex-République
14 socialiste de Bosnie-Herzégovine et de Yougoslavie.
15 M. Nobilo (interprétation). – D'après vos souvenirs, est-ce que
16 la communauté Herceg-Bosna a mis en suspens un certain nombre de lois ou
17 de décrets ?
18 M. Rajic (interprétation). - Je ne le sais pas. Je ne le pense
19 pas.
20 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
21 terminé l'interrogatoire principal, nous allons demander que les documents
22 D493, D494 et D492 soient versés au dossier comme pièces à conviction de
23 la défense. Mais je vois que dans le compte rendu que l'interprète de la
24 cabine anglaise n'a pas entendu la dernière réponse du témoin.
25 Je répète donc ma question.
Page 15890
1 Est-ce que vous savez si la Communauté croate d'Herceg-Bosna
2 avait mis en suspens les règlements et la loi de Bosnie-Herzégovine ?
3 Pouvez-vous, s'il vous plaît, répéter ce que vous avez dit tout à l'heure,
4 monsieur le témoin.
5 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas. Je ne pense pas
6 qu'il y ait eu de règlements ou de lois qui ont été suspendus parce que
7 nous avons repris pratiquement et avons travaillé selon la même
8 expérience.
9 M. Nobilo (interprétation). – Je vous remercie. Nous demandons
10 que soient versées au dossier les trois pièces à conviction.
11 M. le Président. – Il n'y a pas d'objection, d'autant que
12 certaines pièces avaient déjà été versées par l'accusation, n'est-ce pas ?
13 M. Kehoe (interprétation). – Il n'y a pas d'objection.
14 M. le Président. – Monsieur Rajic, c'est au Bureau du Procureur
15 de vous poser des questions par rapport à l'interrogatoire principal.
16 Monsieur Kehoe, allez-y.
17 M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
18 Bonjour, Monsieur Rajic. Bonjour mes collègues de la partie
19 adverse. Je me présente? je m'appelle Greg Kehoe, je travaille pour le
20 Bureau du Procureur avec les collègues qui sont assis à ma droite, à
21 commencer par M. Mark Harmon et, à sa droite, M. Cayley.
22 Monsieur Rajic, j'aimerais vous poser quelques questions, ce
23 matin. Nous pourrions peut-être commencer rapidement par la pièce à
24 conviction D452. Je crois que c'est ce document de la RSFY dont vous venez
25 de parler. Avez-vous ce document ? Sinon je demanderai l'aide de
Page 15891
1 l'huissier
2 M. le Président. – 452 ?
3 L'Interprète. – 492, pardon.
4 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, examinons donc ce
5 document. C'est un document qui, semble-t-il, a été publié dans le Journal
6 Officiel de la RSFY, le 8 juillet 1993.
7 Est-ce exact ?
8 M. le Président. – 8 juillet 1983.
9 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, nous avons tellement
10 parlé de 1993 dans ce procès qu'il faut que je fasse un effort pour
11 supprimer dix ans. Il s'agit de 1983.
12 Monsieur Rajic, ce document est un document qui a été adopté par
13 ce qui était à l'époque la République fédérale socialiste de Yougoslavie,
14 a été un document contraignant pour toutes les Républiques, n'est-ce pas,
15 c'est-à-dire pour la Slovénie, la Croatie, le Serbie, le Monténégro, la
16 Voïvodine, le Kosovo. Bien sûr, on peut leur appliquer des dénominations
17 différentes. Ce n'est pas le sujet qui nous occupe.
18 Ces règlements étaient contraignants pour toutes ces régions et
19 toutes ces républiques, n'est-ce pas ?
20 M. Rajic (interprétation). - Oui, pour l'ensemble du territoire
21 de la Yougoslavie.
22 M. Kehoe (interprétation) - Il y avait des organismes
23 représentatifs pour toutes ces entités qui existaient en 1983, n'est-ce
24 pas ?
25 M. Rajic (interprétation). - Oui, il y avait... Cet organisme
Page 15892
1 était l'assemblée de la République.
2 M. Kehoe (interprétation) - Dans ces instances, on votait ?
3 M. Rajic (interprétation). - Oui.
4 M. Kehoe (interprétation) - Bien entendu, nous savons qu'un vote
5 destiné à créer une organisation comme celle-ci, nous savons qu'un scrutin
6 a eu lieu au niveau des Républiques, et a donné lieu à une loi en date du
7 8 juillet 1983. C'était un texte réglementant les obligations de travail ?
8 M. Rajic (interprétation). - Ce n'était pas une loi. C'était un
9 décret, la loi est arrivée plus tard sur la base du décret. C'est sur la
10 base de la loi de la défense populaire que le décret a été voté, décret
11 qui organisait les différentes circonstances liées aux obligations de
12 travail.
13 M. Kehoe (interprétation) - Merci pour votre correction,
14 Monsieur Rajic. Nous parlons pour l'essentiel de l'adoption d'un document
15 qui s'est faite de façon démocratique, c'est-à-dire dans des circonstances
16 où les gens ont eu la possibilité de parler, de discuter, de débattre des
17 avantages relatifs de cette loi, avant de décider d'appliquer la loi en
18 question. Cela a abouti au décret que nous voyons ici, sous la forme de la
19 pièce à conviction 492.
20 Est-ce que nous pouvons convenir tous les deux que c'est bien
21 ainsi que les choses se sont bien passées ?
22 M. Rajic (interprétation). - A cette époque, c'était la façon de
23 voter ces actes. Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit.
24 M. Kehoe (interprétation) - Bien. J'aurais dû en fait, en même
25 temps que la pièce à conviction de la défense 492, vous faire remettre la
Page 15893
1 pièce de la défense 493. Je demande qu'elle soit remise au témoin
2 maintenant.
3 Avez-vous ce texte, Monsieur Rajic ?
4 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'est le décret relatif à la
5 Bosnie-Herzégovine, de la République.
6 M. Kehoe (interprétation) - D'une façon absolument démocratique,
7 le décret qui constituait la pièce à conviction de la défense 492 existe
8 d'abord au niveau fédéral pour, ensuite, être repris dans d'autres textes
9 au niveau des Républiques. Nous avons entre les mains, à présent, le
10 document relatif à la République de Bosnie-Herzégovine qui, je crois, est
11 paru au journal officiel de la République socialiste de Bosnie-
12 Herzégovine, le 10 décembre 1984. Est-ce bien cela ?
13 M. Rajic (interprétation). - Oui.
14 M. Kehoe (interprétation) - Là encore, l'adoption de ce texte
15 s'est faite de façon démocratique, n'est-ce pas ?
16 C'est à l'issue d'un débat démocratique que le texte du décret a
17 été voté ?
18 M. Kehoe (interprétation) - Oui, les débats ont eu lieu dans les
19 organes compétents pour l'adoption de ce décret.
20 M. Kehoe (interprétation) - Vous nous avez fait remarquer qu'en
21 décembre 1990, c'est-à-dire quelques années après la parution de ces deux
22 décrets, se sont tenues les premières élections libres ?
23 M. Rajic (interprétation). - Oui.
24 M. Kehoe (interprétation) - Mais avant d'en arriver aux
25 élections, il y a un point que j'ai omis de mentionner. Je reviendrai donc
Page 15894
1 dans les deux documents dont nous venons de parler. Dans ces deux décrets,
2 je vous demanderai si vous avez lu ces deux décrets, avant de venir ici
3 aujourd'hui ?
4 M. Rajic (interprétation). - C'était mon travail. J'étais donc
5 dans l'obligation de lire ce texte puisque depuis 1991 jusqu'en 1993,
6 j'étais dirigeant d'un bureau qui était responsable et avait pour
7 obligation de connaître les décrets applicables par son secrétariat.
8 M. Kehoe (interprétation) - Je suppose qu'en tant que juriste,
9 et en tant que juriste de qualité, vous étiez au courant de l'existence
10 des dispositions des Conventions de Genève et saviez que certaines d'entre
11 elles s'appliquent à l'emploi de civils pour le travail, n'est-ce pas ?
12 M. Rajic (interprétation). - Oui.
13 M. Kehoe (interprétation) - Vous saviez également que la
14 République socialiste de Yougoslavie était signataire des Conventions de
15 Genève ?
16 M. Rajic (interprétation). - Oui.
17 M. Kehoe (interprétation) - Je vous prierai de jeter un coup œil
18 de plus près à ces documents, je parlais des pièces. Je parle des pièces à
19 conviction de la défense 492 et 493, je sais que vous avez entre les mains
20 le document 493, mais j'aimerais que vous repreniez en même temps le
21 document 492. Si vous ne l'avez pas, l'huissier pourrait peut-être vous le
22 remettre.
23 Ces deux documents autorisent-ils la JNA, ou le ministère de la
24 Défense, ou l'administration responsable de la Défense, d'utiliser des
25 civils ou de contraindre des civils à creuser des tranchées ou des
Page 15895
1 fortifications, comme l'a dit M. Nobilo, de contraindre des civils à
2 creuser des tranchées sur des lieux de combat dangereux. Est-ce qu'il y a
3 quoi que ce soit dans ces textes qui autorise ce genre de choses, car je
4 suis sûr que c'est illégal en vertu des Conventions de Genève. En tant que
5 juriste, vous avez dû lire ces textes ?
6 M. Rajic (interprétation). - Il ne s'agissait pas de civils,
7 mais de citoyens de Bosnie-Herzégovine dont l'obligation était une
8 obligation de travail. Selon les textes en vigueur à l'époque, en ex-
9 Yougoslavie, il s'agissait de quelque chose de légal, c'est-à-dire qu'une
10 loi permettait d'engager à des tâches particulières des personnes soumises
11 à cette obligation de travail.
12 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Rajic, en réponse aux
13 questions de M. Nobilo, n'avez-vous pas dit aux juges que les personnes
14 qui étaient soumises à ces obligations de travail n'étaient pas des
15 civils ?
16 N'avez-vous pas dit cela ?
17 M. Rajic (interprétation). - Nous étions tous des civils, dans
18 l'état dont je parle, à condition de ne pas être des militaires de
19 carrière. En cas de guerre ou de menace imminente de guerre, nous avions
20 une obligation en droit, une obligation légale contraignante d'effectuer
21 un certain nombre de travaux. Et tout employé, tout paysan, tout citoyen
22 habitant la ville ou la campagne avaient ces obligations de travail très
23 strictement déterminées. Toute personne ne participant pas l'effort de
24 guerre au niveau militaire avait une obligation de travail, et la
25 définition précise des tâches couvertes par l'obligation de travail figure
Page 15896
1 dans les documents.
2 Il s'agit d'une activité légale; est-ce que c'était bon ou pas
3 bon, on peut en discuter, mais c'était une activité légale.
4 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Rajic, ma question va
5 maintenant être très simple : avez-vous dit ou n'avez-vous pas dit à
6 M. Nobilo, il y a quarante cinq minutes environ, que les personnes qui
7 effectuaient ces travaux étaient des civils ?
8 M. Hayman (interprétation). - Question posée qui a déjà obtenu
9 réponse. Le compte rendu comporte la réponse.
10 M. Kehoe (interprétation). - Voulez-vous bien supporter mon
11 intervention sans m'interrompre, merci.
12 M. Hayman (interprétation). - Cette question a déjà été posée,
13 la réponse a été apportée, cette question est erronée sur le plan de la
14 forme. Le compte rendu stipule ce que le témoin a répondu au cours de
15 l'interrogatoire principal. Donc il ne devrait pas interroger le témoin en
16 lui disant "page tant et tant, paragraphe tant et tant". Nous ne sommes
17 pas ici face à un questionnaire destiné à tester la mémoire du témoin.
18 M. le Président. - Calmez-vous, Maître Hayman. Reposez votre
19 question, Maître Kehoe, s'il vous plaît. J'invite le témoin à répondre
20 clairement. Maître Kehoe, reposez votre question clairement et que le
21 témoin y réponde clairement. Très courte, votre question, très courte !
22 M. Kehoe (interprétation). - Une question très courte. En
23 réponse aux questions de l'interrogatoire principal, en réponse aux
24 questions posées par Me Nobilo, avez-vous dit ou n'avez-vous pas dit que
25 les personnes qui effectuaient ces travaux étaient des civils ? N'avez-
Page 15897
1 vous pas dit cela ?
2 M. le Président. - Monsieur Rajic, c'est aux Juges que vous
3 répondez. Alors, quelle est votre réponse ?
4 M. Rajic (interprétation). - Ma réponse est la suivante. Toute
5 personne qui n'était pas engagée au sein d'une unité militaire était un
6 civil engagé à d'autres tâches relevant de la défense, à savoir obligation
7 de travail, défense civile, renseignements et observations, et
8 également astreintes financières.
9 M. Kehoe (interprétation). - Les Conventions de Genève
10 interdisent-elles l'emploi de civils sur des fronts, sur des positions
11 dangereuses ?
12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, vous n'avez
13 pas autorisé le Pr Degan à parler des Conventions de Genève. Donc il nous
14 est difficile d'admettre que ces questions soient posées à notre collègue
15 qui a des connaissances en la matière, bien sûr.
16 M. le Président. - Le témoin occupait une position officielle et
17 administrativo-politique. A condition de ne pas lui demander un cours sur
18 les Conventions de Genève, je pense que la question peut lui être posée.
19 Et arrêtons de nous interrompre les uns les autres, sinon c'est moi qui
20 reprendrai les questions à mon compte.
21 Allez-y, Maître Kehoe. Vous répondez si vous savez. Si vous ne
22 savez pas, vous répondez tout simplement que vous ne savez pas.
23 Poursuivez.
24 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, en outre
25 cette question sort du champ dans la mesure où ce témoin dépose sur ce
Page 15898
1 qu'est une loi étrangère dans le domaine des faits, comme le Juge
2 Shahabuddeen l'a souligné. Cette question ne porte pas sur le contenu des
3 lois, mais elle consiste à dire : "Voilà, dites-nous, la Convention de
4 Genève dit cela et cela, vous vous dites ça et ça". Donc c'est exactement
5 la distinction que le Tribunal, que la Chambre a déjà établie
6 précédemment.
7 M. le Président. - La distinction est complexe à mettre en
8 oeuvre. Ce n'est pas la première fois que je le dis. C'est une distinction
9 qui est d'ailleurs directement issue de nos textes, qui eux-mêmes sont
10 repris d'un système judiciaire. J'ai déjà dit à plusieurs reprises que,
11 premièrement, c'est une distinction qui est extrêmement subtile à mettre
12 en place et à organiser et que, deuxièmement, nous tenons de nos textes, à
13 nous, les Juges, la possibilité suprême de connaître la vérité, c'est
14 notre mission. Nous avons un témoin qui peut quand même donner son avis
15 pour savoir si on peut utiliser les civils, dans le cadre des Conventions
16 de Genève par
17 rapport à des textes qu'il a été chargé de mettre en application.
18 Si ce n'est pas une question de Me Kehoe, de Me Hayman, alors
19 c'est une question du Juge Jorda.
20 Veuillez répondre, Monsieur Rajic.
21 M. Rajic (interprétation). - Mon travail à moi, personnellement,
22 était concentré sur les réglementations de l'ex-Yougoslavie. Donc les
23 Conventions de Genève, je ne saurais les interpréter.
24 M. le Président. - La question était de savoir si vous vous êtes
25 posé à un moment donné la question de savoir si on peut creuser des
Page 15899
1 tranchées dans le cadre de ce texte, et si vous avez eu une idée que cela
2 pouvait sortir d'un champ légal ; c'est tout !
3 On ne va pas vous demander un cours sur les Convention de
4 Genève. Si d'ailleurs le Procureur vous le demandait, je vous arrêterais
5 et j'arrêterais le Procureur.
6 La question est très claire, je la revendique en mon propre nom.
7 Est-ce qu'à un moment donné, en appliquant à la lettre ces textes, vous
8 vous êtes posé la question en envoyant des personnes creuser des tranchées
9 de savoir si cela vous paraissait possible, oui ou non ? C'est le Juge
10 Jorda qui vous la pose, cette question, veuillez répondre s'il vous plaît.
11 M. Rajic (interprétation). - J'avais l'impression que c'était
12 légal.
13 M. le Président. - Posez une autre question.
14 M. Kehoe (interprétation). - En tant que juriste, Monsieur
15 Rajic, vous conviendrez avec moi que le droit national n'a pas préséance
16 sur les Conventions de Genève ?
17 M. Hayman (interprétation). - En dehors du champ et c'est le
18 genre de témoignage d'expert , de témoignage juridique, que nous n'avons
19 pas été autorisé à obtenir de nos témoins précédemment.
20 M. le Président. - Monsieur le Procureur, posez une autre
21 question. J'ai moi-même repris la question à mon compte, mais je vous ai
22 demandé de poser une autre question.
23 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je
24 passerai à une autre question. Revenons aux élections libres et reprenons
25 les deux documents de la défense, documents de la défense 492 et 493, pour
Page 15900
1 en parler. Les premières élections libres et démocratiques se sont
2 déroulées en ex-Yougoslavie en décembre 1990, n'est-ce pas ?
3 M. Rajic (interprétation). - Je ne sais pas exactement si
4 c'était le mois de décembre, mais en tout cas c'était effectivement à la
5 fin de l'année 1990.
6 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, mais y a-t-il eu
7 d'autres élections démocratiques dans l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine
8 après ces élections libres qui se sont déroulées après la fin de 1990 ?
9 M. Rajic (interprétation). - Il n'y a pas eu d'autres élections.
10 M. Kehoe (interprétation). - Bien. Alors, si vous le voulez
11 bien, j'aimerais bavarder quelques instants avec vous au sujet de la pièce
12 à conviction suivante. Je sais que vous, vous aviez entre les mains la
13 pièce 494, je crois, au sujet de la création des forces armées en Croatie.
14 Peut-on remettre ce texte à M. Rajic ?
15 Monsieur le Président, je vous redis qu'il s'agit de la
16 pièce 38C, intercalaire 2 en version française.
17 M. le Président. - Cela me permet de suivre plus facilement.
18 Merci, allez-y, posez votre question.
19 M. Kehoe (interprétation). - Moi, j'utilise la pièce de la
20 défense parce que c'est plus facile à manipuler. Monsieur Rajic, est-ce
21 que vous avez ce document entre les mains ?
22 M. Rajic (interprétation). - Oui.
23 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, ce document a été
24 adopté par la communauté croate d'Herceg-Bosna le 3 juillet 1992, si je ne
25 m'abuse, n'est-ce pas ?
Page 15901
1 M. Rajic (interprétation). - Oui.
2 M. Kehoe (interprétation). - Les Musulmans ont-ils voté au sujet
3 de ce texte ?
4 M. Rajic (interprétation). - Je ne sais pas. Il y avait des
5 Musulmans qui étaient au sein du HVO. Mais est-ce qu'un de leurs membres
6 était présent à cette réunion de l'Assemblée ? Je ne le sais pas. S'il y
7 était, il a voté. Mais je sais en tout cas qu'il y avait des Musulmans au
8 sein du HVO. Donc, s'ils étaient présents à l'Assemblée, ils ont voté.
9 M. Kehoe (interprétation). - Mais Monsieur, conviendriez-vous
10 qu'à ce moment-là il existait un gouvernement légitime en Bosnie-
11 Herzégovine, un gouvernement établi après les élections libres de 1990 et
12 dont le siège était à Sarajevo, n'est-ce pas ? Donc des représentants
13 légitimes de ce gouvernement ?
14 M. Rajic (interprétation). - En 1992, à cette époque précise, je
15 considère qu'il n'existait pas de gouvernement légal puisque certains ont
16 abandonné leurs activités et leur poste. Il n'est resté que quelques
17 représentants d'autres peuples au sein de ce gouvernement. Peut-être
18 pouvait-on avoir l'impression peut-être que c'était un gouvernement, mais
19 ce n'était pas le gouvernement qui avait été élu à l'issue des élections
20 libres et démocratiques.
21 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, ce document en
22 particulier, cette loi particulière est la loi dont vous avez parlé avec
23 Me Nobilo, et c'est également la loi qui a été appliquée à la création
24 d'unités de travail et au fait que des Musulmans de Bosnie ont été
25 contraints de creuser des tranchées ou de creuser des fortifications ou de
Page 15902
1 faire d'autres types de travaux. N'est-ce pas cette loi qui a été utilisée
2 à cette fin ?
3 M. Rajic (interprétation). - Cela, c'est vous qui le dites. Moi,
4 je n'ai pas dit cela. Ce décret n'a été adopté qu'à la mi-92, or nous
5 avions des pelotons de travail avant cette date. Les pelotons de travail
6 n'ont pas été créés pour que les Croates ne contraignent que les Musulmans
7 à effectuer des tâches de travail. Dans ces pelotons de travail, il y
8 avait tous les citoyens d'un territoire déterminé qui n'étaient pas
9 utilisés à l'accomplissement d'autres tâches obligatoires.
10 M. Kehoe (interprétation). - Nous parlons à présent de la pièce
11 à conviction de la défense 494, n'est-ce pas, qui a été utilisée dans
12 votre déposition. N'a-t-elle pas été utilisée pour prouver que vous aviez
13 légalement l'autorisation de créer ces unités de travail, n'est-ce pas
14 l'objectif qui était poursuivi dans la présentation de cette pièce à
15 conviction ?
16 M. Hayman (interprétation). - Objection quant à la fin
17 poursuivie par le représentant de l'accusation en présentant cette pièce.
18 Présenter une pièce est notre travail, ce n'est pas le travail du témoin.
19 M. le Président. - Objection accordée, vous avez raison.
20 M. Kehoe (interprétation). - Je vais reformuler ma question,
21 Monsieur Rajic. Quelle était l'autorité légale sur laquelle vous vous êtes
22 appuyé en 1992 et 1993 et par la suite pour créer ces unités de travail ?
23 Sur quelle loi fondiez-vous votre décision ?
24 M. Rajic (interprétation). - Les unités de travail existaient
25 déjà avant l'adoption de ce décret relatif aux forces armées, parce que le
Page 15903
1 conflit avait déjà commencé. Mais la nécessité qui est survenue plus tard
2 de répondre à certains besoins du point de vue du travail nous a poussés à
3 envoyer des gens exécuter ces diverses tâches.
4 M. Kehoe (interprétation). – Après cette adoption de cette loi,
5 en 1992, êtes-vous d'accord pour dire que c'est la loi précise qui a été
6 utilisée, la loi qui a été discutée au cours de l'interrogatoire principal
7 par Me Nobilo. La loi portant création des forces armées de la communauté
8 croate de Herceg-Bosna n'est elle pas la loi que vous-mêmes et d'autres
9 membres du HVO avaient utilisée pour la création des unités de travail
10 dans lesquelles on trouvait des Musulmans, des Croates, des Roms, etc.
11 N'est-ce pas cette loi précise ? Si ce n'est pas cette loi, quelle loi
12 avez-vous utilisée ?
13 M. Rajic (interprétation). - Ce décret ne réglementait pas,
14 dans le détail, les modalités de création et d'emploi, mais les décrets de
15 l'ancienne République fédérale étaient ceux que nous utilisions, nous
16 appliquions concrètement dans notre travail.
17 M. Kehoe (interprétation). - Je vais essayer de voir un peu ce
18 que Me Nobilo a lu au cours de son interrogatoire principal. L'article 3
19 de ce document, pièce à conviction de la
20 défense 494, article 3, et corrigez-moi si je me trompe, je lis : "Tout
21 citoyen de la communauté croate d'Herceg-Bosna aura pour devoir de
22 défendre et de faire respecter l'intégrité territoriale de la communauté
23 croate d'Herceg-Bosna, et donc l'obligation de…(et là, nous avons le
24 petit 2) exécuter une obligation de travail". N'est-ce pas, monsieur, le
25 passage lu par Me Nobilo, au cours de l'interrogatoire principal ?
Page 15904
1 M. Rajic (interprétation). - Ceci est repris de la loi de la
2 défense populaire de la RSFY, et de la loi de la République de Bosnie.
3 M. Kehoe (interprétation). - N'est-ce pas cette disposition de
4 la loi, monsieur Rajic, que vous avez utilisée pour créer ces unités de
5 travail ?
6 M. Rajic (interprétation). - Nous avons appliqué les décrets
7 relatifs aux forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Dans la
8 pratique, nous avons travaillé sur la base des décrets qui organisaient
9 dans la pratique les forces de travail parce qu'ici, c'est un décret de la
10 Bosnie-Herzégovine qui réglemente les obligations et les droits des
11 citoyens en temps de guerre, alors que le décret relatif à l'organisation
12 et à l'engagement des unités de travail sont des règlements que nous avons
13 hérités de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, en tant que
14 République socialiste et hérités, également, des règlements de la RSFY qui
15 étaient applicables à l'ensemble de la Yougoslavie par le passé.
16 M. Kehoe (interprétation). – Donc la réponse à ma question est
17 oui, n'est-ce pas ? Ce sont bien les éléments juridiques que vous avez
18 appliqués dans l'accomplissement de vos tâches.
19 M. Rajic (interprétation). - C'était une partie des textes
20 juridiques que nous appliquions dans notre travail.
21 M. Kehoe (interprétation). – Et qu'appliquiez-vous d'autre ?
22 Quelle autre loi existait-il qui vous permettait de contraindre les
23 Musulmans à entrer dans des unités de travail ?
24 M. Hayman (interprétation). - Question posée qui a déjà reçu
25 réponse.
Page 15905
1 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, dans les
2 questions est toujours présente une affirmation qui n'a pas été dite, qui
3 n'a pas été formulée par ce témoin. Mon collègue de l'accusation ne cesse
4 de dire : "Selon quelle loi vous avez agi pour forcer les Musulmans à
5 creuser" ? Or, ce témoin n'a forcé aucun Musulman à creuser. Il
6 travaillait à Travnik et s'il forçait quiconque à creuser, il forçait les
7 Croates, alors que les Musulmans forçaient les Musulmans à creuser à
8 partir de Sarajevo. Pourquoi est-ce que mon collègue fait intervenir dans
9 la question quelque chose qui n'a pas été dit ?
10 M. le Président. – Ecartez votre dernière observation, maître
11 Nobilo, parce que je crois qu'il est tout à fait du droit du Procureur de
12 poursuivre à travers ses questions, le but qu'il s'est assigné.
13 Par contre, c'est vrai que sur la première question, cela fait
14 plusieurs fois que vous avez posé la question au témoin.
15 Moi, je vous poser une autre question, plus pragmatique. Est-ce
16 que vous avez beaucoup de questions encore ? Il y a un problème de pause
17 qui va se poser, donc on peut peut-être faire la pause maintenant ou est-
18 ce que vous comptiez terminer avant la pause ?
19 M. Kehoe (interprétation). - Il en reste encore quelques-unes.
20 M. le Président. - Nous allons suspendre pour 20 minutes.
21 L'audience, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures.
22 M. le Président. – L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.
23 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
24 M. le Président. – Bien, nous pouvons reprendre nos travaux dans
25 le calme et la sérénité. Monsieur Kehoe, allez-y.
Page 15906
1 M. Kehoe (interprétation). – Toujours, monsieur le Président,
2 toujours. Excusez-moi, monsieur Rajic. Cela fait longtemps que nous
3 passons du temps ensemble, nous avons quelques petites plaisanteries entre
4 nous.
5 Monsieur l'Huissier, avant de vous rasseoir, s'il vous plaît,
6 pouvez-vous vérifier que le témoin a toujours la pièce qui nous intéresse
7 sous les yeux. Monsieur Rajic, je vous demanderais de regarder la pièce à
8 nouveau, la pièce 494. La pièce que vous avez lue avec Me Nobilo. Je vous
9 invite à consulter l'article 3 de ce décret, s'il vous plaît.
10 M. Rajic (interprétation). – Eh bien, je ne peux pas suivre les
11 numéros. Est-ce que vous pouvez me dire. J'ai les trois documents et, je
12 dois dire que je ne sais pas de quel document il s'agit.
13 M. Kehoe (interprétation). - Je parle du journal officiel, du
14 décret paru dans le journal officiel sur la communauté croate d'Herceg-
15 Bosna.
16 M. le Président. – Vous parlez de l'Herceg-Bosna, n'est-ce pas
17 maître Kehoe ? Si j'ai bien compris.
18 M. Kehoe (interprétation). – Oui, c'est cela, monsieur le
19 Président.
20 M. le Président. – Vous voyez, monsieur Rajic ? C'est la pièce
21 n° 494, monsieur l'Huissier, vous pouvez l'aider. Allez-y.
22 M. Kehoe (interprétation). – Je vous invite à consulter la
23 disposition que vous avez lue avec Me Nobilo, les dispositions de
24 l'article 3. Pourriez-vous lire la première phrase de l'article 3, si vous
25 plaît ?
Page 15907
1 M. Rajic (interprétation). – "Chaque citoyen de la communauté
2 croate de Herceg-Bosna a le devoir de défendre l'intégrité territoriale.
3 Tout d'abord, l'obligation immunitaire, l'obligation de travail,
4 l'obligation de participer à la protection civile, l'obligation de
5 participer à l'observation et information et, cinq, obligation
6 financière".
7 M. Kehoe (interprétation). – Dans la même phrase, il est dit que
8 les citoyens
9 doivent protéger défendre l'indépendance et l'intégrité territoriale de la
10 communauté croate d'Herceg-Bosna. La communauté croate de Herceg-Bosna a-
11 t-elle jamais était reconnue par la communauté internationale en tant que
12 pays ?
13 M. Rajic (interprétation). – En tant qu'Etat, non, à ma
14 connaissance.
15 M. Kehoe (interprétation). – Eu égard à ce décret, en
16 particulier, sur les forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna,
17 les autorités de Sarajevo ont-elles consultées avant l'adoption de ce
18 texte ?
19 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas.
20 M. Kehoe (interprétation). - Quelles ont été les conclusions
21 finales du gouvernement légitime ou du gouvernement qui se trouvait à
22 Sarajevo ? Quelles ont été ces conclusions sur ce décret relatif aux
23 forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna ?
24 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas, que le gouvernement
25 dont vous parlez, s'était déclaré en ce qui concerne le décret sur les
Page 15908
1 forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Je pense qu'il ne
2 s'est même pas déclaré au sujet, il ne s'est pas prononcé sur ce décret.
3 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, où avez-vous obtenu
4 votre diplôme de droit ? A l'université de Sarajevo ou ailleurs ?
5 M. Rajic (interprétation). – A Sarajevo et à Zenica, le
6 département à Zenica.
7 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends. Vous connaissez
8 l'existence du tribunal constitutionnel de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce
9 pas ?
10 M. Rajic (interprétation). - Oui.
11 M. Kehoe (interprétation). - Pouvez-vous parler de cette cour
12 constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine aux Juges ?
13 M. le Président. – Je pense, maître Kehoe, là je relaie les
14 objections précédentes… Vous ne pouvez pas demander quand même au témoin
15 plus qu'il n'apporte par sa compétence.
16 Que vous lui demandiez ce qu'il peut penser de l'article 3 sur
17 l'indépendance du territoire, quelle indépendance ; je le crois.
18 Maintenant, lui demander ce qu'est le tribunal constitutionnel de Bosnie
19 et ce qu'il a à voir avec cela, c'est peut-être à mon avis lui demander
20 plus qu'il ne peut apporter dans le débat judiciaire qui nous occupe.
21 Reformulez votre question, en restant autour de ce décret de la
22 Herceg-Bosna.
23 M. Kehoe (interprétation). – Oui, monsieur le Président. Eh bien
24 je vais aller au cœur de ma question pour suivre vos conseils. Monsieur
25 Rajic, je voudrais vous montrer une partie la pièce 38, à savoir le n° 22.
Page 15909
1 Il existe un exemplaire en français de ce document, monsieur le Président.
2 Il s'agit de la pièce 38b, sous-pièce 22.
3 M. le Président. - Je suis comblé puisque, sur le
4 rétroprojecteur, c'est la version française qui a été inscrite !
5 M. Kehoe (interprétation). - Il y a toujours des miracles qui
6 sont possibles, Monsieur le Président.
7 M. le Président. - C'est plutôt à la cabine de traduction
8 anglaise que vous devriez vous adresser. Allez-y.
9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, il s'agit d'une
10 décision prise par la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine en date
11 du 18 septembre 1992. Dans cette décision ou dans ce décret, nous allons
12 aller au cœur de ma question...
13 Excusez-moi... Est-ce bien la décision de la Cour
14 constitutionnelle que vous avez sous les yeux ?
15 M. le Président. - C'est un décret, qui est en français
16 d'ailleurs, et qui porte sur les options du décret, avec force de loi. Il
17 y a un petit problème, essayons de clarifier cela.
18 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, avez-vous sous les
19 yeux le décret paru dans le Journal Officiel de la Bosnie-Herzégovine en
20 date du 18 septembre 1992 ?
21 M. Dubuisson. - Non, il s'agit du document 38/23.
22 M. le Président. - Maître Kehoe, vous voulez montrer quel texte
23 au témoin ? Que ce soit bien clair.
24 M. Kehoe (interprétation). - J'essaie de montrer à ce témoin le
25 texte de la décision de la Cour constitutionnelle du 18 septembre 1992.
Page 15910
1 M. le Président. - Ce texte est au Journal Officiel du
2 18 septembre 1992. Il porte effectivement la cote 38B pour la version
3 française, document 38/23.
4 Nous sommes d'accord ? Est-ce que la défense est au point pour
5 le débat ? D'accord ? Oui. Et est-ce que le témoin a bien ce texte ?
6 M. Rajic (interprétation). - J'ai l'Officiel du
7 18 septembre 1992 et je sais pas si vous parlez de cela ?
8 M. le Président. - Oui, c'est bien. Allez-y, Maître Kehoe.
9 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, une décision a été
10 rendue, n'est-ce pas ? Je vous invite donc à consulter cette décision
11 rendue par la Cour constitutionnelle. Il est dit : "Les points suivants
12 ont été déclarés nuls et non avenus".
13 Il est question notamment du décret sur les forces armées de la
14 communauté croate de Herceg-Bosna qui a été adopté le 3 juillet 1992 par
15 la présidence de la communauté croate de Herceg-Bosna.
16 Vous êtes d'accord avec moi pour dire que, sur la base de cette
17 décision, la Cour constitutionnelle de Sarajevo a déclaré nul et non avenu
18 le décret adopté par la communauté croate de Herceg-Bosna ?
19 M. Rajic (interprétation). - Premièrement, c'est la première
20 fois que je vois le texte en question. Deuxièmement, au cours de cette
21 période, il n'y avait pas de communications possibles entre Sarajevo et
22 Travnik par exemple, où je me trouvais. C'est pourquoi, non seulement moi-
23 même, mais nous autres, on n'était pas en possibilité d'avoir quelque
24 chose dans ce genre-là entre les mains, car Sarajevo était encerclée.
25 C'était un blocus total, il n'y avait
Page 15911
1 aucune communication avec les autorités centrales en Bosnie-Herzégovine, à
2 ma connaissance.
3 M. Kehoe (interprétation). - Vous savez, n'est-ce pas, Monsieur
4 Rajic, que cette décision a été prise le 18 septembre 1992 ?
5 M. Rajic (interprétation). - Non, je ne suis pas conscient de ce
6 fait. Je n'ai pas le temps et je ne peux pas lire tout le document. Je ne
7 vois pas de quoi il s'agit.
8 M. Kehoe (interprétation) - Pour en rester avec le premier point
9 de cette décision, elle a également déclaré nulle la décision relative à
10 l'établissement de la communauté croate d'Herceg-Bosna, prise le
11 18 novembre 1991 par des représentants démocratiquement élus du peuple
12 croate en Bosnie-Herzégovine. Cette décision a également été déclarée
13 nulle, n'est-ce pas, vous le voyez, ceci figure au point 1 de la
14 décision ?
15 M. Rajic (interprétation). - Je ne vois ce passage et je ne suis
16 pas en mesure de discuter de façon compétente sur un texte que je vois
17 pour la première fois, je ne vois pas où est le point 1, où est le point 5
18 dont vous parlez, je ne le vois pas clairement.
19 M. Kehoe (interprétation) - Laissez-moi vous poser la question
20 suivante : après le 18 septembre 1992, sur la base du décret relatif aux
21 forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna, vous et d'autres
22 membres du HVO avez délivré des ordres visant à établir des pelotons de
23 travail constitués de Musulmans, de Croates et de Serbes, et je suppose de
24 Roms également ; nous avons entendu des témoignages sur la présence de
25 Roms qui devaient aller creuser des tranchées ; là, il s'agit de la
Page 15912
1 période ultérieure à la date du 18 septembre 1992, c'est bien exact,
2 n'est-ce pas ?
3 M. Rajic (interprétation). - Non. C'est sur la base du décret
4 relatif aux forces armées, je n'ai pas donné l'ordre qu'un Musulman, quel
5 qu'il soit, soit engagé au sein du peloton de travail, étant donné que
6 nous, les Croates à Travnik, nous avons été dans une petite partie de la
7 municipalité de Travnik et, à cet endroit, les pelotons de travail qui
8 travaillaient dans le cadre de ma responsabilité et de ma compétence, il
9 n'y avait que des Croates qui faisaient partie de
10 ces pelotons et quelques Serbes qui se sont trouvés sur ce territoire.
11 M. Kehoe (interprétation) - Qu'en était-il dans la municipalité
12 de Vitez ? Des ordres ont-ils été délivrés afin que les Musulmans
13 rejoignent ces unités à Vitez ?
14 M. Rajic (interprétation). - Je ne savais pas qu'il y avait des
15 ordres pour que les Musulmans soient obligés de travailler à Vitez ; moi,
16 j'ai travaillé à Travnik.
17 M. Kehoe (interprétation) - Mais en avez-vous entendu parler,
18 Monsieur Rajic ?
19 M. Rajic (interprétation). - Je n'ai pas entendu dire que
20 quelqu'un avait été forcé. En ce qui concerne la mobilisation et la notion
21 de mobilisation, c'est également en quelque sorte une force, une
22 imposition aux personnes de joindre une des modalités de défendre son
23 propre territoire, de participer dans ces pelotons de travail.
24 M. Kehoe (interprétation) - Par conséquent, vous êtes en train
25 de dire que, théoriquement, vous pouvez apercevoir des Musulmans vivant
Page 15913
1 dans la région de la vallée de la Lasva et se voyant forcés de creuser des
2 tranchées, conformément à ce décret relatif aux forces armées, celui dont
3 nous venons de parler, n'est-ce pas ?
4 M. Rajic (interprétation). - Probablement qu'il y avait un
5 certain nombre de Musulmans ou quelques Musulmans qui ont creusé les
6 tranchées à Vitez, mais je sais qu'à un moment donné il y avait treize ou
7 dix-huit membres de peloton de travail qui étaient des Croates qui ont été
8 tués dans la région de Vitez, alors qu'en grande majorité ces pelotons de
9 travail étaient composés de Croates et quelques Serbes qui avaient été
10 tués comme membres de peloton de travail à Vitez, ça je le sais. Mais je
11 n'ai pas entendu dire qu'il y avait un seul Musulman qui était membre de
12 peloton de travail qui a été tué à cette époque-là, ni Roms.
13 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque la guerre a éclaté, en
14 avril 1993, et qu'on forçait la population à creuser des tranchées, des
15 représentants du CICR, le Comité international de la Croix-Rouge, se sont-
16 ils plaints aux autorités du HVO de ces activités, à savoir du fait que le
17 HVO forçait certains individus à creuser des tranchées ?
18 M. Rajic (interprétation). - Je ne savais pas qu'il y avait de
19 tels cas de plaintes, mais j'avais des contacts avec les membres de la
20 Croix-Rouge internationale et je n'en n'ai pas entendu parler.
21 M. Kehoe (interprétation). – Savez-vous si la Croix-Rouge s'est
22 plainte auprès du colonel Blaskic ?
23 M. Rajic (interprétation). - Non.
24 M. Kehoe (interprétation). - Vous dites également que vous ne
25 savez pas si l'ECMM ou bien les Nations unies ont formulé des plaintes ?
Page 15914
1 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas si ces plaintes ont
2 été formulées. J'ai travaillé à Travnik, j'ai eu un certain nombre de
3 contacts, et aujourd'hui également, avec les observateurs de la Communauté
4 internationale. C'est nous qui avons formulé les plaintes en ce qui
5 concerne l'engagement des Croates de Travnik pour creuser les tranchées et
6 pas uniquement pour le creusement de tranchées.
7 M. Kehoe (interprétation). – Vous vous êtes plaint auprès des
8 autorités internationales pour dire que vous obligiez des Croates à
9 creuser des tranchées pour le compte du HVO ? C'est ce vous venez de
10 dire ?
11 M. Rajic (interprétation). – Eh bien, vous avez donné une autre
12 formule, mais ce n'est pas de la même manière que je l'ai dit. Je répète
13 ce que j'ai dit : j'ai dit que nous nous avons formulé les plaintes compte
14 tenu du fait que par l'intermédiaire des observateurs européens, nous
15 avons eu un certain nombre de contacts avec des familles qui sont restées
16 à Travnik et que nous avons appris que les Croates ont été engagés pour
17 creuser les tranchées de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine et ils
18 ont creusé les tranchées, mais c'était une obligation.
19 M. Kehoe (interprétation). - Je comprends. Peut-être que j'ai eu
20 un problème d'interprétation, mais je crois vous avoir compris. Vous vous
21 êtes plaint auprès de l'ECMM parce que vous pensiez que les autorités
22 musulmanes forçaient les Croates de Bosnie à creuser des tranchées. C'est
23 cela ?
24 M. Rajic (interprétation). – Ce n'est pas que nous avons pensé.
25 Moi je savais qu'on avait procédé de cette manière-là.
Page 15915
1 M. Kehoe (interprétation). – Et vous vous êtes plaint, monsieur
2 Rajic, parce que vous saviez que ceci était illégal et inacceptable ?
3 M. Rajic (interprétation). – Non, ce n'était pas illégal.
4 C'était fondé sur la loi. C'était une question morale et pas de légalité.
5 M. Kehoe (interprétation). – Je comprends, mais pourquoi vous
6 êtes- vous plaint alors, si ces activités-là étaient légales ? Pourquoi
7 vous êtes-vous plaint auprès de l'ECMM du fait que des Croates devaient
8 creuser des tranchées sous la contrainte musulmane ?
9 M. Rajic (interprétation). – Tout simplement, on avait essayé
10 que ces individus soient protégés. Dans les conditions données, c'était
11 quelque peu privilégier par rapport aux autres civils sur le territoire
12 qui était sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine ou du HVO.
13 M. Kehoe (interprétation). – Oui, mais vous vous êtes plaint
14 auprès de l'ECMM, même si vous continuez à dire que l'utilisation de
15 civils croates pour creuser des tranchées par les Musulmans était un acte
16 de tout à fait légal. C'est bien ce que vous dites ?
17 M. Rajic (interprétation). – Oui. Même si je savais que c'était
18 légal, nous avons essayé de les protéger étant donné qu'ils devaient
19 creuser les tranchées sur les lignes de front face au HVO.
20 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, étiez-vous membre
21 du HVO ?
22 M. Rajic (interprétation). – Oui, dans les autorités civiles.
23 M. Kehoe (interprétation). - Dans cette structure en
24 particulier, si un ordre était donné visant à obliger un Musulman de
25 Bosnie à creuser des tranchées pour le compte du
Page 15916
1 HVO, que se serait-il passé, quel aurait été le sort du Musulman si celui-
2 ci avait refusé ?
3 M. Rajic (interprétation). – Là où j'étais, il n'y avait pas de
4 tel cas. Maintenant, je ne peux pas prononcer des hypothèses.
5 M. Kehoe (interprétation). – Parlons du statut dont nous avons
6 déjà parlé, la pièce de la défense 494. Je crois que des peines sont
7 prévues, n'est-ce pas, lorsqu'une personne refuse d'exécuter un ordre de
8 travail ?
9 M. Rajic (interprétation). – Oui, il y avait des peines et des
10 sanctions qui ont été réglementées.
11 M. Kehoe (interprétation). - Et entre autres, une peine de
12 prison est prévue, n'est-ce pas ? Regardez les articles 59 et 60.
13 (Le témoin s'exécute.)
14 Ai-je bien interprété ces articles : "Si un Musulman de Bosnie
15 refuse de se plier à un ordre visant à l'envoyer creuser des tranchées
16 pour le HVO, il pourrait être condamné à une amende ou à une peine de
17 prison" ? Donc chaque fois qu'il refusera d'exécuter l'ordre, n'est-ce
18 pas ? Si j'ai tort, s'il vous plaît, dites-le moi et donnez-nous votre
19 interprétation de ces articles.
20 M. Rajic (interprétation). - Vous n'avez pas raison quand vous
21 parlez de Musulmans bosniens, quand ils creusent des tranchées pour les
22 Croates. Ici, on parle d'un individu : un individu doit se plier à un
23 certain nombre d'obligations. Il y en a cinq, on en a parlé : en cas de
24 guerre, en cas de menace de guerre... C'est une obligation à laquelle il
25 fallait que tout individu se soustrait. Si c'était le territoire contrôlé
Page 15917
1 par l'armée de Bosnie-Herzégovine ou par le HVO, chaque individu devait
2 s'y soumettre en tant que citoyen. C'est donc de cette chose-là qu'on a
3 parlé.
4 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, si un Musulman de
5 Bosnie se trouvant à Vitez refusait d'aller travailler à la ligne de front
6 et d'y creuser des tranchées dans un
7 peloton de travail après avoir reçu l'ordre de le faire par le HVO,
8 conformément à l'article 3 du décret, s'il refusait, il pourrait se voir
9 condamner à une amende ou à une peine de prison chaque fois qu'il
10 refuserait de creuser une tranchée pour le HVO, n'est-ce pas ?
11 M. Rajic (interprétation). - Théoriquement parlant, il aurait pu
12 être soumis à une peine. Mais en ce qui concerne les amendes, la plupart
13 n'avaient pas d'argent, par conséquent on ne pouvait même pas les
14 sanctionner dans ce sens-là ; et d'un autre côté, pour la peine de prison,
15 il n'y avait pas de locaux pour les installer. Par conséquent, les gens,
16 indépendamment de l'appartenance aux groupes ethniques, préféraient plutôt
17 travailler au peloton de travail parce que, de cette manière, ils ont été
18 engagés et personne ne pouvait, éventuellement, les retrouver chez eux et
19 leur dire qu'ils ne faisaient rien pendant que les autres travaillaient.
20 Par conséquent, participer au peloton de travail était une
21 obligation de travail et, dans tous les cas, c'était mieux pour chaque
22 individu que d'aller en prison. C'est la raison pour laquelle il n'y avait
23 pas eu de ceux qui refusaient de participer à cette obligation de travail.
24 Il n'y avait pas de cas où il y en avait qui ont été détenus pour cette
25 raison-là. Il y en a qui ont refusé de participer, éventuellement, aux
Page 15918
1 unités opérationnelles. Je ne connais pas de cas où il y a des gens qui
2 ont payé des amendes, qui sont allés en prison. Cela, moi, je ne connais
3 pas de cas.
4 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, imaginons que vous
5 êtes Musulman de Bosnie, que vous recevez à Vitez un ordre du HVO qui vous
6 envoie travailler dans un peloton de travail sur la ligne de front. Eh
7 bien, ma fois, c'est à prendre ou à laisser : soit il reste là, soit il va
8 en prison, n'est-ce pas, ou soit il part sur la ligne de front ? Alors,
9 que faire ?
10 M. Nobilo (interprétation). - Je le répète : cette question a
11 été reprise plusieurs fois et je pense que le témoin l'a précisée.
12 M. le Président. - Je crois le témoin vous a répondu. Il vous a
13 même répondu qu'il valait mieux aller creuser des tranchées que d'aller en
14 prison. J'ai retenu ça. Donc, nous passons
15 à une autre question, si vous voulez bien.
16 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, connaissez-vous le
17 nom d'un Musulman qui aurait refusé d'aller creuser des tranchées sur la
18 ligne de front ?
19 M. Rajic (interprétation). - Je ne connais pas, moi.
20 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre interrogatoire
21 principal, vous avez parlé avec mon éminent collègue, Me Nobilo, et vous
22 avez déclaré que les commandants devaient formuler une demande visant à ce
23 que les pelotons de section soient en mesure de fonctionner. Est-ce bien
24 ce que vous avez dit à Me Nobilo ?
25 M. Rajic (interprétation). - Oui, cela, c'est exact.
Page 15919
1 M. Kehoe (interprétation). - A quelle fréquence Blaskic a-t-il
2 utilisé cette procédure ?
3 M. Rajic (interprétation). - Moi, je ne sais pas si M. Blaskic a
4 utilisé cette procédure. J'ai eu un certain nombre de contacts avec le
5 commandant de la brigade qui se trouvait dans une partie de la
6 municipalité et qui ne m'a pas demandé. Moi, j'étais responsable de la
7 défense au niveau de la municipalité, je n'ai jamais reçu un ordre direct
8 de la part de M. Blaskic.
9 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des ordres de son
10 subordonné immédiat, les commandants des différentes brigades ?
11 M. Rajic (interprétation). - Il y avait de telles demandes.
12 M. Kehoe (interprétation). - Lorsque cette demande vous
13 parvenait, Monsieur Rajic, l'armée du HVO, que ce soit le commandant ou
14 bien le commandant de brigade indiquait-il l'endroit où ces pelotons de
15 travail devaient aller creuser des tranchées ou établir des
16 fortifications ?
17 M. Rajic (interprétation). - Ils ont désigné les gens en
18 fonction de leurs besoins.
19 M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, si l'armée du HVO
20 décidait de ces
21 besoins, des endroits où des tranchées étaient nécessaires aux lignes de
22 front et, par conséquent, ils vous envoyaient une demande pour que vous,
23 vous envoyiez cinquante ou cent personnes pour aller travailler, n'est-ce
24 pas ?
25 M. Rajic (interprétation). – Oui, tout d'abord, c'est en
Page 15920
1 fonction des besoins mais pas régulièrement. On sait très bien qui sont
2 les membres des pelotons de travail. Par conséquent, au moment où on en
3 avait besoin, ils se rendent sur les endroits. Il y avait le commandant du
4 peloton de travail qui était au courant où se trouvaient tous les membres
5 des pelotons de travail. Il devait les informer, il les appelait. Le
6 peloton de travail était formé et, ensuite, il a été utilisé en fonction
7 des besoins. Et s'il y avait le besoin d'engagements complémentaires, dans
8 ce cas-là, nous autres qui étions au niveau de la municipalité, on
9 régissait toutes les personnes qui étaient sur nos listes. Nous avons bien
10 évidemment répondu si on pouvait ou pas satisfaire à cette demande.
11 M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, afin de résumer cet
12 longue procédure, vous travaillez en concert avec l'armée du HVO
13 finalement pour répondre à leurs demandes et à leurs souhaits, n'est-ce
14 pas ?
15 M. Rajic (interprétation). – Oui, nous étions en quelque sorte à
16 leur service pour ces besoins.
17 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, toute la population
18 de la Lasva valley, à Travnik, à Vitez, savait-elle que ces pelotons de
19 travail regroupant des civils creusaient des tranchées aux lignes de
20 front ? Etait-ce un fait connu de tous ?
21 M. Rajic (interprétation). – Oui, tout le monde savait qu'il
22 s'agissait de creuser les tranchées sur la première ligne de front et
23 indépendamment d'appartenance au groupe ethnique, indépendamment également
24 du pouvoir qui contrôlait ce territoire.
25 M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, d'après votre
Page 15921
1 réponse, pensez-vous que le colonel Blaskic savait que des civils étaient
2 utilisés pour creuser des tranchées sur les
3 lignes de front ?
4 M. Rajic (interprétation). – Eh bien, si je suppose… Je ne sais
5 pas quoi vous dire. Moi, j'ai eu des contacts avec ceux qui lui ont été
6 subordonnés. S'il était au courant, il faudrait peut-être poser la
7 question à quelqu'un d'autre.
8 M. Kehoe (interprétation). - Je vous demande quelle est votre
9 opinion, puisque vous étiez dans la vallée de la Lasva à l'époque ?
10 M. Hayman (interprétation). – Si le témoin a quelque chose à
11 nous dire, très bien, des faits, mais il s'agit là d'hypothèses. Alors,
12 quelle est la pertinence de sa réponse ?
13 M. le Président. – Pertinence de la réponse, vous avez dit,
14 l'interprète ?
15 L'interprète. - Oui, Monsieur le Président, pertinence de
16 l'hypothèse du témoin.
17 M. le Président. – Je ne sais pas. Je crois quand même que la
18 question est légitime. Le Procureur demande effectivement… Le témoin a
19 reconnu qu'il travaillait pour le HVO et pour les commandants. Cela ne me
20 paraît pas illégitime de demander s'il pouvait estimer que l'accusé était
21 au courant. Le témoin a répondu qu'il n'en savait rien. Poursuivez,
22 Maître Kehoe, ou changez de question.
23 M. Kehoe (interprétation). – Ma question est assez simple,
24 Monsieur Rajic. Au cours de cette période, pensiez-vous que Blaskic savait
25 que des civils étaient utilisés pour creuser des tranchées dans des zones
Page 15922
1 de lignes de front ?
2 M. Rajic (interprétation). – A cette époque-là, je ne
3 réfléchissais même pas à ce sujet-là. Maintenant, je pourrais peut-être y
4 réfléchir pour savoir s'il était au courant ou non mais, à cette époque-
5 là, je n'y pensais même pas parce que j'avais contacté d'autres personnes
6 à d'autres niveaux de commandement, de structure de commandements et je ne
7 pensais pas du tout.
8 M. Kehoe (interprétation). - Et maintenant, quelle est votre
9 hypothèse ? Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
10 M. Rajic (interprétation). – Moi, je suppose qu'il aurait dû, il
11 aurait pu, plutôt, savoir.
12 M. Kehoe (interprétation). - Très bien.
13 Parlons de ces personnes qui travaillaient dans les pelotons de
14 travail. Puis-je avoir un instant pour consulter mon collègue avant de
15 passer au point suivant, s'il vous plaît ?
16 Je vais vous demander une ou deux questions qui ont trait à la
17 sélection des personnes qui devaient aller creuser des tranchées, ce dont
18 nous venons de parler. Vous aviez affaire avec des commandants de brigade
19 et pas nécessairement avec le colonel Blaskic. Ces commandants demandaient
20 de la main d'oeuvre pour aller creuser des tranchées.
21 Au cours de cette période, avez-vous reçu des demandes de
22 membres de la HV, de l'armée de Croatie, afin d'établir des pelotons de
23 travail pour aller creuser des tranchées ?
24 M. Rajic (interprétation). – Non, je n'étais absolument pas en
25 contact avec les représentants de l'armée croate et je n'ai reçu aucune
Page 15923
1 demande et je n'avais aucun contact avec les représentants de l'armée
2 croate du temps de la vallée de la Lasva.
3 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur Rajic, vous souvenez-vous
4 avoir dit dans l'affaire "le Procureur contre Aleksovski", c'était le
5 25 août 1998, vous souvenez-vous de ce témoignage ?
6 M. Rajic (interprétation). - Je me souviens de ce témoignage,
7 peut-être pas de tous les détails mais, si vous voulez me les rappeler, je
8 pourrais le faire.
9 M. Kehoe (interprétation) - Je vais vous relire ceci. Cela se
10 trouve à la page 3235 du compte rendu.
11 On vous a posé cette question suivante, je cite : "Qui était
12 responsable globalement du rassemblement des unités chargées des
13 obligations de travail" ? Etait-ce vous ?".
14 M. Hayman (interprétation). - Quelle ligne ?
15 M. Kehoe (interprétation) - Ligne 18.
16 M. Hayman (interprétation). - Page 3235, n'est-ce pas !
17 D'accord. Merci.
18 M. Kehoe (interprétation) - La question était donc la suivante :
19 Je vais vous la relire, ainsi nous pourrons remettre questions et réponses
20 dans leur contexte.
21 Je cite, la question était : "Qui était responsable globalement
22 du fonctionnement et de la mise en place des unités chargées du travail ?
23 Etait ce vous ? Vous répondez, Monsieur Rajic : "Entre autres, j'étais
24 l'un d'entre eux, mais il y avait également les commandants des unités si
25 une situation l'exigeait.".
Page 15924
1 Je fais une pause afin que les interprètes puissent terminer
2 l'interprétation de ce passage.
3 La question était celle-ci : "Et les commandants des unités
4 étaient des commandants des unités du HVO ?". Votre réponse est : "Des
5 membres du HVO, les commandants du HVO s'il s'agissait de leurs membres,
6 s'il s'agissait de la HV il s'agissait des commandants de la HV".
7 M. Rajic (interprétation). - Je n'ai jamais pu dire qu'il
8 s'agissait de l'armée croate !
9 M. Hayman (interprétation). - Nous voudrions la cassette, s'il
10 vous plaît. Nous voudrions que le Bureau du greffe vérifie cette cassette.
11 La question suivante, Monsieur le Président, est celle-ci :
12 "N'est-il pas vrai que vous étiez responsable des unités du HVO ?".
13 Et il n'y a pas de suivi sur cette mention de la HV. Il semble
14 que cette réponse soit tout à fait bizarre.
15 M. Kehoe (interprétation) - Ce qui est très bizarre, c'est que
16 ce témoin, au cours de son témoignage, fait une distinction entre les
17 commandants du HVO et les commandants de la HV.
18 M. Hayman (interprétation). - Ou bien, il répète.
19 M. Kehoe (interprétation) - Je ne vous ai pas interrompu !
20 La réponse est la suivante, il est dit : "membres du HVO ou
21 commandants du HVO s'il s'agissait de ses membres, s'il s'agissait de la
22 HV il s'agissait de ses commandants".
23 Par conséquent, une distinction très claire, Monsieur le
24 Président, Monsieur le Juge Shahabudden, est faite entre deux entités
25 militaires différentes : le HVO d'un côté, la HV de l'autre.
Page 15925
1 M. Hayman (interprétation). - Ou bien il s'agit d'une
2 répétition, nous n'en savons rien. Nous l'apprendrons de la cassette, nous
3 demandons au Bureau du greffe d'obtenir la cassette. Merci.
4 M. le Président. - Je propose d'abord de garder tout votre
5 calme.
6 Je voudrais savoir s'il y en a pour longtemps encore ? Avez-vous
7 encore beaucoup de questions, Maître Kehoe ?
8 M. Kehoe (interprétation) - Oui, quelques-unes. Je n'en ai plus
9 beaucoup. Mais je pourrais peut-être en terminer d'ici à 1 heure.
10 M. le Président. - Je veux qu'on accélère. Ce sont les pouvoirs
11 du Président de dire qu'il faut qu'on accélère.
12 S'agissant de transcript, les transcripts font autorité.
13 Maintenant, il appartient à une partie, si elle doute de ce qui est marqué
14 dans les transcripts, de demander la vérification. Vous plaiderez ce point
15 plus tard.
16 Pour l'instant, nous allons nous contenter de demander au témoin
17 s'il a le souvenir d'avoir répondu cela. S'il n'a pas le souvenir d'avoir
18 répondu cela, nous passerons à une autre question.
19 Par la suite, dans vos plaidoiries finales, vous plaiderez -
20 chacun- à partir de ce transcript, si ce point vous apparaît important.
21 Monsieur Rajic, est-ce que vous avez dit cela, c'est-à-dire
22 qu'il y avait non seulement les membres du HVO, mais également les
23 commandants de la HV ? Est-ce que vous souvenez d'avoir dit cela dans le
24 témoignage que vous avez donné dans le cadre de l'affaire Aleksovski ?
25 M. Rajic (interprétation). - Je n'ai jamais pu déclarer une
Page 15926
1 chose pareille !
2 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
3 votre autorisation afin d'obtenir cette cassette d'une autre affaire.
4 C'est une audience publique.
5 M. le Président. - L'audience était publique, nous éclairerons
6 ce point. Si le témoin ne peut pas répondre,ou n'assume pas ou ne confirme
7 pas sa réponse, nous mettrons cela à plus tard, soit aux plaidoiries
8 finales. On ne fera pas revenir le témoin sur ce point-là.
9 C'est le Président qui décide et je demanderai qu'on accélère un
10 tout petit peu.
11 Poursuivez, maître Kehoe. Si ce témoin revient cet après-midi,
12 entre-temps, on aura vu la cassette. Monsieur le Greffier, vous mettrez la
13 cassette à la disposition de la défense et nous reprendrons la question,
14 mais le témoin ne reviendra pas sur cette question-là. Vous plaiderez au
15 final, dans vos conclusions finales, les uns et les autres.
16 Nous ne pouvons pas tout refaire à l'audience. Il faut
17 accélérer. Je rappelle que le procès a commencé le 23 juin 1997. Nous
18 poursuivons.
19 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur Rajic, eu égard aux unités
20 de travail, les Musulmans ont-ils été victimes de ségrégation ? Dans ces
21 unités, y avaient-ils des unités exclusivement musulmanes, exclusivement
22 Roms, exclusivement croates ?
23 M. Rajic (interprétation). – C'était au début de 1992, pendant
24 qu'on travaillait ensemble sous le même toit et dans les mêmes bureaux car
25 les Musulmans devaient venir s'enregistrer devant les personnes qui
Page 15927
1 étaient Musulmanes et les Croates dans le bureau à ceux qui étaient des
2 Croates. Nous avons coordonné, à un moment donné à Travnik, nos activités.
3 Plus tard, à Travnik, dans cette petite région qui était sous le contrôle
4 du HVO, il n'y avait plus de Musulmans qui avaient été engagés au sein des
5 pelotons de travail pour creuser les tranchées pour les besoins du HVO.
6 Mais à Travnik, des Croates ont été engagés et qui ont travaillé pour les
7 besoins du HVO dans cette partie qui a été contrôlée par l'armée de
8 Bosnie-Herzégovine.
9 M. Kehoe (interprétation). - Mais dans toute la région de la
10 vallée de Lasva, les unités de travail étaient-elles exclusivement roms,
11 par exemple, ou exclusivement composées de Croates, exclusivement
12 composées de Musulmans ? Là, je parle particulièrement de la municipalité
13 de Travnik ?
14 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas. Mais je pense que
15 les Roms étaient séparés et les autres étaient ensemble.
16 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu des informations
17 selon lesquelles des Musulmans de Bosnie, travaillant à la ligne de front
18 dans ces unités de travail, avaient été tués ?
19 M. Rajic (interprétation). – J'ai déclaré que je n'étais pas au
20 courant que des Musulmans ont été tués, mais je sais qu'il y avait tout un
21 peloton de travail qui se composait en majorité de Croates et de quelques
22 Serbes qui se sont faits tuer.
23 M. Kehoe (interprétation). – Qu'en est-il des Musulmans de
24 Bosnie qui ont été blessés au cours de leur travail dans les unités ? En
25 avez-vous entendu parler ?
Page 15928
1 M. Rajic (interprétation). – Je ne sais pas. S'ils avaient été
2 blessés, ils se faisaient soigner dans des hôpitaux. Je suppose que
3 c'était comme cela.
4 M. Kehoe (interprétation). – Avez-vous reçu des informations
5 selon lesquelles des soldats du HVO frappaient certains des hommes qui
6 creusaient des tranchées dans ces unités de travail ?
7 M. Rajic (interprétation). – Je n'ai pas cette information.
8 M. Kehoe (interprétation). - Qui au fait était votre homologue
9 dans le secrétariat chargé de la Défense nationale à Vitez, au cours de
10 1993 ? Marius Skolpijak, peut-être ?
11 M. Rajic (interprétation). – Pero Skolpijak n'y était pas. Je
12 pense que c'était Stipo
13 Zigonic qui reste encore à ce poste.
14 M. Kehoe (interprétation). - Dans ces unités de travail
15 considérait-on que leurs membres étaient des membres du HVO ?
16 M. Rajic (interprétation). – Oui, dans un certain sens, ils ont
17 été considérés comme membres du HVO et les certificats qui sont délivrés,
18 indépendamment des nationalités, on avait reconnu dans cette période comme
19 s'ils avaient participé au conflit, enfin à la guerre.
20 M. Kehoe (interprétation). – Je voudrais attirer votre attention
21 sur l'acte d'accusation lui-même et ce sera mon dernier domaine de
22 questions, Monsieur le Président, monsieur le Juge Shahabuddeen.
23 En avril et début mai 1993, des Musulmans de Bosnie ont été
24 arrêtés et détenus, notamment dans le cinéma de Vitez, à l'école de
25 Dubravica, dans le camp de Kaonik près de Busovaca, au bureau du SDK à
Page 15929
1 Vitez, n'est-ce pas ? Des témoignages ont été entendus par cette Chambre
2 selon lesquels des Musulmans de Bosnie détenus dans ces différents
3 endroits étaient emmenés aux lignes de front pour y creuser des tranchées.
4 Connaissez-vous ces faits ? Ceci s'est produit après Ahmici qui a eu lieu
5 le 16 avril 1993.
6 M. le Président. – Quel est le point de l'acte d'accusation,
7 s'il vous plaît, Monsieur le Procureur ?
8 M. Kehoe (interprétation). – Je parle du paragraphe 12, Monsieur
9 le Président. C'est là que ces faits sont relatés et concernent les chefs
10 d'accusation 15 à 20. Je crois d'ailleurs que ces faits sont repris dans
11 une autre partie de l'acte d'accusation, mais c'est sur cette partie de
12 l'acte que je me base maintenant.
13 M. Rajic (interprétation). - Je ne connais pas ces cas, car à
14 Travnik on avait beaucoup de problèmes. Il y avait un certain nombre de
15 meurtres à l'encontre des Croates qui se sont produits. Il y avait des
16 incidents et moi j'étais un de ceux qui avait essayé d'apaiser la
17 situation pour que cela ne se transforme pas en conflit plus étendu. Mais
18 malheureusement, il
19 s'est passé ce qui s'est passé.
20 Mais pour les cas concrets auxquels vous faites référence, je ne
21 suis pas au courant. Nous avons eu quotidiennement des incidents à
22 Travnik, des incidents qui étaient de grande envergure et très complexes.
23 M. Kehoe (interprétation). – Par conséquent, vous dites que vous
24 ne savez rien sur ces Musulmans qui auraient été détenus dans ces
25 différents locaux. Vous n'en savez rien, n'est-ce pas ?
Page 15930
1 M. Rajic (interprétation). – C'est comme cela, mais je n'étais
2 même pas dans l'obligation de le savoir.
3 M. Kehoe (interprétation). - J'aurai quelques questions en guise
4 de conclusion et j'en aurai terminé, Monsieur le Président, avant une
5 heure donc.
6 M. le Président. - C'est parfait. Vous voyez, comme quoi, un peu
7 de directivité amène les parties à plus de conciliation. Effectivement,
8 j'allais vous imposer une contrainte de temps et vous dire qu'à 13 heures
9 le contre-interrogatoire serait terminé. Mais je suis très heureux que
10 vous ayez souscrit avant même que nous ayons à prendre cette mesure.
11 Allez-y pour vos dernières questions. Après quoi, cet après-
12 midi, Me Nobilo exercera son droit de réplique et les Juges poseront
13 éventuellement leurs questions. Poursuivez.
14 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur Rajic, quel était votre
15 grade dans le HVO ?
16 M. Rajic (interprétation). - J'ai reçu un grade mi-1994, mais
17 jusqu'à cette époque-là je n'avais aucun grade. Après, j'étais commandant.
18 M. Kehoe (interprétation). - A cette période, avez-vous reçu des
19 décorations, éventuellement du Président Tudjman, pour vos services rendus
20 au cours du conflit en Bosnie centrale ?
21 M. Rajic (interprétation). - Je n'ai pas reçu de distinction, ni
22 d'ordre du Mérite, pour avoir participé au conflit, à la guerre.
23 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous reçu une quelconque
24 distinction de la République de Croatie ?
25 M. Rajic (interprétation). - Non, ni de la part de la République
Page 15931
1 de Croatie, ni de la part de M. le général Blaskic. Non, je n'ai jamais
2 été décoré, je n'ai jamais reçu aucune distinction. Ni de la part de la
3 République de Croatie, aucune médaille, aucun ordre, aucune distinction.
4 M. Kehoe (interprétation). - Puis-je clarifier un point du
5 compte rendu, Monsieur le Président ? Je crois que la traduction a dit, en
6 anglais, qu'il avait été sergent en 1994 et l'interprète de la cabine
7 anglaise l'a corrigé pour dire que le témoin avait le grade de commandant.
8 Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.
9 Monsieur Rajic, au fait, avez-vous un passeport de la République
10 de Croatie aujourd'hui ?
11 M. le Président. - Je crois que Me Nobilo n'a pas
12 d'interprétation.
13 M. Rajic (interprétation). - Je n'entends pas.
14 M. Kehoe (interprétation). - Je vous reposerai la question.
15 Détenez-vous aujourd'hui un passeport de la République de Croatie et
16 voyagez-vous avec ce passeport ?
17 M. Rajic (interprétation). - Oui.
18 M. Kehoe (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur Rajic,
19 vous avez été très utile, merci de votre présence. Monsieur le Président,
20 Monsieur le Juge conseil, je n'ai plus de questions.
21 M. le Président. - Merci, Maître Kehoe. Il est une heure moins
22 dix. Maître Nobilo, avez-vous beaucoup de questions à poser ?
23 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas
24 beaucoup de questions, mais je ne sais pas si je vais pouvoir terminer à
25 une heure. Il est difficile de le dire. Je n'ai pas beaucoup de questions,
Page 15932
1 donc je peux essayer de terminer avent une heure, si vous le
2 souhaitez.
3 M. le Président. - Nous allons faire la pause, cela permettra de
4 récupérer beaucoup de calme autour de ce témoignage.
5 Je vous propose, Monsieur le Greffier, de passer à l'audience,
6 cet après-midi, le passage de la cassette. Cela permettrait d'assurer le
7 contradictoire absolu entre la défense et l'accusation. Est-ce que cela
8 sera possible, Monsieur le Greffier ?
9 M. Dubuisson - C'est tout à fait possible, Monsieur le
10 Président.
11 M. le Président. - C'est parfait, c'est ainsi que nous
12 procèderons. Et pour cela, nous vous donnons, Monsieur le Greffier, les
13 dix minutes que nous avons gagnées sur le temps et éventuellement sur
14 votre déjeuner.
15 Bien, nous interrompons, nous reprendrons à 14 heures 30.
16 L'audience est suspendue à 12 heures 50.
17 L'audience est reprise à 14 heures 40.
18 M. le Président. - L'audience est reprise, introduisez l'accusé.
19 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
20 Nous faisons rentrer le témoin.
21 M. Kehoe (interprétation) - Monsieur le Président, un point
22 d'ordre avant l'entrée du témoin.
23 Le compte rendu, la cassette ont été vérifiés par l'accusation
24 et la défense et le compte rendu officiel de l'affaire Aleksovski est
25 erroné; ce qui est écrit dans ce compte rendu , c'est la chose qui suit :
Page 15933
1 "Si c'était la HV, ce serait ses commandants", alors que le compte rendu
2 aurait dû se lire comme suit : "Si cela avait été l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine, cela aurait été ses commandants."
4 Il y a une divergence entre le compte rendu officiel du Greffe
5 et la cassette que la partie adverse et nous-mêmes avons lue et je pense
6 que la défense est d'accord sur ce point.
7 M. le Président. - La défense est d'accord, je suppose ?
8 M. Nobilo (interprétation). - Oui, bien entendu, nos sommes
9 d'accord car nous avons entendu très nettement l'armée de "BH" et BH,
10 c'est le cycle officiel qui signifie armée de Bosnie-Herzégovine.
11 M. Kehoe (interprétation) - D'accord.
12 M. le Président. - Mais c'est très bien, vous êtes un grand
13 sportif, maître Kehoe, vous savez, on a raison ou on a tort ; nous avons
14 fonctionné sur la base du compte rendu, c'est le compte rendu officiel et
15 je note, d'ailleurs, que s'agissant du compte rendu de l'affaire
16 Aleksovski, le greffier pourrait peut-être faire savoir que ce compte
17 rendu particulier comporte une erreur. Je ne sais pas si cela peut avoir
18 des conséquences sur le procès. Je ne suis pas membre de ce procès.
19 M. Fourmy. - Je pense que cela rejoint ce que vient de dire
20 M. le Procureur, apparemment, les deux parties ont écouté la cassette en
21 langue - excusez-moi - BCS, les transcripts sont évidemment faits à partir
22 des interprétations et ce sont ces éléments-là qui font foi, sauf comme
23 dans le cas présent, on découvre quelque chose d'incorrect. Mais le
24 transcript n'est pas faux en soi puisqu'il est justement supposé
25 reproduire ce qui est traduit.
Page 15934
1 M. le Président. - Il reste qu'il y a un problème. Le transcript
2 ne traduit pas ce qu'a dit le témoin, si j'ai bien compris.
3 M. Fourmy. - En général, dans l'une ou l'autre, ou les deux
4 langues officielles du Tribunal, pour des raisons évidentes.
5 M. le Président. - Vous porterez, Monsieur le greffier,
6 l'intégralité de cette discussion à la connaissance de M. le Président
7 Rodriguez.
8 M. Dubuisson. - Je n'y manquerai pas, monsieur le Juge, et je
9 ferai également remarquer, pour être complet, que la version française
10 était correcte... de l'interprétation.
11 M. le Président. - Presque tout le monde a raison, à commencer
12 par le juge français qui voit satisfait enfin la correction de sa langue.
13 L'incident est clos tout simplement. Ce qui veut dire, mes chers
14 collègues de la défense et de l'accusation, que lorsqu'on brandit des
15 arguments avec la certitude absolue qu'on a raison, il faut toujours y
16 mettre la nuance propre à des hommes de loi que vous êtes. Voilà sur cette
17 phrase qui se voulait pleine de sagesse, j'invite à faire rentrer le
18 témoin, pour assurer le droit de réplique de Maître Nobilo.
19 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
20 M. le Président. - Asseyez-vous, monsieur Rajic. Maître Nobilo,
21 c'est à vous.
22 M. Nobilo (interprétation). - Merci, monsieur le Président. Je
23 vais essayer d'être bref.
24 Monsieur Rajic, à votre connaissance, lorsque l'éclatement, la
25 séparation de la
Page 15935
1 Bosnie-Herzégovine a eu lieu par rapport à la Yougoslavie et au moment où
2 la Croatie se séparait aussi de la Yougoslavie, ces Etats nouvellement
3 formés, au moment où il sont devenus indépendants, ont-ils les lois en
4 vigueur en l'ex-Yougoslavie ?
5 M. Rajic (interprétation). - Pour la Croatie, je ne sais pas,
6 mais pour la Bosnie-Herzégovine, je sais qu'en général, les règles en
7 vigueur dans l'ex-Yougoslavie ont été reprises car le temps manquait pour
8 adopter de nouveaux textes.
9 M. Nobilo (interprétation). - Et bien, veuillez nous dire dans
10 ces conditions, si vous-même et vos collègues musulmans du pouvoir civil
11 de Travnik avez appliqué ces deux décrets, ces deux textes de loi dont
12 vous avez parlés aujourd'hui qui réglementaient les obligations de
13 travail ?
14 M. Rajic (interprétation). - Oui, c'étaient les textes officiels
15 que nous appliquions.
16 M. Nobilo (interprétation). - Et les Musulmans du pouvoir civil
17 de Travnik formaient-ils également des pelotons de travail qu'ils
18 envoyaient sur les fronts qui les séparaient des Croates ou des Serbes ?
19 M. Rajic (interprétation). - Je sais qu'ils l'ont fait.
20 M. Nobilo (interprétation). - Encore une fois, si vous voyiez ou
21 si vous entendiez dire... Avez-vous vu ou entendu dire que l'armée croate
22 était présente dans la vallée de la Lasva ?
23 M. Rajic (interprétation). - Je n'ai jamais vu et je n'ai jamais
24 entendu dire que l'armée croate était présente dans la vallée de la Lasva
25 et je sais qu'elle n'y était pas.
Page 15936
1 M. Nobilo (interprétation). - Mais si cela avait été le cas, si
2 une unité de l'armée croate était venue dans la vallée de la Lasva, étant
3 donné vos responsabilités, vous auriez dû le savoir ?
4 M. Rajic (interprétation). - Nous aurions tous dû le savoir mais
5 je sais que ces unités ne sont pas venues.
6 M. Nobilo (interprétation). - Mais si ces unités étaient
7 arrivées, est-ce qu'elles auraient provoqué l'enthousiasme de la
8 population ?
9 M. Rajic (interprétation). - En ce qui me concerne,
10 personnellement, je sais qu'elles auraient suscité de l'enthousiasme chez
11 moi.
12 M. Nobilo (interprétation). - Nous attendons un peu pour les
13 interprètes. Vous avez dit que les membres des pelotons de travail ont,
14 en 1997 et 1998, obtenu le même statut que les membres des unités
15 militaires. Mais en 1993, les considérait-on comme des membres d'unité
16 militaire ou les considérait-on comme membres d'une entité spéciale
17 appelée "peloton de travail" ?
18 M. Rajic (interprétation). - Ils n'étaient pas membres d'unités
19 militaires. Ils étaient des citoyens qui accomplissaient leurs obligations
20 par le biais de l'application de leurs obligations de travail. Quant aux
21 personnes qui étaient soumises à des obligations militaires, il s'agissait
22 de soldats. C'est plus tard et, en fait, cette année que le travail
23 accompli au sein des unités de travail a été mis sur un pied d'égalité sur
24 le plan des droits auxquels donne lieu cette participation, donc a été mis
25 sur un pied d'égalité avec les autres activités, notamment les activités
Page 15937
1 militaires, qu'il s'agisse d'activités militaires au sein du HVO ou au
2 sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
3 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que l'on vous a
4 décerné un grade en 1994. Mais avant l'année 1994, existait-il en fait un
5 système hiérarchique composé de grades officiels au sein du HVO ?
6 M. Rajic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il
7 n'existait pas de grade. Les postes étaient importants : un commandant
8 était quelqu'un qui commandait, mais les grades, je pense qu'ils
9 n'existaient pas. Mais c'est après l'accord de Washington, en avril ou en
10 mai -je ne me souviens pas exactement-, que j'ai moi-même été gradé.
11 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous deux nationalités, de la
12 République de
13 Croatie et de la Bosnie-Herzégovine ?
14 M. Rajic (interprétation). - Oui, je suis avant tout
15 ressortissant de la Bosnie-Herzégovine, mais j'ai utilisé les
16 circonstances qui me le permettaient pour obtenir également la
17 citoyenneté, la nationalité de la République de Croatie.
18 M. Nobilo (interprétation). - Le Procureur vous a interrogé au
19 sujet d'un document de voyage. Quand est-ce que vous l'avez reçu ?
20 M. Rajic (interprétation). - Je l'ai reçu, je l'ai obtenu le
21 23 janvier 1993, alors que je devais voyager pour la Suisse. Il n'existait
22 pas, à ce moment-là, d'autres documents de travail, en tout cas je n'en
23 n'avais pas en ma possession. Je possédais mon vieux passeport de l'ex-
24 Yougoslavie mais, à ce moment-là, il n'était plus possible : il fallait
25 des visas, etc., alors que le document de voyage de la République de
Page 15938
1 Croatie, le passeport de la République de Croatie permettait de voyager
2 sans aucun problème dans toute l'Europe.
3 M. Nobilo (interprétation). - Et aujourd'hui, de nouveaux
4 documents de voyage, de nouveaux passeports de Bosnie-Herzégovine sont-ils
5 en vigueur ou y a-t-il encore des problèmes ?
6 M. Rajic (interprétation). - Apparemment, il y a encore des
7 problèmes : l'aspect de ce passeport n'a pas encore été défini de façon
8 définitive. Je crois que c'est finalement le Haut représentant de l'Union
9 européenne, M. Westendorp, qui va en décider.
10 M. Nobilo (interprétation). – Encore une question, vous avez
11 parlé de l'attitude que les citoyens ont manifestée à l'égard de la
12 défense de leur pays. Dites-nous, si l'on voulait définir les membres des
13 unités militaires, les membres des autres pelotons et tous les autres
14 citoyens qui ne remplissent ni des obligations de travail ni des
15 obligations militaires, c'est-à-dire qui sont des enfants, des femmes
16 enceintes ou des personnes âgées de plus de 65 ans, quelles sont les
17 personnes que vous mettriez dans ces trois catégories ; si vous m'avez
18 bien compris ?
19 M. Rajic (interprétation). – Je vous ai compris. A mon avis, les
20 civils purs se composaient de personnes à qui n'incombait aucune des cinq
21 obligations dont j'ai parlé un peu plus tôt. Il s'agissait donc d'hommes
22 âgés de plus de 65 ans ou de garçons âgés de moins de 11 ans et de femmes
23 âgées de plus de 55 ans ou de femmes enceintes. Et puis, c'étaient des
24 personnes qui n'étaient pas mobilisables au moment de la mobilisation
25 générale par exemple.
Page 15939
1 Quant aux autres personnes non mobilisables, donc entrant
2 également dans cette catégorie, c'étaient les personnes qui n'avaient pas
3 l'aptitude de remplir les obligations qui leur incombaient en vertu de la
4 loi. Et la commission militaire chargée d'établir l'aptitude ou la non
5 aptitude d'une personne à remplir des fonctions particulières prenaient
6 donc les décisions de classement.
7 M. Nobilo (interprétation). – Donc, nous avons un groupe de
8 citoyens, dont nous venons de parler, que vous venez de définir auquel
9 n'incombait ni des obligations de travail ni des obligations militaires.
10 Et si nous partons de ce point de vue, comment définirions-nous les
11 membres des unités de travail ? Ces membres d'unité de travail sont-ils
12 des soldats ou des gens à qui n'incombent aucune obligation ou entrent-ils
13 dans une troisième catégorie ?
14 M. Rajic (interprétation). – Je pense qu'ils sont dans une
15 troisième catégorie parce que ce ne sont pas des soldats qui, eux,
16 combattent avec les armes à la main, mais ce ne sont pas non plus des gens
17 qui renoncent à leur responsabilité. Ce sont des citoyens qui, se trouvant
18 pris dans des conditions de guerre ou de danger imminent de guerre,
19 devaient remplir des obligations qui n'étaient pas purement militaires,
20 mais ce sont tout de même des gens dont les fonctions les placent tout de
21 même dans ces unités armées.
22 M. Nobilo (interprétation). - Si nous tenons compte de
23 l'ancienneté, des conditions de retraite et des soldes ou salaires
24 auxquelles avait droit un soldat ou une personne remplissant une
25 obligation de travail, est-ce qu'un civil qui n'avait pas de telles
Page 15940
1 obligations était concerné par toutes ces conditions ?
2 M. Rajic (interprétation). – Non, ce genre de civil n'était pas
3 concerné par toutes ces conditions. Il ne touchait pas d'argent puisqu'il
4 n'accomplissait pas un travail donnant lieu au paiement d'émoluments.
5 M. Nobilo (interprétation). – Eh bien, une autre question
6 hypothétique que j'aimerais vous poser, qui vous a été posée d'ailleurs
7 par mon collègue de la partie adverse : un Musulman de Vitez creuse des
8 tranchées pendant un an, par exemple, est-ce que qu'il a les mêmes droits
9 qu'un Croate qui est membre du HVO ? Est-ce qu'aujourd'hui, il a les mêmes
10 droits ?
11 M. Rajic (interprétation). – Pour autant que je sache, tous
12 avaient les mêmes droits, tous ceux qui ont participé à des unités de
13 travail obligatoire ou à des unités militaires.
14 M. Nobilo (interprétation). – Et finalement, conclusion, ai-je
15 raison de dire qu'à mon avis, il y a deux ou trois groupes différents,
16 l'un qui est composé de pur civils...
17 M. Kehoe (interprétation). – La question a déjà été posée. Elle
18 a reçu réponse.
19 M. le Président. – Terminez juste votre réponse, maître Nobilo.
20 Je pense que Me Nobilo ne posait pas tout à fait la même question que
21 celle que vous posiez. Je pense qu'il doit y avoir une différence, maître
22 Kehoe, à mon avis. Ce n'est pas tout à fait la même. Allez-y maître
23 Nobilo.
24 M. Nobilo (interprétation). – Ma dernière question : ai-je bien
25 compris ce que vous avez dit et, d'ailleurs, c'est une question
Page 15941
1 intéressante pour tous les participants au processus. Pouvons-nous dire
2 que, engagés dans les axions relevant de la guerre, il existe trois
3 groupes différents de personnes ?
4 M. Rajic (interprétation). – Oui.
5 M. Nobilo (interprétation). – Merci, monsieur le Président, j'en
6 ai fini.
7 M. le Président. – Merci maître Nobilo. Je me tourne vers mon
8 collègue, M. le Juge Shahabuddeen.
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur le témoin, en fait,
10 je ne voudrais pas vous poser la moindre question, mais vous féliciter
11 simplement pour avoir insisté lorsque vous avez dit que le compte rendu de
12 l'affaire Aleksovski comportait une erreur et je félicite également les
13 deux parties pour avoir réalisé l'accord qu'ils ont réalisé.
14 M. le Président. – Merci, monsieur le Juge. C'est effectivement
15 ainsi qu'il faut procéder dans une enceinte judiciaire. Je vais vous poser
16 moi-même simplement une ou deux questions, Monsieur Rajic.
17 J'ai cru comprendre que les textes de 1989, relatifs à la
18 Défense nationale, avaient été conçus à une époque où l'on pensait que le
19 danger pouvait venir d'un pays autre que la République fédérative de l'ex-
20 Yougoslavie ? Est-ce que je me trompe ?
21 M. Rajic (interprétation). – Vous avez raison.
22 M. le Président. - Ma question est celle-ci. N'avez-vous pas le
23 sentiment qu'en utilisant ces textes, ceux-ci, les deux ce 1989 ou celui
24 qui a été refait en quelque sorte par la Communauté croate de défense,
25 n'avez-vous pas le sentiment qu'on les a détournés de leur sens dans la
Page 15942
1 mesure où autant il est concevable d'organisation la défense civile,
2 défense militaire et défense civile lorsqu'on imagine que la patrie est en
3 danger, la patrie étant la République, les six Républiques en quelque
4 sorte, autant n'est-ce pas un détournement de pouvoir que d'utiliser le
5 même cadre, la même organisation, mais l'utiliser finalement contre un
6 peuple frère sous prétexte qu'on temporairement ennemi ?
7 N'y a-t-il pas là, vous qui avez fait de la science politique,
8 un détournement de pouvoir?
9 M. Rajic (interprétation). – Eh bien, je ne pense pas qu'il y
10 ait eu détournement parce que ces textes étaient applicables, y compris
11 dans ces conditions, dans ces circonstances. Il n'existait aucun autre
12 texte.
13 M. le Président. – Dois-je comprendre qu'en 1989, on prévoyait
14 que les Croates
15 lutteraient comme les Tchetniks ou contre les Musulmans ? C'est ce que
16 cela voulait dire ?
17 M. Rajic (interprétation). – Non. A ce moment-là, nous ne
18 savions pas qui allait se battre contre qui. En tout cas, moi je ne le
19 savais pas et une majorité de la population ne le savait sûrement pas non
20 plus.
21 M. le Président. – Il était sûr que personne ne le savait.
22 Personne n'avait prévu ces événements. Il n'en demeure pas moins vrai que
23 lorsqu'on dit dans un texte que des pelotons de travail vont faire des
24 fortifications, je pense que dans l'esprit du Maréchal Tito ou de ses
25 successeurs, comme dans d'autres pays -j'appartiens à un pays qui a
Page 15943
1 souvent connu des invasions-, on met effectivement toutes les ressources
2 au travail, chacun a sa place. Il nous faut aussi bien des agents des
3 transmissions, il faut des généraux, il faut des soldats, il faut des
4 artilleurs, il faut des statisticiens. Et puis, il faut des gens qui
5 creusent des tranchées.
6 Alors ma deuxième question est celle-ci : est-ce que vous-même
7 vous êtes allé creuser des tranchées ? Etes-vous allé creuser des
8 tranchées vous-même ?
9 M. Rajic (interprétation). – Moi, je n'ai pas creusé de
10 tranchées.
11 M. le Président. – Vous nous dites que le régime appliqué à ceux
12 qui creusaient des tranchées était un régime convenable ?
13 M. Rajic (interprétation). – Je n'ai pas compris la question.
14 M. le Président. - Vous nous dites que le régime de travail de
15 ceux qui accomplissaient cette tâche de creuser des tranchées était un
16 régime correct.
17 M. Rajic (interprétation). - Ce qui pose problème, c'est dans
18 une guerre, dans une guerre qui éclate dont personne ne savait qu'elle
19 allait éclater et qui se développe comme elle s'est développée, il est
20 difficile de dire… Nous avons dû trouver des solutions en fonction de la
21 situation. Parce que vous-même l'avez remarqué très justement, les
22 préparatifs concernaient un situation où il y aurait un agresseur
23 extérieur. Dans ces conditions, toutes les forces et toutes les ressources
24 auraient été mises à la disposition du combat. Mais là, nous étions dans
25 une
Page 15944
1 situation un peu différente.
2 M. le Président. – C'est bien ce que je dis : on a utilisé des
3 textes, qui étaient faits pour une agression extérieure, dans le cadre
4 d'une guerre intérieure, à supposer qu'il n'y ait pas d'autres
5 composantes.
6 Ma dernière question est celle-ci : est-ce que ces pelotons de
7 travail, qui sont allés creuser des tranchées, ont été envoyés sur des
8 lignes de front contre les Musulmans ?
9 M. Rajic (interprétation). - Dans ces pelotons de travail que,
10 moi, j'étais responsable de former, des Musulmans n'ont pas été envoyés
11 sur les lignes séparant les Croates des Musulmans. Il n'y avait que des
12 Croates.
13 M. le Président. - Mais il y a bien eu utilisation de tranchées
14 sur la ligne de front contre l'armée de Bosnie ? C'était fait pour ça ?
15 M. Rajic (interprétation). - Oui, ces tranchées étaient
16 utilisées.
17 M. le Président. - Alors, dans le document qui nous a été
18 fourni, le décret d'organisation d'Herceg-Bosna, c'est bien sûr un décret
19 qui est repris des anciens décrets de 1989. Nous sommes d'accord ?
20 M. Rajic (interprétation). - Oui.
21 M. le Président. - Or peut-être ne le savez-vous pas, mais
22 puisque vous êtes membre du HVO et que vous avez la nationalité croate
23 vous devez savoir de quand date la décision qui a porté création de la
24 communauté croate d'Herceg-Bosna ? Vous la connaissez ? Je vais peut-être
25 vous la rappeler, elle date de novembre 1991. Vous savez cela, puisque
Page 15945
1 vous aimez l'idée d'appartenir à cette communauté ? Vous savez quand a été
2 créée la communauté croate d'Herceg-Bosna ?
3 M. Rajic (interprétation). - Je sais quand la communauté croate
4 d'Herceg-Bosna a été créée. Mais est-ce que c'était une idée durable, ça !
5 En tout cas, à l'époque, c'était la réalité.
6 M. le Président. - Ce n'est pas la question. C'est une réalité
7 qui s'est concrétisée parce que -je vais vous le dire tout de suite- c'est
8 une décision qui a été prise par M. Mate Boban le 18 novembre 1991.
9 Ma question est celle-ci : est-ce que cette communauté croate
10 d'Herceg-Bosna a été créée pour lutter contre les Musulmans de l'armée de
11 Bosnie ?
12 M. Rajic (interprétation). - A ma connaissance, non. Elle a été
13 créée pour assurer la protection -avant tout- du peuple croate contre ce
14 qui était à l'époque l'agression de la JNA, c'est-à-dire l'agression des
15 Serbes.
16 M. le Président. - Je suis heureux que vous soyez d'accord avec
17 moi là-dessus. Car, effectivement, l'exposé des motifs de la décision
18 porte bien qu'on s'organise en communauté croate d'Herceg-Bosna pour
19 lutter contre l'agression venant des Chetniks.
20 Donc je suis en droit de penser que les tranchées qu'on fait
21 creuser sur le front dans la lutte contre l'armée de Bosnie-Herzégovine,
22 l'armée officielle, étaient des tranchées qui n'étaient pas légales ?
23 M. Rajic (interprétation). - Etaient-elles légales ou non, c'est
24 à vous qu'il appartient d'en juger. Mais la réalité, c'est qu'il y avait
25 un conflit et que les tranchées avaient pour fonction d'assurer la défense
Page 15946
1 sur un territoire particulier, la défense du peuple croate.
2 M. le Président. - Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'en
3 fin de compte non seulement le décret qui fait l'objet de la pièce 494 est
4 un décret qui a été conçu sur le modèle de textes qui, sous l'empire des
5 anciennes républiques, étaient faits pour l'organisation de la défense
6 dans le cadre d'un conflit avec une puissance extérieure à l'ancienne
7 République, premièrement.
8 Mais, de surcroît, que le décret de 1992, celui de la communauté
9 croate d'Herceg-Bosna, a détourné également votre propre organisation,
10 c'est-à-dire une organisation de la défense qui devait être tournée contre
11 les Chetniks. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce que
12 je vous dis ?
13 M. Rajic (interprétation). - Je suis d'accord en partie. Mais, à
14 ce moment-là, l'éclatement, l'arrêt de fonctionnement des organes
15 officiels de la Bosnie-Herzégovine a commencé et nous avons pris
16 conscience du fait que la guerre qui avait commencé en Croatie ne
17 s'achèverait pas en Croatie, mais qu'elle serait transférée ailleurs. Donc
18 l'Herceg-Bosna était pour nous un instrument d'organisation du peuple
19 croate afin de lui permettre de s'opposer à cela. C'est un fait. C'est un
20 fait que, plus tard, le conflit s'est déplacé pour devenir un conflit
21 également contre l'armée de Bosnie-Herzégovine.
22 Mais pour tout ce qui s'est fait du point de vue de la
23 consolidation des fortifications et du travail sur les lignes -qu'il
24 s'agisse de lignes séparant de l'une ou de l'autre des parties- il y a eu
25 un moment où, en Bosnie, nous avons tous combattu contre tout le monde, et
Page 15947
1 chacun s'est débrouillé comme il l'a pu, au mieux de ses capacités du
2 moment.
3 M. le Président. - Oui, mais peut-être qu'à ce moment-là ceux
4 qui étaient les plus faibles ne pouvaient pas lutter de la même façon.
5 Parce que, autant en vertu de ces textes, lorsqu'il s'agit d'un
6 effort de mobilisation générale, de l'envahissement d'un pays, toutes les
7 forces concourent à la volonté commune de défendre la patrie, autant là
8 vous preniez le risque qu'une des communautés n'aille pas aux tranchées,
9 j'allais dire la fleur au fusil, très contente d'y aller.
10 Encore qu'hier, on a eu un témoin qui semblait être satisfait
11 d'aller dans les tranchées, mais ça c'est un autre problème.
12 Je crois qu'on ne peut pas en dire davantage. Je peux quand même
13 conclure en disant qu'au fond, lorsque dans votre témoignage vous nous
14 dites que les textes étaient pour vous, que c'était une obligation de tous
15 les citoyens, seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'une certaine
16 catégorie de citoyens n'étaient peut-être pas tout à fait d'accord avec
17 les objectifs que vous poursuiviez ?
18 M. Rajic (interprétation). - Peut-être n'étaient-ils pas
19 d'accord avec les objectifs, certains citoyens, mais tous les citoyens qui
20 étaient aptes à accomplir certaines tâches, avaient un devoir, c'était
21 leur droit aussi mais c'était avant tout leur devoir de participer.
22 M. le Président. - En tout cas, vous vous avez accompli votre
23 tâche, ici au Tribunal, et il vous en remercie beaucoup. Vous apportez cet
24 élément qui fait partie de l'acte d'accusation dans le paragraphe 12,
25 l'éclairage de ceux qui ont vécu cela au plus près, nous vous en
Page 15948
1 remercions.
2 A présent, votre témoignage est achevé, l'huissier va vous
3 raccompagner. Et nous allons pouvoir procéder à l'audition du témoin
4 suivant qui devrait être le dernier, n'est-ce pas, maître Nobilo ?
5 Merci encore, monsieur Rajic.
6 M. Nobilo (interprétation). - Oui, monsieur le Président, ce
7 sera le dernier témoin pour cette semaine.
8 M. Fourmy. - Monsieur le Président, si je puis me permettre.
9 M. le Président. - Oui.
10 M. Fourmy. - En vous demandant de m'excuser d'intervenir à
11 nouveau, c'est pour le transcript anglais, en tout cas, pour ce que je
12 peux lire sur le système "live note", à la page 82 d'aujourd'hui, les
13 lignes 12, 13.
14 M. le Président. - Comment arrivez-vous à retrouver les
15 lignes 12, 13 ?
16 M. Fourmy. - Parce que j'en ai pris note, monsieur le Président,
17 mais je crois qu'aussi bien la défense que le Bureau du Procureur, que
18 nous-mêmes ici et le greffier, pouvons remonter dans le système.
19 M. le Président. - Pas les juges.
20 M. Fourmy. - Les juges ont tous les pouvoirs, sauf celui de
21 revérifier le transcript à l'arrière.
22 M. le Président. - Chers collègues, vous voyez, nous pensions
23 avoir tous les pouvoirs, il faudra que nous révisions notre position là-
24 dessus.
25 Que voulez-vous nous dire sur cette question-là ?
Page 15949
1 M. Fourmy. - Page 82, lignes 12, 13 : au lieu de "I suppose,
2 there is no other component", il faut lire "Assuming, there is no other
3 component".
4 Et à la page 84...
5 M. le Président. - Tout le monde est d'accord, là ?
6 M. Hayman (interprétation). - La défense est peut-être capable
7 de remonter dans le compte rendu à l'arrière, mais nous ne l'avons jamais
8 fait, nous ne savons pas le faire.
9 M. Fourmy. - La ligne 20, vous avez fait référence, monsieur le
10 Président, dans une question au témoin à la pièce D494. Ce qui est apparu,
11 c'est le 14 novembre 1994, suivi d'un petit chapeau ce qui signifie que
12 les Courts Reporters vont vérifier cela. Je peux peut-être les aider tout
13 de suite en leur disant que c'est D494.
14 M. le Président. - Tout le monde est admiratif de votre
15 vigilance à surveiller cela, monsieur Fourmy, et j'en profite une fois de
16 plus pour vous remercier de votre présence compétente aux audiences.
17 Maître Nobilo, le témoin suivant, s'il vous plaît.
18 (Le précédent témoin a été raccompagné par l'huissier.)
19 (Le nouveau témoin est introduit dans le prétoire.)
20 M. le Président. - Vous m'entendez, monsieur ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, je vous entends.
22 M. le Président. - Vous allez nous préciser à l'intention des
23 Juges votre nom, votre prénom, votre date et votre lieu de naissance,
24 votre profession et votre résidence actuelle puisque l'audience est
25 publique. Après quoi, vous resterez debout pour prêter serment, et puis,
Page 15950
1 vous pourrez vous asseoir.
2 M. Mlivoncic (interprétation). - Je m'appelle Ivo Mlivoncic, je
3 suis né à Vares, à côté de Sarajevo en 1931. Je suis depuis quarante ans à
4 Split, je réside à Split, je suis citoyen de la République de Croatie. Je
5 suis journaliste de profession. Je vis et je travaille à Split.
6 M. le Président. - Pouvez-vous prêter serment, s'il vous plaît ?
7 M. Mlivoncic (interprétation). - Je déclare solennellement que
8 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 M. le Président. - Merci, monsieur. Vous pouvez-vous asseoir à
10 présent. Merci d'être venu jusqu'au Tribunal pénal international où se
11 déroule depuis déjà un certain temps le procès intenté par le Procureur
12 dudit Tribunal à l'encontre de M. Tihomir Blaskic, dans la salle à votre
13 gauche. Vous allez recevoir, d'abord, les questions de la défense et,
14 ensuite, les questions du Procureur. Maître Nobilo, c'est vous ? Faites
15 repréciser le nom et le prénom du témoin que j'ai mal perçu, en m'en
16 excusant ?
17 L'interprète. – Mlivoncic.
18 M. le Président. – Merci.
19 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président. Monsieur
20 Mlivoncic, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire un petit peu votre
21 itinéraire professionnel de vie. Vous êtes né en 1931, à Vares, en Bosnie
22 centrale. C'est une région dont on parle depuis quelques années, est-ce
23 que vous pouvez décrire un petit peu votre vie et votre itinéraire
24 professionnel ?
25 M. Mlivoncic (interprétation). – Je suis né dans une famille
Page 15951
1 ouvrière, une famille croate depuis toujours. J'ai terminé l'école
2 élémentaire à Vares où je suis né. Ensuite, lycée classique, huit ans, à
3 Visoko. C'était un lycée franciscain. Après cela, j'ai fait des études de
4 théologie à Sarajevo et, ensuite, à Ljubljana. Par la suite, j'ai été
5 diplômé en archéologie à Zadar et en histoire. Et j'ai été diplômé en
6 sciences politiques à Belgrade.
7 J'ai travaillé dans le journal Slobodna Dalmacija, à Split. J'ai
8 fait un certain nombre de recherches au niveau de théologie, des
9 recherches religieuses, des confessions.
10 M. Nobilo (interprétation). - On vous demande de bien vouloir
11 parler un peu plus lentement, monsieur le témoin, parce que l'on est en
12 train d'interpréter. C'est dans l'intérêt de la défense, que les Juges et
13 que nos collègues de l'accusation vous suivent de très près.
14 M. Mlivoncic (interprétation). – En ma qualité de journaliste,
15 j'ai également entrepris un certain nombre de recherches scientifiques,
16 sociologiques, politiques, politologiques. J'ai étudié également le
17 confessions et les religions différentes sur l'espace de l'ex-Yougoslavie.
18 Je suis devenu également spécialiste en matière de confessions
19 et de religions, notamment pour les relations entre les religions et la
20 politique entre l'Etat et l'Eglise. J'ai écrit toute une série d'articles
21 sur le catholicisme, sur l'orthodoxie, sur l'islam. J'ai fait plusieurs
22 interviews également avec des hommes de théologie, des théologiens, aussi
23 bien orthodoxes que catholiques, ainsi qu'avec les cardinaux, les évêques,
24 avec les efendija, archevêques et les autres.
25 J'ai également publié deux livres. Il y a un livre, L'Eglise en
Page 15952
1 Amérique latine, c'est un livre sur la théologie de la libération et,
2 ensuite, il y a un autre livre intitulé : Les papes et les Croates,
3 l'histoire des relations entre le Vatican et la Croatie.
4 Il y avait un troisième livre, c'est le plus récent. C'est un
5 livre qui a été publié il y a
6 un mois. C'est le crime et les crimes de guerre et le génocide des
7 Musulmans de Bosnie sur les Croates en Bosnie-Herzégovine. C'est un sujet
8 dont je me suis occupé. J'écris également pour la revue Balkanika. C'était
9 mes premières recherches. Là, ici, j'ai pratiquement terminé mes
10 recherches.
11 Par conséquent, j'ai écrit sur de nombreux sujets également pour
12 la maison, la maison de presse pour laquelle j'ai travaillé, et écrit les
13 livres dont j'ai parlé tout à l'heure.
14 M. Nobilo (interprétation). - Je pense que, maintenant, nous
15 allons parler un peu plus du thème qui nous intéresse et dont vous allez
16 témoigner. Vous avez écrit également un livre sur les crimes qui ont été
17 commis par les Musulmans sur les Croates. Pourriez-vous décrire aux Juges
18 quels sont vos motifs ? Quelles sont vos raisons pour rechercher un
19 domaine aussi spécifique ?
20 M. Mlivoncic (interprétation). -Quant à Stupni Do, le crime
21 s'est produit, il y avait une municipalité qui est à côté de l'endroit où
22 je suis né. Le premier qui avait décrit ce crime qui a été commis comme
23 une honte croate, c'était moi. Cela s'est produit à Stupni Do. A ce
24 moment-là, j'ai informé tout de suite Franjo Puharic, qui est le cardinal.
25 Et j'ai également informé le chef religieux musulman, en
Page 15953
1 Slovénie, en Bosnie, Omerbasic, de ce qui s'est passé à Stupni Do. C'était
2 par conséquent pour moi un acte moral; J'ai réagi à un phénomène. Et, moi,
3 personnellement, je m'en suis rendu compte parce que j'ai eu des
4 informations et des détails.
5 Mais comme dans l'opinion publique, on a répété en permanence le
6 fait qu'il y avait des crimes qui ont été commis à l'encontre des
7 Musulmans, à Ahmici, à Stupni Do, etc. Moi, j'ai été… Je me suis dit que
8 je devrais également attirer l'attention de l'opinion publique sur les
9 crimes qui se sont produits et qui ont été commis par les forces
10 musulmanes, les forces bosniennes à l'encontre des Croates.
11 C'étaient mes motifs, mes raisons pour lesquelles j'ai
12 recherché. Et parce que j'ai tout simplement voulu prouver qu'il n'avait
13 pas des extrémistes uniquement dans le peuple croate, mais qu'il y avait
14 également des extrémistes dans le peuple bosnien, musulman.
15 M. Nobilo (interprétation). – Avant de parler en détail, vous
16 avez fait les recherches. Quelles sont les méthodes ? Et quelle est votre
17 méthodologie de travail ? Comment vous avez réuni les données ?
18 M. Mlivoncic (interprétation). - Je suis journaliste, par
19 conséquent, les cinq motifs : qui, comment, où et quand et c'est comme ça
20 que j'ai essayé de me poser les questions et avoir les réponses. Pour
21 avoir les réponses à ces questions simples, moi, j'avais développer ma
22 propre méthodologie. Moi-même, je suis chercheur. Je l'ai déjà dit.
23 C'est pour cette raison que je me suis référé aux documents que
24 je possédais car j'avais visité les terrains et j'ai pu me rendre compte
25 de ce qui s'était passé au cours des conflits entre le HVO et l'armée de
Page 15954
1 Bosnie-Herzégovine. J'ai pu me rendre compte sur place. J'ai été à Mostar.
2 J'ai été à Sarajevo également. On avait accueillit le Pape en 1994. A ce
3 moment-là, il ne pouvait pas venir car on avait pilonné la ville.
4 J'ai été à Stolac également et c'est là où j'ai été arrêté par
5 la police militaire. On m'avait posé la question sur ce que je faisais à
6 Stolac, à Vares, ma ville natale. C'est la police musulmane bosnienne qui
7 m'a arrêté. Ils m'ont demandé de leur laisser mon appareil photos et les
8 films que j'avais fais. Je ne l'ai pas permis. J'ai eu à faire face
9 également, à côté de Knin, à un Chetnik et on a pointé une kalachnikov sur
10 moi.
11 Par conséquent, je veux dire que j'ai visité le terrain et j'ai
12 pu me rendre compte de tout ce qui s'était passé sur le terrain. J'avais
13 les informations, j'avais les documents et j'ai pu également me rendre
14 compte des crimes qui étaient commis à un endroit et à l'autre. Notamment,
15 je disposais d'un recueil de documents qui m'a été remis par la Communauté
16 croate de Herceg-Bosna.
17 Ensuite, j'ai pu également rassembler un certain nombre de
18 documents auprès des églises à Zagreb, à Sarajevo et puis également dans
19 la province de Herceg-Bosna et notamment du Bishop qui avait agi à cet
20 endroit-là. Mais je dois dire qu'ils ne disposaient pas, eux, de beaucoup
21 de documents, c'était assez pauvre.
22 Chaque prêtre, normalement, aurait dû tenir les registres et
23 savoir ce qui s'était passé, à quel moment tel et tel fidèles avaient été
24 tués et blessés, etc. Mais la plupart de ces données manquaient. Il y
25 avait beaucoup de lacunes. Quand j'avais demandé le prêtre franciscain qui
Page 15955
1 était à Bugonoj pendant la guerre, qui actuellement se trouve à Fojnica,
2 pourquoi il ne l'avait pas fait, pourquoi il n'avait pas marqué que telle
3 et telle personnes ont été tuées, il avait dit : "si jamais les autorités
4 bosniennes se rendaient ici, ils verraient ce que j'avais fait et moi,
5 j'aurais été une des victimes également".
6 C'est la raison pour laquelle, par conséquent, il y avait un
7 témoignage qui manquait sur ce qui se passait. Je me dois de vous dire
8 qu'un certain nombre de documents ne pouvaient rester en ma possession ou
9 je n'avais pas accès à un certain nombre de documents.
10 Par exemple, à Grbovica, à côté de Zagreb également, je ne
11 pouvais même pas avoir accès à un certain nombre de documents. C'était le
12 cas également d'un village situé à côté de Mostar parce que de toute
13 façon, ce n'était pas possible d'avoir tous ces documents.
14 M. Nobilo (interprétation). – Je vous prie, s'il vous plaît, de
15 ne pas parler aussi rapidement.
16 M. Mlivoncic (interprétation). – Mais j'ai parlé des sources de
17 mes documents et j'ai dit également qu'il y avait des lacunes dans ces
18 documents, que je ne pouvais pas en avoir comme je voulais. Je veux dire
19 également que bien évidemment je me suis référé à un certain nombre
20 d'articles dans les quotidiens, dans les revues mensuelles, etc. Mais ce
21 sont les textes qui n'étaient pas convaincants parce que souvent ils
22 étaient au service d'une politique quotidienne. Par conséquent, il fallait
23 publier ou pas à telle et telle dates les documents.
24 C'est la raison pour laquelle je ne me suis pas toujours référé
25 à cette presse et la presse quotidienne.
Page 15956
1 M. Nobilo (interprétation). – Est-ce que vous vous êtes arrêté
2 dans vos recherches ou bien avez-vous poursuivi vos recherches ? Qu'avez-
3 vous fait par la suite, après la guerre ?
4 M. Mlivoncic (interprétation). – Mais j'ai écrit, dans le
5 préambule de mon livre, que mon livre n'est pas définitif et qu'il y a
6 peut-être des données qui ne sont pas tout à fait exactes, que je n'ai pas
7 expliquées jusqu'au bout, que je n'ai peut-être pas disposé de tous les
8 documents et c'est pourquoi je poursuis mes recherches. Je ne me suis pas
9 arrêté. Je pourrais même vous présenter quelques données.
10 Au cours de mes recherches, j'ai essayé également…
11 M. Harmon (interprétation). – Excusez-moi, Monsieur le
12 Président, excusez-moi conseils de la défense, j'objecte au témoignage du
13 témoin. Il semble qu'il lise un texte préparé. Alors je ne sais pas s'il a
14 besoin de notes pour se rafraîchir la mémoire. Si c'est le cas, qu'il les
15 utilise, mais cela fait quelques minutes que je le regarde et il semble
16 qu'il soit en train de lire et de tourner, page après page. J'objecte donc
17 à cette forme de témoignage.
18 M. le Président. – Vous savez que dans les enceintes
19 judiciaires, et en tout cas dans celle-ci, le témoin doit déposer
20 librement. Il ne peut pas arriver avec des documents pré-rédigés. Il peut
21 avoir des documents, mais uniquement pour des statistiques, pour
22 rafraîchir sa mémoire, c'est tout à fait normal. Et il le fait avec
23 l'autorisation de la partie adverse. Je suis obligé de vous demander,
24 excusez-moi, si vous lisez un document pré-rédigé ?
25 L'interprète. - Le témoin n'entend pas, il n'a pas écouté
Page 15957
1 l'interprétation, ou bien il a éventuellement changé le canal.
2 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, il va y
3 avoir beaucoup de dates, beaucoup de chiffres. Par conséquent, il n'est
4 pas possible pour le témoin de garder tout cela en mémoire.
5 M. le Président. – Je ne crois pas que telle soit l'objection de
6 Me Harmon. Tout d'abord, m'entendez-vous, monsieur Mlivoncic?
7 M. Mlivoncic (interprétation). – Oui, Monsieur le Président, là
8 je vous entends.
9 M. le Président. - L'objection de la partie adverse consiste à
10 dire ceci : vous ne pouvez pas lire un document près rédigé. Vous pouvez
11 faire appel à des notes personnelles, avec l'autorisation du Tribunal,
12 mais ne vous ne pouvez pas arriver, sortir de votre serviette un document
13 et vous mettre à lire. Cela, vous ne pouvez pas le faire. Il faut que vous
14 répondiez aux questions avec vos souvenirs, avec ce que vous savez, et
15 s'il vous manque une date, une précision, une statistique, soit vous
16 communiquez un tableau soit une statistique sur le rétroprojecteur, ce
17 sera communiqué à la partie adresse, mais vous ne pouvez pas lire un
18 document. Vous déposez.
19 Donc vous allez faire un petit effort, je suis persuadé que vous
20 arriverez à le faire. Par contre, si vous avez une défaillance de mémoire,
21 si vous avez besoin de consulter des notes, je vous y autoriserai. Nous
22 sommes d'accord ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui. Merci, excusez-moi. Je
24 n'ai pas lu, je jetais un coup d'œil juste pour voir les endroits que j'ai
25 soulignés. Je n'ai pas véritablement lu. Je donne l'impression de lire,
Page 15958
1 mais je n'ai pas lu.
2 M. le Président. - Essayez de ne pas lire votre document. Vous
3 devez certainement très bien le connaître, vous êtes un historien, un
4 chercheur, un journaliste : vous devez arriver à parler pratiquement sans
5 document, j'en suis persuadé. Si vous en avez besoin, vous vous référerez,
6 avec notre autorisation, à vos notes. Nous revenons au cours de nos
7 questions, Maître Nobilo.
8 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. La
9 question que j'avais posée et vous l'avez confirmé, Monsieur le Témoin,
10 c'est que vous avez poursuivi vos recherches et que, après 1997, quand
11 vous avez terminé les recherches pour préparer votre
12 dernier livre, quand vous avez terminé votre manuscrit donc, vous avez
13 poursuivi vos recherches. Est-ce que vous pouvez me dire que, pour le
14 moment, vous n'avez rien écrit ? Il n'y a pas donc tous ces détails dans
15 votre dernier livre ?
16 Est-ce que, éventuellement, vous êtes parvenu à un certain
17 nombre d'autres données qui pourraient être intéressantes, notamment pour
18 cette affaire ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, j'ai poursuivi mes
20 recherches. Je pensais évidemment déjà au départ que c'était le minimum
21 dont je disposais et que j'aurais probablement, à l'avenir, davantage de
22 données sur les victimes. C'est la raison pour laquelle j'ai poursuivi mes
23 recherches.
24 Une fois, quand j'avais remis le manuscrit en me laissant 97, je
25 suis allé en septembre jusqu'à Kiseljak -pardon, en juillet- et j'ai pu
Page 15959
1 également contacter la mère du général Blaskic, sa sœur, etc. J'ai appris
2 une donnée, je l'ignorais auparavant, je ne savais pas que le père du
3 général Blaskic, qui est né en 1933, était membre du HVO et qui a
4 travaillé dans un service sanitaire et que le 12 novembre 1993, il a été
5 tué au moment où il portait l'insigne de la Croix Rouge. Dans mon livre,
6 il va être cité comme une victime de guerre.
7 Je me suis intéressé également un petit peu à ce sujet-là,
8 autour de ce nom, Blaskic. C'est un nom qui n'existe pas parce que, dans
9 la paroisse où il y a des extraits d'actes de naissance, et dans la
10 paroisse où le général Blaskic a été baptisé, j'ai pu constater qu'il
11 s'appelait Teofil, par conséquent, Bogoljub en croate. Dans sa famille, on
12 l'appelait Tihomir.
13 Eh bien, lors de ces recherches sur les origines de sa famille,
14 la manière dont il a été élevé, son prêtre Kujundzic avait dit bien des
15 choses qui étaient agréables à son égard, et moi j'avais publié tout cela
16 dans le journal "Slobodna Dalmacija". Je me suis adressé aux autres
17 personnes également pour leur demander ce qu'ils pensaient de lui.
18 M. le Président. - Si une question vous est posée sur les
19 origines tout à fait honorables de la famille de l'accusé, vous y
20 répondrez. Mais essayez -le temps nous est
21 compté-, vous êtes ici pour parler, notamment, de la substance de votre
22 livre, essayez et vous, Maître Nobilo, essayez de bien centrer le
23 témoignage de votre témoin sur ce qui vous paraît essentiel pour la
24 défense de l'accusé. Merci.
25 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Témoin. Nous
Page 15960
1 allons distribuer quelques cartes. Ce sera le fondement de votre
2 témoignage. Je vais demander à l'huissier de vous aider pour distribuer
3 ces cartes.
4 (L'huissier s'exécute.)
5 M. Dubuisson. - Document D495.
6 M. Nobilo (interprétation). - Je vous prie, monsieur l'huissier,
7 de mettre cette première page sur le rétroprojecteur.
8 (L'huissier s'exécute.)
9 Monsieur Mlivoncic, pourriez-vous nous décrire ce que représente
10 cette carte ? Nous avons d'abord représentés la Bosnie-Herzégovine et les
11 chiffres qui sont portés sur la carte couleur jaune.
12 Qu'est-ce que cela représente, s'il vous plaît ?
13 M. Mlivoncic (interprétation). - Il s'agit de la carte de
14 Bosnie-Herzégovine. Tout ce qui est marqué en couleur jaune, que je vois
15 verte, ce sont les régions de la Fédération de Bosnie-Herzégovine où les
16 conflits se sont produits entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine,
17 où des crimes ont été commis à l'encontre des Croates.
18 M. Nobilo (interprétation). - A gauche, il y a un certain nombre
19 de chiffres de victimes. Voulez-vous faire un commentaire, s'il vous
20 plaît ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Tout d'abord nous pouvons
22 conclure qu'au total, d'après les recherches que j'ai faites, il y avait
23 1606 victimes.
24 M. Nobilo (interprétation). - Quand vous dites des victimes de
25 guerre, vous pensez aux victimes de guerre qui sont tombées sur les champs
Page 15961
1 de bataille pendant les combats ou qui
2 ont été des victimes de crimes ?
3 M. Mlivoncic (interprétation). - Ce sont les civils et les
4 soldats du HVO détenus, 1 606 au total.
5 M. Nobilo (interprétation). - Je vous en prie, continuez.
6 M. Mlivoncic (interprétation). - On voit que 968 personnes
7 étaient des civils adultes, 120 enfants et 518 soldats détenus, les
8 soldats du HVO. J'ai déjà précisé qu'il y avait au total 1 606 victimes,
9 c'est un minimum. Je pense que suivant les recherches que nous allons
10 poursuivre, et je l'ai déjà prouvé, il s'agirait d'un chiffre beaucoup
11 plus important.
12 M. Nobilo (interprétation). - Combien y avait-il de réfugiés
13 croates de ces municipalités, qui sont marquées en jaune sur la carte ?
14 M. Mlivoncic (interprétation). - D'après mes recherches, pendant
15 le conflit entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, pour ce qui est
16 des réfugiés et des déplacés, ils étaient au total 140 000. Si nous
17 faisons la comparaison avec des Musulmans qui ont été expulsés pendant ce
18 même temps, chassés de ces mêmes régions, ils étaient de l'ordre de
19 50 000.
20 En pourcentage, selon le recensement de la population de 1991,
21 ceci voudrait dire que sur le total les Croates qui ont été chassés et qui
22 sont des réfugiés représentent 19,5 %, alors que les Musulmans bosniens
23 s'élevaient à 2,9 %.
24 M. Nobilo (interprétation). - Tout ceci, par conséquent,
25 concerne cette zone qui est en jaune, où il y avait les conflits entre les
Page 15962
1 Musulmans et les Croates ?
2 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, ni avant ni après, mais
3 pendant le conflit même.
4 M. Nobilo (interprétation). - Ces chiffres-là ne comprennent pas
5 les conflits avec les Tchetniks ou d'autres conflits ?
6 M. Mlivoncic (interprétation). - Non. Est-ce que je peux juste
7 ajouter le chiffre de
8 120 enfants...
9 M. Nobilo (interprétation). - Répondez, s'il vous plaît, à la
10 question et ensuite on va corriger le compte rendu. Je vous en prie,
11 allez-y.
12 M. Mlivoncic (interprétation). - Il y a un autre chiffre qui est
13 intéressant et ce pour la raison suivante. Alija Izetbegovic, lors d'un
14 meeting pour le 5ème anniversaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine, avait
15 dit ouvertement que les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine ne
16 tuaient pas les enfants, ne tuaient pas les vieillards et ne tuaient pas
17 de femmes. Par conséquent, ses paroles sont totalement contradictoires
18 avec les recherches auxquelles j'ai procédées.
19 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Votre réponse n'est pas
20 rentrée dans le compte rendu concernant les victimes et les réfugiés. Ce
21 sont les victimes du conflit qui a eu lieu entre l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine et le HVO ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, exactement.
24 M. Nobilo (interprétation). - 1992 et 1993. Nous allons demander
25 le versement de ces documents au dossier, en tant que pièces à conviction.
Page 15963
1 Mais nous allons d'abord voir la carte suivante. Il y a le
2 chiffre 1, la municipalité de Rama, et entre parenthèses (Prozor).
3 Pouvez-vous dire combien il y a eu de victimes, d'après les
4 recherches auxquelles vous avez procédées, lors du conflit qui a eu lieu
5 entre les Musulmans et les Croates ?
6 M. Mlivoncic (interprétation). - Sur la carte, il est marqué
7 qu'au total il y a eu 66 victimes dans la municipalité de Rama (Prozor),
8 dont 34 soldats emprisonnés, 6 enfants et 26 personnes adultes civiles.
9 M. Nobilo (interprétation). - Vous parlez des réfugiés ? 3 500 ?
10 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, 3 500.
11 M. Nobilo (interprétation). - La carte suivante ? Dites
12 aux Juges ce que représente
13 cette carte.
14 M. Mlivoncic (interprétation). - Cette carte représente les
15 endroits où il y avait de grands martyrs croates. C'était Jurici.
16 M. Nobilo (interprétation). - Quelle municipalité ?
17 M. Mlivoncic (interprétation). - La municipalité de Rama
18 (Prozor). Il y a d'abord Jurici, avec trois victimes, et Uzbol avec
19 quarante et une victimes.
20 M. Nobilo (interprétation). - Et les dates, on les voit bien
21 dans les rectangulaires, ensemble avec le nombre de victimes, n'est-ce
22 pas ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui.
24 M. Nobilo (interprétation). - Merci. Nous allons passer à la
25 carte suivante.
Page 15964
1 M. Mlivoncic (interprétation). - Cette carte-là représente la
2 municipalité de Jablanica. Il y avait dans cette municipalité cinquante-
3 neuf Croates qui ont été victimes, dont onze adultes...
4 M. le Président. - Cette carte, les Juges en disposent. Posez
5 des questions, peut-être sur tel et point qui n'est pas bien éclairé mais,
6 sinon, nous voyons bien -pour votre compte rendu ce sera très clair- que
7 le témoin a fourni aux Juges et aux conseils de l'accusation des cartes,
8 municipalité par municipalité. Il a fait le recensement des civils, des
9 victimes du HVO, des réfugiés de nationalité croate.
10 Posez peut-être des questions, Maître Nobilo, qui compléteraient
11 l'information.
12 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, bien
13 évidemment, on peut pratiquer des méthodes différentes. Il est un fait que
14 ces cartes sont claires, on voit très bien de quoi il s'agit et, pour
15 économiser du temps, effectivement...
16 M. le Président. - Il faut que par la suite, dans son contre-
17 interrogatoire, il faut que cela soit bien entendu, que si l'accusation
18 dans son contre-interrogatoire utilisait l'une des cartes pour poser des
19 questions au témoin, évidemment vous auriez tout à fait le droit de
20 répliquer ensuite sur la carte en question.
21 Mais pour l'instant, sur la méthode d'interrogation, je pense
22 que les Juges se satisfont de l'ensemble des cartes détaillées, sauf si
23 vous avez besoin de compléter, soit sur la méthode, soit sur tel ou tel
24 point particulier.
25 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je suis
Page 15965
1 parfaitement d'accord, il faut économiser du temps. Il s'agit de cartes
2 qui sont claires et précises, elles sont suffisantes pour donner des
3 informations sur ce qui s'est passé.
4 Nous pourrions éventuellement, outre ce que vous venez de dire
5 également, vous demander, Monsieur Mlivoncic, de nous donner un petit peu
6 vos conclusions parce que nous voulons rationaliser notre temps. Nous
7 n'allons pas passer chaque carte sur le rétroprojecteur, nous allons
8 verser ces cartes comme pièces à conviction.
9 Par conséquent, Monsieur Mlivoncic, nous allons peut-être vous
10 demander de nous décrire un certain nombre de crimes ou des phénomènes
11 dont vous avez pris connaissance, ou des conclusions éventuellement qui
12 sont les vôtres à partir de ces recherches. Nous n'allons pas passer d'une
13 municipalité à l'autre, nous n'allons pas présenter tous ces crimes car je
14 ne peux que partager le point de vue du Président et du Juge Shahabuddeen
15 car, effectivement, il s'agit de cartes qui sont claires et l'on voit très
16 bien où ces crimes ont été commis.
17 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, d'accord.
18 M. Nobilo (interprétation). - Merci.
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Au cours de mes recherches,
20 j'ai essayé tout d'abord, bien évidemment, de me référer à l'histoire du
21 crime en Bosnie-Herzégovine. Chaque pays connaît également l'histoire du
22 crime. Pour ce qui concerne la Bosnie, du point de vue de l'itinéraire,
23 c'est Ivo Andric, le prix Nobel, qui avait étudié cette question-là et
24 avait approché cette question-là du point de vue littéraire.
25 Mais quand nous essayons de voir quelles étaient les modalités
Page 15966
1 de procéder aux
2 crimes, la manière, le type de meurtre, etc., pendant le conflit qui a eu
3 lieu entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO, il y a un nouveau type
4 de crime qui n'a pas été connu jusqu'à cette époque-là en Bosnie. Moi,
5 j'ai appelé cela des meurtres de rituel. Je vais essayer de m'expliquer,
6 je vais vous donner des exemples.
7 Dans la municipalité de Travnik, le village Miletici, le
8 24 avril 1993, les forces musulmanes bosniennes ont arrêté trente jeunes
9 gens, dont un certain nombre de civils, quelques-uns soldats du HVO. Eh
10 bien, on les a alignés et on les a mis dans un cercle ; ensuite on avait
11 d'abord décapité le premier, on a mis la tête sur une assiette, un
12 plateau, et on avait demandé aux autres de l'embrasser. Après quoi, il y
13 avait l'autre qui a été décapité et toujours le même procédé. Ce sont les
14 témoins qui l'ont confirmé.
15 Ce qui a été confirmé également lors de l'exhumation qui a été
16 faite en 1996. C'était la Commission de la Fédération de Bosnie-
17 Herzégovine avec la communauté internationale qui ont procédé à cette
18 exhumation et quand ils avaient découvert les cadavres qui avaient été
19 décapités.
20 Au cimetière de Kandja, à côté de Bugonoj, on a découvert une
21 tombe de vieillard prénommé Ilija Mostarac. On l'avait empalé. Il y avait
22 un pale qui avait été enfoncé dans le cou, un autre dans le corps et c'est
23 assez connu sous le terme de "Danse macabre", c'était un rituel auquel ils
24 ont procédé.
25 A l'entrée de Bugonoj, juste du côté de Kupes, sur le point de
Page 15967
1 contrôle qui a été contrôlé par l'armée de Bosnie-Herzégovine, il y avait
2 des Moudjahidins qui avaient arrêté les trois soldats du HVO, ils les ont
3 tués, ensuite, ils se sont agenouillés et ils ont remercié Allah, en se
4 baignant dans leur propre sang pour ce qu'ils avaient fait. Ils se sont
5 mis à genoux dans les flaques de sang.
6 Ce sont les exemples qui démontrent que des crimes en Bosnie-
7 Herzégovine lors de ce conflit, et un conflit malheureux pour moi-même et
8 entre les Croates et les Musulmans,
9 ont donc témoigné de nouveau type de meurtres et ceux-ci ont été amenés
10 par les Moudjahidins des pays islamiques, et ce sont eux qui ont participé
11 dans ce nouveau type de meurtres. C'est une de mes conclusions.
12 M. Nobilo (interprétation). - Merci, monsieur Mlivoncic.
13 Monsieur le Président, nous allons demander que toutes ces cartes avec
14 toutes les données soient versées au dossier, sous un même cote. Nous vous
15 demandons de verser au dossier, sous la même cote, tous ces documents.
16 Je vous remercie.
17 M. le Président. - Vous avez terminé votre interrogatoire,
18 Maître Nobilo, si je comprends bien ?
19 M. Nobilo (interprétation). - Oui, monsieur le Président, nous
20 venons de terminer notre interrogatoire principal.
21 M. le Président. - Nous allons procéder à une pause, maintenant,
22 et dans vingt minutes, nous reprendrons pour le contre-interrogatoire.
23 L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.
24 M. le Président. - Nous reprenons l'audience. Introduisez,
25 l'accusé. Monsieur le Procureur, vous en avez pour combien de temps. Je
Page 15968
1 vous tiens en liberté surveillée.
2 M. Harmon (interprétation). - Je dirai, Monsieur le Président,
3 pas plus d'une demi-heure, cela dépend des réponses du témoin, bien sûr.
4 M. le Président. - C'est parfait. Monsieur Harmon, c'est à
5 vous.
6 M. Harmon (interprétation). - Bonjour, monsieur Mlivoncic.
7 J'espère avoir prononcé votre nom correctement.
8 M. Mlivoncic (interprétation). - Bonjour.
9 M. Harmon (interprétation). - Je m'appelle Mark Harmon, mes
10 collègues du Bureau du Procureur sont à ma droite. Maître Gregory Kehoe
11 est à sa droite.
12 Je voudrais tout d'abord que vous consultiez la carte relative à
13 la municipalité de Kiseljak dans la pièce de la défense 495. Peut-on la
14 placer sur le rétroprojecteur. Merci.
15 (La carte est placée sur le rétroprojecteur.)
16 M. le Président. - Allez-y?
17 M. Harmon (interprétation). - Non, il s'agit de cette carte
18 Monsieur l'huissier. Voilà, merci.
19 Monsieur Mlivoncic, le 18 avril 1993, quel parti a été
20 responsable de l'éclatement des affrontements dans la municipalité de
21 Kiseljak, le 18 avril 1993 ? Etait-ce le HVO ou l'armée de Bosnie-
22 Herzégovine ? Qu'ont démontré vos recherches ?
23 M. Nobilo (interprétation). - Objection.
24 M. Harmon (interprétation). - Je parle du 18 avril 1993.
25 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je m'excuse
Page 15969
1 mais je fais objection. Je pense que cette question sort du champ de
2 l'interrogatoire principal, nous avons cité M. Mlivoncic ici pour nous
3 parler des victimes et pas de la responsabilité des affrontements... Qui
4 était le premier, qui était le second ?
5 M. Mlivoncic (interprétation). - Est-ce que je peux ?
6 M. Harmon (interprétation). - Un instant, il faut attendre que
7 les juges aient fini de se consulter, suite à l'objection de Me Nobilo.
8 M. le Président. - Laissez poser la question à Me Harmon
9 d'abord. Vous ne savez pas du tout si Me Harmon ne va pas revenir aux
10 problèmes des victimes. Je vous ai dit d'ailleurs, Maître Nobilo, c'est
11 une garantie pour la défense, si sur une carte particulière, ou sur un
12 point particulier, l'accusation développe un point, vous aurez tout à fait
13 le droit dans votre réplique de reprendre la question. Je tiens à vous le
14 dire.
15 Vous posez cette question dans quel but, Maître Harmon ?
16 M. Harmon (interprétation). - Comme vous le verrez sur la carte,
17 une référence est faite au 18 avril 1993 à Kiseljak, et il est question de
18 sept victimes. Alors la question que je souhaitais poser à M. Mlivoncic
19 est : qui a commencé le 18 avril 1993 ? Qui était à l'origine des
20 affrontements.
21 M. le Président. - Je ne sais pas si vous êtes habilité à
22 répondre. Mais s'il veut répondre... Répondez, monsieur le Professeur, ou
23 monsieur le journaliste, monsieur Mlivoncic, répondez, si vous le pouvez.
24 M. Mlivoncic (interprétation). - Et bien, je vais bien
25 évidemment répondre à cette question, volontiers. Je n'ai pas fait des
Page 15970
1 recherches sur qui était le premier à commencer les affrontements, qui
2 dans une situation concrète a commencé les conflits. Je n'ai pas même pas
3 étudié qui était coupable. J'ai simplement cherché les victimes.
4 M. le Président. - Le témoin vous a bien répondu. Il a été
5 convoqué pour parler uniquement des victimes. Il a fait une recherche sur
6 les victimes croates. Voulez-vous passer à une autre question, monsieur le
7 Procureur ?
8 M. Harmon (interprétation). -Volontiers, monsieur le Président.
9 Et vous faites donc référence aux sept victimes identifiées à Kiseljak le
10 18 avril 1993.
11 Qui étaient ces victimes ?
12 M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne peux pas vous énumérer
13 les noms de toutes ces victimes. J'ai, bien évidemment, marqué les dates
14 de naissance, les noms des victimes, mais je ne les connais pas par coeur.
15 M. Harmon (interprétation). - Malheureusement je n'ai pas
16 d'exemplaires de votre ouvrage, qui a été publié hors de la Yougoslavie je
17 crois.
18 Pourriez-vous, s'il vous plaît, consulter votre ouvrage et nous
19 donner le nom des sept victimes qui ont péri le 18 avril 1993 dans la
20 ville de Kiseljak ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Un petit instant, s'il vous
22 plaît, pour consulter mes notes.
23 M. le Président. - J'espère que les Juges auront la chance, à la
24 fin des débats, d'avoir cet ouvrage.
25 M. Hayman (interprétation). - Je pourrais proposer de donner
Page 15971
1 cela à l'unité de traduction, mais ce serait peut-être un peu trop
2 demander après tous les documents que nous leur avons soumis. Vous
3 pourriez le faire vous-même, mais nous nous n'avons pas osé le fournir à
4 l'unité de traduction parce que c'est un ouvrage long et que ceci
5 représentait une somme de travail très importante.
6 M. le Président. - Je ne leur demande pas de travailler dans
7 l'urgence, mais il faudra que d'ici la fin des débats, de ce présent
8 procès, les Juges aient une traduction de cet ouvrage. Cela paraît
9 possible ou faudra-t-il payer des droits d'auteur, si nous le recopions
10 ainsi ?
11 M. Dubuisson - Non, tout d'abord, il faudrait que le document
12 soit soumis officiellement, ici, à la Chambre, qu'il soit reconnu comme
13 pièce à conviction. Suite à cela, à votre demande, nous ferons
14 éventuellement des traductions des passages pertinents, à tout le moins.
15 M. le Président. - Si vous voulez bien, si vous le voulez comme
16 pièce à conviction, nous le ferons selon cette procédure, Maître Nobilo.
17 Vous indiquerez les passages pertinents pour que nous puissions les faire
18 traduire.
19 Bien, nous continuons. Poursuivons.
20 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, à cet
21 égard, je demanderai également qu'un exemplaire de cet ouvrage soit remis
22 au Bureau du Procureur afin que nous puissions, nous-mêmes, marquer les
23 passages pertinents ou au moins lire les passages que le témoin a utilisé
24 dans le cadre de son témoignage.
25 M. Hayman (interprétation). - Cela ne nous pose pas de problème,
Page 15972
1 outre le fait qu'il y a quand même un problème de principe. Il y a eu des
2 ouvrages à partir desquels certains témoins de l'accusation ont travaillé,
3 et auxquels nous n'avons pas eu accès. Nous n'avons pas pu les obtenir
4 s'ils étaient disponibles, ou peut-être n'étaient-ils pas disponibles du
5 tout.
6 Cette proposition de l'accusation ne nous pose aucun problème,
7 simplement nous faisons remarquer que ce n'est pas le principe qui a régi
8 le travail de la défense lorsque les témoins de l'accusation ont été
9 présentés. Alors s'il s'agit d'une requête informelle, très bien. Mais
10 s'il s'agit d'une requête officielle nous nous opposons à celle-ci.
11 M. Harmon (interprétation). - Afin de permettre à la défense de
12 répondre favorablement à notre demande, nous serions tout à fait prêts à
13 acheter nous-mêmes cet ouvrage, à nos propres frais, mais nous ne
14 connaissons pas l'éditeur de ce livre.
15 M. le Président. - La question va être vite réglée. La défense
16 est invitée à remettre cet ouvrage qui sera affecté d'un numéro de pièce à
17 conviction.
18 D'autre part, les Juges demandent que cet ouvrage soit versé au
19 Bureau des Juges avec le numéro de défense et qu'un exemple le soit
20 également au Bureau du Procureur. De sorte que si les Juges en avaient
21 besoin dans leur délibéré, chacune des parties sachent que cela peut-être
22 un document contradictoire.
23 Par ailleurs, vous fournirez au greffe, tout simplement,
24 l'éditeur de cet ouvrage.
25 M. Dubuisson - En respect de ce que vous venez de dire Monsieur
Page 15973
1 le Président, la cote est D496.
2 M. le Président. - D496. Maintenant, Monsieur Mlivoncic, nous
3 reprenons.
4 Chercher donc dans Kiseljak le nom des sept victimes, je crois
5 que c'est la question qui était posée par le Monsieur le Procureur. Vous
6 les avez trouvés ?
7 M. Mlivoncic (interprétation). - J'ai regardé et j'ai vu que
8 c'est un document qui a été signé par l'autorité compétente du HVO ; il
9 n'y a pas de noms et de prénoms. Lors de mes recherches qui ont suivie,
10 j'ai pu par conséquent obtenir un certain nombre de documents, mais ils ne
11 se trouvent pas dans l'ouvrage et je n'ai pas pris le document, donc je ne
12 peux donc pas satisfaire votre demande. Je n'ai pas ce document ici.
13 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Mlivoncic, avez-vous
14 ensuite vérifié l'exactitude, la réalité, de ces sept décès ? Avez-vous pu
15 vérifier cette information par le témoignage de victimes ou bien par les
16 déclarations de témoins qui auraient pu assister à la mort de ces
17 personnes, avant de publier votre ouvrage ?
18 M. Mlivoncic (interprétation). - Chaque document auquel je me suis référé,
19 j'ai essayé de le vérifier. Précédemment, j'avais des documents qui se
20 contredisaient et, dans ce cas-là, j'allais sur le terrain, je discutais
21 avec la famille, avec les membres de la famille, avec les cousins, et ce
22 n'est que par la suite que je portais les noms, les noms et prénoms, sur
23 les documents. Alors que ce document qui a été édité ultérieurement, c'est
24 un document qui porte le sceau, il y a une signature. Voilà, c'est un
25 document qui fait foi.
Page 15974
1 M. Harmon.(interprétation) - Les documents du HVO, ou le document du
2 HVO, si j'ai bien compris votre témoignage, ne donnait pas le nom de ces
3 sept victimes, n'est-ce pas ?
4 M. Mlivoncic (interprétation). - Au moment où j'avais rassemblé les
5 données pour mon ouvrage, je n'avais pas encore identifié toutes les
6 victimes. C'est la raison pour laquelle je ne pouvais pas publier
7 leurs noms. C'est dans mon ouvrage suivant que ces noms seront donnés.
8 Mais Blaskic également, Tihomir, n'est pas dans le bouquin.
9 M. Harmon.(interprétation) - Ma question est : disposez-vous et avez-
10 vous jamais vérifié les noms des sept personnes tuées le 18 avril 1993 ?
11 M. Mlivoncic (interprétation). - Je viens de vous dire qu'il s'agit
12 d'un document que j'ai dans mes archives, mais qui n'est pas rentré dans
13 mon ouvrage car je l'ai reçu seulement au cours de l'année dernière, pour
14 préciser, en automne. Alors, le manuscrit, je l'ai
15 remis au mois de juin 1997. C'est la raison pour laquelle c'est un
16 document qui va certainement être intégré dans mon ouvrage que
17 je publierai à l'avenir.
18 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur Mlivoncic, ces sept victimes
19 étaient-elles des soldats du HVO qui ont été tués au cours de combats ?
20 M. Mlivoncic (interprétation). - Non.
21 M. Harmon.(interprétation) - Savez-vous quel âge avaient ces
22 personnes ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne peux pas m'en souvenir parce
24 qu'il y a 1 600 noms. Je ne peux pas véritablement me souvenir des noms de
25 Kazanici, de sept personnes dont vous parlez.
Page 15975
1 M. Harmon.(interprétation) - Très bien. Avez-vous parlé aux parents
2 proches de ces sept victimes et si c'est le cas, quand ?
3 M. Mlivoncic (interprétation). - J'ai parlé avec le prêtre Pervan, de
4 Kiseljak. C'est avec lui que je me suis entretenu et c'est lui qui va
5 préparer ce qu'il faut préparer.
6 M. Harmon.(interprétation) - Je suppose donc que votre réponse à ma
7 question est : vous n'avez pas vu, vous n'avez pas rencontré les proches
8 parents des sept victimes qui sont décédées à Kiseljak le 18 avril
9 1993. Mais vous avez parlé au père Pervan, c'est cela ?
10 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, il est curé. C'est lui qui a des
11 extraits d'actes de décès pour tous les paroissiens. C'est lui qui est
12 fiable. C'est la raison pour laquelle je me suis adressé à lui.
13 M. Harmon.(interprétation) - Le père Pervan reprend dans ses registres
14 le nom des personnes décédées. Mais reprend-il également les conditions
15 dans lesquelles elles sont décédées ?
16 M. Mlivoncic (interprétation). - Je vous ai déjà dit, en parlant de la
17 méthodologie que j'ai suivie : j'ai essayé de trouver les documents auprès
18 des autorités ecclésiastiques, alors que ces autorités n'ont pas toujours
19 rempli leur obligation canonique, c'est-à-dire de tenir
20 les registres sur tous les paroissiens. Il y en avait, bien évidemment,
21 qui en tenaient compte. Il y a un prêtre, par exemple, qui avait
22 justement publié la chronique avec tous les noms. Mais la plupart
23 n'ont pas osé parce qu'ils avaient peur que de tels registres tombent
24 dans les mains des forces armées musulmanes, bosniennes et que,
25 par la suite, ils aient des problèmes et des conséquences.
Page 15976
1 M. Harmon.(interprétation) - Je comprends tout à fait. Vous avez été
2 très clair sur ce point. Mais je m'intéresse toujours à ces sept présumées
3 victimes. Vous dites ne pas avoir rencontré les proches parents de ces
4 victimes. Vous dites avoir
5 vu la liste des paroissiens du père Pervan, paroissiens décédés.
6 Etes-vous en train de dire maintenant que le père Pervan n'a pas
7 inclus les faits entourant la mort de ces sept paroissiens survenue le
8 18 avril 1993 ?
9 M. Mlivoncic (interprétation). - Le curé ne doit pas parler des
10 conditions dans lesquelles telle et telle personne a été tuée. Il doit tout
11 simplement noter les dates où ils ont été tués.
12 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur, mais comment en arrivez-vous à la
13 conclusion qu'il y a eu 7 victimes de crime de guerre à Kiseljak le 18
14 avril 1993, si vous ne vous êtes pas entretenu avec les parents de ces 7
15 victimes présumées et si le père Pervan n'a pas noté dans son registre la
16 façon dont les 7 personnes décédées ont été tuées ? Comment en arrivez-vous
17 alors à la conclusion qu'il s'agit là de victimes de crimes de guerre ?
18 M. Mlivoncic (interprétation). - Je me suis référé au document qui m'a
19 été délivré par l'autorité compétente du HVO de Kiseljak.
20 M. Harmon.(interprétation) - Je vois. Eh bien, changeons de sujet et
21 changeons de lieu peut-être. Je vous invite... Un instant, s'il vous plaît.
22 Puis-je avoir un instant, Monsieur le Président, s'il vous plaît ? Je
23 cherche une carte très précise. Cela y est, je l'ai trouvée.
24 M. le Président. - Un instant.
25 (Les juges, assis, se consultent sur le siège.)
Page 15977
1 M. le Président. - Poursuivez, monsieur le Procureur.
2 M. Harmon (interprétation). - Je vous invite donc à consulter la
3 carte de la municipalité de Novi Travnik. Peut-on placer cette carte sur
4 le rétroprojecteur car j'aimerais
5 vous poser un certain nombre de questions, eu égard à cette carte.
6 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, monsieur l'huissier,
7 pourriez-vous remonter cette carte, s'il vous plaît ?
8 Je voudrais la carte de Travnik, excusez-moi si j'ai dit
9 Novi Travnik, j'ai fait un lapsus.
10 Maintenant, vous voyez au bas de cette pièce qu'il est dit
11 "Hôpital de Nova Bila". On ne le voit pas sur le rétroprojecteur.
12 L'huissier pourrait-il monter la carte dans l'autre sens ? Voilà, merci.
13 En bas, on voit maintenant "Hôpital de Nova Bila, 1993-1994,
14 30 victimes." Qui était ces victimes, monsieur Mlivoncic ?
15 M. Mlivoncic (interprétation). - Ce sont les victimes qui ont
16 été blessées lors du conflit à Busovaca, à Travnik, à Vitez, à
17 Novi Travnik et qui sont décédées à l'hôpital parce qu'elles étaient
18 blessées grièvement et elles sont décédées à l'hôpital.
19 M. Harmon (interprétation). - En conséquence, ce sont des
20 victimes de combat, n'est-ce pas ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). - L'enfant grièvement blessé, le
22 10 juin 1993, à Travnik, où les cinq enfants sont décédés, et les trois à
23 l'hôpital parce qu'ils ont été blessés grièvement ; à mon avis, ce ne
24 sont pas des conflits de guerre, c'est un obus qui est tombé. C'est un
25 exemple. Ils ne sont pas des victimes de guerre.
Page 15978
1 M. Harmon (interprétation). - Et ceci, ces personnes, ces
2 enfants font partie du groupe des personnes mortes à l'hôpital de
3 Nova Bila. N'est-ce pas ? Vous les incluez dans les trente victimes,
4 n'est-ce pas ?
5 M. Mlivoncic (interprétation). - Il ne s'agit pas ici de soldats
6 qui ont participé au combat directement.
7 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous aider à
8 identifier les trente victimes dont vous parlez comme des victimes de
9 crimes de guerre, à l'hôpital de Nova Bila, entre 1993 et 1994. Dans votre
10 livre, leurs noms y figurent-ils ?
11 M. Mlivoncic (interprétation). - Non, je ne les ai pas
12 identifiés. Un petit moment... Etant donné qu'un certain nombre de
13 personnes qui sont mortes ont été portées comme victime de guerre dans la
14 municipalité de Vitez, dans la municipalité de Travnik. Ils ne figurent
15 pas dans le nombre total des victimes. Par conséquent, les trois enfants
16 qui sont décédés à Nova Bila, à l'hôpital, ils ne figurent pas sur le
17 nombre total de ceux qui ont été victimes. Mais on cite leurs noms.
18 Ceci est fait pour des raisons méthodologiques parce que nous
19 avons bien précisé qu'à cause des blessures très graves, il y avait même
20 des civils, des enfants qui sont morts à l'hôpital. Il fallait préciser la
21 raison, il fallait dire que ces enfants-là, qui étaient blessés
22 grièvement, on ne les a pas aidés pour qu'ils survivent. C'est un exemple
23 classique.
24 Il y a un médecin de Split, j'ai oublié son nom, il avait
25 demandé à ce que l'hélicoptère de la Forpronu transfère un petit garçon de
Page 15979
1 sept ans à l'hôpital de Split, car on savait que s'il n'était pas
2 transféré, il allait décéder. Le commandant de la Forpronu a tout
3 simplement fait un geste de main, il n'a pas accepté de transférer
4 l'enfant.
5 M. Harmon (interprétation). - Monsieur, s'il y avait
6 effectivement des activités de combat entre le HVO et l'armée de Bosnie-
7 Herzégovine, et si un obus tombait dans une zone où des combats avaient
8 lieu, si un civil était tué, incluez-vous cette personne dans vos
9 statistiques ?
10 M. Mlivoncic (interprétation). - Pour ce qui est des
11 statistiques, nous avons inclus tous ceux qui sont des civils, qui sont
12 véritablement des victimes parce qu'on avait agi contre, à l'encontre des
13 civils et pas à l'encontre des unités, des formations du HVO.
14 Par conséquent, il s'agit du décès des enfants qui jouaient dans
15 la rue. Et, pendant ce temps-là, il n'y avait aucune opération militaire,
16 aucune action militaire au moment où les enfants ont été victimes.
17 M. Harmon (interprétation). - Ont-ils été tués pas un obus qui
18 est tombé à Vitez ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, l'obus est tombé. Moi, je
20 ne suis pas expert en matière militaire, mais c'est un obus qui était
21 dirigé, guidé, qui était téléguidé. Il paraît que l'enfant jouait
22 pratiquement dans la rue. Il y avait des enfants musulmans, des enfants
23 croates. Et le jour où cette tragédie s'est produite, il n'y avait pas
24 d'enfants musulmans dans cette cour, sur ce terrain-là. Par conséquent, on
25 peut en conclure ce genre de chose.
Page 15980
1 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous me parler des
2 27 autres victimes que vous avez incluses dans le chiffre présenté sur
3 cette carte, lorsqu'il est dit que 30 victimes sont mortes à l'hôpital de
4 Nova Bila ? Dans quelles circonstances ces 27 victimes ont-elles pu être
5 incluses dans votre chiffre des victimes de crimes de guerre ?
6 M. Mlivoncic (interprétation). - C'est un petit peu difficile,
7 j'ai un certain nombre de documents qui se trouvent chez moi à la maison
8 et qui ne sont pas dans mon ouvrage. J'ai plus de 600 000 pièces, de
9 documents. Je ne peux évidemment pas me souvenir de chaque nom, des
10 conditions dans lesquelles ceci s'est produit, des opérations qui ont eu
11 lieu. Il y a beaucoup d'exemples, c'est extrêmement difficile.
12 M. Harmon (interprétation). - Je comprends tout à fait. J'essaie
13 d'obtenir des informations sur les précisions qui me sont présentées ici,
14 dans cette salle d'audience.
15 Il y a des cases sur cette carte qui décrivent les victimes,
16 victimes de crimes de guerre, et qui ne sont pas décrites dans vos
17 ouvrages. Peut-être qu'elles le sont dans vos archives, mais elles ne sont
18 pas encore publiques, n'est-ce pas ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas publié tout ce que
20 j'ai dans mes archives. C'est un livre qui est assez épais, il y a des
21 noms, des prénoms, les conditions dans
22 lesquelles cela s'est passé. C'est un livre qui aurait été trop épais. Il
23 y a un certain nombre de documents, notamment des déclarations qui ont été
24 publiées. Je ne sais pas si vous êtes en possession de ces livres qui ont
25 été publiés. Il y a des déclarations des témoins auxquels je me réfère. Il
Page 15981
1 y en avait qui ont été citées ici. Il y avait des déclarations qui ont été
2 publiées.
3 M. Harmon (interprétation). - Ma question est, une fois de plus,
4 d'abord avez-vous vous-même préparé ces pièces ?
5 M. Mlivoncic (interprétation). - Dans quel sens, s'il vous
6 plaît ?
7 M. Harmon (interprétation). - En fournissant des informations au
8 conseil de la défense afin que le conseil de la défense ou vous-même vous
9 soyez à même de préparer les pièces. Ou bien avez-vous simplement examiné
10 ces pièces aux fins de les présenter en tant qu'éléments de preuve ?
11 M. Mlivoncic (interprétation). - Si vous voulez, et juste pour
12 un petit moment, je peux vous montrer mon ouvrage ?
13 M. Harmon (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. Avez-
14 vous examiné ces différentes pièces ? Y a-t-il des informations sur ces
15 cartes qui ne figurent pas dans votre ouvrage ?
16 M. Mlivoncic (interprétation). - En ce qui concerne mon ouvrage,
17 il y a des graphiques, des municipalités différentes. Mais je n'ai pas
18 fait la comparaison entre ce que représentent ces cartes et ce que j'ai.
19 Je n'ai pas fait la comparaison hier soir, entre chaque ville qui est
20 représentée sur les cartes et qui est dans mon ouvrage.
21 M. Harmon (interprétation). - Revenons à une question que j'ai
22 posée précédemment, je crois que je n'ai pas très bien compris votre
23 réponse.
24 S'il y avait un pilonnage, par exemple si l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine pilonnait un territoire contrôlé par le HVO, si des civils
Page 15982
1 étaient tués au cours de ces pilonnage, avez-vous inclus dans vos
2 chiffres, dans vos statistiques, ces civils qui ont été tués au cours du
3 pilonnage ?
4 M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas inclus de tels
5 types de données.
6 M. Harmon (interprétation). - D'accord. Passons maintenant à la
7 carte relative à Zenica. Cette carte peut-elle être placée sur le
8 rétroprojecteur, s'il vous plaît ?
9 (L'huissier s'exécute.)
10 Pourriez-vous examiner cette carte, s'il vous plaît ? Vous
11 voyez, sur la droite de cette carte, qu'il est dit : "Zenica, avril 1993,
12 36 victimes". Connaissez-vous le nom de ces victimes ?
13 M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne connais pas le nom de ces
14 victimes. Je connais les noms de Susanj, Cajdras. Ici, j'ai un document
15 qui a été délivré par une autorité compétente.
16 M. Harmon (interprétation). - Qui est cette autorité compétente
17 qui a dit qu'il y avait eu 36 victimes de crimes de guerre qui étaient de
18 nationalité croate; d'ailleurs ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Une fois de plus, je ne dispose
20 pas de documents, mais il s'agit du ministère des Affaires intérieures
21 d'Herceg-Bosna.
22 M. Harmon (interprétation). - Par conséquent, le ministère de
23 Affaires intérieures d'Herceg-Bosna vous a donné un document disant qu'il
24 y avait eu 36 victimes à Zenica en avril 1993, n'est-ce pas ?
25 M. Mlivoncic (interprétation). - Je vous ai déjà dit que je disposais
Page 15983
1 de tous les documents qui étaient en possession de la communauté croate
2 d'Herceg-Bosna, que ces documents sont dans la archives à Mostar, et que
3 j'avais à ma disposition tous ces documents. Il y en a que j'ai photocopiés
4 et que je garde actuellement dans mes propres archives, chez moi.
5 M. Harmon.(interprétation) - Cet ensemble de documents incluait-il les
6 noms des 36 victimes présumées décédées dans la municipalité de Zenica
7 en avril 1993 ? Dans la ville de Zenica, plutôt que dans la municipalité de
8 Zenica, devrais-je dire.
9 M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne suis pas en mesure de vous
10 répondre, je ne m'en souviens pas.
11 M. Harmon.(interprétation) - Vous êtes-vous rendu à Zenica et avez-
12 vous parlé... Laissez-moi terminer ma question, s'il vous plaît. Puis-je
13 terminer ma question ? Vous êtes-vous rendu à Zenica et vous êtes-vous
14 entretenu avec les proches parents de
15 ces victimes présumées décédées dans la ville de Zenica en avril 1993 ?
16 M. Mlivoncic (interprétation). - Non, je n'ai pas parlé avec les
17 membres de la famille, j'ai parlé avec le prêtre, le père Stjepan Radic.
18 M. Harmon.(interprétation) - Et c'est le père Stjepan Radic qui vous a
19 informé qu'il y avait eu 36 victimes qui étaient mortes en avril 1993 dans
20 la municipalité de Zenica ?
21 Ou bien, laissez-moi reformuler ma question : le père Stjepan vous a-
22 t-il montré un registre faisant état du décès de trente-six de ses
23 paroissiens en avril 1993 ?
24 M. Mlivoncic (interprétation). - Non. J'ai eu l'occasion de le contacter
25 une fois, il était à Split. Il me l'a confirmé. Il y avait quelques
Page 15984
1 autres situations similaires que j'ai essayé d'expliquer. Il y avait, par
2 exemple, une telle situation dans le village Susanj. C'était le 5 juin : 17
3 victimes. Moi, j'ignorais tout ce qui s'était passé mais, à cette époque-
4 là, je me suis entretenu avec un prêtre franciscain, le docteur Fro Ivo
5 Markovic et il a eu cette reconnaissance-là également récemment. C'est lui
6 qui m'avait donné ce document qu'il avait rédigé lui-même. Ce document, il
7 l'avait rédigé, il l'avait envoyé au Président du tribunal, M. Boslong, et
8 il avait décrit comment, à Susanj, son père et ses sept cousins ont été
9 tués. J'ai les noms de toutes ces personnes. C'est comme ça que j'ai
10 essayé de résoudre les questions et le problème.
11 M. Harmon.(interprétation) - Je ne parle pas de Susanj, je vous parle
12 de Zenica. Je parle de l'information qui figure sur cette pièce. Le père
13 Stjepan vous a-t-il donné des détails quant aux
14 circonstances du décès de ces 36 victimes ? Vous a-t-il donné des faits ?
15 M. Mlivoncic (interprétation). - Non, je n'ai même pas demandé les faits.
16 J'étais à la fin de mon manuscrit et je ne suis pas allé pour identifier
17 toutes les victimes car il y a beaucoup de victimes dont les noms n'ont pas
18 été donnés. C'était cette fois-ci le cas.
19 M. Harmon.(interprétation) - Par conséquent, peut-on dire que pour ce
20 qui est de cette pièce et pour ce qui est de l'information des 36 victimes
21 présumées identifiées comme étant des victimes de crimes de guerre à
22 Zenica, en avril 1993, vous ne savez pas dans quelles
23 circonstances ces personnes sont décédées ?
24 M. Mlivoncic (interprétation). - Pour un certain nombre de victimes,
25 je le savais. Je savais qu'il y avait des victimes qui étaient dans
Page 15985
1 quelques camps, à l'école de musique. Il y en a d'autres qui ont
2 été tuées par des tireurs isolés, d'autres également ont été tuées
3 dans des conditions assez bizarres, et tous étaient des Croates.
4 M. Harmon.(interprétation) - J'aimerais passer aux chiffres qui sont
5 présentés à la première page de votre carte, la carte que vous avez vous-
6 même élaborée. En bas à droite, il est dit qu'il y a eu
7 un total de 140 000 réfugiés. Au cours de vos recherches,
8 avez-vous rencontré... ou plutôt avez-vous rencontré
9 la doctrine du HVO adoptée par les différents dirigeants politiques de
10 l'Herceg-Bosna lorsqu'il était question de l'installation humanitaire de la
11 population ? Avez-vous jamais entendu parler de ce terme ?
12 M. Mlivoncic (interprétation). - Non seulement j'en ai entendu parler,
13 mais j'ai même écrit contre lui.
14 M. Harmon.(interprétation) - Et certains dirigeants politiques, donc,
15 ont défendu cette théorie de la réinstallation humanitaire de population.
16 Alors, en quelques mots, de quoi s'agissait-il ?
17 M. Mlivoncic (interprétation). - Je pense que c'est en dehors de mon
18 interrogatoire principal. Je peux bien évidemment vous donner des réponses,
19 mais en ce qui concerne mon ouvrage sur ce point, les conséquences de
20 déplacements...Mais je vais vous donner un exemple très concret de ma
21 ville natale de Vares. Il y avait eu une attaque le 3 novembre 1992 et
22 8 500 personnes se sont réfugiées et sont arrivées à Split, chez moi.
23 Il y avait mon frère également parmi ces 8 500 personnes.
24 Par conséquent, il ne s'agissait pas de la politique humanitaire :
25 c'était la menace, c'était le danger, ce sont les représailles qu'ils
Page 15986
1 craignaient pour Stupni Do. C'est la raison pour laquelle ils se sont
2 réfugiés à Split. Il y avait de tels cas ailleurs, également.
3 Par conséquent, toutes les données qui concernent les réfugiés, les
4 chassés, ce ne sont pas les données officielles de Bosnie-Herzégovine, mais
5 des données que j'ai pu obtenir auprès des églises car les prêtres,
6 ensemble, avec les paroissiens, se rendaient dans des centres de
7 rassemblement et ils espéraient qu'ils allaient pouvoir retourner d'où ils
8 sont partis dès qu'ils le pourront.
9 M. Harmon.(interprétation) - Permettez-moi de reposer ma question...
10 M. Mlivoncic (interprétation). - Il est connu également que les
11 franciscains bosniens étaient contre cette politique d'un déplacement
12 humanitaire. Le cardinal en avait parlé à plusieurs reprises.
13 M. Harmon.(interprétation) - Permettez-moi de reposer la question :
14 quelle était, en quoi consistait cette politique de la réinstallation
15 humanitaire de population contre laquelle vous vous êtes prononcé et qui a
16 été appliquée par le HVO ? Pouvez-vous l'expliquer aux Juges ?
17 M. Mlivoncic (interprétation). - Je pense que c'est en dehors de mon
18 témoignage. La politique de réinstallation humanitaire était la politique
19 de ceux qui souhaitaient que la Bosnie soit partagée en trois entités.
20 M. Harmon (interprétation). – Très bien. La politique menée par
21 le HVO, contre laquelle vous vous êtes prononcée, était-elle une politique
22 mono-ethnique dans certaines régions, à savoir que les Croates devaient se
23 regrouper, que les Musulmans devaient vivre dans une autre région et même
24 chose pour les Serbes.
25 Etait-ce donc l'idéologie contre laquelle vous vous êtes
Page 15987
1 prononcée ?
2 M. Mlivoncic (interprétation). – Oui, mais ce n'était pas une
3 idéologique, l'idéologie unique des extrémistes croates et de la politique
4 extrémiste croate. C'était l'idéologie des Musulmans et des Bosniens
5 également, si vous voulez le savoir.
6 M. Harmon (interprétation). – Etait-ce la politique appliquée
7 par les dirigeants de l'Herceg-Bosna ?
8 M. Mlivoncic (interprétation). – Je n'ai pas fait des recherches
9 dans ce domaine, mais je suis contre parce que je voudrais que les membres
10 de ma famille restent là où ils sont nés et où ils devaient rester.
11 M. Harmon (interprétation). – Ma question est celle-ci. Vous
12 avez vécu dans la région, vous avez fait des recherches approfondies dans
13 cette région, et vous êtes parvenu à certaines conclusions, eu égard au
14 nombre de réfugiés croates ayant quitté différentes régions, différentes
15 municipalités et ma question est la suivante : connaissez-vous la
16 politique de réinstallation humanitaire de civils, et cette politique
17 était-elle défendue par les dirigeants politiques de le Herceg-Bosna ?
18 M. Mlivoncic (interprétation). – En ce qui me concerne, cette
19 donnée concernant les chassés, les réfugiés, n'est pas la conséquence de
20 la réinstallation humanitaire. Par conséquent, ce n'est pas un concept qui
21 a m'avait intéressé. Je n'ai pas recherché ce sujet-là et je n'en ai pas
22 écrit beaucoup de choses. J'ai tout simplement parlé d'un certain nombre
23 de réinstallations humanitaires. J'ai parlé de ma ville natale de Vares,
24 au moment où les habitants de Vares devaient partir de cette ville.
25 M. Harmon (interprétation). – Avez-vous jamais critiqué les
Page 15988
1 autorités de l'Herceg-Bosna ou du HVO parce qu'elles défendaient une telle
2 politique ?
3 M. Mlivoncic (interprétation). – Dans les situations concrètes,
4 j'ai critiqué, mais pas globalement parlant.
5 M. Harmon (interprétation). – Mais en défendant ce type de
6 politique afin de faire
7 en sorte que les Croates vivent avec les Croates et que les Musulmans
8 rejoignent les leurs, le HVO a-t-il encouragé les Croates vivants dans des
9 zones multiethniques à rejoindre des zones dominées par le HVO en Herceg-
10 Bosna ?
11 M. Mlivoncic (interprétation). – Je vous ai déjà dit que je n'ai
12 pas recherché ce problème-là. Ce sont les questions qui ne m'intéressaient
13 pas, qui ne faisaient pas l'objet de mes recherches.
14 M. Harmon (interprétation). – D'après votre expérience
15 personnelle, monsieur, savez-vous si les dirigeants ont encouragé les
16 Croates, par exemple les Croates de Zenica, à se rendre à Vitez ? Vitez
17 contrôlée et dominée par le HVO ?
18 M. Mlivoncic (interprétation). – Cela, je ne le sais pas.
19 M. Harmon (interprétation). – Savez-vous, monsieur, quel est
20 pourcentage de ces 140 000 réfugiés que vous avez identifiés, quel
21 pourcentage était des réfugiés qui ont quitté leur foyer après avoir
22 entendu des informations propagées par le HVO, de la propagande, les
23 encourageant à se rendre dans des zones dominées par le HVO ? Savez-vous
24 quel est le pourcentage de ces réfugiés qui ont quitté leur foyer pour
25 cette raison ?
Page 15989
1 M. Mlivoncic (interprétation). – Comme je l'ai dit, je n'ai pas
2 recherché ce problème. D'après les données dont je dispose, je sais qu'ils
3 ont été chassés. Je n'ai pas parlé de la politique du HVO, de la politique
4 de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, moi je n'ai pas fait mes
5 recherches dans ce domaine-là. Mais je sais qu'en ce qui concerne Vares,
6 il y a 8 500 Croates qui, en une nuit, se sont enfuis. Aucune politique
7 n'aurait pu le faire. C'est la peur de l'armée.
8 M. Harmon (interprétation). – Conviendriez-vous avec moi,
9 monsieur Mlivoncic, que le chiffre de 140 000 réfugiés incluait ces gens
10 qui avaient peur des représailles ? Vous avez parlé de Stupni Do, par
11 exemple. Donc des gens auraient pu partir ayant peur des représailles
12 suite aux événements de Stupni Do. Mais conviendriez-vous également avec
13 moi
14 qu'un grand nombre de personnes ou qu'un certain nombre de personnes, qui
15 sont devenues réfugiées, le sont devenues parce qu'elles ont été incitées
16 à quitter leur foyer par la propagande du HVO qui a encouragé la
17 population à partir et à rejoindre des zones où vivaient prédominamment
18 des Croates. Le savez-vous ou non ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). – Oui, je peux supposer qu'il y
20 avait de tels cas. En quelle quantité ? Je ne peux pas le dire. Il serait
21 peut-être utile de faire des recherches dans ce sens-là et savoir quels
22 étaient les motifs et les raisons de ceux qui ont été chassés et de ceux
23 qui se considèrent comme réfugiés.
24 M. Harmon (interprétation). - Pas conséquent, votre étude ne
25 portait pas sur ce type de renseignements et d'informations ? Vous n'aviez
Page 15990
1 pas l'intention de faire ce type de recherches ?
2 M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas fait une recherche
3 sociologique au niveau des réfugiés.
4 M. Harmon (interprétation). - Passons à une autre carte, la
5 dernière, il s'agira de celle de la municipalité de Vitez.
6 M. le Président. - C'est la n°11 ? Vous avez bien dit Vitez ou
7 Vares ?
8 M. Harmon (interprétation). - Vitez. Concentrons-nous un instant
9 sur cette carte, Monsieur Mlivoncic, j'attire votre attention sur la
10 carte. Monsieur l'Huissier, pourriez-vous monter cette carte, s'il vous
11 plaît, la carte où il est dit "Krizancevo Selo, 22 décembre 1993,
12 74 victimes" ? Pouvez-vous dire aux Juges dans quelles circonstances ces
13 74 victimes ont été tuées, le 22 décembre 1993 ?
14 M. Mlivoncic (interprétation). - Il faudrait maintenant que je
15 puisse disposer du temps pour lire ce que j'ai écrit.
16 M. le Président. - Prenez votre temps, Monsieur.
17 Pendant ce temps, je pourrais peut-être demander à M. Fourmy de
18 me refaire les
19 comptes du tableau, vous ne l'avez pas là, Monsieur Fourmy ? Pouvez-vous
20 le prendre, s'il vous plaît ? Je ne dois pas être très bon en calcul...
21 D'une façon générale, je ne retrouve pas toujours très bien les comptes.
22 J'ai la curiosité de....
23 Maître Nobilo, les chiffres des cas doivent correspondre aux
24 chiffres de la municipalité indiqués ? Est-ce que les chiffres indiqués
25 sur les cartes correspondent aux chiffres indiqués sur le graphique ?
Page 15991
1 M. Nobilo (interprétation). - Oui, cela devrait être comme cela.
2 M. le Président. - Vous pouvez demander au témoin. Je dois dire
3 que j'ai eu la curiosité de vérifier, cela ne correspond pas du tout. J'ai
4 une maladie, dès que je vois des chiffres, j'ai envie de les additionner !
5 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons donné cet ouvrage aux
6 techniciens. Ce sont eux qui ont repris tous les chiffres, j'espère qu'ils
7 ont repris les chiffres comme il le fallait.
8 M. le Président. - Monsieur Mlivoncic, les chiffres qui sont ici
9 doivent-ils correspondre à ceux qui sont là ou pas du tout ?
10 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui.
11 M. le Président. - Il faut vous méfier. J'ai fait une
12 vérification. Cela ne correspond pas du tout. A Zenica, cela ne correspond
13 pas. Ce n'est pas un problème, hélas, nous parlons de victimes, c'est
14 dramatique d'avoir à faire cela. Mais dans une instance judiciaire, il
15 faut que les choses soient précises. Je pourrais vous citer : Jablanica.
16 M. Mlivoncic (interprétation). - Juste une remarque
17 méthodologique, s'il vous plaît.
18 M. le Président. - Cela ne correspond pas. Skoplje, cela ne
19 correspond pas. Je me suis arrêté.
20 M. Mlivoncic (interprétation). - Ce n'est pas bien, je m'excuse.
21 Est-ce que je peux expliquer, s'il vous plaît ?
22 M. Nobilo (interprétation). - On peut tout d'abord faire la
23 comparaison.
24 M. Mlivoncic (interprétation). - Attendez, je vais expliquer.
25 Vous avez les données qui portent... C'est le total par municipalité.
Page 15992
1 Ensuite, sur les cartes différentes, vous avez Krizancevo Selo, tel et tel
2 nombre de victimes, alors que c'est marqué où il y a un nombre de victimes
3 plus élevé.
4 Par conséquent, il s'agit de tireurs isolés qui avaient tué
5 juste une personne. Donc cela ne n'a pas été marqué et porté sur la carte.
6 Je ne vous ai pas compris tout de suite au début, excusez-moi.
7 M. le Président. - Je vous remercie de cette explication. Il
8 reste quand même le tableau final sur lequel les juristes de la Chambre
9 sont en train de vérifier si je ne me suis pas trompé. Excusez-moi de
10 cette interruption, mais il fallait que les choses soient précises.
11 Maintenant... Je vous ai interrompu, vous étiez en train de
12 faire une recherche pour le Bureau du Procureur.
13 M. Nobilo (interprétation). - Là où il s'agissait des fosses
14 communes.
15 M. Mlivoncic (interprétation). - De trois et plus de victimes.
16 M. Harmon (interprétation). - Ma question était la suivante :
17 pourriez-vous décrire les circonstances dans lesquelles 74 personnes à
18 Krizancevo Selo ont été tuées ? Que dit votre ouvrage sur ce point ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Dans mon ouvrage, il y a deux
20 pages ; j'ai parlé des jours, des dates. Nous avons identifié les
21 victimes : le 22 janvier, l'autre le 23 janvier, le troisième le
22 24 janvier et, le 1er février, le plus grand nombre des victimes ont été
23 identifiées.
24 Moi, je n'ai pas tenu le registre de toutes les données, car
25 dans le document, en effet, on parle d'une jambe qui a été fracturée, on
Page 15993
1 dit s'il avait été tué. Je ne sais plus maintenant comment m'exprimer ! On
2 dit par une arme à feu ou par une arme blanche. C'est comme ça que nous
3 pouvons conclure qu'il a été tué en tant que soldat au cours des combats ;
4 ou bien en conclure ultérieurement qu'il portait l'uniforme, mais qu'il a
5 été tué dans la nuque et, à ce moment-là, ce n'était pas lors des combats
6 qu'il a été tué, mais... vous voyez.
7 M. Harmon (interprétation). - Je vous demanderai encore un
8 instant, Monsieur Mlivoncic. Cette page dans laquelle il est indiqué
9 74 victimes de crimes de guerre à Krizancevo Selo le 22 décembre 1993,
10 dites-vous maintenant qu'elle ne représente pas un seul événement au cours
11 de laquelle 74 victimes ont été tuées par l'armée de Bosnie-Herzégovine le
12 22 décembre 1993 ? Alors, que représente cette case ?
13 M. Mlivoncic (interprétation). - Nous ne nous sommes pas
14 compris. Vous m'avez posé la question et j'ai dit que c'étaient les
15 victimes qui ont été identifiées des jours différents : le 22, 23, 24 et
16 le plus grand nombre de victimes a été identifié le 1er février, alors que
17 toutes ces victimes étaient victimes de combats. Car on ne pouvait pas se
18 rendre à Krizancevo Selo tout de suite.
19 Vous savez que le fils de Martin Garaud avait essayé de s'y
20 rendre. On lui avait dit qu'on allait le fusiller, qu'on allait le tuer,
21 c'est à Zenica qu'on le lui avait dit.
22 M. Harmon (interprétation). - Ce sont des personnes qui sont
23 décédées en 1994 plutôt qu'en 1993 ?
24 M. Mlivoncic (interprétation). - Non, ce sont les personnes qui
25 ont été tuées le 22/12/93, juste à la veille de Noël 1993.
Page 15994
1 L'identification de leurs cadavres s'est faite ultérieurement.
2 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous que le Bataillon
3 britannique travaillant pour les Nations Unies a pratiqué une exhumation à
4 Krizancevo Selo ?
5 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, ce sont les résultats de
6 ces recherches et, moi, j'ai des documents qui le prouvent.
7 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous que le Bataillon
8 britannique en est arrivé à la conclusion que la plupart de ces victimes
9 ont été victimes au cours de combats ?
10 M. Mlivoncic (interprétation). - D'après les autopsies et
11 d'après la manière dont ces victimes sont mortes, elles n'ont pas été
12 tuées lors d'un combat direct.
13 M. Harmon (interprétation). - D'accord. J'aimerais maintenant
14 attirer votre attention, enfin, sur la case qui se trouve juste au-dessus
15 et dans laquelle il est dit : "Nadioci, le 8 février 1993". Pouvez-vous
16 nous dire qui étaient ces 3 victimes et dans quelles circonstances elles
17 sont mortes ?
18 M. le Président. - Je vous demande, autant que possible,
19 Monsieur le Procureur, que nous terminions ce soir ; le témoin pourra
20 rentrer.
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Excusez-moi, mais pour moi
22 c'est un peu difficile parce que c'est un texte qui est assez long et qui
23 a plusieurs pages.
24 M. Harmon (interprétation). - Nous aurons terminé dans un
25 instant, Monsieur le Président.
Page 15995
1 M. Mlivoncic (interprétation). - A Nadioci, il y avait des
2 personnes : Ivo Vidovic, Pero Papic et Ivo Papic qui ont été tués. Ils ont
3 été tués à Nadioci mais ils sont originaires de Poculice.
4 M. Harmon (interprétation). - Il ont été tués le
5 8 février 1993 ?
6 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui.
7 M. Harmon (interprétation). - Dans quelles circonstances ?
8 M. Mlivoncic (interprétation). – Je vais m'engager peut-être à
9 vous donner le détail. Il s'agissait des coups de feu qui ont été
10 échangés…
11 M. Harmon (interprétation). – Coups de feu entre qui et qui ?
12 M. Mlivoncic (interprétation). – C'étaient les trois hommes,
13 avec cinq femmes. Les coups de feu ont été échangés. Ivo Vidovic avait
14 donné un certain nombre signes. Il a été tué sur-le-champ. Les cinq femmes
15 qui étaient d'origine de Putkovici qui ont été tuées. Tous ceux se sont
16 retranchés dans une maison et ce sont les forces de l'armée de Bosnie-
17 Herzégovine
18 qui ont tiré sur eux.
19 Il y avait même un médecin de renommée. Il y avait cinq
20 infirmiers qui se sont rendus sur place, l'aide a été fournie, mais Ivo
21 Vidovic est décédé ultérieurement parce que l'aide, le secours n'est pas
22 arrivé à temps. Je pense là aux Bosniens, aux Musulmans.
23 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous poser ma
24 dernière question justement sur ce point. Qui a identifié les auteurs de
25 ces crimes et qui a dit que ces personnes faisaient partie de l'armée de
Page 15996
1 Bosnie-Herzégovine ?
2 M. Mlivoncic (interprétation). – Une fois de plus, je n'ai pas
3 le document. Mais je pense que c'était le ministère ou éventuellement le
4 Bureau du Procureur du HVO. C'était soit le ministère de l'Intérieur ou le
5 Bureau du Procureur militaire.
6 M. Harmon (interprétation). - Merci beaucoup, monsieur
7 Mlivoncic. J'apprécie la patience dont vous avez fait preuve. Je n'ai plus
8 de question, Monsieur le Président, monsieur le Juge.
9 M. le Président. – Merci, Monsieur le Procureur. Maître Nobilo,
10 vous voulez apporter quelques précisions dans votre droit de réplique ?
11 M. Nobilo (interprétation). – Très brièvement. Monsieur
12 Mlivoncic, vous vous êtes référé à combien de documents, lors de
13 l'écriture de votre ouvrage ?
14 M. Mlivoncic (interprétation). – Les documents qui existent
15 dans la commission pour déterminer les crimes de guerre se réfèrent à
16 10 000 documents. J'ai vu et étudié tous ces documents. 60 % se réfèrent
17 au conflit entre les Musulmans bosniens et les Croates ; les autres se
18 réfèrent aux conflits qui ont eu lieu avec les Tchetniks. Il y a mille
19 documents également, dont je dispose, et que j'ai pu obtenir des autorités
20 ecclésiastiques.
21 M. Nobilo (interprétation). - Cet ouvrage est un résumé de ces
22 très nombreux documents, de ces sept mille documents ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). – C'est exact.
24 M. Nobilo (interprétation). – Considérez-vous que chacun des
25 chiffres figurant ici est exact ?
Page 15997
1 M. Mlivoncic (interprétation). – Absolument exact. J'ai dit, au
2 moment de l'édition de l'ouvrage, que cette recherche n'était pas une
3 recherche définitive, que c'était un travail global qui citait des faits
4 assez globaux, qu'il pouvait s'être glissée une erreur, y compris dans les
5 chiffres et qu'une étude supplémentaire était nécessaire. C'est d'ailleurs
6 la raison pour laquelle j'ai poursuivi cette étude.
7 Mais j'ajouterai quelques mots. Dans mes recherches
8 complémentaires, un exemple pratique prouve qu'à Grmace, j'ai bien dit que
9 treize Croates avaient été enterrés dans une fosse commune et lorsque
10 l'exhumation a eu lieu, les 4 et 5 mars 1998, treize victimes ont été
11 exhumées. C'est-à-dire exactement le chiffre que j'avais cité. Lorsque
12 j'ai rencontré les parents des victimes qui étaient à cette exhumation,
13 j'ai pu constater qu'ils reconnaissaient les corps des leurs qui avaient
14 été enterrés.
15 Donc les exhumations et les autopsies vont confirmer, en tout
16 cas j'en suis certain, ce qui figure dans les documents que j'ai utilisés.
17 M. Nobilo (interprétation). – Donc pouvons-nous considérer que
18 vous estimez que ce document n'est absolument pas achevé ni absolument
19 exact et que vous maintenez la possibilité que lors de recherches
20 complémentaires, il se produise quelques modifications dans ce textes ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). – Je l'espère. C'est l'espoir que
22 je nourris en raison du sentiment que j'éprouve à l'égard des victimes.
23 Les victimes, toutes les victimes ont le droit que leur nom et leur prénom
24 soient cités et j'espère que quelqu'un poursuivra cette recherche pour
25 identifier, de façon précise, l'ensemble des victimes. Car il faut
Page 15998
1 connaître le nom et le prénom de la victime, et aussi le nom des auteurs
2 des actes qui ont causé ces victimes.
3 M. Nobilo (interprétation). – Dites-nous, ces recherches, vous
4 les avez dédiées à
5 qui ?
6 M. Mlivoncic (interprétation). – Etant donné que je considère
7 que toutes les victimes sont égales, qu'il n'y a pas de victimes de rang
8 supérieur ou de rang inférieur, qu'il n'y a pas mes victimes et les
9 victimes d'un tiers, donc c'est pour cette raison la dédicace de mon livre
10 est la suivante :
11 "Ce livre est dédié à toutes les victimes du conflit armé qui a
12 opposé les Croates et les Musulmans bosniens de Bosnie-Herzégovine entre
13 1992 et 1994, indépendamment de leur appartenance nationale."
14 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
15 C'est sur cette question que nous en terminons avec nos questions
16 supplémentaires, avec notre droit de réplique.
17 M. le Président. - Monsieur le Juge Shahabuddeen ?
18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Mlivoncic, je
19 souhaite parler avec vous de…
20 M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'entends pas.
21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous n'entendez pas ? Tout
22 va bien maintenant, vous m'entendez ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, oui, très bien.
24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je souhaitais donc vous
25 poser une question ou deux au sujet des 18 victimes croates de Kiseljak.
Page 15999
1 Le conseil de la défense vous a interrogé sur ce point. Et votre réponse,
2 votre dernière réponse a consisté à dire que vous estimiez qu'il
3 s'agissait de crimes parce que c'est ce qui vous a été présenté dans un
4 document du HVO.
5 Est-ce que la façon dont j'ai compris votre réponse est exacte ?
6 M. Mlivoncic (interprétation). - Oui, je me suis appuyé sur ce
7 document.
8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous le dites beaucoup mieux
9 que je ne l'ai fait moi-même. Eh bien, en tant que journaliste
10 d'expérience, monsieur, admettriez-vous qu'il existe une différence entre
11 une allégation et une conclusion, ou une constatation ? Un fait allégué
12 est le fait en tant que tel.
13 M. Mlivoncic (interprétation). - Dans les conditions... Je me
14 suis trouvé à plusieurs reprises devant ce dilemme. J'avais en effet
15 différentes données qui portaient sur le même événement, auquel cas il me
16 fallait compulser un grand nombre de documents et chercher un moyen de
17 résoudre le dilemme. A Susanj, par exemple, lorsque j'ai parlé des
18 11 victimes, des bruits divers circulaient et, notamment, que les Croates
19 avaient tué ces personnes eux-mêmes. C'est le docteur Fra Ivo Markovic,
20 qui vivait dans ce village et dont les parents et dont le père notamment
21 était au nombre des victimes, m'a permis de résoudre ce dilemme. C'est ce
22 qui figure dans les documents.
23 Mais par ailleurs, lorsqu'il s'agissait de documents d'organes
24 officiels de l'Herceg-Bosna, ces documents étaient rédigés par des
25 professionnels, des juristes, des juristes militaires. Il s'agissait de
Page 16000
1 documents qui avaient un tampon, un numéro de référence, etc.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Monsieur Mlivoncic, de
3 quelle façon souhaiteriez-vous que les Juges perçoivent votre déposition ?
4 Voudriez-vous que les Juges considèrent votre déposition comme une série
5 d'allégations ou bien voudriez-vous que les Juges perçoivent votre
6 déposition comme une narration des faits ?
7 M. Mlivoncic (interprétation). - Dans l'introduction de mon
8 ouvrage, j'ai dit que je ne condamnais personne, que je ne condamnais
9 personne mais que j'écrivais pour faire connaître la vérité parce que je
10 voulais qu'elle soit sue.
11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Donc serais-je en droit de
12 comprendre que ce que vous voulez dire, c'est que vous présentez des faits
13 avérés ?
14 M. Mlivoncic (interprétation). - J'ai écrit l'introduction de
15 mon ouvrage en disant que je pensais qu'un certain nombre de choses, un
16 certain nombre de faits seraient éventuellement modifiés dans mon ouvrage,
17 mais pas au point d'être en droit de remettre en
18 cause l'objectif de ma recherche.
19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, vous avez une
20 longue carrière de journaliste derrière vous. Devrais-je considérer la
21 question de la façon suivante ? Quelqu'un affirme, ce sont des faits.
22 Alors, devrais-je poser deux questions ? Première question : la personne
23 est-elle impartiale ? Question n° 2 : quelle a été la procédure suivie par
24 cette personne ?
25 M. Mlivoncic (interprétation). - Je ne vous ai pas suffisamment
Page 16001
1 bien compris. La personne qui a reçu le document, ou la personne qui a
2 fourni le document ? Est-ce la personne à qui le document a été
3 communiqué ?
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez tout à fait raison
5 de me reprendre, je ne me suis pas exprimé de façon tout à fait claire. Je
6 parlais de la personne qui soumettait les documents aux Juges et qui dit :
7 "Ce sont des faits, il s'agit de faits."
8 M. Mlivoncic (interprétation). - Donc, vous parlez de moi ?
9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Exactement.
10 M. Mlivoncic (interprétation). - Vous pouvez le déduire de ma
11 déposition. J'ai dit que je faisais cela par fidélité aux victimes. Et
12 j'aurais très grand plaisir et exactement de la même manière à identifier
13 les victimes musulmanes de la main des Croates en Bosnie, si j'avais à ma
14 disposition les documents nécessaires. Je crois que j'ai amplement répondu
15 à votre question.
16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je comprends votre position.
17 Mais entre temps, vous nous avez parlé, cet après-midi, de crimes commis
18 contre des Croates, n'est-ce pas ?
19 (Signe affirmatif du témoin.)
20 Avez-vous enquêté au sujet de crimes commis par les Croates ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai pas été... Je n'ai pas
22 eu la possibilité de
23 recevoir des documents. S'agissant des conditions entourant les événements
24 de Stupni Do, j'ai publié les documents auxquels j'ai eu accès dans la
25 presse, donc publiquement. C'étaient des documents qui condamnaient les
Page 16002
1 gens de mon peuple. J'ai estimé que c'était une honte pour les Croates.
2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Permettez-moi de vous poser
3 encore une ou deux questions pour finir. Supposons que l'armée de Bosnie-
4 Herzégovine vous ait remis un document et que, dans ce document, on lise
5 que le HVO a commis 18 crimes de guerre. Que diriez-vous ? Diriez-vous
6 qu'il s'agit d'une allégation ou d'une constatation factuelle ?
7 M. Mlivoncic (interprétation). - Cela dépend de la qualité du
8 document. Si le document émane d'organes compétents de l'armée de Bosnie-
9 Herzégovine et qu'il comporte toutes les autres qualités nécessaires pour
10 que ce document soit considéré comme fiable, alors il est possible de
11 croire à ce qui est écrit dans ce document.
12 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en arrive à présent à ma
13 dernière question qui porte sur les réfugiés. Je crois vous avoir entendu
14 dire qu'ils étaient au nombre de 140 000, ces réfugiés. Et à 17 heures 02,
15 vous étiez interrogé par un Conseil qui vous posait des questions au sujet
16 de cette conception de réinstallation humanitaire de réfugiés, à laquelle
17 vous avez dit vous être opposé, à très juste titre. Vous avez déclaré que
18 la réinstallation d'êtres humains était une politique pratiquée par les
19 Musulmans bosniens. Mais vous avez ajouté qu'elle ne s'est pas pratiquée
20 uniquement d'un côté. Etait-ce une politique pratiquée par le HVO ?
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Une partie du HVO, je ne sais
22 pas ce que préconisaient les organes principaux du HVO, je n'ai pas suivi
23 cela. Je ne peux pas vous répondre, cela ne m'intéressait pas
24 particulièrement, en tout cas pas dans ces modalités. A mon avis, la
25 réinstallation humaine relève d'un concept moral en premier lieu et,
Page 16003
1 seulement ensuite, d'un concept politique. Il est impossible d'exiger de
2 quelqu'un qu'il quitte son foyer, ses racines,
3 sa patrie, les tombes de ses aïeux pour des raisons politiques.
4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Eh bien, je saisis
5 l'occasion de me corriger moi-même. J'ai parlé de politique de
6 réinstallation humaine, d'êtres humains, alors que vous aviez parlé d'une
7 politique de réinstallation humanitaire. Je vous remercie, Monsieur
8 Mlivoncic, j'espère que vous rentrerez agréablement chez vous.
9 M. le Président. - Je remercie, Monsieur le Juge Shahabuddeen.
10 Vous posez des questions comme toujours pertinentes qui vont permettre
11 d'achever le débat très rapidement.
12 Revérifiez vos chiffres, notamment ceux du tableau général.
13 Revérifiez-les quand même, ce n'est pas tout à fait exact. C'est
14 certainement une erreur de calcul. Simplement, c'est un calcul un peu
15 sinistre que l'on fait là. Ce n'est pas plaisant. J'en profite pour dire
16 qu'on vient de rendre hommage à tous ces morts, de quelque bord qu'ils
17 soient, que ce soit du bord musulman ou du bord croate. A cet égard, je
18 crois qu'au Tribunal international un mort de quelque nationalité qu'il
19 soit est autant considéré.
20 Je vais peut-être vous poser une deuxième question : est-ce que
21 vous connaissiez avant de venir témoigner... Vous m'entendez ? Est-ce que
22 vous m'entendez bien ?
23 M. Mlivoncic (interprétation). - Je vous entends.
24 M. le Président. - Est-ce que vous connaissiez le nom des
25 villages qui font l'objet de l'acte d'accusation, qui figurent dans l'acte
Page 16004
1 d'accusation ? Est-ce que le conseil de la défense a pu vous indiquer ?
2 M. Mlivoncic (interprétation). - Dans la plupart de ces
3 endroits, dans ces villages, j'y suis allé quand j'étais jeune. Je
4 marchais beaucoup à l'époque. Après j'y suis retourné. J'ai des
5 expériences très agréables qui sont liées à ces villages, des rencontres.
6 M. le Président. - Je ne vous parle pas d'expériences agréables.
7 Nous ne parlons pas de choses agréables ici.
8 Je voulais savoir simplement si, lorsque vous vous êtes préparé
9 à venir déposer, on vous a donné la liste des villages et des villes où
10 l'accusation estime qu'il y a eu des morts d'hommes, de femmes, d'enfants
11 et de combattants ?
12 Et ma question est celle-ci : est-ce que vous avez pu regarder
13 s'il avait des morts croates ? Je prends par exemple le village d'Ahmici,
14 est-ce que ce village a fait l'objet de votre étude ?
15 M. Mlivoncic (interprétation). - Je n'ai reçu aucune suggestion
16 de personne. Je suis allé à Ahmici, mais pas au moment où le crime a été
17 commis, j'y suis allé plus tard. J'y suis allé au moment...
18 M. le Président. - Excusez-moi, nous ne nous comprenons pas. Je
19 voudrais savoir si, lorsque vous vous êtes préparé à venir ici, vous avez
20 eu la curiosité de comparer les villages pour lesquels l'accusation estime
21 qu'à la suite des combats, il y a eu des morts musulmans, avec les
22 villages pour lesquels vous avez fait votre statistique des morts
23 croates ? Est-ce que vous comprenez bien ma question ? Par exemple,
24 Nadioci, je pense que de Nadioci, vous vous en êtes occupé. Mais j'allais
25 vous poser la question sur d'autres villages. Est-ce que vous vous êtes
Page 16005
1 préparé à cela ou pas du tout ?
2 M. Mlivoncic (interprétation). - Non, non. Concernant ce que
3 j'ai écrit dans le livre, j'ai considéré que je pourrais me servir des
4 données qui étaient dans ce livre, vous comprenez ! Mais, par ailleurs,
5 dans mon travail de recherches, je me suis rendu dans ces villages
6 depuis 1994. J'ai été à Vares en 1994, quelques mois après les problèmes.
7 M. le Président. - Je comprends. Mais bien que vous ne disposiez
8 pas des documents, est-ce que vous vous êtes, à un moment donné, posé une
9 question d'ordre comparatif ? Ceci permettrait aux Juges, évidemment, de
10 se faire une meilleure idée de l'ampleur de la catastrophe humanitaire qui
11 a eu lieu dans cette région.
12 Par exemple, quand vous allez à Vitez, quand vous allez à
13 Kiseljak, dans les
14 municipalités de Vitez et de Kiseljak, est-ce que vous ne vous concentrez
15 que sur les morts croates ? Ou vous êtes-vous posé la question de savoir
16 s'il y avait eu un nombre de morts très important, plus important, moins
17 important de l'autre côté ? Ou bien est-ce que cela n'a pas fait l'objet
18 de votre curiosité ?
19 M. Mlivoncic (interprétation). - Les victimes musulmanes, je
20 n'en n'ai eu connaissance que lorsque j'en ai entendu parlé dans des
21 conversations. Ce n'était pas le sujet de ma recherche, de mon enquête, de
22 mon investigation. Je ne me suis jamais laissé aller à tenter de savoir
23 qui avait subi un nombre supérieur ou inférieur de victimes, parce que
24 cela, à mon avis personnel, est sans intérêt dans le cadre d'un travail de
25 ce genre, s'il n'y a pas confirmation scientifique. J'ai donc évité une
Page 16006
1 telle comparaison ou une telle affirmation.
2 J'ai comparé les chiffres relatifs aux personnes déplacées et
3 aux réfugiés, aux exilés réfugiés parce que ces deux chiffres sont des
4 chiffres exacts, n'est-ce pas ! Je me suis servi de documents bosniens qui
5 affirment que 50 000 Musulmans Bosniens de territoires sous contrôle du
6 HVO se sont transformés en réfugiés au cours de ce conflit. C'est le seul
7 élément que j'ai vérifié.
8 M. le Président. - Dans le milieu professionnel que vous
9 fréquentez, est-ce que vous avez eu connaissance d'ouvrages semblables qui
10 seraient écrits sur les morts de l'autre camp, ou pas du tout ?
11 M. Mlivoncic (interprétation). - De façon générale et globale,
12 non. Mais il existe des éléments partiels comme il en existe au sujet des
13 victimes dans certaines municipalités, par exemple la municipalité de
14 Konjic, les Croates de Konjic ont effectué leur propre recherche qui est
15 incluse ici, etc.. Mais une recherche globale relative aux victimes
16 musulmanes et dues à des actions croates, il n'en existe pas, en tout cas
17 pas à ma connaissance.
18 M. le Président. - Je vais vous poser une dernière question, qui
19 est très simple. Cet ouvrage que vous avez écrit, où a-t-il été imprimé ?
20 L'imprimature a été donnée, en quelque
21 sorte, en Croatie ou en Bosnie ?
22 M. Mlivoncic (interprétation). - En Croatie ! C'est la société,
23 la maison d'édition Napredak de Split qui a publié ce livre. Moi, je vis à
24 Split. Il est donc normal que j'aie utilisé cette maison d'édition. Sinon,
25 il y en a bien sûr d'autres. Le siège est à Sarajevo.
Page 16007
1 M. le Président. - Le gouvernement croate s'est-il intéressé à
2 vos travaux d'une façon ou une autre ?
3 M. Mlivoncic (interprétation). - Ça, je ne saurais le dire. Nous
4 avons vécu la promotion de mon ouvrage à Split. C'est le Pr Separovic qui
5 a effectué la promotion de mon livre, c'est quelqu'un de très connu, ainsi
6 que Nikola Skobic, un avocat de Mostar, qui fait partie de la commission
7 qui étudie les crimes de guerre en Herceg-Bosna. Donc, cet ouvrage a été
8 publié. L'information selon laquelle le livre existe a été répandue. Les
9 journaux en ont parlé ; à la télévision, la promotion s'est faite
10 également, de sorte que pas mal de gens savent que ce livre existe.
11 M. le Président. - Je crois que, comme vous l'a dit M. le Juge
12 Shahabuddeen, le Tribunal vous décerne de grandes félicitations -c'est un
13 sujet qui est vraiment très complexe- et vous exprime sa gratitude pour
14 être venu expliquer le sens et la portée des travaux que vous avez
15 entrepris dans un sujet aussi douloureux. Il va donc vous souhaiter un bon
16 retour chez vous. L'huissier va vous raccompagner.
17 Je vais demander que nous fassions un très court huis clos pour
18 faire le point chiffré de nos travaux et savoir comment nous allons
19 reprendre au mois de janvier.
20 Merci, Monsieur Mlivoncic.
21 M. Mlivoncic (interprétation). - Moi aussi, je vous remercie.
22 M. le Président. - Huis clos partiel, bien sûr.
23 Monsieur le Procureur, vous aviez des pièces à déposer peut-
24 être, c'est cela ?
25 M. Harmon.(interprétation) - Monsieur le Président, rapidement,
Page 16014
1 il y a un point
2 que j'aimerais évoquer en huis clos partiel qui porte directement sur le
3 procès avant que nous parlions de questions d'intendance. Mais je demande
4 un huis clos partiel. Il s'agit d'un élément de preuve qui a été versé au
5 dossier plus tôt dans la semaine.
6 (L'audience se poursuit à huis clos partiel)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 16015
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Pages 16015 – 16030 expurgées en audience à huis clos partiel
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25 L'audience est levée à 18 heures 20.