Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi 28 mai 1999

4 L'audience est ouverte à 09 heures.

5 M. le Président. – Monsieur le Greffier, faites introduire le

6 témoin, s'il vous plaît.

7 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président. – Je salue les interprètes, les conseils de

9 l'accusation, les conseils de la défense, le témoin, le général Blaskic

10 qui témoigne aujourd'hui encore.

11 Maître Nobilo, c'est à vous pour votre droit de réplique après

12 le contre-interrogatoire mené par le Procureur.

13 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

14 Hier, nous avons terminé avec la pièce de l'accusation 38, le Journal

15 Officiel "Novnilist", l'ordonnance qui porte sur la discipline.

16 Si vous le voulez bien, nous allons parler de l'article 67, pour

17 être sûrs que tout cela est bien traduit. Il s'agit d'un article essentiel

18 pour comprendre la responsabilité du général Blaskic concernant la

19 discipline. Avec votre permission, je vais en donner lecture pour que

20 chaque mot puisse être traduit et compris.

21 Nous mettons sur le rétroprojecteur la version française. Il est

22 possible que cela ne soit pas une très bonne traduction ; nous ne

23 connaissons pas bien la langue française. Ensuite, je vous poserai des

24 questions.

25 Il s'agit donc du règlement portant sur la discipline,

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1 article 67, point 2. Nous allons essayer de donner aux interprètes la

2 version anglaise.

3 (Maître Hayman pose un texte sur le rétroprojecteur.)

4 Ainsi, sur le rétroprojecteur, nous avons la traduction en

5 français et la traduction en anglais, et je vais donner lecture en croate.

6 "Article 67, point 2. Règlement disciplinaire. - Le commandant

7 d'une zone opérationnelle pour les sous-officiers et officiers, jusqu'au

8 grade de général de brigade, qui se trouvent dans des unités ou des

9 établissements qui en relèvent…"

10 L'interprète. - C'est mal traduit "subordonnés". Il est marqué

11 "qui en relèvent", mais il faut dire "subordonnés".

12 M. le Président. – Il faut être sûr.

13 L'interprète. - Monsieur le Président, dans la traduction que

14 vous voyez sur le rétroprojecteur, il est marqué "qui en relèvent" alors

15 que Me Nobilo dit "subordonnés".

16 M. le Président. – Quel est le terme serbo-croate qui est

17 utilisé ? Pouvez-vous le répéter, Maître Nobilo ? Et je demande que la

18 traduction…

19 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, il s'agit des

20 unités ou des établissements qui sont subordonnés au commandant de la zone

21 opérationnelle.

22 Je relis une fois de plus : "Le commandant d'une zone

23 opérationnelle pour les officiers et sous-officiers, jusqu'au grade de

24 général de brigade, qui se trouvent dans des unités ou des établissements

25 qui sont subordonnés au commandant d'une zone opérationnelle, et pour les

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1 sous-officiers et officiers, jusqu'au grade de général de brigade, versés

2 dans des organes de l'administration, des entreprises et d'autres

3 personnes morales qui se trouvent dans la zone du commandement de la zone

4 opérationnelle".

5 L'interprète. - L'interprète a fait la traduction à la lettre.

6 M. le Président. – (inaudible) …terme pour les organes de

7 l'administration, les entreprises, les autres personnes morales "qui se

8 trouvent" ?

9 L'interprète. – "Qui se trouvent", exactement. Pas "qui

10 relèvent", comme c'est marqué.

11 M. le Président. – C'est donc "qui se trouvent" et ce n'est même

12 pas "qui relèvent" ?

13 M. Nobilo (interprétation). – Non, non : "qui se trouvent". Mais

14 il ne s'agit pas des unités, il s'agit des entreprises, des personnes

15 morales. Il y a les deux principes : territorial et également territorial

16 lié aux entreprises et aux personnes morales.

17 Mais je vais poser la question au général Blaskic : hier, on

18 vous a donné lecture de cet article à la lumière du son. Pendant que vous

19 étiez commandant de la zone opérationnelle, Général, pouvez-vous nous dire

20 comment vous avez interprété vos prérogatives en vous fondant sur

21 l'article 67 ? Je pense au règlement disciplinaire, bien évidemment.

22 M. Blaskic (interprétation). – En ce qui me concerne, j'ai

23 simplement donné l'interprétation suivante : je me considérais compétent

24 pour les unités et les sous-officiers et officiers des unités qui m'ont

25 été subordonnés dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Dans cet article, sur quel

2 principe se fonde votre compétence ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Sur le principe de subordination

4 -il y a ceux qui sont subordonnés, mais qui sont supérieurs vis-à-vis des

5 unités- et sur le principe territorial à l'égard des sociétés, des

6 entreprises, des entreprises militaires plus précisément, et à l'égard

7 également des personnes morales, par conséquent des entreprises comme des

8 usines.

9 M. Nobilo (interprétation). - Nous allons voir maintenant le

10 principe territorial. Quelle est votre compétence vis-à-vis de ceux qui

11 sont dans votre zone opérationnelle ? Qu'est-ce que c'est, "la direction

12 militaire" ?

13 M. Blaskic (interprétation). - La direction militaire peut être

14 de santé, de génie civil, d'autres directions qui peuvent être déployées

15 dans le secteur de la zone opérationnelle ou des parties de ces

16 directions.

17 M. Nobilo (interprétation). - Il y a un autre sujet qui vous a

18 été subordonné et en fonction du principe territorial, on en a parlé : ce

19 sont les entreprises. Qu'est-ce que c'est ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Ce sont les entreprises

21 militaires, il y en avait dans ce secteur comme l'usine militaire,

22 d'explosifs, d'armement, des instituts militaires, etc.

23 M. Nobilo (interprétation). - Quand on parle des autres

24 personnes morales, qu'entendez-vous sous ce terme ? Pouvez-vous nous

25 donner un exemple ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Les instituts militaires, les

2 établissements scolaires, les facultés militaires, les écoles, les

3 académies.

4 M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit de tous ceux qui vous

5 ont été subordonnés selon le principe territorial, parce qu'ils étaient

6 dans la zone opérationnelle.

7 Je pose la question suivante : quelles unités vous ont été

8 subordonnées et comment interprétez-vous le terme que vous êtes "compétent

9 en matière de discipline vis-à-vis des officiers qui se trouvent dans les

10 unités qui sont subordonnées au commandant de la zone opérationnelle" ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Les unités qui ont été dans la

12 structure de la zone opérationnelle de Bosnie centrale étaient

13 subordonnées. Ce principe, je l'interprète comme si j'avais la compétence

14 uniquement sur ces unités bien déterminées.

15 M. Nobilo (interprétation). - En ce qui concerne la JNA, où il y

16 avait le principe de l'unité du commandement, le principe qui a été le

17 principe fondamental, un tel texte aurait-il pu exister dans le règlement

18 disciplinaire de l'ex-JNA ? Cela existait-il ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Pour l'ex-JNA, le principe

20 fondamental était le principe de l'unité du commandement et de

21 responsabilité. C'était le principe fondamental sur lequel se fondait le

22 règlement disciplinaire. Et toutes les unités militaires qui se trouvaient

23 dans la zone opérationnelle du commandant lui ont été subordonnées.

24 M. le Président. - Tant que nous sommes dans les problèmes de

25 traduction, pouvez-vous m'assurer la traduction de l'article 52, point 2,

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1 du même décret, du même règlement militaire et qui voit le problème sous

2 l'angle des pouvoirs du tribunal militaire disciplinaire et qui reprend

3 les mêmes distinctions, mais avec des termes quelque peu différents ?

4 Je voudrais que l'article 52, point 2, soit placé sur le

5 rétroprojecteur.

6 M. Nobilo (interprétation). - Très bien.

7 (L'huissier s'exécute.)

8 M. le Président. - Chacun y est-il ? Article 52, point 2,

9 Maître Nobilo, pouvez-vous le reprendre ? Je demande aux interprètes

10 d'être vigilants sur l'écran.

11 L'interprète. - Oui.

12 M. Nobilo (interprétation). - Il y a également une imprécision

13 et un terme ambigu. C'est la raison pour laquelle nous allons donner

14 lecture très lentement.

15 Il s'agit des compétences du tribunal disciplinaire. Article 52,

16 point 2 : "Les tribunaux militaires disciplinaires auprès des zones

17 opérationnelles jugent les sous-officiers et officiers jusqu'au grade du

18 général de brigade, au sein des unités ou des établissements qui sont

19 subordonnés au commandant de ladite zone opérationnelle ou se trouvent

20 dans des unités ou établissements dans le secteur de responsabilité du

21 commandant de ladite zone opérationnelle, ainsi que les sous-officiers et

22 officiers jusqu'au grade du général de brigade qui assume des fonctions au

23 sein d'organes administratifs, d'entreprises et autres personnes morales".

24 M. le Président. - Merci.

25 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

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1 pas comment on a traduit le terme "dans le secteur".

2 M. le Président. - En français, on a traduit "dans le ressort".

3 M. Nobilo (interprétation). - C'est le problème, car ce n'est

4 pas du ressort. Quand on dit "dans le secteur de responsabilité", ce n'est

5 pas forcément le territoire, mais une partie de compétences. C'est ambigu.

6 Cela peut être le territoire, mais aussi une partie de compétences.

7 M. le Président. - Le problème n'est pas de prendre partie. Les

8 Juges ne prennent pas partie à ce niveau. Je fais observer simplement que

9 nous avons là dans ce texte, qui prend le problème de la responsabilité du

10 commandement sous l'angle du tribunal militaire. Mais, ce qui est

11 intéressant, c'est de constater que nous avons bien un premier niveau de

12 subordination que l'on retrouve à l'identique dans le point 52, point 2 et

13 67, point 2. Nous avons bien le niveau des entreprises et autres personnes

14 morales comme dans l'article 67, point 2. Mais la précision, qui est

15 nouvelle, est que vous aviez bien les unités ou établissements dans le

16 secteur du commandant de la zone opérationnelle.

17 Je ne prends pas partie, ce n'est d'ailleurs pas mon rôle :

18 c'est d'écouter. Simplement, c'est d'apporter une information sur laquelle

19 j'aimerais bien que vous interrogiez le général qui avait un juriste

20 auprès de lui. Je voudrais savoir si la confrontation de ces deux articles

21 ne mettait pas suffisamment d'ambiguïté dans l'interprétation pour qu'il

22 n'exige pas de son haut commandement une définition très précise de ses

23 pouvoirs. C'est surtout sur cela que je voudrais que mes collègues et moi-

24 même soyons éclairés sur ce point, car nous avons là une définition

25 complémentaire de celle de l'article 67 point 2.

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1 Il ne s'agit pas des entreprises, des lycées militaires, des

2 collèges, des usines d'explosifs. Cela, c'est visé dans la dernière

3 phrase. Il ne s'agit pas des unités -là, je crois que nous sommes tous

4 d'accord- qui sont subordonnées. Il restera à savoir ce que signifie

5 "subordonné". "Subordonné" veut dire "sous les ordres". Là, il s'agit d'un

6 complément, il s'agit bien d'unités qui se trouvent dans le secteur. C'est

7 pour cela que j'aimerais que vous interrogiez le témoin sur ce point. Je

8 crois que le Juge Rodrigues aura aussi des questions sur ce point. Merci.

9 M. Rodrigues. - Maître Nobilo...

10 M. le Président. - On pourrait le laisser répondre juste sur ce

11 point, sauf si c'est la même...

12 M. Rodrigues. - J'aimerais, Maître Nobilo, introduire une autre

13 question, la question de savoir quelles sont les compétences du Procureur

14 auprès du tribunal militaire ? C'est-à-dire si le Procureur produisait

15 seulement des actes d'accusation ou s'il avait compétence pour enquêter,

16 aussi ?

17 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Juge, il s'agit du

18 règlement disciplinaire et le Procureur a la compétence également

19 d'enquêter, comme c'est le cas de l'officier, parce que c'est le cadre et

20 le règlement disciplinaire.

21 Mais avant d'aller plus loin, je pourrais me consulter avec les

22 interprètes. On parle du "secteur d'autorité", cela sous-entend le

23 territoire. Alors que le terme en croate peut être "le secteur" ou "le

24 domaine", ou "une zone d'autorité". Par conséquent, on ne pense pas

25 forcément au territoire. C'est donc la région de l'autorité, le territoire

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1 de l'autorité plutôt que le secteur. "Podruce", le terme est extrêmement

2 ambigu. Le terme en croate veut dire aussi bien "région" que "le secteur",

3 "le territoire", "le domaine".

4 L'Interprète. - C'est en quelque sorte le dictionnaire. C'est

5 l'interprète qui vous le suggère, Monsieur le Président.

6 M. Nobilo (interprétation). - Je vais revenir à l'article 67,

7 Général. Je vais vous poser la question suivante : si l'on vous dit que

8 vous êtes supérieur dans la zone opérationnelle aux unités qui vous sont

9 subordonnées, cela veut-il dire qu'il existe dans la zone opérationnelle

10 des unités auxquelles vous n'êtes pas supérieur ? Comment l'interprétez-

11 vous ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui, certainement. Dans chaque

13 zone opérationnelle du HVO, il y avait des unités qui n'étaient pas

14 directement subordonnées au commandant de la zone opérationnelle. De

15 telles unités existaient et c'est sur ces unités que je n'avais pas de

16 compétence au niveau du règlement disciplinaire.

17 M. Nobilo (interprétation). - Oublions l'Etat de fait et

18 concentrons-nous sur l'article 67, si vous voulez bien, Général. Quand on

19 vous dit que vous-même -il s'agit de vous-même-, vous êtes le commandant

20 de la zone opérationnelle, vous avez des compétences sur un certain nombre

21 d'unités. Comment l'interprétez-vous par rapport aux unités qui sont

22 passées sous vos ordres, qui vous ont été rattachées ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas eu de telle

24 autorisation sur les unités qui m'ont été rattachées, car le législateur,

25 s'il voulait me donner une telle compétence, en partant du principe du

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1 commandement qui n'existait pas au sein du HVO, aurait défini ma

2 compétence selon le principe territorial.

3 Toujours est-il qu'il y avait des unités qui n'ont pas été

4 subordonnées directement au commandant. Il y a ces deux principes : le

5 principe de subordination et le principe de compétence territoriale sur

6 les établissements, les entreprises, les personnes morales.

7 M. Nobilo (interprétation). - On va être encore plus précis et

8 plus concrets. En vertu de l'article 67, les unités de la police militaire

9 et les unités spéciales tels les Vitezovi vous ont-elles été subordonnées

10 au niveau du règlement disciplinaire ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Non.

12 M. Nobilo (interprétation). - Nous allons maintenant passer à

13 une autre partie. Le témoin G à la page 3 855 avait dit que, à Ahmici,

14 outre les Jokeri, il y avait les Vitezovi et les unités du HVO. Qu'en

15 savez-vous ? Quelles étaient les unités présentes dans cette région ? Où

16 se trouvaient les Vitezovi, d'après vous ? Et où se trouvaient les unités

17 du HVO ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Selon le rapport que j'ai reçu et

19 les informations que j'ai obtenues, dans le secteur d'Ahmici le

20 4ème Bataillon de la police militaire s'y trouvait ; l'unité des Vitezovi

21 avait une tâche très précise : bloquer et protéger l'hôtel en provenance

22 de Stari Vitez et empêcher l'attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 Une partie des forces de la brigade de Vitez avait également la

24 tâche très précise de bloquer les directions d'attaque de l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine au sud, par rapport à Ahmici, par rapport à la route

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1 principale Vitez Busovaca, et n'a pas fait la mobilisation, n'a pas

2 exécuté d'autres tâches dans le secteur d'Ahmici.

3 Du document 250, il ressort très clairement que les Vitezovi

4 avaient entrepris cette action volontairement, l'attaque sur la pompe

5 d'essence Kalen dont ils se sont emparés, alors que l'unité avait une

6 tâche très précise. Selon les rapports que j'ai reçus, elle se trouvait

7 devant l'hôtel et Stari Vitez.

8 M. Nobilo (interprétation). - Dans le document 691, il est dit

9 qu'un soldat, qui n'est pas membre de la police militaire, a été blessé le

10 16 avril 1993, à côté d'Ahmici. Pouvez-vous nous faire le commentaire,

11 s'il vous plaît ?

12 M. Blaskic (interprétation). - J'ai déjà dit que la brigade de

13 Vitez avait une tâche très précise au sud de la route, au sud d'Ahmici.

14 Ahmici se trouve au nord par rapport à la route. Je crois qu'il s'agit

15 d'un soldat qui n'a pas été mobilisé, de la brigade de Vitez, qui s'est

16 retrouvé ce matin-là à côté de chez lui, de sa maison, et qui a été blessé

17 alors que la confirmation sur sa blessure lui a été délivrée pour pouvoir

18 régler son statut d'invalidité, enfin, de dédommagements et le reste.

19 M. Nobilo (interprétation). - Juste une phrase sur les

20 documents 693 et 694. Au printemps 1993, y avait-il des unités de

21 Domobrani dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Non.

23 M. Nobilo (interprétation). - Y avait-il le noyau du

24 commandement ou votre adjoint chargé de Domobrani ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Nous étions à l'étape où nous

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1 avions déjà désigné les adjoints chargés des Domobrani où nous avons

2 essayé d'établir, de créer des unités de Domobrani, mais c'était la guerre

3 en Bosnie centrale en 1993. Nous avons donc arrêté au printemps et nous

4 n'avons pas réussi à mettre à terme et à créer les unités de Domobrani.

5 M. Nobilo (interprétation). - A plusieurs reprises, au cours de

6 ce procès, les différents témoins ont parlé de Miroslav Bralo, surnommé

7 Cicko. Que savez-vous sur lui ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Moi, je savais qu'il s'agissait

9 d'un meurtrier qui avait tué son premier voisin musulman bosnien. Ensuite,

10 il a posé l'explosif, le cadavre également, et ensemble a activé

11 l'explosif. Il s'agit d'une personne malade, pathologique, avec un certain

12 nombre de traits de caractères maniaques.

13 Je sais par ailleurs qu'après cet acte qu'il avait commis, selon

14 la décision prise par le Procureur militaire, il a été emprisonné. Il se

15 trouvait dans la prison militaire. Il a été privé de liberté avec

16 l'assistance de ma part, et Ante Sliskovic, l'adjoint de sécurité, avait

17 insisté pour qu'on l'emprisonne et qu'on le garde à la prison militaire.

18 M. Nobilo (interprétation). - Où pouvait-il se trouver au moment

19 où le crime a été commis à Ahmici ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Je pense qu'il se trouvait à la

21 prison, dans le camp de Kaonik. Il y avait cette enquête également et la

22 procédure qui a été engagée par le tribunal de district de Travnik.

23 M. Nobilo (interprétation). - Qui l'a libéré et quelle était

24 l'importance qui en découlait ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Ici même, dans ce prétoire, les

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1 témoins de l'accusation, j'ai appris que le 16 avril, il se trouvait à

2 Ahmici. Je ne sais pas qui l'avait libéré. Il va sans dire que celui qui

3 l'a libéré est certainement derrière tout ce qui s'est passé à Ahmici.

4 M. Nobilo (interprétation). - (pas de traduction)

5 M. Rodrigues. - Excusez-moi de vous interrompre. J'ai entendu

6 faire une référence à Domobrani. Excusez-moi d'y revenir, mais je n'ai pas

7 vu passer l'expression dans le transcript. J'ai vu seulement passer

8 "Home guard" mais pas Domobrani. J'aimerais m'assurer que le témoin dit

9 qu'il n'y avait pas, dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale, des

10 Domobrani. J'aimerais éclaircir cette question. J'ai l'idée que, dans la

11 région de Busovaca, ils ont existé. J'aimerais en être certain.

12 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, nous avons

13 essayé de créer les unités de Domabrani et nous avons désigné les adjoints

14 chargés des Domobrani. Mais nous n'avons pas réalisé ce projet, nous ne

15 l'avons pas mené à terme. Nous n'avons pas créé les unités de Domobrani

16 dans la zone opérationnelle ; la guerre s'est déclenchée avec l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine en avril 1993.

18 M. Rodrigues. - Mais au moins, de facto, ont-ils existé oui ou

19 non dans votre région ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, fin 1994, nous

21 les avons créées. Il y avait des unités. C'étaient des régiments de

22 Domobrani, mais, avant, en avril et au printemps 1993, nous n'avons pas

23 réussi à créer ces unités de Domobrani.

24 M. Rodrigues. - Ont-ils existé ou non dans la prison de Kaonik ?

25 M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne le camp de

Page 21496

1 Kaonik, je n'ai pas de tels renseignements. Pour moi, ils n'existaient

2 pas.

3 M. Rodrigues. - Merci beaucoup.

4 M. Nobilo (interprétation). - Peut-être pourrions-nous nous

5 expliquer. Dans le peuple, en ce qui concerne les membres de la brigade de

6 Busovaca, qui n'étaient pas des professionnels, on les appelait Domobrani.

7 Ce n'est pas un terme officiel mais officieux.

8 M. Blaskic (interprétation). - Pas seulement à Busovaca, mais

9 partout. C'est un terme d'usage pour chaque soldat qui est âgé parmi les

10 Croates. C'est un terme de tradition, d'usage. Par conséquent, on les

11 appelait Domobrani, mais les unités, du point de vue militaire,

12 n'existaient pas jusqu'en 1994.

13 Ultérieurement, on a également créé un régiment de Domobrani à

14 Busovaca. Mais dans le peuple, notamment les personnes âgées, de 50 à

15 65 ans, ils appelaient les soldats Domobrani.

16 M. Nobilo (interprétation). - Revenons à Ahmici. Le Procureur a

17 dit à plusieurs reprises que tout le monde avait des informations sur ce

18 qui s'était passé à Ahmici, sauf vous, et il vous a donné un exemple. Que

19 répondez-vous à cette affirmation ?

20 M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne Ahmici, eu

21 égard aux activités de combat entre le bataillon de la police militaire et

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine, j'ai appris que cela existait le

23 16 avril 1993 à 11 heures 42.

24 Cependant, aujourd'hui, quand nous parlons d'Ahmici, Ahmici est

25 devenu synonyme de crimes, mais, à l'époque, les 16, 17, 18 et 19 avril,

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1 ce n'était pas encore le cas.

2 A ce moment-là, Ahmici était synonyme de victoire pour les

3 membres du HVO face aux membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

4 M. Nobilo (interprétation). - A l'époque, y avait-il des

5 renseignements sur le crime commis à ces dates, le 17 et le 18 ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Non. Et nous avons pu voir

7 d'après les éléments de preuve présentés par l'accusation, je crois qu'il

8 a été question d'une vidéo, je ne sais pas si cette vidéo a été diffusée à

9 la télévision locale, il était question d'une victoire du HVO face à

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il n'y a pas un seul mot qui fait référence

11 à un éventuel crime.

12 M. Nobilo (interprétation). - En dehors de ces images

13 télévisées, le Procureur a mentionné certains autres événements ou

14 personnes. En guise d'exemple, de personnes qui avaient des informations

15 sur Ahmici, information dont vous ne disposiez pas. Qu'en pensez-vous ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Il a été question du fait que

17 M. Valenta connaissait ce qui s'était passé à Ahmici. Je pense que ce que

18 connaissait M. Valenta, c'était la situation de combats qui faisaient rage

19 sur le terrain. Quant à moi, j'ai entendu parler des conflits à Ahmici

20 deux jours avant M. Valenta.

21 M. Nobilo (interprétation). – M. Valenta a-t-il fait référence à

22 un crime, dans ce qu'il a dit sur Ahmici ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Non, à aucun moment, je ne l'ai

24 entendu dire qu'il était question d'un crime.

25 M. Nobilo (interprétation). – Un rapport de l'ECMM a également

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1 été mentionné par le Procureur. Que répondez-vous ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Je pense que les observateurs de

3 l'ECMM, à cette époque, se trouvaient dans la région d'Ahmici, protégés

4 par leurs warriors, leurs véhicules blindés, par le Bataillon

5 britannique ; ils ont obtenu certaines informations sur un cadavre auquel

6 on avait mis le feu ainsi qu'à d'autres bâtiments, d'ailleurs. Cependant,

7 ils n'ont pas partagé ces informations avec moi. Je n'ai pas reçu

8 d'information de ce type de la part de ces observateurs.

9 M. Nobilo (interprétation). – A la lecture du bulletin

10 d'information militaire, portant sur la date du 16 avril 1993, bulletin de

11 la Forpronu, dans lequel il est question de victimes à Ahmici ?

12 M. Blaskic (interprétation). – Oui, effectivement, la Forpronu

13 avait des patrouilles dans ces véhicules blindés, les warriors, et ils

14 avaient des systèmes de communication mobiles. Leurs hommes ont été

15 déployés à Ahmici ; ils ont envoyé à leur base, qui se trouvait à

16 Nova Bila, des informations relatives à Ahmici. Cependant, ces

17 informations ne m'ont pas été transmises.

18 Et, pour autant que je m'en souvienne, le colonel Stewart, qui a

19 délivré une déclaration à la presse, a dit qu'il avait appris certaines

20 informations au sujet d'Ahmici : il a dit qu'il avait été informé de cela

21 par certains soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine et qu'il avait

22 obtenu ces informations quand il s'est rendu dans la région d'Ahmici,

23 le 21 ou le 22 avril, lorsqu'il m'a envoyé sa lettre.

24 M. Nobilo (interprétation). - Sa lettre du colonel Stewart,

25 était-ce la première lettre dans laquelle vous avez reçu les premières

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1 nouvelles d'Ahmici, de la part de la Forpronu ?

2 M. Blaskic (interprétation). – Oui, effectivement. Dans cette

3 lettre, je recevais les premières informations selon lesquelles une

4 tragédie avait eu lieu à Ahmici et qu'un crime de guerre avait été commis.

5 M. Nobilo (interprétation). – Comment pouvez-vous expliquer –si

6 toutefois vous pouvez le faire- le fait que la Forpronu, pendant cinq ou

7 six jours, a dissimulé des informations sur le crime ? Pouvez-vous

8 l'expliquer et comment pouvez-vous l'expliquer ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Il m'est difficile de fournir une

10 explication sur cet acte, parce qu'il y avait beaucoup de combats sur

11 environ 26 positions. Et il y avait des zones de combat dans des zones

12 habitées. Il y avait donc un grand nombre de victimes.

13 Mais je ne sais pas pourquoi, le 16, la Forpronu n'a pas partagé

14 cette information avec moi.

15 M. Nobilo (interprétation). - Il a été question du Président

16 musulman de la Présidence de guerre de Vitez, le Dr Mujezinovic, et des

17 informations dont il disposait. Qu'en pensez-vous.

18 M. Blaskic (interprétation). - Le Dr Mujezinovic était le

19 Président de la Présidence de guerre. Par conséquent, il détenait la plus

20 haute autorité, du point de vue militaire et politique, dans la région de

21 Vitez pour les Musulmans bosniens. Lors de conversations avec son

22 personnel médical, des infirmières, entre autres, qui vivaient dans la

23 région d'Ahmici, il a appris, le 19 avril, l'existence du crime commis à

24 Ahmici.

25 Par conséquent, il est évident qu'il a appris l'existence de ce

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1 crime parce qu'il était en contact direct avec les gens qui vivaient à

2 Ahmici.

3 M. Nobilo (interprétation). – Et enfin, le 19 avril, le même

4 jour, le Procureur a cité une déclaration de M. Mujezinovic, à la

5 page 1706, dans laquelle il dit que "Cerkez et deux ou trois autres

6 membres de son commandement ont fait référence à Ahmici". Pouvez-vous vous

7 expliquer sur la question ?

8 M. Blaskic (interprétation). – D'après cette remarque

9 particulière, nous voyons que Cerkez ne parle pas du crime commis à

10 Ahmici, mais il parle des combats qui avaient lieu à Ahmici. Comme je l'ai

11 déjà dit, à ce moment-là, il s'agissait d'une victoire sur l'armée de

12 Bosnie-Herzégovine. Ahmici n'était pas le synonyme d'un crime, comme

13 aujourd'hui ou par la suite, en tout cas, lorsque le crime a été

14 découvert.

15 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quand vous

16 avez reçu des informations relatives à des victimes parmi les civils dans

17 la municipalité de Vitez ? Quelle a été votre réaction ?

18 M. Blaskic (interprétation). – J'ai reçu cette information, les

19 premières informations que j'ai reçues, le 16 avril, de la part du

20 représentant, M. Prskalo Pilicic, représentant de la délégation chargée

21 des négociations, qui était revenu de ces négociations qui s'étaient

22 déroulées à la base de la Forpronu.

23 Déjà au cours de la nuit, vers 4 heures du matin, le 17 avril,

24 j'ai délivré un ordre dans lequel j'ai été très clair : j'ai dit "que les

25 civils devaient être protégés et que tout usage de la force était un

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1 crime". J'ai particulièrement souligné ce passage ; je l'ai souligné dans

2 mon ordre.

3 J'ai également donné un ordre le 18 avril, portant sur la

4 protection et la sécurité de civils. Et aussi le 21 avril. J'ai aussi

5 exigé que ces ordres soient reconnus et que les commandants de brigade en

6 accusent réception et qu'ils m'informent de la suite des événements.

7 J'ai donc tenté d'assurer une chaîne double afin d'être

8 absolument certain que ces ordres allaient arriver au niveau inférieur de

9 la chaîne de commandement.

10 M. Nobilo (interprétation). - Les autres informations que vous

11 avez reçues sur Ahmici étaient des informations que vous avez reçues de

12 Dzemo Merdan, le 20 avril, de Zenica. Comment avez-vous compris les

13 informations qu'il vous a communiquées et qu'avez-vous fait ?

14 M. Blaskic (interprétation). - C'était une réunion à Zenica le

15 20 avril 1993. L'atmosphère était extrêmement tendue. Tout le monde a pris

16 la parole de façon tout à fait arbitraire, et Dzemo Merdan également s'est

17 emporté en prenant la parole. J'ai suggéré qu'une commission conjointe

18 soit formée afin de vérifier ses allégations.

19 Lorsque j'ai reçu ces informations, j'en ai pris note et, après

20 être revenu au quartier général, j'ai exigé que tous les rapports du

21 terrain soient rassemblés. Lorsque je me suis rendu compte qu'aucun des

22 rapports ne venait étayer ses allégations et lorsque j'ai eu conscience

23 que les hauts représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine à la réunion

24 de Zenica avaient immédiatement transmis ces allégations, je me suis rendu

25 compte que ce n'étaient pas des allégations sérieuses, mais qu'elles

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1 avaient été proférées dans le climat très tendu de cette réunion. C'était

2 sans doute quelque chose qui avait été dit à ce moment-là pour améliorer

3 les positions de négociation.

4 M. Nobilo (interprétation). - Lorsque Bob Stewart vous a parlé

5 de ce qui s'était passé à Ahmici et lorsque vous lui envoyez cette lettre

6 afin qu'une commission conjointe soit formée et qu'elle commence son

7 travail, quelles ont été vos priorités à ce moment-là ? A votre avis,

8 qu'est-ce qui était le plus important dans cette situation ? "Un crime a

9 été commis et il faut que je réagisse" ?

10 M. Blaskic (interprétation). - J'ai envoyé cette lettre à

11 Bob Stewart, demandant donc la formation d'une commission conjointe et

12 demandant une réunion entre les plus hauts représentants du HVO et de

13 l'armée de Bosnie-Herzégovine. A ce moment-là, je pensais que la priorité

14 absolue était de mettre en place un cessez-le-feu, donc de mettre un terme

15 aux hostilités entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO et, si

16 possible, d'organiser une séparation des forces afin d'éviter que le crime

17 d'Ahmici ne se reproduise ailleurs, et de mener une enquête tout à fait

18 complète et exhaustive sur le crime commis.

19 M. Nobilo (interprétation). - Afin d'éviter qu'un nouveau crime

20 ne se reproduise et afin de mener une enquête rapide, à votre avis et en

21 tout cas à l'époque, qu'avez-vous pensé être la priorité ?

22 M. Blaskic (interprétation). - La priorité était d'éviter de

23 nouveaux crimes, de nouvelles tragédies. C'était la priorité absolue.

24 M. Nobilo (interprétation). - Le Procureur, à plusieurs

25 reprises, vous a demandé la chose suivante : pourquoi ne pas avoir appelé

Page 21503

1 Pasko Ljubicic dans son bureau et lui demander ce qui s'était passé ?

2 Pouvez-vous dire à Chambre, si vous revenez en arrière, si vous revenez à

3 la situation dans laquelle vous vous trouviez à ce moment-là, pourquoi ne

4 pas l'avoir fait ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Je ne l'ai pas fait parce

6 qu'aucun de ces rapports n'a même insinué qu'un crime avait été commis à

7 Ahmici. Je devais surtout protéger l'enquête à mener sur ce crime. Ce

8 n'était pas une erreur disciplinaire ou une faute disciplinaire qui allait

9 m'amener à le critiquer ou à lui proposer telle ou telle suggestion. Ce

10 que nous avions devant nous, c'était un crime barbare et terrible. Il

11 fallait tout faire pour assurer l'enquête sur ce crime.

12 M. Nobilo (interprétation). - D'un point de vue méthodologique,

13 comment avez-vous procédé ? Quand parle-t-on à un suspect au début d'une

14 enquête et à la fin d'une enquête ? Quelle est votre opinion selon cette

15 méthodologie policière ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai jamais suivi de cours sur

17 la question et je ne suis pas formé pour mener une enquête. Mais je

18 pensais qu'il était nécessaire tout d'abord de rassembler des faits et des

19 preuves et, après cela, de confronter ces deux éléments, à savoir les

20 preuves d'un côté et le suspect de l'autre.

21 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi ne pas avoir entrepris

22 l'enquête vous-même ? Pourquoi ne pas avoir interrogé certains individus ?

23 Pourquoi ne pas avoir mené cette enquête ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Tout d'abord, en tant que

25 commandant de la zone opérationnelle, je tentais de travailler dans le

Page 21504

1 système existant. Je n'étais pas un professionnel. Au cours de mes études,

2 je n'ai pas non plus suivi de cours sur la façon de mener une enquête et

3 je considérais qu'il était de mon devoir de garantir le bon fonctionnement

4 du système existant.

5 Cela voulait dire que l'enquête devait être menée par les

6 autorités compétentes, les autorités formées pour cela. C'était donc le

7 service chargé de la sécurité qui devait s'en charger.

8 M. Nobilo (interprétation). - A partir du moment où le crime à

9 Ahmici a été commis, le 16 donc, jusqu'au début de l'enquête, le 24 à peu

10 près, huit jours se sont écoulés. Considérez-vous que ces huit à dix jours

11 qui se sont écoulés ont eu un impact important sur la qualité de

12 l'enquête ? Que pensez-vous de ce problème, le problème du temps qui a

13 passé entre ces deux dates ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Je pense que cela n'a pas eu

15 d'impact important sur l'enquête, notamment si l'on pense à la situation

16 dans laquelle nous nous trouvions à l'époque.

17 Tout d'abord, des informations ont été rassemblées sur les

18 cadavres, il y a eu enquête médico-légale qui a décrit les causes des

19 décès. Et je pense que la partie la plus importante de l'enquête était de

20 rassembler des informations personnelles, à savoir d'avoir des entretiens

21 avec des suspects, de les interroger et de découvrir qui a commandité, qui

22 a planifié et qui a commis le crime. Il s'agissait des questions les plus

23 importantes, d'après moi.

24 M. Nobilo (interprétation). - Pourquoi avoir choisi le SIS, le

25 service d'information et de sécurité pour mener l'enquête au sujet

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1 d'Ahmici ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Légalement, c'est cet organe qui

3 était compétent, le seul organisme compétent pour mener une enquête au

4 sujet de membres de la police militaire. Par conséquent, c'est le seul

5 service qui avait cette compétence et qui avait également l'expertise

6 professionnelle et les moyens de mener une enquête de ce genre. Je ne

7 pouvais pas demander à la police militaire de mener une enquête sur elle-

8 même.

9 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez dit que, après Ahmici,

10 empêcher un tel crime était votre première priorité. Nous n'allons pas

11 montrer de document particulier, mais j'aimerais vous demander si vous

12 pouvez vous rappeler ce que vous avez fait dans les journées du 22 avril

13 et après le 22 avril, c'est-à-dire à partir du moment où vous avez appris

14 qu'un crime aussi important avait été commis ?

15 M. Blaskic (interprétation). - J'ai délivré toute une série

16 d'ordres, et j'ai oeuvré à la mise en oeuvre de ces ordres sur le terrain.

17 Je ne vais en citer que quelques-uns : pièces à conviction de la

18 défense 318, 334, 336, 338, 353, 361, 362, 364, 365, 366, 370, 374, 376.

19 Puis, au cours d'une conférence de presse, j'ai aussi condamné

20 publiquement ce crime. Je crois que cela a eu une influence exceptionnelle

21 sur l'opinion publique ; d'autant plus que ma condamnation a été entendue

22 dans toutes les familles, dans toutes les maisons de l'enclave de la

23 Lasva, grâce aux médias locaux.

24 J'ai aussi prié les représentants des organisations humanitaires

25 internationales, à savoir les représentants du CICR et du HCR,

Page 21506

1 d'expliciter plus clairement leurs mandats et de s'exprimer devant la

2 population et les réfugiés qui vivaient sur ce territoire, grâce à la

3 télévision locale, de façon à avoir aussi une influence sur la réduction

4 de la haine qui régnait parmi les réfugiés et qui rendait la situation

5 beaucoup plus difficile. Et encore, lors de réunions avec les commandants

6 de brigade, j'ai aussi vérifié l'acheminement des ordres et j'ai œuvré à

7 ce que mes ordres arrivent devant chacun des soldats sur le terrain.

8 M. Nobilo (interprétation). - Nous avons beaucoup parlé de la

9 pièce 456/58, qui est l'interprétation de votre conversation avec le

10 colonel Stewart, que vous avez envoyée au chef du grand quartier général

11 et à un certain nombre de dirigeants de la communauté croate d'Herceg-

12 Bosna.

13 Nous n'allons pas reprendre ce document que chacun connaît bien

14 aujourd'hui, ici, mais je vous prierai de bien vouloir définir ce que

15 représente ce document. Qu'était censé représenter, à l'époque, ce

16 document ?

17 M. Blaskic (interprétation). – Ce document est intitulé

18 "Informations au sujet de la rencontre avec le colonel Bob Stewart". Et

19 les informations relatives à mes rencontres, je les transmettais à mes

20 supérieurs comme je l'ai fait pour celle-ci.

21 Chaque fois que j'avais une rencontre, j'informais ces hommes de

22 ce que j'avais dit et des propositions que j'avais faites.

23 M. Nobilo (interprétation). – Ce document traite-t-il du crime

24 d'Ahmici ?

25 M. Blaskic (interprétation). – Non, absolument pas. Ce document

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1 ne comporte d'informations qu'au sujet de la rencontre que j'ai eue avec

2 le colonel Stewart. Quant à tous les rapports relatifs à mes activités

3 dans le cadre de l'enquête, tout ce qui est lié à Ahmici, je le

4 transmettais toujours par transmission par paquets.

5 M. Nobilo (interprétation). – Comment expliquez-vous que cette

6 information ait été envoyée par télécopie normale à Mostar et non par

7 transmission par paquets, qui était le moyen habituel de communiquer pour

8 transmettre des messages protégés ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Dans cette information relative à

10 ma rencontre, il ne fait aucun doute que, Bob Stewart ayant participé à

11 cette rencontre, il était également au courant de cette information. Il

12 n'y avait donc pas de raison particulière de vouloir protéger le contenu

13 de ce message.

14 Les documents qui n'étaient pas des ordres ou qui ne

15 comportaient pas d'informations opérationnelles, j'avais décidé de les

16 transmettre par télécopie, parce qu'il était moins nécessaire de les

17 protéger et que les moyens de transmission cryptée étaient surchargés.

18 M. Nobilo (interprétation). – Au cours de ce procès, une

19 question très importante a été posée ; c'est mon sentiment en tout cas. Je

20 vous la pose.

21 Pourquoi n'avez-vous pas dit, au colonel Bob Stewart et aux

22 autres représentants de la communauté internationale, quel était votre

23 sentiment quant à l'identité de l'unité qui avait commis cet acte, quelle

24 était la chaîne de commandement dont relevait cette unité, qui avait pu

25 émettre l'ordre en question et quels problème vous aviez avec la police

Page 21508

1 militaire ? Et éventuellement qui étaient donc les personnes responsables

2 eu égard à la chaîne de commandement ? Pourquoi, à ce moment-là, dans

3 l'enclave de la Lasva, en avril ou mai 1993, vous n'avez pas dit cela à la

4 communauté internationale ?

5 M. Blaskic (interprétation). – Effectivement, mon sort en eût

6 sans doute été modifié. Mais il existait un décret légal que je respectais

7 et qui prévoit le secret militaire. A l'intérieur du HVO, compte tenu de

8 la faiblesse qui était la mienne en raison de la double chaîne de

9 commandement et de la double responsabilité, ces raisons

10 d'affaiblissement, je ne les faisais pas connaître exagérément aux

11 représentants de la communauté internationale. Car je me rendais bien

12 compte que ces représentants internationaux et, pour partie, leurs

13 interprètes et traducteurs, avaient tendance à les transmettre ensuite à

14 la partie adverse, c'est-à-dire à l'armée de Bosnie-Herzégovine ou à

15 certains au sein du HVO.

16 Par ailleurs, une fois que je me suis rendu compte que les

17 organisations internationales n'avaient pas pris part à l'enquête, je

18 n'avais pas compétence, je n'étais pas habilité à partager ces

19 informations avec des personnes non habilitées. Donc, toutes ces

20 faiblesses, tous ces problèmes, je ne les faisais pas connaître, car, ce

21 faisant, j'aurais enfreint un décret légal exigeant le secret militaire.

22 Et je pense que la situation en eût été rendue encore plus

23 difficile du point de vue de la défense, parce que l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine aurait eu connaissance de toutes nos faiblesses internes, ce

25 qui aurait pu peser sur ces décisions d'attaques destinées à s'emparer de

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1 ce territoire, dans un sens négatif pour nous.

2 M. Nobilo (interprétation). - Contrairement au décret relatif au

3 secret militaire et contrairement aux ordres que vous receviez, ce que

4 vous avez dit, à l'époque, aux membres de la communauté internationale qui

5 n'étaient pas membres du HVO, si vous leur aviez tout dit, que se serait-

6 il passé dans le cadre de ce décret ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Il est certain que cela eût

8 constitué une infraction à la légalité et aux règles internes du HVO. Il

9 est difficile de déterminer exactement quelles en auraient été les

10 conséquences, mais il est probable que la suite des événements en eût été

11 modifiée.

12 M. Nobilo (interprétation). – Veuillez dire aux Juges comment

13 vous avez agi vis-à-vis des représentants de la communauté internationale

14 et de l'armée de Bosnie-Herzégovine ? Quelle image du HVO leur avez-vous

15 donnée ?

16 M. Blaskic (interprétation). - A partir de la première réunion

17 tripartite de Sarajevo, à laquelle ont participé aussi des représentants

18 des Nations Unies, du HCR et des autres organismes internationaux, aux

19 côtés de représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine et des

20 représentants de ce qui était à l'époque l'armée de la Republika Srpska,

21 chacun de nous qui s'est exprimé l'a fait dans le but de réduire toutes

22 les faiblesses internes et de ne pas montrer entièrement tous les

23 problèmes qui se posaient dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine

24 et du HVO, eu égard à des structures qui n'étaient pas encore complètement

25 achevées. Malgré cet inachèvement des structures, il fallait mener les

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1 combats.

2 Notre désir consistait à créer une impression devant les

3 personnes présentes et à assumer notre responsabilité par rapport aux

4 engagements qui étaient les nôtres, dans une situation caractérisée par de

5 très grandes difficultés.

6 M. Nobilo (interprétation). – Mais, M. le Juge Rodrigues vous a

7 demandé un jour pourquoi vous n'aviez pas déposé votre démission : des

8 soldats avaient commis un crime, vos officiers vous avaient menti, ils ont

9 donc commis un crime dans votre dos. C'est pour cette raison que vous êtes

10 assis ici, à la place que vous occupez dans cette salle. La question vous

11 a été posée de savoir pourquoi vous n'aviez pas présenter votre démission.

12 M. Blaskic (interprétation). – Ceux qui m'ont menti, je suis sûr

13 qu'ils ne méritaient pas mon sacrifice. Mais le peuple qui habitait là-

14 bas, qui se battait pour sa simple survie –je parle bien de sa survie

15 biologique-, ce peuple méritait mon sacrifice, sans aucun doute. En dépit

16 de tout, j'ai dit que j'avais voulu rester aux côtés de cette population

17 et, malgré tout, réaliser mes trois priorités, c'est-à-dire la survie,

18 l'interruption de la commission des crimes et l'enquête, la réalisation de

19 l'enquête.

20 Je suis certain qu'un capitaine de navire, quand le navire

21 coule, ne quitte pas le navire ; il coule avec lui.

22 M. Nobilo (interprétation). - Mais si vous aviez soumis votre

23 démission, que se serait-il passé ? Qui aurait été commandant à votre

24 place ? Avez-vous éventuellement quelques prévisions à ce sujet ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Les médias, contrôlés par l'armée

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1 de Bosnie-Herzégovine, ont dit à un moment déterminé que le nouveau

2 commandant était Zuti, Zarko Andric, et que son adjoint était

3 Darko Kraljevic dans la zone opérationnelle. Je suis convaincu que la

4 situation se serait encore davantage radicalisée et peut-être le chaos

5 aurait-il grandi encore et peut-être Ahmici se serait-il répété, à moins

6 que les représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine, s'ils étaient

7 entrés à Busovaca et à Vitez, n'aient commis des crimes encore plus

8 graves, car il était très difficile de contrôler leur haine.

9 Rappelons-nous leur entrée à Buhine Kuce, Krizancevo Selo et

10 d'autres territoires perdus par le HVO et reconquis ensuite. Peut-être les

11 massacres en eussent-ils été multipliés.

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être

13 pourrions-nous nous interrompre quelques instants ?

14 M. le Président. - Je voudrais demander au général Blaskic :

15 maintenez-vous que le document 456/58 est incomplet ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui, absolument, ce n'est pas le

17 document que j'ai écrit et que j'ai envoyé. C'est un document incomplet.

18 Il n'est pas exhaustif.

19 M. le Président. - Vous l'avez tellement dit lors du contre-

20 interrogatoire que j'étais étonné que vous ne rappeliez pas aujourd'hui

21 que l'essentiel pour vous était que ce document ne traduisait pas votre

22 pensée. Je me demandais si vous aviez changé votre argumentation

23 entre-temps.

24 M. Nobilo (interprétation). - Je ne lui ai pas posé la question,

25 c'est vrai. Le sens de ma question portait sur la nature de ce document,

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1 pour entendre que c'était un rapport sur la réunion.

2 M. le Président. - J'avais le souvenir que, lorsqu'il y a eu

3 cette très longue discussion autour du document 456/58, votre client

4 maintenait que tout aurait été différent si l'on avait pu voir toutes les

5 nuances qu'il avait introduites. Vous vous souvenez que, dans le

6 document 456/58, votre client nous a même dit que ce document paraissait

7 ridicule ; on avait l'air de mettre dans la bouche du colonel Stewart un

8 propos sur la réunion avec Mate Boban, alors qu'il manquait le tiret qui

9 rappellerait que le général Blaskic...

10 J'étais donc étonné que, revenant sur ce document aujourd'hui,

11 votre client ne nous rappelle pas avec force que l'essentiel pour lui

12 était de bien dire. Je voulais m'en assurer. Je vous remercie, Général,

13 c'est donc bien toujours votre interprétation, le document est incomplet.

14 Je vous propose de faire une pause de quinze minutes.

15 (L'audience, suspendue à 10 heures 15, est reprise à

16 10 heures 30.)

17 M. le Président. - L'audience est reprise. Maître Nobilo,

18 poursuivez.

19 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

20 Quelles sont les formations auxquelles appartenaient vos

21 collaborateurs les plus proches, les autres commandants du commandement ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait le chef du quartier

23 général qui, à un moment donné, a été mon adjoint. Il avait deux

24 fonctions ; il était responsable de toutes les activités opérationnelles

25 relevant de l'état-major et tous les documents relatifs aux combats qu'il

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1 émettait étaient de sa responsabilité. Il y avait les adjoints chargés de

2 la mobilisation, de la composition des unités, de la logistique, du

3 service de sécurité, des affaires relatives aux informations et il y avait

4 d'autres collaborateurs encore. Voilà, en tout cas, les collaborateurs les

5 plus étroits au sein du commandement.

6 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de ce procès, la défense

7 a soumis un élément de preuve qui date du 10 mai 1993 et qui concerne

8 l'enquête que vous avez demandée au sujet d'Ahmici. Mais vous avez dit aux

9 Juges, ici dans votre déposition, que c'est à une date antérieure, c'est-

10 à-dire le 24 avril, que vous aviez donné un ordre oral, verbal à l'adjoint

11 du service d'information et de sécurité du SIS à ce sujet.

12 Mon collègue le Procureur vous a demandé : "Avez-vous une autre

13 preuve que votre parole sur le fait que vous avez émis cet ordre

14 antérieur, cet ordre verbal au sujet d'Ahmici ?". Que pouvez-vous dire à

15 ce sujet aux Juges aujourd'hui ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Le simple fait qu'un membre de

17 son entourage le plus étroit reçoive un ordre écrit est une exception,

18 c'est un fait exceptionnel. Le fait que cela ait eu lieu montre que je

19 n'étais pas entièrement satisfait de ce qui s'était passé auparavant et

20 que je voulais ajouter une pression supplémentaire sur mon associé

21 immédiat pour que la tâche qui lui avait été confiée auparavant soit

22 pleinement accomplie, à savoir que cette instance fonctionne de façon

23 collective. Elle se compose de mes collaborateurs, de mes associés les

24 plus proches.

25 Pendant la journée, nous avions une ou plusieurs réunions

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1 d'informations au cours desquelles des tâches étaient distribuées

2 verbalement. Mais ces tâches sont consignées dans un registre officiel,

3 qui est mon journal de guerre personnel et celui de tous les officiers qui

4 m'entouraient. J'en avais donc un moi-même et mes collaborateurs en

5 avaient un également. Toutes les tâches confiées aux uns ou aux autres

6 étaient consignées dans ces journaux de guerre suite aux réunions

7 d'information.

8 J'affirme devant ce Tribunal que je ne me souviens pas avoir

9 émis un ordre écrit à mon collaborateur, le chef d'état-major, ou à mes

10 autres collaborateurs. C'était très rare, exceptionnel, que des ordres

11 écrits soient donnés à mes collaborateurs les plus étroits ; lorsque cela

12 avait lieu, c'était la preuve manifeste que je n'étais pas satisfait de ce

13 qui avait été fait jusqu'à ce moment-là.

14 Mais le 10 mai un ordre écrit a bien été délivré. C'est la

15 preuve, cela montre, que, par le passé, quelque chose s'est passé dans ma

16 relation avec l'adjoint chargé de la sécurité, quelque chose dont je

17 n'étais pas satisfait et que je voulais exercer une pression

18 supplémentaire sur lui.

19 M. Nobilo (interprétation). - En dehors de cette pression

20 supplémentaire, lorsqu'avec votre collaborateur avec lequel vous êtes

21 assis à la même table tous les jours et qui travaille de très près avec

22 vous, quelle est la signification dans votre relation personnelle ? Quelle

23 est la signification du fait que vous émettez un ordre écrit à son égard

24 et quelle influence cela a-t-il sur le travail d'équipe ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Cela démontre une méfiance, une

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1 insatisfaction quant à la réalisation des tâches qui ont déjà été

2 assignées. C'est également une sorte d'avertissement au commandant qui

3 reçoit un tel ordre, avertissement qui signifie qu'il doit tenir compte

4 qu'il est dans l'obligation effective d'accomplir cet ordre et que cet

5 ordre, comme tous les autres ordres émis précédemment, sera un élément de

6 preuve dans le cas où la responsabilité de ce collaborateur est mise en

7 cause de façon officielle. C'est donc la preuve que quelque chose ne va

8 pas entre les deux hommes et c'est également un avertissement ou le signe

9 d'une pression supplémentaire quant au fait qu'il n'est pas question

10 d'interrompre l'accomplissement de cette tâche.

11 M. le Président. - A quels collaborateurs avez-vous donné cet

12 ordre verbal ? Vous l'aviez donné au général Marin, cet ordre verbal ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Au général Marin.

14 M. le Président. - Je ne me souviens plus ce qu'avait dit le

15 général Marin.

16 M. Nobilo (interprétation). - Il est question de l'ordre verbal,

17 Monsieur le Président, qui a été délivré au collaborateur, à l'adjoint

18 chargé du SIS en rapport avec la réalisation de l'enquête.

19 Le témoin souhaite dire qu'il a délivré un ordre verbal avant

20 l'ordre écrit et que le fait de délivrer un ordre écrit est la preuve de

21 l'insatisfaction, car jamais il n'y a d'ordre écrit.

22 M. le Président. - Je ne me souviens plus à qui il avait donné

23 l'ordre verbal. C'est donc bien à M. Sliskovic ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

25 M. le Président. - Général, quand le général Marin est venu, il

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1 a fait confirmer ou non cet ordre verbal ou il ne s'en souvenait plus ?

2 Le Juge Rodrigues me dit qu'il ne l'avait pas confirmé.

3 M. Blaskic (interprétation). - Le général Marin n'était pas

4 membre du commandement collectif, Monsieur le Président.

5 M. le Président. - Je croyais qu'il avait été votre adjoint. Il

6 ne l'était pas à ce moment-là peut-être.

7 M. Blaskic (interprétation). - Non, il n'a jamais été mon

8 adjoint, Monsieur le Président. Il était subordonné au chef d'état-major.

9 Il était à trois niveaux au-dessous de moi, il est membre de l'état-major,

10 mais il est subordonné au chef d'état-major.

11 M. le Président. - Sans donner les ordres verbaux, il

12 participait aux réunions tous les jours ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Pas à mes réunions, il n'était

14 pas membre de mon commandement collectif, Monsieur le Président.

15 M. le Président. - Il était commandant des opérations, il était

16 le chef d'état-major des opérations. En pleine guerre, il ne venait pas

17 tous les matins à vos réunions ? Je ne comprends pas. Il est venu pendant

18 six semaines. Le général Marin nous a dit tous les jours qu'il participait

19 à des réunions. A quelle réunion participait-il ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, je vais

21 m'efforcer de m'expliquer dans l'ordre. D'abord, il participait aux

22 réunions lorsque le chef d'état-major était absent, c'est-à-dire en cas

23 d'absence du chef d'état-major. Par ses fonctions mêmes, c'est le chef des

24 opérations qui le remplaçait. Mais mon suppléant, mon adjoint direct était

25 toujours le chef d'état-major, M. Franjo Nakic, qui participait toujours

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1 aux réunions du commandement collectif.

2 C'est seulement en cas d'absence de Nakic que M. Slavko Marin

3 venait à ces réunions pour remplacer M. Nakic.

4 M. le Président. - Quand même, en pleine guerre, M. Marin venait

5 aux réunions pour parler des opérations de guerre ? Non, jamais ? Il était

6 en bas, dans sa salle, avec les cartes, et il ne montait pas vous voir ?

7 Concevez que cela étonne, quand même.

8 M. Blaskic (interprétation). - Marin était un membre d'état-

9 major. Je peux vous le montrer sur un diagramme en trois minutes.

10 M. le Président. - On retrouvera tout dans le transcript, je ne

11 veux pas faire perdre de temps à la défense. J'étais simplement un peu

12 étonné. Mais ce n'est pas important, c'était une précision, je voulais me

13 rafraîchir la mémoire.

14 M. Blaskic (interprétation). - ....

15 M. Nobilo (interprétation). - ...

16 M. le Président. - Laissez répondre le général, s'il vous plaît.

17 C'est moi qui l'interpelle.

18 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges, c'est seulement dans une situation où le chef d'état-

20 major était absent, en cas d'absence du chef d'état-major que son

21 suppléant participe aux réunions du commandement collectif, à savoir donc

22 Slavko Marin. Il y a eu des situations de ce genre.

23 Mais dans des situations normales, je parle bien de situations

24 ordinaires, lorsque le chef d'état-major est présent au commandement,

25 c'est lui qui est le chef d'état-major et Slavko Marin est son subordonné.

Page 21518

1 Dans ces cas-là, Slavko Marin ne participe pas aux réunions du

2 commandement collectif.

3 M. le Président. - Puisque, au fond, vous êtes en train de

4 chercher la preuve de cet ordre verbal, que vous n'arrivez évidemment pas

5 à démontrer puisque c'est un ordre verbal -c'est vrai que c'est difficile

6 pour vous-, je me disais que peut-être, finalement, si Ahmici était une

7 opération de guerre, c'est ce que vous nous avez dit tout à l'heure,

8 Ahmici est une opération de combat puisque vous nous avez même dit que,

9 pour Anto Valenta, Ahmici était une victoire, cela fait donc partie des

10 combats. Pour vous, Ahmici n'est pas un crime, c'est d'abord un lieu de

11 combats. Nous sommes d'accord ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'était le synonyme. Les

13 premiers jours, il considérait qu'il s'agissait d'opérations de combats

14 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

15 M. le Président. - Donc je progressais pour essayer de voir si

16 vous ne pouviez pas arriver à faire votre preuve de cet ordre verbal par

17 une autre façon. Je me disais que, peut-être, puisqu'il s'agit

18 d'opérations de combats, autour du général Blaskic, colonel à l'époque, on

19 devait bien parler tous les jours des combats. Il me semble que l'on parle

20 des combats, en pleine guerre. On parle des combats dans vos réunions

21 d'état-major. Non ?

22 M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne le

23 commandement collectif, tout ce qui a été dit au centre opérationnel a été

24 enregistré sur le journal. Par conséquent, chaque activité, chaque

25 opération.

Page 21519

1 M. le Président. - Général Blaskic, j'aurais été très heureux

2 que vous nous présentiez le journal, malheureusement vous ne l'avez jamais

3 retrouvé, votre propre journal ! Je vous rappelle que vous ne l'avez

4 jamais retrouvé, même pas lorsque vous vous êtes occupé de l'opération

5 "Araignée".

6 J'ai beaucoup regretté que vous n'ayez pas retrouvé ce journal.

7 Il m'a semblé que tous les chefs de guerre conservaient des traces de leur

8 propre journal. Tout le monde connaît des guerres dans tous les pays. Les

9 chefs de guerre ont toujours des traces de journal, mais vous n'avez pas

10 ce journal.

11 Je me mets donc à votre place. Je me dis : cet ordre verbal qui

12 est très important pour vous, le 21 avril vous avez donné un ordre verbal,

13 quand même, dans ces réunions où vous êtes peu de membres d'état-major, où

14 vous vous occupez des combats, est-ce que l'on n'a pas parlé du combat

15 d'Ahmici ? Quelqu'un n'a-t-il pas dit : "Oui, le combat d'Ahmici ne s'est

16 pas bien passé ! Il y a eu des morts, des crimes, etc." ?

17 Cela a bien dû se passer comme cela ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Non, pas de cette façon-là. J'ai

19 reçu la lettre du colonel Stewart sur ce qui s'est passé à Ahmici. Une

20 fois que j'ai reçu la lettre, j'ai même organisé la réunion avec le

21 colonel. J'ai réagi, j'ai délivré...

22 M. le Président. - J'ai essayé d'aller dans votre sens, mais je

23 crois que le journal est perdu corps et bien. Il n'y a plus que votre

24 parole de soldat et votre parole sous serment. Je crois que c'est tout ce

25 que l'on peut dire.

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1 Moi, en tout cas, je ne pose pas davantage de questions.

2 J'essayais de me dire qu'à une réunion d'état-major avec M. Marin qui

3 s'occupe des opérations, nous sommes en pleine guerre, on parle d'Ahmici.

4 Vous en parlez comme d'une victoire. Tout cela a un lien, une cohérence...

5 je me disais que peut-être, par tous ces éléments, le général Blaskic va

6 pouvoir nous donner la probabilité de cet ordre verbal.

7 Non, vous ne pouvez pas. Vous nous dites simplement : "J'ai

8 donné un ordre verbal et croyez-moi, c'est vrai". Les Juges verront ce

9 qu'ils doivent faire.

10 Maître Hayman va venir à votre secours, je pense.

11 Le Juge Rodrigues va également poser des questions.

12 Moi, je n'en pose plus, je crois que... votre journal n'est pas

13 là !

14 Attention à votre micro, Maître Hayman. Maître Hayman, vous

15 voulez intervenir, je pense ? Allez-y, Maître Hayman.

16 M. Hayman (interprétation). - Non, bien entendu, nous ne sommes

17 pas d'accord avec certains de vos commentaires, Monsieur le Président,

18 quant au fait que la seule preuve est la parole du témoin. Mais nous avons

19 d'autres questions qui suivent, et j'ai demandé à Me Nobilo de les poser.

20 M. le Président. - Vous avez tout à fait raison mais le Juge

21 Rodrigues a aussi des questions. Je suis d'accord que vous ne soyez pas

22 d'accord avec mes commentaires. Je me permettais simplement, car c'est mon

23 droit, de demander au général Blaskic de savoir, au lieu de répéter comme

24 il le répète "J'ai donné un ordre verbal", s'il n'y avait pas une

25 possibilité par d'autres éléments de corroborer.

Page 21521

1 Je suis dans un système, Maître Hayman, où quand on n'a pas de

2 preuves écrites, on essaie...

3 M. Nobilo (interprétation). - C'est ce que l'on essaie.

4 M. le Président. - Voilà ! Et pour l'instant, j'ai du mal.

5 J'essayais d'aller dans le sens de votre client pour voir si, par une

6 autre approche, par les réunions d'état-major, on ne pouvait pas avoir une

7 certaine probabilité véridique de l'ordre verbal. C'est tout ce que je

8 disais, et c'est mon droit de le demander.

9 Je sens que Me Nobilo a d'autres questions, mais je voudrais

10 d'abord que le Juge Rodrigues pose sa question. Après, vous aurez la

11 parole.

12 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons

13 des preuves, mais si vous me donnez la parole, je vais peut-être

14 arriver...

15 M. le Président. - Je ne veux pas la retirer au Juge Rodrigues,

16 mais j'ai vu Me Hayman avec une telle fougue et une telle conviction vous

17 dire les questions qu'il devait poser que j'aurais beaucoup de scrupules.

18 En plus, nous sommes sur votre temps et je ne l'oublie pas.

19 Monsieur le Juge Rodrigues ?

20 M. Rodrigues. - Je vais être rapide pour ne pas occuper le temps

21 de la défense. Ma question est celle-ci, Général : plus ou moins, combien

22 de réunions collectives ont-elles eu lieu entre le 16 avril et le

23 22 avril ? Plus ou moins ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Jusqu'au 22 avril, on avait des

25 réunions tous les jours. On était dans une même pièce autour de trois

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1 tables.

2 M. Rodrigues. - Même le samedi et le dimanche ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Oui, tous les jours, sans

4 interruption.

5 M. Rodrigues. – Lors de quelque réunion –parmi les cinq que nous

6 avons au moins-, est-ce qu'à quelque réunion vous avez parlé de la

7 victoire d'Ahmici ?

8 M. le Président. – Merci, Monsieur le Juge Rodrigues, je me suis

9 mal exprimé : c'est de cela que je voulais parler. Merci.

10 M. Rodrigues. - Lors d'une de ces réunions, avez-vous parlé de

11 la victoire d'Ahmici ?

12 M. Blaskic (interprétation). – J'ai demandé, au moment où je

13 suis arrivé de Zenica –je pense que c'était vers le 20 avril, très tard

14 dans la soirée-, j'ai demandé qu'on me transmette tous les rapports sur

15 les opérations de combat à Ahmici, Nadioci, Sivrino Selo, donc tout le

16 long de la route. Je n'ai jamais considéré moi-même qu'il s'agissait d'une

17 victoire, car nous étions en effet dans une situation…

18 M. Rodrigues. - Vous avez dit que, pour le HVO, c'était une

19 victoire ; aujourd'hui, Ahmici signifie crime. Mais, à l'époque, il

20 signifiait victoire.

21 Je peux donc vous poser la question autrement : lors d'une

22 quelconque réunion parmi vos réunions collectives, avez-vous parlé des

23 combats à Ahmici ?

24 M. Blaskic (interprétation). - En ce qui concerne les combats,

25 selon les rapports entre la police militaire et l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine, oui, on a parlé des opérations de combat, des positions qui

2 ont été prises, etc.

3 M. Rodrigues. - En parlant des combats, même au plan des

4 relations de la police militaire avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, est-

5 ce que quelqu'un a parlé du combat, notamment de comment peut-on traduire

6 cela en victoire ? Notamment, comment les combats se sont-ils développés

7 et leurs conséquences ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Vous pensez bien… Dans cette

9 période, il s'agissait encore de situations où les opérations de combat

10 avaient eu lieu et duraient. Par conséquent, nous avons discuté sur la

11 base des informations, des rapports que j'ai reçus sur les positions et

12 sur les opérations de combat avec l'armée.

13 M. Rodrigues. - Je parle surtout d'Ahmici : avez-vous parlé ou

14 quelqu'un a-t-il parlé des combats qui se sont déroulés à Ahmici ?

15 M. Blaskic (interprétation). – Tout particulièrement à ce

16 moment-là, je n'en ai pas parlé moi-même, sauf que j'ai demandé de

17 vérifier les rapports, au moment où l'on m'a informé des positions

18 momentanées. Ce n'était absolument pas étrange, car cela se rapportait à

19 toute autre localité, parmi la vingtaine de localités.

20 M. Rodrigues. – Une autre question que je dois poser : je crois

21 savoir qu'il y avait plus ou moins cinq ou six personnes qui assistaient à

22 cette réunion collective. Combien de personnes participaient à ces

23 réunions collectives quotidiennes ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Cela dépend, mais, en gros, entre

25 cinq et six. Cela dépendait également des sujets qui allaient être

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1 traités. Il y avait des tâches à remplir. Mais, à partir du 16 avril

2 jusqu'au 20 avril…

3 M. Rodrigues. – Un nombre de cinq à six ; cela dépendait un peu.

4 Je comprends tout à fait : on peut avoir un jour avec quatre et un autre

5 avec six. Entre le 16 avril et le 22 avril, aucune personne présente à

6 cette réunion n'a parlé des combats à Ahmici ou bien quelqu'un en a-t-il

7 parlé ?

8 M. Blaskic (interprétation). - A ce moment-là, je l'ai dit, les

9 opérations de combat se déroulaient, étaient en cours. Par conséquent,

10 nous recevions les rapports et nous avons réagi sur les rapports. Ceci

11 ressort du journal opérationnel.

12 M. Rodrigues. - Vous comprenez bien ma question, je crois : je

13 parle des rapports, des informations relatives à Ahmici, je ne parle pas

14 des autres. Je parle d'Ahmici, spécifiquement.

15 M. Blaskic (interprétation). - Moi aussi, Monsieur le Juge, je

16 parle de la même chose, je parle d'Ahmici. On a parlé d'opérations de

17 combat en cours, on a dit que les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine

18 se trouvaient autour de l'école, autour de la mosquée, qu'il y avait des

19 opérations, que l'armée s'est déplacée du côté du village, à cinquante

20 mètres à peu près, qu'il y avait des opérations de combat. Nous avons eu

21 de telles informations, il y avait de tels rapports militaires que j'ai

22 reçus.

23 M. Rodrigues. - Et les informations, pour vous et les personnes

24 présentes dans cette réunion, étaient-elles positives ou négatives ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Cela a tout simplement témoigné

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1 de la violence des opérations de combat. C'était quelque peu à mi-chemin :

2 ce front se déplaçait vers le nord, au-dessus du village, mais pas à un

3 niveau tactique tel.

4 M. Rodrigues. - Si quelqu'un a parlé de violence, peut-être la

5 personne a-t-elle parlé de violence, préoccupée par le sens de perdre ou

6 de gagner une bataille ? Avez-vous quelque idée si cette violence a

7 entraîné une idée positive ou négative ? Excusez-moi : positive ou

8 négative du côté du HVO ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Comme les combats ont duré toute

10 la journée, entre les unités du HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine, les

11 opérations étaient statiques. Ce n'est que par la suite que cette ligne a

12 été déplacée, mais très peu. Même pour le niveau tactique, ces

13 déplacements minimes étaient au détriment de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine, mais temporairement.

15 M. Rodrigues. - Quand vous dites que les combats duraient toute

16 la journée, de quelle journée parlez-vous ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Je parle du 16 avril.

18 M. Rodrigues. - Et ces combats se déroulaient pendant la journée

19 à Ahmici ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Selon les informations, à partir

21 de 11 heures 42, à Ahmici.

22 M. Rodrigues. – Excusez-moi d'insister, mais j'aimerais bien que

23 vous répondiez directement à mes questions. Quand quelqu'un a dit que les

24 combats se déroulaient avec violence, le 16 avril, à Ahmici, est-ce que

25 cette idée de violence a associé une idée positive ou négative, du côté du

Page 21526

1 HVO ?

2 M. Blaskic (interprétation). - Les combats, selon les rapports

3 et selon mes souvenirs.

4 M. Rodrigues. - Ma question est de savoir si cette idée de

5 violence que quelqu'un a mentionnée au cours de la réunion, vous avez dit

6 que les combats se déroulaient avec violence. Je vous demande, et la

7 réponse doit être à mon avis, oui, non, ou je ne sais pas. Ma question est

8 celle-ci : l'idée de violence a entraîné l'idée positive ou négative, donc

9 de succès ou pas par rapport au HVO ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Je vais essayer de vous répondre

11 de la manière la plus précise possible. Selon les rapports que j'ai reçus,

12 selon mon souvenir également, ce combat était un combat équilibré.

13 M. Rodrigues. - Selon ce qui a été dit dans la réunion, pas

14 selon les rapports, mais selon ce qui a été dit dans la réunion ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Selon ce qui a été dit, il y

16 avait un combat statique qui durait sans que le front soit déplacé des

17 deux côtés. Donc le combat qui dure dans le temps.

18 M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

19 les Juges, je pense que c'est le terme de la traduction qui n'est pas

20 bonne. Il s'agit de la traduction. Le général utilise donc la force. En

21 anglais on dit "violence", ce n'est pas la même chose. C'est l'ardeur, la

22 force, l'intensité du combat, non pas la violence.

23 M. Rodrigues. - De toute façon, je vais changer, après ce que

24 vous avez dit. Au lieu d'utiliser le mot "violence", je vais utiliser le

25 mot "intensité". Quand quelqu'un, dans la réunion a dit que les combats se

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1 développaient avec intensité, y a-t-il eu la possibilité de conclure ou

2 quelqu'un a-t-il verbalisé une idée positive ou négative du côté du HVO ?

3 Quand je dis positive ou négative, je veux dire avec succès ou

4 probabilité de succès pour le HVO.

5 M. Blaskic (interprétation). - Ce jour-là, le 16 avril, il

6 s'agissait d'un combat statique, sans déplacement et sans succès de qui

7 que ce soit. Les forces étaient confrontées et tiraient les unes sur les

8 autres. C'était le 16 avril. C'est le lendemain matin que les déplacements

9 ont eu lieu, entre 50 et 150 mètres.

10 M. Rodrigues. - A quelle heure le lendemain matin ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Si vous me permettez de regarder

12 ma chronologie, car il s'agit des minutes, Monsieur le Juge.

13 M. Rodrigues. - A 10 heures, à 5 heures du matin, à quelle

14 heure ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Puis-je consulter ma

16 chronologie ? Je vais vous répondre.

17 M. Rodrigues. - Il faut dire à 9, à 10 ou à 11 heures, vous

18 n'avez aucune idée.

19 M. Blaskic (interprétation). - C'est difficile à évaluer. Il y

20 avait 20, 22 lieux où il y avait des combats. D'une minute à l'autre, les

21 actions se développaient, se déroulaient. Je peux regarder ma chronologie

22 pour vous répondre.

23 M. Rodrigues. - Vous pourriez consulter votre chronologie

24 pendant la pause.

25 M. le Président. - Je voudrais surtout que la défense comprenne

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1 bien que pour les Juges ce sont des moments très importants par rapport à

2 l'acte d'accusation. Notre souhait est de trouver la vérité. Si le

3 colonel Stewart avertit pour la première fois votre client des atrocités

4 le 22 avril et que votre client nous dit que, dès le 20 avril, il avait

5 donné des ordres verbaux qui sont, semble-t-il, corroborés par un ordre

6 écrit du 10 mai.

7 Les Juges sont à la recherche, dans tous les propos de votre

8 client, d'arriver à trouver la corroboration puisque la preuve formelle

9 n'existe pas. Nous savons tous que, dans tous les systèmes judiciaires,

10 les preuves formelles sont les meilleures, mais elles ne sont pas

11 totalement impérieuses. Tous les systèmes judiciaires savent que les Juges

12 se déterminent en fonction de preuves écrites, de preuves formelles, mais,

13 également, par tout un ensemble de considérations. C'est pour cette

14 recherche de la vérité que nous sommes mandatés dans ce Tribunal. Merci

15 pour votre contribution, Juge Rodrigues.

16 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je

17 vais revenir à l'essence même. Nous essayons de prouver qu'il y a une

18 autre preuve, outre écrite, qu'il y avait cet ordre émis pour vérifier ce

19 qui s'est passé à Ahmici. Général, dans le peuple on a pensé qu'Ahmici

20 était une victoire. Vous, en tant que stratège, pensez-vous que le HVO a

21 profité de ce qui s'est passé sur place et où devait se trouver le HVO

22 durant cette journée ? Etait-ce la victoire ou non ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Ce n'était pas la victoire. Et

24 j'ai dit que c'est le peuple qui avait interprété cela comme une victoire.

25 C'étaient les civils qui le disaient et non pas une personne

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1 expérimentée, un commandant de peloton n'aurait jamais tiré une telle

2 conclusion.

3 M. Nobilo (interprétation). - Général, si vous avez opéré à

4 Ahmici, qu'auriez-vous décidé, quelle aurait été votre manoeuvre ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Chaque fois, il aurait fallu

6 éviter les opérations de combats dans les villages qui sont habités. Il

7 n'y a aucun commandant qui aurait accepté de planifier les opérations et

8 de prévoir que ces opérations allaient passer par le centre ville. Le

9 meilleur exemple est Grbavica.

10 M. Nobilo (interprétation). - Excusez-moi, le temps passe vite.

11 Je suis devenu comme Me Kehoe et c'est pourquoi je vous interromps. Que

12 veut dire manoeuvre ? Où auriez-vous dû vous rendre si vous étiez le chef

13 des opérations ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Sur la côte qui domine le village

15 et éviter toutes les opérations de combat dans le village même. C'est la

16 tactique qui s'applique normalement par des professionnels.

17 M. Nobilo (interprétation). - Après 11 heures 42, lorsque vous

18 avez appris qu'il y avait des opérations de combat dans Ahmici, avez-vous

19 demandé à Pasko Ljubicic qui avait guidé cette opération ?

20 M. Blaskic (interprétation). - J'ai demandé qu'il monte sur les

21 montagnes et à gauche et à droite, monter les flancs de la colline.

22 C'était la même situation qui était à Gomionica.

23 M. Nobilo (interprétation). - Revenons à Ahmici, s'il vous

24 plaît. Une fois de plus, Slavko Marin était-il membre de votre

25 commandement collectif ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Non.

2 M. Nobilo (interprétation). - Pendant les premiers jours de

3 guerre, le 16 avril, les 17 et 18 avril, Nakic faisait-il partie du

4 commandement collectif ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Non.

6 M. Nobilo (interprétation). - Etait-il au commandement ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Non.

8 M. Nobilo (interprétation). - Quand Nakic est-il réapparu la

9 première fois ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Je pense que c'était le 20 avril,

11 je suis sûr que c'était le 21 avril.

12 M. Nobilo (interprétation). - Une fois que Nakic, le chef

13 d'état-major de la zone opérationnelle, est venu au quartier général,

14 Slavko Marin a-t-il assisté aux réunions du commandement collectif ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Non, il n'a jamais assisté aux

16 réunions au moment où Nakic était au quartier général. Slavko Marin n'a

17 jamais assisté aux réunions collectives au moment où Nakic y était.

18 M. Nobilo (interprétation). - La demande concernant l'enquête

19 sur Ahmici et les sanctions à entreprendre faisaient-elle partie des

20 opérations de combats ? Cela était-il dans les prérogatives de

21 Slavko Marin ? Oui ou non ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Non.

23 M. Nobilo (interprétation). - Une fois de plus, dites-nous très

24 brièvement pourquoi vous pensez que le fait que l'ordre écrit délivré à

25 votre adjoint pour l'enquête à Ahmici est en même temps la preuve qu'avant

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1 cet ordre écrit il y a eu un ordre verbal. Pourquoi pensez-vous que c'est

2 la preuve en soi ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Parce que tous les commandements

4 de toutes les armées, à ma connaissance, travaillent en équipe, ont une

5 approche d'équipe et fonctionnent de la même manière. En d'autres termes,

6 en délivrant les ordres verbaux enregistrés dans les journaux personnels,

7 alors que l'ordre écrit est une indication que celui qui est supérieur

8 n'est pas satisfait avec les résultats obtenus ou qu'il veut les

9 accélérer, ou qu'ils soient exécutés le plus vite possible.

10 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous nous énumérer dans

11 quels cas à l'adjoint, à votre collègue vous émettez un ordre écrit ?

12 Quels sont les cas drastiques ?

13 M. Blaskic (interprétation). - S'il y a un manque de confiance,

14 si la confiance a été mise en question, ou dans les cas où des choses

15 dramatiques se produisent au niveau des relations du commandant et de son

16 adjoint. Mais c'est vraiment très rare et tout à fait exceptionnel.

17 M. Nobilo (interprétation). - Dans ces cas-là, c'est de refuser

18 de mettre à exécution l'ordre ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Certainement pas refuser, mais

20 vous pouvez faire obstacle. On peut recevoir l'ordre et ensuite donner à

21 la connaissance des supérieurs que cet ordre n'a pas été exécuté de

22 manière complète, ou que les résultats ne sont pas complets. On peut faire

23 obstacle à la mise à exécution. Il y a cet avertissement qu'il est

24 indispensable de mettre à exécution la tâche qui lui est assignée.

25 M. Nobilo (interprétation). - S'il s'agit d'un ordre écrit qui

Page 21532

1 est un avertissement, une menace, pensez-vous que, du point de vue

2 militaire, il est logique, si vous demandez à quelqu'un de faire quelque

3 chose, de le menacer tout de suite ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Non, en général, cela ne se pose

5 jamais au niveau du commandement de la brigade et du commandement

6 collectif. On donne des ordres verbaux à des collègues membres du

7 commandement collectif. On les enregistre donc. Ce n'est que s'il y a une

8 conséquence dramatique ou si le commandant est méfiant ou n'est pas

9 content des résultats, c'est alors un ordre écrit que l'on délivre, mais

10 c'est vraiment une exception.

11 M. Nobilo (interprétation). - Vous avez décrit l'ordre demandant

12 l'enquête du 10 mai 1993, vous avez dit que c'était une exception. Mais

13 vous avez donné un autre ordre par écrit. Pourriez-vous nous dire ce qui

14 s'est passé par la suite ? Avez-vous noté combien de fois et quand vous

15 avez demandé une enquête sur Ahmici ?

16 Si vous avez ces informations, donnez-les-nous. Autrement,

17 consultez vos notes pendant la pause.

18 Pourquoi avoir donné un ordre par écrit, un second ordre ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Le premier rapport a été assez

20 superficiel et les premières conclusions dans le premier rapport n'ont pas

21 permis de parvenir à des résultats concrets. Mais il est dit que l'enquête

22 allait se poursuivre et j'ai insisté à plusieurs reprises ; c'est indiqué

23 dans ma chronologie. J'ai demandé des enquêtes complémentaires et que les

24 conclusions me soient envoyées. Je voulais créer un climat plus favorable

25 à une enquête, ce qui impliquait de démanteler la structure de

Page 21533

1 commandement de la police militaire et d'exclure de la police militaire

2 les personnes qui avaient des casiers judiciaires afin de créer un

3 meilleur climat et de permettre le bon déroulement de l'enquête.

4 M. Nobilo (interprétation). - Passons à autre chose, qui a

5 toujours trait à Ahmici. L'adjoint chargé de la sécurité, Anto Sliskovic,

6 était placé sous votre autorité exclusive ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Non, il était directement

8 subordonné au responsable de la direction de la sécurité à Mostar. Les

9 ordres qu'il recevait de ses supérieurs avaient une priorité absolue sur

10 mes propres demandes et ordres.

11 M. le Président. - Dans l'ordre du 10 mai, qui appelez-vous

12 l'ONO qui, dans la traduction que j'ai sous les yeux, est officier des

13 opérations et de la formation ? Mais il y a marqué "peut-être".

14 Donnez la pièce au général Blaskic, s'il vous plaît. J'ai la

15 pièce en français. Avez-vous la pièce ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. C'est

17 l'organe chargé des opérations et de la formation à Vitez. Oui,

18 effectivement, il était responsable de cette section, de ce bureau pour le

19 district militaire de Vitez.

20 M. le Président. – J'en déduis que, dans cet ordre du 10 mai,

21 suite à ce que vous a dit le Juge Rodrigues, dans votre esprit, il y a

22 bien eu une relation entre les atrocités, le crime d'Ahmici et l'opération

23 de combat d'Ahmici ? Il y a bien eu un lien ? Vous l'avez fait ce lien ?

24 Vous ne comprenez peut-être pas ma question. Je la répète : ma

25 préoccupation est toujours de savoir comment corroborer cet ordre verbal.

Page 21534

1 Vous nous dites : "J'ai donné un ordre écrit. Cet ordre était

2 exceptionnel. Ce qui prouve bien a contrario que j'avais donné cet ordre".

3 Je me suis fait communiquer l'ordre écrit du 10 mai par M. le

4 greffier. Dans cet ordre, vous désignez comme responsable de l'enquête le

5 SIS et vous nous dites que ce SIS prend ses ordres à Mostar ; c'est

6 possible. Il n'empêche que c'est vous qui prenez en main la direction de

7 l'enquête. Vous êtes d'accord : c'est vous qui prenez l'enquête en main ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai

9 demandé l'ouverture d'une enquête auprès de l'assistant chargé de la

10 sécurité.

11 M. le Président. – (Inaudible) Je vous l'ai déjà fait observer

12 au cours du contre-interrogatoire. Le point 1 de l'ordre dit : "Rassembler

13 toutes les informations". Quand on dit "rassembler des informations et me

14 soumettre un rapport au sujet des événements", c'est une façon de conduire

15 une enquête, de s'estimer en charge de l'enquête. Si c'était vrai ce que

16 vous dites, si c'était conforme à votre cohérence, vous n'auriez présenté

17 que l'ordre numéro 2 : "Je nomme l'assistant pour être responsable de

18 cette tâche". Mais votre assistant est responsable de l'exécution de

19 l'ordre selon le point 1. Je parle en même temps pour vos défenseurs, bien

20 entendu.

21 Mais là n'est pas ma question. Je vous ai posé cette question et

22 je ne veux pas faire perdre de temps à la défense. On peut considérer que

23 vous avez vous-même pris en charge l'enquête. Peu importe, ce n'est pas ma

24 question.

25 Ma question, suite aux observations du Juge Rodrigues, est :

Page 21535

1 vous êtes bien obligé, quand vous désignez l'assistant du SIS, le 10 mai,

2 l'assistant du service de sécurité, vous êtes bien obligé de faire la

3 connexion avec Marin, chef des opérations ? Oui ou non ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Il était habituel que tous les

5 documents soient également envoyés à la section opérationnelle. Par

6 conséquent, je pense que tous les documents ont été envoyés.

7 M. le Président. – Général Blaskic, je vous parle de ce

8 document-ci. Quand vous désignez un service qui n'a rien à voir avec

9 Ahmici, le service de sécurité, vous vous souvenez, vous ne voulez pas

10 désigner le commandant de la police militaire pour mener l'enquête, car

11 vous pensez que cette enquête ne serait pas faite objectivement. J'admets.

12 Vous désignez donc un service qui ne connaît rien au combat d'Ahmici :

13 vous êtes d'accord ? Vous les avez d'ailleurs choisis pour cela, pour être

14 objectifs. Est-ce que vous me suivez ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Effectivement, ils étaient

16 chargés de conduire des enquêtes pour toutes les institutions.

17 M. le Président. – Ne me répondez par de façon théorique,

18 Général Blaskic, répondez-moi sur des points précis : vous les choisissez

19 parce qu'ils ne sont justement pas la police militaire que vous

20 soupçonnez. Ils ne connaissent donc rien aux opérations de combat

21 d'Ahmici, rien ; ils ne sont pas compétents pour cela.

22 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas eu l'interprétation,

23 Monsieur le Président.

24 M. le Président. – Je demande à l'interprétation de faire bien

25 attention à ce que je dis. Je vais répéter cela lentement.

Page 21536

1 Vous désignez l'assistant du SIS parce qu'il répond, à vos yeux,

2 aux conditions d'objectivité totale ? Oui ou non ?

3 M. Blaskic (interprétation). - Oui, absolument : objectivité

4 totale. Car, au-dessus d'eux, il n'y a que la commission conjointe.

5 M. le Président. – Ils ne connaissent pas ce qui s'est passé à

6 Ahmici, au moment où vous les désignez ? Ils ne savent pas ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas précisément de

8 quelles informations il disposait alors. Le service de sécurité est chargé

9 de la sécurité intérieure, mais je ne pense pas qu'il connaissait tous les

10 détails.

11 M. le Président. – Je voulais dire… (Inaudible)

12 M. Blaskic (interprétation). – Non, non.

13 M. le Président. – C'est évident. Donc, à mon avis, vous êtes

14 obligé de leur dire de se mettre en relation avec le responsable des

15 opérations, Marin ? Oui ou non ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je considérais que je n'avais pas

17 pour obligation de leur dire cela. Ils avaient la compétence pour exercer

18 un contrôle sur tout.

19 M. le Président. – Vous les avez désignés comme destinataires de

20 votre ordre, officiers des opérations. C'est donc que vous estimiez qu'il

21 y avait une relation à faire entre les deux ? Oui ou non ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Ils sont indépendants dans le

23 cadre des enquêtes. Ce sont des professionnels et ils sont indépendants.

24 M. le Président. – Si vous voulez nous faire partager votre

25 conviction, qui est très grande, que vous voulez connaître la vérité, vous

Page 21537

1 êtes bien obligé, en désignant le SIS, de leur dire d'une façon ou d'une

2 autre : "Renseignez-vous sur ce qui s'est passé dans cette fameuse

3 victoire militaire d'Ahmici, dans ces combats violents, intenses", comme

4 vous l'avez dit au Juge Rodrigues. Vous êtes bien obligé de faire ce

5 lien ? Oui ou non ?

6 M. Blaskic (interprétation). - Peut-être n'ai-je pas très bien

7 compris la question, Monsieur le Président.

8 M. le Président. – Je vais la répéter : vous demandez à un

9 service d'enquête indépendant de rassembler des preuves sur ce que vous

10 savez, le 10 mai, des atrocités d'Ahmici, vous le savez depuis la lettre

11 du colonel Bob Stewart. Vous nous dites que vous avez donné des ordres

12 verbaux entre le 20 avril et le 10 mai.

13 Ma question concerne l'ordre écrit du 10 mai. Je voudrais savoir

14 si vous avez mis en relation le général Marin, chef de vos opérations,

15 avec l'assistant du SIS. Oui ou non ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je ne les ai pas mis en relation

17 parce que je pensais que le SIS avait compétence pour consulter tous les

18 documents, pas seulement les documents de nature opérationnelle, mais tous

19 les documents liés au district militaire.

20 M. le Président. – Vous l'avez faite, la connexion ! C'est

21 marqué dans les destinataires : Officier des opérations. Et vous nous avez

22 dit tout à l'heure que c'était bien Marin.

23 M. Blaskic (interprétation). – Oui, parce que tous les documents

24 sont transmis au secteur des opérations, tous les documents délivrés.

25 M. le Président. – Très bien : tous les documents sont transmis.

Page 21538

1 Donc ma question pour essayer de corroborer ce fameux ordre verbal que

2 vous auriez donné : est-ce que, dans les réunions collectives que vous

3 avez tenues, à un moment donné, avez-vous dit à Marin : "Au fait, Marin,

4 je vais charger le SIS de cette enquête. Tu vas être interrogé par eux

5 pour savoir ce qui s'est passé à Ahmici" ?

6 L'avez-vous fait ? Oui ou non ?

7 M. Blaskic (interprétation). - Je ne l'ai pas fait, car Marin

8 n'a jamais été membre de mon équipe. Si cela avait été le cas,…

9 M. le Président. – Vous êtes sept officiers dans ce quartier

10 général ; c'est la guerre, une guerre atroce. Et vous me répondez

11 organigramme.

12 J'essaie de corroborer votre préoccupation morale des atrocités

13 d'Ahmici. J'essayais de savoir si, conformément à votre ordre du 10 mai,

14 vous aviez dit à un moment à Marin : "Au fait, mets à la disposition du

15 SIS tous les éléments que tu as sur les combats d'Ahmici". L'avez-vous

16 fait, oui ou non ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Le dossier d'Ahmici a été

18 élaboré, je crois, le 25 avril ou le 22 avril, avec le chef d'état-major.

19 Tout ce qui existait a été mis à la disposition du SIS. Le SIS avait la

20 compétence, quelle que soit ma propre volonté, de mener des enquêtes dans

21 tout le HVO.

22 M. le Président. – On relira tous les transcripts du général

23 Marin. Les Juges reliront tous les transcripts, notamment ceux du général

24 Marin.

25 Je voudrais savoir si, à un moment donné, vous avez dit à

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1 Marin : "Au fait, tu te souviens que, le 20 avril, j'ai donné un ordre

2 pour connaître ce qui s'est passé au sujet des crimes d'Ahmici. Je vais

3 répéter cet ordre le 10 mai. Tu es destinataire. Est-ce que tu as donné

4 tous les éléments sur les combats, sur les activités militaires d'Ahmici,

5 sur l'activité militaire d'Ahmici ?"

6 M. Blaskic (interprétation). - Je n'ai pas eu de discussion avec

7 Slavko Marin sur ce point en particulier, mais avec Franjo Nakic, oui, le

8 chef d'état-major. C'était vers le 22 avril. J'ai eu une réunion avec

9 Franjo Nakic. J'ai composé ce dossier contenant tous les rapports. Ce

10 dossier a été mis à la disposition du service chargé de la sécurité. Tous

11 les ordres et tous les rapports du 15 au 22 avril ont été mis à la

12 disposition. C'était un dossier contenant entre 80 et 100 documents placés

13 à la disposition du service de la sécurité.

14 M. le Président. - Il était bien fait ce premier dossier.

15 Pourquoi réitérer un ordre du 10 mai ? Vous avez 80 ou 100 documents qui

16 ont, hélas, disparu. On a fait du travail. Or, vous dites dans votre ordre

17 du 10 mai "Rassemblez toute les informations, depuis plusieurs jours

18 diverses rumeurs courent dans le public". Ce ne sont pas des rumeurs

19 puisque vous me dites que le 25 avril vous avez un dossier de 80 ou

20 100 documents sur les meurtres, sur les atrocités d'Ahmici. Vous en avez

21 des documents ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Président, c'était un

23 dossier portant sur toutes les opérations, c'étaient tous les rapports,

24 tous les ordres. Ce n'était pas un dossier portant sur le crime d'Ahmici

25 en particulier. Le 22 avril 1993, les rumeurs...

Page 21540

1 M. le Président. - J'en ai terminé en ce qui me concerne.

2 M. Rodrigues. - Y a-t-il quelques différences entre les

3 destinataires de votre ordre oral et les destinataires de votre ordre

4 écrit ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, si je donne un

6 ordre oral, le destinataire doit écrire cela dans son registre officiel.

7 Moi-même, j'ai écrit cela dans mon propre registre. Si je donne un ordre

8 écrit, dans ce cas, cet ordre doit être transmis au destinataire. Les

9 archives doivent également recevoir un exemplaire de cet ordre et il doit

10 être transmis au centre des opérations et de la formation qui distribue

11 tous ces documents. L'un des officiers de cette section supervise

12 l'application des ordres.

13 M. Rodrigues. - On doit en conclure que votre assistant pour la

14 sécurité savait bien de qui il s'agissait quand il reçoit l'ordre écrit.

15 M. Blaskic (interprétation). - Oui, il savait qu'en recevant cet

16 ordre écrit, cela voulait dire que je n'étais pas satisfait des résultats

17 suite à l'ordre oral.

18 M. Rodrigues. - Et le général Marin ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Ce n'est pas un ordre afin que le

20 général Marin agisse. Il a reçu cet ordre, le transmet à son assistant

21 chargé des opérations et ensuite, il classe ce document précisant qu'il a

22 été délivré tel ou tel jour et il le met de côté afin que le service de

23 sécurité s'en serve. Il a simplement à noter que cet ordre a été donné. Il

24 n'a pas à agir.

25 M. Rodrigues. - Je ne sais pas si c'est général ou brigadier.

Page 21541

1 Slavko Marin a pris connaissance pour la première fois quand il a reçu cet

2 ordre écrit ?

3 M. Blaskic (interprétation). - C'est possible. Si le chef

4 d'état-major ne l'avait pas informé de mon ordre oral ou la personne qui

5 était présente au cours de la réunion collective. C'est à ce moment-là

6 qu'il a peut-être appris l'existence de cette tâche pour la première fois.

7 M. Rodrigues. - En revenant à la réunion collective du 16 avril

8 où quelqu'un a parlé d'intensité des combats à Ahmici. Quelqu'un, dans

9 cette réunion, a parlé de l'intensité des combats. Vous vous souvenez

10 avoir dit cela ?

11 M. Blaskic (interprétation). - Qu'il y avait effectivement des

12 combats intenses, oui, je m'en souviens.

13 M. Rodrigues. - Saviez-vous que vous aviez des unités du HVO à

14 Ahmici ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Des unités de la police

16 militaire, leur commandant m'en a informé. Il m'a dit qu'elles se

17 trouvaient à Ahmici au cours de la matinée vers à 11 heures 42, le

18 16 avril.

19 M. Rodrigues. - Cette intensité, dont quelqu'un a parlé à la

20 réunion, le 16, n'a pas suscité votre curiosité, ou peut-être votre devoir

21 en tant que commandant de la zone opérationnelle de savoir quels ont été

22 les résultats des combats statiques que vous avez dit. Le 16, vous avez

23 appris qu'il y avait intensité de combats.

24 Le 17, le 18, le 19, le 20, le 21, vous n'avez jamais demandé

25 quel a été le résultat de ces combats aussi intensifs ?

Page 21542

1 M. Blaskic (interprétation). - Non seulement j'avais demandé

2 cela, mais, en plus, j'avais demandé un rapport écrit, des informations

3 écrites afin de savoir quelle avait été la conclusion de ces combats. J'ai

4 tenté d'avoir des informations. Il n'y avait pas seulement des combats à

5 Ahmici, mais dans 21 autres endroits. Il y avait des combats intenses dans

6 d'autres endroits. Puis, l'hôtel a été touché ce matin-là.

7 M. Rodrigues. - Quand vous avez dit : "Non seulement j'ai

8 demandé des rapports écrits", je crois que vous dites que vous aviez

9 demandé oralement et par écrit l'information, c'est cela que j'ai compris.

10 M. Blaskic (interprétation). - J'étais en contact avec les

11 commandants par téléphone. J'ai demandé des informations et des rapports

12 sur les événements de Busovaca et de Vitez.

13 M. Rodrigues. - ... ce que vous avez demandé, pour la première

14 fois après le 16, et le 16 même, vue l'intensité des combats, quand avez-

15 vous demandé des informations sur le résultat du combat ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais plus exactement, mais

17 mes demandes d'informations et de rapports, tout cela figure dans ma

18 chronologie. C'étaient des informations minute après minute. Le téléphone

19 sonnait toutes les cinq minutes. On me parlait de l'intensité des combats,

20 des résultats, etc.

21 M. Rodrigues. - Je peux comprendre votre réponse, mais pour un

22 commandant d'une zone opérationnelle, quand quelqu'un dit qu'il y a un

23 combat intense, le 16, il paraît normal d'essayer, le même jour ou le jour

24 suivant, de savoir. Ou allez-vous le savoir un mois après seulement ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Monsieur le Juge, à ce moment-là,

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1 des combats avaient lieu, nous l'avons vu ici, en 22 endroits. Il

2 s'agissait de combats intenses dans une situation d'encerclement total.

3 J'ai fait tout ce que j'ai pu pour recevoir des informations aussi

4 complètes que possible. J'ai demandé des informations spécifiques et des

5 rapports spécifiques.

6 M. Rodrigues. - Merci.

7 M. Nobilo (interprétation). - Pièce de la défense 280. Il s'agit

8 d'un rapport écrit d'Ahmici qui est arrivé le 16 avril 1993. Général, en

9 dehors de ce rapport écrit, avez-vous reçu des rapports oraux au cours de

10 la journée sur les combats à Ahmici ? Avant ce rapport, avez-vous reçu des

11 rapport oraux sur les combats d'Ahmici le 16 avril 1993 ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Non, le premier rapport était le

13 rapport de 11 heures 42 le 16 avril 1993.

14 M. Nobilo (interprétation). - Après cela, avez-vous reçu des

15 rapports oraux sur les événements se déroulant à Ahmici du commandant

16 Pasko Ljubicic, par téléphone ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

18 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous demandé des rapports

19 écrits également, en dehors de ces informations communiquées oralement ?

20 M. Blaskic (interprétation). - Oui, et on le voit sur ce

21 document D280. Il cite d'ailleurs l'ordre que j'ai donné. Au cours des

22 jours qui ont suivi, non seulement j'ai donné des ordres mais aussi des

23 avertissements disant que je devais pouvoir disposer d'informations

24 complètes et véridiques sur les événements.

25 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, le 16 avril, parmi

Page 21544

1 tous les rapports oraux et dans ce rapport écrit ou outre ces

2 informations-là, ou plutôt dans le cadre de ces informations, avez-vous

3 appris qu'un crime avait été commis à Ahmici ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Non.

5 M. Nobilo (interprétation). - Autre chose. Les documents, les

6 ordres que vous avez donnés, quels qu'ils soient, sont-ils immédiatement

7 envoyés à cet ONO, organe des opérations et de la formation, ou s'agit-il

8 simplement de certains de vos ordres ? Ou bien est-ce une pratique

9 routinière ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Oui, c'est une pratique

11 routinière. Tous les ordres vont à ce service et une personne a pour tâche

12 d'enregistrer ces ordres, de superviser l'application de ces ordres et les

13 délais d'application.

14 J'ai signé plus de 400 ordres par mois. Je ne pouvais pas garder

15 le souvenir et surtout superviser tous les ordres et l'effet de ces

16 ordres. C'est pourquoi il y avait une personne, dans cette section des

17 opérations et de la formation, qui enregistrait les ordres donnés et en

18 supervisait l'application. Il se souviendrait sans doute des ordres qui

19 devaient être appliqués et des délais respectés pour l'application de ces

20 ordres.

21 M. Nobilo (interprétation). - Par conséquent, le fait d'envoyer

22 à ces services, l'ONO, était-ce simplement une pratique administrative ou

23 avait-il aussi un aspect opérationnel ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Non, non, c'était une pratique

25 tout à fait administrative. Cela n'avait rien à voir avec les combats.

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1 M. Nobilo (interprétation). - Ces ordres oraux relatifs à une

2 enquête et l'ordre écrit relatif à l'enquête dans le cas d'Ahmici ont-ils

3 été transmis à la même personne ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

5 M. Nobilo (interprétation). - Et le poids d'un ordre oral

6 diffère-t-il d'un ordre écrit ?

7 M. Blaskic (interprétation). - C'est la même chose, ils doivent

8 être appliqués. Pour le soldat, cela ne fait aucune différence, ils ont la

9 même valeur, le même poids.

10 M. Nobilo (interprétation). - A la fin de l'enquête, lorsque le

11 commandant du SIS, Ante Sliskovic, le responsable du SIS, vous a dit que

12 le dossier avait été envoyé à Morstar, sur ordre, aviez-vous la compétence

13 pour lui ordonner d'agir de façon différente ?

14 M. Blaskic (interprétation). - Non, étant donné cette chaîne de

15 commandement double, sa priorité était des priorités fixées par son

16 responsable qui se trouvait à Mostar. Il devait donc agir et exécuter les

17 tâches qui lui étaient affectées par ses supérieurs. Moi, je n'étais pas

18 autorisé, je n'avais pas de possibilité de modifier cette décision ou la

19 tâche affectée à cet homme.

20 M. Nobilo (interprétation). - Quand Ante Sliskovic, le chef du

21 SIS, vous a dit qu'il avait reçu l'ordre de ses supérieurs d'envoyer le

22 dossier à Mostar, son enquête, saviez-vous ce qui allait se passer, à

23 cette époque bien sûr, pas aujourd'hui ?

24 M. Blaskic (interprétation). - A cette époque, je pensais que

25 les compétents de la direction de la sécurité allaient poursuivre

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1 l'enquête, que les organes suprêmes allaient poursuivre l'enquête et tout

2 ce qui est lié à ce qui s'est passé à Ahmici.

3 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous pensé qu'ils allaient

4 mener à terme mieux ou moins bien que vous ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Mieux que moi, bien sûr parce

6 qu'ils ont un pouvoir supérieur au mien. Il fallait aussi priver de

7 liberté un certain nombre de personnes, alors que je n'avais pas ce

8 pouvoir et cette compétence.

9 M. Nobilo (interprétation). - Après la nouvelle que le dossier

10 est parti à Mostar, avez-vous reçu des signaux selon lesquels vous auriez

11 pu conclure que des choses se passaient ? Avez-vous pu remarquer que des

12 choses indiquaient que des choses se passaient ?

13 M. Blaskic (interprétation). - J'ai reçu l'information que les

14 hauts fonctionnaires, les officiers, ont à deux reprises, en novembre et

15 décembre, séjourné sur place, qu'ils ont vérifié l'enquête qui a été faite

16 et je croyais qu'ils allaient sanctionner les personnes qui ont été

17 inculpées pour les crimes.

18 M. Nobilo (interprétation). - Qu'avez-vous pensé ? Avez-vous

19 pensé que le procès allait se dérouler à Mostar ou Vitez, éventuellement ?

20 Que ce serait mieux d'un côté ou de l'autre ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Je croyais que concernant toutes

22 ces activités, que le procès aurait dû avoir lieu plutôt à Mostar, pour

23 une question de sécurité et de la situation générale autour de Vitez à

24 cette époque-là.

25 M. Nobilo (interprétation). - Parallèlement à l'enquête qui

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1 s'est terminée, avez-vous entrepris les mesures éventuellement pour

2 prévenir que les policiers -je parle des membres de la police militaire-

3 ne répètent pas les mêmes actes ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Oui. Et même dans les conditions

5 d'un encerclement total et dans une situation sans issue, j'ai passé

6 beaucoup de mon temps pour essayer d'apporter des modifications au niveau

7 de la structure du commandement avec M. Palavra qui, dans l'ex-JNA, était

8 un soldat ordinaire de rang, pour qu'il soit formé pour participer au

9 commandement et apporter des modifications fondamentales au niveau de la

10 police militaire, privant de l'activité toutes les personnes qui avaient

11 un casier judiciaire à cette époque et qui se trouvaient à la police

12 militaire.

13 J'avais demandé à ce que l'on procède à cela auparavant déjà,

14 mais sans aucun résultat, malheureusement.

15 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de toute cette période,

16 avez-vous appris un nom, un seul nom, avez-vous déposé des preuves qu'une

17 personne, telle et telle, a commis le crime à Ahmici ?

18 M. Blaskic (interprétation). - Non.

19 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous pu alors entreprendre

20 les mesures disciplinaires ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Non, le problème le plus grave

22 était justement de connaître le nom de l'auteur.

23 M. Nobilo (interprétation). - Maintenant, j'aimerais vous poser

24 la question dont il n'a pas du tout été question tout au long de ce procès

25 et je pense que c'est important. Est-ce que vous pouvez expliquer aux

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1 Juges quelle était l'ambiance ou, mieux encore, quelle était l'opinion

2 publique, du peuple dans cette enclave, dans le cadre de ce cercle rouge,

3 à l'encontre du crime qui avait été commis à Ahmici, au cours de 1993 ?

4 Pouvez-vous expliquer cela, le définir ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Il y a eu des problèmes

6 objectifs, des difficultés, sans aucun doute. S'il n'y avait qu'Ahmici, je

7 crois qu'alors cela aurait provoqué une condamnation générale de la part

8 de tous les citoyens qui habitaient ce territoire et qu'on aurait appuyé

9 les efforts pour éclaircir, élucider le crime et mener tout cela à terme.

10 M. Nobilo (interprétation). - Je vais préciser, car je pense que

11 c'est très important. Pouvez-vous expliquer à la Chambre : l'opinion

12 publique avait-elle appuyé l'enquête ou non ? C'est vous qui aviez appuyé

13 l'enquête.

14 M. Blaskic (interprétation). – Non.

15 M. Nobilo (interprétation). – Pourquoi ? Pouvez-vous expliquer

16 votre réponse à la Chambre ?

17 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait beaucoup de raisons

18 différentes. Une des raisons est qu'il ne s'agissait pas du premier crime

19 qui s'était produit. Il y a eu des crimes qui se sont produits auparavant,

20 mais, dans l'opinion publique, on a tout simplement pensé qu'il y en avait

21 qui avait un droit exclusif de publier les informations et de parler des

22 victimes ; que les autres ne l'avaient pas.

23 Ensuite, beaucoup de réfugiés arrivaient chaque jour :

24 quotidiennement, j'ai dit qu'il y avait 35 000 personnes, désespérées,

25 obligées d'observer à partir de cette enclave comment on détruisait leur

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1 propre maison, au moment où ils se sont retirés. Les soldats également se

2 sont retirés sous la pression de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

3 M. Nobilo (interprétation). – Est-ce que ces réfugiés ont

4 contribué à une approche positive ou négative vis-à-vis de l'enquête à

5 l'égard d'Ahmici ?

6 M. Blaskic (interprétation). – Négatives. Si l'on dit qu'il y

7 avait 70 000 citoyens dans l'enclave avec 35 000 réfugiés, c'est 50 % de

8 désespérés ; le reste est la population locale. Il va sans dire qu'il

9 s'agissait, par conséquent, que c'étaient les personnes désespérées, qui

10 venaient avec des petits sacs. J'ai vu les réfugiés du Kosovo sur les

11 tracteurs, l'autre jour, mais je n'ai vu personne qui avait utilisé un

12 tracteur pour se rendre sur ce territoire.

13 M. Nobilo (interprétation). – Qu'est-ce qui avait radicalisé

14 également la situation et cette résistance, cette réticence vis-à-vis de

15 l'enquête sur le crime d'Ahmici ?

16 M. Blaskic (interprétation). – Il y avait d'abord beaucoup

17 d'enfants, des vieillards, des victimes. D'autres victimes, vu le

18 pilonnage et les tireurs isolés à Busovaca, à Vitez, etc. se trouvaient

19 sur place.

20 M. Nobilo (interprétation). – Mais qu'est-ce qui se passait à

21 Vitez ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Les enfants ont été tués par les

23 pilonnages de mortiers ou les tireurs isolés. Cela a radicalisé la

24 situation. Ou bien les enfants ont été blessés. Il y avait également le

25 cas où tout une famille disparaissait entièrement. Par exemple, nous avons

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1 eu des dizaines d'enfants qui n'avaient plus aucun parent ou qui restaient

2 avec un seul parent.

3 M. Nobilo (interprétation). – Combien de personnes ont-elles été

4 tuées dans cette enclave ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait 1302 soldats et, au

6 total, à peu près 2 000 victimes. Et dans le secteur de Vitez, 650 soldats

7 ont été tués.

8 M. le Président. – C'est une longue matinée, Maître Nobilo. Nous

9 allons prendre une seconde pause. Avez-vous encore une question ou deux

10 sur ce point ?

11 M. Nobilo (interprétation). – Une question pour terminer,

12 Monsieur le Président. Malgré la situation dont il a été question, outre

13 également vos tentatives en vue de l'enquête, quelqu'un a-t-il vraiment

14 appuyé sérieusement votre enquête sur ce qui s'est passé à Ahmici ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Outre mes tentatives et mon

16 engagement personnel et des personnes du service de sécurité, il n'y en

17 avait pas. Je n'ai pas senti l'appui de qui que ce soit. D'autant que,

18 pendant près d'un an, la bataille de survie dans ce secteur a duré. Aucune

19 position n'était sûre. Même le soldat qui ne se trouvait pas dans la

20 tranchée savait qu'il n'y avait pas d'espace de territoire où il aurait pu

21 se reposer pendant une heure, en sécurité.

22 Par conséquent, la question qui se posait était de savoir

23 combien allaient survivre dans ce territoire ?

24 M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Nous

25 pouvons lever la séance maintenant.

Page 21551

1 M. le Président. – Je pense que nous allons prendre une pause de

2 vingt minutes. C'est une longue matinée. Et nous commençons à être

3 fatigués. Nous reprendrons vers midi 15 à peu près.

4 (L'audience, suspendue à 11 heures 55, est reprise à

5 12 heures 20.)

6 M. le Président. - L'audience est reprise. Je suis sûr que les

7 questions des Juges vous auront fait avancer afin de terminer à

8 13 heures 30. Je tiens à vous rassurer, si cela n'est pas terminé, nous

9 prendrons notre temps quand le Juge Shahabbudeen reviendra. Je tiens à ce

10 que les choses soient très claires et que vous puissiez accomplir votre

11 mission comme nous essayons d'accomplir la nôtre le plus complètement

12 possible.

13 Maître Nobilo, c'est à vous.

14 M. Nobilo (interprétation). - Merci de votre compréhension,

15 Monsieur le Président.

16 Général, le Procureur vous a posé des questions rhétoriques à

17 plusieurs reprises : "Dites un nom de la personne sanctionnée pour un tel

18 acte ou l'autre, etc. ". Pouvez-vous dire aux Juges comment vous-même, en

19 tant que commandant de la zone opérationnelle, vous avez vécu votre rôle

20 dans le cadre du processus de sanctionnement des auteurs des crimes ?

21 M. Blaskic (interprétation). - J'ai délivré des instructions et

22 des ordres très clairs à mes subalternes. J'ai dit que je n'allais pas

23 tolérer la commission des actes de crimes. C'est dans ce sens que mes

24 attitudes ont été parfaitement claires et connues de tous mes

25 collaborateurs.

Page 21552

1 Si après l'enquête qui a été faite, les informations me

2 m'étaient pas parvenues sur les auteurs des crimes, des actes criminels,

3 j'ai réagi, ou en envoyant une plainte ou en demandant que les autorités

4 compétentes le fassent.

5 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous considéré que, comme

6 commandant de la zone opérationnelle, c'est de votre devoir, votre

7 obligation d'enquêter des actes criminels individuels ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Non, je ne pensais pas que

9 c'était ma tâche. Ce n'était pas à mon niveau non plus de le faire, mais

10 j'ai essayé de réagir en fonction du système en place. J'ai essayé de

11 mettre en place le système qui allait fonctionner et au sein duquel les

12 personnes expérimentées, compétentes allaient procéder à ces enquêtes,

13 mener à terme les enquêtes.

14 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de votre formation, avez-

15 vous eu une formation concernant l'enquêteur des crimes ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Non, au sein de l'ex-JNA et au

17 sein du HVO, j'ai toujours essayé d'assurer que le système fonctionne et

18 que chacun, en fonction de ses propres qualités professionnelles, de ses

19 expériences, de ses compétences, remplissent ces tâches.

20 M. Nobilo (interprétation). - Concernant le sanctionnement des

21 crimes, qu'est-ce que qui était le plus difficile à faire ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Le plus difficile était de

23 découvrir les auteurs des actes criminels, parvenir au nom et prénom de

24 celui qui était l'auteur du crime.

25 M. Nobilo (interprétation). - Dans la zone opérationnelle de

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1 Bosnie centrale, et en fonction de l'ordonnance sur les forces armées et

2 autres, les législations en vigueur, quelles étaient les autres organes

3 compétents pour découvrir les crimes et les actes criminels ?

4 M. Blaskic (interprétation). - La police militaire et le service

5 de sécurité.

6 M. Nobilo (interprétation). - Qu'avez-vous pu faire concernant

7 les actes criminels, faire et demander au service militaire et au service

8 de sécurité ?

9 M. Blaskic (interprétation). - J'ai pu exiger qu'ils s'engagent

10 dans ces opérations pour découvrir les auteurs des actes criminels, mais,

11 comme je l'ai déjà précisé, vu la double chaîne de commandement, la

12 priorité avait les ordres à ceux qui leur étaient supérieurs, de Mostar.

13 M. Nobilo (interprétation). - Vis-à-vis de ces organes, avez-

14 vous délivré des ordres et avez-vous demandé de découvrir les auteurs de

15 tous les actes criminels, y compris les crimes de guerre ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Oui, je l'ai fait. J'ai répété

17 les ordres et j'ai également délivré des ordres, l'ordre sur l'ordre, en

18 informant mes supérieurs sur tous les problèmes auxquels je faisais face

19 au moment où j'entreprenais de telles actions.

20 M. Nobilo (interprétation). - Savez-vous si, même dans le cadre

21 de votre hiérarchie, ils avaient obtenu ces ordres ? Savez-vous s'ils

22 recevaient les ordres et quel type d'ordre ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Je ne sais pas quels étaient les

24 ordres qu'ils recevaient. Ils étaient autonomes, indépendants par rapport

25 à mois, dans ce sens-là.

Page 21554

1 M. Nobilo (interprétation). - Etes-vous d'accord avec

2 l'affirmation que la police militaire et le SIS n'étaient pas efficaces

3 dans la découverte des actes criminels, en 1993, dans la vallée de la

4 Lasva ?

5 M. Blaskic (interprétation). - Oui.

6 M. Nobilo (interprétation). - Quand un organe n'est pas

7 efficace, avez-vous pu modifier la structure de la police militaire ou du

8 SIS ?

9 M. Blaskic (interprétation). - Non, je n'en avais pas la

10 compétence. Je pouvais répéter dans mes exigences, insister, écrire et

11 demander que l'on procède à la modification de la structure et de la

12 hiérarchie du HVO.

13 M. Nobilo (interprétation). - Si vous ne pouvez pas changer les

14 organes qui doivent découvrir les actes pénaux, ils ne le font pas comme

15 il le faut, que pouviez-vous faire dans cette situation ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Ce que j'ai pu faire, c'est de

17 demander. Je ne pouvais pas punir qui que ce soit. Je pouvais demander de

18 changer la structure de l'organisation, aussi bien de la police militaire,

19 que ces modifications puissent être apportées au niveau de la police

20 militaire.

21 M. Nobilo (interprétation). - A partir du moment où vous voyez

22 que l'organe est inefficace, avez-vous fait quelque chose, avez-vous

23 réussi à faire des progrès ou vous n'avez rien fait ?

24 M. Blaskic (interprétation). - Non, je ne pouvais pas me

25 concilier à cela. J'ai insisté pour changer les structures de la police

Page 21555

1 militaire, sa hiérarchie. Et à partir du mois d'aôut 1993, grâce à Palavra

2 qui est arrivé et au poste de commandant de la police militaire, j'ai

3 réussi, avec lui, à parvenir à un certain nombre de changements au niveau

4 de la police militaire, de la former, cela dans la mesure où c'était

5 possible, où nous avons agi. Par conséquent, améliorer la situation sur le

6 plan des découvertes des auteurs de crime, améliorer l'ordre et la

7 sécurité et agir sur la prévention des actes criminels.

8 M. Nobilo (interprétation). - Avez-vous gardé le souvenir d'un

9 nom, d'un cas particulier. La police militaire vous a donc donné le nom ou

10 le prénom et vous n'avez pas entrepris des mesures en vue d'agir en

11 fonction du règlement disciplinaire ?

12 M. Blaskic (interprétation). - Non, cela n'existe pas. Je suis

13 sûr qu'il n'y a aucun cas, pas de nom ou de prénom que j'ai reçu sans

14 réagir, que ce soit au sein du règlement disciplinaire ou au sein d'une

15 enquête pénale. C'était connu, tout le monde le savait, non seulement les

16 membres du commandement mais mes collaborateurs le savaient.

17 M. Nobilo (interprétation). - Le Procureur vous a demandé, le

18 procès dure depuis deux ans déjà, si vous vous souvenez d'une preuve

19 quelconque, qui est ici devant les Juges, que vous avez connu le nom ou le

20 prénom d'un auteur du crime et que vous n'avez pas pris de mesures

21 appropriées. Avez-vous des preuves de ce genre-là ?

22 M. Blaskic (interprétation). - Non.

23 M. Nobilo (interprétation). - Je demande que les pièces à

24 conviction de la défense soient soumises au témoin. On ne va pas en donner

25 lecture, mais j'ai des questions à poser : D220, D219, D221, D222, D223,

Page 21556

1 D224, D225, D226, D227, D229, D230, D231, D232 et D234.

2 Général, pouvez-vous consulter rapidement l'ensemble de ces

3 documents ? J'aimerais que l'on vous remette l'ensemble de ces documents

4 et je vous priera de dire simplement aux Juges ce que représentent ces

5 documents et ce qu'ils prouvent.

6 (L'huissier s'exécute.)

7 (Le témoin consulte les documents.)

8 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez pas besoin de les

9 regarder l'un après l'autre. Je vous demande, dans leur ensemble, ce que

10 montrent les documents dont je viens de donner les cotes.

11 M. Blaskic (interprétation). - Ils montrent tous qu'il y avait

12 un suivi précis des mesures disciplinaires qui ont été prises et de

13 l'exécution de ces mesures disciplinaires, c'est-à-dire lorsqu'une

14 sanction était prise, il fallait l'appliquer, l'endroit où était appliquée

15 cette mesure disciplinaire...

16 M. le Président. - Je me permets deux observations. D'une part,

17 je salue la rapidité avec laquelle le général a pris connaissance de ces

18 documents, ce qui nous change un peu de ce qui s'est passé jusqu'à

19 présent.

20 Deuxièmement, je rappelle que les Juges n'ont pas les documents

21 sous les yeux. Nous écoutons donc le témoin qui dit ce qu'il a envie de

22 dire, mais il faut choisir une méthode, même si c'est un peu plus long. Je

23 ne dis pas qu'il faut regarder le document dans son détail, pas du tout.

24 Mais que, au moins, on le définisse très rapidement, l'objet et le

25 commentaire, au moins le numéro du document, déjà.

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1 Sinon, c'est une plaidoirie. Votre client dit ce qu'il a envie

2 de dire.

3 M. Nobilo (interprétation). - Nous venons d'énumérer les

4 documents et leurs cotes figurent au compte rendu. Ils montrent le suivi

5 très intensif des mesures disciplinaires qui ont été prises. Nous voulions

6 simplement prouver cela. Nous n'allons pas rentrer dans le détail de

7 chacun des documents. Nous voulions simplement, à un moment déterminé,

8 décrire des documents qui montrent qu'il y a eu des mesures disciplinaire

9 qui ont été prises et suivies d'effets.

10 M. le Président. - C'est une bonne méthode, de donner comme cela

11 un commentaire que vous, défenseur, vous faites, et non pas votre client

12 qui nous dit : "Voilà, tous ces documents prouvent ceci ou cela". Les

13 Juges ne peuvent pas rentrer dans ce genre de méthode.

14 Poursuivez, Maître Nobilo, s'il vous plaît.

15 M. Nobilo (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

16 J'aurais, Général, encore une question à vous poser au sujet des

17 mesures disciplinaires. Le Procureur vous a cité l'article 29 du Code de

18 procédure disciplinaire qui montre que, lorsqu'il y a une plainte liée à

19 des mesures disciplinaires, vous êtes tenu de prendre des mesures

20 disciplinaires. Vous avez dit que vous ne l'aviez pas fait. Veuillez

21 expliquer pourquoi.

22 M. Blaskic (interprétation). - Théoriquement, c'était une

23 possibilité mais, dans la pratique, s'il était établi qu'un soldat avait

24 commis un acte criminel, il était placé dans la prison de district sur

25 ordre du Procureur du tribunal militaire de district. Il était ensuite

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1 jugé et puni pour cet acte délictueux, disons, par une peine de un an à

2 cinq ans de prison. Je ne sais pas exactement si c'était cela.

3 Mais en tout cas, selon le Code de procédure disciplinaire

4 militaire, il pouvait être condamné au maximum à 60 jours d'arrêts. Ce qui

5 donc, sur un plan pratique, était inapplicable car ce soldat était

6 responsable d'un acte criminel et donc, sur base d'un ordre préalable de

7 ma part, il était écarté de l'armée. Il recevait du ministère de la

8 Défense une autre affectation et il faisait l'objet d'une plainte en

9 justice de la part du tribunal militaire de district pour son acte

10 criminel.

11 M. Nobilo (interprétation). - Quelles étaient vos possibilités,

12 vos compétences sur le plan d'une procédure pénale ?

13 M. Blaskic (interprétation). - Si je reçois le nom de l'auteur

14 d'un acte criminel, c'est-à-dire si le service de la police militaire ou

15 le service de sécurité me remet le nom de l'auteur d'un acte criminel,

16 j'avais la possibilité de porter une plainte au pénal contre l'auteur de

17 cet acte. Je l'ai fait, d'ailleurs, contre les auteurs d'actes délictueux.

18 M. Nobilo (interprétation). - Mais qui décidait si une procédure

19 était engagée ou pas ?

20 M. Blaskic (interprétation). - C'était la compétence exclusive

21 du Procureur militaire de district. Je n'avais aucune compétence, pour ce

22 qui me concerne, s'agissant d'influer sur la décision et les actes du

23 Procureur militaire de district.

24 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais maintenant que nous

25 parlions quelques instants des compétences de la police civile et de la

Page 21559

1 police militaire. Pouvez-vous dire de quelle façon était répartie cette

2 compétence ? Quand une procédure relevait-elle de la police civile et

3 quand relevait-elle de la police militaire ?

4 M. Blaskic (interprétation). - Si l'auteur d'un acte criminel

5 était un civil, les investigations étaient menées par la police civile.

6 S'il s'agissait de l'auteur d'un acte criminel commis par un soldat,

7 l'enquête était menée par la police militaire.

8 Au cas où l'auteur de l'acte criminel était inconnu, l'enquête

9 était menée par les organes de la police civile. C'est la police civile

10 qui établissait un certain nombre de documents et qui travaillait jusqu'au

11 moment où, éventuellement, on découvrait que l'auteur de l'acte délictueux

12 était un soldat, auquel cas la police civile transmettait le dossier à la

13 police militaire qui poursuivait le travail.

14 Mais c'est la police civile qui avait prééminence pour les

15 investigations et les travaux d'enquête dans le cas où l'identité de

16 l'auteur de l'acte n'était pas découverte.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais s'agissant d'enquêtes

18 criminelles de la police civile, aviez-vous la moindre compétence ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Non, il y avait l'ensemble des

20 structures de la police civile, avec ses chefs et ses subordonnés. Je

21 n'avais aucune compétence sur la police civile.

22 M. Nobilo (interprétation). - La direction de la police civile

23 a-t-elle fonctionné pendant toute la durée de la guerre dans l'enclave où

24 vous étiez vous-même présent, c'est-à-dire dans la vallée de la Lasva ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Oui, la direction de la police

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1 civile était compétente sur tout le territoire de la Bosnie centrale, elle

2 a fonctionné à Travnik jusqu'à la chute de Travnik et, ensuite, elle a été

3 transféré à Vitez et elle avait compétence pour tous les commissariats de

4 police qui se trouvaient sur le territoire de la Bosnie centrale. Je parle

5 bien des commissariats de police civile.

6 M. Nobilo (interprétation). - Y a-t-il eu le moindre changement

7 dans les compétences de la police civile sur les civils et les militaires

8 en fonction du moment, en fonction de l'état de guerre ou de paix ?

9 M. Blaskic (interprétation). – Non.

10 M. Nobilo (interprétation). – Monsieur le Président, j'aimerais

11 que nous passions à un autre sujet : il s'agit de savoir si c'est un

12 conflit interne ou international. Je suis sûr que ce sujet est

13 particulièrement intéressant pour les Juges.

14 Il y a toute une série d'ordres qui ont été tirés du livre du

15 général Bobetko et que le témoin a examinés ; il s'agit maintenant

16 d'éléments de preuve. Nous aimerions interroger à nouveau le témoin à ce

17 sujet.

18 Je demanderai que l'on remette aux Juges et au témoin les pièces

19 de la défense 406/6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 19, 20, 21 et

20 22.

21 Il s'agit d'une pièce à conviction de l'accusation.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 M. le Président. – Cela n'a pas été indiqué avant au greffier ?

24 C'est bien long tout cela.

25 M. Abtahi. - Oui, Monsieur le Président. Je m'en excuse.

Page 21561

1 M. Nobilo (interprétation). - Général, je vous demanderai de

2 regarder rapidement ces documents sans les lire, car nous n'allons pas en

3 parler en détail.

4 Regardez la date de l'émission de ces documents et prenez note

5 de la première date, de la date la plus antérieure et de la date la plus

6 postérieure. Rapidement, je vous prie.

7 M. Nobilo (interprétation). - Général, avez-vous regardé ces

8 documents du général Bobetko ? Je veux parler de ces ordres et de ces

9 autres de document tirés de son ouvrage. De quels sujets traitent-ils ?

10 M. Blaskic (interprétation). – Selon les documents que j'ai

11 reçus, ils couvrent les périodes d'avril, mai et juin 1992.

12 M. Nobilo (interprétation). - Connaissiez-vous le général

13 Bobetko ?

14 M. Blaskic (interprétation). – Je le connaissais.

15 M. Blaskic (interprétation). - Avez-vous lu son ouvrage ?

16 M. Blaskic (interprétation). – Oui, je l'ai lu.

17 M. Nobilo (interprétation). - Je demande de faire circuler un

18 document à examiner conjointement avec les autres ; c'est le premier d'une

19 série.

20 M. Abtahi. - La pièce suivante est D 574, D 574A pour la version

21 anglaise.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 M. Nobilo (interprétation). - Vous n'avez pas ces documents,

24 Monsieur le Procureur ?

25 M. Kehoe (interprétation). - Non.

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1 M. Abtahi. - L'huissier est allé faire une photocopie pour le

2 Procureur.

3 M. Nobilo (interprétation). - Général, selon ce que vous savez,

4 ayant lu le livre du général Bobetko et en vous fondant sur vos

5 connaissances personnelles, pouvez-vous dire pourquoi le général Bobetko,

6 avec les troupes de l'armée croate, est entré sur le territoire de la

7 Bosnie-Herzégovine ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Manifestement, son objectif et la

9 tâche qui lui avait été confiée consistaient à arrêter l'invasion de la

10 partie sud de la Croatie, à savoir de la région située aux alentours de

11 Dubrovnik ou de Split et de stabiliser la défense sur une ligne

12 relativement étendue de façon à créer les conditions nécessaires pour

13 mettre un terme à une occupation complète de cette région, en empêcher

14 l'occupation. Il a donc pénétré en Bosnie-Herzégovine avec ses troupes de

15 façon à donner la profondeur nécessaire aux unités de l'armée croate dans

16 ses actions de combat défensif.

17 M. Nobilo (interprétation). - Mais qui a participé à ce conflit

18 armé au moment où le général Bobetko se trouvait en Bosnie-Herzégovine ?

19 M. Blaskic (interprétation). - Il y avait, d'un côté, un conflit

20 dans cette partie de la Croatie qui bénéficiait du soutien de la

21 population croate et musulmane locale et, de l'autre côté, il y avait les

22 membres de l'armée populaire yougoslave, ou de ce qui s'appelait à

23 l'époque l'armée yougoslave, qui bénéficiait du soutien des Serbes locaux

24 que l'armée yougoslave avait mobilisés dans ses rangs.

25 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais maintenant que soient

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1 distribuées des cartes.

2 M. Abtahi. - La pièce suivante est la pièce D 575 de la défense.

3 M. le Président. - Tout le monde a-t-il les cartes ? Essayons

4 d'avancer, peut-être. J'espère, Monsieur le Greffier, que les percées

5 militaires de l'armée sont plus rapides que les communications de

6 documents ! On n'avance toujours pas. Enfin !

7 M. Nobilo (interprétation). - Ces cartes constituent la pièce à

8 conviction de la défense D 565/1, 2, 3, etc., dans l'ordre.

9 Général, je vous prierai... J'ai d'abord quelques mots

10 d'explication à formuler. Ces cartes sont des photocopies tirées de

11 l'ouvrage du général Bobetko. La carte étant en couleurs ; je me suis

12 contenté de mettre en exergue les positions de l'armée yougoslave en gris.

13 Ce que vous voyez là sont les positions de l'armée yougoslave.

14 Général, avant de parler d'une carte, d'en donner le titre et de

15 vous efforcer, le plus rapidement possible, d'expliquer ce que montre la

16 carte dont vous parlez, je vous demanderai de commencer par la pièce à

17 conviction D 575/1 et de nous dire ce qu'il est mentionné en haut de ce

18 premier élément de la pièce à conviction.

19 M. Blaskic (interprétation). - Je lis le titre : "Actions

20 planifiées et exécutées par les forces de la JNA et les unités Chetniks,

21 le 10 avril 1992".

22 La légende se lit comme suit : "Les points centraux de la

23 rébellion serbe, axe de l'attaque des forces de la JNA et des unités

24 Chetniks dans leurs actions planifiées et exécutées. Activités secrètes de

25 l'ennemi."

Page 21564

1 M. Nobilo (interprétation). - Pouvez-vous, parce que la carte

2 n'est pas très détaillée, indiquer quelles sont les frontières entre la

3 Croatie et la Bosnie-Herzégovine dans la partie sud de la carte. Je vous

4 demande de prendre le pointeur et de nous indiquer, ainsi qu'aux Juges, où

5 se situe cette frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

6 M. Blaskic (interprétation). - La frontière se situe au niveau

7 d'Arzano, Imotski –vous voyez cette ligne en pointillés-, ensuite vers

8 Borgovsi, Capljina, Pedkovic, Neum…

9 M. Nobilo (interprétation). - Au sud, le terrain est donc tout à

10 fait plat car il longe la mer. Vous voyez les flèches qui représentent les

11 directions d'attaque de l'armée yougoslave.

12 Que pouvez-vous en conclure ? En concluez-vous que les zones de

13 combat étaient unifiées à leurs yeux ou en concluez-vous qu'ils tenaient

14 compte du lieu où se trouvait la frontière ?

15 M. Blaskic (interprétation). - Le lieu des combats était

16 considéré comme unité, indépendamment de la frontière qui séparait la

17 République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie. On le

18 constate quand on constate quelles ont été les actions menées par l'armée

19 yougoslave le long de la vallée de la Neretva et dans le bassin de

20 Dubrovnik. Ainsi qu'au nord, lorsque l'on observe les actions menées par

21 le corps d'armée de Knin.

22 M. Nobilo (interprétation). – Qui tenait Knin ?

23 M. Blaskic (interprétation). – Knin se trouve sur le territoire

24 de la République de Croatie. Ces forces ont été arrêtées au nord-ouest de

25 Livno, puis au nord de Livno, puis au nord de Tomislavgrad, à savoir sur

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1 des territoires situés en Bosnie-Herzégovine.

2 Les forces dont nous sommes en train de parler traitaient la

3 zone des combats comme des zones unifiées de Split a Dubrovnik et jusqu'à

4 Kupres.

5 M. Nobilo (interprétation). – Pouvez-vous dire quels étaient les

6 plans de la JNA à en juger par la répartition de ces forces ? On voit des

7 forces de la JNA qui figurent à droite de la carte. Essayaient-elles

8 d'établir une jonction avec la partie des forces de la JNA située à gauche

9 de la carte, et dans ce cas, quelle était la signification d'une telle

10 jonction ?

11 M. Blaskic (interprétation). – En tout état de cause, les

12 opérations menées dans la vallée de la Neretva, c'est-à-dire en bas, au

13 sud, le long de la Vallée de la Neretva et dans la direction de Dubrovnik,

14 devaient se poursuivre sur la rive droite de la Neretva. Ce sont les

15 forces du corps d'armée croate de la JNA qui ont mené ces opérations.

16 Quant aux forces du camp de Knin, elles étaient déjà au nord et devaient

17 poursuivre leur opération dans la direction de Sinj afin de réaliser la

18 jonction avec les forces du corps d'armée d'Herzégovine.

19 L'interprète. – Lorsque j'ai dit corps de l'armée croate, il

20 s'agissait du corps de l'Herzégovine.

21 M. Nobilo (interprétation). – S'il y avait eu jonction des

22 forces, quelle en aurait été la signification de cette jonction ?

23 M. Blaskic (interprétation). - Si la jonction des forces de la

24 JNA s'était faite alors qu'elles étaient à ce moment-là séparées, cela

25 aurait signifié une occupation et un encerclement total de la Bosnie-

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1 Herzégovine parce que les forces du corps de Herzégovine auraient fait

2 leur percée à Ploce, et les forces de Knin auraient fait leur percée au-

3 dessus de Split.

4 M. Nobilo (interprétation). - Dans un tel cas, aurait-il été

5 possible de faire intervenir des équipements logistiques ? Aurait-il était

6 possible pour l'armée de Bosnie-Herzégovine d'obtenir du matériel et de

7 l'approvisionnement ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Non, aucune opération logistique

9 n'aurait pu être possible mais aucune aide n'aurait pu être apportée à qui

10 que ce soit parce qu'il y aurait eu un étau complet vers Neum, Livno . la

11 zone aurait été complètement encerclée.

12 M. Nobilo (interprétation). - 70 % de la Bosnie-Herzégovine

13 auraient été occupés ?

14 M. Blaskic (interprétation). – Non, pas 70 %, 100 %.

15 M. Nobilo (interprétation). - Regardons maintenant la carte

16 suivante, après le 10 avril, quand les forces croates sont entrées en

17 Bosnie-Herzégovine.

18 Une fois de plus, voici une carte qui provient de l'ouvrage du

19 Général Bobetko. Le trait violet montre les forces de l'armée yougoslave.

20 Que représente cette carte ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Cette carte représente les

22 attaques lancées par les forces de l'armée yougoslave, et les contre-

23 attaques lancées par l'armée croate.

24 Entre le 23 et le 27 avril 1992, dans la légende, il est dit :

25 "première phase de l'exécution des tâches sur le front sud, une attaque

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1 couronnée de succès, de l'ennemi a entraîné des pertes importantes. Puis

2 il est dit : "contre-attaque. Une partie du territoire perdue, renforçant

3 les défenses de la Herceg Bosna. Rompre le noyau de l'attaque de l'ennemi

4 et forcer l'ennemi à défendre le territoire occupé. Quelque chose qui est

5 occupé, on ne sait pas trop bien ce que c'est.

6 M. Nobilo (interprétation). – Voyons qui sont les parties au

7 conflit ? Qui se battait contre qui ?

8 M. Blaskic (interprétation). - Du côté attaquant, il y avait les

9 forces de l'armée yougoslave. Nous voyons ici qu'il y avait la

10 13ème brigade des partisans. Nous avons le détachement de la Défense

11 territoriale de Ljubine, Danilovgrad. De l'autre côté, nous avons les

12 forces de l'armée croate.

13 M. Nobilo (interprétation). – Très bien. Ne nous précisez pas

14 les unités ; ce n'est pas nécessaire.

15 Regardons les cartes suivantes si vous le voulez bien, et

16 notamment la date que portent cette carte.

17 M. Blaskic (interprétation). - Cette carte montre les lignes de

18 défense sur la ligne sud le 10 avril 1992.

19 M. Nobilo (interprétation). - C'était la ligne de front avant la

20 percée ?

21 M. Blaskic (interprétation). - Oui, effectivement, c'était la

22 ligne de front avant l'attaque de l'armée yougoslave et la contre-attaque

23 de l'armée croate. On voit très clairement, de Mostar en suivant la vallée

24 de la Neretva, en passant par Hutovo, qu'il s'agit là de la ligne de

25 front.

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1 M. Nobilo (interprétation). – Passons à la carte suivante.

2 M. Blaskic (interprétation). - Cette carte présente les attaques

3 de l'armée croate au cours de la deuxième phase de l'exécution des tâches

4 sur le front sud, dans la période entre le 18 mai et le 30 mai 1992.

5 D'un côté, nous avons les forces de l'armée yougoslave, une fois

6 de plus, aidées des personnes mobilisées, Serbes du Monténégro et d'autres

7 régions encore ; de l'autre côté, nous avons l'armée croate.

8 M. Nobilo (interprétation). - Carte suivante, s'il vous plaît.

9 M. Blaskic (interprétation). - Cette carte présente les attaques

10 de l'armée croate pour débloquer Dubrovnik, entre le 27 mai et le

11 19 octobre 1992.

12 D'un côté, nous avons les forces de l'armée yougoslave et, de

13 l'autre, nos forces, les forces de l'armée croate.

14 M. Nobilo (interprétation). – Avons-nous une autre carte ?

15 Regardons la dernière carte.

16 M. Blaskic (interprétation). – C'est un ordre du commandant du

17 front sud -nom de code "Tigre"- afin d'assurer la libération de Dubrovnik

18 et du terrain qui se trouvait juste derrière Dubrovnik. Des forces de

19 l'armée croate participent à ces opérations. De l'autre côté, nous avons

20 des membres de l'armée yougoslave, et des Serbes et Monténégrins

21 mobilisés.

22 M. Nobilo (interprétation). - Général, pourriez-vous nous dire à

23 quelle distance se trouvait le général Bobetko, en Bosnie-Herzégovine,

24 avec ses soldats ? Et combien de temps la bataille sur le front sud a-t-

25 elle duré ?

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1 M. Blaskic (interprétation). - Elle a duré jusqu'en octobre

2 1992, je crois. Après cela, les forces de le HV et le général Bobetko ont

3 été déployés dans une autre région.

4 M. Nobilo (interprétation). - Au cours de cette période, à

5 partir du 10 avril 1992 jusqu'en octobre 92, jusqu'au moment où le général

6 Bobetko et l'armée croate sont partis, y a-t-il eu un conflit entre

7 l'armée de Bosnie-Herzégovine, la Défense territoriale, et la HV ?

8 M. Blaskic (interprétation). – Non, ils ont coopéré dans la

9 plupart des opérations, les forces croates et les forces musulmanes,

10 bosniennes.

11 M. Nobilo (interprétation). – Comment expliquez-vous le fait

12 qu'au cours de cette période, le général Bobetko est non seulement resté

13 en Bosnie-Herzégovine avec les soldats croates, mais qu'en plus, certains

14 ordres étaient donnés à des groupes du HVO qui se trouvaient en

15 Herzégovine ?

16 M. Blaskic (interprétation). - Il a donné des ordres, car ni la

17 Défense territoriale ni les unités du HVO n'étaient structurées ou

18 organisées à ce moment-là.

19 Plus tôt, j'ai vu un document, un ordre du général Bobetko : la

20 pièce 574. Au paragraphe 2 de ce document, il dit qu'ils ordonne aux

21 unités de la Défense territoriale de faire telle ou telle chose. Ce

22 document porte l'en-tête de l'état-major général à Grude. Il est également

23 question d'unités de la Défense territoriale.

24 Donc ni la Défense territoriale ni les unités du HVO n'étaient

25 structurées. Leur organisation n'était pas terminée. Ces unités étaient

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1 surtout actives au niveau des municipalités, sous la responsabilité des

2 cellules des crise. Ils n'en étaient qu'au début de leur organisation à

3 l'époque.

4 M. Nobilo (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges quand

5 la loi a été adoptée, la loi relative aux forces armées, qui a été à la

6 base de l'organisation du HVO, en tant qu'armée ?

7 M. Blaskic (interprétation). – Je crois que c'était au début du

8 mois de juillet 1992, le 3juillet 1992, plus précisément. Et ce n'est

9 qu'au cours de la seconde moitié d'août 1992 que les officiers ont été

10 nommés pour participer au bureau de la défense du HVO -ce qui est devenu,

11 par la suite, le ministère de la Défense-, en tant qu'organisme chargé

12 d'organiser les structures militaires.

13 M. Nobilo (interprétation). – En tant qu'expert militaire, au

14 moment où le général Bobetko et les soldats croates se trouvaient en

15 Herzégovine, le HVO existait-il en tant que force armée organisée ?

16 M. Blaskic (interprétation). – Non, il ne s'agissait que de

17 groupes locaux et, seules, les premières tentatives de structuration

18 avaient été engagées.

19 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais que l'huissier

20 distribue un nouveau document et qu'une cote lui soit attribuée.

21 M. Abtahi. – La pièce suivante porte la cote D 576, D 576A pour

22 la version anglaise. J'en profite pour préciser la cotation de la pièce

23 précédente, les cartes : c'était la pièce D 575/1, 2, 3, 4, 5, 6 pour les

24 six cartes.

25 M. Nobilo (interprétation). - Je voudrais donner lecture d'une

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1 partie de cette lettre du général Bobetko à Franjo Tudjman, qui a été

2 publiée aux pages 137 et 138 de son ouvrage.

3 Cette lettre est adressée au Président de la république,

4 Franjo Tudjman.

5 "Monsieur le Président, les opérations offensives sur le front

6 sud des forces de l'armée croate, comptant 1 475 soldats, ont débuté le

7 1er juillet 1992. Jusqu'au 5 juillet 1992, les résultats suivants ont été

8 obtenus."

9 Ensuite, on nous donne une liste de ces résultats. Tout à la fin

10 de la lettre, il est dit : "J'estime que c'était là une des tâches les

11 plus difficiles que j'ai eu à exécuter sur ce front. Je suppose qu'elle a

12 été exécutée de façon appropriée et que nous avons créé les conditions

13 permettant la libération finale de cette partie du territoire croate.

14 Mes meilleurs sentiments. Commandant du front sud : Général

15 d'armée Janko Bobetko, Dubrovnik, le 5 juillet 1992."

16 J'ai fait une erreur, j'ai dit que les opérations étaient

17 terminées en juillet; je crois que j'ai dit qu'elles étaient parvenues à

18 leur terme en octobre 1992. Mais, sur ce document, je vois que c'était au

19 mois de juillet. Cependant, la libération de la région a été terminée en

20 octobre 1992 et également de l'arrière pays.

21 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on consulter un autre

22 document ?

23 M. Abtahi. - La pièce suivante est la pièce D 577, plus la

24 lettre A pour la version anglaise.

25 M. Nobilo (interprétation). - Je vais lire la section en

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1 couleurs; je ne demanderai que cette traduction. Il s'agit là d'une

2 photocopie de la page 267 du livre M. Bobetko. Il parle des résultats

3 obtenus par l'armée croate.

4 Premier point : "Nous avons réussi à défendre et à protéger pour

5 de bon l'existence du peuple croate en Herzégovine."

6 2. : "Nous avons créé des conditions favorables afin de créer

7 une armée. Dans le contexte des événements qui se déroulent au cours de la

8 période actuelle, eu égard à la formation de la fédération et de la

9 confédération, on peut se demander quelle serait notre position s'il n'y

10 avait pas ces victoires du point de vue international tant que du point de

11 vue local.

12 L'opération même a créé des conditions très favorables du point

13 de vue opérationnel pour mener à bien les opérations finales sur le front

14 sud. L'objectif principal de ces opérations étant d'expulser l'agresseur

15 monténégrin et de déployer des forces jusqu'à la région de Prevlaka, ce

16 qui veut donc dire désenclaver Dubrovnik et reconquérir tout le territoire

17 occupé par l'ennemi depuis plus de deux ans et qui est considéré par

18 l'ennemi comme étant la solution finale fixant les frontières de la grande

19 Serbie dans ces régions". Fin de citation.

20 Général, le général Bobetko dit que ces opérations, opérations

21 dont vous venez de parler et que nous avons indiquées sur les cartes, ont

22 créé des conditions favorables permettant de créer l'armée de la future

23 fédération. Comment interprétez-vous ses propos et cela coïncide-t-il avec

24 les informations dont vous disposez sur ces opérations ?

25 M. Blaskic (interprétation). - Selon moi, cela signifie que ces

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1 opérations ont empêché une occupation complète du seul territoire par le

2 biais duquel la Bosnie-Herzégovine pouvait recevoir une quelconque aide et

3 que les conditions ont été créées pour organiser à la fois le HVO et

4 l'armée de Bosnie-Herzégovine et de poursuivre le processus de

5 structuration de l'armée fédérale de la fédération de Bosnie-Herzégovine.

6 M. Nobilo (interprétation). - Peut-on en conclure, d'après ce

7 que vous avez dit, qu'il n'y avait pas d'armée du HVO à ce moment-là,

8 quand l'armée croate est entrée sur le territoire de la Bosnie-

9 Herzégovine ?

10 M. Blaskic (interprétation). - Il s'agissait principalement de

11 formations armées, quelques-unes, gérées par les cellules de crise

12 municipales. Il n'y avait pas de brigade, pas d'ordre prévoyant la

13 création des forces armées, pas de loi, pas de bureau de la défense

14 officiel à ce moment-là.

15 Dans certains documents, l'état-major général est mentionné,

16 mais ce dont il est question, c'est surtout la direction chargée des

17 tâches administratives nécessaires à la création de l'armée plus tard.

18 M. Nobilo (interprétation). - Les rapports que l'on voit de

19 façon très claire dans les pièces de l'accusation, qui sont des ordres du

20 général Bobetko -je parle des relations entre la HV et le HVO en avril,

21 mai et juin 1992-, selon vous, ces rapports existent-ils dans la seconde

22 moitié de 1992 et se poursuivent-ils en 1993 ; ce rapport de supériorité,

23 subordination.

24 M. Blaskic (interprétation). - Non, et si l'on regarde le livre

25 du général Bobetko, on voit qu'après les opérations finales et après la

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1 libération de Dubrovnik et de l'arrière pays, il s'est retiré. Il y a eu

2 un rassemblement de ses forces. Ce rapport dont vous avez parlé n'existait

3 plus. Mais le HVO s'est structuré et a été organisé tout comme l'armée de

4 Bosnie-Herzégovine.

5 M. Nobilo (interprétation). - J'aimerais examiner un nouveau

6 document. C'est également un extrait du livre du général Bobetko,

7 page 419.

8 Monsieur le Président, j'ai encore deux questions à poser sur ce

9 document ; ensuite, nous pourrons nous arrêter. Ou devons-nous lever

10 l'audience maintenant ?

11 M. le Président. - Vous n'aurez pas terminé ce matin, je

12 suppose ?

13 M. Nobilo (interprétation). - Non, non. Je n'en aurai pas pou

14 plus de 20 à 30 minutes.

15 M. le Président. - Nous reprendrons donc au retour du

16 Juge Shahabuddeen. Nous avions dit que nous allions profiter de la

17 présence de M. Olivier Fourmy pour mettre au point la suite du calendrier

18 pour la semaine prochaine et la semaine qui suit.

19 Je ne sais pas si c'est M. Fourmy ou Me Hayman qui peut nous

20 apporter des précisions, notamment pour la semaine prochaine où nous

21 devions normalement siéger sous la forme acceptée par l'accusé et la

22 défense, c'est-à-dire l'article 71, mais à condition d'avoir les témoins,

23 ce qui n'est peut-être pas certain.

24 Maître Hayman, pouvez-vous nous apporter des précisions ?

25 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous

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1 n'avons pas plus d'information sur les témoins que nous voulons citer

2 lundi. En fait, parce que nous pensons qu'ils ne seront pas là, nous

3 voudrions les intégrer à la procédure quand vous pensez que cela sera le

4 plus approprié, mais nous nous excusons de ce manque de d'organisation.

5 M. le Président. - Nous avons tous des problèmes avec les

6 témoins que nous devons faire venir, surtout dans le contexte actuel.

7 Je me tourne vers M. Fourmy. Ensuite, je recueillerai les

8 observations du Procureur. Monsieur Fourmy, je suppose que vous avez pris

9 tous les contacts nécessaires ? Vous nous mettez en vacances ou avons-nous

10 autre chose à faire ?

11 M. Fourmy. - Je serais heureux de vous suggérer que la Chambre

12 mette à profit l'absence du Juge Shahabuddeen, qui lui ne sera pas en

13 vacances : il sera à Arusha, pour que les deux autres Juges et les parties

14 puissent bénéficier d'une semaine libre la semaine prochaine. Cela devrait

15 permettre à la défense de mettre ce temps à profit pour vérifier ce qu'il

16 en est pour les trois témoins, dits de personnalité, que nous devrions

17 pouvoir, en tout état de cause, faire venir la semaine suivante, quels que

18 soient au demeurant les témoins disponibles. Je parle des témoins de la

19 chambre.

20 M. le Président. - Dois-je comprendre que... Maître Hayman,

21 pensez-vous que vos trois témoins seront disponibles non pas la semaine

22 prochaine, mais la semaine suivante ? Ce qui permettra de siéger à trois,

23 ce qui sera une bonne chose.

24 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, nous

25 suggérons que nos trois témoins soient entendus le 7 juin. Nous pourrions

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1 les entendre au cours de l'après-midi du 7 juin, sans aucun problème.

2 M. le Président. - Il n'y a pas de problème ; cela permettrait

3 de profiter de cette semaine... Peut-être avancerons-nous,

4 Monsieur Fourmy, certains témoins de la Chambre ? Je crois que vous

5 l'avez envisagé et que vous préparez des contacts à cet égard ?

6 M. Fourmy. - Nous essayons d'obtenir que quatre des témoins de

7 la Chambre viennent dans la semaine du 7 au 11 juin.

8 M. le Président. - Pour la semaine prochaine, nous nous

9 consacrerons aux deux autres affaires qui sont devant la Chambre. Nous

10 savons tous que le Juge Shahabbudeen sera à Arusha avec la Chambre

11 d'appel. Je propose donc de nous ajourner, sauf si M. le Procureur avait

12 des observations sur ce calendrier.

13 M. Kehoe (interprétation). - Cela nous satisfait tout à fait.

14 M. le Président. - Si tout le monde est satisfait, nous

15 ajournons à la semaine du 7 juin. Merci. L'audience est levée.

16 L'audience est levée à 13 heures 30.

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