Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 4 mars 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, à tous.

7 Bonjour, Monsieur Dimitrov. Je vous rappelle que la déclaration

8 solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition s'applique

9 toujours.

10 LE TÉMOIN: BRANISLAV DIMITROV [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Regue, à vous.

13 Mme REGUE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Contre-interrogatoire par Mme Regue : [Suite]

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Dimitrov.

16 Monsieur Dimitrov, vous rappelez-vous qu'hier après-midi je vous ai soumis

17 un extrait du premier registre, extrait que vous avez remis à la Défense.

18 Ce faisant, je vous ai indiqué qu'il existait une méthode d'enregistrement

19 des clients, c'est-à-dire que si un client restait sept jours dans votre

20 auberge, son nom était enregistré dans le registre tous les jours.

21 Vous vous rappelez, n'est-ce pas, Monsieur Dimitrov ?

22 R. Oui, je me rappelle.

23 Q. Ensuite, je vous ai soumis un extrait tiré du deuxième registre,

24 document 1213 de la liste 65 ter, en vous indiquant que la méthode

25 d'enregistrement des clients était différente dans ce deuxième registre par

26 rapport au premier, à savoir que dans le deuxième registre il n'y avait

27 qu'une inscription par client, quelle que soit la durée de son séjour, une

28 seule inscription faisant figurer la date de son arrivée et la date de son

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1 départ.

2 Vous vous rappelez ça, n'est-ce pas, Monsieur Dimitrov ?

3 R. Oui, je me souviens très bien. Nous avons parlé du nom de la personne

4 originaire de Tripoli qui correspondait au numéro 208 du registre.

5 Q. Oui, vous avez très bonne mémoire.

6 Monsieur Dimitrov, j'aimerais apporter une correction à ce que j'ai dit,

7 car le premier registre qui a démarré en mars 2002 était tenu dans le cadre

8 de la deuxième méthode, pas à partir de la première entrée, mais un mois

9 après environ. Par conséquent, pendant un mois à peu près, le deuxième

10 registre utilisait toujours la première méthodologie. C'est seulement après

11 la mi-avril et jusqu'à mars 2004 que la deuxième méthode a été appliquée

12 dans le deuxième registre. Je voulais que ceci soit clair et je tenais à

13 vous le dire, Monsieur Dimitrov.

14 R. Oui, je suis d'accord avec vous, la première méthode a été utilisée

15 pendant quelques temps et pour la tenue du deuxième registre, et c'est en

16 avril que nous avons commencé à appliquer la deuxième méthode, je suis

17 d'accord.

18 Q. Merci. Pour le compte rendu d'audience, j'aimerais que nous nous

19 penchions quelques instants sur le document 65 ter numéro 1213 qui

20 correspond à l'intercalaire 10 de votre classeur, Monsieur Dimitrov.

21 Page 33 du prétoire électronique, qui doit correspondre normalement à la

22 page 32 de la version papier de ce même document, Monsieur Dimitrov.

23 Comme je l'ai dit, vous voyez au niveau de l'entrée 191, l'enregistrement

24 du nom d'un client qui est resté du 16 au 17 avril 2002. Si nous passons à

25 la page suivante, Monsieur Dimitrov, qui doit correspondre à la page 33 du

26 prétoire électronique, ou plutôt, page 33 de la version papier, nous voyons

27 une entrée correspondant à la même personne, entrée 197. Le nom apparaît

28 inscrit pour le lendemain. Mais comme vous le voyez pour le nom

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1 correspondant à l'entrée 198, c'est la deuxième méthode qui commence à

2 s'appliquer, c'est à partir du 18 avril au 27, 2002, que cette personne est

3 restée dans l'auberge, son nom figurant qu'une fois.

4 Monsieur Dimitrov, est-il permis de dire que les autorités ont décidé

5 d'appliquer une nouvelle méthode d'enregistrement des clients visant à ce

6 que cet enregistrement soit plus précis et à éviter également l'éventualité

7 d'erreurs dans les écritures figurant dans ce registre ?

8 R. Les autorités souhaitaient que nous appliquions la nouvelle méthode. La

9 personne que vous venez de citer, je n'en suis pas sûr, en tout cas, je ne

10 peux pas le confirmer aujourd'hui il est possible que cette personne a

11 déclaré souhaiter ne rester qu'une nuit et a ensuite changé d'avis décidant

12 de rester plusieurs nuits. Je ne saurais vraiment vous le dire. Les

13 informations viennent du registre. Pour ma part, je ne saurais vous dire ce

14 qu'il en était exactement.

15 Q. Mais conviendrez-vous avec moi qu'après l'entrée 198, on voit que c'est

16 la nouvelle méthode qui est appliquée ?

17 N'hésitez pas à vérifier les pages suivantes, si vous le souhaitez,

18 Monsieur Dimitrov.

19 R. Oui, Madame. Comme je l'ai déjà dit, il est possible que cette personne

20 a déclaré souhaiter ne rester qu'une nuit, et a été enregistrée pour une

21 nuit et que le lendemain cette personne a changé d'avis et a décidé de

22 rester plus longtemps. Peut-être que cette personne ne savait pas au départ

23 combien de temps exactement elle souhaitait rester à l'hôtel.

24 Q. Mais vous conviendrez, n'est-ce pas, que ce client semble avoir

25 effectivement été enregistré pour une période supérieure à une nuit.

26 R. Oui, c'est exactement ce que je dis.

27 Q. Monsieur Dimitrov, vous n'avez pas répondu à ma première question. Je

28 vous demandais si cette modification intervenue dans l'enregistrement des

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1 clients dans le registre et imposée par les autorités a été décidée par ces

2 autorités en vue de permettre un enregistrement plus précis, plus exact des

3 clients et éviter d'éventuelles erreurs.

4 R. Les institutions, c'est-à-dire, le ministère de l'Intérieur, et

5 notamment son département chargé du contrôle des étrangers, s'est adressé à

6 nous pour nous dire quelle était la méthode qui, désormais, devait

7 s'appliquer. Ce n'était pas à nous qu'il appartenait de décider quelle

8 était la meilleure méthode. Nous étions tenus de nous conformer aux

9 consignes du ministère de l'Intérieur s'agissant de la façon dont les

10 clients étaient enregistrés.

11 Q. Monsieur Dimitrov, je vais passer maintenant à un autre sujet.

12 Si je me rappelle bien ce que vous avez dit durant l'interrogatoire

13 principal, vous avez déclaré qu'en 2001 vous aviez deux employés qui

14 travaillaient à la réception; plus précisément, une femme et un homme qui

15 se relayaient en deux équipes, n'est-ce pas ? Une équipe commençant tôt le

16 matin et une autre commençant en fin d'après-midi et pendant toute la nuit,

17 n'est-ce pas ?

18 R. La première employée commençait son équipe à 7 heures du matin et

19 travaillait jusqu'à 13 heures 30 -- non, excusez-moi, jusqu'à 15 heures 30,

20 et la deuxième personne arrivait à 15 heures 30 et travaillait jusqu'à 22

21 heures. Ce deuxième employé devait encore consacrer une demi-heure

22 supplémentaire au transport des fiches dont j'ai parlé hier jusqu'au poste

23 de police.

24 Q. Mais en général, c'était toujours la même personne qui travaillait dans

25 la même équipe, c'est-à-dire que c'était la femme qui travaillait dans

26 l'équipe du matin et l'homme qui travaillait dans l'équipe de l'après-midi

27 et du soir, n'est-ce pas ?

28 R. Oui. Très souvent, peut-être pas toujours, mais en tout cas très

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1 souvent c'était la femme qui travaillait dans l'équipe du matin et l'homme

2 qui travaillait dans l'équipe de l'après-midi, à moins que la femme ait

3 besoin d'une matinée de repos, auquel cas c'était l'homme qui travaillait

4 dans l'équipe du matin.

5 Q. Mais qu'en était-il des nuits, si un client arrivait à l'hôtel après 22

6 heures ou 22 heures 30 ?

7 R. J'ai dit depuis le début que nous étions enregistrés en tant qu'auberge

8 et pas en tant qu'hôtel. Donc notre obligation était d'avoir un

9 réceptionniste à la réception jusqu'à 22 heures. Si quelqu'un souhaitait

10 s'enregistrer ou quitter l'auberge après 22 heures, c'était à ce moment-là

11 le garde de nuit et la femme de ménage du restaurant qui occupait une

12 grande partie du bâtiment qui avaient une clé et le client s'annonçait donc

13 auprès de la femme de ménage, en général. Si le client arrivait après 22

14 heures, le garde de nuit amenait la personne jusqu'à l'auberge, ouvrait la

15 porte et faisait savoir au réceptionniste arrivant le matin pour prendre

16 son travail que le client était arrivé et donnait au réceptionniste tous

17 les renseignements personnels concernant le client.

18 Q. Je vous remercie. Monsieur Dimitrov, dites-moi, s'il vous plaît, si je

19 vous ai bien compris dans ce que vous avez dit durant l'interrogatoire

20 principal, à savoir que si quelqu'un souhaitait quitter définitivement

21 votre auberge, les données personnelles relatives à ce client étaient

22 enregistrées dans une fiche en carton qui était ensuite transportée

23 jusqu'au poste de police, et c'est seulement dans un deuxième temps que les

24 renseignements figurant sur cette fiche étaient consignés dans le registre.

25 C'est bien ce que vous avez dit durant votre déposition, Monsieur, n'est-ce

26 pas ?

27 R. Oui, c'est exact. C'est bien ce que j'ai dit. Quant à l'arrivée tardive

28 d'un client, après que les réceptionnistes étaient rentrés chez eux, ce

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1 client devait remettre son passeport le lendemain matin au réceptionniste

2 prenant son travail dans l'équipe du matin.

3 Q. Mais à quel moment les renseignements consignés sur la fiche étaient-

4 ils copiés dans le registre officiel que nous avons eu sous les yeux ?

5 R. En général, c'est la réceptionniste travaillant dans l'équipe du matin,

6 c'est-à-dire, le plus souvent Snjezana qui se chargeait de cela.

7 Q. Mais à quelle fréquence cela se faisait-il ? Le lendemain de l'arrivée

8 du client ou après un certain temps ? A quel moment est-ce que les

9 renseignements figurant sur la fiche étaient recopiés dans le registre ?

10 R. Il faudrait poser la question à Snjezana. Ça, je ne saurais vraiment

11 pas répondre.

12 Q. D'accord. Donc vous ne savez pas, Monsieur, s'il était possible qu'il

13 s'écoule un certain temps pendant lequel les renseignements personnels d'un

14 client ne figuraient que sur la fiche sans avoir été recopiés dans le

15 registre ? C'est bien ce que vous dites ?

16 R. Non. Ce que j'ai dit dans ma déposition, c'est que le lendemain de

17 l'arrivée du client, la réceptionniste du matin était tenue de terminer le

18 travail, c'est-à-dire, de consigner le nom du client dans le registre.

19 Maintenant, est-ce que la réceptionniste s'acquittait de cette tâche cinq

20 minutes après son arrivée ou une heure après, je ne serais pas en mesure de

21 vous le dire.

22 Q. Si je vous ai bien compris, Monsieur Dimitrov, la personne travaillant

23 à la réception utilisait un autre document que le registre pour inscrire le

24 nom du client, nouvel arrivé, et éventuellement l'heure de son arrivée, et

25 c'est seulement plus tard, c'est-à-dire, le lendemain, que la femme dont

26 vous parlez avait pour obligation d'inscrire le client dans le registre en

27 tant que tel ?

28 R. Quand un client arrivait - ça je l'ai déjà dit hier - quand un client

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1 arrivait, il fournissait les renseignements personnels le concernant qui

2 étaient inscrits sur une fiche en carton. Ensuite, les renseignements

3 étaient recopiés de cette fiche en carton dans le registre. C'est tout ce

4 que je peux dire.

5 Q. Mais ces renseignements étaient enregistrés dans le registre le

6 lendemain, n'est-ce pas, le lendemain matin ?

7 R. Si un client arrivait à minuit ou à 2 heures du matin, les

8 renseignements personnels concernant ce client n'étaient inscrits dans le

9 registre par personne d'autre que la personne travaillant à la réception le

10 matin, et la plupart du temps il s'agissait de Snjezana.

11 Q. D'accord, Monsieur Dimitrov. Mais qu'en est-il d'une personne, d'un

12 nouveau client, arrivant pendant les heures de

13 travail ? Est-ce que les renseignements personnels concernant ce nouveau

14 client étaient inscrits d'abord sur la fiche en carton et consignés dans le

15 registre uniquement dans un deuxième temps, c'est-à-dire après ?

16 R. Oui, tout à fait. Exactement.

17 Q. A quel moment est-ce qu'il y avait ce transfert des renseignements dans

18 le registre ? Je vais vous donner un exemple. Si une personne arrive à

19 l'auberge à 10 heures du matin, par exemple, les renseignements personnels

20 concernant cette personne sont consignés sur une fiche en carton, n'est-ce

21 pas ? Je vous demande à quel moment ces renseignements étaient recopiés

22 dans le registre ?

23 R. Vous avez très bien parlé, Madame. Si un nouveau client arrivait à

24 l'auberge à 10 heures du matin, nous avions une réceptionniste qui

25 remplissait la fiche, ensuite immédiatement après, la réceptionniste

26 enregistrait le nom de la personne dans le registre en recopiant ce qui

27 figurait sur la fiche. Mais ce que j'ai dit, c'est que si un nouveau client

28 arrivait dans la soirée ou en tout cas après les heures de travail du

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1 réceptionniste, le ou la réceptionniste transcrivait les renseignements

2 personnels concernant ce nouveau client dans la matinée. Je parle de

3 clients arrivés pendant la nuit.

4 Q. Mais conviendriez-vous avec moi, Monsieur Dimitrov, que si la personne

5 qui travaillait de nuit faisait par hasard une erreur, si cette personne

6 travaillant la nuit ne communiquait pas tous les renseignements personnels

7 concernant le nouveau client à la réceptionniste le lendemain matin, qu'il

8 y avait une erreur dans cette transmission de renseignements, c'était une

9 possibilité, n'est-ce pas, qu'il y ait une omission ?

10 R. La personne qui travaillait de nuit ne faisait qu'une seule chose;

11 c'était donner les clés au client, et c'était tout. C'était le lendemain,

12 le lendemain matin, à l'heure où la réceptionniste prenait son poste dans

13 l'équipe du matin, que la réceptionniste prenait le passeport ou le

14 papier d'identité du nouveau client et remplissait la fiche.

15 Ce qui faisait un laps de temps de 10 à 12 heures entre l'arrivée du

16 client et l'inscription dans la fiche.

17 Q. Monsieur Dimitrov, ces originaux, ces fiches cartonnées que vous

18 transmettiez à la police, est-ce que vous en conserviez des copies ?

19 R. Les fiches cartonnées que nous remettions au ministère de l'Intérieur,

20 nous n'avions pas obligation d'en conserver des copies.

21 Q. Donc nous ne pouvons pas faire de comparaison, nous ne pouvons pas

22 acquérir la certitude que les renseignements figurant sur la fiche

23 cartonnée étaient tous retranscrits dans le registre, car nous n'avons pas

24 de copies des fiches cartonnées ?

25 R. C'est ce que vous dites. Ce n'est pas ce que je dis.

26 Q. Mais comment pouvons-nous être sûrs si nous ne disposons pas des

27 originaux de ces fiches cartonnées ?

28 R. L'original, c'est le passeport. Il arrivait souvent que le passeport ou

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1 la carte d'identité du client soit conservé par l'auberge jusqu'au départ

2 du client, sans lui être restitué.

3 Q. Mais vous n'avez pas répondu à ma question, Monsieur. Ce que je vous

4 demandais c'est la chose suivante : puisque vous ne gardiez pas par de vers

5 vous les originaux des fiches cartonnées que vous remettiez à la police

6 sans en faire de copies, vous n'aviez pas la possibilité de comparer en

7 2001, au moment où vous n'aviez qu'une seule entrée par client dans le

8 registre, vous ne pouviez pas comparer les renseignements figurant au

9 regard de ces entrées pour voir si elles correspondaient exactement à ce

10 qui figurait sur les fiches que vous aviez remises à la police ?

11 R. Madame, je vous ai dit que très souvent nous conservions les passeports

12 jusqu'au départ définitif du client.

13 Q. Monsieur Dimitrov, vous avez dit dans votre déposition que ce n'est pas

14 vous qui vous acquittiez de l'enregistrement des clients, de l'inscription

15 dans les registres ?

16 R. Exactement. Je n'ai jamais rien inscrit dans un registre jusqu'à

17 présent.

18 Q. Vous êtes un homme d'affaires très occupé, n'est-ce pas, qui voyage

19 souvent pour affaires ?

20 R. S'agissant de la période dont nous parlons, c'est-à-dire, pendant les

21 deux ou trois mois où le premier étage du bâtiment a fonctionné, je veux

22 parler de l'auberge, je m'intéressais beaucoup à tout ce qui se passait. Ce

23 qui m'intéressait surtout, c'était de savoir combien de chambres étaient

24 occupées, mais pas le nom des clients.

25 Q. En fait, vous n'étiez même pas en Macédoine entre le 6 et le 19 août

26 2001, n'est-ce pas ?

27 R. Exact. Entre le 6 et le 19 août, je n'étais pas en Macédoine.

28 Q. Donc même si vous aviez voulu le faire, vous n'auriez pas eu la

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1 possibilité de vérifier les informations consignées dans les registres au

2 sujet des clients pour voir si elles étaient exactes.

3 R. Je comprends ce que vous essayez de me dire, mais je me dois d'affirmer

4 qu'à mon avis aucune erreur n'a été commise.

5 Q. Vous pensez qu'aucune erreur n'a été commise, mais je le répète, vous

6 n'étiez pas présent, n'est-ce pas ?

7 R. Tout être humain peut faire une erreur, mais je suis convaincu que les

8 employés n'avaient pas l'intention de se livrer à la moindre manipulation.

9 En tout cas, rien, jusqu'au jour d'aujourd'hui, ne m'indique que cela

10 aurait pu être le cas.

11 En réalité, pourquoi est-ce que quelqu'un aurait commis une erreur pendant

12 cette période uniquement, parce que des erreurs peuvent être commises, y

13 compris dans la période ultérieure, n'est-ce pas ?

14 Q. Je ne parle pas de manipulation, Monsieur Dimitrov. Je parle d'erreurs

15 de façon générale.

16 Vous avez dit dans votre déposition que les renseignements consignés sur

17 ces fiches cartonnées - et je parle de l'éventualité où un client serait

18 arrivé dans la journée, c'est-à-dire, à un moment où le ou la

19 réceptionniste était présent - que ces renseignements étaient immédiatement

20 transférés dans le registre. Ceci correspond à des consignes que vous aviez

21 données aux réceptionnistes, n'est-ce pas ? Mais vous n'aviez pas la

22 possibilité de vérifier si les renseignements personnels relatifs à un

23 client étaient transférés immédiatement dans le registre.

24 R. Ce n'est pas moi qui donnais les consignes aux employés. C'est le

25 ministère de l'Intérieur, s'agissant de la façon dont le registre des

26 entrées devait être tenu. Au début, car comme je l'ai dit, l'auberge n'a

27 fonctionné que quelques mois, je vérifiais tous les jours combien de

28 chambres étaient occupées. Mais je ne vérifiais pas les noms des clients.

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1 Q. Donc vous savez avec certitude que la transcription des renseignements

2 personnels relatifs aux clients, à partir des fiches cartonnées dans le

3 registre, était faite instantanément, c'est-à-dire, dans la journée de

4 l'arrivée du client ?

5 R. Je vous ai dit à plusieurs reprises que si un client arrivait tard dans

6 la soirée, l'inscription des renseignements le concernant dans le registre

7 se faisait le lendemain matin. Ça, je l'ai dit à plusieurs reprises.

8 Q. Pourrait-on afficher la pièce P542, qui se trouve à l'intercalaire

9 numéro 4 de votre classeur. Peut-on voir la première photographie. Très

10 bien.

11 Monsieur, nous avons ici le premier registre, celui qui couvre la période

12 allant de mai 2001 à mars 2002.

13 Conviendrez-vous avez moi que la couverture semble intacte de

14 l'extérieur ?

15 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

16 Mme REGUE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait voir la page

17 suivante, s'il vous plaît.

18 Q. Conviendrez-vous avec moi qu'il n'en va pas du même du deuxième

19 registre ? Nous voyons que la couverture est en moins bon état. Les coins

20 sont un peu abîmés. Etes-vous d'accord avec moi sur ce point ?

21 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

22 Mme REGUE : [interprétation] Peut-on voir maintenant la troisième page.

23 Q. Monsieur, le deuxième registre est celui qui se trouve au-dessus sur la

24 photographie. Comme vous pouvez le constater, les pages du deuxième

25 registre sont un peu plus jaunâtres, et il paraît plus abîmé que le

26 premier.

27 Est-ce que vous êtes d'accord avec l'observation que je viens de

28 faire, Monsieur Dimitrov ?

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1 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

2 Mme REGUE : [interprétation] Peut-on voir la dernière photographie, s'il

3 vous plaît.

4 Q. Là encore, en haut nous voyons le deuxième registre. En bas de la

5 photo, nous voyons le premier registre qui est plus ancien.

6 Nous voyons que la reliure du deuxième registre est abîmée, tandis

7 que le premier registre semble être en bon état. Est-ce que vous êtes

8 d'accord avec cette observation ?

9 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

10 Mme REGUE : [interprétation] Peut-on brièvement examiner la pièce 1D331,

11 page 8.

12 Q. Cela doit se trouver à l'intercalaire 8 de votre classeur, Monsieur.

13 On vous a montré ces photographies lors de l'interrogatoire principal.

14 Conviendrez-vous avez moi que le papier des autorités macédoniennes est un

15 peu abîmé ?

16 En fait, le deuxième registre est celui qui se trouve sur la partie

17 supérieure de l'écran.

18 R. Oui, je suis d'accord pour dire que le papier est abîmé.

19 Q. A la page 56 du compte rendu d'audience d'hier, vous avez déclaré que

20 ce léger dégât occasionné sur le cachet des autorités macédoniennes est le

21 fait de l'enquêteur du bureau du Procureur,

22 M. Thomas Kuehnel, tandis qu'il examinait le registre. Mais vous n'étiez

23 pas là lorsqu'il a examiné ce registre, n'est-ce pas ?

24 R. Effectivement, mais hier j'ai déclaré que Snjezana m'avait dit que ceci

25 avait été le fait de M. Thomas Kuehnel.

26 Q. Donc vous dites que M. Thomas Kuehnel, devant Snjezana et l'interprète

27 du bureau du Procureur, avait légèrement abîmé ce registre; c'est ce que

28 vous dites ?

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1 R. Il est exact que Snjezana m'a dit que M. Kuehnel avait fait cela peut-

2 être sans le vouloir.

3 Q. Monsieur Dimitrov, vous avez fait une déclaration à la Défense en mars

4 2007. Il s'agit d'une déclaration de huit lignes qui traite presque

5 exclusivement des registres de votre hôtel.

6 Vous en souvenez-vous ?

7 R. Oui, je m'en souviens.

8 Q. Vous saviez que vous seriez probablement appelé à témoigner devant ce

9 Tribunal à propos de ces registres, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, il y a 30 jours environ j'ai commencé à me rendre compte que

11 j'allais venir ici.

12 Q. Mais en octobre 2007, lorsque Thomas Kuehnel s'est présenté à votre

13 hôtel en demandant à voir les registres, vous étiez conscient de

14 l'importance de ces documents pour ce procès. Vous avez fait une

15 déclaration à leur sujet, n'est-ce pas ?

16 R. Oui. Je me suis entretenu avec M. Kuehnel et je savais ce qu'il

17 voulait.

18 Q. Vous saviez que vous seriez très probablement appelé à témoigner devant

19 ce Tribunal pour parler de ces registres, mais il ne vous est pas venu à

20 l'esprit d'informer votre avocat, celui à qui vous aviez fait la

21 déclaration, pour qu'il contacte Thomas Kuehnel ou l'interprète macédonien

22 afin de les informer de ce qui s'était

23 passé ?

24 R. Avant de savoir que j'allais venir ici, je ne pensais pas que l'on

25 allait en parler.

26 Q. Mais pourtant, dans votre déclaration faite en mars 2007, vous parlez

27 presque exclusivement de ces registres, n'est-ce pas ?

28 R. Dans ma déclaration datant du mois de mars 2007, je parle effectivement

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1 de ces registres.

2 Mme REGUE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la pièce

3 1D330, page 1. Il s'agit de l'attestation de la déclaration préalable faite

4 par ce témoin en application de l'article 92 bis.

5 Q. Malheureusement, Monsieur Dimitrov, je pense qu'à l'intercalaire numéro

6 1, vous n'avez que votre déclaration et non pas l'attestation 92 bis. Mais

7 vous pouvez la voir à l'écran.

8 En janvier 2008, votre déclaration a été certifiée par un officier

9 instrumentaire du greffe de ce Tribunal. De façon générale, les témoins, y

10 compris vous-même, ont toujours la possibilité de modifier, de préciser ou

11 d'ajouter des éléments qui leur paraissent importants ou de revenir sur ce

12 qui leur semble inexact dans la déclaration qu'ils ont faite.

13 Pourrait-on voir la deuxième page, s'il vous plaît.

14 Monsieur, nous voyons ici une rubrique intitulée : Observation

15 supplémentaire, vers le milieu de l'écran. De façon générale, cette

16 rubrique permet au témoin qui le souhaite d'apporter des modifications à

17 leurs déclarations préalables. Mais il semblerait que vous n'ayez pas

18 cherché à apporter la moindre modification, la moindre précision en janvier

19 2008, alors que vous saviez que vous alliez venir témoigner ici. Pourtant,

20 vous n'avez pas ajouté cet élément important.

21 R. Lorsque le représentant du Tribunal est venu, alors que je signais ma

22 déclaration, lorsqu'il m'a demandé si j'étais d'accord avec son contenu,

23 j'ai dit que oui. Et j'ai dit que ma seule observation était que je n'étais

24 pas tout à fait certain du point 2 ou 3, je ne sais plus lequel exactement.

25 En ce qui concerne la question de certains dégâts occasionnés au registre,

26 je n'avais aucune idée à ce sujet.

27 Q. Mais si vous aviez exprimé vos préoccupations quant au nombre d'années

28 pendant lesquelles les registres devaient être conservés d'après la

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1 législation en vigueur, vous auriez dû ajouter cet élément dans les

2 observations supplémentaires. Or, vous n'avez rien ajouté.

3 R. C'est ce que vous me dites aujourd'hui.

4 Q. Et si vous avez dit aux représentants du greffe de ce Tribunal que vous

5 n'étiez pas certain de la teneur de certains paragraphes de votre

6 déclaration préalable, il aurait noté vos préoccupations dans la rubrique

7 intitulée : Observations supplémentaires, mais il n'y a rien dans cette

8 rubrique.

9 R. Je l'ai mentionné, j'ai dit que je n'en étais pas tout à fait certain.

10 Q. Pourrait-on voir la photographie que nous avions précédemment à

11 l'écran, qui figure à l'intercalaire 8 de votre classeur, 1D331, page 8.

12 Monsieur, vous avez déclaré -- vous avez ce document sous les yeux ?

13 Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit que cette feuille de

14 papier, ces cachets provenaient des autorités macédoniennes et qu'ils sont

15 ajoutés après que vous achetez le registre ?

16 R. Oui, après que nous l'achetons, et que nous le relions comme il se

17 doit.

18 Q. Vous avez dit que ce bout de papier et ce cachet visait à garantir

19 l'exactitude et la fiabilité du registre. Vous souvenez-vous avoir dit cela

20 ?

21 R. Oui, je m'en souviens.

22 Mme REGUE : [interprétation] Pourrait-on voir le document 1214 de la liste

23 65 ter. Il se trouve à l'intercalaire 9. Je souhaiterais que l'on examine

24 la page 200 en macédonien, il s'agit de la seule page en anglais qui a été

25 traduite.

26 Q. En fait, il s'agit du premier registre d'invités que vous avez remis à

27 l'enquêteur de ce Tribunal.

28 Monsieur, voyez-vous la date à laquelle ce cachet et ce bout de papier ont

Page 10349

1 été placés dans le document ?

2 R. Oui. La date est celle du 10 mai 2001.

3 Mme REGUE : [interprétation] Pourrait-on voir la page 3 dans le système de

4 prétoire électronique. Il s'agit de la première page du registre qui se

5 trouve à l'intercalaire numéro 9. Nous n'avons que la version en

6 macédonien.

7 Monsieur, voyez-vous la date correspondant à la première entrée, donc à

8 votre tout premier invité ?

9 R. Oui. La date est celle du 23 mai 2001.

10 Q. En fait, 13 jours après que les autorités macédoniennes ont apposé un

11 cachet dans votre registre; est-ce bien cela ?

12 R. C'est tout à fait exact.

13 Q. Monsieur, ce cachet et ce bout de papier, que l'on trouve dans votre

14 registre de clients étrangers, ont été remis au tout début, lorsque vous

15 n'aviez pas commencé à consigner les informations dans votre registre alors

16 que ce registre était vide ?

17 R. Je ne comprends pas bien votre question. Est-ce que vous pourriez la

18 répéter, je vous prie.

19 Q. Tout à fait. Lorsque les autorités macédoniennes ont apposé un cachet

20 au registre en indiquant la date, celle du 10 mai 2001, est-ce qu'il y

21 avait déjà des entrées dans votre registre ? Est-ce que vous aviez déjà

22 enregistré le moindre client ?

23 R. A partir du 10 mai, date à laquelle le cachet a été apposée et jusqu'au

24 23 mai de la même année, c'est-à-dire, 13 jours plus tard, 14 jours se sont

25 écoulés avant que notre premier client se présente à l'auberge.

26 Q. Donc vous répondez à ma question par la négative. Lorsque les autorités

27 macédoniennes ont apposé ce cachet dans le registre, ce dernier était vide,

28 n'est-ce pas ?

Page 10350

1 R. Bien sûr qu'il était vide.

2 Q. Outre le cachet que nous avons vu, existe-t-il d'autres traces

3 physiques dans le registre nous montrant que les autorités macédoniennes

4 ont examiné le contenu du registre ainsi que son exactitude ?

5 R. Il n'existe aucune trace physique indiquant que les autorités

6 macédoniennes du ministère de l'Intérieur l'ont fait, mais si elles

7 l'estiment nécessaire, elles peuvent venir vérifier le registre et obtenir

8 les renseignements qu'elles souhaitent.

9 Q. En d'autres termes, vous nous dites que dans votre registre il n'y a

10 pas de cachet, et que rien ne prouve que les autorités macédoniennes ont

11 examiné le registre après que ce registre a été achevé, complété, rempli ?

12 Personne ne l'a signé, personne n'a apposé de cachet ?

13 R. Il ne m'appartient pas de dire comment les autorités macédoniennes

14 doivent se comporter.

15 Q. Est-ce que je dois comprendre votre réponse comme étant une réponse

16 négative ?

17 R. Voilà comment vous devez interpréter ma réponse : lorsque la police

18 vient, elle examine le registre, elle prend les renseignements dont elle a

19 besoin et elle s'en va. C'est tout. Pour moi, il est important d'obtenir

20 tous les jours les paiements de mes clients afin de payer mes impôts. Le

21 reste ne me concerne pas…

22 Q. Mais rien ne prouve que les autorités macédoniennes soient venues

23 examiner votre registre, n'est-ce pas ?

24 R. Les autorités macédoniennes ont le droit de venir examiner les

25 registres si elles le souhaitent, si elles l'estiment nécessaire. Pour moi,

26 ce qui est important, ce n'est pas le nom ou le prénom des clients. C'est

27 le nombre de clients dans mon auberge, et la somme d'argent qui doit être

28 recueilli.

Page 10351

1 Q. Est-ce que vous pourriez vous pencher sur l'intercalaire 15, vous y

2 trouverez la pièce 1D333. Il s'agit d'un jeu de factures que vous avez

3 emmené avec vous ce week-end et remis à la Défense. Il s'agit des factures

4 concernant la période allant du 22 au 31 août.

5 Mme REGUE : [interprétation] Première page, je vous prie.

6 Q. Je pense que vous avez dit -- excusez-moi, Monsieur. Cela se trouve à

7 l'intercalaire 15 de votre classeur.

8 R. A l'intercalaire 15, je ne vois qu'une version en anglais.

9 Q. Est-ce que vous pourriez vous appuyer sur l'écran de l'ordinateur

10 devant vous, s'il vous plaît. Merci.

11 Donc nous voyons ici la première page du récépissé de la somme payée par le

12 comptable à la banque, donc somme versée par le client. Est-ce que vous

13 voyez la signature de M. Hutsch sur ce bout de

14 papier ?

15 R. Non. M. Hutsch n'avait pas à apposer sa signature ici. Lorsque vous

16 allez dans un café et que vous payez comptant, vous ne signez rien.

17 Mme REGUE : [interprétation] Pourrait-on voir la deuxième page, s'il vous

18 plaît.

19 Q. L'image est un peu floue à l'écran.

20 Vous avez dit qu'il s'agissait du fichier électronique. Est-ce que vous

21 voyez la signature de M. Hutsch ici ?

22 R. Non. Nous ne trouvons pas la signature de M. Hutsch ici.

23 Mme REGUE : [interprétation] Pourrait-on voir la dernière page de ce

24 document, s'il vous plaît.

25 Q. Vous avez dit, Monsieur, qu'il s'agissait de la facture. Voyez-vous la

26 signature de M. Hutsch ?

27 R. Oui, il s'agit de la facture que nous devions utiliser à l'époque. Nous

28 n'avons plus de telles factures. Ici, nous ne trouvons pas non plus la

Page 10352

1 signature de M. Hutsch.

2 Q. En effet, nous ne pouvons pas être sûrs que ces factures sont celles de

3 M. Hutsch, puisque l'on ne trouve nulle part sa signature, n'est-ce pas ?

4 R. Peut-être que vous n'en êtes pas sûre, mais moi j'en suis sûr, car ce

5 client s'est présenté avec sa carte d'identité.

6 Q. Monsieur, j'affirme que la méthode d'enregistrement des informations

7 relatives aux arrivées et aux départs des clients étrangers en 2001 n'était

8 pas fiable, et qu'il est, par conséquent, possible que des omissions ou des

9 erreurs aient été commises s'agissant des entrées du registre des clients

10 étrangers de 2001. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi sur ce point ?

11 R. Il s'agit de votre opinion, Madame. Mon opinion n'est pas la même. Rien

12 n'indique que j'aie commis la moindre erreur où que ce soit.

13 Q. Merci.

14 Mme REGUE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

15 témoin, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

17 Maître Mettraux, y aura-t-il des questions supplémentaires ?

18 M. METTRAUX : [interprétation] Je serai très bref.

19 Nouvel interrogatoire par M. Mettraux :

20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Dimitrov. J'aurais quelques

21 questions à vous poser. Vous souvenez-vous que ma consoeur vous a demandé

22 aujourd'hui un certain nombre de questions au sujet d'erreurs et

23 d'omissions éventuelles qui auraient pu être commises par le garde de nuit,

24 qui auraient pu conduire à des erreurs et à des omissions dans

25 l'enregistrement des invités ?

26 Vous souvenez-vous de ces questions ?

27 R. Je m'en souviens.

28 Q. Vous souvenez-vous que ma consoeur a laissé entendre que vous n'aviez

Page 10353

1 pas personnellement vérifié le registre afin de vous assurer que les

2 renseignements qui étaient contenus étaient exacts ?

3 Vous souvenez-vous de cette question ?

4 R. Oui, je m'en souviens.

5 Q. Est-ce que par hasard vous avez examiné vos factures

6 d'août 2001 afin de voir si vous trouviez des factures concernant

7 M. Hutsch ?

8 R. Oui, je les ai examinées.

9 Q. En sus de la facture qui vous a été présentée par ma consoeur

10 concernant la période du 22 au 31 août 2001, est-ce qu'il y avait d'autres

11 factures concernant M. Hutsch pour le mois

12 d'août 2001 ?

13 R. Je n'ai pas réussi à trouver d'autres factures concernant la personne

14 répondant au nom de Hutsch pour le mois d'août 2001.

15 Q. Il y a un instant, ma consoeur vous a posé quelques questions au sujet

16 des mesures prises par la police des étrangers du ministère de l'Intérieur

17 afin de vérifier votre registre. Est-ce que vous pourriez nous dire de

18 façon générale à quelle fréquence la police des étrangers du ministère de

19 l'Intérieur venait à votre hôtel pour examiner vos registres ?

20 R. Il ne m'appartient pas de décider à quelle fréquence la police vient ni

21 quand elle vient. C'est-elle qui décide. Parfois, c'est deux fois par

22 semaine, parfois c'est deux fois par mois. Je n'ai aucune influence sur la

23 question.

24 M. METTRAUX : [interprétation] Est-ce que Mme l'Huissière pourrait nous

25 apporter son concours.

26 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur Dimitrov, que ma consoeur vous a posé un

27 certain nombre de questions à propos de l'aspect de ces deux registres ?

28 Vous souvenez-vous des questions qui vous ont été posées à cet égard ?

Page 10354

1 R. Oui, je m'en souviens.

2 Q. A titre préliminaire, peut-être que c'est manifeste, mais est-ce que

3 ces registres vous ont paru abîmés lorsque vous les avez utilisés ?

4 R. Oui, bien sûr.

5 Q. Peut-être là encore que ma question coule de sources, mais est-ce que

6 ces registres sont de plus en plus abîmés au fur et à mesure qu'on les

7 utilise ?

8 R. Oui, c'est exact. Plus ils sont utilisés, plus ils sont abîmés. C'est

9 comme les vêtements.

10 Q. Est-il exact de dire que le premier registre de votre auberge couvre

11 une période d'environ neuf mois ou neuf mois et demi entre le 23 mai 2001

12 et le 3 mars 2002 ?

13 R. Oui, c'est tout à fait exact.

14 Q. Et est-il exact de dire qu'au contraire le deuxième registre a été

15 utilisé pour une période de deux ans, environ 24 mois, entre le 8 mars 2002

16 et le 1er mars 2004 ?

17 R. C'est exact, le 27 février. Il y a une différence de quelques jours.

18 Q. Est-il exact de penser qu'un registre qui a été utilisé pendant une

19 période deux fois plus longue est donc plus abîmé que l'autre registre qui

20 a servi moins longtemps ?

21 R. Ce que vous dites est tout à fait évident. Si on se sert de quelque

22 chose tous les jours pendant deux ans, forcément l'état de conservation

23 n'est pas le même que pour quelque chose qui a été utilisé pendant moins

24 d'un an.

25 Q. Je vous remercie.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Regue.

27 Mme REGUE : [interprétation] J'ai oublié de demander le versement au

28 dossier de plusieurs documents pendant mon contre-interrogatoire de ce

Page 10355

1 témoin. Est-ce que nous pourrions le faire maintenant ?

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons d'abord nous occuper de ce

3 témoin et nous allons y revenir plus tard.

4 Monsieur le Témoin, nous vous remercions d'être venu témoigner. Votre

5 déposition s'achève, vous allez pouvoir reprendre le fil de vos activités

6 habituelles. Nous vous remercions. Mme l'Huissière va vous raccompagner en

7 dehors de ce prétoire.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

9 Madame et Monsieur les Juges.

10 [Le témoin se retire]

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Regue.

13 Mme REGUE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

14 au dossier du texte de la Loi sur le déplacement et les lieux de résidence

15 des étrangers qui constitue le document 65 ter, numéro 1217 et correspond à

16 l'intercalaire 13 dans vos classeurs.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pertinence tient-elle uniquement au

19 fait que la période considérée était de deux ans ?

20 Mme REGUE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ceci correspond à

21 l'article --

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Manifestement, c'est consigné au

23 compte rendu d'audience. Je ne vois pas pourquoi nous aurions besoin de

24 l'intégralité du texte de loi.

25 Mme REGUE : [interprétation] Je proposais simplement l'application de

26 l'article 73.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que ce qui figure au compte

28 rendu d'audience est clair.

Page 10356

1 Mme REGUE : [interprétation] Deuxième document, c'est le document 65 ter

2 numéro 1214, qui correspond à l'intercalaire 9. Ce document, Monsieur le

3 Président, est un exemplaire intégral du premier registre de clients que le

4 témoin que vous venez d'entendre a remis à l'enquêteur Thomas Kuehnel

5 lorsque celui-ci est allé lui rendre visite à Skopje. Et ce registre couvre

6 la période allant de mai 2001 à mars 2002.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction

9 P594, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.

10 Mme REGUE : [interprétation] Et enfin, je demande le versement au dossier

11 de l'intercalaire 10 qui correspond au document 65 ter numéro 1213, à

12 savoir une copie partielle du registre de l'auberge, une copie partielle du

13 deuxième registre couvrant la période allant de mars 2002 à juin --

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quelle est la pertinence de ce

15 document en dehors de la modification de la méthode utilisée pour effectuer

16 l'enregistrement des clients ?

17 Mme REGUE : [interprétation] Voilà quelle était la base de la pertinence,

18 Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cette question n'a pas été

20 suffisamment couverte par les questions et réponses enregistrées au compte

21 rendu d'audience.

22 Mme REGUE : [interprétation] Si, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans ce cas là, nous n'acceptons que

24 l'intercalaire 9.

25 Mme REGUE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Madame Regue.

27 Si j'ai bien compris, Maître Residovic ou Maître Mettraux, le témoin qui

28 vient d'être entendu était le dernier témoin que vous souhaitiez entendre,

Page 10357

1 n'est-ce pas ?

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'était le

3 dernier témoin entendu dans le cadre de la défense de

4 M. Boskoski. Nous avons également soumis une requête de retrait de trois

5 témoins de la liste des témoins. Nous avons porté à la connaissance de la

6 Chambre un certain nombre d'autres questions dont nous aimerions pouvoir

7 parler avant la fin de notre liste de pièces à conviction.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais avant d'avancer, ce qui m'importe

9 c'est le temps de Maître Apostolski. Pourriez-vous me dire de combien de

10 temps vous auriez besoin à peu près ?

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que j'en

12 aurai terminé dans le cadre de la partie actuelle de l'audience.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi une seconde. Maître

14 Apostolski, pour votre propos liminaire, vous pensez avoir besoin de

15 combien de temps ?

16 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

17 Monsieur les Juges. Je pense que j'aurais besoin d'au moins une heure et

18 demie pour mon propos liminaire.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrions

20 peut-être évoquer les questions qui nous intéresse à la fin du propos

21 liminaire de façon à ce que notre confrère puisse être certain d'en

22 terminer aujourd'hui avec la présentation de son propos liminaire.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Apostolski, si nous devions

24 vous accorder une heure et demie, pensez-vous vraiment que vous en aurez

25 terminé dans ce délai ? C'est important pour votre propos liminaire, nous

26 ne souhaitons pas vous limiter de quelque façon que ce soit.

27 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai parlé d'une

28 heure et demie approximativement. Je ne suis pas en mesure de vous dire

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1 avec une exactitude totale de combien de temps j'aurais exactement besoin.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Apostolski.

3 Maître Residovic, pourriez-vous en terminer de l'exposé des questions qui

4 vous intéresse en 20 minutes ?

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le résumé des

6 quatre déclarations 92 bis qui restent vous sera donc présenté par Me

7 Mettraux.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Et nous vous

9 annonçons d'ores et déjà que vous êtes autorisée à retirer les trois

10 témoins de votre liste de témoins.

11 Maintenant, nous redonnons la parole à Me Mettraux.

12 M. METTRAUX : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-être

13 qu'avant de m'engager dans la lecture des résumés de dépositions 92 bis, il

14 y a une question que j'aimerais évoquer rapidement devant la Chambre. Et je

15 crois savoir que M. Saxon souhaite parler du même problème.

16 Je tiens à vous rappeler que le 14 février l'Accusation a répondu à

17 une requête de la Défense concernant l'index. Je crois qu'hier ou il y a

18 deux jours, nous avons appris de l'Accusation l'existence d'une requête --

19 nous avons été informés par l'Accusation d'une requête que nous avions

20 adressée à celle-ci pour savoir si oui ou non l'Accusation avait soumis ou

21 demandé que les écoutes qui faisaient l'objet de cette requête soient

22 soumises à un test. L'Accusation à ce moment-là nous a fait savoir qu'elle

23 avait envoyé l'équipement de test au laboratoire de médecine néerlandaise.

24 Ces renseignements ne figuraient pas dans la réponse de l'Accusation, pas

25 plus que le fait que, Monsieur le Président, que contrairement à ces

26 indications contenues dans la réponse de l'Accusation, la Défense aurait

27 refusé de fournir l'original.

28 Donc je tiens simplement à dire aussi simplement que possible que le

Page 10359

1 CD original existe, mais que d'autres éléments ont été fournis en

2 application d'un autre article du Règlement et donc portés à la

3 connaissance de l'Accusation. L'expert, apparemment, n'ayant pas eu la

4 possibilité de copier l'original de cet élément, donc nous préférerions

5 travailler sur l'original.

6 L'Accusation ne nous a pas fourni les conclusions de l'expert qui

7 affirme ne pas pouvoir reproduire cet élément. Nous avons indiqué que nous

8 sommes prêts à reconsidérer notre position si l'Accusation, entre-temps,

9 nous dit que l'expert a rencontré quelques difficultés dans l'exercice de

10 ces essais. Nous n'avons aucune indication de la part de l'Accusation,

11 c'est pourquoi notre position est demeurée la même car c'est en fait

12 important.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous souhaitez qu'un expert ou que

14 l'Accusation teste l'enregistrement électronique des écoutes ?

15 M. METTRAUX : [interprétation] Bien, nous croyons comprendre que

16 l'Accusation possède le CD, puisque nous avons fait une copie que nous lui

17 avons remise à l'époque --

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le problème c'est que vous avez

19 l'original.

20 M. METTRAUX : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis-je vous dire qu'il n'est pas

22 nécessaire d'être un expert en technologie pour savoir qu'une copie est

23 moins fiable et moins précise qu'un original. Pourquoi est-ce qu'il y a des

24 difficultés à remettre l'original ?

25 M. METTRAUX : [interprétation] La difficulté c'est le fait que l'original

26 comporte d'autres éléments que nous avons communiqué en application de

27 l'article 70 et que nous ne souhaitions pas communiquer. Si nous retirons

28 ces éléments, alors nous pourrons poursuivre la discussion. Le laboratoire

Page 10360

1 a dit ne pas pouvoir tester l'équipement récent dans son format habituel.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien, on peut tester n'importe quoi.

3 La question c'est quelle est la fiabilité du résultat.

4 M. METTRAUX : [interprétation] Monsieur le Président, dans ce cas

5 particulier, je ne peux qu'attendre le résultat de l'institut de médecine

6 légale qui, d'après ce que nous avons compris, devrait nous parvenir cette

7 semaine. Les indications que nous avons reçues par rapport à ces éléments

8 testés concernent le CD précisément et c'est le CD que nous souhaitons voir

9 tester.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous dites, Maître

11 Mettraux, que vous voulez que la Chambre repousse sa décision --

12 M. METTRAUX : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- décision imminente.

14 M. METTRAUX : [interprétation] C'est exact. Qu'elle repousse sa décision

15 jusqu'au moment où l'Accusation aura reçu le résultat.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mettraux.

17 Monsieur Saxon.

18 M. SAXON : [interprétation] Je voulais vous présenter la même

19 demande, Monsieur le Président, à savoir que la Chambre reporte sa décision

20 tant que nous n'avons pas reçu le rapport de l'institut de médecine légale

21 néerlandais qui nous l'a promis au plus tard pour le 10 mars.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mettraux, vous avez réussi.

25 M. METTRAUX : [interprétation] Pour une fois.

26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Plusieurs fois. Plusieurs fois. De

27 nombreuses fois, Maître Mettraux.

28 M. METTRAUX : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, je vais

Page 10361

1 maintenant passer au résumé des déclarations 92 bis des témoins de la

2 Défense, à commencer par celle du Dr Srgjan Kerim.

3 Son Excellence le Dr Kerim Srgjan est citoyen de la République de

4 Macédoine. En 2001, le Dr Kerim était ministre des Affaires étrangères de

5 la République de Macédoine, après quoi il a été représentant de la

6 République de Macédoine aux Nations Unies. En cette qualité il a fait la

7 connaissance de M. Boskoski. Il est actuellement président de l'assemblée

8 générale des Nations Unies, et dans sa déposition 92 bis, le Dr Kerim

9 décrit la tension que les attaques de l'ALN ont créée sur les moyens dont

10 dispose la Macédoine et les efforts déployés par le gouvernement

11 macédonien, ainsi que ses institutions, pour s'acquitter de ces devoirs en

12 dépit des circonstances un peu particulières.

13 Le Dr Kerim a expliqué qu'en qualité de ministre, M. Boskoski a hérité des

14 institutions qui étaient en cours de maturation et de réforme. Mais l'acte

15 de gouverner les responsabilités associées à cet acte de gouvernement était

16 plus difficile et plus exigeant dans ces conditions.

17 Le Dr Kerim explique et décrit le processus d'intégration des membres de

18 diverses minorités ethniques dans les organes de l'Etat, processus qui a

19 démarré avant le début des attaques de l'ALN.

20 Ce processus s'est déroulé également au ministère de l'Intérieur lorsque M.

21 Boskoski était ministre. Le Dr Kerim affirme que la communauté

22 internationale à l'époque pensait que l'ALN était une organisation

23 criminelle et terroriste. Il souligne en particulier, qu'à sa connaissance,

24 pas un seul membre des Nations Unies n'a jamais laissé entendre autre chose

25 devant l'assemblée générale des Nations Unies au moment où le conflit avait

26 eu lieu en Macédoine en 2001 ou 2002. Il n'a pas non plus connaissance

27 qu'un seul Etat membre des Nations Unies aurait apporté son soutien à l'ALN

28 ou aux autorités macédoniennes dans le cadre d'un conflit armé.

Page 10362

1 Le Dr Kerim souligne qu'en 2001, la crise en Macédoine était considérée

2 comme une question de lutte antiterroriste. Le Dr Kerim explique que le but

3 poursuivi par les institutions de l'Etat à l'époque consistait à défendre

4 la nature multiethnique du territoire et à protéger l'intégrité

5 territoriale du pays en défendant la démocratie contre les attaques de ce

6 qu'il était convenu d'appeler l'ALN.

7 Le Dr Kerim, qui connaissait M. Boskoski, le décrit comme un homme de haute

8 qualité morale qui, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de

9 ministre, s'est efforcé de s'acquitter de ses responsabilités au mieux de

10 ses capacités, comme il l'a fait pour ses responsabilités de ministre.

11 M. Slobodan Casulev, deuxième témoin, est un citoyen macédonien qui, au

12 cours des années, a représenté son pays en tant que diplomate et député

13 ainsi que ministre des Affaires étrangères. M. Casulev a témoigné de la

14 bonne moralité de M. Boskoski. Il a également dit dans sa déposition que

15 des pressions importantes existaient à l'époque et que M. Boskoski, en tant

16 que ministre du gouvernement, a eu à surmonter de grandes tensions en 2001

17 et 2002 pour remplir son mandat et ses responsabilités.

18 M. Casulev félicite donc M. Boskoski pour sa capacité à garantir et à

19 surveiller la stabilité interne et la sécurité du pays par l'application de

20 l'accord-cadre d'Ohrid. C'était une condition préalable et la base d'un

21 rétablissement de la paix dans la société civile en Macédoine.

22 M. Casulev dit dans sa déposition que M. Boskoski a coopéré avec la

23 communauté internationale, et parle de ses efforts pour contribuer à

24 l'application de l'accord-cadre d'Ohrid. M. Casulev sait que M. Boskoski

25 est dépourvu de tout préjugé ethnique et qu'il était apprécié et admiré en

26 tant que représentant politique en Macédoine.

27 Il le connaît également comme un homme de haute moralité particulièrement

28 honnête, comme un père aimant et comme un ami fidèle.

Page 10363

1 Deuxième résumé, Monsieur le Président, c'est celui de

2 M. Aleksandar Milosevic.

3 M. Milosevic est citoyen croate et journaliste de profession. Il a servi

4 son pays en qualité d'ambassadeur en République de Macédoine à partir de

5 janvier 2001 jusqu'à novembre 2005. Il connaît M. Boskoski aussi bien en

6 qualité de responsable de l'Etat qu'en tant qu'ami. Il décrit comment les

7 ambassadeurs et autres responsables du gouvernement entouraient M.

8 Boskoski, et caractérise son contact avec ces personnes comme ouvert et

9 amical. M. Milosevic sait que

10 M. Boskoski est dépourvu de partialité ethnique ou politique dans le cadre

11 des responsabilités qu'il remplit dans l'intérêt de son pays.

12 M. Boskoski a parlé de ses amis albanais, de ses espoirs que tous les

13 citoyens du pays pourraient considérer la Macédoine comme leur patrie

14 commune.

15 M. Milosevic décrit M. Boskoski comme un bon patriote, comme un homme qui

16 considérait la multiethnicité de son pays et l'existence de plusieurs

17 religions dans ce pays comme une force et comme un trésor à conserver.

18 En tant que représentant de la communauté internationale en Macédoine, en

19 2001, M. Milosevic ne croyait pas aux diverses justifications avancées par

20 l'ALN pour légitimer son action.

21 Il souligne également le fait que la communauté internationale n'a

22 jamais apporté son soutien au but différent poursuivi par l'ALN sous le

23 prétexte de non-discrimination institutionnelle.

24 Il souligne également que la réforme qui était prévue pour améliorer

25 la situation des minorités dans le pays a été ralentie par les attaques de

26 l'ALN et non facilitée par celle-ci.

27 M. Milosevic a dit clairement qu'après avoir discuté avec des

28 dirigeants politiques importants de souche albanaise, les attaques de l'ALN

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1 étaient motivées par la perception de celle-ci que les frontières de l'ex-

2 Yougoslavie n'étaient pas encore consolidées.

3 M. Milosevic connaissait la position de M. Boskoski selon laquelle tous les

4 problèmes existants dans la république devaient être résolus par la voie

5 politique et non par la violence.

6 Il sait également que M. Boskoski s'est efforcé de s'acquitter de ses

7 responsabilités de ministre dans le respect des lois et de la constitution

8 de son pays, tout en s'efforçant de satisfaire aux diverses revendications

9 de la communauté internationale représentées en Macédoine à l'époque.

10 Parmi les apports divers dus à M. Boskoski dans le cadre de ce

11 processus, M. Milosevic parle de ses efforts pour appliquer les réformes

12 concernant la police pour assurer le rétablissement de la paix et réduire

13 les forces belliqueuses afin d'assurer la bonne application de l'accord-

14 cadre d'Ohrid.

15 Le dernier résumé 92 bis, Monsieur le Président, est celui qui concerne

16 Nevenka Mikac.

17 Nevenka Mikac est citoyen de la République de Macédoine. C'est une

18 amie de la famille de M. Boskoski. Elle décrit la famille de

19 M. Boskoski comme une famille très unie et très aimante, et décrit

20 M. Boskoski comme un bon père de famille de trois enfants. L'un d'entre eux

21 est étudiant en droit à l'université, et l'un d'entre eux, Phillip, est âgé

22 de 13 ans, et le troisième est encore écolier de primaire. Elle affirme que

23 M. Boskoski est dépourvu de tout préjugé ethnique et religieux, que c'est

24 un homme tolérant, et elle souligne son origine modeste, puisque ses

25 parents étaient agriculteurs, en indiquant qu'il est devenu un homme

26 d'affaires ayant très bien réussi et plus tard en représentant politique.

27 En qualité de ministre, M. Boskoski est demeuré modeste, honnête, de

28 grande moralité, un homme juste qu'elle a connu en tant qu'ami, un bon père

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1 et un bon mari.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

3 M. METTRAUX : [interprétation] Je crois que nous demandons le versement au

4 dossier de ces déclarations, que je dois le faire.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ces quatre déclarations sont admises

6 au dossier.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, la déclaration

8 de Kerim devient la pièce à conviction 1D334. La déclaration de M.

9 Milosevic devient la pièce à conviction 1D335. La déclaration du témoin

10 Casulev devient la pièce à conviction 1D336. Et la dernière déclaration du

11 témoin Nevenka Mikac devient la pièce à conviction 1D337.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.

13 Maître Residovic.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y a encore

15 quelques autres questions pour lesquelles je demande l'attention de la

16 Chambre et une décision de la Chambre.

17 Vous savez qu'hier, dans le cadre de l'audition du témoin Popovski, je lui

18 ai soumis un article du Code pénal de la République socialiste fédérative

19 de Yougoslavie, et puisque d'autres articles de ce code pénal ont été

20 versés au dossier, sur votre proposition, nous avons demandé la traduction

21 du document correspondant au document 1D1322 de la liste 65ter, qui est

22 donc une partie du code pénal, et nous demandons l'enregistrement de ce

23 document avec une cote MFI, à savoir le numéro 1D329, et son admission au

24 dossier.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avec la traduction.

26 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.

28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Elle devient la pièce à conviction

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1 1D329, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Dans le cadre de l'audition du témoin

4 Vesna Dorevska, une décision a été versée au dossier -- ou plutôt, un

5 décret relatif au contrat de travail de Goran Mitevski à l'UBK. C'est un

6 document signé par le ministre de l'Intérieur Dosta Dimovska. Cette pièce a

7 reçu la cote 1D308, mais n'était pas associée à une traduction à l'époque.

8 Maintenant nous avons la traduction qui a été chargée dans le prétoire

9 électronique sous le numéro 1D01-0600 et nous demandons le versement au

10 dossier de ce document.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un instant, Maître Residovic.

14 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour être tout à fait précis, je

16 dirais que la traduction va aujourd'hui être ajoutée à la pièce à

17 conviction qui existait déjà.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

19 Monsieur le Président, à plusieurs reprises nous avons évoqué ce problème

20 de traduction. Nous l'avons également en rapport avec un document

21 volumineux qui est la pièce de l'Accusation P96. De concert avec le CLSS,

22 une révision de tout ce document a été effectuée et le CLSS a remis à la

23 Défense une traduction révisée qui a été chargée dans le prétoire

24 électronique sous le numéro 1D01-0539 ainsi que 1D01-0499.

25 Nous demandons le versement au dossier de ces deux traductions en

26 remplacement de toutes les traductions temporaires qui avaient été

27 associées à l'original de ce document jusqu'à présent, hormis la traduction

28 qui correspond au document 1D01-1318.

Page 10367

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Franchement, j'ai un peu de mal à

2 comprendre quel sera l'apport de cette substitution dans tous les cas, car

3 des questions ont été posées au sujet de traductions antérieures.

4 Donc ce que je proposerais, c'est d'admettre ces nouvelles

5 traductions comme étant les traductions faisant foi, mais que chacune ait

6 sa propre cote.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est

8 simplement pour la pièce à conviction P96 que nous proposons maintenant

9 l'admission des traductions révisées officiellement par le CLSS et que nous

10 demandons que le CLSS reprenne toutes les traductions temporaires qui

11 existaient jusqu'à présent par rapport à cette pièce. Toutes sauf la

12 traduction temporaire correspondant à la cote 1D01-1318, parce que cette

13 traduction-là n'a pas fait l'objet d'une révision ultérieure.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout cela est trop compliqué pour moi

15 à cette heure-ci, Maître Residovic. Nous allons admettre au dossier

16 l'intégralité, toutes les traductions révisées de la pièce P96 en tant que

17 nouvelle pièce à conviction.

18 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La traduction est admise en tant que

20 pièce P96.1, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci bien.

22 Et pour en terminer, Monsieur le Président, en rapport avec le témoin

23 Kristo Zdravkovski, ont été versés au dossier les documents, les pièces

24 1D319 et 1D320 qui sont deux plaintes au pénal déposées à Bitola. Avant

25 l'arrivée du témoin, nous avons demandé au CLSS la traduction de ces deux

26 documents intégralement, mais compte tenu de la longueur de ces documents,

27 le CLSS a refusé d'en assurer la traduction et a demandé à la Défense de

28 lui faire savoir quelles étaient les parties pertinentes que le CLSS

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1 acceptait de traduire. Ces plaintes au pénal concernaient 102 personnes et

2 140 actes délictueux ou criminels. Par conséquent, il a été impossible à la

3 Défense d'extraire les parties pertinentes de ces documents, car à tout

4 moment on trouvait dans ces documents le nom de l'auteur et la description

5 de l'acte délictueux concerné.

6 La Défense a effectué une traduction de ces plaintes au pénal et nous

7 demandons à la Chambre d'admettre la traduction de ces documents. Au cas où

8 nos collègues de l'Accusation ont des objections, nous pourrons demander

9 une nouvelle traduction de ce document.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous proposons, Maître Residovic, que

12 ceci fasse l'objet de votre part d'une requête écrite et qu'il y ait

13 discussion entre vous-même et un représentant du bureau du Procureur ou

14 entre vous et M. Saxon pour voir si la traduction pose ou suscite le

15 moindre souci. Au cas où la traduction suscite un souci, alors peut-être

16 pourriez-vous soumettre le problème au CLSS. Mais il est fort possible

17 qu'il n'y ait aucun souci sur cet aspect matériel de la question.

18 Mais en tout cas, nous répondrons à une requête écrite en temps utiles.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 S'agissant de l'autre traduction que nous recevrons du CLSS, nous

21 continuerons à agir sur la base des consignes modifiées qui viennent de

22 nous être données par la Chambre.

23 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, vous savez que

24 nous attendons encore une réponse à un certain nombre de requêtes et en

25 tenant compte de cela, la Défense de M. Boskoski annonce qu'elle est

26 arrivée au terme de la présentation de ses moyens de défense.

27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Residovic.

28 Sous réserve de ce que je crois être à l'heure actuelle trois requêtes dont

Page 10369

1 l'une a été reçue par la Chambre hier, n'est-ce pas, sous réserve également

2 de la décision attendue pour la dernière requête que nous attendons de

3 votre part par écrit, sous réserve encore de la solution de tout problème

4 étant lié à la traduction, nous annonçons que la présentation des moyens de

5 la Défense de

6 M. Boskoski est terminée. Nous vous remercions pour la haute distinction

7 que vous avez assurée à la présentation de ces moyens.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie de tout cœur.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous suspendons à présent et

10 reprendrons à 16 heures 15. Maître Apostolski, nous suspendons pour le

11 moment et vous aurez une heure et demie à la reprise des débats.

12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

13 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Tarculovski, Me Apostolski va

16 maintenant faire sa déclaration liminaire. Merci, Maître Apostolski.

17 [Déclaration liminaire de la Défense Tarculovski]

18 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

19 Monsieur les Juges.

20 Je salue le Président de la Chambre ainsi que Madame et Monsieur les

21 Juges. Je salue également mes éminents confrères de l'Accusation ainsi que

22 mes collègues assurant la Défense de

23 M. Boskoski. En application de l'article 84 du Règlement, la Défense de

24 Johan Tarculovski fait sa déclaration liminaire. Cette déclaration

25 liminaire a pour but de résumer la thèse que la Défense de Johan

26 Tarculovski présentera à cette Chambre de première instance. La Défense de

27 Johan Tarculovski tirera également quelques conclusions des thèses

28 présentées par l'Accusation et par la Défense de Ljube Boskoski.

Page 10370

1 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, la Défense de Johan

2 Tarculovski a le privilège de faire cette déclaration après la présentation

3 des thèses de l'Accusation et de la Défense de

4 M. Boskoski, si bien qu'elle dispose de quasiment tous les faits sur

5 lesquels s'appuiera la Chambre de première instance pour rendre un verdict

6 juste.

7 Dans le cadre la présentation de ses moyens, la Défense se contentera

8 de présenter des éléments complémentaires visant à confirmer et à

9 corroborer des faits qui ont déjà été établis dans le cadre de la

10 présentation des moyens de l'Accusation et de la Défense de M. Boskoski.

11 Après avoir entendu la thèse de l'Accusation, la Défense s'est demandée

12 s'il y avait lieu de présenter des moyens à décharge, car elle est tout à

13 fait convaincue que l'Accusation n'a pas prouvé la responsabilité de

14 l'accusé Tarculovski dans l'un quelconque des faits qui lui sont reprochés

15 dans l'acte d'accusation. En se fondant exclusivement sur le témoignage des

16 témoins à charge, la Chambre de première instance sera en mesure de

17 parvenir au seul verdict juste possible, à savoir l'acquittement de

18 l'accusé Tarculovski.

19 Cependant, comme je l'ai déjà dit, nous avons décidé de présenter

20 brièvement nos moyens. Nous appellerons à la barre des témoins oculaires

21 des événements survenus dans le village de Ljuboten le 12 août 2001 et

22 avant cette date. Nous citerons également à comparaître un témoin expert

23 dans les questions militaires qui, en 2001, était le porte-parole de

24 l'armée macédonienne. Il est considéré comme étant l'un des scientifiques

25 les plus importants dans le domaine des questions militaires.

26 Je commencerai la déclaration liminaire de la Défense en traitant de

27 la question de l'existence d'un conflit armé en République de Macédoine en

28 2001, puis je traiterai des événements survenus dans le village de Ljuboten

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1 et dans les environs entre le

2 10 et le 12 août 2001. Je finirai mon exposé en traitant de la question de

3 la responsabilité pénale alléguée de l'accusé Johan Tarculovski.

4 Je commencerai tout d'abord par la question du conflit armé, car il s'agit

5 d'une clause d'attribution de compétences et parce que la décision qui sera

6 rendue par la présente Chambre de première instance revêt une importance

7 historique pour l'histoire et pour le public de façon générale en

8 Macédoine.

9 Afin de déterminer l'existence d'un conflit armé, l'Accusation doit

10 prouver que les forces armées belligérantes étaient suffisamment organisées

11 et structurées pour pouvoir mener à bien des opérations militaires. Il ne

12 suffit pas qu'un groupe prétende être organisé ou donne l'impression qu'il

13 est organisé d'une certaine manière. La norme prescrite par le droit

14 international est très stricte. L'Accusation n'a pas établi que

15 l'organisation appelée ALN satisfaisait aux normes requises par le droit

16 international à cet égard. Par ailleurs, l'Accusation doit démontrer que

17 l'intensité des violences armées a été telle qu'il s'agissait de quelque

18 chose de plus que du banditisme, des crimes de droit commun ou une

19 insurrection désorganisée et brève ou des activités terroristes qui ne sont

20 pas couvertes par le droit international humanitaire.

21 La détermination de l'intensité du conflit et l'organisation des parties

22 sont des questions factuelles et juridiques qui doivent être tranchées à la

23 lumière des éléments de preuve présentés et au cas par cas. L'un des

24 facteurs permettant d'apprécier l'intensité du conflit, qui doit être pris

25 en considération par la Chambre de première instance, est la gravité des

26 attaques, et la question de savoir s'il y a eu une intensification des

27 affrontements armés, une propagation de ces affrontements sur l'ensemble du

28 territoire et pendant un certain temps, une augmentation des forces

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1 gouvernementales impliquées, une mobilisation. Il faut également tenir

2 compte de la distribution des armes entre les parties pendant le conflit

3 ainsi que la question de savoir si le conflit a appelé l'attention du

4 Conseil de sécurité de l'ONU. Il faut également prendre en compte le fait

5 de savoir si une résolution a été adoptée sur la question.

6 S'agissant de l'organisation des parties au conflit, il faut tenir compte

7 notamment de l'existence éventuelle de quartiers généraux, de zones

8 opérationnelles et de la capacité éventuelle d'obtenir, de transporter et

9 de distribuer des armes.

10 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, comme il est apparu

11 durant la présentation des moyens à charge, et comme il sera établi dans le

12 cadre de la présentation des moyens à décharge, l'organisation appelée

13 Armée de libération nationale n'était rien d'autre qu'une organisation

14 terroriste aux yeux de l'ensemble de la communauté internationale. Cette

15 soi-disant Armée de libération nationale était une organisation terroriste

16 classique d'après toutes les définitions utilisées à travers le monde pour

17 le terrorisme. La soi-disant Armée de libération nationale n'était rien de

18 plus qu'un ramassis de criminels qui s'est servi de la violence pour

19 intimider les Macédoniens et pour atteindre ses objectifs politiques, à

20 savoir la création d'une Grande-Albanie. Aucun conflit n'a jamais opposé

21 les Albanais et les Macédoniens. En réalité, c'est un groupe armé

22 terroriste qui a tenté par des moyens criminels de détruire l'ordre

23 constitutionnel de la Macédoine afin de créer un territoire qu'il

24 souhaitait placer sous son contrôle. Nous prions instamment la Chambre de

25 première instance de ne pas créer une fracture qui n'a jamais existé ou qui

26 n'a existé que dans l'esprit de l'ALN, qui était partie au conflit armé,

27 tout comme les forces de sécurité. Il n'existe aucun précédent juridique

28 valable qui étaye la thèse de l'Accusation. Et le monde, dans son ensemble,

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1 ne considère pas ces événements comme un conflit armée et ce n'est pas

2 maintenant qu'il va commencer.

3 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, la République de

4 Macédoine était la seule république yougoslave ayant réussi à parvenir à

5 son indépendance de la Yougoslavie dans les années 90 grâce à des moyens

6 pacifiques, et pour cela il faut en remercier ses dirigeants et sa

7 population qui ont fait preuve de sagesse. Après la crise qui a touché le

8 Kosovo en 1999, au cours de laquelle la Macédoine a apporté son secours

9 sous la forme d'abris, de vivres, d'eau et autres moyens humanitaires qui

10 ont été mis à la disposition des 300 000 Albanais du Kosovo. Certains

11 membres de l'Armée de libération du Kosovo qui se sont trouvés au chômage

12 ont décidé de se servir de la frontière du Kosovo pour mener, à partir de

13 celle-ci, des attaques terroristes à l'encontre de la Macédoine afin de

14 déstabiliser le pays pour obtenir la séparation d'une partie de la

15 Macédoine peuplée d'Albanais de souche et afin d'unir ce territoire avec le

16 Kosovo pour parvenir à son objectif ultime, la création d'une Grande-

17 Albanie.

18 Comme le diplomate américain, M. Christopher Hill, l'a déclaré en

19 1999 : "Nous avons passé toutes les années 90, toute cette décennie, à

20 s'inquiéter d'une Grande-Serbie. Ceci est terminé. Nous allons maintenant,

21 dans le siècle à venir, nous inquiéter de la création d'une Grande-

22 Albanie."

23 A l'époque et aujourd'hui encore, la Macédoine était le pays et reste

24 encore le pays de tous les Macédoniens, quelle que soit leur appartenance

25 ethnique. L'ALN est le seul groupe à s'être jamais opposé à cette réalité.

26 Voilà ce que le secrétaire général de l'OTAN, Son Excellence Lord

27 Robertson, a déclaré au sujet de l'ALN, tout comme le chef de la sécurité

28 de l'Union européenne, M. Javier Solana. Voilà ce qu'ils ont déclaré dans

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1 la pièce 2D69. C'est également ce que le gouvernement britannique, par le

2 truchement de son ambassadeur, a déclaré à propos de l'ALN, se levant ainsi

3 à la position exprimée par l'ensemble de la communauté internationale.

4 Je souhaiterais maintenant que nous examinions la séquence vidéo 2D71.

5 [Diffusion de la cassette vidéo]

6 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Nous avons quelques problèmes techniques.

7 Est-ce que l'on pourrait revoir le début de cette séquence vidéo.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai remarqué sur mon écran qu'en haut

9 à droite nous voyons une mention qui est la cause du problème.

10 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Je pense que tout est rentré dans l'ordre.

11 Veuillez nous accorder un instant, Monsieur le Président, Madame et

12 Monsieur les Juges. Apparemment, nous avons quelques petits problèmes

13 techniques.

14 [Le conseil de la Défense se concerte]

15 [Diffusion de la cassette vidéo]

16 M. APOSTOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur

17 les Juges, nous avons vu la séquence vidéo versée au dossier sous la cote

18 2D71.

19 Comme il a été établi dans le cadre de la présentation des moyens à charge

20 et comme nous le démontrerons dans le cadre de la présentation des moyens à

21 décharge, la soi-disant Armée de libération nationale n'avait aucune

22 capacité organisationnelle. Les règlements présumés que l'Accusation a

23 présentés en tant qu'éléments de preuve pour démontrer l'organisation de

24 l'ALN ne faisaient que reprendre les règlements appliqués par le Corps de

25 protection du Kosovo, et ses auteurs n'ont même pas fait l'effort de

26 remplacer le Kosovo par la Macédoine. Si bien qu'il n'existe aucune preuve

27 fiable indiquant que ces règlements ont jamais été mis en œuvre d'une part,

28 et que d'autre part, dans l'affirmative, ils aient eu la moindre incidence

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1 ou la moindre pertinence pour ce qui est du fonctionnement de l'ALN.

2 Ces règlements n'étaient qu'un outil de propagande visant à donner à

3 cette organisation criminelle l'apparence d'une organisation militaire.

4 Comme le chef de l'état-major général de l'ALN, Gzim Ostreni, a déclaré, il

5 ne savait même pas où se trouvait le quartier général à Selce, Sipkovica,

6 ou Prizren au Kosovo. Il ne savait pas combien d'effectifs comptaient ses

7 forces, quel type de transmissions étaient utilisées. Même le soi-disant

8 chef de l'état-major général de l'ALN ne donnait aucun ordre à qui que ce

9 soit, comme il l'a déclaré lui-même. Ceci démontre que l'organisation de la

10 soi-disant ALN était tout à fait virtuelle et que le seul but de cette

11 présentation était de montrer que l'ALN n'était pas une organisation

12 terroriste.

13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, la soi-disant Armée de

14 libération nationale n'était pas en mesure de lancer des attaques sérieuses

15 contre les forces macédoniennes. Elle ne l'a pas fait, car elle n'était pas

16 organisée pour le faire vu sa structure, sa logistique ou les forces qui la

17 composaient. L'ALN se livrait à des attaques criminelles comme n'importe

18 quel petit groupe de criminels.

19 Ces attaques duraient rarement plus de quelques minutes. Tout ce que

20 l'ALN a pu faire, c'était tendre des embuscades à des convois ou poser des

21 mines sur les routes habituellement utilisées par tout le monde, après quoi

22 elle se retirait au Kosovo ou dans des villages peuplés d'Albanais. Ses

23 embuscades étaient tendues par dix ou 15 terroristes tout au plus, à chaque

24 fois. Le problème qui se posait alors aux forces de sécurité macédoniennes

25 était de retrouver et d'anéantir les terroristes, car ces derniers se

26 cachaient dans des villages albanais, dissimulaient leurs uniformes et se

27 mêlaient aux civils innocents.

28 Voilà les seules tactiques que l'ALN a jamais réussi à employer. Le

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1 problème qui se posait aux forces de sécurité macédoniennes était de faire

2 preuve de prudence pour ne pas prendre les civils pour cibles. Même si les

3 forces de sécurité macédoniennes savaient qu'il y avait des terroristes qui

4 se cachaient, elles hésitaient à attaquer.

5 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, la soi-disant

6 Armée de libération nationale n'a jamais contrôlé le moindre territoire.

7 Elle apparaissait soudainement dans des villages de montagne peuplés par

8 des Albanais, prenait des photographies, puis disparaissait. A plusieurs

9 reprises, lorsque l'ALN s'est trouvée face aux forces de sécurité, comme ce

10 fut le cas à Tetovo en mars 2001, à Vaksince, à Aracinovo en juin 2001, et

11 à Ljuboten en août 2001, l'ALN s'est retirée ou a été détruite.

12 Ce que l'Accusation qualifie de contrôle du territoire n'était rien

13 de plus que le règne de la peur et de la violence et des actes visant à

14 expulser les nombreux citoyens non albanais qui peuplaient ces lieux et à

15 faire peur aux Albanais qui ne leur étaient pas favorables. Nous aurions là

16 un précédent terrible si de telles activités criminelles servaient de

17 fondement à une conclusion de cette Chambre de première instance selon

18 laquelle un conflit armé existait bel et bien.

19 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, la violence s'est

20 propagée au territoire frontalier du Kosovo. Les terroristes n'ont pas été

21 en mesure de se livrer à des actions coordonnées, même sur ce territoire

22 limité. Ces événements n'ont duré que quatre ou cinq mois. Aucune activité

23 terroriste n'a été constatée pendant tout le mois d'avril 2001.

24 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, le but de ces

25 criminels était de séparer le territoire de la Macédoine et de le réunir

26 avec le Kosovo. Ils ont échoué. Les forces de sécurité macédoniennes ont

27 réussi à défendre la Macédoine et ont réussi, pour la première fois dans

28 l'histoire récente de la Macédoine, à défendre le territoire de la

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1 Macédoine de ses voisins.

2 Je vais maintenant en venir aux événements survenus à Ljuboten.

3 Pendant toute la période de la crise, le village de Ljuboten servait de

4 base logistique importante pour l'ALN. La présence de l'ALN dans le village

5 a été observée bien avant les faits. Elle s'est poursuivie bien après.

6 Comme de nombreux témoins à charge l'ont déclaré, Ljuboten était utilisé

7 pour la contrebande d'armes, de vivres et de médicaments pour les besoins

8 de l'ALN, notamment pour les membres de l'ALN stationnés dans la région de

9 Kumanovo et au monastère de Matejce.

10 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, bien avant que la

11 crise n'éclate et bien après la signature des accords d'Ohrid, des groupes

12 armés albanais occupaient Ljuboten, qui leur servait de bastion. Ce que

13 l'Accusation essaie de vous faire croire, c'est que même s'il y avait des

14 activités armées de la part des Albanais à Ljuboten avant et après ces

15 événements, comme par magie il n'y avait pas de présence de l'ALN cette

16 semaine-ci. Ce n'est pas raisonnable et ceci est démenti par les éléments

17 de preuve qui ont été présentés. Il y a toujours eu présence armée de l'ALN

18 dans le village.

19 Cependant, en raison de son importance stratégique, l'ALN a décidé de

20 ne pas donner alerte dans le village et a préféré agir de façon

21 clandestine. Les forces de sécurité macédoniennes étaient conscientes de la

22 situation, et en juin 2001, l'armée a encerclé le village de Ljuboten afin

23 de le surveiller ou, pour utiliser le jargon militaire, pour se trouver en

24 surplomb au cas où la situation évoluerait.

25 Je vous renvoie à la pièce 1D31 qui traite des procédures opérationnelles

26 standard relatives aux activités d'observation menées par l'OSCE. Je cite :

27 "Le modus operandi des groupes armés albanais de souche consiste

28 essentiellement à occuper le terrain en se livrant à des activités

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1 d'infiltration qui nécessitent un degré important de préparations avant de

2 déclarer ouvertement que certaines zones sont placées sous leur contrôle.

3 Ces préparatifs englobent l'obtention de ravitaillement, d'armes et

4 d'équipements ainsi que la préparation de la population locale qui doit

5 leur être favorable.

6 Par conséquent, il existe de nombreux indicateurs : l'attitude plus

7 virulente de la population locale à l'égard du gouvernement, le fait que de

8 nombreux jeunes hommes vous regardent de façon suspicieuse ou la position

9 visiblement renforcée en matière de sécurité des forces macédoniennes dans

10 la région. Tous ces facteurs laissent à penser que l'on prépare la région à

11 être prise. L'exode soudain des femmes et des enfants d'un village permet

12 d'indiquer de façon fiable que ces groupes armés se préparent de façon

13 imminente à opérer. Normalement, ces préparatifs sont effectués dans des

14 régions où il y a une population importante d'Albanais de souche."

15 En juin 2001, la soi-disant ALN a décidé qu'elle n'allait plus s'efforcer

16 de lancer des attaques terroristes contre la capitale, Skopje. Tout

17 d'abord, l'ALN a occupé le village d'Aracinovo et a menacé de pilonner sa

18 raffinerie, son aéroport et son parlement. Je vous renvoie aux pièces 2D37

19 et 2D38 à cet égard, cependant, grâce à une opération menée avec célérité,

20 et grâce à l'aide apportée par l'OTAN, l'ALN a été neutralisée. Puis l'ALN

21 a infiltré deux bataillons dont les membres étaient vêtus de tenues civiles

22 dans la ville de Skopje, et ce, afin de commencer des combats de rue et je

23 vous renvoie à cet égard à la pièce 2D41. Certains des membres de l'ALN

24 habillés en tenue civile ont été appréhendés et neutralisés par les forces

25 de sécurité macédoniennes. Ils avaient trouvé refuge dans une maison

26 albanaise dans la banlieue de Cair, à 1 kilomètre du centre de la ville,

27 pièce P364.

28 Etant donné que le village de Ljuboten était encerclé par les forces

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1 macédoniennes, l'ALN et ses forces de la région de Lipkovo n'ont pas pu y

2 pénétrer. Vu la situation, les filières de ravitaillement existantes pour

3 les extrémistes albanais armés dans la région de Nikustak Matejce ont été

4 coupées. Le départ des forces de sécurité des postes de contrôle aurait

5 permis le passage sans entrave des groupes armés provenant de la région de

6 Nikustak Matejce, et leur fusion avec les groupes d'extrémistes albanais

7 armés dans le secteur de Radusa. C'est précisément la raison pour laquelle

8 le 10 août 2001 les membres de l'ALN du village de Ljuboten, dirigés par

9 Shefajet Bajrami, le frère des défunts Sulejman et Xhelal Bajrami et d'un

10 autre membre de l'ALN Rafiz Bajrami, ont posé deux mines visant une relève

11 de soldats stationnés au-dessus du village de Ljuboten, ce qui s'est soldé

12 par le décès de huit réservistes macédoniens innocents.

13 Ce jour-là, un bataillon de l'ALN du secteur de Lipkovo a reçu l'ordre

14 d'entrer dans le village de Ljuboten. L'unité de renseignement de l'armée

15 macédonienne le 10 août à 16 heures 55 a intercepté cette information et

16 l'a transmise à ses supérieurs; pièce 2D42. Au même moment, des villageois

17 de Ljubanci et de Radisani, craignant qu'ils seraient prochainement

18 attaqués, ont exigé de recevoir des armes afin de pouvoir se défendre. Le

19 10 août 2001, juste après l'incident la mine, les membres de l'armée

20 stationnés

21 au-dessus de Ljuboten ont observé la présence de plusieurs membres de l'ALN

22 vêtus d'uniformes noirs qui entraient dans le village de Ljuboten en

23 provenance de Ljubotenski Bacila et ils ont ouvert le feu à l'aide de

24 mitrailleuses et en se servant de fusils à lunette. Cet incident s'est

25 soldé par le décès d'au moins deux terroristes et par le retrait d'autres

26 terroristes dans des maisons albanaises; pièce P301. Ces faits ont été

27 corroborés par plusieurs témoins à charge et ils seront également

28 corroborés par un témoin à décharge.

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1 La situation était très tendue, on peut même la qualifier de dramatique. Au

2 même moment, l'ALN se livrait au nettoyage ethnique du village macédonien

3 dans la région de Tetovo et enlevait et tuait des civils. De nombreux

4 civils ont également été torturés. C'est ce qui ressort du rapport de

5 l'OSCE portant la cote 1D267, c'est ce qui ressort également de la pièce

6 1D268 et de la pièce 1D16. Comme il est indiqué dans le rapport spécial de

7 l'OSCE intitulé : Plaintes relatives aux violations des droits de l'homme

8 concernant les groupes armés albanais de souche dans le secteur de Tetovo,"

9 pièce 1D18, je cite : "Le spécialiste de la mission a confirmé les rapports

10 provenant des observateurs de l'OSCE dans le secteur de Tetovo, selon

11 lesquels même pendant le cessez-le-feu la population civile macédonienne de

12 souche située au nord de Tetovo fait l'objet de pressions importantes de la

13 part des groupes armés albanais de souche pour quitter la région. Ces

14 pressions prennent la forme d'enlèvements, de détentions temporaires et de

15 formes graves et persistantes d'intimidation et de restriction des

16 déplacements des civils qui s'efforcent de vaquer à leurs occupations dans

17 le domaine de l'agriculture, du commerce, du travail en général. Ce

18 comportement de la part des groupes armés albanais de souche cadre avec une

19 tentative visant à nettoyer ethniquement la région."

20 Les mêmes faits se sont produits à Kumanovo lorsque des Macédoniens, des

21 Serbes et autres personnes du village ont été chassés par l'ALN et n'ont

22 toujours pas regagné leurs domiciles au jour d'aujourd'hui. Les mêmes faits

23 se sont produits dans le village d'Aracinovo, Skopje, lorsque de nombreuses

24 habitations macédoniennes ont été incendiées. Au jour d'aujourd'hui, les

25 Macédoniens qui sont partis habitent dans des abris temporaires. En raison

26 de la gravité de la situation, le Conseil de sécurité macédonien qui s'est

27 réuni le 10 août 2001 a exigé des actions fermes, pièce 1D249.

28 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, comme

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1 l'expliquera l'expert militaire, après le meurtre de 10 soldats macédoniens

2 à Karpalak qui ont succombé à une embuscade, comme l'a déclaré le témoin de

3 l'Accusation Henry Bolton, 300 kilogrammes d'explosifs ont été placés sur

4 l'autoroute menant de Tetovo à Skopje. Suite à cela, le commandant en chef

5 M. Boris Trajkovski a limogé le chef de l'état-major militaire; pièce 2D84.

6 En outre, l'ordre donné par le président de la Macédoine de détruire l'ALN

7 sur la route de Tetovo-Jazince, pièce P481, a fait l'objet d'une fuite de

8 la part de l'état-major militaire, et a été rendu public à la télévision

9 nationale, ce qui fait que le plan a échoué. Aussi étrange que cela puisse

10 paraître, les préparatifs entrepris en vue de cette action se sont déroulés

11 dans le plus grand secret. Seul les participants directs à cette action, à

12 savoir les membres du 3e Bataillon de la 1re Brigade des Gardes et le

13 département des affaires intérieures de Cair étaient au courant. C'était

14 pourtant logique. Il faut tenir compte du fait que le plan relatif à

15 l'attaque de la route Tetovo-Jazince du 5 août 2001 a été portée à la

16 connaissance des médias par des hauts responsables de l'armée et le chef de

17 l'état-major général a modifié et annulé en définitive ce plan le 10 août

18 2001. Il n'y a pas eu de remplacement, mais il fallait un certain degré de

19 planification, malgré tout. Comme se fut le cas dans des circonstances

20 aussi inhabituelles, le président de la Macédoine a ordonné que la police

21 et l'armée défendent conjointement le village de Ljubanci et l'approche

22 vers Skopje, en cas de besoin, il s'agissait de lancer une contre-attaque

23 contre le village de Ljuboten; pièce P303.

24 Il a ordonné à M. Tarculovski de surveiller la situation et de l'informer

25 de toute évolution. Ce jour-là, des membres des forces de police sont

26 arrivés dans le village de Ljubanci où ils ont rencontré des membres de

27 l'armée. Au cours de ces réunions, plusieurs options ont été débattues. Le

28 président de la Macédoine a disposé de tous les renseignements nécessaires

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1 et savait notamment qu'un bataillon de l'ALN s'efforçait d'entrer dans le

2 village de Ljuboten afin de renforcer les effectifs de l'ALN à cet endroit.

3 Il disposait de renseignements selon lesquels, après l'incident de la mine,

4 des membres de l'ALN s'étaient retirés dans le village de Ljuboten et

5 avaient occupé des positions défensives. Il disposait de renseignements au

6 sujet de la présence de membres de l'ALN dans le village. Toutes les

7 structures de l'armée de la police disposaient de renseignements selon

8 lesquels Ljuboten était un village où se trouvaient de nombreux membres de

9 l'ALN, de nombreux villageois de Ljuboten étaient également des membres de

10 l'ALN. Même l'OSCE était informée du fait que l'ALN était secrètement

11 présente à Ljuboten; pièce 1D23.

12 Aucun plan n'existait concernant l'investissement du village de

13 Ljuboten et cet investissement n'a pas eu lieu, sans doute parce que le

14 commandant du 3e Bataillon des Gardes, le commandant Despodov, attendait

15 des ordres nouveaux de ses supérieurs. En conséquence de quoi, dans la nuit

16 du 11 août 2001, entre 18 et 19 heures, une conversation a eu lieu par

17 téléphone entre le président Trajkovski et le commandant Mitre Despodov par

18 le truchement de Johan Tarculovski. Il importe de tenir compte de la

19 législation applicable au service et dans les rangs de l'armée, je cite :

20 "Le personnel militaire est dans l'obligation d'exécuter les ordres d'un

21 supérieur relatifs à des tâches concernant le service. Le personnel

22 militaire est également tenu d'exécuter les ordres d'un officier supérieur

23 dans le cas où l'officier directement supérieur est absent et où des

24 mesures nécessaires doivent être prises pour mener à bien des missions

25 urgentes et importantes."

26 Dans le cas dont nous parlons, le président Trajkovski, en sa qualité de

27 commandant en chef, pouvait donner un ordre au commandant Despodov qui

28 était dans l'obligation d'exécuter cet ordre.

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1 Si tel était le cas, l'attaque aurait commencé le samedi 11 août

2 2001. Cependant, dans un moment de tension, le dimanche

3 12 août 2001, aux environs de 8 heures du matin, selon ce qu'ont fait

4 savoir des sources du renseignement allemand, pièce 1D224, et selon ce

5 qu'on peut lire dans des rapports de l'OSCE, pièce 1D12, pièce 1D23 et

6 pièce 1D24, ce qu'il est convenu d'appeler l'ALN a lancé une attaque de

7 mortiers contre les positions macédoniennes situées dans les environs de

8 l'église orthodoxe de Ljuboten. Ce qu'il est convenu d'appeler l'ALN a

9 provoqué une riposte et son objectif était précisément de susciter le genre

10 d'incident que le président souhaitait éviter à tout prix.

11 Après l'explosion de trois mortiers, l'armée a riposté par un feu de

12 barrage aux mortiers en visant des cibles identifiées à l'intérieur du

13 village. Au nombre de ces cibles figuraient des positions de tireurs

14 embusqués de l'ALN à l'intérieur du village, des positions de mitrailleuses

15 et des positions de mortiers suspects. C'est ce qu'ont confirmé de nombreux

16 témoins de l'Accusation ainsi que des éléments de preuve documentaires.

17 C'est ce que confirmeront également deux témoins crédibles de l'Accusation

18 dont l'un est un officier de métier. Deux témoins donc qui se trouvaient

19 exactement au-dessus du village de Ljuboten en ayant une vue dégagée de ce

20 qui s'est passé dans le village par la suite.

21 L'Accusation a laissé entendre, par le biais de nombreux témoins cités par

22 elle à la barre, qu'il n'existait aucune présence armée dans le village, et

23 cette proposition est simplement contraire à la vérité comme l'ont montré à

24 l'évidence de nombreux rapports rédigés au moment des faits ainsi que de

25 nombreux éléments de preuve datant de l'époque des faits. L'Accusation

26 s'est efforcée de présenter des éléments de preuve selon lesquels, dans les

27 premières heures de la matinée du dimanche 12 août 2001, le village de

28 Ljuboten et ses habitants subissaient une attaque intense, très violente et

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1 illégale dont la responsabilité pénale incomberait à l'accusé. Les éléments

2 de preuve ont montré que cette attaque de l'armée et de la police a été

3 proportionnée, ne visant que les terroristes et les lieux où ils se

4 cachaient ou à partir desquels ils tiraient et que cette attaque a été

5 incitée par le décès récent de plusieurs soldats macédoniens et par le fait

6 que les renforts de l'ALN étaient déjà en route vers le village à partir

7 d'un endroit situé à 500 mètres des premières maisons de l'extrémité nord-

8 est du village. Les éléments de preuve ont démontré et l'Accusation a

9 reconnu dans l'acte d'accusation que ces renforts de l'ALN sont composés de

10 deux groupes de combattants de l'ALN connus sous le nom de groupe d'Arusha

11 et de groupe Teli conduits par le célèbre commandant Xhezair Shaqiri Hoxha

12 et qu'ils se sont efforcés de pénétrer dans le village de Ljuboten, mais

13 ont été arrêtés par l'armée macédonienne qui les avait vus venir et qui a

14 ouvert un feu de mortiers et de mitrailleuses dont le résultat a été le

15 décès de celui qui se faisait appelé le commandant Muzare Fagushi [phon],

16 et qui a provoqué également huit blessés; pièce 1D7.

17 Contrairement à d'autres lieux où l'ALN n'était présente, aucune

18 tranchée n'avait été creusée à Ljuboten pour la raison très simple que les

19 forces de sécurité étaient présentes sur les collines entourant Ljuboten et

20 que cela se serait vu, et également en raison de l'endroit où se trouvait

21 Ljuboten, de la situation du village. Ce village, en effet, avoisine des

22 villages peuplés majoritairement par des non-Albanais de souche, alors que

23 la majorité des villages albanais de souche se trouvent à une assez grande

24 distance vers le nord et le nord-est. Des non-Albanais de souche résidaient

25 également à Ljuboten, même si leur nombre était faible.

26 Toutefois, les extrémistes n'ont rien laissé au hasard et plusieurs

27 jours avant l'incident impliquant la mine, le 10 août 2001, de nombreux

28 trajets ont été effectués par des tracteurs pour se procurer du sable dans

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1 la mine Banjani, sable qui devait être utilisé pour remplir des sacs de

2 fortification; pièce 1D166. Des éléments de preuve de l'Accusation, en

3 particulier le témoin M-051, ont également démontré qu'il existait au moins

4 une position défensive à l'intérieur du village à l'époque.

5 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je voudrais maintenant

6 rapidement décrire la tactique de l'ALN lorsqu'elle perdait un combat. Pour

7 attirer l'attention internationale et élever le moral de ses hommes,

8 lorsque tous les combats avaient été perdus par elle, l'ALN parlait de

9 retrait tactique ou affirmait qu'aucun soldat de l'ALN n'avait été tué,

10 mais que les tués étaient tous des civils innocents. Ceci a été prouvé par

11 le témoignage du témoin Nazim Bushi de l'Accusation, qui a déclaré dans

12 déposition que des membres de l'ALN qui avaient attaqué les positions

13 macédoniennes non loin du stade de Tetovo en mars 2001, étaient des civils,

14 même s'il a été prouvé qu'il s'agissait de membres de l'ALN qui avaient

15 essayé de jeter des grenades à main sur un poste de contrôle macédonien;

16 pièce 2D49 à 2D51.

17 Pourquoi ceci est-il pertinent. C'est pertinent, Monsieur le Président,

18 Madame, Monsieur les Juges, parce qu'il vous appartiendra de décider dans

19 quelles circonstances exactes certaines personnes ont pu trouver la mort ou

20 être blessées. Ne perdons pas non plus de vue la déposition de la présumée

21 victime, Rami Jusufi. Les informations du monde entier et l'opinion

22 internationale a appris qu'il aurait été en train de dormir et que des

23 Macédoniens assoiffés de sang l'auraient tué alors qu'il était en pyjama.

24 Confrontés aux éléments de preuve matériels, les témoins ont changé leur

25 déclaration quelques jours avant d'être entendus par le Tribunal et déclaré

26 désormais qu'il n'était pas en pyjama, mais qu'au moment où il a été tué il

27 portait des jeans.

28 Eu égard au décès de M. Jusufi, il importe de remarquer que selon

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1 l'autopsie qui a été réalisée, il est impossible qu'il soit mort dans les

2 conditions décrites par ses parents, mais que, contrairement à ce que ces

3 derniers ont dit, il devait se trouver dans une position en altitude; pièce

4 1D78. Il importe de remarquer qu'à l'issue de l'autopsie, aucune trace de

5 sang n'a été découverte sur le tee-shirt qui revêtait le cadavre; pièce à

6 conviction 1D208.

7 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, les forces macédoniennes

8 avaient à combattre un groupe armé fantôme. Ne les qualifiez pas d'armée,

9 car c'est ce que souhaite le bureau du Procureur. A un moment, il s'agit de

10 combattants de l'ALN, et on les voit prendre des photos comme des stars de

11 cinéma, et le moment suivant il s'agit de civils innocents dont les droits

12 auraient été bafoués par la police. Après la capture de Vaksince en mai

13 2001, le groupe de 200 hommes qui combattaient dans le village a soudain

14 disparu quand le village a été pris et il n'est resté dans le village que 1

15 500 civils. L'ALN avait pour tactique d'utiliser les civils comme boucliers

16 humains et de se cacher derrière les femmes et les enfants dès qu'elle

17 avait perdu le combat. C'est ce qu'ont démontré plusieurs rapports de

18 l'OSCE, l'OSCE étant l'organisation qui disposait des éléments

19 d'information les plus crédibles et les plus indépendants sur le terrain;

20 pièce 1D16.

21 C'est la même chose qui s'est produite à Ljuboten. Les terroristes qui

22 tiraient sur l'armée et la police, lorsqu'ils se sont rendu compte qu'ils

23 étaient en train de perdre le combat, se sont tout d'un coup transformés en

24 civils innocents et ont pris la fuite pour se cacher dans les caves en

25 compagnie des femmes et des enfants. Certains d'entre eux, tels Bajram

26 Jashari, Kadri Bajrami et Xhelal Bajrami, accompagnés de leurs camarades de

27 la famille Zendeli, ont essayé de fuir dans la direction où se trouvaient

28 les renforts de l'ALN, mais ils ont été vus et sans doute neutralisés par

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1 l'armée. Les deux autres ont réussi à s'enfuir et à rejoindre leurs

2 camarades de l'ALN et ont fièrement pris des photos où ils apparaissent

3 comme membres de l'ALN; pièce 2D21.

4 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, l'opération menée dans

5 le village en vue de déloger les membres de l'ALN n'a été ni violente ni

6 intense. Elle n'avait pas pour but de commettre un crime ou de blesser des

7 civils. Elle a été proportionnée, destinée uniquement à écraser la

8 résistance de l'ALN dont la base se trouvait dans le village. Elle n'a eu

9 pour cibles, choisies soigneusement, que quelques maisons dans un nombre

10 limité de quartiers. Au moment de l'attaque, le village était plein de

11 villageois et abritait de nombreux civils. L'ALN était une menace pour les

12 villageois ainsi que pour toute personne se trouvant dans les environs du

13 village.

14 Les véritables coupables de ce qui s'est passé dans le village sont

15 les membres de l'ALN qui ont jugé qu'il était acceptable de massacrer les

16 représentants de l'armée pour ensuite fuir et se cacher parmi les civils.

17 La police n'a investi qu'une seule maison. La maison investie était la

18 maison Ametovski, dans laquelle la famille Bajrami se cachait. Cette

19 famille était une famille très connue pour son adhésion à l'ALN. C'est la

20 famille d'où est issu Shefajet Bajrami, à savoir l'homme qui a posé la mine

21 responsable de la mort de huit soldats macédoniens ainsi que de la mort de

22 Rafis [phon] Bajrami.

23 Ce n'est pas par hasard que les Bajrami ont été découverts dans cette

24 maison. Les forces de sécurité disposaient de renseignements crédibles

25 quant à l'endroit où se cachait la famille Bajrami, ces renseignements

26 provenant de sources albanaises du village. C'est cette seule maison qui a

27 été investie. Si les forces de sécurité avaient voulu tuer des civils,

28 elles auraient pénétré dans toutes les maisons et tué toute personne

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1 qu'elles auraient rencontrée sur leur chemin.

2 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, les forces de

3 sécurité n'ont pas réussi, entre 8 et 11 heures du matin, à briser la

4 résistance à laquelle elles se sont opposées lorsqu'elles ont pénétré dans

5 le village de Ljuboten à partir de l'extrémité occidentale du village, non

6 loin de l'église orthodoxe. S'il n'y avait pas de présence de l'ALN dans le

7 village, comme l'affirme l'Accusation, qu'est-ce que ces forces ont fait

8 dans ce village pendant plusieurs heures ? Une fois que la résistance a

9 finalement été brisée, notamment par le biais d'un tir de barrage aux

10 mortiers de la part de l'armée, les forces de sécurité ont poursuivi leur

11 chemin dans la direction de cibles déjà identifiées au préalable, à savoir

12 vers la maison de la famille Ametovski, puis vers la maison de la famille

13 Jashari, qui ont été identifiées par les témoins de l'Accusation comme des

14 maisons à partir desquelles des tirs de tireurs embusqués et des tirs à la

15 mitrailleuse ont eu lieu. Ceci sera également corroboré par des témoins de

16 la Défense qui sont des représentants de l'armée.

17 Les deux témoins de la Défense, représentants de l'armée, corroboreront les

18 dires des témoins de l'Accusation, (expurgé) et M-092, pièces P206 et

19 P215, qui ont déclaré qu'après avoir fui la maison Jashari, ils n'ont pas

20 été vus par les forces de police présentes sur le terrain, mais ont été vus

21 par les forces de l'armée positionnées à Malistena ou à Smok, qui ont

22 ouvert le feu dans leur direction et les ont probablement tués.

23 Les témoins de la Défense témoigneront qu'il s'agissait de cibles

24 militaires légitimes, car la maison Jashari était la maison identifiée par

25 l'armée comme une maison abritant des positions de tireurs embusqués et de

26 mitrailleuses, et que l'armée n'était pas parvenue à neutraliser cette

27 position à l'aide de ces armes. En effet, une fois que la résistance de

28 l'ALN a été brisée, les terroristes de l'ALN, stationnés dans la maison

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1 Jashari, ont décidé de fuir vers les positions de l'ALN surplombant le

2 village de Ljuboten et sont dès lors devenus des cibles légitimes, car au

3 même endroit trois armes ont été récupérées qui constituent désormais des

4 éléments de preuve devant cette Chambre.

5 La théorie de l'Accusation consiste à dire que ceux qui ont investi le

6 village avaient pour but de massacrer la population, or rien ne permet de

7 l'affirmer. Les circonstances dans lesquelles les villageois, qu'ils soient

8 combattants ou non-combattants, ont été tués n'ont pas été éclaircies. Par

9 ailleurs, le nombre limité de morts, opposé à l'intensité de l'échange de

10 feu dans le village et au danger existant dans des combats urbains,

11 démontre de façon positive que ces morts sont liés aux combats ou

12 représente des dommages collatéraux qui sont la conséquence directe des

13 combats. Les autres

14 2 000 villageois de Ljuboten n'ont pas été touchés.

15 Si les forces de sécurité avaient eu pour intention de tuer des

16 civils, elles seraient passées d'une maison à l'autre et auraient tué toute

17 personne qu'elles auraient rencontrée sur leur chemin. En réalité, le

18 bataillon de l'unité "posebna" a été envoyé dans le village pour défendre

19 les membres de l'ALN contre les villageois en colère et tous les efforts

20 ont été faits pour les escorter vers un lieu où ils seraient en sécurité.

21 Pas une seule femme, pas un seul enfant, pas une seule personne âgée n'a

22 été touchée, blessée ou fouillée.

23 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, lorsque l'action

24 s'est terminée, lesdits terroristes soupçonnés qui ont été arrêtés ont été

25 emmenés dans ce qu'il est convenu d'appeler la famille Braca [phon], où se

26 trouvait le poste de contrôle de la police. Les forces qui avaient investi

27 le village se sont retirées en moins d'une heure, une fois les positions de

28 l'ALN neutralisées, positions qui avaient été localisées non loin de la

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1 maison Jashari. Les civils qui étaient gardés en otage par les terroristes

2 sont partis dans la direction de Skopje.

3 Comme je l'ai déjà expliqué, l'ALN avait pour tactique de revêtir des

4 vêtements civils dès lors qu'elle avait subi une défaite. C'est la raison

5 pour laquelle la police a maintenu en détention des villageois de Ljuboten,

6 mais seuls les suspects détenus qui ont eu un test à la paraffine positif

7 ont été maintenus en détention et présentés à un juge d'instruction et à la

8 justice, alors que ceux pour lesquels le test à la paraffine avait été

9 négatif ont été relâchés.

10 M. Tarculovski n'avait aucun renseignement au sujet de l'évolution de

11 l'opération et n'avait pas pouvoir de communiquer ou de contrôler les

12 parties en présence.

13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, j'aimerais maintenant

14 parler de la responsabilité pénale présumée de M. Johan Tarculovski.

15 Il est du devoir de l'Accusation de prouver au-delà de tout doute

16 raisonnable que l'accusé Tarculovski est responsable, en application de

17 l'article 7(1) du Statut, des crimes décrits dans le deuxième acte

18 d'accusation modifié. L'Accusation n'a pas prouvé au-delà de tout doute

19 raisonnable que Johan Tarculovski était responsable des charges retenues

20 contre lui.

21 La Défense reconnaît que M. Tarculovski était présent à Ljubanci

22 pendant les événements. Il ne le nie pas lui-même d'ailleurs. Il se

23 trouvait sur place sur ordre très clair du président qui lui avait intimé

24 de suivre l'évolution de la situation pour l'en informer. Par ailleurs, il

25 se trouvait là pour transmettre des messages aux membres de l'armée et de

26 la police sur le terrain, et d'ailleurs, c'était une pratique très courante

27 de la part du président, ce qu'a confirmé le témoin Keskovski.

28 Il était également présent à cet endroit pour que le président puisse

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1 l'envoyer dans d'autres lieux. Sa présence dans la région était légale,

2 car elle résultait directement d'un ordre du président.

3 L'Accusation n'a pas apporté la preuve au-delà de tout doute

4 raisonnable, et la Défense ne citera aucun témoin à la barre sur ce point,

5 que l'accusé Tarculovski aurait participé à une entreprise criminelle

6 commune aux côtés de plusieurs autres individus. L'Accusation,

7 premièrement, n'a pas prouvé que qui que ce soit aurait constitué une

8 entente en vue de commettre des crimes, et encore moins les crimes visés à

9 l'acte d'accusation; ii) l'Accusation n'a pas établi que qui que ce soit

10 aurait participé à une opération de ce type.

11 En fait, et contrairement aux allégations, il apparaît clairement que

12 toutes les personnes impliquées avaient la même intention légitime à

13 l'esprit, à savoir mener une opération antiterroriste dans le but d'éviter

14 toute attaque ultérieure de ce qu'il est convenu d'appeler l'ALN. Donc

15 l'entreprise criminelle commune, définie dans le deuxième acte d'accusation

16 modifié, n'a jamais existé. L'Accusation affirme que l'entreprise

17 criminelle commune avait pour but de conduire une attaque illégale contre

18 des civils et contre des bâtiments civils dans le village de Ljuboten,

19 attaques qui n'étaient pas justifiées par une nécessité militaire. L'action

20 de la police et de l'armée macédonienne a été légale et légitime. Elle

21 s'est faite sur ordre de feu le président Trajkovski dans le but de

22 défendre les villages macédoniens environnant Ljuboten et de neutraliser

23 les positions de l'ALN situées dans le village de Ljuboten et dans ses

24 environs.

25 L'armée et la police disposaient de renseignements crédibles selon lesquels

26 le village de Ljuboten était contrôlé par l'ALN, et toutes les actions

27 menées l'ont été dans le but de détruire, de neutraliser l'ALN à

28 l'intérieur du village. Comme cela a déjà été dit, seules les positions de

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1 l'ALN visées avec la plus grande précision ont été prises pour cibles.

2 Quant à la population civile qui se dénombrait à l'époque en 2 000

3 individus, elle n'a pas été touchée. L'Accusation n'a pas prouvé

4 l'existence d'un plan commun, d'un dessein commun ou d'un objectif commun;

5 tous trois éléments constitutifs de l'entreprise criminelle commune.

6 L'existence présumée d'une entreprise criminelle commune est une

7 construction juridique de toutes pièces qui ne repose sur rien que l'on

8 puisse trouver dans les éléments de preuve. L'Accusation n'a fait assister

9 aucun témoin qui aurait affirmé que Johan Tarculovski aurait eu la moindre

10 participation au plan présumé. L'Accusation n'est pas non plus parvenue à

11 établir que Johan Tarculovski aurait eu connaissance de l'existence d'un

12 tel plan. L'Accusation n'est pas parvenue à établir que Johan Tarculovski

13 aurait eu connaissance de l'existence d'une quelconque entreprise

14 criminelle, et les éléments de preuve entendus ne laissent aucun doute

15 quant au fait que l'opération avait pour but un but légitime et que ce que

16 savent bien toutes les personnes impliquées en raison de la présence de

17 l'ALN dans le village, ALN qui constituait une menace et qu'il importait

18 d'éliminer.

19 Le village, pas plus que les villageois, n'ont jamais été une cible

20 de quelques intentions délictueuses. L'Accusation n'a cité à la barre aucun

21 témoin qui aurait pu déterminer qui auraient pu être les autres membres de

22 l'entreprise criminelle commune présumée, ou qui aurait pu éventuellement

23 parler de leur rôle. Et ceci a une raison très simple : c'est qu'il n'a pas

24 existé d'entreprise criminelle commune et qu'il n'a pas existé de membres

25 d'une telle entreprise criminelle commune. Aucun élément de preuve n'a

26 démontré que les individus qui étaient présumés être membres de cette

27 entreprise criminelle commune identifiée dans le mémoire préalable au

28 procès de l'Accusation auraient joué un rôle dans le moindre crime et

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1 encore moins dans les crimes évoqués à l'acte d'accusation. Par ailleurs,

2 l'Accusation n'a produit aucun élément de preuve crédible capable de

3 prouver au-delà de tout doute raisonnable une quelconque intention

4 délictueuse présumée de la part de l'accusé. Eu égard au type un

5 d'entreprise criminelle commune, l'Accusation n'a produit aucun élément de

6 preuve susceptible de démontrer que Johan Tarculovski aurait partagé

7 l'intention de massacrer ou d'imposer un traitement cruel aux civils ou de

8 détruire sans motif valable un quelconque village ou une ville quelconque

9 en compagnie d'autres individus.

10 Eu égard au type trois d'entreprise criminelle commune, l'Accusation

11 n'a produit aucun élément de preuve susceptible de démontrer que l'accusé

12 aurait eu une connaissance suffisante du fait que les autres crimes

13 présumés étaient de nature à constituer une conséquence naturelle du plan

14 primitif qui, selon l'acte d'accusation, consistait à conduire une attaque

15 illégale contre des civils et des bâtiments civils dans le village de

16 Ljuboten. En effet, l'accusé Tarculovski se trouvait là à la demande du

17 président dans le but de surveiller ce qui se passait et de l'informer, et

18 dans le but également d'envoyer des messages au chef de l'armée et de la

19 police. Cet ordre, il ne pouvait pas refuser de l'exécuter. Un ordre venant

20 d'un commandant suprême des forces armées. Malheureusement,

21 M. Trajkovski est décédé entre-temps et ne peut pas aider la Chambre en

22 venant lui dire ce qu'est la vérité. Mais un témoin de l'Accusation, M.

23 Despodov, et un témoin de M. Boskoski, M. Keskovski, ont dit dans leur

24 déposition que Johan Tarculovski a été un messager entre l'armée et le

25 président. Aucun ordre n'a été donné, aucun accord n'a existé visant à

26 commettre un crime, mais l'intention, qui elle, était bien réelle,

27 consistait à éviter que l'ALN ne commette d'autres crimes encore. Les

28 autorités, et notamment le président, étaient persuadés que des membres de

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1 l'ALN se trouvaient dans le village. C'est la raison pour laquelle le

2 président a ordonné cette opération de façon à éviter que l'ALN ne puisse

3 monter une nouvelle opération qui aurait encore davantage enfreint les

4 dispositions de l'accord d'Ohrid.

5 Eu égard à la responsabilité pénale présumée qui serait due au fait

6 d'avoir élaboré un plan, l'Accusation n'a produit aucun élément de preuve

7 sur ce point et si elle avait pu le faire, elle l'aurait fait. Elle n'est

8 pas parvenue à douter au-delà de tout doute raisonnable que M. Tarculovski

9 aurait planifié ou voulu que ce soit un stade préparatoire ou un stade de

10 l'exécution avoir un comportement criminel ayant abouti aux crimes visés

11 dans le deuxième acte d'accusation modifié. En réalité, l'Accusation n'est

12 pas parvenue à démontrer que M. Tarculovski aurait joué un rôle quelconque

13 dans la commission d'un quelconque crime visé dans l'acte d'accusation. Par

14 conséquent, elle n'est pas parvenue à établir que M. Tarculovski aurait agi

15 dans l'intention de commettre un crime ou aurait eu connaissance de la

16 probabilité qu'un crime soit commis ou qu'un plan répréhensible ou

17 délictueux soit mis en œuvre. En réalité, l'opération menée a été une

18 opération conjointe légale de la part de l'armée et de la police

19 macédonienne visant à neutraliser des terroristes dont la base se trouvait

20 à l'intérieur du village de Ljuboten. Johan Tarculovski n'a jamais contrôlé

21 ou commandé qui que ce soit à Ljuboten. Pas un seul auteur présumé n'a été

22 identifié. En revanche, Johan Tarculovski n'a pas été associé à un

23 quelconque auteur, l'Accusation n'a donc identifié personne et n'a donc pas

24 apporté la preuve de l'existence d'un quelconque criminel.

25 Je ne parlerai pas des charges figurant dans le deuxième acte

26 d'accusation modifié et relatives à la responsabilité pénale présumée de

27 l'accusé Tarculovski, eu égard au fait qu'il aurait instigué, ordonné, aidé

28 à commettre ou encourager toutes charges figurant dans le deuxième acte

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1 d'accusation modifié en raison du fait que l'Accusation n'a déployé aucun

2 effort pour prouver les formes mentionnées ci-dessus d'un acte délictueux.

3 Dans la mesure où l'Accusation s'est efforcée d'établir tout cela, ce que

4 l'on peut dire, c'est qu'elle a complètement échoué.

5 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, l'affaire est très

6 étrange, de même que l'acte d'accusation. Nous ne nous n'efforcerons pas

7 d'évaluer les raisons pour lesquelles l'Accusation a décidé de poursuivre

8 en justice uniquement dans le cadre des événements survenus à Ljuboten et

9 pourquoi elle a décidé de ne pas poursuivre en justice les auteurs de

10 nettoyage ethnique manifeste, de viols manifestes, d'assassinats et de

11 tortures manifestes, tous actes dus aux membres de l'ALN. Mais l'Accusation

12 a décidé de mettre en examen les seules personnes qui ont déployé des

13 efforts, et ce, de façon fructueuse, pour défendre la Macédoine; les seules

14 personnes qui ont eu le courage de se lever et de faire face à la menace

15 terroriste qui menaçait de destruction complète la Macédoine démocratique.

16 Encore une fois, nous devons ici mentionner le caractère partial

17 partisan et non professionnel du rapport d'amateur de

18 M. Bouckaert qui a été envoyé à toutes les organisations internationales et

19 à tous les médias. Ses intentions n'étaient peut-être pas malhonnêtes, mais

20 sa démarche était erronée. Ses conclusions sont également erronées puisque

21 la méthode utilisée l'était au départ, étant donné qu'il a refusé

22 d'entendre les autorités macédoniennes, ce qui est également une erreur. Sa

23 partialité et sa tentative désespérée de rendre M. Boskoski responsable

24 sont une erreur. Sa décision de jouer le rôle d'enquêteur, de Procureur et

25 de juge tout à la fois et de terminer le procès en une semaine en décidant

26 que les forces de sécurité macédoniennes étaient coupables, pour ensuite

27 envoyer cette nouvelle sensationnaliste à tous les médias internationaux,

28 est une erreur. Ce rapport a été établi au mépris complet des conclusions

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1 de l'OSCE, pièce 1D24, du CICR, de l'Union européenne qui suivaient les

2 événements sur le terrain, pièce 1D29, et au mépris complet de toutes les

3 organisations nationales et internationales intéressées par l'affaire. Dans

4 le monde des communications modernes, toutes les informations diffusées par

5 les médias sont acceptées comme reflétant la vérité et les médias sont

6 désormais le juge ultime. Heureusement, la justice internationale est

7 encore entre les mains de juristes pleins d'expériences, qui sont formés et

8 capables d'évaluer, en toute impartialité, l'ensemble des éléments de

9 preuve et des dires des témoins pour parvenir à un verdict juste.

10 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, cette affaire est

11 historique pour la Macédoine. Elle montre la légitimité de l'action des

12 forces de sécurité macédoniennes qui ont défendu la souveraineté de la

13 Macédoine et ses citoyens, ou la justice renverra les terroristes face à

14 leur responsabilité eu égard aux crimes commis et à la volonté de ces

15 terroristes de détruire l'ordre constitutionnel de la République de

16 Macédoine, pays membre des Nations Unies. Nous avons toute confiance dans

17 la Chambre de première instance quant au verdict juste qu'elle rendra,

18 verdict d'acquittement de l'accusé Tarculovski, mais pas uniquement de lui,

19 verdict d'acquittement également de M. Boskoski, deuxième accusé.

20 L'acquittement n'est pas seulement le reflet du droit, mais c'est également

21 la seule chose juste à faire.

22 Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir entendu mon propos

23 liminaire.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Apostolski,

25 pour la démarche globale que vous avez appliquée.

26 Ceci met fin à l'audience d'aujourd'hui. Par conséquent, nous allons

27 suspendre et nous entendrons vos premiers témoins à partir de demain matin,

28 9 heures du matin, dans une autre salle d'audience.

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1 --- L'audience est levée à 17 heures 38 et reprendra le mercredi 5 mars

2 2008, à 9 heures 00.

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