Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 Tihomir BLASKIC

7 Jeudi 20 mai 1999

8

9 L’audience est ouverte à 10 heures 00.

10

11 M. le Président. – Veuillez vous asseoir. L'audience est

12 reprise. Monsieur le greffier, vous pouvez introduire notre témoin.

13 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

14 M. le Président. – Je salue les interprètes, les conseils de

15 l'accusation, les conseils de la défense ; je salue le témoin. Je demande

16 au greffier de monter un peu le chauffage : l'administration doit croire

17 que nous sommes en pleine été.

18 Bien, Monsieur le Procureur, nous pouvons reprendre.

19 M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président.

20 Bonjour, Messieurs les Juges.

21 M. le Président. – Vous regardez le sablier, monsieur le

22 Procureur ?

23 M. Kehoe (interprétation). – Toujours, Monsieur le Président.

24 Monsieur le greffier, je souhaite que l'on revienne sur la pièce

25 à conviction 456/58, qui est la lettre de l'accusé envoyée Stojic Petkovic

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1 et Kordic, le 24 avril 1993. Nous en avons déjà parlé hier.

2 Général, si l'on examine votre document où vous parlez…, vous

3 dites, sur la page 1, que Mate Boban devrait être à Vitez aujourd'hui.

4 L'une des idées que vous annoncez était de parler d'une emphase très

5 unilatérale de la part de seulement un peuple. Puis, vous exprimez votre

6 inquiétude que les journalistes sont payés afin de présenter les

7 événements de manière partielle.

8 Hier, au cours de votre déposition, vous avez souhaité que Mate

9 Boban vienne à Vitez pour soutenir votre enquête sur Ahmici.

10 Ma question, Général, est la suivante : dites aux Juges, s'il

11 vous plaît, de quelle manière le fait que Mate Boban allait arriver à

12 Vitez, ait exprimé les suspicions selon lesquelles les journalistes sont

13 payés afin de présenter les événements de manière partiale allait soutenir

14 votre enquête sur Ahmici ?

15 M. Blaskic (interprétation). - L'arrivée même de Mate Boban dans

16 cette région et son intervention concernant le crime aurait certainement

17 constitué un grand soutien pour moi dans l'enquête, étant donné que sa

18 voix serait entendue à la fois par des soldats et la population vivant

19 dans cette région.

20 En ce qui concerne l'emphase unilatérale concernant les

21 souffrances d'un seul peuple, il s'agissait là d'un autre problème auquel

22 nous étions confrontés qui avait pour résultat que les soldats et les

23 civils qui vivaient dans la région avaient un soutien diminué, vu que

24 personne ne parlait de crimes commis contre les Croates.

25 En tout cas, pour moi, dans le cadre de l'enquête, cela aurait

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1 constitué un soutien si l'approche avait été plus équilibrée, c'est-à-dire

2 si l'on avait parlé de crimes des deux côtés. Non pas afin de justifier

3 les crimes commis à Ahmici, mais afin de créer le soutien de l'opinion

4 publique pour mener une enquête complète. C'est dans ce sens qu'il a fallu

5 parler plus des crimes commis à Lasva, Dusica, Visnjica et d'autres

6 endroits.

7 M. Kehoe (interprétation). - Excusez-moi, Général, la question

8 posée était la suivante : comment l'arrivée de Mate Boban...

9 M. le Président. – Maître Hayman, je vous vois faire des gestes.

10 M. Hayman (interprétation). – Si l'on examine le transcript,

11 Monsieur le Président, le témoin était en train de dire : "Ces personnes

12 venaient et cela aurait permis de créer une ambiance auprès de la

13 population et des soldats." Malheureusement, tôt le matin, le Procureur a

14 commencé à interrompre le témoin.

15 M. Kehoe (interprétation). - J'interromps le témoin s'il ne

16 répond pas à ma question, même si Me Hayman n'est pas content de ce fait.

17 Ma question était la suivante : comment le fait d'exprimer des doutes

18 selon lesquels les journalistes étaient payés afin de présenter les

19 événements de manière partiale allait aider et soutenir ces efforts dans

20 le cadre de l'enquête d'Ahmici ?.

21 Nous pouvons relire le compte rendu pour voir ce que j'ai

22 demandé. C'est la question à laquelle le témoin n'a pas fourni de réponse.

23 Ma question reste la même : comment Mate Boban et son arrivée à Ahmici,

24 afin d'exprimer le doute selon lequel les journalistes étaient payés pour

25 présenter les événements de manière partiale -ou contraire à la vérité-

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1 allait vous soutenir dans votre enquête ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Si j'ai bien compris la question,

3 je vais essayer de répondre. L'arrivée de Mate Boban, dans la région de

4 Vitez et dans la poche de la Lasva et Ahmici, si vous voulez, son

5 intervention et la condamnation du crime auraient certainement soutenu les

6 efforts dans le cadre de l'enquête. Moi, je crois que lui aussi aurait

7 pris des mesures afin de faire venir les hauts responsables du ministère

8 de la Défense ayant toutes les compétences pour autoriser une enquête.

9 Cela aurait permis d'avoir un grand soutien. J'avais un

10 besoin absolu du soutien de la population de la région de la vallée.

11 M. Kehoe (interprétation). - Dernière fois que je pose la

12 question. Comment l'arrivée de Mate Boban…

13 M. le Président. - Le témoin vous a répondu. Il vous dit que

14 Mate Boban serait venu. Moi aussi, j'attendais quelque chose de concret de

15 la part du témoin, là il vous a répondu. Il a dit : "Mate Boban serait

16 venu et aurait permis ensuite de m'aider à faire venir les responsables du

17 ministère de la Défense", je suppose par rapport à la police militaire.

18 C'est peut-être une réponse qui ne vous convient pas mais, enfin, c'est la

19 réponse du témoin.

20 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, ma question

21 était basée sur la déclaration du témoin dans sa lettre où il demande à

22 Mate Boban d'exprimer le doute selon lequel les journalistes étaient

23 payés, afin de présenter les événements de manière partiale.

24 M. le Président. - Vous voulez compléter rapidement Général

25 Blaskic. Est-ce qu'il aurait fait des émissions de télévision, des

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1 conférences de presse, j'en sais rien. Vous voulez compléter, mais

2 rapidement alors, ou nous passons à une autre question ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas demandé que Mate

4 Boban dise cela. Et comme je l'ai déjà dit hier, je peux le répéter, pour

5 moi, ce document n'est pas complet.

6 M. le Président. - Cela nous le savons, pour vous il n'est pas

7 complet. Donc, soit vous nous dites ce qu'il y avait dans le document,

8 soit nous savons qu'il est incomplet. Il n'y a que vous qui pouvez savoir

9 ce qu'il y avait. Nous n'allons pas recommencer la conversation d'hier. Si

10 sur ce point particulier, sur lequel le Procureur vous a posé une

11 question, moi je considère que vous avez répondu. Si maintenant vous avez

12 le souvenir de ce qui était indiqué dans cette lettre par rapport à la

13 question du Procureur, dites le. Et avançons, s'il vous plaît !

14 M. Blaskic (interprétation). - Le fait est qu'à cette époque, la

15 manière dont on présentait tous les événements dans la vallée de la Lasva

16 était extrêmement unilatérale, et un côté avait la priorité ou, si vous

17 voulez, le droit exclusif à être présenté comme une victime,

18 alors que les crimes de l'autre côté n'étaient jamais présentés. Cela dit,

19 je n'ai jamais dit, et je n'ai jamais penser qu'il faut justifier des

20 crimes par d'autres crimes. J'avais besoin de l'arrivée de Mate Boban afin

21 d'obtenir le soutien pour mener l'enquête.

22 M. Kehoe (interprétation). - Général, est-ce que vous avez écrit

23 qu'il y avait un doute selon lequel les journalistes étaient payés afin de

24 présenter les événements de manière partiale ? Avez-vous écrit cela ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Ceci figure dans ce texte, c'est-

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1 à-dire qu'il y a une manière unilatérale de présenter les souffrances d'un

2 peuple. Moi, je recevais ce genre d'informations. Ce genre d'informations

3 circulaient à l'époque. Et c'est ce que j'ai inséré dans mon rapport,

4 étant donné que l'approche dans cette région n'était pas équilibrée. Cela

5 rendait le soutien beaucoup plus difficile, le soutien et l'enquête dans

6 cette région, dans la région de la vallée de la Lasva.

7 M. Kehoe (interprétation). - Général, je vais encore, une fois,

8 maintenant, relire ma question sur la base du compte rendu. Général, avez-

9 vous écrit qu'il y avait des doutes selon lesquels les journalistes

10 étaient payés afin de présenter les événements de manière partiale ?

11 L'avez-vous écrit ? S'il vous plaît, examinez donc votre lettre qui

12 constitue le document 456/58 en date du 24 avril 1993?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà donné ma réponse. Ici,

14 il est indiqué qu'il y a une présentation unilatérale des événements avec

15 le doute. Moi, j'ai souligné qu'il y avait le doute d'après les

16 informations. Je me suis basé sur les informations que je recevais, et

17 c'est pour cela que j'ai exprimé l'existence d'un doute. Mais en ce qui

18 concerne le déséquilibre dans la présentation des événements, ce

19 déséquilibre existait bel et bien.

20 M. Kehoe (interprétation). - Quels journalistes, selon vos

21 doutes, étaient payés afin de présenter les affaires de manière partiale ?

22 M. Blaskic (interprétation). - En général, tous les événement

23 qui rapportaient de

24 cette région, à un certain moment, il y avait de nombreuses équipes, à la

25 fois étrangères et des journalistes de chez nous, locaux. Je ne connais

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1 pas leur nom étant donné que je n'étais pas souvent en contact directement

2 avec eux, parfois si. Mais, la tendance qui existait était de présenter

3 les souffrances de manière unilatérale.

4 M. Kehoe (interprétation). - Général, en ce qui concerne ces

5 journalistes étrangers, pour lesquels vous dites qu'ils ont été payés,

6 est-ce que selon vos doutes, ils ont été payés pour présenter les

7 événements de manière partiale. Pouvez-vous donner au moins un seul nom

8 d'un tel cas, d'un tel journaliste étranger ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Comme j'ai déjà dit, c'est clair

10 d'après cette partie-là de la lettre, j'ai parlé de la présentation

11 unilatérale et de l'existence d'un doute. Je parle donc d'un doute dont

12 j'ai entendu parler. Je n'ai pas de nom ici sur moi, c'est le département

13 chargé de l'information qui avait ce genre de données. Moi, je n'avais pas

14 de registre de noms. Mais j'ai entendu parler, j'ai reçu les informations

15 concernant l'existence d'un tel doute.

16 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous êtes conscient du

17 fait qu'il s'agit là d'une accusation très grave quand on accuse les

18 journalistes étrangers de mensonges dans leur présentation d'événements ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Il ne s'agit pas d'accusations,

20 il s'agit de doutes. Là, je ne pense qu'il s'agit d'une l'accusation. Moi,

21 j'ai parlé du fait de l'existence de doute et de l'inquiétude à cause de

22 la présentation unilatérale de la situation dans la vallée de la Lasva où

23 nous étions complètement encerclés, où il y avait une situation chaotique,

24 il y avait des opérations de combats qui se déroulaient. A Travnik, il y

25 avait le commandement conjoint, alors qu'à Vitez on se battait les uns

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1 contre les autres. Et d'autre part, d'après toutes les informations

2 publiques, on disait toujours que c'était nous qui étions en train

3 d'attaquer, alors que moi j'étais face à une situation chaotique où on

4 luttait pour notre propre survie.

5 Ici, il ne s'agissait d'une accusation mais d'un doute sur

6 lequel j'ai été informé et

7 que j'ai transmis dans cette lettre.

8 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous nous avez dit que

9 vous aviez fait part de toutes vos inquiétudes au grand quartier général,

10 à Kordic, à Petkovic et Stojic dans ce document du 24 avril 1993. Ce

11 document, Général, veuillez l'examiner de près, contient-il une seule

12 expression d'inquiétude de votre part s'agissant les victimes expulsées et

13 massacrées dans le village d'Ahmici ? Une seule expression d'inquiétude ?

14 M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne l'expression

15 d'inquiétude s'agissant des victimes, je l'ai déjà dit au cours de ma

16 déposition, à ce moment-là, nous n'avions pas toutes les informations

17 complètes, moi-même concernant les victimes. Mais peu importe s'il

18 s'agissait d'une ou de cent victimes, moi j'étais inquiet afin d'empêcher

19 que le crime se répète et sur le point de faire en sorte que l'enquête

20 soit menée. C'était mes deux priorités. Dans le même temps, je menais une

21 lutte pour la survie. C'était là le point crucial de mon inquiétude.

22 M. le Président. - Dans ce document, y a-t-il une expression

23 d'une inquiétude ? La question du Procureur était de savoir s'il y avait

24 une trace d'inquiétude. Dites oui ou non, je ne m'en souviens plus, ou le

25 document est incomplet.

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1 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, cela ne

2 figure pas dans ce document. Mais si, pendant que la guerre fait rage, je

3 demande que Mate Boban vienne, il s'agit là d'une expression de grande

4 inquiétude. Pourquoi voulez-vous que je demande que le commandant suprême

5 vienne dans la région.

6 M. le Président. – Ceci est votre réponse. On peut imaginer

7 qu'il y en ai d'autres, mais j'enregistre votre réponse. Monsieur le Juge

8 Rodrigues.

9 M. Rodrigues. – Général, j'aimerais savoir s'il y a une

10 différence quelconque entre vos préoccupations par rapport au soupçon que

11 vous aviez relatif aux journalistes qui, selon vous, étaient payés pour

12 rapporter des faits emprunt d'une certaine vision et le soupçon que vous

13 aviez par rapport au crime d'Ahmici ? Y avait-il quelque différence que ce

14 soit entre les

15 deux soupçons pour vous ?

16 M. Blaskic (interprétation). – En ce qui concerne l'inquiétude

17 liée aux rapports journalistiques, le fait reste qu'il y a eu des crimes

18 qui ont eu lieu à Lasva, Dusina, à Visnjica en janvier 1993. Il est

19 cependant difficile de condamner les journalistes et de poser la question

20 de savoir pourquoi ils n'ont pas rendu publique cette information. Cela

21 aurait peut-être permis de créer un certain équilibre. Mais ils rendaient

22 publiques les informations concernant les endroits où il leur était

23 possible d'arriver. Souvent, ils étaient escortés par la Forpronu qui les

24 transportait à un endroit où ils pouvaient filmer.

25 J'ai déjà dit avoir exprimé le doute, le soupçon sur la base

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1 d'informations que moi j'ai reçues de tels journalistes. En ce qui

2 concerne le crime d'Ahmici, quand j'ai reçu la lettre du colonel Stewart

3 m'indiquant environ huit victimes, il n'y avait plus de doute quant à la

4 question de savoir s'il fallait ou pas mener un enquête. J'étais inquiet

5 sur le point de voir de quelle manière, dans de telles circonstances, nous

6 pouvions mener une enquête et empêcher la répétition d'un tel crime. Pour

7 moi, c'était la première fois que j'étais confronté à une telle tragédie.

8 M. Rodrigues. – Il me semble, Général, que vous aviez ici, dans

9 cette lettre, une opportunité fantastique de demander l'enquête à vos

10 supérieurs. Pourquoi n'avez vous pas fait cela, à ce moment-là ?

11 M. Blaskic (interprétation). – L'arrivée de mon commandant

12 suprême sur le terrain constituerait pour moi une occasion excellente pour

13 faire venir toute l'équipe. Dans la situation dans laquelle j'étais, c'est

14 cette même police militaire me protégeait afin à la fois que...

15 M. Rodrigues. – Merci.

16 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, puis-je

17 poursuivre ?

18 M. le Président. – Oui, Monsieur le Procureur, allez-y.

19 M. Kehoe (interprétation). – Général, quelle a été la réponse de

20 Stojic à cette

21 lettre ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas très exactement

23 quelle a été la réaction de Stojic : peut-être que le chef d'état-major

24 principal peut donner plus de détails à ce sujet. Je sais quelle a été la

25 réaction du chef d'état-major principal quand il est arrivé à Vitez, au

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1 cours de cette première visite. Mais, à l'époque, je n'ai pas eu

2 l'occasion de rencontrer Bruno Stojic afin de savoir quelle était sa

3 réaction.

4 M. Kehoe (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,

5 Stojic n'a pas du tout réagi, du moins pas auprès de vous, par rapport à

6 cette lettre ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Il m'est difficile de dire s'il a

8 réagi auprès du chef d'état-major principal. En ce qui me concerne, je ne

9 me souviens pas de sa réaction vis-à-vis de moi. En ce qui concerne le

10 chef d'état-major principal qui lui était subordonné, je ne peux pas dire

11 s'il a eu une telle réaction, étant donné que je n'ai pas d'information à

12 ce sujet.

13 M. Kehoe (interprétation). - Et Kordic, quelle a été sa

14 réaction ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Il m'a fait savoir qu'il

16 soutenait l'enquête et qu'il considérait qu'il fallait mener une enquête.

17 Quant au fait de savoir de quoi il parlait avec M. Boban concernant ce

18 sujet, je ne peux pas donner de détail étant donné qu'il ne m'a pas fait

19 part de ce genre d'information.

20 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que Kordic a fait quoi que

21 ce soit de concret afin de soutenir votre action ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me souviens pas qu'il ait

23 fait des choses concrètes ; je ne détiens pas de telles informations. Mais

24 je sais qu'il m'a fait savoir personnellement qu'il soutenait l'enquête.

25 M. Kehoe (interprétation). - Et Milivoj Petkovic, qu'a-t-il fait

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1 après avoir reçu cette lettre extrêmement grave de votre part ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Dès la réunion qui a eu lieu vers

3 la fin du mois

4 d'avril, il a organisé une réunion avec mes collaborateurs les plus

5 proches. Il a dit publiquement que l'enquête devait être menée jusqu'à la

6 fin. C'était l'attitude qu'il a exprimée au cours de la réunion qui s'est

7 tenue, je crois, le 30 avril 1993, à Vitez.

8 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce qu'un quelconque de ces

9 hommes a rendu public un communiqué, un document qui condamnait

10 publiquement le crime ? Cela permettrait aux Juges de ce Tribunal

11 d'apprendre quelles étaient leurs positions vis-à-vis de cet événement ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Il m'est difficile de répondre

13 sur la base des informations dont je dispose.

14 D'après les informations dont je dispose, je peux dire -et je le

15 sais- que moi, j'ai condamné cela publiquement, dès le 27 avril. Mais, en

16 ce qui concerne les documents rendus publics, par exemple, par le ministre

17 chargé de la sécurité du ministère de la Défense, je ne sais pas. Je n'ai

18 pas eu ce genre de document entre les mains.

19 M. Kehoe (interprétation). - Nous allons parler d'autre chose

20 maintenant. Je souhaite maintenant parler de votre comportement après que

21 vous avez reçu la lettre du colonel Stewart.

22 Vous avez dit qu'après… Vous nous avez parlé de votre

23 comportement après avoir reçu les informations de la part de Merdan. Mais,

24 après la réception de la lettre du colonel Stewart, vous n'avez pas envoyé

25 de lettre à vos subordonnés afin de leur demander des explications, des

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1 informations concernant les meurtres de civils à côté du fossé, n'est-ce

2 pas ?

3 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déclaré que j'avais émis un

4 ordre, le 18 avril, déclarant qu'il fallait m'envoyer un rapport portant

5 sur le nombre de victimes. Si vous me parlez d'un ordre émis aux alentours

6 du 20 avril, il faudrait que je me reporte à ma chronologie. En effet,

7 nombre d'ordres ont été délivrés à ce moment-là et je n'ai pas un souvenir

8 précis, du moins pas de tous.

9 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que vous ne nous avez pas

10 dit, hier, ne pas avoir délivré un tel ordre après avoir eu une réunion à

11 Zenica, avec Merdan et d'autres ? Mais avant d'avoir reçu la lettre du

12 colonel Stewart, le 22 avril ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Vous me demandez si, après les

14 informations que j'ai reçues à cette réunion, j'ai demandé des

15 informations relatives aux victimes civiles. Moi, j'ai dit que, dès le

16 18 avril, j'avais pris cette mesure-là, dans le cadre d'un ordre délivré

17 relatif au cessez-le-feu et à la cessation des hostilités.

18 Maintenant, est-ce que j'ai délivré un ordre après le 20 avril ?

19 Je demanderai aux Juges de me donner quelques instants pour me référer à

20 ma chronologie, car le cessez-le-feu a été instauré le 20 avril.

21 M. le Président. – (Inaudible) …votre comportement après la

22 réception de la lettre du colonel Stewart, donc à partir du 20 avril.

23 Reportez-vous alors rapidement à votre chronologie, Général Blaskic, si

24 vous le voulez bien.

25 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, excusez-

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1 moi : je fais référence à la période qui commence avec le discours de

2 Merdan à Zenica, le 20 avril, jusqu'à la réception de la lettre du

3 colonel Stewart. Ensuite, j'aimerais poser des questions au général sur ce

4 qu'il a fait après avoir reçu la lettre du colonel Stewart. Après

5 réception de cette lettre, a-t-il délivré un ordre destiné à tous ses

6 subordonnés demandant des informations relatives spécifiquement à Ahmici ?

7 Car, dans la lettre du colonel Stewart, Ahmici est cité.

8 M. le Président. – La première question, c'est lorsque le

9 général Blaskic reçoit l'information de Merdan, c'est cela?

10 (Le témoin consulte sa chronologie.)

11 M. le Président. – Général, vous avez pu consulter rapidement

12 votre chronologie ?

13 M. Blaskic (interprétation). – Oui, j'ai rapidement pu jeter un

14 coup d'oeil à ma chronologie, Monsieur le Président, et je n'ai pas pu

15 voir si un ordre avait été délivré entre le 20 et 22 avril. Peut-être cela

16 a-t-il été le cas parce que je ne me rappelle pas de tous les documents

17 émis par moi.

18 M. le Président. - A la pause, si éventuellement vous le

19 retrouvez, vous pourrez toujours indiquer ceci au procureur. Question

20 suivante, Monsieur le Procureur, s'il vous plaît,.

21 M. Kehoe (interprétation). - Après avoir reçu la lettre du

22 colonel Stewart, le 22 avril, dont vous nous avez dit d'ailleurs que vous

23 l'aviez prise en considération et que vous l'aviez cru, vous, en tant que

24 commandant, en tant qu'officier de commandement très prudent, vous avez

25 voulu rassembler le plus d'informations possibles sur Ahmici et le plus

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1 rapidement possible, n'est-ce pas exact ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Tout à fait.

3 M. Kehoe (interprétation). - Après avoir reçu ce document du

4 colonel Stewart, le 22 avril, avez-vous immédiatement ou très peu de temps

5 après l'avoir reçu, envoyé un ordre destiné à tous vos subordonnés

6 stipulant : j'ai reçu des informations relatives à un crime à Ahmici, en

7 conséquence je souhaite que tous les détails relatifs à ces événements

8 s'étant produits à Ahmici me soient remis d'ici 1 heure, d'ici 2 heures,

9 d'ici 6 heures, d'ici 2 jours. Avez-vous pris de telles mesures ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Non, je n'ai pas fait cela et je

11 considère que cela aurait été extrêmement imprudent de ma part. En tant

12 que commandant, me retrouvant dans cette situation-là, cela aurait été

13 très imprudent.

14 Qu'ai-je fait ? J'ai relu cette lettre avec M. Marin et

15 M. Caric, mes deux associés, et j'ai déclaré que j'allais lancer une

16 enquête, j'allais demander à la Commission conjointe de mener une enquête.

17 Ensuite, j'ai demandé que tous les rapports qui étaient arrivés

18 au commandement jusqu'au 22 soient rassemblés et communiqués à mes

19 associés. Si j'avais parlé de cette lettre à tous mes subordonnés,

20 j'aurais dès le départ peut-être bloqué toute possibilité de mener une

21 enquête, je l'aurais peut-être rendu impossible car cela aurait supposé

22 que je téléphone à toutes ces personnes qui avaient menti dans leurs

23 rapports.

24 M. Kehoe (interprétation). – Général, il y avait alors des

25 opérations de combat qui étaient menées. Lorsque vous avez appris que des

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1 soldats du HVO avaient commis un crime, pouvez-vous vraiment nous dire,

2 comme vous nous l'avez dit à l'instant, qu'en tant que commandant prudent

3 et précautionné, il n'aurait pas été sage de demander des informations

4 relatives au crime commis à Ahmici aussi rapidement que possible ? C'est

5 ce que vous nous dites ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Mais non, je parle de méthode.

7 Bien sûr, qu'il faut essayer d'obtenir des informations aussi rapidement

8 que possible en cas de crime, mais pas de cette façon-la ; pas en

9 regardant la lettre et en la faisant circuler chez tous les commandants, y

10 compris chez ceux qui jamais ne m'ont quoi que ce soit sur la perpétration

11 de ces crimes. Je ne pouvais pas leur faire passer cette lettre et leur

12 demander, ensuite, de m'aider. C'est comme si je demandais à la police

13 militaire elle-même de demander une enquête sur ce qui s'était fait au

14 sein de ses propres équipes.

15 Lorsque j'ai reçu cette lettre, j'ai compris qu'il s'agissait de

16 la zone de responsabilité de la police militaire et qu'il fallait que je

17 protège l'enquête elle-même.

18 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous nous avez dit que

19 vous n'aviez pas appelé Pasko Ljubicic et que vous ne lui aviez pas posé

20 de questions relatives à Ahmici parce qu'il vous avait communiqué de

21 fausses informations. Vous vous rappelez nous avoir dit cela ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Oui, bien sûr.

23 M. Kehoe (interprétation). – Bien. Avez-vous appelé Vlado

24 Santic, membre de la police militaire qui avait un bureau dans les locaux

25 de l'hôtel Vitez et lui avez-vous demandé : s'il vous plaît, dites-moi ce

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1 que vous savez des événements qui se sont produits à Ahmici ? Avez-vous

2 pris de telles mesures ?

3 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, non. Vlado Santic est

4 placé directement sous les ordres de ce commandant. Comment pouvais-je

5 penser que le commandant de M. Ljubicic vienne me voir et me parle de

6 cette façon-là. Par la suinte, j'ai émis un ordre demandant qu'une enquête

7 soit menée selon ses propres méthodes.

8 M. Hayman (interprétation). – Oui, il y a un problème dans le

9 compte rendu. Il est dit : "Comment pouvais-je m'attendre à ce que le

10 commandant de M. Ljubicic" . Or M. Nobilo me dit que le témoin a dit :

11 "Comment pouvais-je m'attendre à ce que le subordonné de Ljubicic".

12 L'interprète anglaise confirme ce qu'elle a dit.

13 M. Blaskic (interprétation). – "Directement subordonné".

14 Monsieur le Président, je n'ai pas appelé cette personne parce

15 que M. Vlado Santic est directement subordonné à M. Pasko Ljubicic dans la

16 structure de la police militaire. Si je l'avais appelé, cela aurait été un

17 signe de ma grande naïveté. Je suis persuadé que cela aurait été un

18 obstacle à toute enquête.

19 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous avez déclaré que vous

20 alliez vous référer à votre chronologie pour nous dire ce qui s'était

21 passé vis-à-vis de Cerkez. Quand avez-vous appelé Cerkez pour savoir ce

22 qu'il savait des événements d'Ahmici ? Ou l'avez-vous appelé ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui, je lui ai parlé de cela. Je

24 crois que cela s'est passé après le 25. En tout cas c'était vers la fin

25 avril. Mais il ne disposait d'aucune information concrète ou précise sur

Page 20920

1 ce qui s'était produit à Ahmici.

2 M. Kehoe (interprétation). – Très bien. Qu'en est-il de Darko

3 Kraljevic. Après avoir reçu cette lettre du colonel Stewart, avez-vous

4 appelé Darko Kraljevic, le commandant des Vitezovi ? Lui avez-vous demandé

5 de venir dans votre bureau et lui avez-vous dit : Darko, dites-moi ce que

6 vous savez des crimes qui ont été perpétrés à Ahmici ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Je ne l'ai pas appelé et cela

8 pour deux raisons. Tout d'abord, l'ordre de Darko était qu'il ne devait

9 pas se trouver dans cette région-la. Son unité devait être dans une autre

10 région.

11 La deuxième raison est que je voulais mener une enquête et que

12 j'avais des priorités bien établies.

13 Je souhaitais que mes supérieurs et que la Commission mixte

14 viennent à mon aide. Mais, si cela ne se produisait pas, et si je devais

15 mener cette enquête, je devais la protéger à tout prix. Si j'avais appelé

16 Darko Krajevic, j'ai bien peur que l'enquête aurait été confrontée à des

17 obstacles très importants, ou aurait été arrêtée net.

18 M. Kehoe (interprétation). - Général, le commandant de la

19 brigade Nikola Subic-Zrinjski de Busovaca était Dusko Grubesic, n'est-ce

20 pas ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

22 M. Kehoe (interprétation). - Au cours des opérations de combat

23 qui ont été menées le 16, M. Grubesic et ses hommes se trouvaient sur le

24 flanc droit de la police militaire qui se trouvait à Ahmici, n'est-ce

25 pas ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Non, c'est inexact. Ses troupes

2 qui se trouvaient sur place n'étaient pas sur le flanc droit de la police

3 militaire, ce n'est pas exact. Ce que je dis n'est pas repris fidèlement.

4 A cette époque-là, Dusko Grubesic menait des opérations de combat sur le

5 flanc droit de la brigade de Vitez. Et pour ce qui est de Busovaca donc,

6 il était en fait dans une région différente de celle de la municipalité de

7 Vitez.

8 M. Kehoe (interprétation). - Mais, Général, vous nous avez dit,

9 et soyons très clairs pour ce qui est du déploiement de la brigade Nikola

10 Subic-Zrinjski, vous nous avez dit que, pour ce qui est du 17 tout du

11 moins, les troupes de la brigade Nikola Subic-Zrinjski se trouvaient à

12 Loncari, n'est-ce pas ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

14 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous appelé Dusko Grubesic, ou

15 qui que ce soit de la brigade Nikola Subic-Zrinjski, pour lui ou leur

16 demander ce qu'ils savaient de ce qui s'est produit à Ahmici ou de ce

17 qu'ils avait pu observer de ces événements ? L'avez-vous fait ? Le cas

18 échéant, qui et quand avez-vous contacté ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, j'ai peut-être

20 effectivement posé la question de savoir ce que lui savait, mais je n'en

21 suis pas sûr. Et je ne sais pas quand cela s'est passé. Ce dont je suis

22 sûr, c'est que j'ai parlé à Cerkez vers la fin du mois d'avril. Mais

23 lorsque j'ai confié l'enquête au service de sécurité, j'ai insisté sur un

24 point, à savoir que le service de sécurité continue le travail, continue à

25 mener l'enquête. A l'époque, j'étais tout simplement dans l'incapacité de

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1 mettre un terme aux activités de combat, parce qu'il y avait l'enquête à

2 mener, il y avait les combats de Travnik,. C'était une situation absurde

3 presque intenable.

4 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez dit avoir été en contact

5 avec Kordic dans la journée du 16. Et hier, nous avons vu

6 qu'à 18 heures 2, il vous avait informé que les hommes de Pasko, qui se

7 trouvaient à Ahmici, avaient mené à bien leur tâche et remontaient le long

8 de la colline. Disposant de cette information et après avoir reçu la

9 lettre du colonel Stewart, avez-vous appelé Kordic pour lui dire : "Ecoute

10 Dario, dis-moi ce que tu sais à propos de ce qui s'est passé à Ahmici dans

11 la journée du 16 ?" L'avez-vous appelé et, le cas échéant, quand l'avez-

12 vous appelé et qu'a-t-il répondu ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Quelque temps après le 24, ou

14 le 24, je ne sais pas, je lui ai parlé. Je lui ai dit que je m'attendais à

15 ce qu'une enquête conjointe soit menée, que j'allais demander une enquête

16 très exhaustive sur ce qui s'était passé à Ahmici. Et il a dit qu'il

17 soutenait tout à fait ces efforts. Il ne m'a pas communiqué d'autres

18 informations plus précises.

19 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que vous lui en avez demandé

20 des informations plus précises ?

21 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà précisé qu'à partir du

22 moment où j'ai demandé au service de sécurité de mener l'enquête, je me

23 suis dessaisi de l'affaire et je ne me suis pas lancé dans cette

24 l'enquête. Je ne sais pas si le service de sécurité l'a interrogé.

25 M. le Président. - A quel moment avez-vous demandé l'enquête au

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1 service de sécurité ? Pardonnez-moi, vous avez dû me le dire, je l'ai

2 oublié.

3 M. Blaskic (interprétation). - Le 24 avril 1993, dans le courant

4 de l'après-midi, j'ai émis un ordre destiné au service de sécurité : j'ai

5 demandé qu'une enquête soit menée.

6 M. le Président. - On peut quand même se poser la question à

7 savoir si, à partir du moment où vous avez eu la lettre du colonel

8 Stewart, pourquoi, alors que vous avez un certain nombre de sources

9 d'informations potentielles autour de vous, vous avez des doutes ? Vous-

10 même les avez exprimés. Comment aux gens qui sont autour de vous, vous ne

11 leur en parlez pas davantage et ne réunissez pas un certain nombre

12 d'informations ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, dès

14 réception de la lettre du colonel Stewart, j'ai appelé mes associés et

15 j'ai demandé tous les rapports qui nous avaient été remis pendant cette

16 période pour que je puisse vérifier.

17 M. le Président. - Monsieur le Procureur, continuez.

18 M. Kehoe (interprétation). - Général, à un quelconque moment,

19 alors que vous essayez de vous débarrasser des éléments criminels qui se

20 trouvaient dans les rangs du HVO, alors que vous essayez de rétablir un

21 certain degré d'ordre dans les rangs du HVO ? Avez-vous donné un ordre à

22 Pasko Ljubicic ou à Vladko Santic demandant à ce qu'ils viennent dans

23 votre bureau ? Je parle d'eux, mais je pourrais parler de tout membre de

24 la police militaire. Est-ce que vous leur avez demandé de venir dans votre

25 bureau ? Et est-ce qu'à ce moment-là, vous leur avez vous posé des

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1 questions relatives aux événements d'Ahmici ?

2 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que j'ai demandé au

3 service de sécurité de mener à bien une enquête, parce que c'étaient eux

4 qui étaient compétents en la matière. La

5 police militaire n'était pas directement placée sous mes ordres, ne

6 m'était pas subordonnée. Donc je n'ai pas appelé Pasko Ljubicic afin de

7 lui parler de ce sujet ; j'ai expliqué pourquoi je ne l'ai pas fait.

8 M. le Président. - Je veux bien comprendre, Général Blaskic, que

9 vous avez une conception extrêmement formelle de la hiérarchie des unités

10 militaires. Mais enfin, vous avez quand même à deux pas de votre bureau,

11 quelqu'un qui fait partie de la police militaire ; vous savez par Kordic

12 qu'ils ont monté la colline, le 16 avril, vers Ahmici ; vous avez vous-

13 même des doutes.

14 Cela ne vous vient pas à l'idée, en passant dans un couloir de

15 dire : mais qu'est-ce qui s'est passé à Ahmici ? Non ? Vous dites : cela,

16 c'est la police militaire, c'est Mostar, c'est Bruno Stojic, à qui

17 d'ailleurs vous écrivez quand même le 23 avril. Vous écrivez à Dario

18 Kordic, vous écrivez à Stojic, vous faites part de vos doutes. Il ne vous

19 vient pas à l'idée -alors que vous avez ici M. Santic à côté de vous, qui

20 est de la police militaire, vous avez des doutes-, vous ne lui dites pas :

21 au fait, que s'est-il passé à Ahmici ? Non ? Vous dites : c'est la police

22 militaire ; moi, je ne m'en occupe pas.

23 Vous pouvez me répondre cela, mais j'ai des doutes.

24 M. Blaskic (interprétation). – Non, je ne l'ai pas fait pour

25 protéger l'enquête. C'est le service de sécurité, et lui seul, qui est

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1 chargé de mener des enquêtes. Moi, j'ai demandé une enquête sur la police

2 militaire. Si je leur avais demandé ouvertement à ce que la police

3 militaire demande des informations, j'aurais en fait donné un signal leur

4 disant que je menais une enquête : cela aurait rendu l'enquête impossible.

5 M. le Président. – Au-delà du signal, cela n'aurait pas aidé

6 l'enquête, que le chef de la zone opérationnelle, le commandant le plus

7 élevé, c'est-à-dire vous, leur dise : mais qu'est-ce que vous faisiez à

8 Ahmici ? Il s'agit quand même de votre territoire, de votre zone

9 opérationnelle. Cela n'aurait pas aidé ?

10 Je me place dans le même raisonnement que vous. Est-ce que cela

11 n'aurait pas aidé ? Je me place dans le même raisonnement que vous. Vous

12 dites que cela aurait compromis l'enquête. Moi, je vous pose la question

13 si cela , au contraire, n'aurait pas aidé ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Je suis convaincu, aujourd'hui

15 encore, que, si j'avais agi de la sorte, j'aurais fait preuve d'une grande

16 naïveté : j'aurais rendu l'enquête impossible dans de telles

17 circonstances. Alors que, dans ces circonstances-là, je n'avais pas sous

18 mon commandement direct la police militaire ; je ne pouvais pas punir un

19 commandant, je ne pouvais pas remplacer un commandant. Je ne pouvais rien

20 faire. Ils étaient beaucoup plus puissants que moi-même, beaucoup plus

21 puissant que moi et les vingt personnes qui faisaient partie de mon

22 commandement. Je suis persuadé que cela aurait mis un terme immédiat à

23 toute enquête.

24 M. le Président. – Je vous rappelle : les cadavres traînent, les

25 maisons finissent de se consumer, les indices commencent à se perdre. Je

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1 vous dis cela parce que vous venez de nous dire que vous avez été

2 tellement bouleversé par ce qui s'est passé à Ahmici, que vous avez voulu,

3 dès la réception de la lettre du colonel Stewart, trouver des

4 informations. C'est vrai qu'on peut légitimement se demander comment vous

5 avez cherché ces informations. Mais vous m'avez répondu et c'est noté.

6 Monsieur le Procureur, vous pouvez poursuivre, à moins que mes

7 collègues aient des questions à poser. Monsieur le Juge Shahabuddeen ?

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Général, apportez-moi vos

9 lumières, s'il vous plaît. Hier, vous nous avez fait part du fait que vous

10 étiez conscient du fait que la communauté internationale, en ses niveaux

11 les plus élevés, était convaincue de la nécessité de mener à bien une

12 enquête complète et rapide sur les événements qui s'étaient prétendument

13 passés à Ahmici.

14 Je crois que vous avez, d'autre part, reconnu le fait qu'ils

15 s'étaient tournés vers vous pour trouver des réponses à leurs questions ;

16 ils s'étaient tournés vers vous, car vous étiez le

17 plus haut responsable militaire de la région.

18 Bien. Général, est-ce qu'à l'époque, vous vous êtes dit que vous

19 répondriez aux demandes de la communauté internationale en déclarant à ses

20 représentants : "Et bien, je ne suis pas vraiment la personne compétente

21 pour mener une enquête ; en effet, c'est le ministère compétent qui doit

22 s'en charger". Est-ce que vous avez pensé, à l'époque, que ce type de

23 réponse serait reçue avec satisfaction par les membres de la communauté

24 internationale ? Est-ce que vous vous êtes dit qu'ils considéreraient

25 votre réponse comme crédible ?

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1 M. Blaskic (interprétation). – Messieurs les Juges, les

2 représentants de la communauté internationale, à l'époque qui nous

3 intéresse, m'ont rencontré brièvement,. La plupart du temps, ils étaient

4 accompagnés de certains officiers de la Forpronu ; les comportements, les

5 approches des problèmes étaient très différentes. Moi-même, je n'avais pas

6 suffisamment d'expérience pour me permettre de me lancer dans une

7 diffusion d'informations relatives aux fonctionnement interne du HVO et

8 aux difficultés internes que rencontrait le HVO. Je ne me suis pas lancé

9 dans des explications relatives au fonctionnement du commandement.

10 Peut-être que leur impression aurait été différente si j'avais

11 eu un plus grand degré de conscience et agi différemment ? Il faut savoir

12 qu'à l'époque, les règlements du HVO qui régissaient le comportement

13 d'anciens officiers de la JNA vis-à-vis d'intervenants extérieurs étaient

14 des règlements qui dataient de 1968. Moi, je n'avais aucune expérience en

15 la matière ; je ne savais pas jusqu'où je pouvais me permettre d'aller en

16 matière de communication d'informations. Mais toute réunion que j'ai eue

17 avec les représentants de la communauté internationale a fait l'objet d'un

18 rapport remis à mes supérieurs. Moi, je n'étais pas compétent, pas

19 habilité à communiquer un certain nombre d'informations à ces personnes.

20 Je suis sûr que nos rapports auraient été différents si les règlements

21 n'avaient pas été tels qu'ils étaient à l'époque. .

22 M. Shahabuddeen (interprétation). – Général, ce qui m'intéresse,

23 c'est votre état d'esprit à l'époque. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me

24 dire si, à l'époque, vous pensiez que vous pourriez répondre aux

25 représentants de la communauté internationale que vous n'étiez pas la

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1 personne compétente pour mener une enquête, mais que c'était le ministère

2 compétent en la matière qui devait s'en charger ? Est-ce que vous vous

3 êtes dit que vous pouviez répondre cela et être considéré comme crédible ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Difficile pour moi de me rappeler

5 ce qui s'est passé. Je me souviens des grandes lignes de la discussion que

6 j'ai eue avec les représentants de la communauté internationale. Mon

7 impression, à l'époque, était qu'ils étaient très pressés.

8 Mais parfois, c'est un peu difficile à expliquer, il me semblait

9 que la priorité était de mettre un terme à certains types d'activités

10 plutôt que d'essayer de comprendre les choses en profondeur. J'ai été très

11 surpris de voir qu'on ne répondait pas à ma lettre du 23 avril. J'étais

12 très surpris, notamment au vu de ce qui s'était passé le 4 mai, lorsqu'il

13 n'y a eu aucune activité pour ce qui est de l'enquête conjointe. Il est

14 difficile pour moi de me rappeler exactement de tous ces détails. Peut-

15 être que si j'avais agi différemment, la situation se serait présentée de

16 façon différente. Mais je répète, je n'étais pas habilité à parler de

17 problèmes de structures internes au HVO aux représentants de la Communauté

18 internationale. Je n'avais pas le droit de leur expliquer de tels

19 problèmes.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous poserai une dernière

21 question. Vous avez déclaré au Président de la Chambre, il y a quelques

22 instants, qu'il y avait sur place des officiers compétents qui occupaient

23 des locaux qui se situaient, eux aussi, dans l'hôtel où vous aviez vos

24 bureaux.

25 Avez-vous pensé, à l'époque, qu'il était de votre intérêt

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1 d'aller trouver ces officiers, ou de les faire venir, et d'essayer

2 d'obtenir d'eux un certain nombre d'informations en leur demandant ce

3 qu'ils savaient de ce qui s'était passé à Ahmici ?

4 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Juge, si ces

5 officiers m'avaient été directement subordonnés, c'est exactement ce que

6 j'aurais fait. Mais cette structure qui existait à l'époque et qui

7 assurait ma propre sécurité, à l'époque, ou plutôt cette structure qui a

8 essayé de m'assassiner le 1er janvier, dont certains membres ont essayé de

9 m'assassiner le 1er janvier, pour ce qui est de cette structure j'ai agi

10 de telle sorte pour protéger le mieux possible la procédure d'enquête.

11 J'ai confié toute cette partie du travail au service de sécurité qui

12 était, lui, chargé de mener des enquêtes sur la police militaire. Et

13 jusqu'au jour d'aujourd'hui, je suis convaincu que si j'avais agi

14 autrement, j'aurais envoyé un signal aux officiers de la police militaire

15 et bloqué toute possibilité d'enquête.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Est-ce que vous êtes tout de

17 même d'accord pour reconnaître qu'à ce moment-là, les représentants de la

18 Communauté internationale vous considéraient comme le plus haut

19 responsable militaire de la région et vous considéraient, en l'occurrence,

20 comme l'interlocuteur privilégié pour apporter des réponses aux questions

21 qui les intéressaient. Alors que vous, à l'époque, vous étiez dans

22 l'impression que ces réponses ne pouvaient être données que par les

23 représentants d'autres agences des autorités en place ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Les représentants de la

25 Communauté internationale n'étaient sans doute pas parfaitement informés

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1 de la structure interne du HVO et du système d'organisation. Sans doute

2 est-ce pour cela qu'ils me voyaient comme étant le plus haut responsable

3 et commandant militaire. Mais à l'époque, tandis que nous tenions ces

4 réunions, j'ai essayé de leur communiquer toutes les informations

5 auxquelles j'avais eu accès, tout en ayant à l'esprit la nécessité de

6 préserver et de protéger l'enquête. Je le répète, il s'agissait de

7 réunions très brèves. La tension était très grande. Je me rappelle de

8 cette réunion avec M. Akhavan. C'était une réunion où l'atmosphère était

9 extrêmement étrange, particulière. C'est du moins ce dont je me rappelle.

10 Alors peut-être que, oui, eux me voyaient comme le plus haut

11 responsable militaire

12 de la région, mais je crois qu'ils se trompaient en fait sur la réalité

13 des choses. Les compétences étaient réparties de façon tout à fait

14 différente de ce qu'eux percevaient. Peut-être qu'ils me voyaient comme

15 étant la personne la plus compétente à ce moment-là et dans cette région-

16 là, mais ils ne se rendaient pas compte qu'il y avait en fait deux

17 différentes structures de responsabilité.

18 M. Rodrigues. – Général, j'ai une question si j'ajoute plusieurs

19 informations que vous nous avez données.

20 La première information est celle-ci : vous nous avez dit que

21 souvent, vos subordonnés n'accomplissaient pas vos ordres.

22 Deuxième information, vous avez été choqué de la lettre du

23 colonel Stewart portant sur Ahmici.

24 Troisième information, vous répondez à la lettre du colonel

25 Stewart en disant que vous étiez prêt pour commencer immédiatement une

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1 enquête.

2 Quatrième information, vous aviez de bonnes raisons pour

3 conclure que vos subordonnés vous ont caché l'information sur Ahmici.

4 Cinquième information, les indices et les preuves du crime

5 devaient être recueillis le plus tôt possible.

6 Devant cette situation que l'on pouvait deviner d'après ces

7 lignes, je me demande, moi-même, et je vous pose la question: est-ce qu'il

8 n'y avait pas une autre sortie, à savoir demander votre démission ?

9 Parce qu'à la fin, les personnes qui ont mérité votre sacrifice

10 de famille, de bonnes conditions de vie, etc., à la fin, ne méritaient pas

11 ça ! Je vous pose la question. Et donc, de la même façon que mon collègue

12 le Juge Shahabuddeen, j'aimerais bien revenir à votre état d'esprit. A

13 l'époque, avez-vous pensé à cela ou non ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Non, et je suis fier de ce que

15 j'ai fait. Cela aurait été

16 le fait de fuir un bateau en train de couler. Et je suis aussi fier d'être

17 ici aujourd'hui, depuis un long moment, et d'exposer sur tout ce qui s'est

18 produit à l'époque, là-bas. Mais permettez-moi de faire un commentaire sur

19 chacune des propositions que vous avez données tout à l'heure ; il y en a

20 six. Je vais le faire très brièvement.

21 En ce qui concerne les subordonnés qui n'exécutaient pas mes

22 ordres, cela est vrai. Cependant, je suis convaincu du fait que le crime

23 d'Ahmici ne s'est pas produit d'une manière arbitraire, ou sans aucune

24 organisation, non pas parce que les soldats agissaient contrairement aux

25 ordres ; je suis convaincu qu'ils ont suivi un certain ordre.

Page 20932

1 Mais j'avais un problème : étant donné que j'étais un commandant

2 sans armée, c'est la manière dont le HVO a été créé, c'est-à-dire à partir

3 du haut. Par exemple, le commandant de la brigade de Vitez, il devait

4 constituer la brigade de Vitez. Il a d'abord été nommé et, ensuite, on

5 créait la brigade.

6 En ce qui concerne la lettre du colonel Stewart, j'ai lu la

7 lettre. J'ai pris cette lettre et j'ai pris le téléphone ; et j'ai lu

8 cette lettre à mon chef d'état-major principal. Ensuite, avec lui, nous

9 avons dessiné les contours, le cadre de la lettre de réponse à la lettre

10 du colonel Stewart. J'ai également parlé et pensé à la Commission

11 conjointe qui a déjà travaillé jusque-là, étant donné que cette commission

12 pouvait aller sur place afin de mener une enquête, étant donné qu'elle le

13 faisait déjà dans le cas des maisons incendiées à Bilalovac ou Kacuni.

14 Mes subordonnés m'ont caché des informations. Ce n'est pas mes

15 subordonnés directs et mon grand quartier général qui m'ont caché les

16 informations dans le sens de voir tous les rapports. Mais un certain

17 nombre d'informations m'ont été cachées. Mais pas seulement cachées :

18 c'est qu'ils m'ont envoyé de fausses informations. Le commandant de la

19 police militaire et surtout le commandant du 4ème Bataillon de la police

20 militaire ont fait cela. Donc, c'est ça l'essentiel. Et j'ai reçu des

21 informations sur les activités de combats, mais pas sur les crimes.

22 En ce qui concerne le besoin de recueillir des indices le plus

23 vite possible, j'ai envoyé cette lettre aux hommes politiques et au

24 ministère de la Défense et au grand quartier général afin d'attirer

25 également l'attention du conseil de sécurité et de parler des conséquences

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1 du crime d'Ahmici. En ce qui concerne ma décision, ils n'attendaient que

2 cela ; ils ont essayé d'obtenir cela par le biais de mesures violentes.

3 M. le Président. - Merci. Mes chers collègues, Monsieur le

4 Procureur, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

5 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez dit plusieurs

6 fois qu'entre le 20 et le 30, le général de brigade Petkovic était à

7 Vitez. Plusieurs fois, n'est-ce pas.

8 M. Blaskic (interprétation). - Non. Il n'y était que deux fois :

9 la première fois, le 20, avec la Forpronu. Il a été transporté par des

10 membres de la Forpronu de Mostar. Et puis, je ne vais pas vraiment

11 vérifier ma chronologie, mais je crois que c'est le 28 avril qu'il a été

12 amené par la Forpronu, encore une fois, dans la ville de Zenica. Donc, il

13 est venu deux fois.

14 M. Kehoe (interprétation). - Et vous nous avez dit également,

15 Général, que Petkovic a eu une réunion avec vos collaborateurs, à l'hôtel

16 Vitez, et qu'il a dit que l'enquête devait être menée à bien, et qu'il

17 fallait déraciner tout crime dans la région, n'est-ce pas ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Il a dit cela au cours de la

19 réunion qu'il a tenue, le 30 avril, avec les membres du commandement de la

20 zone opérationnelle.

21 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous demandé à Petkovic de

22 faire venir Pasko Ljubicic ou Vlado Stojic ou Mario Cerkez ou Dusko

23 Grubesic ou Darko Kraljevic, dans un bureau, afin de leur demander des

24 informations, afin de poser des questions à ces hommes ? Lui avez-vous

25 demandé cela ? Si oui, que s'est-il produit ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Avant ma rencontre avec mes

2 subordonnés, j'ai eu une réunion avec le chef d'état-major principal, le

3 général de brigade Petkovic. Je lui ai fait savoir tout ce qui avait déjà

4 été entrepris en ce qui concerne ce dossier, en ce qui concerne mes

5 soupçons qui étaient tournés vers la police militaire. Et je lui ai

6 demandé qu'il remplace le commandant de la police militaire, Pasko

7 Ljubicic. Donc, il a pris part de cette information. Et c'est suite à cela

8 qu'il a tenu une réunion avec mes collaborateurs. Il a donc pris note de

9 cette information.

10 M. Kehoe (interprétation). - Ma question était la suivante :

11 avez-vous demandé à Petkovic de donner l'ordre à Santic, Ljubicic, Cerkez,

12 Grubesic et Kraljevic, afin qu'ils viennent dans un bureau de l'hôtel

13 Vitez où il leur poserait des questions concernant les informations sur

14 Ahmici ? Avez-vous demandé cela à Petkovic, oui ou non ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas demandé cela

16 concernant toutes ces personnes que vous avez énumérées, étant donné que

17 j'ai exprimé des doutes qui portaient sur le 4ème Bataillon de la police

18 militaire. Je lui ai demandé qu'il vérifie cette partie du dossier et

19 qu'il remplace le commandant du 4ème Bataillon de la police militaire.

20 M. Hayman (interprétation). - Je pense qu'en anglais, le dernier

21 mot était traduit par "doute" et d'après M. Nobilo "soupçon" aurait été

22 une meilleure traduction.

23 M. le Président. - Si Me. Nobilo le dit ! Dans ces conditions,

24 dès lors que ce sera confirmé par les interprètes, il n'y aura plus de

25 doute ; c'est le cas de le dire. Bien, Monsieur le Procureur, vous posez

Page 20935

1 une autre question, s'il vous plaît ?

2 M. Kehoe (interprétation). - Excusez moi, Monsieur le Président,

3 j'ai demandé au témoin s'il a demandé à Petkovic. La réponse était : "Je

4 ne lui ai pas posé la question concernant toutes les personnes". Non, sa

5 réponse en anglais était : "Je n'ai pas demandé en ce qui concerne toutes

6 ces personnes que vous avez énumérées, étant donné que j'ai exprimé mes

7 doutes, ou mes soupçons, que c'était le commandant du bataillon de la

8 police militaire". Donc, ma question était : est-ce qu'il a demandé à

9 Petkovic de faire venir ces personnes et de leur demander de fournir des

10 informations ?

11 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà répondu, mais si vous

12 voulez, je peux

13 répéter.

14 M. le Président. - Vous avez répondu, bien qu'on puisse faire

15 remarquer qu'il n'y a pas de lien entre les deux termes de votre réponse.

16 La question qui vous est posée, c'est de savoir si vous avez demandé au

17 général Petkovic de convoquer toutes ces personnes. Vous dites que non

18 "parce que j'avais des doutes sur la bataillon de la police militaire".

19 C'est cela que vous répondez.

20 Deuxième observation : on peut penser, estimer que pratiquement,

21 dans votre esprit, l'enquête est finie. Dans votre esprit, Général,

22 l'enquête est terminée puisque non seulement vous avez des doutes sur le

23 fait que les crimes ont été commis par le bataillon de la police

24 militaire, mais vous allez même au-delà : vous arrivez au final de la

25 commission d'enquête qui n'est pas encore créée et vous dites au général

Page 20936

1 Petkovic : "Sortez-moi, relevez-moi de ses fonctions M. Pasko Ljubicic".

2 Reconnaissez quand même qu'il n'y a peut-être pas un lien fondamental

3 entre des deux réponses. Mais, c'est votre réponse, je n'ai rien à dire.

4 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà donné la réponse selon

5 laquelle je n'ai pas demandé que ce soit fait par rapport à toutes ces

6 personnes énumérées par le Procureur, étant donné que j'ai fait part de

7 tout le contenu du dossier dont je disposais déjà. J'exprimais un doute

8 concernant la police militaire et je demandais le remplacement du

9 commandant du 4ème Bataillon de la police militaire.

10 M. le Président. - Sur un doute, vous demandez le remplacement

11 du chef de la police militaire ; donc, pour vous, c'est Pasko Ljubicic qui

12 a commis les crimes d'Ahmici.

13 Monsieur le Procureur, pouvez-vous poser la question suivante

14 avant qu'on fasse la pause, dans trois ou quatre minutes ?

15 M. Kehoe (interprétation). – Oui, Monsieur le Président. Vous

16 avez dit, Général, que vous n'avez pas appelé Pasko Ljubicic pour ne pas

17 compromettre et entraver l'enquête. Ma question est la suivante : Général,

18 si Anto Sliskovic ou un autre membre du SIS avait posé des questions à

19 Ljubicic, à la police militaire, est-ce que ceci aurait compromis ou

20 entraver l'enquête aussi ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Je crois que le service de

22 sécurité, le SIS, employait ses propres méthodes pour mener l'enquête. Ils

23 sont habilités à faire ce genre de travail. Je ne connais pas les détails

24 concernant leur méthode, mais j'ai simplement reçu un rapport concernant

25 les résultats de l'enquête jusqu'à ce moment. J'ai obtenu des informations

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1 sur le cours qu'a pris l'enquête.

2 M. Kehoe (interprétation). - Je répète ma question. Si Anto

3 Sliskovic ou un autre membre du SIS a posé des questions à Ljubicic ou aux

4 autres membres de la police militaire, est-ce que ceci aurait entravé

5 l'enquête aussi ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Le service de sécurité est

7 compétent pour les enquêtes, y compris celles sur la police militaire. Ils

8 ont donc la compétence pour mener l'enquête. Mais quant à la question de

9 savoir quelles méthodes ils allaient employer et quand ils allaient

10 questionner un tel membre de la police militaire, c'est le service de

11 sécurité qui prenait des décisions à ce sujet.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous étiez en train de voyager un

13 peu partout dans la Bosnie centrale. Après le 16 avril, vous êtes allé à

14 plusieurs réunions à Zenica et à Stara Bila où se trouvait le camp du

15 bataillon britannique. Comment êtes-vous allez là-bas ?

16 M. Blaskic (interprétation). - J'ai été transporté par des

17 véhicules de transports de troupes escorté par la Foropronu et j'étais

18 complètement enfermé dans ces véhicules avec l'escorte des soldats de la

19 Forpronu.

20 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous aviez un grand zèle

21 pour découvrir le plus grand nombre d'informations concernant le crime

22 d'Ahmici le plus vite possible après la réception de la lettre du colonel

23 Stewart le 22 avril, mais avez-vous demandé au colonel Stewart de vous

24 fournir un véhicule transports de troupes pour vous permettre d'aller voir

25 directement et immédiatement ce qui s'est passé à Ahmici, plutôt que

Page 20938

1 d'attendre votre visite du 27 avril ? Est-ce que vous l'avez fait et si

2 oui, quand et avec qui avez-vous parlé ?

3 M. Blaskic (interprétation). - A l'époque, nous avons eu

4 plusieurs activités et réunions organisées par des instances

5 internationales. Je ne me souviens si j'ai vraiment demandé un véhicule

6 afin de me rendre à Ahmici, mais je sais que j'ai demandé cela aux membres

7 de service de sécurité, à plusieurs reprises et je sais que je ne l'ai pas

8 obtenu. Monsieur Darko Bijelic, qui était mon officier de liaison qui

9 biaisait avec la Forpronu, je sais qu'il l'a demandé et qu'il ne l'a pas

10 obtenu.

11 Je crois que moi-même je ne l'ai pas demandé personnellement

12 avant le 27, mais je ne suis pas sûr. Il faudrait que je consulte ma

13 chronologie.

14 M. Kehoe (interprétation). - Je souhaite changer de sujet,

15 Monsieur le Président, je ne sais pas si c'est le moment propice pour

16 suspendre ?

17 M. le Président (interprétation). – L'audience est suspendue

18 pour 20 minutes.

19 L'audience, suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 45.

20 M. le Président. – L'audience est reprise. Veuillez vous

21 asseoir. Monsieur le Procureur, c'est à vous.

22 M. Kehoe (interprétation). - Général, nous en sommes restés à

23 votre réponse dans laquelle vous disiez avoir demandé au bataillon

24 britannique de vous emmener à Ahmici. Ma question est la suivante : avez-

25 vous demandé au colonel Stewart, si vous pouviez interroger ces soldats ou

Page 20939

1 recueillir des informations auprès d'eux, de façon à découvrir rapidement

2 ce qui s'était passé à Ahmici, le 16 avril ? L'avez vous fait ? Si oui, à

3 quel moment ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Que je parle avec les soldats du

5 colonel Stewart ?

6 M. Kehoe (interprétation). - L'avez-vous fait ou avez-vous donné

7 l'ordre à

8 quelqu'un l'ordre de le faire ? Avez-vous demandé à Stewart s'il mettrait

9 ses soldats à votre disposition pour que vous puissiez les interroger afin

10 de découvrir le maximum d'informations possibles au sujet d'Ahmici dans

11 les délais les plus brefs ? L'avez-vous fait et si oui, à quel moment ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas fait cela. Je n'ai

13 pas demandé cela au colonel Stewart car j'ai entendu parler pour la

14 première fois, ici, au Tribunal, des bulletins d'informations militaires,

15 si je ne m'abuse, et j'ai appris que son bataillon dans la région de la

16 Bosnie centrale était installé dans cette région et je crois que sa

17 mission était simplement une mission destinée à assurer la libre

18 circulation des convois militaires.

19 Mais lorsque je suis arrivé au Tribunal, lorsque j'ai reçu les

20 documents de l'accusation, je me suis rendu compte que sa mission

21 consistait également à recueillir des informations et à rassembler des

22 données afin d'informer au sujet des événements survenus dans la région.

23 Peut-être que si j'avais lu ces rapports, si j'avais été informé, j'aurais

24 demandé à accéder à ces soldats et je me serais efforcé d'obtenir des

25 informations de cette façon. Mais très honnêtement, à ce moment-là, je

Page 20940

1 n'avais pas la moindre idée que le bataillon faisait autre chose

2 qu'assurer la libre circulation des convois humanitaires et intervenir

3 dans les négociations et le travail de la Commission conjointe.

4 M. Kehoe (interprétation). – Général, permettez-moi de passer à

5 une autre question.

6 M. Blaskic (interprétation). – Si nous passons à une autre

7 question, je tiens à ajouter que le colonel Stewart ne m'a jamais dit

8 qu'il disposait de telles informations, par voie de bulletins

9 d'informations militaires notamment.

10 M. Kehoe (interprétation). – Passons à la page 19 062, une

11 question posée par Me Nobilo. Je cite, "Question : Dites-moi d'abord, au

12 mieux de vos connaissances, à Vitez ou à Busovaca, dans l'enclave qui

13 était sous votre commandement, après le début du conflit, y avait-il des

14 civils, des femmes, des enfants emprisonnés ? Réponse : Il y en avait. Il

15 y avait des civils qui avaient été faits prisonniers."

16 Général, peu de temps après le 16, vous saviez qu'il y avait

17 des civils, des femmes, des enfants maintenus en détention dans des lieux

18 différents qui étaient sous le contrôle du HVO, notamment l'école de

19 Dubravisa et le cinéma, n'est-ce pas ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas la date

21 précise, mais ce n'était pas le 16 ; c'est après le 16 que j'ai reçu des

22 informations m'indiquant qu'il y avait des civils qui étaient en

23 détention. Mais je n'ai jamais donné l'ordre ni justifié le fait que des

24 civils soient arrêtés. Lorsque je l'ai appris, j'ai donné l'ordre qu'ils

25 soient traités de façon humaine.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez participé à une réunion

2 avec le commandant Morsink, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

3 l'homme qui aujourd'hui est colonel. Aujourd'hui, c'est le colonel

4 Morsink. Vous vous êtes donc réuni avec lui et avec un représentant de la

5 Croix-Rouge internationale, le 20 avril 1993, et lors de cette réunion,

6 vous avez discuté du sort de ces prisonniers et du lieu où ils étaient

7 détenus en détention, n'est-ce pas ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Excusez-moi, quelle date ?

9 M. Kehoe (interprétation). - Le 20 avril 1993. Les participants

10 à cette réunion était Henk Morsink, membre de l'ECMM et Claire Podeilsky,

11 représentante de la Croix-Rouge internationale. Vous avez rencontré ces

12 deux personnes dans votre bureau, à l'hôtel Vitez, le 20. Lors de cette

13 rencontre, vous avez discuté du sort des civils faits prisonniers et des

14 autres prisonniers, n'est-ce pas?

15 M. Blaskic (interprétation). – Non, cela n'a pu se passer

16 qu'après le 20. Car je suis certain de ne pas avoir participé à une

17 réunion avec ces personnes le 20. J'ai eu des rencontres avec les

18 représentants de la Croix-Rouge internationale, mais je suis absolument

19 certain qu'une réunion de ce genre n'a pas eu lieu le 20. La seule réunion

20 qui a eu lieu le 20 s'est déroulée à

21 Zenica.

22 M. Kehoe (interprétation). – Général, quand avez-vous appris que

23 ces prisonniers étaient maintenus en détention par le HVO ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Je crois que je l'ai appris entre

25 le 17 avril et le 18 ou le 19. C'est à ce moment-là que j'ai appris qu'il

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1 existait des personnes en détention. Mais j'ai déjà dit que j'ai donné

2 l'ordre que ces personnes soient traitées de façon humaine et j'ai

3 également donné l'ordre que ces personnes soient remises en liberté,

4 conformément à ce que prévoyait le protocole de la Croix-Rouge

5 internationale.

6 M. Kehoe (interprétation). - Général, lorsque vous avez reçu la

7 lettre du colonel Stewart, le 22 avril, lettre qui traitait des crimes

8 d'Ahmici, avez-vous donné l'ordre à une personne quelconque d'aller rendre

9 visite à ces civils, notamment à l'école de Dubravica pour les interroger

10 au sujet des événements qui s'étaient déroulés à Ahmici ? L'avez-vous

11 fait ?

12 M. Blaskic (interprétation). - J'ai délivré l'ordre destiné à

13 diligenter une enquête au sujet d'Ahmici, le 24 avril. Et je sais que les

14 services de sécurité ont conduit des interrogatoires avec des témoins

15 oculaires des événements d'Ahmici. Cela ressort d'un certain nombre de

16 déclarations de ces personnes. Mais le 22 avril 1993, je ne me rappelle

17 pas, je ne crois pas avoir délivré un ordre de cette nature à mes

18 associés. Je n'ai pas donné l'ordre qu'ils aillent visiter les civils

19 immédiatement parce que les détenus civils étaient sous le contrôle de la

20 Commission civile et de la Croix-Rouge internationale qui les

21 interrogeaient pour leur demander s'ils voulaient aller dans un lieu

22 précis.

23 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous savez aussi que les

24 civils d'Ahmici se sont également enfuis vers Zenica, après l'attaque du

25 16.

Page 20943

1 Ma question est la suivante : avez-vous jamais demandé à la

2 Commission conjointe de Busovaca, ou à quelqu'autre organisme ou personne,

3 s'il était possible d'organiser l'interrogatoire des victimes d'Ahmici

4 résidant à Zenica pour découvrir le maximum

5 d'informations au sujet de ces atrocités le plus rapidement possible ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Autour du 25 mai 1993, un rapport

7 a été rédigé d'où il ressort de cette exigence de se rendre auprès des

8 victimes qui étaient sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine

9 qu'une demande a été présentée pour que des interrogatoires de ces

10 victimes soient organisées parce qu'il s'agit des témoins oculaires du

11 crime et qu'il fallait agir de la sorte à un certain moment dans l'avenir.

12 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais circonscrire ma

13 question, Général. Après avoir appris les crimes d'Ahmici, lorsque vous

14 avez reçu la lettre de colonel Stewart, le 22, avez-vous immédiatement

15 demandé d'interroger les victimes d'Ahmici résidant à Zenica de façon que

16 vous-même, en tant qu'officier faisant preuve de la plus grande prudence,

17 puissiez découvrir le maximum d'informations possibles au sujet de ce

18 crime ? L'avez-vous fait ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Il ne faut pas perdre de vue que

20 les combats étaient toujours en cours. Il y avait des combats, des

21 opérations de combats. Lorsque j'ai délivré mon ordre au service de

22 sécurité, je pensais que ce service allait organiser des auditions et

23 recueillir des informations dans les mesures des possibilités existantes à

24 l'époque dans la vallée de la Lasva, en tenant compte bien sûr de

25 l'existence de ces opérations de combat et du reste. Je sais qu'ils

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1 avaient l'intention d'auditionner les personnes chassées de chez elles et

2 qui étaient sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Maintenant,

3 est-ce que cela a été fait ou pas, je ne le sais pas avec exactitude.

4 M. Kehoe (interprétation). - Je vais encore poser une question

5 sur ce sujet, Général. Avez-vous dit à Franjo Nakic, votre chef d'état-

6 major, de se rendre auprès de la Commission conjointe de Busovaca pour

7 demander l'aide de cette Commission dans l'audition de ces victimes, de

8 ces victimes bosniennes musulmanes d'Ahmici ? Et si vous l'avez fait, à

9 quel moment l'avez-vous fait ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Le 23 avril, le matin, lors de la

11 réunion avec Franjo

12 Nakic, j'ai lu la lettre que j'avais écrite le 23 au colonel Stewart.

13 Franjo Nakic et moi-même pensions que la Commission conjointe allait agir.

14 Mais puisque l'enquête de la Commission conjointe n'a pas eu lieu, plus

15 tard, j'ai demandé que l'on traite des questions les plus importantes,

16 interruption des combats, séparation des forces, de façon à rendre une

17 enquête. Il fallait d'abord interrompre les combats. C'est dans ce sens

18 que j'ai engagé Franjo Nakic. Je lui ai aussi demandé de rendre possible

19 une rencontre entre moi et le commandant du 3ème Corps de l'armée de

20 Bosnie-Herzégovine à cette fin, de façon que nous interrompions les

21 combats.

22 M. Kehoe (interprétation). – Donc votre réponse est "non",

23 Général. Vous n'avez jamais dit à Franjo Nakic de se rendre aux réunions

24 quotidiennes de la Commission conjointe de Busovaca pour demander une

25 audition de ces victimes ?

Page 20945

1 M. Blaskic (interprétation). – J'ai déjà dit que les auditions

2 des témoins oculaires et des victimes étaient la tâche qui avait été

3 entreprise par les services de sécurité responsables de l'enquête. A la

4 lecture du rapport, on constate que ces services de sécurité avaient

5 l'intention de parler avec les victimes qui étaient sous le contrôle de

6 l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais qu'en raison des circonstances une

7 telle conversation n'a pas pu avoir lieu.

8 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous avez fait remarquer à

9 l'instant que les opérations de combat étaient toujours en cours. Il était

10 donc de votre intérêt de découvrir le plus rapidement possible qui était

11 les criminels au sein du HVO qui avaient commis ces crimes, n'est-ce pas ?

12 M. Blaskic (interprétation). – Non, ce qui était avant tout dans

13 mon intérêt, c'était de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'un

14 tel crime ne se reproduise pas. C'était ma préoccupation la plus

15 importante, à savoir empêcher qu'un tel crime se reproduise.

16 Bien entendu, il était également dans mon intérêt que les

17 opérations de combat s'interrompent de façon à permettre une enquête de

18 qualité et complète. Mais ma première préoccupation était d'empêcher que

19 le crime se reproduise. C'est à cette fin que j'ai délivré une

20 série d'ordres de façon à empêcher la reproduction d'un tel crime. Bien

21 entendu, je voulais aussi interrompre les combats et mener une enquête,

22 une enquête surtout approfondie et complète plutôt que rapide.

23 M. Kehoe (interprétation). – Général, parlons du recueil d'un

24 certain nombre d'éléments de preuve. Lorsque vous avez reçu, le 22, la

25 lettre du colonel Stewart, avez-vous délivré un ordre stipulant qu'il

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1 fallait assurer la sécurité d'Ahmici, qu'il fallait assurer la sécurité

2 des éléments de preuve, recueillir des éléments de preuve dans le village

3 d'Ahmici le plus rapidement possible ? L'avez-vous fait ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le. Président, Messieurs

5 les Juges, sur le territoire d'Ahmici, il y avait affrontement entre les

6 forces ennemies et des opérations de combat. Cela aurait correspondu à

7 fermer les yeux devant la réalité si j'avais donné l'ordre que ce

8 territoire soit assuré. Il était encore impossible, à ce moment-là,

9 d'entrer sur ce territoire si on n'avait pas de blindés. Les combats s'y

10 déroulaient toujours et le front se situait dans la partie nord du village

11 même d'Ahmici. Mais je sais que des officiers des services de sécurité, en

12 dépit de ces dangers, se sont rendus sur ce territoire et ont commencé à

13 recueillir des éléments de preuve.

14 M. Kehoe (interprétation). - Nous allons maintenant diffuser une

15 cassette. Il s'agit de la pièce à conviction 530. J'ai des traductions

16 supplémentaires. J'en ai également pour les cabines d'interprètes.

17 C'est une cassette vidéo très courte qui vient d'ITN News, qui

18 est une station de télévision britannique. Cette séquence a été tournée

19 par Dan Damon, l'un de leurs journalistes. Cette pièce a déjà été versée

20 au dossier de ce procès. Je crois que chacun a entre les mains le texte de

21 cette transcription. Nous pouvons donc passer à la diffusion de la

22 cassette.

23 (Cassette.)

24 "A Ahmici, le village de l'horreur, dans lequel des familles

25 entières de Musulmans

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1 ont été assassinées et brûlées, des équipes sanitaires croates ont été

2 dépêchées sur place pour enterrer les corps au terme d'un accord de

3 cessez-le-feu, qui semble tenir. Ils enterreront les animaux morts, tel ce

4 cheval. On ne saura peut-être jamais combien de victimes humaines reposent

5 ici aussi. Quand la souffrance humaine est si grande, s'occuper des

6 animaux semble bien futile à ces gens. Ainsi, les vaches blessées par des

7 éclats d'obus, au plus fort des combats croato-musulmans, sont en train de

8 pourrir sur place. Quelques-unes vivent encore une semaine plus tard,

9 coincées dans la boue, attendant la mort, entourées d'une nuée de mouches.

10 Les ouvriers agricoles disent qu'ils n'ont pas de munitions pour les

11 achever".

12 (Fin de la cassette.)

13 M. Kehoe (interprétation). – Général, ce que nous venons

14 d'entendre montre qu'une semaine après les événements d'Ahmici, aux

15 alentours du 23 avril, des corps étaient ramassés dans Ahmici. Avez-vous

16 donné l'ordre de ramasser ces corps ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas vu que la date était

18 celle du 23 avril.

19 M. Kehoe (interprétation). – Général, excusez-moi, je lis la

20 transcription. Les événements d'Ahmici se sont déroulés le 16 et le

21 journaliste dit : "Quelques-unes vivent encore une semaine plus tard".

22 Sept jours à partir du 16, cela nous amène au 23 ; si vous voulez, cela

23 peut être le 24. Pas de problème.

24 M. Blaskic (interprétation). - Oui, une semaine après le 16,

25 c'est le 23, là, je suis d'accord. Là, où je ne suis pas d'accord, c'est

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1 que cette action ait été menée à bien le 23 avril. Le 28 avril, il y a eu

2 la réunion de Zenica. Je crois qu'il existe un ordre émanant des deux

3 chefs, le général Halilovic et le général Petkovic, ordre destiné à

4 organiser le nettoyage de toutes les lignes de front. Je crois que c'est

5 le général Morillon qui a présidé cette réunion et je suis sûr que

6 M. Thébault a participé également à cette réunion. Les participants de

7 cette réunion ont donc délivré un ordre demandant que les lignes de front

8 des deux côtés soient nettoyées.

9 Sur la base des ordres de mes supérieurs, avec le commandant du

10 3ème Corps

11 d'armée, j'ai délivré un ordre dans ce sens. Je crois que cela s'est passé

12 aux environs du 29 avril. Cet ordre a également permis aux services de

13 sécurité de recueillir des indices au sujet des cadavres et des

14 circonstances dans lesquelles ces personnes étaient mortes, y compris

15 grâce à des examens médicaux des cadavres.

16 Mais cela ne s'est pas passé le 23 avril ; j'en suis

17 profondément convaincu. Je sais que cela ne s'est pas passé le 23 avril.

18 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous montrer la pièce à

19 conviction de la défense 366. Cela nous aidera peut-être à clarifier ce

20 point.

21 Général, est-ce l'ordre du 29 avril dont vous venez de parler ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est l'ordre du 29 avril.

23 M. Kehoe (interprétation). - J'aimerais vous lire la page 19 077

24 du compte rendu d'audience, questions de Me Nobilo. En réponse à ces

25 questions, vous apportez des réponses.

Page 20949

1 La question est : "Le ramassage des cadavres d'Ahmici, lorsque

2 vous l'avez mené à bien, vous a-t-il permis de découvrir quel était le

3 nombre des personnes décédées ? La répartition de ces cadavres, combien

4 étaient des personnes âgées, des femmes, des enfants, des civils ou des

5 soldats. Et la méthode par laquelle ces personnes avaient été tuées ?

6 Avez-vous découvert ces renseignements en ramassant les corps ?

7 Réponse : Oui.

8 Question : Est-ce qu'un rapport a été rédigé, comportant la

9 description détaillée et l'identification des cadavres qui pouvaient être

10 identifiés ?

11 Réponse : Oui, un échange a été réalisé sur la base des critères

12 des organisations internationales.

13 Question : Ce ramassage réalisé avec le plus grand soin et

14 donnant lieu à un rapport indiquant le sexe et l'identité, etc. vous a-t-

15 il aidé à identifier les conséquences du crime d'Ahmici ?

16 Réponse : Oui. Jusqu'à ce moment-là, nous n'avions que les

17 éléments qui nous avaient été fournis par le colonel Stewart".

18 Aujourd'hui, dites-vous dans votre déposition, que ce ramassage

19 des corps s'est déroulé en vertu de cet ordre, monsieur. L'ordre auquel je

20 fais référence est la pièce de la défense 366 ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Je sais que cet ordre a été

22 délivré et qu'après cela, les corps ont été ramassés des deux côtés sur le

23 front, aussi bien du côté de l'armée de Bosnie-Herzégovine que du HVO. Car

24 il était impossible, en cas d'absence d'interruption des combats, de

25 ramasser les corps d'un seul côté. Donc, nous avons pris des mesures de

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1 sécurité afin d'organiser cette action et je sais que cela s'est passé le

2 29 avril 1993 ou, en tout cas, aux environs de cette date. Mais ce que je

3 sais, c'est que cette action ne s'est pas déroulée le 23 avril.

4 M. Kehoe (interprétation). – Et c'est sur la base de cet ordre,

5 que vous avez pu recueillir des informations liées aux événements d'Ahmici

6 et obtenir des renseignements liés à des autopsies. Et, comme vous l'avez

7 dit à Me Nobilo, vous avez pu déterminer l'âge, le sexe et le nombre des

8 personnes tuées. Est-ce exact ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Non, non. Il faut distinguer

10 entre l'ordre demandant une enquête, qui a été délivré le 24 avril et

11 c'est à partir de cette date que les services de sécurité ont commenté à

12 enquêter. Mais ici, nous parlons d'un ordre demandant que les cadavres

13 soient ramassés. Je crois que les services de sécurité ont utilisé leurs

14 propres méthodes pour dresser la liste des cadavres.

15 M. Kehoe (interprétation). - Général, par le biais de l'ordre

16 que vous avez délivré, êtes-vous en train de nous dire que vous avez

17 envisagé d'organiser le ramassage des cadavres d'Ahmici de façon à pouvoir

18 obtenir des informations après autopsie ? Est-ce cela que vous êtes en

19 train de dire par cet ordre ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Cet ordre a été délivré… Un instant, je

21 vous prie...

22 Cet ordre indique un certain nombre d'activités liées au fait de

23 dresser la liste des personnes emprisonnées (au point 1), liées à la

24 nécessité de remettre les civils en liberté (au point 2), liées à

25 l'échange des cadavres et au nettoyage du terrain (au point 3), ainsi qu'à

Page 20951

1 la garantie de la pleine sécurité à tous les civils (au point 4). Je crois

2 qu'au point 5 de cet ordre, il est question des responsabilités liées à

3 l'organisation de l'enquête qui doit donner lieu à une liste des personnes

4 tuées, arrêtées et des personnes enterrées.

5 Au point 6, il est question d'une coopération avec la Forpronu,

6 la Croix Rouge internationale, le HCR et les représentants de la

7 Communauté européenne. Mais cet ordre est fondé sur l'ordre émanant des

8 deux chefs d'état-major, c'est-à-dire des deux supérieurs. Je crois qu'un

9 ordre de même nature a été délivré par le commandant du 3ème Corps d'armée

10 de Bosnie-Herzégovine. C'était le principe qui était en application.

11 M. Kehoe (interprétation). – Général, M. Marin a dit que

12 l'échange de ces cadavres était un grand événement à Vitez. Est-ce exact ?

13 M. Blaskic (interprétation). - L'échange des cadavres est un

14 événement important et émouvant, indépendamment des circonstances dans

15 lesquelles un tel échange est réalisé ou de la partie concernée. Dans tous

16 les cas, l'échange des cadavres est un événement significatif. Encore

17 aujourd'hui, il y a des cadavres que nous ne sommes pas parvenus à

18 découvrir, malgré tous nos efforts.

19 M. Kehoe (interprétation). – 96 cadavres, à peu près, ont été

20 remis aux Bosniens musulmans dans le cadre de cet échange, des cadavres

21 provenant d'Ahmici et des environs immédiats d'Ahmici, n'est-ce pas ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Selon la liste que j'ai eue sous

23 les yeux, je ne me rappelle pas exactement le nombre, mais je crois que

24 celui-ci se situe entre 96 et 103 cadavres.

25 M. Kehoe (interprétation). – Général, l'échange des cadavres et

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1 l'inhumation de ces

2 cadavres a eu lieu la veille du jour où vous avez délivré cet ordre,

3 n'est-ce pas ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je le sache, cet

5 ordre a été délivré sur la base de l'ordre délivré par le chef du grand

6 quartier général du HVO et le chef du grand quartier général de l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine. J'ai cité la date approximative du 28 ou 29, mais je

8 suis sûr que cela n'a pas eu lieu le 23.

9 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous nous avez dit, vous

10 avez dit à Me Nobilo que le recueil d'informations sur la base de l'examen

11 des corps sans vie découverts à Ahmici était un événement très important

12 s'agissant de découvrir ce qui s'était passé à Ahmici. C'est vous qui avez

13 délivré cet ordre destiné à recueillir ces informations. N'est-ce pas ce

14 que vous avez dit dans votre déposition ?

15 M. Blaskic (interprétation). – Je viens de dire ce qui était

16 contenu dans cet ordre et ce qui était l'objectif fondamental de cet

17 ordre. Après avoir reçu l'ordre du chef d'état-major de l'armée de Bosnie-

18 Herzégovine et du chef d'état-major du HVO, j'avais pour devoir, en tant

19 que commandant de la zone opérationnelle, de délivrer cet ordre. Et

20 ramasser tous les cadavres est quelque chose de très important pour les

21 services de sécurité qui sont des services professionnels qui ont la

22 responsabilité de mener l'enquête.

23 M. Kehoe (interprétation). – Général, passons à un autre

24 document, si vous le voulez bien.

25 M. Abtahi. – Il s'agit de la pièce de l'accusation 697.

Page 20953

1 M. Kehoe (interprétation). - Général, il s'agit là d'un rapport

2 de situation quotidien qui émane du bataillon britannique basé à Vitez et

3 c'est envoyé au quartier général des Nations Unies. Il est daté du

4 28 avril 1993.

5 Monsieur l'huissier, ce sont les paragraphes relatifs à Vitez

6 qui m'intéressent.

7 Il est indiqué, au "b" Vitez. Je lis : "La région située au nord

8 de la zone de Vitez reste relativement calme. A Vitez, le bataillon

9 britannique a pris part au retrait de 86 cadavres

10 qui se trouvaient à l'école et qui ont été emmenés au site

11 d'enfouissement."

12 Général, parmi ces corps, il y a les corps des victimes des

13 événements d'Ahmici qui ont été enterrés le 28, n'est-ce pas?

14 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, oui, ils ont été

15 enterrés le 28 ou le 29. Ce rapport me permet de dire qu'ils ont été

16 enterrés le 28 avril 1993.

17 M. Kehoe (interprétation). – Donc, Général, un jour avant que

18 vous ne délivriez cet ordre daté du 29 ? Ma question est donc la

19 suivante : si ceci s'est produit avant le 29, qui a donné ordre que ces

20 96 cadavres soient recouvrés dans les locaux de l'école de Vitez ?

21 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, je préciserai une chose.

22 Au point 3 de l'ordre daté du 29, il apparaît que l'on parle de, je cite

23 "prendre soin de la ligne de front". Vous ratissez la ligne de front et je

24 pense que cela comprend la ligne de front qui se trouve à Ahmici. Mais je

25 ne sais pas qui a émis cet ordre.

Page 20954

1 Cela dit, je sais bien comment l'on s'occupait de ce ratissage

2 des lignes de front et je sais que cela passait par les services de la

3 Commission conjointe, Commission présidée par MM. Nakic et Merdan.

4 M. Kehoe (interprétation). - Si les circonstances étaient telles

5 que l'on pouvait, en toute sécurité, retirer 96 corps, les circonstances

6 étaient certainement telles que vous pouviez, en toute sécurité, vous

7 rendre sur place pour mener une enquête, n'est-ce pas ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Nous avons parlé du recouvrement

9 des corps. J'ai déjà dit qu'il s'agissait d'une activité qui comprenait

10 deux équipes et qui devait être entreprise par deux équipes.

11 Sur la base de l'accord de sécurité qui a été signé, les mesures

12 de sécurité pour les équipes de travail étaient garanties. Il est certain

13 que les équipes de sécurité étaient sur le terrain pour rassembler ces

14 corps et qu'elles procédaient à la collecte d'éléments de preuve, toujours

15 dans le but de mener cette enquête.

16 M. Kehoe (interprétation). – Général, dans votre désir de

17 rassembler des informations relatives aux événements qui se sont produits

18 à Ahmici, est-ce que vous vous êtes jamais rendu aux conférences de presse

19 qui étaient tenues tous les mardis, notamment par MM. Kordic et Kostroman

20 et M. Valenta et avez-vous demandé aux personnes assistant à ces

21 conférences de presse, de communiquer des informations relatives à ce

22 qu'elles avaient pu observer à Ahmici ?

23 M. Blaskic (interprétation). – J'ai assisté à une conférence de

24 presse où j'ai condamné les crimes perpétrés à Ahmici. Tout le reste était

25 entre les mains des services de sécurité. J'ai même fait une déclaration

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1 publique au moment où j'ai condamné ces crimes. J'ai précisé que je

2 m'attendais à ce que les membres du public fournissent des informations.

3 Je sais que des déclarations ont été recueillies auprès de témoins

4 oculaires sur le terrain et auprès d'autres personnes qui disposaient

5 d'informations sur ces points. Mais ces déclarations ont été rassemblées

6 par le service de sécurité dans le cadre de son travail sur les événements

7 d'Ahmici.

8 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous étiez le plus haut

9 responsable militaire en Bosnie centrale. Parlons justement de cette

10 conférence de presse à laquelle vous avez participé et pendant laquelle

11 vous avez condamné ces crimes. Au cours de ladite conférence de presse,

12 avez-vous demandé aux membres du public de fournir des informations

13 relatives à ce qu'ils savaient sur ce qui s'était passé à Ahmici, parce

14 que vous vouliez absolument éviter que ce type d'acte se reproduise ?

15 Avez-vous fait cela ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas tout ce qui

17 s'est passé dans le cadre de cette conférence de presse. Si l'on me permet

18 de consulter mes documents, je pourrais peut-être retrouver certains

19 éléments. Je sais, de façon générale, que j'ai condamné les crimes et que

20 j'ai expliqué très clairement qu'une enquête serait menée.

21 M. Kehoe (interprétation). - Parlons précisément de cette

22 enquête dont vous avez demandé qu'elle soit menée. A la page 8 944 du

23 compte rendu, vous indiquez qu'après votre

24 rencontre du 24 avril avec le colonel Stewart,… Excusez-moi un instant.

25 Je me suis trompé dans la page du transcript que j'ai citée. En

Page 20956

1 fait, il s'agit de la page 18 994. Bien.

2 Vous notez donc qu'après votre réunion avec le colonel Stewart,

3 le 24 avril, vous avez –je cite- "organisé une réunion avec le

4 commandement, et j'en ai informé les membres de ce que j'avais dit au

5 colonel Stewart. J'ai également émis un ordre oral destiné au SIS et

6 demandant qu'une enquête soit menée".

7 Général, qui était présent lors de la réunion que vous avez eue

8 à ce moment-là ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Mes collaborateurs du quartier

10 général.

11 M. Kehoe (interprétation). – Donnez-nous des noms, s'il vous

12 plaît.

13 M. Blaskic (interprétation). - Je ne souviens pas de toutes les

14 personnes présentes, mais il y avait l'assistant chargé de la sécurité, il

15 y avait l'homme chargé des opérations ; je crois que l'assistant à l'IPD

16 était présent. Maintenant, je n'ai pas le souvenir des autres personnes

17 présentes.

18 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que Franjo Nakic, le chef

19 l'état-major, était présent ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Non, pour autant que je me

21 souvienne, il n'était pas présent. Franjo Nakic, je crois qu'il prenait

22 part aux travaux de la commission conjointe. Je n'en suis pas certain,

23 mais je ne crois pas qu'il ait été là.

24 M. Kehoe (interprétation). – Et Slavko Marin, le chef des

25 opérations, était-il présent ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Il me semble bien que oui.

2 M. Kehoe (interprétation). - Quelle a été la réaction de Slavko

3 Marin lorsqu'il vous a entendu donner un ordre au SIS ? Lorsqu'il vous

4 entendu lui ordonner de mener une enquête, vous vous souvenez de sa

5 réaction ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Il est difficile pour moi de me

7 souvenir des réactions de tout un chacun. Moi, j'ai essayé de faire en

8 sorte que tous les membres du commandement aient une connaissance

9 approfondie de tous les sujets que j'avais abordés avec le colonel

10 Stewart. J'ai délivré un ordre destiné à l'assistant à la sécurité. Je ne

11 me souviens pas des réactions des différents participants.

12 M. Kehoe (interprétation). – Pour ce qui est du chef des

13 opérations, avez-vous expliqué au général de brigade Marin quelles étaient

14 les informations que vous avez pu recueillir et quels étaient les progrès

15 de l'enquête menée sur les événements d'Ahmici, que vous aviez confiée au

16 SIS, le 24 avril ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Marin a été chargé de rassembler

18 tous les documents avant même que l'enquête ne soit lancée. Je ne me

19 rappelle pas lui avoir parlé plus précisément de l'enquête puisque c'était

20 le service de sécurité qui en était chargé et qui me soumettait des

21 rapports. Peut-être qu'il a trouvé, de son côté, des informations, mais,

22 pour l'heure, je n'en ai pas un souvenir plus précis.

23 M. Kehoe (interprétation). - Dans la déposition du général de

24 brigade Marin qui, je vous le rappelle, a déposé devant cette Chambre

25 pendant un certain temps, l'avez-vous jamais entendu dire, ne serait-ce

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1 qu'une seule fois, qu'il avait connaissance de cet ordre que vous aviez

2 donné au SIS, en ce jour du 24 avril 1993, ordre donné oralement par

3 vous ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas s'il en a parlé

5 aussi explicitement, mais laissez-moi vous expliquer le fonctionnement du

6 commandement dont j'avais la charge.

7 Lors de ces réunions, je distribuais les responsabilités. Chacun

8 tenait son carnet de guerre et y consignait les tâches qui lui étaient

9 assignées et les tâches assignées aux autres personnes présentes. Si un

10 ordre avait été donné au SIS, le représentant du SIS consignait cet ordre

11 dans son carnet de guerre ; si Slavko Marin recevait un ordre, il le

12 consignait dans ses documents. Dans mon carnet de guerre à moi, j'ai fait

13 état des différentes tâches, missions, des

14 différentes lignes directrices que j'avais données à tel ou tel assistant.

15 Je ne crois donc pas que Marin ait pris note des missions que j'avais

16 confiées à mes autres collaborateurs, que ce soient des membres du SIS ou

17 des personnes chargées des opérations.

18 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous donnez oralement un

19 ordre au SIS, le 24 avril. Cela constitue tout de même un événement

20 important, n'est-ce pas ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Le fonctionnement de tout

22 commandement de brigade ou de bataillon ou d'autres entités d'importance

23 supérieure est le suivant : au cours de réunions, des missions concrètes

24 sont assignées à chacun des collaborateurs présents. Chaque mission est

25 importante, chaque collaborateur doit informer son supérieur pertinent de

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1 la mission qui lui revient.

2 M. Kehoe (interprétation). – Général, seriez-vous surpris

3 d'apprendre que votre chef des opérations, Slavko Marin, dans le cadre de

4 la déposition qu'il a faite devant cette Chambre, n'a pas dit un seul mot,

5 pas un seul sur un ordre oral qui aurait été donné au SIS, le 24 avril

6 1993 ? Ne seriez-vous pas surpris d'apprendre un telle chose ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Non. Je ne suis pas surpris.

8 Interrogez n'importe quel officier et demandez-lui de se souvenir du

9 moindre détail d'une réunion qui s'est tenue il y a des années, et vous

10 verrez.

11 M. le Président. – Il ne s'agit quand même pas du moindre

12 détail. Il s'agit de crimes dont la communauté internationale -le

13 Juge Shahabuddeen vous l'a rappelé et vous-même l'avez dit- s'était

14 extrêmement émue. On peut donc légitimement penser que votre chef d'état-

15 major, votre plus proche collaborateur, qui a témoigné pendant six

16 semaines, ici,... Il ne s'agit peut-être pas d'un moindre détail ? Vous en

17 conviendrez quand même ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, il n'est

19 pas la personne responsable de la réception de cet ordre. Lui, il

20 travaillait dans son propre domaine de compétence ; il était chargé des

21 opérations de combat, il était chargé de gérer les documents relatifs aux

22 combats. C'est dans ce sens que je décrivais cela. C'est pour cela que

23 chaque collaborateur est chargé de son propre domaine de compétence.

24 M. Kehoe (interprétation). – Général, est-ce que vous disposez,

25 parmi tous les documents soumis à cette Chambre, d'un seul document qui

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1 fait état du fait que, le 24 avril 1993, vous avez délivré un ordre oral à

2 l'intention du SIS ? Avez-vous un document quelconque qui fasse état de

3 cela ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Je dispose de mon journal

5 personnel et de mon journal de guerre qui traitent de cette période. Mais

6 je ne l'ai pas entre les mains.

7 M. Kehoe (interprétation). - C'est tout ce dont vous disposez

8 pour nous montrer qu'effectivement, le 24 avril, vous avez délivré cet

9 ordre oral ?

10 M. Blaskic (interprétation). - J'ai mon journal de guerre

11 personnel ; puis, il y a le journal de guerre personnel du collaborateur

12 chargé de la sécurité. Il y a donc au moins deux documents officiels.

13 M. Kehoe (interprétation). - Il suffira de dire -je pense que

14 vous serez d'accord avec moi, Général- qu'aucun des documents qui font

15 partie de cette affaire ne fait état de cet ordre oral, émis le 24 avril

16 1993 ? Vous n'êtes pas d'accord ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Je ne dispose pas de ce document

18 ici, avec moi. Si j'avais tous les documents ici avec moi, je vous les

19 aurais tous soumis. Ce n'est pas le cas. Nous étions tenus, de par nos

20 fonctions mêmes, de tenir un journal de guerre. C'est le règlement qui

21 nous l'imposait. Je répète qu'il était de mon devoir de rendre ce

22 document : c'est pour cela que je ne l'ai pas avec moi. Dès que l'on

23 changeait de poste, on remettait ce document ; simultanément, son envoyé

24 en confiait un autre pour le nouveau poste à occuper.

25 M. Kehoe (interprétation). - Général, nous allons revenir au

Page 20961

1 24 avril, ce même jour au cours duquel vous avez délivré cet ordre oral.

2 Ce même jour, vous avez envoyé une lettre à Kordic, Stojic et à Milivoj

3 Petkovic.

4 Monsieur le Greffier, pourriez-vous remettre ce document au

5 témoin. Il s'agit du document 456/58.

6 (Le greffier s'exécute.)

7 Général, dans ce document extrêmement confidentiel que vous avez

8 envoyé à ces trois responsables –je rappelle qu'il s'agit de l'ordre

9 délivré le 24 avril 1993, à savoir le même jour où vous avez donné cet

10 ordre oral à l'intention du SIS-, dans ce document donc, dites-vous bien à

11 ces trois personnes que vous avez émis un ordre oral à l'intention du SIS

12 lui demandant de mener à bien cette enquête ? Est-ce que ce fait est

13 précisé dans ce document ou bien est-ce que ce document n'est pas complet,

14 qu'il en manque une partie et c'est pourquoi on ne trouve pas trace de cet

15 ordre oral ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Le document dont nous parlons, le

17 document 456/58, n'est qu'un document qui donne des informations sur la

18 réunion que j'ai eue avec le colonel Stewart. Il ne fait pas état des

19 activités quotidiennes de mon commandement. Il n'explique pas quels sont

20 tous les événements qui se sont produits dans la zone opérationnelle. Ce

21 ne sont là que quelques informations relatives aux événements qui se sont

22 produits entre 14 et 15 heures à peu près.

23 C'est bien ce que dit le document dans son titre. Mais les

24 informations relatives aux opérations sont régulièrement envoyées au chef

25 de l'état-major principal. Il porte sur toutes les activités du

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1 commandement et sur tout ce qui se produit, y compris sur la réunion que

2 j'ai eue après ma rencontre avec le colonel Stewart et sur les différentes

3 missions que j'ai confiées à mes collaborateurs, du moins les plus

4 importantes d'entre elles.

5 Donc ce document qui a été envoyé par fax ne précise que

6 quelques informations sur ces différentes discussions et ne porte pas sur

7 toutes les activités relatives à mon travail quant aux événements qui se

8 sont produits à Ahmici. Lorsque vous dites qu'il s'agit d'un document

9 extrêmement confidentiel, je dis que tous les documents étaient

10 extrêmement

11 confidentiels.

12 M. Kehoe (interprétation). - Général, ce document reflète le

13 fait qu'une visite ou qu'un déplacement a eu lieu dans le cadre du

14 massacre des Musulmans qui a été perpétré dans le village d'Ahmici. Ce

15 sont des membres des organisations des Nations Unies qui se sont rendus

16 sur place. Le document indique, d'autre part, qu'une réunion a eu lieu

17 entre le colonel Stewart et vous-même, réunion au cours de laquelle le

18 colonel Stewart indique que cet événement est une véritable catastrophe au

19 cours de laquelle des civils ont été abattus.

20 Etes-vous en train de nous dire que vous n'avez pas informé ces

21 responsables haut placés de la communauté croate d'Herceg-Bosna du fait

22 que vous aviez donné un ordre relatif à la conduite d'une enquête ? Est-ce

23 que c'est ce que vous nous affirmez.

24 M. Blaskic (interprétation). – Je dis ici que ce document parle

25 de ce dont j'ai discuté avec le colonel Stewart. Il ne s'agit pas d'un

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1 document complet, il ne s'agit pas d'un document qui fait état de toutes

2 les activités et de toutes les mesures que j'ai prises dans le cadre des

3 crimes commis à Ahmici. Ce document, je l'ai émis à titre informatif.

4 M. le Président. – Il ne s'agit pas que d'informatif puisqu'à la

5 fin, vous parlez d'un certain nombre d'autres points.

6 Mais à supposer même que ce soit informatif, il me semble quand

7 même que la question du Procureur est légitime, relayée d'ailleurs par

8 beaucoup de questions que vous ont posé mes collègues, à commencer par le

9 Juge Shahabuddeen s'agissant de la visite du Conseil de sécurité, ainsi

10 que celle que vous a posée le Juge Rodrigues ce matin encore sur

11 l'accumulation des points.

12 Je vais vous la reposer encore. Mais enfin, vous saisissez les

13 trois plus hauts responsables au-dessus de vous : le politique Kordic, le

14 ministre de la Défense qui, d'après vous, est le seul supérieur du

15 bataillon de police militaire, votre propre supérieur hiérarchique, le

16 général Petkovic. Vous leur parlez de ce qui les intéresse au plus haut

17 niveau, c'est-à-dire les

18 réactions de la Communauté internationale sur le massacre d'Ahmici. Vous

19 prenez la peine de leur envoyer ce document. Et le jour-même, je pense le

20 matin même puisque vos réunions d'état-major avaient lieu le matin, vous

21 envoyez le jour-même, à 15 heures 50, un point de la situation concernant

22 cette question douloureuse d'Ahmici. Vous vous préoccupez quand même de

23 l'enquête, d'après ce que vous nous dites, et il n'y a pas lieu de ne pas

24 vous croire, on est donc un peu en droit d'imaginer que les trois plus

25 hauts responsables qui sont isolés, qui n'ont de nouvelles de vous qu'à

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1 travers ces fax que vous envoyez, vous ne leur dites pas que la mesure que

2 vous avez prise c'est d'avoir saisi le SIS.

3 C'est peut-être incomplet. Peut-être manque-t-il trois

4 paragraphes dans ce document ? Je n'en sais rien. Seul vous pouvez le

5 dire. Mais il faut bien convenir que les questions du Procureur sont

6 légitimes pour éclairer les Juges dont, je vous le rappelle, la mission

7 première est celle de savoir ce qui s'est passé très exactement.

8 Il s'agit d'un document exceptionnel, comme aurait envie de vous

9 poser la question le Juge Rodrigues. Vous qui ne faites jamais de

10 politique, vous dont vous nous avez dit depuis le début que vous ne vous

11 occupiez que des problèmes militaires dans un distinction très subtile,

12 mais qui est la vôtre, vous appelez Dario Kordic, vous alertez le ministre

13 de la Défense. Et là, vous nous dites que c'était un détail de la réunion

14 du matin, que chacun prenait note du fait que, oui, j'ai saisi le SIS.

15 Il faut bien comprendre que le Procureur insiste sur cette

16 question et que les Juges insistent aussi.

17 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs

18 les Juges, j'ai déjà dit que pour ce qui était de tous les événements qui

19 se produisaient, nous rédigions un rapport opérationnel. Ces rapports sont

20 envoyés au quartier général du HVO, notamment les ordres qui ont été émis

21 ce jour-là et, sur la base de ces rapports, des missions, des tâches

22 spécifiques étaient confiées aux différentes personnes compétentes.

23 Voilà la réponse que j'apporte à la question qui m'a été posée

24 par le Procureur.

25 M. le Président. – Avez-vous des questions complémentaires, Juge

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1 Rodrigues ? Sinon, Monsieur le Procureur, nous passons à un autre type de

2 questions. Il faut enregistrer la réponse du témoin telle qu'elle est.

3 Monsieur le Juge Rodrigues avez-vous une autre question, de

4 façon à nous permettre, M. le Juge Shahabuddeen, moi-même et vous-même, de

5 savoir en fin de compte si c'était un simple détail, si vous n'étiez

6 préoccupé d'Ahmici, que parce que la Communauté internationale avait dit

7 qu'elle s'en préoccupait ou si véritablement vous avez conduit une enquête

8 conscience, convaincue et convaincante.

9 Monsieur le Juge Rodrigues, aidez-nous.

10 M. Rodrigues. – Je m'excuse de poser cette question car je

11 devrais peut-être avoir cette information. J'aimerais m'adresser à

12 Me Nobilo pour savoir si, dans l'interrogatoire principal du Brigadier

13 Marin, vous avez posé directement la question à ce témoin de savoir, à

14 propos de la question de l'ordre oral que le général aurait rendu, le

15 matin du jour de la réunion ? Avez-vous posé la question au témoin Marin ?

16 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Juge, mon collègue,

17 Me Hayman, va vérifier cela de son côté, mais je vais essayer de vous

18 répondre du mieux que je le peux pour le moment.

19 Je n'ai pas posé cette question au général de brigade, Marin,

20 pour autant que je m'en souvienne.

21 M. Hayman (interprétation). – A la page 12 528, il apparaît que

22 le général de brigade, Marin, s'est vu montrer l'ordre du 10 mai 1993. La

23 question lui a été posé : "Est-ce que vous aviez déjà vu ce document ?"

24 Réponse du Général Marin : "Non, je ne l'ai pas vu, il a été remis

25 directement au commandant. Je vous le répète, il ne s'agissait pas là de

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1 mon champ de compétences. Il s'agissait là des activités reliées à

2 l'enquête. Mais je connais M. Sliskovic, l'assistant du commandant de la

3 zone opérationnelle de Bosnie centrale et je reconnais sa signature sur le

4 document."

5 M. Nobilo (interprétation). - Je remercie Me Hayman.

6 Monsieur le Juge, lorsque nous essayons d'en savoir un plus sur

7 des événements qui se sont produits il y a 6 ans, nous pouvons essayer de

8 demander au général de Brigade Marin quels sont les principes fondamentaux

9 qui régissaient les événements à l'époque et dont il se souvient. Mais

10 nous ne pouvons exiger de lui qu'il nous apporte des détails que si nous

11 pouvons lui soumettre des documents qui lui rafraîchissent la mémoire.

12 Si le général de Brigade Marin ne voit pas de documents, il est

13 évident qu'il a beaucoup de mal à se souvenir de quoi que ce soit. Mais si

14 on lui soumet un document, il est possible Slavko Marin se remémore

15 certains détails et nous en fasse part. Mais un événement, en l'occurrence

16 un ordre oral émis il y a 6 ans dans le cadre d'une guerre, impossible de

17 s'en souvenir.

18 Et nous ne voulions pas lui suggérer quoi que ce soit. Il se

19 fondait pour nous répondre sur ses propres souvenirs six ans après les

20 faits et sur ce dont il arrivait à se souvenir après avoir consulté les

21 documents que nous lui soumettions. Outre ces deux sources d'information,

22 nous ne pouvions rien ajouter d'autre et rien lui suggérer.

23 M. le Président. - Monsieur le Procureur veuillez continuer.

24 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien Monsieur le Président, je

25 dirais au Juge Rodrigues que hier, je suis revenu moi aussi sur le compte

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1 rendu de la déposition du Général de brigade Marin. J'ai regardé

2 l'interrogatoire principal, le contre-interrogatoire , et il n'y a mention

3 nulle part de cet ordre oral du 24 avril 1993.

4 M. le Président. - Combien de temps, Monsieur le Procureur, pour

5 relire tout cela ?

6 M. Kehoe (interprétation). - Un certain temps. Général, si vous

7 n'avez pas dit à

8 Petkovic, à Kordic et à Stojic, que vous aviez demandé par voie d'un ordre

9 oral qu'une enquête soit menée, si vous ne leur avez pas dit cela, dans

10 cette pièce que j'ai entre les mains, la pièce 458/58, les avez-vous tout

11 de même informés de votre intention de mener une enquête sur ces

12 événements à un moment quelconque ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Bien entendu, j'ai informé le

14 chef du grand quartier général de l'ordre relatif à l'enquête, car c'était

15 mon devoir d'informer de tous les événements le chef du grand quartier

16 général. C'est ce que j'ai fait aussi bien dans des rapports opérationnels

17 que dans des rapports extraordinaires.

18 M. Kehoe (interprétation). - L'avez-vous tenu au courant de ce

19 qui se déroulait dans le cours de l'enquête. L'avez-vous informé de

20 certaines des difficultés auxquelles vous faisiez face pour mener cette

21 enquête ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Le chef du grand quartier était

23 mon supérieur direct. Bien entendu, je l'ai informé au sujet du

24 déroulement de l'enquête et des difficultés que je rencontrais et de tout

25 le reste.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous demandé au chef du grand

2 quartier général ou à Stojic ou à Kordic d'intervenir auprès du chef du

3 SIS, afin que l'enquête puisse se conclure rapidement ? L'avez-vous fait?

4 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai jamais demandé

5 l'intervention de Kordic vis-à-vis de ceci. Je n'estimais pas que

6 c'étaient ses compétences. Mais j'ai demandé au chef du grand quartier

7 général d'intervenir dans ce sens. C'est-à-dire dans le sens de

8 l'achèvement de l'enquête. J'ai donc, je répète, informé le chef du grand

9 quartier général du déroulement de l'enquête et des problèmes que posait

10 cette enquête.

11 M. Kehoe (interprétation). - Avez-vous des documents en votre

12 possession, ou y a-t-il eu des documents versés au dossier de ce procès à

13 l'appui de ce que vous dites, documents autres que votre chronologie ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Le document est mon journal de

15 guerre et les rapports que j'ai envoyés au chef du grand quartier général

16 durant le mois de septembre 1993. J'ai parlé de cela dans ma chronologie.

17 M. Kehoe (interprétation). - Donc, votre réponse à ma question

18 consiste à dire que vous ne possédez aucun document et qu'il n'y a aucun

19 document versé au dossier de ce procès à l'appui de la déclaration que

20 vous faites, selon laquelle vous auriez demandé l'aide de Petkovic.

21 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas sur moi ces

22 documents. Je ne les ai pas ici avec moi, mais je sais que ce document

23 existe dans mon journal de guerre, ainsi que dans le mémoire résumé que

24 j'ai envoyé au chef du grand quartier général au mois de septembre 1993.

25 L'un des problèmes qui se posait a été la non efficacité de l'enquête au

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1 sujet des crimes commis à Ahmici,.

2 M. Kehoe (interprétation). - Donc, Général, le seul élément de

3 preuve dont nous disposons au sujet de ordre oral du 24 avril 1993 c'est

4 votre parole, n'est-ce pas?

5 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit qu'il existait au

6 moins deux documents traitant de cela : mon journal de guerre personnel et

7 le journal de guerre de l'adjoint chargé de la sécurité.

8 M. Hayman (interprétation). - Il s'agit d'une discussion

9 inconvenante Monsieur le Président. Demandez : "Y a-t-il un autre élément

10 de preuve" est inconvenant. Nous pouvons discuter de la nature des autres

11 éléments de preuve, mais je pense que c'est une question impropre de

12 demander au témoin de discuter l'état d'un élément de preuve dans ce

13 procès. La question posée au témoin : "Existe-t-il d'autres éléments de

14 preuve versés au dossier de ce procès qui sont à l'appui de ce que vous

15 venez de dire ?"

16 M. le Président. - Je crois qu'il faut garder raison. Je vous

17 rappelle d'ailleurs que la Chambre avait demandé la production de ce

18 journal de guerre, il me semble. Je crois que vous venez de répondre à la

19 Chambre. Il me semble qu'on a demandé au titre de l'article 98, mais je

20 n'ai pas encore lu la version française de votre réponse. Mais, j'ai cru

21 comprendre d'après ce que m'a dit Olivier Fourmy, que vous ne pouviez pas

22 le fournir. Donc il ne me paraît pas illégitime que le Procureur demande

23 au témoin -qui est témoin ici, il n'y a rien d'inconvenant ici, il n'est

24 pas accusé ici, il est témoin- de demander s'il y a d'autres éléments de

25 preuve à l'appui de ses dires.

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1 C'est peut-être une question de culture judiciaire entre ce qui

2 se passe dans votre système judiciaire et ce qui est plus coutumier chez

3 moi. Ici, nous avons effectivement cette particularité d'avoir un accusé

4 qui est témoin. Mais, il a choisi d'être témoin, donc il faut qu'il puisse

5 répondre très simplement aux questions. Il nous dit lui même c'est dans

6 mon journal de guerre. Je crois que la Chambre a demandé le journal de

7 guerre, je crois que nous ne l'aurons pas. J'attends de voir vos arguments

8 d'ailleurs pour savoir si nous devons l'imposer ou si nous devons aller

9 plus loin. Mais, ceci est une discussion qui aura lieu entre mes collègues

10 et moi-même. Mais pour le reste, ça ne me paraît pas totalement

11 inconvenant, ça vous a peut-être surpris. Peut-être que la formulation n'a

12 pas été très adroite. Il ne faut pas y attacher plus d'importance que

13 cela, Maître Hayman. D'accord ?

14 M. Hayman (interprétation). - D'accord.

15 M. le Président. - Monsieur le Procureur, voulez-vous

16 poursuivre ?

17 M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président

18 Penchons-nous sur votre ordre lié à la nécessité d'une enquête, nous

19 trouvons cela dans deux pièces à conviction : 456/59 de l'accusation,

20 pièce de la défense 341. L'un ou l'autre de ces documents pourra être

21 utile.

22 M. le Président. - Monsieur le Procureur, nous avons encore

23 10 minutes environ.

24 M. Kehoe (interprétation). - Je pense que, pendant ces

25 dix minutes, je pourrai couvrir un sujet. Général, votre ordre du

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1 10 mai 1993, adressé au service d'information et de sécurité le SIS et

2 portant sur l'enquête sur les événements d'Ahmici. Cet ordre du

3 10 mai 1993 a

4 été délivré trois semaines et demi après les événements d'Ahmici, n'est-ce

5 pas?

6 M. Blaskic (interprétation). - Oui, mais c'est le troisième

7 ordre que je transmets à mon assistant chargé de la sécurité de façon à

8 faire pression, de plus en plus, sur la nécessité que l'enquête produise

9 des résultats.

10 M. Kehoe (interprétation). - Général cela se passe après la

11 visite d'une délégation des Nations Unies, à Ahmici. Cette visite s'est

12 déroulée le 24 avril 1993, et nous en avons déjà parlé, vous en avez parlé

13 également hier avec le Juge Shahabuddeen, n'est-ce pas ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Je sais qu'il y a eu pas mal de

15 délégations qui se sont rendues à Ahmici. Et je sais que j'ai parlé d'une

16 délégation des Nations Unies avec le Colonel Stewart, je crois que cela

17 s'est passé le 24 avril 1993.

18 M. le Président. - Allez-y, poursuivez. Excusez moi.

19 M. Kehoe (interprétation). - Général, cela s'est passé après

20 votre rencontre avec le Colonel Stewart, le 4 mai 1993. C'est donc après

21 votre rencontre, dont il est question dans la pièce à conviction de

22 l'accusation 695, que Stewart dit une nouvelle fois que rien ne s'est

23 passé au sujet de la Commission d'enquête relative à Ahmici depuis

24 18 jours. Et l'ordre, dont nous sommes en train de parler, traite de cela

25 également, n'est-ce pas?

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1 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que je n'ai pas

2 participer à toute la réunion du 4 mai. Ce n'était pas une réunion avec le

3 Colonel Stewart. C'est le président de cette réunion, M. Thébault, qui a

4 surtout parlé. Et je n'ai été invité qu'à la fin de cette réunion.

5 Effectivement elle a eu lieu le 24 mai 1993.

6 M. Kehoe (interprétation). - Votre ordre du 10 mai se situe

7 également après la visite de Payam Akhavan, qui était représentant de la

8 Commission des Droits de l'homme des Etats-Unis, n'est-ce pas ?

9 M. Blaskic (interprétation). – C'est effectivement l'ordre qui a

10 été délivré dont nous parlons. Mais j'ai déjà dit que c'est le 24 avril

11 1993 que j'ai délivré un ordre destiné à mon

12 assistant chargé de la sécurité.

13 M. Kehoe (interprétation). - L'ordre dont nous sommes en train

14 de parler a été rédigé après la réunion que vous avez eue avec M. McLeod,

15 représentant de la Commission des observateurs de la communauté

16 européenne, qui enquêtait en Bosnie centrale, n'est-ce pas ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Un instant, je vous prie. J'ai

18 eu, aux alentours du 8 mai 1993, une rencontre avec M. McLeod.

19 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous conviendrez avec moi

20 que cette rencontre avec M. McLeod s'est déroulée deux jours avant la

21 délivrance de votre ordre destiné au Service d'informations et de sécurité

22 qui date de 10 mai, n'est-ce pas ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

24 M. Kehoe (interprétation). - Ce document a également été délivré

25 après que vous ayez appris que les Nations Unies envisageaient de créer un

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1 tribunal chargé de juger les crimes de guerre commis sur le territoire de

2 l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas à quelle

4 date précise j'ai appris la création du Tribunal. Je ne suis pas sûr,

5 aujourd'hui, d'avoir la possibilité de me rappeler exactement cette date.

6 Mais avant cet ordre, j'ai reçu un rapport du service de sécurité, la

7 liste des cadavres, notamment les cadavres d'Ahmici, aux alentours du 29

8 ou du 30 avril 1993.

9 M. le Président (interprétation). - Dans mes notes personnelles,

10 mais je me suis peut-être trompé, j'avais le sentiment que, le 9 mai, il y

11 avait eu une réunion avec le colonel Duncan.

12 M. Kehoe (interprétation). – Effectivement, Monsieur le

13 Président, il y a eu une autre rencontre, une autre réunion le 9 mai.

14 Restons sur ce sujet que vient d'aborder le Président de la

15 Chambre. L'ordre a été délivré le lendemain du jour où vous avez rencontré

16 le colonel Duncan qui, lui, s'est enquis auprès de vous des événements

17 d'Ahmici, n'est-ce pas ?

18 M. Blaskic (interprétation). - L'ordre a été délivré après cette

19 réunion, mais j'ai déjà dit que j'ai reçu, aux alentours du 30 avril 1993,

20 un rapport du service de sécurité après mon premier ordre. A ce moment-là,

21 j'ai délivré un nouvel ordre destiné à ce que l'enquête se poursuive. Dans

22 le premier rapport reçu, figurait la liste des cadavres liés aux morts

23 d'Ahmici.

24 M. Kehoe (interprétation). - Général, l'ordre dont nous sommes

25 en train de parler a été délivré par vous, après que vous ayez pris

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1 pleinement conscience que les crimes d'Ahmici avaient suscité l'émoi au

2 sein de la communauté internationale et que cette communauté

3 internationale était extrêmement intéressée à découvrir ce qui s'était

4 passé à Ahmici et quelle était l'identité des auteurs de ces crimes,

5 n'est-ce pas ?

6 M. Blaskic (interprétation). - L'ordre destiné au SIS, je l'ai

7 délivré le 24 avril 1993, au moment où je me suis rendu compte que je

8 n'avais pas la certitude que la commission conjointe allait accepter de

9 mener cette enquête et allait mener cette enquête. Je n'avais pas reçu la

10 réaction du colonel Stewart à ma lettre.

11 Le premier rapport, je l'ai reçu le 30 avril 1993 déjà, date à

12 laquelle j'ai délivré un deuxième ordre à destination du service de

13 sécurité. Quant à l'ordre dont nous parlons, compte tenu du délai, nous

14 nous rendons bien compte qu'en quinze jours, il était absolument

15 impossible d'achever l'enquête. Cet ordre avait pour but d'augmenter la

16 pression sur le service de sécurité afin d'obtenir que l'enquête soit

17 véritablement menée de façon approfondie.

18 M. le Président (interprétation). – Général Blaskic, si vous

19 édictez un ordre le 10 mai qui, dans votre esprit, est un ordre de rappel

20 parce vous n'êtes pas satisfait des réponses données à vos ordres verbaux

21 émis depuis le 23 ou 24 avril, est-ce que vous n'auriez pas eu un intérêt

22 à dire, dans cet ordre-là, dans l'ordre du 10 mai, n'auriez vous pas eu

23 intérêt à rappeler que vous aviez émis des ordre verbaux et, qu'à vos

24 yeux, il n'y avait pas été répondu de façon suffisante ?

25 Première question : dans les considérations des quatre premières

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1 lignes, vous dites :

2 "Depuis plusieurs jours, diverses rumeurs courent dans le public

3 concernant les événement d'Ahmici, le 14 mai, etc. afin de pouvoir

4 analyser les événements". Ma première question est donc celle-ci :

5 n'auriez-vous pas eu intérêt à dire : "Malgré les demandes pressantes,

6 verbales et orales que j'ai pu faire de ces événements, je réitère l'ordre

7 suivant :…" ?

8 Deuxième question : dans l'ordre lui-même, n'auriez-vous pas eu

9 intérêt à dire : "Je reconfirme l'assistant du Service de sécurité dans sa

10 tâche de bien vouloir achever cette enquête le 25 mai" ?

11 Ma conclusion. Vous le voyez, avant que vous ne répondiez, on à

12 le sentiment quand on lit, qu'il n'y a pas lieu de ne pas vous croire.

13 Vous le dites sous serment, mais je dois reconnaître, quand on lit l'ordre

14 du 10 mai, qu'on a plutôt l'impression d'un premier ordre. Formellement,

15 vous qui êtes un homme qui vous appliquez beaucoup à la forme, c'est

16 plutôt cela formellement, c'est : "Depuis plusieurs jours, des rumeurs

17 courent dans le public. J'ordonne de rassembler des informations et je

18 nomme un assistant". Sentez-vous ma préoccupation ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, absolument

20 tous les jours, j'avais des contacts avec l'assistant chargé de la

21 sécurité. J'ai des notes qui m'indiquent à quel moment, par exemple, le

22 5 mai 1993, j'ai exigé de lui les résultats de l'enquête. C'était donc

23 plus tôt. Et de lui, j'ai reçu la réponse que le service était au travail.

24 Ensuite, le 8 mai 1993, je lui ai demandé de nouveau des

25 rapports au sujet de l'enquête en vertu de l'ordre émis. Je n'ai pas reçu

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1 ces rapports. Le 9 mai, je demande aussi un rapport. On m'informe de

2 nouveau de la part du service de sécurité : le service travaille ; quand

3 les résultats seront obtenus, j'en serai informé.

4 C'est pourquoi j'ai délivré cet ordre comme un ordre écrit.

5 C'est la raison pour laquelle je considérais cet ordre écrit comme une

6 forme de pression supplémentaire sur l'assistant chargé de la sécurité.

7 Peut-être aurais-je pu inclure toutes les dates de mes ordres

8 précédents, toutes les dates de ma correspondance avec lui dans cet

9 ordre ? Mais toute rencontre que j'avais avec l'assistant chargé de la

10 sécurité est consignée dans mon journal de guerre et dans le sien.

11 M. le Président (interprétation). – Je vous rappelle, puisque

12 nous sommes ici des professionnels de la justice pénale, que votre ordre

13 se présente un peu comme celui d'un chef d'enquête. Relisez-le bien,

14 Général. Vous nous avez dit tout à l'heure que c'étaient les spécialistes,

15 que ce n'était pas vous : vous vous occupiez des combats, pas de

16 l'enquête. Vous aviez désigné un service spécialisé. Relisez bien votre

17 ordre.

18 Dans le premièrement, vous dites : "J'ordonne de rassembler

19 toutes les informations". Ces informations dont, ce matin encore, au Juge

20 Rodrigues ou au Procureur, vous disiez que ce n'était pas votre tâche

21 directe de rassembler les informations. Et là, curieusement, dans votre

22 n° 1, vous dites : "J'ordonne de rassembler les informations".

23 Dans le n° 2, vous nommez l'assistant, c'est vrai, mais

24 responsable pour rassembler les informations. Vous ne dites pas : "Je le

25 nomme pour faire l'enquête". On a l'impression que c'est vous qui prenez

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1 en charge l'enquête. C'est un peu contradictoire avec ce que vous nous

2 avez dit jusqu'à présent.

3 M. Blaskic (interprétation). – Au point 1, je demande des

4 informations et je ne sais pas comment le mot a été traduit. Je demande

5 spécifiquement des informations relatives au nombre de victimes, à la

6 façon dont elles ont été tuées et aux auteurs de l'acte. Je demande donc

7 des informations d'une nature précise. Il y avait différentes rumeurs qui

8 circulaient. Les informations disponibles étaient très diverses. J'ai

9 demandé que l'assistant chargé de la sécurité recueille toutes les

10 informations et qu'il me les remette. Ensuite, je demande précisément le

11 nombre des morts et la façon dont ces personnes sont mortes. Je ne suis

12 pas un expert.

13 M. le Président (interprétation). – Pourquoi, à ce moment-là,

14 vous faites cela ? Parce que la communauté internationale s'est émue ?

15 Pourquoi, le 10 mai, vous estimez que

16 vous êtes responsable de cette collection des informations, alors que,

17 depuis le 16 avril, soit vous ne savez pas, entre 16 et 22 avril, lettre

18 du colonel Stewart, soit à partir du moment où vous savez ? Vous avez dit

19 depuis hier même : "J'ai ordonné une enquête" : pourquoi pas le 23, parce

20 que vous dites : "J'ai envie de savoir ce qui s'est passé". On attend le

21 10 mai pour connaître cela. Vous allez me répondre peut-être parce que

22 vous aviez donné des ordres verbaux.

23 M. Blaskic (interprétation). - Si cet ordre était le premier, il

24 n'aurait pas été réaliste de s'attendre que cet ordre soit réalisé en

25 quinze ou dix jours. Parce qu'une enquête -ne serait-ce le recueil des

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1 résultats préliminaires- exige davantage de temps. Par cet ordre, je

2 voulais obtenir une pression supplémentaire sur l'assistant du service de

3 sécurité pour qu'il me remette une information écrite au sujet de ce qui

4 s'était passé.

5 Le plus gros problème était d'obtenir par écrit des noms sur un

6 texte écrit, signé disant que, dans ces circonstances de guerre, il

7 s'était passé telle ou telle chose.

8 M. le Président (interprétation). – Juge Rodrigues, cela peut

9 être une question.

10 M. Rodrigues. - Vous êtes un militaire. Vous êtes habitué aux

11 questions de l'organisation, nous avons parlé sur cette question. C'est

12 plus efficient et efficace peut-être de donner cet ordre le 23 avril que

13 donner un ordre verbal. Si vous étiez, le 23, aussi préoccupé, comme vous

14 nous le dites, je continue et partage la perplexité de M. le Président, le

15 Juge Jorda : pourquoi n'avez-vous pas fait cela immédiatement, le 23. Du

16 point de vue même de l'organisation, c'est plus efficient. Votre

17 subordonné, s'il a dans sa tête un ordre oral, c'est une chose. Si on voit

18 un papier, un ordre écrit sur sa table, c'est différent je crois. Qu'en

19 dites-vous ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, le commandement

21 fonctionnait de telle sorte que toutes nos tâches, tous nos ordres étaient

22 consignés dans le journal de guerre.

23 M. Rodrigues. – (hors micro)… Votre commandement fonctionnait de

24 telle sorte qu'il pouvait émettre cet ordre. La question est : pourquoi le

25 10 mai et pas le 23 avril ? Vous aviez les mêmes moyens, le papier, la

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1 possibilité d'écrire, etc., vous avez quand même un récepteur pour cet

2 ordre ?

3 M. Blaskic (interprétation). – C'est clair, je m'attendais à ce

4 que des informations me parviennent après mon premier ordre, celui du 24.

5 Quand j'ai constaté que ces informations mettaient beaucoup de temps à me

6 parvenir, malgré tout ce que je demandais, j'ai décidé d'exercer une

7 pression supplémentaire.

8 En général, mes ordres n'étaient pas écrits, mes ordres à mes

9 auxiliaires directs. Ce n'était pas le règlement. En général, au sein d'un

10 quartier général, quand on distribue des tâches et que l'on donne des

11 ordres, on le fait par voie orale. En général, la personne à qui on donne

12 cet ordre oral est tenue de l'exécuter. Or, dans ce cas précis, j'ai n'ai

13 pas reçu toutes les informations demandées, j'ai donc décidé d'exercer une

14 pression supplémentaire sur mon assistant chargé de la sécurité.

15 M. le Président (interprétation). - Il est temps d'arrêter les

16 travaux. Les interprètes doivent être fatigués. Nous reprenons qu'à

17 14 heures 45. Merci.

18 L'audience est suspendue à 13 heures 10.

19 L'audience est reprise à 14 heures 50.

20 M. le Président. – L'audience est reprise. Monsieur le

21 Procureur, poursuivez.

22 M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

23 Général, je souhaite que l'on continue là où on s'est arrêté, c'est-à-

24 dire, Monsieur le Greffier, à la pièce à conviction de l'accusation

25 356/59 : c'est l'ordre du mois de mai 1993. Si le témoin ne dispose pas de

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1 ce document, veuillez lui remettre. Puis, je demande qu'on lui remette

2 également…

3 M. le Président. – Quel est le numéro de la pièce ?

4 M. Kehoe (interprétation). - 456.

5 Permettez-moi de clarifier quelque chose : ce document a été

6 repris à la fois par l'accusation et la défense. C'est la pièce de

7 l'accusation 456/59 et, pour la défense, il s'agit de la pièce à

8 conviction de la défense numéro 341. En fait, c'est le même document.

9 Et puis, Général, je souhaite également que vous examiniez la

10 pièce à conviction de l'accusation numéro 532.

11 Général, encore une fois, en ce qui concerne la date de votre

12 rapport, qui est le 10 mai 1993, je souhaite maintenant que vous examiniez

13 la pièce à conviction numéro 532. Il s'agit là d'un rapport concernant une

14 réunion de la communauté croate d'Herceg-Bosna qui a eu lieu le 29 avril

15 1993. Je souhaite attirer votre attention sur deux lieux : c'est sur la

16 page 3, dans la version en anglais, et en haut de la page 4, dans la

17 version en croate. En haut de la partie intitulée "Ivica Santic".

18 Dans la partie Ivica Santic de ce document, en date du 29 avril,

19 c'est-à-dire la date de la réunion, où les hauts responsables de la

20 communauté croate d'Herceg-Bosna étaient présents, Ivica Santic, le maire

21 de Vitez, a souligné "l'attitude inacceptable du HVO, de l'armée du HVO

22 envers le gouvernement du HVO". Il a appris par hasard, huit heures avant

23 l'attaque de Vitez. Il a souligné l'initiative du HVO dans des

24 municipalités de la Bosnie centrale, en ce qui concerne le travail et les

25 activités dans cette partie de la communauté croate d'Herceg-Bosna, ce qui

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1 n'a pas été admis dans la communauté croate d'Herceg-Bosna.

2 Il a également souligné les erreurs du HVO, des unités du HVO :

3 "Personne ne peut justifier les crimes d'Ahmici : beaucoup de dommages ont

4 été infligés ; la réaction de la Forpronu : les Anglais sont très mauvais

5 pour nous ; ils croient que M. Boban et M. Izetbegovic doivent venir en

6 Bosnie centrale. Et les gens doivent se comporter de nouveau de manière

7 organisée."

8 Je souhaite maintenant, Général, attirer votre attention sur la

9 dernière page, les

10 commentaires de Mate Boban.

11 Merci, Monsieur le Greffier.

12 Il est dit, lors de la clôture, que dans le cadre de ses

13 commentaires, Mate Boban a souligné que les individus, sur tous les

14 niveaux, doivent accomplir leur tâche ou partir. Deuxièmement, s'agissant

15 de la prise de décision, il faut tenir compte de certains facteurs

16 contraignants surtout en ce qui concerne la République de Croatie. Et, en

17 ce qui concerne les événements de Vitez, et notamment le village d'Ahmici,

18 les ministres de l'Union Européenne ont presque annoncé les sanctions

19 contre la Croatie.

20 Général, cette réunion qui, d'après ce rapport, a eu lieu le

21 29 avril 1993, reflète le fait que l'Union Européenne était sur le point

22 d'imposer des sanctions au gouvernement de Croatie à cause d'Ahmici. Cette

23 réunion s'est tenue onze jours avant votre ordre du 10 mai 1993. Etes vous

24 d'accord avec moi sur ces chiffres, Monsieur ?

25 M. Blaskic (interprétation). - La réunion de Citluk

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1 effectivement, d'après les documents que je vois… Mais avant, je n'ai pas

2 eu l'occasion de les voir et je n'ai pas participé à cette réunion qui a

3 eu lieu le 29 avril 1993. En ce qui concerne l'ordre sur l'enquête

4 d'Ahmici, je l'ai donné le 24 avril 1993, alors que ce document par écrit

5 ne fait que refléter le fait que quelque chose se passait entre moi et

6 l'adjoint chargé de la sécurité. Il s'agissait du fait que quelque chose a

7 provoqué mon mécontentement ; il s'agissait d'une intervention

8 exceptionnelle, étant donné que, d'habitude, je faisais part de mes

9 opinions oralement et non pas par écrit.

10 M. Kehoe (interprétation). - Ivica Santic était maire de la

11 ville de Vitez à l'époque, n'est-ce pas?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il était maire de Vitez à

13 l'époque. Et je crois que c'est par le biais, grâce à la Forpronu qu'il a

14 été transporté au lieu de cette rencontre, et grâce aux photos que nous

15 avons vues : lorsque j'ai dit que je n'ai pas assisté à la réunion,

16 c'étaient les photographies prises devant l'hôtel. Je pense que c'est

17 seulement grâce à la Forpronu qu'il a pu

18 arriver jusqu'à l'hôtel.

19 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de votre interrogatoire

20 principal, vous nous avez dit avoir été en contact avec M. Santic, n'est-

21 ce pas ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Oui, j'ai contacté M. Santic.

23 J'ai examiné ce document. Sur la page 3, ce qui est intéressant, c'est de

24 voir le commentaire du président de la Fédération de Bosnie-Herzégovine,

25 M. Kresimir Zubak.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Excusez moi, Général, ce n'est pas

2 la question que je vous ai posée.

3 Vous avez eu un contact après cette réunion du 29 avril et avant

4 d'avoir émis cet ordre par écrit demandant de mener une enquête sur

5 Ahmici, l'ordre du 10 mai 1993 ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Dans ma chronologie, chaque

7 contact avec M. Santic est noté. Il faudrait que je vérifie cette période

8 entre le 29 avril et le 10 mai, pour vérifier si j'ai eu des contacts avec

9 M. Santic ou pas.

10 M. Kehoe (interprétation). - Veuillez vérifier en ce qui

11 concerne le mois de mai, le 1er mai. Le 1er mai, n'avez-vous pas rencontré

12 un des responsables du UNHCR, et puis M. Santic et puis M. Skopljak, à

13 Vitez ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Le 1er mai, j'ai rencontré M. De

15 la Motta de la Croix-Rouge. Et, dans mes notes, il n'y a pas

16 d'information selon laquelle MM. Santic et Skopljak ont assisté à cette

17 réunion. D'après moi, ceci ne s'est pas produit pendant mes réunions avec

18 M. De la Motta. Peut-être M. De la Motta les a rencontrés séparément.

19 D'habitude, c'est ce que l'on faisait ; c'était la pratique habituelle.

20 M. Kehoe (interprétation). - Peut-on passer à un huis clos

21 partiel, Monsieur le Président, à ce moment ?

22 M. le Président. – Oui, si vous le jugez utile. Nous n'avons pas

23 de moyen de contrôle, sinon d'avertir le public qu'il y a des huis clos

24 partiels lorsque les témoignages, qui

25 étaient eux-mêmes à huis clos, sont rappelés ici, au cours de la présente

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1 audience. Donc, à ce moment-là, le Président ordonne un huis clos partiel,

2 en général, d'une durée relativement courte, n'est-ce pas, puisque

3 l'audience est en principe publique. Il s'agit de cela ? Vous allez lire

4 un témoignage, n'est-ce pas ?

5 (L'audience se poursuit à huis clos partiel.)

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22 M. le Président. – Audience publique, s'il vous plaît.

23 (L'audience se poursuit en audience publique.)

24 M. le Président. – Monsieur le Procureur ?

25 M. Kehoe (interprétation). – Général, si vous examinez l'ordre

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1 que vous avez émis le 10 mai et si vous examinez d'abord le préambule,

2 vous ne mentionnez pas du tout votre ordre donné oralement auparavant,

3 n'est-ce pas ? Dans le préambule ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Dans cet ordre, on ne mentionne

5 pas mon ordre donné oralement, ni d'ailleurs toutes les activités menées

6 afin de recueillir les informations, les activités menées par l'adjoint

7 chargé de la sécurité.

8 M. Kehoe (interprétation). – Et vous nous avez dit, lorsque vous

9 mentionnez ici, dans la dernière phrase -je lis- : "Préambule : afin de

10 pouvoir analyser les événements, établir

11 les faits de l'affaire et exécuter l'ordre du HVO, je donne l'ordre

12 suivant : …"

13 Général, au cours de l'interrogatoire principal, vous avez dit

14 que cela se référait à l'ordre du général de brigade Petkovic, du 30

15 avril. Est-ce que vous vous souvenez de cette partie de votre déposition ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Dans cette partie de l'ordre où

17 je fais référence à l'ordre du général de brigade Petkovic aussi, il est

18 vrai que, le 30 avril, au cours de la réunion avec tous les membres du

19 commandement, il a insisté pour qu'on aille jusqu'au bout dans l'enquête

20 concernant les noms des auteurs et des suspects.

21 M. Kehoe (interprétation). - Sur la page 19.081 et 82, vous avez

22 dit que Petkovic a donné des ordres à vos subordonnés. Qui sont vos

23 subordonnés auxquels Petkovic a donné des ordres, ce 30 avril ?

24 M. Blaskic (interprétation). – Au cours de la réunion que nous

25 avons eue M. Petkovic, il n'y a que moi qui étais subordonné à Petkovic.

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1 Il y avait des personnes qui étaient mes subordonnés, qui étaient membres

2 de mon commandement, qui ont assisté à cette rencontre, le 30 avril 1993.

3 M. Kehoe (interprétation). - Est-ce que M. Marin faisait partie

4 de ce groupe qui a entendu M. Petkovic donner cet ordre, au cours de la

5 réunion du 30 avril 1993, étant donné que c'était votre chef des

6 opérations à l'époque ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Etant donné qu'il était le

8 principal officier opérationnel, s'il n'était pas, à ce moment, dans la

9 salle des opérations, dans ce cas-là, il était à la réunion. Je ne sais

10 pas où était Nakic à ce moment-là. Si Nakic n'a pas assisté à la réunion,

11 Marin l'a certainement fait. A l'inverse, si Nakic y était, Marin n'y

12 était pas. Mais l'un des deux y était certainement.

13 M. Kehoe (interprétation). - Général, est-ce que cela vous

14 surprendrait si vous constatiez qu'en lisant un grand nombre de pages

15 concernant la déposition de M. Marin, à la

16 fois dans le cadre de son interrogatoire principal et dans le cadre du

17 contre-interrogatoire, il n'a pas dit un seul mot concernant la réunion

18 avec Petkovic qui a eu lieu le 30 et l'ordre de Petkovic concernant

19 l'enquête sur Ahmici ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Non, je ne serais pas surpris

21 car, du point de vue de M. Marin, Petkovic n'était pas son supérieur

22 direct. Je ne sais pas s'il a déjà témoigné du fait qu'il a eu une réunion

23 avec M. Petkovic. Dans l'armée, Marin était le chef opérationnel ; il

24 était membre du commandement et il était un officier qui faisait partie de

25 mon état-major. Je ne crois donc pas qu'il figure, parmi ces notes, que le

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1 chef d'état-major principal a eu une réunion avec M. Marin en tant que

2 membre de commandement. Etant donné que, puisque le chef d'état-major

3 principal est mon supérieure direct, il a des réunions avec moi et non pas

4 avec mes subordonnés.

5 M. Kehoe (interprétation). - Pendant que vous étiez au poste du

6 commandement opérationnel de la Bosnie centrale, combien de fois Petkovic

7 est-il venu ? Combien de fois a-t-il donné un ordre direct à l'hôtel

8 Vitez ? Combien de fois : une fois, deux fois, dix fois, vingt fois ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Certainement pas chaque semaine.

10 Il faudrait que je consulte ma chronologie personnelle pour connaître le

11 nombre exact de ce genre d'événement. Par exemple, je sais que, quand il a

12 été à Zenica, le 28 puis le 30, qu'il a eu une réunion. Après, je sais que

13 j'ai eu une réunion avec lui, le 10 juin environ. Il faudrait que je

14 consulte ma chronologie pour voir à quel moment j'ai eu d'autres réunions

15 avec le général Petkovic.

16 M. Kehoe (interprétation). - Vous pouvez le faire d'ici demain.

17 J'ai une autre question : est-ce que vous seriez surpris de savoir que,

18 lorsque le général de brigade discutait de l'ordre du chef d'état-major

19 principal, il a l'impression non pas que vous étiez en train de vous

20 référer à son ordre donné oralement le 30 avril, mais de son ordre du

21 18 avril ?

22 Je vais lire la partie pertinente de sa déposition. C'est sur la

23 page 13.684 : "Blaskic

24 ne l'a même pas dit sur sa propre initiative".

25 Et puis, Monsieur le Président, je souhaite ajouter le fait que

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1 cette partie de la déposition a été entendue dans le cadre d'un huis clos.

2 Il s'agit de cinq ou six lignes peut-être.

3 M. le Président. – Nous les rappelons en huis clos : huis clos

4 partiel, s'il vous plaît.

5 L'audience se poursuit à huis clos partiel.

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6 (L'audience se poursuit en audience publique)

7 M. le Président. – Poursuivez-, Monsieur le Procureur.

8 M. Kehoe (interprétation). – Nous restons sur ce document,

9 Général. Vous nous avez déclaré que vous aviez émis cet ordre par écrit

10 parce que –et cela apparaît à la page 19 248-, je cite : "Je voulais

11 exercer une pression supplémentaire sur mon collaborateur chargé de la

12 sécurité afin de pouvoir obtenir toutes les informations pertinentes."

13 Général, regardez ce document je vous prie. Avez-vous émis cet

14 ordre et en avez-vous envoyé une copie au SIS, à l'administration chargée

15 de la sécurité à Mostar ?

16 M. Blaskic (interprétation). – Je n'ai ni émis d'ordres ni

17 envoyé d'ordres à l'administration chargée de la sécurité à Mostar. C'est

18 mon collaborateur, chargé de la sécurité, qui faisait rapport des

19 activités à Mostar au SIS selon ses propres idées.

20 M. Kehoe (interprétation). – Modifions un peu la question,

21 parlons des personnes à qui vous avez envoyé des ordres, par exemple Bruno

22 Stojic au ministère de la Défense. Avez-vous envoyé ce document que j'ai

23 là, à Bruno Stojic, au ministère de la Défense ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai jamais envoyé quelque

25 copie de quel qu'ordre que ce soit au ministère de la Défense. Ce n'était

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1 pas la pratique en vigueur. Il est évident que ceci a été envoyé à la

2 sécurité. Le service de sécurité est tenu, de par ses fonctions, d'en

3 informer le ministère de la Défense.

4 J'ai envoyé une copie de l'ordre au service des opérations et

5 une copie aux archives.

6 M. Kehoe (interprétation). – Est-ce que dans votre effort visant

7 à exercer une influence accrue sur le SIS vous avez envoyé une copie de

8 cela à Milivoj Petkovic, peut-être ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Une copie de ce document à

10 Petkovic ? Non. Cela dit, il était au courant de toutes les activités

11 relatives à la délivrance d'ordre. Je crois que vers le 29 avril, mais, il

12 a reçu un rapport oral à ce sujet. Il faudrait que je vérifie la date.

13 M. Kehoe (interprétation). – Mais Général, si vous vouliez

14 exercer une influence supplémentaire sur le SIS, pourquoi n'avez-vous pas

15 choisi d'envoyer une copie à l'administration du SIS à Mostar, à Bruno

16 Stojic, à Milivoj Petkovic, à Dario Kordic ou à tout autre, aux

17 représentants politiques ou représentants du ministère, qui aurait pu

18 exercer une influence sur le SIS pour mener cette enquête à terme.

19 M. Blaskic (interprétation). – Il est bien certain que je

20 voulais exercer une pression accrue. J'ai déjà dit que le simple fait que

21 je prenne la peine de rendre un ordre par écrit était une exception.

22 Pourquoi n'ai-je pas envoyé des copies de cet ordre à d'autres ? Cela ne

23 faisait pas partie de mes habitudes et notre règlement intérieur était

24 très précis sur le point de savoir à qui il fallait envoyer des copies des

25 ordres émis, mais le 30 avril, j'ai informé Milivoj Petkovic de toutes les

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1 mesures que j'avais décidé de prendre oralement. Rappelons-nous quel état

2 des moyens de communication qui étaient à ma disposition à l'époque.

3 M. le Président. - Je ne veux pas interrompre le procureur très

4 longtemps, je ne prendrai qu'une seconde. Qu'est-ce que ce règlement que

5 vous nous indiquez tout le temps, règlement qui réglemente jusqu'aux

6 destinataires des copies, Général Blaskic ? J'ai entendu dans la

7 traduction : "Ce n'était pas dans mes habitudes" –cela, on peut en

8 discuter parce que vous avez envoyé beaucoup d'ordres pendant votre

9 commandement- "mais ce n'était pas dans l'habitude des destinataires."

10 C'est le règlement qui vous oblige à envoyer à certains

11 destinataires et pas à d'autres ? Je ne comprends pas très bien.

12 M. Blaskic (interprétation). - Il s'agissait d'un règlement

13 interne qui régissait la correspondance interne.

14 M. le Président. - Quelle importance cela peut-il avoir, par

15 rapport aux atrocités commises à Ahmici, de savoir si le jour où le

16 général Blaskic, colonel Blaskic à l'époque, paraît-il veut faire une

17 pression supplémentaire sur un service qu'il aurait saisi, s'arrogeant

18 d'ailleurs des droits d'enquête à ce moment-là, tout d'un coup serait

19 tellement sourcilleux que les destinataires soient conformes au règlement

20 de la JNA, au règlement interne. Il y a quelque chose de difficilement

21 explicable.

22 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, si nous

23 parlons d'un ordre destiné à l'un de mes collaborateurs, je n'avais pas

24 pour habitude d'envoyer des copies de ce type d'ordre à des dirigeants

25 politiques. Cela dit, mon chef d'état-major principal, au cours de la

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1 journée, a pris connaissance de toutes les activités que j'avais prises

2 par le biais de rapports opérationnels.

3 M. le Président. – Monsieur le Procureur, je vous rends la

4 parole. Je m'excuse de vous avoir interrompu. Je reconnais que cela ne

5 doit pas toujours être facile pour vous que l'on vous interrompe. Mais

6 cela évitera des questions à la fin parce que l'interrogatoire est

7 tellement long, ainsi que le contre-interrogatoire. Mais il y a des

8 moments où on a besoin de demander un renseignement. J'ai enregistré votre

9 deuxième réponse, plutôt que l'appel au règlement intérieur de je ne sais

10 quelle armée pour savoir si les destinataires étaient conformes à ce qu'il

11 fallait faire par rapport aux crimes d'Ahmici.

12 Monsieur le Procureur, poursuivez, je vous prie.

13 M. Kehoe (interprétation). – Général, revenons sur le fait que

14 vous n'avez pas envoyé de rapport. Précédemment, vous avez déclaré que

15 vous aviez quelque difficulté à recueillir des informations du SIS et vous

16 n'étiez pas satisfait du manque de diligence dont ils faisaient preuve

17 d'une certaine façon. Est-ce que vous avez envoyé un rapport à

18 Bruno Stojic, au ministère de la Défense, à Dario Kordic, à

19 Milivoj Petkovic, au directeur du SIS à Mostar, un rapport faisant état du

20 fait que le SIS n'agissait pas avec toute la diligence due en la matière.

21 Si vous avez envoyé un tel rapport, pouvez-vous nous dire quand vous

22 l'avez fait et à qui vous l'avez destiné ?

23 M. Blaskic (interprétation). - A partir de l'ordre, vous pouvez

24 voir que la date

25 limite était celle du 25 mai. Après émission de cet ordre, j'ai insisté

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1 auprès de l'assistant, du collaborateur du SIS et j'ai demandé à recevoir

2 le rapport. Le 25 mai, lorsque j'ai vu que je n'avais pas de rapport, je

3 lui ai dit de ne pas venir au quartier général avant de m'avoir envoyé un

4 rapport.

5 Je crois que nous ne parlions pas seulement des faiblesses

6 subjectives dont le SIS faisait état dans le cadre de l'enquête, mais que

7 nous parlions également des circonstances objectives dont il fallait bien

8 tenir compte. L'enquête était menée à une époque où les combats étaient

9 toujours en cours, c'est-à-dire pratiquement tout le temps : il y avait

10 énormément de réfugiés qui arrivaient et il y avait un chaos général qui

11 régnait, une situation qui nous menaçait directement, qui menaçait Vitez,

12 qui menaçait de faire tomber Vitez et toute l'enclave. Donc il y avait des

13 activités de combat, l'armée de Bosnie-Herzégovine attaquait. C'est dans

14 ce type de circonstances que l'enquête était menée. Il y avait ces

15 circonstances très spécifiques et puis des problèmes subjectifs, des

16 difficultés additionnelles qui se posaient. Et moi, oralement, j'ai

17 demandé à obtenir des informations sur les résultats de l'enquête. Et le

18 rapport que j'ai reçu le 25 mai m'a...

19 M. Kehoe (interprétation). – Général, ma question est très

20 claire et très simple : est-ce que vous vous êtes plaint auprès de qui que

21 ce soit du fait que le SIS ne travaillait pas de façon assez efficace ?

22 Oui ou non ?

23 M. Blaskic (interprétation). - J'ai commencé à vous répondre,

24 mais je n'ai pas eu le temps de finir.

25 M. Kehoe (interprétation). – Général, avec tout le respect que

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1 je vous dois, je répète que ma question est très claire : vous êtes-vous

2 plaint auprès du SIS, vous êtes-vous plaint auprès du ministère de la

3 Défense ou auprès de qui que ce soit d'autre quant au peu de coopération

4 dont faisait état le SIS et quant au peu d'efficacité dont il faisait

5 preuve ? Oui ou non ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Le 29 mai, j'ai informé le chef

7 de l'état-major principal de toutes les failles du processus d'enquête.

8 J'ai souligné notamment le fait que nous n'avions pas le nom des

9 "perpétrateurs" et, deuxièmement, que nous n'avions pas les circonstances

10 précises dans lesquelles les atrocités avaient été commises. Je n'ai pas

11 informé Kordic de ces problèmes parce qu'il ne faisait pas partie de mon

12 commandement. Je ne l'ai pas appelé non plus pour faire état de cette

13 situation. Je n'ai pas non plus appelé le ministère de la Défense parce

14 que le chef de l'état-major principal a des réunions régulières avec le

15 ministère de la Défense. Mais, je le répète, les circonstances de

16 l'enquête étaient particulièrement épineuses.

17 M. Kehoe (interprétation). - Général, le rapport que vous avez

18 envoyé à l'état-major principal et vu ce que vous avez dit le 29 avril,

19 est-ce le même rapport que vous avez finalement obtenu le 25 mai ? Est-ce

20 que c'est de ce rapport dont vous parlez quand vous parlez du rapport

21 envoyé à l'état-major principal ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Le rapport a été envoyé à l'état-

23 major principal le 25 mai. Mais, le 29 mai, oralement, j'ai informé de

24 façon plus détaillée le chef de l'état-major du HVO, lors d'une réunion

25 que j'ai eue avec lui.

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1 M. Kehoe (interprétation). – Général, lorsque vous avez fini par

2 recevoir ce rapport, le 25 mai, avez-vous également obtenu des copies des

3 entretiens que le SIS avait menés, peut-être des interrogatoires que le

4 SIS avait menés ?

5 M. Blaskic (interprétation). – Je ne m'en souviens pas

6 aujourd'hui ; j'ai du mal à me souvenir de tous les détails. Mais j'ai

7 reçu un rapport complet accompagné d'annexes ; je ne sais pas si cela

8 comprenait les interrogatoires ou pas. Mais j'ai reçu un rapport intitulé

9 "Rapport", accompagné d'annexes.

10 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous nous affirmez que,

11 pour ce qui est de cet événement à propos duquel vous vouliez absolument

12 obtenir le plus d'informations possible, vous n'arrivez pas à vous

13 souvenir si le rapport contenait les interrogatoires ? C'est ce que vous

14 nous dites ?.

15 M. Blaskic (interprétation). - J'affirme que je me souviens

16 avoir reçu le rapport émanant du service de sécurité. Je sais qu'il y

17 avait une annexe 1 et une annexe 2 à ce rapport. Mais il n'y avait pas de

18 recueil d'interrogatoires, de recueil d'interrogatoires classique. Je n'ai

19 pas eu ces documents entre les mains.

20 M. Kehoe (interprétation). - Qui a mené les interrogatoires du

21 SIS ?

22 M. Blaskic (interprétation). – Eh bien, cela apparaît dans le

23 rapport : apparaissent dans le rapport les noms des individus qui ont été

24 interrogés. Si vous me donnez un moment, je peux peut-être regarder mes

25 papiers et me rafraîchir la mémoire. Je crois que tout ceci apparaît dans

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1 le rapport du 25 mai 1993.

2 M. Kehoe (interprétation). – Peut-on faire passer la pièce 342

3 au témoin, s'il vous plaît ?

4 M. le Président. – Pendant que le témoin prend connaissance de

5 la pièce, peut-être que le Juge Rodrigues veut poser une question,

6 rapidement, uniquement pour que le témoin puisse avoir un temps de repos

7 pour consulter sa documentation ?

8 M. Rodrigues. – Je vais poser les questions le plus directement

9 possible ; j'aimerais bien, Général, que vous répondiez aussi le plus

10 directement que possible. Est-ce que votre ordre du 23, ordre verbal par

11 lequel vous demandiez l'enquête au SIS, cet ordre avait-il un délai ou

12 non ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai émis un ordre destiné à mon

14 collaborateur chargé de la sécurité et lui demandant de m'envoyer les

15 résultats préliminaires de l'enquête. Je ne sais pas

16 M. le Président. – Général Blaskic, répondez aux questions qui

17 vous sont posées quand même. Le Juge vous a posé là une question très

18 directe.

19 M. Rodrigues. - L'ordre avait-il un délai d'exécution ou non ?

20 M. Hayman (interprétation). – Monsieur le Président, vous ne

21 devez pas recevoir la même interprétation que nous : parce que le témoin

22 était en train de répondre à la question. Avec tout le respect que je vous

23 dois, Monsieur le Président, il essayait de vous répondre à tous les deux.

24 M. le Président. – Je sais très bien que vous avez du respect

25 pour ma fonction ; je ne sais pas si c'est pour moi mais, en tout cas,

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1 pour ma fonction. Il est possible qu'il y ait eu un problème

2 d'interprétation.

3 La légère irritation que j'avais contre le témoin, est peut-être

4 parce que -peut-être que, cette fois-ci, je me trompe- que c'est tellement

5 fréquemment que l'on n'arrive pas à obtenir du témoin, qui est témoin ici,

6 des réponses directes. Il se trouve, Maître Hayman, que peut-être cette

7 fois-ci, vous avez peut-être raison. Reformulez donc votre question,

8 Monsieur le Juge Rodrigues. Je demande aux interprètes d'être très précis

9 sur la question. Merci Maître Hayman.

10 M. Rodrigues. - Je vais parler plus lentement. Est-ce que

11 l'ordre verbal avait un délai d'exécution ou non ? C'est clair : ou il y

12 avait un délai ou non ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

14 n'y avait pas de date limite ; il était indiqué : "Veuillez immédiatement

15 mener à bien l'enquête". Immédiatement, c'était ce qui était précisé.

16 M. Rodrigues. – Immédiatement. Peut-être avez-vous utilisé cette

17 expression : "Exécution immédiate" ?

18 Deuxième question : combien de fois avez-vous demandé à

19 l'assistant si l'enquête était prête ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, est-ce que

21 vous voulez dire combien de fois j'ai demandé que des rapports me soient

22 remis jusqu'à l'émission de cet ordre ou bien est-ce que vous me demandez

23 la somme totale de fois au cours desquelles j'ai demandé des informations

24 sur le rapport ? Je ne sais pas exactement ce que vous demandez.

25 M. Rodrigues. - Moins, plus ou moins, ce n'est pas nécessaire de

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1 consulter votre chronologie. Combien de fois avez-vous demandé si

2 l'enquête était déjà prête ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Vous voulez dire jusqu'au mois de

4 septembre ? Cela a duré à peu près un an.

5 M. Rodrigues. - Nous avons parlé d'un ordre verbal,

6 le 23 avril ; nous parlons d'un ordre écrit le 10 mai. Vous avez dit que

7 vous avez dû émettre cet ordre écrit parce que votre assistant n'avait pas

8 conclu l'enquête ordonnée le 23 avril Il y a donc au moins quinze jours,

9 quinze jours où nous avions un ordre verbal qui n'avait pas été accompli.

10 Et, pour ces raisons, vous nous avez dit que vous aviez émis un ordre

11 écrit. Mais vous avez dit aussi qu'il y avait des réunions quotidiennes,

12 tous les jours. Je vous demande combien de fois vous avez demandé à votre

13 assistant si l'enquête était prête ?

14 M. Blaskic (interprétation). - L'ordre que j'ai émis, la

15 première fois, était daté du 24 avril 1993. Ensuite, je m'attendais à ce

16 que des résultats apparaissent. Ensuite, le 30 avril, j'ai à nouveau

17 demandé à mon collaborateur d'ici quel était l'état d'avancement de

18 l'enquête. J'ai demandé ensuite à trois reprises à obtenir des rapports

19 sur les résultats de l'enquête. Je lui ai demandé de m'informer par écrit

20 quels étaient les résultats de l'enquête. Et je n'ai pas reçu de rapport

21 écrit de mon collaborateur du SIS avant le 10 mai.

22 M. Rodrigues. - Quelles ont été les raisons que votre assistant

23 vous a données pour ne pas avoir conclu l'enquête ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Le plus souvent, il m'expliquait

25 qu'il s'était heurté à toutes sortes d'obstacles en se rendant sur le

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1 terrain, parce qu'il y avait des combats. La situation était telle qu'il

2 n'arrivait pas à obtenir des résultats préliminaires de l'enquête.

3 M. Rodrigues. - L'ordre écrit fait dépasser tous ces obstacles

4 ou quoi ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Cet ordre écrit, après tout ce

6 qui s'était déjà passé, a augmenté la pression que je faisais peser. J'ai

7 demandé un rapport écrit, j'ai insisté par écrit sur l'obtention de ce

8 rapport. Je voulais que le collaborateur chargé du SIS me remette ce

9 rapport le 25 mai, comme cela est précisé d'ailleurs dans le document qui

10 porte la date limite d'obtention du rapport.

11 M. Rodrigues. - Est-ce que vous aviez des relations

12 personnelles avec cet assistant ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai cessé d'avoir des contacts

14 personnels avec nombre de mes collaborateurs en venant ici, mais vous

15 voulez dire… A quelle époque faites-vous référence ?

16 M. Rodrigues. – Si, pour cette raison, vous avez coupé des

17 relations avec votre assistant qui était chargé de faire l'enquête ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Ce qui est certain, c'est que les

19 rapports de confiance qui existaient auparavant entre nous avaient

20 disparus. Donc, c'est moi qui ai insisté par écrit pour obtenir ce dont

21 j'avais besoin. Je l'ai expliqué à de nombreuses reprises, je lui ai

22 répété à de nombreuses reprises que je ne voulais pas qu'il se rende au

23 quartier général tant qu'il n'aurait pas de rapport écrit.

24 M. Rodrigues. - Cet ordre pour lui a-t-il été une insulte ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'était très inhabituel pour

Page 21001

1 moi d'avoir à écrire des demandes écrites et d'avoir à formuler des ordres

2 par écrit à mes collaborateurs directs. C'était assez insultant, oui.

3 M. Rodrigues. - En vertu de quelle compétence avez-vous enlevé

4 l'enquête à la police militaire ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Jamais je n'ai interdit aux

6 membres de la police militaire de mener cette enquête, jamais je ne les ai

7 empêchés de le faire. Mais, dans de telles

8 circonstances, je pensais qu'il était logique que l'enquête soit menée par

9 cette entité. Je ne sais pas si elle l'a fait ou pas. Moi, j'ai demandé

10 que soit menée une enquête par le service qui est normalement compétent

11 pour mener de telles enquêtes.

12 M. le Président. - Juste sur ce point, Monsieur Rodrigues.

13 Merci. Je ne sais pas si le Procureur avait déjà obtenu cette réponse,

14 cette question importante de la compétence que vous pouviez avoir. Mais,

15 Général Blaskic, vous nous êtes toujours apparu comme quelqu'un très

16 respectueux des hiérarchies. Vous dites toujours : "Tel service n'est pas

17 dans ma hiérarchie, etc."

18 Sur la dernière question du Juge Rodrigues, c'est vrai qu'on

19 peut se poser la question de savoir à quel moment vous avez décidé de ne

20 pas confier la gestion de l'enquête à la police militaire. En avez-vous

21 avisé vos supérieurs, notamment ceux qui sont les supérieurs du bataillon

22 de la police militaire ? Et avez-vous reçu une autorisation écrite pour

23 procéder à cette nomination de l'assistant du SIS ? C'est quand même très

24 grave d'enlever l'enquête à la police militaire. Aviez-vous vraiment cette

25 compétence ?

Page 21002

1 M. Blaskic (interprétation). - Lorsque j'ai reçu la lettre du

2 colonel Stewart, j'avais à l'époque informé le chef de l'état-major

3 principal de l'état d'information qui était le mien et je l'avais déjà

4 informé de ce que je pensais répondre au colonel Stewart. Je pensais, à

5 l'époque, que la Commission conjointe allait mener l'enquête.

6 Mais si la police militaire était déployée dans la région, si je

7 recevais des rapports des commandants de cette même police militaire,

8 alors je pensais qu'il était un peu naïf de charger la police militaire de

9 mener une enquête sur ses propres actes.

10 M. le Président. - Ce n'était pas ma question. Vous êtes un

11 officier très discipliné, nous l'avons vu ; vous posez même des questions

12 sur les destinataires d'un rapport par rapport au règlement. Et là, vous

13 vous octroyez une compétence par rapport à une hiérarchie dont vous nous

14 avez toujours dit qu'elle n'était pas la vôtre.

15 M. Blaskic (interprétation). - Mais la situation était très

16 particulière : il y avait la perpétration d'un crime. Il fallait une

17 procédure pénale et j'ai demandé à ce que cela soit fait. Maintenant, est-

18 ce que la police militaire a mené une enquête interne de son côté ? Je ne

19 sais pas. Mais je pensais qu'il était logique que le service de sécurité,

20 qui devait mener les enquêtes sur la police militaire, se charge de mener

21 cette enquête en particulier.

22 M. Kehoe (interprétation). - Passons à la pièce de la

23 défense D342. Général, c'est une pièce à conviction versée au dossier par

24 la défense. Général, lorsque vous avez consulté les archives à Mostar,

25 après votre mise en accusation, avez-vous vu les pièces jointes à ce

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1 document ? Ici, nous n'avons que le document sans les pièces jointes.

2 M. Blaskic (interprétation). - Je ne suis pas sûr d'avoir vu les

3 pièces jointes à ce document. Mais je suis sûr, lorsque l'information a

4 été transmise, qu'il y avait également des pièces jointes.

5 M. Kehoe (interprétation). - Dans les pièces jointes, était-il

6 indiqué qu'Ilic* a auditionné ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas les détails

8 précis, mais je sais que la pièce jointe était assez floue. Elle ne

9 donnait aucun détail au sujet du nom des auteurs du crime. Elle n'était

10 pas très précise. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé qu'une suite

11 soit donnée à l'enquête.

12 M. Kehoe (interprétation). - Au cours de l'interrogatoire

13 principal, vous avez fait observer en page … au cours de l'interrogatoire

14 principal répondant aux questions qui vous étaient posées par Me Nobilo.

15 Et je me réfère à la page 19 299 du transcrit ligne 7 :

16 Question : Dites-nous, s'il vous plaît, ce document contenait-il

17 le nom des auteurs du crime ?.

18 Réponse : Non, il ne contenait pas le nom des auteurs du crime,

19 mais il est possible que ce document mentionnait un, deux ou trois noms ;

20 cela, c'est possible.

21 Général, quels étaient ces noms ? Un, deux, trois noms de

22 différentes personnes mentionnées dans ce rapport très important ?

23 M. Blaskic (interprétation). - J'ai dit qu'il était possible

24 qu'il en ait contenu. Maintenant, est-ce que ces noms figuraient

25 précisément dans ce rapport ? Je crois que l'un des noms était celui de

Page 21004

1 Cicko, mais je n'en suis pas sûr. Je crois que l'un des noms était celui

2 de Cicko.

3 M. Kehoe (interprétation). - Eh bien, parlons de Cicko. Lorsque

4 vous avez reçu le nom de Cicko, le 25 mai 1995, avez-vous pris des mesures

5 visant à expulser Cicko des rangs du HVO ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

7 aurait dû être emprisonné pour des délits commis antérieurement.

8 Je ne sais pas exactement ce qui a été fait, mais il aurait dû

9 se trouver en prison déjà avant cette date.

10 M. Kehoe (interprétation). - Ce n'était pas ma question. Ma

11 question est la suivante : lorsque vous avez reçu ce rapport très

12 important, qui comporte le nom de Cicko, autrement dit Miroslav Bralo,

13 avez-vous, en votre qualité de commandant de la zone opérationnelle de

14 Bosnie centrale, pris des mesures visant à expulser cet homme des rangs du

15 HVO, le mettre à la porte, le sortir de l'armée ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Si ce nom figurait, je suis

17 certain que des mesures ont été prises pour l'expulser des rangs du HVO.

18 Mais je pense que Cicko avait déjà été expulsé des unités du HVO avant

19 cette date. Malheureusement, je ne me rappelle pas des détails du rapport.

20 C'est la raison pour laquelle j'émets quelques doutes.

21 M. Kehoe (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir pris,

22 vous-même, personnellement, vous colonel Blaskic, quelque mesure que ce

23 soit pour sanctionner Miroslav Bralo en raison de l'information que vous

24 avez reçue par le biais de ce rapport ?

25 M. Blaskic (interprétation). – J'ai déjà dit si des noms étaient

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1 mentionnés. Autrement dit, je ne suis pas sûr que des noms ont figuré

2 dans ce rapport ou pas ? Vous m'avez demandé si je pouvais me le rappeler.

3 Si des noms étaient mentionnés, il est certain que j'ai pris des mesures.

4 Mais je ne suis pas certain, car je suis incapable, aujourd'hui, de me

5 rappeler tous les détails.

6 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous nous avez dit que ce

7 crime était le crime le plus important qui ait été commis au cours de

8 votre carrière militaire. N'avez-vous pas dit cela en réponse aux

9 questions de l'interrogatoire principal ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Oui, j'ai dit cela et j'ai dit

11 qu'auprès du service de sécurité, j'ai toujours insisté pour que dans ce

12 rapport, et dans les autres rapports reçus de ce service, on me donne des

13 noms précis.

14 M. Kehoe (interprétation). – Etes-vous en train de nous dire,

15 vous fondant sur le rapport que vous avez reçu au sujet de crime

16 extrêmement important, vous ne vous rappelez pas si ce rapport citait un,

17 deux ou trois noms, et vous ne vous rappelez pas précisément si vous vous

18 êtes débarrassé de ces hommes, si vous les avez fait expulser des rangs du

19 HVO ?

20 M. Blaskic (interprétation). – Si des noms précis étaient cités,

21 des noms présentés comme étant ceux d'auteurs de ce crime, je me serais

22 rappelé et j'aurais certainement consigné une note dans ma chronologie et

23 pris des mesures. Mais vous demandez, au sujet de cette information, si je

24 me rappelle un quelconque nom mentionné en tant que nom de suspect.

25 M. Kehoe (interprétation). – Général, je vais vous poser la

Page 21006

1 question suivante : en tant que commandant de la zone opérationnelle de

2 Bosnie centrale, vous aviez l'autorité nécessaire pour transmettre les

3 informations concernant les crimes au procureur militaire de district pour

4 des poursuites ultérieures ou même pour une enquête plus approfondie, si

5 le procureur le jugeait utile ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Pour autant que je sache, ma

7 compétence, si je

8 recevais le noms de suspects de crime de guerre, me donnait le devoir de

9 transmettre ces noms au procureur de district militaire. Je connaissais

10 cette compétence. Mais je n'ai pas été formé en tant que professionnel à

11 mener une enquête moi-même.

12 M. Kehoe (interprétation). – Général, avez-vous transmis les

13 informations relatives à Miroslav Bralo au procureur militaire de

14 district ? L'avez-vous fait oui non ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas reçu, du service de

16 sécurité, des informations précises, en tout cas, je ne m'en rappelle pas,

17 des informations précises qui m'auraient permis de les transmettre au

18 procureur militaire de district. Mais je sais que le Tribunal militaire de

19 district avait engagé des poursuites contre Miroslav Bralo pour d'autres

20 meurtres commis précédemment.

21 M. Kehoe (interprétation). – Général, parlons de Miroslav Bralo

22 et de son expulsion du HVO. J'aimerais vous montrer la pièce à conviction

23 de l'accusation 191.

24 M. le Président. - Je vous rappelle, Général Blaskic, que vous

25 pouvez toujours demander un huis clos si vous avez des choses à révéler.

Page 21007

1 M. Blaskic (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Je

2 ne le savais pas.

3 M. le Président. – Vous avez le devoir de ne pas vous

4 incriminer, c'est un droit qui vous est donné par nos règles statutaires.

5 Cela étant, vous êtes libre de votre parole et vous pouvez dire ce que

6 vous avez envie de dire. Bien entendu, le Tribunal mettra le huis clos si

7 vous le souhaitez. Poursuivons.

8 M. Hayman (interprétation). – Puis-je poser la question

9 suivante ? Cette pièce à conviction est-elle sous scellés ?

10 M. Kehoe (interprétation). – La déposition était sous-scellées,

11 mais je crois que la pièce à conviction ne l'est pas. C'est bien cela,

12 Monsieur le greffier ?

13 M. Abtahi. – Ma liste indique que la pièce a été déposée sous

14 scellés.

15 M. Kehoe (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président,

16 nous pouvons passer en huis clos partiel et nous pouvons parler de cette

17 pièce à conviction plus tard. Nous pouvons, cela étant, travailler à huis

18 clos partiel si vous l'acceptez, Monsieur le Président.

19 M. le Président. – S'il y a une demande formelle de la défense,

20 nous travaillons donc en huis clos partiel.

21 (L'audience se poursuit à huis clos partiel.)

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14 M. le Président. - Séance publique, s'il vous plaît ?

15

16 (L'audience se poursuit en audience publique.)

17 M. le Président. - Vous n'avez pas transmis, Général Blaskic, au

18 procureur militaire ce dossier d'enquête ou plus exactement de

19 renseignements ?

20 Monsieur le Procureur poursuivez vos questions pendant 5 minutes

21 encore. Allez-y.

22 M. Kehoe (interprétation). - Général, au cours de votre

23 déposition -et je me réfère

24 à la page 19 299 du compte rendu d'audience, ligne 15, vous dites que le

25 rapport ne mentionnait pas la police militaire. Général, qui était désigné

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1 dans ce rapport comme responsable du massacre d'Ahmici ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Dans ce rapport, des personnes en

3 uniforme étaient mentionnées sans précision. Il était dit que certains de

4 ces hommes portaient un uniforme de camouflage et d'autres un uniforme

5 noir. Mais dans ce premier rapport ne figurait aucun nom et prénom

6 spécifique. C'est la raison pour laquelle j'ai, plus tard, exigé que

7 l'enquête se poursuive afin de déboucher sur des noms précis.

8 M. le Président. – Excusez-moi, je n'ai pas bien suivie. Vous

9 parlez du rapport du 25 mai ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

11 M. le Président. - J'ai cru comprendre que vous nous aviez dit

12 qu'il y avait deux ou trois noms. Je me suis trompé peut-être.

13 M. Blaskic (interprétation). – J'ai déjà dit que j'étais

14 incapable de me rappeler tous les détails. Mais il est possible que ces

15 noms aient été cités comme les noms de personnes avec qui des

16 conversations ont eu lieu en qualité de témoins oculaires, mais je ne me

17 rappelle pas qu'il y ait les noms d'auteurs du crimes.

18 M. le Président. – Nous allons faire la pause parce vous devez

19 fatigué, Général Blaskic, mais je vous demande de vous concentrer sur les

20 questions posées.

21 Encore une observation. Vous avez dû être terriblement déçu :

22 depuis le 22 avril, où vous avez connaissance du crime d'Ahmici, vous vous

23 avez eu l'intuition que c'était la police militaire. Et le 25 mai, vous

24 avez cette réponse qui, soi-disant, est un rapport d'enquête et vous ne

25 vous souvenez plus très bien s'il y avait des noms ou pas. Vous n'avez pas

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1 tout de suite regardé pour savoir si cela confirmait votre intuition sur

2 la police militaire. Vous ne vous êtes pas précipité sur ce rapport et

3 vous ne pouvez pas, aujourd'hui, nous dire : oui, je n'ai pas les annexes,

4 mais c'était la police militaire. Oui, il y avait des responsables qui

5 avaient donné des ordres.

6 Vous ne vous en souvenez pas du tout ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, je me

8 rappelle parfaitement bien que ne figuraient pas dans ce rapport, de

9 façon précise, les noms d'auteurs du crime. Je suis incapable de me

10 rappeler tous les détails. Mais les prénoms et les noms des personnes

11 accusés de ce crime ne figuraient pas dans le rapport.

12 M. le Président. - Je crois que nous allons interrompre nos

13 travaux. Cela permettra au témoin de se reposer, ainsi qu'aux juges et

14 aussi aux conseils de la défense et de l'accusation.

15 L'audience est suspendue pour vingt minutes.

16 L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25.

17

18 M. le Président. – L'audience est reprise. Monsieur le

19 Procureur ?

20 M. Kehoe (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Nous

21 parlions de ce rapport daté du 25 mai 1993. Comme nous l'avions déjà

22 constaté, vous avez dit que ce rapport ne mentionne pas la police

23 militaire ; quelle a été votre réaction à cela, Général ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Ce rapport était assez

25 superficiel, assez flou. Et j'ai déjà dit qu'aucun nom n'y était mentionné

Page 21012

1 de façon précise ; pas plus que l'unité de la police militaire. J'ai

2 transmis ce rapport au ministre de la Défense et au chef du grand quartier

3 général.

4 Dans ce rapport, il était dit que l'on prévoyait une poursuite

5 de l'enquête lorsque la situation s'améliorerait. Le 29 mai, j'ai informé

6 le chef du grand quartier général de ma position par rapport à ce rapport.

7 Je lui ai dit qu'à mon avis, l'enquête devait arriver à son terme, être

8 menée à son terme et déboucher sur la mention de noms et de prénoms.

9 Compte tenu de la

10 situation de la police militaire, j'estimais qu'il serait très difficile

11 de mener à son terme cette enquête tant que la structure de commandement

12 existante de la police militaire n'était pas modifiée.

13 M. Kehoe (interprétation). – Général, vous nous avez dit que, le

14 25 mai 1995, les opérations de combat étaient toujours en cours, ce qui

15 signifie, n'est-ce pas, Général, que les criminels impliqués dans ce crime

16 faisaient toujours partie de la structure du HVO, n'est-ce pas ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Les opérations de combat étaient

18 toujours en cours et la situation était assez complexe. Et il y avait

19 sûrement un certain nombre d'individus qui, peut-être, faisaient partie de

20 la structure du HVO pendant ces opérations de combat, car l'enquête

21 n'était pas achevée. Compte tenu des circonstances qui régnaient à cette

22 époque-là, il était très difficile de mener une enquête à son terme.

23 M. Kehoe (interprétation). – Général, à ce moment-là, alors que

24 vous êtes impliqué dans des opérations de combat, alors que vous êtes un

25 officier expérimenté, n'appelez-vous pas Pasko Ljubicic, Darko Kraljevic,

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1 Vlado Santic, Mario Cerkez, Dusko Grubesic ? Ne les appelez-vous pas pour

2 tenter, une nouvelle fois, de faire la lumière sur la réalité des

3 événements d'Ahmici, afin de réussir à expulser des forces du HVO ces

4 terribles soldats ?

5 M. Blaskic (interprétation). - J'ai pris toutes les mesures et

6 j'ai émis toute une série d'ordres liés au comportement des commandants.

7 J'ai également transmis des instructions aux soldats, aux civils, à mes

8 commandants. J'ai condamné ce crime et, à ce moment-là, j'ai pris toutes

9 les mesures nécessaires pour éviter la reproduction d'un tel acte, de

10 l'acte commis à Ahmici.

11 M. Kehoe (interprétation). - Vous dites que vous vouliez

12 empêcher la répétition des événements d'Ahmici. Mais, même à ce moment-là,

13 après avoir reçu le rapport, vous n'appelez pas Pasko Ljubicic,

14 Darko Kraljevic, Vlado Santic, Mario Cerkez, Dusko Grubesic, pour

15 apprendre ce qu'ils savent éventuellement à propos d'Ahmici, n'est-ce

16 pas ? Vous ne l'avez pas fait ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Le rapport était lui-même flou :

18 il ne mentionnait aucun détail au sujet de la police militaire. J'ai

19 estimé que ce rapport était assez confus et assez superficiel. C'est

20 pourquoi j'ai commencé à agir afin d'obtenir un changement de la

21 structure, de la composition et de la chaîne de commandement de la police

22 militaire. Cela impliquait, pour commencer, de briser la structure interne

23 de la police militaire. Mais je n'avais toujours pas de compétence pour

24 agir dans ce sens.

25 M. Kehoe (interprétation). – Passons à la pièce à conviction de

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1 la défense 343, Général, si vous voulez bien.

2 Général, la pièce à conviction de la défense 343 est un ordre

3 émanant de vous, en date du 17 août 1993. C'est un ordre adressé également

4 au service d'information et de sécurité, au SIS, où vous demandez la

5 poursuite de l'enquête au sujet d'Ahmici.

6 Donc, Général, vous attendez depuis le 25 mai 1993 jusqu'au

7 17 août 1993 pour obtenir ou tenter d'obtenir de nouvelles informations au

8 sujet des crimes commis à Ahmici, n'est-ce pas ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas attendu. Il convient

10 de ne pas perdre de vue quel était le contexte constitué par l'ensemble

11 des événements : depuis le mois de mai, et pratiquement jusqu'à la fin du

12 mois d'août, j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour assurer la

13 défense sur ce territoire. J'ai accueilli plus de 30 000 réfugiés.

14 Par ailleurs, dans cette même période, j'ai entamé le changement

15 de la structure de commandement et de contrôle. Et puis, au sein de la

16 police militaire, j'ai modifié la structure de commandement et je suis

17 parvenu à créer des conditions bien plus favorables pour mener l'enquête

18 au sein du service de sécurité.

19 Tout cela, dans le cadre d'opérations de combat sur le

20 territoire où nous étions

21 encerclés. Nous étions sur un territoire de dix kilomètres sur six

22 kilomètres. Nous avions un nombre énorme de réfugiés ; nous ne savions pas

23 ce qui se passerait le lendemain. Dans ces conditions, sur le front où

24 nous ne cessions de nous trouver, j'ai réussi à modifier tous ces systèmes

25 et à former une nouvelle structure pour la police militaire, à former

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1 également un nouveau commandant de la police militaire, qui était un

2 simple soldat : M. Palavra n'a jamais été un policier militaire avant

3 cette date. Les conditions devaient donc être créées pour que l'enquête

4 puisse être menée à bien.

5 M. Kehoe (interprétation). – Général, sachant que vous aviez des

6 meurtriers, des assassins au sein du HVO, vous avez attendu près de trois

7 mois, disons deux mois et demi, pour émettre un autre ordre demandant la

8 poursuite de l'enquête au sujet de Ahmici. C'est bien la réalité, n'est-ce

9 pas ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Dans ma chronologie, j'ai parlé

11 des demandes que j'avais présentées au service de sécurité et

12 d'information en vue de mener l'enquête. J'ai insisté pour cette enquête

13 soit menée à bien.

14 Mais les conditions objectives et subjectives étaient telles que

15 la situation était très difficile, très incertaine. Il ne faut pas perdre

16 de vue qu'il y avait eu plus de soixante soldats tués à Vitez, en un mois.

17 Nous étions à la veille de la chute. C'est dans cette situation que j'ai

18 entraîné les hommes de la police militaire, que je l'ai rendue plus apte à

19 remplir ses fonctions et que j'ai agi de façon à obtenir la compétence

20 nécessaire pour donner des ordres de cette police militaire et obtenir le

21 changement de sa structure interne. Ce que je voulais, c'est introduire

22 toutes ces transformations et créer les conditions nécessaires pour que le

23 service de sécurité puisse mener à bien son enquête.

24 M. Kehoe (interprétation). – Général, lorsque vous avez délivré

25 cet ordre, l'ordre dont nous sommes en train de parler, celui du 17 août,

Page 21016

1 vous faites remarquer une nouvelle fois que vous vouliez exercer une

2 pression accrue de façon à ce que tous les documents relatifs à l'enquête

3 puissent être définitivement rédigés et transmis au tribunal militaire de

4 district pour poursuites ultérieures.

5 Alors, cette pression accrue que vous vouliez exercer, en

6 exerçant cette pression accrue, avez-vous envoyé un exemplaire du

7 17 août 1993, émanant de vous, à Milivoj Petkovic ? Je vous invite à

8 consulter la liste des personnes destinataires d'une copie de cet ordre,

9 en bas, à gauche du texte.

10 M. le Président. - Je demande à l'huissier de remonter le

11 document. Merci.

12 M. Blaskic (interprétation). - J'aimerais consulter mes notes,

13 je vous prie.

14 M. Kehoe (interprétation). - Général, parlons de ce document.

15 M. le Président. - Laissez le Général terminer de regarder ses

16 notes, s'il vous plaît. Bien. Vous avez trouvé, Général Blaskic ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai aucune note prouvant que

18 cet ordre a été envoyé. Mais j'ai déjà dit…

19 M. le Président. - Attendez, vous n'avez pas de note. Il faut

20 avancer. Monsieur le Procureur, vous pouvez poser, reposer votre

21 question ?

22 M. Blaskic (interprétation). - J'aimerais ajouter simplement,

23 Monsieur le Président, que tous les jours, j'envoyais des rapports

24 opérationnels au grand chef du grand quartier général dans lesquels

25 j'indiquais quels étaient mes activités. Donc, au moins deux fois par

Page 21017

1 jour, au sujet de tous les événements de la zone opérationnelle, nous

2 envoyions un rapport. Bien entendu, cela portait sur toutes les activités

3 importantes, y compris les ordres et autres actions importantes. Donc, si

4 le document n'a pas été envoyé, en tout cas, une information relative au

5 fait que des mesures avaient été entreprises a dû être envoyée.

6 M. Kehoe (interprétation). - Général, c'est vous qui avez écrit

7 ce document, n'est-ce pas ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Oui, je suis l'auteur de ce

9 document.

10 M. Kehoe (interprétation). - Ce document ne signale pas qu'il a

11 été envoyé au grand quartier général, au ministère de la Défense, au SIS

12 ou à une autre personne quelconque ayant un pouvoir au sein du HVO ou de

13 la communauté d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas?

14 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit qu'il existait des

15 rapports quotidiens opérationnels que nous transmettions directement aux

16 supérieurs. Nous n'envoyions pas les ordres sous cette forme, car nous

17 n'avions pas les moyens de transmission nécessaires. Je ne pouvais pas

18 utiliser un fax ordinaire pour envoyer tous les ordres émanant de moi.

19 Mais, dans le rapport opérationnel j'avais pour devoir d'informer mon

20 supérieur direct de toutes les actions entreprises par moi.

21 M. Kehoe (interprétation). - Général, si vous souhaitiez

22 véritablement exercer une pression accrue sur le SIS, pour obtenir la

23 réalisation de cette tâche, vous auriez envoyé ce document à Bruno Stojic,

24 à Milivoj Petkovic, à une personne ayant un quelconque pouvoir au sein du

25 HVO ou de la communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

Page 21018

1 M. Blaskic (interprétation). - Je me vois contraint de répéter

2 ce que j'ai déjà dit.

3 Premièrement, il faut tenir compte de la situation dans laquelle

4 je me trouvais. Et deuxièmement, des moyens que j'avais à ma disposition.

5 Si j'avais eu un fax crypté, j'aurais envoyé très facilement tous mes

6 ordres au chef du grand quartier général par ce fax crypté. Mais je

7 continue à affirmer en toute responsabilité qu'il n'y a aucune action

8 entreprise par moi dont mon chef du grand quartier général n'est pas été

9 informé, car il y avait des rapports d'information quotidiens réguliers,

10 tous les jours, et des rapports d'information extraordinaires. Donc le

11 chef du grand quartier général a dû être informé de mes actions si les

12 transmissions par paquet fonctionnaient. C'était le moyen utilisé pour que

13 le chef du grand quartier général sache ce que je faisais.

14 M. Kehoe (interprétation). - Général, par quel biais avez-vous

15 envoyé le rapport du 25 mai 1993 relatif à l'enquête ? Comment l'avez-vous

16 transmis à Mostar, puisque vous

17 nous avez dit l'avoir transmis à Mostar ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Ce rapport a effectivement été

19 envoyé à Mostar. Il a été envoyé par transmission par paquet. Donc, oui,

20 en effet, ce rapport a été envoyé par liaison par paquet à Mostar.

21 M. Kehoe (interprétation). - Le document dont dispose le

22 Tribunal est la pièce à conviction 342 : c'est la copie signée par Anto

23 Sliskovic. Ce document n'a absolument pas été transmis par transmission

24 par paquet, n'est-ce pas?

25 M. Blaskic (interprétation). - La pièce 342 a été envoyée par

Page 21019

1 transmission par paquet au moment où le rapport complet d'Anto Sliskovic a

2 été reçu. Maintenant, la copie que nous avons ici, je ne sais pas par quel

3 biais elle a été obtenue.

4 M. Kehoe (interprétation). - Mais votre ordre du 19 août 1993,

5 ne pouviez-vous pas l'envoyer par le même moyen ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Eh bien, j'ai déjà dit que les

7 ordres que je délivrais, je les faisais soit sur la base des ordres

8 émanant du grand quartier général soit en fonction de la situation qui

9 régnait dans la région. Mais les ordres sont archivés. Il n'est pas

10 habituel que les ordres soient envoyés par le commandement aux supérieurs.

11 C'est sans doute la façon de fonctionner de tout commandement. Ces ordres

12 sont conservés dans les archives et dans le département opérationnel, mais

13 c'est un mémoire d'informations qui est envoyé aux supérieurs au sujet de

14 ces ordres.

15 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez déclaré avoir

16 attendu pour émettre ce deuxième ordre du 19 août 1993, parce que vous

17 souhaitiez attendre que les conditions soient plus favorables, conditions

18 plus favorables créées après la destitution de Pasko Ljubicic du poste de

19 commandant de la police militaire ?

20 M. Blaskic (interprétation). - C'était l'une des conditions

21 favorables, mais pas l'ensemble des conditions favorables. Il fallait

22 modifier la structure interne de la police militaire

23 -c'était une question très importante- et il fallait aussi réorganiser et

24 former un nouveau commandant de la police militaire ; et les hommes de la

25 police militaire également qui devaient être remplacés. Et, bien entendu,

Page 21020

1 il y avait des opérations de combat intensif à ce moment-là. Travnik est

2 tombé à ce moment-là, ce qui a abouti au fait que 15 000 à 20 000 Croates

3 ont du être accueillis par moi. 15 000 Croates de Kakanj ont été

4 contraints de se déplacer. Moi, je me suis retrouvé avec 35 000 réfugiés,

5 selon les observations faites par les observateurs européens, pas

6 seulement les miennes. Nous étions donc en plein combat pour notre survie.

7 Et j'avais l'obligation d'empêcher la reproduction d'Ahmici et

8 l'obligation de transformer la police militaire de l'intérieur, de façon à

9 ce que l'enquête puisse être menée, et la chaîne de commandement de la

10 police militaire.

11 M. Kehoe (interprétation). – Général, est-ce qu'Anto Sliskovic

12 ou un autre membre du SIS ne vous a jamais dit que la police militaire ou

13 Pasko Ljubicic les empêchaient de mener à bien leur enquête ? Le SIS ne

14 vous a-t-il jamais dit cela ? Si oui, à quel moment ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Le service de sécurité me

16 fournissait des informations concernant les difficultés qu'il rencontrait

17 dans le cadre de l'enquête ; il me fournissait donc ce genre

18 d'informations. Mais les circonstances étaient telles, les circonstances

19 dans lesquelles je me trouvais, qu'il n'était pas possible d'agir

20 autrement, étant donné qu'on luttait tout simplement pour sa survie. J'ai

21 déjà dit que, tous les jours, nous recevions des réfugiés, que nous nous

22 trouvions face à une lutte pour la survie.

23 M. Kehoe (interprétation). – Excusez-moi, Général, ce n'était

24 pas ma question. Je vais relire encore une fois ma question : est-ce

25 Sliskovic ou qui que ce soit d'autre du SIS ne vous a jamais dit que la

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1 police militaire ou Pasko Ljubicic les empêchaient de mener l'enquête ?

2 Oui ou non ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas noté toutes les

4 raisons qu'Anto Sliskovic a invoquées, mais je sais que le premier rapport

5 a été très superficiel, il n'était pas fondé sur des

6 faits, étant donné qu'il n'était pas dirigé vers la police militaire.

7 M. le Président. – S'il vous plaît, est-ce qu'à un moment donné,

8 votre assistant de sécurité vous a dit que la police militaire l'ait

9 empêché de conduire les investigations ? Oui ou non ? C'est une question

10 simple, vous savez.

11 M. Blaskic (interprétation). - Je ne me souviens pas en ce

12 moment si, à un certain moment, il s'est exprimé à ce sujet. Mais je crois

13 que c'était l'opinion générale et qu'il n'a pas pu mener à bien l'enquête

14 jusqu'à son terme. Je ne me souviens pas en ce moment s'il me l'a dit ou

15 pas dit.

16 M. le Président. – Vous ne vous en souvenez pas ? C'est beaucoup

17 plus simple. Monsieur le Procureur, poursuivez.

18 M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai

19 l'impression que le Juge Shahabuddeen a une question.

20 M. le Président. – Cher Collègue, excusez-moi. Allez-y.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). – Général, je n'ai pas

22 souhaité intervenir au juste moment pour ne pas interrompre M. Kehoe qui

23 s'était lancé dans le débat. Mais je souhaite avoir quelques

24 clarifications sur un commentaire que vous avez fait en parlant de vos

25 inquiétudes en ce qui concerne le logement des réfugiés et aussi lorsque

Page 21022

1 vous avez dit que vous n'avez pas voulu voir le crime d'Ahmici se

2 répéter ; je ne me souviens pas des mots exacts. Est-ce que vous vous

3 souvenez avoir dit quelque chose comme cela ?

4 M. Blaskic (interprétation). – Oui, Monsieur le Juge, je m'en

5 souviens. Pendant toute cette période dont vous parlez, la période de

6 l'enquête, il s'agissait d'une période où nous luttions pour notre survie.

7 Nous étions dans les caves, nous luttions pour notre survie. Tout ce à

8 quoi nous faisions face, c'était la mort et les réfugiés. Il y a eu 35 000

9 de telles personnes frustrées.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). – Très bien, Général. J'ai

11 simplement voulu

12 vous rafraîchir la mémoire concernant cette partie de votre témoignage.

13 Lorsque vous dites que vous avez voulu faire en sorte que le crime

14 d'Ahmici ne se répète pas, avez-vous pensé à une répétition d'Ahmici

15 effectuée par les soldats qui étaient sous vos ordres ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je considère toujours que les

17 soldats qui ont commis les crimes d'Ahmici n'étaient pas sous mes ordres,

18 sous mon commandement. Il s'agissait d'individus qui faisaient partie de

19 la police militaire. J'ai voulu dire, j'ai pensé en fait que je souhaitais

20 empêcher de toute façon que ceci se reproduise dans ma zone de

21 responsabilité.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). – Et si Ahmici devait se

23 reproduire, en conséquence des activités menées, par exemple, par les gens

24 de la police militaire qui, selon vous, n'étaient pas sous vos ordres,

25 sous votre compétence à l'époque, qu'est-ce que vous auriez fait à ce

Page 21023

1 sujet dans ce cas-là ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Je suis heureux de savoir que

3 ceci ne s'est pas reproduit. En ce qui concerne cette région et ce peuple,

4 je ne les aurais jamais abandonnés. Même si -Dieu nous garde !- une telle

5 tragédie s'était produite, je serais resté pour couler avec le bateau.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si la police militaire avait

7 répété, reproduit le crime d'Ahmici, ailleurs, durant une période pendant

8 laquelle elle n'était pas sous vos ordres, sous votre compétence, est-ce

9 que vous auriez fait quelque chose ?

10 M. Blaskic (interprétation). - A tout moment, je m'efforçais de

11 lancer une enquête si des crimes semblables se produisaient et si je

12 pouvais le faire. Dès le début, je n'étais pas d'accord avec une telle

13 configuration de la police militaire.

14 Malheureusement, certaines personnes qui ont créé cette

15 structure ont pris beaucoup trop longtemps avant de comprendre qu'il

16 s'agissait d'une structure qui n'était pas viable, où une personne était

17 au poste de responsabilité et, en même temps, n'avait pas la possibilité

18 de commander les forces, étant donné qu'au moment où l'enquête était

19 menée, la

20 police militaire assurait la sécurité de mon commandement, alors que moi,

21 je n'étais pas supérieur, alors que moi je n'étais pas le supérieur direct

22 de cette police militaire. La chaîne de commandement double était toujours

23 en place.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). - Permettez-moi de vous poser

25 la question suivante : supposons que la police militaire avait répété le

Page 21024

1 crime d'Ahmici, par la suite, dans un endroit qui se trouvait dans votre

2 zone de responsabilité, même s'il n'était pas subordonné à vous, est-ce

3 que vous auriez considéré que ceci aurait des conséquences négatives sur

4 votre position ou sur votre réputation ?

5 M. Blaskic (interprétation). – Déjà ce premier crime qui a été

6 commis a entraîné des conséquences négatives sur ma position, mais peut-

7 être est-ce moins important, ceci a eu une conséquence négative sur tout

8 le peuple qui s'est retrouvé dans une situation où il fallait mourir pour

9 défendre la région. Il s'agissait d'une petite région, alors qu'il y a eu

10 au moins 2 000, en tout cas 1 300 soldats tués. Donc il s'agissait là

11 d'une conséquence négative. Peut-être s'agit-il là d'un moment où l'on ne

12 pense pas à sa réputation. Peut-être que les conséquences auraient été

13 négatives. Je n'avais probablement pas suffisamment d'expérience et

14 surtout pas suffisamment de connaissance pour réagir de manière

15 différente. Mais je ne pouvais pas réagir différemment que de la façon

16 dont j'ai réagi, je ne pouvais pas faire mieux à l'époque.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Lorsque vous avez dit que

18 vous aviez été inquiet et que vous aviez voulu faire en sorte qu'Ahmici ne

19 se reproduise pas, quelles sont les mesures que vous avez prises pour

20 empêcher la répétition d'Ahmici ?

21 Avez-vous publié des lettres, des communiqués, des directives à

22 vos hommes ?

23 M. Blaskic (interprétation). – J'ai émis de nombreux ordres. Je

24 peux dire qu'il s'agissait environ de 60 ordres. J'ai fait en sorte que

25 l'on effectue des changements radicaux. Je sais que l'Herceg-Bosna n'a

Page 21025

1 jamais été un état, mais j'ai effectué des changements au sein de la

2 structure de l'armée. Ceci s'est passé par le biais des documents.

3 Malheureusement, il a fallu

4 attendre beaucoup de temps, mais j'ai réussi à faire changer le système.

5 J'ai réussi à obtenir le commandement direct sur la police militaire grâce

6 à un soutien qui a demandé également beaucoup de temps. J'ai réussi à

7 faire démanteler les unités spéciales. Nous avons créé la brigade des

8 gardes directement sous les ordres du commandant de la zone

9 opérationnelle.

10 Peut-être, si les circonstances avaient été différentes, moins

11 de temps nous aurait été nécessaire pour effectuer ces changements, mais

12 il faut savoir que nous étions en temps de guerre et, à chaque fois, il

13 fallait s'adresser au chef d'état-major principal pour obtenir un

14 changement.

15 Permettez-moi d'ajouter ceci –et excusez-moi, Monsieur le Juge-,

16 j'ai également demandé aux responsables internationaux d'organiser des

17 séminaires supplémentaires à l'hôtel Vitez pour mes commandants étant

18 donné qu'il s'agissait d'un personnel mal formé. Nous parlons de l'armée,

19 mais mon chef d'état-major, donc la première personne derrière moi, est un

20 commercial. L'autre personne, la personne chargée des activités de

21 propagande et d'information, est quelqu'un qui avait terminé ses études

22 économiques et son député était un vétérinaire. Ces personnes n'étaient

23 pas formées sur le plan militaire. J'ai donc dit aux officiels de

24 l'UNHCR : "Allez faire quelque chose, présentez-vous à la télévision et

25 expliquez aux gens qu'ils ont une mission humanitaire."

Page 21026

1 Les gens ne le savaient pas. Ils n'étaient pas suffisamment

2 informés ni éduqués. J'ai eu du mal également à expliquer le mandat de la

3 Forpronu avant l'arrivée de celle-là dans la région, étant donné que les

4 gens de la Bosnie centrale, dès qu'ils voyaient un véhicule blanc,

5 pensaient tout de suite qu'il s'agissait de la Forpronu et il était

6 difficile de leur expliquer la différence entre l'UNHCR, la Croix Rouge et

7 la Forpronu. La situation était chaotique et rien ne fonctionnait

8 normalement dans ces conditions-là.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). – Général, avez-vous protesté

10 auprès du ministère compétent en disant plus ou moins ceci : "Ecoutez,

11 moi, le colonel Blaskic, je me

12 retrouve dans une situation très difficile. La Communauté internationale

13 me pose des questions, souhaite que je fournisse des réponses, alors que

14 je ne suis pas capable de les fournir. S'il vous plaît, faites en sorte,

15 que la police militaire ne répète pas l'action qu'elle a effectuée sinon

16 c'est ma renommée personnelle qui subira les conséquences d'une telle

17 action."

18 Avez-vous dit ou fait quelque chose comme ceci ?

19 M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne toutes mes

20 connaissances portant sur les réunions avec les organisations

21 internationales, je transmettais ces informations à mes supérieurs. Il

22 m'est un peu difficile de me concentrer en ce moment.

23 M. Hayman (interprétation). - Je ne sais pas jusqu'à quelle

24 heure nous devons travailler aujourd'hui. Mais je vois que mon client,

25 aujourd'hui, se sent assez fatigué. Il est fatigué, je pense, après toute

Page 21027

1 cette semaine. Nous pouvons rester jusqu'au moment que vous souhaitez,

2 mais j'ai l'impression qu'il perd sa concentration.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). – Monsieur Hayman, je

4 détesterais me sentir responsable de ce résultat. C'est au juge,

5 président de la Chambre, à se prononcer.

6 M. le Président. - Je veux bien interrompre 5 minutes. Je ne

7 veux pas qu'il soit dit que votre client n'ait pas pu se concentrer sur

8 une réponse. Je vous ferai remarquer que c'est bien souvent lui-même qui

9 se met dans cette situation parce qu'il répond avec énormément de détails.

10 Nous sommes d'ailleurs tous fatigués. Alors, si vous voulez bien, puisque

11 nous sommes tous fatigués, nous allons prendre 5 minutes pour permettre au

12 Général Blaskic de se remettre, de finir de répondre à la question de mon

13 collègue le Juge Shahabuddeen. Je crois que le Juge Rodrigues souhaite

14 également poser une question. Nous arrêterons à 17 heures 30 et non à

15 17 heures 45.

16 Mais peut-être, si vous avez une influence positive, Maître

17 Hayman et Maître Nobilo, demandez lui d'essayer de répondre de se

18 concentrer parfois très directement sur la question. Parce que souvent, et

19 c'est normal, il essaie évidemment de plaider autour d'un fait et

20 je pense que ce doit être très fatiguant. Puis, le temps court, le temps

21 court pour l'accusation.

22 Tout ceci, nous allons y réfléchir pendant 5 ou 6 minutes, cela

23 va nous permettre de nous détendre.

24

25 L'audience, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 15.

Page 21028

1 M. le Président. - Général, comment vous sentez-vous ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Mieux, mais je suis toujours

3 fatigué, Monsieur le Président.

4 M. le Président. - Mais vous vous fatiguez vous-même, ce ne sont

5 pas les juges qui vous fatiguent.

6 M. Blaskic (interprétation). – Ce n'est pas un reproche par

7 rapport aux juges que je fais.

8 M. le Président. - Je ne sais plus très bien où j'en suis. Je

9 suis moi-même fatigué. Je crois que vous vouliez apporter une précision à

10 la question du Juge Shahabuddeen.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais essayer de

12 contribuer à l'avancement de nos travaux en annonçant que je renonce à ma

13 question.

14 M. le Président. – Vous avez censuré le Juge Rodrigues aussi.

15 Donc moi je renonce à toute question jusqu'à 17 heures 30 et nous

16 reconfions la maîtrise des opérations au Procureur.

17 Allez-y, Monsieur le Procureur.

18 M. Kehoe (interprétation). – Merci infiniment, Monsieur le

19 Président.

20 Général, dans le cadre de votre témoignage, vous avez précisé

21 que dans le cours du mois de septembre, Sliskovic vous a précisé que tout

22 le rapport relatif à Ahmici était mis au point et que les dossiers et les

23 noms des personnes suspectes avaient été envoyés au bureau du service de

24 sécurité à Mostar. Il a également ajouté, je cite : "Que toute l'affaire,

25 désormais, n'était plus entre vos mains et que vous n'aviez plus à vous en

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1 préoccuper".

2 Général, vous avez reçu le rapport de Sliskovic le 25 mai 1993.

3 Qui vous empêchait ou qu'est-ce qui vous empêchait de recevoir le rapport

4 de Sliskovic à la fin du mois de septembre 1993 ?

5 M. Blaskic (interprétation). – Lorsque je demandais que

6 l'assistant de sécurité m'envoie un rapport, vers le 30 septembre, il m'a

7 dit que tout le dossier a été transmis au service de sécurité à Mostar.

8 C'était le dossier qui contenait également le nom des suspects. Il a dit

9 qu'il n'était plus compétent pour ceci. Il m'a dit personnellement que

10 ceci ne relevait plus de ma compétence non plus, qu'il envoyait le dossier

11 à Mostar.

12 M. Kehoe (interprétation). - Vous avez reçu le rapport de

13 Sliskovic le 25 mai, ceci nous l'avons vu dans la pièce de la défense 342.

14 Qui a décidé que vous n'alliez pas obtenir le rapport du SIS envoyé fin

15 septembre 1993 ?

16 M. Hayman (interprétation). – Excusez-moi, la question a tété

17 posée et a reçu réponse précédemment.

18 M. Kehoe (interprétation). - A la fin du mois de septembre 1993,

19 qui a décidé que vous n'obtiendriez pas ce rapport ?

20 M. Blaskic (interprétation). - L'assistant du service de

21 sécurité m'a donné une telle réponse, mais quant à la question de savoir

22 qui l'a dit à….

23 M. Kehoe (interprétation). – Général, avez-vous demandé à

24 Sliskovic s'il y avait eu une modification de la loi, si les circonstances

25 avaient changé, si quelque chose faisait que vous ne pouviez plus

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1 désormais recevoir ce rapport ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Je lui ai demandé de recevoir

3 tout le dossier, le dossier complet et je lui ai dit, personnellement, peu

4 avant la fin du mois de septembre, que c'était son dernier délai et que

5 j'insistais pour obtenir le dossier complet. Le 29, il m'a dit ce que j'ai

6 déjà invoqué tout à l'heure, que maintenant cela relevait de la compétence

7 du service de sécurité.

8 M. Kehoe (interprétation). – Ecoutez ma question, Général, je

9 vous la répète une fois encore.

10 Avez-vous demandé à Sliskovic si une modification était

11 intervenue dans la loi, si les circonstances avaient changé, si quelque

12 chose vous empêchait d'obtenir ce rapport ? Lui avez-vous posé cette

13 question ?

14 M. le Président. - La question est claire là, Général Blaskic.

15 M. Blaskic (interprétation). – Oui, je lui ai demandé de me

16 donner le dossier, c'est la réponse qu'il m'a donnée. Ce sont ses

17 supérieurs qui ont pris cette décision-là.

18 M. Kehoe (interprétation). – Bien. Ses supérieurs avaient pris

19 cette décision-là. Qui étaient les supérieurs qui ont pris ladite

20 décision ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas précisément qui

22 étaient ces chefs qui ont pris cette décision. Ce que je sais, tout

23 simplement, c'est que la direction du service de sécurité du SIS se

24 trouvait à la tête du SIS et cette instance était subordonnée soit au

25 ministère de la Défense soit au ministre lui-même.

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1 M. Kehoe (interprétation). - Général, vous avez déclaré

2 plusieurs fois, aujourd'hui et à d'autres moments, que vous vouliez

3 absolument éviter que les événements d'Ahmici se reproduisent. Vous nous

4 avez également expliqué que vous aviez une centaine de criminels qui

5 appartenaient à la police militaire. Est-ce que vous déclarez que vous

6 n'avez pas fait des recherches sur le fait de savoir qui avait décidé que

7 vous ne deviez pas obtenir ce rapport ? C'est ce que vous déclarez ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Tout d'abord, lorsque vous dites

9 que je n'ai pas essayez, il faut savoir que moi j'ai essayé d'aller

10 jusqu'à la limite jusqu'à laquelle je considérais pouvoir aller. J'ai

11 insisté auprès de l'assistant de sécurité. Je ne sais pas qui a donné

12 l'ordre à

13 l'assistant de sécurité d'envoyer le dossier à Mostar plutôt que de me le

14 remettre à moi.

15 Deuxièmement, je n'avais pas dans mes rangs une centaine de

16 criminels. Mais la police militaire a été telle qu'elle était auparavant.

17 Quant à la police militaire, bien formée et bien enfermée par la suite,

18 lorsqu'elle a été directement sous mes ordres, a été proclamée comme la

19 meilleure police militaire qui ai jamais existé. C'est Marin Kopalavra qui

20 se trouvait à sa tête.

21 M. Kehoe (interprétation). – Général, lorsque vous avez vu que

22 vous n'obtiendriez pas ce rapport, avez-vous discuté avec Petkovic ? Avez-

23 vous exigé d'obtenir ce rapport afin de pouvoir vous débarrasser des

24 membres de la police militaire qui se livraient à des actes criminels,

25 afin de pouvoir vous assurer que les événements d'Ahmici ne se

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1 reproduiraient plus jamais ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Un instant, s'il vous plaît, je

3 souhaite consulter ma chronologie. Je sais que vers la fin du mois de

4 septembre 1993, j'ai informé le chef d'état-major principal,

5 personnellement, du fait que l'enquête menée par l'assistant de sécurité

6 était inefficace. Lorsque l'assistant de sécurité m'a dit que le dossier

7 était transmis à la direction du SIS, je croyais que le SIS lui-même

8 allait continuer avec l'enquête.

9 M. Kehoe (interprétation). - Général, ma question était la

10 suivante : après que Sliskovic vous ait dit, après la fin du mois de

11 septembre, que vous n'alliez pas obtenir ce rapport, êtes-vous allez voir

12 le chef d'état-major principal, pour lui demander, exiger que ce rapport

13 vous soit remis, afin de pouvoir connaître l'identité des "perpétrateurs"

14 de l'acte, afin de pouvoir empêcher que ne se reproduisent les événements

15 d'Ahmici ? L'avez-vous fait oui ou non ?

16 M. Blaskic (interprétation). - J'ai informé le chef de l'état-

17 major principal du fait que je n'ai pas reçu le dossier de Sliskovic.

18 Mais, moi, je ne pouvais pas aller voir le chef d'état-major principal à

19 tout moment, seulement, quand ceci m'était autorisé et possible, étant

20 donné que j'étais complètement assiégé. Mais le chef d'Etat d'état-major

21 principal a été informé du fait que je n'ai pas reçu le dossier.

22 M. Kehoe (interprétation). - La réponse à la question est donc

23 que vous n'avez jamais demandé au chef d'état-major de s'enquérir des

24 noms, de l'identité des "perpétrateurs" de ces actes ?

25 M. Blaskic (interprétation). – L'assistant du SIS m'a dit que

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1 c'était la direction du SIS qui prenait le contrôle de l'ensemble de

2 l'enquête, que le chef d'état-major principal a été informé du fait que,

3 moi, je n'ai pas reçu le dossier.

4 M. le Président (interprétation). - Je ne voudrais pas

5 intervenir, j'ai dit que je ne poserai pas de question. Je voudrais

6 simplement, peut-être me faire l'intermédiaire entre le Procureur et vous.

7 Il y a un petit malentendu. Je pense que le Procureur essaie de savoir

8 ceci : vous vous déclarez préoccupé que ceci ne se reproduise pas. C'était

9 aussi la réponse aux questions du Juge Shahabuddeen. Vous avez

10 l'impression que c'est peut-être la responsabilité de la police militaire.

11 Vous avez confié une enquête au SIS. Il me semble que le procureur essaie

12 de savoir pourquoi et comment vous vous laissez déposséder des résultats

13 de cette enquête, alors que c'est peut-être important pour vous de savoir

14 si c'est la police militaire, vous avez quand même un nombre de criminels

15 importants.

16 C'était peut-être cela, Monsieur le Procureur, cette question.

17 Je ne voudrais pas que le témoin se fatigue trop, puisque nous allons

18 arrêter. J'aimerais que l'on arrête après avoir obtenu cette réponse.

19 C'est une grande préoccupation.

20 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

21 les Juges, je crois que l'assistant du SIS a reçu l'ordre de ses

22 supérieurs de la direction du SIS pour agir de telle sorte. Je suppose que

23 ce sont les supérieurs qui ont pris cette décision.

24 M. le Président (interprétation). – Monsieur le Procureur,

25 question suivante ?

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1 M. Kehoe (interprétation). - Monsieur le Président, je n'aime

2 pas répéter les questions que j'ai déjà posées. Mais tout de même, la

3 question que j'avais posée était en liaison avec celle que vous-même avez

4 posée.

5 M. le Président (interprétation). - C'est une question

6 importante. Si vous voulez répondre demain matin, cela m'est égal. C'est

7 une question importante et nous arrêterons ensuite.

8 Je vous rappelle que c'est vous qui, de votre propre autorité

9 -vous avez répondu à une question du Juge Rodrigues là-dessus- vous avez

10 décidé que ce ne serait pas la police militaire qui ferait une enquête. On

11 ne sait pas très bien d'ailleurs pourquoi vous étiez compétent tout d'un

12 coup, mais c'est vous qui désignez l'assistant du SIS. C'est vous-même qui

13 prenez les choses en main, c'est vous-même, presque, qui êtes le directeur

14 des enquêtes.

15 Vous recevez un rapport le 25 mai. Trois mois après, vous

16 reformulez, on peut le comprendre parce que vous êtes mécontent des

17 résultats. A ce moment-là, le même assistant, qui est votre assistant de

18 sécurité, vous dit qu'il a transmis le rapport à Mostar, en tout cas, à sa

19 hiérarchie. Le Procureur vous demande si vous n'êtes pas plus curieux que

20 cela de savoir si vous ne pouvez pas avoir ce rapport, de quel droit,

21 quelle est la législation.

22 Si c'est si important cette question –le Procureur ne les répète

23 pas pour rien- c'est parce vous avez dit vous-même au Juge Shahabuddeen

24 que vous étiez très préoccupé, que les crimes comme ceux de Ahmici ne se

25 répètent pas. Vous étiez tellement préoccupé que vous étiez en train

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1 d'organiser la réorganisation de la police militaire.

2 Je comprends la question. Si vous voulez y réfléchir ce soir ou

3 cette nuit, on y reviendra demain matin. J'aurais préférez que l'on

4 termine ce soir sur ce point-là. Vous préférez y répondre demain matin ?

5 Si vous êtes fatigué, Général Blaskic, je ne veux pas du tout que vous

6 ayez le sentiment que l'on vous pressure mais il faut bien quand même que

7 vous répondiez aux questions qui vous sont posées. Celle-ci a le mérite

8 d'être importante. Vous

9 préférez attendre demain matin ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Je vais essayer, si j'ai bien

11 compris. Monsieur le Président, la compétence de la direction du SIS avait

12 la priorité par rapport à ma compétence. Mais moi, j'ai informé mes

13 supérieurs de ceci.

14 M. le Président (interprétation). – Général, vous nous répondez

15 toujours de façon formelle. Vous répondez toujours par la réglementation.

16 Quand il s'est agi de décider si c'était SIS qui serait chargé de

17 l'enquête, vous n'avez pas regardé la réglementation. Vous avez bien

18 estimé que vous étiez compétent.

19 Ecoutez, je crois, tout le monde est fatigué : Me Hayman est

20 complètement crevé. Vous le voyez bien d'ailleurs, il ne fait que des

21 dénégations, etc. Maître Nobilo est anesthésié, le Procureur est fatigué,

22 les Juges sont fatigués et, vous, vous êtes fatigué. Je vous propose

23 d'arrêter. Vous allez y réfléchir, mais j'autorise le Procureur qui, lui-

24 même, va réfléchir à reformuler sa question.

25 Je vous demande, Monsieur le Procureur de la présenter

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1 autrement. J'ai essayé de vous la présenter autrement. Le Juge

2 Shahabuddeen vous a posé des questions qui tournaient autour du même

3 problème. Nous ne sommes plus en mai, nous sommes en août, vous craignez

4 que cela se répète, les faits et les crimes.

5 Le Juge Rodrigues a aussi une question à vous poser, je l'ai

6 censuré. Je m'en excuse amicalement. Il est 17 heures 30, et vous allez y

7 réfléchir. Tout le monde à besoin de se reposer.

8 Demain matin, Monsieur le Procureur, vous reprendrez ce point,

9 mais je voudrais que vous le représentiez différemment.

10 M. Kehoe (interprétation). - Bien oui, Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation). – L'audience reprend demain

12 matin à 9 heures. Nous sommes vendredi.

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14 L'audience est levée à 17 heures 30.

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