Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                          Affaire IT-95-14-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3  

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   Tihomir BLASKIC

  7         Mercredi 28 juillet 1999

  8  

  9   L’audience est ouverte à 10 heures 00.

 10   M. le Président. – Veuillez vous asseoir. Monsieur le greffier,

 11   introduisez l'accusé, s'il vous plaît. 

 12   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 13   Le photographe a terminé, avec l'accord de la défense. Je

 14   voudrais saluer les interprètes, les conseils de l'accusation, ceux de la

 15   défense, l'accusé, le général Blaskic.

 16   Je veux dire au public que nous terminons, ce matin, les

 17   réquisitions finales du procureur dans le procès intenté il y a maintenant

 18   plus de deux ans contre le général Blaskic ici présent.

 19   Nous pouvons continuer, Maître Harmon ?

 20   M. Harmon (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 21   Bonjour Monsieur le Président, bonjour Messieurs les Juges,

 22   bonjour Messieurs les conseils de la défense.

 23   Monsieur le Président, j'aimerais que nous revenions au sujet

 24   dont nous parlions hier, à savoir la question de la subordination des

 25   Vitezovi au commandement du colonel Blaskic. Selon l'accusation, les


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  1   Vitezovi ont été subordonnés, pas rattachés mais subordonnés, au colonel

  2   Blaskic depuis au moins le 19 janvier 1993.

  3   La défense,  dans ce procès, a affirmé que le colonel Blaskic

  4   s'est plaint à de nombreuses reprises, au grand quartier général, de

  5   l'attitude des Vitezovi. Il semble qu'il se serait plaint, à de nombreuses

  6   reprises, au général Petkovic au sujet de l'attitude des Vitezovi et de

  7   Darko Kraljevic. A l'appui de cette affirmation, la défense n'a fourni

  8   aucun élément de preuve documentaire, rien pour soutenir cette

  9   affirmation. Pas un seul document.

 10   Si nous prenons une autre pièce de l'accusation, la pièce

 11   456/32, nous y trouvons un document qui, dans le contexte de l'époque,

 12   acquiert une grande importance. C'est un document qui a été émis le 7 mai

 13   1993 par celui qui était à l'époque le colonel Blaskic. Il s'agit d'un

 14   rapport extraordinaire relatif à la situation dans la zone opérationnelle

 15   de Bosnie centrale qui est adressé aux autorités au plus haut niveau de la

 16   communauté croate de Herceg-Bosna.

 17   En effet, il est adressé d'abord à Mate Boban, qui est

 18   commandant suprême. Il est adressé au chef du ministère de la Défense,

 19   Bruno Stojic. Et il est adressé au chef d'état-major, Milivoj Petkovic.

 20   C'est un document qui porte la mention "Secret militaire, strictement

 21   confidentiel". Dans ce document que le colonel Blaskic a envoyé aux

 22   hommes, dont je viens de citer les noms, le 7 mai, on ne retrouve pas une

 23   seule référence aux Vitezovi qui auraient posé un quelconque problème. On

 24   n'y trouve pas une seule référence à Darko Kraljevic. On ne trouve pas la

 25   moindre plainte dans ce document.


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  1   Je vous prie de garder à l'esprit, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges, que ce document a donc été émis le 7 mai, c'est-à-

  3   dire après le camion piégé, après l'attaque sur Ahmici, après que des

  4   personnes aient été retirées de l'école de Dubravica pour servir de

  5   bouclier humain et creuser des tranchées, à savoir après tous ces crimes

  6   qui sont imputés aux Vitezovi.

  7   Mais la seule référence qui est faite aux Vitezovi dans ce

  8   document se trouve dans la partie du document qui traite des forces du

  9   HVO, de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Au paragraphe 1, nous

 10   lisons : "Les forces suivantes sont engagées au combat contre les attaques

 11   des forces armées musulmanes, le MOS et au nombre de ses forces, on

 12   trouve, entre autres, les Vitezovi".

 13   Que dit le colonel Blaskic dans ce document ? Dit-il qu'il a des

 14   problèmes de commandement ? Pas du tout !

 15   J'aimerais vous lire la conclusion du document qui se lit comme

 16   suit. Je cite : "Le commandement et le contrôle fonctionnent de façon

 17   satisfaisante et l'ensemble des missions se poursuit de façon planifiée

 18   conformément aux ordres, tous les détails de la situation étant bien

 19   connus, et la coordination et le contrôle s'effectuant de façon

 20   satisfaisante."

 21   J'aimerais maintenant que nous passions à un autre document très

 22   instructif quand au fait de savoir si oui ou non les Vitezovi étaient

 23   subordonnés à celui qui, à l'époque, était le colonel Blaskic. Je vous

 24   propose de prendre la pièce à conviction de l'accusation 456/20 qui est un

 25   document émanant de Darko Kraljevic, le commandant des Vitezovi. C'est lui


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  1   émet ce document, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le 15 avril

  2   1993.

  3   Que lit-on dans ce document ? Au deuxième paragraphe, nous

  4   lisons, je cite : "Les Vitezovi, comme leur nom l'indique, sont une unité

  5   spéciale qui fait partie du système de commandement et de contrôle unifiés

  6   de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Les Vitezovi sont également

  7   responsables de leurs actes devant le commandement supérieur de la zone

  8   opérationnelle de Bosnie centrale".

  9   La deuxième partie de cette citation est exacte. Les Vitezovi

 10   sont effectivement une unité spéciale qui, finalement, est responsable

 11   devant le niveau supérieur d'autorité. Mais que nous dit Darko Kraljevic,

 12   le 15 avril ? Il dit que les Vitezovi constituent une unité spéciale qui

 13   fait partie du système de commandement et de contrôle unifiés de la zone

 14   opérationnelle de Bosnie centrale.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avons dans

 16   notre mémoire identifié un certain nombre d'ordres que le colonel Blaskic

 17   a envoyé aux Vitezovi. Je n'ai pas l'intention de revenir sur l'ensemble

 18   de ces ordres qui s'étendent sur une période allant de janvier 93 jusqu'à

 19   sans doute janvier 94. Mais examinons au moins l'un de ces ordres car il

 20   jette quelque lumière sur la question dont nous sommes en train de

 21   discuter. Je fais référence à la pièce à conviction de la défense 549.

 22   C'est une pièce à conviction, comme vous vous en souviendrez sans doute,

 23   est un certificat délivré par Darko Kraljevic, le 20 juin 1993.

 24   Et vous verrez, sur le rétroprojecteur, que ce certificat

 25   confirme qu'un appartement occupé par un Musulman ne sera pas utilisé par


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  1   une autre personne. Il est dit, à la fin de ce certificat, qu'il est émis

  2   dans le but d'éviter une expulsion. Alors, Monsieur le Président,

  3   Messieurs les Juges, je vous rappelle qu'en page 19413 du compte rendu

  4   d'audience, le colonel Blaskic répondant à une question de Me Nobilo dit

  5   ce qui suit :

  6   "Question : Pourriez-vous expliquer aux Juges comment il se fait

  7   qu'une unité spéciale, les Vitezovi,  ou pour être plus précis le colonel

  8   Darko Kraljevic, ait décidé de l'identité de ceux qui devaient être

  9   expulsés ou de ceux qui ne devaient pas être expulsés de leur

 10   appartement ? Pouvez-vous l'expliquer ?

 11   Et le général Blaskic répond : "Ce comportement était contraire

 12   à mes ordres, et ce certificat y compris, démontre son autonomie, son

 13   indépendance, le fait qu'il a agit dans des domaines qui ne faisaient pas

 14   partie de ses compétences."

 15   Et le compte rendu se poursuit. Nous arrivons à une autre

 16   question : "Que vous dit ce certificat quant aux fonctions de

 17   Darko Kraljevic et à la façon dont les autorités civiles le traitaient ?

 18   Et la réponse est la suivante : "Cela rend compte sans aucun

 19   doute de son pouvoir et de son indépendance complète par rapport à toute

 20   autre institution."

 21   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais que l'on

 22   replace la pièce à conviction de la défense 549 dans le contexte. Pour

 23   cela, je voudrais que nous reprenions la pièce à conviction de

 24   l'accusation 386, et que cette pièce soit placée sur le rétroprojecteur.

 25   On constate à la lecture de cette pièce à conviction de l'accusation qu'il


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  1   s'agit d'un compte rendu de réunion avec le commandement conjoint, le

  2   19 juin 1993, c'est-à-dire la veille de la date à laquelle Darko Kraljevic

  3   a émis l'ordre dont nous parlions auparavant. Il s'agit d'une réunion du

  4   commandement conjoint qui a eu lieu à 10 heures du matin, le 19 juin.

  5   Si nous passons au deuxième titre, à partir du bas, sur cette

  6   pièce à conviction de l'accusation, nous voyons au paragraphe 5 que les

  7   deux commandants conviennent de faire ce que l'on lit au e), à savoir :

  8   "Emettre des ordres destinés à tous ceux qui sont sous leurs ordres pour

  9   interdire l'expulsion des civils de leur domicile."  Donc, le résultat de

 10   cette réunion du commandement conjoint est un accord des commandants eu

 11   égard à l'émission de cet ordre.

 12   J'aimerais maintenant que nous reprenions la pièce à conviction

 13   de la défense 374A. Prenons donc cette pièce à conviction de la défense.

 14   Nous y voyons que, le 19 juin 1993, à 16 heures 20, le jour même de la

 15   réunion du commandement conjoint, Blaskic ordonne ce qui suit :

 16   "1) - Eu égard à la troisième zone de responsabilité du HVO,

 17   j'interdis l'expulsion par la violence des familles de leur maison et de

 18   leur domicile s'il ne s'agit pas de Croates." Et à qui est destiné ce

 19   document. ? Sur la liste des destinataires vous voyez que ce document est

 20   destiné aux Vitezovi entre autres. Que fait Darko Kraljevic suite à cela ?

 21   Dans la pièce à conviction de la défense 549, il émet un

 22   certificat destiné à protéger certains contre les expulsions. Je vous

 23   demande, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si cela vous semble

 24   être un ordre émis par un groupe subordonné ? Ce que nous affirmons,

 25   Monsieur le Président, c'est que les Vitezovi étaient avant tout


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  1   subordonnés au général Blaskic. Ce document, que je vous montre en ce

  2   moment, n'est qu'un des éléments à l'appui de la conclusion que je viens

  3   de formuler.

  4   Ensuite, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous ai

  5   déjà renvoyés à la pièce à conviction de l'accusation 546/37. Je ne vais

  6   pas rentrer dans les détails. Il s'agit aussi d'un ordre qui a été envoyé

  7   aux Vitezovi, et au sujet duquel le colonel Blaskic affirme que les

  8   Vitezovi étaient sous son commandement.

  9   Monsieur le Président, la conclusion que tire l'accusation, ce

 10   qu'affirme l'accusation ici, c'est que les Vitezovi étaient subordonnés au

 11   colonel Blaskic depuis au moins le 19 janvier 1993 et pendant toute la

 12   période couverte par l'acte d'accusation à partir de cette date.

 13   J'aimerais maintenant vous dire quelques mots, brièvement,

 14   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au sujet de deux autres

 15   groupes, la brigade Bruno Busic et la brigade Ludvik Pavlovic. Je ne vais

 16   pas entrer dans les détails car mon collègue M. Kehoe a déjà parlé de ces

 17   deux unités hier, et les Juges de cette Chambre se rappelleront sans doute

 18   que le colonel Blaskic a dit ne rien savoir des circonstances dans

 19   lesquelles ces groupes sont arrivés en Bosnie centrale alors que, le 

 20   lendemain de leur arrivée, il a émis un ordre. Mais, M. Kehoe a déjà

 21   expliqué tout cela, je ne vais pas revenir sur ce qu'il a dit.

 22   A présent, j'aimerais parler, Monsieur le Président,

 23   Messieurs les Juges, de la police militaire. Vous vous rappellerez sans

 24   nul doute les débats que nous avons eus récemment au sujet des règlements

 25   applicables par l'administration de la police militaire et de la façon


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  1   dont celle-ci travaillait. Vous vous rappelez la pièce à conviction de la

  2   défense 523, et 523Abis. Et vous vous rappelez sans doute que, dans ces

  3   pièces à conviction, une distinction est établie entre des tâches

  4   policières quotidiennes et d'autres tâches ; la défense considérant que le

  5   colonel Blaskic commandait et  contrôlait la police militaire eu égard à

  6   ces tâches policières quotidiennes. Je vous renvoie à la pièce à

  7   conviction de la défense 523Abis où l'on voit, à l'article 10,

  8   l'énumération de toute une série de tâches qui sont considérées comme des

  9   tâches quotidiennes. Au nombre de ces tâches, on trouve la description de

 10   diverses activités, et notamment celles que l'on trouve décrites à

 11   l'article 8, à savoir "la participation aux combats contre des groupes de

 12   sabotage, des groupes terroristes, des groupes hors-la-loi et d'autres

 13   groupes ennemis". (Fin de citation.)

 14   Il s'agit donc de tâches quotidiennes, tâches quotidiennes pour

 15   lesquelles le colonel Blaskic commandait et contrôlait la police

 16   militaire. Mais, ensuite, le colonel Blaskic fait une digression, eu égard

 17   à la neuvième partie, neuvième tiret de l'article 10 qui se lit comme suit

 18   -je cite- : "La participation et la réalisation de tâches de combat sur la

 19   ligne de front -ces termes "sur la ligne de front" sont importants-, sur

 20   ordre du ministre de la Défense de la communauté croate d'Herceg-Bosna"

 21   La défense a affirmé que le colonel Blaskic n'était pas

 22   compétent pour donner des affectations de combats à la police militaire

 23   sur la ligne de front sans autorisation préalable du ministre de la

 24   Défense. Mais ce que nous affirmons, Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges, c'est que ces règles sont intéressantes s'agissant de définir la


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  1   réalité sur le terrain, c'est-à-dire ce sur quoi la Chambre devait se

  2   concentrer.

  3   Le neuvième tiret de l'article 10 traite précisément d'un emploi

  4   particulier de la police militaire, des emplois dans lesquelles celle-ci

  5   peut être appelée à agir. Mais la réalité sur le terrain est un peu

  6   différente. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, Messieurs les

  7   Juges, que nous avons présenté dans notre mémoire, en pages 46 à 51, une

  8   série d'ordres adressés à la police militaire, ainsi que les réponses de

  9   la police militaire au général Blaskic. Dans cette série d'ordres, on

 10   constate à l'évidence que le général Blaskic commandait la police

 11   militaire à divers titres.

 12   Je vous propose de lire ce qui est écrit au point C. Qu'avait

 13   donc à dire les policiers militaires quant aux contrôles exercés par le

 14   colonel Blaskic sur la police militaire ? Je vous renverrai d'abord,

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges,...

 16   Un instant, je vous prie...

 17   Monsieur le Président, je crois que nous devons passer à huis

 18   clos partiel.

 19   Audience à huis clos partiel

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  2   (expurgée)

  3   Audience publique

  4   Monsieur le Président, je souhaite à présent faire porter votre

  5   attention sur Pasko Ljubicic. Il était à la tête du 4ème Bataillon de la

  6   police militaire dans la région de la Bosnie centrale. Lisons ce que Pasko

  7   Ljubicic a à dire ; ceci figure sur la pièce de l'accusation n° 457, à la

  8   page 65. Je cite.

  9   "Je crois que la police militaire de Bosnie centrale était la

 10   défense la plus organisée, excusez-moi, la force la plus organisée dans

 11   cette zone. Elle a fait des sacrifices très grands. Il y a eu des moments

 12   où elle a joué un rôle décisif dans la défense de cette zone ; je

 13   mentionne ici Grbavica, Sivrino Selo, Zabrdje, Kruscica, Ahmici, ainsi que

 14   toutes une série d'autres endroits, dont je suis sûr, dont je peux prouver

 15   qu'ils ont été défendus avec succès par la police militaire. La police

 16   militaire, en Bosnie centrale, s'est transformée dans une unité de combat

 17   qui n'avait pas grand-chose à voir avec les tâches de la police

 18   militaire.".(Fin de citation.)

 19   Et bien, ce que le colonel Blaskic souhaite faire croire à cette

 20   Chambre est la chose suivante : dans la matinée du 16, il prétend que la

 21   police militaire ne lui a pas été rattachée avant 11 heures 42. Et comme

 22   M. Blaskic a déposé en répondant à une question posée par mon collègue

 23   M. Nobilo : "A quel moment avez-vous appris que tous ces crimes avaient

 24   été perpétrés à Ahmici ?", le colonel Blaskic a répondu : "Avant

 25   11 heures 42". Le colonel Blaskic, tel est l'avis de l'accusation,


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  1   contrôlait la police militaire le matin du 16 avril. Et il cherche à

  2   occulter sa responsabilité de commandement et de contrôle sur la police

  3   militaire.

  4   Monsieur le Président, si vous me le permettez, je souhaite

  5   conclure sur la position de l'accusation concernant la capacité du colonel

  6   Blaskic concernant son commandement et son contrôle dans la zone

  7   opérationnelle de Bosnie centrale.

  8   En 25 mois, la Chambre a entendu des dépositions nombreuses de

  9   la part des témoins des parties tierces. Il s'agit de témoignages

 10   neutres ; il s'agit de personnes qui agissaient en Bosnie centrale, dans

 11   les enclaves de Vitez et de Busovaca, ainsi que dans l'enclave de

 12   Kiseljak, et ce, en coopérant de vraiment très près avec les représentants

 13   du HVO à tous les niveaux. La Chambre a entendu des soldats qui occupent

 14   des grades et des positions élevées : vous avez entendu douze soldats

 15   britanniques, deux soldats danois, trois soldats canadiens et deux soldats

 16   néerlandais.

 17   En tout, la Chambre a entendu dix-neuf soldats professionnels.

 18   Ils ont tous agi sur place et ont eu des contacts avec le HVO à

 19   tous niveaux. J'aimerais prendre un exemple pour montrer quelles ont été

 20   leurs conclusions, puisque celles-ci étaient pratiquement unanimes.

 21   Avant tout, je voudrais citer une portion de la déclaration du

 22   lieutenant-colonel, Rémy Landry, du bataillon canadien. Je cite : "Une

 23   chose est sûre : peu importe quel uniforme portaient ces gens, ils

 24   faisaient partie d'une organisation militaire. Cette organisation

 25   militaire a été, à tout moment, intégrée au HVO. Lorsque je rencontrais


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  1   les commandants locaux de la brigade de Busovaca, j'ai vu que ces

  2   commandants répondaient devant les commandants du HVO. Ils n'étaient pas

  3   toujours en tenue militaire, en uniforme, souvent ils étaient en civil,

  4   dans les villages, mais à aucun moment ces gens ne m'ont pas fait

  5   comprendre qu'ils faisaient partie d'une autre structure militaire".

  6   Cela figure aux pages 7853 et suivante.

  7   Passons à présent à la déposition du commandant Mikaël Buffini,

  8   officier de la Marine royale britannique. Il a travaillé avec la

  9   Commission conjointe de Busovaca, il a travaillé sur le terrain, avec les

 10   subordonnés du colonel Blaskic, avec Franjo Nakic et avec Mario Cerkez.

 11   Permettez-moi de citer le point de vue du commandant Buffini. Je

 12   cite : "Encore une fois il était tout à fait clair que le colonel Blaskic

 13   disposait d'un contrôle entier sur les forces locales, les commandants

 14   locaux, et qu'il contrôlait dans une large ses troupes en Bosnie centrale.

 15   Certainement, à mon avis, puisque j'ai eu l'occasion de contacter ces gens

 16   au quotidien pendant une période de trois mois, la plupart de ces

 17   commandants que j'ai rencontrés, les commandants du HVO, avaient peur du

 18   colonel Blaskic. Normalement, ils ne feraient rien pour contrevenir aux

 19   ordres qu'il leur avait donnés."

 20   La Chambre a entendu les dépositions montrant que le

 21   commandement en Bosnie centrale a fonctionné correctement. Le colonel

 22   Blaskic commandait ses unités, c'était une organisation qui répondait aux

 23   ordres et exécutait les ordres.

 24   Enfin, permettez-moi de passer à la déposition du colonel

 25   Blaskic au sujet du HVO et de sa capacité à commander le HVO.


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  1   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit d'une

  2   série de pièces versées par l'accusation, les pièces 647, 456/32 et 380.

  3   Ces trois pièces couvrent une période d'à peu près un an. En premier lieu,

  4   nous avons une annonce, un rapport sur la situation à Novi Travnik, le

  5   21 octobre 1992. Qu'est-ce qui est intéressant au sujet de ces premières

  6   informations du colonel Blaskic sur sa capacité à commander et à

  7   contrôler ?

  8   Au point 6, ici, vous remarquerez qu'il y a une longue

  9   description des localités où opèrent ses forces dans la région de Novi

 10   Travnik. Qu'en conclut le colonel Blaskic ? Il conclut : "Les activités de

 11   nos forces sont organisées, entièrement coordonnées et contrôlées par le

 12   commandement."

 13   Passons à présent à la date du 7 mai 1993. A peu près trois

 14   semaines après les événements d'Ahmici, dans un rapport confidentiel que

 15   je viens d'aborder il y a quelques instants et qui a été envoyé au

 16   commandement suprême à la tête du département de la Défense et au chef du

 17   grand état-major du HVO, que conclut le colonel Blaskic ? Je cite : "Le

 18   commandement et le contrôle fonctionnent correctement. Toutes les missions

 19   se déroulent comme prévu, conformément aux ordres, avec une connaissance

 20   détaillée de la situation, coordination et contrôle complet."

 21   Passons au mois d'octobre 1993, un an après la première pièce,

 22   la pièce de l'accusation 647. Que dit le colonel Blaskic à ce moment-là ?

 23   Cela, c'est un entretien avec le colonel Blaskic qui a été publié dans

 24   Danas*, un journal. J'ai parlé de cela, hier, par rapport au fait que les

 25   municipalités de Kiseljak, Busovaca et Vitez ont été coupées, donc la


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  1   situation quant au commandement et au contrôle. Je lirai un passage : 

  2   "Travnik est le premier groupe opérationnel, Kiseljak le deuxième, Zepce

  3   le troisième et Sarajevo le quatrième. Tous les groupes opérationnels sont

  4   sous mon commandement et la filière de commandement fonctionne sans

  5   interruption, absolument sans interruption."

  6   Cela vous permet de voir, Monsieur le Président, comment Blaskic

  7   percevait sa possibilité d'exercer le commandement et le contrôle. Cela

  8   est absolument cohérent et confirme ce que les dix-neuf témoins

  9   indépendants que nous vous avons présentés ont déclaré ici. L'accusation

 10   estime que lorsque le colonel Blaskic parle de "l'armée de paysans" et

 11   lorsqu'il parle de faibles moyens de communication ou lorsqu'il évoque le

 12   fait qu'il n'avait pas d'officiers formés, le fait est que de nombreux

 13   témoins indépendants sont venus déposer ici pour dire que la filière de

 14   commandement et de contrôle fonctionnait en propre et correctement et

 15   Blaskic lui-même, sur une période d'un an, était du même avis.

 16   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en aurai terminé

 17   avec ma partie de l'exposé des réquisitions finales. Je vous remercie.

 18   Je souhaiterais donner la parole à mon collègue, Me Kehoe. Je

 19   vous remercie.

 20   M. le Président. – Merci, Monsieur le Procureur. Monsieur Kehoe,

 21   selon la répartition que vous vous êtes faite de vos rôles, vous avez la

 22   parole.

 23   M. Kehoe (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs

 24   les Juges, Conseils de la défense, bonjour.

 25   Au début, je voudrais poursuivre sur la question de la filière


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  1   du commandement et du contrôle, la question qui vient d'être abordée par

  2   mon collègue, Me Harmon. Lorsque nous voyons le contenu des dépositions du

  3   colonel Blaskic, nous voyons qu'il a constamment insisté sur le fait, tout

  4   au long de ce procès, qu'il n'exerçait pas de commandement sur ses

  5   soldats, qu'il avait un personnel sans expérience, mal équipé, très

  6   faible. Je voudrais vous lire une citation : "J'avais une armée qui était

  7   très faible, mal équipée."

  8   Il s'agit là de paroles qui ont été écrites par le Comte de

  9   Wellington, en 1815, trois jours avant Waterloo. Ce sont donc des mots

 10   très semblables à ceux que nous avons entendus de la part de Blaskic tout

 11   au long de sa longue déposition.

 12   Le fait est qu'il exerçait le contrôle sur ses forces, qu'il a

 13   donné des ordres à ses forces, qu'il a planifié des opérations avec ses

 14   forces et que celles-ci ont exécuté ses ordres. Bien entendu, la question

 15   de la responsabilité de commandement, en vertu de notre Statut, le Statut

 16   du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, se divise en deux

 17   sections : l'une sous l'article 7.1 et l'autre sous l'article 7.3.

 18   Blaskic, en vertu de l'article 7.1, est accusé d'avoir aidé à

 19   planifié, à commettre toute une série de crimes repris dans l'acte

 20   d'accusation. La plupart de ces théories sont apparentées, par exemple

 21   pour ce qui est du fait de planifier ou d'ordonner.

 22   Mais prenons-les l'une après l'autre et, d'abord, la question de

 23   la planification. Qu'en est-il en l'espèce ? Parlons des chefs

 24   d'accusation concernant la persécution. Il y eu une planification tant du

 25   côté militaire que du côté civil afin de persécuter des civils dans la


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  1   zone opérationnelle de Bosnie centrale et sur tout le territoire de

  2   l'Herceg-Bosna. Les éléments de preuve prouvent que Blaskic travaillait,

  3   main dans la mai, avec ses homologues politiques pour mettre en oeuvre

  4   cette persécution qu'ils ont planifiée.

  5   Comment savons-nous qu'ils l'ont planifiée ? Nous le savons

  6   grâce à tous les documents politiques qui ont été soumis et qui sont tout

  7   à fait compatibles et cohérents avec le choix des municipalités. L'exemple

  8   le plus parlant de la planification, c'est bien sûr la pièce 456/95, mais

  9   aussi la 426/56 et c'est le même document. Aux fins de référence, c'est là

 10   le procès-verbal des municipalités du HVO à partir du 22 septembre 1992

 11   où, là, on parle déjà de mise en œuvre de l'ordre du jour du programme du

 12   HVO sur toute la zone opérationnelle. Lorsqu'on parle de la

 13   "marginalisation", de l'élimination du pouvoir des Musulmans en Bosnie-

 14   Herzégovine. Ils parlent surtout de la marginalisation de la population

 15   musulmane tout en parlant et en disant aux militaires, au nom du colonel

 16   Blaskic, et plus précisément à Blaskic, qu'ils doivent se préparer à la

 17   guerre. C'est donc une partie de la planification.

 18   Nous passons de la planification plus globale aux aspects plus

 19   militaires de ce plan ou de cette planification –le colonel Stewart en a

 20   parlé-, planification de l'attaque le 16 avril 1993, par exemple. Il est

 21   certain que nous parlons, là, d'une planification, d'une préparation qui

 22   est englobée et qui est nécessaire afin qu'il y ait des attaques, beaucoup

 23   d'attaques simultanées dans autant d'endroits.

 24   Rappelez-vous la déposition du colonel Stewart. Qu'a-t-il

 25   remarqué ? Etant donné le fait qu'il y avait des affrontements, des


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  1   attaques menées par le HVO dans beaucoup d'endroits de la vallée de la

  2   Lasva, dès le 16 avril 1993, il était non seulement nécessaire que ceci

  3   soit planifié, mais il était impensable que Blaskic n'ait eu aucune part à

  4   cette planification. C'est bien sûr un plan criminel dirigé contre une

  5   population civile. Il y a d'autres parties ou types de plan que l'on peut

  6   reprendre dans le cadre d'une guerre. On peut planifier une opération

  7   militaire légitime qui entraîne aussi des objectifs illégaux, illégitime,

  8   des facettes plus illégitimes, illégales.

  9   Prenons l'exemple de Grbavica. La planification et l'exécution

 10   de l'attaque contre Grbavica était-elle une cible tout à fait légitime ?

 11   Bien sûr ! L'armée de Bosnie-Herzégovine  se trouve sur un promontoire au-

 12   dessus de la route et il y a bien sûr un plan légitime du HVO pour

 13   attaquer. Mais il y avait aussi une partie illégale qui était de supprimer

 14   la population civile, de brûler ses maisons, de piller les biens. Là

 15   aussi, ce sont les soldats du HVO qui le font et qui envoient ce message

 16   qu'ils ont envoyé, de part en part, dans la Bosnie-Herzégovine, dans la

 17   Bosnie centrale, à savoir que les Musulmans n'avaient rien à faire à cet

 18   endroit.

 19   Voilà donc un plan qui était légitime, mais qui comportait aussi

 20   des facettes illégales.

 21   Quand on parle de l'instigation, qu'est-ce que cela veut dire ?

 22   Nous avons une personne, un individu, en l'occurrence Blaskic, a-t-il fait

 23   quoi que ce soit pour modifier cette conduite. Examinons certains des

 24   ordres qu'il a donnés, ceux-ci portent sur la l'investigation, mais aussi

 25   sur le fait d'aider à planifier.


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  1   Voyons les deux planches suivantes. Il s'agit des pièces 299 et

  2   300.

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci fait partie de

  4   l'investigation, mais aussi du fait d'aider et d'inciter à commettre. Nous

  5   nous intéressons ici, dans cet ordre, ordre de combat délivré par Blaskic,

  6   à 9 heures 10, le matin du 16 avril 1993. C'est un ordre de préparation au

  7   combat. Il prépare ses troupes à Kiseljak afin qu'elles se lancent dans

  8   une attaque contre les villages musulmans. Qu'écrit-il dans cet ordre, le

  9   17 avril ? Je cite : "L'ennemi poursuit une attaque intensive contre les

 10   forces du HVO et essaie d'éliminer tout à fait les Croates de la région,

 11   ainsi que de détruire toutes les institutions du HVO dans la vallée de la

 12   Lasva."

 13   **Point 4, bien sûr il parcourt les éléments de l'attaque. Mais

 14   rappelez-vous que la vie des Croates dans la Lasva est tributaire de votre

 15   mission. Cette région pourrait devenir une tombe pour chacun d'entre nous

 16   si vous n'avez pas suffisamment de détermination".

 17   Voyons l'ordre qu'il a émis plus tard dans cette même journée.

 18   Je pense que c'est la pièce 456 qui est aussi la pièce D300. Examinons ce

 19   document. Qu'écrit Blaskic ?

 20   D'emblée dans ce document, il dit nous ceci. C'est un ordre

 21   destiné à des opérations de combat. Plus tard, au cours de cette journée

 22   du 17 avril, lorsqu'il va lancer la brigade Ljubicic sur Kiseljak. Je

 23   cite : "L'ennemi continue à massacrer des Croates à Zenica où des forces

 24   musulmanes utilisent des chars pour tirer sur les gens, surtout sur des

 25   femmes et des enfants."


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  1   C'est aussi un ordre où il parle de la nécessité de maintenir ce

  2   sentiment de la responsabilité historique. C'est là un langage qui tend à

  3   inciter. Qu'est-ce qu'il espère par l'emploi de ces termes dont il sait

  4   pertinemment qu'ils sont erronés ? Marin nous a dit que les Croates, à

  5   Zenica, le 17 avril, n'étaient pas du tout massacrés.

  6   La question qu'il faut pauser est celle-ci : qu'est-ce qu'il

  7   essaie de provoquer, de causer de cette façon ? Il essaie de mettre en

  8   oeuvre son objectif ultime, à savoir ceci : "Rappelez-vous, mes hommes,

  9   rappelez-vous mes forces, gardez à l'esprit ce sentiment de la

 10   responsabilité historique dont nous parlons depuis longtemps, depuis cette

 11   idée du grand Etat croate, pensez-y lorsque vous allez réaliser cet

 12   objectif demain matin".

 13   Bien sûr, les catégories suivantes sont assez simples. Il faut

 14   voir les ordres délivrés à cet égard. Vous savez qu'il y a eu des ordres

 15   verbaux et des ordres écrits. La défense nous a présenté trois ordres

 16   relatifs à Ahmici : les pièces 268, 267 et 269. Nous savons que ce ne sont

 17   pas là les seuls ordres. Nous avons des éléments de preuve montrant qu'il

 18   y a au moins eu des ordres à Zenica de la police civile, de la brigade

 19   Nikola Subic-Zrinjski, nous connaissons bien ces ordres. La question

 20   demeure de savoir combien d'autres ordres ont été émis ?

 21   Nous avons la preuve directe que ce sont des ordres donnés pour

 22   tuer, tuer des civils, des ordres donnés aux troupes qui sont allées à

 23   Ahmici le 16 avril 1993. Il fallait donner des ordres pour les tirs

 24   d'artillerie dirigés contre la population musulmane à 6 heures 45, le

 25   16 avril 1993. Qui a donné cet ordre, pour ce qui est de la pièce


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  1   d'artillerie qui était à la fois mobile et stationnaire ?

  2   Bien sûr, c'est Blaskic qui avait le contrôle sur ces pièces

  3   d'artillerie. Ce qui veut dire que ces ordres peuvent se ventiler en

  4   diverses catégories qui nous donnent à la fois des éléments directs et

  5   indirects. Nous avons les deux : nous avons des ordres dont nous ne

  6   connaissons pas l'existence, mais dont nous savons qu'il les a donnés

  7   parce que ses troupes se sont déplacées. Nous avons vu les résultats

  8   définitifs des tirs d'artillerie : il a dû donner des ordres pour qu'il y

  9   ait ces tirs d'artillerie. Nous avons aussi, bien sûr, des ordres

 10   formulés, consignés sur papier, qui vous ont été présentés : une personne

 11   est désignée pour tuer des civils.

 12   En tout cas, la personne identifiée comme ayant donné ces

 13   ordres, c'est Blaskic. Il n'y a pas un seul élément de preuve selon lequel

 14   quelqu'un de plus haut aurait donné l'ordre de tuer. Les seules preuves

 15   que nous avons concernent Blaskic, personne d'autre.

 16   Nous avons, bien sûr, le fait d'aider et d'inciter à commettre ;

 17   c'est le fait d'aider, de prêter assistance d'une quelconque façon. Etant

 18   donné le rôle joué par Blaskic, en tant que commandant de la zone

 19   opérationnelle de Bosnie centrale, le concept même d'aider et d'inciter à

 20   commettre tombe dans différentes catégories, plusieurs catégories, car il

 21   planifie, il ordonne et, bien sûr, il approvisionne ses troupes. Il leur

 22   donne des garnisons, il veille à ce que la logistique soit bien mise en

 23   place, qu'il y ait soutien logistique et soutien médical, autant

 24   d'ingrédients qui interviennent dans le concept d'aider et d'inciter à

 25   commettre.


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  1   Toutefois, il y a un concept plus global que celui-ci, qu'il

  2   faut essayer et qu'il faut aborder dans le contexte du général Blaskic.

  3   C'est le concept de l'encouragement psychologique ou mental, du soutien

  4   moral. Ce soutien moral, cet encouragement donné par Blaskic à ses

  5   troupes, c'est son manquement constant et continu à l'obligation de

  6   sanctionner et de punir s'il y a eu des exactions.

  7   Ce qui apparaît de façon limpide à la lecture des éléments de

  8   preuve, c'est que Blaskic a lancé l'opération le 16 avril 1993, et que ses

  9   troupes ont incendié, ont tué, ont éliminé la population musulmane, l'ont

 10   incarcérée, l'ont forcée à faire des travaux forcés. Ses soldats savaient

 11   qu'ils n'allaient pas être punis. Cela, c'est synonyme d'encouragement.

 12   Vous l'avez remarqué, Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges, dans l'audience Karadzic/Mladic, sur l'article 61. La carence, le

 14   manquement continu à punir -c'est le 7.3- est équivalent à la

 15   responsabilité au titre du 7.1. Et ceci s'ajoute à tous les faits que nous

 16   avons obtenus à propos de l'accusé.

 17   Ces questions, bien sûr, il faut les étudier. Il faut vous

 18   soumettre cette dernière question, Messieurs les Juges, pour vos

 19   délibérations. Nous savons que Zarko Andric, Zuti, c'était un voleur qui a

 20   fait évader des personnes. Nous savons du commandant Baggesen qu'il

 21   expulsait des Musulmans de chez eux ; Blaskic lui-même l'a dit dans sa

 22   déposition. Il volait, il cambriolait des convois. C'était un voleur dont

 23   Me Nobilo a dit qu'il était un maffieux.

 24   Alors, quel est le message envoyé par Blaskic à ses éléments

 25   lorsqu'il va assurer la promotion de Zuti à un poste dans son état-major ?


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  1   Quel est le type de message qu'il envoie, qu'il relaie à ses troupes, à la

  2   base ? Est-ce que cela veut dire que les troupes se trouvant sous son

  3   commandement doivent respecter les préceptes du droit international

  4   humanitaire et doivent respecter toutes les conventions ? Ou est-ce

  5   exactement l'opposé ? Est-ce que c'est là une tolérance officialisée de

  6   toutes les activités criminelles dans lesquelles étaient engagés cet homme

  7   et ces voyous ?

  8   Je vous fais valoir ceci, Messieurs les Juges. Le message de

  9   Blaskic était limpide, très clair : la conduite utilisée par ses soldats,

 10   conduite criminelle dirigée contre la population civile, allait être

 11   tolérée et dès lors encouragée.

 12   Passons à l'alinéa 7.3. Dans le peu de temps qu'il me reste, je

 13   ne peux pas m'attarder sur ces concepts juridiques ; nous les avons

 14   abordés longuement dans notre mémoire en clôture. J'aimerais toutefois que

 15   nous parcourions rapidement quelques-uns de ces aspects du 7.3, à savoir

 16   la responsabilité qu'encourt Blaskic pour son manquement à l'obligation de

 17   punir et prévenir.

 18   En tant que commandant, Blaskic avait deux responsabilités, en

 19   vertu du 7.3 de notre Statut. Il doit prévenir, empêcher toute violation

 20   du droit international humanitaire. Et s'il est informé qu'il y a eu de

 21   telles exactions, il doit les sanctionner. Voilà deux concepts différents.

 22   Les faits montrent que Blaskic a manqué à ses obligations pour les deux.

 23   Qu'aurait-il dû faire ? De quels pouvoirs disposait-il et que

 24   n'a-t-il pas fait ? Il suffit d'aborder, de façon globale, ce manquement à

 25   l'obligation de prévenir. En quintessence, il disposait de plus de pouvoir


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  1   que quiconque lui permettant d'empêcher des violations, des exactions

  2   criminelles du fait de ses troupes. Par un seul acte, il aurait pu ne pas

  3   déployer des troupes dont il savait qu'elles étaient engagées dans des

  4   activités criminelles. Il ne devait pas les réutiliser dans d'autres

  5   opérations de combat ultérieures.

  6   Il sait, par exemple, que les Jokeri sont impliqués dans le

  7   massacre d'Ahmici, sans qu'il fasse quoi que ce soit pour retirer un

  8   quelconque de ces éléments qui aurait été impliqué dans le massacre

  9   d'Ahmici ; il les réutilise à Grbavica, en septembre 93. Grande surprise

 10   que celle-là ! Des maisons, une fois de plus, sont incendiés, des civils

 11   sont expulsés, des maisons pillées.

 12   Les Vitezovi, parlons d'eux. Il dit qu'il ne savait pas s'ils

 13   étaient à Ahmici. Mais il sait bien que des membres des Vitezovi sont

 14   partie prenante, sont mêlés au camion piégé du 18 avril 93. C'est toujours

 15   cette même unité alors qu'il a la possibilité de faire autrement. Il a

 16   qualifié cette opération ; il aurait pu décider de déployer ou de ne pas

 17   déployer des Vitezovi sur le relief de Grbavica. Pourtant, il a décidé de

 18   les déployer. Ce même groupe, ce groupe-là qui avait été responsable du

 19   camion piégé et était impliqué dans bien d'autres activités criminelles,

 20   comme l'a dit Blaskic lui-même dans sa déposition, il le reprend pourtant

 21   à Grbavica.

 22   Avant de parler des nuances juridiques de ce qu'il aurait pu

 23   faire ou ne pas faire, il avait un droit fondamental, celui du commandant

 24   de déployer des troupes dans des situations de combat suivant les besoins

 25   qu'il ressentait.


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  1   Mais de quel autre pouvoir disposait-il, pouvoir qu'il a

  2   d'ailleurs utilisé ? S'agissant de ses commandants et de ses soldats, il

  3   avait le pouvoir de les nommer et de les relever de leurs fonctions en

  4   vertu des articles 29, 30 et 34 du décret des forces armées. C'est la

  5   pièce 38, intercalaire 2. Il avait un pouvoir qui lui avait été délégué

  6   lui permettant de désigner et de relever de leurs fonctions de

  7   commandement ; il a utilisé ce pouvoir. Rappelez-vous, Monsieur le

  8   Président, Messieurs les Juges, le contre-interrogatoire du général de

  9   brigade Marin qui a affirmé qu'il ne disposait pas d'un tel pouvoir, bien

 10   sûr, jusqu'au moment où nous avons commencé à étudier la situation de

 11   Stepjan Tuka.

 12   Passons à la planche suivante, concernant M. le commandant Tuka.

 13   Je vous donne une brève référence actuelle. Rappelez-vous. Je ne

 14   vais pas revenir à ces pièces, mais dans les pièces 299 et 300, les ordres

 15   de combats exécutés pour le déploiement des troupes, afin que celles-ci

 16   participent au combat à Kiseljak, le matin du 18 avril, des missions

 17   avaient été confiées au bataillon de Fojnica lequel, à l'époque, faisait

 18   partie de la brigade de Busovaca. Il n'empêche qu'elle a reçu des ordres

 19   de combat afin de prêter renfort à la brigade de Ban Jelasic, à Kiseljak.

 20   Après avoir donné cet ordre, et que Blaskic ait enjoint Tuka de

 21   s'engager et de passer au combat, Tuka écrit ceci. C'est une lettre qu'il

 22   écrit à Blaskic, c'est la pièce 489 : "Colonel, je me sens obligé de

 23   répondre à votre avertissement m'enjoignant de respecter les ordres. Il y

 24   a deux ans, lorsque j'ai accepté l'obligation consistant à organiser,, à

 25   protéger des Croates à Fojnica, je savais à quoi je m'engageais."


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  1   Un peu plus loin, il dit ceci : "Je ne peux pas aveuglément

  2   exécuter certains des ordres qui vont vraiment créer la guerre à Fojnica,

  3   ordres qui ont été imposés sans que nous ayons été consultés au

  4   préalable ; nous qui connaissons au mieux la situation qui prévaut ici."

  5   Et puis, il demande à être relevé de ses fonctions de

  6   commandement. Blaskic, sur le champ, lorsqu'il reçoit cette lettre, relève

  7   de ses fonctions Tuka. Il s'agit de la pièce 45652, où le même jour il

  8   écrit une lettre par laquelle il relève de ses fonctions Tuka. Et que

  9   toute acte contraire à ce commandement, à cet ordre, encourra, entraînera

 10   une responsabilité pénale. Vous vous souvenez sans doute de cette

 11   discussion, de ce débat qui s'est produit à Fojnica où certains des

 12   dirigeants civils et religieux s'opposaient à la démission de Tuka. Il y a

 13   eu des lettres de protestations, par exemple.

 14   Et qu'a fait Blaskic ?

 15   Il les a simplement coupées, éliminées. Dans un document, qu'il

 16   envoie le 7 mai 1993, il dit : "Cela suffit. Tuka est parti, si vous

 17   faites quoi que ce soit d'autre, si vous n'écoutez pas mes ordres, alors

 18   il y aura des sanctions disciplinaires. Il y aura des actions pénales."

 19   Je vous rappelle la pièce de l'accusation 493 : "Conformément à

 20   l'article 34 du décret sur  les forces armées de la communauté croate de

 21   Herceg-bosna, M. Stefan Tuka est relevé de son poste de commandement, du

 22   3ème bataillon de la brigade Nikola Subic-Zrinksi. Et une autre personne

 23   est désignée à ce poste." Dans la dernière partie de cet ordre, il

 24   remarque ceci : "Les actions et activités du soi-disant commandement, et

 25   le commandant autoproclamé, Tuka en l'occurrence, mérite que des sanctions


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  1   disciplinaires soient prononcées et qu'une action pénale soit entamée, ce

  2   qui sera fait."  Blaskic prend donc la décision de démettre cet homme, il

  3   faisait fi de l'avis des autorités municipales. C'était simple, Tuka était

  4   relevé de ses fonctions.

  5   Alors, reprenons ceci dans le contexte des violations du droit

  6   international humanitaire. Tout commandant, dont il savait que ce

  7   commandant aurait, à moment donné, commis une infraction à ce droit

  8   -contrairement aux ordres qu'il aurait donnés- tout tel commandant aurait

  9   pu être relevé de ses fonctions par Blaskic sans que celui-ci consulte qui

 10   que ce soit. Tout comme il s'est débarrassé de Tuka, parce que Tuka

 11   n'avait pas voulu appliquer ses ordres de combat.

 12   Alors, la dernière question qui se pose ici est de savoir s'il a

 13   jamais fait cela ? Si jamais un commandant a été démis de ses fonctions

 14   parce qu'il avait manqué à l'obligation de respecter les préceptes du

 15   droit international humanitaire, ou parce qu'il n'aurait pas suivi un de

 16   ces ordres alibis de Blaskic, qui exigeait que le droit international

 17   humanitaire soit respecté. Réponse négative. Non, personne, ni Cerkez, ni

 18   Rajic. Vous vous souvenez d'Ivica Rajic ? D'après Blaskic c'était sa bête

 19   noire à Kiseljak. Jamais il n'a relevé de ses fonctions Rajic, pas plus

 20   que Cerkez. Et qu'en était-il du creusement des tranchées à Busovaca ?

 21   Jamais il n'a démis le commandant qui s'y trouvait. Jamais il n'a licencié

 22   ou congédié qui que ce soit parce qu'il aurait manqué à la l'obligation de

 23   respecter ce droit, alors qu'il pouvait de par sa plume le faire.

 24   Passons aux règles de discipline militaire. Une question dont on

 25   a beaucoup discuté de part et d'autre dans le prétoire. Parlons des


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  1   pouvoirs de Blaskic par rapport à ces règles de discipline militaire.

  2   Quels étaient les pouvoirs dont il disposait pour veiller à ce que ses

  3   troupes respectent le droit international humanitaire et suivent ses

  4   ordres à lui ?

  5   La lecture de ce règlement dans son entièreté -c'est bien sûr,

  6   la pièce 38 intercalaire 2- montre qu'il y a certains préceptes selon

  7   lesquels, ou qui guident ces règles, ce sont des principes, des prémisses

  8   fondamentaux, c'est naturel de toute institution structurée. Il y a deux

  9   de ces principes que nous retrouvons dans ce règlement de discipline

 10   militaire. Les voici : le commandant de la zone opérationnelle, entre

 11   autre mais manifestement celui-là aussi, contrôle les structures

 12   disciplinaires dans son ressort, dans sa zone de responsabilités.

 13   Qu'entendons-nous par là ?

 14   En tout premier lieu, si on voit le Tribunal, le Procureur. Le

 15   Procureur peut discipliner, peut superviser ses personnes qui travaillent

 16   dans le cadre des tribunaux disciplinaires. Il est l'homme qui reçoit

 17   l'ordre aussi de donner des punitions, de sanctionner, mais qui peut aussi

 18   dire : "Voilà vous devez passer au Tribunal militaire". Il y a un concept

 19   fondamental qui prévaut sur tout ce règlement, c'est le principe de la

 20   territorialité. Lorsqu'on parcourt le règlement de discipline militaire,

 21   on voit qu'un commandant, et c'est logique, un commandant de zone

 22   opérationnelle dispose de certains droits disciplinaires à l'encontre de

 23   troupes qui se trouvent dans son domaine de responsabilités, qui sont dans

 24   les confins de son territoire.

 25   Parlons des Vitezovi, de la police militaire. Beaucoup de


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  1   témoins nous ont rappelé qu'effectivement Blaskic aurait pu leur imposer

  2   des sanctions disciplinaires. Ce sont des personnes qui se trouvent sur

  3   son territoire, et qui peuvent recevoir de lui des sanctions

  4   disciplinaires. Rien dans ce règlement ne retire quoi que ce soit, pas un

  5   iota au pouvoir dont dispose un tel commandant. Vu les circonstances, et

  6   vu la nature même du règlement de discipline militaire, il est tout à fait

  7   logique qu'un homme tel que Blaskic sur le terrain, les applique. C'est

  8   tout à fait logique. Ce règlement… Il y a deux catégories, les erreurs, et

  9   les erreurs plus graves qui peuvent entraîner l'incarcération. Mais, en

 10   tout cas, peuvent entraîner le fait que quelqu'un peut être démis de ses

 11   fonctions dans le HVO. Blaskic peut renvoyer quelqu'un devant un Tribunal

 12   militaire qui, lui, a le pouvoir de relever de ses fonctions un homme

 13   faisant partie du HVO.

 14   Quels sont les pouvoirs individuels de Blaskic ? Ils sont

 15   importants. Vu sa position, vu ses responsabilités ils sont pourtant

 16   logiques. L'article 59 du règlement dit qu'il a pour obligation de

 17   recueillir des éléments de preuve lorsqu'il sait qu'il y a eu des

 18   violations à la discipline. L'article 61, il a le droit de lancer une

 19   enquête. L'article 61, il a le droit non seulement de lancer, de commander

 20   une enquête, mais aussi de désigner l'enquêteur et de lui dire pendant

 21   combien de temps il doit enquêter.

 22   Outre ces pouvoirs que nous venons de rappeler, la question se

 23   pose de savoir qui décide des personnes qu'il faudra traduire en justice

 24   militaire. Nous avons là l'article 67.2, ou plutôt alinéa 2 du Règlement,

 25   qui répond à cette question. C'est bien sûr Blaskic qui en a l'obligation


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  1   puisqu'il est commandant de la zone opérationnelle. Je vous l'ai rappelé

  2   précédemment au titre des articles 94 et 95, il dispose d'un pouvoir

  3   disciplinaire sur le Tribunal et supervise celui-ci.

  4   Question suivante qui se pose dont j'ai parlé assez longuement

  5   avec le général de brigade Marin. Quelles sont les questions qui tombent

  6   dans ces catégories du règlement de discipline militaire ? Nombreux sont

  7   les points qui relèvent du règlement de discipline militaire. Mais

  8   l'élément le plus large est repris à l'article 3, section 8 du règlement.

  9   Effectivement, des sanctions peuvent être imposées pour tout acte illégal

 10   qui porte atteinte à la réputation des forces armées. Toute violation qui

 11   peut porter atteinte à la réputation, je parle bien sûr des actes illégaux

 12   qui peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires imposées par un

 13   Tribunal militaire. Mais qu'est-ce que ceci signifie ? Je reconnais là que

 14   tout le monde ne concorde pas, vous n'en serez pas étonnés,

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 16   Il y a divergence d'opinion, notamment celle de la défense. Et

 17   puis, je vais vous citer d'autres témoignages pertinents. Je lis à partir

 18   de la page 116 dans le mémoire de la défense. Je cite : "L'autorité

 19   qu'avait Blaskic pour sanctionner des soldats était limitée à des

 20   questions relevant de la discipline militaire", telles que la désertion ou

 21   la perte d'armes.

 22   Je cite : "Eu égard aux actes criminels, son autorité se

 23   limitait à renvoyer l'affaire devant la police militaire pour enquête, la

 24   police militaire pouvant elle-même établir un rapport destiné au Procureur

 25   militaire."


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  1   En page 22 du mémoire des conseils de la défense, nous lisons,

  2   je cite : "Si Blaskic avait le pouvoir d'entamer des poursuites

  3   disciplinaires contre des soldats du HVO, le règlement relatif à la

  4   discipline militaire concernait d'autres infractions que les questions

  5   criminelles relevant de la compétence des Cours martiales, à savoir des

  6   actes tels que crimes de guerre, crimes contre l'humanité, qui devaient

  7   être jugés par des Cours martiales étant de graves infractions à la

  8   discipline et non de simples erreurs. Elles ne pouvaient donc pas être

  9   jugées, ces actions, par des tribunaux disciplinaire.

 10   Par définition, les infractions et les fautes disciplinaires

 11   constituaient des enfreintes au règlement, des erreurs de conduite ou des

 12   actes de négligence par rapport au devoir du soldat".

 13   La difficulté bien sûr, avec cette évaluation des conseils de la

 14   défense, c'est qu'il y a erreur de la part de ces conseils à partir du

 15   témoignage du général de brigade Marin, qui était lui-même procureur

 16   devant une Cour martiale, nous obtenons une idée tout à fait différente de

 17   la chose. Je vous renverrais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 18   aux pages 13781 et 13782  au témoignage du général de brigade Marin où on

 19   lui pose la question suivante :

 20   "Question : J'aimerais brièvement attirer votre attention sur

 21   les journaux officiels, article 8, article qui traite des actes illégaux

 22   qui peuvent l'objet de sanctions disciplinaires. Ce passage d'actes commis

 23   par des soldats en contravention aux ordres émanant de leurs supérieurs

 24   qui peuvent être considérés comme une infraction à la discipline

 25   militaire, et il y a un certain nombre d'éléments qui sont cités. Si vous


Page 23164

  1   prenez le point 8, vous trouvez aussi tous les autres actes illégaux qui

  2   nuisent à la réputation des forces armées.

  3   Réponse : Je vois.

  4   Question : On trouve donc dans cette énumération les actes

  5   nuisibles pour la réputation des forces armées. Vous voyez ce passage ?

  6   Réponse : Oui, je le vois, c'est ce qui est écrit ici.

  7   Question : Général, conviendrez-vous avec moi que la commission

  8   d'un crime de guerre par un soldat du HVO contre la population civile est

  9   quelque chose qui nuit à la réputation des forces armées ?

 10   Réponse : Oui, mais je ne suis pas juriste. Pour autant que je

 11   le sache, un crime de guerre est un acte de criminel.

 12   Question : Vous êtes soldats, Monsieur, vous aidez…"

 13   M. le Président. – Pouvez-vous ralentir pour les interprètes,

 14   Monsieur Kehoe ? 

 15   M. Kehoe (interprétation). – Je vous prie de m'excuser, Monsieur

 16   le Président. Je prie les interprètes de m'excuser également.

 17   Poursuite de la citation.

 18   "Question : Général, vous êtes soldat, n'est-ce pas. Vous

 19   apportez votre aide aux Cours martiales. Dans cet ordre d'idée, le fait

 20   d'incendier des maisons de civils de la part de soldats du HVO, pensez-

 21   vous que ce genre d'actes pourrait nuire à la réputation des forces

 22   armées ?

 23   Réponse : Oui. Non seulement cela nuirait à la réputation des

 24   forces armées, mais ce sont des actes qui sont contraires au code de

 25   conduite militaire."


Page 23165

  1   En dépit de tout cela, mes collègues de la défense font

  2   remarquer ce qui suit en page 117 de leur mémoire. Je cite : "Les

  3   tribunaux militaires de District, et non les tribunaux de discipline

  4   militaire, étaient responsables comme Blaskic de juger les actes criminels

  5   comme cela a déjà été dit, les actes criminels inclus et les infractions

  6   mineures telles qu'insubordination, défaut de respect du règlement

  7   militaire. A l'évidence, ces actes ne recouvraient pas les violations du

  8   droit international humanitaire qui constituent des crimes relevant de la

  9   responsabilité des Cours martiales. De même, Blaskic n'avait pas la

 10   possibilité d'imposer des sanctions disciplinaires aux membres du HVO

 11   s'ils avaient brûlés des maisons de Musulmans, car cela constituait un

 12   acte criminel relevant de la compétence des Cours martiales."

 13   Je vous demande, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de

 14   vous concentrer sur la dernière phrase que je répète : "Blaskic n'avait

 15   pas la capacité, n'avait compétence pour soumettre à des sanctions

 16   disciplinaires des membres du HVO ayant brûlé des maisons bosniennes

 17   musulmanes car ce type d'acte relève de la compétence des Cours

 18   martiales."

 19   Le problème qui se pose au sujet de cette phrase particulière,

 20   c'est que Blaskic n'est pas d'accord avec ce que stipule cette phrase.

 21   Prenons la pièce à conviction de la défense 347 qui est un ordre du

 22   colonel Blaskic, en date du 5 novembre 1992, donc un ordre qui fait suite

 23   au conflit de Novi Travnik, au cours duquel des maisons de Bosniens

 24   musulmans ont été brûlées. Que dit Blaskic à ces troupes et que nous dit-

 25   il, à nous. Je cite : "J'ordonne, premièrement, que toutes les mesures


Page 23166

  1   nécessaires soient prises pour empêcher que le feu soit mis à des maisons

  2   de citoyens éminents de nationalité musulmane dans votre zone de

  3   responsabilité."

  4   Et, deuxième point très important, je cite : "Toute les forces

  5   et tous les moyens disponibles seront utilisés pour exécuter cet ordre et

  6   les mesures les plus rigoureuses seront prises à l'encontre de ceux qui

  7   transgresseront cet ordre et ce conformément au règlement de discipline

  8   militaire."

  9   Donc Blaskic délivre un ordre pour avertir ses troupes que si

 10   ses soldats mettent le feu à des maisons musulmanes, ils seront soumis à

 11   des sanctions disciplinaires.

 12   Donc, l'accusé et le général Marin ne sont pas d'accord sur la

 13   position développée dans le mémoire des conseils de la défense. C'est une

 14   chose. Mais, nous ajoutons que ce texte défie la logique la plus

 15   élémentaire, la logique que l'on retrouve dans le règlement de discipline

 16   militaire. Qu'est-ce qui est logique ? Ce qui logique, c'est la double

 17   voie dont on nous a parlé en certaines occasions qui est expliquée plus en

 18   détail à l'article 29 du Règlement selon lequel, si on est confronté à un

 19   crime, c'est le Tribunal militaire de District qui est compétent.

 20   Par ailleurs, si le crime en question est une violation du

 21   règlement militaire disciplinaire, à savoir qu'il s'agirait de quelque

 22   chose qui porterait atteinte à la réputation des forces armées, dans ce

 23   cas précis cet acte peut également être jugé par un Tribunal de discipline

 24   militaire. Donc une violation de ce genre peut être soumise au Tribunal

 25   qui juge les crimes.


Page 23167

  1   Pourquoi cette distinction est-elle importante ? Pourquoi cette

  2   dualité est-elle importante ? Parce que cette double voie permet au

  3   commandant, par le biais des tribunaux de discipline militaire, de se

  4   débarrasser des criminels. Il utilise les structures à sa disposition pour

  5   se débarrasser des criminels.

  6   Mais nous avons entendu Blaskic nous dire que les soldats du HVO

  7   du Busovaca ont été accusés, mis en accusation, pour des crimes commis par

  8   eux, à savoir le meurtre de deux Bosniens musulmans en février 1993 alors

  9   qu'ils creusaient des tranchées. Il nous a dit que ces hommes avaient fait

 10   l'objet de sanctions pénales. Je lui ai demandé. Monsieur le Président, je

 11   crois que vous lui avez également posé la même question, à savoir : est-ce

 12   que ces hommes ont été démis de leurs fonctions ? Je ne sais pas, a

 13   répondu Blaskic.

 14   Il ne sait pas ! Il ne sait pas si ces deux meurtriers, ou si

 15   quelqu'autre soldat n'a jamais été démis de ses fonctions pour ce genre

 16   d'acte !

 17   C'est donc un point tout à fait fondamental que nous devons

 18   mettre en exergue dans ce règlement qui permet non seulement de mettre en

 19   accusation des criminels, mais également de décider qu'ils n'ont plus leur

 20   place au sein du HVO. Blaskic, par exemple, a-t-il eu recours à cette

 21   méthode ? Eh bien, non. Pas du tout.

 22   Puis, ce qui est également important, c'est que Blaskic avait la

 23   possibilité de renvoyer les problèmes de ce genre en vertu de l'article 29

 24   et de l'article 69 du code du procureur de District militaire. Il avait la

 25   possibilité et l'obligation de renvoyer ces questions devant le Procureur


Page 23168

  1   militaire de District.

  2   Monsieur le Président, je vois que vous regardez l'horloge. Je

  3   pense que nous sommes peut-être arrivés au moment de la pause.

  4   M. le Président. – Nous avez un peu malmené, Monsieur le

  5   Procureur. Il ne faudrait donc peut-être pas trop prolonger. Nous allons

  6   faire vingt bonnes minutes de pause. L'audience est suspendue

  7   L'audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 50.

  8   M. le Président. – L'audience est reprise. Introduisez l'accusé,

  9   s'il vous plaît.

 10   Bien. Monsieur le Procureur, il vous reste un peu plus d'une

 11   heure. Soyez indulgent envers les interprètes, méfiez vous de votre débit

 12   de parole. Allez-y, commencez.

 13   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je vous

 14   remercie, je prie encore une fois les interprètes de m'excuser pour mon

 15   débit rapide ; je m'engage à ralentir.

 16   Avant de cesser de parler de la question de la discipline

 17   militaire et de l'application des règles de la discipline militaire, je

 18   dois dire que cette question s'est posée non seulement à la suite de la

 19   déposition de Blaskic, mais tout au long de la présentation des éléments

 20   de preuve de la défense, question de savoir quelle était la capacité de

 21   Blaskic de soumettre à des sanctions disciplinaires des hommes tels que

 22   Pasko Ljubicic, commandant du 4ème Bataillon de la police militaire, ou

 23   Darko Kraljevic, commandant de l'unité spéciale des Vitezovi.

 24   Et nous savons aujourd'hui qu'en fait, il avait cette

 25   possibilité.


Page 23169

  1   Monsieur le Président, j'aimerais que nous passions à huis clos

  2   partiel pendant quelques instants, car je renverrai les Juges à une

  3   déposition particulière à cet égard.

  4   M. le Président. – Bien sûr. Oui, allons-y rapidement.

  5   Audience à huis clos partiel

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

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 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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  1   Audience publique

  2   M. le Président. – D'accord. Poursuivez, Monsieur le Procureur..

  3   M. Kehoe (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, Alors,

  4   après avoir parlé de l'aspect disciplinaire, des sanctions, j'aimerais que

  5   nous parlions de l'aspect pénal.

  6   Blaskic n'avait il absolument aucun pouvoir sur le plan pénal ?

  7   Bien sûr, ce n'est pas exact. Il avait ce genre de pouvoirs.

  8   Nous pouvons prendre le décret du procureur militaire pour le démontrer.

  9   Selon l'article 3, le Procureur avait compétence pour mener des enquêtes.

 10   Ce qui était encore plus important, c'est qu'en vertu de l'article 6, le

 11   procureur militaire de district avait compétence pour recevoir des

 12   informations de commandants tels que Blaskic, commandant de la zone

 13   opérationnelle, ou d'autres commandants.

 14   En dehors du district relatif aux fonctions du procureur

 15   militaire de district, nous voyons que Blaskic avait un mandat très

 16   strictement défini, si nous considérons ce mandat par rapport aux tâches

 17   des tribunaux militaires de district, des cours martiales opposées aux

 18   tribunaux de discipline militaires. Il avait mandat pour recueillir des

 19   éléments de preuve, pour vérifier que les indices avaient été recueillis ;

 20   il l'a dit en réponse aux questions du Juge Rodriguez.

 21   Il avait également la capacité de procéder à des arrestations. A

 22   ce titre, j'aimerais vous lire l'article 27 du décret régissant les

 23   fonctions du procureur militaire de district. A l'article 27, nous voyons

 24   que le commandant Blaskic se voit conférer le pouvoir de procéder à des

 25   arrestations dans certaines circonstances bien définies.


Page 23171

  1   Lorsque, par exemple, le crime exige une peine de mort, il

  2   l'obligation de procéder à l'arrestation. Les lois en vigueur dans le

  3   Herceg-Bosna ont repris les lois de procédure applicables dans l'ex-SFRY.

  4   Et nous lisons ce qui suit dans ce texte : "Toute personne sera

  5   mise en détention s'il y a suspicion justifiée que cette personne a commis

  6   un crime pour lequel la loi prévoit la peine de mort." Et des cas dans

  7   lesquels la peine de mort est prévue, il y en a beaucoup : toutes sortes

  8   de crimes de guerre, attaques contre des civils, tout crime de cette

  9   importance, tout crime contre des civils font l'objet de dispositions dans

 10   son mandat, qui exigent de lui qu'il procède à une arrestation.

 11   Mon collègue, M. Harmon, a discuté de cette même question avec

 12   M. Tadic, responsable de la justice, cité à la barre en tant que témoin.

 13   S'agissant de ce pouvoir de procéder à des arrestations, les questions et

 14   réponses que je vais lire brièvement maintenant sont très instructives. Je

 15   vous renvoie à la page 17 371 du compte rendu d'audience.

 16   En vertu de l'article 27 de ce document -je rappelle qu'il

 17   s'agit de l'article 27 du décret régissant l'action des tribunaux

 18   militaires de district, des cours martiales-, je cite :

 19   "Un commandant peut arrêter un individu, est même dans

 20   l'obligation de l'arrêter s'il existe une suspicion justifiée que cette

 21   personne a commis des crimes tels que crimes de guerre, crimes contre des

 22   populations civiles, contre des blessés, contre des malades, contre des

 23   prisonniers de guerre, meurtre d'un ennemi qui s'est rendu ou a rendu ses

 24   armes, n'est-ce pas ?

 25   Réponse de M. Tadic : Oui, si la personne est identifiée, cette


Page 23172

  1   personne doit être remise… et si aucune autre personne n'est concernée,

  2   auquel cas cette personne doit être remise aux autorités compétentes.

  3   Question : Le colonel Blaskic était dans l'obligation d'arrêter

  4   une personne s'il existait des suspicions justifiées selon lesquelles

  5   cette personne aurait commis l'un ou l'autre des crimes qui viennent

  6   d'être décrits dans cette disposition, n'est-ce pas ?

  7   Réponse : Il pouvait le faire. Mais un membre de l'équipe des

  8   enquêteurs pouvait le faire également, car ce paragraphe fait référence

  9   aux deux catégories de personnes.

 10   Question : Je comprends, mais ce que je vous demande ne concerne

 11   pas la police militaire. Je vous pose la question au sujet du

 12   colonel Blaskic.

 13   Réponse : Oui, il aurait pu le faire." (Fin de citation.)

 14   Donc, discutons de l'état d'esprit de Blaskic, si vous me le

 15   permettez, lorsqu'il a dit qu'il avait eu connaissance, qu'il avait été

 16   informé des crimes commis à Ahmici. Il savait que la police militaire,

 17   commandée par Pasko Ljubicic, était responsable de ces actes. Il avait un

 18   soupçon justifié à ce moment-là ; compte tenu de ce soupçon justifié, il

 19   avait le pouvoir d'arrêter Pasko Ljubicic pour crime de guerre.

 20   Avançons un pas plus avant. Quelle autre mesure aurait-il pu

 21   prendre pour procéder à l'arrestation d'hommes dont il pensait qu'ils

 22   auraient pu être responsables de crimes de ce genre, tels que Pasko

 23   Ljubicic.

 24   Avant de répondre à cette question, examinons le commentaire de

 25   Blaskic lui-même quant aux raisons qu'il a invoquées pour souhaiter


Page 23173

  1   l'élimination de Pasko Ljubicic de la police militaire : "Je voulais qu'il

  2   soit relâché. Pour quelle raison ? Pour plusieurs raisons. La raison

  3   principale était que j'ai insisté qu'il était impossible d'enquêter

  4   correctement sur le crime d'Ahmici aussi longtemps que la même structure

  5   de commandement était maintenue au sein de la police militaire. L'une des

  6   raisons était aussi, sans aucun doute, ma crainte que le crime d'Ahmici

  7   pourrait se répéter".

  8   Donc il voulait que Pasko Ljubicic soit relevé de ses fonctions

  9   parce qu'il a dit qu'une enquête correcte ne pouvait pas être menée. Il ne

 10   voulait pas que le crime d'Ahmici se reproduise.

 11   Examinons les pouvoirs sur le plan de la procédure qu'il avait

 12   en fonction du décret sur les tribunaux militaires de District, s'il y a

 13   lieu d'être suspicieux, si cette suspicion est fondée, lisons

 14   l'article 191. Je cite : "Si la suspicion est fondée, si l'on suspecte un

 15   individu d'avoir commis un crime mais que les conditions ne sont pas

 16   réunies pour une détention obligatoire, la détention peut être ordonnée à

 17   l'encontre de cette personne dans les cas suivants : s'il existe la

 18   crainte fondée qu'il détruira les traces du crime ou si les circonstances

 19   particulières indiquent qu'il cherchera à entraver l'enquête en

 20   influençant les témoins, les autres suspects."

 21   Donc la loi lui permet d'arrêter Pasko Ljubicic. L'a-t-il fait ?

 22   Non.

 23   Ensuite, il peut arrêter si les circonstances particulières le

 24   permettent, donc s'il y a suspicion fondée. Il peut le faire si la crainte

 25   est justifiée que ce crime se reproduira ou si le crime qu'on a tenté de


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  1   faire sera perpétré. Il a le pouvoir d'arrêter Pasko Ljubicic, si les

  2   circonstances particulières justifient la crainte que ce crime se

  3   reproduira. La même raison. Or, il a déposé devant cette Chambre en disant

  4   que c'était pour cette raison qu'il a voulu relever Pasko Ljubicic de ses

  5   fonctions. Ces raisons sont contenues dans la loi d'Herceg-Bosnie qui lui

  6   permettent, en tant que commandant, d'arrêter Pasko Ljubicic. Or, ni en

  7   avril ni en mai ni en juin, juillet, août, septembre, je ne sais pas

  8   quand, Pasko Ljubicic n'a été arrêté. Et pendant toute cette période,

  9   Blaskic disposait de ce pouvoir.

 10   En plus des pouvoirs que nous avons évoqués sur la discipline

 11   militaire, sur le pouvoir d'arrêter les individus en fonction du décret

 12   sur les tribunaux militaires de District, il avait des pouvoirs de fait,

 13   factuels, très importants. Je voudrais que l'on se penche, par exemple,

 14   sur la police civile. Il avait le pouvoir de donner des ordres à la police

 15   civile (pièce 456/38). Il avait le pouvoir de donner des ordres. Il a

 16   donné des ordres au responsable militaire de la prison de Kaonik,

 17   M. Zlatko Aleksovski. Nous en avons beaucoup parlé. Il s'agit là de la

 18   pièce de la défense 373.

 19   Enfin, et non des moindres, il a évoqué ses pouvoirs d'exécuter

 20   les soldats qui avaient abandonné la ligne de front. Il avait ce pouvoir.

 21   Nous avons la pièce 456/77 à cet effet.

 22   Monsieur le Président, le devoir de commandant est d'empêcher la

 23   violation du droit international humanitaire. Blaskic, comme tout

 24   commandant, doit prendre des mesures avant que le crime ne soit commis et

 25   ce afin de s'assurer que le crime ne sera pas perpétré. Quelles sont les


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  1   mesures qui doivent être prises ? Bien entendu, il y a la procédure

  2   disciplinaire qui existe de manière uniforme : les forces sous son

  3   commandement doivent suivre un règlement disciplinaire.

  4   Si la discipline est assurée, cela permet de garantir qu'il n'y

  5   aura pas de violation du droit international humanitaire. Mais Blaskic ne

  6   l'a pas fait. Il ne l'a pas fait lorsque les crimes ont été commis contre

  7   le population civile musulmane.

  8   Nous avons des pièces à conviction de la défense qui citent des

  9   infractions relativement mineures, mais rien n'a été fait au sujet des

 10   crimes importants que nous avons vu ici, pendant ce procès.

 11   Mais il y avait d'autres obligations, par exemple l'éducation et

 12   l'entraînement. Il devait former ses recrues en matière de droit

 13   international humanitaire. Il est diplômé de l'académie militaire. Il

 14   connaît les Conventions de Genève, les protocoles. Il connaît le droit

 15   international humanitaire. Or, plutôt que quiconque d'autres en Bosnie

 16   centrale, lui, il savait qu'il était important de renseigner les recrues

 17   sur le droit international humanitaire. Mon collègue Harmon l'a exposé

 18   hier. La Chambre pourra s'y pencher au moment d'examiner les manuels, les

 19   programmes d'entraînement qui ont été versés ainsi que d'autres ordres

 20   portant sur l'entraînement. Cela est contenu dans la pièce de l'accusation

 21   456. Il n'y a pas un seul ordre qui demande que soient renseignées et

 22   formées, en matière de droit international humanitaire, les forces. Nous

 23   avons uniquement un document du CICR au sujet duquel Marin a dit que les

 24   soldats l'avaient dans leurs mains, sur place, cette zone.

 25   Mais si vous vous penchez sur la déposition de Blaskic, celle de


Page 23176

  1   Marin et sur les documents qui ont été versés, il apparaît en fait qu'il

  2   n'y avait pas de formation des recrues en matière des règles fondamentales

  3   du droit demandant la protection des civils. Cela est inexcusable. C'est

  4   une omission inexcusable de la part d'un commandant. Cette omission a

  5   nécessairement entraîné les résultats que nous avons vus ici.

  6   Si vous le voulez bien, je souhaiterais examiner un certain

  7   nombre d'ordres qu'il aurait donnés, des ordres donnés par Blaskic afin

  8   d'assurer la sécurité de la population civile.

  9   La plupart de ces ordres qui se ventilent en différentes

 10   catégories, sont les ordres qu'il a donnés après avoir reçu un ordre de la

 11   part du quartier général principal du HVO. Comme vous le verrez dans l'en-

 12   tête de ces ordres, il a reçu l'instruction de la part du quartier général

 13   principal de le faire. La plupart des ordres qu'il a signés font suite aux

 14   réunions tenues avec les représentants des organisations internationales

 15   qui ont demandé, lors de ces réunions, que l'on émette ce genre d'ordres.

 16   Par exemple l'ordre du 13 février 1993 qui a été signé par Blaskic à

 17   Hadzihasanovic. Il s'agit d'ordres pour protéger les civils. Tous ces

 18   ordres font suite aux négociations et l'accord de cessez-le-feu avec les

 19   organisations internationales et les observateurs européens.

 20   Au sujet d'Ahmici, du massacre d'Ahmici, c'est un autre groupe

 21   d'ordres. Blaskic savait très bien que la Communauté internationale

 22   enquêtait sur cet horrible événement et Blaskic savait qu'il devait

 23   trouver un bout de papier pour montrer à quelqu'un qu'il essayait de faire

 24   quelque chose. Blaskic donne ces ordres suite à ces réunions avec les

 25   organisations internationales et suite au massacre d'Ahmici. Mais


Page 23177

  1   concernant la protection des civils, en juin par exemple, deux mois plus

  2   tard, est-ce que Blaskic émet ses ordres ?

  3   Je pense que c'est très instructif d'examiner la teneur de ces

  4   documents. Le 19 juin 1993, il émet un ordre, la pièce D374. Qu'interdit

  5   cet ordre ? Il interdit l'expulsion des civils de leur maison. Il a donné

  6   cet ordre, comme il l'a dit dans sa déposition, parce qu'il voulait

  7   s'assurer une fois de plus que la population civile, et en particulier la

  8   population civile non-croate était en sécurité.

  9   Blaskic l'a-t-il fait de son propre chef ? Tout simplement, le

 10   19 juin, il se réveille en disant : je vais faire un ordre pour protéger

 11   les civils ? Non, pas du tout. Il a rédigé cet ordre après l'accord de

 12   cessez-le-feu et suite aux réunions du 19 juin 1993 du commandement

 13   conjoint.

 14   Il suffirait que la Chambre se penche sur le procès-verbal de

 15   ces réunions.

 16   Monsieur Duncan, dans la pièce 6086, a montré que Blaskic et

 17   Hadzihasanovic devaient émettre des ordres à tous ceux qui se trouvaient

 18   sous leur commandement, afin d'empêcher l'expulsion des civils. Donc

 19   Blaskic, après la réunion, va dans son bureau, rédige cet ordre. Bien

 20   entendu, c'est en anglais pour pouvoir le montrer à la communauté

 21   internationale et pour montrer qu'il respecte ses engagements et ce qu'il

 22   devait faire.

 23   Mais est-ce qu'il le fait de son propre gré, est-ce que c'est de

 24   son initiative qu'il le fait ? Non, il y a des plaintes lors de cette

 25   réunion, par exemple, au sujet de l'aide humanitaire internationale, sa


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  1   fourniture dans les villages de la vallée de la Lasva ; nous avons la

  2   pièce 372.

  3   Blaskic émet alors un autre ordre où il demande notamment qu'à

  4   Kruscica ou ailleurs, l'aide humanitaire puisse être fournie. Le fait-il

  5   de sa propre initiative ? Non.

  6   Revenons à la pièce 386. C'est le général de brigade Duncan qui

  7   préside la réunion. Regardons quel est l'ordre du jour de cette réunion du

  8   commandement conjoint. On demande que le HCR et la Forpronu soient

  9   assistés et aidés dans leur distribution d'aides. Et cela ne s'arrête pas

 10   ici.

 11   Poursuivons, voyons ces ordres d'alibi du 21. Il émet un ordre,

 12   l'ordre du 21 juin 1993, qui est envoyé au commandant des brigades, où il

 13   interdit que les détenus soient utilisés pour creuser des tranchées. Nous

 14   avons donc le premier ordre où il est spécifiquement interdit que les

 15   détenus creusent les tranchées. C'est le premier ordre du genre : c'est

 16   des mois et des mois après que cette pratique ne se soit répandue,

 17   effectuée par le HVO. C'est à la date du 21 juin. Bien entendu, ils ne le

 18   reconnaissent pas.

 19   Mais Blaskic dit, au sujet de la pièce D373, qu'il a émis cet

 20   ordre parce qu'il voulait s'assurer que les prisonniers de guerre

 21   n'allaient pas être utilisés pour creuser des tranchées. Bien entendu, il

 22   ne l'a pas fait dans cet esprit-là. Cela n'est pas vrai.

 23   Penchons-nous sur la pièce de l'accusation 387. Il s'agit d'une

 24   réunion qui se tient le 21 juin 1993, du commandement conjoint. A 8 heures

 25   du soir, Blaskic émet un ordre suite à cette réunion. Qu'avons-nous ici ?


Page 23179

  1   La pièce de l'accusation P387.

  2   L'ambassadeur Thébault s'installe et se plaint de l'utilisation

  3   des détenus afin de creuser des tranchées. Une demande exprimait que

  4   l'ensemble de ces pratiques s'arrête et si un ordre de ce genre n'a pas

  5   encore été délivré, les commandants doivent émettre des ordres précis sur

  6   le traitement des prisonniers et sur les sanctions qui seront prononcées à

  7   l'encontre des commandants qui ne respectent pas cela. Et les commandants

  8   qui ne respectent pas, n'exécutent pas ces ordres seront relevés de leur

  9   poste de commandement. Des ordres spécifiques doivent être émis afin

 10   d'empêcher que l'on force ou ne demande aux détenus de creuser des

 11   tranchées.

 12   Donc Blaskic, le matin du 21, va à cette réunion ; il rentre

 13   dans son quartier général et il rédige cet ordre. Ce n'est pas de sa

 14   propre initiative, parce que c'est la communauté internationale qui le lui

 15   demande ; et le 19 , le 20 juin, 21 juin, et ainsi de suite.

 16   Vous avez la pièce de l'accusation 461 qui montre ce qui se

 17   passe. Consultons à présent ces ordres d'alibi : est-ce suffisant pour

 18   dire que l'on dise que Blaskic respecte les dispositions du droit

 19   international humanitaire ? Donc d'émettre ce genre d'ordre, est-ce qu'il

 20   répond à ses obligations légales, au moment où il émet ces ordres à

 21   l'adresse de ses soldats ? La position de l'accusation est qu'il ne

 22   respecte pas la loi.

 23   Nous avons le Tribunal de Tokyo, la jurisprudence du Tribunal de

 24   Tokyo et Hitaro Kimura. Son conseil avance : "Puisqu'il a émis des ordres

 25   à ses soldats leur demandant de ne pas soumettre au mauvais traitement ces


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  1   soldats." Son conseil donc affirme qu'il a respecté les dispositions, le

  2   droit international. Or, le Tribunal a déterminé à l'opposé. Il s'agit du

  3   volume 200 et de la page 48444. Je cite le Tribunal, dans le jugement

  4   Kimura : "L'obligation d'un commandant militaire, dans ces circonstances,

  5   n'est pas enlevée par le fait qu'il a émis des ordres de routine. Il doit

  6   émettre ces ordres, des ordres qui empêcheront que ne soient perpétrés des

  7   crimes de guerre, et s'assurer que ces ordres sont exécutés. Cela, il ne

  8   l'a pas fait, il a passé outre délibérément son obligation légale

  9   d'entreprendre des mesures adéquates afin d'empêcher la violation des lois

 10   de la guerre."

 11   C'est exactement sous cet angle-là qu'il faut examiner les

 12   ordres alibis qu'a émis Blaskic. Il faut faire prendre des mesures afin de

 13   s'assurer que les ordres ont été exécutés. Quelle est la mesure la

 14   meilleure ? Punir ceux qui ne le font pas. Je suis sûr que la Chambre sera

 15   d'accord avec moi pour affirmer que, lorsque plusieurs individus ont été

 16   sanctionnés pour avoir passer outre les ordres, d'autres n'oseront pas le

 17   faire. Mais, cela ne s'est pas produit ici. Nous avons également

 18   l'obligation de sanctionner, de punir. Blaskic a omis de punir. Non

 19   seulement il n'a puni personne, mais en plus il les a promus, il a promu

 20   les gens qui ont commis des crimes. Il s'assure de la promotion au

 21   quartier général de quelqu'un qui a commis des crimes dans toute la zone.

 22   Penchons-nous à présent sur l'omission de Blaskic à sanctionner.

 23   Et qu'a-t-il fait exactement ?  Nous allons nous polariser sur Ahmici,

 24   parce que cela, bien entendu, est l'omission la plus instructive de sa

 25   part, parce que non seulement il n'a rien fait à ce sujet -il n'y a pas eu


Page 23181

  1   de mesures concrètes-, mais il a même cherché à occulter le comportement

  2   de ses troupes, mais aussi sa propre complicité.

  3   Examinons ce que dit Blaskic. Blaskic nous dit que lui n'arrive

  4   pas à savoir ce qui se passe, ce qui s'est passé à Ahmici avant le

  5   22 avril 1993, tard dans l'après-midi, lorsqu'il reçoit la lettre de

  6   Stewart. Donc l'atrocité qui s'est produite à quelques kilomètres de chez

  7   lui, il n'en apprend rien. Il attend des jours, six jours ! Mais c'est

  8   insensé ! Pourquoi ? Parce que s'il avait su… Parce qu'il sait que s'il

  9   sait que cet événement s'est produit le 16, cela entraîne son obligation

 10   conformément au droit international humanitaire.

 11   Et quelles sont ses obligations ? Avant tout, ses soldats

 12   doivent être retirés du combat. Mais il n'a rien fait ! Ce qui frappe,

 13   dans sa déposition, c'est la partie où il dit qu'il ne savait pas, alors

 14   que pratiquement tous les autres savent, tous savent. Qui sait ? Les

 15   infirmières qui se trouvent à l'hôpital au centre de Vitez, elles sont au

 16   courant. Vous vous rappelez la conversation qu'elles ont eu avec le

 17   Dr Mujezinovic, dans l'après-midi du 19 avril 1993 ? C'est une

 18   conversation très émue : ces infirmières pleuraient au sujet de ce qu'a

 19   fait le HVO à Ahmici, comment le HVO a tué tout le monde là-bas.

 20   Anto Valenta, par exemple, l'homme qui est un responsable du

 21   HVO, qui a son bureau à côté du bureau de Blaskic, de l'autre côté du

 22   couloir. Il le dit à Stewart ; il en parle deux jours plus tard. Je vous

 23   réfère au journal de guerre de Stewart, du 4 mai 1993.

 24   Qui d'autre est au courant ?

 25   Cerkez est au courant ainsi que d'autres individus qui assistent


Page 23182

  1   à la réunion du 19 avril 1993. Lorsqu'il a amené le Dr Mujezinovic dans

  2   son quartier général, il dit : "Vous savez ce que nous avons fait à

  3   Ahmici ?" Il a dit ça, dans cette conversation, en présence de plusieurs

  4   autres commandants du HVO, en plus de l'officier de l'information de la

  5   brigade Viteska.

  6   Ce n'est pas une information qu'on cherche à cacher, c'est une

  7   information qui était connue de tout le monde. Que dit Stewart ? La

  8   question lui a été posée. Stewart dit : "Mais Blaskic l'a appris le même

  9   jour, c'était le commandant. Moi, je suis allé dans son bureau le matin,

 10   mais il n'était pas là, il était sur le terrain. Bien c'est normal qu'il

 11   ait été sur le terrain. J'y suis allé à 10 heures du matin. Puis, d'autres

 12   individus au sein de son commandement sont au courant pratiquement sur-le-

 13   champ".

 14   Si vous le permettez, je souhaiterais passer à huis clos partiel

 15   pour un instant car nous devons évoquer des dépositions qui ont été faites

 16   à huis clos partiel. Je vous promets d'être bref.

 17   Audience à huis clos partiel

 18   (expurgée)

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  1   (expurgée)

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 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   Audience publique.


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  1   M. Kehoe (interprétation). - Blaskic nous a dit que la première

  2   fois qu'il a eu des informations concrètes au sujet de ce qui s'est passé

  3   à Ahmici, c'était le 22 avril quand il a reçu la lettre de Stewart.

  4   Monsieur le Président, vous lui avez posé des questions à ce sujet et vous

  5   lui avez demandé très concrètement si c'était la première qu'il avait reçu

  6   l'information concernant ce sujet. Il a répondu "oui".

  7   Mais écoutons la déposition assez émouvante de son chef des

  8   opérations, M. Marin, qui ne dit pas la même chose mais plutôt qui est

  9   très différente. Il s'agit de la page 12507.

 10   "Il y a des événements qui sont gravés dans ma mémoire, très

 11   nettement, au sujet de la période où Blaskic était à Zenica. J'ai déjà dit

 12   que je l'ai rencontré pendant la guerre. J'ai remarqué, d'après les traits

 13   de son visage, qu'il était inquiet et déprimé. Il a prononcé une seule

 14   phrase, j'essayerai de la citer précisément : "J'ai été informé qu'au

 15   cours des conflits qui se sont produits sur le territoire de la

 16   municipalité de Vitez, en particulier à Ahmici, un grand nombre de

 17   personnes ont été tuées, dont les civils.

 18   Telle était l'information qu'il a transmise. C'est là que j'ai

 19   appris qu'à Ahmici un grand nombre de personnes avaient été tuées, dont

 20   les civils."

 21   C'est son propre chef des opérations, deux jours avant que

 22   Blaskic prétende avoir appris les informations, qui le lui a dit. Pourquoi

 23   est-ce que Blaskic continue à mentir à ce sujet ? Parce que cela entraîne

 24   ses obligations, cela met en question le fait qu'il ait agi correctement.

 25   Il n'a pas agi correctement. Il cherche à occulter la vérité.


Page 23185

  1   Penchons-nous, à présent, sur sa déposition disant qu'il n'a pu

  2   entrer dans Ahmici avant le 27 avril 1993. Le colonel Morsink, par

  3   exemple, avec un membre du HVO, avec M. Jozic, va à Ahmici et il dit que

  4   le linge est en train de sécher, que les gens vivent dans ces maisons.

  5   C'est le 21 avril. Le 21 avril, un représentant du HVO est dedans. Donc

  6   Blaskic n'a pas pu entrer avant le 27. Mais passons au 23, au 23 avril

  7   1993. Le témoin K a déposé en disant qu'en fait les membres de la défense

  8   civile étaient en train d'évacuer les corps le 23. Nous avons vu une

  9   cassette, cassette qui a été enregistrée par Demon, un reporter de l'ITN,

 10   qui a filmé l'évacuation de ces corps, le 23, à Ahmici. Qui a ordonné que

 11   soient évacués ces corps. C'est remarquable que cette évacuation se

 12   produise le lendemain après l'arrivée de la lettre de Stewart. Vous pensez

 13   qu'ils se sont dits, à un moment : mais peut-être que l'on va savoir que

 14   c'est nous, qu'on va nous attraper.

 15   Pourquoi commencent-ils à relever les corps ce jour-là. Ils

 16   commencent à évacuer ces corps et les emmènent à l'école qui se trouve à

 17   peu près à 150 mètres du quartier général de Blaskic. C'est une autre

 18   déformation de la vérité à laquelle il se livre lorsqu'ils disent qu'il

 19   avait donné cet ordre d'évacuation des corps le 29 avril, afin qu'une

 20   enquête correcte puisse être menée.

 21   C'est aussi insensé car ces corps ont été enterrés le 28 avril.

 22   Nous avons un document soumis à l'audience qui montre qu'il y a eu

 23   enterrement de ces corps à Stari Vitez, un échange de corps, échange qui a

 24   eu lieu avant même que Blaskic n'aurait donné un ordre d'évacuation de ces

 25   corps.


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  1   Blaskic parle du fait qu'il se sentait vraiment dans un état

  2   terrible à propos des événements d'Ahmici. Il serait allé à cette

  3   conférence de presse et aurait parlé du crime horrible commis à l'occasion

  4   de cette conférence de presse. C'est ce que, dit-il, était ses convictions

  5   intimes. Mais ce n'est pas vrai. Que se passait-il à ce moment-là ?

  6   C'était en fait la suite d'un rapport délivré par Martin Bell,

  7   le 23 ou le 24. Vous vous souvenez de la déposition de Martin Bell. Il

  8   nous a dit que son documentaire avait été diffusé et que les yeux de la

  9   communauté internationale étaient rivés sur Ahmici, bien des jours avant

 10   que Blaskic ne monte à l'estrade pour condamner ce qui s'était passé à

 11   Ahmici. 

 12   Outre cela –et nous allons voir exactement ce que nous a dit

 13   Martin Belle-, à ce moment précis, aussitôt après le reportage de Martin

 14   Bell, il y a vraiment un tollé international à l'encontre de la République

 15   de Croatie. Il fallait contrecarrer cela, il fallait faire quelque chose.

 16   Examinez la pièce de l'accusation 532. Mate Boban, au cours

 17   d'une réunion qui a eu lieu le 29 avril 1993, donne un compte rendu fidèle

 18   de ses préoccupations. Bien sûr, la réunion avait eu lieu le 29, mais ce

 19   tollé international l'avait procédée. Il faut écouter ce que nous dit

 20   Boban : "Etant donné les événements qui se produisent à Vitez, au village

 21   d'Ahmici, les ministres de la Communauté européenne annoncent des

 22   sanctions à l'encontre de la Croatie."

 23   Ecoutons ce que nous dit ce témoin de la BBC, Martin Bell, qui

 24   est interrogé par Me Harmon. Nous avons vu un film qui a été tourné le

 25   22 avril et diffusé le lendemain.


Page 23187

  1   "Réponse : Oui.

  2   "Question : Diriez-vous que toutes les maisons musulmanes

  3   d'Ahmici avaient été incendiées ?

  4   Réponse : Incendiées, ruinées, dévastées d'une façon ou d'une

  5   autre, oui.

  6   Question : Quel fut l'effet de votre reportage important diffusé

  7   à la télévision le 23 ?

  8   Réponse : Je pense que cela a eu un effet vraiment mondial. Je

  9   diffusais ces informations pour dire la vérité. Mais je pense que ceci a

 10   eu un effet formidable sur le monde, sur l'opinion publique

 11   internationale."

 12   Nous passons à la page 17616. Je cite.

 13   "Question : Fort bien. Conviendriez-vous avec moi du fait que

 14   ces nombreux reportages, ou ces nombreux rapports, les vôtres, ceux de

 15   Thébault, ont exercés une pression considérable sur le HVO en Bosnie

 16   centrale obligeant le HVO à se déterminer par rapport au massacre horrible

 17   qui a eu lieu à Ahmici ?

 18   Réponse : Oui, c'est la raison pour laquelle je crois que

 19   Blaskic a fait cette déclaration à la conférence de presse parce qu'il y

 20   avait ce tollé international, cette indignation, non pas parce qu'il avait

 21   de la commisération, de la sympathie pour ces événements qui s'étaient

 22   produits, mais parce qu'il y avait ce soulèvement international dirigé

 23   contre les Croates de Bosnie, contre le HVO."

 24   Parlons maintenant du subterfuge qu'est l'enquête menée par

 25   Blaskic.


Page 23188

  1   Ceci a commencé dès le départ, dès le début ; nous l'avons

  2   remarqué, dans sa déposition, il nous a dit qu'il a d'abord appris les

  3   événements d'Ahmici lorsqu'il a lu la lettre du colonel Stewart, reçue le

  4   22 avril. Il s'agit de la pièce 456/56. Blaskic a répondu en disant qu'il

  5   voulait dépêcher une enquête, une commission d'enquête à cet endroit. Nous

  6   trouvons ceci à la pièce 456/57.

  7   Et puis, il nous a dit, Monsieur le Président, Messieurs les

  8   Juges, qu'un des événements, une des choses qu'il se sentait vraiment

  9   obligé de faire, c'était d'obtenir l'aide de la communauté internationale

 10   pour mener cette enquête, enquête qu'il ne pouvait pas mener sans cette

 11   assistance. Il nous a dit que, chaque fois qu'il rencontrait des membres

 12   de la communauté internationale, il avait exigé, il avait requis cette

 13   assistance pour mener cette enquête. Inutile de vous donner des

 14   paraphrases, je vais me borner à vous lire une partie de sa déposition, à

 15   la page 19 165.

 16   Je cite : "Dans ma lettre, lorsque je l'ai rédigée, le 23, à

 17   l'intention du colonel Stewart, et dans toutes les discussions ultérieures

 18   que j'ai eues avec des représentants de la communauté internationale, j'ai

 19   demandé l'assistance de cette dernière pour mener cette enquête, dans

 20   l'espoir que des institutions internationales du plus haut niveau, ainsi

 21   que des représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO, se

 22   joignent à cette enquête."

 23   A la page 19167, Me Nobilo pose une question :

 24   "Question : Ceux à qui vous avez demandé de l'aide, à savoir

 25   l'armée de Bosnie-Herzégovine, la Forpronu, les observateurs européens,


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  1   les dirigeants militaires et policiers d'Herceg-Bosna, est-ce qu'une

  2   quelconque de ces personnes ou institutions vous a donné une aide

  3   quelconque pour ce qui est de cette enquête d'Ahmici ?

  4   Réponse : Non."

  5   Or, si nous entendons ces individus dont il parle, ils nous

  6   livrent une version tout à fait différente de celle que nous a fournie,

  7   sous serment, le colonel Blaskic.

  8   Voyons la série de ces observateurs. D'abord, parlons du colonel

  9   Stewart. A la page 23 713 de la déposition du colonel Stewart :

 10   "Question : Colonel, vous parlez d'une commission d'enquête ;

 11   est-ce cette même commission que vous demandiez le 24 ?

 12   Réponse : Oui. Mais je n'avais pas vu d'indices qui me

 13   permettent de penser qu'il y ait une telle commission d'enquête.

 14   Question : Est-ce que Blaskic, à quelque moment que ce soit de

 15   cette réunion, vous a demandé votre aide afin que puisse être menée cette

 16   enquête ? Est-ce qu'il a demandé de l'aide afin que puisse être menée

 17   cette enquête ?

 18   Réponse : Non. Sinon, j'aurais saisi l'occasion ; et les

 19   ambassadeurs m'auraient soutenu, sans nul doute. Il m'apparaît clairement

 20   -ne tournons pas autour du pot-, il est clair que rien ne s'était passé,

 21   que rien ne s'était passé. Et quelle que soit la façon dont on veut le

 22   voir, rien ne s'était passé à ce moment-là et rien de ce que j'ai vu ne

 23   m'a convaincu de ce que quiconque allait prendre quelque mesure que ce

 24   soit. Et j'ai vu, à la fin de mon séjour en Bosnie, que des choses se

 25   passaient, on les oubliait."


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  1   Je vais rapidement passer à huis clos partiel, si vous me le

  2   permettez, Monsieur le Président.

  3   Audience à huis clos partiel

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

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 25   (expurgée)


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  1   Audience publique

  2   M. le Président. – Nous passons en audience publique.

  3   M. Kehoe (interprétation). - Déposition du colonel Morsink, un

  4   de ces hommes qui se trouvaient tous les jours à la commission conjointe

  5   de Busovaca. Cette déposition a été admise au dossier.

  6   Il s'agit d'une question posée par Me Harmon, à la page 24 400,

  7   ligne 11 :

  8   "Question : Colonel Morsink, vous étiez le représentant de

  9   l'ECMM à cette commission locale : à cette capacité, savez-vous si Blaskic

 10   ou quiconque dans le HVO avait demandé qu'une enquête soit menée par la

 11   commission conjointe sur les événements d'Ahmici ?

 12   Réponse : Non, cela n'a pas été demandé.

 13   Question : Si une telle requête avait été formulée, est-ce que

 14   l'ECMM aurait apporté son concours à une telle enquête ?

 15   Réponse : Oui, sans aucun doute, car nous avions reçu l'ordre du

 16   quartier général de Zagreb d'apporter notre assistance pour toute enquête

 17   sur d'éventuels crimes de guerre."

 18   Qu'en est-il dans les faits ? Eh bien, à l'inverse de ce que

 19   nous a dit Blaskic dans sa déposition, jamais il n'a demandé qu'il y ait

 20   une commission d'enquête, il n'a jamais voulu une commission conjointe

 21   parce qu'elle aurait révélé les faits, elle aurait révélé sa complicité

 22   dans ces faits. Pourquoi a-t-il eu cette réponse ? Quelle était cette

 23   réponse ? Parce que la notification d'Ahmici est la preuve la plus patente

 24   de la menstria, de l'intention délictueuse de Blaskic à l'encontre de ces

 25   événements.


Page 23192

  1   Nous avons ici l'aide de M. Hooper pour nous montrer la

  2   pièce 456/58. Il s'agit ici

  3  

  4   d'un rapport envoyé par Blaskic, le 24 avril 93, le jour même où

  5   il a cette réunion avec le colonel Stewart, à cette réunion où Stewart lui

  6   demande : "Qu'est-ce que vous allez faire de cette enquête à Ahmici ?"

  7   C'est la première réunion qui se tient après cet échange de

  8   lettres. Dans cette lettre que dicte Blaskic, dactylographiée à son QG et

  9   signée par Blaskic, nonobstant cette idée qu'il nous a dit qu'on avait

 10   laissé des choses à l'extérieur de cette lettre -ce n'est pas vrai-, rien

 11   n'exprime le remords pour aucune des pertes humaines, aucun des blessés

 12   d'Ahmici.

 13   Qu'est-ce que cette lettre exprime ? "Mate Boban devrait venir

 14   en Bosnie centrale et faire quelque chose face à ce rapport rempli de

 15   partis pris de journalistes qui sont payés par des services étrangers".

 16   Voilà l'expression du remords que l'on trouve dans la lettre de Blaskic

 17   lorsqu'il apprend les atrocités d'Ahmici. Il ne dit pas : "Menons une

 18   enquête, contrôlons nos troupes, faisons quelque chose !" On dit :

 19   "Faisons quelque chose par rapport à ce reportage plein de partis pris".

 20   Que dit-il d'autre ce jour-là. Ce jour-là, il dit avoir donné un

 21   ordre oral exigeant le début de l'enquête. Vous vous souvenez de cette

 22   partie de sa déposition ? Il dit avoir donné un ordre oral, le 24. Son

 23   chef des opérations -qui ne faisait pas fonction à ce moment-là : il était

 24   chef des opérations-, celui-là ne sait rien de cet ordre oral supposément

 25   donné par Blaskic. Il n'en sait strictement rien. Ce n'est écrit nulle


Page 23193

  1   part, on n'y faire référence nulle part.

  2   C'est intéressant de noter que Blaskic a aussi déclaré dans sa

  3   déposition qu'il avait ordonné une enquête sur le camion piégé. Son chef

  4   des opérations, Marin, son bras droit ne sait rien non plus. Il ne sait

  5   rien non plus d'une requête qu'aurait faite Blaskic afin qu'il y ait une

  6   enquête conjointe sur le pilonnage de Zenica. Il ne sait rien de rien.

  7   Ce groupuscule d'officiers assiégés à l'Hôtel Vitez et cet homme

  8   ne sait rien à propos de cet ordre du 24, de l'enquête sur le camion

  9   piégé, sur cette requête en vue d'une enquête conjointe sur le pilonnage

 10   de Zenica.

 11   Il ne sait rien de tout cela, parce que cela ne s'est pas

 12   produit.

 13   Quand trouve-t-on la première expression d'ordre ? Le

 14   10 mai 1993. Que s'est-il déjà passé à ce moment-là ? Une convergence

 15   d'événements. Avant que Blaskic ne donne cet ordre, le 10 mai, quels sont

 16   ces événements qui convergent ? Manifestement le reportage de Martin Bell

 17   a causé un tollé international. Nous avons cette réunion, à laquelle Mate

 18   Boban reconnaît que les ministres européens veulent sanctionner la

 19   Croatie.

 20   Mais de façon plus personnelle, il sait autre chose, Blaskic.

 21   Quoi ? Premièrement, il sait que, à travers McLeod, l'ECMM s'est rendue

 22   sur place pour voir les atrocités commises. Deuxièmement,  il sait que les

 23   Nations Unies, à travers la Commission des Droits de l'Homme -nous avons

 24   entendu Payam Akhavan notamment et Osario qui parlaient de cela, et ces

 25   hommes sont sur place pour enquêter sur les atrocités-, il sait que les


Page 23194

  1   Nations Unies ont décidé de créer un Tribunal de guerre et qu'il doit

  2   effectivement faire quelque chose. Il doit faire quelque chose, il doit

  3   écrire quelque chose pour le montrer à quelqu'un car il sait que tôt ou

  4   tard il peut se retrouver ici, au banc des accusés.

  5   Et même, après avoir rédigé ce document, cet ordre, personne n'a

  6   jamais été puni, sanctionné, discipliné, emprisonné, encore moins relevé

  7   de ses fonctions dans le HVO. Dans son zèle qui le pousse à terminer cette

  8   enquête, dont il a reçu le premier chapitre, le premier épisode le 25 mai

  9   1993, il attend. Il attend jusqu'au 17 août, le 17 août, afin d'ordonner

 10   un complément d'enquête. Un complément d'enquête, vous dis-je ! Alors que

 11   deux mois se sont écoulés ! Après avoir reçu ce premier rapport, il dit

 12   qu'il faut faire quelque chose. Il écrit quelque chose.

 13   Est-ce un vrai ordre ou pas ? Qui le sait ? Est-ce là la façon

 14   d'agir d'un homme qui veut vraiment vider le problème, vraiment savoir qui

 15   sont les auteurs de ces crimes, afin de les expulser des rangs de

 16   l'armée ? Ou est-ce plutôt la façon d'agir d'un homme qui essaye de se

 17   couvrir ? Je pense que la dernière hypothèse est à retenir.

 18   Mais voyons comment il continue de se comporter. Il donne des

 19   ordres, au mois d'août, afin qu'une nouvelle enquête ou d'autres enquêtes

 20   soient menées. Il parle du SIS. Il y a Anto Sliskovic qui est omniprésent,

 21   qui est aussi le chef du SIS, qui envoie un rapport à Mostar où il dit :

 22   "Sliskovic leur dit que ce n'est plus votre affaire. Ce n'est plus votre 

 23   préoccupation".

 24   Monsieur le Président, vous avez posé la question effectivement,

 25   vous avez même fait pression sur lui : "Pourquoi n'avez-vous pas essayé de


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  1   trouver ces noms ? Quelle mesure avez-vous prise pour élimer ces criminels

  2   qui se trouvaient en votre sein ?."

  3   Rien, rien, il n'a rien fait. D'après sa déposition, c'était une

  4   affaire qui relevait du SIS. Lui, il a les yeux fermés, les oreilles

  5   bouchées, il n'a rien à voir avec le  problème, alors qu'il y a eu des

  6   incendies, des tueries qui se poursuivaient. Il a eu amplement l'occasion

  7   d'agir, de faire quelque chose. Vous savez qu'il était le chef d'état-

  8   major, vous savez qu'il y a eu cette opération Araignée au cours du

  9   printemps 1994. Ceci a duré jusqu'en 1995, où il est devenu général,

 10   général dans la HV.

 11   Mais, au cours du printemps, de l'été et du début de

 12   l'automne 1994, Blaskic a mené une opération qu'on a appelée l'opération

 13   Araignée. De ses propres dires, il nous a dit qu'il avait élargi cette

 14   opération pour y englober des enquêtes sur des crimes de guerre.

 15   A la suite de cela, on lui a demandé, si quelqu'un avait été

 16   sanctionné, quiconque du HVO aurait été puni pour des crimes à l'encontre

 17   de Musulmans de Bosnie, qu'ils soient civils ou combattants. Non, personne

 18   n'a été sanctionné. L'excuse qu'il a invoquée pour Ahmici est qu'il a

 19   envoyé un rapport pour l'enquête du SIS mais qu'il ne pouvait pas obtenir

 20   le dossier.

 21   Mais, il y a d'autres choses ! N'oublions pas toute cette série

 22   de crimes de guerre après Ahmici !

 23   Si vous croyez vraiment ce que vous dit Blaskic, qu'il ne

 24   pouvait pas obtenir le rapport du SIS, qu'en est-il de toutes les autres

 25   atrocités, des crimes de guerre qui furent commis ?


Page 23196

  1   Il était au courant du creusement des tranchées, de l'incendie

  2   des maisons, même à Kiseljak. Il reconnaissait savoir que le HVO avait

  3   détruit la mosquée, qu'il y avait des tranchées qui étaient creusées à

  4   Kiseljak. Il était au courant de tout cela.

  5   De plus, il était au courant du massacre de Stupni Do. Et ceci

  6   se produit le 21 et le 22 octobre 1993, du fait du HVO sous le

  7   commandement de Rajic, son subordonné à Stupni Do, un petit village dans

  8   la municipalité de Vares, où tout ce qui était en vue a été tué. Tout a

  9   été rasé.

 10   Une fois de plus, nous savons aussi pour ce qui est du , le HVO…

 11   Lorsque l'opération Araignée a été commandée, est-ce que Blaskic

 12   a fait quoi que ce soit ? Non.

 13   Est-ce qu'Ivica Rajic a été traduit en justice pour meurtres de

 14   deux soldats ? Non, jamais. Est-ce qu'il y a jamais eu des sanctions pour

 15   les meurtres de civils à Stupni Do ou  pour autre chose d'ailleurs ? Non,

 16   jamais.

 17   Blaskic avait l'occasion, avait la possibilité d'éradiquer ces

 18   criminels, de les traduire en justice pour les crimes commis. A chacune

 19   des occasions qui a été posée sur le seuil de sa porte, il les a ignorées.

 20   Pourquoi ? C'est la question qu'il faut poser, Monsieur le Président,

 21   Messieurs les Juges. Rien de tout ceci n'était justifié par la nécessité

 22   militaire, aucune nécessité militaire ne justifie le meurtre de civils,

 23   l'incendie de leurs maisons, pour veiller à ce que les Musulmans ne

 24   reviennent plus. Non, rien ne le justifie.

 25   Mais, il y a bien une raison pour laquelle il n'a rien fait.


Page 23197

  1   C'est parce qu'il était impliqué dans un plan qui l'alliait aux dirigeants

  2   politiques. Un plan destiné à éradiquer, à éloigner la population

  3   musulmane civile de la Bosnie centrale. C'était le travail qu'il avait à

  4   faire. Qu'il a accompli, fort bien d'ailleurs. Il a d'ailleurs été promu

  5   pour les efforts qu'il avait faits. Il a remporté un succès à Kiseljak, au

  6   printemps 1992. Là, il a été promu puisqu'il est devenu commandant de la

  7   zone opérationnelle de Bosnie centrale, le 27 juin 1992, suite à son

  8   succès, au succès qu'il avait remporté.

  9   Suite à ses succès remportés en Bosnie centrale, cet allié de

 10   Mate Boban et de Dario Kordic a été promu au rang de chef adjoint de

 11   l'état-major, au printemps 1994. Et, au cours du mois d'août 1994, c'est

 12   lui qui est devenu le chef d'état-major pour la totalité du HVO. Pourtant,

 13   toujours personne n'a encore été puni pour ceci. Blaskic ne s'est pas

 14   contenté de participer à ce plan d'éradiquation et de persécution, il y a

 15   trouvé vraiment un certain plaisir.

 16   Qu'a-t-il laissé dans son sillage ?

 17   Voyons la charte suivante.

 18   Ce qu'il a laissé derrière lui c'est la mort, la destruction,

 19   tout ceci pour parvenir à quelque chose, à un objectif politique pour les

 20   Croates de Bosnie : un Etat mono-ethnique. Le prix était trop élevé.

 21   Voltaire -je vais me permettre de le citer-, philosophe du dix-

 22   huitième siècle, il a remarqué une chose : "Nous respectons la vie des

 23   vivants, mais aux morts nous devons la vérité. Nous devons la vérité pour

 24   ceux qui sont morts."

 25   A la lumière de tout ceci, le Bureau du Procureur demande le


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  1   verdict de culpabilité et la réclusion à perpétuité.

  2   M. le Président. - Bien, Monsieur le Procureur, ceci clôt vos

  3   réquisitions. Il est donc 12 heures 55. Maître Hayman, à moins que vous ne

  4   vouliez commencer pour cinq minutes, je suppose que vous préférez que nous

  5   ajournions et que nous reprenions avec vous et tous vos collaborateurs et

  6   tous vos associés à 14 heures 30. C'est ainsi que vous le concevez, je

  7   suppose ?

  8   M. Hayman (interprétation). - Oui, ceci semble être la façon la

  9   plus logique de procéder, Monsieur le Président.

 10   M. le Président. - L'audience est suspendue, elle reprendra à

 11   14 heures 30 avec l'audition des conclusions finales de la défense.

 12   L'audience est suspendue à 12 heures 55.

 13   L'audience est reprise à 14 heures 35.

 14   M. le Président. – L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 15   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 16   Maître Hayman, c'est à vous.

 17   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 18   Bonjour, Monsieur le Président, bonjour, Messieurs les Juges. L'assistant

 19   que je vous avais présenté il y a quelques jours, M. Elias Guzman, nous a

 20   rejoints cet après-midi pour nous apporter une aide technique dans le

 21   maniement des pièces de la défense.

 22   M. le Président. – Nous lui souhaitons la bienvenue dans cette

 23   enceinte.

 24   M. Hayman (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

 25   vous remercier, ainsi que vos collègues, Messieurs les Juges, ainsi que


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  1   M. le Juge Riad qui a participé à une grande partie de ce procès. Pour

  2   Me Nobilo et moi-même, ce procès a été une expérience professionnelle

  3   unique à laquelle vous avez grandement contribué.

  4   Je remercie également les collègues de l'accusation pour la

  5   courtoisie dont ils ont fait preuve au cours de ce procès long. Nous

  6   remercions également les interprètes qui ont fidèlement interprété des

  7   millions de mots prononcés par nous au cours de ce procès.

  8   La défense va présenter sa plaidoirie en plusieurs parties.

  9   Maître Nobilo et moi-même allons participer à la présentation de ces

 10   derniers arguments. Je commencerai par quelques remarques brèves, puis

 11   Me Nobilo parlera le reste de l'après-midi d'aujourd'hui. Il traitera les

 12   sujets de l'origine du conflit en Bosnie, la structure juridique et

 13   l'organisation juridique de l'Herceg-Bosna et du HVO ; et à la fin de

 14   l'après-midi d'aujourd'hui ou demain matin, il traitera également de la

 15   présence ou de l'absence, de l'existence ou de l'inexistence d'un conflit

 16   armé international sur le territoire de Bosnie, tant du point de vue du

 17   cadre juridique applicable que du point de vue des faits pertinents.

 18   Puis, un peu plus tard dans la matinée de demain, je reprendrai

 19   la parole pour traiter de la question du commandement et du contrôle et

 20   vous présenter ensuite une chronologie des événements les plus important,

 21   Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je ne parlerai pas de tous les

 22   événements, ce serait impossible ; je traiterai les événements les plus

 23   importants à partir du début de l'année 1992 et jusqu'à la fin de la

 24   période pertinente dans l'acte d'accusation.

 25   Ensuite, de façon non chronologique, je vous énumère les points


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  1   dont nous allons traiter : crime de détention, transfert par la force,

  2   destruction de bâtiments religieux ou d'enseignement et non préventions ou

  3   non sanctions.

  4   Je pense que Me Nobilo prendra la parole à la fin de notre

  5   exposé pour dire quelques mots liés à la sentence possible.

  6   Pendant notre plaidoirie, un certain nombre de tableaux, un

  7   certain nombre de documents seront présentés sur les écrans vidéo et sur

  8   le rétroprojecteur. Il faudra donc de temps en temps appuyer sur le bouton

  9   computer/monitor que vous avez sur votre petit dispositif à votre gauche.

 10   A moins que les techniciens ne le fassent pour vous, je vous invite à le

 11   faire. Moi, je dois dire que, malgré les deux ans et plus que nous avons

 12   passés ici, je ne comprends pas très bien ce qu'il importe de faire pour

 13   présenter toutes les images aux bons endroits. Je remercie grandement les

 14   techniciens pour l'aide importante qu'ils nous ont fournie et la

 15   possibilité qu'ils nous ont donnée de voir mieux.

 16   Donc, si par hasard, nous devrions retirer l'image de l'écran

 17   trop tôt, que vous ne l'ayez pas vue suffisamment en détail, je vous en

 18   prie, faites-le nous savoir et nous demanderons le retour de l'image à

 19   l'écran ; cela ne présente aucune difficulté. Et si nous avons tendance à

 20   nous emballer un peu au point de vue du rythme de la parole, je vous

 21   invite à nous rappeler à l'ordre, autant Me Nobilo que moi-même.

 22   Nous diffuserons également quelques séquences vidéo, pour

 23   lesquelles nous présentons à l'avance nos excuses aux techniciens, n'ayant

 24   pas les transcriptions de ces séquences vidéo. Elles sont brèves, mais si

 25   l'interprétation pose le moindre problème, nous demandons que les


Page 23201

  1   interprètes nous le fassent savoir de façon à ce que nous demandions une

  2   nouvelle diffusion. Bien entendu, nous sommes ouverts à toute question de

  3   fond qui pourrait être posée par l'un ou l'autre des Juges, Monsieur le

  4   Président. Cela ne peut que contribuer à la clarté des débats.

  5   M. le Président. – Je voudrais saluer les interprètes qui sont

  6   derrière ce grand tableau et leur dire que nous resterons très vigilants à

  7   leur égard pour les protéger du débit de paroles qui pourrait être trop

  8   rapide.

  9   Interprète. – Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 10   Messieurs les Juges. Nous vous félicitons pour vos qualités télégéniques à

 11   l'écran.

 12   M. le Président. – Merci. Allons-y. Vous pouvez commencer, s'il

 13   vous plaît.

 14   M. Hayman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Nous

 15   allons terminer le travail que nous avons à faire avec ce grand tableau

 16   dans l'après-midi d'aujourd'hui, de sorte que les interprètes puissent

 17   nous rejoindre complètement aussi bien visuellement qu'oralement, assez

 18   rapidement.

 19   Dans un long voyage, il est parfois important de savoir comment

 20   le voyage s'achève, mais également comment il s'est déroulé. Au début de

 21   cette plaidoirie, je voudrais vous rappeler, Monsieur le Président,

 22   Messieurs les Juges, les arguments que la défense a promis de prouver et

 23   je vous demande de considérer de quelle façon elle les a prouvés.

 24   Si l'on repense aux promesses faites par la défense et aux

 25   thèses présentées par la défense, ainsi qu'aux thèses présentées par le


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  1   procureur, vous conclurez que ces thèses se sont désagrégées, désintégrées

  2   au fil des arguments présentés à décharge de Tihomir Blaskic.

  3   Quelles sont les propositions clés sur lesquelles le Procureur

  4   fonde son argumentation, sur lesquelles il a fondé son argumentation au

  5   départ du procès et aujourd'hui encore ?

  6   J'espère, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous

  7   pouvez maintenant voir un message sur vos écrans vidéos. Innombrables ont

  8   été les témoins qui ont nié avoir fait partie de l'armée de Bosnie-

  9   Herzégovine ou de la Défense territoriale, n'étant confrontés qu'à leur

 10   carte d'adhésion. D'autres témoins ont nié faire partie de la défense

 11   territoriale ou des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans divers

 12   villages de la vallée de la Lasva et de la région de Kiseljak.

 13   Ce mois-ci encore, le général Hadzihasanovic a témoigné ne pas

 14   avoir fait partie des unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine, y compris à

 15   Ahmici. Cette position a également été celle de témoins de l'accusation

 16   qui ont commencé à s'écrouler dès le premier d'entre eux, Cefkja Zidic,

 17   commandant de la Défense territoriale de Stari Vitez, et nous reviendrons

 18   périodiquement sur ce sujet au cours de notre plaidoirie car c'est un

 19   point important de désaccord entre la défense et l'accusation.

 20   Le Procureur, à divers moments, a également laissé entendre que

 21   les violences et les hostilités dans cette région ont opposé des

 22   principalement des civils sans armes et des soldats du HVO. Bien entendu,

 23   des crimes ont été commis par toutes les parties. C'est d'ailleurs très

 24   regrettable. Mais pour l'essentiel, le conflit dans cette région a opposé

 25   des personnes en armes, des villageois armés dans leur grande majorité,


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  1   ainsi que des unités armées plus mobiles telles que le 4e Bataillon de la

  2   police militaire, les Vitezovi du côté du HVO, et des unités comparables

  3   ou parallèles du côté de l'armée de Bosnie-Herzégovine telles la

  4   7e Brigade musulmane ou d'autres unités.

  5   L'accusation a également soutenu, y compris ces deux derniers

  6   jours, que le HVO disposait d'une structure de commandement très efficace 

  7   grâce à laquelle toutes les unités de la zone opérationnelle étaient

  8   subordonnées au commandant de la zone opérationnelle. Ceci vous a été dit

  9   à la page 18 de la déclaration liminaire du Procureur : "Le HVO

 10   bénéficiait d'une structure très claire avec des lignes, des filières de

 11   commandement très bien définies."

 12   Il apparaît que l'accusation, disant cela, ne connaissait pas

 13   bien la structure juridique de la police militaire, de son administration,

 14   des services de sécurité et d'information au sein du ministère de la

 15   Défense ni de la structure des unités spéciales lorsque la présente

 16   affaire a commencé, lorsque ce procès a commencé.

 17   L'accusation a dû donc s'adapter, évoluer pour s'adapter.

 18   J'applaudis, je félicite l'accusation pour sa capacité d'adaptation, mais

 19   il est instructif et intéressant de garder présent à l'esprit le fait que

 20   ces changements se sont produits bien longtemps après que certaines

 21   décisions, certaines convictions aient été exprimées qui sont à l'encontre

 22   de Tihomir Blaskic. Le Procureur a déployé de très nombreux efforts pour

 23   tenter d'établir que les unités du HVO, si elles ne correspondaient pas

 24   aux normes de l'OTAN, d'une armée ayant des officiers très bien entraînés

 25   et appliquant une discipline très stricte, étaient tout de même une armée


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  1   où le principe de subordination était bien compris.

  2   Nous n'allons pas consacrer un très long temps, aujourd'hui,

  3   dans notre plaidoirie, à ce sujet. Mais le commandement et le contrôle

  4   feront nécessairement partie des éléments que nous allons aborder en

  5   abordant les chefs d'accusation liés à la responsabilité.

  6   Aujourd'hui, le Procureur a dit que dix-neuf témoins avaient

  7   confirmé le commandement et le contrôle au sein du HVO comme étant de

  8   bonne qualité. Ceci avait pour but de vous faire penser que, sur le

  9   terrain, un commandant avait toute capacité de commander ses unités. Nous

 10   affirmons, pour notre part, et j'y reviendrai plus en détail plus tard,

 11   que les témoins de la défense et les témoins de la Chambre, qui ont la

 12   meilleure connaissance en la matière, ont tous dit dans leur témoignage

 13   que le commandement et le contrôle au sein du HVO et de l'armée de Bosnie-

 14   Herzégovine étaient de mauvaise qualité. Ce n'est pas la seule chose que

 15   l'on peut dire à ce sujet car cet argument ne suffit pas à défendre

 16   l'accusé. Nous n'avons jamais dit le contraire, mais c'est un facteur

 17   important qu'il importe que vous prenions en compte lorsque vous évaluerez

 18   les autres éléments de preuve ainsi que les déductions qui peuvent être

 19   tirées de ces éléments de preuve et qui sont placés à votre disposition.

 20   Vous vous rappellerez peut-être que nous avons présenté des

 21   experts, y compris un officier de renseignements du bataillon britannique,

 22   Chris Larsen, dont le témoignage sur ce sujet devra être examiné par vous.

 23   J'aimerais que nous y revenions quelques instants.

 24   Comme vous le savez, Blaskic est accusé de ne pas avoir puni. Le

 25   Procureur fait reposer cette charge, cette accusation, sur le fait que le


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  1   principe de l'autorité juridique d'imposer une sanction pénale sur des

  2   soldats du HVO devait être appliqué. Ensuite, le Procureur s'est adapté à

  3   bien des égards en comprenant que l'accusé n'avait pas l'autorité de

  4   punir, c'est-à-dire d'imposer des sanctions pénales.

  5   Aujourd'hui, à la phase actuelle du procès, l'accusation

  6   présente un argument un peu différent qui porte sur la capacité de

  7   procéder à des arrestations ou la capacité à recueillir des éléments de

  8   preuve, des indices. Je ne vais pas m'appesantir en ce moment sur ce

  9   qu'est exactement la définition d'une sanction pénale. Est-elle suffisante

 10   ou pas face à un accusé accusé d'avoir enfreint les disposition du droit

 11   criminel, du droit pénal international. Mais qu'il suffise de dire que

 12   l'un des fondements de cette affaire a été largement érodé au cours des

 13   présentations du Procureur.

 14   Au vu de ce fait, au vu du fait que le principe avancé par le

 15   Procureur n'était pas applicable, le Procureur a battu en retraite pour se

 16   retirer sur une position arrière, et cette position arrière semble

 17   consister à dire que Blaskic ne pouvait pas punir des infractions

 18   criminelles, mais qu'il pouvait soumettre ses soldats à des sanctions

 19   disciplinaires.

 20   Mais là encore, le Procureur a eu quelques difficultés comme il

 21   vous l'a montré hier, lorsqu'il a traité des Vitezovi et de leur rôle dans

 22   la vallée de la Lasva, puisque ceux-ci sont responsables d'un grand nombre

 23   des méfaits qui ont été commis, ainsi que la police militaire dans le

 24   cadre du massacre d'Ahmici.

 25   Aujourd'hui, la Chambre connaît bien ces deux unités. Au vu de


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  1   ces faits, le Procureur a dû appuyer sa proposition selon Blaskic avait

  2   une autorité juridique pour émettre des sanctions disciplinaires à

  3   l'encontre des soldats du 4ème Bataillon de la police militaire et des

  4   Vitezovi, unité spéciale, sur de nouveaux arguments. J'espère que, cet

  5   après-midi, Me Nobilo va traiter de façon satisfaisante, devant vous, de

  6   ce point qui est un point très important dans le procès actuel.

  7   Enfin, du point de vue de la structure de la zone

  8   opérationnelle, le Procureur a toujours maintenu, jusqu'à il y a environ

  9   un an, que lorsque le colonel Blaskic a établi un deuxième quartier

 10   général à Kiseljak et qu'il s'y est rendu fréquemment et librement, qu'il

 11   a pu s'y rendre fréquemment et librement tout au long de l'année 1995. Je

 12   crois qu'ensuite le Procureur a abandonné cette position. Nous n'avons pas

 13   entendu cet argument dans le réquisitoire du Procureur et je n'ai pas eu

 14   le temps de lire le mémoire du Procureur dans son intégralité, mais je

 15   pense que cet argument n'est plus présent.

 16   Le Procureur a également maintenu, tout au long du procès, qu'en

 17   janvier 1993, le HVO avait attaqué les Musulmans de Bosnie à Busovaca au

 18   cours de ce qu'on pourrait appeler une répétition générale du conflit du

 19   mois d'avril 93. Le terme de "répétition générale" a été utilisé par le

 20   Procureur dans son introduction liminaire, en page 36. Tout observateur

 21   informé ne peut qu'être en désaccord avec cette position selon laquelle le

 22   conflit du mois de janvier a commencé par une attaque due au HVO contre

 23   les positions musulmanes bosniennes ou contre des civils. Le fait est -et

 24   ceci a été prouvé- que l'armée de Bosnie-Herzégovine a lancé des attaques

 25   en janvier 93 et obtenu des gains territoriaux importants, notamment entre


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  1   Busovaca et Kiseljak. C'est quelque chose qu'il est donc difficile de

  2   définir comme une "répétition générale" ; en tout état de cause, Blaskic

  3   n'a pas reçu d'invitation à cette répétition puisqu'il était isolé à

  4   Kiseljak à ce moment-là.

  5   Le Procureur a également déclaré, s'agissant du conflit de

  6   janvier, que Blaskic était présent à Busovaca, en janvier 1993, et qu'il

  7   avait dirigé les opérations du HVO dans cette même ville de Busovaca. A

  8   l'appui de cette thèse, le Procureur a présenté l'avis d'un seul témoin.

  9   Je pense -en tout cas, c'est mon avis personnel- que le Procureur s'est

 10   aujourd'hui rendu compte qu'il a eu tort en la matière ; nous reverrons la

 11   déposition de ce témoin, qui était erronée pour le moins ou pire encore.

 12   Compte tenu que c'est un point important, nous reviendrons sur ce conflit

 13   du mois de janvier.

 14   Blaskic dirigeait-il l'action ou était-il ailleurs ? En n'ayant

 15   aucune possibilité d'information au sujet de ce qui se passait, en n'ayant

 16   aucune possibilité d'exercer un contrôle opérationnel sur les événements

 17   de Busovaca, en janvier 93.

 18   A Vitez -en tout cas, c'est ce que le Procureur continue à nous

 19   dire, c'est la théorie qu'il continue de défendre-, à Vitez, à 5 heures 30

 20   du matin, le 16 avril, le HVO aurait attaqué des civils musulmans bosniens

 21   dans l'ensemble de la vallée de la Lasva. Je reviendrai devant vous sur

 22   cette question, demain, plus en détail, car ceci n'a pas fait l'objet des

 23   arguments présentés dans le réquisitoire du Procureur. Et nous pensons

 24   qu'il est nécessaire que votre attention soit appelée sur ces événements.

 25   A l'appui de la thèse selon laquelle ces attaques auraient eu


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  1   lieu dans le cadre d'une grande conspiration planifiée, selon la

  2   définition qu'en a donnée le Procureur, ces deux derniers jours et demi,

  3   cette proposition du Procureur consiste à dire que l'attaque a été causée

  4   par l'expiration d'un ultimatum qui expirait donc le 15 avril 1993. Bien

  5   que plusieurs témoins aient parlé de cet ultimatum en disant qu'ils en

  6   avaient eu connaissance par des articles de presse ou des déclarations

  7   officielles, personne qui était réellement présent dans la vallée de la

  8   Lasva, au cours des semaines précédant le 16 avril, n'avait entendu parler

  9   de cet ultimatum. Personne sur le terrain n'en avait entendu parler, des

 10   gens dont on aurait pu s'attendre à ce qu'ils réagissent de façon

 11   différente, à ce qu'ils prennent des mesures différentes précisément en

 12   raison de l'ultimatum.

 13   Donc, finalement, dans la présentation de ses thèses, le

 14   Procureur s'appuie sur ce qui suit.

 15   (Enregistrement.)

 16   Interprète. – L'enregistrement de M. Harmon n'a pas pu être

 17   entendu par les interprètes.

 18   M. Hayman (interprétation). - C'était donc M. Harmon qui

 19   s'exprimait au début du réquisitoire. Le point qu'il évoque ici est tout à

 20   fait central dans ce procès : savoir, en effet, si Blaskic, comme le

 21   prétend l'accusation, a manifesté un comportement de laisser-faire vis-à-

 22   vis des crimes et des crimes de guerre, ou si des éléments de preuve

 23   importants prouvent le contraire, c'est ce qu'il convient de prouver, au-

 24   delà de tout doute raisonnable, dans ce procès.

 25   Est-ce qu'il a ordonné une attaque contre les civils d'Ahmici,


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  1   le matin du 16 avril 1993, comme le prétend le Procureur ? Est-ce qu'il a

  2   ensuite refusé de lancer une enquête pour couvrir un crime ? Ou a-t-il

  3   appris la commission de ce crime après les faits comme d'autres, comme

  4   tous les autres ?

  5   Je reviendrai sur les éléments de preuve qui ont été présentés

  6   au sujet des auteurs potentiels de ce crime pour déterminer l'identité de

  7   ces auteurs du mieux possible, compte tenu des pouvoirs juridiques et des

  8   moyens juridiques qui étaient à la disposition de Blaskic. Je montrerai

  9   qu'il a fait du mieux qu'il a pu pour agir de la sorte dans l'enclave de

 10   Vitez.

 11   Je vais maintenant passer le relais à Me Nobilo, si vous me le

 12   permettez. Il parlera brièvement du début de la guerre, puis se tournera

 13   vers certains aspects techniques, juridiques et réglementaires. Il fera

 14   référence à des tableaux qui, malheureusement, contiennent des textes

 15   écrits en tout petits caractères, parce que nous avons fait excès de zèle,

 16   mais nous en avons fait des copies sur papier et ces documents seront

 17   également montrés sur les écrans. Je pense donc que chacun, aussi bien

 18   dans le public que dans la salle, pourra voir ce qui est écrit sur ces

 19   documents.

 20   Au cas où il s'agit de documents confidentiels, nous avons

 21   demandé aux techniciens de faire en sorte que, sans baisser les stores qui

 22   nous séparent de la galerie du public, nous puissions tout de même montrer

 23   les documents sur les écrans du prétoire en étant assuré que le public ne

 24   les verrait pas sur les siens. Je vous remercie.

 25   M. Nobilo (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs


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  1   les Juges, collègues de l'accusation, comme mon collègue Hayman vient de

  2   l'annoncer, je remonterai un peu dans le temps. Je reviendrai un peu dans

  3   cette Yougoslavie qui est en train de s'effondrer, non pas pour longtemps

  4   mais simplement pour voir quelles sont les causes de ce conflit. C'est

  5   dans les racines, dans les causes de ce conflit que nous allons pouvoir

  6   trouver des éléments qui nous permettront de suivre mieux le conflit, afin

  7   de déceler d'abord le cadre qui a permis que la guerre se déclenche et,

  8   d'autre part, que des crimes terribles soient perpétrés.

  9   Je dois dire, en premier lieu, que la Deuxième guerre mondiale

 10   s'est terminée de façon catastrophique, à la fois pour les nationalistes

 11   serbes que pour les nationalistes croates. Les nationalistes serbes, avec

 12   Draza Mihalovic à leur tête, ont perdu leur bataille. Ils ont perdu leur

 13   bataille en 1941, contre les Allemands ; ils ont perdu la dynastie de

 14   Karadjordjevic et la Serbie est revenue à ses frontières d'avant la

 15   Première guerre mondiale.

 16   S'agissant des Croates, l'histoire s'est terminée de manière

 17   désastreuse également. Ils ont été battus par les partisans de Tito, qui

 18   ont également remporté la guerre contre les Allemands, et ils se sont

 19   retirés de Croatie. A la tête des partisans, Tito a mis en place une

 20   Yougoslavie communiste. Au départ, il a essayé de mettre en œuvre une

 21   copie du régime stalinien de l'Union soviétique. Mais, en 1948, il y a eu

 22   une séparation de Tito par rapport à Staline et Tito a mis en place un

 23   système communiste davantage démocratique qui, d'un point de vue

 24   économique, pourrait être décrit comme un système autogestionnaire

 25   socialiste et, sur le plan idéologique, c'était du "titoïsme".


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  1   Tito, cependant, tout comme Alexandre Kardjordjevic, le roi qui

  2   régnait avant la première guerre, a compris très rapidement que la

  3   Yougoslavie était un concept qui n'était pas viable. Vingt-huit ans après

  4   la décomposition de la Yougoslavie, en 1962, il a dit cela à ses associés,

  5   à savoir que la Yougoslavie n'était pas viable. Les différences entre les

  6   parties les plus développées et les moins développées de la Yougoslavie

  7   étaient plus grandes qu'entre les parties les plus et les moins

  8   développées d'Europe après la seconde guerre mondiale. Les contradictions

  9   entre les différentes nationalités étaient très différentes également.

 10   Tito a compris que par rapport à l'idéologie communiste qui,

 11   elle, périclitait les nations et ne suivait pas le même cours. Il

 12   s'agissait d'une transformation en nation industrialisée. Là où les

 13   tensions interethniques étaient présentes, des problèmes se créaient.

 14   Afin de sauver la Yougoslavie, Tito a fait la même chose que

 15   Karadjordjevic. Au début des années 70, il lance la démocratisation. Tout

 16   de suite les passions nationalistes connaissent un essor. Les personnes

 17   qui se trouvent à la tête des République menacent. Tito, de son côté,

 18   riposte par des arrestations des dirigeants du mouvement étudiant en

 19   Slovénie, en Serbie et en Croatie, et ce en 1961. Mais il comprend que

 20   l'unitarisme n'a pas d'avenir et il fait voter une constitution qui

 21   confère aux Républiques constitutives quasiment un statut d'Etat au sein

 22   de la fédération. Cette constitution est votée en 1974.

 23   Par la suite, nous sommes sur la voie qui mènera à la

 24   décomposition de la Yougoslavie et ce notamment après la mort de Tito. La

 25   Serbie est la première qui se met en marche. Tito lui a enlevé le contrôle


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  1   sur le Kosovo et la Voïvodine, c'est donc la Serbie qui, la première, se

  2   soulève. Le Kosovo et la Voïvodine étaient considérés comme une partie

  3   intégrante de la Serbie. Il a ramené la Serbie à ses dimensions d'avant la

  4   première guerre mondiale, pendant les guerres balkaniques à l'époque de

  5   l'empire Ottoman. C'était ce que l'on appelle la Serbie au sens stricte du

  6   terme, au sens le plus réduit du terme.

  7   Les Serbes, à leur tour, sous la direction de Slobodan

  8   Milosevic, se mettent à revoir la constitution de 1974 selon laquelle le

  9   Kosovo et la Vovoïdine étaient pratiquement des unités fédérales plutôt

 10   que d'être une partie de la Serbie. Après l'effondrement du mur de Berlin,

 11   un système multipartite se met en place en Yougoslavie et toutes les

 12   républiques, sauf la Serbie, connaissent des élections où ce sont

 13   principalement des dirigeants nationalistes qui les remportent. En Serbie,

 14   les communistes se transforment en nationalistes. Slobodan Milosevic,

 15   l'ex-leader communiste de Serbie, se met à la tête du mouvement

 16   nationaliste en Serbie et commence un processus qui continue jusqu'au

 17   week-end dernier et la réunion qui se tient ces jours-ci à Sarajevo. Il

 18   s'agit du processus de la désintégration de la Yougoslavie et de la

 19   création d'une grande Serbie.

 20   Il y a ici deux éléments. D'une part, nous avons l'armée

 21   populaire yougoslave qui était entre les mains du mouvement nationaliste

 22   serbe, qui créera rapidement des unités paramilitaires qui, à leur apogée,

 23   commettront des crimes terribles en Croatie et en Bosnie.

 24   D'autre part, en parallèle à ces processus, un peu avant 1985,

 25   nous avons la JNA qui était supposée être l'armée des nations yougoslaves


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  1   qui se transforment progressivement en forces impérialistes serbes et qui

  2   étaient utilisées afin de mener à bien les intérêts et les visées de

  3   Slobodan Milosevic et de l'équipe dirigeante qu'il représentait.

  4   Jusqu'en 1985, la JNA était organisée selon un principe

  5   territorial. Certains districts territoriaux coïncidaient avec les

  6   frontières des Républiques. Mais il y a eu une réorganisation, donc une

  7   grande région, un District militaire a été constitué par Belgrade, lequel

  8   comprenait une grande partie de la Bosnie et de la Croatie et –et c'est un

  9   élément très important- qui se terminait aux frontières de ce que l'on

 10   appelait la grande Serbie. Telles étaient les frontières Ouest de la

 11   Serbie que les nationalistes serbes, dès la deuxième guerre mondiale,

 12   concevaient comme étant les territoires devant leur revenir.

 13   Cela prend une partie considérable de la Croatie, donc la

 14   frontière qui va jusqu'aux villes de Karlovac et Karlobag en Croatie. Un

 15   autre point intéressant est que ce nouveau district militaire, pendant dix

 16   ans de son existence dans l'ex-Yougoslavie, est un district où toutes les

 17   batailles allaient se dérouler en Bosnie, en Croatie. La troisième ligne à

 18   mentionner est la ligne de l'académie des Sciences et des Arts serbes qui

 19   a publié son mémorandum fondé sur le programme des nationalistes serbes en

 20   énonçant les objectifs qui sont assez clairs : là où vivent les Serbes,

 21   c'est là que se trouvent les frontières de la Serbie. Autrement dit, là où

 22   vivent les minorités Serbes de Croatie, autant que les Serbes vivront là-

 23   bas, la Serbie s'étendra jusqu'à cet endroit-là. Donc si la Yougoslavie se

 24   désintègre, si ces peuples et ces nations peuvent constituer leurs propres

 25   Etats, les Serbes, eux, doivent rester au sein de la Yougoslavie. Afin de


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  1   le rendre possible, donc afin de permettre à la JNA de prendre part à ce

  2   programme nationaliste, il fallait modifier la loi, notamment ce qui était

  3   en vigueur du temps de Tito, à savoir que la JNA ne pouvait être utilisée

  4   que pour se défendre contre un ennemi extérieur.

  5   En 1987, la loi est donc modifiée et on autorise la JNA à agir

  6   contre les dissensions venant de l'intérieur. Le premier conflit se

  7   produit au Kosovo.

  8   Notre client, le général Blaskic, à l'époque, était capitaine au

  9   sein de la JNA. Il a refusé de s'y rendre. Cela a été utilisé pour tester

 10   à quel point la JNA pouvait être efficace afin de lutter contre toute

 11   dissension intérieure entre les nations yougoslaves.

 12   Enfin, dans ce grand théâtre d'opération et avec la Bosnie-

 13   Herzégovine en son cœur, l'amiral Domazet a déclaré que le même programme

 14   était en train de se dérouler, le même genre d'exercice militaire,  de

 15   manoeuvre, à partir d'une prétendue attaque qui viendrait de la part de

 16   l'OTAN venant de la côte Adriatique, de la mer Adriatique, et nous allons

 17   voir que c'est conformément à ce même plan que la Bosnie-Herzégovine a

 18   été, par la suite, occupée.

 19   Le 3 janvier 1992, les forces internationales, les forces des

 20   Nations Unies arrivent en Croatie dans les provinces rebelles de Croatie

 21   où les Serbes ont organisé un soulèvement avec l'aide de la JNA. A partir

 22   de là, la JNA se déploie en Bosnie.

 23   A partir de janvier et jusqu'en mars 1992, d'énormes quantités

 24   d'équipements, d'armes et de matériels de la JNA sont transférés en

 25   Bosnie-Herzégovine.


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  1   Nous allons passer au rétroprojecteur parce que nous allons

  2   aborder des événements qui sont pertinents pour notre affaire.

  3   Peut-on brancher le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

  4   Nous avons une carte qui n'est pas très professionnelle, dont je

  5   suis l'auteur et, je dois le dire, je ne suis pas très doué. Elle nous

  6   servira quand même pour notre exposé.

  7   Le plan que j'ai évoqué comprenait deux points clés. A l'endroit

  8   où se terminent ces flèches rouges, à droite nous nous avons la rivière

  9   Neretva, les villes de Mostar et Stolac.

 10   A gauche, nous avons Livno et Kupres. Que se passe-t-il ?

 11   De l'Est, donc à droite sur la carte, et de l'Ouest également,

 12   la JNA opère un encerclement. Quel est son objectif ?

 13   Là où commence cette flèche, elle cherche à fermer toute entrée

 14   en Bosnie-Herzégovine. N'oublions pas que toutes les autres frontières de

 15   la Bosnie-Herzégovine sont déjà contrôlées par la JNA. Cela se produit au

 16   printemps 1992, vers le mois d'avril 1992.

 17   Donc, un moment clé et dramatique se produit. Si la JNA ferme ce

 18   passage, Sarajevo et l'ensemble du continent de l'intérieur de la Bosnie-

 19   Herzégovine est de fait occupé, puisque personne, personne y compris la

 20   Croatie, ne peut fournir de l'aide, ni en vivres ni en armement. Il n'y a

 21   pratiquement pas d'armée qui défend sur place, puisqu'il n'y a

 22   pratiquement pas d'armes. Il s'agit de paysans armés dans les villages,

 23   qu'il s'agisse de Musulmans ou de Croates, à titre égal.

 24   Dans cette situation dramatique où 75% de son territoire est

 25   occupé, où la Bosnie est pratiquement occupée, est tombée entre les mains


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  1   de la JNA, à ce moment-là, il se produit quelque chose qui a été beaucoup

  2   abordé ici et interprété de manière totalement erronée.

  3   Le 10 avril 1992, le général Bobetko reçoit l'ordre de la part

  4   de Franjo Tudjman, qui est le Président de la République de Croatie, et en

  5   effet les troupes croates rentrent sur le territoire de la Bosnie-

  6   Herzégovine. La défense l'admet, le reconnaît et cela ne fait pas l'objet

  7   de contestation de notre part. Les troupes croates de l'armée croate

  8   rentrent sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et elles font face aux

  9   forces de la JNA, là où se rencontrent ces flèches. Nous avons donc la

 10   rivière Neretva, Stolac et Mostar à droite et, à gauche, Livno et Kupres.

 11   C'est donc là que devait se fermer cet étau. Et l'armée croate intervient,

 12   c'est exact, elle rentre sur ce territoire et elle pénètre sur ce

 13   territoire. Pourquoi ?

 14   D'une part, pour défendre le Sud de la Croatie, Dubrovnik en

 15   particulier qui est menacée, il s'agit du front Sud, c'est tout à fait

 16   exact. Mais, d'autre part, afin de sauver la Bosnie-Herzégovine, parce que

 17   cette intervention permet la création de territoires libres.

 18   Elle permet que la route, la route qui est d'importance vitale,

 19   qui va de Split vers Sarajevo et Tuzla, Zenica, donc cette fameuse route

 20   de l'espoir ou de salut -qui a été appelée ainsi- donc elle permet que

 21   cette route reste entre les mains des Musulmans et des Croates. Dans les

 22   années qui vont venir jusqu'à l'accord de Washington, jusqu'aux accords de

 23   Dayton, c'est par cette route que passera l'ensemble de l'aide adressée à

 24   la fois aux Croates et aux Musulmans de Bosnie-Herzégovine. C'est par

 25   cette route que passera chacune des balles qui est rentrée en Bosnie-


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  1   Herzégovine. C'est la flèche noire que j'ai tracée de manière un peu

  2   improvisée.

  3   Avant que chacune de ces balles ne rentre en Bosnie-Herzégovine 

  4   par cette route-là, elle aura emprunté soit des voies terrestres, soit

  5   l'espace aérien, soit les eaux territoriales de la République de Croatie.

  6   Très peu de matériel arrivera par l'aéroport de Sarajevo qui a toujours

  7   été tenu par les Serbes. Rien donc ne rentre en Bosnie-Herzégovine sans

  8   passer par la Croatie, sans que le Croatie ne le laisse passer ou ne

  9   l'autorise au préalable. Par conséquent, c'est grâce à l'intervention des

 10   forces croates en Bosnie-Herzégovine que la Bosnie-Herzégovine elle-même a

 11   peut-être été sauvée.

 12   [C'est le 10 avril 1994 que commence cette opération où le

 13   général Bobetko a reçu l'ordre de rentrer avec ses troupes. Elle se

 14   poursuit jusqu'au 14. Donc jusqu'au mois de juillet 1992] (sic). Cela a

 15   duré très peu de temps. Après, il est descendu à Dubrovnik, au Sud, et il

 16   a quitté le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 17   Pendant cette période, lorsque les troupes de Bobetko sont

 18   rentrées, il n'y avait pas de HVO, il n'existait pas. Le HVO a été

 19   constitué formellement par un acte, mais sur le plan réel de

 20   l'organisation il n'existait pas. Ce qui existait c'était quelque chose

 21   qui s'appelait l'état-major. Cet état-major n'était pas, comme on le voit

 22   ici, ultérieur, doté de zones opérationnelles, d'unités de combat, de

 23   brigade. Mais c'est dans les municipalités qu'ont été constituées des

 24   cellules de crise où des politiciens se chargeaient de préparer la

 25   défense, à la fois chez les Croates et chez les Musulmans.


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  1   Ni les uns et les autres ne possédaient un armée organisée, qui

  2   aurait pu faire face à la JNA. C'est dans ce contexte que Bobetko a

  3   organisé la défense, qu'il a donné des conseils, des instructions à la

  4   défense intérieure et au HVO. Vous trouverez des éléments dans les

  5   extraits du livre de Bobetko. Oui, certes Bobetko donne des ordres au HVO

  6   parfois. Mais il donne aussi des ordres à la Défense territoriale, parce

  7   qu'à l'époque ni l'un ni l'autre ne sont constitués réellement.

  8   Je donnerai lecture de deux citations assez brèves, il s'agit

  9   d'extraits du livre de Bobetko qui a servi d'appui à un nombre de pièces

 10   de l'accusation qui cherchent à démontrer qu'il s'agit d'un conflit

 11   international armé. J'y reviendrai demain. Mais à présent, ce que je

 12   souhaite montrer, c'est que Bobetko ne combattait pas les Musulmans mais

 13   l'armée populaire yougoslave. Il s'agissait d'un conflit entre JNA et

 14   l'armée croate. Alors, cela ne peut pas être utilisé comme argument, pour

 15   affirmer que le conflit entre les Croates et les Musulmans en Bosnie-

 16   Herzégovine était un conflit international.

 17   La pièce D577, en fait il s'agit de la page 267 du livre de

 18   Bobetko. Il parle des effets de sa campagne en Bosnie-Herzégovine, il

 19   écrit : "Premièrement, de manière définitive et à jamais, nous avons

 20   défendu et préservé le peuple croate de Bosnie-Herzégovine.

 21   Deuxièmement, nous avons créé des conditions favorables à

 22   constituer une armée, et concernant ce qui se passe aujourd'hui, lorsqu'on

 23   constitue la fédération et la confédération, la question qui se pose est

 24   la suivante : sans ces victoires qu'elle aurait été notre position sur le

 25   plan international et sur  le plan local ?"


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  1   La fédération que mentionne Bobetko, c'est la fédération qui

  2   existe à présent, à savoir la fédération réunissant les Croates et les

  3   Musulmans. Nous aborderons plus tard, au moment où nous parlerons de la

  4   nature internationale du conflit, nous parlerons donc plus en détail des

  5   ordres, mais à présent je souhaite que soit consigné au procès-verbal, et

  6   que la Chambre entende : premièrement, que le décret sur les forces armées

  7   de la communauté croate d'Herceg-Bosnie, à savoir la pièce de

  8   l'accusation 38/1, n'a été voté que le 3 juillet 1992. Donc en avril, mars

  9   et mai, il n'y avait pas de base légale pour la constitution du HVO. Ce

 10   n'est qu'ultérieurement que cela a été voté. Il ressort des dépositions de

 11   nombre de témoins que ni la Défense territoriale ni le HVO n'était

 12   constitué en été 1992. Au printemps 1992, ce qui se constitue c'est la

 13   communauté croate d'Herceg-Bosnie. Il en a été question ici, assez.

 14   L'accusation cherche d'une certaine manière à attribuer des traits

 15   criminels, à la fois à ce document et à cette organisation. J'interprète

 16   librement, il dit, cela a été constitué pour partager la Bosnie-

 17   Herzégovine, enfin je parle de la HZHB, donc la communauté croate de

 18   Herceg-Bosnie voulait effectuer une sécession par rapport à la Bosnie-

 19   Herzégovine, une annexion avec la République de Croatie etc, etc… Mais

 20   est-ce vrai ?

 21   Les raisons pour lesquelles l'Herceg-Bosna a été constituée

 22   peuvent se comprendre d'un des actes fondateurs de cette entité. D'autre

 23   part, essayons de voir, dans ce contexte historique, à quel moment elle se

 24   constitue. Les fondateurs de cette entité, que cherchaient-ils à

 25   réaliser ? Quel était leur objectif ?


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  1   La communauté croate d'Herceg-Bosna a été constitué formellement

  2   le 18 novembre 1992. C'est du 3 juillet 1992 qu'est daté l'acte. Dans le

  3   journal officiel de l'Herceg-Bosna, ce n'est qu'en septembre 1992 que nous

  4   voyons la publication de ce texte et c'est en septembre que commencent à

  5   se mettre en place les différents organes de la communauté croate

  6   d'Herceg-Bosna et qu'elle entre en vie. C'est dans le journal officiel

  7   n° 1 -il s'agit de la pièce de l'accusation E308- que figurent les raisons

  8   de la constitution de l'Herceg-Bosna.

  9   Je cite : "Face à une agression impitoyable menée par l'armée

 10   yougoslave et par les Chetniks contre la République de Bosnie-Herzégovine

 11   et contre la République de Croatie, d'innombrables victimes humaines, des

 12   souffrances incalculables et les aspirations sur les territoires, les

 13   visées sur les territoires historiques croates, ainsi que sur les bien

 14   croates, ainsi que le fait de chercher à détruire la République de Bosnie-

 15   Herzégovine et de ses organes de pouvoir légitime, face à cela, le peuple

 16   croate de Bosnie-Herzégovine, en ces moments difficiles de son histoire,

 17   lorsque la dernière armée communiste de l'Europe, main dans la main avec

 18   les Chetniks, menace l'existence même du peuple croate, ainsi que

 19   l'existence de la République de Bosnie-Herzégovine, le peuple croate est

 20   conscient que son avenir est lié à l'avenir de l'ensemble du peuple

 21   croate.

 22   Les Croates de Bosnie-Herzégovine, par le biais de leur parti,

 23   le HDZ, par l'intermédiaire des organes légitimes du pouvoir dans cette

 24   République, étaient favorables à une Bosnie-Herzégovine souveraine. Mais

 25   ils ont toujours souligné qu'ils le feront, en protégeant leur propre


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  1   territoire historique, ainsi que les intérêts de l'ensemble du peuple

  2   croate. Sur la base de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, qui crée

  3   la Bosnie en tant qu'Etat de trois peuples constitutifs, Croates,

  4   Musulmans et Serbes, ainsi que sur la base des principes généralement

  5   admis dans le monde d'aujourd'hui, sur l'inviolabilité, l'indivisibilité,

  6   l'intransférabilité, du droit à l'autodétermination et du droit à la

  7   souveraineté du peuple, y compris le droit à s'associer, tenant compte du

  8   fait que le monde unitaire de l'organisation de l'Etat n'est pas

  9   acceptable dans les communautés multiethniques, le peuple croate de

 10   Bosnie-Herzégovine, face au danger qui menace et conscient de sa

 11   responsabilité historique dans la défense des territoires et des intérêts

 12   ethniques et historiques croates, et ce par le biais des représentants

 13   légalement élus au sein de la République de Bosnie-Herzégovine, fondent,

 14   créent la communauté croate de Bosnie-Herzégovine."

 15   Si nous regardons de plus près ce texte, si nous en éliminions

 16   tous les attributs chargés affectivement pour ce qui est de la Bosnie-

 17   Herzégovine, vous entendez beaucoup de gens parler de responsabilité

 18   historique, d'événements historiques, très souvent ; c'est une façon de

 19   parler en Bosnie-Herzégovine. Toutefois, si nous retirons le côté émotif,

 20   passionnel ou nationaliste de ce texte, nous constaterons que l'Herceg-

 21   Bosna a vu le jour dans une situation -et là, je cite- "où les gens

 22   devaient faire face à l'agression sans scrupules de la JNA et des Chetniks

 23   contre la République de Bosnie-Herzégovine".

 24   Ces circonstances étant ce qu'elles étaient, les dirigeants

 25   politiques de la Bosnie-Herzégovine ont décidé -je parle ici des


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  1   directeurs politiques des Croates- ont décidé de résister à l'agression de

  2   la JNA en créant une communauté de ce type, afin d'empêcher ce qu'ils ont

  3   qualifié de destruction de la République de Croatie.

  4   Quant à savoir si c'était là une attitude politique naïve, quant

  5   à savoir si nous aurions pu faire autrement, c'est une autre question qui

  6   se pose. Mais il faudrait remarquer et tenir compte de l'objectif qui

  7   pousse à l'établissement de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

  8   Si nous voulons comprendre pourquoi les Croates ont pris cette

  9   décision politique, que nous l'acceptions ou pas, je pense qu'il faut

 10   prendre un certain recul par rapport à cette décision, à ces événements.

 11   Il faut remonter au tout début 92, même fin 91, alors que la guerre

 12   faisait encore rage en Croatie. De fait, au moment de l'attaque par la JNA

 13   de la partie la plus septentrionale de la Yougoslavie, de la Slovénie,

 14   quiconque savait penser savait qu'on avait franchi le Rubicon et qu'une

 15   guerre allait éclater en Yougoslavie, que ce n'était qu'une question de

 16   temps avant qu'elle n'éclate. Une fois l'attaque perpétrée contre la

 17   Slovénie, il y a eu cette guerre brutale en Croatie. Quiconque voulait

 18   voir la vérité en face, comprenait que la guerre la plus brutale qui

 19   allait se produire serait celle en Bosnie-Herzégovine. Les dirigeants

 20   croates en Bosnie-Herzégovine l'avaient compris.

 21   Toutefois, que s'est-il véritablement passé ? Les dirigeants

 22   politiques des Musulmans, avec à leur tête Alija Izetbegovic, avaient une

 23   politique pacifiste ; une politique admirable mais désastreuse pour la

 24   population de Bosnie-Herzégovine et, en premier lieu, pour les Musulmans.

 25   Pourquoi ? Parce que cette politique pacifiste, dans des conditions de


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  1   guerre, empêchait que soit organisés à temps la formation, l'armement de

  2   la population musulmane. C'est là une erreur pour laquelle les Musulmans

  3   ont payé cher. Le prix en fut de nombreuses pertes humaines.

  4   En 1991, lorsque la JNA a attaqué le village en Bosnie de Ravno,

  5   village de grande importance stratégique, qui était aussi habité par des

  6   Croates, le président de la Bosnie-Herzégovine, Izetbegovic, a déclaré que

  7   ce n'était pas "notre guerre".

  8   A l'inverse, face à cette situation où l'on tergiversait alors

  9   que la Croatie devenait indépendante, les Croates de Bosnie-Herzégovine se

 10   sentaient en péril. Ils avaient été laissés de côté dans ce qu'on a appelé

 11   cet Etat-croupion de Yougoslavie. Les Croates ne voulaient pas rester dans

 12   cette Yougoslavie qui n'était qu'un Etat-croupion. Ils voulaient respecter

 13   la souveraineté, l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, à la condition

 14   bien sûr que celle-ci soient séparée, soit distincte de la Yougoslavie.

 15   C'est bien ce qu'ils ont écrit, rédigé dans ce document

 16   fondateur, où ils disent à l'article 5 : "La communauté -la référence est

 17   faite ici à la communauté croate d'Herceg-Bosna-, la communauté va

 18   respecter les autorités démocratiquement élues de la Bosnie-Herzégovine,

 19   tant que la Bosnie-Herzégovine reste un Etat indépendant par rapport à

 20   l'ex-Yougoslavie, ou toute Yougoslavie à venir." Par conséquent, la

 21   communauté croate d'Herceg-Bosna se voit comme étant en Bosnie-

 22   Herzégovine, mais ne faisant pas partie de l'Etat-croupion de Yougoslavie

 23   sans la Slovénie, sans la Croatie, sans la Macédoine. La communauté

 24   d'Herceg-Bosna n'a jamais rompu ses liens étatiques avec la Bosnie-

 25   Herzégovine.


Page 23224

  1   Souvenez-vous de Zoran Pajic, expert appelé par l'accusation,

  2   qui vous a  fait une analyse des nombreux documents relatifs à la Bosnie-

  3   Herzégovine. Jamais une décision n'a été prise, qui aurait été prise

  4   séparément par la communauté croate d'Herceg-Bosna. Nulle part, il n'est

  5   dit que la communauté croate d'Herceg-Bosna va faire sécession par rapport

  6   à la Bosnie-Herzégovine. L'accusation n'a cessé de nous présenter comme

  7   étant un fait établi que la communauté croate d'Herceg-Bosna avait été

  8   fondée en vue de créer une sécession par rapport à la Bosnie-Herzégovine

  9   afin de se séparer. A la vue de cette hypothèse, ils n'offrent

 10   pratiquement rien. Nous avons deux pièces à conviction qui n'en sont pas

 11   véritablement. Ce qui veut dire que, tout au long de ce long procès, nous

 12   avons vu, par exemple, la pièce 243, pièce de l’accusation : c’était une

 13   cassette vidéo dans laquelle Dario Kordic et Ignas Kostroman ont prit la

 14   parole en janvier 1992, à l'occasion de la proclamation de la

 15   reconnaissance de la République de la Croatie en tant qu'Etat indépendant.

 16   Là aussi, nous entendons des discours passionnés, des slogans disant :

 17   “ Croatie, Croatie ” ; que la frontière sera à deux pas de Zenica, ce

 18   genre de choses ; et c’est vrai.

 19   Toutefois, revenons un peu en arrière et replaçons ces

 20   allocutions dans le contexte historique. Nous constaterons alors que tant

 21   Kordic que Kostroman font référence à l'armée serbo-chetnik, comme ils

 22   l’appellent, armée étant leur opposant. Ces deux hommes exigent que la JNA

 23   parte de Busovaca pour rentrer en Serbie, ceci à une époque où la Croatie

 24   était devenue indépendante et où les Croates de Bosnie-Herzégovine avaient

 25   peur, car ils ne savaient pas s'ils allaient rester ou pas au sein de la


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  1   Yougoslavie avec Slobodan Milosevic.

  2   N'oubliez pas qu'en janvier 1992, Alija Izetbegovic n'avait

  3   toujours pas convoqué ce référendum sur l’indépendance de la Bosnie-

  4   Herzégovine. N’oubliez pas que la direction musulmane continue à négocier

  5   avec Slobodan Milosevic pour savoir si la Bosnie va rester au sein de la

  6   Yougoslavie.

  7   Par conséquent, toutes les options restaient ouvertes en

  8   janvier 1992. La Bosnie-Herzégovine n'existait pas encore en tant qu'Etat.

  9   Il n'y avait que l'Etat croupion de la Yougoslavie dépourvu de la Slovénie

 10   et de la Croatie. La JNA, selon la constitution de la RFSY, de la

 11   République socialiste fédérale de Bosnie-Herzégovine est une entité légale

 12   en Bosnie-Herzégovine, à l'époque au moins.

 13   Dans une telle situation, il y avait un danger réel, à savoir

 14   l'annexion de la Bosnie par la Serbie et le Monténégro. C'est là le

 15   contexte dans lequel il faut replacer ces allocutions. La Bosnie-

 16   Herzégovine n’était toujours pas un Etat ; le référendum n'avait toujours

 17   pas été prévu. Je parle du référendum qui a précédé la proclamation de

 18   l’Etat indépendant de Bosnie-Herzégovine. Ceci va se faire en avril.

 19   N'oubliez pas que les Serbes ont boycotté le référendum alors que les

 20   Croates et les Musulmans y participèrent : ils ont voté en faveur d’une

 21   Bosnie-Herzégovine indépendante, les Croates et la direction politique de

 22   ceux qui avaient déjà constitué la communauté croate d’Herceg-Bosna.

 23   Il est impossible d'établir un lien logique entre ces différents

 24   événements. Si la direction politique de l’Herceg-Bosna a vraiment

 25   l’intention d’assurer le partage, la division de la Bosnie-Herzégovine,


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  1   pourquoi disent-ils aux Croates de voter au référendum –ce qu’ils ont

  2   fait- et les Croates ont voté en faveur de l’indépendance de la Bosnie-

  3   Herzégovine. Pourquoi est-ce que les Croates n’ont pas fait comme les

  4   Serbes qui, eux, ont boycotté le référendum et ont mis en cause la

  5   validité de ce référendum. Ce sont donc des thèses qui restent infondées,

  6   que l’on retrouve en filigrane de tout ce procès.

  7   Effectivement, on nous a dit que la HZHB avait été créée pour

  8   diviser la Bosnie-Herzégovine, alors qu’aucune preuve n’a été apportée

  9   pour le prouver, à l'exception de cette cassette vidéo.

 10   Il y a une autre pièce que veut nous offrir l'accusation, à

 11   savoir qu'à partir de janvier 1993, et pratiquement toute la totalité de

 12   cette année-là, selon les arguments de l'accusation, le plan principal qui

 13   a déterminé les actions des Croates, ce fut le plan Vance-Owen. A la suite

 14   de quoi, ils voulaient s'emparer du contrôle de la province 10.

 15   Pour essayer d'apporter la preuve de ce qu'ils avancent,

 16   l'accusation parle des objectifs de l’Herceg-Bosna qui voudrait séparer,

 17   diviser la Bosnie-Herzégovine. Or, l'accusation omet un fait important,

 18   c’est le fait que le plan Vance-Owen était un plan mis au point par la

 19   communauté internationale pour déterminer la structure interne de la

 20   Bosnie-Herzégovine. Ce plan Vance-Owen, tout comme tout autre plan mis au

 21   point par la communauté internationale –il y en a eu de nombreux et les

 22   Croates les ont tous signés- ,ce plan visait à maintenir la souveraineté

 23   de la Bosnie-Herzégovine. Les problèmes se sont posés au niveau de

 24   l’organisation internationale de la répartition des pouvoirs, de la

 25   division des pouvoirs, des territoires. C’est ce qui a posé problème et


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  1   non pas la mise en œuvre du plan Vance-Owen. Mettre en œuvre ce plan

  2   aurait voulu dire la division de la Bosnie-Herzégovine.

  3   Au contraire, la mise en œuvre de ce plan signifiait que l'on

  4   allait pouvoir préserver la Bosnie-Herzégovine. Mais nous sommes d’accord

  5   que, s’il y a eu conflit, c'est à cause de la constitution interne.

  6   Allait-on en faire un Etat unitaire, fédéral, qui allait bénéficier de tel

  7   ou tel pouvoir ou compétence et dans quelle province ? 

  8   Le conflit est né de raisons internes et non pas de la volonté

  9   d'assurer la division de la Bosnie. Ce sont là les deux arguments qu’a

 10   avancés l’accusation pour essayer de prouver que l’Herceg-Bosna avait été

 11   fondée afin d'assurer la division de la Bosnie-Herzégovine.

 12   Est-ce que des individus, des groupes disposaient de plans

 13   secrets ? Cela ne nous est pas connu. De toute façon, l'accusation n'a pas

 14   apporté de preuve à cet égard. La seule chose qu'elle a pu essayer de

 15   prouver ou ce qu’elle a essayé de dire, c’est que Blaskic avait eu accès à

 16   certains plans secrets de sécession pour la Bosnie-Herzégovine.

 17   Ici, nous vous parlons de comportements adoptés par les

 18   institutions de l’Herceg-Bosna. Nous pensons que rien ne prouve que

 19   l’Herceg-Bosna eût été établie afin de diviser la Bosnie-Herzégovine.

 20   Autre chose, dont a parlé le Procureur : il a parlé de la prise

 21   de pouvoir dans des municipalités où l’Herceg-Bosna avait été proclamée. A

 22   quoi revenait cette prise de pouvoir, pour autant qu'il y ait eu prise de

 23   pouvoir ? Dans certaines municipalités, le HDZ était sorti vainqueur des

 24   élections, alors que c’était le SDA, un parti surtout musulman, qui avait

 25   remporté la victoire aux élections.


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  1   Dans toutes les municipalités, tôt ou tard, un gouvernement

  2   municipal double fut établi. Vous, vous aviez le SDA qui, là où il avait

  3   gagné les élections, avait établi des coprésidences de guerre, et dans les

  4   municipalités où les Croates étaient sortis vainqueurs, c’est le conseil

  5   croate de la défense qui a été établi en tant qu’organe civil d’autorité

  6   et de pouvoir.

  7   Dans la plupart des localités, vous aviez deux types de

  8   gouvernements parallèles : vous aviez le gouvernement civil et vous savez

  9   que chacun, en temps de guerre, régissait ses propres populations.

 10   N'oublions pas quand même qu'il y avait guerre, qu’il n'y avait pas de

 11   paix et que la mise au point d'institutions démocratiques n'est pas une

 12   chose aisée. Les présidences de guerre ne sont pas des catégories relevant

 13   de la Constitution, d'après la Constitution de Bosnie-Herzégovine. Tout

 14   comme c’est vrai aussi du conseil croate de la défense.

 15   L’accusation nous dit qu’au moment où il y a eu prise de pouvoir

 16   par l'Herceg-Bosna, il y a eu discrimination à l'égard des Musulmans.

 17   Définissons quelques éléments. D'abord, la langue croate est introduite

 18   dans les écoles ; programmes scolaires et manuels scolaires croates. C'est

 19   ce qui nous a été dit.

 20   De quoi s’agit-il ? Parlons de la langue croate. En Bosnie-

 21   Herzégovine, en 1992, en 1993, tout au long de cette période, mais aussi

 22   depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale jusqu'en 1994, d'après la

 23   Constitution, d’après les programmes scolaires et universitaires, il n'y a

 24   qu'une langue, la langue serbo-croate.

 25   Il n'y a pas de langue bosnienne ou bosniaque qui soit


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  1   officielle, qui soit une langue littéraire. Dans cette situation que je

  2   vous décris, situation où il y a conflit avec les Serbes, on a oublié une

  3   partie de cette description dans les écoles : on ne parle plus de la

  4   langue serbo-croate, mais de la langue croate alors que la langue restait

  5   la même partout. Les Croates n'auraient pas pu empêcher que la langue de

  6   Bosnie soit utilisée de façon théorique. Pourquoi ? Parce que la langue en

  7   Bosnie en universités, où vous recevez la formation d'enseignants, on a

  8   créé le premier département de langue bosnienne ou bosniaque en 1994 à

  9   Sarajevo. Au cours des années précédentes, cela n'existait pas. Ce qui

 10   veut dire que la langue utilisée officiellement, c'était la langue serbo-

 11   croate.

 12   Mais, du fait de la charge émotionnelle et parce qu'une partie

 13   de cet adjectif renvoyait aux Serbes, cette partie de l'adjectif a été

 14   mise de côté. C'est tout.

 15   L'accusation nous dit que les programmes et manuels scolaires

 16   croates furent imposés par la force, à tous. Mais n'oubliez pas que nous

 17   sommes en guerre. Le gouvernement à Sarajevo travaille à partir du sous-

 18   sol des bâtiments les plus solides. A Sarajevo, personne n'imprime de

 19   livres en bosnien ou en bosniaque, en 1992, avec le programme scolaire de

 20   l'Herceg-Bosna. Non. Personne. Tous les manuels scolaires disent que c'est

 21   la Yougoslavie qui est sa patrie et que l'armée c'est la JNA et que

 22   l'armée yougoslave, au nom de la Fédération, attaquait les enfants à

 23   Sarajevo.

 24   Bien sûr, si on s'associe à la situation de guerre, aux émotions

 25   qui s'y rattachent, il était difficile de donner de tels manuels scolaires


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  1   à des enfants. Le Gouvernement à Sarajevo n'était pas ajusté à la

  2   situation, il était isolé, coupé de tout. L'Etat ne fonctionnait pas

  3   véritablement, ce qui veut dire que des gens ont importé des manuels

  4   scolaires croates, un point c'est tout. Pareil pour la devise.

  5   M. le Président. – 16 heures vous convient ?

  6   M. Nobilo (interprétation). – Oui, oui. Fort bien, Monsieur le

  7   Président, merci.

  8   M. le Président. – Nous allons suspendre pendant vingt minutes.

  9   L'audience, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 15.

 10   M. le Président. – L'audience est reprise. Veuillez vous

 11   asseoir. Introduisez l'accusé.

 12   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

 13   Nous reprenons et donnons la parole à Me Nobilo.

 14   M. Nobilo (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous parlions des

 16   circonscriptions dans lesquelles l'Herceg-Bosna a été créée. Je tiens à

 17   dire que le point de vue de la défense consiste à penser que l'Herceg-

 18   Bosna a probablement été établie de façon anti-constitutionnelle et que la

 19   Chambre de première instance défend le même point de vue en affirmant la

 20   même chose.

 21   Cela étant, il convient de dire également qu'en Bosnie-

 22   Herzégovine, c'est la constitution ancienne, la vieille constitution

 23   socialiste qui régnait encore ; cette constitution de 1989 selon laquelle

 24   la Bosnie-Herzégovine faisait partie de la Yougoslavie. Il convient de

 25   dire également que l'armée populaire yougoslave était encore légale, selon


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  1   cette constitution. Les modifications ont été apportées en 1991 et 1992,

  2   mais elles n'ont jamais été acceptées officiellement, votées

  3   officiellement. Donc, selon la constitution de la Bosnie-Herzégovine, à

  4   l'époque, un grand nombre de problèmes existaient et de nombreux aspects

  5   de la situation étaient sans doute anticonstitutionnels, notamment l'armée

  6   qui, selon la constitution de la Yougoslavie, était une armée qui, en

  7   fait, dans la pratique, avait attaqué son propre peuple.

  8   Parmi les éléments de preuve de l'accusation destinés à prouver

  9   qu'il existait un conflit armé international, nous avons vu un certain

 10   nombre d'éléments sur lesquels je reviendrai demain, éléments qui traitent

 11   également de la responsabilité pénale de Blaskic. Le Procureur nous

 12   propose un syllogisme logique. J'aimerais voir ce que dit ce syllogisme.

 13   La première prémisse est qu'une politique destinée à diviser la

 14   Bosnie-Herzégovine a été élaborée à Zagreb par Franjo Tudjman. Selon le

 15   deuxième prémisse, la communauté croate d'Herceg-Bosna a appliqué cette

 16   politique.

 17   Troisième prémisse, cette politique est un crime. En effet, il

 18   existerait un plan destiné à expulser les Musulmans.

 19   Quatrième prémisse, Blaskic a été l'instrument de cette

 20   politique car il était colonel dans la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 21   Dans ces conditions, la conclusion est claire : Blaskic étant l'instrument

 22   d'une politique criminelle, Blaskic est lui-même un criminel.

 23   Mais dans ce syllogisme qui peut sembler logique, il y a un

 24   certain nombre d'aspects plus nuancés qu'il convient d'examiner. Demain,

 25   nous examinerons le fait de savoir s'il a été prouvé que la politique de


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  1   la République de Croatie avait pour but de diviser la Bosnie-Herzégovine.

  2   J'ai déjà dit qu'il n'était pas prouvé que l'Herceg-Bosna avait été créée

  3   dans le but d'aider à la division de la Bosnie-Herzégovine. Il n'a pas non

  4   plus été prouvé que la politique de l'Herceg-Bosna a élaboré, en secret ou

  5   en public, un plan qui aurait pu être qualifié de criminel. Rien n'indique

  6   tout cela.

  7   Si nous partons du principe que Blaskic était un soldat, même si

  8   lui-même affirme à juste titre qu'il ne s'est jamais occupé de politique

  9   puisque la loi des forces armées lui interdisait d'avoir des activités

 10   politiques, il n'en reste pas moins que tous ceux qui travaillent pour un

 11   Etat ou pour un organe para-étatique, au sens le plus stricte du terme,

 12   appliquent une certaine politique. Blaskic dit qu'il appliquait la loi et

 13   les ordres. Mais les lois et les ordres sont tout de même le résultat

 14   d'une certaine politique. Donc si Blaskic avait appliqué la loi et les

 15   ordres de la communauté croate d'Herceg-Bosna, dans ce cas il appliquait

 16   la politique qui présidait à ces lois et à ces ordres.

 17   Mais pas une seule loi, pas un seul ordre, pas un seul décret de

 18   l'Herceg-Bosna ne présente la moindre trace de racisme, la moindre trace

 19   de plan destiné à commettre des crimes ou des crimes de guerre.

 20   Même si M. Blaskic avait été l'instrument d'une politique au

 21   sens figuré du terme, il aurait pu alors être l'instrument de la défense

 22   du peuple croate en Bosnie-Herzégovine. Il a dit lui-même que c'est la

 23   raison pour laquelle il est allé en Bosnie-Herzégovine, c'est la raison

 24   pour laquelle il a rejoint le HVO, que c'est la seule chose qu'il a faite,

 25   c'est-à-dire qu'il a servi à défendre son peuple en Bosnie-Herzégovine


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  1   contre l'attaque de l'agresseur.

  2   Ayant dit cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  3   j'aimerais traiter de la question de l'organisation et de la structure de

  4   l'Herceg-Bosna.

  5   Au cours du procès, y compris ces quelques derniers jours,

  6   depuis le début du réquisitoire, le Procureur a pratiquement blâmé notre

  7   client pour tous les crimes commis en Bosnie-Herzégovine. Le Procureur a

  8   montré des maisons incendiées. Nous ne sont pas d'ailleurs pas, pour la

  9   plupart d'entre elles où ces maisons se trouvent, car ces images datent de

 10   1995 et 1996. Nous ne savons pas qui a mis le feu à ces maisons, nous ne

 11   savons pas si ce sont les membres d'une unité responsable devant

 12   M. Blaskic, nous ne savons pas si ceux qui ont mis le feu sont des membres

 13   d'unités commandées et contrôlées par Blaskic ou si le feu a été mis par

 14   des civils.

 15   Le Procureur a tellement synthétisé sa présentation des faits,

 16   qu'il a présenté le commandement militaire d'une région dont l'autorité

 17   aurait été résumée par un seul homme et dont l'autorité aurait été à la

 18   fois civile et militaire. Cet homme, s'il gouvernait cette région, avait

 19   tous les pouvoirs dans ses mains : le pouvoir de punir, d'empêcher, il

 20   était responsables de tous les événements et, par conséquent, responsable

 21   de tout ce qui s'est passé sur le plan fonctionnel dans la région.

 22   Mais examinons les choses de plus près pour voir si telle était

 23   bien la réalité. Avant de passer à la Bosnie centrale, avant de déterminer

 24   quelles étaient les autorités qui fonctionnaient réellement en Bosnie

 25   centrale, avant de définir les pouvoirs dont disposait tel ou tel organe,


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  1   avant de distinguer entre certains organes et d'autres organes pour voir

  2   si Blaskic avait vraiment les pouvoirs qu'on lui impute et avant de

  3   déterminer quelles étaient ses responsabilités dans ces circonstances,

  4   pour introduire mon exposé, je parlerai du décret que l'Herceg-Bosna

  5   (pièce à conviction de l'accusation 38).

  6   L'autorité suprême est le président de la communauté croate

  7   d'Herceg-Bosna et la présidence de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

  8   Puisque la présidence de la communauté croate d'Herceg-Bosna vote des

  9   lois, nous pouvons parler de l'existence d'un organe législatif, de

 10   quelque chose qui est quasiment un Parlement, et c'est organe législatif

 11   de la communauté croate d'Herceg-Bosna nomme, établi, crée le conseil de

 12   défense croate. Il s'agit donc d'un gouvernement exécutif civil.

 13   Afin de bien comprendre les choses, peut-être pourrions-nous

 14   qualifier ce gouvernement de quasi gouvernement parce que par nature et

 15   par définition, la communauté croate d'Herceg-Bosna n'étant pas un Etat,

 16   et n'étant pas censé être un Etat, cet organe serait plus justement

 17   qualifié de gouvernement quasi civil.

 18   Le faut que l'autorité civile avait pour nom HVO, comme les

 19   forces armées, a été exploité depuis le début de ce procès avant d'être

 20   finalement éclairci. Au cours de l'interrogatoire principal du Dr Zoran

 21   Pajic, témoin expert de l'accusation, des efforts ont même été déployés

 22   pour dire qu'il s'agissait d'une dictature militaire et qu'elle avait pour

 23   nom HVO parce que les forces armées tenaient ce gouvernement entre ses

 24   mains.

 25   Cependant, les décrets établis sans la communauté croate


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  1   d'Herceg-Bosna, ainsi que toutes les réglementations qui ont été

  2   présentées, notamment dans le document de la défense 38/1, montrent, à

  3   l'évidence, qu'il existait un organisme civil, une structure civile, qu'il

  4   y avait des responsables politiques qui se réunissaient, qu'il y avait des

  5   votes lors de ces réunions, et que les militaires ne participaient pas au

  6   gouvernement. Ce gouvernement comportait un certain nombre de ministères

  7   afin de suivre les choses plus facilement. Nous les appellerons donc

  8   "ministères" et non "départements", comme ce fut le cas au cours du

  9   procès.

 10   Ces ministères avaient les caractéristiques de ministères et

 11   dans la deuxième moitié de 1993, c'est le nom qui leur a été donné. Il y

 12   avait donc un ministère de l'Intérieur, de la Défense, des Finances, de la

 13   Justice, de l'Economie. Vous pouvez tous les voir sur cette planche en

 14   deuxième rangée.

 15   Le Conseil croate de la défense est un terme qui a été utilisé

 16   très fréquemment. Ce quasi gouvernement central s'appelait donc "Conseil

 17   croate de la défense". Les autorités civiles municipales s'appelaient

 18   également Conseil croate de la défense. Mais l'armée, les forces armées de

 19   la communauté croate d'Herceg-Bosna répondaient également à la

 20   dénomination de Conseil croate de la défense. Officiellement, on les

 21   appelait "forces armées de la communauté croate d'Herceg-Bosna", mais dans

 22   la langue quotidienne, familière, on les appelait HVO. Les forces armées

 23   ont été créées par décret, le 3 juillet 1992. La chaîne de commandement

 24   s'établissent s'établissait comme suit : le président de la communauté

 25   croate d'Herceg-Bosna était le commandant en chef. Le commandant en chef,


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  1   en même temps que ce quasi gouvernement de la Conseil croate de la défense

  2   établissait, par le truchement du ministère, donc du ministère de la

  3   Défense qui faisait partie de ce quasi gouvernement du Conseil croate de

  4   la défense, a établi un organe spécialisé, c'est-à-dire le grand quartier

  5   général du HVO et il en a nommé les membres. Le grand quartier général du

  6   HVO était responsable devant le ministre de la Défense, mais également

  7   devant le Premier ministre et devant le commandant suprême, c'est-à-dire

  8   le chef de l'état-major, le responsable au plus haut niveau de l'armée.

  9   Autrement dit, il y avait double commandement : d'une part, le

 10   commandant en chef de l'armée et, d'autre part, le ministre de la Défense.

 11   Et puis, au sein du département ou du ministère de la Défense, nous

 12   trouvons diverses entités, ou plutôt en dehors de ce ministère de la

 13   Défense, nous trouvons d'autres entités qui se situent au même niveau : le

 14   quartier général, l'état-major de l'armée, l'administration de la police

 15   militaire, l'administration du SIS -service d'information- et d'autres

 16   administrations qui sont moins pertinentes vis-à-vis de ce procès.

 17   Comme je l'ai dit, à l'article 25 du décret des forces armées,

 18   tous les actes politiques, toute activité politique est interdite au

 19   Conseil croate de la défense.

 20   Maintenant, nous allons examiner les organes qui fonctionnaient

 21   en Bosnie centrale. On a dit souvent que le territoire de la Bosnie

 22   centrale, qui se composait des municipalités de Vitez, Busovaca, Kiseljak,

 23   etc., était une région dans laquelle Blaskic avait le plus de pouvoir,

 24   pleine autorité. En est-il réellement ainsi ?

 25   Nous étions donc dans des conditions de guerre et, sur un même


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  1   territoire, il y avait le pouvoir militaire, la zone opérationnelle de

  2   Bosnie centrale, et puis le pouvoir du 3ème Corps d'armée de Bosnie-

  3   Herzégovine ; sur le même territoire, un territoire identique : il y avait

  4   deux armées. Il y avait aussi le pouvoir des organes civils : le Conseil

  5   croate de la défense, représentant du pouvoir croate civil. Il y avait le

  6   gouvernement des présidences de guerre, quatrième pouvoir. Ce sont les

  7   organes du pouvoir civil musulman.

  8   Et puis, la Forpronu avait également certaines compétences en

  9   matière de sécurité de la circulation, sur les routes notamment, où la

 10   Forpronu était fort présente. Et, puisque ce territoire était proche du

 11   front, l'ensemble de cette région était une zone d'activité militaire,

 12   d'activité armée pour l'armée de la Republika Srpska, la VRS.

 13   Dans le même temps, sur ce même territoire, agissaient les

 14   représentants du pouvoir fédéral ; on ne parle plus alors du pouvoir

 15   municipal, du pouvoir local, mais du pouvoir fédéral de Sarajevo, et puis

 16   des représentants du pouvoir suprême de la communauté croate d'Herceg-

 17   Bosna, comme Kordic et Kostroman. Chacune de ces entités jouit d'un

 18   certain pouvoir. A ce stade, je n'ai même pas suivi le nombre de ces

 19   représentations du pouvoir. Mais chacune de ces représentations du pouvoir

 20   se recoupe, s'entremêle sur ce même territoire dont on a dit que c'est le

 21   colonel Blaskic qui y détenait le pouvoir complet.

 22   Laissons cela de côté pour le moment. Laissons le pouvoir civil

 23   musulman, laissons de côté aussi le pouvoir des autorités militaires de la

 24   Forpronu, des Serbes, etc. Laissons de côté le pouvoir de Sarajevo, des

 25   autorités fédérales, ainsi que le pouvoir politique de Mostar. Examinons


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  1   plus en détail, en Bosnie centrale, quels étaient les organes qui

  2   fonctionnaient, quelles étaient les compétences fonctionnant en Bosnie

  3   centrale.

  4   Je demanderai que l'on allume les écrans informatiques.

  5   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, sur les cartes

  6   distribuées, nous allons parler de la première carte intitulée "Quasi

  7   Gouvernement civil, HVO". Comme vous le constaterez, la dernière rangée de

  8   ces organes représente les organes qui fonctionnaient en Bosnie centrale,

  9   dans la communauté croate d'Herceg-Bosna. Les lignes jaunes représentent

 10   la chaîne de commandement, qui va vers les organes de niveau supérieur.

 11   En Bosnie centrale, nous avons en fonctionnement opérationnel,

 12   dans la période qui nous intéresse, dans le cadre du présent acte

 13   d'accusation, les autorités municipales du HVO, les tribunaux militaires,

 14   les prisons militaires, le service d'information, le SIS, le 4ème Bataillon

 15   de la police militaire, la zone opérationnelle de Bosnie centrale, les

 16   Vitezovi et la police civile. Nous examinerons leurs rapports plus tard,

 17   mais nous pouvons dire d'ores et déjà que la zone opérationnelle de Bosnie

 18   centrale avait des compétences déterminées selon les périodes, autrement

 19   dit avait juridiction sur la police militaire, sur les Vitezovi et le SIS,

 20   autrement dit sur trois organes du pouvoir que je viens d'énumérer.

 21   Ensuite, commençons par la colonne de gauche. Nous avons le

 22   pouvoir civil municipal, représenté dans cette colonne. La pièce à

 23   conviction de l'accusation 38/1 nous montre quelle est la décision

 24   statutaire des autorités municipales qui a créé ce pouvoir municipal et

 25   quelles sont les compétences de cette entité. Il y est signalé, entre


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  1   autres, que ce pouvoir règle les rapports de propriété, les rapports

  2   sociaux dans le cadre des limites de la municipalité et que ce pouvoir

  3   municipal a pour tâche de veiller à la réalisation des tâches et devoirs

  4   qui lui sont imposés par le gouvernement du HVO.

  5   Ceci ne signifie pas grand-chose, peut-être, mais pour

  6   l'essentiel, cela fait référence à l'administration sur les entreprises

  7   socialistes, à l'impôt qui doit être collecté parce que le système

  8   centralisé s'est écroulé ; cela fait référence au fonctionnement des

  9   écoles, des entreprises, etc. Nous verrons un peu plus tard que ce pouvoir

 10   est sorti un peu plus tard du cadre institutionnel.

 11   Mais examinons d'abord les dispositions légales. Parmi les

 12   autorités civiles, il est intéressant pour nous de parler du travail du

 13   ministère de la Défense. Le travail du ministère de la Défense est régi

 14   par le décret sur les forces armées d'Herceg-Bosna -pièce à conviction de

 15   l'accusation 38- et il y a donc, au sein des autorités civiles, ce

 16   ministère de la défense, d'une part, et, d'autre part, des divisions, des

 17   postes avancés de ce ministère.

 18   Sur la base de l'article 3 de ce décret, nous voyons que le

 19   ministère de la Défense enrôle les hommes, est responsable de la

 20   mobilisation des forces armées, fournit également les moyens matériels

 21   nécessaires dans les lieux en guerre, prend les mesures nécessaires pour

 22   répondre aux besoins de la défense. Il s'ensuit que des registres

 23   militaires sont dressés sur lesquels figurent les noms des soldats enrôlés

 24   ainsi que des hommes soumis à des obligations de travail.

 25   J'en arrive à la pièce à conviction de l'accusation 442, qui


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  1   traite de l'obligation de travail. Il y est stipulé que les unités de

  2   travail obligatoire, ces fameuses équipes de travail, sont organisées par

  3   les organes du pouvoir municipal compétents. Ces unités de travail peuvent

  4   être engagées, entre autres, à des travaux de fortification et de défense,

  5   à l'entretien des abris, des entrepôts où sont conservés les vivres et

  6   peuvent être engagées également à des tâches destinées à combattre les

  7   opérations en vue d'assurer le succès de leurs opérations.

  8   C'est un point très important. L'article 7 -je le cite- dit ce

  9   qui suit : "A la demande du commandant militaire compétent, soumis à

 10   l'organe municipal compétent, l'organe municipal organise ces unités de

 11   travail, nomme le chef de ces unités, de ces équipes et envoie ces unités

 12   au travail à des endroits appropriés." (Fin de citation.)

 13   Par conséquent, l'organisation de ces équipes de travail et le

 14   déploiement de ces équipes dans des zones de combat est permis parce qu'il

 15   y a ce double aspect à l'obligation de travailler dans le cadre de la

 16   défense. On peut servir la défense sur le plan militaire, au sein de

 17   l'armée, et participer également à ces équipes de travail qui sont

 18   organisées par les autorités civiles dans toutes les municipalités.

 19   Dans la colonne de droite du tableau, nous voyons l'organisation

 20   de la police civile. La pièce à conviction de la défense 584 nous montre

 21   comment fonctionne la police civile en cas de danger de guerre imminent ou

 22   réel. La police civile dépend, comme nous l'avons montré sur notre schéma,

 23   du ministère de l'Intérieur, ministère qui fait partie de ce quasi

 24   gouvernement et qui, comme je viens de le dire, régit le travail de la

 25   police civile.


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  1   Par les articles 14 à 29 du décret créant la police civile, nous

  2   voyons que celle-ci dispose d'un système disciplinaire et d'un système de

  3   sanctions autonomes. Donc la police civile a son propre système pour

  4   prononcer des mesures disciplinaires ou imposer des sanctions.

  5   A ce stade, il importe maintenant de déterminer quelles étaient

  6   les tâches qui étaient accomplies par la police civile. C'est très

  7   important, car nous constaterons que celle-ci s'occupait de certaines

  8   missions dont nous avons parlé au cours de ce procès, et avait donc des

  9   tâches à remplir qui ont été imputées à notre client, le général Blaskic.

 10   Nous devrons revenir sur le code de procédure pénale de l'ex-Yougoslavie,

 11   lorsque nous traiterons de ce point, code qui a été repris, comme le

 12   Procureur l'a dit. Et ce code était applicable à tous les habitants. Mais

 13   comme l'a dit le juriste qui est intervenu ici en qualité de témoin : "Si

 14   tout le monde, si tout citoyen, pouvait porter plainte pour crime -ce

 15   témoin étant Mato Tadic, ancien ministre de Bosnie-Herzégovine- il a

 16   ajouté que : « de telles charges étaient, en général, tout de même

 17   prononcées par la police."

 18   Lorsque nous avons demandé à Mato Tadic, qui pouvait donner des

 19   ordres à la police civile, il a répondu que c'était des responsables, des

 20   policiers de haut grade appliquant des règlements internes de la police

 21   civile, conformes au code de procédure pénale, ainsi que le procureur et

 22   les tribunaux. Le colonel Blaskic selon Mato Tadic, et selon la pièce à

 23   conviction de la défense D584 -décret sur les affaires interne en temps de

 24   guerre- n'avait pas autorité sur la police civile.

 25   La question qui se pose maintenant est de savoir quelles étaient


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  1   les compétences de la police en temps de guerre. Est-ce qu’elle en avait ?

  2   Afin de répondre à cette question, il est très important d'examiner un

  3   certain nombre de pièces à conviction soumises par la défense au cours du

  4   procès. Une de ces pièces, une pièce volumineuse, est la pièce D450 qui a

  5   un certains nombre de divisions allant de A à K. Ce sont des documents du

  6   poste de police de Busovaca, qui ont été reconstitués. Enfin, si on

  7   applique à ces documents la méthode de la reconstitution, si on les

  8   examine de très près, on constate que la police civile avait un certain

  9   nombre de tâches, et que son principal domaine d'activité consistait à

 10   rechercher les auteurs de crimes commis par des personnes non identifiées.

 11   Ces crimes étant en premier lieu les explosions, l'incendie volontaire, le

 12   meurtre. Nous avons vu des extraits de dossiers de justice qui

 13   représentent la pièce à conviction D450. Sur la base de ces pièces, on

 14   constate que l'auteur du crime est un général non identifié et que la

 15   police civile mène l’enquête. Lorsqu'une explosion se produit, la police

 16   civile se rend sur les lieux. Nous avons entendu le témoignage de Katava,

 17   policier civil de Busovaca qui nous a expliqué quelles étaient ses tâches.

 18   Dans la pièce à conviction D450, on voit aussi que la police

 19   civile s'occupait aussi du déplacement des civils de la région. S'agissant

 20   d'un Musulman ou d'un Croate, s'il voulait quitter Busovaca, c'est la

 21   police civile qui enquêtait sur cette affaire, afin de savoir si c'était

 22   un acte qui allait se produire sous pression ou non ; parce qu'il faut

 23   savoir que la liberté de circulation n'était pas comparable à celle en

 24   temps de paix, c'était en temps de guerre. Nous avons fourni des documents

 25   à l'appui, des documents qui font partie de la pièce 450. Et ces documents 


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  1   montrent que c'est la police civile qui surveillait la circulation de la

  2   population civile à Busovaca. Il faut savoir que c'était ce que faisait la

  3   police civile à Busovaca et que, compte tenu du fait que la police civile

  4   est une entité unique, c'était de la même sorte que cela se passait à

  5   Vitez, à Kiseljak et à tout autre endroit où fonctionnait la police civile

  6   de la communauté croate Herceg-Bosna. Dans la répartition du travail, dans

  7   l'examen du fonctionnement de la police civile, la défense est allée même

  8   plus loin. Nous vous référons à la pièce de la défense D211.

  9   Un instant, s'il vous plaît.

 10   Excusez-moi. La pièce de l'accusation 451/2, cette pièce

 11   représente un rapport du gouvernement civil de la communauté croate de

 12   Herceg-Bosna pour l'année 1992, autrement dit le HVO qui figure en haut de

 13   cet organigramme. Dans ce rapport du gouvernement, les différents

 14   départements, en fait que l’on peut appeler ministères, font un rapport

 15   sur leur fonctionnement. A la lecture de ces rapports sur leur travail, on

 16   peut voir de quoi s'occupait chacun de ces départements au ministère.

 17   C'est ainsi que dans la pièce 457/2, pièce de l'accusation, nous verrons

 18   que la police civile se préoccupait avant tout de l'ordre public. Ici,

 19   nous voyons le nombre d'infractions, ce qui a été entrepris par la suite,

 20   etc…

 21   Je prie les interprètes de m'excuser, j'ai un petit peu

 22   accéléré.

 23   Comme je le disais, je ne rentrerai pas dans les statistiques,

 24   dans les détails des chiffres. Mais j'utilise ce rapport pour voir comment

 25   et ce que faisait la police civile pour reconstituer l'ensemble de leurs


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  1   tâches. Avant tout, la police civile s'occupe de l'ordre public.

  2   Le deuxième domaine de son activité c'est de combattre la

  3   criminalité. Alors, d'après son activité, le coeur de l'activité de la

  4   police civile est d'identifier ceux qui ont perpétré des actes criminels

  5   lorsqu'il s'agit d'un auteur inconnu ; donc la même donnée que nous avons

  6   vue dans les documents du poste de police de Busovaca, les documents que

  7   j'ai évoqués. La même chose est contenue dans la pièce de

  8   l'accusation 457/31. Il s'agit d'un rapport de ce quasi gouvernement de la

  9   communauté croate de Herceg-Bosna et ce, pour les six premiers mois de

 10   l'année 1993.

 11   Cela nous permet de conclure la chose suivante. Il ne fait aucun

 12   doute que la police civile était compétente pour identifier les auteurs

 13   inconnus de crime ou de délit. En outre, dans la même pièce de

 14   l'accusation, à savoir la pièce 457/2 à la page 24 de l'original, une

 15   autre activité de la police civile apparaît, à savoir identifier l'auteur

 16   d'un crime de guerre en 1992 et en 1993.

 17   Ensuite, la page suivante, la page 25 donc de la même pièce à

 18   conviction, il est dit et il est décrit quelles sont les activités de la

 19   police civile lorsqu'il s'agit d'identifier les auteurs de différents

 20   incendies et explosions. Il s'agit donc d'incendies de maisons et du fait

 21   de faire sauter des maisons. Il convient donc d’en déduire que la police

 22   civile était également compétente dans ce domaine. Par exemple, s'agissant

 23   des incendies, des explosions, que dit la police civile dans son rapport

 24   annuel pour l'année 1992 ?

 25   Au départ, il est dit que la situation en ce qui concerne la


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  1   protection contre les incendies et les explosions, que cette situation est

  2   très difficile. Le texte poursuit : "La situation présente est créée à

  3   cause des incendies volontaires et des explosions de la part de certains

  4   individus qui cherchent par ce moyen de cacher des actes qu'ils ont

  5   perpétrés au préalable."

  6   Monsieur le Président, nous reviendrons à cela demain et le

  7   lendemain. Mais nous avons entendu que la plupart des maisons ont été

  8   endommagées la nuit, et ce de la part des individus ou des groupes qui les

  9   ont incendiées. Mis à part Ahmici, nulle part ailleurs en Bosnie centrale,

 10   je veux dire dans l'enclave de Vitez et de Busovaca, là où se trouvait le

 11   colonel Blaskic, nulle part une unité militaire n'est venue pour incendier

 12   un village de manière organisée. Oui, il y a eu des incendies, mais

 13   pendant la durée des combats. Mais la plupart des maisons ont été brûlées

 14   par auteur inconnu, et ce à une date ultérieure. Je montre par ce document

 15   que c'est la police civile qui était compétente en la matière.

 16   L'accusation a affirmé que la situation factuelle était

 17   différente ; ils l'ont dit aujourd'hui et que c'est Blaskic qui commandait

 18   la police civile. Mais cela n'est pas exact.

 19   La pièce de la défense 211, du 17 mars 1993. C'est un ordre qui,

 20   entre autres, a été adressé également à la police civile, et au

 21   département, et au ministère de la Défense et à l'administration à

 22   Travnik. Ce qui ressort de cet ordre, points 1 à 6, il ressort que Blaskic

 23   donne des ordres à ces unités militaires et non pas à la police civile. Il

 24   ressort notamment du point 5 qu'il rend responsable de l'exécution de cet

 25   ordre les commandants des unités militaires et non pas la police civile.


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  1   De quoi s'agit-il ? Le colonel Blaskic, quelle était sa

  2   technique ? Elle est n'était peut-être pas tout à fait correcte d'un point

  3   de vue administratif : à savoir, à droite, il écrivait la liste de tous

  4   ceux à qui il adressait l'ordre, qu'il leur donne cet ordre ou qu'il les

  5   en informe. Or, il aurait été plus correct d'ajouter à la fin du document

  6   ceux à qui ce document est transmis pour information uniquement. Qu'il en

  7   est ainsi, je le prouverai à l'aide de la pièce de la défense 32. Donc

  8   Blaskic envoie son ordre au 3ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine, aux

  9   observateurs européens, à la Forpronu, ainsi que, bien entendu, à ses

 10   unités qu'il commande. Autrement dit la liste des récipiendaires de

 11   l'ordre ne signifie pas automatiquement que c'est à eux que l'ordre

 12   s'adresse. Cela ne veut pas dire que c'est Blaskic qui commande toutes ces

 13   instances.

 14   Je pense donc que nous avons défini clairement les domaines

 15   d'activité de la police civile. Ses domaines -et ce qui est

 16   particulièrement pertinent pour nous- sont les suivants : préserver

 17   l'ordre public, découvrir, identifier les auteurs de crime, notamment

 18   lorsqu'il s'agit de civils. Et en particulier, ce qui est pertinent pour

 19   nous, lorsque l'auteur du crime est inconnu, c'est la police civile qui

 20   intervient en premier ; c'est elle qui se charge de cette affaire en

 21   premier. C'est uniquement s'il s'avère qu'il s'agit d'un militaire qui a

 22   perpétré le crime, que ce dossier est transféré aux instances militaires,

 23   à la police militaire. C'était de même en Croatie.

 24   Pourquoi ? Parce que la police civile était une ancienne

 25   organisation bien rôdée, alors que la police militaire était en train de


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  1   se rôder. C'est en fait par un concours de circonstances qu'elle se

  2   retrouve être davantage une unité de combat qu'effectivement la police

  3   militaire. C'est la police civile qui se chargeait de la plupart des

  4   affaires. Ce que faisait la police civile, notamment, c'était enquêter sur

  5   des crimes de guerre, des incendies et des explosions ; c'est ce qui se

  6   produisait le plus souvent. Et ce qui est le plus important, Blaskic,

  7   conformément au décret qui régit le travail de la police civile et

  8   conformément à la déposition de Mato Tadic, un ancien procureur et

  9   ministre de la Justice de la Bosnie-Herzégovine, qui a témoigné ici,

 10   Blaskic n'avait aucun pouvoir sur la police civile.

 11   Le sujet que je souhaite aborder à présent est le tribunal

 12   militaire. Je parlerai également du procureur militaire. Nous avons

 13   mentionné ici uniquement le tribunal militaire, parce que, pour des

 14   raisons techniques, nous avons abrégé ce tableau, mais il s'agit bien

 15   entendu et du tribunal et du procureur. Le procureur militaire, par le

 16   décret sur les tribunaux de districts militaires dans la zone de la

 17   communauté croate d'Herceg-Bosna, la pièce D521. Ces tribunaux sont

 18   fondés, conformément au décret, sur les tribunaux militaires de district,

 19   sur le territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 20   Ce décret reste en vigueur durant la guerre et en état de danger

 21   imminent de guerre. Il est dit, dans ce décret, qu'il s'appliquera sur le

 22   travail des tribunaux la loi sur la procédure pénale en vigueur du temps

 23   de l'ex-Yougoslavie. Cela est dit à l'article 25. Il est dit dans ce

 24   décret-là ou dans la loi sur la procédure pénale -le tribunal est

 25   mentionné-, cela concerne le tribunal militaire. Là où, dans la loi sur la


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  1   procédure militaire, il est fait mention de la police, en état de guerre,

  2   cela concerne également, comme ils le disent, les organes de sécurité des

  3   forces armées. Or, les organes de la sécurité des forces armées, ce sont

  4   la police militaire et le SIS. La police militaire et le SIS ont tous les

  5   pouvoirs en tant que police, conformément à la loi sur la procédure

  6   pénale.

  7   En parlant du procureur, Mate Tadic a dit que la police était

  8   compétente afin de se charger de la phase préalable de la procédure

  9   pénale. C'était elle qui recueillait les premières informations. Par la

 10   suite, l'ensemble de l'affaire était remis entre les mains du procureur.

 11   Le procureur, quant à lui, pouvait, s'il le souhaitait, rejeter la

 12   plainte, s'il le souhaitait, il pouvait la redonner à la police, pour

 13   avoir des compléments d'information ou, en revanche, il pouvait dresser un

 14   acte d'accusation ; il pouvait également demander une enquête. Nous allons

 15   consulter un tableau qui résume cela.

 16   Nous voyons ici le résumé de cette procédure, en vertu de la loi

 17   sur la procédure criminelle.

 18   Lorsque le juge d'instruction a reçu cette demande d'enquête de

 19   la part du procureur, il décide de lancer l'instruction ou non. S'il

 20   décide de l'amorcer, c'est lui qui recueille les preuves et qui procède à

 21   l'audition des suspects et témoins, etc. Une fois l'enquête terminée, il

 22   rend l'affaire au procureur qui peut demander un complément d'enquête, qui

 23   peut renoncer à poursuivre la procédure ou qui peut dresser l'acte

 24   d'accusation. S'il dresse l'acte d'accusation, alors, c'est le tribunal de

 25   première instance qui juge. C'est le procureur qui représente à


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  1   l'accusation. C'est une procédure qui ressemble à celle-ci. Suite à un

  2   premier jugement, au niveau du tribunal de première instance, les deux

  3   parties ont la possibilité de se pourvoir en appel ; c'est la première

  4   instance d'appel qui décide, qui tranche. En cas d'acquittement, en cas

  5   d'acte de condamnation, l'accusé, le condamné va servir sa peine.

  6   Donc, le commandant de la zone opérationnelle n'avait aucun rôle

  7   dans la prise d'une quelconque de ces décisions : cela relevait

  8   exclusivement du procureur et du tribunal. Le commandant de la zone

  9   opérationnelle ne pouvait, n'avait aucun droit d'influer sur leur

 10   décision.

 11   Vous voyez ici quelques dispositions pertinentes de la

 12   pièce D521, pièce de la défense, qui crée le tribunal sur le territoire de

 13   la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 14   On voit comment sont créés les tribunaux. Il semblerait que le

 15   texte anglais n'apparaît pas.

 16   M. le Président. - J'en suis désolé, Maître Nobilo.

 17   M. Nobilo (interprétation). - Il s'agit de la même pièce D521.

 18   Pour qu'il y ait égalité des langues, nous verrons également la version

 19   anglaise.

 20   Quant au Procureur adjoint, au niveau de l'Etat, en état de

 21   guerre ou de danger imminent de guerre, conformément à la pièce D521,

 22   cette personne est nommée par la présidence de la HZHB, donc il s'agit du

 23   quasi Parlement et ce sur proposition du responsable de la Défense,

 24   ministre de la Défense, et ce conformément au décret pertinent.

 25   S'agissant du Tribunal suprême de la HZHB, c'est également la


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  1   présidence qui intervient et le même décret régit que ces tribunaux sont

  2   indépendants et sont liés par la constitution et les lois. C'est ce qui

  3   ressort de l'article 2.

  4   Il ressort de la pièce D521 que Blaskic non seulement ne pouvait

  5   pas influer sur la procédure pénale, mais qu'il ne pouvait absolument pas

  6   intervenir dans la nomination, dans le fonctionnement de la justice parce

  7   que ces instances étaient nommées par ce quasi Parlement et sur

  8   proposition du ministre de la Défense et ne faisaient pas partie

  9   intégrante du département de la Défense de la HZHB. Bien sûr, les

 10   tribunaux sont indépendants en vertu de la loi.

 11   D'après la déposition de Tadic, ce qui est tout à fait clair

 12   d'après la loi, Blaskic ne pouvait pas influer sur la procédure de prise

 13   de décision des tribunaux ni sur la nomination que ce soit des juges ou

 14   des procureurs.

 15   Aujourd'hui, l'accusation est entrée dans les détails de

 16   l'article 27 du décret sur les tribunaux militaires de district sur le

 17   territoire de la HZHB. Le Procureur, en citant cet article, a voulu

 18   montrer qu'il y avait un certain nombre de conséquences qui en découlaient

 19   pour le colonel Blaskic et ce dans le domaine de la procédure pénale et

 20   des sanctions des auteurs de crime, des criminels.

 21   Cependant, le témoin Tadic, qui est un expert, ex-ministre de la

 22   Justice, ex-Procureur, a dit que cet article était fondé sur une hypothèse

 23   de base, à savoir que l'auteur de l'acte criminel est connu. Un exemple

 24   cité par lui : "Lorsque quelqu'un commettait un homicide dans une unité,

 25   sous un commandant –chacun sachant qui est l'auteur du crime-, c'est le


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  1   commandant qui est tenu d'arrêter cet homme et de garantir la sécurité sur

  2   le lieu du crime. Mais le commandant doit attendre que le Procureur se

  3   rende sur les lieux du crime, ainsi que le juge d'instruction pour leur

  4   remettre cette affaire."

  5   A la page 17365, Mato Tadic dit que le commandant doit réunir

  6   les informations si l'auteur est connu. S'il est inconnu, il doit alors

  7   remettre l'affaire à l'organe compétent.

  8   Sur la base de l'article 27, le commandant ne peut détenir que

  9   temporairement l'auteur du crime lorsqu'il sait qui il est. Il y a eu des

 10   interprétations différentes des lois de l'ex-Yougoslavie. Aujourd'hui, le

 11   Procureur a essayé de comparer l'article 27 à l'ancien article 191 du code

 12   de la procédure pénale où il est question des conditions de détention

 13   criminelle. Mais ce genre d'analogie ne peut pas se faire parce que le

 14   commandant peut détenir temporairement celui qui a perpétré un crime, donc

 15   l'auteur d'un crime connu. Tandis que l'ancien article 191 parle de

 16   détention des personnes contre lesquelles il y a un début de procédure

 17   pénale. Conformément à la loi sur la procédure criminelle, c'est

 18   uniquement le juge qui peut décider de la détention.

 19   Nous avons donc l'article 27 du décret et l'article 191 du code

 20   de la procédure pénale. L'article 27 permet au commandant de détenir

 21   provisoirement l'auteur d'un crime, alors que l'article 191 donne le droit

 22   au juge, et uniquement au juge, de faire arrêter l'auteur.

 23   Nous avons entendu dire que c'est Pasko Ljubicic qui l'empêchait

 24   de mener l'enquête et qu'il n'avait qu'à l'arrêter. Mais cette

 25   interprétation et cette déduction sont fausses. Pourquoi ?


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  1   Parce qu'on peut priver quelqu'un de liberté, en vertu de

  2   l'article 191, s'il y a danger d'entraver l'enquête uniquement si une

  3   procédure est déjà engagée contre cet individu. Autrement dit, une

  4   personne tierce ne peut pas être privée de liberté sur cette base-là. Afin

  5   de mener l'enquête, la demande du Procureur compétent est nécessaire,

  6   ainsi que la décision du juge d'instruction. La condition juridique est

  7   l'existence des preuves prima facie. Ce n'est qu'à ce moment-là, s'il y a

  8   danger que ce suspect entrave l'enquête, qu'il est possible de le détenir.

  9   Autrement dit, pour conclure, s'agissant de la procédure pénale,

 10   s'agissant des juges et des procureurs, Blaskic n'avait aucune compétence

 11   en matière de procédure pénale si ce n'est, lorsqu'il s'agit d'un auteur

 12   connu qui se trouvait sur les lieux des crimes, de le détenir et, après

 13   une détention très brève, de le remettre entre les mains du Procureur et

 14   du juge d'instruction. Il ne le pouvait à aucun stade de la procédure

 15   pénale. Il n'avait pas ce droit en vertu de la loi et il ne pouvait

 16   nullement influer sur la nomination des juges ou des procureurs, des juges

 17   ou des procureurs qui, comme cela figure sur notre premier schéma…

 18   Excusez-moi, j'ai quelques problèmes techniques.

 19   Comme cela figure sur notre premier schéma, les tribunaux et les

 20   procureurs sont liés au ministère de la Justice ainsi qu'aux structures

 21   civiles et ne font pas partie intégrante de la zone opérationnelle de

 22   Bosnie centrale.

 23   Je souhaite à présent parler des prisons et des prisonniers de

 24   guerre. Il en a été question amplement, ici. La prison figure ici, au sein

 25   de cet organigramme. On voit, d'après ces lignes jaunes, que la prison


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  1   était sous la compétence du ministère de la Justice ainsi que du ministère

  2   de la Défense.

  3   En effet, en situation de guerre, dans la zone opérationnelle de

  4   Bosnie centrale,  ou plutôt sur le territoire de cette zone

  5   opérationnelle, une seule prison exacte, celle de Kaonik. Des civils

  6   étaient envoyés à Kaonik qui avaient été détenus pendant l'enquête ou que

  7   le Tribunal condamnait à une peine de prison. Donc c'était une prison

  8   civile. Dans le même temps, c'était une prison militaire puisqu'il y a eu

  9   des militaires qui, d'après les décisions des tribunaux militaires, ont

 10   été envoyés dans cette prison. C'était également un endroit où des mesures

 11   disciplinaires étaient prononcées, où des peines disciplinaires étaient

 12   servies. Des prisonniers de guerre ont été également installés au sein de

 13   cette prison.

 14   Donc c'était en fait un camp de prisonniers de guerre et, hélas,

 15   il y a eu des civils également là-bas. Plutôt, il y a eu des hommes en âge

 16   de combattre, quel que soit le statut qu'on leur attribuera.

 17   D'après la déposition de Mato Tadic, il ressort que la Bosnie-

 18   Herzégovine, en tant que République ex-yougoslave avait sa propre loi sur

 19   les sanctions pénales. Il ressort également que la présidence de Bosnie-

 20   Herzégovine a voté un décret sur l’application de cette loi, sur les

 21   sanctions pénales pendant la guerre. Conformément à ce décret, dans le

 22   cadre des prisons civiles, ce sont des départements des sections

 23   militaires qui ont été créés, donc faisant partie de prisons civiles. Donc

 24   la prison dans la partie où se trouvaient les civils était sous la

 25   compétence du ministère de la Justice, d’après ce qu'a dit le témoin


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  1   Tadic ; la partie militaire était placée sous la compétence du ministère

  2   de la Défense.

  3   D'après l’ex-ministre Tadic, le colonel Blaskic n'avait aucun

  4   pouvoir, ni sur la première ni sur la deuxième partie civile ou militaire

  5   parce qu’elles étaient directement subordonnées au ministère de la Justice

  6   ou le ministère de la Défense ; autrement dit, ne représentait pas une

  7   partie de la zone opérationnelle de la Bosnie centrale ou d'une zone

  8   opérationnelle quelconque.

  9   Quelle était la situation concernant les prisonniers de guerre ?

 10   Il s'agit de détenus ou d'arrêtés particulièrement intéressants pour nous.

 11   Le décret sur le traitement des personnes ayant été faites prisonnières

 12   -il s'agit de la pièce de l'accusation 38/2- il s'agit donc de prisonniers

 13   des conflits de guerre. C'est un décret de la communauté croate d’Herceg-

 14   Bosna. Que dit ce décret ? Que le chef du département de la Justice, en

 15   coopération avec le chef du département du ministère de la Défense, et

 16   département de l'Intérieur,… Donc trois ministères, nous parlons ici de

 17   trois ministères qui conjointement décident de l'endroit où seront placés

 18   les prisonniers de guerre. S'agissant de ces camps pour les prisonniers de

 19   guerre, eux sont gérés par le département de la Défense, l’administration

 20   de la police militaire. C'est donc la pièce de l'accusation 38/2.

 21   Mato Tadic dit que le commandant de la zone opérationnelle

 22   n'avait aucun pouvoir sur les camps où étaient détenus les prisonniers de

 23   guerre ou, de manière plus générale, les personnes qui étaient faites

 24   prisonnières durant les conflits armés, comme on le voit à la page 17213

 25   de sa déposition. Il dit même : “ S'il y a eu des camps pour les


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  1   prisonniers de guerre, des camps ad hoc sans décision préalable de ces

  2   trois ministres, dans ces cas-là, par analogie, c'est la police militaire

  3   qui gère ces endroits ”.

  4   Les prisonniers de guerre et la détention des prisonniers, les

  5   camps ou les prisons pour les prisonniers de guerre s’ils étaient placés

  6   sous la police militaire, cela ressort de la pièce 457/1. Il s'agit de la

  7   brochure sur les trois années dans la vie de la police militaire.

  8   Je me reporte à l’original croate, page 14 ; il est dit : “ La

  9   mise en place du cessez-le-feu avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, suite à

 10   la signature de l'accord de Washington, suite à l'échange et à la

 11   libération des prisonniers de guerre, ainsi que par la création de la

 12   police judiciaire en juin 1994, il y a eu démantèlement de l'unité où

 13   étaient détenus les prisonniers de guerre. C'est Bozic qui était son

 14   commandant. Ainsi la police militaire ne contient plus que deux

 15   compagnies ”.

 16   Page 20, même pièce, il est dit : “ La compagnie chargée de

 17   garantir la sécurité de l’endroit où sont hébergés les prisonniers de

 18   guerre prend en soin les prisonniers de guerre ”. Il en ressort qu'il

 19   s'agit de la police militaire. C'est la pièce de l'accusation qui est la

 20   pièce sur les trois années de la police militaire.

 21   Pour ne pas continuer à multiplier les exemples, je pense que

 22   nous pouvons conclure que, conformément à l'accord du 3 juillet 1993, les

 23   endroits où étaient détenus les prisonniers de guerre étaient gérés et

 24   sous la compétence du département de la Défense, autrement dit

 25   l’administration de la police militaire. Nous le verrons plus tard,


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  1   l'administration de la police militaire était à l'extérieur de la

  2   structure de la zone opérationnelle. Elle n'est pas citée, la surveillance

  3   des prisonniers de guerre ne figure parmi les tâches quotidiennes de la

  4   police militaire sur lesquelles Blaskic avait un certain nombre de

  5   compétences. Elle n’y figure pas et Blaskic n'avait donc aucune compétence

  6   en la matière.

  7   Que l'on parle de prisonniers civils, de prisons civiles, de

  8   prisons militaires ou d'endroits où sont gardés les prisonniers de guerre,

  9   dans ces trois cas de figure, Blaskic n'avait pas sous ses ordres ces

 10   prisons dans sa filière de commandement. Les prisons ne faisaient pas

 11   partie de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Par conséquent,

 12   Blaskic n'avait pas le pouvoir de commandement sur la prison de Kaonik,

 13   que l'on parle ici des sections civiles, militaires ou de la section où

 14   étaient gardés les prisonniers de guerre dans cette prison.

 15   Si Blaskic est intervenu, ce qu'il a fait par le biais de

 16   certains ordres adressés à Kaonik, il l'a fait de sa propre initiative. Il

 17   a utilisé le pouvoir du commandement afin d'exiger que ces prisonniers

 18   soient traités de façon humaine et pour rappeler qu’il était nécessaire de

 19   respecter les conventions de Genève. C’est seulement dans ces cas-là qu’il

 20   a adressé un courrier à la prison de Kaonik.

 21   Domaine suivant : il est à mes yeux des plus importants. Il

 22   s'agit de l'unité des Vitezovi. Aujourd'hui, ou plutôt hier, le Procureur

 23   qui répétait ces propos aujourd'hui, a dit quelque chose d'intéressant.

 24   Nous serions enclins à nous ranger à son avis, à savoir que les Vitezovi

 25   avaient mis leur empreinte sur pratiquement chacun des crimes commis sur


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  1   les Musulmans en Bosnie centrale. Cela, c'est vrai. Le général Blaskic a

  2   cité beaucoup de catégories, il a parlé de Bucici, Pavlovic et du

  3   bataillon de punition ; ce sont des unités professionnelles reliées au

  4   ministère de la Défense par un accord contractuel.

  5   Il y avait, au commandement, le chef de la section de la Défense

  6   et le chef de l'état-major principal. Blaskic a affirmé que les Vitezovi

  7   n'étaient pas rattachés à lui. C’est ce qu’a corroboré le général de

  8   brigade Marin.

  9   Il nous reste dix minutes ce soir. Et puisque je vais maintenant

 10   procéder à une analyse de la déposition du général Petkovic, je me permets

 11   de vous demander de passer à huis clos partiel, Monsieur le Président.

 12   M. le Président. - D'accord. Monsieur le greffier ?

 13   Audience à huis clos partiel

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 25   M. le Président. - Parfait, l'audience est levée, elle reprendra


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  1   demain matin à 10 heures.

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