Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-14-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 Tihomir BLASKIC

7 Vendredi 18 juin 1999

8

9

10 L’audience est ouverte à 9 heures 10.

11 M. le Président. - Bonjour. Veuillez vous asseoir. Monsieur le

12 greffier, veuillez faire entrer l'accusé, s'il vous plaît. Je salue les

13 interprètes, pour ceux qui sont là à présent, en forme. Nous introduisons

14 le témoin.

15 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

16 Colonel Stewart, vous m'entendez ?

17 M. Stewart (interprétation). - Oui.

18 M. le Président. - Vous êtes reposé ? Cela va ?

19 M. Stewart (interprétation). - Très bien, merci.

20 M. le Président. - Je salue les conseils. Je donne tout de suite

21 la parole à Me Hayman pour la poursuite de son... Vous avez environ une

22 demi-heure.

23 M. Hayman (interprétation). – Oui. Bonjour, Monsieur le

24 Président.

25 J'ai beaucoup de questions à vous poser en 30 minutes parce

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1 qu'il y a quelques documents dont je demanderai l'examen par vous-même.

2 J'espère que vous pourrez me prêter assistance et nous pourrons ainsi

3 terminer dans les temps.

4 Est-ce que le HVO au cours de votre mission pouvait se comparer

5 à une armée professionnelle de l'OTAN s'agissant de ses capacités ?

6 M. Stewart (interprétation). - Non.

7 M. Hayman (interprétation). - Pourriez-vous nous donner des

8 explications.

9 M. Stewart (interprétation). - Oui, je peux l'expliquer. Comme

10 je l'ai déjà expliqué au cours de mon témoignage, il n'y avait pas de

11 structure de grade comme c'est le cas d'une armée normale au sein d'OTAN.

12 A part cela, il n'y avait pas le commandement et le contrôle du système du

13 commandement et contrôle qui était pareil que chez nous.

14 Par exemple, en ce qui concerne les communications, elles

15 n'étaient certainement pas aussi bonnes que les nôtres, notamment en

16 Bosnie centrale. Je dois quand même dire que les rumeurs se répandaient

17 plus rapidement que chez nous.

18 M. Hayman (interprétation). - Est-ce qu'ils avaient le type

19 d'équipement s'agissant du transport et avaient-ils le personnel capable

20 d'utiliser ce type d'équipement ?

21 M. Stewart (interprétation). - Non, mais ils étaient mieux

22 équipés que l'armée de Bosnie-Herzégovine.

23 M. Hayman (interprétation). - Qu'en est-il du degré de formation

24 de discipline des soldats ? Pouvez-vous dire que c'était équivalent aux

25 normes respectées au sein de l'OTAN ?

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1 M. Stewart (interprétation). - Bien sûr que non, car beaucoup de

2 ces soldats n'avaient pas été soldats auparavant. Mais le colonel Blaskic,

3 lui, ainsi que certains de ses officiers avec une formation. Pour ce qui

4 était des soldats de rang, pour la plupart d'entre eux, ils n'avaient pas

5 de formation.

6 M. Hayman (interprétation). - Jusqu'à ce jour, est-ce que vous

7 resteriez sur la position que vous avez adoptée dans ce livre ? Il s'agit

8 de l'ouvrage qui s'intitule "Vie brisée" que vous avez écrit après la

9 guerre. A la page 319, vous dites ceci : "Il est impossible de faire la

10 différence entre le civil et le militaire. La Bosnie est en train de vivre

11 une guerre civile classique qui est menée par des civils contre des

12 civils. Un civil, en une minute, devient un soldat la minute suivante."

13 Etes-vous d'accord ?

14 M. Stewart (interprétation). - Oui.

15 M. Hayman (interprétation). - Quel est l'effet sur la capacité

16 de transférer des grades par la voie hiérarchique ou d'envoyer des

17 rapports si vous avez des civils qui ne sont pas formés, qui comblent

18 certains de ces vides, qui occupent telle ou telle position dans la chaîne

19 hiérarchique ?

20 M. Stewart (interprétation). - Ce n'est pas facile parce que si

21 ce sont des civils non formés, peut-être qu'ils sont très bien formés en

22 télécommunication. Ce qui est certain, c'est que si vous voulez faire

23 entendre que les ordres ou commandements ne pouvaient pas passer

24 facilement entre l'hôtel Vitez et les PC subordonnés, je contesterai cela

25 parce que je dis que c'était assez simple à réaliser pour le HVO.

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1 M. Hayman (interprétation). - Que se passait-il par exemple

2 lorsqu'un ordre était censé être communiqué aux brigades, aux compagnies,

3 aux pelotons, aux sections, aux groupes, si vous ne disposiez pas

4 d'officiers bien formés, bien aguerris qui pourraient relayer ces

5 commandements de la voix hiérarchique, que pourrait-il se passer ?

6 M. Stewart (interprétation). - Cela pourrait bien sûr se passer,

7 mais il ne faut pas nécessairement des officiers formés, il faut des gens

8 qui savent communiquer. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas officier que

9 l'on ne peut pas relayer une information. Mais les circonstances étant ce

10 qu'elles étaient à l'époque, comme je l'ai déjà dit, le niveau de

11 formation du HVO, à mon avis, n'était pas aussi bon que ce que l'on trouve

12 au sein des forces de l'OTAN.

13 M. Hayman (interprétation). - Dans le cadre de votre déposition,

14 vous avez dit que le 15 avril, vous vous trouviez à Zenica. Au cours de la

15 soirée du 15, vous étiez à Zenica, n'est-ce pas ?

16 M. Stewart (interprétation). - Oui.

17 M. Hayman (interprétation). - Est-il exact de dire que vous ne

18 vous attendiez pas à ce qu'un conflit du type de celui qui s'est produit

19 15 avril ou le 16 avril se produise ?

20 M. Stewart (interprétation). - C'est exact parce que si j'étais

21 à Zenica, c'était parce que je prévoyais que si le problème de Zenica

22 n'était pas résolu, cela pourrait avoir des répercussions très graves et

23 je crois malheureusement que j'ai eu raison.

24 M. Hayman (interprétation). - Est-ce que le colonel Blaskic ou

25 le HVO aurait formulé des menaces ou un ultimatum à l'égard de l'armée de

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1 Bosnie-Herzégovine lequel devait arriver à échéance au cours du 15 ou la

2 nuit du 15 ou au cours de la matinée du 16 ?

3 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je ne

4 pourrais pas répondre à votre question.

5 M. Hayman (interprétation). - A votre connaissance, non ?

6 M. Stewart (interprétation). - Cela se trouve peut-être dans mon

7 journal personnel, mais je ne m'en souviens pas pour le moment.

8 M. Hayman (interprétation). – Croyez-vous que les violences qui

9 ont éclaté de la matinée du 16 furent le résultat d'une escalade au niveau

10 des incidents opposant l'armée de Bosnie-Herzégovine ou les Moudjahidin,

11 et le HVO ou des extrémistes du côté croate ?

12 M. Stewart (interprétation). - Je pense que oui.

13 Je pense que le rapport que vous m'avez présenté hier… Bon, je

14 ne sais pas exactement comment les choses ont démarré le matin du

15 16 avril, mais des indices étaient très clairs dès le 15 selon lesquels il

16 y avait beaucoup de tension. C'est la raison pour laquelle je me trouvais

17 personnellement à Travnik, au cours de l'après-midi du 15, pour

18 m'entretenir avec des soldats du terrain, des soldats du HVO. J'ai vu des

19 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur les lignes mêmes de front

20 pour essayer de les convaincre de ne pas prendre les armes.

21 J'étais donc parfaitement au courant du fait qu'il y avait

22 beaucoup de tensions dans la région. C'est la raison pour laquelle je

23 répugnais à quitter la région parce que c'était la zone première de ma

24 zone de responsabilité, je ne voulais pas tellement aller à Zenica. Mais

25 j'avais été invité à le faire par l'ambassadeur de l'Union européenne qui

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1 n'avait pas de responsabilité directe de commandement par rapport à moi.

2 Comment dire ? J'étais pratiquement indépendant à cet égard, mais j'avais

3 beaucoup de respect pour cet homme, il m'était très sympathique. S'il me

4 demandait de faire quelque chose, j'essayais de le faire.

5 Mais effectivement, le fait que Totic avait été capturé, ou

6 enlevé, à Zenica avait vraiment éveillé beaucoup d'inquiétudes chez moi ;

7 il fallait trouver une solution à ce problème. Cela pouvait être

8 l'étincelle qui allait provoquer tous ces problèmes.

9 M. Hayman (interprétation). - Mais il y avait des tensions des

10 deux côtés, dans les deux camps diriez-vous ? J'attends peut-être que

11 l'interprétation soit terminée ?

12 A la suite de vos contacts avec le commandant de brigade du HVO

13 à Zenica, celui qui n'avait pas été enlevé, le 15, le 16 et je crois aussi

14 le 19 avril 1993, pouvez-vous nous dire si le HVO de Zenica était prêt à

15 ce qu'un conflit avec l'armée de Bosnie-Herzégovine commence le matin

16 du 16 ? Ou est-ce que ses forces n'étaient pas préparées ?

17 M. Stewart (interprétation). - Je n'ai pas de réponse à cette

18 question, mais je peux vous fournir mon avis.

19 Le voici : l'enlèvement de cet homme dénommé Totic a surpris, a

20 pris par surprise le HVO et le deuxième commandant de brigade du HVO était

21 tout à fait inquiet. J'ai sans doute pensé à l'époque qu'il n'était pas

22 préparé.

23 M. Hayman (interprétation). – C'est bien ça : qu'il n'était pas

24 préparé ?

25 M. Stewart (interprétation). – Oui, c'est un avis que j'émets

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1 ici, ce n'est pas un fait.

2 M. Hayman (interprétation). - Avez-vous un avis personnel sur la

3 question de savoir si le 16 avril le colonel Blaskic voulait une guerre

4 avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, ou s'il ne voulait pas de guerre avec

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

6 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai pas

7 d'avis sur la question.

8 M. Hayman (interprétation). – Conviendriez-vous avec moi que si

9 guerre il devait y avoir, il était assez prévisible du côté du colonel

10 Blaskic qu'il allait être encerclé dans la vallée de la Lasva, encerclé

11 par l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

12 M. Stewart (interprétation). – Non, je ne serais pas d'accord

13 avec vous. J'aurais tendance à croire que la difficulté qui se posait au

14 colonel Blaskic était d'aller à Kiseljak. Mais je n'étais pas tout à fait

15 au courant de chacune des positions occupées soit par le HVO ou par

16 l'armée de Bosnie-Herzégovine.

17 M. Hayman (interprétation). - Nous avons déjà entendu des

18 témoignages là-dessus ; inutile de s'attarder. Seriez-vous d'accord avec

19 moi pour dire que le HVO, dans la vallée de la Lasva, se trouvait en

20 minorité numérique par rapport à l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

21 M. Stewart (interprétation). - Je ne suis pas sûr que c'était le

22 cas dans la vallée de la Lasva. Je suppose que si vous placez Zenica dans

23 l'équation, la réponse serait affirmative. Mais ce n'est qu'avec l'ajout

24 de Zenica que ceci serait le cas.

25 M. Hayman (interprétation). – Etait-il pratiquement prévisible,

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1 dès le matin du 16 avril, que s'il devait y avoir une guerre entre Croates

2 et Musulmans, les Croates seraient expulsés, par exemple, de la ville de

3 Travnik ?

4 M. Stewart (interprétation). – J'estime que les Croates avaient

5 abandonné, dans une grande partie, la ville de Travnik.

6 M. Hayman (interprétation). - Avant avril ?

7 M. Stewart (interprétation). - Oui.

8 M. Hayman (interprétation). – Et pourquoi l'avaient-ils fait ?

9 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas. Je suppose que

10 c'est parce qu'ils pensaient que la ville aller tomber.

11 M. Hayman (interprétation). – Le matin du 16 avril, vous dites

12 -c'est ce vous avez dit hier dans le cadre de votre déposition-, que vous

13 êtes allé à l'hôtel Vitez. On va dire qu'il n'y avait aucun interlocuteur

14 valable pour vous à ce moment-là, ou quelque chose de ce genre. Avez-vous

15 reçu cette information d'un officier d'état-major ou simplement d'une

16 sentinelle ? Si vous avez besoin d'aide, je pourrai vous renvoyer à votre

17 déclaration préalable page 5 .

18 M. Stewart (interprétation). - Je ne pense pas avoir besoin

19 d'examiner mon livre. Je suis allé à l'hôtel Vitez. J'ai l'impression que

20 je n'ai pas pu pénétrer au-delà du foyer.

21 M. Hayman (interprétation). – Dans votre déclaration préalable,

22 vous dites : "J'ai dit à une sentinelle que je voulais voir Blaskic ou

23 quelqu'un qui avait une autorité. On m'a dit qu'il n'y avait personne

24 d'autorité qui pouvait me recevoir". Etes-vous d'accord ?

25 M. Stewart (interprétation). – Je pense que oui.

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1 M. Hayman (interprétation). - Mais où était le commandement de

2 la zone opérationnelle à ce moment-là, à votre avis ?

3 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas.

4 M. Hayman (interprétation). - S'il y avait du pilonnage et

5 d'autres coups de feu qui étaient tirés en direction de l'hôtel Vitez,

6 vous, si vous vous étiez trouvé à cet endroit le matin du 16, auriez-vous

7 été au sous-sol pour avoir une certaine sécurité ?

8 M. Stewart (interprétation). - Peut-être que oui. Mais de toute

9 façon, j'étais sur place, donc il était possible d'y arriver. Ce qu'on

10 peut dire à propos du colonel Blaskic, c'est qu'il ne manque pas de

11 courage, il est valeureux. Je suppose qu'il n'aurait pas hésité et qu'il

12 n'aurait pas voulu se cacher. C'est mon avis.

13 M. Hayman (interprétation). - Vous aviez des véhicules Warrior,

14 des blindés. En avait-il pour lui-même.

15 M. Stewart (interprétation). - Non.

16 M. Hayman (interprétation). - Vous souvenez-vous du type de

17 véhicule qu'il avait lorsqu'il se déplaçait par ses propres moyens ?

18 M. Stewart (interprétation). - Une voiture.

19 M. Hayman (interprétation). – Donc pas une voiture vraiment

20 fortement blindée, mais faiblement blindée.

21 M. Stewart (interprétation). – Effectivement, il y avait très

22 peu de véhicules blindés. Moi aussi, j'étais dans une Land Rover

23 faiblement blindée, donc sans protection. Mais à l'époque, je ne me

24 souviens pas m'être déplacé dans un véhicule blindé ou dans ma Land Rover

25 de reconnaissance. Je ne me rappelle plus exactement. Lorsqu'il le

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1 demandait et qu'il avait besoin de protection pour aller dans un endroit

2 précis, je lui mettais quelquefois un véhicule à disposition, ce qui était

3 bien sûr à l'encontre de mes ordres. Mais vous le voyez, c'est parfois ce

4 genre de choses qui se passent parce qu'il arrive qu'il faille changer les

5 ordres.

6 M. Hayman (interprétation). - Le colonel Blaskic, dans sa

7 déposition, a dit qu'il avait essayé de prendre contact avec BRITBATT, le

8 matin du 16, et que des négociateurs avaient été dépêchés. Effectivement,

9 il y avait des négociateurs en vue d'un cessez-le-feu sous la supervision

10 du commandant Walters, votre second.

11 M. Stewart (interprétation). - Je n'étais pas présent pendant

12 pratiquement toute la matinée puisque j'étais sur le terrain ce jour-là.

13 Je suis tout à fait prêt à accepter l'idée que le colonel Blaskic aurait

14 fait une telle chose s'il avait été en mesure de le faire. Je suis sûr que

15 si vous vous étiez entretenus avec le commandant Walters à l'époque, il

16 vous aurait donné la réponse. Mais moi, je ne me souviens plus de cela.

17 Vous savez, il y avait tellement de choses qui se passaient,

18 Messieurs les Juges, à l'époque. Mon journal personnel, je l'ai tenu avec

19 une jour de retard. En général, c'était entre 6 heures 30 et 6 heures 45

20 le matin, quand j'étais à peine éveillé, que j'écrivais ce qui s'était

21 passé la veille. Mais je l'ai fait sur les instructions du général Mac

22 Kenzie qui m'a dit qu'il était important de consigner, dès le départ,

23 quelque chose sur papier.

24 Ce journal personnel avait pour vocation d'être simplement un

25 rappel bref de ce que j'avais fait la veille. Parce que le général m'a

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1 dit : "Grâce à Dieu, assures-toi que tu as quelque chose sur papier. Ne te

2 fies pas à des rapports qui parlent de la situation opérationnelle. S'il

3 devait y avoir un procès, cela veut dire que tu auras tes propres notes

4 personnelles."

5 C'est pourquoi j'ai commencé à tenir un journal. Il n'y a aucune

6 autre raison. Si j'ai écrit ce livre, c'est parce que l'armée britannique

7 m'avait demandé de le faire.

8 M. Hayman (interprétation). – Merci d'avoir tenu ce journal. Je

9 suis sûr que tous partageront mes félicitations.

10 Je reviens à ce que vous avez dit hier, à savoir que le colonel

11 Blaskic devait être au courant pour Ahmici, à un moment donné, avant le 22

12 avril 1993. J'aimerais obtenir quelques détails supplémentaires à propos

13 de cet avis. Pensez-vous qu'il était présent à Ahmici, le 16 avril ?

14 M. Stewart (interprétation). – Mon avis, c'est que j'espère

15 qu'il ne l'était pas.

16 M. Hayman (interprétation). – Disposez-vous de renseignements

17 qui sembleraient indiquer une présence de sa part ?

18 M. Stewart (interprétation). – Non.

19 M. Hayman (interprétation). – Pensez-vous qu'il savait à

20 l'avance ou qu'il était au courant d'un plan ou d'un ordre lui intimant de

21 commettre ce massacre à Ahmici ?

22 M. Stewart (interprétation). - Je pense qu'il a dû savoir à

23 l'avance qu'il allait y avoir une opération à Ahmici. Mais selon moi,

24 c'est mon avis, j'espère qu'il n'était pas au courant du massacre avant

25 qu'il se soit produit. Néanmoins, il doit avoir su ce qui se passait parce

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1 que ceci relevait manifestement de sa zone de responsabilité et les

2 éléments qui y ont pris part doivent être des éléments qui se trouvaient

3 sous ses ordres.

4 M. Hayman (interprétation). – Donc votre avis est qu'il devait

5 savoir qu'une action militaire, de quelque nature que ce soit, était en

6 cours dans la zone qu'il commandait ?

7 M. Stewart (interprétation). - S'il ne le faisait pas, c'est

8 qu'il était incompétent et il n'aurait pas été à la hauteur de sa

9 réputation d'officier militaire.

10 M. Hayman (interprétation). - Savez-vous quels ordres qu'il a

11 émis en rapport avec une telle activité, le matin du 16 avril ?

12 M. Stewart (interprétation). – Non, je ne le sais pas Monsieur

13 le Président.

14 M. Hayman (interprétation). – Je demande la pièce à conviction

15 de la défense n° 267. Le greffier a eu cette pièces à conviction à

16 l'avance et je demanderai qu'elle soit remise au témoin.

17 J'aimerais appeler votre attention, colonel Stewart, sur cet

18 ordre. C'est un ordre daté du 15 avril 1993 et rédigé à 10 heures du

19 matin, avant que les nouvelles arrivent au sujet de l'enlèvement de

20 M. Totic. C'est un ordre émanant du colonel Blaskic et destiné à diverses

21 unités.

22 Le paragraphe 1 décrit la situation, mais il n'a aucun rapport

23 avec ma question. Le paragraphe 2.1, en revanche, a un rapport avec ma

24 question. Avez-vous trouvé le paragraphe 2.1 ?

25 M. Stewart (interprétation). - Oui.

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1 M. Hayman (interprétation). - Le bataillon de la police

2 militaire, le commandant du 4ème Bataillon de la police militaire est

3 directement responsable de la sécurité de IZM-Vitez –je crois que c'est

4 une référence au quartier général. Il doit réaliser une évaluation, etc.

5 La route de Busovaca-Vitez-Travnik doit être libre, etc.

6 Et je cite le reste de ce paragraphe : "Au cas où une attaque

7 relativement importante se produirait de la part des forces extrémistes

8 musulmanes en provenance des villages de Nadioci, Ahmici, Sivrino, Pirici,

9 m'informer. Et si des tirs sont dirigés directement sur vous, retournez

10 les tirs et neutralisez l'attaquant."

11 Avez-vous jamais vu cet ordre jusqu'à présent ?

12 M. Stewart (interprétation). - Non.

13 M. Hayman (interprétation). – Conviendriez-vous, sur la base de

14 ce paragraphe 2.1, que cet ordre a pour but de sécuriser la route qui va

15 de Vitez à Busovaca, mais que ce n'est pas un ordre destiné à attaquer

16 Ahmici, que ce n'est pas un ordre visant l'organisation du massacre

17 d'Ahmici ?

18 M. Stewart (interprétation). – Monsieur le Président,

19 Messieurs les Juges, c'est un ordre écrit et les ordres écrits c'est très

20 bien, mais dans des situations militaires les ordres écrits ne durent pas

21 plus longtemps que le premier coup de feu. A partir de là, le commandement

22 et le contrôle s'exercent de façon orale. Je considère cet ordre

23 absolument égal à ceux que je donnais par écrit à mes soldats.

24 M. Hayman (interprétation). – Acceptez-vous que lorsque des

25 combats commencent, vous avez besoin de communications en temps réel,

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1 d'informations en temps réel de la part de vos subordonnés pour pouvoir

2 exercer le commandement et le contrôle ?

3 M. Stewart (interprétation). – Ce que je dis c'est que dès lors

4 que les combats commencent, la réalité sur le terrain change. Les unités

5 sur le terrain se voient souvent contraintes d'opérer d'une façon

6 différente, de se conduire d'une façon différente. Il est important, bien

7 sûr, que les commandants sachent ce qui se passe sur le terrain de façon

8 que la communication soit possible entre quartiers généraux.

9 M. Hayman (interprétation). – Savez-vous à quelle heure, le

10 16 avril au matin, ce matin-là, le colonel Blaskic a reçu son premier

11 rapport du commandant de la police militaire ? C'est-à-dire de cette unité

12 qui s'était vue affecter à la sécurisation de la route partant, circulant

13 au bas d'Ahmici ?

14 M. Stewart (interprétation). - Non.

15 M. Hayman (interprétation). – Acceptez-vous qu'un commandant

16 s'appuie sur ses commandants subordonnés pour transmettre des informations

17 précises au niveau hiérarchique supérieur, de façon que le commandement et

18 le contrôle puissent s'exercer sur ces unités subordonnées ?

19 M. Stewart (interprétation). – Oui, mais les meilleurs

20 commandants déterminent l'endroit où se trouve le schkerpunkt comme on dit

21 en allemand, c'est-à-dire le point où l'effort doit être maximal ; ils

22 évaluent la situation selon leur propre avis. Je crois que la position du

23 colonel Blaskic…

24 M. Hayman (interprétation). – Je n'ai pas beaucoup de temps.

25 M. Kehoe (interprétation). – Non, non, le conseil ne doit pas

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1 interrompre le témoin.

2 M. Hayman (interprétation). – Si la réponse ne correspond pas à

3 la question, j'interromps le témoin pour lui demander de répondre à la

4 question car il me reste huit minutes, Monsieur le Président. Et nous nous

5 rappelons tous comment mon collègue, en face de moi, a interrompu des

6 centaines et des centaines de fois le témoin. Donc je demande d'avoir

7 l'autorisation d'obtenir des réponses qui correspondent aux questions que

8 j'ai posées dans le peu de temps qu'il me reste pour interroger ce témoin.

9 M. le Président. – Maître Kehoe, rapidement s'il vous plaît.

10 Rapidement Maître Kehoe.

11 M. Kehoe (interprétation). - Rapidement. Le conseil n'apprécie

12 pas la réponse fournie par le témoin. Le témoin devrait être autorisé à

13 avoir la possibilité d'exprimer sa réponse quand à ce que fait un

14 commandant. Le conseil en fait, choisit, sélectionne les réponses portant

15 sur le fait de ce que ferait un commandant compétent sur le terrain. Il

16 est possible que le conseil n'aime pas la réponse apportée par le témoin,

17 mais en dépit de cela le témoin devrait être autorisé à exprimer son avis.

18 M. le Président. – Les Juges aimeraient bien que le colonel

19 Stewart réponde de façon complète. De toute façon, cette question est

20 interrompue, Maître Hayman. Les Juges la reprendront. Pour essayer de

21 gagner du temps, essayons de laisser parler le colonel Stewart et comme

22 cela nous aurons à peu près la réponse.

23 M. Hayman (interprétation). - Je vous prie de continuer,

24 Colonel. Je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompu, mais vous

25 vous rendez bien compte que les minutes défilent et que cela provoque chez

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1 moi une certaine anxiété car je ne sais pas si je serai autorisé à

2 poursuivre mon interrogatoire un peu plus longtemps.

3 Je vous en prie, continuez.

4 M. le Président. – Depuis deux ans que ce procès a lieu, vous

5 devez quand même connaître le Président et les Juges, je devrais même dire

6 par politesse les Juges et le Président. Nous interprétons toujours notre

7 propre règle avec une certaine flexibilité. Vous êtes enfermé dans un

8 certain cadre parce qu'il s'agit de témoins de la Chambre.

9 Cela étant, bien entendu, les Juges ont surtout en priorité de

10 connaître la vérité. La vérité, nous la demandons aujourd'hui au colonel

11 Stewart, donc cette question de tout façon fera l'objet éventuellement de

12 compléments s'il n'y ait pas apporté une réponse.

13 Colonel Stewart, répondez comme vous l'entendez.

14 M. Stewart (interprétation). – Pourrait-on me répéter la

15 question, Monsieur le Président ?

16 M. le Président. – J'allais également le demander.

17 M. Hayman (interprétation). – Colonel Stewart, la question était

18 la suivante : un commandant s'appuie-t-il nécessairement sur des

19 renseignements précis de la part de ses commandants subordonnés pour être

20 capable d'exercer le commandement de contrôle sur ses unités ?

21 M. Stewart (interprétation). - Cela fait partie de l'ensemble.

22 Mais l'ensemble, pour un commandant, s'appuie sur toutes les informations

23 qu'il reçoit. Les meilleurs commandants prennent leurs décisions selon

24 leur opinion personnelle quant aux information qu'ils reçoivent.

25 Dans cette situation, je pense que le colonel Blaskic était… je

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1 me serais attendu à ce que le colonel Blaskic soit sur le terrain. Je n'ai

2 pas était surpris qu'il ne se soit pas trouvé dans l'hôtel Vitez.

3 M. Hayman (interprétation). – Mais s'il y avait 10 ou 12 points

4 pouvant déterminer l'action en même temps, un commandant aurait-il fait le

5 tour, examiné l'ensemble de ces points ? Et aurait-il voulu avoir le

6 maximum d'informations quant aux point les plus sérieux déterminant

7 l'action pour exercer un contrôle maximum sur la totalité de la région ?

8 M. Stewart (interprétation). - Le commandant prend ses

9 décisions, il est le seul à pouvoir le faire. L'action dépend de son

10 choix.

11 M. Hayman (interprétation). – Merci. Je demande la pièce à

12 conviction D280. Ce document, colonel Stewart, est un rapport daté du 16.

13 L'heure n'est pas indiquée.

14 Le colonel Blaskic a dit dans sa déposition que la référence qui

15 figure au début du rapport, le fait d'agir conformément aux ordres est une

16 référence aux ordres émanant du colonel Blaskic et destinés à cette police

17 militaire demandant à la police militaire de soumettre un rapport détaillé

18 quant à ce qui s'était passé à Ahmici le 16.

19 Voici le rapport que le colonel Blsakic a reçu : "Les forces

20 armées musulmanes ont tenté de lancer une attaque contre les unités de la

21 police militaire sises dans le bungalow aux premières heures de la

22 matinée. L'attaque a provoqué certaines réactions et des procédures et des

23 actions de combat ont été engagées.

24 Les forces armées musulmanes se sont barricadées dans une

25 mosquée d'Ahmici, dans une école primaire à partir desquelles elles ont

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1 tiré avec des armes légères et des armes de snipers. Des coups de feu ont

2 été tirés en provenance du village et, jusqu'à présent, trois policiers

3 militaires ont été tués et trois blessés dont l'un gravement. Les soldats

4 sont sur le terrain."

5 La référence au bungalow, je vous le dis, est une référence au

6 Chalet suisse dont nous avons déjà parlé.

7 Admettez-vous que, dans ce rapport, il n'y a aucune information

8 fournie au colonel Blaskic au sujet de la mort de civils, de l'incendie

9 des toutes les maisons musulmanes et des destructions dans le village ?

10 M. Stewart (interprétation). - Oui, je ne fais pas confiance à

11 ce rapport et je vais vous dire pourquoi. Parce que je ne crois pas qu'un

12 seul soldat se barricaderait dans une mosquée ou dans une école primaire.

13 C'est un comportement, une action stupide qui vous coupe de l'extérieur.

14 Je mets donc en cause ce rapport et je propose l'hypothèse selon

15 laquelle il aurait pu être écrit après les événements, mais je ne sais

16 pas… C'est mon avis personnel.

17 M. Hayman (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire qu'il

18 est incomplet et imprécis ?

19 M. Stewart (interprétation). - Je suspecte qu'il est imprécis et

20 incomplet.

21 M. Hayman (interprétation). - Sur la base de ce qui s'est passé

22 à Ahmici, si réellement des civils ont été tués, des maisons ont été

23 incendiées le 16 avant la rédaction de ce rapport, vous admettrez que ce

24 rapport était bien incomplet et imprécis, n'est-ce pas ?

25 M. Stewart (interprétation). - Au mieux de mes connaissances, je

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1 crois comprendre que l'attaque contre Ahmici a commencé à 5 heures 30 du

2 matin.

3 M. Hayman (interprétation). - Tout à fait au début de la

4 matinée, le 16, effectivement.

5 M. Stewart (interprétation). - Je présume donc que ce rapport a

6 été rédigé après les événements.

7 M. Hayman (interprétation). - Est-ce votre avis que le massacre

8 de civils à Ahmici était quelque chose qui aurait pu être vu ou entendu à

9 partir de la ville de Vitez ou à partir de l'hôtel Vitez ?

10 M. Stewart (interprétation). - Je ne pense pas que cela a été le

11 cas, car le bataillon de transport néerlandais qui se trouvait tout près à

12 Busovaca a remarqué les coups de feu dans le secteur et n'a rien fait à ce

13 sujet ; ce qui est une honte.

14 A mon avis, il aurait dû faire quelque chose. Ce bataillon était

15 beaucoup plus près que ne l'était l'hôtel Vitez. A mon avis, on aurait pu

16 entendre les coups de feu à partir de l'hôtel Vitez, on aurait sûrement pu

17 entendre les tirs de mortier, mais on aurait bien entendu pas été en

18 mesure de voir ces événements directement.

19 M. Hayman (interprétation). - S'il y avait des tirs de mortier

20 et des coups de feu tirés dans de nombreux endroits autour d'Ahmici, en

21 même temps, on aurait entendu les mêmes sons provenant de lieux divers,

22 n'est-ce pas ?

23 M. Stewart (interprétation). - Oui, c'est exact.

24 M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, de combien

25 de temps est-ce que je dispose ?

Page 22302

1 M. le Président. - Quel thème allez-vous aborder, s'il vous

2 plaît ? Car si vous voulez aborder toute la guerre, le colonel Stewart a

3 une grande expérience de ce terrain-là. Je crois que sa déposition a porté

4 surtout sur Ahmici.

5 Vous avez terminé sur Ahmici, Maîre Hayman ? Une dizaine de

6 minutes de plus vous conviendrait-il, Maître Hayman ?

7 M. Hayman (interprétation). - Je crois que je pourrais terminer

8 mon contre-interrogatoire en dix minutes en l'abrégeant grandement. Je ne

9 peux pas finir en cinq minutes, mais en dix peut-être.

10 M. le Président. - Essayez en dix et vous vous concentrez sur

11 l'essentiel, Maître Hayman. Allez-Y.

12 M. Hayman (interprétation). - Je demande la pièce à conviction

13 de la défense 284. Je voudrais qu'elle soit soumise au témoin. C'est un

14 ordre, Colonel, que j'aimerais que vous examiniez très rapidement, un

15 ordre émanant du colonel Blaskic en date du 17 avril 1993 à 4 heures du

16 matin. Vous voyez ces indications en haut à gauche du document, destiné

17 aux brigades de Busovaca et de Vitez.

18 Au bas de la première page, vous voyez l'indication à

19 l'attention des brigades de Busovaca et de Vitez et l'attention est

20 concentré sur Kuber, un point stratégique.

21 Puis en haut de la page 2, il dit à la brigade de Vitez quelles

22 sont ces affectations en termes de nécessité de s'emparer de certains

23 lieux ou, en tout cas, de les bloquer.

24 J'attire votre attention sur le dernier paragraphe : "Nous avons

25 accompli 80 % de notre mission. Il nous faut encore faire du mieux que

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1 nous pouvons aujourd'hui. Les soldats doivent être prévenus

2 spécifiquement, quant au traitement accordé aux civils, aux personnes

3 âgées, aux femmes et aux enfants, qu'ils ne doivent pas être tués, car

4 ceci est un crime."

5 Si vous regardez l'original -j'aimerais que l'on remette

6 l'original en serbo-croate au témoin-, vous verrez que le mot "crimes" "

7 est écrit en majuscules, comme d'ailleurs dans la traduction.

8 Le colonel Blaskic vous faisait-il connaître ses ordres pendant

9 les journées des 15, 16 et 17 avril sur ces questions confidentielles dont

10 il traitait avec ses forces armées ?

11 M. Stewart (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

12 les Juges, il ne me faisait pas connaître ses ordres, mais je ne

13 m'attendais pas à ce qu'il le fasse. C'est tout à fait normal.

14 M. Hayman (interprétation). - C'est tout à fait normal dans

15 toutes les armées, n'est-ce pas ?

16 M. Stewart (interprétation). - Oui, c'est normal. Moi, je n'ai

17 pas de problème à faire connaître mes ordres. Je n'avais pas de problème à

18 le faire avec le colonel Blaskic ou qui que ce soit, mais mon rôle n'était

19 pas de participer à la guerre.

20 M. Hayman (interprétation). - Vous n'étiez pas une partie

21 belligérante ?

22 M. Stewart (interprétation). - Certainement pas, j'étais censé

23 être neutre. Pourquoi aurais-je donc eu plus intérêt à partager mes ordres

24 avec une partie ou avec une autre ?

25 M. Hayman (interprétation). - Je vous demanderai de regarder le

Page 22304

1 bas de cet ordre, Colonel. Si le colonel Blaskic émettait des ordres de

2 cette nature destinés à assurer la protection des civils, pensez-vous, sur

3 la base de la connaissance que vous avez de cet homme, qu'il pensait ce

4 qu'il disait ?

5 M. Stewart (interprétation). - Oui, sur la base de ce que je

6 sais de lui, je pense qu'il pensait ce qu'il disait, mais j'ajouterai

7 simplement une chose : je ne sais pas quel est le degré d'authenticité de

8 ses ordres, car je ne les a pas vus jusqu'à aujourd'hui.

9 M. Hayman (interprétation). - Je pense que nous serons tous

10 d'accord : il appartient aux Juges de juger de la qualité de cet ordre et

11 des autres d'ailleurs.

12 M. Stewart (interprétation). - En effet.

13 M. Hayman (interprétation). - Hier, vous avez dit quelque chose

14 qui m'a fait réfléchir la nuit dernière, à savoir que le colonel Blaskic

15 était le commandant réel de la zone opérationnelle de Bosnie centrale et

16 qu'en tant que tel, "il doit être tenu responsable des actes commis par

17 les soldats du HVO". Que pensiez-vous en disant : "Il doit être tenu

18 responsable." ?

19 M. Stewart (interprétation). – Tout commandant est responsable

20 des actions de ces soldats. Il peut ne pas être coupable des actes

21 individuels de ses soldats, mais il est responsable de ce que ses soldats

22 font de façon générale. Le colonel Blaskic le sait aussi bien que moi car

23 c'est un officier de carrière.

24 Si des soldats du HVO ont fait ce que je désigne sous le mot de

25 "génocide" dans un lieu situé à 4 miles de son quartier général, il est

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1 responsable des actions de ses soldats. Les actions de ses soldats doivent

2 avoir été connues au quartier général. A mes yeux, il est incompréhensible

3 qu'un commandant ne sache pas ce qui se passe alors qu'un nombre aussi

4 important de personnes a été tués et que des soldats étaient présents sur

5 le terrain en grand nombre également.

6 M. Hayman (interprétation). – Je m'efforce de trier vos opinions

7 et vos conclusions, colonel. Alors suivez-moi, je vous prie. Vous avez

8 d'abord dit qu'il devait être tenu pour responsable. Faisiez-vous

9 référence à une responsabilité militaire ou à une responsabilité pénale et

10 établissez-vous une distinction entre les deux ?

11 M. Stewart (interprétation). – Je crois qu'il y a une

12 distinction, mais ce que j'avais à l'esprit, c'était les deux types de

13 responsabilité.

14 M. Hayman (interprétation). - Votre conclusion, selon laquelle

15 il doit être tenu pour responsable pénalement s'appuie-t-elle sur le fait

16 qu'à votre avis il savait qu'un massacre était planifié à Ahmici ou qu'un

17 massacre était en cours à ce moment-là ? Sur quoi fondez-vous cette

18 conclusion ?

19 M. Stewart (interprétation). – Je la fonde simplement sur le

20 fait qu'il était le commandant de la Bosnie centrale et que ce sont des

21 soldats du HVO qui, à mon avis, ont commis ce massacre.

22 M. Hayman (interprétation). – Bien, c'est très utile. Donc votre

23 conception porte sur une notion de responsabilité stricte. Vous êtes

24 commandant, un crime est commis, vous êtes directement responsable,

25 pénalement responsable de ce crime, n'est-ce pas ?

Page 22306

1 M. Stewart (interprétation). – Je n'aimerais pas jouer sur les

2 mots, ici, parce que je ne suis pas aussi compétent que vous en la

3 matière. Je me contente de dire simplement qu'un commandant est

4 responsable des actions de ses soldats. Il existe une différence entre la

5 notion de responsabilité et la commission du crime en tant que tel, mais

6 la responsabilité globale est celle de ce commandant. A mes yeux, il est

7 clair que les actions commises dans la vallée de la Lasva, qui ont

8 commencé le 18 avril, devaient être connues du commandant. Je suis désolé,

9 mais je ne suis pas prêt à jouer sur les mots. J'essaie de m'exprimer de

10 la façon la plus simple qui soit.

11 M. Hayman (interprétation). – Admettez-vous ou pas que votre

12 conception de la responsabilité est liée à une responsabilité stricte ou

13 est-ce que vous ne comprenez pas le terme ?

14 M. Kehoe (interprétation). - La question vient d'être posée au

15 témoin. Le témoin a répondu à cette question précise.

16 M. le Président. – La question a été posée, Maître Hayman. Mais

17 je sais que c'est un point complexe pour vous.

18 M. Hayman (interprétation). – Quand un témoin opine...

19 M. le Président. – Reformulez votre question en la faisant

20 progresser un peu. Ne la reformulez pas de la même façon. Et c'est

21 uniquement en considération des droits fondamentaux de l'accusé que je

22 prends cette décision. Essayez de ne pas poser la même question, sinon je

23 serai obligé de donner raison à M. Kehoe. Faites progresser le débat.

24 M. Hayman (interprétation). - Je vais le faire, Monsieur le

25 Président, mais c'est difficile lorsqu'une réponse ne répond à la question

Page 22307

1 et ne se centre pas sur le sujet précis de la question.

2 M. le Président. - Votre langue vous a trahi, Maître Hayman.

3 Vous venez de dire quand la réponse ne vous convient pas. Evidemment, si

4 elle ne vous convient pas, je comprends. Mais alors essayez de changer la

5 question. Essayez de modifier, essayez de voir.

6 Le témoin est sous serment, je vous le rappelle. Allez-y.

7 M. Hayman (interprétation). – Est-il exact, colonel, que quand

8 vous êtes entré dans ce prétoire, hier, vous aviez déjà conclu que le

9 colonel Blaskic était coupable de crimes de guerre et devait être puni

10 pour crimes de guerre ? Est-ce exact ?

11 M. Stewart (interprétation). – Non, absolument pas. J'ai mon

12 avis personnel…

13 M. le Président. - Je demande que la question soit formulée de

14 façon digne. Vous avez un témoin sous serment. Je voudrais que vous

15 reformuliez cette question plus digne. Vous avez ici un témoin qui est

16 sous serment, qui a participé à ces opération et je voudrais que vous

17 reformuliez de façon plus digne cette question. Nous devons estimer, au

18 départ, que le témoin ici, en entrant, témoigne loyalement.

19 M. Hayman (interprétation). - Je ne dis rien qui suggère le

20 contraire, Monsieur le Président. Mais le témoin a fait une déposition

21 hier, qui ressemble davantage à un réquisitoire de la part d'un procureur

22 et pourtant c'est un témoin. Donc je m'efforce de comprendre pour quelle

23 raison il a formulé cette déclaration et ce qu'il voulait dire par là.

24 Colonel, lorsque vous avez dit hier dans une déclaration libre

25 émanant de vous, que vous venez d'éclaircir pour moi, selon laquelle le

Page 22308

1 colonel Blaskic devait être tenu pénalement responsable des actes de ses

2 soldats, est-ce quelque chose que vous aviez déjà conclu avant même de

3 pénétrer dans le prétoire ?

4 M. Stewart (interprétation). – Je crois que c'était mon avis

5 parce que c'est quelque chose avec quoi je vis depuis 6 ans. J'ai déjà dit

6 quels sont mes sentiments personnels à l'égard du colonel Blaskic. Je

7 trouve très difficile, sur la toile de fond constituée par ces sentiments

8 personnels à l'égard de quelqu'un que je considère comme un ami, d'en

9 arriver à quelque conclusion que ce soit. Mais je suis convaincu qu'un

10 commandant est responsable des actes de ses soldats.

11 En conséquence, ce qui s'est passé dans un lieu situé près, à

12 proximité du quartier général de M. Blaskic est quelque chose dont il

13 porte la responsabilité. Je ne souhaite pas ajouter l'adjectif pénal ou

14 quelqu'autre adjectif, je parle d'une responsabilité pure. Cela n'aurait

15 pas dû se produire et le commandant était le colonel Blaskic. C'est un

16 homme avec lequel j'ai traité en tant que commandant pour la Bosnie

17 centrale pendant six mois. Quelle autre conclusion pourrais-je tirer ?

18 M. Hayman (interprétation). – Admettez-vous, colonel, que

19 s'agissant de responsabilité pénale, l'entité qui prend l'égard, eu égard

20 à la responsabilité pénale, doit prendre en compte l'ensemble, la totalité

21 des éléments de preuve.

22 M. Stewart (interprétation). – Bien entendu.

23 M. Hayman (interprétation). - Merci. J'ai encore une question à

24 vous poser.

25 Continuez-vous à être convaincu de ce que vous avez écrit dans

Page 22309

1 votre livre à la page 318 : "La Bosnie est sans aucun doute plus complexe

2 que quiconque ne pourrait l'imaginer. Il y a plus que trois parties, les

3 Serbes, les Croates et les Musulmans dont nous entendons parler dans les

4 médias. Il y a des factions dans les groupes et des groupes dans les

5 factions. En l'absence d'un ordre établi, ces différents éléments ont créé

6 une situation qui s'approche autant de l'anarchie que j'ai jamais pu le

7 constater dans ma vie".

8 M. Stewart (interprétation). - Je suis d'accord avec cela, mais

9 je continue à dire que les commandants ont une responsabilité, y compris

10 dans une telle situation.

11 M. Hayman (interprétation). – Merci d'être venue à La Haye,

12 Monsieur le colonel Stewart. Monsieur le Président, je n'ai plus de

13 question pour ce témoin.

14 M. le Président. - Je propose une pause de 10 minutes avant de

15 donner la parole à M. le juge Shahabuddeen.

16 Nous reprendrons vers 10 heures 05.

17 L'audience, suspendue à 9 heures 55, est reprise à 10 heures 05.

18 M. le Président. – L'audience est reprise, veuillez vous

19 asseoir.

20 Colonel Stewart, je ne saurais trop rappeler une fois de plus

21 que c'est la Chambre qui vous a fait venir et je vous remercie aussi de

22 votre présence. C'est la raison pour laquelle nous allons maintenant

23 aborder la dernière séance de votre témoignage.

24 Je donne tout de suite la parole à M. le Juge Shahabuddeen.

25 Monsieur le Juge, c'est à vous.

Page 22310

1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Bonjour Colonel.

2 M. Stewart (interprétation). - Bonjour Monsieur.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'ai compris les derniers

4 mots que vous avez dit avant la pause comme signifiant que vous ne vouliez

5 pas jouer avec les mots. Le sens que j'ai accordé à ces propos consistait

6 à penser que vous ne souhaitiez pas entrer dans les arcanes techniques.

7 Est-ce exact ?

8 M. Stewart (interprétation). - Oui.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous nous avez donné votre

10 avis sur les responsabilités à des commandants, la responsabilité d'un

11 commandant en tant que soldat, n'est-ce pas ?

12 M. Stewart (interprétation). - Oui.

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Les mots ne sont plus sur

14 l'écran, mais dans mon souvenir vous vous apprêtiez à établir une

15 distinction entre la responsabilité d'un commandant et la responsabilité

16 d'un individu vis-à-vis d'un crime particulier ?

17 M. Stewart (interprétation). – Oui, Monsieur. Mais puis-je

18 ajouter quelques mots ?

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui.

20 M. Stewart (interprétation). – Monsieur, je suis officier depuis

21 26 ans. A plusieurs reprises, j'ai fait des tournées en Irlande du nord.

22 J'aimerais vous donner un exemple pour vous faire comprendre ce que je

23 veux dire.

24 Lorsque j'ai perdu des soldats au cours d'une mission

25 opérationnelle lors d'une de ces visites en Irlande du nord, en effet en

Page 22311

1 tant que commandant, j'ai perdu 6 soldats qui ont été tués, et 35 blessés

2 sur un total de 100. Chaque fois, je suis allé voir les parents des

3 soldats tués, et j'ai toujours dit à ces parents que la responsabilité de

4 la mort de leurs fils reposait sur moi. Je n'étais peut-être pas coupable

5 de la mort de ces soldats, mais la responsabilité à un moment déterminé, à

6 une date déterminée reposait sur moi. J'ai porté cette responsabilité,

7 j'ai assumé cette responsabilité en tant que commandant.

8 Je présentais mes excuses aux parents du soldat tué en me disant

9 responsable de la mort de leur fils, dans ce cadre précis. Ce n'était pas

10 de ma faute, je n'étais donc pas coupable parce que je n'ai tiré sur

11 personne mais j'étais responsable.

12 C'est là que j'en arrive à distinguer entre les mots. Cette

13 responsabilité, je l'ai toujours ressenti de la façon la plus intense qui

14 soit. Voilà ce que j'entends par les mots que j'ai prononcés. La

15 responsabilité, eu égard à ces soldats à un moment déterminé, à une date

16 déterminée, doit être assumée par le commandant de ces soldats. Voilà ce

17 que je veux dire. Suis-je clair ?

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Oui, Monsieur. J'apprécie

19 votre réponse dans toutes ses nuances. Mais dois-je traduire ce que vous

20 venez de dire comme signifiant que la responsabilité du commandant vis-à-

21 vis d'un fonctionnement efficace du système, selon des critères

22 militaires, inclue également l'application d'un certain nombre de normes

23 éthiques ?

24 M. Stewart (interprétation). – Oui, vous avez raison.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Parlons quelques instants

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1 des références faites à l'OTAN. Suis-je en droit de supposer, Colonel, que

2 les armées de l'OTAN font partie des armées les mieux équipées les mieux

3 entraînées du monde ?

4 M. Stewart (interprétation). - A mon avis, c'est effectivement

5 le cas.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). – Suis-je également en droit

7 de supposer que votre point de vue consiste à penser qu'il est toutefois

8 possible que le commandement et le contrôle s'exercent dans d'autres

9 armées du monde également ?

10 M. Stewart (interprétation). - Bien sûr.

11 M. Shahabuddeen (interprétation). - Et vous maintenez ce que

12 j'ai cru comprendre être votre avis, à savoir qu'il était possible qu'il y

13 ait un commandement et un contrôle efficace sur les forces du HVO ?

14 M. Stewart (interprétation). - La réponse à cette question

15 est : oui partiellement. C'est là que réside le problème. Le colonel

16 Blaskic, à mon avis, était le réel commandant du HVO en Bosnie centrale.

17 Je n'ai jamais, pas un seul instant, pensé que c'était Kordic qui était le

18 commandant. Je ne me suis jamais adressé à Kordic en tant que commandant

19 ou à qui que ce soit d'autre. Le colonel Blaskic était pour moi mon point

20 de contact naturel.

21 Lorsque le colonel Blaskic disait quelque chose, cela se

22 produisait plus bas dans la hiérarchie. J'ai, par conséquent, estimé qu'il

23 était raisonnable de supposer qu'il disposait d'un commandement et d'un

24 contrôle effectifs, efficaces de ce point de vue particulier.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci beaucoup.

Page 22313

1 J'aimerais maintenant que nous consacrions quelques instants à

2 la situation de Vitez et de Stari Vitez le 16 avril. Colonel, avez-vous eu

3 la possibilité de voir de vos yeux un échange de tirs entre ces deux zones

4 ce jour-là ?

5 M. Stewart (interprétation). - Je suis passé dans ce secteur,

6 Monsieur, on m'a tiré dessus ce jour-là.

7 M. Shahabuddeen (interprétation). – Oui ?

8 M. Stewart (interprétation). - Je pense que les tirs provenaient

9 du HVO mais je ne le sais pas exactement. Quelqu'un a trouvé un RPG7,

10 c'est-à-dire des traces de tirs d'un lance-roquettes multiple sur ma Land-

11 Rover. Mais on m'a raté, j'ai le plaisir de le dire.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en suis heureux, Monsieur.

13 M. Stewart (interprétation). – Ma réponse est donc oui, mais je

14 ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous également reçu des

16 rapports émanant de membres de votre équipe et vous informant de ce qui se

17 passait entre Vitez et Stari Vitez ?

18 M. Stewart (interprétation). - Monsieur, je dois dire que le

19 chaos était tel à l'époque qu'à l'évidence, il y avait bien sûr des

20 enclaves de la Bosnie-Herzégovine aux environs de Vitez. L'emplacement des

21 lignes de démarcation ne m'étaient pas connues très clairement. Aux

22 alentours de cette date, nous avons aussi vu arriver un grand nombre de

23 personnes qui nous demandait de l'aide. Ils arrivaient dans notre camp

24 logistique qui se trouvait dans un garage, non loin de Vitez. J'ai donné

25 des instructions selon lesquelles il fallait protéger ces personnes à tout

Page 22314

1 prix. Ces personnes devaient être protégées par mes soldats.

2 La tâche n'était pas facile : je me rappelle que nous avons

3 parlé aux gens qui semblaient tirer sur ces personnes. Et ces tireurs

4 n'étaient pas prêts à cesser de tirer.

5 Donc, j'ai donné des instructions selon lesquelles si ces

6 personnes continuaient à tirer sur les personnes protégées, il fallait les

7 tuer. Je suis désolé de parler aussi crûment, mais je crois que c'est

8 clair.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). – C'est clair. Pouvez-vous me

10 dire encore une chose ? Pouvez-vous apporter votre aide aux juges de cette

11 Chambre, en leur apportant votre appréciation quant à la puissance

12 relative des tirs échangés entre Vitez et Stari Vitez ?

13 M. Stewart (interprétation). - Je ne crois pas que je puisse le

14 faire.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). – Bien, je passe à une autre

16 question.

17 M. Stewart (interprétation). – Je suis désolé, mais je vous ai

18 dit que le chaos était total. Je ne crois vraiment pas pouvoir répondre à

19 cette question. Je ne voudrais pas émettre un jugement erroné.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Merci beaucoup.

21 Maintenant, si vous vous étiez trouvé dans l'hôtel Vitez le

22 16 avril 1993, vous aurait-il été possible de voir de la fumée en

23 provenance d'Ahmici ou auriez-vous eu la possibilité d'entendre le bruit

24 de coups de feu ou de détonations provenant de cet endroit ?

25 M. Stewart (interprétation). – Oui, Monsieur. Il ne fait aucun

Page 22315

1 doute que nous aurions pu entendre les coups de feu ou les coups de canon

2 et nous aurions pu également voir la fumée. J'ai parcouru la route de

3 montagne. Je m'y trouver à 7 heures 30 ce matin-là, dans ma Land Rover, et

4 j'ai entendu les bruits liés à la fin de l'attaque contre Ahmici, même si

5 je ne comprenais pas de quoi il retournait. J'ai eu à subir des tirs

6 pendant ce voyage au moins trois fois, y compris des tirs de mortiers et

7 des coups de feu tirés par des tireurs embusqués. Mais mon voyage s'est

8 fait rapidement, très rapidement.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). – Oui, colonel, excusez moi de

10 poursuivre sur le même tel sujet un peu longuement et de vous interroger

11 sur un autre point hypothétique. Encore une fois, si vous vous étiez

12 trouvé à Vitez ce jour-là, dans l'hôtel Vitez plus précisément et que vous

13 aviez entendu des bruits de tirs provenant de diverses directions, vous

14 aurait-il été possible, en tant que militaire, d'identifier certains de

15 ces bruits de tir provenant d'Ahmici ? Ou bien la confusion était-elle

16 trop importante pour avoir eu la possibilité d'identifier un son

17 particulier en le reliant à une source particulière ?

18 M. Stewart (interprétation). - Je pense qu'entre 5 heures 30 et

19 7 heures 30 du matin, autour de ces heures-là, le 16 avril, l'essentiel

20 des tirs provenaient de la zone ou de la proximité d'Ahmici. Ces tirs,

21 pour la plupart, étaient concentrés. Je dirai, en matière de direction,

22 qu'on avait une idée approximative de l'origine de l'emploi des

23 principales pièces d'artillerie, effectivement.

24 M. Shahabuddeen (interprétation). – Suis-je en droit de penser,

25 à la suite de votre réponse, que si vous, vous étiez le commandant

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1 militaire à l'hôtel Vitez à cette époque, si vous l'aviez été, est-ce que

2 vous auriez été en mesure de réaliser qu'il y avait une opération en cours

3 à Ahmici ?

4 M. Stewart (interprétation). – Comment dire ? C'est toujours le

5 commandant qui est l'homme sur le terrain. Il n'est jamais aisé de dire ce

6 qu'aurait fait quelqu'un d'autre à sa place. Mais à supposer que j'aurais

7 été entendu énormément de coups de feu, il n'y avait pas que des coups de

8 feu d'armes légères, mais également des tirs de mortiers, j'aurais une

9 idée assez précise du principal foyer de l'opération. Si je n'avais pas de

10 bons moyens de communication, je me rendrais sur place pour m'assurer sur

11 les lieux.

12 Il n'y avait aucun difficulté à parvenir, depuis l'hôtel Vitez,

13 à Ahmici. Le seul point de blocage, pour autant que je m'en souvienne,

14 c'était un point ou deux peut-être dressé par le HVO sur la route, mais il

15 n'y avait pas de point tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine en

16 destination d'Ahmici depuis l'hôtel Vitez ?

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous vous êtes rendu à

18 Ahmici, colonel ? Vous avez vu des signes de destruction. Je suppose que

19 vous avez pu vous forger une opinion en tant qu'homme militaire. Quel

20 serait le jugement que vous auriez porté lorsqu'il s'agissait de

21 déterminer s'il était nécessaire ou pas d'avoir préparé ce que vous avez

22 vu s'être produit à Ahmici, par le biais d'exercices préalables ?

23 M. Stewart (interprétation). - Lorsque je suis arrivé à Ahmici,

24 instantanément, immédiatement, je me suis dit que ceci avait été le

25 résultat d'une attaque contre les Musulmans de Bosnie parce que la mosquée

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1 était détruite. C'était là un signe très simple. Mais à l'époque,

2 rappelez-vous c'est le 22 avril que j'ai découvert Ahmici, j'ai honte que

3 ceci se soit produit dans ma zone de responsabilité.

4 A l'époque où j'ai découvert Ahmici, je ne me suis pas fait

5 d'idée quant aux modalité à ce que ce qui s'était passé parce que j'étais

6 bien trop préoccupé par toute cette question complexe le 22 avril. Il me

7 fallait assurer une certaine maîtrise des événements. Ce n'est que plus

8 tard, lorsqu'il a fallu évaluer la situation d'Ahmici, après avoir reçu

9 des rapports surtout du Centre des Nations Unies pour les Droits de

10 l'Homme qui a consigné beaucoup d'éléments, c'est seulement alors j'ai pu

11 me forger une opinion quant à ce qu'a pu être le plan d'attaque préparé

12 contre Ahmici ?

13 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous faire part aux

14 juges de votre idée de ce qu'aurait pu être un plan d'attaque concentré

15 sur Ahmici ?

16 M. Stewart (interprétation). - Oui. Ce n'est qu'un avis.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). - Tout à fait.

18 M. Stewart (interprétation). - Je pense que quelque 40 à

19 70 personnes ont peut-être participé à cette action. Je pense que les

20 armes utilisés ont été des mortiers et des armes légères ainsi que du

21 benzine ou de l'essence et des briquets Zipo.

22 Je pense que chaque maison a été perquisitionnée

23 systématiquement, des petits groupes d'hommes se sont rendus dans chaque

24 maison pour voir qui s'y trouvait, pour déterminer l'origine ethnique de

25 ces personnes et c'est en fonction de cette origine ethnique que ces

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1 personnes gardaient la vie ou la perdaient. Je pense qu'il y a

2 effectivement eu déploiement de troupes destinées à couper les routes, ce

3 qui veut dire qu'il y a eu utilisation des voies d'accès du village pour

4 le suivi de l'opération ou encore l'attaque est partie directement du

5 chalet suisse, de là.

6 Je pense que par la suite, il y a eu une excitation

7 considérable. J'en ai vu des signes. Ce n'était pas manifeste au moment où

8 je suis passé par là, mais vers 10 heures et demie le 16 avril, lorsque je

9 suis passé devant le chalet suisse, j'ai vu qu'il y avait beaucoup

10 d'agitation, les gens étaient tous en émoi et je pense qu'il y avait aussi

11 une agression extrême qui s'est manifestée à mon encontre.

12 Je connais les soldats, je sais s'ils ont été en opération par

13 le comportement qu'ils affichent et les soldats que j'ai vu près du chalet

14 suisse à 10 heures 30 avaient un aspect excité, un regard excité. On

15 voyait qu'ils ressemblaient à des soldats qui venaient de sortir d'une

16 opération active, ne serait-ce que par la façon dont ils se déplaçaient,

17 dont ils se tenaient debout, le torse bombé. Ils étaient vraiment

18 surexcités.

19 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais vous parlez du 16 ?

20 M. Stewart (interprétation). - Oui, je parle du 16.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Fort bien.

22 M. Stewart (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Juge,

23 mais le 16, je suis passé devant ce chalet, mais je n'étais pas au courant

24 des événements. Le 22, je n'était plus dans l'ignorance et j'ai trouvé cet

25 endroit.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - C'est la raison pour

2 laquelle je vous ai posé la question, à savoir si vous parliez du 16.

3 Lorsque vous avez parlé du chalet suisse, vous parliez bien du bungalow ?

4 M. Stewart (interprétation). - Oui.

5 M. Shahabuddeen (interprétation). - A votre avis, combien de

6 temps aurait-il fallu pour planifier une opération de cette ampleur, de ce

7 type, avec le type d'éléments dont on disposait ? Est-ce qu'il fallait une

8 heure, un jour ? Combien de temps fallait-il ?

9 M. Stewart (interprétation). - Non pas que je ferai une telle

10 chose, mais si on voulait monter une telle opération qui est peut-être une

11 opération de balayage, il faudrait peut-être une demi-journée.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Une demi-journée ?

13 M. Stewart (interprétation). - A peu près pour préparer les

14 forces, pour donner des ordres et pour passer à l'attaque. C'est ce que

15 l'on appelle le fait de coordonner la région. Puis, on positionne les

16 troupes sur les flancs et vous partez d'une partez d'une position de base,

17 si ceci se fait d'une façon militaire efficace.

18 C'est pareil, si cela se fait de façon improvisée, cela peut se

19 faire de façon plus rapide, mais je ne pense pas que cela a été improvisé

20 ou par hasard.

21 M. Shahabuddeen (interprétation). - Compte tenu de ce que vous

22 connaissiez du système militaire s'agissant du HVO, pensez-vous qu'il

23 était possible ou plutôt impossible que des décisions ayant trait à la

24 planification, à l'exécution de cette opération se prennent uniquement au

25 niveau local ou est-ce qu'une telle préparation aurait nécessité

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1 l'approbation du centre de l'organisation centrale ?

2 M. Stewart (interprétation). - Si par "local", vous entendez au

3 sein de la municipalité de Vitez avec des effectifs présents sur place,

4 là, ainsi qu'avec la présence du colonel Blaskic -je pense surtout à Anto

5 Valenta, qui m'a remis un exemplaire de son ouvrage...

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je peux peut-être vous aider

7 davantage pour vous guider. Je pensais au rapport existant entre le

8 colonel Blaskic qui se trouve à l'hôtel Vitez et le commandant du HVO qui

9 se trouve dans la zone de Vitez.

10 M. Stewart (interprétation). - Pour moi, le colonel Blaskic

11 était le commandant du HVO dans la région.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - Y compris la région

13 d'Ahmici ?

14 M. Stewart (interprétation). - Oui.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Ah, je vois.

16 M. Stewart (interprétation). - Commandant général, il n'était

17 pas le commandant du détachement, mais il était le commandant général.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vais essayer d'être un

19 peu plus précis. Pouvait-on imaginer que la décision portant sur la

20 préparation et sur l'exécution d'une préparation de ce type puisse avoir

21 été prise sans l'accord ou le concours du colonel Blaskic ?

22 M. Stewart (interprétation). - C'est concevable, mais je ne

23 pense pas que ceci se serait produit. Il y a un doute qui plane, un

24 certain degré de doute qui plane. Ou un doute est permis.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous vous êtes rendu à

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1 Ahmici, et un soldat du HVO vous a dit quelque chose qui revient à dire

2 ceci : de quel droit êtes-vous ici ? Est-ce que des soldats du HVO se

3 seraient plaints auprès de vous du fait que les événements d'Ahmici se

4 soient produits en réaction à une attaque menée par l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine ?

6 M. Stewart (interprétation). - Je ne me souviens pas ceci se

7 soit jamais produit et, puisque j'ai gardé vraiment de façon indélébile

8 les événements d'Ahmici à l'esprit et dans ma mémoire, je ne pense pas que

9 ceci se soit passé.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Au cours de la visite que

11 vous avez effectuée à Ahmici, avez-vous constater des traces, des signes

12 d'oeuvres ou de travaux défensifs sur le terrain ? Je ne suis pas non plus

13 un militaire, je pense à des tranchées, par exemple.

14 M. Stewart (interprétation). - Non.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Avez-vous vu ce genre de

16 travaux de défense ?

17 M. Stewart (interprétation). - Non.

18 M. Shahabuddeen (interprétation). – Vous qui êtes un militaire,

19 avez-vous vu, observé quelque signe que ce soit de combats, d'échanges de

20 tirs entre deux parties belligérantes, par exemple ?

21 M. Stewart (interprétation). - Cela n'a pas été le cas, mais ce

22 ne serait pas nécessairement évident dans la région.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). – Je vois. Il y a un instant,

24 nous avons examiné la pièce de la défense 280A ; c'est là un rapport qui

25 avait été soumis au colonel Blaskic par le commandant Ljubicic, le

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1 16 avril 1993. Vous vous souvenez peut-être de la teneur de ce rapport ?

2 Etait-elle bien celle-ci : M. Ljubicic y disait qu'il y avait eu

3 une attaque dirigée contre la police militaire dans un bungalow et que des

4 éléments de la partie adverse, la partie opposée s'était barricadée dans

5 la mosquée. Si vous aviez été l'officier commandant le HVO, si vous aviez

6 reçu un tel document, est-ce que vous lui auriez accordé quelque poids que

7 ce soit ? Pour vous, ce document aurait-il été crédible ?

8 M. Stewart (interprétation). - Je ne pense pas. En effet, les

9 mosquées sont des places impossibles à défendre.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Mais vous, quelle aurait été

11 votre réaction par rapport à M. Ljubicic ? Auriez-vous demandé des

12 éclaircissements ?

13 M. Stewart (interprétation). - Il était le commandant du HVO

14 dans le chalet suisse, c'est vrai.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Qu'auriez-vous fait ?

16 M. Stewart (interprétation). - J'aurais été aussitôt le voir.

17 M. Shahabuddeen (interprétation). – Aurait-il été possible

18 d'aller le voir ?

19 M. Stewart (interprétation). - Oui.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). – Et le voyage, combien de

21 temps aurait-ils pris ?

22 M. Stewart (interprétation). - Moins de 15 minutes.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez affirmé à

24 plusieurs reprises que vous aviez personnellement beaucoup de sympathie

25 pour le colonel Blaskic. Ceci va peut-être vous embarrasser quelque peu,

Page 22323

1 mais me permettez-vous de vous demander si, d'après vous, vous aviez aussi

2 l'impression qu'il vous manifestait beaucoup de respect ?

3 M. Stewart (interprétation). - Je pense que c'était le cas.

4 M. Shahabuddeen (interprétation). – Je vous remercie.

5 M. Stewart (interprétation). - Permettez-moi d'ajouter que

6 j'éprouve beaucoup de difficulté à déposer contre un homme tel que lui

7 parce que j'ai des sentiments personnels, mais j'ai des ordres pour le

8 faire. Je dois m'exécuter.

9 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pour ainsi dire vous

10 défendiez ces principes que vous connaissez ?

11 M. Stewart (interprétation). – Bien sûr.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). - La Chambre n'est peut-être

13 pas d'accord avec vous mais c'est votre avis ?

14 M. Stewart (interprétation). - Effectivement.

15 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez parlé avec le

16 colonel Blaskic à un moment donné pour la première fois à propos d'Ahmici.

17 Je crois que vous avez dit qu'il était vraiment en état de choc ou

18 bouleversé ?

19 M. Stewart (interprétation). - Oui.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Pourriez-vous nous parler

21 davantage de l'impression recueillie ? Avez-vous eu le sentiment qu'il

22 était bouleversé et très contrarié d'apprendre que des exactions très

23 graves avaient été commises à Ahmici ? Ou son état était-il dû aux

24 circonstances qui se présentaient, à savoir qu'une personne telle que vous

25 -vous qu'il respectait- lui demandait de prendre des mesures ?

Page 22324

1 M. Stewart (interprétation). - Je crois qu'il était bouleversé

2 par ce qui s'était passé.

3 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie.

4 Avez-vous eu l'impression qu'il n'était pas au courant,

5 auparavant, de ce qui s'était passé ?

6 M. Stewart (interprétation). - Je ne me souviens plus exactement

7 de ses dires, mais mon impression était qu'il a affirmé ne pas être au

8 courant des événements. A ce moment-là, ma confiance en lui avait déjà été

9 ébranlée.

10 M. Shahabuddeen (interprétation). - Si vous aviez été à sa

11 place, officier de commandement de haut rang, est-ce qu'à ce moment-là,

12 vous, vous auriez déjà été au courant ?

13 M. Stewart (interprétation). - Oui, oui. J'aurais appris ce qui

14 s'était passé le jour même. Il n'aurait pas fallu un jour, des minutes

15 auraient suffi et j'aurais été sur place.

16 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je suis responsable du doute

17 que j'ai dans mon esprit ou du manque de clarté. Veuillez m'aider à

18 éclaircir ceci : vous avez dit que le colonel Blaskic avait suggéré que

19 soit constituée une commission d'enquête, et il a demandé de l'aide ?

20 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas qui a donné cette

21 idée, mais j'ai l'impression que c'était moi qui avais insisté.

22 M. Shahabuddeen (interprétation). – Mais j'ai bien donné ce

23 préambule à ma question, je vous ai dit que je ne me souvenais pas

24 exactement.

25 M. Stewart (interprétation). - L'autre condition étant qu'il

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1 fallait aussi des représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui

2 fassent partie de cette commission d'enquête. Nous avions utilisé ce

3 modèle déjà utilisé par l'ECMM où le second du colonel Blaskic s'était

4 déplacé avec quelqu'un -dont je ne sais plus le nom- de l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine en tout cas pour essayer d'apaiser la situation.

6 M. Shahabuddeen (interprétation). - Le colonel Blaskic a rédigé

7 une lettre qui demandait de l'aide afin que soit menée cette enquête. Est-

8 ce exact ?

9 M. Stewart (interprétation). – J'ai vu cette lettre.

10 Franchement, je suis tout à fait disposé à accepter l'idée que la lettre

11 est arrivée, mais je ne m'en souviens pas.

12 M. Shahabuddeen (interprétation). – Ce qui m'intéresse, c'est

13 ceci : vous souvenez-vous aujourd'hui de la question de savoir si vous

14 auriez été prêt à prêter assistance ou à demander de l'assistance afin de

15 créer cette commission d'enquête ? L'auriez-vous fait si vous aviez été

16 convaincu de la sincérité de la demande d'assistance ?

17 M. Stewart (interprétation). - Absolument. Absolument. Nous

18 avions un plan d'urgence à cet effet d'ailleurs. L'ECMM aurait pu peut-

19 être intervenir puisqu'elle était plus neutre que nous, d'une certaine

20 façon. Nous aurions pu fournir des véhicules ainsi que les forces de

21 sécurité nécessaires parce qu'on prévoyait que les membres de la

22 commission d'enquête allaient demander un haut degré de sécurité. Moi,

23 j'allais utiliser mes blindés et mes hommes pour assurer cette sécurité

24 pour cette commission dans l'exercice de ses fonctions. C'est ce qui avait

25 prévu. Mais cet appel ne nous est jamais parvenu.

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1 M. Shahabuddeen (interprétation). - Dans le cadre des réunions

2 que vous avez eues avec le colonel Blaskic, je pense se trouvait présent à

3 l'une de ces réunions également Allister Duncan. Vous dites avoir pris

4 quelques notes et des mots selon lesquels, un jour, le colonel Blaskic

5 serait traduit en justice ?

6 M. Stewart (interprétation). - Effectivement, je crois avoir

7 tenu ces termes. Excusez-moi, pardonnez-moi, avez-vous eu l'occasion

8 d'entendre Allister Duncan, en tant que témoin ? Puis-je me permettre de

9 poser une telle question ?

10 M. Shahabuddeen (interprétation). – Je me tourne vers les

11 parties parce que malheureusement ma mémoire me fait défaut.

12 M. Kehoe (interprétation). – Effectivement, nous avons eu

13 l'occasion d'entendre le témoignage d'Allister Duncan.

14 M. Shahabuddeen (interprétation). – Manifestement, la réponse

15 est affirmative. A l'époque où vous avez tenu ces propos au colonel

16 Blaskic, est-ce que dans les médias on parlait de la création d'une cour

17 pénale, d'un tribunal de guerre qui serait chargé de mener des enquête,

18 par exemple sur les événements d'Ahmici ?

19 M. Stewart (interprétation). - C'est peut-être le cas, mais je

20 ne lisais pas beaucoup les journaux à l'époque. Voici ce qui s'est passé.

21 Nous avons eu certaines discussions avec le Centre des Droits de l'Homme

22 des Nations Unies avec les enquêteurs de ce centre, et nous avons compris

23 immédiatement qu'à mon avis, des crimes de guerre avaient été commis. Mais

24 ceci ne se limitait pas au HVO.

25 M. Shahabuddeen (interprétation). - J'en suis conscient. Vous

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1 avez parlé avec le colonel Blaskic de la possibilité de ce qu'il y a à

2 répondre de ces actes devant un Tribunal. A ce moment-là, ou à d'autres

3 moments, vous aurait-il dit ceci : "Oui, mais moi j'ai donné des

4 instructions, des directives ou ordres à mes soldats, à mes troupes et je

5 leur ai rappelé leur devoir d'appliquer les critères de rigueur en matière

6 de comportement" ?

7 M. Stewart (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

8 M. Shahabuddeen (interprétation). - Vous avez été d'un grand

9 secours. Je vous remercie, colonel.

10 M. le Président. – Merci, Monsieur le Juge Shahabuddeen.

11 Je me tourne à présent vers le Juge Rodrigues. Monsieur le Juge,

12 c'est à vous.

13 M. Rodrigues. – Merci, Monsieur le Président.

14 Bonjour, colonel Stewart. Je crois que la plupart des questions

15 importantes ont déjà été posées. Pour ma part, il me suffira de faire une

16 révision de vos déclarations et vous poser quelques petites questions.

17 Si nous sommes au Café Grand, nous trouvons Kordic dans les

18 circonstances que vous connaissiez. A propos de ces circonstances, vous

19 avez dit qu'après ce jour, je lis en anglais, peut-être vais-je le dire en

20 anglais…

21 (Le Juge Rodrigues poursuit en anglais)

22 "Après ce jour, j'ai eu l'impression très nette que M. Blaskic

23 était le commandant militaire, mais que Kordic était le commandant

24 politique".

25 (Le Juge Rodrigues reprend en français.)

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1 Ma question est celle-ci : quels sont les indices ou quels sont

2 les informations ou résultats de votre perception qui vous ont amené à

3 cette conclusion de distinguer M. Blaskic comme un commandant militaire et

4 Kordic comme un commandant politique ?

5 M. Stewart (interprétation). – Monsieur le Juge, Kordic parlait

6 toujours en termes politiques. Il parlait toujours du destin et de ce

7 genre de figure de grandeur. Alors que le colonel Blaskic parlait le même

8 langage que moi, ce qui probablement m'attirait vers lui. On peut donc

9 dire que Kordic, je ne l'aimais pas, et que le colonel Blaskic me

10 plaisait.

11 Lorsque j'ai rencontré Kordic pour la première fois, j'avais

12 l'impression qu'il parlait trop. J'avais le sentiment que les gens

13 l'écoutaient bien, mais ne le respectaient pas beaucoup. Il est certain

14 que les soldats suivaient naturellement le colonel Blaskic et non pas

15 Kordic à qui je n'attribue aucun grade, étant donné que je crois qu'il

16 n'avait pas de grade.

17 M. Rodrigues. - Si nous revenons à l'organisation du HVO, peut-

18 on dire qu'il y avait au sein du HVO et dans le plan d'organisation du HVO

19 un côté politique et un côté militaire, notamment par rapport au HDZ ?

20 M. Stewart (interprétation). - Je crois que l'organisation ne

21 ressemblait pas à celle de l'armée britannique. Il existait un aspect

22 politique conformément à l'ancien système de Tito, le système communiste

23 en général. J'avais l'impression que Kordic se trouvait dans le cadre de

24 cet aspect politique, tout comme Valenta. Pour être bref, la réponse est

25 "oui", c'est ce que je pense.

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1 M. Rodrigues. - Je crois aussi, colonel Stewart, que vous avez

2 dit que vous croyiez fermement que Kordic était le commandant du HVO à

3 Busovaca. Etait-il commandant au sens militaire ?

4 M. Stewart (interprétation). – Il est très difficile, et pour

5 nous il a été difficile de comprendre tout cela. Il paraissait que le

6 commissaire politique, c'était lui. A certains moments, où il y avait une

7 vraie menace à Busovaca, il devenait alors subitement le commandant

8 militaire dans cette région. J'avais l'impression que ceci s'appliquait

9 uniquement à la région de Busovaca. Il n'était pas un bon commandant

10 militaire.

11 Je me suis rendu chez lui plusieurs fois et il m'est apparu

12 comme pris de panique. On le voyait dans ses yeux. Il ne s'agit donc pas

13 d'une bonne procédure ni une bonne attitude à adopter. Mais ce sont à mes

14 impressions et non pas les faits.

15 M. Rodrigues. – Il n'y avait pas une réelle séparation entre le

16 militaire et le politique. Je ne sais pas si on peu conclure cela. Mais je

17 voudrais allez un peu plus avant pour vous poser la question suivante :

18 est-ce que là le général Blaskic partageait les objectifs, notamment

19 politiques, du HVO ou était-il seulement un militaire dans le sens

20 strictement professionnel du terme ?

21 M. Stewart (interprétation). – Je ne sais pas. Je ne connais pas

22 la réponse à cette question.

23 M. Rodrigues. – Au moins pouvez-vous nous donner votre

24 impression à propos de la question de savoir si Blaskic connaissait les

25 objectifs politiques du HVO ?

Page 22330

1 M. Stewart (interprétation). – Oui, il connaissait les objectifs

2 politiques du HVO. Ses liens étaient suffisamment proches avec des gens

3 comme Kordic et Valenta pour être au courant de cela, tout à fait au

4 courant.

5 M. Rodrigues. – Du point de vue de l'organisation, d'un point de

6 vue stratégique et d'un point de vue tactique, est-ce que le général

7 Blaskic avait une tactique pour faire aboutir les objectifs stratégiques

8 du HVO ?

9 M. Stewart (interprétation). – Excusez-moi, mais il va falloir

10 quand même que je commence à jouer sur les mots. Il y a la stratégie et la

11 tactique, puis la stratégie politique et la stratégie militaire. En ce qui

12 concerne la stratégie militaire du HVO, celle-ci serait liée à la

13 stratégie politique. C'est vrai aussi pour la tactique. Je suis sûr qu'il

14 y a des liens très étroits entre ces deux domaines-là. A mon avis, la

15 réponse à votre question est : oui, cela a été le cas.

16 M. Rodrigues. – Vous avez dit aussi, colonel Stewart, que vous

17 êtes arrivé à la conclusion –je fais référence au 12 janvier 1993- que

18 Blaskic était l'autorité militaire du HVO dans la Bosnie centrale. Est-ce

19 qu'avant cette date, vous aviez des doutes ?

20 M. Stewart (interprétation). – Non, je n'en ai pas eu. En effet,

21 jusqu'à ce moment-là, je n'ai pas eu du tout doute. Mais à partir de ce

22 moment-là, nous avons vu cette complication.

23 M. Rodrigues. – Merci, colonel. J'ai une autre question. Le

24 10 janvier 1993, vous êtes allé au quartier général du HVO, à Novi

25 Travnik. Là, vous avez fait référence au fait de la présence d'un soldat

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1 de l'armée croate, du HV, pas du HVO mais du HV. Vous avez fait référence

2 à Mali Basic qui était un peu embarrassé par la présence de ce soldat.

3 Pouvez-vous dire quelque chose à propos de la présence de ce

4 soldat et si vous avez trouvé dans la Bosnie centrale, à d'autres

5 occasions, des soldats du HV, donc l'armée croate ?

6 M. Stewart (interprétation). - A Travnik, il y a eu des

7 problèmes. J'y suis allé en compagnie de mon officier de liaison pour la

8 région qui s'appelait Martin, c'était à Novi Travnik. Il m'a parlé de la

9 possibilité de voir un commandant de l'armée croate, du HV, sur place.

10 Mali Basic était là et cette personne, elle aussi, y était. Je ne me

11 rappelle plus s'il portait des insignes de la HV sur son épaule, mais

12 c'était un jeune homme, de 22 ou 23 ans, et on s'adressait à lui en tant

13 que commandant. Ses propos étaient vraiment radicaux et j'étais vexé de

14 voir qu'un tel homme exerçait un quelconque pouvoir ou une quelconque

15 autorité étant donné que je trouvais vraiment ses propos dégoûtant. Je me

16 rappelle, il disait quelque chose du genre qu'ils étaient tous des bêtes,

17 des animaux. Je ne me rappelle pas des propos exacts, mais je rappelle

18 avoir été choqué et dégoûté.

19 Je ne sais pas si vraiment il appartenait à la HV, à vrai dire

20 -et je m'excuse si je l'avais affirmé dans ma déclaration préalable mais

21 je ne peux pas l'affirmer avec exactitude, je ne suis pas convaincu, mais

22 j'ai l'impression que c'était le cas. Ce que l'on essayait de faire,

23 c'était de baisser la tension, de faire en sorte que les gens discutent

24 entre eux.

25 Encore une fois, je me méfiais du genre de personnes telles que

Page 22332

1 Mali Basic et j'étais dans l'embarras à cause de la présence de cet

2 individu. C'est tout ce dont je me souviens, sauf que je me souviens aussi

3 qu'il faisait noir.

4 M. Rodrigues. - Vous avez utilisé l'expression "propos

5 radicaux". Que voulez-vous dire par cela, Colonel Stewart, s'il vous

6 plaît ?

7 M. Stewart (interprétation). - Oui, effectivement. J'avais

8 l'impression que c'était le genre de personne qui était capable de

9 commettre des atrocités. Sa haine était d'une telle ampleur et je n'avais

10 pas envie d'avoir une telle personne comme cela dans cette zone, j'avais

11 envie qu'il parte.

12 M. Rodrigues. - Nous avons donc parlé de la présence de l'armée

13 croate. Quelle est votre opinion, quelles sont vos informations à propos

14 de la présence de l'armée croate dans la Bosnie en général et dans la

15 Bosnie centrale en particulier ?

16 Est-ce que vous avez quelques informations à propos de la

17 présence de l'armée croate et des éventuels ou supposés intérêts de la

18 Croatie dans la Bosnie ?

19 M. Stewart (interprétation). - Je me rappelle seulement une

20 instance dans laquelle je me souviens qu'apparemment, il y a eu des

21 soldats de la HV.

22 D'après nos suppositions, ils n'étaient pas présents en Bosnie

23 centrale et, bien sûr, parfois il y avait des individus qui rejoignaient

24 les rangs du HVO venant de la HV.

25 Mais voici le seul événement dont je me souviens, dans le cadre

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1 duquel je me suis dit que peut-être, la HV était en Bosnie centrale :

2 c'était à Novi Travnik, j'ai vu uniquement cette personne, une personne,

3 mais cela, c'est mon expérience personnelle. Peut-être y a-t-il plus de

4 renseignements sur la base des informations des services de

5 renseignements, mais quant à ce que je peux vous dire, c'est tout. Il

6 n'était pas là.

7 M. Rodrigues. - Vous dites aussi, colonel Stewart, que le

8 16 avril vers 9 heures vous êtes allé à l'hôtel Vitez pour chercher le

9 général Blaskic pour aller à une réunion à Zenica. Ma question -et vous

10 avez déjà parlé sur cela à propos des questions posées par mon collègue,

11 le Juge Shahabuddeen- est celle-ci : était-il accordé avant que vous

12 alliez chercher M. Blaskic pour l'amener à Zenica ? Il y avait un accord :

13 M. Blaskic vous attendait pour aller avec vous ou non ?

14 M. Stewart (interprétation). - Je ne crois pas qu'il était au

15 courant de cela. Je crois que peut-être je n'ai pas réussi à me mettre en

16 contact avec lui, je crois que c'est avec l'ambassadeur de l'Union

17 européenne que l'on est arrivé à un accord selon lequel nous allions

18 essayer de faire venir M. Blaskic à cette réunion.

19 Si vous vous souvenez de la différence entre le 15 et 16 avril,

20 c'est que le 15 avril il y a eu des troubles qui ont commencé à Zenica

21 avec l'enlèvement de Totic ; il y avait des tensions dans la vallée de la

22 Lasva et, pendant la nuit, les combats ont éclaté dans la vallée de la

23 Lasva.

24 Vous voyez, tout comme moi je l'aurais fait dans la même

25 situation, j'aurais été obligé de rester sur place et, à mon avis,

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1 M. Blaskic devait faire la même chose. D'une certaine manière, je n'étais

2 pas surpris de voir que M. Blaskic n'était pas là. Mais l'ambassadeur et

3 moi, nous nous étions mis d'accord pour essayer de le faire venir à Zenica

4 étant donné que sa présence était cruciale dans les efforts pour baisser

5 les tensions et stabiliser la situation.

6 Pour moi, il est clair que l'enlèvement de Totic -qui s'est

7 opéré probablement par les Moudjahiddin le 15- a provoqué directement les

8 combats qui se sont ensuivis les jours suivants.

9 M. Rodrigues. - De votre opinion, Ahmici peut être vu comme une

10 représaille face à l'enlèvement de Totic ?

11 M. Stewart (interprétation). - Je n'ai pas pensé à cela comme

12 cela avant mais c'est possible. Tout comme il est possible qu'il

13 s'agissait-là d'une manière de se débarrasser des habitants musulmans

14 bosniens d'un village qui se trouvait en route vers le haut de la colline

15 et à côté d'une route de montagne.

16 Je suis donc sûr qu'il y a eu des positions de l'armée de

17 Bosnie-Herzégovine. Il est donc possible qu'effectivement ce village

18 musulman était une sorte de no man's land de quelque manière et il fallait

19 l'éliminer. C'est possible.

20 M. Rodrigues. - Une autre question, Colonel Stewart : vous avez

21 visité le 24 avril le général Blaskic à Vitez et vous l'avez confronté

22 notamment en demandant s'il était responsable pour le HVO dans la zone

23 d'Ahmici.

24 Il vous a répondu que oui, il était responsable pour les actes

25 des soldats du HVO dans la zone d'Ahmici.

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1 Ma question : avez-vous compris que M. Blaskic a pris la

2 responsabilité des événements d'Ahmici, notamment en restant bien

3 conscient qu'il y avait des crimes commis et qu'il acceptait cette

4 responsabilité à l'époque ?

5 M. Stewart (interprétation). - Je vais faire un choix très

6 attentif de mots dans ma réponse. Je crois qu'il savait qu'un massacre

7 s'était produit à Ahmici ce jour-là. Il était certainement au courant

8 étant donné que moi-même, je lui ai parlé de cela. J'ai supposé que lui,

9 en tant que commandant, était responsable pendant l'ensemble de

10 l'opération des événements. Pour moi, il était naturel que s'il acceptait

11 le fait d'être responsable pour le HVO dans la région, il allait assumer

12 la responsabilité pour ceci.

13 Donc lorsque vous parlez du fait d'assumer la responsabilité,

14 ceci implique peut-être que quelqu'un lui aurait dit de porter le chapeau.

15 Je ne pense pas que ceci se soit produit.

16 M. Rodrigues. – Une autre question, Colonel. Je reprends un peu

17 des petites questions que j'avais notées. Vous avez parlé avec Kordic à

18 propos d'Ahmici. Sa réponse a été que les Serbes étaient responsables pour

19 Ahmici. Vous vous rappelez ?

20 M. Stewart (interprétation). - Oui.

21 M. Rodrigues. – Votre réaction normale a été ceci : c'est une

22 offense pour un militaire. Il n'est pas militaire. Il y a donc une autre

23 explication, une autre réponse pour un militaire ou pour un vrai

24 militaire. Quelle serait cette réponse ?

25 M. Stewart (interprétation). - Je ne me souviens pas. Il m'a

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1 donné toute une liste de raisons. Je me souviens qu'il m'a dit que c'était

2 une patrouille, une longue patrouille serbe qui avait pénétré la région,

3 massacré les Musulmans pour que les Croates soient condamnés de cela.

4 C'est une variation sur le sujet que l'on pouvait trouver. On pouvait

5 trouver ce genre de propos semblables dans la presse croate selon laquelle

6 moi-même, j'étais coupable de ce massacre afin de blâmer les Croates, de

7 faire blâmer les Croates à cause de cela. Donc moi, je me méfiais de ce

8 genre de propos. Je trouvais qu'ils étaient stupides pour me proposer de

9 telles stupidités.

10 M. Rodrigues. – Je vais vous poser une question qui n'est pas un

11 jeu de mots, mais il y a quand même des mots utilisés ici, dans la salle

12 d'audience. Il faut voir s'il y a une correspondance entre les mots ou si

13 nous sommes dans un dialogue de sourds. Voici la question : l'artillerie

14 a-t-elle été utilisée à Ahmici ?

15 M. Stewart (interprétation). - Je ne pense pas. Je pense que

16 c'était des mortiers. Mais je ne suis pas sûr.

17 M. Rodrigues. – L'autre question est celle-ci : quand, le

18 16 avril, vous êtes passé devant le chalet suisse et avez conclu par

19 l'observation des soldats que vous avez vus là qu'ils ont participé à une

20 opération -ma question est celle-ci-, s'agissait-il des soldats du HVO,

21 des unités régulières ? S'agissait-il des éléments de la police militaire

22 ou d'autres ?

23 M. Stewart (interprétation). - Vraiment, je souhaite pouvoir

24 vous donner une réponse définitive et claire à cette question. Mais la

25 réponse est que je ne sais pas. Ils étaient des soldats, ils n'étaient pas

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1 contents de mon passage. Moi-même, je ne me suis pas éternisé sur place.

2 M. Rodrigues. – Ces soldats pouvaient-ils être des membres de la

3 police militaire ou non ?

4 M. Stewart (interprétation). - Peut-être qu'ils étaient des

5 membres de la police militaire, mais je ne le savais pas. Ils étaient des

6 soldats en uniforme de combat avec des kits de combat, des munitions.

7 M. Rodrigues. – Colonel Stewart, cette apparence était plus

8 propre, plus adéquate pour un soldat ou pour un membre de la police

9 militaire ?

10 M. Stewart (interprétation). - Souvent la police militaire

11 ressemblait aux soldats en Bosnie. Ils avaient plus l'apparence de

12 soldats, mais je ne suis pas absolument sûr qu'ils n'étaient pas la police

13 militaire. C'était des soldats, des soldats équipés pour mener une

14 opération. En ce qui concerne les membres de la police militaire, souvent

15 les membres de la police militaire rassemblaient les soldats. Je ne me

16 suis pas approché suffisamment pour voir les insignes. Je ne sais pas

17 s'ils en avaient.

18 Il ne faut pas perdre de vue le fait que lorsque certaines

19 personnes commettent des crimes, souvent elles le font de manière anonyme.

20 Souvent on enlevait les insignes ou bien on les camouflait ou bien ils

21 étaient camouflés eux-mêmes. Ces soldats n'étaient pas camouflés, masqués,

22 mais je n'ai pas pu voir d'insignes. De toute façon, j'étais trop loin

23 d'eux.

24 M. Rodrigues. – Colonel Stewart, le général Blaskic, dans sa

25 déposition, a affirmé la thèse que les crimes commis à Ahmici ont été

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1 commis par la police militaire, et il n'avait pas la police militaire sous

2 son commandement.

3 Cette information change-t-elle vos opinions ou s'agit-il de

4 quelque chose de nouveau pour vous ?

5 M. Stewart (interprétation). - Non, c'est quelque chose que

6 j'aurais prévu, à quoi je me serais attendu. Mais le chalet suisse était

7 occupé -comme c'était normal- par des soldats.

8 Sommes-nous en train de suggérer que ces soldats ont disparu ?

9 Sommes-nous en train de suggérer que les soldats qui m'ont arrêté, quand

10 je me suis dirigé vers le village d'Ahmici le 22, n'étaient pas des

11 soldats ? C'étaient des soldats, des soldats du HVO, pas des policiers

12 militaires. Donc je suis tout à fait prêt à admettre que la police

13 militaire était éventuellement présente sur les lieux, mais les soldats

14 réguliers du HVO étaient présents aussi.

15 M. Rodrigues. – Une autre question, ma dernière question,

16 Colonel : quand avez-vous appris la création du Tribunal, de ce Tribunal ?

17 M. Stewart (interprétation). - Je ne me rappelle pas. Je ne me

18 rappelle pas, mais c'était peu de temps après avoir quitté la Bosnie. Cela

19 m'a fait plaisir.

20 M. Rodrigues. – Peu de temps après avoir quitté la Bosnie...

21 Peut-être dans la discussion avec les éléments de l'ONU des Droits de

22 l'Homme, à cette époque, vous ont-ils dit quelque chose à propos de la

23 création ? Parce que je ne veux pas induire en erreur, mais la création du

24 Tribunal a été faite par une résolution du Conseil de sécurité en février,

25 donc plus ou moins deux mois avant Ahmici. A l'époque des événements

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1 d'Ahmici, le Tribunal était déjà créé puisqu'il a été créé en

2 février 1993.

3 M. le Président. – En fait, il y a deux résolutions.

4 M. Rodrigues. – Oui, excusez-moi, c'est la résolution 808,

5 adoptée le 22 février 1993.

6 M. le Président. – C'est la résolution de principe.

7 M. Rodrigues. – Oui, donc le Conseil de sécurité a décidé la

8 création d'un Tribunal international pour juger les personnes présumées

9 responsables des violations graves du Droit humanitaire international

10 commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, depuis 1991. Donc deux

11 mois avant Ahmici, le Tribunal avait été créé.

12 Cela me pose beaucoup de questions parce que vous avez émis des

13 réticences sur l'authenticité de toute une série d'ordres. Il y a un autre

14 aspect que l'on doit remarquer, le premier ordre verbal, ordre écrit par

15 le général Blaskic en date du 10 mai, le même jour où vous avez quitté la

16 Bosnie. Y a-t-il des coïncidences ou non ? Quel est votre point de vue ?

17 M. Stewart (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai pas de

18 point de vue, Monsieur. Je me rappelle avoir amené des représentants du

19 Conseil de sécurité sur le site dans le village d'Ahmici lors de la visite

20 du Conseil de sécurité. La date figure dans mon journal personnel.

21 Maintenant, quant à la date à laquelle le Conseil de sécurité a

22 créé le Tribunal des crimes de guerre, ceci est tout à fait non pertinent

23 pour moi parce que je ne traitais pas avec le Tribunal des crimes de

24 guerre ; je traitais avec la situation sur le terrain. Je ne pensais pas à

25 un procès à La Haye en 1999. Ce à quoi je pensais, c'était comment

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1 accomplir mes devoirs conformément aux instructions reçues.

2 Quant au Conseil de sécurité, c'était très, très vague dans mon

3 esprit à l'époque. Mais une chose était claire pour moi, c'était la

4 nécessité de sauver des vies humaines. C'était toujours au coeur de ma

5 mission, le plus important de ma mission. Lorsque des hommes enlevaient la

6 vie à d'autres êtres humains et qu'ils le faisaient d'une façon aussi

7 bestiale, je dois dire que cela a fait l'objet de mes conversations avec

8 le colonel Blaskic. J'ai eu du mal à parler de tout cela lorsque mon

9 Gouvernement m'a demandé d'en parler. On m'a dit que mes responsabilités

10 en Bosnie centrale consistaient simplement à aider à escorter les équipes

11 d'aides humanitaires.

12 Personnellement, je ne suis pas d'accord pour dire que mes

13 responsabilités s'arrêtent là. Mes responsabilités en Bosnie centrale

14 allaient plus loin, consistaient à sauver des vies humaines, et c'est ce

15 que je crois avoir fait. C'est pour ça que j'y ai été envoyé.

16 M. Rodrigues. – Colonel, peut-être ma dernière question : à

17 propos de quelques pièces à conviction qui vous ont été montrées, vous

18 avez fait un commentaire incomplet, inachevé. Pourquoi êtes-vous sorti

19 tout de suite avec cette réaction ? En quoi fondez-vous cette

20 appréciation ?

21 M. Stewart (interprétation). - Je suis tout à fait désolé mais

22 je ne comprends pas. Le commentaires dont je me souviens est d'avoir dit

23 que le document avait sans doute été ou aurait pu avoir été rédigé après

24 les événements.

25 Vous savez, en Bosnie, il y a des documents de guerre, des

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1 documents qui relatent ce qui s'est passé sur le terrain. Les documents

2 peuvent apparaître quelquefois après. Ils n'ont pas toujours un rapport

3 direct avec ce qui s'est passé sur le terrain.

4 Mon expérience personnelle en Bosnie est que mes ordres

5 m'étaient donnés oralement. Mes ordres m'étaient donnés oralement dans le

6 cadre d'une procédure établie à 17 heures, tous les jours. Ils étaient

7 adaptés le cas échéant, lorsque quelque chose de particulier l'exigeait,

8 et je n'écrivais pas beaucoup d'ordres écrits.

9 Mais, simplement lorsque c'était absolument indispensable pour

10 des actions spécifiques, il m'arrivait de rédiger des ordres par écrit.

11 Même lorsque je rédigeais des ordres par écrit, les miens m'étaient donnés

12 oralement.

13 Je ne suis pas en mesure de juger l'authenticité de ces

14 documents, mais je suis très heureux, cela me ferait grand plaisir si le

15 colonel Blaskic avait effectivement donné des ordres destinés à arrêter

16 les crimes contre des civils. Cela correspondrait à mon avis sur lui.

17 M. Rodrigues (interprétation). - Colonel, j'apprécie énormément

18 votre contribution et l'aide que vous nous apportez à la compréhension de

19 tous ces événements, merci beaucoup.

20 M. le Président. - Merci, moi aussi, je l'apprécie, même si je

21 vous le dis en français.

22 Je ne poserai pas beaucoup de questions puisque mes collègues

23 ont largement balisé tout le champ de votre témoignage et je les en

24 remercie. Ils me facilitent bien la tâche.

25 Une question sur Ahmici, même deux ou trois : je vais vous

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1 demander... A propos de la liste des noms, Colonel Stewart, vous les

2 connaissez au moment où vous rencontrez pratiquement le colonel Blaskic,

3 vous avez de la sympathie pour le colonel Blaskic. C'est même, sinon votre

4 ami, tout au moins vous vous reconnaissez en lui comme étant un soldat

5 comme vous.

6 Vous lui dites que cela aiderait sa propre cause en faisant

7 traduire ces noms. Vous nous avez répondu "mais quand même", vous qui nous

8 apparaissez comme un homme de conviction profonde et qui vivait encore

9 cette souffrance d'Ahmici. Je vous pose une fois encore cette question :

10 pourquoi ne pas lui avoir communiqué les noms ?

11 M. Stewart (interprétation). - Monsieur, j'ai un grand plaisir à

12 vous entendre parler français, car mon épouse est française. J'entends

13 donc beaucoup le français à la maison lorsqu'elle parle à nos enfants.

14 Excusez-moi de faire cette incise, mais la langue française est très

15 belle.

16 Franchement, je ne me rappelle pas exactement pour quelle raison

17 nous n'avons pas remis ces noms au colonel Blaskic. Cela a peut-être été

18 une erreur, mais cela aurait aussi pu être la mauvaise démarche.

19 Le centre des droits de l'homme des Nations Unies était ma

20 source pour l'obtention de ces noms et notamment M. Thomas Osorio qui m'a

21 donné ces noms. Je me rappelle avoir parlé avec Thomas Osorio quant au

22 sort que je devais réserver à ces noms. Je me rappelle que nous avons

23 décidé ensemble de les remettre à la mission de moniteurs de la Communauté

24 européenne, peut-être en dernière analyse pour que les Nations Unies les

25 obtiennent en bonne et due forme, mais je ne me rappelle pas réellement

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1 pourquoi nous n'avons pas donné ces noms au colonel Blaskic en dehors du

2 fait que j'étais un peu inquiet de la possibilité que les hommes dont les

3 noms auraient été donnés par nous auraient pu tout simplement disparaître.

4 Je pense que c'était une inquiétude tout à fait légitime de

5 notre part. Mais comme je l'ai déjà dit, je pense que c'est sans doute une

6 décision qui a été prise peut-être aussi parce que je me rendais bien

7 compte que ces noms ne provenaient pas de mes organes de renseignements.

8 Ils provenaient d'un centre des Nations Unies et je tenais à m'assurer que

9 ces noms soient enregistrés quelque part.

10 M. le Président. - Merci, Colonel. Je n'ai pas la chance d'avoir

11 une épouse anglaise. Si vous me permettez, je poursuivrai donc en

12 français.

13 A votre avis, étaient-ils des soldats du HVO ou d'autres

14 unités ? Peut-être que vous ne pouvez pas répondre à cette question. Cela

15 vous a-t-il effleuré ou à M. Osario qu'ils pouvaient appartenir à des

16 unités spéciales ou des unités de la police militaire ?

17 M. Stewart (interprétation). - Monsieur le Président, je ne me

18 rappelle que M. Osario m'ait fait la moindre description quant à ce qu'ils

19 étaient à l'époque. Cela ne m'intéressait pas de savoir si c'étaient des

20 soldats du HVO à proprement parler ou des membres de la police militaire.

21 On m'a simplement donné des noms, des noms que l'on m'a donnés sans me

22 donner leur origine.

23 Je dirais qu'il est possible qu'ils l'aient été, mais je n'avais

24 plus à ma disposition les services de renseignement qui auraient pu

25 m'aider à savoir quelle était leur origine.

Page 22344

1 Ce que je voulais simplement, c'est que ces noms soient

2 enregistrés et enregistrés en dehors du cadre militaire britannique, pas

3 parce que je me méfiais du cadre militaire britannique, mais parce que je

4 voulais que ces noms soient enregistrés auprès des bonnes instances.

5 Les Nations Unies bien sûr, c'est le centre des Droits de

6 l'homme des Nations Unies qui m'avait donné les noms, mais ce centre des

7 Nations Unies pour les Droits de l'homme n'avait pas nécessairement un

8 rapport direct avec le Tribunal pénal international. Excusez-moi, je

9 n'étais pas tout à fait sûr de la date de création de ce Tribunal.

10 Mais ce que je voulais, c'est, avant de quitter la Bosnie, être

11 sûr qu'ils aient été enregistrés auprès des bonnes instances.

12 M. le Président. - Merci. Je voudrais revenir sur une question

13 que vous a posée le Juge Rodrigues -pas sous le même angle bien sûr, ce ne

14 serait pas très courtois- sur le problème de la police militaire et des

15 unités spéciales : est-ce qu'il est, pour un professionnel militaire de

16 haut rang comme vous l'êtes, concevable que la police militaire puisse

17 être détachée du commandement opérationnel ?

18 Je parle pour l'instant de la police militaire qui est une unité

19 que dans mon esprit j'individualise très bien. Je crois que ces soldats

20 qui ont des ceinturons blancs, des casques blancs existent dans toutes les

21 armées du monde, la police militaire existe dans toutes les armées du

22 monde.

23 Est-il concevable que dans ces actions opérationnelles, elle

24 soit détachée et qu'elle puisse participer aux actions opérationnelles en

25 étant détachée du commandement ?

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1 M. Stewart (interprétation). - C'est inconcevable dans une armée

2 de l'OTAN. Mais, si on prend en compte le facteur balkanique, c'est

3 concevable dans une armée balkanique et je vais vous l'expliquer avec une

4 référence au Kosovo.

5 Ce qui se passe au Kosovo, c'est qu'apparemment, il y a eu des

6 unités de la police militaire qui dépendaient d'une chaîne de commandement

7 distinct, mais je ne crois pas que cette séparation du commandement ait

8 été évidente en Bosnie centrale à l'époque. Les secteurs étaient trop

9 rapprochés. Il devait donc y avoir un commandement uni.

10 M. le Président. - A supposer qu'il n'y ait pas de commandement

11 uni, qui est en partie une thèse de l'accusé, et que donc l'engagement de

12 la police militaire ait eu lieu à Ahmici, est-ce qu'il est concevable que

13 le commandant de la zone opérationnelle ignore l'engagement de la police

14 militaire ? Je parle dans l'hypothèse la plus... Celle qui a été émise :

15 on ne sait pas et la police militaire est sur place.

16 Est-il concevable que le commandant suprême Blaskic de la zone

17 opérationnelle ignore la présence de ces unités sur le terrain ?

18 M. Stewart (interprétation). - Non. Cela n'a pas pu être le cas

19 parce que les soldats du HVO, en tant que tels, étaient présents. Ils

20 avaient un poste de commandement à cet endroit et la première chose que

21 ferait n'importe quel commandant, si un organisme arrive et pousse ces

22 unités vers l'avant, consisterait à informer immédiatement son supérieur.

23 C'est ce que je ferai, c'est ce que ferait tout officier de carrière et

24 d'ailleurs tout officier même si ce n'était pas un officier de carrière.

25 M. le Président. – Votre réponse vaut-elle pour les unités

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1 spéciales : Jockeri, Vitezovi… à supposer qu'elles aient un commandement

2 distinct ? Votre observation serait-elle la même ?

3 M. Stewart (interprétation). – Mon observation consisterait à

4 dire que ces unités auraient pu agir séparément, à leur propre initiative.

5 Mais ce qu'elles auraient fait n'aurait pas été inconnu du commandant si

6 ces unités avaient été présentes. Ceci veut dire que ce qu'elles faisaient

7 sur le terrain pouvait dépendre d'elles, mais leur présence sur le terrain

8 aurait été rapportée au commandant.

9 M. le Président. – Troisième questions : à supposer, Colonel,

10 que les opérations d'Ahmici et sur les autres villages -il ne faut pas

11 oublier les attaques sur les autres villages-, aient été programmées,

12 aient été systématiquement programmées dans un plan militaire bien précis,

13 dans cette hypothèse-là, y a-t-il en général un retour sous forme de

14 rapport ? Un retour au commandant ?

15 M. Stewart (interprétation). – Eh bien, dans une telle

16 hypothèse, le commandant aurait fait, dans une grande mesure, partie du

17 processus de planification. Dans une zone très proche d'un quartier

18 général opérationnel, le commandant doit faire partie du processus de

19 planification, dans des conditions de ce genre. Il est inconcevable, pour

20 moi, que le commandant ait pu être laissé de côté. C'est inconcevable

21 parce que il y aurait eu nécessité d'appui de ses forces, et probablement

22 implication de ses forces.

23 M. le Président. – Comment pouvez-vous expliquer que le colonel

24 Blaskic qui vous est apparu comme un officier expérimenté et un

25 professionnel compétent, comment pouvez-vous expliquer qu'au lendemain de

Page 22347

1 ces attaques il ne dispose pas de rapports sur les suites des opérations,

2 sauf éventuellement la pièce qui nous a été citée tout à l'heure de

3 M. Pasko Ljubicic, je pense ? Est-ce concevable pour vous ? Ou ces

4 rapports se sont-ils fait verbalement ?

5 M. Stewart (interprétation). - Je trouve cela inconcevable en

6 raison de la proximité d'Ahmici par rapport à l'hôtel Vitez. Je trouve

7 inconcevable que des rapports n'aient pas été préparés. C'est par des

8 rapports verbaux que l'on commande et que l'on contrôle des opérations

9 fluides. On n'a pas le temps d'écrire des rapports au milieu d'une

10 bataille.

11 Je pense simplement à la charge de la Brigade légère en 1854 ;

12 elle s'est terminée avec les hommes descendant la mauvaise vallée. Je

13 pense que les ordres ont été donné verbalement et que les rapports étaient

14 verbaux également. C'est la meilleure façon d'agir normalement.

15 M. le Président. – Dieu merci, ce Tribunal n'est pas compétent

16 sur les actions qui datent du siècle dernier. Pour moi l'important est de

17 savoir si, éventuellement, cette attaque étant à connotations criminelle,

18 si elle avait été programmée comme étant à connotation criminelle, serait-

19 il concevable que l'on préfère ne rien écrire ? Cela vous paraît-il

20 concevable ?

21 M. Stewart (interprétation). - C'est concevable. Cela aurait pu

22 se faire sans que rien n'ait été écrit.

23 M. le Président. – Merci. J'ai une dernière question à vous

24 poser : si le colonel Blaskic qui vous est apparu comme extrêmement choqué

25 par l'action sur Ahmici, blessé, choqué -ceci vous est toujours apparu

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1 très sincère-, s'il s'était démarqué de cette opération de façon nette, il

2 l'a fait d'une certaine façon mais s'il s'était démarqué d'une façon plus

3 nette en ayant une action judiciaire et disciplinaire plus marquée,

4 puisque vous avez regretté qu'elle n'ait pas été marquée ; ma question est

5 celle-ci : si le colonel Blaskic choqué, s'était davantage démarqué par

6 une action énergique sur le plan disciplinaire et judiciaire, pouvait-il

7 risquer sa position de commandant en chef, en l'état de vos informations

8 sur les structures politiques et notamment de l'emprise de Dario Kordic ?

9 M. Stewart (interprétation). - Je crois que c'est une

10 possibilité. Je crois que c'est une possibilité très réelle.

11 Mais j'aimerais ajouter dans ma réponse que je lui ai demandé,

12 je lui ai posé la question de savoir s'il prenait la responsabilité totale

13 de l'action des soldats du HVO dans la vallée de la Lasva à son compte ;

14 il m'a répondu que oui. Donc je continue à penser qu'il était le

15 commandant opérationnel et responsable de ce qui s'est passé à Ahmici.

16 S'il ne l'était pas et que quelque chose tourne mal, qu'une autre unité

17 arrive sur les lieux, selon toutes les lois existantes il aurait dû

18 engager une action immédiate et déterminée, une action disciplinaire

19 contre ses unités.

20 Or, il ne l'a pas fait au mieux de mes connaissances pendant la

21 période où j'étais en Bosnie. Mon expérience sur le terrain, dans les

22 Balkans, c'est qu'un morceau papier n'a aucun sens si l'on ne voit pas un

23 être humain faire quelque chose de concret, même si un morceau de papier

24 c'est très bien. Et si nous avions vu quelque chose de fait concrètement,

25 nous l'aurions soutenu avec l'aide de la Mission européenne de moniteurs.

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1 M. le Président. – Je vais vous poser une question grave,

2 Colone, et si vous ne souhaitez pas y répondre je le comprendrais très

3 bien.

4 Est-ce-que vous placez dans une situation comme celle-ci,

5 constatant l'horreur des crimes commis en partie, peut-être, par des

6 troupes qui sont sous votre responsabilité, estimez-vous que c'est une

7 hypothèse où l'on offre sa démission ?

8 M. Stewart (interprétation). - Pas seulement votre démission,

9 mais on s'attend à être mis en accusation pour la responsabilité de

10 l'opération qui a mal tourné. On ne peut pas échapper à la responsabilité

11 par rapport à ce qu'ont fait vos soldats. En tout cas, c'est l'expérience

12 dans l'armée britannique, on ne peut pas y échapper. Je sais qu'il y a là

13 des circonstances un peu différentes, mais ce que je vous dis, Monsieur le

14 Président, Messieurs les Juges, vient de mon expérience personnelle.

15 M. le Président. – Mais placé dans la situation -puisque les

16 armées ne peuvent pas être comparées-, placé dans la situation où se

17 trouvait le colonel Blaskic, auriez-vous, vous, proposé de quitter le

18 commandement ?

19 M. Stewart (interprétation). - Oui, absolument, tout à fait.

20 M. le Président. – Merci. Je voudrais avant de conclure… je sais

21 que le Juge Shahabuddeen voulait vous poser une autre question et je vais

22 vous redonner la parole, Monsieur le Juge.

23 M. Shahabuddeen (interprétation). - Colonel, je vous demande

24 quelques instants de patience pour une question que j'aimerais encore vous

25 poser, et qui porte sur la réponse que vous avez apportée à une question

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1 de M. le Président Jorda.

2 Réponse dans laquelle vous avez dit que vous aviez demandé au

3 colonel Blaskic s'il assumait la responsabilité opérationnelle liée à

4 l'action des soldats dans le secteur d'Ahmici ; il vous avait répondu :

5 oui, il l'assumait.

6 La question que j'aimerais vous poser consiste à demander votre

7 assistance sur la face négative de cette déclaration. Le colonel Blaskic

8 vous a-t-il jamais dit que les événements d'Ahmici avaient été provoqués

9 par les actes de la police militaire, mais que la police militaire à ce

10 moment-là n'était pas soumise à son commandement et à son contrôle ?

11 M. Stewart (interprétation). - Je ne pense pas qu'il l'ai fait.

12 Je crois que s'il l'avait fait, je m'en souviendrais. Vous vous

13 rappellerez que j'avais du respect pour cet homme et que je me serais

14 efforcé de trouver une issue pour lui, une façon de ne pas faire reposer

15 le blâme sur lui. C'est ce que j'ai pensé lorsque je l'ai vu en tant que

16 Tihomir Blaskic, je n'avais pas envie de faire reposer le blâme sur lui,

17 j'avais envie de trouver une autre solution. Donc lorsque je dis que je ne

18 m'en rappelle pas, eh bien, je pense que s'il me l'avait dit je m'en

19 serais souvenu car je cherchais une issue pour le colonel Blaskic.

20 M. Shahabuddeen (interprétation). - Je vous remercie encore une

21 fois pour l'aide que vous avez déjà apportée et l'aide que vous venez

22 encore d'ajouter à celle que vous avez apportée précédemment.

23 M. le Président. – Colonel Stewart, comme je l'ai dit hier à

24 l'égard de notre Gouvernement et de notre pays, je voudrais bien sûr à

25 travers votre présence, ici, remercier votre Gouvernement de nous avoir

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1 prêté assistance par ce témoignage que la Chambre a souhaité avoir de la

2 part d'un acteur majeur de ces drames que nous avons à juger.

3 Je le redis en audience publique pour qu'il soit bien dit que ce

4 Tribunal, heureusement, bénéficie de l'aide, de l'assistance de grands

5 pays qui nous apportent ainsi tout leur soutien.

6 Je voudrais vous remercier au nom de mes collègues d'être venu,

7 d'avoir dit votre témoignage avec beaucoup de conviction et beaucoup de

8 courage aussi, de courage personnel puisque Blaskic était votre ami.

9 Voilà ce que je voulais vous dire, merci.

10 A présent, on va peut-être vous demander de sortir avant ... à

11 moins qu'il y ait d'autres questions de l'accusation, de la défense, avant

12 que nous ajournions nos travaux ?

13 S'il n'y a rien d'autre, ce sont les Juges qui vont se retirer

14 en premier.

15 L'audience est levée, Monsieur le Greffier, elle reprend lundi à

16 14 heures.

17 C'est cela ? Pour un nouveau témoin de la Chambre ?

18 M. Abtahi. – Oui, Monsieur le Président. Ce sera une audience à

19 Huis clos.

20 M. le Président. – Merci. L'audience est levée.

21 L'audience est levée à 11 heures 45.

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