UN COLLÈGE DE LA CHAMBrE D’APPEL

Composé comme suit :
M. le Juge Lal Chand Vohrah, Président
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Rafael Nieto-Navia

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

LE PROCUREUR

C/

Radoslav BRÐANIN et Momir TALIC

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DÉCISION RELATIVE AUX REQUÊTES DU PROCUREUR AUX FINS D’AUTORISATION D’INTERJETER APPEL DES DÉCISIONS DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE DES 27 OCTOBRE,
8 NOVEMBRE ET 15 NOVEMBRE 2000

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Le Bureau du Procureur :

Mme Joanna Korner
M. Michael Keegan
Mme Ann Sutherland

Le Conseil de la Défense :

M. John Ackerman pour Radoslav Brdanin
MM. Javier de Roux et Michel Pitron pour Momir Talic

 

UN COLLÈGE de la Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le «Collège» et le «Tribunal international» respectivement),

VU les trois requêtes déposées par le Bureau du Procureur (l’ «Accusation») en application des articles 73 B) i) et ii) du Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement») aux fins d’autorisation d’interjeter appel des quatre décisions rendues par la Chambre de première instance II (les «Requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel» et les «Décisions contestées» respectivement) :

1. La «Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la Décision de la Chambre de première instance du 27 octobre 2000» déposée le 3 novembre 2000, demandant l’autorisation d’interjeter appel de la «Décision relative à la deuxième requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection» rendue le 27 octobre 2000 par la Chambre de première instance II,

2. La «Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la Décision de la Chambre de première instance du 8 novembre 2000» déposée le 13 novembre 2000, demandant l’autorisation d’interjeter appel de la «Décision relative à la troisième requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection» rendue par la Chambre de première instance II le 8 novembre 2000,

3. La «Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de deux décisions de la Chambre de première instance du 15 novembre 2000» déposée le 20 novembre 2000, demandant l’autorisation d’interjeter appel de la «Décision relative à la quatrième requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection» et de la «Décision relative à la cinquième requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection» rendues par la Chambre de première instance II le 15 novembre 2000,

VU

i) la «Réponse à la Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Chambre de première instance du 27 octobre 2000» déposée par le Conseil de Radoslav Brdanin (le «Conseil de Brdanin») le 16 novembre 2000,

ii) la «Réponse à la Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Chambre de première instance du 8 novembre 2000» déposée par le Conseil de Brdanin le 16 novembre 2000,

iii) le fait que le Conseil de Brdanin n’a pas répondu r la «Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de deux décisions de la Chambre de première instance du 15 novembre 2000»,

iv) la «Réponse à la Requête du Procureur aux fins d’autorisation d’interjeter appel, datée du 13 novembre 2000» déposée par le Conseil de Momir Talic (le «Conseil de Talic») le 27 novembre 2000,

v) la «Réponse à la Requête du Procureur aux fins d’autorisation d’interjeter appel, datée du 3 novembre 2000», déposée par le Conseil de Talic le 29 novembre 2000, et

vi) la «Réponse à la Requête du Procureur aux fins d’autorisation d’interjeter appel, datée du 20 novembre 2000», déposée par le Conseil de Talic le 30 novembre 2000,

ATTENDU que les Requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel soulèvent des questions communes relatives aux principes applicables en matière de mesures de protection à accorder aux victimes et aux témoins dans le cadre de la phase préalable au procès, et concernant la jurisprudence du Tribunal international relative à ce domaine du droit,

ATTENDU, par conséquent, qu’il serait approprié de rendre une décision unique sur les requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel,

ATTENDU que, dans ses requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel, l’Accusation fait valoir, entre autres, que :

i) la Chambre de première instance a eu tort a) en ne tenant pas suffisamment compte de l’article 22 du Statut du Tribunal international (le «Statut») relatif à la protection des victimes et des témoins, b) en ne prenant pas en considération les circonstances pertinentes de l’affaire, et c) de ne pas dûment user de son pouvoir discrétionnaire dans l’exercice de son devoir de conciliation,

ii) Il n’existe aucune décision de la Chambre d’appel relative aux conditions à appliquer quand une requête aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins est déposée dans le cadre de la phase préalable au procès et que les critères qui se sont dégagés varient d’une Chambre de première instance à l’autre,

ATTENDU que les Requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel sont déposées en application de l’article 73 B) du Règlement, lequel dispose que les décisions relatives aux requêtes autres que des exceptions préjudicielles ne peuvent faire l’objet d’un appel interlocutoire, sauf autorisation de trois juges de la Chambre d’appel, lesquels peuvent donner leur aval,

i) si la décision contestée est susceptible d’infliger à la partie souhaitant interjeter appel un préjudice tel qu’il ne pourrait pas être réparé à l’issue du procès, y compris par un éventuel appel postérieur au jugement,

ii) si la question en jeu dans l’appel envisagé est une question d’intérêt général pour le Tribunal ou pour le droit international en général,

ATTENDU qu’il incombe à l’Accusation de prouver au Collège de la Chambre soit que les décisions contestées lui infligeraient un préjudice tel qu’il ne pourrait pas être réparé à l’issue du procès, y compris par un éventuel appel postérieur au jugement, soit que la question en jeu dans les appels envisagés est une question d’intérêt général pour le Tribunal ou pour le droit international en général,

ATTENDU que, même si l’Accusation a allégué de manière générale l’existence de certaines erreurs dans les décisions contestées, elle n’a pas dûment précisé comment ou pourquoi elle estime que les requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel remplissent les conditions posées à l’article 73 B) du Règlement,

ATTENDU que, dans les décisions contestées, la Chambre de première instance a analysé en détail les conditions posées à l’article 22 du Statut, qu’elle a pris en considération les circonstances pertinentes de l’affaire et exercé son pouvoir discrétionnaire pour rendre ses décisions de manière à concilier tant les intérêts de l’accusé que ceux des témoins potentiels,

ATTENDU que l’Accusation n’a pas montré en quoi les principes énoncés dans les décisions des Chambres de première instance et dans les décisions contestées pourraient être incompatibles,

ATTENDU, de plus, que l’Accusation n’a pas montré que les décisions contestées causeraient un préjudice tel que décrit ci-dessus ni que la question en jeu dans les requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel est une question d’intérêt général pour le Tribunal ou pour le droit international en général,

REJETTE les requêtes aux fins d’autorisation d’interjeter appel.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président du Collège de la Chambre d’appel
/signé/
M. le Juge Lal Chand Vohrah

Fait le 22 mars 2001
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]