Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 Tihomir BLASKIC

7 Lundi 15 février 1999

8

9 L’audience est ouverte à 14 heures 15.

10 M. le Président. - Bonjour. Veuillez vous asseoir. Faites entrer

11 l'accusé, s'il vous plaît.

12 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

13 Je n'ai pas mon dossier qui devrait être amené sur le pupitre.

14 D'abord, je voudrais savoir si les interprètes m'entendent ?

15 La Cabine. – Bonjour, Monsieur le Président. Tout à fait.

16 M. le Président. - Je salue le bureau du Procureur, de la

17 Défense, l'accusé. Je souhaite la bienvenue à notre collègue et ami, le

18 juge Ramiro Rodrigues et lui témoigne toute notre gratitude, car depuis

19 quelques jours qu’il sait qu’il doit remplacer le Juge Riad, il a accompli

20 un travail titanesque pour essayer d'être aujourd'hui en pleine capacité

21 -je dis bien en pleine capacité- comme juge à part entière pour le procès

22 de M. Blaskic. Je voudrais en même temps vous donner de bonnes nouvelles

23 du Juge Riad qui se remet le mieux possible, autant que l’on puisse se

24 remettre après une opération aussi importante.

25 Nous allons poursuivre nos travaux avec une petite surprise pour

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1 les Juges. Je me tourne vers la défense. Maître Hayman doit savoir ce que

2 je vais lui dire. Nous sommes un peu étonnés parce que nous pensions

3 commencer avec l'audition de l'accusé. Or le juriste de la Chambre, qui

4 n’est pas là pour quelques jours, m'a fait savoir -et d’ailleurs, vous

5 nous l’avez fait connaître par un mémo- que nous entendrions d'abord un

6 certain nombre d’autres témoins. Nous n'allons pas revenir trop longuement

7 sur cet aspect des choses, mais la dignité de la justice, -vous le savez

8 Maître Hayman- c’est que lorsque les Juges ont le sentiment, ils peuvent

9 se tromper, mais lorsqu'ils ont le sentiment que quelque chose a été

10 décidé par les trois Juges, en général, il convient que nous restions sur

11 ce qui avait été décidé. Voilà ce que nous voulions dire. Maître Hayman,

12 voulez-vous ajouter quelque chose ?

13 M. Hayman.(interprétation) - Monsieur le Président, Messieurs

14 les Juges, monsieur le Juge Rodrigues, je voudrais vous demander de

15 m'excuser s’il y a eu de ma part un défaut de communication, car ce que

16 j'ai essayé de dire aux Juges lors de la conférence de mise en état du

17 12 janvier 1999, c’est qu’au cours des jours qui restaient, nous avions

18 encore neuf témoins à entendre. C'est après l'audition de ces neuf témoins

19 que nous pensions entendre le général Blaskic.

20 Ensuite, j’ai parlé de problèmes logistiques en disant que je ne

21 savais pas si les deux derniers témoins pourraient être entendus après ou

22 avant l'audition de M. Blaskic. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à

23 entendre les neuf témoins qu’il nous restait à entendre au cours des jours

24 de procès qui nous restaient, à savoir si je ne m’abuse, sept jours qui

25 devaient nous amener à la date du 12 janvier.

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1 Donc, telle était la nature de nos intentions. Maintenant, s’il

2 y a eu de ma part un défaut de communication suffisamment efficace, je

3 vous demande de bien vouloir m'excuser.

4 M. le Président. - Bien entendu, Maître Hayman, vous êtes

5 excusé. Mais je voudrais simplement vous dire que si j’avais été le seul à

6 m’égarer dans cette voie et qu’aujourd’hui, l’accusé devait commencer à

7 témoigner pour les 35 heures prévues pour la défense, je concevrais tout à

8 fait, -je suis un être humain, je ne suis pas un être d'une espèce

9 particulière : quand je me trompe, je dis que je me trompe-. Ce n’est pas

10 cela. J'ai pu interroger un peu tous les acteurs. N'allez pas chercher le

11 transcript. Je vous en prie. Nous ne trouverons pas dans le transcript

12 très exactement la phrase que nous ne commencerions pas par l’accusé et

13 que nous commencerions par les neuf témoins.

14 Mais l'ensemble de notre conversation lors de la dernière

15 conférence de mise en état, en tout cas son esprit, était qu'il fallait

16 remplacer, que l'accusé consentait de remplacer, dans un délai très

17 rapide, le Juge Riad parce qu'il fallait laisser un temps suffisant, jugé

18 d'une huitaine de jours, que nous avons ensuite discuté pour savoir si ce

19 8 pouvait être un 15 février. Oui, oui Monsieur l'Huissier, vous pouvez

20 m'apporter mon dossier. Je pense que l'esprit de la conversation entre

21 nous -c'était une conversation de très bon niveau- était que le

22 général Blaskic avait besoin d'avoir une date fixe, qu'elle ne soit pas

23 trop proche, qu'il ait le temps de se préparer.

24 Nous avons discuté à plusieurs reprises, à savoir si c'était le

25 8 ou le 15 février, le 15 était le dernier délai, la dernière date fixée.

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1 Je suis moi-même allé voir Mme Mc Donald, Présidente du Tribunal, pour lui

2 demander, après toute une série de considérations, d'un mémoire que j'ai

3 fait, pour justifier la position de la chambre, etc., afin de faire en

4 sorte que l'accusé soit fixé sur la date de dépôt.

5 S'il y a eu malentendu, il y a eu malentendu. Il n'est pas

6 question de vous interdire, Maître Hayman, d'entendre les témoins.

7 Simplement, tout ce qui retarde le procès est préjudiciable d'abord à

8 votre client et à l'œuvre de justice que nous accomplissons tous. D'autant

9 que mes deux collègues sont lourdement chargés par ailleurs. Nous sommes

10 en train

11 de mettre au point le nouveau calendrier. Le Juge Shahabuddeen,

12 vice-président du Tribunal, outre sa charge de vice-président, est très

13 chargé par la Chambre d'appel, de plus en plus chargé par la Chambre

14 d'appel.

15 Je suis obligé de tenir compte du calendrier du Juge Rodrigues.

16 Le Juge Riad avait le même emploi du temps que le Juge Jorda. Maintenant,

17 nous sommes obligés de tenir compte d'une autre affaire pendante devant la

18 Chambre que préside le Juge Rodrigues.

19 Nous allons en rester là. Il ne s'agit pas d'en dire davantage.

20 Dans ces conditions, vous allez nous rappeler quels sont les témoins que

21 vous allez nous présenter. Sont-ils protégés d'abord ?

22 M. Hayman (interprétation). - Les témoins à entendre aujourd'hui

23 n'ont pas demandé de mesure de protection, Monsieur le Président.

24 Je puis dire à vous-mêmes et aux Juges qui vous accompagnent,

25 que nous sommes à la veille de la déposition de l'accusé. Nous pensons que

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1 cette déposition pourrait commencer demain ou mercredi. Eu égard à ce qui

2 a été dit il y a quelques instants et à la nécessité d'une certaine

3 certitude quant à la date de démarrage de la déposition de l'accusé, nous

4 pensons que c'est bien la situation que nous avons décrite. Nous sommes

5 toujours dans cette situation.

6 Nous vous remercions, Monsieur le Président, Messieurs

7 les Juges, et notamment vous-même, Monsieur le Juge Rodrigues, d'avoir

8 bien voulu accepter le remplacement du Juge Riad de façon à permettre le

9 suite du procès dans des conditions habituelles.

10 Aujourd'hui, nous entendrons Martin Bell. Il est député de la

11 Chambre des communes de la Grande-Bretagne. C'est un journaliste qui a

12 travaillé à la BBC. Il a travaillé en qualité de correspondant de guerre

13 pendant quelque temps.

14 M. le Président. - Cette fois-ci, je vais prendre mes

15 précautions.

16 Vous prévoyez combien de temps pour l'interrogatoire principal

17 parce que cela va conditionner le temps du contre-interrogatoire ?

18 Combien de temps prévoyez-vous pour l'interrogatoire principal

19 de M. Martin Bell ?

20 M. Hayman (interprétation). - J'estime son audition à une heure.

21 M. le Président. - Ecoutez, il est 14 heures 25, vous aurez

22 terminé à 15 heures 25. Nous verrons si nous ferons une pause ou non, mais

23 le contre-interrogatoire sera d'une heure au maximum.

24 Nous pouvons maintenant introduire le témoin M. Martin Bell.

25 (Le témoin est introduit dans le prétoire).

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1 M. le Président. - Bonjour Monsieur. Vous m'entendez ?

2 M. Bell (interprétation). - Oui.

3 M. le Président. – Vous restez debout. Vous donnez vos nom,

4 prénom, profession, date et lieu de naissance et, ensuite, vous prêterez

5 serment.

6 M. Bell (interprétation). - Je suis né en Angleterre, en Grande-

7 Bretagne, le 31 août 1938. J'ai travaillé pendant plus de 34 ans à la BBC.

8 Aujourd'hui, je suis député indépendant à la Chambre des communes.

9 M. le Président. – Vous restez debout encore quelques instants

10 et vous prêtez serment selon la formule que vous tend l'huissier.

11 M. Bell (interprétation). - Je déclare solennellement que je

12 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président. – Merci, monsieur Martin Bell. Vous pouvez vous

14 asseoir. Le Tribunal vous remercie.

15 Nous allons vous appeler M. le député. Monsieur le député, je

16 vous remercie d'être venu à la demande de la défense, dans le cadre du

17 procès intenté devant le Tribunal Pénal International contre le général

18 Blaskic, colonel à l'époque des faits, accusé ici présent, sur votre

19 gauche.

20 Vous connaissez certainement les usages judiciaires n'est-ce

21 pas ? Dans votre pays, ce sont à peu près les mêmes. Vous répondrez

22 d'abord à l'interrogatoire principal de Me Hayman, puis aux questions du

23 Procureur et, éventuellement, aux questions que souhaiteront vous poser

24 les Juges. Vous avez la parole, Maître Hayman.

25 M. Hayman (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

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1 Bonjour, monsieur Bell.

2 M. Bell (interprétation). - Bonjour.

3 M. Hayman (interprétation). - De façon à fournir quelques

4 détails complémentaires quant à votre personnalité, pourriez-vous dire aux

5 Juges quand votre carrière à la BBC s'est arrêtée et quand vous avez

6 commencé votre carrière politique ?

7 M. Bell (interprétation). – Ma carrière à la BBC s'est arrêtée

8 le 5 avril 1997, date à laquelle j'ai reçu une demande assez inattendue de

9 me présenter en tant que candidat à la députation, indépendant, en Grande-

10 Bretagne. J'ai donc démissionné de la BBC et j'ai gagné aux élections. Je

11 suis aujourd'hui député indépendant.

12 M. Hayman (interprétation). – Quel travail accomplissiez-vous

13 pour la BBC en qualité de journaliste ?

14 M. Bell (interprétation). – Au début, comme c'est toujours le

15 cas, j'ai accompli toutes sortes de tâches. A partir de 1990, notamment,

16 autrement dit au cours du troisième tiers de ma carrière, je me suis

17 consacré pratiquement à temps plein à la couverture de la guerre du Golfe,

18 puis à la couverture des guerres en Slovénie, Croatie et Bosnie.

19 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous reçu des décorations au

20 cours de votre carrière de journaliste ?

21 M. Bell (interprétation). – Oui, j'ai reçu l'OPE, une décoration

22 de la Reine, qui m'a été remise par la Reine en 1993 ; également deux

23 récompenses de mon association professionnelle, la Télévision royale.

24 M. Hayman (interprétation). - J'aimerais vous montrer des

25 articles de presse. Je demanderai aux techniciens de bien vouloir répartir

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1 cette présentation en plusieurs séquences de façon à me permettre de vous

2 poser des questions après chaque séquence.

3 Monsieur le Président, messieurs les Juges, il s'agit de

4 séquences vidéo d'émissions de la BBC, dont certaines comportent une date

5 sur l'écran, une date imprimée au moment de la diffusion ; d'autres ne

6 comportent pas cette date. Lorsqu'elle ne figure pas sur l'écran, je

7 demanderai au témoin d'identifier la période durant laquelle se situe le

8 rapport en question.

9 La première séquence est accompagnée d'une date qui est celle du

10 9 juin 1993. Je demanderai aux techniciens de bien vouloir diffuser la

11 première séquence. Je demanderai aux interprètes de tenter de nous donner

12 une interprétation de la bande son qui accompagne ces images.

13 (Projection d'une vidéo.)

14 "Les combats se sont poursuivis au cours de la nuit dans la

15 ville de Travnik et aux alentours, entre Musulmans et Croates. Nous

16 entendons maintenant le rapport de notre correspondant sur les lieux.

17 Question (interprétation). - Juste un bonjour.

18 Réponse (interprétation). - Bonjour.

19 Question (interprétation). - Pourriez-vous nous donner une idée

20 de l'importance des atrocités que l'on suspecte les Musulmans d'avoir

21 commises à Travnik ?

22 Réponse (interprétation). - Il y a deux choses à dire à ce

23 sujet. D'abord que, lorsque ce genre de combat se produit dans des

24 villages, des combats qui opposent des gens qui ont des comptes à régler

25 les uns avec les autres, il est franchement permis de s'attendre, sur la

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1 base des expériences accumulées ces dernières années, que des atrocités

2 vont être commises. En d'autres termes, il est peu probable que les

3 combats s'arrêtent si ces hommes se retrouvent les uns près des autres.

4 La deuxième remarque à faire, deuxième aspect encore plus

5 difficile de la question, c'est que les troupes britanniques, des

6 personnalités indépendantes présentes sur les lieux, ont narré un certain

7 nombre de choses. Ces soldats disent qu'ils ont vu des civils s'enfuir

8 vers la forêt et des soldats tirer sur ces civils.

9 Le problème n'est pas de savoir combien de personnes ont été

10 touchées, mais il réside dans la tentative de blesser des civils.

11 Deux cents croates ont tenté de se réfugier dans une église. Que

12 leur est-il arrivé ?

13 Réponse (interprétation). - Le commandant de la région est

14 intervenu personnellement. Il s'est adressé aux commandants, musulman et

15 croate, pour tenter d'obtenir un accord quant au fait que les deux cents

16 civils gardés par les troupes de l'ONU en ce moment pourraient partir en

17 toute sécurité. Mais les soldats ont l'intention de rester avec ces civils

18 toute la nuit. Apparemment, rien ne bouge.

19 C'est ce que nous avons cru comprendre jusqu'à présent.

20 Justin, merci beaucoup, dit le reporter."

21 M. le Président. - Je suis désolé pour les interprètes, je n'ai

22 vraiment pas pu faire ralentir les journalistes de la BBC. Merci parce que

23 vous êtes allés très vite.

24 L'interprète. – Merci, Monsieur le Président.

25 M. Hayman (interprétation). – D'abord, monsieur Bell, qui est

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1 Justin Webb ?

2 M. Bell (interprétation). – Justin Webb, à ce moment-là, était

3 un journaliste de la BBC. Il occupait les mêmes fonctions que moi. Je

4 pense qu'il travaille toujours pour la BBC aujourd'hui. Mais, avec toute

5 sagesse, il a choisi à présent de ne plus travailler en tant que reporter

6 de guerre, mais dans un poste stable.

7 M. Hayman (interprétation). – Cette émission était-elle une

8 émission diffusée par la BBC ?

9 M. Bell (interprétation). – Oui, c'était une émission

10 d'information du matin.

11 M. Hayman (interprétation). – Je demanderai maintenant que l'on

12 diffuse la deuxième séquence qui comporte une date sur l'écran, la date du

13 16 août 1993.

14 (Projection d'une vidéo.)

15 "Les combats en Bosnie centrale sont aussi violents que

16 d'habitude. Ils opposent les Croates et les Musulmans. Les Croates

17 réfutant les accusations portées. Les Croates refusent la coopération avec

18 les forces de l'ONU car ils estiment que la démilitarisation du village de

19 Nova Bila, en Bosnie centrale, leur est préjudiciable.

20 Les Croates sont au centre de la tension actuellement. Nous

21 sommes ici à 1 mile de la ligne de front et des villages ont été conquis

22 lors des combat récents. L'hôpital est le seul disponible aux

23 120 000 Croates qui résident en Bosnie centrale. Ces Croates sont

24 encerclés depuis trois mois. Le chirurgien principal explique la situation

25 en Bosnie centrale. Il existe que les Musulmans contrôlent les deux

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1 véritables hôpitaux de Zenica et de Travnik et qu'il y a des victimes

2 musulmanes, mais que la situation des Croates ici est pire que celle des

3 Musulmans à Srebrenica.

4 Ceci n'est pas un véritable hôpital, c'est une église

5 transformée en hôpital où manquent tous les équipements les plus

6 élémentaires, notamment pour traiter les cas les plus graves. Le médecin

7 estime que deux personnes sont mortes qui auraient pu être sauvées. Il n'y

8 a pas assez d'oxygène, une seule bouteille reste et ils utilisent en

9 remplacement de l'air comprimé.

10 Ce médecin signale que la situation est catastrophique et qu'à

11 chaque opération, on peut se demander ce qui va se passer.

12 Ici arrive un soldat gravement blessé à la tête par un obus sur

13 la ligne de front. L'oxygène ne sera pas utilisé pour ce soldat, il sera

14 conservé pour des opérations plus graves. Il n'y a suffisamment d'oxygène

15 que pour deux opérations.

16 Voilà l'un des effets du siège parmi d'autres.

17 Des enfants blessés par un obus à Vitez, la semaine dernière,

18 ont été amenés à cet hôpital, deux ont été amputés. Ils sont toujours ici.

19 Voilà quelle est la situation à Sarajevo. Il n'y a pas de pitié

20 pour les civils à cet endroit. Les Croates sont abandonnés et en danger.

21 Ils sont réduits à se rendre dans la dernière hôpital de la dernière

22 enclave et c'est un des problèmes qui sera posé à Genève car ici le

23 problème est bien un problème de vie ou de mort.

24 Martin Bell, Nova Bila, BBC."

25 M. Hayman (interprétation). – Est-ce une émission qui a été

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1 diffusée par la BBC ?

2 M. Bell (interprétation). – Oui.

3 M. Hayman (interprétation). – La séquence suivante ne comporte

4 pas de date sur l'écran, je vous demanderai de garder cela à l'esprit et

5 de nous aider à rétablir cette diffusion dans le temps. Peut-on passer la

6 troisième séquence à présent.

7 (Projection d'une vidéo)

8 "Village de Baca avec attaque d'infanterie.

9 Le cessez-le-feu devait entrer en vigueur à midi, qu'en est-il ?

10 Réponse (interprétation). - L'accord a été conclu, mais il n'a

11 pas été respecté, voilà donc ce qui se passe.

12 Question (interprétation). - Qu'est-il possible de faire à cet

13 égard ?

14 Réponse (interprétation). - Comme d'habitude, ce que l'on peut

15 faire c'est rendre compte des violations du cessez-le-feu au niveau du

16 commandement suprême de façon que des mesures soient éventuellement prises

17 à ce niveau.

18 Question (interprétation). - Cela n'a pas été fait et,

19 aujourd'hui, la situation ressemble à la situation classique avant les

20 pourparlers de paix, chacun s'accrochant au territoire qui l'a conquis .

21 Ce n'est pas une attaque majeure des Croates selon eux, c'est une attaque

22 majeure de la part des Musulmans qui sont censés avoir pour but de chasser

23 les Croates dans l'ensemble de la vallée. Le plan d'évacuation des

24 46 Croates blessés de l'hôpital de Nova Bila qui a été improvisé. L'église

25 a été la première victime de cette attaque.

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1 Ce plan avait été autorisé par les Nations Unies, mais au moment

2 de son application, les coups de mortier ont commencé.

3 A une centaine de mètres de l'hôpital, le commandement des

4 Nations Unies a décidé que le plan d'évacuation était trop dangereux. Un

5 peu plus tard, lorsque les combats se sont calmés, à 600 pieds d'altitude,

6 des avions ont survolé la zone. Ici, ce sont des combats entre Musulmans

7 et Croates. Mais les Croates encerclés depuis cinq mois tentent de se

8 libérer.

9 Martin Bell, Bosnie centrale, BBC."

10 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai si c'est bien

11 une émission que vous avez adressée à la BBC ?

12 M. Bell (interprétation). - Oui.

13 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous aider les Juges, ainsi

14 que nous tous ici, en situant cette émission dans le temps ?

15 M. Bell (interprétation). - Cela a été fait dans les propos

16 tenus dans l'émission. Cela s'est déroulé cinq jours après le début des

17 combats. Les combats ont commencé à la mi-avril. Je suis retourné à

18 Mostar, à la mi-septembre. Je pense que cette émission doit se situer à la

19 fin du mois de septembre 1993.

20 M. Hayman (interprétation). - La séquence suivante n'a toujours

21 pas de date inscrite à l'écran. Je vous demanderai de bien regarder avec

22 attention pour pouvoir nous situer cette séquence dans le temps. Je

23 propose que l'on diffuse à présent la séquence suivante.

24 (Projection de la vidéo)

25 "Si les combats ici ne peuvent pas être arrêtés, les

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1 dispositions prises pour mardi seront dépourvues de sens. Des hommes

2 circulent dans tous les sens dans la vallée de la Bosnie. Les troupes

3 britanniques veulent maintenir la paix. Ils rendent compte des violations

4 des accords de cessez-le-feu. Un obus est tombé à 100 mètres de cette zone

5 et a forcé les soldats de l'ONU à rebrousser chemin.

6 Nous n'avons pas moyen d'avancer, le feu couvre la totalité de

7 la zone. Les coups sont rendus de part et d'autre. Les forces de défense

8 des Croates bosniaques tirent sur un village situé en face. La dernière

9 chance de cessez-le-feu était l'accord conclu cet après-midi, mais cet

10 accord dans la réalité ne semble pas exister. Regardez là-bas, en haut,

11 des coups de feu continuent à être tirés.

12 Les commandants locaux de la région continuent à mettre en œuvre

13 le plan qu'ils avaient prévu au départ en espérant pouvoir l'emporter sur

14 la partie adverse. Voilà ce qui se passe dans la réalité.

15 Information de la BBC au-dessus de Busovaca en Bosnie."

16 M. Hayman (interprétation). - Est-ce une émission que vous avez

17 tournée pour la BBC en Bosnie ?

18 M. Bell (interprétation). - Oui.

19 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous aider les Juges en

20 situant cette émission dans le temps ?

21 M. Bell (interprétation). - Je me rappelle bien cette séquence,

22 je dirai qu'elle se situe à la fin septembre, début octobre 1993.

23 Je m'en souviens car c'est un jour où une patrouille

24 particulière a été réalisée.

25 M. Hayman (interprétation). - Séquence suivante.

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1 (Projection vidéo)

2 "La ligne de front se trouve effectivement dans la ville à ce

3 niveau. Les Croates ont des problèmes de vie quotidienne très dure ici,

4 avec la pénurie en eau habituelle. Le mortier, l'artillerie et

5 l'infanterie sont utilisés pour attaquer. Trois blessés ont été faits

6 parmi les Croates qui sont basés dans cet hôtel de Travnik. La défense est

7 désespérée. Dans l'obscurité, les défenseurs essaient de cibler leur

8 attaque. C'est l'un des nombreux cessez-le-feu unilatéraux qui a été

9 violé, qui ne signifie pas grand-chose ici.

10 Les Croates essayent de changer la situation dans laquelle ils

11 se trouvent depuis dix jours. Un homme parle : c'est mon pays ici, et je

12 ne sais pas exactement ce qui va lui arriver. J'ai mon fusil ; il y a de

13 l'artillerie lourde. Les Croates sont séparés par une centaine de mètres à

14 peine des Musulmans. Si Novi Travnik tombe, la ligne de front repassera

15 par la voie de communication qui permet l'acheminement des secours

16 humanitaires. Les forces de l’ONU sont restées à l’écart. Ce combat se

17 déroule et a une issue incertaine.

18 Martin Bell, BBC, Novi Travnik."

19 M. Hayman (interprétation). - Monsieur Bell, est-ce une émission

20 que vous avez tournée à l'intention de la BBC en Bosnie ?

21 M. Bell (interprétation). - Oui.

22 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous situer cette émission

23 dans le temps ?

24 M. Bell (interprétation). - C'était un peu plus tard. Le temps

25 avait commencé à changer. Je situerai cette émission au mois d'octobre 93.

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1 M. Hayman (interprétation). - Peut-on maintenant diffuser la

2 séquence n° 6 ?

3 (Présentation de la vidéo).

4 L'attaque musulmane masquée par les bois environnants est une

5 attaque 'encerclante' par l’artillerie en provenance de trois directions.

6 Au nord, les Croates résistent férocement dans la vallée en contrebas mais

7 ils ont été pris par surprise. Ce sont les combats les plus importants

8 qu’il y a eu ici depuis trois semaines. Malgré tous les signes de

9 l’offensive musulmane, au nord et au sud de Vitez, la défense croate est

10 désespérée. Les troupes britanniques sont à moins d’un mile des combats.

11 Ils restent à l'écart. Un grand nombre de personnes ne peuvent pas se

12 permettre ce luxe car si la ville tombe, ils vont devoir partir. Donc les

13 combats se dérouleront au porte à porte, lorsque les deux parties se

14 rapprocheront. Les

15 attaquants sont identifiés comme des Moudjahidin venant de l’étranger.

16 Ces Croates les tiennent à distance. C’est une attaque qui se

17 poursuivra dans la soirée. L'assaut principal est encore à venir et

18 portera au niveau de la ligne de front.

19 Martin Bell, BBC, Vitez."

20 M. Hayman (interprétation). - S'agit-il là d'un reportage que

21 vous avez tourné à Vitez pour la BBC ?

22 M. Bell (interprétation). - Oui.

23 M. Hayman (interprétation). - Il semble que vous fassiez

24 référence à l'hiver qui s’approchait à l’époque. Quand se reportage a-t-il

25 été tourné ? Dans quelle année ?

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1 M. Bell (interprétation). - Il s'agissait de l’automne 1993 ; je

2 suppose qu’il s’agissait du mois d’octobre.

3 M. Hayman (interprétation). - Peut-on passer à la séquence 7 ?

4 (Présentation de la vidéo).

5 Les Croates de Bosnie se retirent vers la ligne de front, vers

6 Vitez. Tout homme en âge de combattre et d’âge militaire a été recruté

7 pour ce que les dirigeants voient comme étant la bataille cruciale et

8 décisive. L'officier dit que la situation est un peu désespérée : pour le

9 deuxième jour successif, ils ont repoussé une attaque musulmane

10 d'infanterie. C'est un style de combats à partir des tranchées. Les uns et

11 les autres se tirent dessus même s'ils sont à portée de grenade des

12 ennemis, les Musulmans. Darko Kraljevic, le commandant des Croates est

13 recherché par les Bosniaques, mort ou vif. Au cours des mois derniers, de

14 nombreuses personnes ont été blessées, à part une seule personne. Je lui

15 ai posé la question. Nous devons nous défendre ; je ne vois pas d'autres

16 choses à dire.

17 La messe est célébrée dans le village environnant de Nova Bila

18 dans l’église de l'esprit saint. C'est également un hôpital de fortune. Il

19 y a soixante blessés de guerre ici, et le nombre ne cesse d’augmenter. Il

20 y a encore des négociations en cours.

21 Martin Bell, BBC."

22 M. Hayman (interprétation). - S'agit-il d'un reportage tourné à

23 Vitez pour la BBC ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui.

25 M. Hayman (interprétation). - A quelle époque ?

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1 M. Bell (interprétation). - A la même époque. Il s’agit de

2 l’automne 1993.

3 M. Hayman (interprétation). - Peut-on passer à la séquence 8,

4 s'il vous plaît.

5 (Projection vidéo).

6 "Pas de Noël à Krizancevo. Les Croates défendent les maisons,

7 maison par maison. Les Croates perdent, les civils sont partis. A quelques

8 centaines de mètres, on voit des soldats de l'armée de Bosnie du 3ème

9 corps. Il y a un an encore, les Croates se battaient ; ils avaient des

10 groupes de milice. Ce n'est plus le cas. Ici, on cherche à gagner du

11 territoire. Les Croates sont en nombre inférieur aux Musulmans et ils

12 doivent regagner des positions de snipers, en couvrant notamment des

13 positions sur des terrains surélevés.

14 En effet, les Croates voient leurs voies d'acheminement

15 menacées. Ceci créerait un avantage très certain pour les Musulmans. Les

16 réfugiés disent qu'ils ont fui les attaques musulmanes. Cette femme veut

17 regagner son village. Elle pense qu'il ne devrait pas y avoir d'accord de

18 paix avant de retourner dans son village. Personne n’attendait cela au

19 cours du cessez-le-feu de Noël.

20 Les Croates célèbrent la messe de Noël dans une église proche

21 que la guerre a transformé en hôpital. Ces hommes proviennent de la

22 bataille de Krizancevo. Les prêtres honorent la mémoire des morts et des

23 blessés des villages environnants. Un appel à l'aide est lancé d'une

24 communauté assiégée.

25 Correspondant de la BBC à Vitez."

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1 M. Hayman (interprétation). - Qui est ce correspondant, Humphrey

2 Hawksley ?

3 M. Bell (interprétation). - C'était un reporter de la BBC. Je

4 crois qu'il était basé à Hongkong, à l'époque. Il m'a remplacé au cours de

5 cette période de Noël 1993.

6 M. Hayman (interprétation). – Par conséquent, le reportage a été

7 filmé au cours de la période de Noël 1993-1994 ?

8 M. Bell (interprétation). - C'est exact.

9 M. Hayman (interprétation). – Peut-on passer la séquence 9 ?

10 Monsieur le Président, il y en a quinze au total ; nous en sommes donc aux

11 deux tiers.

12 M. le Président. – C'est vous qui décidez, qui choisissez les

13 séquences à présenter. Seulement, je vous rappelle que vous terminez à

14 15 heures 25.

15 (Projection Vidéo. )

16 "Ils ne sont plus au cours d'une mission de maintien de paix.

17 Maintenant, ils doivent creuser des tombes. Ils se trouvent ici sur un

18 charnier dans lequel 25 corps de Croates se trouvent. S'agissait-il de

19 civils d'un massacre ou de soldats tués au cours d'une bataille perdue.

20 C'était une tâche difficile. L'un d'entre eux a été tué par des moyens

21 inacceptables. Ils portaient des uniformes et ils présentent des blessures

22 qui auraient pu être causées au cours d'une bataille. Dans un corps à

23 corps, de telles blessures peuvent être tout à fait possibles. Il s'agit

24 là d'un signe de la brutalité de la guerre. Et on voit la situation qui

25 règne dans une enclave et la bataille dans laquelle les Musulmans sont

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1 supérieurs en nombre.

2 L'attaque suivante est considérée comme étant éminente. Il y a

3 peu, les soldats des Nations Unies peuvent faire peu de choses pour

4 arrêter cette bataille.

5 Martin Bell, pour la BBC, en Bosnie."

6 M. Hayman (interprétation). - Est-ce un reportage que vous avez

7 tourné pour la BBC ?

8 M. Bell (interprétation). - Oui.

9 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner la date

10 approximative de

11 ce reportage ?

12 M. Bell (interprétation). – C'était à la fin du mois de décembre

13 1993 ou au début du mois de janvier 1994.

14 M. Hayman (interprétation). - Il est fait référence à un

15 charnier, n'est-ce pas ? Où se trouvait ce charnier ?

16 M. Bell (interprétation). - Sur la route principale allant à

17 Poculica, se trouvant juste à l'endroit où la ligne de front se trouvait.

18 C'était un no man's land.

19 M. Hayman (interprétation). – Poculica se trouve sur la route

20 entre Vitez et Zenica, n'est-ce pas ?

21 M. Bell (interprétation). – Oui, sur la route du Nord, la

22 vieille route qui permet d'accéder à Zenica, oui.

23 M. Hayman (interprétation). – Peut-on passer la séquence 10,

24 s'il vous plaît ?

25 (Projection Vidéo.)

Page 16883

1 "L'attaque a commencé dans le brouillard. Les Croates n'ont pas

2 réussi à être relevés à temps et ils ont perdu beaucoup de terrain. Les

3 villages attaqués sont en fait une base pour le bataillon britannique et

4 le bataillon néerlandais. Des civils ont cherché refuge à cet endroit.

5 Les tirs se sont rapprochés et les membres des Nations Unies ont

6 essayé de donner refuge à des civils. C'est un vieux problème pour les

7 Nations Unies qui semblent aider la purification ethnique. Je ne pense pas

8 que c'est ce que nous faisons, non. Nous évitons à certains civils le

9 danger. Nous essayons de les transférer dans des zones plus sûres. Il y a

10 une enclave juste au centre de la ville, une enclave musulmane ; les

11 soldats qui avancent essayent de passer par cette zone.

12 Un enfant d'un an a été tué, trois jeunes enfants ont été

13 gravement blessés ; il y a encore des victimes civiles dans le no man's

14 land. Vitez même est bombardé et il est trop

15 dangereux de parvenir dans cette région.

16 Martin Bell, BBC à Vitez (Bosnie)."

17 M. Hayman (interprétation). - S'agit-il d'un reportage tourné

18 pour la BBC à Vitez ?

19 M. Bell (interprétation). - Oui.

20 M. Hayman (interprétation). - Il est question d'un village où se

21 trouve le bataillon de transports néerlandais. De quel village s'agit-il ?

22 M. Bell (interprétation). – Il s'agissait de Santici.

23 M. Hayman (interprétation). – Pouvez-vous nous donner la date à

24 laquelle a été tourné ce reportage ?

25 M. Bell (interprétation). - Je pense qu'il s'agit de la première

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1 semaine de janvier 1994.

2 M. Hayman (interprétation). – Peut-on passer la séquence 11,

3 s'il vous plaît ?

4 Vidéo.

5 "La crise s'intensifie avec l'hiver. Les gens en Bosnie centrale

6 n'ont reçu qu'un cinquième de la nourriture qui leur est nécessaire.

7 Aujourd'hui, pour le troisième jour, l'agence des organisations

8 humanitaires principales est fermée et la population est en colère. Ils

9 viennent de villages musulmans le long de la route. Ils n'ont reçu aucune

10 aide et n'ont plus de patience.

11 "Nous allons bloquer tous les convois jusqu'au moment où on nous

12 donne de la nourriture. Nous n'avons plus rien à manger."

13 Les soldats des Nations Unies ont essayé de maintenir la route

14 ouverte. Mais ils ont eu du mal à faire face à des barrières humaines.

15 Il y a eu également un certain nombre de camions qui ont essayé

16 de passer, qui transportaient du combustible. Ces camions également ont eu

17 du mal à passer. Bien entendu,

18 les convois de nourriture ne reçoivent pas le même traitement.

19 Les Nations Unies tentent de faire surveiller leurs convois mais

20 ils ne peuvent lutter contre une population désespérée. Il est assez clair

21 que tout convoi passant sur cette route va être pillé sur place. Mais ceci

22 entraîne également la famine chez plusieurs personnes, non seulement ici

23 mais également dans l'ensemble de la Bosnie centrale.

24 Martin Bell, Bosnie centrale, pour la BBC."

25 M. Hayman (interprétation). - S'agit-il d'un reportage que vous

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1 avez filmé pour la BBC à partir d'Opare, en Bosnie ?

2 M. Bell (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - A quelle période ? Au cours de

4 quelle saison ?

5 M. Bell (interprétation). - Il s'agit de la moitié de l'hiver.

6 Je pense qu'il s'agit donc de janvier 1994.

7 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges dans

8 quelle région se trouve Opare ? Pourquoi était-ce un passage très

9 important, permettant d'entrer et de sortir de Bosnie centrale ?

10 M. Bell (interprétation). - Ce village se trouvait au sud de

11 l'enclave croate de la Bosnie centrale. C'était l'axe principal utilisé

12 par les Britanniques de Split dans la vallée de Bosnie centrale. A

13 l'époque, c'était le seul axe disponible.

14 M. Hayman (interprétation). – Peut-on voir la séquence 12, s'il

15 vous plaît ?

16 (Projection Vidéo.)

17 "Tard dans la soirée, à 3 kilomètres du camp principal.

18 Les Croates avancent dans le village, pris il y a quelques jours

19 par les Musulmans. Il reprennent ce village, maison après maison. Les

20 Nations Unis passent sur cet axe principal. Il serait dangereux de se

21 rapprocher de ce village ; si c'était le cas, on verrait ce qui rend ce

22 conflit si impossible à régler. Il y a certaines images qu'il faut voir.

23 Dans cette maison qui

24 vient juste d'être reprise, on voit des corps de soldats à qui on a retiré

25 leurs uniformes et qui sont enchaînés. Vraisemblablement, ils ont été

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1 exécutés. Ceci fera l'objet de nouvelles allégations de crimes de guerre.

2 A l'extérieur et tout près du village en question, les Croates

3 et les Musulmans se font face, dans des conditions terribles, qui

4 rappellent la bataille de la Somme, au cours de la première guerre

5 mondiale.

6 Dans des conditions météorologiques difficiles, les soldats des

7 Nations Unies tentent de remplir leur mission, à savoir de protéger les

8 convois humanitaires. La question qui se pose est de savoir s'il faut

9 limiter les opérations parce que trop dangereuses ou s'il faut les

10 poursuivre pour sauver des vies qui seraient perdues en cas contraire.

11 C'est une décision difficile à prendre dans des conditions aussi

12 désespérées.

13 Martin Bell, BBC, Bosnie Centrale."

14 M. Hayman (interprétation). - Est-ce un reportage que vous avez

15 filmé pour la BBC en Bosnie ?

16 M. Bell (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Pouvez-vous nous donner l'époque à

18 laquelle ce reportage a été filmé ?

19 M. Bell (interprétation). – Eh bien, à l'époque de la bataille

20 de Santici, donc au début de janvier 1994.

21 M. Hayman (interprétation). – Nous ne l'avons pas très bien vu

22 sur cette copie, mais il est question de ces huit soldats qui ont été

23 enchaînés et exécutés. Des soldats de quelle armée ?

24 M. Bell (interprétation). - Du HVO. Il y a eu une attaque menée

25 par l'armée de Bosnie avant l'aube. L'armée de Bosnie a pris le village, a

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1 isolé la route et ces soldats ont été surpris dans ce qu'ils pensaient

2 être une maison sûre. Tout ce que nous savons, c'est que

3 lorsqu'ils ont été découverts, ils ont été attachés et tués par balles. Je

4 ne sais pas s'ils ont été maintenus prisonniers ou s'ils ont été enchaînés

5 directement et tués, mais toujours est-il que ces soldats ont été tués au

6 moment où la maison a été reprise.

7 M. Hayman (interprétation). – Peut-on diffuser la séquence 13,

8 s'il vous plaît ?

9 (Projection d'une vidéo.)

10 "Le pilonnage de Sarajevo s'est empiré. Il est question de cinq

11 personnes qui ont été tuées encore aujourd'hui. Autour de Vitez, où les

12 Musulmans se battent contre les Croates, les menaces ne sont pas

13 nécessaires, contre les Serbes. Cet après-midi, il y a eu des échanges de

14 tirs autour de la route principale, à l'est de Vitez. Les Musulmans ont

15 pris des positions croates importantes ; les Croates ont riposté mais

16 n'ont pas réussi à reprendre ces positions.

17 C'est un conflit qui n'entre pas dans les menaces de l'OTAN et

18 pourtant, le conflit tue beaucoup plus de personnes ici qu'ailleurs. Le

19 conflit se situe autour d'une quinzaine de maisons saisies par les

20 Musulmans. Les lignes de front sont très proches.

21 Ici, un Musulman se faufile entre deux maisons, au centre de

22 l'image, alors qu'un autre soldat se trouve juste à côté, de l'autre côté

23 de l'image.

24 Ce qui est tout à fait surprenant, c'est que du côté croate, les

25 civils ne parviennent pas à quitter leur maison ou à y revenir lorsqu'ils

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1 en sont partis.

2 J'ai pleuré tous ces jours et toutes ces nuits parce que je

3 voudrais rendre visite à ma fille et que je ne peux pas le faire. Les

4 Croates disent que les Musulmans utilisent des gaz lacrymogènes contre eux

5 maintenant. Cette guerre, qui dure déjà depuis huit mois, empire. Il n'y a

6 eu aucun communiqué ou aucun accord de cessez-le-feu qui ait pu faire la

7 moindre différence.

8 Cette route est fermée et la mission des Nations Unies n'a pas

9 réussi à être appliquée par ces soldats.

10 Martin Bell, pour la BBC, Bosnie centrale."

11 M. Hayman (interprétation). – Nous voyons une date sur cet

12 écran, le 11 janvier 1994. C'est donc un reportage que vous avez tourné

13 pour la BBC ?

14 M. Bell (interprétation). – Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Une référence est faite à la route

16 principale, à l'est de Vitez, dans ce reportage. De quelle route s'agit-

17 il ? Pouvez-vous nous donner plus de détails ?

18 M. Bell (interprétation). – Oui, bien sûr. Il s'agit de la route

19 principale qui traverse la vallée et qui permet d'avoir accès à Busovaca

20 et à Kiseljak. C'était le principal axe d'approvisionnement pour les

21 Nations Unies et également pour les Croates.

22 M. Hayman (interprétation). – Peut-on passer la séquence 14,

23 s'il vous plaît ?

24 (Projection d'une vidéo.)

25 "Une troupe des soldats des Nations Unies est coincée autour de

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1 Vitez, alors que les conflits continuent entre les Musulmans et les

2 Croates.

3 De Santici, un reportage de Martin Bell.

4 C'est une épreuve pour les Croates. Dans de bonnes conditions,

5 ils ne peuvent avancer que de quelques centaines de mètres et prendre une

6 maison de-ci de-là.

7 C'est le quatrième jour de conflit entre les Croates et les

8 Musulmans pour prendre le contrôle de la route principale qui permet

9 d'aller jusqu'à Santici.

10 A quelque cinq cent mètres de la ligne de front se trouve la

11 base des Britanniques et des Néerlandais, alors que les convois tendent

12 d'apporter leur aide aux villages environnants. Chaque jour la même

13 routine : l'appel du matin parsemé de tirs qui proviennent de l'extérieur.

14 Voilà quel est leur travail en Bosnie. Il faut assurer sa propre

15 protection et il faut rester plusieurs heures dans les bunkers, en

16 attendant que les conflits se calment.

17 Les Néerlandais ne manquent pas de guetter, pourtant. Même

18 lorsque l'alarme

19 tombe, les tirs des Croates continuent. Il semble que le bataillon

20 néerlandais ne distribuera pas d'aide humanitaire pendant un certain

21 temps. Mais le sergent major insiste : ses hommes veulent rester. Ils vont

22 dans les villages et ils distribuent la nourriture et ils disent presque

23 tous qu'ils veulent tous rester, que la population veut qu'ils restent.

24 Les Néerlandais pensent qu'il s'agit pourtant d'un exercice de

25 frustration, à regarder une guerre combattue par les deux côtés, musulman

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1 et croate.

2 Martin Bell, Santici."

3 M. Hayman (interprétation). – La date qui figure sur cet écran

4 était celle du 12 janvier 1994, le lendemain du jour au cours duquel vous

5 avez filmé la séquence 13, c'est bien la date qui est présentée sur cet

6 écran ?

7 M. Bell (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). - La référence qui est faite dans

9 cette séquence est la même que celle qui était faite au cours de la

10 séquence précédente ?

11 M. Bell (interprétation). - Oui.

12 M. Hayman (interprétation). - Peut-on passer la dernière

13 séquence, s'il vous plaît, la séquence 15 ?

14 (Projection de la vidéo)

15 "Plusieurs personnes ont été tuées par les bombardements des

16 Serbes sur Sarajevo au début de l'année orthodoxe. Le nombre de blessés et

17 de morts est important. On pense maintenant que 200 personnes sont mortes

18 pendant les six derniers jours au cours des conflits entre les Croates et

19 les Musulmans. Le nombre de victimes est également important dans la

20 vallée de la Lasva. En effet, les soldats essaient de couper la route

21 autour de Santici et de Kruscica.

22 Il est dit ce matin qu'une des victimes était un Iranien. Cent

23 trente neuf personnes ont été retrouvées sur le deuxième champs de

24 bataille au nord de la route, des civils et des

25 soldats. Ceci n'est pas arrivé, en tout cas pas d'une telle ampleur,

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1 auparavant.

2 Cette opération a été entamée hier lorsque les Musulmans ont

3 essayé de détruire le quartier général croate à Kruscica. Conséquemment,

4 les Croates ont essayé de regagner le contrôle des tranchées qu'ils ont

5 perdu auparavant. Les attaques ont eu lieu à l'aube afin de créer un effet

6 de surprise.

7 Toutes les maisons sont en ruine. Des tranchées les séparent. On

8 remarque certaines positions cachées par des bâches et des couvertures.

9 Cet officier dit qu'ils ont repris une tranchée qu'ils avaient perdue

10 dimanche, au profit des Musulmans, et qu'ils pensent reperdre par la

11 suite.

12 Le petit succès d'aujourd'hui a en fait été une récompense pour

13 leur commandant qui était parti dix jours auparavant. C'est une question

14 de vie ou de mort. C'est une bataille pour la vie de toutes les personnes

15 qui vivent dans la vallée de la Lasva. Je suis sûr que mes soldats ont la

16 même opinion que moi sur les combats.

17 Les soldats attendent le cessez-le-feu prévu pour demain ou

18 bien, plus probablement, la prochaine attaque des Musulmans. Dans ces

19 batailles, le nombre de victimes et de morts ne cesse d'augmenter à un

20 nombre jamais atteint au cours d'un conflit entre les Croates et les

21 Musulmans. Dans le village de Santici, la contre-offensive des Croates n'a

22 pas été couronnée de succès. La bataille pour Vitez entraîne la perte de

23 jeunes hommes.

24 Martin Bell, Vitez, Bosnie, BBC."

25 M. Hayman (interprétation). - La date qui apparaît sur l'écran

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1 dans cette séquence est celle du 14 janvier 1994. Avez-vous effectivement

2 tourné ce reportage pour la BBC à Vitez ?

3 M. Bell (interprétation). - Oui.

4 M. Hayman (interprétation). - Peut-on attribuer une cote pour

5 cette cassette, Monsieur le Président, s'il vous plaît. Je voudrais que

6 cette pièce soit versée au dossier.

7 M. le Président. - Il y a un numéro par séquence,

8 Maître Hayman ?

9 M. Hayman (interprétation). - Les séquences ont un chiffre de 1

10 à 15. Je pense que l'on peut donc attribuer une cote générale à la

11 cassette.

12 M. Dubuisson. - Il s'agira du document D 532/1 à 15.

13 M. le Président. - Merci. Maître Hayman ?

14 M. Hayman (interprétation). - Merci.

15 J'aimerais attirer votre attention à la date du 27 avril 1993.

16 Avez-vous participé à une conférence de presse ce jour-là ?

17 M. Bell (interprétation). - Oui.

18 M. Hayman (interprétation). - Par conséquent, nous parlons de la

19 date du 27 avril, à savoir onze jours plus ou moins après le massacre qui

20 s'est produit au village d'Ahmici ?

21 M. Bell (interprétation). - Oui, Monsieur.

22 M. Hayman (interprétation). - L'accusé était-il présent à cette

23 conférence de presse ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui. Elle a été organisée à la

25 mairie de Busovaca. Monsieur Blaskic était là, ainsi que M. Kordic.

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1 M. Hayman (interprétation). - Y avait-il d'autres personnes ?

2 M. Bell (interprétation). - Il y avait M. Blaskic, M. Kordic, et

3 de nombreux journalistes, de la région pour la plupart. C'était une

4 réunion régulière afin que les commandants locaux, commandants militaires

5 et civils, puissent entrer en contact avec la population non pas pour

6 rassurer la population, mais pour l'avertir de la gravité de la situation.

7 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic a-t-il alors

8 abordé le sujet du massacre d'Ahmici au cours de cette conférence de

9 presse ?

10 M. Bell (interprétation). - Oui. J'ai pris quelques notes à

11 l'époque. Avec l'accord des Juges, je souhaiterais lire ces notes.

12 Il a dit "qu'il était horrifié, qu'il allait prendre des

13 mesures, qu'une commission était organisée afin d'enquêter sur les

14 atrocités commises et quel que soit l'auteur de ce massacre, l'auteur

15 avait opéré de façon organisée. Il s'agissait d'un groupe de personnes

16 organisées qui suivaient un plan et qui, par conséquent, était supervisé

17 par quelqu'un, que les coupables devaient être identifiés et traduits en

18 justice." Le colonel Blaskic a déclaré qu'il avait été horrifié.

19 M. Hayman (interprétation). – Ce que vous venez de nous lire,

20 c'est une citation presque littérale de ce qu'a dit le colonel Blaskic à

21 la presse et au public, au cours de cette conférence de presse le 27 avril

22 1993, dans la Vallée de la Lasva ?

23 M. Bell (interprétation). – Oui, monsieur.

24 M. Hayman (interprétation). – Pour le compte rendu, avez-vous lu

25 des notes que vous avez prises à l'époque afin de fournir aux Juges un

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1 récapitulatif détaillé de ce qu'a dit le colonel Blaskic ?

2 M. Bell (interprétation). – Oui, c'était dans l'un de mes

3 livres, mes carnets noirs que je portais toujours avec moi à l'époque.

4 M. Hayman (interprétation). – Je n'ai plus de questions,

5 Monsieur le Président.

6 M. le Président. – Merci d'avoir été concis, maître Hayman, et

7 d'être allé droit à ce que vous vouliez démontrer.

8 Je me tourne à présenter vers le Bureau du Procureur pour que,

9 monsieur Martin Bell, vous ayez maintenant les questions que va vous poser

10 le procureur. C'est M. Harmon ?

11 M. Harmon (interprétation). – Bonne après-midi. Bonjour,

12 Monsieur le Président, Monsieur le Juge Shahabuddeen et bienvenue,

13 Monsieur le Juge Rodrigues. Bonjour, Conseils de la défense et bienvenue,

14 Monsieur Bell. Effectivement, Monsieur le Président, c'est moi qui vais

15 poser des questions à M. Bell.

16 Va-t-il y avoir une pause à 15 heures 30, ou peut-être devrions-

17 nous prendre la pause maintenant et puis poser des questions directement à

18 M. Bell ? Je ne sais pas. Je vous laisse décider sur ce point, mais je

19 suis prêt à poursuivre dès maintenant.

20 M. le Président. – Oui, nous pourrions peut-être faire une pause

21 maintenant, puisque nous faisons en principe deux pauses, c'est une longue

22 après-midi. Je pense, Monsieur le Greffier, que c'est à peu près le moment

23 de faire une pause d'un quart d'heure environ. Nous reprenons dans

24 15 minutes.

25 L'audience, suspendue à 15 heures 14, est reprise à 15 heures 40.

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1 M. le Président. - L’audience est reprise. Introduisez l'accusé.

2 Monsieur le Procureur, vous avez à peu près une heure pour votre contre-

3 interrogatoire. Allez-y.

4 M. Harmon (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

5 Bonjour, Monsieur Bell. Bienvenue au Tribunal Pénal International. Je suis

6 Mark Harmon et je comparais avec mon collègue Andrew Cayley. Je vous

7 souhaite la bienvenue encore une fois.

8 Permettez-moi d’abord de vous poser une question sur les quinze

9 séquences vidéo que nous avons regardées aujourd’hui en tant que pièces à

10 conviction de la Défense. Je sais que vous avez fait plus de quinze

11 séquences en Bosnie ?

12 M. Bell (interprétation). - Oui, j'en ai fait en effet

13 certainement plus d'une centaine.

14 M. Harmon (interprétation). - En ce qui concerne la Bosnie

15 centrale, combien en avez-vous fait ?

16 M. Bell (interprétation). - Je pense environ 40 ou 50 pendant

17 les neuf mois.

18 M. Harmon (interprétation). - Lorsque nous avons regardé les

19 quinze séquences vidéo, j'ai pu voir que sept ont été filmées en janvier

20 1994, c’est-à-dire sept mois après les

21 événements d'Ahmici ?

22 M. Bell (interprétation). - C'est exact.

23 M. Harmon (interprétation). - J'ai remarqué que six étaient de

24 septembre ou octobre 1993 ; cela veut dire cinq ou six mois après les

25 événements d'Ahmici ?

Page 16896

1 M. Bell (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Une des séquences vidéo, la

3 séquence n° 15, comportait une séquence avec l'accusé, en date du

4 14 janvier. Dans cette séquence vidéo, vous avez montré que le colonel

5 Blaskic était rentré dans la poche au bout de dix jours d'absence. Vous en

6 souvenez-vous ?

7 M. Bell (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Où était-il pendant les dix

9 jours ?

10 M. Bell (interprétation). - Je ne le suivais pas à l'époque.

11 J’étais dans la vallée de la Lasva et lui, il n’y était pas. C'est une

12 période qui a duré jusqu'à l’accord de paix en février 1994 ; c'était

13 l'unique période où il pouvait sortir -cette période a commencé en

14 septembre 1993- étant donné qu'à l'époque, c'était risqué pour le HVO de

15 se déplacer en hélicoptère. Plusieurs personnes ont été grièvement

16 blessées. Une ou deux fois, le colonel Blaskic est parti ; je pense qu’il

17 est parti au quartier général du HVO. Ensuite, il est rentré.

18 M. Harmon (interprétation). - Vous savez où ?

19 M. Bell (interprétation). - Je suppose que si le commandant

20 part, il part dans son quartier général. Mais vous pouvez lui poser la

21 question directement.

22 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi, Monsieur Bell, de

23 vous poser la question suivante : s'agissant de cette absence du

24 colonel Blaskic, est-ce que vous vous êtes posé la question de savoir où

25 il a été pendant les dix jours ? Avez-vous posé des questions à qui que ce

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1 soit au sein du HVO ? Et si oui, quelle a été la réponse ?

2 M. Bell (interprétation). - J'ai posé la question à son officier

3 de liaison : je lui ai

4 demandé s'il était disponible. Parfois, il me disait que la réponse était

5 non, qu’il était absent. Mais normalement, c'est le bataillon britannique

6 qui nous fournissait ce genre d'informations à Vitez. D'habitude, il

7 savait où il était.

8 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi d'attirer votre

9 attention sur un autre point : la conférence de presse. Vous avez parlé de

10 la déclaration du colonel Blaskic. Avez-vous assisté à plusieurs

11 conférences de presse ?

12 M. Bell (interprétation). - Ici, je parle de deux.

13 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous savez, est-ce que

14 vous pouvez dire au bureau du Procureur si les informations obtenues au

15 cours de ces conférences de presse qui se tenaient une fois par semaine à

16 Busovaca constituaient votre source d'information ?

17 M. Bell (interprétation). - Oui, normalement, c'était une

18 conférence de presse donnée pour les journalistes locaux, mais ils étaient

19 heureux de nous donner l'occasion d’assister à ce genre de conférence de

20 presse. Moi, je le faisais si je le pouvais.

21 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de nous

22 aider avec la pièce à conviction suivante.

23 M. Dubuisson. - Il s'agit du document 572.

24 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Bell, je vais vous aider

25 à vous retrouver. Nous allons mettre ces pièces à conviction sur le

Page 16898

1 rétroprojecteur pour que la galerie publique puisse voir ces mêmes images.

2 Voici la photographie n° 1. Si vous pouvez vous éloigner un peu de cette

3 photo ? Il s’agit de la photo de la conférence de presse présidée par le

4 colonel Blaskic. Le reconnaissez-vous ?

5 M. Bell (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - Reconnaissez-vous la personne à sa

7 droite ?

8 M. Bell (interprétation). - La qualité n’est pas bonne, mais

9 c'est M. Kordic.

10 M. Harmon (interprétation). - Qui est la personne à côté de

11 M. Kordic ?

12 M. Bell (interprétation). - Je pense c'est Anto Valenta.

13 M. Harmon (interprétation). - La personne à la droite d'Anto

14 Valenta, vous la voyez ?

15 M. Bell (interprétation). - Je la vois, mais je ne connais pas

16 son nom.

17 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous reconnaissez

18 M. Kostroman ?

19 M. Bell (interprétation). - Non, ce n'est pas le nom que je

20 cherche dans mon esprit.

21 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous montrer une

22 autre photo de la conférence de presse. Est-ce que vous pouvez identifier

23 au moins deux personnes sur cette photo, étant donné que vous avez dit que

24 vous ne pouviez pas identifier M. Kostroman sur l’autre photo ?

25 M. Bell (interprétation). - Je pense que la qualité de cette

Page 16899

1 photo n’est pas très bonne, mais j'ai l'impression que c’est M. Kordic et

2 M. Blaskic.

3 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous montrer la

4 deuxième partie de cette pièce à conviction, de cette série de documents.

5 Ici, bien évidemment, la qualité est moins bonne et je m'excuse de cette

6 qualité. Il s'agit encore une fois de la conférence de presse au quartier

7 général après que l'accord sur la carte ait été signé, en avril 1993.

8 Reconnaissez-vous M. Blaskic sur la photo ?

9 M. Bell (interprétation). - Il est difficile de le dire, mais

10 j'ai l'impression qu'il est là.

11 M. Harmon (interprétation). - Il est le deuxième en partant de

12 la droite ?

13 M. Bell (interprétation). - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - Et sur la droite de M. Blaskic ?

15 M. Bell (interprétation). - Sur la droite de M. Blaskic, j'ai

16 l'impression que c’est M. Kordic.

17 M. Harmon (interprétation). - A la droite de M. Kordic, le

18 reconnaissez-vous ?

19 M. Bell (interprétation). - Non, je ne vois pas très bien.

20 Est-ce que vous reconnaissez la personne sur la droite lors de

21 cette conférence de presse ?

22 M. Bell (interprétation). - J'ai l'impression que c'est

23 M. Blaskic.

24 M. Harmon (interprétation). - Et la personne qui se trouve au

25 milieu ?

Page 16900

1 M. Bell (interprétation). - Je ne le reconnais pas, je ne vois

2 pas suffisamment clairement.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le témoin regarde l'écran

4 lorsqu'il dit que les photos sont trop pâles, ce serait peut-être plus

5 simple s'il regardait directement sur le rétroprojecteur.

6 M. Harmon (interprétation). - Merci de votre suggestion.

7 Veuillez regarder la photo.

8 M. Bell (interprétation). - J'ai l'impression que c'est

9 M. Kordic, mais je n'ose pas insister sur ce point.

10 M. Harmon (interprétation). - Il s'agit de la photo prise lors

11 de la conférence de presse tenue au quartier général du HVO.

12 Permettez-moi de vous poser la question suivante : vous avez

13 décrit une conférence de presse qui a eu lieu le 27 avril 1993. Est-ce que

14 l'endroit où les personnes étaient assises et la manière dont elles

15 s'adressaient au public, est-ce que tout cela ressemblait à ces quatre

16 photos que je viens de vous montrer, ces photographies qui font partie de

17 la pièce à conviction 572 ?

18 M. Bell (interprétation). - Oui, monsieur. Je me rappelle

19 uniquement de M. Valenta qui a tenu la conférence de presse le

20 12 mai 1993.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes tourné

22 uniquement vers cette conférence de presse, conférence dont vous avez

23 montré un extrait avec la déclaration de M. Blaskic ? Qui a assisté à

24 cette conférence de presse ?

25 M. Bell (interprétation). - Certainement M. Kordic, M. Valenta

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1 et M. Blaskic.

2 M. Harmon (interprétation). - Ont-ils été assis de la manière

3 semblable à celle que l'on voit sur cette photo ?

4 M. Bell (interprétation). - Oui, je pense qu'ils étaient assis

5 au milieu et les journalistes étaient autour.

6 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous savez quel était

7 le rôle de M. Kordic à l'époque ?

8 M. Bell (interprétation). - Il exerçait une fonction politique,

9 mais c'était il y a cinq ou six ans. Il faudrait que je consulte mes

10 notes.

11 M. Harmon (interprétation). - Si je vous dis qu'il était le

12 vice-président du HVO pour l'Herceg-Bosnie, est-ce que cela correspondrait

13 à vos souvenirs ?

14 M. Bell (interprétation). - Oui.

15 Il nous a été indiqué que le colonel Blaskic était le

16 responsable militaire alors que M. Kordic s'occupait des questions

17 civiles.

18 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous saviez que

19 M. Valenta était le Premier ministre adjoint de l'Herceg-Bosna ?

20 M. Bell (interprétation). - Oui, c'est ce qui a été dit lors de

21 la conférence de presse.

22 M. Harmon (interprétation). - Pendant les deux conférences de

23 presse, les personnes avec M. Blaskic étaient-elles les mêmes ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui, je ne me souviens pas si

25 M. Valenta a assisté à la première conférence de presse, mais c'était le

Page 16902

1 cas pour la deuxième conférence.

2 M. Harmon (interprétation). - En ce qui concerne la conférence

3 de presse qui a eu lieu le 27 avril 1993, vous avez mentionné la

4 déclaration de M. Blaskic qui disait : "Je suis étonné, je vais faire

5 quelque chose allant dans ce sens". Il a dit qu'il allait constituer une

6 commission qui allait mener l'enquête sur ce qui s'était passé à Ahmici.

7 Il a dit que cela s'était clairement produit de manière planifiée et de

8 manière systématique et que les coupables devaient être traînés en

9 justice.

10 Vous étiez présent lors de cette conférence de presse. Est-ce

11 que d'autres journalistes étrangers y étaient ?

12 M. Bell (interprétation). - Oui.

13 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de mettre cette

14 déclaration dans un contexte plus large.

15 Permettez-moi d'attirer votre attention sur le 16 avril 1993,

16 étant donné que, avant l'attaque du HVO à Ahmici, le 16 avril, la tension

17 de l'opinion publique mondiale a été attirée vers les événements qui se

18 produisaient à Srebrenica.

19 M. Bell (interprétation). - Moi-même je n'étais pas présent le

20 16 avril. Il s'agit d'une idée préconçue si vous parlez des attaques du

21 HVO.

22 M. Harmon (interprétation). - Je vais reformuler ma question.

23 Est-ce que l'attention de l'opinion publique mondiale était attirée vers

24 les événements de Srebrenica ?

25 M. Bell (interprétation). - Oui.

Page 16903

1 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de montrer aux Juges

2 deux autres séquences vidéo. Eteignez la lumière s'il vous plaît.

3 (Projection de la vidéo)

4 "Voici le plan qui a pour objectif de diviser la Bosnie. La

5 stratégie des Serbes a été de redessiner la carte en élargissant certaines

6 régions au-delà des frontières prévues. Mais le conflit intense, qui a

7 lieu aujourd'hui sur la Bosnie, a lieu dans une région sous contrôle

8 croate.

9 Les Croates semblent vouloir renforcer leur position en

10 expulsant les Musulmans de villes telles que Vitez ou Jablanica, en

11 contravention avec le plan de paix".

12 Martin Bell, correspondant pour la BBC.

13 (Les interprètes n'entendent pas ce que dit M. Bell sur la

14 cassette).

15 "La Bosnie centrale est le dernier endroit où ont eu lieu les

16 massacres en Bosnie centrale. Et vraisemblablement l'intervention

17 étrangère n'a rien fait pour empêcher cela".

18 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de

19 montrer le compte rendu aux Juges et aux collègues de la défense de la

20 première séquence de la vidéo que nous avons vue.

21 Monsieur Bell, permettez-moi de vous poser la question

22 suivante : la déclaration que vous avez montrée, comme la déclaration de

23 M. Blaskic faite le 27 avril, a été faite après que le HVO ait repris le

24 contrôle sur le territoire qu'il souhaitait contrôler après l'accord de

25 paix ?

Page 16904

1 M. Bell (interprétation). - Je pense que le plan Vance-Owen

2 était déjà en vigueur, ceci n'a fait qu'empirer les choses. Dans les

3 informations militaires que j'ai reçues, lorsque je me suis rendu sur

4 place à Ahmici quatre jours après le massacre, personne n'était encore au

5 courant de ce massacre.

6 D'après les informations britanniques, l'épuration ethnique se

7 répandait comme un incendie dans les villages.

8 M. Harmon (interprétation). – Ma question était la suivante : la

9 déclaration faite par M. Blaskic a été faite suite à ce rapport, à ce

10 rapport que vous avez fait vous-même ?

11 M. Bell (interprétation). – Oui, c'était après le massacre à

12 Ahmici.

13 M. Harmon (interprétation). – La déclaration de M. Blaskic,

14 colonel Blaskic à l'époque, a été donnée après cette séquence vidéo, après

15 qu'elle ait été diffusée ?

16 M. Bell (interprétation). - La séquence comporte la date mais je

17 ne l'ai pas vue.

18 M. Harmon (interprétation). – La date, c'était le 20 avril 1993.

19 M. Bell (interprétation). - Je ne pense pas que j'ai pu envoyer

20 un rapport le 20 avril 1993 : à cette époque, nous étions coupés du monde.

21 Il nous était impossible d'envoyer des

22 rapports.

23 M. Harmon (interprétation). - Je peux clarifier ceci pour rendre

24 les choses claires, mais c'est la manière dont j'ai compris ce rapport.

25 Est-ce que nous pouvons montrer maintenant la deuxième séquence vidéo ?

Page 16905

1 (Projection Vidéo.)

2 "C'est une question de guerre ou de paix à l'extérieur de Vitez.

3 Les Britanniques ont mis en place une forte patrouille blindée et l'ont

4 fait passer en face de l'endroit où les forces musulmanes se sont battues,

5 juste avant le cessez-le-feu. Selon les termes de l'accord, ils devaient

6 reculer d'environ 1,5 mille. Mais après ce qui a été fait à l'encontre de

7 leur peuple dans la vallée, ils refusent de le faire.

8 Vous avez dit qu'il y avait de nombreux bébés qui ont été tués

9 dans le village de Ahmici. Je suis désolé.

10 Le soldat musulman répond : "C'est pour cela que nous n'allons

11 pas céder. Nous irons jusqu'au bout. Maintenant, ils ont le sentiment que

12 nous sommes en danger. Nous ne leur pardonnerons pas."

13 Le bataillon britannique a ensuite poursuivi sa patrouille en

14 passant par Ahmici, où les quelque 400 personnes ; toutes les maisons

15 musulmanes ont été incendiées. De l'autre côté de la route, le minaret

16 abattu est le symbole même de la purification ethnique.

17 L'infanterie a ensuite poursuivi sa patrouille, à pied, afin de

18 rechercher de nouvelles victimes ou d'autres signes d'atrocité. Ils n'ont

19 pas eu à chercher loin : ils ont retrouvé une maison au centre du village

20 où une famille de sept personnes a été tuée : deux dans l'escalier et cinq

21 autres dans la cave.

22 Il est difficile de regarder ces images, mais difficile de

23 raconter les massacres d'Ahmici sans ces images également. Ce qui s'est

24 passé ici ne peut être montré en détail. Il est difficile d'imaginer sur

25 notre continent quelles personnes pourraient agir de la sorte.

Page 16906

1 Il semble que le père et l'enfant ont essayé de défendre la mère

2 et les filles qui se trouvaient dans la cave. Le père et le fils se sont

3 vraisemblablement servi d'une arme à feu. Ils ont ensuite brûlé en haut de

4 l'escalier. Ensuite, des porcs, quelqu'un y a mis délibérément le feu à la

5 cave. La mère et vraisemblablement les filles et les jeunes enfants ont

6 été tués, cinq ou six, dans la cave.

7 C'est tout à fait horrible. Dans le village, le colonel

8 rencontre une patrouille du HVO, l'armée croate locale. C'est une

9 rencontre tendue.

10 - Est-ce que vous avez la permission du HVO ?

11 - Je n'ai pas besoin de la permission de ce foutu HVO. Je suis

12 des Nations Unies. En ce qui me concerne, ce qui s'est passé ici est

13 horrible.

14 - Pas de chance, mon vieux. Tu sais, il y a des familles

15 entières en haut qui ont été massacrées et j'aimerais savoir qui en est le

16 responsable. Qui est responsable de tout cela ? Ce n'est pas vous, n'est-

17 ce pas ?

18 - Evidemment.

19 Les Croates s'éloignent. Jean-Pierre Thébault est accueilli plus

20 favorablement. C'est le responsable de l'équipe des observateurs européens

21 de la communauté européenne.

22 - Je viens de voir le HVO qui m'a parlé. Je leur ai dit d'aller

23 se faire foutre.

24 M. Thibaut ajoute : "Je trouve que c'est tout à fait dégoûtant.

25 Les gens qui en sont responsables doivent être punis. Si personne ne le

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1 fait, je ne sais pas qui pouvons-nous croire."

2 Le massacre d'Ahmici est bien sûr un crime. C'est un crime qui

3 met en danger le cessez-le-feu, pour autant que nous puissions parler de

4 cessez-le-feu, car, parmi les Musulmans, la soif de vengeance est

5 largement supérieure à la soif de paix.

6 Martin Bell, BBC News, Ahmici, Bosnie."

7 M. Harmon (interprétation). – Monsieur Bell, s'agissait-il du

8 rapport que vous avez envoyé à la BBC ?

9 M. Bell (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Quelle était la date ?

11 M. Bell (interprétation). - Ceci a été diffusé le 23, en

12 utilisant l'antenne qui se trouvait à Tuzla. Et nous avons filmé cela un

13 jour plus tôt. Il ne nous a pas été possible d'envoyer le rapport le même

14 jour.

15 M. Harmon (interprétation). - Cela a donc été filmé le 22 et

16 envoyé le 23 ?

17 M. Bell (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Dans ce cas-là, diriez-vous que

19 chaque maison musulmane à Ahmici a été brûlée ?

20 M. Bell (interprétation). - Brûlée ou détruite d'une certaine

21 manière.

22 M. Harmon (interprétation). – Très bien. Quelle a été la

23 conséquence de la diffusion de votre rapport qui a eu lieu le 23 ?

24 M. Bell (interprétation). - Je pense que ce rapport a eu un

25 effet général et même mondial. On ne sait jamais quel sera l'effet ; ce

Page 16908

1 n'est pas la raison pour laquelle j'ai envoyé ce rapport. Je voulais

2 parler de la vérité, mais j'ai entendu que l'effet était énorme dans le

3 monde extérieur. Non pas seulement parce que ceci a montré qu'il ne

4 s'agissait pas d'une simple guerre des Musulmans contre les Serbes, mais

5 qu'il y avait d'autres dimensions dans cette guerre. Les gens commençaient

6 à comprendre.

7 M. Harmon (interprétation). – Est-ce que ceci a attiré

8 l'attention sur un autre conflit, peu connu, qui venait d'éclater en

9 Bosnie aussi ?

10 M. Bell (interprétation). – Oui, ce conflit était en cours en

11 Bosnie, il avait débuté en janvier. Les tensions entre les Musulmans et

12 les Croates montaient de plus en plus. Le résultat d'un flux de réfugiés

13 Musulmans et Croates, chassés par les Serbes, notamment dans la région de

14 Prijedor, ceci a modifié l'équilibre ethnique en Bosnie centrale et a

15 provoqué de nouveaux conflits.

16 M. Harmon (interprétation). - J'ai lu certaines parties d'un

17 article paru par le Daily Mail, le 24 avril. Dans cet article, on dit que

18 votre rapport a détourné l'attention qui, jusque là, était focalisée sur

19 les événements de Srebrenica. Est-ce vous d'accord avec cela ?

20 M. Bell (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Dans le dernier séquence, nous

22 avons l'ambassadeur Thébault de l'ECMM. Il a parlé de ce qu'il a vu dans

23 le village de Ahmici ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui.

25 M. Harmon (interprétation). - Mis à part le rapport que vous

Page 16909

1 avez envoyé vous-même, en tant que journaliste correspondant de la BBC, le

2 bataillon britannique et M. Thébault ont envoyé leurs informations eux

3 aussi ?

4 M. Bell (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi pour

6 dire que le résultat de tous ces rapports qui ont été envoyés, le vôtre,

7 celui de l'ECMM, celui du bataillon britannique, constituait une grande

8 pression pour le HVO en Bosnie parce qu'il fallait qu'il soit tenu

9 responsable pour cet horrible massacre qui a eu lieu en Bosnie centrale ?

10 M. Bell (interprétation). – Oui, je pense que c'est pour cela

11 que M. Blaskic a fait cette déclaration-là pendant cette conférence de

12 presse.

13 M. Harmon (interprétation). – Les commentaires que vous avez

14 faits au cours de votre rapport ont-ils créé une autre sorte de pression,

15 pression à l'encontre de la République de Croatie à l'époque ?

16 M. Bell (interprétation). - Je n'en étais pas conscient, mais

17 c'est ce que j'ai appris par la suite. Par exemple, Margareth Tatcher a

18 annulé son voyage à Zagreb.

19 M. Harmon (interprétation). – Veuillez maintenant montrer la

20 pièce à conviction n° 532 à M. Bell. Monsieur Bell, je vais maintenant

21 vous présenter un document.

22 Monsieur, permettez-moi de vous montrer ce document. Je vais

23 vous aider à

24 l'examiner. C'est un document daté du 29 avril 1993. Il s'agit de la

25 réunion de la Communauté croate de Herceg-Bosna, à laquelle le

Page 16910

1 Gouvernement et la Présidence de la Communauté croate de Herceg-Bosna

2 assistaient, donc les membres du Gouvernement, les Présidents de

3 municipalité, des villes de Bosnie centrale et la réunion était présidée

4 par Mate Boban.

5 Ma première question, monsieur, est tout d'abord de savoir si

6 vous savez qui est Mate Boban et quel rôle il a joué en Bosnie centrale ?

7 M. Bell (interprétation). - Je sais qu'il a eu un rôle important

8 en Herceg-Bosna, mais je ne l'ai jamais vu dans la vallée.

9 M. Harmon (interprétation). – Je le sais, mais vous rapportiez

10 sur les événements en Bosnie centrale. Est-ce que vous connaissiez son

11 rôle ?

12 M. Bell (interprétation). – Je pense que peut-être il était le

13 ministre de la Défense, mais je n'en suis pas sûr.

14 M. Harmon (interprétation). - Je sais que beaucoup de temps

15 s'est écoulé, monsieur Bell, mais M. Boban était le président de la

16 Communauté croate d'Herceg-Bosna. Il était le commandant en chef, il était

17 le supérieur de M. Blaskic, du colonel Blaskic.

18 Permettez-moi d'attirer votre attention sur la page 3 de ce

19 document. Sur la page 3, il y a une partie où, c'est plutôt vers le bas,

20 l'on mentionne M. Ivica Santic de Vitez ? Est-ce que vous savez qui est

21 M. Ivica Santic de Vitez ?

22 M. Bell (interprétation). – Non, je ne m'en souviens pas. Je

23 n'ai pas l'impression de l'avoir rencontré.

24 M. Harmon (interprétation). - Il était le maire de Vitez et il

25 était l'une des personnes qui a assisté à cette réunion. Maintenant, je

Page 16911

1 vais tout simplement lire une partie des mots qu'il a prononcés. Il a

2 attiré l'attention sur les erreurs faites par les unités du HVO :

3 "Personne ne peut justifier le crime qui a eu lieu à Ahmici. Beaucoup de

4 dommages ont été provoqués et la Forpronu nous considère comme

5 responsables."

6 Je souhaite aussi attirer votre attention sur la dernière page

7 de ce document qui comporte également les déclarations faites par

8 M. Boban. Vers la fin de la page, je vais vous lire cette partie, monsieur

9 Bell. Il est dit que M. Boban a dit, dans ses déclarations finales : "que

10 tout d'abord toutes les personnes, à tous les niveaux, doivent s'acquitter

11 de leurs tâches ou partir.

12 Deuxièmement, il faut tenir compte de certaines limitations,

13 surtout en ce qui concerne la République de Croatie. En ce qui concerne ce

14 qui s'est passé à Vitez et à Ahmici, les ministres de l'Union européenne

15 ont presque décidé d'imposer les sanctions à l'encontre de la Croatie."

16 Je reviens à ma question, monsieur Bell. Non seulement la

17 pression a été exercée à l'encontre des autorités de l'Herceg-Bosna, mais

18 est-ce qu'il serait exact de dire également qu'il existait une certaine

19 pression exercée à l'encontre de la Croatie elle-même, et que le HVO en

20 était inquiet ?

21 M. Bell (interprétation). – Oui, on peut le dire ainsi.

22 M. Harmon (interprétation). - Lorsque le colonel Blaskic a fait

23 la déclaration que vous nous avez montrée aujourd'hui, vous nous avez dit

24 que Dario Kordic était présent, n'est-ce pas ? Il était présent à côté de

25 M. Blaskic, à l'époque ?

Page 16912

1 M. Bell (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Dario Kordic était-il d'accord

3 avec cette déclaration ?

4 M. Bell (interprétation). - Mes notes ne reflètent rien à ce

5 sujet et ceci s'est produit il y a six ans, donc je ne m'en souviens pas.

6 M. Harmon (interprétation). - Peut-être était-il en désaccord

7 avec ce que M. Blaskic avait dit.

8 M. Bell (interprétation). – Il s'occupait de deux activités

9 différentes, militaire et

10 civile.

11 M. Harmon (interprétation). - S'agissant des conférences de

12 presse auxquelles vous avez assisté vous-même, y a-t-il eu une situation

13 où d'abord M. Blaskic a parlé et ensuite M. Kordic ? Arrivait-il parfois

14 que M. Blaskic soit en désaccord avec ce que M. Kordic disait ?

15 M. Bell (interprétation). - Je me souviens pas. Je me souviens

16 d'une autre conférence de presse où M. Valenta a fait une déclaration qui

17 a été complètement hors contexte. On a eu l'impression qu'il exprimait son

18 opinion personnelle.

19 M. Harmon (interprétation). – A-t-il fait cette déclaration-là

20 lors d'une conférence de presse publique ?

21 M. Bell (interprétation). – Oui, c'était une conférence de

22 presse publique. Il nous a distribué un article où il a exposé sa

23 justification philosophique du nettoyage ethnique. Je peux lire quelques

24 notes que j'ai prises à ce sujet. A l'époque, nous trouvions cela hors

25 contexte.

Page 16913

1 Monsieur Valenta a dit les choses suivantes, il suggérait que

2 les déplacements de la population devaient être encouragés "étant donné

3 qu'il ne faut pas forcer les personnes à vivre là où elles ne se sentent

4 pas en sécurité, là où elles se sentent menacées."

5 Ensuite, il a dit que ces personnes étaient gênées par le son du

6 "Muezzin", par opposition au son de l'église. Nous avons été surpris par

7 cela.

8 M. Harmon (interprétation). - Lors de cette conférence de

9 presse, lorsque M. Valenta a parlé de ces choses-là, est-ce que M. Blaskic

10 a dit quelque chose ?

11 M. Bell (interprétation). – Non, cela ne faisait pas partie du

12 domaine de sa compétence.

13 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que M. Kordic a dit quelque

14 chose par rapport aux propos de M. Valenta ?

15 M. Bell (interprétation). – Je ne m'en souviens pas, mais il ne

16 les a certainement pas encouragés.

17 M. Harmon (interprétation). – S'agissant de ces conférences de

18 presse auxquelles vous avez assisté, monsieur Bell, certaines choses ont

19 été dites vu que les journalistes étrangers étaient présents ?

20 M. Bell (interprétation). – Oui, je pense qu'en partie c'est le

21 cas. Le but principal des conférences de presse était de donner les

22 informations à la population locale. A l'époque, quand ils ont commencé

23 avec les conférences de presse, nous ne savions même pas que cela

24 existait.

25 M. Harmon (interprétation). - Vous avez rendu compte de façon

Page 16914

1 fidèle des événements d'Ahmici, n'est-ce pas, monsieur ?

2 M. Bell (interprétation). - Oui.

3 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous le moindre doute quant

4 au fait que le reportage que vous avez fait était fidèle, eu égard aux

5 événements d'Ahmici ?

6 M. Bell (interprétation). - Je suis pratiquement sûr aujourd'hui

7 que j'ai décrit les événements fidèlement. Cela faisait assez longtemps

8 que je rendais compte d'événements au cours de guerres pour avoir pris les

9 précautions nécessaires en parlant de ces atrocités.

10 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que l'on remette au

11 témoin la pièce à conviction de l'accusation 456/8.

12 M. Dubuisson. – Je suis désolé. Pourriez-vous me préciser la

13 pièce, s'il vous plaît ?

14 M. Harmon (interprétation). – Pièce n° 456/58.

15 Monsieur, je vais vous orienter un peu dans cette pièce à

16 conviction.

17 M. Bell (interprétation). – Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Il s'agit d'un rapport top secret,

19 donc strictement confidentiel, émanant du colonel Blaskic le 24 avril 1993

20 et destiné au vice-président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

21 c'est-à-dire à Dario Kordic, au dirigeant du département de la Défense de

22 la Communauté croate d'Herceg-Bosna et aux chefs d'état-major.

23 Je vous prierai de bien vouloir lire ce document en silence

24 avant de répondre à mes questions.

25 M. le Président. - Vous avez un exemplaire pour les Juges, même

Page 16915

1 en anglais ?

2 Monsieur le Procureur, vous n'allez plus pouvoir poser de

3 questions ensuite.

4 M. Harmon (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président,

5 je vous prie. J'ai peut-être un autre exemplaire dans mes papiers.

6 M. le Président. - Merci. Vous l'avez mis sur l'écran,

7 Monsieur le Procureur, ce document ? J'en donne communication à mes

8 collègues.

9 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je viens de

10 vous faire remettre une copie de cette pièce à conviction.

11 Monsieur Bell, vous avez eu la possibilité de lire ce document ?

12 M. Bell (interprétation). - Oui, à l'instant.

13 M. Harmon (interprétation). - Comme je viens de le dire, il

14 s'agit d'un rapport top secret, strictement confidentiel, qui rend compte

15 des événements survenus au cours d'une réunion entre le colonel Stewart du

16 bataillon britannique et le colonel Blaskic.

17 Le thème de cette réunion était : "Massacre des Musulmans dans

18 le village d'Ahmici et de la municipalité de Vitez. Visite de la

19 délégation du conseil de sécurité ce jour, 24 avril 1993".

20 Vous constaterez à la lecture de ce document que le

21 colonel Blaskic rend compte des informations reçues de Bob Stewart. Au bas

22 de la page, vous constaterez que les remarques du colonel Blaskic font

23 suite au mot : "Je pense que M. Boban..." -et comme je vous l'ai dit, il

24 s'agissait du commandant en chef du colonel Blaskic et du président de

25 l'Herceg-Bosna- "... aurait dû se trouver à Vitez aujourd'hui". Fin de

Page 16916

1 citation.

2 La première chose que l'on peut dire, c'est que ces propos

3 montrent bien que le rapport était extrêmement partial.

4 J'aimerais appeler votre attention sur la page suivante où il

5 est question de la souffrance du peuple, de la population. On y trouve les

6 mots suivants : "Notamment en raison du fait que les journalistes sont

7 payés pour rendre compte des faits de façon erronée". J'aimerais connaître

8 votre avis sur ces propos.

9 M. Bell (interprétation). - Je ne pense pas que les reportages

10 étaient partiaux et je n'ai jamais été payé. Au cours des nombreux

11 reportages que j'ai faits dans cette guerre, j'ai souvent été accusé de

12 m'appuyer exagérément sur les souffrances de l'une ou l'autre des parties.

13 Ces réactions ne m'ont pas surpris. Elles se sont produites lorsque les

14 victimes étaient musulmanes et je n'ai pas été surpris de lire ce que je

15 viens de lire.

16 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous poser la question

17 suivante : êtes-vous au courant de la création d'une quelconque commission

18 chargée d'enquêter sur Ahmici ?

19 M. Bell (interprétation). - Non, Monsieur. C'est une promesse

20 qui a été faite, cela ne fait pas de doute. J'ai quitté la Bosnie centrale

21 quelque temps après -je crois que c'était le 12 mai- et je suis resté

22 absent longtemps. Les conflits ont éclaté à Mostar. Je n'ai pas pu suivre

23 ce qui s'est passé par la suite, car je n'ai pas pu rentrer dans la vallée

24 pendant quelque temps.

25 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais vous demander quel est

Page 16917

1 votre avis, étant donné que vous avez rendu compte très largement sur le

2 massacre d'Ahmici. Cette Chambre a entendu des dépositions relatives à une

3 conversation entre M. Blaskic et le général Duncan ?

4 M. Bell (interprétation). - Je ne sais pas s'il était général,

5 il était colonel à l'époque.

6 M. Harmon (interprétation). - Oui, le colonel Duncan, à l'époque

7 des faits. Au cours de cette conversation, une question a été posée à

8 M. Blaskic quant à l'identité des auteurs des événements d'Ahmici. Cette

9 conversation s'est déroulée le 9 mai 1993 ou aux environs de cette date.

10 J'aimerais que vous réagissiez sur les trois points suivants :

11 le colonel Blaskic a indiqué que le massacre d'Ahmici avait été perpétré

12 par des extrémistes serbes. Quelle est votre

13 réaction ?

14 M. Bell (interprétation). - La distance avec quelque Serbe que

15 ce soit était très importante.

16 M. Harmon (interprétation). - En deuxième lieu, il a dit que les

17 Musulmans qui s'étaient infiltrés dans l'enclave étaient responsables du

18 massacre d'Ahmici. Quelle est votre réaction à cela ?

19 M. Bell (interprétation). - C'était une tactique commune entre

20 les trois peuples de Bosnie de blâmer les victimes chaque fois qu'une

21 communauté avait fait quelque chose qu'elle n'aurait pas dû faire sur

22 ordre ou non.

23 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous pensez que les

24 Musulmans ont perpétré, ont commis le massacre d'Ahmici, Monsieur Bell ?

25 M. Bell (interprétation). - Non, je ne le pense pas.

Page 16918

1 M. Harmon (interprétation). - Troisièmement, les Musulmans

2 avaient revêtu les uniformes du HVO pour perpétrer le massacre d'Ahmici ?

3 Quelle est votre réaction à cela ?

4 M. Bell (interprétation). - Non, je ne pense pas que cela ait

5 été le cas.

6 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais maintenant que l'on

7 remette au témoin la pièce à conviction de l’accusation n°380.

8 J'aimerais appeler votre attention sur le deuxième paragraphe à

9 partir du bas de cette page. Je vous prierai de bien vouloir en prendre

10 lecture en silence.

11 M. Bell (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Il s'agit d'un article qui

13 provient d'un magazine Danas, publié en octobre 1993, c’est-à-dire pas mal

14 de temps après les événements d'Ahmici. Dans cette partie de l’article que

15 vous venez de lire, vous avez trouvé la question posée par M. Lovrenovic

16 qui est la suivante : -je cite : "Vous avez enquêté au sujet du crime

17 d'Ahmici. Quel est le résultat de l'enquête à ce jour ?"

18 Le colonel Blaskic a répondu : "L'enquête suit son cours. Des

19 renseignements ont été recueillis. En tout état de cause, il s'agit d'un

20 scénario bien planifié par lequel les Musulmans ont tenté une nouvelle

21 fois de jeter la faute sur le HVO aux yeux de la communauté

22 internationale. Après les crimes commis dans la région, aux alentours des

23 villages de la Lasva, Dusina, Dustigrad et autres villages de la

24 municipalité de Busovaca, le cas d'Ahmici a été mis en scène et montré

25 avec beaucoup de talent dans le but de convaincre les observateurs de

Page 16919

1 l'ECMM et Bob Stewart, le chef du bataillon britannique de l'époque, d’un

2 certain nombre de choses. Nous sommes certains pour le moment que le crime

3 a été commis par le HOS, forces armées croates de Zenica qui étaient

4 majoritairement musulmanes, ainsi que par une partie des forces armées du

5 MOS. J'ai déjà dit que l'enquête suit son cours. Il est certain que le HVO

6 ne défend pas le crime dont certains tentent de nous attribuer la

7 responsabilité."

8 Est-ce que vous pourriez me faire part de votre réaction, eu

9 égard aux réflexions du colonel Blaskic en octobre 1993 ?

10 M. Bell (interprétation). - Je pense qu'il serait étonnant que

11 ces actes aient été commis par une unité musulmane de quelque nature que

12 ce soit. Il m’a toujours semblé que, dans le chaos qui existait à

13 l’époque, -ceci s'est déroulé à 3 miles d'une base britannique et il a

14 fallu 5 jours pour découvrir ces événements-, j'ai toujours eu le

15 sentiment que ces actes ont pu être commis par des éléments incontrôlés.

16 Je suis parti de l'hypothèse que ces éléments incontrôlés pouvaient être

17 des éléments d’une unité croate.

18 M. Harmon (interprétation). - Comme vous venez de le faire

19 remarquer, ces événements se sont déroulés à 4 kilomètres à peine du

20 quartier général du colonel Blaskic. N'est-ce pas ?

21 M. Bell (interprétation). - Oui, en effet.

22 M. Harmon (interprétation). - Quelle est votre réaction au fait

23 que ces infractions ont été attribuées aux Musulmans ?

24 M. Bell (interprétation). - Comme je viens de le dire, je pense

25 que c’est très peu probable . Je l'ai toujours pensé.

Page 16920

1 M. Harmon (interprétation). - Pensez-vous qu’Ahmici était un

2 scénario bien planifié au cours desquels les forces musulmanes ont

3 souhaité rejeter la culpabilité sur des unités du HVO ?

4 M. Bell (interprétation). - Je pense que c’était un scénario

5 bien planifié par quelqu’un qui souhaitait tuer les habitants musulmans du

6 village.

7 M. Harmon (interprétation). - Vous étiez reporter de guerre

8 depuis pas mal de temps. Le résultat de ce que vous avez vu quand vous

9 êtes allé à Ahmici, en présence du commandant Stewart et de l'ambassadeur

10 Thébault vous ont bien montré une destruction systématique d'un village

11 musulman d’assez grande importance ?

12 M. Bell (interprétation). - C'est exact.

13 M. Harmon (interprétation). - Croyez-vous que le cas d'Ahmici a

14 été mis en scène de façon à convaincre les journalistes étrangers et les

15 membres de la mission d’observation européenne d'un discrédit qu'il

16 convenait d'attribuer au HVO ?

17 M. Bell (interprétation). - Je pense, comme vous l'avez constaté

18 dans le reportage, que le colonel Stewart est allé sur les lieux avec une

19 patrouille assez importante pour tenter d'établir les faits et de faire

20 valoir un cessez-le-feu. Les deux parties s’étaient retirées à ce moment-

21 là et lorsqu’il s’est trouvé sur un certain endroit surélevé, on lui a

22 parlé du massacre d'Ahmici. Il est redescendu. J’ai toujours le sentiment,

23 après ces nombreuses années de travail, que ce genre de chose est souvent

24 mis en scène. Je dirai même que je suis pratiquement sûr que c'était le

25 cas.

Page 16921

1 M. Harmon (interprétation). - La plupart des 15 séquences vidéo

2 que nous avons vues ont été tournées -comme cela a déjà été dit- entre 6

3 et 8 mois après les événements d'Ahmici ?

4 M. Bell (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - En fait, à ce moment-là, les

6 Musulmans menaient une contre-offensive dans l'enclave, n'est-ce pas ?

7 M. Bell (interprétation). – Oui, en effet.

8 M. Harmon (interprétation). - Monsieur Bell, je vous remercie.

9 Monsieur le Président, j'en suis arrivé au terme de mon contre-

10 interrogatoire.

11 M. le Président. – Le droit de réplique exercé par Me Hayman.

12 M. Hayman (interprétation). – Monsieur Bell, vous avez été

13 interrogé sur ces deux conférences de presse auxquelles vous avez assisté.

14 Pouvez-vous dire aux Juges la façon dont se déroulaient ces conférences de

15 presse ? S'agissait-il de déclarations faites par les personnes sur

16 l'estrade ou bien y avait-il des questions et des réponses ?

17 M. Bell (interprétation). – J'avais le sentiment qu'elles se

18 déroulaient grandement de la même façon qu'à l'époque de Tito : les

19 personnalités les plus importantes avaient la parole, d'abord M. Blaskic,

20 ensuite M. Kordic ; ils pouvaient parler jusqu'à vingt ou trente minutes.

21 Après quoi, venait le temps des questions. La totalité de la conférence de

22 presse durait en général une heure et demie.

23 M. Hayman (interprétation). – Quel genre de sujets étaient

24 traités par le colonel Blaskic aux conférences de presse auxquelles vous

25 avez assisté ?

Page 16922

1 M. Bell (interprétation). - La plupart du temps, il peignait en

2 noir la situation environnante. Il disait qu'ils étaient prêts à combattre

3 jusqu'au dernier homme, y compris si leurs effectifs étaient inférieurs.

4 S'il y avait six ou dix fois plus d'hommes en face d'eux, ils

5 sacrifieraient leur vie au mépris des blessés et des morts. Il indiquait

6 en général que les Croates étaient dans une situation difficile.

7 M. Harmon (interprétation). – Se limitait-il à des questions

8 militaires ?

9 M. Bell (interprétation). – Pour autant que je m'en souvienne,

10 il présentait en effet la situation militaire et abordait des questions

11 politiques lorsqu'il disait qu'à son avis, les Nations Unies avaient un

12 parti pris contre les Croates.

13 M. Hayman (interprétation). - On vous a interrogé au sujet de

14 déclarations intolérantes ou racistes, faites par des personnalités telles

15 que Anto Valenta. A l'une ou l'autre de ces conférences de presse ou, plus

16 précisément, lors de l'un quelconque des contacts que vous avez pu avoir

17 avec le colonel Blaskic, vous ne l'avez jamais entendu formuler des propos

18 intolérants, racistes ou discriminatoires à l'égard de personnes d'origine

19 musulmane ?

20 M. Bell (interprétation). – Non, jamais. Je l'ai toujours

21 considéré comme un militaire correct.

22 M. Hayman (interprétation). – Eu égard à la gravité à présent de

23 la situation militaire des Croates, au sujet de laquelle vous avez été

24 informé lors de ces réunions d'information auxquelles vous avez assisté,

25 étiez-vous d'accord pour estimer que la situation militaire des Croates

Page 16923

1 dans la vallée de la Lasva, placée sous la responsabilité du

2 colonel Blaskic, était effectivement aussi négative que ce que disait le

3 colonel Blaskic ?

4 M. Bell (interprétation). - Effectivement, nous pensions qu'il y

5 avait un risque de voir tomber l'enclave. Au cours d'une attaque, en avril

6 1994, la route centrale a été coupée. Cette route avait des Musulmans des

7 deux côtés. Je crois pouvoir dire que la situation des Croates était

8 désespérée à cette époque.

9 M. Hayman (interprétation). - On vous a montré un compte-rendu,

10 apparemment d'une réunion tenue hors de la vallée de la Lasva, le 29 avril

11 1993. Pour le compte-rendu d'audience, il s'agissait de la pièce à

12 conviction 532.

13 La conférence de presse à laquelle vous avez assisté, au cours

14 de laquelle vous avez entendu le colonel Blaskic condamner les atrocités

15 commises à Ahmici, ne s'est-elle pas déroulée deux jours avant, c'est-à-

16 dire le 27 avril 1993 ?

17 M. Bell (interprétation). – Oui, en effet.

18 M. Hayman (interprétation). - Je crois vous avoir déjà entendu

19 dire que cette conférence de presse du 27 avril s'est tenue principalement

20 devant des représentants de la presse locale ?

21 M. Bell (interprétation). - En effet, il est possible qu'il y

22 avait un représentant d'une agence de presse mais, pour le reste, j'étais

23 le seul représentant des médias internationaux.

24 M. Hayman (interprétation). – Ce forum n'était-il pas le

25 meilleur forum possible pour le colonel Blaskic s'il souhaitait parler à

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1 la population, aux civils et aux militaires de la vallée de la Lasva, et

2 obtenir la condamnation des tueries de civils innocents et des atrocités

3 commises à Ahmici ?

4 M. Bell (interprétation). – Je crois que c'est le seul forum

5 dont il ait disposé.

6 M. Hayman (interprétation). - Et il l'a utilisé, n'est-ce pas ?

7 M. Bell (interprétation). – Oui, il l'a utilisé.

8 M. Hayman (interprétation). - Pour condamner l'attaque

9 d'Ahmici ?

10 M. Bell (interprétation). – Oui, en effet : pour la condamner,

11 Monsieur.

12 M. Hayman (interprétation). - On vous a montré deux séquences

13 vidéo dont on nous a dit que la première était datée du 20 avril. Aviez-

14 vous la possibilité de filmer un reportage le 20 avril 1993 ?

15 M. Bell (interprétation). – Non, Monsieur. J'ai déjà dit ce que

16 j'avais fait et à quel moment je l'ai fait. Le 20 avril, la seule

17 possibilité que j'avais était d'utiliser la ligne centrale de téléphone à

18 Vitez. Je demandais désespérément des renforts, un meilleur système de

19 transmission, mais je n'ai pas pu diffuser les premières images de la

20 situation prévalant à Vitez avant le lendemain.

21 M. Hayman (interprétation). – Comment appelez-vous le lecteur

22 des informations, la personne qui est assise dans un bureau, en position

23 d'observation et qui introduit vos propos

24 lors d'une émission ? C'est bien le présentateur, n'est-ce pas ?

25 M. Bell (interprétation). – Oui, en Angleterre, c'est comme cela

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1 qu'on l'appelle.

2 M. Hayman (interprétation). - Je crois que, dans ce reportage,

3 le présentateur dit quelque chose du genre -je cite- : "Les Croates

4 consolident leurs positions en chassant les Musulmans, en raison du plan

5 Vance-Owen." Je crois en tout cas qu'il a fait référence au plan Vance-

6 Owen. Vous vous le rappelez ?

7 M. Bell (interprétation). – Oui, Monsieur.

8 M. Hayman (interprétation). – D'après ce que vous avez vu sur le

9 terrain, en Bosnie centrale, en avril et en mai 1993, existait-il un plan

10 destiné à nettoyer ethniquement la vallée de la Lasva des Musulmans qui

11 l'habitaient ?

12 M. Bell (interprétation). – Je crois que les populations étaient

13 séparées parce qu'un grand danger existait. Nous avions des rapports assez

14 étroits avec les Nations Unies à cette époque. Ce n'était pas une époque

15 d'antagonisme entre la presse et les militaires, comme cela est arrivé

16 parfois. Nous échangions donc des informations avec les soldats présents

17 sur place. Lorsqu'ils ignoraient quelque chose, nous les informions ; et

18 vice versa. On ne nous a certainement pas parlé à l'époque d'un plan

19 prémédité prévoyant une attaque de l'une ou l'autre partie. Mais, lorsque

20 je relis mes notes, je vois que des nettoyages ethniques se déroulaient de

21 village en village. C'était cela cette traînée de poudre dont il est

22 question dans le reportage.

23 M. Hayman (interprétation). – Comment décririez-vous la

24 situation sur le terrain en avril 1993 ? Pouvez-vous la résumer pour les

25 Juges ?

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1 M. Bell (interprétation). – Oui, Monsieur. Je crois qu'on peut

2 parler de chaos : les deux populations présentes dans la vallée se sont

3 tout à coup senties menacées l'une par l'autre. Qui a tiré le premier, je

4 ne sais pas. En tout cas, la peur et la punique prévalaient des deux

5 côtés. Les guerres civiles sont toujours les pires des guerres. Celle-ci

6 était encore pire parce que les populations se connaissaient bien, étant

7 voisines. En tout cas, on peut parler de chaos,

8 du plus grand chaos.

9 M. Hayman (interprétation). - La pièce à conviction de

10 l'accusation n° 29, je voudrais qu'elle soit remise au témoin et placée

11 sur le rétroprojecteur.

12 Je vais vous poser quelques questions à ce sujet. La deuxième

13 séquence vidéo que vous avez vue, qui commençait à faire état d'Ahmici, le

14 22 avril, vous avez dit qu'elle avait été diffusée le 23 avril, n'est-ce

15 pas ?

16 M. Bell (interprétation). – En effet.

17 M. Hayman (interprétation). - Mais le film avait été tourné le

18 22 avril?

19 M. Bell (interprétation). - Oui. Il a été transporté par

20 courrier, le matin du 23, jusqu'à Sarajevo pour y être monté.

21 M. Hayman (interprétation). - La diffusion a été faite cette

22 nuit-là aux informations ?

23 M. Bell (interprétation). - La première diffusion a eu lieu à

24 13 heures, puis de nouveau à 18 heures et à 21 heures.

25 M. Hayman (interprétation). - L'émission a été diffusée

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1 également aux Etats-Unis, par ABC News ?

2 M. Bell (interprétation). - Oui, en effet.

3 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que vous étiez en relation

4 avec le bataillon britannique avant ce jour, avant le 21 avril ?

5 M. Bell (interprétation). - Oui, nous l'étions.

6 M. Hayman (interprétation). – Dites-nous comment le colonel

7 Stewart et le bataillon britannique ont découvert la réelle importance des

8 tueries commises contre les civils à Ahmici, le 22 avril ? Comment en ont-

9 ils été informés, comment ont-ils découvert ce fait ?

10 M. Bell (interprétation). - Le 21, il y a eu des missions de

11 reconnaissance dans les villages avoisinants pour voir si quelque chose de

12 négatif se produisait. J'ai accompagné

13 certains de ces soldats en reconnaissance. Nous avons découvert le minaret

14 que j'ai montré dans mon reportage. Mais nous n'avons pas su ce qui

15 s'était passé dans le village. C'est seulement le lendemain, le 22, quand

16 nous sommes arrivés en terrain plus élevé parce que le colonel Stewart

17 voulait avoir une meilleure vue sur les différentes forces en présence,

18 après l'accord de cessez-le-feu, que nous avons découvert Ahmici de

19 l'autre côté.

20 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que les combattants étaient

21 des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine locale ? Est-ce qu'ils ont

22 dit au colonel Stewart ce qui s'était passé et qu'il conviendrait de faire

23 quelque chose ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui, exactement. Vous l'avez

25 constaté dans le reportage.

Page 16928

1 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai fait

2 une erreur : la pièce à conviction que je souhaitais était la 29 C, non

3 pas la 29. Mais, avec l'autorisation des Juges, je vais remettre la

4 version de la 29 C et on pourra placer le bon document sur le

5 rétroprojecteur.

6 Monsieur Bell, revenons en arrière. Le 22 avril, le bataillon

7 britannique découvre la nature et l'importance des atrocités d'Ahmici et,

8 si l'on fait un compte à rebours à partir de ce jour, on revient au

9 16 avril. Cela fait combien de jours entre les deux ? Comptez avec moi :

10 six jours, n'est-ce pas ?

11 M. Bell (interprétation). - Oui, en effet.

12 M. Hayman (interprétation). – Le 16 et pendant les six jours

13 suivants.

14 Peut-on agrandir l'image de la pièce à conviction 29 C ? C'est

15 une carte de la région de Vitez et de ses environs. Peut-on agrandir un

16 peu ? Merci.

17 Regardez l'original et non l'écran vidéo. Est-ce que vous y

18 trouvez une mention du village d'Ahmici ? Je crois que c'est l'un des

19 villages soulignés en orange, à droite, en haut.

20 M. Bell (interprétation). – Excusez-moi, je ne vois pas très

21 bien. Le nom du village est surligné en orange ; cela me pose des

22 problèmes.

23 M. le Président. - Sur la droite de votre écran.

24 M. Hayman (interprétation). - Pour le compte rendu, je peux

25 apporter mon assistance au témoin. Je crois que c'est le village en haut.

Page 16929

1 M. Bell (interprétation). - Je crois que c'est celui-ci.

2 M. Hayman (interprétation). - Vous devez le montrer sur la carte

3 qui se trouve sur le rétroprojecteur.

4 (Le témoin indique le village).

5 M. Hayman (interprétation). - Je crois que le témoin a retrouvé

6 le village.

7 Où se trouvait la base du bataillon britannique ? Pouvez-vous la

8 localiser sur la pièce à conviction 29 C ?

9 Vous voyez, en remontant la route de Vitez à partir de Travnik,

10 on voit Mosunj. Je vais aider le témoin, Monsieur le Président.

11 Pourriez-vous indiquer une nouvelle fois l'endroit, s'il vous

12 plaît ?

13 (Le témoin s'exécute)

14 M. Hayman (interprétation). - Je crois que vous êtes monté un

15 peu trop haut. Vous voyez les collines de Stara Bila. Ici, c'est le cercle

16 numéro 4 sur la route entre Vitez et Travnik. Si vous comptez donc avec

17 moi, nous partons de là, nous arrivons à Ahmici, nous avons un, deux,

18 trois, quatre, cinq, six, sept, environ huit kilomètres. Vous êtes

19 d'accord ?

20 M. Bell (interprétation). - Oui.

21 M. Hayman (interprétation). - Au cours de ces six journées, au

22 cours du 16 également, le bataillon britannique disposait de transporteurs

23 blindés et de chars ?

24 M. Bell (interprétation). - Pas de chars, juste des

25 transporteurs blindés.

Page 16930

1 M. Hayman (interprétation). - Avec des fusils, des canons ?

2 M. Bell (interprétation). - Oui.

3 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous vu le HVO qui disposait

4 de tels moyens de transport ? Avez-vous vu le colonel Blaskic, en

5 avril 1993, qui était en train de faire une

6 inspection des troupes avec l'aide de ses propres véhicules blindés,

7 transporteurs de troupes ?

8 M. Bell (interprétation). - Non, pas du tout.

9 M. Hayman (interprétation). - Pourquoi a-t-il fallu six jours au

10 bataillon britannique, avec tout cet équipement, avec tous ces véhicules

11 et les unités de renseignements, pour découvrir l'ampleur des atrocités

12 commises à Ahmici ?

13 M. Bell (interprétation). - En partie, parce que le chaos qui

14 régnait à l'époque était très important, mais également aussi à cause de

15 la nature même de leur mission. Selon leur mission, ils pouvaient rester

16 au camp et assurer leur propre sécurité. Il s'agissait de personnes

17 courageuses et ils essayaient d'aider la population en faisant des

18 patrouilles avec leurs véhicules blindés afin de dégager certains corps

19 sur le terrain, essayaient de rassurer la population, de faire appliquer

20 les cessez-le-feu, mais la situation était chaotique. Les commandants

21 étaient aussi responsables de la vie de leurs hommes.

22 M. Hayman (interprétation). - C'était une époque dangereuse pour

23 laisser sortir les soldats ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui, c'était une des époques les

25 plus dangereuses.

Page 16931

1 M. Hayman (interprétation). - On vous a interrogé sur

2 différentes unités qui se trouvaient à Vitez et sur des déclarations

3 faites par le colonel Blaskic ayant trait au HVO et à la différence qui

4 existait entre ces différentes unités.

5 Je voudrais vous poser des questions sur l'une de ces unités

6 dont vous avez parlé au cours du contre-interrogatoire. Que diriez-vous de

7 Darko Kraljevic ?

8 M. Harmon (interprétation). - Objection, je n'ai pas posé de

9 question sur ce point. Je n'ai pas demandé cela. Je n'ai pas abordé le

10 sujet. Si la question doit être posée, je voudrais pouvoir moi-même poser

11 des questions au témoin sur ce thème. Mais je dois dire qu'au cours du

12 contre-interrogatoire, je n'ai posé aucune question sur

13 M. Darko Kraljevic.

14 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, Me Harmon

15 est sorti, je

16 crois, largement de la portée de l'interrogatoire principal. Il a parlé du

17 cadre général des événements, des responsabilités générales du

18 colonel Blaskic et des différentes unités. Je crois que je devrais avoir

19 le droit de poser cette question.

20 M. Harmon (interprétation). - Pour clarifier le compte rendu,

21 Monsieur le Président, j'ai posé des questions à M. Bell qui permettaient

22 de remettre les déclarations dans un contexte précis.

23 Je n'ai pas parlé des unités du HVO. J'ai simplement demandé que

24 l'on aborde le contexte général dans lequel ces déclarations ont été

25 faites. Par conséquent, je pense qu'il s'agit d'un domaine dans lequel de

Page 16932

1 nouvelles questions ne devraient pas être posées. Si Me Hayman a la

2 possibilité de le faire, je demanderai moi aussi d'avoir la possibilité de

3 poser des questions sur ce point au témoin.

4 M. le Président. - Vous savez ce que je pense sur ces limites

5 qui sont toujours ambiguës entre l'interrogatoire et le contre-

6 interrogatoire.

7 Maître Hayman, posez votre question. Cela permettra aux Juges de

8 savoir si vous sortez trop du champ du contre-interrogatoire.

9 M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

10 ne poserai qu'une question sur ce point. On vous a parlé de l'accusé, des

11 unités du HVO, des déclarations qu'a faites l'accusé au sujet de certaines

12 unités du HVO. Pourriez-vous décrire Darko Kraljevic ? Quel était son rôle

13 dans la guerre, brièvement ?

14 M. Bell (interprétation). - C'était un personnage tout à fait

15 extraordinaire.

16 J'avais l'impression, même s'il tenait une partie très

17 vulnérable de la ligne de front et qu'il dirigeait des hommes, j'avais

18 l'impression qu'il n'était pas véritablement sous le commandement du

19 colonel Blaskic. J'avais l'impression qu'il agissait de façon

20 indépendante. C'était un homme charismatique et il agissait à partir du

21 café…

22 M. Harmon (interprétation). – Excusez-moi, Monsieur le

23 Président, mais je n'ai

24 pas posé de questions sur ce point et c'est pourquoi…

25 M. le Président. - Vous avez aussi posé des questions sur Anto

Page 16933

1 Valenta, sur Mate Boban, sur les politiques, sur Kordic. Vous avez posé

2 aussi des questions sur la conférence de presse. Laissez un peu de

3 fluidité pour que les juges puissent se faire une idée générale quand même

4 de l'affaire.

5 Vous avez terminé vos questions sur Darko Kraljevic, Maître

6 Hayman ?

7 M. Hayman (interprétation). - Oui, j'ai terminé. J'ai encore

8 quelques questions, et j'en aura terminé.

9 M. le Président. – Il ne s'agit pas d'un débat sur Darko

10 Kraljevic. Les juges sont en procès depuis le 23 juin 1997. Ils

11 commencent, eux aussi, à connaître Darko Kraljevic. S'il vous plaît,

12 passons à une autre question, Maître Hayman.

13 M. Hayman (interprétation). - On vous a demandé si vous étiez

14 d'accord ou non avec d'autres déclarations attribuées à M. Blaskic et

15 relatives aux événements d'Ahmici, qui lui avaient été attribuées selon

16 l'accusation par Allister Duncan ou encore d'autres déclarations se

17 trouvant dans la pièce 380 du Procureur. Cependant, l'accusation ne vous a

18 pas dit à ce moment-là que le 10 mai ou autour du 10 mai, le colonel

19 Blaskic a demandé une enquête au sein du HVO, une enquête portant sur les

20 événements d'Ahmici.

21 A-t-il jamais partagé cette information avec vous ou avec le

22 public ?

23 M. Bell (interprétation). – Non, il a simplement fait une

24 déclaration le 27 avril. Je me souviens que vers le 12 mai, après sa

25 conférence de presse, j'ai quitté les lieux. Par conséquent, je suis resté

Page 16934

1 absent pendant quelques semaines. En tout cas, je n'ai pas été en contact

2 avec lui pendant les quelques semaines qui ont suivi.

3 M. Hayman (interprétation). – La pièce de l'accusation 380 parle

4 de reportages subjectifs manquant d'objectivité. Savez-vous si les médias

5 internationaux ont couvert certains des événements qui ont eu lieu en

6 janvier 1993, notamment les massacres de Dusina et de la

7 Lasva.

8 M. Bell (interprétation). - Je n'ai pas souvenir de cela. Ils

9 ont couvert un massacre à Jardol, en novembre 1993, au cours duquel les

10 Croates ont été assassinés par des Musulmans. Nous avions connaissance

11 d'un certain nombre de massacres. Effectivement, nous avons eu accès à la

12 scène de certains. Parfois nous n'avons pas eu accès à d'autres.

13 Nous faisions généralement des rapports et des reportages sur

14 certaines atrocités, mais pas sur celles auxquelles nous n'avions pas

15 accès. Ce n'était pas comme cela que nous fonctionnions.

16 M. Hayman (interprétation). – Merci. Je n'ai plus de questions.

17 M. le Président. – Monsieur le juge Shahabuddeen, avez-vous des

18 questions ?

19 M. Shahabuddeen (interprétation). – Monsieur Bell, je

20 souhaiterais débuter en vous félicitant pour votre rôle de correspondant

21 de guerre. Vous avez reçu l'OBE, je crois, cette décoration, et je

22 comprends tout à fait pourquoi. Dans certaines des séquences que nous

23 avons visionnées, vous avez sans doute été très proche de la ligne de

24 front, n'est-ce pas, et de la ligne de tir de plusieurs hommes qui se

25 trouvaient sur le terrain, n'est-ce pas ?

Page 16935

1 M. Bell (interprétation). - Oui.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous travailliez en tant que

3 journaliste ou reporter professionnel, objectif ?

4 M. Bell (interprétation). - Oui.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Un conflit armé faisait rage

6 entre deux parties.

7 Serais-je en droit de dire…

8 M. Bell (interprétation). – Oui.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). – Ou de vous interpréter

10 ainsi, vous avez reconnu que des pertes ont été subies par les deux

11 parties et que des atrocités ont été commises

12 à l'encontre des deux parties également ?

13 M. Bell (interprétation). – Oui, effectivement, il n'y avait pas

14 de monopole de guerre ou de crimes au cours de cette guerre.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). – Serais-je également en droit

16 de dire que vous reconnaissez que le pendule se balançait d'un côté ou de

17 l'autre ; parfois l'un des camps était à son avantage et parfois la

18 situation se modifiait à l'avantage de l'autre camp ?

19 M. Bell (interprétation). – Oui.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Par votre biais, la défense

21 a versé au dossier quinze séquences de reportages diffusés à la

22 télévision. Ai-je raison de supposer que ces séquences portaient sur des

23 événements qui se sont déroulés entre août 1993 et janvier/février 1994 ?

24 A ce moment-là, l'avantage était tenu par les Musulmans. C’est

25 eux qui menaient l'offensive.

Page 16936

1 M. Bell (interprétation). - Je crois que la position des Croates

2 a été assez difficile entre avril et jusqu'à février de l'année suivante.

3 Ils ont été assiégés pendant toute cette période. Les principaux axes

4 d’approvisionnement ont été coupés jusqu’à la fin de cette période. Je ne

5 pense pas que le pendule est passé d'un camp à l'autre, ou plutôt, en leur

6 faveur au cours de ces neuf mois. Ce qu'ils ont pu faire, c'est de

7 travailler avec des soldats plus professionnels.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Qui tenait un certain

9 avantage au cours de la période avril-mai 1993 ?

10 M. Bell (interprétation). - Je crois que la situation était très

11 difficile pour les Croates à l'époque. Ils ont réussi à stabiliser la

12 situation dans d’autres parties de cette région, notamment vers Gornji

13 Vakuf et Bugojno, plus au sud.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). - Des documents vous ont-ils

15 été soumis dans lesquels il est fait référence aux forces musulmanes qui

16 seraient devenues une force plus

17 disciplinée alors qu'elles auraient été très désorganisées au départ ?

18 M. Bell (interprétation). - Oui, je crois que cela est valable

19 pour les deux camps, pour les deux forces armées.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Par conséquent, cette

21 métaphore du balancier oscillant d’un côté et d'un autre était-elle

22 incorrecte ?

23 M. Bell (interprétation). - Non. En fait, elle était correcte à

24 d’autres époques de la guerre, notamment lorsque les Croates ont réussi à

25 obtenir de larges parties du territoire. Nous parlons de 94-95. La

Page 16937

1 situation dans la vallée de la Lasva était quelque peu différente.

2 Cependant, la situation d'avril 1993 était terrible pour les Croates. Ils

3 ont réussi à la stabiliser au milieu de l'été.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au cours de la période

5 couverte par ces quinze séquences, vous a-t-on vu à un moment donné avec

6 les forces de l’armée de Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Bell (interprétation). - Oui, j'étais effectivement avec ces

8 forces de temps en temps. Mais je ne pense pas que ces images ont été

9 montées, incluses dans ces séquences. Nous nous trouvions dans une ville

10 dominée par les Croates. C'est surtout cette partie-là qui a été montrée.

11 Mais effectivement, nous nous sommes trouvés avec les Musulmans de temps

12 en temps.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au cours de cette période

14 couverte par les 15 séquences, les Musulmans ont-ils subi des pertes ou

15 ont-ils été victimes d’atrocités ?

16 M. Bell (interprétation). - Oui, tout à fait. Le massacre

17 d'Ahmici fait partie de ces atrocités.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - C’est avant cette période ?

19 M. Bell (interprétation). - Oui, mais nous parlons d’avril 1993

20 à ...

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Non, je parlais de la

22 période couverte par les

23 quinze séquences vidéo. Y a-t-il eu des victimes parmi les Musulmans ?

24 M. Bell (interprétation). - Oui. Je ne parle que d’atrocités que

25 je connais.

Page 16938

1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Par conséquent, vous n'avez

2 pas filmé de reportage sur les atrocités qu'auraient pu subir les

3 Musulmans ?

4 M. Bell (interprétation). - Je ne pense pas avoir vu plus. Par

5 exemple, le charnier qui était le sujet d’un de ces reportages, je ne sais

6 toujours pas aujourd’hui quelle était l’identité de ces personnes

7 retrouvées à cet endroit.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez parlé de gaz

9 lacrymogènes ou de gaz. Vous êtes un correspondant de guerre qui a

10 beaucoup d'expérience. Avez-vous vu sur le terrain des blessures ou des

11 dégâts qui auraient pu être causés par du gaz ?

12 M. Bell (interprétation). - S’il y a eu du gaz utilisé au cours

13 de la guerre, cela ne peut être que du gaz lacrymogène. On ne parle pas

14 d’autres types de gaz qui auraient pu être utilisés.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci de cette précision qui

16 m’éclaire beaucoup.

17 M. Bell (interprétation). - C'était une guerre assez

18 rudimentaire.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le colonel Blaskic a fait

20 une déclaration au cours de laquelle il a condamné les événements

21 d'Ahmici. Avec l'expérience que vous avez en tant que correspondant de

22 guerre, avez-vous estimé qu'un commandant militaire devant faire face aux

23 événements d'Ahmici, avait un autre choix que celui de condamner les actes

24 commis ?

25 M. Bell (interprétation). - Je pense qu’en tant qu'être humain,

Page 16939

1 il n'avait pas d'autre choix que de condamner ce qui s'était passé.

2 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pensez-vous que

3 l'attribution ou la détermination des responsabilités était une question

4 différente ?

5 M. Bell (interprétation). - Oui. Il est indiscutable que ce qui

6 s'est passé sur la carte appartenait à sa zone de responsabilité. Je n’en

7 sais pas plus. Je ne peux que parler du chaos qui régnait à l'époque.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pour ce qui est de sa

9 responsabilité dans cette affaire, le Procureur a proposé certaines

10 suggestions qui ont été faites pas le colonel Blaskic lui-même.

11 Premièrement, il a dit que des extrémistes serbes avaient

12 perpétré ces actes. Ensuite, il a proposé que des Musulmans avaient

13 perpétré ces actes, et enfin, troisième possibilité, il a déclaré que des

14 Musulmans s'étaient peut-être déguisés en soldat du HVO et qu'ils avaient

15 perpétrés ces actes. Vous n'avez accepté aucune de ces propositions,

16 n'est-ce pas ?

17 M. Bell (interprétation). - Non.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous connaissiez le

19 colonel Blaskic, n'est-ce pas ?

20 Vous avez réagi face à cela ?

21 M. Bell (interprétation). - Vous me demandez quelle avait été ma

22 réaction ?

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Quelle aurait été votre

24 réaction si on vous avait dit que ces trois possibilités avaient été

25 effectivement présentées par le colonel Blaskic ?

Page 16940

1 Auriez-vous dit qu'il les proposait de façon sérieuse ou qu'il

2 s'agissait là d'une stratégie ou d'une tactique ?

3 M. Bell (interprétation). - Non, je crois que c'était simplement

4 une tactique. Il avait du mal à trouver quelque chose à dire dans de

5 telles circonstances.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en arrive à

7 M. Anto Valenta. Vous avez du mal à le reconnaître ou à vous en souvenir.

8 Finalement, vous vous êtes souvenu qu'il occupait un poste important .

9 M. Bell (interprétation). - Oui, il occupait un poste important,

10 mais sur le papier. Dans la réalité, j'ai eu l'impression qu'il n'avait

11 pas beaucoup de pouvoir.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Aviez-vous l'impression

13 qu'il avait quoi que ce soit à voir avec la formation et l'établissement

14 ou la détermination de but politique ?

15 M. Bell (interprétation). - Je ne peux pas véritablement

16 répondre à cette question. A l'époque, j'ai émis le souhait, ou j'espérais

17 plus précisément qu'il n'avait pas son mot à dire.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous aviez dit que votre

19 évaluation personnelle, ou non, vous n'avez pas dit "personnelle", c'est

20 moi qui l'ajoute. Vous avez dit que vous pensiez qu'il exprimait une

21 position personnelle et non pas collective ?

22 M. Bell (interprétation). - Effectivement, j'ai dit qu'il

23 n'exprimait pas l'opinion générale des personnes qui se trouvaient sur ce

24 podium. Mais je suppose que d'autres personnes avaient les mêmes opinions.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez décrit le

Page 16941

1 colonel Blaskic comme étant un officier militaire correct ?

2 M. Bell (interprétation). - Oui, j'ai toujours eu cette

3 impression. C'était l'un des commandants auquel on pouvait s'adresser et

4 cela du début jusqu'à la fin.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - Diriez-vous qu'un officier

6 militaire correct est un officier qui, bien qu'il ne s'occupe pas de

7 question politique, est prêt à exécuter les idées présentées par les

8 dirigeants politiques, quelles que soient ces idées ?

9 M. Bell (interprétation). - Oui, lorsqu'un conflit, une guerre

10 apparaît soudain dans un conflit de chaos, lorsque les communications ne

11 sont pas idéales, il est difficile de déterminer quelle était l'opinion

12 politique ou quelle était la volonté politique de l'équipe dirigeante.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci et je tiens à nouveau

14 à vous féliciter.

15 M. le Président. - Monsieur le Juge Rodrigues, vous avez des

16 questions à poser ?

17 M. Rodrigues. - Oui. Monsieur Bell, je vous félicite pour votre

18 travail et pour l'information qui vous amène ici au Tribunal.

19 J'ai deux questions pour vous. En partant de quelques

20 affirmations que vous avez faites ici, Ahmici a été une sorte de pression

21 sur le HVO qui a attiré l'attention de la communauté internationale sur

22 les événements de cette zone.

23 Mon collègue, M. Shahabuddeen, vous a demandé si la conférence

24 de presse du général Blaskic était ou non une tactique. D'autres personnes

25 ont parlé ici en faisant la distinction entre stratégie et tactique et ont

Page 16942

1 admis qu'il y avait une certaine coordination dans le champ de la

2 stratégie. Je vous demande cela parce que vous avez été un bon observateur

3 indépendant sur les événements.

4 Est-ce que dans le domaine de la tactique, on pouvait trouver

5 une certaine coopération entre le HVO et d'autres forces, notamment du HV

6 ou non ?

7 M. Bell (interprétation). - Tout à fait. Au cours des combats

8 entre Musulmans et Croates, à la fin de l'été, il y a eu effectivement une

9 aide apportée par la HV, une aide importante, notamment aux forces croates

10 qui se trouvaient à Gornji Vakuf. Il y avait des véhicules, des véhicules

11 de l'armée sur lesquels la plaque d'immatriculation avait été retirée. Ce

12 qui pour nous supposait qu'il s'agissait de véhicules de la HV. Il y avait

13 également des armes utilisées à l'époque. Au cours des premiers jours de

14 combat dans la vallée de la Lasva, je pense que les unités du HVO ont dû

15 se débrouiller par leurs propres moyens, les unités du HVO et d'autres

16 d'ailleurs.

17 M. Rodrigues. - On pourrait établir ce cadre de relations. On a,

18 d'un côté, la stratégie qui correspond, dans le domaine l'action, à la

19 coordination et, de l'autre côté, la tactique qui, dans le champ, se

20 traduit par une coopération. Est-ce qu'on peut faire ce cadre de

21 relations ?

22 M. Bell (interprétation). - Je pense que le colonel Blaskic a dû

23 élaborer sa propre

24 tactique. Au fur et à mesure des semaines et des mois qui se sont écoulés,

25 il ne souhaitait plus

Page 16943

1 avoir de conseil.

2 Mais, au départ, je pense qu'il a dû improviser au fur et à

3 mesure que les événements se produisaient. Ceci devait s'appliquer du côté

4 de l'armée de Bosnie-Herzégovine, d'ailleurs.

5 M. Rodrigues. – L’autre question que j'ai à vous poser se place

6 en relation avec la première. En tant qu'observateur indépendant, vous

7 avez vécu les événements très proches du placement des événements. En

8 tenant compte de l'affirmation que vous avez faite-, que peut-être la

9 conférence de presse du général Blaskic ou du colonel Blaskic pourrait

10 être une tactique, et de que vous avez dit que vous avez vécu la guerre

11 plus du côté des Croates que de l'autre côté-, est-ce qu'il y avait une

12 politique formelle et une politique informelle ou seulement une politique

13 cohérente ? Est-ce que les choses changeaient selon les circonstances de

14 façon à vous faire comprendre qu'il y avait une politique formelle et

15 informelle ? Quel est votre avis ?

16 M. Bell (interprétation). - Nous avons passé la plupart de notre

17 présence là-bas avec les Croates, mais par hasard. Au cours de la guerre,

18 dans son ensemble, je dirai que j'ai passé plus de temps du côté musulman

19 que du côté croate.

20 Sur le terrain, vous avez tendance à sympathiser avec des

21 soldats ou avec des individus qui se trouvent sur le terrain, quelle que

22 soit leur appartenance ou leur affiliation à une armée. Parce qu'ils ne

23 souhaitent pas plus être là que quiconque : ils veulent que la guerre

24 parvienne à son terme. Je crois que nous avons essayé d'humaniser de cette

25 façon nos reportages.

Page 16944

1 M. Rodrigues. - Merci.

2 M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge Rodrigues. Ce sera

3 bientôt fini, Monsieur Bell.

4 J'ai une ou deux questions à vous poser. Je n'ai pas très bien

5 compris ce que vous

6 appeliez un militaire correct. Est-ce qu'il appartenait à une grande

7 nation, à une grande armée ?

8 M. Bell (interprétation). - C'est un terme que j'ai emprunté aux

9 Serbes. Parce que, selon eux, je n'étais pas en leur faveur en quelque

10 sorte, mais qu'ils ne pensaient pas que j'allais à leur encontre non plus,

11 ils m'ont appelé "correct". Par conséquent, j'ai emprunté ce terme serbe.

12 Je pense qu'une personne correcte est une personne qui fait correctement

13 son travail pour lequel elle est payée.

14 M. le Président. - Donc un commandant d'une zone opérationnelle,

15 militaire dans un conflit devrait, puisqu'il est correct, ne s'occuper que

16 de questions militaires, d'après cette définition ?

17 M. Bell (interprétation). - Oui, c'est correct. Mais je dois

18 dire que les soldats des Nations Unies, par exemple, participaient à des

19 opérations politiques parce que, dans une large mesure, ils représentaient

20 la communauté internationale sur le terrain.

21 M. le Président. - Nous avons vu l'accusé dans cette conférence

22 de presse, et vous l'avez vu vous-même, avec des politiques. Ma question

23 est celle-ci : avec Anto Valenta, M. Kordic, que vous-même avez qualifié

24 de politiques, la présence du commandant de la zone opérationnelle

25 impliquait-elle qu'il partageait les vues politiques des dirigeants de la

Page 16945

1 communauté croate de Herceg-Bosna ?

2 M. Bell (interprétation). - Eh bien, non. Je doute de cela. Je

3 pense qu'il ne partageait pas les idéaux de M. Valenta. Je crois qu'il

4 était proche de M. Kordic, mais leur poste était différent.

5 Je pourrais vous dire qu'au cours du bombardement de l'Irak, en

6 décembre dernier, par les Britanniques et les Américains, la conférence de

7 presse organisée par les Britanniques et par les ministères de la Défense

8 et le chef d'état-major, ceci se produit ; c'est une pratique courante.

9 Cela ne veut pas dire que les personnes qui se trouvaient là partageaient

10 les aspirations politiques du ministre de la Défense. Le fait qu'un

11 militaire et un politique soient

12 l'un à côté de l'autre dans une conférence de presse ne veut pas dire

13 cela.

14 M. le Président. - J'entends bien, mais vous êtes un homme

15 politique maintenant, Monsieur le député.

16 Est-ce que vous concevez que, dans une guerre comme celle-ci, on

17 puisse confier de hautes fonctions de responsabilité militaire à quelqu'un

18 qui ne partagerait pas les objectifs politiques ?

19 M. Bell (interprétation). - Dans ce conflit, le conflit dont

20 nous parlons -je comprends ce que vous voulez dire, Monsieur le

21 Président-, mais dans ce conflit en particulier, qui d'ailleurs a jeté les

22 deux parties dans un certain désespoir, quels qu'aient été les sentiments

23 du colonel Blaskic sur les objectifs politiques de l'homme qui se trouvait

24 assis à côté de lui, il était l'homme qui était considéré le mieux à même

25 de combattre dans cette guerre. A ce jour, je ne sais pas quelles sont ses

Page 16946

1 opinions politiques, car je n'en ai jamais parlé. Je n'ai jamais parlé de

2 politique avec lui.

3 M. le Président. - Je parlais de son adhésion à un plan

4 politique. Je vais peut-être changer ma question. Est-ce que vous estimez

5 que M. Kordic ou les dirigeants politiques avaient une vision politique du

6 conflit, avaient un but politique et lequel ?

7 M. Bell (interprétation). - C'était d'assurer la survie en tant

8 qu'entité. Si les Croates essuyaient une défaite, ils devraient

9 disparaître de la vallée de la Lasva. Ils essayaient de survivre, comme

10 c'était le cas dans une autre mesure des Musulmans.

11 M. le Président. - Au départ, cette vallée de la Lasva

12 appartenait à une entité politiquement bien déterminée, la Bosnie-

13 Herzégovine.

14 M. Bell (interprétation). - Oui, au départ. Effectivement, la

15 population était mixte. Les peuples vivaient ensemble. Cette mosquée à

16 Ahmici était à cent mètres de la route principale.

17 M. le Président. - Au cours d'autres témoignages, il semble

18 qu'il était noté la présence d'une brigade musulmane. Est-ce que vous

19 pouvez nous dire quelque chose sur cette brigade musulmane ?

20 M. Bell (interprétation). - Est-ce une question sur les

21 Moudjahidin, Monsieur le Président ?

22 M. le Président. - Exactement.

23 M. Bell (interprétation). - L'une des difficultés que nous avons

24 rencontrée afin d'évaluer la guerre était que les Moudjahidin étaient

25 extrêmement hostiles vis-à-vis de la presse et vis-à-vis des étrangers,

Page 16947

1 bien sûr.

2 En janvier 1994 notamment, ils ont tué des membres d'une

3 organisation britannique et ont tenté d'en tuer deux autres également. Et,

4 effectivement, ils ont inspiré beaucoup de peur chez les Croates. Je sais,

5 de mes contacts du côté de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qu’ils étaient

6 extrêmement difficiles à gérer pour l'armée de Bosnie-Herzégovine

7 régulière.

8 M. le Président. - Vous avez eu, en tant que correspondant de

9 guerre, vous avez passé -vous le dites vous-même- plus de temps avec les

10 Musulmans qu'avec les Croates, est-ce que vous les avez vus, rencontrés,

11 interrogés ? Vous avez eu des conférences de presse. Est-ce que vous

12 pouvez nous apporter quelque chose de concret là-dessus ?

13 M. Bell (interprétation). - La brigade musulmane ou les

14 Moudjahidin ne tenaient pas de conférence de presse et surtout pas pour la

15 presse étrangère. Ils étaient extrêmement hostiles à la presse étrangère

16 et à la presse internationale. Les contacts avec l'armée de Bosnie-

17 Herzégovine se faisaient par le biais du quartier général de Zenica, de

18 Travnik et, bien entendu, de Sarajevo. Lorsque je vous ai dit que j’étais

19 surtout du côté musulman de la ligne, à savoir du côté bosnien, je parlais

20 notamment d’une longue période que j’ai passée à Sarajevo.

21 M. le Président. - Je voudrais me joindre à ce que vous ont dit

22 mes collègues. Je voudrais vous remercier et vous féliciter. Vous êtes un

23 homme qui a fait preuve de beaucoup

24 de courage pendant toute cette période, et également pour la qualité de

25 votre témoignage qui a essayé d'avoir beaucoup de hauteur de vue au cours

Page 16948

1 de ce sinistre conflit. A présent, c'est terminé. Nous vous renvoyons à

2 vos activités de parlementaire à la Chambre des communes. Nous terminons,

3 aujourd'hui, à 18 heures. Les interprètes le savent, je n’ai pas voulu

4 interrompre le témoin. Je propose un petit quart d'heure de pause. Je vois

5 que le greffier... J’ai dû faire une erreur quelque part ?

6 M.Dubuisson. - Pas du tout. J'aimerais connaître le sort réservé

7 aux pièces D532 et les pièces du Procureur 572 et 573 ?

8 M. Harmon (interprétation). - Je voudrais demander le versement

9 de la photographie de l'ensemble des quatre photographies où l’on voit le

10 colonel Blaskic et d’autres personnes encore au cours de la conférence de

11 presse, et je demanderais également le versement au dossier du compte

12 rendu lié aux séquences vidéos. Je demande le versement des séquences

13 vidéos elles-mêmes.

14 M. Hayman (interprétation) - Nous n’avons pas d’objection.

15 M. le Président. - Bien, nous allons faire une petite pause d’un

16 quart d’heure et nous reprendrons pour une petite demi-heure, jusqu’à

17 18 heures.

18 M. Hayman (interprétation) - Monsieur le Président, je

19 souhaiterais vous informer que nous n'avons pas d'autres témoins pour cet

20 après-midi.

21 M. le Président. - Il vous reste combien de témoins ? Je ne

22 voudrais quand même pas qu’il y ait de malentendus. Vous avez combien de

23 témoins ? Vous nous avez dit que l’accusé commencerait à témoigner

24 mercredi, nous sommes lundi... Il vous reste combien de témoins ? C’est

25 marqué au transcript cette fois-ci. Il vous reste combien de témoins

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1 jusqu’à ce que l’accusé comparaisse comme témoin ?

2 M. Hayman (interprétation) - Nous avons trois autres témoins

3 dont le témoignage sera de courte durée. Nous espérons finir demain. Nous

4 ne savons pas véritablement si l’accusé

5 commencera à témoigner demain après-midi ou mercredi matin, je ne peux pas

6 vous le dire.

7 M. le Président. - Ce sera plutôt mercredi, mercredi après-midi.

8 Il reste donc trois témoins relativement brefs. Maître Harmon, vous

9 vouliez ajouter quelque chose ?

10 M. Harmon (interprétation). - Oui, monsieur le Président,

11 effectivement. Je demanderai l'identité de ces nouveaux témoins. Nous

12 avons reçu l'identité de ces témoins assez tardivement, il y a 5 ou

13 6 jours. L'identité de ces trois témoins. Nous n'avons pas eu suffisamment

14 de temps, monsieur le Président.

15 M. le Président. - Ils sont protégés ces témoins ? Vous pouvez

16 donc donner l'identité. Comment l’identité n’a pas encore été fournie ?

17 C’est Omazic ?

18 M. Harmon (interprétation). - Il se plaint parce qu'il ne

19 connaît pas l'ordre dans lequel ils vont témoigner mais leur identité a

20 été communiquée. D'ailleurs, vous n'avez jamais demandé que nous

21 communiquions l'ordre dans lequel nous allons demander aux témoins de

22 comparaître, même si nous avons toujours tenté de le faire.

23 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je crois

24 que Me Hayman m'attribue de mauvaises attentions. Je voudrais clarifier

25 cela.

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1 M. le Président. - Oui, monsieur Harmon ?

2 M. Harmon (interprétation). - On vient de nous informer que

3 trois témoins allaient comparaître. Nous avons reçu cette notification de

4 trois nouveaux témoins. Et nous pensons que le délai de notification

5 devait partir mercredi ou arriver à mercredi et non pas à mardi. Par

6 conséquent, l'identité des témoins qui a été communiquée dans... S'agit-il

7 des témoins présentés à une période antérieure ou s'agit-il des témoins

8 dont on nous a parlé, à 10 heures ou 11 heures il y a 5 ou 6 jours ?

9 M. le Président. - Nous n'allons pas, après 20 mois de procès,

10 continuer à nous chamailler, il n’y pas d’autres mots, sur ces questions-

11 là. Au besoin, je vais trancher. Est-ce que c’est, puisqu’il n’y pas de

12 témoins protégés, votre mémorandum du 10 février,

13 maître Hayman ?

14 M. Hayman (interprétation) - Je peux régler ce problème,

15 monsieur le Président. L'un des témoins qui va comparaître demain a été

16 identifié le 5 janvier 1999. L’un des témoins qui va comparaître demain a

17 été identifié le 7 janvier, j'espère que ceci ne pose aucun problème vis-

18 à-vis de ce témoin. Quant au troisième témoin, qui va comparaître demain,

19 son nom a été faxé au Procureur, le soir du 9 février, à savoir 7 jours

20 pleins à partir de demain, ou plutôt jusqu’à demain. Si cela pose un

21 problème, le témoin peut rester ici. Nous allons le faire rester à La

22 Haye.

23 M. le Président. - Quels sont les trois témoins que nous aurons

24 demain ? Je ne me souviens plus de ce qui s'est passé le 9 janvier ni le

25 9 février. J'ai envie de savoir quels sont les trois témoins que nous

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1 avons demain. Maintenant, il est temps que l’accusé témoigne. Est-ce

2 Omasic, Tomic ? Quels sont les témoins de demain ?

3 M. Hayman (interprétation) - Anto Plavcic...

4 M. le Président. - Vous notez, maître Harmon. Ensuite ?

5 M. Hayman (interprétation) – (expurgée)

6 M. le Président. - C’est un de ceux de janvier.

7 M. Hayman (interprétation) - Nikica Lovric.

8 M. le Président. - Ecoutez, pour le reste, vous vous mettrez

9 d’accord si vous avez d’autres questions. La cour ne veut plus en entendre

10 parler. Nous nous trouvons demain matin à 10 heures. L’audience est levée.

11 L'audience est levée à 17 heures 25.

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