Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 31 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

6 Monsieur Bezruchenko, je souhaite vous rappeler de votre déclaration

7 solennelle qui s'applique encore.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Oui, je m'en souviens.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant, Maître Mettraux, que vous ne

10 vous lanciez dans le débat, est-ce que nous pouvons demander dans combien

11 de temps vous croyez terminer ?

12 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Je pense que pour le bien de tout le monde, je vais essayer de terminer au

14 cours de la journée. J'ai l'impression --

15 [Albanais sur canal anglais]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maintenant, nous avons l'anglais sur

17 4.

18 Je pense que vous pouvez poursuivre, Maître Mettraux.

19 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 La Défense de M. Boskoski essaiera de terminer le contre-interrogatoire

21 aujourd'hui; cependant, compte tenu du nombre important de questions qui

22 vont être soulevées, il est possible que nous terminions demain. Cependant,

23 nous allons essayer de terminer aujourd'hui, puisque nous avons raccourci

24 nos questions déjà dans une grande mesure. Mais peut-être nous devons avoir

25 une session supplémentaire demain.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux, nous vous avons

27 accordé toute la liberté, je crois que vous appréciez cela, le contre-

28 interrogatoire a duré depuis longtemps déjà. Je pense qu'il est très peu

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1 possible que vous devriez continuer demain.

2 M. METTRAUX : [interprétation] Nous sommes conscients de cela et nous

3 apprécions le temps que nous avons reçu pour le contre-interrogatoire.

4 Cependant, je crois que le matériel qui fait l'objet du contre-

5 interrogatoire concernant plusieurs questions demande un certain temps.

6 Mais, comme je l'ai déjà dit, nous allons essayer de raccourcir le contre-

7 interrogatoire et nous allons essayer de terminer aujourd'hui au cours de

8 la journée.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis-je vous faire clairement

10 comprendre que vous ne devriez pas supposer que vous pourrez continuer

11 demain.

12 M. METTRAUX : [interprétation] Merci de l'avoir indiqué.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il faut être très discipliné par

14 rapport au temps aujourd'hui.

15 M. METTRAUX : [interprétation] Merci.

16 LE TÉMOIN: VIKTOR BEZRUCHENKO [Reprise]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 Contre-interrogatoire par M. Mettraux : [Suite]

19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bezruchenko.

20 R. Bonjour.

21 Q. Vous vous souvenez qu'hier à la fin de la journée nous avons parlé du

22 mois de février; est-ce exact ?

23 R. Oui.

24 Mais avant de commencer ma déposition, je demanderais à l'huissier de

25 m'aider avec le bon canal d'interprétation.

26 Q. Est-ce que vous pouvez suivre en anglais ?

27 R. Oui.

28 Q. Très bien. Nous allons maintenant parler de la fin du mois de février

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1 2001, Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous avez vu des éléments de preuve

2 documentaire portant sur un quelconque ordre de l'ALN au cours de la

3 période de février 2001 ?

4 R. Je vous serais reconnaissant de m'indiquer le paragraphe concret et la

5 page.

6 Q. Monsieur Bezruchenko, je ne pense pas qu'il y ait eu une référence dans

7 votre rapport par rapport à cela. Est-ce que vous êtes au courant d'un

8 quelconque élément de preuve documentaire portant sur un ordre émanant de

9 l'ALN au cours de la période de février 2001 ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous savez s'il existe une carte des opérations de l'ALN

12 portant sur la période de février 2001 ?

13 R. Non.

14 Q. Avez-vous vu des éléments de preuve documentaire indiquant que l'ALN,

15 en février 2001, avait adopté des lois ou règlementations visant à régir

16 ses activités ?

17 R. J'ai vu un nombre de règlements portant sur les activités de l'ALN; il

18 serait cependant difficile de déterminer à quelle date en particulier ils

19 ont été élaborés et adoptés.

20 Q. Merci beaucoup, Monsieur Bezruchenko.

21 Peut-on passer maintenant au mois de mars 2001 ?

22 M. METTRAUX : [interprétation] Je demanderais au greffe tout d'abord de

23 montrer la pièce P466, peut-on passer à la page 466 [comme interprété] du

24 rapport de M. Bezruchenko, s'il vous plaît ?

25 Q. Monsieur Bezruchenko, est-ce qu'il est exact de dire que vous avez

26 décrit ce que vous appelez les opérations de l'ALN comme se déroulant au

27 cours du mois de mars 2001, aux paragraphes 170, 171 et 172 de votre

28 rapport ? Est-ce exact ?

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1 R. Les opérations de l'ALN en mars 2001 ont été décrites aux paragraphes

2 170, 171, 172; cependant cette description ne se limite pas seulement à ces

3 paragraphes-là. Les actions de l'ALN au cours de ce mois-ci sont décrites

4 aussi dans la cinquième partie de mon rapport qui porte sur la

5 "Chronologie", je vais vous aider avec l'indice des pages et des

6 paragraphes.

7 En réalité, ces actions sont décrites dans les paragraphes allant du

8 paragraphe 9 --

9 Q. A 41 ?

10 R. Au paragraphe 41 de la section numéro 5 de mon rapport.

11 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko.

12 Avant de commencer avec le mois de mars, est-ce que vous vous souvenez des

13 éléments de preuve indiquant que l'ALN, à votre avis, a participé à une

14 guerre dite asymétrique ? Vous vous en souvenez ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Est-ce que vous vous souvenez également que son mode d'opération

17 préféré était le sabotage ou des "opérations embuscades" ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez que dans le contexte d'un conflit armé

20 asymétrique ou différent, les embuscades sont une méthode de guerre assez

21 souvent appliquée ?

22 R. C'est une méthode de guerre classique; en fait, pour être plus précis,

23 il s'agit de la tactique classique depuis la nuit des temps et dans toutes

24 les armées du monde.

25 Q. S'agit-il aussi en principe d'une méthode légitime de guerre ? Est-ce

26 exact ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Je vais vous demander maintenant de vous pencher sur le paragraphe 170

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1 de votre rapport, s'il vous plaît, page 46. Vous dites que le 14 mars 2001,

2 près du village de Tanusevci, deux soldats de l'armée ont été tués en

3 raison d'une mine et une troisième personne a été abattue par un tireur

4 embusqué. Est-ce que vous voyez cela ?

5 R. Je vois ce qui est dit dans le paragraphe 170. Il y est dit : "Les

6 combats dans la zone de Tanusevci se sont poursuivis. Le 4 mars, deux

7 soldats de l'ALN ont été tués par une mine dans la région." C'est ce qui y

8 est dit.

9 Q. Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous avez une idée de la question de

10 savoir quels étaient les auteurs de ces crimes ?

11 R. Puisque l'ALN apparemment a été active dans la région, logiquement on

12 peut se dire que la mine avait été posée par l'ALN.

13 Q. Est-ce que vous savez combien de personnes avaient participé à

14 cette opération concernant cette pose de mines ?

15 R. Il n'est pas nécessaire d'avoir un grand nombre de personnes pour poser

16 une mine et il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de temps pour une

17 telle opération.

18 Q. Qu'en est-il de l'incident de tireurs embusqués, est-ce que vous savez

19 combien de personnes doivent y participer ?

20 R. Je ne le sais pas et en réalité ce n'est peut-être pas dans mes

21 intentions de me concentrer sur cette action en particulier.

22 Q. Est-ce qu'il est exact de dire, Monsieur Bezruchenko, que loin de

23 pouvoir considérer qu'il s'agit là d'actes légitimes de guerre, ces

24 meurtres des membres des forces de sécurité macédonienne ont, en réalité,

25 été condamnés comme des actes criminels ou terroristes ? Est-ce exact ?

26 R. Les aspects légaux du conflit, comme je l'ai déjà souligné au cours de

27 ma déposition, de même que les condamnations venant des organisations non

28 gouvernementales, des entités politiques, et ainsi de suite ne faisaient

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1 pas partie de mes buts principaux pendant que je rédigeais mon rapport.

2 Q. Monsieur Bezruchenko, je vais vous arrêter là momentanément, vous

3 suggérez que ceci concerne les aspects juridiques du conflit; ne seriez-

4 vous pas d'accord pour dire que les déclarations faites par un nombre

5 d'Etats et d'organisations internationales par rapport à ce que vous

6 considérez comme des actions légitimes reflètent les opinions de ces Etats

7 et de ces organisations portant sur la question de savoir si on peut

8 considérer cela comme un conflit armé ou pas ? Est-ce que vous êtes

9 d'accord avec cela ?

10 R. Avant de continuer, est-ce que l'huissier pourrait m'aider pour pouvoir

11 suivre le compte rendu d'audience à l'écran, s'il vous plaît.

12 Q. Pourriez-vous répéter la question, Monsieur Bezruchenko ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que lorsque vous suggérez que ceci a trait aux "aspects

15 juridiques" du conflit, n'êtes-vous d'accord pour dire que les déclarations

16 faites par un nombre d'Etats ou d'organisations internationales concernant

17 la question de savoir s'ils considéraient cela comme légitime ou pas

18 reflètent les opinions de ces Etats ou organisations au sujet de qu'ils

19 considèrent être un conflit armé ou pas ?

20 R. Visiblement, c'est le cas, Monsieur; mais en réalité, je suis ici afin

21 de discuter de mon rapport.

22 Q. Mais la question, Monsieur Bezruchenko, est liée au fait qu'il y a eu

23 des douzaines peut-être des centaines de déclarations faites par des Etats

24 différents, des organisations internationales différentes au cours de

25 l'ensemble de la période de crise de 2001, clairement indiquant qu'à leur

26 avis, il n'y a pas eu de conflit armé en Macédoine à l'époque, et vous

27 n'avez pas cité une seule de telles déclarations. Est-ce exact ?

28 R. En réalité, je me suis concentré surtout sur l'opinion professionnelle

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1 des experts militaires plutôt que sur les points de vue exprimés par des

2 organisations non gouvernementales et internationales.

3 S'agissant du fait que je n'ai pas vraiment cité une quelconque de ces

4 déclarations, ceci n'est tout simplement pas exact car j'ai cité au moins

5 plusieurs de telles déclarations dans mon rapport, notamment les rapports

6 de presse dans la section 5, la "chronologie" qui parle clairement de la

7 condamnation de la communauté internationale de certains actes commis en

8 Macédoine.

9 Q. Nous allons voir quelle était la réaction de la communauté

10 internationale de ce que vous appelez l'opération de l'ALN à Tanusevci lors

11 de laquelle trois personnes ont été tuées travaillant dans le domaine de la

12 sécurité.

13 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce à

14 conviction 1D230, s'il vous plaît.

15 Q. Monsieur Bezruchenko, il s'agit là d'une déclaration présidentielle du

16 président du Conseil de sécurité des Nations Unies, la date du document est

17 le 7 mars 2001.

18 Je vais vous demander tout d'abord d'examiner le premier paragraphe de ce

19 document qui commence par les mots : "Le Conseil de sécurité, ce soir;"

20 est-ce que vous voyez cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Il est dit comme suit : "Le Conseil de sécurité, ce soir, a fortement

23 condamné la violence récente de la part des extrémistes albanais armés au

24 nord de l'ex-République Yougoslave de Macédoine et en particulier le

25 meurtre de trois soldats dans ce pays dans la zone Tanusevci." Est-ce que

26 vous voyez cela ?

27 R. Oui, je vois.

28 Q. Avez-vous fait référence à cette condamnation particulière dans votre

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1 rapport, si vous pouvez vous en souvenir ?

2 R. Je ne me souviens vraiment pas, Maître Mettraux.

3 Q. Mais vous êtes d'accord, n'est-ce pas, pour me dire que ces actes n'ont

4 pas été caractérisés par le Conseil de sécurité comme des actes légitimes

5 de guerre de l'ONU comme vous l'avez dit, mais en tant que violence de la

6 part des extrémistes albanais armés. Est-ce que vous êtes d'accord avec

7 cela ?

8 R. Oui, clairement ceci est un fait, c'est clairement ce qui est écrit

9 dans cette déclaration.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on montrer maintenant la page N000-

11 N4023 [comme interprété].

12 Q. Si vous voyez un commentaire du représentant de la Norvège. Est-ce

13 qu'il est exact de dire que le représentant norvégien a condamné toutes les

14 attaques dans la région qui mettaient à mal à la fois la sécurité interne

15 et régionale; est-ce que vous voyez cela ?

16 R. Oui, je vois cela.

17 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante, s'il vous

18 plaît.

19 Q. Si vous examinez cette page, vous verrez ce que dit le représentant du

20 Mali qui a exprimé la préoccupation profonde de son gouvernement par

21 rapport à la violence croissante, et a fermement condamné les actions

22 illégales et violentes terroristes de la part des extrémistes albanais,

23 notamment la mort des trois soldats.

24 Vous voyez cela ?

25 R. Oui, je vois.

26 M. METTRAUX : [interprétation] Examinez un peu plus loin la page suivante.

27 Q. En haut de la page, nous avons le représentant de la Suède qui parle au

28 nom de l'Union Européenne. Le représentant de la Suède a condamné le nombre

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1 croissant des incidents dans la région y compris l'attaque des extrémistes

2 albanais du 4 mars près du village de Tanusevci qui a eu pour résultat la

3 mort de trois soldats.

4 Est-ce que vous voyez cela ?

5 R. Oui, je vois.

6 Q. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de lire toutes ces déclarations,

7 Monsieur Bezruchenko, mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire

8 que la position de la communauté internationale, telle qu'elle a été

9 représentée par des Etats différents représentés dans le Conseil de la

10 sécurité à l'époque, reflétait le fait qu'à leur avis ce qui se passait, au

11 moins s'agissant de Tanusevci, n'était pas un conflit armé avec des actes

12 de guerre légitimes, mais un acte de terrorisme et extrémisme ? Est-ce que

13 vous êtes d'accord avec cela ?

14 R. Maître Mettraux, je ne suis pas sûr que je peux vous donner une

15 qualification appropriée par rapport à cette question particulière, car

16 comme vous le savez, je suis ici en tant qu'expert militaire et non pas un

17 expert politique ou juridique.

18 Q. Mais, Monsieur Bezruchenko, encore une fois, vous êtes d'accord pour

19 dire, n'est-ce pas, que la pratique des Etats par rapport à ce qu'ils

20 considèrent comme un conflit armé est pertinent à la fois dans le domaine

21 juridique et dans le cadre des analyses militaires que vous fournissez.

22 Est-ce exact ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Est-ce que vous êtes d'accord aussi pour dire qu'aucune de ces

25 déclarations faites par tous les Etats, ou au moins tous les Etats que je

26 vous ai cités, et d'ailleurs aucune dans le document qui est devant vous ne

27 suggère que la situation en Macédoine s'élevait à un conflit armé, ou qu'il

28 fallait considérer que l'ALN était une partie au conflit armé. Est-ce que

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1 vous êtes d'accord avec cela ?

2 R. Est-ce que vous pouvez me rappeler la date de cette déclaration ?

3 Q. C'était le 7 mars 2001.

4 R. A ce stade-là, en réalité, le conflit n'avait pas encore pris

5 totalement son ampleur, et peut-être que ceux qui rédigeaient ce document

6 avait des raisons de décrire cela comme une escalade des incidents et de la

7 violence. Cependant, je ne pense pas que ceux qui rédigeaient réellement ce

8 document avaient accès à toutes les informations pertinentes qui ont fait

9 surface seulement bien plus tard et, bien sûr, certains organes

10 gouvernementaux de la République de la Macédoine, comme la direction

11 chargée de la sécurité et du contre-espionnage, par exemple, connaissaient

12 bien mieux ce qui se passait dans la région montagneuse de la frontière

13 avec le Kosovo en mars 2001.

14 Ce qui est clair d'après ce document est que l'ALN consultait ces

15 forces de manière sérieuse dans la région, et l'ALN s'efforçait d'ouvrir

16 plusieurs fronts, y compris dans la région de Tetovo et dans la région de

17 Kumanovo.

18 Q. Monsieur Bezruchenko, si je vous ai bien compris, vous dites qu'à cette

19 époque-là, il y a eu un conflit en Macédoine mais qu'aucun membre du

20 Conseil de sécurité des Nations Unies n'en était au courant. Est-ce bien

21 votre déposition ?

22 R. Ma déposition est qu'en mars 2001 les connaissances au sujet de la

23 réalité d'un conflit armé en Macédoine étaient assez limitées, elles se

24 limitaient à un nombre de facteurs internationaux et d'organisations

25 internationales. Peut-être très peu de personnes étaient vraiment au

26 courant de ce qui se passait en réalité.

27 Q. Nous allons aller un peu plus loin dans le temps et voir si ceci

28 devient clair avec le temps.

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1 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce à

2 conviction ID880 en vertu de l'article 65 ter ?

3 Q. Monsieur Bezruchenko, c'est une déclaration de la part du président du

4 Conseil de sécurité des Nations Unies. Encore une fois, en date du 12 mars

5 2001, quelques jours plus tard, et ceci constitue une réponse à une lettre

6 du 4 mars 2001 envoyée par le représentant permanent de la Macédoine au

7 Conseil de sécurité. Je souhaite attirer votre attention sur le deuxième

8 paragraphe dans ce document qui commence par : "Le Conseil de sécurité

9 condamne fermement."

10 Vous voyez ?

11 R. Oui.

12 Q. Voici ce qu'a dit le président du Conseil de sécurité : "Le Conseil de

13 sécurité condamne fermement les violences récentes provoquées par les

14 extrémistes albanais armés au nord de l'ancienne République yougoslave de

15 Macédoine et, en particulier, le meurtre de trois soldats des forces armées

16 de l'ancienne République yougoslave de Macédoine dans la Région de

17 Tanusevci. Le Conseil regrette que la violence continue et invite à ce que

18 l'on y mette fin immédiatement."

19 Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que, s'agissant du document

20 précédent, il n'est pas question d'un conflit armé -- des parties

21 participant à un conflit armé, mais des extrémistes albanais armés qui

22 utilisent la violence qui a été condamnée par le Conseil de sécurité. Est-

23 ce que vous êtes d'accord avec cela ?

24 R. Je suis d'accord avec cela, mais ceci ne veut pas dire nécessairement

25 que ce document à lui tout seul devrait cacher d'autres faits en réalité.

26 Je vais vous rappeler, Monsieur, que dans d'autres documents comme

27 les articles parus dans des magazines, dans des revues militaires

28 professionnelles, comme Jane's Magazine par exemple, dès mars 2001, on

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1 identifie ces opérations. Ce qui ressort clairement de ces documents, et

2 notamment des décisions présidentielles, la consolidation de l'armée en

3 Macédoine près de la frontière avec le Kosovo a commencé en réalité en

4 février 2001, alors que les opérations ont eu lieu en mars 2001.

5 Q. Je vais vous arrêter là, Monsieur Bezruchenko. Brièvement nous

6 allons procéder au pas à pas.

7 Nous allons continuer à parler du mois de mars, et revenir à votre

8 rapport.

9 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit de la pièce 466, page 46, s'il

10 vous plaît.

11 Q. C'est à la page 46 ?

12 R. Oui, je suis à la page 46.

13 Q. Je vais vous demander d'examiner le paragraphe 170, Monsieur, c'est là

14 que vous évoquez les incidents qui se sont déroulés dans le village de

15 Tanusevci.

16 Tout d'abord, est-ce que vous savez combien de gens ont participé du côté

17 de l'ALN dans les opérations qui ont eu lieu autour de Tanusevci ?

18 R. J'ai vu de nombreux documents macédoniens, qui venaient de la direction

19 de la sécurité et du contre-renseignement, qui proposaient plusieurs

20 évaluations en ce qui concerne la force de l'ALN à différentes étapes du

21 conflit. Il serait difficile de trouver un document particulier pour

22 illustrer ce que vous venez de mentionner.

23 Mais mon évaluation est basée sur un certain nombre de documents

24 macédoniens, et il s'agit des nombreux documents qui indiquent qu'il y a eu

25 plusieurs centaines d'hommes qui ont participé d'une façon ou d'une autre à

26 ces opérations.

27 Q. Est-ce que vous pouvez nous trouver cela dans votre rapport ? Est-ce

28 que vous pourrez nous montrer à quel point de votre rapport vous vous

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1 référez à des documents qui font état de plusieurs centaines d'hommes

2 participant aux opérations ?

3 R. Un instant, Monsieur.

4 Les documents les plus pertinents par rapport à cela vont comme cela : tout

5 d'abord, le livre écrit par un expert macédonien --

6 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] -- "La guerre en Macédoine en 2001." J'espère

8 que vous connaissez ce livre. Ensuite le document 65 ter, 12, intitulé "Les

9 informations sur les canaux illégaux des combattants de l'ALN et du Kosovo,

10 ainsi que des armes", en date du 23 mars 2001. Ensuite le document 65 ter

11 10134, "Evaluation de la situation au point de vue sécurité par rapport aux

12 actions de la prétendue ALN dans la région de crise de Skopje."

13 Q. Est-ce que vous avez cité les documents qui nous donnent vraiment les

14 chiffres, ou est-ce qu'il s'agit là de documents qui parlent tout

15 simplement de l'opération à Tanusevci ?

16 R. Vous y trouvez aussi les chiffres, et si vous voulez, quand on compare

17 ces chiffres, on trouve un point de vue, une analyse, une interprétation et

18 ils parlent de plusieurs centaines de combattants qui opèrent dans la

19 région du nord de Macédoine, y compris Tanusevci.

20 Q. Pourriez-vous nous dire combien de villageois habitaient Tanusevci

21 normalement ? Est-ce qu'on pourrait dire qu'il y avait entre 350 à 700

22 hommes, à l'époque ?

23 R. Oui, je dirais qu'il y en avait à peu près 350, c'est plus proche de ce

24 chiffre-là.

25 Q. Est-ce que vous êtes au courant de l'existence de victimes suite aux

26 combats du côté de l'ALN pendant l'opération qui a eu lieu à Tanusevci au

27 mois de mars 2001 ?

28 R. J'ai vu au moins un document qui parle du nombre des pertes qui côté de

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1 l'ALN pendant le conflit; mais si vous me posez la question vraiment au

2 sujet de cette région-là, je devrais examiner ces documents, et cela va

3 prendre du temps.

4 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez vu un document, un plan ou une

5 carte de l'ALN pour l'opération qu'ils ont fait autour de Tanusevci au

6 cours du mois de mars 2001 ?

7 R. Je ne suis pas au courant de l'existence d'une telle carte. D'ailleurs,

8 je n'ai pas vu de cartes du tout à Tanusevci pour cette opération-là; mais

9 en ce qui concerne la pratique militaire, il n'est pas nécessaire d'avoir

10 une carte.

11 Quand vous avez des opérations au niveau de compagnies ou de pelotons

12 - et je pense que c'est exactement le type d'unités qui ont participé à

13 cela - il serait suffisant d'avoir juste un dessin rudimentaire de la

14 configuration du terrain, vous pouvez même montrer cela par terre, vous

15 pouvez dessiner cela à l'aide de cailloux, de branches, et cetera.

16 Q. Est-ce que vous avez vu des pierres ou des branches qui ont aidé à

17 organiser l'opération de Tanusevci ?

18 R. J'essaie de comprendre quelle est votre question, Monsieur Mettraux,

19 j'essaie de vous expliquer comment on utilise les cartes par rapport aux

20 opérations, et je vous dis qu'on peut aussi faire des dessins, par terre.

21 Q. Est-ce que vous avez vu des documents qui parlent de l'opération de

22 Tanusevci ?

23 R. De quels documents vous parlez ?

24 Q. Je parle de documents qui se réfèrent à l'ALN, des documents de combat

25 par rapport à l'opération qui a eu lieu à Tanusevci pendant le mois de mars

26 2001 ?

27 R. Je reviens à nouveau sur la question des pertes, il y en a eu au moins

28 un certain nombre dans la région de Tanusevci du côté de l'ALN.

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1 Q. On va oublier les pertes. Je vais vous poser la question suivante :

2 est-ce que vous avez vu des documents portant sur les opérations de combat

3 venus de l'ALN concernant l'opération qui a eu lieu à Tanusevci ou dans la

4 région de Tanusevci, et ceci pour le mois de mars 2001 ?

5 R. Mis à part la liste des pertes, non.

6 Q. En réalité, vous êtes d'accord, Monsieur Bezruchenko, pour dire que les

7 événements qui ont eu lieu à Tanusevci au cours du mois de mars 2001, ce

8 n'était rien d'autre qu'une série d'actions non planifiées qui ont eu lieu

9 pendant le mois de mars 2001 et qui ont été faites par des unités peu

10 coordonnées ?

11 R. Je pense pas que des unités non coordonnées pourraient participer à une

12 opération qui consisterait à améliorer les positions de l'armée

13 macédonienne, et c'est quelque chose qui a servi par la suite comme une

14 passerelle pour passer de façon illégale les armes en Macédoine.

15 Il s'agit là d'actions coordonnées, et je ne dirais pas que là il

16 s'agit de petites unités, parce que quand vous parlez de petites unités, je

17 pense que ça se réfère plutôt à des guerres de quartier dans les grandes

18 villes.

19 Q. Des organisations criminelles ?

20 R. Oui, effectivement.

21 M. METTRAUX : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin

22 la pièce 1D725, document article 65 ter.

23 Q. Monsieur Bezruchenko, c'est un rapport qui a été préparé par le Groupe

24 de crise internationale, c'est une association non gouvernementale,

25 intitulé "La question macédonienne : Une réforme ou une rébellion", en date

26 du 5 avril 2001. Est-ce que vous avez vu ce document ?

27 R. Je l'ai vu et je pense que je l'ai cité même.

28 M. METTRAUX : [interprétation] La page qui m'intéresse, c'est la page 1D00-

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1 6449, et est-il possible de vous référer aux conclusions qui y figurent.

2 Q. Le rapport du GCI parle des incidents qui se sont produits en Macédoine

3 pendant les mois précédents, y compris les événements que vous avez décrits

4 dans votre rapport et qui ont eu lieu à Tanusevci. C'est la première phrase

5 qui m'intéresse : "La série d'incidents qui ont eu lieu à Tanusevci ont

6 échappé à tout contrôle, mettant en place toute une série d'opérations non

7 planifiées par des cellules peu contrôlées de guérilla."

8 Est-ce que vous voyez cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous êtes d'accord que ceci est complètement différent de ce

11 que vous avez dit tout à l'heure ?

12 R. Oui, mais je ne peux pas le croire comme cela, en voyant juste le

13 document, je ne suis pas convaincu.

14 Q. Mais vous ne l'avez pas cité dans votre rapport ?

15 R. Je pense oui, mais peut-être dans la version finale parce que j'ai

16 trouvé de meilleures sources.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Saxon.

18 M. SAXON : [interprétation] Là, il s'agit de questions complexes, il s'agit

19 de problèmes complexes et je me demande s'il est possible de donner la

20 possibilité au témoin de compléter sa dernière réponse parce qu'il a été

21 interrompu.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'il se débrouille très bien

23 si vous me posez la question.

24 M. METTRAUX : [interprétation]

25 Q. Monsieur Bezruchenko, pourriez-vous examiner les pièces 171 et 172 de

26 votre rapport. A nouveau, il s'agit des pages 46 et 47.

27 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit de la pièce P466.

28 Q. Vous l'avez sous vos yeux, Monsieur ?

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1 R. Les paragraphes 171 et 172.

2 Q. Oui, effectivement, merci.

3 Dans le paragraphe 171, vous dites : "Le 14 mars 2001, l'ALN a mis en place

4 un deuxième front au-dessus de la ville occidentale de Tetovo", et vous

5 avez dit que pendant plusieurs journées il y a eu des attaques, après vous

6 dites que : "C'est un développement dramatique du conflit" ?

7 R. Oui.

8 Q. Et vous dites que cette tentative consistait ou avait pour objectif de

9 prendre le contrôle de Tetovo. Est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous savez combien de membres de l'ALN ont participé à cette

12 opération, Monsieur Bezruchenko ?

13 R. Je ne peux que deviner.

14 Q. En réalité, vous n'avez pas été en mesure de vérifier ce chiffre ?

15 R. Je ne pense que qui ce soit a eu la possibilité de le faire.

16 Q. Est-ce que vous êtes en mesure d'indiquer si les ennemis ont essuyé des

17 pertes suite aux combats qui ont lieu autour de Tetovo au mois de mars 2001

18 ?

19 R. Vous m'avez déjà posé une question semblable à ce sujet, et au sujet de

20 cela j'aurais besoin de trois à cinq minutes pour parcourir certains

21 documents.

22 Q. Pour l'instant, Monsieur, on va juste poursuivre.

23 Par rapport à ces documents particuliers, est-ce que vous avez vu des

24 documents qui sont relatifs au combat tels que cartes ou ordres ?

25 R. J'en ai vu au moins un qui est en réalité une directive de l'ALN.

26 Q. On va parler du mois de mars. On va en arriver au mois de juin, mais là

27 on en est au mois de mars, si vous voulez.

28 Est-ce que vous avez vu des documents qui ont trait au combat par

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1 rapport aux activités de l'ALN dans la région de Tetovo, et ceci, par

2 rapport au mois de mars 2001 ?

3 R. Je vous serais reconnaissant, Monsieur le Président, de me permettre de

4 répondre complètement à la question.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je fais référence de façon précise à la carte

7 qui est une directive de l'ALN pour l'opération et qui, comme vous avez

8 dit, Monsieur Mettraux, date du mois de juin 2001.

9 Si vous analysez cela avec beaucoup de soin et une analyse qui ne se

10 base pas sur le fait que la date de ce document est le mois de juin 2001,

11 vous allez en arriver à la conclusion sans doute que l'ALN a mis un certain

12 temps pour occuper ces zones et pour prendre ces positions, les positions

13 qui sont de couleur orange sur cette carte, et ceci n'a pu avoir lieu qu'au

14 mois de juin 2001, et sans doute même au mois de mars 2001.

15 M. METTRAUX : [interprétation]

16 Q. Je vous remercie.

17 Je vais revenir sur une question que je viens de vous poser : est-ce

18 que vous avez vu des documents portant sur les combats, il s'agit des

19 ordres ou des cartes par rapport aux activités de l'ALN qui ont eu lieu

20 autour de Tetovo pendant la période du mois de mars 2001 ?

21 R. Comme j'avais déjà dit dans une réponse précédente, le document "La

22 directive de l'ALN" est clairement lié aux activités de l'ALN au mois de

23 mars 2001, parce que ceci nous montre les positions qui ont été prises par

24 l'ALN avant le mois de juin 2001.

25 Q. Pour répondre à ma question précisément, Monsieur Bezruchenko, vous

26 n'avez pas vu de documents particuliers qui se réfèrent à cette période-là,

27 la période 2001 ?

28 R. Oui, mais dans la mesure où je n'ai pas vu de documents qui portent la

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1 date du mois de mars 2001.

2 Q. Merci, Monsieur Bezruchenko.

3 Maintenant je vais vous demander de vous référer au paragraphe 172 de

4 votre rapport.

5 Au milieu de ce paragraphe, vous faites référence à la réponse de

6 l'ALN quand elle a attaqué les positions de l'armée, les positions à Kudra

7 Fura, la tour de contrôle.

8 R. Oui, je le vois.

9 Q. Est-ce que vous savez combien de temps a duré cette opération ?

10 R. Je ne dirais pas que là il s'agit vraiment d'une opération. Ce que j'ai

11 dit c'est qu'ils ont répondu, pris leurs positions sur cette tour de

12 contrôle, Kudra Fura.

13 Q. Est-ce que vous savez combien de temps ont duré ces attaques ?

14 R. De façon générale, je dirais que ces attaques portaient sur quelques

15 heures. Parfois les échanges de tirs se poursuivaient pendant des journées

16 entières, mais si vous faites référence à cet incident-là, je ne sais pas

17 combien de temps cela a duré vraiment.

18 Mais du point de vue de la pratique militaire de notre doctrine,

19 c'est difficile de dire combien de temps a duré cet échange de feu, parce

20 que c'est quelque chose d'habituel, on tire et on riposte. Puis vous savez,

21 à chaque fois que vous avez un combat ou un conflit, c'est très difficile

22 de prévoir exactement les causes des événements.

23 Q. Je vous remercie beaucoup, Monsieur Bezruchenko.

24 Est-ce que vous vous souvenez qu'au niveau du paragraphe 171 vous

25 avez décrit cela comme un événement dramatique ?

26 R. Je m'en souviens.

27 Q. N'est-il pas exact que les événements qui ont eu lieu à Tetovo que

28 c'étaient des incidents avec relativement peu d'échanges de feu et

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1 relativement peu d'intensité ?

2 R. Je vous remercie, mais je pense que là vous m'avez demandé d'examiner

3 le rapport 172. C'est là que l'on parle des événements qui ont lieu au mois

4 de mars 2001.

5 Q. Oui. C'est effectivement le dernier paragraphe, là où vous parlez des

6 événements de Tetovo.

7 R. Je le vois.

8 Q. Vous êtes d'accord que vous avez dit que là il s'agissait d'un tournant

9 dramatique du conflit qui correspondrait à ces événements de Tetovo ?

10 R. Oui, c'est exact.

11 Q. Mais n'est-il pas exact, qu'il s'agissait en réalité d'événements assez

12 limités avec des échanges de feu assez limités et sporadiques, finalement ?

13 R. J'ai une opinion différente et je vais vous dire pourquoi.

14 Tout d'abord, vous ne pouvez pas citer juste une phrase dans mon

15 rapport, parce que regardez ce qui suit dans le paragraphe suivant :

16 "Les combats ont eu lieu dans la région de Tetovo focalisés sur les

17 rebelles et leurs chefs-lieux dans la colline de Kale. Le 20 mars 2001,

18 l'armée a utilisé les obusiers de 122 millimètres [comme interprété] M-30

19 et de 128 millimètres M-63 où il s'agissait de lance-roquettes multiples

20 qui ont commencé à tirer sur les postes de l'ALN. Le 23 mars [comme

21 interprété], les unités de l'infanterie de l'armée macédonienne, appuyées

22 par des chars T-55 se sont déplacées en direction des collines au-dessus de

23 Tetovo."

24 Je pense que cela illustre bien ce que j'ai voulu dire.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin

26 le document en vertu de l'article 65 ter 1D725.

27 Q. Monsieur Bezruchenko, à nouveau on a le même rapport et on va revenir à

28 plusieurs reprises sur ce rapport, c'est un rapport de l'ICG en date du 5

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1 avril 2001.

2 M. METTRAUX : [interprétation] Je vais demander au greffier de nous montrer

3 la page ID00-6449. C'est vraiment en bas de la page que l'on trouve ce qui

4 nous intéresse.

5 Q. Monsieur Bezruchenko, à nouveau je vais attirer votre attention sur le

6 même premier paragraphe où se trouve les conclusions de l'ICG. Cette fois-

7 ci c'est la deuxième phrase qui parle des événements de Tetovo où on dit :

8 "Les tirs des collines au-dessus de Tetovo n'ont apparemment pas été

9 inscrits dans un plan stratégique de grande envergure, mais plutôt, il

10 s'agissait d'une démonstration de force improvisée pour tester la

11 détermination du gouvernement et pour radicaliser l'opinion des Albanais."

12 Vous êtes d'accord que là c'est une description bien plus précise de ce que

13 vous avez décrit comme développement ou tournant ou dramatique ?

14 R. Si les combats au bord de la deuxième plus grande ville du pays

15 impliquant des civils, si cela ne représente pas un tournant dramatique,

16 alors je ne vois pas ce dont vous avez besoin vraiment, Monsieur Mettraux.

17 Si vous voulez que je fasse un commentaire d'ordre général sur ce document,

18 mais ce que je peux vous dire que : ce document est daté du 5 avril 2001,

19 et c'est vrai qu'au mois d'avril il y a eu moins d'activités, moins

20 d'activités militaires en tout cas en Macédoine.

21 Peut-être que les auteurs de ce document ont été induits en erreur,

22 trompés par cette impression de calme qui a eu lieu au mois d'avril.

23 Ensuite, il s'agit là d'un document politique, un document politique et pas

24 militaire. Si vous voyez, les critères employés pour tirer leurs

25 conclusions sont complètement différents que ceux que j'ai utilisés quand

26 j'ai fait mon rapport.

27 Q. Monsieur Bezruchenko, j'ai voulu tout simplement vous signaler qu'il

28 s'agit là d'un rapport qui couvre exactement la même période que la vôtre,

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1 à savoir le mois de mars 2001.

2 Mais on va parler des opinions de différentes organisations

3 internationales et de leurs points de vue de la communauté internationale.

4 Est-il exact de dire qu'au mois de mars 2001, comme c'était le cas

5 d'ailleurs au mois de janvier, au mois de février, la communauté

6 internationale a continué à voir l'ALN comme un groupe d'extrémistes ou de

7 terroristes et aucun des Etats, d'après ce que l'on peut voir, n'a suggéré

8 et n'a laissé entendre que ce qui s'est passé en Macédoine au mois de mars

9 2001 correspondait à un conflit armé ? Est-ce exact ?

10 R. La plupart des descriptions des événements en Macédoine de l'époque

11 correspondaient au terrorisme, et vous l'avez dit à juste titre, mais je ne

12 suis pas d'accord pour dire qu'il n'y avait pas de particuliers qui

13 auraient décrit cela comme étant un conflit.

14 D'ailleurs, si vous examinez toute une série de sources comme, par

15 exemple, les rapports de Jane, puis les experts militaires macédoniens, il

16 apparaît clairement que déjà à l'époque, ils avaient un point de vue

17 différent par rapport à ce qui se passait en Macédoine.

18 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko. Nous allons en rester pour

19 l'instant au point de vue de la communauté internationale et des Etats,

20 pour être plus précis.

21 M. METTRAUX : [interprétation] Pour ces raisons, je vais demander que l'on

22 montre au témoin le document 65 ter 1D881.

23 Q. Monsieur Bezruchenko, là il s'agit d'un article de presse en date du 15

24 mars 2001. L'intitulé en est "La Yougoslavie : les Etats-Unis condamnent la

25 violence en Macédoine", c'est quelque chose qui vient de Radio Free Europe.

26 Je vais vous demander de lire la partie qui parle des extrémistes

27 albanais. Est-ce que vous le voyez ? C'est la partie qui dit : "Les

28 extrémistes albanais ont échangé le feu avec la police près du château de

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1 Tetovo. Les manifestants au centre de Tetovo ont attaqué l'équipe de

2 télévision d'un poste d'une station privée macédonienne."

3 Ensuite vous avez toute une série de commentaires, par exemple, M.

4 Pardew dit ce qui suit :

5 "Nous faisons appel au peuple albanais au Kosovo et en Macédoine de

6 faire tout ce qu'ils peuvent pour arrêter cette violence et pour condamner

7 cela de prendre des mesures contre ceux qui sont à l'origine de cela. Nous

8 pensons que ce petit groupe d'extrémistes essaie de faire usage de violence

9 et d'intimidation pour promouvoir leur propre agenda politique."

10 Etes-vous d'accord, Monsieur Bezruchenko, que cette opinion, l'opinion

11 d'ailleurs d'une personne qui en sait beaucoup sur la région et où on dit

12 qu'un petit groupe de l'ALN essaie d'intimider finalement, fait pression

13 pour promouvoir leur agenda politique. Est-ce une bonne description de

14 l'ALN ?

15 R. Oui, effectivement parce que c'est effectivement tout à fait correct de

16 dire qu'il y avait une menace sérieuse qui était en train de voir le jour

17 en Macédoine et au Kosovo.

18 C'est aussi exact certainement de dire que l'ALN avait un agenda

19 politique, un plan.

20 Mais je pense et je dois vous dire que là il s'agit d'une déclaration de

21 caractère politique. Je vous ai déjà dit, Monsieur Mettraux, que la

22 politique ne faisait pas vraiment partie de mon rapport. Et permettez-moi

23 de terminer --

24 Q. Allez-y.

25 R. Je fais particulièrement référence à un petit groupe qui est peut-être

26 petit si on le compare à la population totale de la Macédoine qui, comme

27 vous le savez, compte environ deux millions et demi d'hommes, mais je ne

28 pense pas qu'il se soit agi d'un groupe réellement très petit du point de

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1 vue militaire, c'est-à-dire du point de vue de ses capacités et du danger

2 que ses capacités impliquaient.

3 Q. Conviendriez-vous, Monsieur Bezruchenko, que ce que vous appelez une

4 déclaration politique est en fait l'expression de l'opinion d'un

5 ambassadeur de l'un des Etats les plus puissants du monde qui exprime sa

6 façon de comprendre la situation en Macédoine à l'époque. Est-ce que vous

7 êtes d'accord avec cela ?

8 R. Oui, je suis d'accord.

9 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin le

10 document 1D882 de la liste 65 ter.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant de poursuivre, pourrais-je simplement

12 faire un commentaire au sujet du texte.

13 M. METTRAUX : [interprétation]

14 Q. Oui.

15 R. Les lignes 22, 23 du compte rendu d'audience devraient être corrigées

16 car ce que j'ai dit, c'est que je ne pensais pas qu'il s'agissait

17 réellement d'un groupe très petit du point de vue militaire, du point de

18 vue de ses capacités et de la menace que ces capacités représentent.

19 Q. Merci de suivre de très près le compte rendu d'audience, Monsieur

20 Bezruchenko.

21 Le document 1D882 est un nouvel article de presse relatif aux événements de

22 Tetovo. Le média impliqué est CNN cette fois-ci et ce document porte la

23 date du 20 mars 2001. J'aimerais simplement appeler votre attention sur le

24 premier paragraphe de ce texte qui concerne Tetovo, la Macédoine et entre

25 guillemets "l'offensive finale des troupes macédoniennes contre les

26 rebelles albanais dans les collines surplombant Tetovo."

27 Vous voyez ce passage ?

28 R. Oui.

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1 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que nous descendions un peu plus

2 bas dans le document jusqu'au paragraphe qui commence par les mots :

3 "L'émissaire de l'Union européenne."

4 Q. J'aimerais vous donner lecture d'une déclaration de M. Javier Solana,

5 l'émissaire de l'Union européenne, qui est interrogé au sujet des

6 possibilités de négociation avec l'ALN à la fin du mois de mars, à moins

7 que ce ne soit à la mi-mars ou vers la fin du mois de mars 2001.

8 Il dit ce qui suit : "Je pense que ce serait une erreur de négocier

9 avec les terroristes dans ce cas particulier. C'est une erreur et nous ne

10 l'avons pas recommandé. Au contraire, nous avons recommandé que les partis

11 politiques représentant les Albanais jouissent d'une participation continue

12 au sein des institutions gouvernementales et continuent à œuvrer par le

13 biais de ces institutions quelles que soient leurs revendications, mais que

14 l'on ne se lance pas dans des négociations avec les terroristes."

15 Est-ce vous seriez d'accord avec cet émissaire, M. Solana, qui déclare

16 qu'il s'agit en fait d'un groupe terroriste ? Vous êtes d'accord avec cela

17 ?

18 R. Je ne pense pas qu'il ait utilisé l'expression "parties belligérantes"

19 dans sa déclaration, Maître Mettraux.

20 Q. Ma question portait sur un point précis et je suis désolé si je n'ai

21 pas été assez clair, Monsieur Bezruchenko.

22 Conviendriez-vous que M. Solana ne parle pas de l'ALN comme étant un

23 parti impliqué dans un conflit armé, mais comme étant composé de

24 terroristes. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

25 R. Oui, je suis d'accord qu'il ne parle pas de l'ALN comme étant une

26 partie engagée dans un conflit armé. C'est tout à fait clair à la lecture

27 de ce passage.

28 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais également que l'on montre au

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1 témoin le document 1D198, je vous prie.

2 Q. Monsieur Bezruchenko, je ne suis pas sûr que vous connaissiez très bien

3 les pages de couverture de ce genre de document, mais je suis sûr que vous

4 connaissez très bien la teneur de ce document. Peut-être devrais-je

5 commencer par vous demander si vous connaissez ce document ainsi que les

6 documents qui lui sont adjoints ?

7 R. Je ne suis pas sûr d'avoir déjà eu sous les yeux ce document

8 particulier.

9 M. METTRAUX : [interprétation] Je demanderais, dans l'intérêt de M.

10 Bezruncheko, que l'on affiche d'abord la page 1D00-5593.

11 Q. Ce que vous avez sous les yeux en cet instant, Monsieur Bezruchenko,

12 c'est la lettre de couverture envoyée par M. Dzikov, procureur de l'Etat,

13 au bureau du Procureur, et il y est question des documents qui suivent.

14 Reconnaissez-vous cette lettre ?

15 R. Cette lettre était adressée au Procureur, mais je ne crois pas qu'elle

16 ait été adressée à moi personnellement.

17 Q. Je vous remercie.

18 M. METTRAUX : [interprétation] Pourrions-nous maintenant faire afficher la

19 page 1D00-5595, je vous prie.

20 Vous rappelez-vous avoir examiné ce document et les documents qui suivent

21 aux fins d'établir votre rapport, Monsieur Bezruchenko ?

22 R. Je crois que j'ai eu ce document-ci sous les yeux.

23 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante, je vous

24 prie. Défilement du texte vers le bas. Merci.

25 Q. J'aimerais appeler votre attention sur une déclaration attribuée à Mark

26 Dickinson, à l'époque où il était ambassadeur du Royaume-Uni en Macédoine,

27 en fait ambassadeur britannique en Macédoine. Cette déclaration date du 14

28 mars 2001.

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1 Voici ce que disais M. Dickinson au sujet de ce qui se passait dans

2 le pays à l'époque, troisième paragraphe : "Je pense que l'Union européenne

3 fera appel à tous les responsables politiques du pays ainsi qu'à ceux qui

4 se qualifient par ces termes, en les invitant à condamner fermement les

5 terroristes. Ceux qui n'exprimeront pas une telle condamnation, nous

6 saurons de quel côté ils se trouvent."

7 Conviendriez-vous encore une fois que le représentant de la Grande-

8 Bretagne, l'ambassadeur britannique, parle de l'ALN, non pas en la

9 qualifiant d'organisation militaire participant à un conflit armé, mais en

10 qualifiant les membres de l'ALN de terroristes.

11 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

12 R. Oui, c'est exact.

13 Q. Conviendriez-vous que cette position était partagée, entre autres, par

14 l'Allemagne à l'époque, par exemple ?

15 Monsieur Bezruchenko, êtes-vous au courant du fait que l'Allemagne a

16 condamné les activités ou les actions de l'ALN en parlant d'extrémisme, de

17 violence et de terrorisme ?

18 R. Je ne pense que cela ait été le cas uniquement de l'Allemagne, mais de

19 bien d'autres Etats également.

20 Q. Je vous remercie.

21 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin le

22 document 1D955 de la liste 65 ter à présent.

23 Q. Ce document est un communiqué de presse relatif à une déclaration

24 émanant du comité chargé des Affaires étrangères au sein du Parlement

25 européen. Il date du 20 mars 2001 et évoque une réunion du comité des

26 Affaires étrangères du Parlement européen en date des 19 et 20 mars 2001.

27 J'aimerais vous donner lecture du premier paragraphe de cette déclaration :

28 "Compte tenu de la dégradation de la situation dans l'ex-République

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1 yougoslave de Macédoine sur le plan de la sécurité, en raison d'activités

2 armées accrues de la part de terroristes albanais de souche extrémistes, le

3 comité des Affaires étrangères, des Droits de l'homme, de la Sécurité

4 commune, et de la Défense du Parlement européen, condamne fermement toute

5 violence le long de la frontière septentrionale de la République fédérale

6 de Macédoine avec la République fédérale yougoslave/Kosovo, ainsi que les

7 attaques terroristes de la part de sympathisants et de membres de l'ex-UCK

8 contre la population civile de la République fédérale de Macédoine et de

9 ses forces armées."

10 Conviendriez-vous que le comité des Affaires étrangères du Parlement

11 européen parle également de l'ALN comme étant un groupe de terroristes

12 extrémistes albanais de souche. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Conviendriez-vous que ce que ce comité condamne ce ne sont pas

15 uniquement les attaques contre la population civile, mais également les

16 attaques contre les forces armées de la Macédoine. Est-ce que vous êtes

17 d'accord là-dessus ?

18 R. Oui.

19 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la

20 pièce 1D230 je vous prie. Page N000-9029 sur les écrans, je vous prie.

21 Merci à la régie.

22 Q. Monsieur Bezruchenko, ceci est une résolution du Conseil de sécurité,

23 Résolution numéro 1345 datant du 21 mars 2001. Bien

24 Aucune nécessité, je suppose, de lire l'intégralité du document, mais

25 j'aimerais porter votre attention sur le bas de cette page, je vous prie.

26 Le premier paragraphe du dispositif de cette résolution qui se lit comme

27 suit :

28 "Le Conseil de sécurité condamne fermement la violence extrémiste et

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1 notamment les actions terroristes que l'on constate dans certaines parties

2 de l'ancienne République yougoslave de la Macédoine ainsi que dans des

3 municipalités de la Serbie du sud, en République fédérale de Serbie."

4 Comme dans les cas précédents que j'ai porté à votre attention, en

5 mars 2001, le Conseil de sécurité des Nations Unies et ses membres

6 considéraient les activités de l'ALN comme une expression de violence

7 extrémiste et comme une série d'activités terroristes et pas comme des

8 actions de participation à un conflit armé. Est-ce que vous êtes d'accord

9 là-dessus ?

10 R. J'aimerais vous proposer mon commentaire général au sujet de ce

11 document, Maître Mettraux, si vous me le permettez.

12 Q. Oui.

13 R. Apparemment, la première raison qui a poussé le Conseil de sécurité à

14 publier cette résolution, c'est le fait que le 21 mars 2001 la violence

15 avait atteint un niveau relativement grave en Macédoine, un niveau qui

16 exigeait que le Conseil de sécurité des Nations Unies y consacre son

17 attention.

18 Pour revenir à votre question précise qui me demandait si j'étais

19 d'accord ou pas avec le fait que le Conseil de sécurité des Nations Unies

20 considérait l'action de l'ALN comme une expression de violence extrémiste,

21 je crois que ma réponse sera très semblable aux réponses que j'ai apportées

22 à vos dernières questions. Je vous dirais oui, bien entendu, le Conseil de

23 sécurité considérait effectivement ces actions comme des actes de

24 terrorisme.

25 Mais une fois que j'aurais dit cela, j'aimerais également faire

26 remarquer que ce document date de mars 2001.

27 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko. Etes-vous également au courant

28 du fait que la même position ensuite a été adoptée par le Secrétaire

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1 général des Nations Unies de l'époque, M. Kofi Annan ?

2 R. Oui.

3 Q. Etes-vous également au courant du fait, Monsieur Bezruchenko, que

4 l'Union européenne a adopté la même position ?

5 R. Comme je peux le constater au vu d'un certain nombre de déclarations

6 publiques, ceci a effectivement été le cas.

7 Q. Etes-vous au courant du fait qu'en mars 2001, cette même position

8 générale a été adoptée par les Etats-Unis d'Amérique ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-il exact qu'à la fin mars 2001, en dépit des attaques sporadiques

11 dont vous parlez dans votre rapport et de la tension que l'on pouvait

12 constater dans la partie orientale des collines de Crna Gora, la situation

13 dans le pays était finalement assez normale, n'est-ce pas ?

14 R. Comme je l'ai déjà indiqué, Maître Mettraux - et ma position est

15 appuyée par l'analyse d'un certain nombre de documents - en mars les

16 actions militaires étaient principalement circonscrites dans la zone de la

17 frontière septentrionale avec le Kosovo, et en particulier au secteur de

18 Crna Gora. C'est vrai.

19 Il est également vrai que d'autres régions du pays, telles que l'est et le

20 sud du pays n'étaient pratiquement pas touchées par les combats en dehors

21 de quelques incidents, de quelques émeutes que l'on a pu constater dans

22 diverses villes du sud, mais je crois savoir que cela s'est passé un peu

23 plus tard.

24 Q. Je vous prie, Monsieur Bezruchenko, et je vais vous poser quelques

25 questions générales au sujet de ce qui se passait à la fin du mois de mars

26 2001.

27 Je crois que vous avez déjà répondu à quelques questions relatives à des

28 ordres et à des cartes géographiques de façon générale, mais je vais

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1 maintenant vous poser des questions un peu plus précises. Avez-vous eu sous

2 les yeux des éléments de preuve documentaire datant de mars 2001 et

3 démontrant l'existence de ce qu'il est convenu d'appeler le Grand quartier

4 général de l'ALN; et si oui, quels étaient ces documents, Monsieur

5 Bezruchenko ?

6 R. J'ai eu sous les yeux bons nombres de documents venant de Macédoine,

7 qui émanaient principalement de la direction responsable de la sécurité et

8 du contre-espionnage, ainsi qu'à un certain nombre de documents

9 internationaux qui permettent de penser que ce quartier général, ou plutôt,

10 ce Grand état-major, fonctionnait effectivement et qu'il a agi pendant

11 toute la durée du conflit.

12 Pour répondre plus précisément à votre question qui me demandait si j'avais

13 eu des éléments de preuve documentaire sous les yeux datant de mars 2001,

14 et permettant de penser que le Grand état-major de ce qu'il est convenu

15 d'appeler l'ALN existait, je crains de ne pas pouvoir répondre précisément

16 à votre question. En fait, la majorité des documents établis en Macédoine

17 ont été publiés après l'issue du conflit et constituent en fait une analyse

18 ou plus précisément une compilation d'éléments d'information émanant de

19 sources diverses qui avaient été mises à la disposition des autorités

20 macédoniennes pendant tout le conflit.

21 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko, mais est-il exact que vous

22 n'avez pas eu sous les yeux un quelconque document lié à des combats

23 émanant de l'UCK [comme interprété], qu'il s'agisse d'une carte ou d'un

24 ordre ou d'un quelconque autre document émanant de l'ALN et datant de mars

25 2001, ou avez-vous eu des documents de cette nature sous les yeux ?

26 R. Non, je n'en ai pas eu sous les yeux, rien de tel.

27 Q. Est-il exact que M. Ostreni a été nommé chef de ce qu'il était convenu

28 d'appeler le Grand état-major de l'ALN seulement vers la fin mars 2001 ?

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1 R. Oui, c'est ce qu'il semble en effet.

2 Q. Est-il exact -- nous continuons à parler du mois de mars pour le

3 moment. Est-il exact qu'à la fin du mois de mars 2001, l'ALN n'avait pas de

4 structure de commandement centralisé et n'était pas grand-chose d'autre

5 qu'une série de cellules vaguement coordonnées ? Est-ce que vous êtes

6 d'accord là-dessus ?

7 R. Je pense que l'ALN était en cours d'évolution. Elle était partie en

8 effet, comme vous venez de le dire, d'un certain nombre de groupes qui peu

9 à peu se sont organisés de façon plus centralisée pour devenir une série de

10 brigades et un Grand état-major vers la fin du conflit.

11 Q. Restons-en au mois de mars pour le moment, Monsieur Bezruchenko, si

12 nous parlons de la fin mars 2001, conviendrez-vous qu'à ce moment-là l'ALN

13 n'avait pas de structure de commandement centralisé et qu'elle n'était pas

14 grand-chose d'autre qu'une série de cellules vaguement coordonnées ? Etes-

15 vous d'accord là-dessus ?

16 R. Pour répondre à cette question précise, Maître Mettraux, il faudrait

17 que je consulte certains nombres de documents qui sont évoqués dans mon

18 rapport. Je vous renverrai, si vous le voulez bien, au chapitre de mon

19 rapport qui traite des communiqués publics de l'ALN. Si vous lisez ce

20 chapitre, vous constaterez probablement qu'au mois de mars en tout cas, le

21 commandement de l'ALN avait déjà émis un certain nombre de communiqués.

22 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin le

23 document 1D952 de la liste 65 ter.

24 Q. En dehors des communiqués, Monsieur Bezruchenko, avez-vous eu

25 connaissance d'une quelconque autre activité étayée par des éléments de

26 preuve documentaire que le Grand état-major de l'ALN aurait eu et qui

27 prouveraient sa participation aux actions de l'ALN ?

28 R. Mon appréciation de tous les documents que j'ai eus sous les yeux y

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1 compris des documents internationaux permettent de pense que le Grand état-

2 major de l'ALN a été créé dans le secteur de Sipkovica durant le mois de

3 mars ou le mois d'avril 2001.

4 Q. Je vous remercie. J'aimerais appeler votre attention à présent sur le

5 document affiché à l'écran. C'est ce même rapport de la Cour internationale

6 de Justice dont nous avons déjà parlé. Il s'agit du résumé synthétique et

7 de la recommandation jointe à ce rapport, j'aimerais appeler votre

8 attention sur le deuxième paragraphe de ce document qui se lit comme suit :

9 "La communauté internationale a réagi à l'unanimité en affirmant au

10 plus haut niveau son appui à la Macédoine et à son gouvernement élu, et en

11 identifiant les rebelles comme étant le regroupement de quelques centaines

12 de 'terroristes'. Le 21 mars, le gouvernement a donné aux rebelles un délai

13 de 24 heures pour déposer les armes et/ou quitter le pays à moins de devoir

14 faire face à une offensive à grande échelle.

15 "L'offensive a démarré le 25 mars. Quatre jours plus tard, le

16 gouvernement a annoncé que l'opération militaire avait repoussé avec succès

17 tous les terroristes vers le Kosovo."

18 Ensuite un peu plus loin, nous lisons ce qui suit : "Manquant d'une

19 structure de commandement centralisé, les rebelles apparaissent comme un

20 groupe de cellules vaguement coordonnées, composées de combattants albanais

21 de souche expérimentés originaires de Macédoine, du Kosovo et de pays

22 étrangers auxquels se sont adjoints quelques étrangers en petit nombre."

23 Etes-vous d'accord avec cette description de la situation de l'ALN à

24 la fin du mois de mars 2001 ou au début du mois d'avril 2001 ?

25 R. Il m'est difficile d'admettre le terme de "cellules" pour les

26 raisons que j'ai déjà expliquées précédemment.

27 Mais je dirais plutôt qu'en réalité il s'agissait de groupes

28 coordonnés composés de combattants albanais de souche expérimentés

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1 originaires de Macédoine et du Kosovo auxquels se sont adjoints un certain

2 nombre d'étrangers; mais il est également vrai qu'en mars et avril ces

3 groupes devenaient de plus en plus organisés et de plus en plus contrôlés

4 sur le plan central.

5 Q. Pour que votre réponse soit tout à fait claire, Monsieur

6 Bezruchenko, vous n'êtes pas d'accord avec la position exprimée dans ce

7 texte par la CIJ quant à l'absence de commandement centralisé ou le

8 caractère très vague de la coordination entre ces cellules; c'est bien cela

9 ?

10 R. Cela ne signifie pas que je sois nécessairement en désaccord avec

11 cette déclaration. Je pense qu'en effet, il n'y avait pas de commandement

12 centralisé. Mais ayant dit cela, je ne veux pas dire nécessairement qu'il

13 n'y avait pas de commandement du tout. Apparemment, il y avait un certain

14 commandement émanant d'un certain centre, et j'imagine qu'il s'agissait

15 d'un noyau qui plus tard a été connu sous le nom de Grand état-major.

16 Les raisons qui me poussent à croire cela sont les suivantes : il

17 était visible qu'il existait une certaine forme de stratégie poursuivie par

18 l'ALN. Cette stratégie consistait entre autres à recruter et à organiser

19 ses partisans dans diverses régions du pays, principalement dans les zones

20 septentrionales, de faire entrer des armes, des munitions et des

21 équipements militaires et de lancer des attaques contre des cibles de

22 l'armée et de la police.

23 Je ne pense pas vraiment que toutes ces actions peuvent être décrites

24 comme des actions sporadiques menées à bien par des groupes très divers. Il

25 est tout simplement impossible de croire qu'il n'existait pas une

26 coordination ou une certaine forme de contrôle sur ces groupes à partir

27 d'un centre unique. Bien entendu, cela ne signifie pas nécessairement que

28 l'organisation n'était pas pauvre et rudimentaire, mais en tout cas il y

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1 avait une certaine forme d'organisation.

2 Q. Encore une question avant la pause, Monsieur Bezruchenko : est-ce

3 que vous avez eu sous les yeux des documents de l'ALN évoquant l'existence

4 de ce que vous considériez à l'époque comme un groupe d'individus et qui

5 plus tard, comme vous l'avez dit, se sont transformés en Grand état-major

6 de l'ALN. Est-ce que vous avez eu des documents internes évoquant cela ?

7 R. Ces documents sont disponibles. Vous pourriez, pour n'en citer

8 qu'un, vous pencher par exemple sur le Livre blanc qui décrit un groupe

9 d'individus qui plus tard deviennent membres du Grand état-major.

10 Q. Le Livre blanc du ministère de l'Intérieur c'est ce dont vous

11 parlez. Mais est-ce que vous avez eu un quelconque élément de preuve

12 documentaire sous les yeux émanant de l'ALN en tant que telle et démontrant

13 qu'un groupe d'individus, comme vous l'avez appelé, opérait à l'époque en

14 mars 2001. Est-ce que vous avez eu sous les yeux un document de ce genre ?

15 R. Je pense qu'un certain nombre de communiqués publics émanant de

16 l'ALN ont été émis en mars 2001, notamment des communiqués signés par Ali

17 Ahmeti ou Gezim Ostreni au nom du Grand état-major de l'ALN.

18 Q. Est-il exact que ce sont les seuls documents émanant de ce groupe dont

19 vous avez dit que plus tard il était devenu le Grand état-major, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Pas nécessairement, Maître Mettraux. Je crains de devoir vous dire que

22 votre interprétation est erronée, à moins qu'il ne s'agisse d'une erreur

23 d'expression. Ce que je dis c'est qu'il existe de nombreux documents

24 émanant du Grand état-major, mais si vous parlez précisément de mars 2001

25 dans cette période la plupart des documents émanant du Grand état-major

26 étaient des communiqués publics.

27 Q. Je vous remercie.

28 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, l'heure de la pause

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1 est-elle arrivée ?

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Mettraux. Nous soulignons

3 que vous avez passé le plus gros de cette première partie de l'audience à

4 parler de mars 2001. Or, il y a encore avril, mai, juin, juillet, puis

5 vient le mois d'août qui à l'époque intéresse le plus la Chambre. Nous vous

6 faisons confiance pour avoir conscience des contraintes de temps.

7 Je vous remercie.

8 Nous reprendrons nos débats à 11 heures 05.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

10 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux.

12 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Monsieur Bezruchenko. Je souhaite que l'on parle maintenant du

14 mois d'avril 2001, et je souhaite que l'on aborde la pièce à conviction

15 P466 - c'est votre rapport - à la page 47, et plus précisément le

16 paragraphe 173.

17 Dans ce paragraphe, vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas, Monsieur

18 Bezruchenko, pour dire qu'il est encore question de ce que vous appelez les

19 opérations de l'ALN au cours de cette année-là. Vous faites référence

20 spécifiquement à l'embuscade qui a eu lieu le 28 avril 2001 quelque part

21 entre les villages de Selce et Vejce, près de la frontière avec le Kosovo à

22 l'ouest de Tetovo. Est-ce exact ?

23 R. Oui, c'est exact. Cependant, à ce stade, puis-je attirer encore une

24 fois votre attention sur la ligne 38/1 du compte rendu d'audience.

25 Apparemment, il est écrit ici quelque chose qu'il faut corriger.

26 En fait, il faut qu'il y soit écrit : "Y compris ceux signés par" et

27 cetera."

28 Q. Merci de cela, Monsieur Bezruchenko.

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1 Est-ce que vous dites bien, dans votre déposition, qu'une attaque contre un

2 convoi de l'armée à Vejce le 28 avril 2001, ce qui a provoqué la mort de

3 huit soldats, était en réalité une opération militaire, telle que la

4 doctrine militaire l'interprète ? Est-ce bien votre déposition ?

5 R. En réalité, si j'ai compris, il s'agissait là d'un convoi conjoint qui

6 a été constitué d'un élément de l'armée et d'un élément de la police.

7 Cependant, cet incident particulier correspond à la description d'une

8 embuscade.

9 Q. En tant que telle, vous suggéré que ceci est pertinent afin d'établir

10 l'existence de ce que vous dites être un conflit armé en Macédoine. Est-ce

11 exact ?

12 R. Peut-être il serait un peu exagéré de le suggérer, Maître Mettraux, que

13 cet incident à lui seul serait pertinent pour établir l'existence d'un

14 conflit armé, ou plutôt, que cet incident à lui tout seul pourrait

15 constituer une base pour ce type d'opinion.

16 Cependant, je suggère que cette embuscade était effectivement

17 directement pertinente pour tout ce qui s'est passé en Macédoine en termes

18 militaires, à cette époque là.

19 Q. Ceci inclurait votre conclusion aussi qu'un conflit armé existait en

20 Macédoine en avril 2001; est-ce exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous connaissez le nombre de personnes qui ont participé à

23 cette opération, du côté de l'ALN ?

24 R. Je n'étais pas vraiment à la recherche par rapport à cette question en

25 particulier. Il ne serait pas vraiment difficile d'établir le nombre de

26 personnes qui ont participé à cette opération. Cependant, je dirais,

27 d'après mon évaluation, qu'il s'agissait d'une force assez peu nombreuse

28 d'hommes.

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1 Q. Est-ce que vous savez à quelle brigade de l'ALN ces personnes

2 appartenaient ?

3 R. Le plus probablement, il s'agissait là des gens de la 112e Brigade.

4 Q. Avez-vous des éléments de preuve documentaire à cet effet ?

5 R. Non, Monsieur.

6 Q. Avez-vous vous des éléments de preuve documentaire de l'ALN au sujet

7 d'un ordre, ou d'un plan, ou d'un autre document de nature militaire au

8 sujet de cet incident particulier ?

9 R. Non, Monsieur.

10 Q. Savez-vous combien de temps l'ensemble de l'opération, comme vous

11 l'appelez, a duré ?

12 R. Normalement, les embuscades sont des engagements très ponctuels et

13 brefs. J'imagine, s'agissant de celle-ci, que probablement elle aurait duré

14 une heure environ.

15 M. METTRAUX : [interprétation] Je vais vous montrer maintenant la pièce

16 1D957 en vertu de l'article 65 ter, s'il vous plaît ?

17 Q. Monsieur Bezruchenko, c'est un article de presse qui décrit les

18 événements en question, et je souhaite vous le lire. La date est le 29

19 avril, un dimanche, le lendemain de l'incident, il y est dit : "Le calme

20 revient à la frontière macédonienne, après l'attaque."

21 L'article a résumé les événements en tant que tels : "Le calme revient à la

22 région frontalière de la Macédoine, près du Kosovo, alors que les forces de

23 sécurité ont renforcé les patrouilles dans la région dans laquelle huit

24 soldats et policiers ont été tués dans une embuscade tendue par la guérilla

25 albanaise.

26 "A dit le porte-parole de l'armée : 'La situation est calme

27 maintenant. Les forces de sécurité ont renforcé leurs patrouilles sur le

28 terrain et pris des mesures adaptées à la situation dans la région

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1 frontalière.'" Ceci est attribué au porte-parole de l'armée, Blagoja

2 Markovski.

3 "L'attaque de samedi a fait éclater une période de calme dans les

4 combats qui a duré un mois entre les forces de sécurité macédoniennes et la

5 guérilla séparatrice albanaise qui se battaient en Macédoine."

6 Est-ce que vous voyez ça ?

7 R. Oui.

8 M. METTRAUX : [interprétation] Nous allons passer à la page suivante, en

9 haut de la page.

10 Q. Le porte-parole a dit : "Ils ont conduit direct dans une embuscade, et

11 l'ensemble de l'incident a duré pas plus de dix minutes."

12 Et il a ajouté : "Les forces terroristes albanaises ont fui dans les

13 montagnes, il n'y a pas eu de tirs par la suite."

14 Est-ce que vous voyez ça ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous avez eu cette information au moment de votre rapport,

17 de sa rédaction ?

18 R. J'ai eu quelques informations émanant de sources différentes. Je ne me

19 souviens pas de ce rapport en particulier.

20 Q. Ensuite, il continue : "Le bilan est le plus lourd dans un seul

21 incident depuis que les "clashes" entre les troupes macédoniennes et les

22 rebelles albanais de l'Armée de libération nationale autoproclamée ont

23 érupté [phon] en février et mars."

24 Est-ce que vous voyez ça ?

25 R. Oui, je vois.

26 Q. Est-ce qu'il est exact de dire que s'agissant des victimes c'était

27 l'attaque la plus grave depuis le début de la crise; est-ce exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Il est exact aussi, Monsieur Bezruchenko, que ce que vous avez appelé

2 opération de l'ALN avait été aux alentours --, ce qui a provoqué la mort de

3 huit soldats policiers, a été, en fait, fermement condamnée par l'ensemble

4 de la communauté internationale en tant qu'acte criminel et terroriste.

5 Est-ce que vous le savez ?

6 R. Oui, ceci a été condamné.

7 Q. Et ceci a été condamné, par exemple, par l'administration américaine en

8 tant qu'acte absurde de violence. Est-ce que vous vous souvenez de cette

9 condamnation en particulier ?

10 R. Je pense que oui.

11 Q. Et ceci a été condamné également par le Département d'Etat des Etats-

12 Unis en tant qu'acte terroriste et activités terroristes, de même

13 qu'attaque barbare et violence extrémiste. Est-ce que vous vous souvenez de

14 cela ?

15 R. Je ne me souviens pas de la formulation exacte utilisée dans cette

16 déclaration, mais je pense qu'effectivement une telle déclaration a été

17 faite.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'une condamnation semblable de la part

19 des forces de l'OTAN ?

20 R. Je pense qu'effectivement une telle déclaration a été faite.

21 Q. Est-ce que vous vous souvenez du fait que dans cette déclaration il a

22 été dit quelque chose allant dans le sens que : "Lord Robertson," qui était

23 à l'époque le secrétaire général de l'OTAN, "était révolté et terrifié par

24 ce qu'il a décrit en tant qu'acte d'extrémisme honteux." Est-ce que vous

25 vous souvenez de cette déclaration de M. Robertson ?

26 R. Oui, je pense que oui.

27 Q. Et les officiels de l'Union européenne ont utilisé une terminologie

28 semblable en parlant de l'incident à Vejce; est-ce exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez que la présidence de l'Union européenne,

3 la présidence suédoise à l'époque condamnait l'attaque de Vejce en

4 utilisant les termes suivants : "La présidence de l'Union européenne

5 condamne de manière la plus ferme possible l'attaque vicieuse à l'encontre

6 d'une patrouille à proximité du village de Vejce dans l'ancienne République

7 de Macédoine, le 28 avril, qui a provoqué la mort de huit personnes et

8 blessé plusieurs soldats macédoniens."

9 "La présidence de l'Union européenne exprime ses condoléances

10 profondes aux familles des soldats et policiers qui ont perdu la vie dans

11 cette embuscade. Cette attaque ne constitue qu'une tentative de la part des

12 extrémistes visant à miner le dialogue entre les représentants du peuple de

13 l'ancienne République yougoslave de Macédoine."

14 Est-ce que vous vous souvenez de cette déclaration de la présidence

15 de l'UE ?

16 R. Encore une fois pas vraiment la formulation, mais maintenant que vous

17 l'avez lue, oui je pense.

18 Q. Et vous êtes d'accord, n'est-ce pas, pour dire que toutes ces

19 déclarations, ce qu'elles ont en commun, elles ne suggèrent l'existence

20 d'un conflit armé; est-ce exact ?

21 R. Toutes ces déclarations décrivent ce qui s'est passé en Macédoine en

22 tant que terrorisme.

23 Q. Et vous êtes d'accord pour dire qu'aucune de ces déclarations ne

24 suggère qu'à l'époque, en avril 2001, un conflit armé se déroulait en

25 Macédoine ou que l'ALN devrait être considérée comme une partie à un

26 conflit armé. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que vous vous souvenez que M. Chris Paton, à la fin du mois, ou

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1 plutôt, le 29 avril 2001, et à la période qu'il était le commissaire de

2 l'Union européenne chargé des relations extérieures, il parlait de cette

3 attaque en parlant "d'un acte insensé de meurtre." Vous vous souvenez ?

4 R. Oui, je me souviens de cela.

5 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire, Monsieur Bezruchenko,

6 que ce choix de terminologie suggère que M. Paton, d'un côté, ne considère

7 pas que les actions de l'ALN devaient être couvertes par les lois de la

8 guerre pour ce qui est de la question de permettre le meurtre des ennemis;

9 est-ce exact ?

10 R. Monsieur Mettraux, vraiment il m'est difficile de procéder à une

11 analyse juridique ou de fournir une interprétation juridique des propos de

12 M. Paton. Je ne m'aventurerais pas à interpréter sur le plan juridique sa

13 déclaration.

14 Q. Très bien. Est-ce que vous vous souvenez que la France a condamné

15 l'attaque de Vejce entre le 28 et le 29 avril 2001 et qu'elle décrit cela

16 comme "actes terroristes." Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

17 R. Excusez-moi, Monsieur, je ne vois pas sur le compte rendu d'audience

18 vraiment ce qui a été dit.

19 Q. Je m'excuse, je vais vous fournir le document.

20 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit du document en vertu de l'article

21 65 ter dont le numéro est 1D691. Merci.

22 Q. Monsieur Bezruchenko, comme vous pouvez le voir, il s'agit là d'une

23 déclaration faite par le ministre des Affaires étrangères, son porte-

24 parole, et la date est le 30 avril à Paris.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Et je vais demander au greffe de montrer la

26 page 1D00-82358. Merci.

27 Q. Je vais vous demander maintenant de vous concentrer sur l'intitulé

28 "FIRM" [comme interprété] portant sur la réaction de la France à l'attaque

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1 meurtrière à Tetovo le 28 avril."

2 Vous voyez ça ?

3 R. Oui, je vois.

4 Q. Et le ministre des Affaires étrangères français a dit à l'époque comme

5 suit : "Nous condamnons de manière ferme l'acte terroriste perpétré le 28

6 avril par les extrémistes albanais à l'encontre des forces macédoniennes

7 dans lequel huit soldats macédoniens ont été tués et plusieurs autres

8 grièvement blessés près de Tetovo."

9 Il continue : "Il n'y a pas d'avenir pour ceux, qui qu'ils soient,

10 qui ont recours à la violence et souhaitent s'opposer au processus de

11 démocratisation et de réconciliation dans la région."

12 Est-ce que vous voyez ça ?

13 R. Oui.

14 Q. Et vous êtes d'accord pour dire que le ministre des Affaires étrangères

15 français considérait que l'attaque avait été un acte de terrorisme; est-ce

16 exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'était aussi la position

19 de l'administration des Etats-Unis à l'époque; est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, simplement pour

22 procéder plus vite, nous allons faire référence à la pièce à conviction

23 1D98 qui contient un nombre de déclarations qui peuvent vous être utiles.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez, Monsieur Bezruchenko, du premier article

25 que je vous ai montré qui dit, qu'en réalité, "l'attaque de Vejce était --

26 ," je pense qu'il était dit qu'il avait fait éclater un calme d'un mois

27 dans le combat."

28 Est-ce qu'il est exact qu'avant cette attaque à Vejce, le mois

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1 d'avril était plus ou moins calme ?

2 R. Je pense que c'était l'attaque la plus importante en termes militaires

3 qui a eu lieu en avril. Cela étant dit, je souhaite également ajouter que

4 les activités militaires de types différents se déroulaient en avril, et en

5 réalité, si je puis dire un peu plus à ce sujet, en faisant référence au

6 paragraphe approprié dans la section 35 de mon rapport qui est "la

7 chronologie" de ce conflit.

8 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko, mais avant de vous poser la

9 question suivante --

10 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais dû dire

11 "1D198," et je m'excuse.

12 Q. Monsieur Bezruchenko, vous venez de dire qu'en réalité, il y a eu

13 d'autres activités au cours du mois d'avril 2001, pertinentes dans

14 l'affaire précédente. Est-ce que vous êtes au courant des victimes tombées

15 au combat du côté de l'ALN au cours de ce mois-ci ?

16 R. Afin de ce faire, il me faudra me pencher sur le document particulier

17 qui a été délivré par l'ALN et qui reflète la liste des victimes infligées

18 à l'ALN tout au long du conflit.

19 Permettez-moi de poursuivre, Maître Mettraux. Si mes souvenirs sont

20 bons, il y a 53 noms figurant sur cette liste. Et si l'on fait référence

21 directement à la question de savoir s'il y a eu des victimes du côté de

22 l'ALN en avril, je dirais que peut-être c'était le cas, mais vraiment il

23 faudrait revenir à ce document-là qui contient les dates exactes et les

24 localités exactes au sujet de ces victimes.

25 Q. Donc, les 53 victimes, Monsieur Bezruchenko, que vous avez mentionnées,

26 ce sont en réalité les victimes qui ont été infligées, d'après ces archives

27 de l'ALN, au cours de l'ensemble de la crise de 2001; est-ce exact ?

28 R. D'après ce document, oui.

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1 Q. Est-ce que vous savez si tout d'abord la police a subi des pertes au

2 cours du mois d'avril 2001 ? Encore une fois, je mets de côté pour le

3 moment l'incident de Vejce.

4 R. Comme je l'ai déjà dit, les développements du mois d'avril sont décrits

5 dans les paragraphes 42 à 48 de mon rapport, Monsieur Mettraux. Et en

6 réalité, il existe un résumé des événements et une analyse des événements

7 pour chaque mois qui a précédé la description elle-même. Si je peux lire

8 mon évaluation des développements en avril.

9 Q. Je vais vous montrer le document pour vous aider.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce P45, s'il

11 vous plaît.

12 Q. Monsieur Bezruchenko, encore une fois, il s'agit là du "Livre blanc" du

13 ministère de l'Intérieur.

14 R. Oui.

15 M. METTRAUX : [interprétation] Et je demanderais au greffe de passer à la

16 page 139 du document. Il s'agit de N000-9387. Ce serait la page suivante,

17 je crois. Merci.

18 Q. Monsieur Bezruchenko, reconnaissez-vous cette page en particulier du

19 "Livre blanc" contenant les noms des policiers qui ont été tués au cours de

20 cette confrontation armée, d'après leur terminologie. Vous voyez cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Si vous l'examinez, vous pouvez voir l'ordre chronologique qui dit

23 qu'au cours du mois d'avril 2001, vous êtes d'accord pour dire que quatre

24 policiers ont trouvé la mort, les quatre le 28 avril 2001, et les quatre

25 dans le cadre de l'incident de Vejce et Selce comme on l'a dit; est-ce

26 exact ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 M. METTRAUX : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante, s'il vous

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1 plaît, et si vous pouvez aller en haut de la page pour identifier cela.

2 Q. Il s'agit là d'une liste semblable, Monsieur Bezruchenko, est-ce que

3 vous êtes d'accord pour dire que ceci concerne les membres de l'armée qui

4 ont été tués en 2001 ?

5 R. Oui.

6 Q. Et si vous examinez le nom qui apparaît aux numéros 8 à 10 [comme

7 interprété], est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'au cours

8 du mois d'avril 2001, cinq membres de l'armée ont été tués dont quatre le

9 28 avril 2001, dans l'incident dont il a été question et le cinquième dans

10 le village d'Alasevci, le 23 avril 2001; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Pour revenir -- toute cette histoire de fin de mois, est-ce exact,

13 Monsieur Bezruchenko, qu'à la fin du mois, l'ALN était toujours vue par la

14 communauté internationale pas comme faisant partie du conflit armé mais

15 comme une organisation terroriste; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Dans le cadre de ce qu'on peut dire de façon générale sur la situation

18 à ce moment-là, est-ce que vous saviez, par exemple, que le 30 avril,

19 plutôt, à la fin du mois d'avril, est-ce que vous saviez combien il y avait

20 de gens qui avaient rejoint les rangs de l'ALN à ce moment-là ?

21 R. C'est difficile de vous dire cela, d'évaluer cela; je vous ai fait part

22 des évaluations faites par différents auteurs. Si vous basez votre

23 évaluation sur le fait que l'ALN, ou plutôt, sa force d'active à la fin du

24 conflit représentait à peu près 8 000 hommes, j'imagine alors qu'au mois

25 d'avril, peut-être, il y avait au total jusqu'à 2 000 hommes dans cette

26 force-là.

27 Q. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que vous n'avez jamais vérifié

28 cela, à savoir cette évaluation correspond à 8 000 et l'évaluation que vous

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1 venez de faire, à savoir 2 000 ?

2 R. C'est le produit d'une analyse, ce chiffre-là, mais cette analyse se

3 base sur de nombreuses sources. Le premier chiffre, à savoir 8 000 hommes,

4 c'est le chiffre qui a été confirmé par les analystes militaires

5 macédoniens dans le livre "La guerre en Macédoine." Le deuxième chiffre, à

6 nouveau, est le fruit de mon analyse basée sur différents documents

7 militaires macédoniens.

8 Q. Le chiffre de 8 000 que vous avez avancé, vous avez dit que c'est un

9 chiffre qui figure dans ce livre que vous avez cité à de nombreuses

10 reprises, mais est-ce que vous pouvez nous dire sur quoi, enfin, quelle est

11 la base des documents sur lesquels se sont fondés ces experts pour écrire

12 ce livre ?

13 R. Je ne sais pas quels sont les documents concrets qu'ils ont utilisés,

14 mais dans ce livre vous trouvez de nombreux documents qui sont à l'origine

15 de leurs analyses, et on a l'impression que ce sont vraiment des sources

16 fiables d'information.

17 Q. A la fin du mois d'avril 2001, Monsieur Bezruchenko, est-ce que vous

18 avez vu un quelconque document relatif au combat en provenance de l'ALN

19 ayant pour date le mois d'avril 2001, des ordres, des cartes, quoi que ce

20 soit ?

21 R. Non, je n'en ai pas vu. Je n'ai pas vu de cartes, je n'ai pas d'ordres

22 à ces dates-là.

23 Q. Bien. Maintenant on va passer au mois de mai, Monsieur Bezruchenko, et

24 je vais vous demander, dans votre rapport, de faire référence au paragraphe

25 174.

26 M. METTRAUX : [interprétation] Pour ceci, je vais demander au greffier de

27 nous présenter la pièce P466.

28 Q. Monsieur Bezruchenko, ceci commence à la page 47 et à la page 48.

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1 Dans ce paragraphe, vous conviendrez que vous faites référence à

2 l'ALN qui a mis en place un troisième front, comme vous dites, dans la

3 région de Kumanovo au nord de Skopje. Dans ce paragraphe, vous parlez des

4 activités qui se sont déroulées en particulier autour du village de

5 Vaksince. Est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vais vous poser un certain nombre de questions par rapport à ce

8 village de Vaksince.

9 Est-ce exact que l'ALN a pris le village sans qu'il y ait eu de

10 combat ?

11 R. Oui. Je pense plutôt que ce qui s'est passé, c'est que le village a été

12 tout simplement pris par le biais d'infiltration.

13 Q. Est-ce que vous savez combien de membres de l'ALN ont participé à cela,

14 c'est-à-dire la prise de contrôle du village de Vasksince au mois de mai

15 2001 ?

16 R. Non, je n'ai pas cette information.

17 Q. Est-ce qu'il y a eu des pertes dans le village de Vaksince pendant

18 cette période-là, c'est-à-dire pendant la période du mois de mai 2001, que

19 ce soit du côté de l'ALN ou des forces macédoniennes ?

20 R. Je pense qu'il y a eu des combats assez sérieux dans la région de

21 Vaksince, et ceci pendant le mois de mai. Le 24 mai, six policiers

22 macédoniens ont été blessés au cours de ces combats, et je pense qu'il y a

23 eu aussi des pertes du côté de l'ALN.

24 Q. Je vais vous poser une question un peu plus générale. Pendant tout le

25 mois de mai 2001, trois soldats de l'armée sont morts dans la région, alors

26 que deux d'entre eux sont morts dans la région de Vaksince ? Est-ce que

27 cela correspond à votre meilleur souvenir ?

28 R. C'est partiellement exact, parce qu'apparemment il y a eu d'autres

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1 pertes aussi. Je voudrais vous demander d'examiner en particulier le

2 document 65 ter 960, c'est un document du ministère de l'Intérieur intitulé

3 "Les informations reçues au niveau du quartier général de Ramno, entre 7

4 heures du matin le 24 mai 2001 et 7 heures du matin le 25 mai 2001."

5 Ce document est en date du 25 mai 2001, et parle de pertes au niveau de la

6 police, à savoir six policiers macédoniens ont été blessés au cours de

7 cette opération.

8 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko, et cette information d'ailleurs

9 correspond à ce qui figure dans votre rapport.

10 Est-ce que vous savez s'il y a eu des policiers macédoniens ou des membres

11 des forces de sécurité du MUP qui ont été tués autour de Vaksince au cours

12 du mois de mai 2001 ?

13 R. Pour être encore plus précis, Monsieur Mettraux, je voudrais faire

14 référence à plusieurs paragraphes de mon rapport qui parlent de ces

15 événements, comme cela est indiqué dans la "Chronologie", il s'agit de la

16 partie 5.

17 Q. En ce qui concerne les pertes, est-ce que vous êtes au courant des

18 pertes éventuelles essuyées par les forces de la police ou par le ministère

19 des Affaires intérieures à Vaksince ou dans la région de Vaksince au cours

20 du mois de mai 2001 ?

21 R. Mais c'est exactement de cela que je parle : il y a eu des combats dans

22 la région de Vaksince au mois de mai. Apparemment, le 2 ou le 3 mai, l'ALN

23 a attaqué une patrouille macédonienne à proximité du village de Vaksince.

24 Deux soldats armés ont été tués, il y en a un qui a été capturé de toute

25 apparence. L'ALN a ensuite attaqué un point de contrôle avec des feux de

26 mortier près de Kumanovo.

27 Suite à ces événements, le président de Macédoine, Trajkovski, a pris une

28 décision concernant l'utilisation de l'armée et des forces de la police

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1 pour participer à l'opération dans la région de Vaksince, Slupcane, et

2 d'autres zones de responsabilité, et cette décision a été prise le 3 mai

3 2001.

4 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous me dire ce qui figure dans votre

5 rapport et ne pas aller au-delà.

6 M. METTRAUX : [interprétation] Pour cela, je voudrais aussi demander que

7 l'on montre au témoin la pièce P45. Il s'agit de la page 139.

8 Q. C'est à nouveau le "Livre blanc."

9 M. METTRAUX : [interprétation] La page qui m'intéresse, c'est la page N000-

10 9387. Pourriez-vous vous référer à la page N000-9387 ? Je vous remercie.

11 Q. Est-ce la même liste que celle que nous avons vue par rapport aux

12 pertes essuyées par la police au cours des conflits armés qui ont eu lieu

13 en 2001 ?

14 Parce que pour le mois de mai, on n'y voit pas de pertes au niveau de la

15 police. Vous êtes d'accord avec moi ?

16 R. C'est ce qui est écrit ici, mais dans le rapport que je viens de vous

17 mentionner, on dit qu'il y a eu effectivement des pertes au niveau de la

18 police au mois de mai.

19 Q. Mais dans cet autre document, on parle de policiers qui ont été blessés

20 ?

21 R. Oui. Mais j'ai dit qu'effectivement parmi ces policiers, il y en avait

22 quatre qui étaient blessés.

23 M. METTRAUX : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Mettraux, ce document parle

25 de personnes tuées.

26 On parle de pertes qui comprennent aussi bien les blessés que les

27 tués.

28 M. METTRAUX : [interprétation] C'est moi qui n'ai pas bien compris. J'avais

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1 l'impression que les pertes, que ce terme correspondait uniquement aux

2 personnes tuées.

3 Q. Je vais reposer la question autrement.

4 Est-ce que vous êtes d'accord que trois personnes pendant le mois de mai

5 2001 ont été tuées, deux d'entre elles dans le village de Vaksince ou aux

6 alentours, et ceci, le 3 mai 2001 ? Est-ce exact ?

7 R. Pourriez-vous me montrer cela, c'est en bas de la page ?

8 Q. C'est pages 14 [comme interprété] à 15.

9 R. C'est tout à fait cohérent par rapport à l'analyse que j'ai faite.

10 Q. Est-ce que vous diriez qu'au mois de mai 2001, il n'y a que trois

11 membres de la police macédonienne qui ont été tués pendant la crise ? Est-

12 ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous conviendriez aussi que la position de la communauté

15 internationale par rapport au statut de l'ALN, et tout particulièrement le

16 fait que l'on considérait que c'était un groupe terroriste ou extrémiste,

17 que cette position était toujours valable, qu'elle n'avait pas changé

18 d'avis ?

19 R. Oui. On a continué à faire de telles déclarations au niveau de la

20 communauté internationale.

21 Q. C'était aussi le point de vue des Etats-Unis d'Amérique, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Et aussi des pays membres de l'Union européenne ?

24 R. Oui.

25 Q. Et la Grande-Bretagne, par exemple ?

26 R. Oui.

27 Q. Et peut-être que vous savez aussi quelle était la déclaration faite par

28 M. George Robertson à ce sujet, où il dit que l'ALN, c'était des "tueurs,

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1 des meurtriers".

2 R. Oui, je me rappelle de cela.

3 Q. Monsieur Bezruchenko, est-il exact que la raison pour laquelle l'ALN

4 n'a pas été chassée du village ou des villages de Vaksince et Slupcane

5 réside dans le fait que le gouvernement s'est gardé d'infliger des victimes

6 parmi la population civile. Est-ce exact ?

7 R. J'ai vu cela dans les documents, mais, j'ai l'impression que le

8 gouvernement était déterminé à chasser l'ALN de ces villages et des autres

9 villages qui ont été contrôlés par l'ALN. De nombreuses décisions du

10 président, qui mentionne de façon expresse ce village, on en a discuté de

11 ces décisions.

12 De toute apparence, un certain nombre de cessez-le-feu étaient en

13 train d'être mis en place pour le bénéfice des civils, pour qu'ils puissent

14 se retirer de ces villages en toute sécurité. Cependant, après avoir dit

15 cela, je pense qu'il y avait une tendance claire pendant tout le conflit,

16 qui consistait à ne pas respecter ces cessez-le-feu.

17 Q. Je vais vous reposer la question; et si vous ne savez pas la

18 réponse, dites-le-moi, s'il vous plaît.

19 Est-ce que vous savez qu'il existe des informations indiquant que les

20 forces macédoniennes se sont gardées de reprendre les villages de Vaksince

21 et Slupcane justement pour éviter des pertes civiles puisque l'ALN à

22 l'époque utilisait des boucliers humains pour se protéger des attaques ?

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Saxon.

24 M. SAXON : [interprétation] Le témoin a répondu à cette question,

25 puisqu'on lui a posé exactement la même. Pourquoi on a besoin de continuer

26 ?

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. Mettraux avait l'impression

28 qu'on n'avait pas répondu directement à la question.

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1 Vous pouvez continuer, Monsieur Mettraux.

2 M. METTRAUX : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 Q. Est-ce que vous voulez que je vous répète la question ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous savez que les forces macédoniennes n'ont pas voulu

6 prendre les villages de Vaksince et Slupcane pour justement éviter les

7 pertes auprès de la population civile, et surtout parce que l'ALN à

8 l'époque faisait usage de boucliers humains pour se protéger de ces

9 attaques ?

10 R. Je n'ai pas vu des ordres particuliers, je n'ai pas vu de références

11 faites aux boucliers humains, donc pas d'informations concrètes à ce sujet.

12 Cela étant dit, dans les médias on parlait souvent de l'utilisation de

13 boucliers humains.

14 Q. Je vais vous aider en vous montrant un certain nombre de documents.

15 M. METTRAUX : [interprétation] Pour commencer, je voudrais qu'on montre au

16 témoin le document 65 ter 1D196.

17 Et, il serait nécessaire de passer à huis clos partiel pour quelques

18 instants.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

21 [Audience à huis clos partiel]

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

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2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 [Audience publique]

5 M. METTRAUX : [interprétation] Je vous remercie.

6 Q. Tout d'abord, je voudrais attirer votre attention sur ce document qui,

7 comme je vous l'ai déjà dit -- je vous ai dit d'où il vient. C'est un

8 document en date du mois de mai 2001, et le sujet est "l'occupation de

9 l'ALN au nord-est de la Macédoine".

10 C'est l'objet, "l'occupation de l'ALN au nord-est de la Macédoine :

11 le gouvernement réfléchit entre la possibilité d'une réponse rapide et les

12 éventuelles pertes civiles que cela pourrait entraîner."

13 Est-ce que vous avez vu cela ?

14 R. Oui.

15 M. METTRAUX : [interprétation] Je vais vous donner lecture du 3 (C). On

16 peut lire : "Plus tôt le 3 mai, le ministère des Affaires intérieures a

17 fait une annonce publique demandant aux citoyens de Slupcane et Vaksince de

18 quitter leurs foyers de façon temporaire, entre le moment où l'annonce est

19 faite et 15 heures."

20 Est-ce que vous voyez cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que cela correspond à cette demande faite par le gouvernement à

23 l'intention des civils pour qu'ils quittent leurs foyers ?

24 R. Oui.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Maintenant, c'est la page 1D00-7525 [comme

26 interprété] qui m'intéresse. Pouvez-vous la montrer au témoin ? C'est le

27 haut de la page qui m'intéresse, je vous remercie.

28 Q. On voit un commentaire qui dit ce qui suit : "Les villageois serbes

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1 interviewés par un journaliste de la télévision indépendante A1 a dit que

2 les gens portant des uniformes noirs et des rubans rouges, les terroristes,

3 les ont empêchés de quitter leurs villages."

4 Est-ce que vous voyez cela ?

5 R. Oui.

6 M. METTRAUX : [interprétation] A présent, je vais vous demander de passer à

7 la pièce suivante, la pièce 1D155, s'il vous plaît.

8 Q. Monsieur Bezruchenko, vous allez voir sous vos yeux toute une série

9 d'articles des journaux qui ont été rassemblés par le bureau des affaires

10 publiques et de la communication de la mission des Nations Unies.

11 M. METTRAUX : [interprétation] Ce qui m'intéresse surtout, c'est la page

12 1D00-5133.

13 Q. C'est un article en date du 7 mai 2001, et c'est le bas de page qui

14 m'intéresse, intitulée, "Les voyous qui tuent".

15 "Le secrétaire général de l'OTAN, George Robertson, lundi, a dit que

16 ces rebelles sont des voyous qui tuent, qui n'ont pas de légitimité et qui

17 sont là pour détruire une république démocratique en utilisant les civils

18 comme des 'boucliers humains'. Les rebelles ont dit qu'ils se battent pour

19 donner plus de droits à la minorité albanaise en Macédoine, et ils ont nié

20 tenir les civils contre leur volonté."

21 M. METTRAUX : [interprétation] Ensuite, il y a un premier paragraphe sur la

22 page suivante.

23 Q. On parle des "militaires macédoniens près de Tetovo". Et dans le

24 paragraphe suivant, on dit que la Croix-Rouge a eu la possibilité de

25 fournir de l'aide humanitaire à Vaksince et Slupcane le dimanche.

26 Est-ce que vous voyez cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Apparemment, ils ont fait part d'inquiétude au sujet des civils ?

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1 R. C'est vrai.

2 Q. Et ensuite :

3 "Un diplomate de haut niveau de l'Organisation pour la Sécurité et la

4 Coopération en Europe, l'OSCE, a dit que les guérillas empêchaient les

5 civils de quitter les villages qui sont placés sous le feu des balles."

6 Ensuite, il dit : "Nous avons observé des cas de villageois à qui les

7 forces de la guérilla de l'UCK n'ont pas permis de quitter les villages.

8 D'après une source de l'OSCE, 'c'est facile de procéder à des intimidations

9 dans un petit village, surtout quant vous avez des vieillards et des

10 faibles. Nous sommes très inquiets quant à la situation humanitaire. Ça

11 commence à ressembler à un siège. Ils ont des problèmes avec les vivres.'"

12 Ensuite : "Les autorités macédoniennes ont fait appel à la population

13 civile leur demandant de quitter la région, et ceci à plusieurs reprises,

14 en promettant de ne pas tirer pendant plusieurs heures tous les matins, et

15 en leur proposant des moyens de transport."

16 Quand vous voyez cela, cela démontre qu'à cette époque-là, les autorités

17 macédoniennes s'efforçaient de ne pas infliger des pertes au niveau de la

18 population civile en leur demandant de quitter la région, ce qu'ils ne

19 pouvaient pas faire parce que l'ALN les utilisait comme des boucliers

20 humains. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

21 R. Je pense que les autorités macédoniennes ont en effet fait preuve de

22 restreinte quand il s'agissait d'une menace évidente pour la population

23 civile. Il y a eu plusieurs rapports de la Croix-Rouge internationale qui

24 parle de telles situations, je les ai cités dans mon rapport au niveau de

25 la section 5 en l'occurrence, et ceci figure dans la "Chronologie du

26 conflit" --

27 Q. Mais vous êtes d'accord aussi que la raison pour laquelle le

28 gouvernement macédonien n'a pas attaqué l'UCK, c'était justement pour qu'il

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1 n'y ait pas de conséquences pour la population civile ?

2 R. Je dirais tout simplement que c'était un facteur important quand il

3 s'agissait de prendre des décisions de la part des autorités macédoniennes.

4 Et c'était peut-être important pour la planification militaire.

5 Cela étant dit, est-ce qu'on peut aller jusqu'à dire que la situation

6 est exactement la même dans chacun des cas, j'aurais du mal à le dire. Cela

7 étant dit, je pense que les autorités macédoniennes ont essayé de réduire

8 leurs activités dans une certaine mesure, de se restreindre.

9 Q. Est-il exact aussi que le conflit dans le village de Vaksince, les

10 échanges de tirs entre l'ALN et les forces macédoniennes n'ont duré que

11 quelques heures. Après cela, la plupart des membres de l'ALN se sont

12 retirés; est-ce exact ?

13 R. Parlez-vous d'une date précise ?

14 Q. Je parle plus particulièrement de la période que vous évoquez dans

15 votre rapport, Monsieur Bezruchenko.

16 R. En fait, les éléments de preuve et les rapports que j'ai examinés

17 jusqu'à présent semblent permettre de penser que les combats survenus aux

18 environs de Vaksince n'ont pas duré en réalité un seul jour seulement, et

19 qu'il s'est agi en fait de combats récurrents.

20 Des échanges de feu et des batailles se sont poursuivis malgré une

21 réduction significative de la présence de l'ALN, ce qui est possible.

22 Q. Je vous remercie. Dans votre rapport, au paragraphe 174, vous évoquez

23 le fait que le 24 mai 2001 -- excusez-moi, le 26 mai 2001, l'ALN a occupé

24 le village de Matejce; ceci est-il exact ?

25 R. Oui. Je crois effectivement que c'est à peu près à cette date que cela

26 s'est passé.

27 Q. Est-il exact qu'à ce moment-là, le 30 mai 2001, ou peut-être même le 1er

28 avril 2001, un soldat a été tué et deux soldats ont été blessés lorsqu'un

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1 camion a sauté sur une mine à Matejce ?

2 Excusez-moi, Monsieur Bezruchenko, apparemment je me suis mal

3 exprimé, je vais reformuler ma question.

4 Est-il exact que dans cette période c'est-à-dire le 30 mai 2001 ou peut-

5 être le 1er juin 2001, un soldat a été tué et deux autres, blessés lorsqu'un

6 camion a sauté sur une mine à Matejce ?

7 R. Selon mon rapport, Maître Mettraux, selon mon rapport, le 30 mai et le

8 31 mai, des combats importants se sont poursuivis dans la région de Matejce

9 avec des tirs d'obus des deux côtés. Un soldat qui était apparemment de

10 l'armée macédonienne a été tué, deux autres étant blessés au moment où leur

11 camion a sauté sur une mine non loin de Blace, c'est-à-dire tout près d'un

12 mirador de la frontière.

13 Q. Vous rappelez-vous que cette attaque de l'ALN a été décrite dans les

14 termes suivants : "L'imagination malade d'éléments terroristes qui

15 s'efforcent de présenter des questions non existantes comme existantes

16 semblent être sans limite. Les forces de l'UCK alliées aux terroristes sont

17 en question." Ce sont les termes utilisés.

18 Vous rappelez-vous cette déclaration ?

19 R. Je ne suis pas sûr, je ne sais pas très bien à qui est attribuée cette

20 déclaration.

21 Q. C'est une déclaration qui est reprise dans le "Livre blanc", pièce à

22 conviction P45, attribuée au porte-parole du ministère des Affaires

23 étrangères de Grèce.

24 R. J'ai lu le "Livre blanc", et j'imagine que j'ai dû voir aussi cette

25 déclaration.

26 Q. Je vous remercie.

27 Pour en terminer avec le mois de mai 2001, je vous demande si, à ce

28 jour, Monsieur Bezruchenko, vous avez déjà eu sous les yeux un quelconque

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1 élément de preuve documentaire concernant l'existence de brigades à ce

2 moment-là, je veux parler du mois de mai 2001, et je vous pose la question

3 au sujet d'éléments de preuve documentaire émanant de l'ALN.

4 R. Emanant de l'ALN ?

5 Q. C'est exact.

6 R. J'ai eu sous les yeux les registres de quelques brigades, mais il

7 serait difficile d'établir en réalité si ces documents dataient de mai

8 2001.

9 Q. Avez-vous eu sous les yeux des éléments de preuve documentaire - la

10 question vous a déjà été posée - se présentant sous la forme d'ordres ou de

11 cartes géographiques relatives à des opérations datant du mois de mai 2001,

12 c'est-à-dire manifestement à des activités de l'ALN pour cette même époque

13 ?

14 R. Je vous répondrais sans doute de la même façon que ce que j'ai déjà

15 fait précédemment lorsque vous m'avez posé une question très semblable,

16 Maître Mettraux.

17 Je vous renverrais encore une fois à un document, "Une directive de

18 l'ALN", qui semble indiquer de façon très claire quelles étaient les

19 positions de l'ALN avant le mois de juin 2001, y compris durant le mois de

20 mai 2001.

21 Q. Donc, à ma récente question qui a été plus précise que la précédente,

22 Monsieur Bezruchenko, vous répondez que vous n'avez pas eu de tels

23 documents sous les yeux; c'est bien cela ?

24 R. Des documents émanant précisément de l'ALN et datant de mai 2001, je

25 crains de ne pas en avoir eu sous les yeux.

26 Q. Savez-vous combien d'hommes ont rejoint les rangs de l'ALN durant le

27 mois de mai 2001 ou à la fin du mois de mai 2001 ?

28 R. Encore une fois, une telle appréciation serait très difficile à faire.

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1 Je vais vous donner un exemple. Un document macédonien au moins évoque le

2 potentiel de mobilisation de l'ALN comme étant égal à 10 000 hommes dans le

3 seul secteur de Skopje. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que la

4 totalité de ces 10 000 hommes a été mobilisée et a rejoint les rangs de

5 l'ALN. Mais cela évoque sans aucune doute un potentiel important de

6 mobilisation.

7 Pour revenir maintenant à votre question précise, je dirais que selon

8 mon appréciation approximative, très approximative, l'ALN était en train en

9 réalité de se développer du point de vue de l'importance des territoires

10 qu'elle contrôlait, et du point de vue également de ses effectifs

11 numériques, et qu'il est probable qu'à cette époque-là ses effectifs

12 dépassaient 2 000 hommes.

13 Q. Encore une fois, Monsieur Bezruchenko, c'est une opinion que vous

14 exprimez, vous n'avez eu aucun élément de preuve documentaire sous les yeux

15 à l'appui du chiffre que vous venez de citer, n'est-ce pas, pour le mois de

16 mai 2001, bien entendu ?

17 R. Il serait difficile, Maître, d'affecter un quelconque document à ce

18 genre d'appréciation chiffrée. Comme je l'ai sans doute déjà dit, une

19 analyse militaire est quelque chose de très délicat, qui s'appuie sur des

20 interprétations, sur la déduction, sur l'analyse également d'un certain

21 nombre de documents très divers dans leur intégralité.

22 Donc le problème n'est pas réellement de savoir ce qu'indique tel ou

23 tel document. Le problème est plutôt de savoir quelle est la conception

24 sous-jacente que l'on est en droit de tirer de la lecture intégrale de tel

25 ou tel document.

26 Q. Je vous remercie, Monsieur Bezruchenko.

27 J'aimerais maintenant que nous parlions du mois suivant de cette année-là,

28 à savoir le mois de juin 2001, et je vous renverrais à la page 48 de votre

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1 rapport à cet effet.

2 M. METTRAUX : [interprétation] Je demande que l'on soumette au témoin la

3 pièce P466.

4 Q. Monsieur Bezruchenko, j'appellerai d'abord votre attention sur le

5 paragraphe 175 de votre rapport.

6 M. METTRAUX : [interprétation] Et j'indique que c'est la page précédente

7 qu'il convient d'afficher sur les écrans.

8 Q. Penchons-nous sur ce paragraphe de votre rapport, Monsieur Bezruchenko,

9 et je vous demande si vous conviendrez que ce paragraphe de votre rapport

10 traite des événements survenus le 9 juin 2001 dans la ville d'Aracinovo,

11 une banlieue de Skopje, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Dans ce paragraphe, vous vous appuyez sur une déclaration attribuée à

14 M. Boskoski selon laquelle 800 guérilleros de l'ALN étaient présents

15 pendant les événements que vous décrivez dans ce paragraphe.

16 Ma question est la suivante : avez-vous pu vérifier le nombre de

17 membres de l'ALN qui se trouvaient à Aracinovo ce jour-là ?

18 R. Pas vraiment. En fait, je n'avais aucune raison de mettre en doute une

19 source qui était une source de grande autorité.

20 Q. Par ces mots vous entendez M. Boskoski ?

21 R. Par ces mots, j'entends le ministère de l'Intérieur et le ministre de

22 l'Intérieur, bien entendu.

23 Q. Est-il exact que les forces de l'ALN ont par la suite été évacuées par

24 l'OTAN hors de la ville d'Aracinovo à bord de camions, n'est-ce pas ?

25 R. Je parlerais plutôt d'autobus de l'OTAN.

26 Q. Je vous remercie. Savez-vous combien d'autobus il a fallu à l'OTAN pour

27 évacuer ces membres de l'ALN ?

28 R. Non, je ne le sais pas, Maître.

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1 Q. Est-il exact, Monsieur Bezruchenko, que pendant le mois de juin 2001,

2 trois policiers ont été tués, tous les trois le 22 ou le 23 juin dans la

3 zone d'Aracinovo ? Est-ce que vous êtes au courant de ce fait ?

4 Mes excuses, je devrais préciser l'identité des personnes tuées. Il

5 s'agissait de trois policiers.

6 R. Je vous demande un instant, Maître Mettraux.

7 Q. Pour ne pas perdre de temps, Monsieur Bezruchenko --

8 M. METTRAUX : [interprétation] Je demanderais au greffe d'afficher sur les

9 écrans la pièce P45, et je demande l'affichage de la page 139 de ce

10 document.

11 Q. Monsieur Bezruchenko, vous avez devant vous la liste que je vous ai

12 déjà montrée précédemment, et je vous demanderai simplement de confirmer ce

13 qu'on peut lire dans la première liste - affichage de la page suivante,

14 s'il vous plaît, bien - dans cette liste, au regard des numéros 8, 9 et 10,

15 nous voyons les noms de trois officiers de police qui ont trouvé la mort le

16 23 juin 2001 dans le village d'Aracinovo, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, c'est exact, Maître. Et si vous me le permettrez, j'ajouterais que

18 cet incident est décrit plus en détail au paragraphe 98, chapitre 5 de mon

19 rapport. Si vous me le permettez, j'aimerais vous citer cette partie de mon

20 rapport.

21 Q. Nous avons votre rapport, Monsieur Bezruchenko, donc, je demande

22 l'affichage à la page suivante de ce document. Vous avez là une liste,

23 Monsieur Bezruchenko, je vous indique qu'il s'agit toujours de cette liste

24 des membres de l'armée qui ont péri pendant la crise. Conviendriez-vous

25 qu'il semble ressortir de la lecture de ces listes qu'il n'y a eu aucune

26 perte humaine, aucun décès parmi les membres de l'armée ?

27 M. METTRAUX : [interprétation] Défilement du texte vers le bas, je vous

28 prie.

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1 Q. Apparemment, à la lecture de ces listes, il est permis de penser

2 qu'aucun membre de l'armée n'a trouvé la mort dans le village d'Aracinovo

3 ou dans ses environs le 22 ou le 23 juin de cette année-là, n'est-ce pas ?

4 R. Mon rapport, Maître Mettraux, indique que ce jour-là, trois membres des

5 forces de sécurité macédonienne ont été tués et neuf autres blessés, ce qui

6 porte le total des pertes humaines à 12 hommes par conséquent.

7 Q. De quelle date parlez-vous, Monsieur Bezruchenko ?

8 R. Je parle du 23 juin.

9 Q. Conviendriez-vous que selon la liste que vous avez devant vous sur

10 l'écran et qui est tirée du "Livre blanc", il n'est fait mention d'aucun

11 décès parmi les soldats le 23 juin 2001 ?

12 R. Ceci est peut-être dû au fait qu'en réalité les hommes tués étaient des

13 policiers et pas des soldats, et ceci peut-être dû au fait que les hommes

14 blessés étaient, soit des policiers, soit des soldats, soit les deux.

15 Q. Je vous remercie.

16 Vous avez indiqué, si je ne m'abuse, qu'à la fin du mois de mai 2001, vous

17 pensez que l'ALN comptait 2 000 membres. Savez-vous approximativement quel

18 est le nombre d'hommes qui auraient rejoint les rangs de l'ALN à la mi-juin

19 2001 ?

20 R. Je crois qu'en mai et juin, il y a eu en fait un développement

21 important des activités de l'ALN, aussi bien du point de vue du nombre

22 d'hommes mobilisés que du point de vue des opérations menées. Ce qui peut-

23 être est attribué au fait qu'en mai et même plus précisément à la fin du

24 mois de mai, l'ALN est parvenue à ouvrir un nouveau front dans le secteur

25 de Kumanovo. Fait qui s'est manifesté, entre autres, par l'existence de

26 combats dans le secteur de Vaksince, qui fait l'objet de notre échange à

27 l'instant.

28 Et autre corollaire de tout cela, ce corollaire c'est la capacité

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1 accrue de l'ALN à mobiliser. Par conséquent, si votre question consiste

2 précisément à demander quel était le nombre total des membres de l'ALN à la

3 mi-juin 2001, je répondrai que ce nombre était peut-être supérieur à 2 000

4 hommes; mais encore une fois, il est très difficile de vous citer un

5 chiffre précis.

6 Q. Je vous remercie.

7 M. METTRAUX : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette une

8 nouvelle fois au témoin la pièce P466, c'est-à-dire son rapport.

9 Q. Monsieur Bezruchenko, je vous demanderais de vous pencher rapidement

10 sur le paragraphe 176 de votre rapport.

11 Conviendriez-vous que dans ce paragraphe vous évoquez les actions de

12 l'ALN aux environs de la ville frontalière de Radusa, n'est-ce pas ?

13 R. Je vous demande un instant, Maître. Paragraphe 176 ?

14 Q. C'est exact.

15 R. Oui.

16 Q. Alors, j'aimerais vous poser cette question simple. Avez-vous

17 connaissance de l'existence de documents internes à l'ALN qui permettraient

18 de penser que des opérations ont été menées dans cette région pendant le

19 mois de juin 2001 ?

20 R. Oui. Il s'agit d'un document que j'ai déjà évoqué, à savoir "La

21 directive régissant les opérations de l'ALN" qui date du mois de juin 2001.

22 Q. Je reviendrai ultérieurement sur la question de la planification ou des

23 cartes que vous avez évoquées à plusieurs reprises, Monsieur Bezruchenko.

24 Mais est-il exact que ce document, je veux parler de la directive qui est

25 jointe à la carte, évoque des "idées" en vue d'actions particulières de la

26 part de l'ALN, n'est-ce pas ?

27 R. Je parlerais plutôt de "conception". C'est le terme militaire que l'on

28 utilise dans de telles circonstances.

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1 Q. Mais conviendriez-vous que le CLSS a, dans sa traduction anglaise,

2 utilisé le terme d"idées", n'est-ce pas ?

3 R. C'est peut-être une traduction rapide. Mais si vous me permettez un

4 commentaire général, je dirais que la sémantique propose plusieurs

5 possibilités de traduction d'un seul et même terme. C'est là que réside la

6 difficulté de cet art.

7 Mais oui, oui effectivement, le terme est traduit par "idées" en

8 anglais. Je ne pense pas que ce soit la bonne traduction, cela dit.

9 Q. Je vous remercie.

10 Etes-vous informé du fait, Monsieur Bezruchenko, que l'ALN ou les

11 forces macédoniennes ont toutes deux subi des pertes humaines durant le

12 mois de juin dans la ville de Radusa ou dans ses environs ?

13 R. Le mois de juin 2001 dans les environs de la ville de Radusa. Je vous

14 demande un instant.

15 Selon mon rapport, l'ALN a subi des pertes humaines pendant le mois de

16 juin.

17 Q. Lorsqu'on parle de pertes, on parle de personnes blessées, n'est-ce pas

18 ?

19 R. On parle de personnes blessées et tuées.

20 Q. Ce que vous dites concerne la ville de Radusa ou ses environs ?

21 R. Malheureusement, je n'ai pas ce document sous la main; mais comme je

22 l'ai déjà dit, il existe un document qui énumère les noms de tous les

23 membres de l'ALN tués ou blessés pendant ce conflit.

24 Je ne saurais vous dire en cet instant si l'ALN a subi des pertes à

25 Radusa, mais je suppose que cela a peut-être été le cas.

26 Q. Avez-vous eu connaissance du fait que des membres de la police ou de

27 l'armée auraient été tués dans le village de Radusa ou dans ses environs

28 durant le mois de juin 2001 ?

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1 R. Je vous demande un instant.

2 Non, je ne pense pas.

3 Q. Reparlons d'Aracinovo. Voici ma question que je vous pose pour que les

4 Juges de la Chambre puissent se faire une idée précise de ce qui se passait

5 dans la ville d'Aracinovo à ce moment-là. Est-il exact qu'au moment où

6 l'ALN a battu en retraite vers Aracinovo, il ne restait qu'une trentaine

7 d'habitants dans le village. Est-ce que vous êtes au courant de ce fait ?

8 R. Je ne comprends pas vraiment ce que vous voulez dire. Que voulez-vous

9 dire lorsque vous parlez de l'ALN qui aurait battu en retraite vers

10 Aracinovo ?

11 L'ALN, en réalité, a été évacuée hors d'Aracinovo en juin 2001, je

12 pense.

13 Q. Peut-être vous ai-je induit en erreur par ma question, Monsieur

14 Bezruchenko.

15 Je souhaitais vous ramener à la période antérieure, au moment où l'ALN a

16 pénétré dans Aracinovo au début du mois de juin. Je crois que dans votre

17 rapport vous évoquez la date du 9 juin 2001.

18 Donc, vous ayant indiqué cela, je vous demande à présent si vous êtes au

19 courant du fait qu'à l'époque où l'ALN a pénétré dans la ville d'Aracinovo,

20 il ne se trouvait dans cette ville ou dans ce village qu'une trentaine

21 d'habitants ?

22 R. Avant de répondre à cette question, Maître, j'aimerais appeler votre

23 attention sur la ligne 23 du compte rendu d'audience. Il faudrait lire, en

24 réalité :

25 "The NLA was in fact evacuated from Aracinovo."

26 L'INTERPRÈTE : L'interprète cite en anglais car il s'agit du compte rendu

27 d'audience en anglais. Donc il faut trouver le mot "évacuer" au compte

28 rendu.

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1 M. METTRAUX : [interprétation]

2 Q. Est-ce que vous aimeriez que je répète ma question, Monsieur

3 Bezruchenko ?

4 R. Oui, je vous en prie.

5 Q. Avez-vous eu connaissance du fait qu'à l'époque où l'ALN a pénétré dans

6 le village d'Aracinovo, c'est-à-dire le 9 juin 2001 ou aux environs de ce

7 jour-là, il n'y avait que 30 personnes qui vivaient encore dans ce village

8 ?

9 R. Je suis au courant du fait qu'il restait quelques civils dans le

10 village, mais il me serait difficile de vous donner une estimation exacte

11 de leur nombre.

12 Q. Est-il exact qu'il est possible que ce nombre ait été très réduit,

13 c'est-à-dire se soit limité à une trentaine de membres de l'ALN dans le

14 village d'Aracinovo à ce moment-là, et pas à 800, comme cela a été dit ?

15 R. Je pense que le nombre de 800 a été évoqué pour décrire les effectifs

16 de l'ALN qui ont pénétré dans le village le 9 juin 2001 ou aux environs de

17 ce jour-là, ou qui peut-être s'étaient infiltrés dans le village par divers

18 moyens.

19 Mais dire qu'il se trouvait 30 membres de l'ALN dans le village

20 d'Aracinovo, au lieu de 800, c'est un fait possible également, qui n'est

21 rendu possible finalement que par l'importance de la résistance qui a été

22 opposée durant les combats qui ont duré plusieurs jours dans ce secteur et

23 par l'importance des pertes humaines, j'imagine compte tenu des effectifs

24 importants qui se trouvaient dans ce village.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Est-ce que l'heure de la suspension est

26 arrivée, Monsieur le Président ?

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous reprenons nos débats à

28 13 heures.

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1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

2 --- L'audience est reprise à 13 heures 01.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Mettraux.

5 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Est-ce qu'il est exact, Monsieur Bezruchenko, qu'au moment où l'ALN est

7 entrée à Aracinovo, la police et les forces armées avaient en réalité

8 quitté le village; est-ce exact ?

9 R. Avant que nous ne traitions de cette question-là, Maître Mettraux, je

10 vous demande encore une fois de traiter du compte rendu d'audience.

11 Notamment, la ligne 24, il faudrait qu'il y soit écrit "800, ça peut

12 être le cas. Je ne dis pas que c'était nécessairement le cas, mais pourrait

13 être le cas aussi."

14 Q. Merci, Monsieur Bezruchenko, mais je vais répéter ma question : est-ce

15 qu'il est exact de dire qu'au moment où l'ALN est entrée à Aracinovo, la

16 police et les forces armées avaient en réalité quitté le village; est-ce

17 exact ?

18 R. L'impression que j'ai eue sur la base des rapports différents était,

19 qu'en réalité, les forces de sécurité macédonienne étaient autour

20 d'Aracinovo à des endroits différents et à des points de contrôle

21 différents, et je ne pense pas qu'il y ait eu de membres des forces de

22 sécurité à l'intérieur du village.

23 Q. Je vous en remercie.

24 M. METTRAUX : [interprétation] Et je souhaite que l'on vous montre la pièce

25 à conviction 1D866 en vertu de l'article 65 ter.

26 Q. Monsieur Bezruchenko, ce qui apparaîtra à l'écran tout à l'heure est

27 une information fournie, plutôt, ayant les mêmes origines que ce dont je

28 parlais avant au cours de la séance. La date est le 14 juin 2001 et le

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1 sujet du document est "Les forces de sécurité du gouvernement abandonnent

2 encore un village."

3 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit de la pièce 1D866 en vertu de

4 l'article 65 ter.

5 Q. Et vous verrez à l'écran tout à l'heure, Monsieur Bezruchenko, pour

6 économiser le temps, je vais vous le lire déjà, il est dit : "Le

7 gouvernement macédonien a pratiquement abandonné le contrôle de la ville

8 d'Aracinovo et l'a cédé aux rebelles. L'occupation du village accentue

9 l'incapacité et l'impuissance des forces de sécurité."

10 Ensuite, le document continue : "La ville est pratiquement vide à

11 l'exception d'environ 30 hommes dans la rue principale, la plupart des

12 magasins étant fermés."

13 Il est dit : "Ce même soir, la radio et la télévision locales ont

14 rendu public le fait que la ville 'a été conquise par l'Armée de libération

15 nationale, l'ALN.'"

16 Ensuite, on continue dans le document : "En réalité, la police macédonienne

17 a laissé la ville à l'ALN. La ville d'Aracinovo est connue comme centre

18 local du crime organisé et il n'y a pas de poste de police dans la ville.

19 "D'après les habitants locaux, à un moment donné, après midi,

20 vendredi le 8 juin 2001, approximativement 30 à 33 membres de l'ALN, qui

21 soi-disant ne venaient pas de la ville elle-même, sont entrés dans la ville

22 et ont commencé à intimider les habitants de la ville, notamment ceux

23 d'appartenance ethnique macédonienne."

24 Et je m'excuse en raison du fait que le document n'a toujours pas été

25 présenté, mais voici la suite : "La réaction de la police c'était d'ériger

26 un barrage qui fermait les routes principales d'entrée et de sortie du

27 village, en cédant en réalité la ville à l'ALN."

28 C'est l'opinion que j'ai voulu vous relater, je m'excuse, du fait que

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1 ceci n'a pas pu vous être montré. Est-ce que cette opinion est conforme aux

2 informations dont vous disposiez à l'égard de ces événements ?

3 R. Ceci est consistant et conforme à cela dans une grande mesure,

4 Monsieur. Cependant, je souhaite faire plusieurs commentaires par rapport à

5 ce document.

6 Tout d'abord, je souhaite dire que l'impression d'incapacité était

7 effectivement répandue et reflétait dans des publications faites par des

8 analystes macédoniens différents.

9 Deuxièmement, la date de l'occupation d'Aracinovo est exacte. Et

10 apparemment ça s'est passé vers le 8 juin 2001.

11 Troisièmement, le nombre exact de ces combattants de l'ALN qui sont entrés

12 dans le village ne se limitait pas nécessairement seulement à 30, puisque

13 la ville était sous le contrôle de l'ALN pendant un certain temps, ce qui a

14 donné l'occasion à l'ALN, tout d'abord, de recruter les membres au sein de

15 la population locale, ensuite, de faire venir des forces additionnelles,

16 des groupes et des unités de l'extérieur, même de l'extérieur du point de

17 contrôle de la police dans la région.

18 C'est mon commentaire.

19 Q. Merci, Monsieur Bezruchenko. Mais je vais vous poser une question qui

20 concerne toujours Aracinovo.

21 Est-ce qu'il est exact de dire que la reprise ou la prise du contrôle

22 de la ville de la part de l'ALN a fait l'objet des condamnations; est-ce

23 exact ?

24 R. Oui, c'est exact, ça été condamné.

25 Q. Est-il exact de dire, en particulier, que le meurtre de trois policiers

26 à Aracinovo, dont vous avez déjà déposé, a été caractérisé comme acte de

27 terroriste; est-ce exact ?

28 R. Oui, ceci a été ainsi décrit, et je pense que ceci a été qualifié

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1 d'acte de terrorisme.

2 Q. Est-ce qu'il est exact aussi de dire que l'attaque ou la prise du

3 contrôle du village ou de la ville d'Aracinovo de la part de l'ALN n'était

4 pas considérée de la part de la communauté internationale comme un acte

5 légitime de guerre ?

6 R. C'est peut-être le cas, Maître Mettraux. Cependant, je ne me suis pas

7 particulièrement penché sur ce fait dans mon rapport pour plusieurs

8 raisons.

9 Comme je l'ai déjà dit, les aspects légaux du conflit, y compris le

10 caractère légitime ou illégitime du conflit, ne faisaient pas vraiment

11 partie des questions dont je souhaitais traiter dans ce rapport.

12 Deuxièmement, l'attaque et la prise du contrôle du village d'Aracinovo

13 faisaient partie d'un seul incident dans toute une série d'attaques

14 semblables. Donc, je ne vois pas de raison de sélectionner spécifiquement

15 cette attaque pour des raisons juridiques spécifiques puisque de nombreuses

16 attaques semblables ont eu lieu en Macédoine.

17 Si, en fait, on parle des raisons militaires spécifiques pour

18 sélectionner cette attaque, des attaques semblables, là il s'agit d'autres

19 choses tout à fait. Effectivement, c'est un élément bien significatif

20 portant sur la situation sur le terrain pour de nombreuses raisons.

21 Tout d'abord, Aracinovo est proche de la capitale, et c'est un terrain

22 propice dont toute opération dans la direction de Skopje peut être menée,

23 et j'en ai parlé dans mon rapport.

24 D'autre part, suite à la capture d'Aracinovo de la part de l'ALN, il

25 y a eu des rapports ou si vous voulez des indices ou des menaces proférées

26 par l'ALN indiquant que l'ALN allait lancer des attaques de mortier depuis

27 cette localité à l'encontre de certaines structures dans la ville.

28 Q. Mais ces menaces n'ont jamais été réalisées; est-ce exact ?

Page 7109

1 R. Ceci n'a jamais été réalisé.

2 Q. J'aimerais vous montrer un document qui concerne en partie cette

3 situation.

4 M. METTRAUX : [interprétation] La pièce à conviction 1D228, s'il vous

5 plaît.

6 Q. Monsieur Bezruchenko, vous aurez devant vous le procès-verbal d'une

7 audience tenue devant le Comité chargé des relations étrangères du Sénat

8 des Etats-Unis concernant la crise en Macédoine et l'engagement des

9 Américains dans les Balkans. La date est le 13 juin 2001.

10 Est-ce que vous connaissez ce document ?

11 R. Non.

12 Q. J'aimerais d'abord appeler votre attention sur la page 1D00-6283 de ce

13 document, pour vous demander simplement de lire une phrase dans cette page

14 qui commence par le mot "maintenant". Dans le deuxième paragraphe entier de

15 la page.

16 Vous le voyez ?

17 R. [aucune réponse verbale]

18 Q. Cette phrase se lit comme suit : "A présent, depuis quelques mois les

19 choses ont changé. Les terroristes albanais de souche recourent aujourd'hui

20 à la violence dans le but de détruire la stabilité de la Macédoine."

21 Sur ce point précis, est-il exact que la communauté internationale estimait

22 toujours -- d'ailleurs il faudrait que je vous interroge au sujet de la

23 personne précise qui est concernée. Je reformule. Est-il exact que telle

24 était la position de ce sénateur américain parlant d'organisation

25 terroriste, n'est-ce pas ?

26 R. Oui, il parle de terrorisme.

27 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous passions à la

28 page 1D00-6284, je vous prie. Merci à la régie. Je demande l'affichage du

Page 7110

1 bas de la page. Merci.

2 Q. Monsieur Bezruchenko, ce passage fait partie du même document établi à

3 l'issue d'une audience du Sénat américain, et dans cette déclaration il est

4 fait référence aux observations ou commentaires de M. l'Ambassadeur James

5 Pardew. Et j'aimerais vous donner lecture du dernier paragraphe qui se lit

6 comme suit :

7 "Personne ne devrait faire erreur sur la position de l'administration

8 américaine. Nous sommes absolument opposés à l'utilisation de la violence

9 par l'ALN dans le but de détruire le gouvernement démocratiquement élu de

10 Macédoine et ses dirigeants. Nous condamnons les effort apparents de l'ALN

11 en vue de provoquer une réaction exagérée du gouvernement contre les

12 citoyens albanais afin d'accroître l'appui qu'elle obtient de la part de la

13 communauté albanaise de souche."

14 Conviendrez-vous que, selon M. Pardew en tout cas, ce qui était en train

15 de se passer n'était pas un conflit armé ? Il n'est nulle part fait mention

16 d'un conflit armé, mais bien au contraire d'une condamnation du recours à

17 la violence par l'ALN, n'est-ce pas ?

18 R. Oui, ce document condamne la violence à laquelle a recours l'ALN.

19 M. METTRAUX : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant à la

20 page 1D00-6292, le haut de la page à l'écran, je vous prie. Merci.

21 Q. Je vous donnerai lecture du premier paragraphe, c'est toujours M.

22 l'Ambassadeur Pardew qui s'exprime, Monsieur Bezruchenko.

23 Il dit ce qui suit : "Le groupe d'insurgés selon notre estimation

24 actuelle" - il s'agit de l'estimation faite à la date du 13 juin 2001 - "se

25 compose probablement de 1 000 combattants. Sa composition est complexe et,

26 comme vous l'avez indiqué, décentralisée à bien des égards, mais peut-être

27 plus centralisée que ce que l'on a pu voir dans le sud de la Serbie."

28 Conviendrez-vous, Monsieur Bezruchenko, que s'agissant de l'appréciation

Page 7111

1 faite sur la base des éléments dont elle disposait par l'administration

2 américaine à la mi-juin 2001, l'ALN comptait probablement un millier de

3 combattants environ, n'est-ce pas ?

4 R. Oui. Je peux dire qu'il s'agit de l'estimation faite par lui dans ce

5 document.

6 Q. Cette estimation de M. l'Ambassadeur Pardew consiste également à dire

7 que l'ALN était décentralisée à bien des égards, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, c'est exact.

9 Q. C'est un point sur lequel nous aurons peut-être à revenir plus tard,

10 mais pour gagner du temps, je vais maintenant passer à autre chose.

11 Regardez le paragraphe suivant qui évoque la stratégie de l'ALN. Vous

12 le voyez ?

13 R. Oui.

14 Q. Il se lit comme suit : "Sa stratégie est la même que celle que nous

15 avons observée en Serbie; c'est-à-dire qu'elle consiste à provoquer une

16 réaction répressive de l'armée pour se gagner l'appui de la population en

17 réaction. Donc nous nous inquiétons beaucoup de ces opérations militaires."

18 Vous voyez ce passage ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-il exact également que les attaques ou la prise d'un certain nombre

21 de villages par l'ALN a également été condamnée par le président Bush à

22 l'époque ?

23 R. Oui, c'est vrai.

24 Q. Est-il exact également que pendant tout le mois de juin 2001, la

25 communauté internationale a continué à évoquer l'ALN comme une alternative

26 aux terroristes ou aux extrémistes, n'est-ce pas ?

27 R. Oui, c'est exact.

28 Q. Pour en terminer sur ce point qui concerne le mois de juin 2001, je

Page 7112

1 vous demande si vous êtes au courant du fait qu'à ce moment-là un certain

2 nombre de brigades avaient été créées par l'ALN, je parle de la fin du mois

3 de juin 2001, et je vous demande si vous en connaissez le nombre ?

4 R. Je crois qu'à ce moment-là l'ALN agissait probablement avec au moins

5 trois brigades à sa disposition : la 112e, la 113e et la 114e.

6 Q. Disposez-vous d'éléments de preuve documentaire ou d'ordres écrits ou

7 de cartes géographiques, ou d'autres documents du même genre datant de juin

8 2001, qui proviendraient de l'une ou l'autre de ces trois brigades ?

9 R. En fait, si vous me le permettez, j'aimerais apporter une nuance à ma

10 déclaration précédente. En réalité, je pense qu'au mois de juin 2001, le

11 nombre réel des brigades fonctionnant en Macédoine était de quatre : la

12 112e, la 113e, la 114e et la 115e, et qu'il existait d'autres brigades à des

13 stades divers de création.

14 En fait, si vous me le permettez encore une fois, Maître Mettraux,

15 j'aimerais faire référence au document intitulé "Directives de l'ALN". Ce

16 document évoque clairement ces brigades ainsi que d'autres brigades à

17 divers stades de constitution.

18 Q. Je vous remercie de votre réponse, Monsieur Bezruchenko, mais ma

19 question portait sur d'éventuels documents provenant de l'une ou l'autre de

20 ces trois brigades. Avez-vous eu, à quelque moment que ce soit, sous les

21 yeux des éléments de preuve documentaire, des ordres écrits, des cartes

22 géographiques, ou d'autres documents du même genre datant du mois de juin

23 2001 et provenant de l'une ou l'autre de ces trois brigades ?

24 R. J'ai eu sous les yeux certains documents, comme je l'ai déjà dit, qui

25 semblent provenir des registres de l'ALN, relatifs à ces troupes, mais je

26 ne serais pas véritablement en mesure de vous dire à quelle date exacte ces

27 documents ont été établis.

28 Q. Sauriez-vous dire quelles brigades ces documents concernent ?

Page 7113

1 R. Je vous demanderais quelques minutes, Maître Mettraux.

2 Le document 663 de la liste 65 ter, par exemple, a été obtenu auprès

3 du ministère de la Défense de Macédoine. Il concerne la 112e Brigade de

4 l'ALN.

5 Q. Auriez-vous connaissance d'un registre similaire concernant d'autres

6 brigades, Monsieur Bezruchenko ?

7 R. Non.

8 Q. Parlons maintenant du mois de juillet, Monsieur Bezruchenko. J'aimerais

9 vous soumettre la pièce P466, une nouvelle fois. C'est votre rapport.

10 M. METTRAUX : [interprétation] Le passage qui m'intéresse se trouve

11 en page 48, au paragraphe 177. Je demande l'affichage sur les écrans.

12 Q. Conviendrez-vous, Monsieur Bezruchenko, que ce sur quoi vous mettez

13 l'accent dans ce paragraphe, c'est que "le 6 juillet, un cessez-le-feu a

14 été annoncé".

15 Pour préciser encore les choses, je vous demande s'il est exact que

16 ce cessez-le-feu était un cessez-le-feu annoncé de manière unilatérale par

17 le pouvoir macédonien, et signé, si je ne m'abuse, par le général

18 Petrovski, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Je vous réfère plus précisément à l'endroit où vous parlez de

21 l'utilisation d'armes lourdes par les deux parties, n'est-ce pas ?

22 R. Telle a été mon impression, en effet.

23 Q. Vous dites également que le cessez-le-feu, et je reprends les mots qui

24 sont les vôtres, "s'est écroulé le 23 juillet, lors d'une offensive lancée

25 par l'ALN contre les positions de l'armée et de la police dans la région de

26 Tetovo", n'est-ce pas ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Pourriez-vous commencer par dire, Monsieur Bezruchenko, quel a été le

Page 7114

1 nombre d'hommes qui, selon vous, ont participé aux événements de Radusa,

2 dont vous faites état dans la première partie du paragraphe 177 de votre

3 rapport relatif au mois de juillet 2001 ?

4 R. Quelques centaines de combattants peut-être.

5 Q. Disposez-vous d'éléments de preuve documentaire relatifs au nombre de

6 combattants de l'ALN présents sur les lieux à l'époque, ou est-ce de votre

7 part une appréciation générale ?

8 R. C'est une appréciation générale.

9 Q. Savez-vous si l'ALN a subi des pertes humaines liées au combat pendant

10 les actions qu'elle a menées dans les environs de Radusa en juillet 2001 ?

11 R. Comme je l'ai déjà dit, Maître Mettraux, il existe un certain nombre de

12 documents de l'ALN, et notamment un document où on voit la liste des pertes

13 humaines essuyées par l'ALN pendant le conflit.

14 On voit 53 sur cette liste qui ne fait pas figurer le nom des blessés. Donc

15 je suppose que le nombre total des pertes humaines de l'ALN doit être

16 supérieur au chiffre de 53 que l'on trouve dans cette liste.

17 Pour répondre précisément à votre question, je pense que, compte tenu de

18 l'existence réelle de combats intenses dans le secteur à ce moment-là, je

19 suppose que l'ALN a dû subir au moins quelques pertes. Est-ce qu'il

20 s'agissait de tués ou de blessés, c'est ce qui est difficile à dire.

21 Q. Savez-vous d'où ces hommes étaient originaires, et notamment à quelle

22 brigade ils appartenaient ? Le savez-vous ?

23 R. Je pense que la 115e Brigade était généralement considérée comme ayant

24 été présente et ayant agi dans ce secteur à ce moment-là.

25 Q. Est-ce que vous avez sous les yeux des éléments de preuve documentaire

26 provenant de la 115e Brigade indiquant que celle-ci aurait planifié,

27 préparé, ou ordonné une telle opération à Radusa ou dans ses environs ?

28 Est-ce que vous avez eu de tels éléments sous les yeux ?

Page 7115

1 R. Oui. J'ai eu sous les yeux certains documents de l'armée macédonienne

2 qui permettent de penser que, réellement, la 115e Brigade a participé aux

3 opérations menées dans le secteur de Radusa. Il existe au moins un document

4 de l'ALN qui le confirme. Je parle toujours de la "Directive de l'ALN".

5 Q. Je vous interroge plus précisément au sujet de la brigade dont vous

6 dites qu'elle a participé à tout cela. Est-ce que vous avez sous les yeux

7 des éléments documentaires indiquant que des ordres écrits auraient été

8 donnés ou auriez-vous eu sous les yeux des cartes géographiques, ou des

9 plans établis sur papier, ou d'autres éléments de preuve documentaire qui

10 seraient pertinents par rapport aux événements survenus dans les environs

11 de Radusa en juillet 2001 ?

12 R. Il y a de nombreux éléments de preuve documentaire qui permettent de

13 penser que cette brigade a effectivement agi dans le secteur de Radusa. Il

14 existe des documents de l'OTAN liés à cette opération précise. Mais si vous

15 me demandez s'il existe d'autres documents provenant de l'ALN, je ne pense

16 pas que j'aie eu de tels documents sous les yeux.

17 Q. Est-il exact que pendant le mois de juillet 2001, un membre de l'armée

18 a été tué dans le secteur de Tetovo ? Etes-vous au courant du fait que seul

19 un soldat a péri dans le secteur de Tetovo en juillet 2001 ?

20 R. Je sais que les forces de sécurité macédoniennes ont essuyé des pertes

21 humaines, mais vous dire s'il n'y a eu qu'un seul soldat tué, ça, je n'en

22 suis pas tout à fait sûr. En revanche, si vous me demandez s'il y a eu

23 d'autres victimes que les hommes tués, je vous répondrai qu'il y en a

24 probablement eu. Et s'il y en a eu, ces victimes sont décrites dans mon

25 rapport, au chapitre 5.

26 Q. Est-il exact que pendant tout le mois de juillet 2001, la communauté

27 internationale, eu égard à l'ALN, a continué à défendre la même position

28 que par le passé, en ne cessant d'évoquer l'ALN comme un groupe de

Page 7116

1 terroristes ou d'extrémistes, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Il y a un document que je voudrais vous montrer à présent, Monsieur.

4 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit de la pièce P485, à nouveau, je

5 voudrais vous dire que c'est l'intercalaire 26 du dossier montré par le

6 bureau du Procureur. On les a déjà montrés au témoin.

7 Q. Monsieur, vous souvenez-vous que M. Saxon vous a posé des questions au

8 sujet d'un accord, on va l'appeler comme cela, qui a vu le jour à Prizren à

9 un moment donné en juillet 2001. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

10 R. Oui.

11 M. METTRAUX : [interprétation] Je pense que ceci figure à la page 19 de ce

12 document.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'on nous a fait comprendre que

14 cet accord auquel ont participé un représentant de l'OTAN -- de l'ALN,

15 ainsi que les représentants des partis politiques légitimes de Macédoine,

16 que c'est cela qui a légitimé en quelque sorte, comme vous l'avez dit,

17 l'ALN ?

18 R. Non, ce n'est pas comme ça que je l'ai dit, je crains fort que ce

19 n'était pas le cas. Je n'ai jamais parlé de légitimer ou donner de la

20 légitimité. Mais si vous voulez vraiment que je vous donne mon point de vue

21 à ce sujet, je peux vous dire que cet accord a pavé des chemins pour une

22 plate-forme politique commune entre l'ALN et les partis légitimes albanais

23 en Macédoine.

24 Q. Est-il exact qu'immédiatement après sa signature, on s'en est

25 débarrassé, il a été ignoré, superbement ignoré ? Est-ce exact ?

26 R. Pouvez-vous me dire de quoi vous parlez exactement et corroborer cela ?

27 Q. Je pense que je vais vous montrer un document qui va vous aider.

28 M. METTRAUX : [interprétation] Il s'agit du document 1D953 en vertu de

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1 l'article 65 ter.

2 Q. Je me suis trompé, je vais essayer de trouver la bonne page, je me suis

3 trompé quand je vous ai donné le numéro de page.

4 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, c'est le document 953 de l'article 65

5 ter, document versé en vertu de cet article. A nouveau, article 65 ter

6 1D953 pour être plus précis.

7 Q. Excusez-moi de cette petite attente, Monsieur Bezruchenko.

8 R. Prenez votre temps.

9 Q. Monsieur Bezruchenko, un autre rapport cette fois-ci préparé aussi par

10 le Groupe de crise internationale, GCI. La date est un peu plus tardive que

11 la précédente, c'est daté du 20 juin 2001, intitulé "Macédoine, sa dernière

12 chance pour la paix."

13 M. METTRAUX : [interprétation] C'est la page N000-5239, page 10 du

14 document.

15 Q. Je vais vous demander d'examiner ce qui figure à la fin de la page

16 commençant par : "La proposition."

17 Est-il exact dans ce rapport on dit que : "La proposition qui se

18 trouvait dans ce rapport était annulée en quelque sorte à partir du moment

19 où la photo du leader de la DPA, Arben Xhaferi, et le leaders du PDP, Omer

20 Imeri, ont été pris en photo ensemble avec le directeur politique de l'ALN,

21 Ali Ahmeti, ceci se trouvait à l'affiche de tous les journaux du 23 au 25

22 mai 2001 ainsi que dans les rapports télévisés."

23 Est-ce exact, Monsieur ?

24 R. Mais je ne vois pas ce qu'on veut dire là quand on dit annulé,

25 "anéanti".

26 Parce qu'à la lecture plus attentionnée de ce paragraphe, non, je me

27 limiterais à quelques points seulement en interprétant ceci. Tout d'abord,

28 ceci a eu lieu effectivement le 26 [comme interprété] mai à Prizren au

Page 7118

1 Kosovo, cela a eu lieu. Effectivement, une déclaration commune a été

2 signée; apparemment, cette déclaration a été faite conformément aux lignes

3 principales de la proposition de M. Frowick. Mais dans ce paragraphe, on ne

4 voit pas vraiment qui a mis en danger cet accord.

5 Q. Regardez les trois derniers mots, les deux derniers mots : "Xhaferi et

6 Imeri…"

7 M. METTRAUX : [interprétation] Puis, tournez la page.

8 Q. "…ont refusé de supporter et on dit qu'ils étaient en désaccord avec

9 cet accord qu'ils ne voulaient plus appuyer."

10 R. Oui, effectivement. Ils ont refusé d'appuyer et de soutenir dans ce

11 rapport.

12 Q. Ce qui est dit ici c'est que : "Ils ne voulaient pas appuyer cet

13 accord", ils n'étaient pas en faveur de cet accord ?

14 R. Je pense que cela dit, ce qu'on peut lire ici est que : "Ils ont refusé

15 de donner leur appui de refuser leur appui à l'accord", ce qui veut dire en

16 réalité pas fait, qu'ils n'ont pas refusé de donner leur appui pour cet

17 accord.

18 Q. On va revenir vers la fin du mois de juillet; est-ce que vous pouvez me

19 dire qu'à la fin du mois de juillet 2001 - peut-être que vous allez devoir

20 à nouveau vous référer à ces documents - mais est-ce que vous êtes en

21 mesure de nous dire combien y a-t-il eu de victimes dues au combat dans les

22 rangs de l'ALN pendant le mois de juillet ?

23 R. Non, mais ça, ce n'était pas vraiment l'objectif de mon rapport que de

24 trouver la répartition exacte des pertes mois par mois. Je dis qu'au sein

25 de l'ALN il y a eu 53 personnes de tuées et un nombre inconnu de personnes

26 blessées pendant le conflit.

27 Q. Pour l'instant, on va laisser à côté cette directive, la directive du

28 mois de juin, ce qu'on appelait directive en 2001 qui a été apparemment

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1 adoptée par l'ALN à l'époque. Mais mis à part cela, est-ce que vous savez

2 s'il y a eu des ordres de combats, des cartes ou d'autres documents qui

3 émanent de l'ALN, et ceci, pour la période du mois de juillet 2001 ?

4 R. Vous avez toute une série de régulations qui ont été écrites pendant

5 différentes phases du conflit. Cela étant dit, je ne sais pas si c'est au

6 mois de juillet ou à un autre moment.

7 Pour ce qui est des cartes, il y a eu des cartes aussi, il y en a eu, et je

8 ne suis pas vraiment sûr si de telles cartes ont été élaborées au mois de

9 juillet.

10 Q. Quand vous parlez des cartes, vous parlez de la carte qui contient la

11 directive, vous avez fait référence à cela, n'est-ce pas, celle qui est

12 colorée ?

13 R. Oui, à celle-ci, mais à d'autres aussi.

14 Q. Donc vous dites que ce sont les cartes qui viennent de l'ALN ?

15 R. Oui.

16 Q. Maintenant on va parler du mois d'août. Puis, Monsieur le Témoin,

17 veuillez examiner les paragraphes 178, et ainsi de suite jusqu'au

18 paragraphe 188 de votre rapport, à savoir la pièce P466.

19 Là, je vais commencer, mais pas dans l'ordre chronologique, pas le même que

20 celui vous avez adopté. On va commencer par le paragraphe 118, vous avez

21 dit que l'ALN, après avoir été évacuée, a à nouveau occupé Aracinovo.

22 Est-ce exact que cette occupation nouvelle a eu lieu sans qu'un tir,

23 une balle ne soit tirée ? Est-ce exact ?

24 R. J'ai vu plusieurs rapports, mais au moins un, au moins un rapport venu

25 de l'armée macédonienne qui laissait entendre que l'ALN avait effectivement

26 pris le contrôle à nouveau d'Aracinovo. Je pense qu'après cet événement il

27 y a eu quelques violations de cessez-le-feu dans la région. Mais est-ce que

28 cette réoccupation ou nouvelle occupation a eu lieu sans qu'une balle soit

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1 tirée, je n'ai pas vu de telles informations.

2 En revanche, j'ai trouvé des infos au niveau des rapports de

3 renseignement de l'armée macédonienne qui indiquaient que l'ALN était à

4 nouveau entrée dans Aracinovo.

5 M. METTRAUX : [interprétation] Je vois l'heure.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que vous

7 avez terminé ?

8 M. METTRAUX : [interprétation] Non, je suis désolé. Je pense que j'ai

9 besoin d'une session supplémentaire demain matin. Pour le mois d'août, je

10 pourrais aller assez vite, mais il y a un certain nombre de points d'ordre

11 général qui sont importants qui sont relatifs au rapport de M. Bezruchenko,

12 ceci couvre la période toute entière de son rapport, et je pense que je

13 pourrais vraiment le faire en une seule session.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Mettraux, je pense que vous

16 allez probablement pouvoir disposer de 45 minutes demain après-midi. On va

17 commencer à 2 heures 15 demain après-midi.

18 A présent, nous levons la séance.

19 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 1er novembre

20 2007, à 14 heures 15.

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