LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II
Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Liu Daqun
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
20 février 2001
LE PROCUREUR
C/
Radoslav BRÐANIN & Momir TALIC
__________________________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À lEXCEPTION PRÉJUDICIELLE SOULEVÉE PAR
MOMIR TALIC POUR VICES DE FORME DE LACTE
DACCUSATION MODIFIÉ
___________________________________________________________________________
Le Bureau du Procureur :
Mme Joanna Korner
M. Nicholas Koumjian
Mme Anna Richterova
Mme Ann Sutherland
Le Conseil de laccusé :
M. John Ackerman, pour Radoslav Brdanin
Mes Xavier de Roux et Michel Pitron, pour Momir Talic
1. La demande
1. Laccusé Momir Talic («Talic») a déposé une exception préjudicielle en conformité avec larticle 72 du Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement»)1, dans laquelle il prétend que la forme de lacte daccusation modifié est viciée2. Par cette Requête, Talic demande au Tribunal de bien vouloir juger que3 :
1) Les faits qui fondent les accusations portées contre lui sont présentés « sans indication des lieux, de la chronologie, de lidentité des auteurs et des victimes, ni des infractions invoquées»4.
2) Les actes qui lui sont reprochés dans lacte daccusation modifié ne lui sont pas imputables, notamment en ce que lon ignore sil les a commis ou fait commettre et sil les a connus ou aurait dû en avoir la connaissance.5
3) LAccusation ne peut, pour les mêmes faits, le poursuivre sur la base de qualifications juridiques différentes. Elle doit choisir lesquelles seront retenues pour la suite de la procédure.6
4) Le fait dinvoquer des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 (chefs 5, 7 et 10) nest pas pertinent au cas despèce dans la mesure où lacte daccusation modifié nindique nullement que les actes incriminés se sont produits dans le contexte dun conflit armé international.7
2. Lacte daccusation modifié
2. Lacte daccusation modifié allègue que8 :
i) En 1992, lAssemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine a adopté une déclaration de proclamation de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, entité rebaptisée par la suite «Republika Srpska».9
ii) De lavis des dirigeants politiques des Serbes de Bosnie, le principal problème posé par la création du territoire désigné comme serbe était la présence dans les zones revendiquées dune importante population musulmane et croate de Bosnie. Lun des aspects du plan de création dun nouveau territoire serbe était le départ définitif ou «nettoyage ethnique» de la quasi totalité de la population musulmane et croate de Bosnie.10
iii) À ces fins, les autorités serbes de Bosnie ont lancé et exécuté un programme daction comportant notamment :
a) la création de conditions de vie impossibles (en exerçant des pressions et en semant la terreur, notamment par des exécutions sommaires) afin dencourager les non-Serbes à quitter la région ;
b) lexpulsion et le refoulement de ceux qui répugnaient à partir ; et
c) la liquidation des non-Serbes restés dans la région et qui ne correspondaient pas à la conception quelles se faisaient de lÉtat serbe.11
iv) Entre avril et décembre 1992, des forces placées sous le contrôle des autorités serbes de Bosnie ont pris le contrôle des zones censées présenter un risque pour le succès du plan global de création dun État serbe à lintérieur de la Bosnie- Herzégovine. La prise de ces zones a marqué le début dune série dévénements dont le résultat sest soldé, fin 1992, par la mort de centaines de Musulmans et de Croates de Bosnie habitant ces régions et le départ forcé de milliers dautres.12 Ces événements constituent les crimes pour lesquels les deux accusés Radoslav Brdanin («Brdanin») et Talic - sont poursuivis conjointement en raison de lengagement de leur responsabilité individuelle et de leur responsabilité en tant que supérieurs hiérarchiques.
v) Les forces directement responsables des événements susmentionnés (dénommées collectivement «forces serbes» dans lacte daccusation) comprenaient des unités militaires, paramilitaires, de la Défense territoriale et de la police.13 Les autorités serbes de Bosnie sous le contrôle desquelles les forces serbes agissaient ne sont pas identifiées dans lacte daccusation autrement que par la référence aux deux coaccusés14. Ces autorités ont exercé leur pouvoir et leur contrôle sur :
a) les attaques dirigées contre les villages et les régions non serbes de la Région autonome de Krajina («RAK») ;
b) la destruction de villages et dédifices consacrés au culte ;
c) la rafle et la mise en détention des Musulmans et des Croates de Bosnie ;
d) la création et ladministration de camps de détention ;
e) le meurtre de Musulmans et de Croates de Bosnie et les sévices exercés contre des membres de ces mêmes populations ; et
f) lexpulsion ou le transfert par la force de Musulmans et de Croates de Bosnie hors de la zone désignée comme étant la RAK.
Les autorités serbes de Bosnie avaient également le pouvoir de donner des instructions à un organe identifié comme étant le «CSB régional» - qui semble être le Centre régional chargé de la sécurité publique et au Procureur de la République afin quils enquêtent sur toute personne soupçonnée davoir commis des crimes dans la zone de la RAK, quils procèdent à son arrestation et engagent des poursuites à son égard.15
vi) Brdanin était Président de la Cellule de crise de la RAK, lun des organes de coordination et dexécution de lessentiel de la phase opérationnelle du plan.16 En cette qualité, il occupait une fonction de direction au sein de la RAK et était chargé de la gestion des activités de la Cellule de crise, ainsi que de lexécution et de la coordination des décisions de ladite Cellule.17
vii) Talic était Commandant du 5e Corps/1er Corps de la Krajina, qui était déployé dans la RAK, à lintérieur ou à proximité de zones majoritairement peuplées de Musulmans et de Croates de Bosnie.18 Il avait le pouvoir de diriger et de contrôler les actions de toutes les forces affectées au 5e Corps/1er Corps de la Krajina ou basées dans la zone relevant de sa responsabilité . À ce titre, il approuvait à lavance tous les plans dengagement dunités et dattaque . Les troupes placées sous son commandement ont pris part aux agissements constitutifs des crimes pour lesquels la responsabilité des deux accusés est engagée.19 Toute activité ou action significative des forces placées sous le commandement ou le contrôle du 5e Corps/1er Corps de la Krajina était subordonnée à lapprobation ou au consentement de Talic, toutes les unités placées sous son commandement étaient tenues de faire rapport sur leurs activités et il avait le pouvoir de punir les membres de ces unités pour tout crime quils auraient commis.20 De plus, sagissant des attaques contre les zones musulmanes et croates de Bosnie de la RAK dans des municipalités comme Prijedor et Sanski Most, Talic avait le pouvoir de diriger et de contrôler les actions des forces de la TO, de la police et des groupes paramilitaires21 directement responsables des événements susmentionnés.22
viii) Talic était également membre de la Cellule de crise de la RAK.23 Brdanin et lui, en cette qualité, ont participé, individuellement ou de concert, aux opérations liées à la conduite des hostilités et à la destruction des communautés musulmane et croate de Bosnie dans la zone de la RAK. La Cellule de crise de la RAK a uvré collégialement à la coordination et à lexécution du plan général visant à la prise de contrôle et au «nettoyage ethnique» de la zone de la RAK. Après la dissolution de la Cellule de crise de la RAK, Brdanin et Talic ont poursuivi la mise en uvre de ce plan depuis les postes quils occupaient respectivement dans la hiérarchie du pouvoir serbe de Bosnie.24
3. Brdanin et Talic sont poursuivis sur la base de douze chefs daccusation :
a) génocide25 et complicité dans le génocide 26 ;
b) persécutions27, extermination28, expulsion29 et transferts par la force (actes inhumains)30, en tant que crimes contre lhumanité ;
c) torture, en tant que crime contre lhumanité31 et infraction grave aux Conventions de Genève32 ;
d) homicide intentionnel33 et destruction et appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire34, en tant quinfractions graves aux Conventions de Genève ; et
e) destruction sans motif de villes et de villages ou dévastations que ne justifient pas les exigences militaires35 et destruction ou endommagement délibéré dédifices consacrés à la religion36, en tant que violations des lois ou coutumes de la guerre.
3. Le sursis à statuer sur la Requête
4. La Requête a été déposée par Talic moins de six semaines après la présentation de lacte daccusation modifié37. Les parties ont ensuite présenté leurs arguments suivant la procédure habituelle la Requête faisant lobjet dune réponse de lAccusation38, elle-même suivie dune réplique de Talic39, laquelle a donné lieu à une duplique de lAccusation40. LAccusation ayant déclaré quelle avait décidé de ne pas citer à comparaître un certain nombre de témoins dont les déclarations faisaient partie des pièces justificatives jointes à lacte daccusation lors de la demande de confirmation41, Talic a déposé un «Mémorandum» dans lequel il exposait de nouveaux arguments concernant la validité de cet acte daccusation42. LAccusation na pas répondu audit Mémorandum.
5. La pratique habituelle de la Chambre de première instance en lespèce, sagissant dexceptions préjudicielles ou de toutes autres requêtes portant sur des questions de procédure, consiste à rendre sa décision aussitôt quelle est en mesure de le faire et que les autres affaires quelle est tenue dentendre le lui permettent. Cette pratique na pas été suivie dans le cas de la présente Requête. La raison en est que Talic demandait, entre autres, dans ladite Requête, que la Chambre de première instance juge quil était poursuivi de manière abusive sur la base de qualifications juridiques différentes sappliquant aux mêmes faits et que lAccusation devait choisir lesquelles seraient retenues pour la suite de la procédure.
6. À lappui de sa demande, Talic se fondait sur le jugement rendu au début de lannée dernière dans laffaire Le Procureur c/ Kuprekic43, jugement dans lequel la Chambre de première instance sétait penchée sur la question du cumul de qualifications et avait exprimé des opinions en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal. LAccusation a interjeté appel dudit jugement et laffaire est actuellement pendante devant la Chambre dappel. La question du cumul de qualifications a également été soulevée en juin dernier par deux des appelants dans lAppel Celebici44. Les arguments invoqués dans le cadre de cet appel englobaient plusieurs questions, notamment celles du cumul de qualifications et du cumul de déclarations de culpabilité. Il était entendu que lArrêt Celebici traiterait de ces questions de manière détaillée.
7. Si la Chambre de première instance avait rendu sa décision sur la Requête de Talic avant le prononcé de larrêt dans lAppel Celebici quelle décide de se conformer à la jurisprudence du Tribunal en matière de cumul de qualifications , de saligner sur les opinions exprimées dans le Jugement Kuprekic ou de se forger sa propre opinion à ce sujet la partie qui naurait pas obtenu gain de cause aurait nécessairement interjeté appel de ladite décision et il naurait de toute évidence pas été possible de trancher cette question avant que lArrêt Celebici ne soit rendu. La Chambre de première instance a par conséquent estimé que la procédure la plus rapide consistait à attendre que la Chambre dappel rende son arrêt dans lAppel Celebici. Le principe juridique fondant cet arrêt simposant à la Chambre de première instance45, un recours naurait donc pas été nécessaire.
8. La Chambre de première instance a attiré lattention de lAccusation à deux reprises , lors de conférences de mise en état, sur le manque apparent de précision de lacte daccusation modifié et lui a recommandé dentreprendre - avant que la décision sur la Requête ne soit rendue les modifications nécessaires pour rendre lacte daccusation modifié conforme aux principes examinés dans les décisions rendues précédemment par la Chambre de première instance dans laffaire Le Procureur c/ Krnojelac46. Ces principes sont examinés de nouveau aux parties 4 et 5 de la présente Décision. Vu le temps dont lAccusation disposait pour apporter lesdites modifications à compter du moment où elle avait reçu un avertissement aussi spécifique et dans lattente du prononcé de lArrêt Celebici, il lui a été signifié quelle bénéficierait dun délai très court , après que la présente Décision aura été rendue, pour déposer un nouvel acte daccusation modifié.47
4. La responsabilité présumée de laccusé
9. Lacte daccusation modifié affirme que larticle 7 1) du Statut du Tribunal engage la «responsabilité individuelle» de chacun des accusés pour les crimes qui lui sont reprochés dans lacte daccusation.48 La responsabilité pénale individuelle est ensuite définie selon les termes employés dans larticle 7) 1) :
La responsabilité pénale individuelle comporte notamment les faits de commettre, planifier, inciter à commettre, ordonner ou de toute autre manière aider et encourager à planifier, préparer ou exécuter tout crime visé aux articles 2, 3, 4 et 5 du Statut du Tribunal.
Lordre dans lequel les différents termes figurant dans larticle 7) 1) sont repris ici diffère de celui adopté dans larticle en question. Il est peut-être significatif que lAccusation ait choisi de placer le terme «commettre» en première position, et non en dernière position comme il apparaît dans le Statut.
10. Il nétait justifié de définir la responsabilité individuelle de manière aussi approfondie dans lacte daccusation que si lAccusation envisageait de se fonder sur chacune des différentes manières dont celle-ci était censée être engagée. Si tel nétait pas le cas, les éléments non pertinents de la définition susmentionnée nauraient pas dû être invoqués en raison de lambiguïté qui risquait de sensuivre , et lAccusation aurait dû préciser davantage son intention. Il a été souligné avec fermeté que le fait dinvoquer la responsabilité individuelle en mentionnant toutes les catégories visées à larticle 7) 1) est de nature à introduire une ambiguïté .49 La thèse de lAccusation ne saurait se fonder sur pareille ambiguïté.
11. Sagissant du présent acte daccusation, lAccusation semble soutenir que la responsabilité individuelle des accusés est engagée, non seulement parce quils ont aidé et encouragé de différentes manières la perpétration de crimes, mais également du fait quils ont perpétré eux-mêmes ces crimes, en ce sens quils ont personnellement commis les actes constitutifs des infractions incriminées, à savoir, entre autres , le meurtre de Musulmans et de Croates de Bosnie et lexercice de sévices contre des membres de ces mêmes populations. Telle est la signification du terme «commettre » au sens de larticle 7) 1)50. Les pouvoirs de Talic, tels quénoncés aux paragraphes 20 et 21 de lacte daccusation modifié51 ne sont pas décrits de manière à limiter sa responsabilité présumée, telle quinvoquée en des termes généraux au paragraphe 25 dudit acte52, comme le prétend lAccusation53. En employant ce type dargumentation, lAccusation sexpose aux critiques selon lesquelles elle a essayé de rendre ses allégations aussi larges et générales que possible, bien quelle ne dispose pas déléments de preuves à lappui de ces dernières, afin de pouvoir bénéficier de la découverte ultérieure éventuelle déléments de preuve sans avoir à modifier lacte daccusation54. En labsence déléments de preuve concernant le fait que les deux accusés ont personnellement commis un ou plusieurs des actes constitutifs des infractions incriminées, elle doit retirer toute référence à leur responsabilité individuelle sagissant de la «commission» de ces crimes.
12. Lacte daccusation modifié affirme également que parmi les autres manières dont la responsabilité individuelle de chacun des accusés est engagée figure notamment le fait davoir, de quelque manière que ce soit, aidé et encouragé la perpétration de ces crimes, tel que défini à larticle 7) 1), repris ci-dessus au paragraphe 9 de la présente Décision. Il est également reproché aux deux accusés davoir participé , en qualité de membres de la Cellule de crise de la RAK, «individuellement ou de concert, aux opérations liées à la conduite des hostilités et à la destruction des communautés musulmane et croate de Bosnie dans la zone de la RAK.»55 Lexpression «individuellement ou de concert» est utilisée à plusieurs reprises sagissant de différents chefs daccusation mis à la charge des deux accusés dans lacte daccusation modifié56. Dans le cadre de celui-ci, il semble que lAccusation ait entendu par cette expression que chacun des accusés avait agi individuellement et de concert avec lautre , mais lon aurait également pu interpréter ladite expression comme signifiant de concert avec dautres. Il est peut-être significatif que lacte daccusation conjoint précédent contre les deux accusés daté du 12 mars 1999 allègue que ces derniers ont agi «de concert avec dautres».57 Une telle ambiguïté ne saurait demeurer. Si lAccusation cherche à se fonder sur la responsabilité au titre de coauteur, qui consiste à agir de concert en participant à un but ou un dessein commun ou en participant à une entreprise criminelle commune , responsabilité dont la Chambre dappel a estimé quelle relève de larticle 7) 1)58, il convient alors de le préciser .
13. Enfin, lacte daccusation modifié affirme que chacun des accusés, alors quil disposait des pouvoirs énoncés aux paragraphes 19 à 2359, doit également être tenu pénalement responsable des actes commis par ses subordonnés en application de larticle 7) 3) du Statut.
5. La précision des allégations
14. Talic sest plaint que lacte daccusation modifié ne satisfait pas aux principes énoncés dans le Statut du Tribunal et son Règlement, tels quinterprétés dans la jurisprudence du Tribunal, lesquels exigent que lacte daccusation, quelle que soit la nature de la responsabilité alléguée, comporte toujours les informations relatives à lidentité de la victime, la place et la date de linfraction et les moyens par lesquels linfraction a été perpétrée60. Selon Talic, lacte daccusation est imprécis quant aux «auteurs directs» des crimes présumés, nétablit aucun lien entre lui et lesdits auteurs et nindique pas la nature de sa responsabilité sagissant de leurs actes61.
15. En outre, Talic soutient que, suite à lannonce de lAccusation selon laquelle elle nentendait pas citer à comparaître un certain nombre de personnes dont les témoignages avaient été versés à lappui de lacte daccusation lors de la demande de confirmation, lacte daccusation modifié est à présent dénué de validité ; il est suggéré que certains de ces témoignages constituaient les seuls éléments soumis au Juge de la confirmation, sagissant de plusieurs événements allégués62. Ainsi que nous lavons déjà mentionné, lAccusation na déposé aucune réponse concernant cet argument, lequel peut toutefois être rejeté. La Chambre de première instance a déjà indiqué quune fois lacte daccusation confirmé, lexistence ou non de preuves à lappui des accusations formulées dans lacte daccusation est une question quil revient à la Chambre de première instance de trancher à la clôture du procès ou (si la question est soulevée) à la clôture de la présentation des moyens de preuve de lAccusation63. La question de labsence déléments auparavant soumis au Juge de la confirmation nest pas pertinente sagissant de la forme de lacte daccusation.
16. En ce qui concerne les autres questions soulevées par Talic, lAccusation nie devoir, dans un acte daccusation, fournir les détails visés dans la Requête et affirme que ces détails relèvent dune demande de précisions64. Elle soppose aux décisions rendues dans le sens contraire par la présente Chambre de première instance au motif quelles étaient en contradiction avec celles des autres Chambres de première instance65. Ces deux arguments sont traités séparément dans la présente Décision66.
17. Cette Chambre de première instance naccepte pas largument selon lequel ses décisions sont en contradiction avec celles des autres Chambres de première instance . Elle nentend pas répéter dans la présente Décision ce qui a déjà été exposé dans les décisions précédentes (et pas uniquement celles de cette Chambre de première instance) sagissant de lexigence de précision des allégations, sauf dans les cas où elle devra traiter une question particulière soulevée en lespèce.
18. Notre point de départ en lespèce est la nécessité pour toute personne accusée dêtre informée «de la nature et des motifs de laccusation portée contre elle»67. La jurisprudence du Tribunal établit une distinction entre les faits matériels sur lesquels lAccusation sappuie (et qui doivent être exposés dans lacte daccusation ) et les moyens de preuve qui permettront détablir ces faits matériels (quil nest pas nécessaire dexposer dans lacte daccusation)68. La pertinence dun fait dépend à son tour de la nature de largumentation quentend soutenir lAccusation et dont laccusé doit être informé. La matérialité déléments tels que lidentité de la victime, les lieu et date des événements pour lesquels la responsabilité de laccusé est retenue, ainsi que la description des faits eux -mêmes, dépendent nécessairement du lien présumé de laccusé avec ces derniers69.
19. Dans une affaire fondée sur la responsabilité du supérieur hiérarchique, les éléments les plus déterminants sont dune part la relation entre laccusé et les auteurs des actes pour lesquels il est présumé responsable, et dautre part la conduite de laccusé qui permet détablir quil savait ou avait des raisons de savoir que les auteurs sapprêtaient à commettre ces actes, ou les avaient commis, et quil na pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que de tels actes ne soient commis ou en punir les auteurs70. Cependant, en ce qui concerne ces actes commis par des tierces personnes, bien que lAccusation soit toujours tenue de fournir tous les renseignements quelle est en mesure de donner, les faits dont il est question seront généralement exposés de façon moins précise, parce que le détail de ces actes (par qui et contre qui ils ont été commis) est souvent inconnu et parce que, souvent, les actes eux-mêmes ne peuvent pas véritablement être contestés71.
20. Lorsque cest la responsabilité individuelle qui est engagée, et que laccusé nest pas présumé avoir personnellement commis les actes dont il doit répondre cest à dire lorsque laccusé a avec les actes dautres personnes dont il est tenu responsable un lien plus étroit que lorsque cest sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique qui est engagée - là encore, ce qui revêt le plus dimportance , cest la conduite de laccusé, qui permettra peut-être de constater quil a planifié , incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces actes72. Toutefois, les faits matériels doivent être plus précis pour les actes commis par dautres personnes que pour une allégation de responsabilité en tant que supérieur hiérarchique. Il ne suffit pas que laccusé sache en loccurrence quelle ligne de conduite de sa part engagerait sa responsabilité, il doit également être informé de manière plus détaillée que dans le cas de la responsabilité du supérieur hiérarchique des actes dont il aura à répondre73, à condition, bien entendu, que lAccusation soit en mesure de fournir de telles précisions74. Mais le degré de précision requis pour de tels actes nest pas aussi élevé que dans le cas où laccusé est présumé avoir personnellement commis les actes en question75.
21. Une autre forme de responsabilité au titre de coauteur, au sens de larticle 7 1) du Statut, est celle qui consiste à agir de concert en participant à un but ou un dessein commun ou en participant à une entreprise criminelle commune, ainsi quil est mentionné plus haut76. Si tel est le type de responsabilité invoqué, laccusé doit se voir notifier dans lacte daccusation la nature ou lobjectif de lentreprise criminelle commune (ou son «essence»), le moment auquel ou la période pendant laquelle lentreprise est censée avoir existé, lidentité des participants à cette entreprise pour autant quelle soit connue ou du moins la catégorie à laquelle ils appartiennent en tant que groupe, et la nature de sa propre participation à cette entreprise77.
22. Lorsque la responsabilité individuelle de laccusé est invoquée et que celui -ci est censé avoir personnellement commis les actes allégués dans lacte daccusation, les faits matériels doivent être exposés de manière précise les informations invoquées en tant que faits matériels doivent, dans la mesure du possible , comprendre lidentité de la victime, le lieu où lacte allégué a été commis et sa date approximative, et les moyens mis en uvre pour commettre linfraction78. Dans les cas où lAccusation nest pas en mesure de se montrer plus précise, elle ne saurait être tenue à limpossible79. Lorsquil nest pas possible dindiquer une date précise, une fourchette raisonnable peut suffir80. Lorsque les victimes ne peuvent être spécifiquement identifiées, au moins convient-il dindiquer la catégorie à laquelle ils appartenaient ou leur situation en tant que groupe81. Si lAccusation est dans limpossibilité de préciser comme il convient de tels éléments , elle doit clairement le stipuler dans lacte daccusation, tout en indiquant quelle a fourni les renseignements les plus précis dont elle disposait82.
6. Mesures à prendre en cas de vice de forme de lacte daccusation
23. Il nest pas du ressort dune chambre de première instance de vérifier si la forme dun acte daccusation respecte les principes établis de présentation des arguments. La Chambre de première instance a, bien entendu, le droit de soulever doffice des questions relatives à la forme dun acte daccusation, mais si elle ne lexerce pas, elle attend quun grief précis soit formulé par laccusé avant de décider si lacte daccusation respecte ou non les principes de présentation des arguments83. Il sagit là dun fondement du système contradictoire que le Statut a adopté pour le Tribunal.
24. Les seuls griefs suffisamment précis formulés par Talic quant à la forme de lacte daccusation modifié en lespèce sont au nombre de deux :
1) quil a été, à tort, accusé cumulativement dun certain nombre dinfractions à raison des mêmes faits et
2) que les accusations alléguant de graves infractions des Conventions de Genève ne sont pas pertinentes dans la mesure où lacte daccusation nindique pas que les actes qui fondent les accusations ont eu lieu dans le cadre dun conflit armé international.
Ces deux griefs sont examinés dans les parties suivantes de la présente Décision .
25. Les autres griefs sont de nature très générale aucune véritable tentative na été faite pour identifier les allégations précises auxquelles ils se rattachent . La démarche de Talic est peut-être compréhensible étant donné labsence quasi totale de précision dans lacte daccusation modifié, mais cela naide pas la Chambre de première instance à formuler des ordonnances précises à lencontre de lAccusation au sujet des vices dont lacte daccusation est entaché. Cette difficulté a toutefois largement disparu lorsque le Premier Substitut du Procureur a admis, à juste titre, que les vices de lacte daccusation provenaient de sa méconnaissance des principes de présentation des arguments appliqués au sein du Tribunal et de sa conviction quil suffirait que lAccusation communique ultérieurement ces détails à la Défense sous forme dannexes84.
26. Maintenant que ce malentendu a été dissipé, il suffit, de lavis de la Chambre de première instance, denjoindre à lAccusation de déposer un nouvel acte daccusation modifié qui respecte réellement les principes de présentation des arguments qui ont été établis par le Tribunal et examinés dans laffaire Krnojelac. Bien que certains services du Bureau du Procureur donnent limpression que lAccusation a pour politique déviter de communiquer la véritable nature de sa thèse aussi longtemps que possible, la Chambre de première instance est sûre le Premier Substitut du Procureur ayant, à ce sujet, fourni des assurances à lAccusation lors des conférences de mise en état en question que cette fois, lacte respectera les principes de présentation des arguments. Étant donné que sauf imprévu la Chambre de première instance espère pouvoir ouvrir le procès en lespèce en mai ou en juin de cette année, il faut que la forme de lacte daccusation soit finalisée dès que possible sans autre litige. Si la Défense nest pas satisfaite de la façon dont l'Accusation a respecté les principes de présentation des arguments, la Chambre de première instance suggérera de déposer une nouvelle requête aux fins de rejet de la forme du nouvel acte daccusation modifié - à condition que la requête identifie avec précision les allégations auxquelles elle soppose85.
27. Il est toutefois nécessaire décarter la suggestion précédemment faite par lAccusation pour que le détail manquant dans lacte daccusation fasse lobjet dune requête aux fins de précision supplémentaire. Le droit dun accusé à solliciter davantage de précisions concernant une allégation figurant dans lacte daccusation ne prévaut pas sur un vice de forme de lacte daccusation. Lacte daccusation doit indiquer tous les faits matériels sur lesquels lAccusation se fonde pour établir les faits exposés. Si les pièces fournies par lAccusation préalablement au procès nidentifient pas suffisamment les éléments de preuve sur lesquels lAccusation se fonde pour établir les faits matériels86, alors alors seulement il convient de demander à la Chambre de première instance denjoindre à lAccusation de fournir des précisions (et encore seulement si lAccusation na pas répondu de façon satisfaisante à une requête aux fins de précision)87. La réponse de lAccusation selon laquelle les griefs formulés par Talic quant à la forme de lacte daccusation auraient dû faire lobjet dune requête aux fins de précision est rejetée.
28. Reste une dernière observation concernant la forme du nouvel acte daccusation modifié que lAccusation a pour ordre de déposer. La présente Chambre de première instance a déclaré quafin déviter toute ambiguïté, il est préférable que lacte daccusation indique précisément et expressément, pour chaque chef daccusation, la nature de la responsabilité alléguée88. À la façon dont lAccusation adoptera cette forme dargumentation préférée de la présente Chambre de première instance, on pourra juger de sa volonté de coopérer avec la Chambre en lespèce.
7. Le cumul de qualifications
29. Talic affirme que lacte daccusation ne respecte pas les principes du droit international selon lesquels :89
i) Il faut appliquer aux mêmes faits une seule qualification juridique
ii) lorsque lon se trouve en présence de deux infractions [ ] il convient de retenir lincrimination qui contient les éléments les plus spécifiques [ ] (principe, dit -il, qui découle de laffaire Blockburger)90, et
iii) le génocide est un acte criminel composé qui comprend les éléments de persécution , dextermination, dhomicide intentionnel, de torture, de déportation et de transfert forcé et, dès lors, un même fait ne peut être poursuivi sur la base de diverses qualifications isolées91.
30. Talic affirme cependant92 avoir été accusé, pour les mêmes faits, à la fois de :
a) génocide et/ou complicité dans le génocide (chefs 1 et 2) ;
b) non seulement de génocide sous les chefs 1 et 2, ce qui, daprès lui, équivaut à la qualification de crime grave contre lhumanité, mais également de persécution , en tant que crime contre lhumanité (chef 3) ;
c) non seulement de génocide sous les chefs 1 et 2, mais également dextermination , en tant que crime contre lhumanité (chef 4) et dhomicide intentionnel, en tant que violation grave des Conventions de Genève (chef 5) ;
d) non seulement de génocide sous les chefs 1 et 2, mais également de torture, en tant que crimes contre lhumanité (chef 6) et violation grave des Conventions de Genève (chef 7) ; et
e) à la fois de déportation (chef 8) et de transfert forcé, associé à un acte inhumain (chef 9), constituant chacun un crime contre lhumanité.
LAccusation répond que la jurisprudence du Tribunal permet le cumul de qualifications 93.
31. La question du cumul de qualifications soulève la préoccupation fondamentale quun accusé ne se voit infligé plus dune peine à raison dun même acte criminel . Il découle clairement de ce principe que la Chambre de première instance doit veiller à ce que la sentence prononcée ne le pénalise pas de manière cumulative pour diverses infractions relevant dun même acte. À plusieurs reprises dans le passé, la Chambre de première instance a rejeté, lors de lexamen de la forme de lacte daccusation, le grief selon lequel un tel cumul des infractions risque de conduire à un cumul des déclarations de culpabilité pour un même acte, affirmant que lexistence dun cumul des déclarations de culpabilité est une question à naborder quau moment de la fixation des peines94.
32. La Chambre de première instance admet toutefois que la «peine à ne pas prononcer plus dune fois» recouvre non seulement le cumul de sentences, mais également de déclarations de culpabilité. Un accusé ne peut être déclaré coupable de plus dune infraction relevant dun même acte si véritablement cet acte ne constitue pas plus dune infraction. Telle est la conclusion à laquelle est parvenue la Chambre de première instance dans certaines de ses décisions, avant lArrêt Celebici95.
33. Dans le Jugement Kuprekic, sur lequel Talic sappuie en partie, la Chambre de première instance a examiné un certain nombre de questions relatives au cumul de déclarations de culpabilité. Sagissant de la question de savoir si un même acte ou une même opération peut constituer deux ou plusieurs infractions aux termes du droit international et à quelles conditions, elle a décidé que les critères applicables sont les suivants :96
i) déterminer si chaque infraction ne comprend pas un élément que lautre nexige pas (cest à dire un élément unique ou matériellement distinct pour chaque infraction , le critère des «éléments différents») et
ii) même si tel nest pas le cas, déterminer si chaque infraction ne porte pas atteinte à des valeurs fort différentes.
Aux termes du Jugement Kuprekic, sil est répondu par laffirmative à lune ou lautre de ces questions, la Chambre de première instance est fondée à prononcer des verdicts de culpabilité à raison des deux infractions; mais si elle conclut à lexistence dune seule infraction distincte, elle ne doit se prononcer que sur linfraction la plus spéciale97. Le jugement sappuie sur les principes qui se dégagent de larrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis dans laffaire Blockburger v United States98 pour définir le critère des «éléments différents», quelle considère comme le plus important.
34. Lidentification des principes applicables pour déterminer si un acte ou une conduite uniques constitue plus dune infraction est un exercice complexe, que la Chambre dappel a entrepris dans le cadre de laffaire Celebici. Il est dès lors inutile, en lespèce, que la Chambre de première instance sattarde sur la question du cumul de déclarations de culpabilité en vue de régler la question qui est soulevée dans la requête et qui a trait au cumul de qualifications .
35. Dans le jugement Kuprekic, la question de savoir «dans quelles conditions lAccusation peut cumuler les qualifications pour le même acte ou la même opération »99 a été également soulevée, question qui revêt beaucoup dimportance dans la présente requête. La Chambre de première instance a relevé lexistence de deux considérations pertinentes en la matière et potentiellement conflictuelles : la nécessité de préserver le droit de laccusé, aux termes de larticle 21 4 a) du Statut, à être informé des charges retenues contre lui, et la nécessité pour le Procureur de se voir octroyer tous les pouvoirs lui permettant, dans les limites fixées par le Statut, daccomplir efficacement sa mission consistant à poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire. Laccusé a le droit d«avoir la possibilité de connaître les éléments constitutifs des infractions qui lui sont reprochées», mais dun autre côté, «laccomplissement efficace de cette mission passe par ladoption dun système souple, non tenu par des conditions formelles au plan de la présentation des conclusions figurant dans lacte daccusation»100. La Chambre de première instance a considéré que ces exigences avaient pour résultat que :101
a) LAccusation peut procéder à un cumul de charges, chaque fois quelle estime, à la lumière des critères évoqués plus haut, que les faits reprochés violent simultanément deux dispositions du Statut ou plus ;
b) elle devrait formuler des chefs daccusations subsidiaires plutôt que de les cumuler, chaque fois quun crime semble enfreindre plus dune disposition du Statut et ce, en fonction des éléments du crime quelle est en mesure de prouver .[ ];
c) elle devrait autant que possible sabstenir de cumuler un nombre excessif de charges pour les mêmes faits, lorsque lapplication des principes dégagés ci-dessus semble montrer que ces faits ne violent pas simultanément plusieurs dispositions du Statut.
36. La Chambre de première instance naccepte pas que les principes relatifs au cumul de qualifications énoncés dans le Jugement Kuprekic aient pour fondement cette jurisprudence. Laffaire Blockburger, sur laquelle le jugement sappuie, traite de la clause de «non bis in idem» du Cinquième Amendement , qui dispose ce qui suit :
[N]ul ne pourra être exposé deux fois pour le même crime au risque de perdre la vie ou dêtre molesté dans son corps [...].
Cette clause a toutefois été interprétée comme concernant que différentes poursuites successivement engagées à raison des mêmes faits et non des qualifications multiples dans le cadre dune même poursuite102. Par conséquent, même si linterdiction de non bis in idem protège un accusé même contre le «risque» dêtre déclaré coupable deux fois pour la même infraction , elle est néanmoins restrictive, dans la mesure où non seulement il est interdit de déclarer un accusé deux fois coupable pour la même infraction, mais encore de le poursuivre une deuxième fois à raison dune infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné103. La clause de non bis in idem a été expressément interprétée comme ninterdisant pas le cumul de qualifications dans le cadre dune même action104. Le Jugement Kuprekic nen a pas tenu compte.
37. Dans le cadre du droit international pour les droits de lhomme, le principe de non bis in idem sest également exprimé en termes donnant à penser quil nexclut pas le cumul de qualifications dans le cadre dune même action. Larticle 14 7) du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques dispose que :
Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison dune infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays.
Cette disposition définit clairement la protection contre un cumul de procès ou de peines à raison dinfractions pour lesquelles une personne «a déjà été condamnée ou acquittée par un jugement définitif». Elle vise principalement à empêcher quun accusé déjà condamné ou acquitté pour une infraction soit poursuivi une deuxième fois pour cette même infraction. Rien dans cette disposition nindique que, dans un acte daccusation concernant une même action, un accusé ne peut être inculpé de plus dune infraction pour la même série de faits.
38. Avec tout le respect quelle lui doit, la Chambre de première instance nest pas daccord avec le Jugement Kuprekic dans la mesure où il cherche à restreindre le droit de lAccusation à retenir contre un accusé plus dune infraction à raison dune même série de faits, à moins que les infractions cumulées ne soient retenues contre lui alternativement. Dans le cadre des activités du Tribunal, une telle restriction empêche injustement lAccusation daccomplir ses devoirs au nom de la communauté internationale. Il y a deux raisons précises pour lesquelles cette restriction ne devrait pas être imposée.
39. Tout dabord, dun point de vue pratique important, il nest pas raisonnable dattendre de lAccusation quelle fasse son choix parmi les qualifications avant même que lensemble des moyens de preuve nait été présenté. Il est impossible de savoir avec précision quelles sont les infractions parmi celles retenues contre laccusé que les moyens de preuve établiront, notamment pour ce qui est de la preuve des préalables qui diffèrent par exemple, lexistence dun conflit armé international pour les infractions visées à larticle 2 du Statut, un préalable qui ne sapplique pas aux infractions tombant sous le coup de larticle 3 du Statut. Le deuxième principe qui ressort du Jugement Kuprekic lAccusation devrait formuler des chefs daccusations subsidiaires «chaque fois quun crime semble enfreindre plus dune disposition du Statut et ce, en fonction des éléments du crime quelle est en mesure de prouver» - est difficile à appliquer dans la pratique étant donné quau moment de la rédaction de lacte daccusation, lAccusation nest pas véritablement en mesure de savoir quels sont les crimes quelle est «en mesure de prouver». Elle est également dans limpossibilité dévaluer, avant davoir rédigé lacte daccusation , laquelle des deux ou de plusieurs accusations à raison dune même série de faits savérera être la plus grave des accusations à la lumière des circonstances de lespèce et, donc, la plus susceptible de prévaloir, celle autour de laquelle les autres sarticuleraient en tant qualternatives. Le bien fondé de la thèse de lAccusation ne devrait pas être rendu tributaire de technicités relatives à la présentation des arguments, si bien que ce qui, à la lumière des moyens de preuve, savère être la qualification la plus grave échoue si ce qui savère être la qualification la moins grave a été déclaré comme prévalant sur une série de qualifications de substitution. Le fait de formuler des accusations subsidiaires ne réduira pas non plus la durée du procès, puisque lAccusation doit de toute façon apporter des moyens de preuve à lappui de toutes les qualifications (y compris celles formulées alternativement ). La Défense doit de toute façon les vérifier pour chacune des qualifications et , le cas échéant, apporter des éléments qui les réfutent.
40. Laccusé ne subit aucun préjudice immédiatement identifiable du fait de lautorisation du cumul des qualifications, les questions liées au cumul dinfractions étant réglées une fois lensemble des moyens présenté105, alors que pour lAccusation, les risques de préjudice du fait dune restriction desdites qualifications sont réels. Dun point de vue pratique, largument en faveur du cumul de qualifications est donc plus que convaincant.
41. Deuxièmement, les infractions visées par le Statut du Tribunal ne relèvent pas de catégories précises dactes bien définis (comme on peut en trouver dans les législations nationales), mais de larges ensembles dinfractions dont les éléments ne sont pas toujours clairement définis et qui nont peut-être pas encore été clarifiés dans la jurisprudence du Tribunal106. Bien que cette situation puisse changer dans les années à venir, il est pratiquement impossible pour lAccusation, à ce stade de lévolution de la jurisprudence du Tribunal , de déterminer demblée, comme le lui impose le Jugement Kuprekic, si des faits précis ne sont pas en véritable contradiction avec diverses dispositions du Statut. La Chambre de première instance naccorde pas à cette seconde raison la même importance quaux problèmes pratiques abordés plus haut.
42. La Chambre de première instance estime donc que le principe consistant à éviter le cumul de peines nexclut pas le cumul de qualifications à raison du même comportement . La Chambre de première instance est daccord avec ce qui a été dit dans le cadre du procès Tadic :107
[ ] ce que lon peut dire avec certitude cest que la peine ne peut pas être rendue tributaire de ce que les accusations relatives à des crimes provenant du même comportement sont formulées cumulativement ou alternativement. La peine sanctionne un comportement criminel prouvé et ne dépend pas de points techniques relatifs à la présentation des arguments.
Depuis lors, la Chambre dappel a rendu un arrêt dans laffaire Celebici, où elle affirme expressément et à lunanimité que le cumul de qualifications est autorisé108.
43. Lobjection de Talic quant à la forme de lacte daccusation de la présente espèce est donc rejetée.
8. La question de linternationalité du conflit
44. Lautre objection soulevée par Talic quant à la forme de lacte daccusation a trait à linclusion dallégations dinfraction grave aux Conventions de Genève , alors que lacte daccusation modifié nindique pas si les faits qui fondent les accusations ont eu lieu pendant un conflit armé international109. Aucun fait susceptible détablir lexistence dun conflit armé à caractère international en Bosnie-Herzégovine nest allégué110. Talic affirme donc que les allégations dinfractions graves des Conventions de Genève ne sont pas pertinentes au cas despèce111.
45. LAccusation affirme que les paragraphes 24, 25 et 27 de lacte daccusation modifié présentent suffisamment déléments pour établir les conditions préalables nécessaires aux allégations dinfractions graves aux Conventions de Genève112. Le paragraphe 24 stipule que :
Pendant toute la période couverte par le présent Acte daccusation, la République de Bosnie-Herzégovine a été le théâtre dun conflit armé et dune occupation partielle . Tous les actes ou omissions désignés ici comme des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, reconnues par larticle 2 du Statut du Tribunal international , se sont produits pendant ce conflit armé et cette occupation partielle.
Au paragraphe 25, il est allégué que chacun des deux accusés est individuellement responsable des crimes retenus contre lui dans lacte daccusation et le contenu de larticle 7 1) du Statut du Tribunal est cité. Le paragraphe 27 stipule que :
Durant toute la période couverte par le présent Acte daccusation, tous les accusés étaient tenus de respecter les lois et coutumes régissant la conduite des conflits armés, y compris les Conventions de Genève de 1949.
LAccusation constate quà cet égard, lacte daccusation modifié en lespèce présente la même forme que lacte daccusation dans laffaire Tadic, dans le cadre de laquelle la Chambre dappel a récemment conclu que le conflit armé avait un caractère international, décision qui lierait la Chambre de première instance saisie de la présente espèce113.
46. Dans sa réplique, Talic rejette la référence à lacte daccusation Tadic quil estime ne présenter aucun intérêt en lespèce, signale que le paragraphe 24 de lacte daccusation modifié en lespèce ne parle pas de conflit armé international et répète quaucun des faits présentés dans lacte daccusation nest de nature à établir linternationalité du conflit armé114. Dans un autre document déposé relativement à une autre demande (connexe) quil a soumise, Talic a ajouté que seul le ratio decidendi dune décision rendue par la Chambre dappel (cest-à-dire uniquement les questions de droit) lie les Chambres de première instance ; la question de linternationalité dun conflit armé (que la Chambre dappel elle-même qualifie de conclusion factuelle)115 doit donc être déterminée par la Chambre de première instance pour chaque affaire , à la lumière des moyens de preuve présentés pour chaque espèce116. La Chambre de première instance est daccord avec Talic quelle nest pas liée par les conclusions factuelles que la Chambre dappel a rendues dans lArrêt Tadic117.
47. Larticle 2 du Statut du Tribunal habilite le Tribunal à poursuivre «les personnes qui commettent ou donnent lordre de commettre des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949», que larticle définit comme étant «les actes ? g dirigés contre des personnes ou des biens protégés aux termes des dispositions de la Convention de Genève pertinente». La Chambre dappel a conclu quau stade actuel de lévolution du droit international, larticle 2 ne sapplique quaux infractions commises dans le cadre de conflits armés internationaux et que lexistence dun conflit armé international est à la fois un préalable de son applicabilité et un élément pertinent pour établir que les personnes contre lesquelles elles ont été commises étaient «protégées» aux termes de la Convention de Genève pertinente118.
48. Il est une règle fondamentale de la présentation des arguments qui veut que lacte daccusation identifie chacun des éléments factuels constitutifs des infractions retenues contre laccusé119. Cette exigence vaut aussi pour tout préalable juridique à lapplication de linfraction dans les circonstances de lespèce. Il ne sagit pas dun simple détail technique ; il est essentiel de respecter cette règle afin que laccusé connaisse la nature des accusations portées contre lui, comme lexige larticle 21 4 a) du Statut du Tribunal. Chacun de ces éléments factuels essentiels doit généralement être énoncé expressément, à moins que, dans certains cas, il suffise de lénoncer implicitement 120. Cette règle fondamentale de présentation des arguments nest toutefois pas respectée si lexistence du préalable nest quune simple supposition.
49. Lacte daccusation modifié nallègue pas, comme il le doit pour une infraction visée à larticle 2 du Statut, que le conflit armé durant lequel linfraction aurait été commise était international, pas plus quil ne présente suffisamment de faits susceptibles de fonder une telle conclusion. Les faits allégués aux paragraphes 24, 25 et 27 sont, à cet égard, insuffisants. Le caractère du conflit armé nest pas énoncé de façon implicite, il est tout simplement supposé. Lacte daccusation modifié ne donne pas non plus dindication quant à la base sur laquelle lAccusation se fondera pour affirmer que le conflit armé était de nature internationale. À lévidence , la base servant à telle affirmation est également un fait matériel, qui doit être présenté pour permettre à laccusé de connaître la nature des faits retenus contre lui.
50. Si, par exemple, lAccusation sappuie sur les éléments qui ont fondé la Chambre dappel, dans lArrêt Tadic, à conclure à linternationalité du conflit armé en lespèce, elle devra alléguer le fait matériel que les forces armées des Serbes de Bosnie agissaient, dans le conflit armé en lespèce, sous le contrôle général et au nom de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)121. Si les pièces fournies par lAccusation avant louverture du procès ne suffisent pas à identifier les éléments sur lesquels lAccusation se fonde pour établir ce fait matériel, et si une demande en ce sens a été adressée à lAccusation qui ny a pas répondu de façon satisfaisante, il conviendrait de saisir la Chambre de première instance dune requête aux fins denjoindre lAccusation dêtre plus circonstanciée dans cette allégation.
51. Lobjection soulevée par Talic quant à lacte daccusation est donc retenue. Ce qui ne veut pas dire que lacte daccusation dans Tadic est lui aussi entaché de vice. Laccusé dans cette affaire na émis aucun grief quant à labsence dune telle allégation122. La forme de lacte daccusation Tadic ne constitue donc pas un précédent pour la forme de lacte daccusation en lespèce.
52. Il nexiste pas, au sein du Tribunal, de pratique bien établie quant à la nature précise des mesures décidées lorsquest reconnu le bien fondé dune plainte déposée par un accusé pour vices de forme de lacte daccusation 123. Dans les cas urgents dont on a parlé ci-avant, la Chambre de première instance estime quil ne sert à rien de supprimer lallégation dinfraction grave des Conventions de Genève pour manque de pertinence ; mieux vaut tout simplement ordonner à lAccusation dalléguer le fait matériel que le conflit armé était de nature internationale et dexposer la base qui fonde cette affirmation. Si lAccusation ne répond pas dans les délais prescrits, la Chambre de première instance fera droit à une demande de la Défense en vue de supprimer lallégation dinfraction grave aux Conventions de Genève.
9. Délai de modification
53. Comme nous lavons dit précédemment124, lAccusation sait depuis le 17 novembre au moins quelle se verra enjointe de modifier lacte daccusation pour quil respecte les principes examinés dans le cadre des décisions précédemment prises par la Chambre de première instance dans laffaire Krnojelac. Elle sait également depuis le 2 février au moins quelle disposerait dun délai très court une fois la présente décision rendue pour déposer lacte modifié . Un délai de deux semaines a été suggéré125. À deux reprises, lAccusation a été priée de se mettre à loeuvre sans attendre la présente décision.
54. La Chambre de première instance est particulièrement préoccupée par le fait que tout autre retard dans la production dun acte daccusation conforme pourrait occasionner un retard inacceptable dans louverture du procès. En raison du nombre et de la longueur des affaires que la présente Chambre de première instance doit encore traiter, le procès en lespèce a déjà été retardé dans une mesure qui est , hélas, monnaie courante au Tribunal. Il est dès lors impératif pour elle de pouvoir démarrer la procédure dès quelle est prête à juger une affaire. Après tant davertissements , lAccusation ne peut prétendre subir un préjudice si elle se voit octroyer un délai très court après la présente Décision pour le dépôt dune nouvelle modification de lacte daccusation, en conformité avec les principes examinés dans les décisions Krnojelac. La question du cumul de qualifications, qui est à lorigine du retard de la présente Décision, consistait uniquement, du point de vue pratique, à savoir si les diverses infractions cumulées pouvaient être formulées sans restriction ou ne lêtre qualternativement. Cela na eu aucun effet, ou très peu, sur la reformulation de lacte daccusation.
10. Dispositif
55. À ces motifs, la Chambre de première instance statue comme suit :
i) Le grief de Momir Talic selon lequel il aurait été accusé de façon inacceptable dinfractions cumulées sur la base des mêmes faits est rejeté.
ii) Le grief de Momir Talic selon lequel, en labsence de toute allégation que les actes retenus contre lui ont eu lieu lors dun conflit armé international, les allégations dinfractions graves aux Conventions de Genève ne sont pas pertinentes est retenu .
iii) Le grief de Momir Talic selon lequel lacte daccusation modifié ne respecte pas les critères du Statut et du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal tels quinterprétés par la jurisprudence du Tribunal est retenu pour ce qui est du manque de précision dans la formulation des arguments, mais est rejeté aux autres titres.
iv) LAccusation doit déposer, le 13 mars 2001 au plus tard, un nouvel acte daccusation modifié qui :
a) respecte les principes de formulation des arguments tels quils sont énoncés aux parties 4 et 5 de la présente Décision, et
b) allègue le fait matériel selon lequel le conflit armé présente un caractère international et expose le fondement de son affirmation.
v) Au cas où surviendrait un problème imprévisible qui empêcherait lAccusation dexécuter le présent ordre dans les délais prescrits, une requête peut être soumise au Juge de la mise en état aux fins de prorogation de délai.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le 20 février 2001
La Haye (Pays-Bas)
(signé)
Juge David Hunt
Président de la Chambre de première instance
[Sceau du Tribunal]
1- Requête aux fins de rejet dacte
daccusation, 8 février 2000 (la «Requête»).
2- Lacte daccusation original a été modifié à la demande
de lAccusation afin dajouter des chefs daccusation sur la base de
nouveaux éléments de preuve : Réponse de lAccusation à la «Requête aux
fins de disjonction dinstances» déposée par le Conseil de laccusé Momir
Tali}, 21 octobre 1999, p. 2. La question de la nécessité détablir un acte
daccusation modifié avait déjà été soulevée en raison de la confusion liée à
lexpurgation de lacte daccusation original, sous scellés, à
lencontre des deux accusés en lespèce Radoslav Brdanin («Brdanin»)
et Tali} lequel mentionnait dautres accusés que ceux dont les noms ont été
divulgués à ce jour ; cette confusion est évoquée dans Le Procureur c/ Tali},
Décision de surseoir à statuer sur la Requête aux fins de disjonction dinstances,
4 novembre 1999, par. 4 à 12.
3- Requête, pp. 15 et 16.
4- Cette question est traitée dans la partie 5 de la présente Décision
(«La précision des allégations»). Pour des raisons pratiques, elle est abordée après
la partie consacrée à la responsabilité présumée de laccusé.
5- Voir partie 4 («La responsabilité présumée de laccusé»).
6- Voir partie 7 («Le cumul des qualifications»).
7- Voir partie 8 («La question de linternationalité du conflit»).
8- Le Conseil de Tali} craint que linterprétation donnée par la
Chambre de première instance aux allégations de lacte daccusation laisse
entendre que celle-ci considère comme établies ce qui ne sont que des
allégations : Demande dinterjeter appel contre la Décision du 9 mars 2000, 16
mars 2000, p. 4. La Chambre de première instance tient à préciser quelle ne
sintéresse ici quà la forme de lacte daccusation modifié, sans
se former la moindre opinion quant au fait de savoir si les allégations contenues dans
ledit acte daccusation seront établies.
9- Acte daccusation modifié, par. 6.
10- Ibid, par. 7.
11- Ibid, par. 8.
12- Ibid, par. 16.
13- Ibid, par. 16.
14- Ibid, par. 8.
15- Ibid, par. 22.
16- Ibid, par. 14 et 19. Les différentes Cellules de crise ont été
rebaptisées «Présidences de guerre», puis «Commissions de guerre», mais
lappellation «Cellules de crise» a continué à être utilisée couramment :
ibid, par. 15.
17- Ibid, par. 19.
18- Ibid, par. 11 et 20.
19- Ibid, par. 20.
20- Ibid, par. 20 et 21.
21- Ibid, par. 21.
22- Ibid, par. 16.
23- Ibid, par. 18.
24- Ibid, par. 23.
25- Chef 1, article 4 3) a) du Statut du Tribunal (le «Statut»).
26- Chef 2, article 4 3) e) du Statut.
27- Chef 3, article 5 h) du Statut.
28- Chef 4, article 5 b) du Statut.
29- Chef 8, article 5 d) du Statut.
30- Chef 9, article 5 i) du Statut.
31- Chef 6, article 5 f) du Statut.
32- Chef 7, article 2 b) du Statut.
33- Chef 5, article 2 a) du Statut.
34- Chef 10, article 2 d) du Statut.
35- Chef 11, article 3 b) du Statut.
36- Chef 12, article 3 d) du Statut.
37- Le délai prévu à larticle 72 du Règlement («au plus tard
trente jours après que le Procureur a communiqué à la défense toutes les pièces
jointes et déclarations visées à larticle 66 a) i)») na pas encore
expiré. Cela sexplique par la ligne de conduite adoptée par lAccusation, qui
sollicitait des mesures de protection en vertu desquelles lidentité de certains
témoins ne serait pas divulguée à laccusé à ce stade de la procédure :
Décision relative à la Requête de lAccusation aux fins de mesures de protection,
3 juillet 2000, par. 5 à 21.
38- Réponse du Procureur à la «Requête aux fins de rejet dacte
daccusation» déposée par le Conseil de laccusé Momir Tali}, 28 février
2000 (la «Réponse»).
39- Demande dautorisation de réplique et Réplique à la Réponse
du Procureur du 28 février 2000, 20 mars 2000 (la «Réplique»).
40- Réponse du Procureur conformément à lordonnance portant
calendrier du 27 mars 2000, 28 mars 2000 (la «Duplique»).
41- Cette question a été soulevée dans plusieurs requêtes de
lAccusation aux fins de mesures de protection : voir Deuxième Requête de
lAccusation aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins, 31
juillet 2000, par. 10 f) ; Quatrième Requête de lAccusation aux fins de mesures de
protection pour des victimes et des témoins, 21 septembre 2000, par. 10 d) ; Cinquième
Requête de lAccusation aux fins de mesures de protection pour des victimes et des
témoins, 10 octobre 2000.
42- Mémorandum, 11 octobre 2000.
43- Affaire no IT-95-16-T, 14 janvier 2000 («Jugement Kupreki}»).
44- Le Procureur c/ Delali}, affaire no IT-96-21-A («Appel Celebi}i»).
45- Le Procureur c/ Aleksovski, affaire no IT-95-14/1-A, Arrêt, 24 mars
2000 («Arrêt Aleksovski»), par. 113.
46- Affaire no IT-97-25-PT. Ces avertissements ont été signifiés le 17
novembre 2000 (Compte rendu daudience de la conférence de mise en état, pp. 220 à
222) et le 2 février 2001 (Ibid, p. 262).
47- Conférence de mise en état, 2 février 2001, compte rendu
daudience, p. 262.
48- Acte daccusation modifié, par. 25.
49- Le Procureur c/ Krnojelac, Décision relative à lexception
préjudicielle pour vices de forme de lacte daccusation modifié, 11 février
2000 («Deuxième Décision Krnojelac»), par. 60 ; Arrêt Aleksovski, par. 171, note de
bas de page 319, qui cite la Deuxième Décision Krnojelac ; Le Procureur c/ Delali},
affaire no IT-96-21-A, Arrêt, 20 février 2001 («Arrêt Celebi}i»), par. 351.
50- Le Procureur c/ Tadi}, affaire no IT-94-1-A, Arrêt, 15 juillet 1999
(«Arrêt Tadi} relatif au jugement»), par. 188.
51- Ceux-ci sont résumés au par. 2 vii) ci-dessus.
52- Voir infra, par. 9.
53- Réponse, par. 6.
54- Deuxième Décision Krnojelac, par. 23.
55- Acte daccusation modifié, par. 23.
56- Ibid, par. 31, 35, 39, 43 et 47.
57- Acte daccusation original rendu public, par. 39.
58- Arrêt Tadi} relatif au jugement, par. 185 à 229.
59- Les allégations contenues dans les paragraphes 19 à 23 de
lacte daccusation modifié sont résumées au par. 2 vi) à viii) ci-dessus.
60- Requête, p. 3 et 4 ; Réplique, p. 2 et 3.
61- Requête, p. 5 à 7 ; Réplique, p. 2 à 4.
62- Mémorandum, 11 octobre 2000, par. 3, 3 1) et 3 2).
63- Le Procureur c/ Brdanin, affaire no IT-99-36-PT, Décision relative
à la Requête aux fins de rejeter lacte daccusation, 5 octobre 1999, par. 15,
où il est fait référence aux requêtes soumises en application de
larticle 98 bis du Règlement («Demande dacquittement») qui font
valoir que les moyens de preuve présentés sont insuffisants.
64- Réponse, par. 7.
65- Conférence de mise en état, 17 novembre 2000, compte rendu
daudience, p. 218.
66- La question des précisions est abordée au paragraphe 27 ci-dessus.
67- Statut du Tribunal, article 21 4) a).
68- Le Procureur c/ Krnojelac, affaire no IT-97-25-PT, Décision relative
à lexception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de lacte
daccusation, 24 février 1999 («Première Décision Krnojelac»), par. 12 ; Le
Procureur c/ Doen & Kolundija, affaire no IT-98-8-PT, Décision relative
aux exceptions préjudicielles, 10 février 2000 («Décision Do{en»), par.
21 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 17 ; Le Procureur c/ Naletili} &
Martinovi}, affaire no IT-98-34-PT, Décision relative à lopposition de Vinko
Martinovi} à lacte daccusation, 15 février 2000 («Décision Martinovi}»),
par. 17 et 18 ; Le Procureur c/ Furundija, affaire no IT-95-17/1-A, Arrêt, 21
juillet 2000, par. 153 ; Le Procureur c/ Kraji{nik, affaire no IT-00-39-PT, Décision
relative à lexception préjudicielle du défendeur fondée sur des vices de forme
de lacte daccusation, 1er août 2000 («Décision Kraji{nik»), par. 8
(Lautorisation dinterjeter appel a été refusée au motif que la Chambre de
première instance navait pas abusé de son pouvoir discrétionnaire : Le
Procureur c/ Kraji{nik, affaire no IT-00-39-AR72, Décision relative à la demande
dautorisation dinterjeter appel de la décision de la Chambre de première
instance relative à lexception préjudicielle fondée sur des vices de forme de
lacte daccusation, 13 septembre 2000, p. 3).
69- Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Krajinik,
par. 9.
70- Statut du Tribunal, article 7) 3).
71- Le Procureur c/ Kvocka, affaire no IT-99-30-PT, Décision relative
aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de lacte
daccusation, 12 avril 1999 («Décision Kvocka»), par. 17 ; Deuxième
Décision Krnojelac, par. 18 A) ; Décision Krajinik, par. 9.
72- Statut, article 7 1).
73- Première Décision Krnojelac, par. 38.
74- Ibid, par. 40.
75- Décision Kvocka, par. 17 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 18
B).
76- Voir infra, paragraphe 12.
77- Le Procureur c/ Krnojelac, Décision relative à la forme du
deuxième acte daccusation modifié, 11 mai 2000 («Troisième Décision
Krnojelac»), par. 16.
78- Statut du Tribunal, articles 18 4), 21 4) a) et 21 4) b), et article
47 C) du Règlement ; Le Procureur c/ Tadi}, Recueil judiciaire du TPIY 1995, tome I, p.
300, Décision sur lexception préjudicielle de la Défense relative à la forme de
lacte daccusation, par. 12 ; Le Procureur c/ Bla{ki}, affaire no IT-95-14-PT,
Décision sur lexception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de
rejeter lacte daccusation pour vices de forme, 4 avril 1997, par. 20 ;
Première Décision Krnojelac, par. 12 ; Décision Do{en, par. 8 ; Deuxième
Décision Krnojelac, par. 18 C) et 21. Les conclusions énoncées au par. 17 de la
Décision Kvo~ka sont compatibles avec les obligations existantes en matière de
précision de lacte daccusation, lesquelles varient en fonction du lien de
laccusé avec les actes visés, ainsi quil a été affirmé dans les
décisions Krnojelac.
79- Première Décision Krnojelac, par. 40 ; Deuxième Décision
Krnojelac, par. 57.
80- Première Décision Krnojelac, par. 42.
81- Première Décision Krnojelac, par. 58 ; Troisième Décision
Krnojelac, par. 18.
82- Deuxième Décision Krnojelac, par. 33, 34 et 43 ; Troisième
Décision Krnojelac, par. 18.
83- Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire n° IT-97-25-PT, Décision
relative à la réponse du Procureur concernant la décision du 24 février 1999, 20 mai
1999, par. 18.
84- Conférence de mise en état, 17 novembre 2000, compte rendu
daudience, p. 28.
85- Voir les paragraphes 23 à 25 supra et le paragraphe 50 infra.
86- Voir larticle 66 du Règlement de procédure et de preuve.
87- Décision Martinovic, par. 17.
88- Deuxième Décision Krnojelac, par. 60. La Chambre dappel a
cité, en lapprouvant, le passage en question dans lArrêt Aleksovski, par.
171, note de bas de page 319, et dans lArrêt Celebici, par. 351.
89- Requête, p. 7 et 8.
90- Blockburger v United States 284 US 299 (1932), arrêt de la Cour
suprême des États-Unis, dont il sera question plus loin.
91- Talic a également invoqué, dans sa Réplique, largument selon
lequel le principe qui fonde larticle 10 du Statut du Tribunal («Non bis in idem»)
exclut également toute possibilité pour le Tribunal de rendre une double décision sur
les mêmes faits (Réplique, par. II 2). La Chambre de première instance est
daccord lorsque lAccusation affirme que ce principe ne concerne que les
actions engagées successivement sous des inculpations différentes à raison des mêmes
faits ou de faits qui sont sensiblement les mêmes et non laction engagée sur la
base de ces inculpations au cours du même procès (Duplique, par. 2). Les précédents
ayant servi de fondement sont cités au paragraphe 36 ci-après. En tout état de cause,
la Chambre de première instance est à présent liée par larrêt rendu par la
Chambre dappel dans laffaire Celebici.
92- Requête, p. 15.
93- Réponse, par. 9 à 17.
94- Voir, par exemple, le Procureur c/ Tadic, Affaire n° IT-94-1-T,
Décision relative à lException préjudicielle de la Défense concernant la forme
de lacte daccusation, 14 novembre 1995, par. 15 à 18 ; Le Procureur c/
Delalic, Affaire n° IT-96-21-T, Décision concernant lException préjudicielle de
laccusé Delalic relative à des vices de forme de lacte daccusation, 2
octobre 1996, par. 24 ; Ibid, Décision relative à lException préjudicielle
fondée sur des vices de forme de lacte daccusation soulevée par
laccusé Hazim Delic, 15 novembre 1996, par. 22. La requête aux fins
dautorisation dinterjeter appel a été refusée dans les deux cas
suivants : Le Procureur c/Delalic, affaire n° IT-96-21-PT, Décision relative à la
demande dautorisation dinterjeter appel (vices de forme de lacte
daccusation), 15 octobre 1996 ; Ibid, Décision relative à la requête aux
fins dinterjeter appel déposée par Hazim Delic (vices de forme de lacte
daccusation), 6 décembre 1996. Voir également Le Procureur c/ Blakic,
Affaire n° IT-95-14-PT, Décision sur l'exception préjudicielle soulevée par la
défense aux fins de rejeter l'acte d'accusation pour vices de forme (imprécision
/notification inadéquate des charges), 4 avril 1997, par. 32 ; Le Procureur
c/Kuprekic, Affaire n° IT-95-16-PT, Décision relative aux contestations de
lacte daccusation par la Défense pour vices de forme, 15 mai 1998, p.
3 ; Première Décision Krnojelac, par. 5.
95- Jugement Kuprekic, par. 719 ; Décision Martinovic, par.
9 ; Le Procureur c/ Krstic, Affaire n° IT-98-33-PT, Décision concernant
lException préjudicielle relative à un vice de forme de lacte
daccusation, chefs 7 et 8, 28 janvier 2000 («Décision Krstic»), p. 6 et 7.
96- Jugement Kuprekic, par. 681, 682 et 693.
97- Ibid, par. 719.
98- 284 US 299 (1932), at 304.
99- Jugement Kuprekic, par. 720.
100- Ibid, par. 724 à 726.
101- Ibid, par. 727 (également souligné dans loriginal).
102- North Carolina v Pearce, 395 US 711 (1969), at 717 : «La
clause de «non bis in idem» protège contre une deuxième poursuite pour la même
infraction après acquittement. Elle protège contre une deuxième poursuite pour la même
infraction après le prononcé dune condamnation. Enfin, elle protège contre le
cumul de peines pour une même infraction.» ?traduction non officielleg Voir également
Green v United States 355 US 184 (1957), p. 187 et 188 ; United States v Dixon 509 US
688 (1993), p. 696 et 704. Voir également la Première Décision Krnojelac, par. 9.
103- Abney v United States 431 US 651 (1977), at 660-662.
104- Ohio v Johnson 467 US 493 (1984), p. 500 : «Bien que la
clause non bis in idem protège un accusé contre le cumul de peines prononcées pour des
accusations relevant dune même infraction, la clause ninterdit pas pour
autant à lÉtat de poursuivre laccusé à raison dinfractions multiples
dans le cadre dun procès unique.» ?traduction non officielleg
105- Voir la Décision Martinovic, par. 12. La Chambre de première
instance reconnaît quil peut y avoir des exemples précis dun cumul évident
de qualifications alors quil ny a aucune raison en lespèce pour que
lAccusation ait à voir comment se présentent les éléments de preuve avant de
retenir la qualification la plus appropriée. Il peut être excessif dans ce cas
dautoriser le cumul des qualifications.
106- Décision Krstic, p. 6 et 7.
107- Le Procureur c/ Tadic, Affaire n° IT-94-1-T, Décision concernant
lException préjudicielle de la Défense relative à la forme de lacte
daccusation, 14 novembre 1995, par. 17.
108- Arrêt Celebici, par. 400 ; Opinion individuelle et dissidente
du Juge Hunt et du Juge Bennouna, par. 12.
109- Requête, p. 14., qui se fonde sur laffaire Le Procureur c/
Tadic (1995) I JR ICTY 353 («Arrêt Tadic relatif à la compétence»), p.443 à 445
(par. 79 et 81).
110- Requête, p. 14 et 15.
111- Ibid., p. 16.
112- Réponse, par. 20.
113- Ibid, par. 20 et 21. La Chambre dappel a conclu que, pour ce
qui est de la période visée dans laffaire Tadic, les forces armées de ce que
lon appelle la Republika Srpska devaient être considérées comme agissant sous le
contrôle global et au nom de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro). Il sensuit que le conflit armé en Bosnie-Herzégovine entre les
serbes de Bosnie et les autorités centrales de Bosnie-Herzégovine doit être qualifié
de conflit armé international. Arrêt Tadic relatif à la sentence, par. 162 et
167.
114- Réplique, p. 5 et 6.
115- Arrêt Tadic relatif à la sentence, par. 167.
116- Mémorandum relatif à la Réponse du Procureur en date du 15 mai
2000, 16 mai 2000, par. 3 (déposé suite à la Requête de Talic aux fins de
disqualification dun Juge de la mise en état, 4 mai 2000).
117- Voir également lArrêt Aleksovski, par. 113 iii).
118- Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 79 à 84. Cette
interprétation a été à nouveau invoquée dans larrêt relatif au jugement rendu
ultérieurement dans laffaire Tadic, aux paragraphes 80 à 83, et na pas été
contestée par les parties de lespèce.
119- Première Décision Krnojelac, par. 12 (voir également note de bas
de page 19).
120- Troisième Décision Krnojelac, p. 22.
121- Arrêt Tadic relatif à la sentence, par. 162 et 167. Cest
lélément sur lequel sest fondée la Chambre dappel, bien que le
critère juridique quelle a appliqué ne portait que sur le «contrôle général»
(par. 137 et 145).
122- Une exception préjudicielle a bien été déposée concernant la
forme de lacte daccusation, mais ce point ny était pas soulevé. Le
Procureur c/ Tadic (1995) I JR ICTY 293, Décision concernant lexception
préjudicielle de la Défense relative à la forme de lacte daccusation. Lors
du dépôt et de la réception de ladite exception préjudicielle, la Chambre dappel
navait pas encore rendu son Arrêt Tadic relatif à la compétence, qui établissait
la condition.
123- Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire n° IT-97-25-PT, Décision
relative à la Réponse du Procureur concernant la Décision du 24 février 1999, 20 mai
1999, par. 7 et 8.
124- Paragraphe 8 supra. Voir également paragraphe 54 infra.
125- Conférence de mise en état, compte rendu daudience en
anglais, p. 262.