LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Liu Daqun

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
20 février 2001

LE PROCUREUR

C/

Radoslav BRÐANIN & Momir TALIC

__________________________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À l’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE SOULEVÉE PAR MOMIR TALIC POUR VICES DE FORME DE L’ACTE
D’ACCUSATION MODIFIÉ

___________________________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Joanna Korner
M. Nicholas Koumjian
Mme Anna Richterova
Mme Ann Sutherland

Le Conseil de l’accusé :

M. John Ackerman, pour Radoslav Brdanin
Mes Xavier de Roux et Michel Pitron, pour Momir Talic

 

1. La demande

1. L’accusé Momir Talic («Talic») a déposé une exception préjudicielle en conformité avec l’article 72 du Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement»)1, dans laquelle il prétend que la forme de l’acte d’accusation modifié est viciée2. Par cette Requête, Talic demande au Tribunal de bien vouloir juger que3  :

1) Les faits qui fondent les accusations portées contre lui sont présentés « sans indication des lieux, de la chronologie, de l’identité des auteurs et des victimes, ni des infractions invoquées»4.

2) Les actes qui lui sont reprochés dans l’acte d’accusation modifié ne lui sont pas imputables, notamment en ce que l’on ignore s’il les a commis ou fait commettre et s’il les a connus ou aurait dû en avoir la connaissance.5

3) L’Accusation ne peut, pour les mêmes faits, le poursuivre sur la base de qualifications juridiques différentes. Elle doit choisir lesquelles seront retenues pour la suite de la procédure.6

4) Le fait d’invoquer des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 (chefs 5, 7 et 10) n’est pas pertinent au cas d’espèce dans la mesure où l’acte d’accusation modifié n’indique nullement que les actes incriminés se sont produits dans le contexte d’un conflit armé international.7

2. L’acte d’accusation modifié

2. L’acte d’accusation modifié allègue que8  :

i) En 1992, l’Assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine a adopté une déclaration de proclamation de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, entité rebaptisée par la suite «Republika Srpska».9

ii) De l’avis des dirigeants politiques des Serbes de Bosnie, le principal problème posé par la création du territoire désigné comme serbe était la présence dans les zones revendiquées d’une importante population musulmane et croate de Bosnie. L’un des aspects du plan de création d’un nouveau territoire serbe était le départ définitif ou «nettoyage ethnique» de la quasi totalité de la population musulmane et croate de Bosnie.10

iii) À ces fins, les autorités serbes de Bosnie ont lancé et exécuté un programme d’action comportant notamment :

a) la création de conditions de vie impossibles (en exerçant des pressions et en semant la terreur, notamment par des exécutions sommaires) afin d’encourager les non-Serbes à quitter la région ;

b) l’expulsion et le refoulement de ceux qui répugnaient à partir ; et

c) la liquidation des non-Serbes restés dans la région et qui ne correspondaient pas à la conception qu’elles se faisaient de l’État serbe.11

iv) Entre avril et décembre 1992, des forces placées sous le contrôle des autorités serbes de Bosnie ont pris le contrôle des zones censées présenter un risque pour le succès du plan global de création d’un État serbe à l’intérieur de la Bosnie- Herzégovine. La prise de ces zones a marqué le début d’une série d’événements dont le résultat s’est soldé, fin 1992, par la mort de centaines de Musulmans et de Croates de Bosnie habitant ces régions et le départ forcé de milliers d’autres.12 Ces événements constituent les crimes pour lesquels les deux accusés – Radoslav Brdanin («Brdanin») et Talic - sont poursuivis conjointement en raison de l’engagement de leur responsabilité individuelle et de leur responsabilité en tant que supérieurs hiérarchiques.

v) Les forces directement responsables des événements susmentionnés (dénommées collectivement «forces serbes» dans l’acte d’accusation) comprenaient des unités militaires, paramilitaires, de la Défense territoriale et de la police.13 Les autorités serbes de Bosnie sous le contrôle desquelles les forces serbes agissaient ne sont pas identifiées dans l’acte d’accusation autrement que par la référence aux deux coaccusés14. Ces autorités ont exercé leur pouvoir et leur contrôle sur :

a) les attaques dirigées contre les villages et les régions non serbes de la Région autonome de Krajina («RAK») ;

b) la destruction de villages et d’édifices consacrés au culte ;

c) la rafle et la mise en détention des Musulmans et des Croates de Bosnie ;

d) la création et l’administration de camps de détention ;

e) le meurtre de Musulmans et de Croates de Bosnie et les sévices exercés contre des membres de ces mêmes populations ; et

f) l’expulsion ou le transfert par la force de Musulmans et de Croates de Bosnie hors de la zone désignée comme étant la RAK.

Les autorités serbes de Bosnie avaient également le pouvoir de donner des instructions à un organe identifié comme étant le «CSB régional» - qui semble être le Centre régional chargé de la sécurité publique – et au Procureur de la République afin qu’ils enquêtent sur toute personne soupçonnée d’avoir commis des crimes dans la zone de la RAK, qu’ils procèdent à son arrestation et engagent des poursuites à son égard.15

vi) Brdanin était Président de la Cellule de crise de la RAK, l’un des organes de coordination et d’exécution de l’essentiel de la phase opérationnelle du plan.16 En cette qualité, il occupait une fonction de direction au sein de la RAK et était chargé de la gestion des activités de la Cellule de crise, ainsi que de l’exécution et de la coordination des décisions de ladite Cellule.17

vii) Talic était Commandant du 5e Corps/1er Corps de la Krajina, qui était déployé dans la RAK, à l’intérieur ou à proximité de zones majoritairement peuplées de Musulmans et de Croates de Bosnie.18 Il avait le pouvoir de diriger et de contrôler les actions de toutes les forces affectées au 5e Corps/1er Corps de la Krajina ou basées dans la zone relevant de sa responsabilité . À ce titre, il approuvait à l’avance tous les plans d’engagement d’unités et d’attaque . Les troupes placées sous son commandement ont pris part aux agissements constitutifs des crimes pour lesquels la responsabilité des deux accusés est engagée.19 Toute activité ou action significative des forces placées sous le commandement ou le contrôle du 5e Corps/1er Corps de la Krajina était subordonnée à l’approbation ou au consentement de Talic, toutes les unités placées sous son commandement étaient tenues de faire rapport sur leurs activités et il avait le pouvoir de punir les membres de ces unités pour tout crime qu’ils auraient commis.20 De plus, s’agissant des attaques contre les zones musulmanes et croates de Bosnie de la RAK dans des municipalités comme Prijedor et Sanski Most, Talic avait le pouvoir de diriger et de contrôler les actions des forces de la TO, de la police et des groupes paramilitaires21 directement responsables des événements susmentionnés.22

viii) Talic était également membre de la Cellule de crise de la RAK.23 Brdanin et lui, en cette qualité, ont participé, individuellement ou de concert, aux opérations liées à la conduite des hostilités et à la destruction des communautés musulmane et croate de Bosnie dans la zone de la RAK. La Cellule de crise de la RAK a œuvré collégialement à la coordination et à l’exécution du plan général visant à la prise de contrôle et au «nettoyage ethnique» de la zone de la RAK. Après la dissolution de la Cellule de crise de la RAK, Brdanin et Talic ont poursuivi la mise en œuvre de ce plan depuis les postes qu’ils occupaient respectivement dans la hiérarchie du pouvoir serbe de Bosnie.24

3. Brdanin et Talic sont poursuivis sur la base de douze chefs d’accusation :

a) génocide25 et complicité dans le génocide 26 ;

b) persécutions27, extermination28, expulsion29 et transferts par la force (actes inhumains)30, en tant que crimes contre l’humanité ;

c) torture, en tant que crime contre l’humanité31 et infraction grave aux Conventions de Genève32  ;

d) homicide intentionnel33 et destruction et appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire34, en tant qu’infractions graves aux Conventions de Genève ; et

e) destruction sans motif de villes et de villages ou dévastations que ne justifient pas les exigences militaires35 et destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion36, en tant que violations des lois ou coutumes de la guerre.

3. Le sursis à statuer sur la Requête

4. La Requête a été déposée par Talic moins de six semaines après la présentation de l’acte d’accusation modifié37. Les parties ont ensuite présenté leurs arguments suivant la procédure habituelle – la Requête faisant l’objet d’une réponse de l’Accusation38, elle-même suivie d’une réplique de Talic39, laquelle a donné lieu à une duplique de l’Accusation40. L’Accusation ayant déclaré qu’elle avait décidé de ne pas citer à comparaître un certain nombre de témoins dont les déclarations faisaient partie des pièces justificatives jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation41, Talic a déposé un «Mémorandum» dans lequel il exposait de nouveaux arguments concernant la validité de cet acte d’accusation42. L’Accusation n’a pas répondu audit Mémorandum.

5. La pratique habituelle de la Chambre de première instance en l’espèce, s’agissant d’exceptions préjudicielles ou de toutes autres requêtes portant sur des questions de procédure, consiste à rendre sa décision aussitôt qu’elle est en mesure de le faire et que les autres affaires qu’elle est tenue d’entendre le lui permettent. Cette pratique n’a pas été suivie dans le cas de la présente Requête. La raison en est que Talic demandait, entre autres, dans ladite Requête, que la Chambre de première instance juge qu’il était poursuivi de manière abusive sur la base de qualifications juridiques différentes s’appliquant aux mêmes faits et que l’Accusation devait choisir lesquelles seraient retenues pour la suite de la procédure.

6. À l’appui de sa demande, Talic se fondait sur le jugement rendu au début de l’année dernière dans l’affaire Le Procureur c/ Kupreškic43, jugement dans lequel la Chambre de première instance s’était penchée sur la question du cumul de qualifications et avait exprimé des opinions en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal. L’Accusation a interjeté appel dudit jugement et l’affaire est actuellement pendante devant la Chambre d’appel. La question du cumul de qualifications a également été soulevée en juin dernier par deux des appelants dans l’Appel Celebici44. Les arguments invoqués dans le cadre de cet appel englobaient plusieurs questions, notamment celles du cumul de qualifications et du cumul de déclarations de culpabilité. Il était entendu que l’Arrêt Celebici traiterait de ces questions de manière détaillée.

7. Si la Chambre de première instance avait rendu sa décision sur la Requête de Talic avant le prononcé de l’arrêt dans l’Appel Celebici – qu’elle décide de se conformer à la jurisprudence du Tribunal en matière de cumul de qualifications , de s’aligner sur les opinions exprimées dans le Jugement Kupreškic ou de se forger sa propre opinion à ce sujet – la partie qui n’aurait pas obtenu gain de cause aurait nécessairement interjeté appel de ladite décision et il n’aurait de toute évidence pas été possible de trancher cette question avant que l’Arrêt Celebici ne soit rendu. La Chambre de première instance a par conséquent estimé que la procédure la plus rapide consistait à attendre que la Chambre d’appel rende son arrêt dans l’Appel Celebici. Le principe juridique fondant cet arrêt s’imposant à la Chambre de première instance45, un recours n’aurait donc pas été nécessaire.

8. La Chambre de première instance a attiré l’attention de l’Accusation à deux reprises , lors de conférences de mise en état, sur le manque apparent de précision de l’acte d’accusation modifié et lui a recommandé d’entreprendre - avant que la décision sur la Requête ne soit rendue – les modifications nécessaires pour rendre l’acte d’accusation modifié conforme aux principes examinés dans les décisions rendues précédemment par la Chambre de première instance dans l’affaire Le Procureur c/ Krnojelac46. Ces principes sont examinés de nouveau aux parties 4 et 5 de la présente Décision. Vu le temps dont l’Accusation disposait pour apporter lesdites modifications à compter du moment où elle avait reçu un avertissement aussi spécifique et dans l’attente du prononcé de l’Arrêt Celebici, il lui a été signifié qu’elle bénéficierait d’un délai très court , après que la présente Décision aura été rendue, pour déposer un nouvel acte d’accusation modifié.47

4. La responsabilité présumée de l’accusé

9. L’acte d’accusation modifié affirme que l’article 7 1) du Statut du Tribunal engage la «responsabilité individuelle» de chacun des accusés pour les crimes qui lui sont reprochés dans l’acte d’accusation.48 La responsabilité pénale individuelle est ensuite définie selon les termes employés dans l’article 7) 1) :

La responsabilité pénale individuelle comporte notamment les faits de commettre, planifier, inciter à commettre, ordonner ou de toute autre manière aider et encourager à planifier, préparer ou exécuter tout crime visé aux articles 2, 3, 4 et 5 du Statut du Tribunal.

L’ordre dans lequel les différents termes figurant dans l’article 7) 1) sont repris ici diffère de celui adopté dans l’article en question. Il est peut-être significatif que l’Accusation ait choisi de placer le terme «commettre» en première position, et non en dernière position comme il apparaît dans le Statut.

10. Il n’était justifié de définir la responsabilité individuelle de manière aussi approfondie dans l’acte d’accusation que si l’Accusation envisageait de se fonder sur chacune des différentes manières dont celle-ci était censée être engagée. Si tel n’était pas le cas, les éléments non pertinents de la définition susmentionnée n’auraient pas dû être invoqués en raison de l’ambiguïté qui risquait de s’ensuivre , et l’Accusation aurait dû préciser davantage son intention. Il a été souligné avec fermeté que le fait d’invoquer la responsabilité individuelle en mentionnant toutes les catégories visées à l’article 7) 1) est de nature à introduire une ambiguïté .49 La thèse de l’Accusation ne saurait se fonder sur pareille ambiguïté.

11. S’agissant du présent acte d’accusation, l’Accusation semble soutenir que la responsabilité individuelle des accusés est engagée, non seulement parce qu’ils ont aidé et encouragé de différentes manières la perpétration de crimes, mais également du fait qu’ils ont perpétré eux-mêmes ces crimes, en ce sens qu’ils ont personnellement commis les actes constitutifs des infractions incriminées, à savoir, entre autres , le meurtre de Musulmans et de Croates de Bosnie et l’exercice de sévices contre des membres de ces mêmes populations. Telle est la signification du terme «commettre » au sens de l’article 7) 1)50. Les pouvoirs de Talic, tels qu’énoncés aux paragraphes 20 et 21 de l’acte d’accusation modifié51 ne sont pas décrits de manière à limiter sa responsabilité présumée, telle qu’invoquée en des termes généraux au paragraphe 25 dudit acte52, comme le prétend l’Accusation53. En employant ce type d’argumentation, l’Accusation s’expose aux critiques selon lesquelles elle a essayé de rendre ses allégations aussi larges et générales que possible, bien qu’elle ne dispose pas d’éléments de preuves à l’appui de ces dernières, afin de pouvoir bénéficier de la découverte ultérieure éventuelle d’éléments de preuve sans avoir à modifier l’acte d’accusation54. En l’absence d’éléments de preuve concernant le fait que les deux accusés ont personnellement commis un ou plusieurs des actes constitutifs des infractions incriminées, elle doit retirer toute référence à leur responsabilité individuelle s’agissant de la «commission» de ces crimes.

12. L’acte d’accusation modifié affirme également que parmi les autres manières dont la responsabilité individuelle de chacun des accusés est engagée figure notamment le fait d’avoir, de quelque manière que ce soit, aidé et encouragé la perpétration de ces crimes, tel que défini à l’article 7) 1), repris ci-dessus au paragraphe 9 de la présente Décision. Il est également reproché aux deux accusés d’avoir participé , en qualité de membres de la Cellule de crise de la RAK, «individuellement ou de concert, aux opérations liées à la conduite des hostilités et à la destruction des communautés musulmane et croate de Bosnie dans la zone de la RAK.»55 L’expression «individuellement ou de concert» est utilisée à plusieurs reprises s’agissant de différents chefs d’accusation mis à la charge des deux accusés dans l’acte d’accusation modifié56. Dans le cadre de celui-ci, il semble que l’Accusation ait entendu par cette expression que chacun des accusés avait agi individuellement et de concert avec l’autre , mais l’on aurait également pu interpréter ladite expression comme signifiant de concert avec d’autres. Il est peut-être significatif que l’acte d’accusation conjoint précédent contre les deux accusés daté du 12 mars 1999 allègue que ces derniers ont agi «de concert avec d’autres».57 Une telle ambiguïté ne saurait demeurer. Si l’Accusation cherche à se fonder sur la responsabilité au titre de coauteur, qui consiste à agir de concert en participant à un but ou un dessein commun ou en participant à une entreprise criminelle commune , responsabilité dont la Chambre d’appel a estimé qu’elle relève de l’article 7) 1)58, il convient alors de le préciser .

13. Enfin, l’acte d’accusation modifié affirme que chacun des accusés, alors qu’il disposait des pouvoirs énoncés aux paragraphes 19 à 2359, doit également être tenu pénalement responsable des actes commis par ses subordonnés en application de l’article 7) 3) du Statut.

5. La précision des allégations

14. Talic s’est plaint que l’acte d’accusation modifié ne satisfait pas aux principes énoncés dans le Statut du Tribunal et son Règlement, tels qu’interprétés dans la jurisprudence du Tribunal, lesquels exigent que l’acte d’accusation, quelle que soit la nature de la responsabilité alléguée, comporte toujours les informations relatives à l’identité de la victime, la place et la date de l’infraction et les moyens par lesquels l’infraction a été perpétrée60. Selon Talic, l’acte d’accusation est imprécis quant aux «auteurs directs» des crimes présumés, n’établit aucun lien entre lui et lesdits auteurs et n’indique pas la nature de sa responsabilité s’agissant de leurs actes61.

15. En outre, Talic soutient que, suite à l’annonce de l’Accusation selon laquelle elle n’entendait pas citer à comparaître un certain nombre de personnes dont les témoignages avaient été versés à l’appui de l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation, l’acte d’accusation modifié est à présent dénué de validité ; il est suggéré que certains de ces témoignages constituaient les seuls éléments soumis au Juge de la confirmation, s’agissant de plusieurs événements allégués62. Ainsi que nous l’avons déjà mentionné, l’Accusation n’a déposé aucune réponse concernant cet argument, lequel peut toutefois être rejeté. La Chambre de première instance a déjà indiqué qu’une fois l’acte d’accusation confirmé, l’existence ou non de preuves à l’appui des accusations formulées dans l’acte d’accusation est une question qu’il revient à la Chambre de première instance de trancher à la clôture du procès ou (si la question est soulevée) à la clôture de la présentation des moyens de preuve de l’Accusation63. La question de l’absence d’éléments auparavant soumis au Juge de la confirmation n’est pas pertinente s’agissant de la forme de l’acte d’accusation.

16. En ce qui concerne les autres questions soulevées par Talic, l’Accusation nie devoir, dans un acte d’accusation, fournir les détails visés dans la Requête et affirme que ces détails relèvent d’une demande de précisions64. Elle s’oppose aux décisions rendues dans le sens contraire par la présente Chambre de première instance au motif qu’elles étaient en contradiction avec celles des autres Chambres de première instance65. Ces deux arguments sont traités séparément dans la présente Décision66.

17. Cette Chambre de première instance n’accepte pas l’argument selon lequel ses décisions sont en contradiction avec celles des autres Chambres de première instance . Elle n’entend pas répéter dans la présente Décision ce qui a déjà été exposé dans les décisions précédentes (et pas uniquement celles de cette Chambre de première instance) s’agissant de l’exigence de précision des allégations, sauf dans les cas où elle devra traiter une question particulière soulevée en l’espèce.

18. Notre point de départ en l’espèce est la nécessité pour toute personne accusée d’être informée «de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle»67. La jurisprudence du Tribunal établit une distinction entre les faits matériels sur lesquels l’Accusation s’appuie (et qui doivent être exposés dans l’acte d’accusation ) et les moyens de preuve qui permettront d’établir ces faits matériels (qu’il n’est pas nécessaire d’exposer dans l’acte d’accusation)68. La pertinence d’un fait dépend à son tour de la nature de l’argumentation qu’entend soutenir l’Accusation et dont l’accusé doit être informé. La matérialité d’éléments tels que l’identité de la victime, les lieu et date des événements pour lesquels la responsabilité de l’accusé est retenue, ainsi que la description des faits eux -mêmes, dépendent nécessairement du lien présumé de l’accusé avec ces derniers69.

19. Dans une affaire fondée sur la responsabilité du supérieur hiérarchique, les éléments les plus déterminants sont d’une part la relation entre l’accusé et les auteurs des actes pour lesquels il est présumé responsable, et d’autre part la conduite de l’accusé qui permet d’établir qu’il savait ou avait des raisons de savoir que les auteurs s’apprêtaient à commettre ces actes, ou les avaient commis, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que de tels actes ne soient commis ou en punir les auteurs70. Cependant, en ce qui concerne ces actes commis par des tierces personnes, bien que l’Accusation soit toujours tenue de fournir tous les renseignements qu’elle est en mesure de donner, les faits dont il est question seront généralement exposés de façon moins précise, parce que le détail de ces actes (par qui et contre qui ils ont été commis) est souvent inconnu – et parce que, souvent, les actes eux-mêmes ne peuvent pas véritablement être contestés71.

20. Lorsque c’est la responsabilité individuelle qui est engagée, et que l’accusé n’est pas présumé avoir personnellement commis les actes dont il doit répondre – c’est à dire lorsque l’accusé a avec les actes d’autres personnes dont il est tenu responsable un lien plus étroit que lorsque c’est sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique qui est engagée - là encore, ce qui revêt le plus d’importance , c’est la conduite de l’accusé, qui permettra peut-être de constater qu’il a planifié , incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces actes72. Toutefois, les faits matériels doivent être plus précis pour les actes commis par d’autres personnes que pour une allégation de responsabilité en tant que supérieur hiérarchique. Il ne suffit pas que l’accusé sache en l’occurrence quelle ligne de conduite de sa part engagerait sa responsabilité, il doit également être informé de manière plus détaillée que dans le cas de la responsabilité du supérieur hiérarchique des actes dont il aura à répondre73, à condition, bien entendu, que l’Accusation soit en mesure de fournir de telles précisions74. Mais le degré de précision requis pour de tels actes n’est pas aussi élevé que dans le cas où l’accusé est présumé avoir personnellement commis les actes en question75.

21. Une autre forme de responsabilité au titre de coauteur, au sens de l’article 7 1) du Statut, est celle qui consiste à agir de concert en participant à un but ou un dessein commun ou en participant à une entreprise criminelle commune, ainsi qu’il est mentionné plus haut76. Si tel est le type de responsabilité invoqué, l’accusé doit se voir notifier dans l’acte d’accusation la nature ou l’objectif de l’entreprise criminelle commune (ou son «essence»), le moment auquel ou la période pendant laquelle l’entreprise est censée avoir existé, l’identité des participants à cette entreprise – pour autant qu’elle soit connue – ou du moins la catégorie à laquelle ils appartiennent en tant que groupe, et la nature de sa propre participation à cette entreprise77.

22. Lorsque la responsabilité individuelle de l’accusé est invoquée et que celui -ci est censé avoir personnellement commis les actes allégués dans l’acte d’accusation, les faits matériels doivent être exposés de manière précise – les informations invoquées en tant que faits matériels doivent, dans la mesure du possible , comprendre l’identité de la victime, le lieu où l’acte allégué a été commis et sa date approximative, et les moyens mis en œuvre pour commettre l’infraction78. Dans les cas où l’Accusation n’est pas en mesure de se montrer plus précise, elle ne saurait être tenue à l’impossible79. Lorsqu’il n’est pas possible d’indiquer une date précise, une fourchette raisonnable peut suffir80. Lorsque les victimes ne peuvent être spécifiquement identifiées, au moins convient-il d’indiquer la catégorie à laquelle ils appartenaient ou leur situation en tant que groupe81. Si l’Accusation est dans l’impossibilité de préciser comme il convient de tels éléments , elle doit clairement le stipuler dans l’acte d’accusation, tout en indiquant qu’elle a fourni les renseignements les plus précis dont elle disposait82.

6. Mesures à prendre en cas de vice de forme de l’acte d’accusation

23. Il n’est pas du ressort d’une chambre de première instance de vérifier si la forme d’un acte d’accusation respecte les principes établis de présentation des arguments. La Chambre de première instance a, bien entendu, le droit de soulever d’office des questions relatives à la forme d’un acte d’accusation, mais si elle ne l’exerce pas, elle attend qu’un grief précis soit formulé par l’accusé avant de décider si l’acte d’accusation respecte ou non les principes de présentation des arguments83. Il s’agit là d’un fondement du système contradictoire que le Statut a adopté pour le Tribunal.

24. Les seuls griefs suffisamment précis formulés par Talic quant à la forme de l’acte d’accusation modifié en l’espèce sont au nombre de deux :

1) qu’il a été, à tort, accusé cumulativement d’un certain nombre d’infractions à raison des mêmes faits et

2) que les accusations alléguant de graves infractions des Conventions de Genève ne sont pas pertinentes dans la mesure où l’acte d’accusation n’indique pas que les actes qui fondent les accusations ont eu lieu dans le cadre d’un conflit armé international.

Ces deux griefs sont examinés dans les parties suivantes de la présente Décision .

25. Les autres griefs sont de nature très générale – aucune véritable tentative n’a été faite pour identifier les allégations précises auxquelles ils se rattachent . La démarche de Talic est peut-être compréhensible étant donné l’absence quasi totale de précision dans l’acte d’accusation modifié, mais cela n’aide pas la Chambre de première instance à formuler des ordonnances précises à l’encontre de l’Accusation au sujet des vices dont l’acte d’accusation est entaché. Cette difficulté a toutefois largement disparu lorsque le Premier Substitut du Procureur a admis, à juste titre, que les vices de l’acte d’accusation provenaient de sa méconnaissance des principes de présentation des arguments appliqués au sein du Tribunal et de sa conviction qu’il suffirait que l’Accusation communique ultérieurement ces détails à la Défense sous forme d’annexes84.

26. Maintenant que ce malentendu a été dissipé, il suffit, de l’avis de la Chambre de première instance, d’enjoindre à l’Accusation de déposer un nouvel acte d’accusation modifié qui respecte réellement les principes de présentation des arguments qui ont été établis par le Tribunal et examinés dans l’affaire Krnojelac. Bien que certains services du Bureau du Procureur donnent l’impression que l’Accusation a pour politique d’éviter de communiquer la véritable nature de sa thèse aussi longtemps que possible, la Chambre de première instance est sûre – le Premier Substitut du Procureur ayant, à ce sujet, fourni des assurances à l’Accusation lors des conférences de mise en état en question – que cette fois, l’acte respectera les principes de présentation des arguments. Étant donné que – sauf imprévu – la Chambre de première instance espère pouvoir ouvrir le procès en l’espèce en mai ou en juin de cette année, il faut que la forme de l’acte d’accusation soit finalisée dès que possible sans autre litige. Si la Défense n’est pas satisfaite de la façon dont l'Accusation a respecté les principes de présentation des arguments, la Chambre de première instance suggérera de déposer une nouvelle requête aux fins de rejet de la forme du nouvel acte d’accusation modifié -  à condition que la requête identifie avec précision les allégations auxquelles elle s’oppose85.

27. Il est toutefois nécessaire d’écarter la suggestion précédemment faite par l’Accusation pour que le détail manquant dans l’acte d’accusation fasse l’objet d’une requête aux fins de précision supplémentaire. Le droit d’un accusé à solliciter davantage de précisions concernant une allégation figurant dans l’acte d’accusation ne prévaut pas sur un vice de forme de l’acte d’accusation. L’acte d’accusation doit indiquer tous les faits matériels sur lesquels l’Accusation se fonde pour établir les faits exposés. Si les pièces fournies par l’Accusation préalablement au procès n’identifient pas suffisamment les éléments de preuve sur lesquels l’Accusation se fonde pour établir les faits matériels86, alors – alors seulement – il convient de demander à la Chambre de première instance d’enjoindre à l’Accusation de fournir des précisions (et encore seulement si l’Accusation n’a pas répondu de façon satisfaisante à une requête aux fins de précision)87. La réponse de l’Accusation selon laquelle les griefs formulés par Talic quant à la forme de l’acte d’accusation auraient dû faire l’objet d’une requête aux fins de précision est rejetée.

28. Reste une dernière observation concernant la forme du nouvel acte d’accusation modifié que l’Accusation a pour ordre de déposer. La présente Chambre de première instance a déclaré qu’afin d’éviter toute ambiguïté, il est préférable que l’acte d’accusation indique précisément et expressément, pour chaque chef d’accusation, la nature de la responsabilité alléguée88. À la façon dont l’Accusation adoptera cette forme d’argumentation préférée de la présente Chambre de première instance, on pourra juger de sa volonté de coopérer avec la Chambre en l’espèce.

7. Le cumul de qualifications

29. Talic affirme que l’acte d’accusation ne respecte pas les principes du droit international selon lesquels :89

i) Il faut appliquer aux mêmes faits une seule qualification juridique

ii) lorsque l’on se trouve en présence de deux infractions […] il convient de retenir l’incrimination qui contient les éléments les plus spécifiques […] (principe, dit -il, qui découle de l’affaire Blockburger)90, et

iii) le génocide est un acte criminel composé qui comprend les éléments de persécution , d’extermination, d’homicide intentionnel, de torture, de déportation et de transfert forcé et, dès lors, un même fait ne peut être poursuivi sur la base de diverses qualifications isolées91.

30. Talic affirme cependant92 avoir été accusé, pour les mêmes faits, à la fois de :

a) génocide et/ou complicité dans le génocide (chefs 1 et 2) ;

b) non seulement de génocide sous les chefs 1 et 2, ce qui, d’après lui, équivaut à la qualification de crime grave contre l’humanité, mais également de persécution , en tant que crime contre l’humanité (chef 3) ;

c) non seulement de génocide sous les chefs 1 et 2, mais également d’extermination , en tant que crime contre l’humanité (chef 4) et d’homicide intentionnel, en tant que violation grave des Conventions de Genève (chef 5) ;

d) non seulement de génocide sous les chefs 1 et 2, mais également de torture, en tant que crimes contre l’humanité (chef 6) et violation grave des Conventions de Genève (chef 7) ; et

e) à la fois de déportation (chef 8) et de transfert forcé, associé à un acte inhumain (chef 9), constituant chacun un crime contre l’humanité.

L’Accusation répond que la jurisprudence du Tribunal permet le cumul de qualifications 93.

31. La question du cumul de qualifications soulève la préoccupation fondamentale qu’un accusé ne se voit infligé plus d’une peine à raison d’un même acte criminel . Il découle clairement de ce principe que la Chambre de première instance doit veiller à ce que la sentence prononcée ne le pénalise pas de manière cumulative pour diverses infractions relevant d’un même acte. À plusieurs reprises dans le passé, la Chambre de première instance a rejeté, lors de l’examen de la forme de l’acte d’accusation, le grief selon lequel un tel cumul des infractions risque de conduire à un cumul des déclarations de culpabilité pour un même acte, affirmant que l’existence d’un cumul des déclarations de culpabilité est une question à n’aborder qu’au moment de la fixation des peines94.

32. La Chambre de première instance admet toutefois que la «peine à ne pas prononcer plus d’une fois» recouvre non seulement le cumul de sentences, mais également de déclarations de culpabilité. Un accusé ne peut être déclaré coupable de plus d’une infraction relevant d’un même acte si véritablement cet acte ne constitue pas plus d’une infraction. Telle est la conclusion à laquelle est parvenue la Chambre de première instance dans certaines de ses décisions, avant l’Arrêt Celebici95.

33. Dans le Jugement Kupreškic, sur lequel Talic s’appuie en partie, la Chambre de première instance a examiné un certain nombre de questions relatives au cumul de déclarations de culpabilité. S’agissant de la question de savoir si un même acte ou une même opération peut constituer deux ou plusieurs infractions aux termes du droit international et à quelles conditions, elle a décidé que les critères applicables sont les suivants :96

i) déterminer si chaque infraction ne comprend pas un élément que l’autre n’exige pas (c’est à dire un élément unique – ou matériellement distinct – pour chaque infraction , le critère des «éléments différents») et

ii) même si tel n’est pas le cas, déterminer si chaque infraction ne porte pas atteinte à des valeurs fort différentes.

Aux termes du Jugement Kupreškic, s’il est répondu par l’affirmative à l’une ou l’autre de ces questions, la Chambre de première instance est fondée à prononcer des verdicts de culpabilité à raison des deux infractions; mais si elle conclut à l’existence d’une seule infraction distincte, elle ne doit se prononcer que sur l’infraction la plus spéciale97. Le jugement s’appuie sur les principes qui se dégagent de l’arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Blockburger v United States98 pour définir le critère des «éléments différents», qu’elle considère comme le plus important.

34. L’identification des principes applicables pour déterminer si un acte ou une conduite uniques constitue plus d’une infraction est un exercice complexe, que la Chambre d’appel a entrepris dans le cadre de l’affaire Celebici. Il est dès lors inutile, en l’espèce, que la Chambre de première instance s’attarde sur la question du cumul de déclarations de culpabilité en vue de régler la question qui est soulevée dans la requête et qui a trait au cumul de qualifications .

35. Dans le jugement Kupreškic, la question de savoir «dans quelles conditions l’Accusation peut cumuler les qualifications pour le même acte ou la même opération »99 a été également soulevée, question qui revêt beaucoup d’importance dans la présente requête. La Chambre de première instance a relevé l’existence de deux considérations pertinentes en la matière et potentiellement conflictuelles : la nécessité de préserver le droit de l’accusé, aux termes de l’article 21 4 a) du Statut, à être informé des charges retenues contre lui, et la nécessité pour le Procureur de se voir octroyer tous les pouvoirs lui permettant, dans les limites fixées par le Statut, d’accomplir efficacement sa mission consistant à poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire. L’accusé a le droit d’«avoir la possibilité de connaître les éléments constitutifs des infractions qui lui sont reprochées», mais d’un autre côté, «l’accomplissement efficace de cette mission passe par l’adoption d’un système souple, non tenu par des conditions formelles au plan de la présentation des conclusions figurant dans l’acte d’accusation»100. La Chambre de première instance a considéré que ces exigences avaient pour résultat que :101

a) L’Accusation peut procéder à un cumul de charges, chaque fois qu’elle estime, à la lumière des critères évoqués plus haut, que les faits reprochés violent simultanément deux dispositions du Statut ou plus ;

b) elle devrait formuler des chefs d’accusations subsidiaires plutôt que de les cumuler, chaque fois qu’un crime semble enfreindre plus d’une disposition du Statut et ce, en fonction des éléments du crime qu’elle est en mesure de prouver .[…];

c) elle devrait autant que possible s’abstenir de cumuler un nombre excessif de charges pour les mêmes faits, lorsque l’application des principes dégagés ci-dessus semble montrer que ces faits ne violent pas simultanément plusieurs dispositions du Statut.

36. La Chambre de première instance n’accepte pas que les principes relatifs au cumul de qualifications énoncés dans le Jugement Kupreškic aient pour fondement cette jurisprudence. L’affaire Blockburger, sur laquelle le jugement s’appuie, traite de la clause de «non bis in idem» du Cinquième Amendement , qui dispose ce qui suit :

[N]ul ne pourra être exposé deux fois pour le même crime au risque de perdre la vie ou d’être molesté dans son corps [...].

Cette clause a toutefois été interprétée comme concernant que différentes poursuites successivement engagées à raison des mêmes faits et non des qualifications multiples dans le cadre d’une même poursuite102. Par conséquent, même si l’interdiction de non bis in idem protège un accusé même contre le «risque» d’être déclaré coupable deux fois pour la même infraction , elle est néanmoins restrictive, dans la mesure où non seulement il est interdit de déclarer un accusé deux fois coupable pour la même infraction, mais encore de le poursuivre une deuxième fois à raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné103. La clause de non bis in idem a été expressément interprétée comme n’interdisant pas le cumul de qualifications dans le cadre d’une même action104. Le Jugement Kupreškic n’en a pas tenu compte.

37. Dans le cadre du droit international pour les droits de l’homme, le principe de non bis in idem s’est également exprimé en termes donnant à penser qu’il n’exclut pas le cumul de qualifications dans le cadre d’une même action. L’article 14 7) du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques dispose que :

Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays.

Cette disposition définit clairement la protection contre un cumul de procès ou de peines à raison d’infractions pour lesquelles une personne «a déjà été condamnée ou acquittée par un jugement définitif». Elle vise principalement à empêcher qu’un accusé déjà condamné ou acquitté pour une infraction soit poursuivi une deuxième fois pour cette même infraction. Rien dans cette disposition n’indique que, dans un acte d’accusation concernant une même action, un accusé ne peut être inculpé de plus d’une infraction pour la même série de faits.

38. Avec tout le respect qu’elle lui doit, la Chambre de première instance n’est pas d’accord avec le Jugement Kupreškic dans la mesure où il cherche à restreindre le droit de l’Accusation à retenir contre un accusé plus d’une infraction à raison d’une même série de faits, à moins que les infractions cumulées ne soient retenues contre lui alternativement. Dans le cadre des activités du Tribunal, une telle restriction empêche injustement l’Accusation d’accomplir ses devoirs au nom de la communauté internationale. Il y a deux raisons précises pour lesquelles cette restriction ne devrait pas être imposée.

39. Tout d’abord, d’un point de vue pratique important, il n’est pas raisonnable d’attendre de l’Accusation qu’elle fasse son choix parmi les qualifications avant même que l’ensemble des moyens de preuve n’ait été présenté. Il est impossible de savoir avec précision quelles sont les infractions parmi celles retenues contre l’accusé que les moyens de preuve établiront, notamment pour ce qui est de la preuve des préalables qui diffèrent – par exemple, l’existence d’un conflit armé international pour les infractions visées à l’article 2 du Statut, un préalable qui ne s’applique pas aux infractions tombant sous le coup de l’article 3 du Statut. Le deuxième principe qui ressort du Jugement Kupreškic – l’Accusation devrait formuler des chefs d’accusations subsidiaires «chaque fois qu’un crime semble enfreindre plus d’une disposition du Statut et ce, en fonction des éléments du crime qu’elle est en mesure de prouver» - est difficile à appliquer dans la pratique étant donné qu’au moment de la rédaction de l’acte d’accusation, l’Accusation n’est pas véritablement en mesure de savoir quels sont les crimes qu’elle est «en mesure de prouver». Elle est également dans l’impossibilité d’évaluer, avant d’avoir rédigé l’acte d’accusation , laquelle des deux ou de plusieurs accusations à raison d’une même série de faits s’avérera être la plus grave des accusations à la lumière des circonstances de l’espèce et, donc, la plus susceptible de prévaloir, celle autour de laquelle les autres s’articuleraient en tant qu’alternatives. Le bien fondé de la thèse de l’Accusation ne devrait pas être rendu tributaire de technicités relatives à la présentation des arguments, si bien que ce qui, à la lumière des moyens de preuve, s’avère être la qualification la plus grave échoue si ce qui s’avère être la qualification la moins grave a été déclaré comme prévalant sur une série de qualifications de substitution. Le fait de formuler des accusations subsidiaires ne réduira pas non plus la durée du procès, puisque l’Accusation doit de toute façon apporter des moyens de preuve à l’appui de toutes les qualifications (y compris celles formulées alternativement ). La Défense doit de toute façon les vérifier pour chacune des qualifications et , le cas échéant, apporter des éléments qui les réfutent.

40. L’accusé ne subit aucun préjudice immédiatement identifiable du fait de l’autorisation du cumul des qualifications, les questions liées au cumul d’infractions étant réglées une fois l’ensemble des moyens présenté105, alors que pour l’Accusation, les risques de préjudice du fait d’une restriction desdites qualifications sont réels. D’un point de vue pratique, l’argument en faveur du cumul de qualifications est donc plus que convaincant.

41. Deuxièmement, les infractions visées par le Statut du Tribunal ne relèvent pas de catégories précises d’actes bien définis (comme on peut en trouver dans les législations nationales), mais de larges ensembles d’infractions dont les éléments ne sont pas toujours clairement définis et qui n’ont peut-être pas encore été clarifiés dans la jurisprudence du Tribunal106. Bien que cette situation puisse changer dans les années à venir, il est pratiquement impossible pour l’Accusation, à ce stade de l’évolution de la jurisprudence du Tribunal , de déterminer d’emblée, comme le lui impose le Jugement Kupreškic, si des faits précis ne sont pas en véritable contradiction avec diverses dispositions du Statut. La Chambre de première instance n’accorde pas à cette seconde raison la même importance qu’aux problèmes pratiques abordés plus haut.

42. La Chambre de première instance estime donc que le principe consistant à éviter le cumul de peines n’exclut pas le cumul de qualifications à raison du même comportement . La Chambre de première instance est d’accord avec ce qui a été dit dans le cadre du procès Tadic :107

[…] ce que l’on peut dire avec certitude c’est que la peine ne peut pas être rendue tributaire de ce que les accusations relatives à des crimes provenant du même comportement sont formulées cumulativement ou alternativement. La peine sanctionne un comportement criminel prouvé et ne dépend pas de points techniques relatifs à la présentation des arguments.

Depuis lors, la Chambre d’appel a rendu un arrêt dans l’affaire Celebici, où elle affirme expressément et à l’unanimité que le cumul de qualifications est autorisé108.

43. L’objection de Talic quant à la forme de l’acte d’accusation de la présente espèce est donc rejetée.

8. La question de l’internationalité du conflit

44. L’autre objection soulevée par Talic quant à la forme de l’acte d’accusation a trait à l’inclusion d’allégations d’infraction grave aux Conventions de Genève , alors que l’acte d’accusation modifié n’indique pas si les faits qui fondent les accusations ont eu lieu pendant un conflit armé international109. Aucun fait susceptible d’établir l’existence d’un conflit armé à caractère international en Bosnie-Herzégovine n’est allégué110. Talic affirme donc que les allégations d’infractions graves des Conventions de Genève ne sont pas pertinentes au cas d’espèce111.

45. L’Accusation affirme que les paragraphes 24, 25 et 27 de l’acte d’accusation modifié présentent suffisamment d’éléments pour établir les conditions préalables nécessaires aux allégations d’infractions graves aux Conventions de Genève112. Le paragraphe 24 stipule que :

Pendant toute la période couverte par le présent Acte d’accusation, la République de Bosnie-Herzégovine a été le théâtre d’un conflit armé et d’une occupation partielle . Tous les actes ou omissions désignés ici comme des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, reconnues par l’article 2 du Statut du Tribunal international , se sont produits pendant ce conflit armé et cette occupation partielle.

Au paragraphe 25, il est allégué que chacun des deux accusés est individuellement responsable des crimes retenus contre lui dans l’acte d’accusation et le contenu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal est cité. Le paragraphe 27 stipule que :

Durant toute la période couverte par le présent Acte d’accusation, tous les accusés étaient tenus de respecter les lois et coutumes régissant la conduite des conflits armés, y compris les Conventions de Genève de 1949.

L’Accusation constate qu’à cet égard, l’acte d’accusation modifié en l’espèce présente la même forme que l’acte d’accusation dans l’affaire Tadic, dans le cadre de laquelle la Chambre d’appel a récemment conclu que le conflit armé avait un caractère international, décision qui lierait la Chambre de première instance saisie de la présente espèce113.

46. Dans sa réplique, Talic rejette la référence à l’acte d’accusation Tadic qu’il estime ne présenter aucun intérêt en l’espèce, signale que le paragraphe 24 de l’acte d’accusation modifié en l’espèce ne parle pas de conflit armé international et répète qu’aucun des faits présentés dans l’acte d’accusation n’est de nature à établir l’internationalité du conflit armé114. Dans un autre document déposé relativement à une autre demande (connexe) qu’il a soumise, Talic a ajouté que seul le ratio decidendi d’une décision rendue par la Chambre d’appel (c’est-à-dire uniquement les questions de droit) lie les Chambres de première instance ; la question de l’internationalité d’un conflit armé (que la Chambre d’appel elle-même qualifie de conclusion factuelle)115 doit donc être déterminée par la Chambre de première instance pour chaque affaire , à la lumière des moyens de preuve présentés pour chaque espèce116. La Chambre de première instance est d’accord avec Talic qu’elle n’est pas liée par les conclusions factuelles que la Chambre d’appel a rendues dans l’Arrêt Tadic117.

47. L’article 2 du Statut du Tribunal habilite le Tribunal à poursuivre «les personnes qui commettent ou donnent l’ordre de commettre des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949», que l’article définit comme étant «les actes ?…g dirigés contre des personnes ou des biens protégés aux termes des dispositions de la Convention de Genève pertinente». La Chambre d’appel a conclu qu’au stade actuel de l’évolution du droit international, l’article 2 ne s’applique qu’aux infractions commises dans le cadre de conflits armés internationaux et que l’existence d’un conflit armé international est à la fois un préalable de son applicabilité et un élément pertinent pour établir que les personnes contre lesquelles elles ont été commises étaient «protégées» aux termes de la Convention de Genève pertinente118.

48. Il est une règle fondamentale de la présentation des arguments qui veut que l’acte d’accusation identifie chacun des éléments factuels constitutifs des infractions retenues contre l’accusé119. Cette exigence vaut aussi pour tout préalable juridique à l’application de l’infraction dans les circonstances de l’espèce. Il ne s’agit pas d’un simple détail technique  ; il est essentiel de respecter cette règle afin que l’accusé connaisse la nature des accusations portées contre lui, comme l’exige l’article 21 4 a) du Statut du Tribunal. Chacun de ces éléments factuels essentiels doit généralement être énoncé expressément, à moins que, dans certains cas, il suffise de l’énoncer implicitement 120. Cette règle fondamentale de présentation des arguments n’est toutefois pas respectée si l’existence du préalable n’est qu’une simple supposition.

49. L’acte d’accusation modifié n’allègue pas, comme il le doit pour une infraction visée à l’article 2 du Statut, que le conflit armé durant lequel l’infraction aurait été commise était international, pas plus qu’il ne présente suffisamment de faits susceptibles de fonder une telle conclusion. Les faits allégués aux paragraphes 24, 25 et 27 sont, à cet égard, insuffisants. Le caractère du conflit armé n’est pas énoncé de façon implicite, il est tout simplement supposé. L’acte d’accusation modifié ne donne pas non plus d’indication quant à la base sur laquelle l’Accusation se fondera pour affirmer que le conflit armé était de nature internationale. À l’évidence , la base servant à telle affirmation est également un fait matériel, qui doit être présenté pour permettre à l’accusé de connaître la nature des faits retenus contre lui.

50. Si, par exemple, l’Accusation s’appuie sur les éléments qui ont fondé la Chambre d’appel, dans l’Arrêt Tadic, à conclure à l’internationalité du conflit armé en l’espèce, elle devra alléguer le fait matériel que les forces armées des Serbes de Bosnie agissaient, dans le conflit armé en l’espèce, sous le contrôle général et au nom de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)121. Si les pièces fournies par l’Accusation avant l’ouverture du procès ne suffisent pas à identifier les éléments sur lesquels l’Accusation se fonde pour établir ce fait matériel, et si une demande en ce sens a été adressée à l’Accusation qui n’y a pas répondu de façon satisfaisante, il conviendrait de saisir la Chambre de première instance d’une requête aux fins d’enjoindre l’Accusation d’être plus circonstanciée dans cette allégation.

51. L’objection soulevée par Talic quant à l’acte d’accusation est donc retenue. Ce qui ne veut pas dire que l’acte d’accusation dans Tadic est lui aussi entaché de vice. L’accusé dans cette affaire n’a émis aucun grief quant à l’absence d’une telle allégation122. La forme de l’acte d’accusation Tadic ne constitue donc pas un précédent pour la forme de l’acte d’accusation en l’espèce.

52. Il n’existe pas, au sein du Tribunal, de pratique bien établie quant à la nature précise des mesures décidées lorsqu’est reconnu le bien fondé d’une plainte déposée par un accusé pour vices de forme de l’acte d’accusation 123. Dans les cas urgents dont on a parlé ci-avant, la Chambre de première instance estime qu’il ne sert à rien de supprimer l’allégation d’infraction grave des Conventions de Genève pour manque de pertinence ; mieux vaut tout simplement ordonner à l’Accusation d’alléguer le fait matériel que le conflit armé était de nature internationale et d’exposer la base qui fonde cette affirmation. Si l’Accusation ne répond pas dans les délais prescrits, la Chambre de première instance fera droit à une demande de la Défense en vue de supprimer l’allégation d’infraction grave aux Conventions de Genève.

9. Délai de modification

53. Comme nous l’avons dit précédemment124, l’Accusation sait depuis le 17 novembre au moins qu’elle se verra enjointe de modifier l’acte d’accusation pour qu’il respecte les principes examinés dans le cadre des décisions précédemment prises par la Chambre de première instance dans l’affaire Krnojelac. Elle sait également depuis le 2 février au moins qu’elle disposerait d’un délai très court une fois la présente décision rendue pour déposer l’acte modifié . Un délai de deux semaines a été suggéré125. À deux reprises, l’Accusation a été priée de se mettre à l’oeuvre sans attendre la présente décision.

54. La Chambre de première instance est particulièrement préoccupée par le fait que tout autre retard dans la production d’un acte d’accusation conforme pourrait occasionner un retard inacceptable dans l’ouverture du procès. En raison du nombre et de la longueur des affaires que la présente Chambre de première instance doit encore traiter, le procès en l’espèce a déjà été retardé dans une mesure qui est , hélas, monnaie courante au Tribunal. Il est dès lors impératif pour elle de pouvoir démarrer la procédure dès qu’elle est prête à juger une affaire. Après tant d’avertissements , l’Accusation ne peut prétendre subir un préjudice si elle se voit octroyer un délai très court après la présente Décision pour le dépôt d’une nouvelle modification de l’acte d’accusation, en conformité avec les principes examinés dans les décisions Krnojelac. La question du cumul de qualifications, qui est à l’origine du retard de la présente Décision, consistait uniquement, du point de vue pratique, à savoir si les diverses infractions cumulées pouvaient être formulées sans restriction ou ne l’être qu’alternativement. Cela n’a eu aucun effet, ou très peu, sur la reformulation de l’acte d’accusation.

10. Dispositif

55. À ces motifs, la Chambre de première instance statue comme suit :

i) Le grief de Momir Talic selon lequel il aurait été accusé de façon inacceptable d’infractions cumulées sur la base des mêmes faits est rejeté.

ii) Le grief de Momir Talic selon lequel, en l’absence de toute allégation que les actes retenus contre lui ont eu lieu lors d’un conflit armé international, les allégations d’infractions graves aux Conventions de Genève ne sont pas pertinentes est retenu .

iii) Le grief de Momir Talic selon lequel l’acte d’accusation modifié ne respecte pas les critères du Statut et du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal tels qu’interprétés par la jurisprudence du Tribunal est retenu pour ce qui est du manque de précision dans la formulation des arguments, mais est rejeté aux autres titres.

iv) L’Accusation doit déposer, le 13 mars 2001 au plus tard, un nouvel acte d’accusation modifié qui :

a) respecte les principes de formulation des arguments tels qu’ils sont énoncés aux parties 4 et 5 de la présente Décision, et

b) allègue le fait matériel selon lequel le conflit armé présente un caractère international et expose le fondement de son affirmation.

v) Au cas où surviendrait un problème imprévisible qui empêcherait l’Accusation d’exécuter le présent ordre dans les délais prescrits, une requête peut être soumise au Juge de la mise en état aux fins de prorogation de délai.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 20 février 2001
La Haye (Pays-Bas)

(signé)
Juge David Hunt
Président de la Chambre de première instance

[Sceau du Tribunal]


1- Requête aux fins de rejet d’acte d’accusation, 8 février 2000 (la «Requête»).
2- L’acte d’accusation original a été modifié à la demande de l’Accusation afin d’ajouter des chefs d’accusation sur la base de nouveaux éléments de preuve : Réponse de l’Accusation à la «Requête aux fins de disjonction d’instances» déposée par le Conseil de l’accusé Momir Tali}, 21 octobre 1999, p. 2. La question de la nécessité d’établir un acte d’accusation modifié avait déjà été soulevée en raison de la confusion liée à l’expurgation de l’acte d’accusation original, sous scellés, à l’encontre des deux accusés en l’espèce – Radoslav Brdanin («Brdanin») et Tali} – lequel mentionnait d’autres accusés que ceux dont les noms ont été divulgués à ce jour ; cette confusion est évoquée dans Le Procureur c/ Tali}, Décision de surseoir à statuer sur la Requête aux fins de disjonction d’instances, 4 novembre 1999, par. 4 à 12.
3- Requête, pp. 15 et 16.
4- Cette question est traitée dans la partie 5 de la présente Décision («La précision des allégations»). Pour des raisons pratiques, elle est abordée après la partie consacrée à la responsabilité présumée de l’accusé.
5- Voir partie 4 («La responsabilité présumée de l’accusé»).
6- Voir partie 7 («Le cumul des qualifications»).
7- Voir partie 8 («La question de l’internationalité du conflit»).
8- Le Conseil de Tali} craint que l’interprétation donnée par la Chambre de première instance aux allégations de l’acte d’accusation laisse entendre que celle-ci considère comme établies ce qui ne sont que des allégations : Demande d’interjeter appel contre la Décision du 9 mars 2000, 16 mars 2000, p. 4. La Chambre de première instance tient à préciser qu’elle ne s’intéresse ici qu’à la forme de l’acte d’accusation modifié, sans se former la moindre opinion quant au fait de savoir si les allégations contenues dans ledit acte d’accusation seront établies.
9- Acte d’accusation modifié, par. 6.
10- Ibid, par. 7.
11- Ibid, par. 8.
12- Ibid, par. 16.
13- Ibid, par. 16.
14- Ibid, par. 8.
15- Ibid, par. 22.
16- Ibid, par. 14 et 19. Les différentes Cellules de crise ont été rebaptisées «Présidences de guerre», puis «Commissions de guerre», mais l’appellation «Cellules de crise» a continué à être utilisée couramment : ibid, par. 15.
17- Ibid, par. 19.
18- Ibid, par. 11 et 20.
19- Ibid, par. 20.
20- Ibid, par. 20 et 21.
21- Ibid, par. 21.
22- Ibid, par. 16.
23- Ibid, par. 18.
24- Ibid, par. 23.
25- Chef 1, article 4 3) a) du Statut du Tribunal (le «Statut»).
26- Chef 2, article 4 3) e) du Statut.
27- Chef 3, article 5 h) du Statut.
28- Chef 4, article 5 b) du Statut.
29- Chef 8, article 5 d) du Statut.
30- Chef 9, article 5 i) du Statut.
31- Chef 6, article 5 f) du Statut.
32- Chef 7, article 2 b) du Statut.
33- Chef 5, article 2 a) du Statut.
34- Chef 10, article 2 d) du Statut.
35- Chef 11, article 3 b) du Statut.
36- Chef 12, article 3 d) du Statut.
37- Le délai prévu à l’article 72 du Règlement («au plus tard trente jours après que le Procureur a communiqué à la défense toutes les pièces jointes et déclarations visées à l’article 66 a) i)») n’a pas encore expiré. Cela s’explique par la ligne de conduite adoptée par l’Accusation, qui sollicitait des mesures de protection en vertu desquelles l’identité de certains témoins ne serait pas divulguée à l’accusé à ce stade de la procédure : Décision relative à la Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection, 3 juillet 2000, par. 5 à 21.
38- Réponse du Procureur à la «Requête aux fins de rejet d’acte d’accusation» déposée par le Conseil de l’accusé Momir Tali}, 28 février 2000 (la «Réponse»).
39- Demande d’autorisation de réplique et Réplique à la Réponse du Procureur du 28 février 2000, 20 mars 2000 (la «Réplique»).
40- Réponse du Procureur conformément à l’ordonnance portant calendrier du 27 mars 2000, 28 mars 2000 (la «Duplique»).
41- Cette question a été soulevée dans plusieurs requêtes de l’Accusation aux fins de mesures de protection : voir Deuxième Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins, 31 juillet 2000, par. 10 f) ; Quatrième Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins, 21 septembre 2000, par. 10 d) ; Cinquième Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins, 10 octobre 2000.
42- Mémorandum, 11 octobre 2000.
43- Affaire no IT-95-16-T, 14 janvier 2000 («Jugement Kupreški}»).
44- Le Procureur c/ Delali}, affaire no IT-96-21-A («Appel Celebi}i»).
45- Le Procureur c/ Aleksovski, affaire no IT-95-14/1-A, Arrêt, 24 mars 2000 («Arrêt Aleksovski»), par. 113.
46- Affaire no IT-97-25-PT. Ces avertissements ont été signifiés le 17 novembre 2000 (Compte rendu d’audience de la conférence de mise en état, pp. 220 à 222) et le 2 février 2001 (Ibid, p. 262).
47- Conférence de mise en état, 2 février 2001, compte rendu d’audience, p. 262.
48- Acte d’accusation modifié, par. 25.
49- Le Procureur c/ Krnojelac, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000 («Deuxième Décision Krnojelac»), par. 60 ; Arrêt Aleksovski, par. 171, note de bas de page 319, qui cite la Deuxième Décision Krnojelac ; Le Procureur c/ Delali}, affaire no IT-96-21-A, Arrêt, 20 février 2001 («Arrêt Celebi}i»), par. 351.
50- Le Procureur c/ Tadi}, affaire no IT-94-1-A, Arrêt, 15 juillet 1999 («Arrêt Tadi} relatif au jugement»), par. 188.
51- Ceux-ci sont résumés au par. 2 vii) ci-dessus.
52- Voir infra, par. 9.
53- Réponse, par. 6.
54- Deuxième Décision Krnojelac, par. 23.
55- Acte d’accusation modifié, par. 23.
56- Ibid, par. 31, 35, 39, 43 et 47.
57- Acte d’accusation original rendu public, par. 39.
58- Arrêt Tadi} relatif au jugement, par. 185 à 229.
59- Les allégations contenues dans les paragraphes 19 à 23 de l’acte d’accusation modifié sont résumées au par. 2 vi) à viii) ci-dessus.
60- Requête, p. 3 et 4 ; Réplique, p. 2 et 3.
61- Requête, p. 5 à 7 ; Réplique, p. 2 à 4.
62- Mémorandum, 11 octobre 2000, par. 3, 3 1) et 3 2).
63- Le Procureur c/ Brdanin, affaire no IT-99-36-PT, Décision relative à la Requête aux fins de rejeter l’acte d’accusation, 5 octobre 1999, par. 15, où il est fait référence aux requêtes soumises en application de l’article 98 bis du Règlement («Demande d’acquittement») qui font valoir que les moyens de preuve présentés sont insuffisants.
64- Réponse, par. 7.
65- Conférence de mise en état, 17 novembre 2000, compte rendu d’audience, p. 218.
66- La question des précisions est abordée au paragraphe 27 ci-dessus.
67- Statut du Tribunal, article 21 4) a).
68- Le Procureur c/ Krnojelac, affaire no IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999 («Première Décision Krnojelac»), par. 12 ; Le Procureur c/ Došen & Kolundžija, affaire no IT-98-8-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles, 10 février 2000 («Décision Do{en»), par. 21 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 17 ; Le Procureur c/ Naletili} & Martinovi}, affaire no IT-98-34-PT, Décision relative à l’opposition de Vinko Martinovi} à l’acte d’accusation, 15 février 2000 («Décision Martinovi}»), par. 17 et 18 ; Le Procureur c/ Furundžija, affaire no IT-95-17/1-A, Arrêt, 21 juillet 2000, par. 153 ; Le Procureur c/ Kraji{nik, affaire no IT-00-39-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle du défendeur fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation, 1er août 2000 («Décision Kraji{nik»), par. 8 (L’autorisation d’interjeter appel a été refusée au motif que la Chambre de première instance n’avait pas abusé de son pouvoir discrétionnaire : Le Procureur c/ Kraji{nik, affaire no IT-00-39-AR72, Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Chambre de première instance relative à l’exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation, 13 septembre 2000, p. 3).
69- Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Krajišnik, par. 9.
70- Statut du Tribunal, article 7) 3).
71- Le Procureur c/ Kvocka, affaire no IT-99-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999 («Décision Kvocka»), par. 17 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 A) ; Décision Krajišnik, par. 9.
72- Statut, article 7 1).
73- Première Décision Krnojelac, par. 38.
74- Ibid, par. 40.
75- Décision Kvocka, par. 17 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 B).
76- Voir infra, paragraphe 12.
77- Le Procureur c/ Krnojelac, Décision relative à la forme du deuxième acte d’accusation modifié, 11 mai 2000 («Troisième Décision Krnojelac»), par. 16.
78- Statut du Tribunal, articles 18 4), 21 4) a) et 21 4) b), et article 47 C) du Règlement ; Le Procureur c/ Tadi}, Recueil judiciaire du TPIY 1995, tome I, p. 300, Décision sur l’exception préjudicielle de la Défense relative à la forme de l’acte d’accusation, par. 12 ; Le Procureur c/ Bla{ki}, affaire no IT-95-14-PT, Décision sur l’exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vices de forme, 4 avril 1997, par. 20 ; Première Décision Krnojelac, par. 12 ; Décision Do{en, par. 8 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 C) et 21. Les conclusions énoncées au par. 17 de la Décision Kvo~ka sont compatibles avec les obligations existantes en matière de précision de l’acte d’accusation, lesquelles varient en fonction du lien de l’accusé avec les actes visés, ainsi qu’il a été affirmé dans les décisions Krnojelac.
79- Première Décision Krnojelac, par. 40 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 57.
80- Première Décision Krnojelac, par. 42.
81- Première Décision Krnojelac, par. 58 ; Troisième Décision Krnojelac, par. 18.
82- Deuxième Décision Krnojelac, par. 33, 34 et 43 ; Troisième Décision Krnojelac, par. 18.
83- Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à la réponse du Procureur concernant la décision du 24 février 1999, 20 mai 1999, par. 18.
84- Conférence de mise en état, 17 novembre 2000, compte rendu d’audience, p. 28.
85- Voir les paragraphes 23 à 25 supra et le paragraphe 50 infra.
86- Voir l’article 66 du Règlement de procédure et de preuve.
87- Décision Martinovic, par. 17.
88- Deuxième Décision Krnojelac, par. 60. La Chambre d’appel a cité, en l’approuvant, le passage en question dans l’Arrêt Aleksovski, par. 171, note de bas de page 319, et dans l’Arrêt Celebici, par. 351.
89- Requête, p. 7 et 8.
90- Blockburger v United States 284 US 299 (1932), arrêt de la Cour suprême des États-Unis, dont il sera question plus loin.
91- Talic a également invoqué, dans sa Réplique, l’argument selon lequel le principe qui fonde l’article 10 du Statut du Tribunal («Non bis in idem») exclut également toute possibilité pour le Tribunal de rendre une double décision sur les mêmes faits (Réplique, par. II 2). La Chambre de première instance est d’accord lorsque l’Accusation affirme que ce principe ne concerne que les actions engagées successivement sous des inculpations différentes à raison des mêmes faits ou de faits qui sont sensiblement les mêmes et non l’action engagée sur la base de ces inculpations au cours du même procès (Duplique, par. 2). Les précédents ayant servi de fondement sont cités au paragraphe 36 ci-après. En tout état de cause, la Chambre de première instance est à présent liée par l’arrêt rendu par la Chambre d’appel dans l’affaire Celebici.
92- Requête, p. 15.
93- Réponse, par. 9 à 17.
94- Voir, par exemple, le Procureur c/ Tadic, Affaire n° IT-94-1-T, Décision relative à l’Exception préjudicielle de la Défense concernant la forme de l’acte d’accusation, 14 novembre 1995, par. 15 à 18 ; Le Procureur c/ Delalic, Affaire n° IT-96-21-T, Décision concernant l’Exception préjudicielle de l’accusé Delalic relative à des vices de forme de l’acte d’accusation, 2 octobre 1996, par. 24 ; Ibid, Décision relative à l’Exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation soulevée par l’accusé Hazim Delic, 15 novembre 1996, par. 22. La requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel a été refusée dans les deux cas suivants : Le Procureur c/Delalic, affaire n° IT-96-21-PT, Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel (vices de forme de l’acte d’accusation), 15 octobre 1996 ; Ibid, Décision relative à la requête aux fins d’interjeter appel déposée par Hazim Delic (vices de forme de l’acte d’accusation), 6 décembre 1996. Voir également Le Procureur c/ Blaškic, Affaire n° IT-95-14-PT, Décision sur l'exception préjudicielle soulevée par la défense aux fins de rejeter l'acte d'accusation pour vices de forme (imprécision /notification inadéquate des charges), 4 avril 1997, par. 32 ; Le Procureur c/Kupreškic, Affaire n° IT-95-16-PT, Décision relative aux contestations de l’acte d’accusation par la Défense pour vices de forme, 15 mai 1998, p. 3 ; Première Décision Krnojelac, par. 5.
95- Jugement Kupreškic, par. 719 ; Décision Martinovic, par. 9 ; Le Procureur c/ Krstic, Affaire n° IT-98-33-PT, Décision concernant l’Exception préjudicielle relative à un vice de forme de l’acte d’accusation, chefs 7 et 8, 28 janvier 2000 («Décision Krstic»), p. 6 et 7.
96- Jugement Kupreškic, par. 681, 682 et 693.
97- Ibid, par. 719.
98- 284 US 299 (1932), at 304.
99- Jugement Kupreškic, par. 720.
100- Ibid, par. 724 à 726.
101- Ibid, par. 727 (également souligné dans l’original).
102- North Carolina v Pearce, 395 US 711 (1969), at 717 : «La clause de «non bis in idem» protège contre une deuxième poursuite pour la même infraction après acquittement. Elle protège contre une deuxième poursuite pour la même infraction après le prononcé d’une condamnation. Enfin, elle protège contre le cumul de peines pour une même infraction.» ?traduction non officielleg Voir également Green v United States 355 US 184 (1957), p. 187 et 188 ; United States v Dixon 509 US 688 (1993), p. 696 et 704. Voir également la Première Décision Krnojelac, par. 9.
103- Abney v United States 431 US 651 (1977), at 660-662.
104- Ohio v Johnson 467 US 493 (1984), p. 500 : «Bien que la clause non bis in idem protège un accusé contre le cumul de peines prononcées pour des accusations relevant d’une même infraction, la clause n’interdit pas pour autant à l’État de poursuivre l’accusé à raison d’infractions multiples dans le cadre d’un procès unique.» ?traduction non officielleg
105- Voir la Décision Martinovic, par. 12. La Chambre de première instance reconnaît qu’il peut y avoir des exemples précis d’un cumul évident de qualifications alors qu’il n’y a aucune raison en l’espèce pour que l’Accusation ait à voir comment se présentent les éléments de preuve avant de retenir la qualification la plus appropriée. Il peut être excessif dans ce cas d’autoriser le cumul des qualifications.
106- Décision Krstic, p. 6 et 7.
107- Le Procureur c/ Tadic, Affaire n° IT-94-1-T, Décision concernant l’Exception préjudicielle de la Défense relative à la forme de l’acte d’accusation, 14 novembre 1995, par. 17.
108- Arrêt Celebici, par. 400 ; Opinion individuelle et dissidente du Juge Hunt et du Juge Bennouna, par. 12.
109- Requête, p. 14., qui se fonde sur l’affaire Le Procureur c/ Tadic (1995) I JR ICTY 353 («Arrêt Tadic relatif à la compétence»), p.443 à 445 (par. 79 et 81).
110- Requête, p. 14 et 15.
111- Ibid., p. 16.
112- Réponse, par. 20.
113- Ibid, par. 20 et 21. La Chambre d’appel a conclu que, pour ce qui est de la période visée dans l’affaire Tadic, les forces armées de ce que l’on appelle la Republika Srpska devaient être considérées comme agissant sous le contrôle global et au nom de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Il s’ensuit que le conflit armé en Bosnie-Herzégovine entre les serbes de Bosnie et les autorités centrales de Bosnie-Herzégovine doit être qualifié de conflit armé international. Arrêt Tadic relatif à la sentence, par. 162 et 167. 
114- Réplique, p. 5 et 6.
115- Arrêt Tadic relatif à la sentence, par. 167.
116- Mémorandum relatif à la Réponse du Procureur en date du 15 mai 2000, 16 mai 2000, par. 3 (déposé suite à la Requête de Talic aux fins de disqualification d’un Juge de la mise en état, 4 mai 2000).
117- Voir également l’Arrêt Aleksovski, par. 113 iii).
118- Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 79 à 84. Cette interprétation a été à nouveau invoquée dans l’arrêt relatif au jugement rendu ultérieurement dans l’affaire Tadic, aux paragraphes 80 à 83, et n’a pas été contestée par les parties de l’espèce.
119- Première Décision Krnojelac, par. 12 (voir également note de bas de page 19).
120- Troisième Décision Krnojelac, p. 22.
121- Arrêt Tadic relatif à la sentence, par. 162 et 167. C’est l’élément sur lequel s’est fondée la Chambre d’appel, bien que le critère juridique qu’elle a appliqué ne portait que sur le «contrôle général» (par. 137 et 145).
122- Une exception préjudicielle a bien été déposée concernant la forme de l’acte d’accusation, mais ce point n’y était pas soulevé. Le Procureur c/ Tadic (1995) I JR ICTY 293, Décision concernant l’exception préjudicielle de la Défense relative à la forme de l’acte d’accusation. Lors du dépôt et de la réception de ladite exception préjudicielle, la Chambre d’appel n’avait pas encore rendu son Arrêt Tadic relatif à la compétence, qui établissait la condition.
123- Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à la Réponse du Procureur concernant la Décision du 24 février 1999, 20 mai 1999, par. 7 et 8.
124- Paragraphe 8 supra. Voir également paragraphe 54 infra.
125- Conférence de mise en état, compte rendu d’audience en anglais, p. 262.