LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge David Hunt, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Liu Daqun

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
28 mars 2001

LE PROCUREUR

C/

Radoslav BRDANIN et Momir TALIC

_____________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE MOMIR TALIC
AUX FINS DE MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE

_____________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Joanna Korner
M. Nicolas Koumjian
M. Andrew Cayley
Mme Anna Richterova
Mme Ann Sutherland

Le Conseil de la Défense :

M. John Ackerman, pour Radoslav Brdjanin
Maître Xavier de Roux et Maître Michel Pitron, pour Momir Talic

1. Introduction

1. En application de l’article 65 du Règlement de procédure et de preuve («le Règlement »), l’accusé Momir Talic («Talic») sollicite sa mise en liberté provisoire dans l’attente de son procès1. L’Accusation s’oppose à la demande2. Talic a fait appel à un témoin pour appuyer sa requête et a demandé la tenue d’une audience3. Une audience a eu lieu, comme il a été demandé4.

2. Talic est accusé, conjointement avec Radoslav Brdanin («Brdanin»), d’un certain nombre de crimes qu’il aurait commis dans la région de Bosnie-Herzégovine connue sous le nom de Republika Srpska. Ces crimes peuvent se regrouper comme suit :

i) génocide5 et complicité de génocide 6,

ii) persécution7, extermination8, déportation9 et transfert forcé (ayant le caractère d’actes inhumains)10, constituant des crimes contre l’humanité,

iii) torture, constituant tout à la fois un crime contre l’humanité11 et une infraction grave aux Conventions de Genève12,

iv) homicide intentionnel13 et destruction et appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire14, constituant des infractions graves aux Conventions de Genève, et

v) destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires15 et la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion16, en tant que violations des lois et coutumes de la guerre.

Chaque accusé est présumé responsable de ces crimes individuellement et en tant que supérieur hiérarchique.

3. Les deux accusés auraient été associés dans un plan visant au «nettoyage ethnique » du nouveau Territoire serbe qu’il était question de créer en Bosnie-Herzégovine (le territoire connu maintenant sous le nom de Republika Srpska) par l’expulsion de pratiquement toutes les populations musulmanes et croates de Bosnie de toutes les zones revendiquées pour ce territoire17. Ils sont présumés responsables de la mort d’un nombre élevé de Musulmans et de Croates de Bosnie dans la région autonome de Krajina («RAK»), et du départ forcé d’une grande partie des populations musulmanes et croates de Bosnie de cette région, entre le 1er avril et le 31 décembre 199218. Talic aurait été chef du 5e Corps/1er Corps d’armée de la Krajina et responsable de la mise en oeuvre de la politique d’intégration de la RAK dans l’État serbe19.

4. Même si l’acte d’accusation actuel met en cause Talic pour crimes sur la base de l’article 7.1 du Statut du Tribunal, l’Accusation admet n’avoir aucune preuve qu’il les a matériellement commis20. Il est présumé individuellement responsable21 des crimes en question pour avoir de diverses façons aidé et encouragé ceux qui les ont personnellement perpétrés22, ou participé à leur entreprise criminelle, dans le but commun d’expulser la majorité des habitants musulmans de Bosnie et croates de Bosnie du territoire de l’État serbe prévu 23. Il est présumé responsable en tant que supérieur hiérarchique24 pour avoir su, ou avoir eu des raisons de savoir, soit que les forces sous ses ordres étaient sur le point de commettre lesdits crimes et ne pas les en avoir empêchés , soit qu’elles les avaient commis mais ne pas les avoir sanctionnées25. Ces allégations sont davantage détaillées dans des décisions antérieurement prises en l’espèce26.

5. Talic a été arrêté le 25 août 1999. Il a demandé par deux fois en vain sa mise en liberté en faisant valoir que sa détention était illégale27. Aucune de ces demandes ne tendait à une mise en liberté provisoire conformément à l’article 65 B) et leur rejet a donc été ignoré aux fins de la présente décision .

2. La disposition pertinente

6. L’article 65 A) du Règlement stipule qu’un accusé ne peut être mis en liberté que sur ordonnance d’une Chambre. L’article 65 B) dispose que :

La mise en liberté provisoire ne peut être ordonnée par la Chambre de première instance qu’après avoir entendu le pays hôte, et pour autant qu’elle ait la certitude que l’accusé comparaîtra et, s’il est libéré, ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne.

Le pays hôte a été entendu.

3. Les pièces présentées par les parties

7. Talic a déposé, en même temps que sa Requête, un document signé intitulé «Promesse et garanties», dans lequel il s’engage (pour autant que cela soit encore utile), en cas de mise en liberté provisoire, à demeurer dans les limites de la municipalité de Banja Luka, à remettre son passeport à l’Équipe internationale de police («EIP ») à Banja Luka, à se présenter une fois par jour au Centre de sécurité publique à Banja Luka, à permettre à l’EIP de contrôler sa présence auprès du poste de police local et à procéder à des visites inopinées (pour vérifier où il se trouve), et à ne contacter aucune des autres personnes mises en cause dans l’acte d’accusation , à n’inquiéter et à ne contacter, en aucune manière, aucune personne susceptible d’être témoin en l’espèce, et à ne pas discuter de l’affaire avec une personne autre que son Conseil. Talic s’engage également à observer strictement toute ordonnance qui modifierait les conditions de sa mise en liberté provisoire ou y mettrait fin .

8. La Requête affirme que Talic

[...] propose de déposer une caution, dont le montant sera déterminé par le Tribunal , aux fins d’assurer celui-ci de sa présence au procès et de la protection d’autrui .28

Le document signé par Talic n’y fait aucune allusion, mais la Chambre de première instance accepte le dépôt d’une telle caution si c’est là une des conditions mises à sa mise en liberté provisoire.

9. Talic a également déposé, en annexe à sa Requête, un document intitulé «Garanties du Gouvernement de la Republika Srpska», signé par Milorad Dodik en sa qualité de Premier Ministre, aux termes duquel le Gouvernement garantit :

[...] que le Centre de sécurité publique à Banja Luka veillera à ce que l’accusé se présente quotidiennement au poste de police, tiendra un registre et déposera un rapport mensuel confirmant le respect des obligations de la part de l’accusé et informera immédiatement le Tribunal pénal international du manquement* de l’absence de l’accusé […et] que l’accusé sera immédiatement arrêté s’il essaye de s’enfuir ou d’enfreindre l’une de ses obligations telles qu’elles seront notifiées à la Bosnie -Herzégovine par le Tribunal international et en informer le Tribunal afin que celui -ci puisse préparer son transfert au Tribunal.

10. Cette garantie a été signée par M. Dodik le 10 novembre 2000, à la veille des élections en Bosnie qui ont coûté son poste à ce dernier. À l’Accusation qui se demandait dans ses conclusions quel serait pour les gouvernements à venir le poids d’une garantie donnée par le Premier ministre Dodik29, Talic a répondu qu’un État reste lié par ses engagements internationaux, même après un changement de gouvernement30. Talic a par la suite déposé deux autres documents, chacun intitulé «Conclusion», signés par l’actuel Premier Ministre de Republika Srpska (Mladen Ivanic), et revêtu du sceau du Gouvernement. Dans un des documents, le nouveau Gouvernement a «pris la position et accepte les garanties relatives à Momir Talic» qui ont été données dans le document antérieur31, et dans l’autre , le Gouvernement dit avoir confirmé «les garanties relatives au général Momir Talic , données auparavant».

11. Talic a également cité M. Perica Bundalo, Ministre actuel de l’intérieur de la Republika Srpska, à comparaître en qualité de témoin.

12. Dans sa déclaration32, M. Bundalo a attesté que le Gouvernement de Republika Srpska «et ses organes» avaient la capacité d’honorer les garanties données et de veiller à la comparution de Talic devant le Tribunal. Il a ajouté que les organes avaient les moyens de surveiller les allers et venues et les activités de Talic. Le Ministère de M. Bundalo, dont relève la police, est prêt à charger une patrouille de police de suivre Talic jour et nuit et de l’empêcher ainsi de fuir ou de prendre des contacts illégaux. Il était prêt à garantir aux témoins une protection «appropriée» si leurs noms lui étaient communiqués . Il sera chaque jour fait rapport à M. Bundalo afin de garantir que la Republika Srpska s’acquitte bien de ses obligations envers le Tribunal.

13. Lors de son témoignage, M. Bundalo a confirmé ce qu’il avait dit dans sa déclaration . Il a déclaré que ses collègues au Ministère l’avaient assuré qu’il y avait le personnel nécessaire - spécialement formé à la surveillance et sécurité33  - et les conditions techniques pour honorer les garanties34. Il a admis que les services de renseignement de la Republika Srpska ne relevaient pas de son Ministère, qu’ils n’avaient à répondre de leurs actes que devant le Président de la Republika Srpska et, dans une moindre mesure, devant le Premier Ministre35. Il a témoigné du grand respect dont Talic jouit auprès de la population et de l’armée 36.

14. Lors du contre-interrogatoire, M. Bundalo a déclaré que son gouvernement n’accepterait que les obligations souscrites par le Gouvernement de M. Dodik qu’il estimait devoir accepter dans chaque cas particulier37. Il a admis que la question de la coopération de son Gouvernement avec le Tribunal était un défi et une question délicate38  ; il a reconnu que c’était une question sensible pour son Gouvernement39. Il a déclaré que son Gouvernement, n’ayant été élu que le 12 janvier, n’était pas à même de prendre des mesures pour arrêter quiconque faisait l’objet d’un acte d’accusation du Tribunal40 - ils n’avaient pas encore eu le temps de discuter des arrestations41. Interrogé sur les efforts faits pour arrêter Radovan Karad‘ic (ancien Premier Ministre de la Republika Sprska, dont l’acte d’accusation a été rendu public en 1995)42, M. Bundalo a répondu qu’il «connaissait ce nom», mais ignorait où Karad‘ic vivait 43. Il s’est toutefois déclaré personnellement convaincu de ce que son Gouvernement envisagerait la question de la coopération avec le Tribunal autrement que le Gouvernement précédent44.

15. Enfin, Talic affirme avoir été placé, avec l’assentiment des instances dirigeantes des Nations Unies et de l’OTAN, à la tête des forces armées de la Republika Srpska pour accomplir une mission de paix, s’être rendu plusieurs fois au siège de l’OTAN , à Bruxelles, et avoir assisté, lors de son arrestation, à une réunion de l’OSCE à Vienne, à laquelle il avait été expressément convié par les instances militaires des Nations Unies45.

4. Les arguments des parties, analyse et conclusions

16. Talic fait valoir que la présomption d’innocence jouant en sa faveur46, le Statut et le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, en faisant de la détention la règle et non pas l’exception, vont à l’encontre des normes internationales pertinentes47, qu’il a répertoriées dans sa Requête48. L’objet de telles normes, affirme Talic, est d’imposer la mise en liberté provisoire à partir du moment où le maintien en détention cesse d’être raisonnable49.

17. La Chambre de première instance n’accepte pas que le Statut et le Règlement du Tribunal fassent de la détention la règle et non pas l’exception. Le Règlement imposait auparavant à quiconque sollicitait sa mise en liberté provisoire d’établir , en plus des conditions posées actuellement par l’article 65, l’existence de «circonstances exceptionnelles» pour qu’il soit fait droit à sa requête. C’est là une exigence qui a été supprimée en décembre 1999. Toutefois, comme le requérant reste tenu de convaincre la Chambre de première instance - selon les termes de l’article 65 B)  - qu’il «comparaîtra et, s’il est libéré, ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne», on ne saurait dire que la mise en liberté provisoire constitue à présent la règle et non l’exception. Les circonstances particulières de chaque affaire doivent être examinées à la lumière des dispositions actuelles de l’article 6550.

18. Si le requérant se voit imposer la lourde charge d’en rapporter la preuve, c’est parce que le Tribunal n’a pas le pouvoir d’exécuter ses propres mandats d’arrêt  ; si une personne libérée ne se présente pas à son procès ou fait pression sur un témoin, le Tribunal doit s’en remettre aux autorités locales et aux organes internationaux , pour agir en son nom51. La Chambre n’accepte pas que la validité du Statut et du Règlement du Tribunal soit remise en question.

19. La raison principale avancée par Talic pour justifier sa demande de mise en liberté provisoire est que l’acte d’accusation précédent -appelé «acte d’accusation modifié» - ne fournit pas une base factuelle suffisante pour déterminer les accusations portées contre lui52. Son conseil a parlé des carences de l’acte d’accusation - après que Talic a passé si longtemps en détention - comme du «coeur de cette affaire»53, ce qui justifie54 cette Requête.

20. La Chambre de première instance a déjà retenu l’exception préjudicielle soulevée par Talic quant à la forme de l’acte d’accusation55. Un nouvel acte d’accusation a donc été déposé56. La Chambre de première instance n’a pas examiné la forme de ce nouvel acte d’accusation . Talic a néanmoins soutenu que l’acte d’accusation précédent est entaché d’un vice de forme tel qu’il ne constitue pas une base valable pour justifier sa détention 57. Cet argument n’a pas été développé dans la Requête ou dans un argumentaire, mais il est à rapprocher d’un ou de plusieurs des arguments avancés à l’appui des deux précédentes demandes de mise en liberté de Talic, demandes rejetées par la Chambre de première instance58.

21. Suivant la procédure du Tribunal, la détention d’un accusé est justifiée par la délivrance d’un mandat d’arrêt, laquelle est justifiée à son tour par l’examen et la confirmation de l’acte d’accusation59. Une fois l’acte d’accusation confirmé, la seule question qui se pose quant à la validité de l’acte d’accusation est de savoir s’il expose suffisamment de faits pour justifier les accusations portées. Il s’agit d’une question à trancher à la faveur d’une exception préjudicielle fondée pour vice de forme de l’acte d’accusation soulevée en application de l’article 72 du Règlement. Talic n’a pas soulevé ce point dans l’exception préjudicielle qu’il a déposée et sur laquelle il a été statué60. La Chambre de première instance n’entend pas réexaminer la question à l’occasion de la présente Requête.

22. Il est peu probable que les insuffisances d’un acte d’accusation soient, par elles-mêmes, de nature à justifier la mise en liberté provisoire d’un accusé. Lorsque le vice est tel qu’il retarde le procès, il se peut que, dans des circonstances bien précises, la Chambre de première instance ait recours au pouvoir discrétionnaire dont elle a parlé dans sa décision portant rejet de la demande de mise en liberté provisoire de Brdanin61. Talic s’est plaint de ce que le temps qu’il a passé en détention, sans que les formalités aient été accomplies, sans qu’un acte d’accusation crédible n’ait été établi, sans que l’Accusation ait communiqué la moindre déclaration et la moindre pièce à conviction , soit contraire aux normes internationales ; il affirme que le maintenir en détention reviendrait à lui faire supporter les vices de procédure reconnus par l’Accusation 62. Nonobstant le temps mis à remédier aux irrégularités procédurales, dont l’Accusation est responsable, la Chambre de première instance n’accepte pas l’idée que la période de détention de Talic excède ce qui est tenu pour raisonnable au Tribunal63. Elle n’accepte pas non plus l’idée qu’on est arrivé à un stade où les retards occasionnés par les irrégularités procédurales retarderont le procès. L’affaire n’aurait pas encore été examinée en temps normal. Malheureusement, longue est la liste des affaires en souffrance où les accusés ont été placés en détention avant l’accusé en l’espèce . Cet argument est rejeté.

23. Talic affirme que l’acte d’accusation était de toute façon inexact en ce qui concerne les faits. Selon lui, la base factuelle a été contredite en 1999 par le lieutenant-général Nambiar, qui était commandant et Chef de mission des Forces des Nations Unies en ex-Yougoslavie en 1992-199364. Talic affirme également que l’acte d’accusation ne prend pas en compte l’histoire du processus de désintégration de la Yougoslavie65 et qu’il se fonde essentiellement sur un présupposé politique, à savoir qu’il aurait participé, ou se serait rendu complice du dessein génocidaire des autorités politiques de la Republika Srpska66. Le dépôt d’une exception préjudicielle pour vice de forme de l’acte d’accusation n’est toutefois pas la procédure appropriée pour mettre en doute l’exactitude des faits exposés67.

24. Talic soutient également qu’on ne saurait mettre en cause la responsabilité pénale d’un accusé à moins que celui-ci ne soit personnellement responsable des faits en question, et que comme l’Accusation ne le tient pas pour personnellement responsable des crimes commis, sa mise en cause va à l’encontre de toutes les normes internationales68. La Chambre de première instance n’accepte pas l’idée que l’acte d’accusation ne tient pas Talic pour personnellement responsable des crimes. L’acte d’accusation actuel, comme le précédent, le met en cause pour avoir aidé et encouragé ceux qui ont matériellement commis les crimes en question. Il met donc en cause la responsabilité individuelle de Talic. La requête qui nous occupe cherchait à remettre en question la notion de responsabilité du supérieur hiérarchique visée à l’article 7.3 du Statut du Tribunal. Or, l’existence d’une telle responsabilité pendant la période considérée est désormais bien acceptée dans la jurisprudence du Tribunal69. La Chambre de première instance est liée par cette jurisprudence.

25. Il a déjà été question des pièces fournies par Talic concernant les véritables points litigieux dans le cadre de cette requête - le fait de savoir si Talic se présentera au procès une fois libéré ou s’il ne mettra pas en danger une victime , un témoin ou toute autre personne70. Talic soutient que les garanties qui ont été fournies et qu’il est prêt à fournir devraient convaincre la Chambre de première instance qu’il en sera bien ainsi71.

Comparution au procès

26. Dans la Décision Brdanin, la Chambre de première instance a déclaré que la Republika Srpska n’a jamais arrêté aucune personne mise en accusation par le Tribunal. Elle a conclu que lorsque l’accusé qui demande sa mise en liberté provisoire était un responsable politique de haut rang à l’époque des faits et qu’il dispose d’informations très précieuses qu’il pourrait communiquer au Tribunal, s’il était enclin à coopérer avec l’Accusation en vue d’atténuer sa peine72, la Republika Srpska ne sera guère porté à tenir l’engagement qu’elle a pris d’arrêter sur son territoire, pour la première fois, une personne mise en accusation73. L’arrestation récente d’un certain Milomir Stakic n’a rien changé à la situation 74.

27. En sa qualité de chef des forces présumées coupables des crimes dont il a à répondre, Talic se trouve à l’évidence à cet égard dans la même situation que Brdanin face au Gouvernement de la Republika Sprska. Il est vrai que la Republika Srpska s’est dotée d’un nouveau gouvernement, mais la Chambre de première instance préfère attendre de voir que ce dernier démontre par ses actes qu’il arrêtera les personnes poursuivie par le Tribunal qui se trouvent sur son territoire avant d’accepter, de sa part, des promesses de le faire75. Nombreuses sont sur son territoire les personnes mises en accusation qu’il pourrait arrêter. M. Bundalo n’a pas convaincu la Chambre de première instance qu’il le fera .

28. Talic a cherché, dans son paragraphe 26, à détourner la conclusion tirée par la Chambre de première instance dans la Décision Brdanin en faisant valoir que, comme il a montré sa volonté de se présenter par les garanties qu’il offre, la Republika Srpska ne l’empêchera pas de se livrer au Tribunal76. La Chambre de première instance fait observer que si la Republika Srpska est disposée à permettre à Talic de se livrer quand il le souhaite, elle ne s’est pas engagée à l’arrêter s’il refuse de se livrer. La garantie que la Republika Srpska l’arrêtera s’il refuse de comparaître au procès est un élément essentiel dans l’argumentation qu’il a développée pour assurer les juges de sa comparution au procès.

29. Talic a affirmé que le rôle joué par la Force de stabilisation («SFOR») dans la détention et le transfert au Tribunal de personnes mises en accusation a été assimilé à celui d’une force de police dans les systèmes juridiques internes77. La Chambre de première instance fait observer que la comparaison sur laquelle Talic s’appuie a été faite par un juge dans une opinion individuelle annexée à une décision de la Chambre de première instance ; rien n’étaye une telle comparaison dans la décision à laquelle l’Opinion individuelle a été annexée78. L’opinion de ce Juge n’aide pas Talic à convaincre la Chambre de première instance qu’il comparaîtra au procès. Les Accords de paix de Dayton79 n’exigent pas de la SFOR qu’elle intervienne en tant que force de police du Tribunal . Il apparaît que la SFOR a compétence pour arrêter les personnes mises en accusation par le Tribunal, mais qu’elle n’est actuellement pas tenue de le faire80. Quoi qu’il en soit, le Conseil de l’Atlantique Nord - sous l’autorité, la direction et le contrôle politique duquel opérait la Force internationale de mise en oeuvre de la paix («IFOR»), et opère désormais (à sa suite la SFOR)81 - a expliqué comment il concevait l’obligation d’arrestation de la SFOR, qui :

[...] devra placer en détention toutes personnes mises en accusation par le Tribunal pénal international qui entreraient en contact avec l’IFOR dans le cadre de l’exécution par cette dernière de tâches lui incombant, aux fins d’assurer leur transfert audit Tribunal.82

L’emploi du terme «should» dans la version anglaise de la résolution montre bien que la SFOR accepte mal qu’on lui impose d’arrêter quiconque. La résolution n’envisage même pas d’exiger de la SFOR qu’elle recherche les personnes mises en accusation afin de les arrêter. L’inaction de la SFOR après la publication de la Décision relative à la SFOR ne fait que confirmer le triste constat qu’on ne saurait s’en remettre à la SFOR - comme on s’en remettrait à une force de police dans les systèmes juridiques internes - pour arrêter des accusés qui ne se présentent pas à leur procès.

30. S’agissant des «promesse et garanties» signées par Talic en personne, la Chambre de première instance admet qu’en raison des scellés apposés à l’acte d’accusation initial, Talic n’a pas eu l’occasion de se livrer de son plein gré au Tribunal, s’il l’avait voulu, et n’a donc pu clairement montrer qu’il était disposé à comparaître devant le Tribunal pour son procès. Pour cette raison, la Chambre de première instance ne tient pas compte du fait que Talic ne s’est pas livré de son plein gré83. La Chambre de première instance admet toutefois que Talic a des raisons suffisantes de ne pas vouloir comparaître. Il a été accusé d’infractions très graves et encourt donc, s’il est déclaré coupable, une peine très lourde en raison de sa qualité d’officier supérieur à l’époque des faits84. La Chambre de première instance admet aussi que, à la lumière de l’expérience, l’on peut s’attendre à ce que toute personne placée dans la même situation que Tadic (sic), fût-elle innocente, profite du refuge qu’offre actuellement la Republika Srpska à d’autres accusés de haut niveau85, nonobstant la caution qu’il est prêt à déposer86.

31. Talic affirme néanmoins sa volonté de se présenter au procès87. Il n’a apporté aucune preuve à l’appui de cette affirmation. La Chambre de première instance a attiré l’attention du Conseil de Talic sur le fait que ce dernier avait déclaré au moment de plaider coupable ou non au vu de l’acte d’accusation modifié 88 :

[...] Pour autant que je le sache, tous les crimes qui ont été commis par des personnels militaires pendant la guerre sont jugés par des tribunaux militaires ou des tribunaux militaires internationaux des Etats en présence. Ceci est normal et juste, parce que le système judiciaire militaire est là pour traiter de l'organisation militaire dont il a une bonne connaissance et je pense personnellement que la justice et le droit ne seront servis que si je suis jugé par un tribunal militaire, à savoir des généraux qui ont pris part à la guerre civile [...].

Son Conseil a répondu qu’il avait tenu ces propos dans un contexte complètement différent, alors qu’aucune garantie n’avait été envisagée, et que Talic n’avait pas vu les pièces à conviction en l’espèce. Le Conseil a déclaré que Talic ne pouvait être critiqué aujourd’hui pour ce qu’il avait dit hier. Il a suggéré que le mieux serait peut-être d’interroger directement Talic au sujet de ses propos. La Chambre de première instance a indiqué qu’il appartenait au Conseil de décider si Talic devait être ou non questionné à ce sujet, mais il n’a pas été appelé à la barre en qualité de témoin à cet effet89.

32. La Chambre de première instance considère les propos de Talic comme importants , vu l’ensemble des questions soulevées. Talic s’est dit fermement convaincu que la justice et le droit ne seraient pas servis s’il était jugé par le Tribunal. La Chambre de première instance respecte le droit de Talic à avoir une telle opinion , mais sur la base de toutes les pièces qui lui ont été présentées  - à la lumière de l’opinion qu’il a émise, et en l’absence de toute preuve établissant sa volonté de se représenter nonobstant cette opinion - la Chambre de première instance n’est pas convaincue que Talic se représentera à son procès.

Intimidation de témoins

33. L’Accusation a repris un argument qu’elle avait mis en avant lorsque Brdanin avait demandé sa mise en liberté provisoire. Comme Talic a eu communication de l’identité de certains témoins (en application de l’article 66 du Règlement), et comme il a l’intention de retourner dans la localité où les crimes auraient été commis et où les témoins vivent, l’Accusation s’inquiète au plus haut point de ce qu’il pourrait intimider les victimes et de ce qu’il est plus à même d’exercer des pressions sur eux90.

34. Dans la Décision Brdanin, la Chambre de première instance n’a pas admis que cette capacité accrue à exercer des pressions sur les victimes et témoins donne par elle-même à penser qu’il les mettra en danger91. On ne saurait simplement supposer que toute personne accusée d’un crime en application du Statut du Tribunal mettra en danger, si elle est libérée, des victimes, des témoins ou d’autres personnes92. La Chambre de première instance n’a pas suivi l’Accusation dans son argumentation- qui veut qu’une fois qu’elle s’est acquittée de l’obligation que lui impose l’article 66 du Règlement de communiquer à l’accusé les pièces jointes à l’acte d’accusation et les déclarations des témoins qu’elle entend citer, l’accusé ne devrait pas se voir accorder de mise en liberté provisoire car il est plus à même d’exercer des pressions sur eux93.

35. Reprenant cet argument en l’espèce, l’Accusation se fonde une fois de plus sur une décision prise par la Chambre de première instance dans l’affaire Le Procureur c/ Blaškic94. Le passage auquel elle fait référence est le suivant :95

Étant donné, en outre, qu’il n’est pas certain que l’accusé, s’il est libéré, ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne ; que la connaissance qu’il a, en tant qu’accusé, des pièces produites par le Procureur lui permettrait d’exercer des pressions sur les victimes et les témoins et que l’enquête de l’affaire pourrait sérieusement en pâtir, [traduction non officielle]

Comme la Chambre de première instance l’a fait observer dans la Décision Brdanin , la capacité accrue d’un accusé à intimider des témoins ne prouve pas qu’il les mettra en danger96. Comme la Chambre de première instance l’a déjà souligné (précédemment dans cette même affaire), elle n’accordera pas de mesures de protection à des témoins pour retarder la communication de leur identité à l’accusé et à sa défense, à moins qu’il ne soit prouvé que la peur des pressions est objectivement justifiée97. La situation ne saurait être différente pour une Chambre de première instance qui doit statuer sur la demande de mise en liberté provisoire d’un accusé qui est dans l’attente de son procès.

36. Dans la mesure où la Chambre de première instance dans l’affaire Blaškic a estimé que le fait même qu’un accusé soit plus à même d’intimider des témoins constitue une raison suffisante pour lui refuser une mise en liberté provisoire, la présente Chambre de première instance juge, avec tout le respect qu’elle lui doit, cette décision contestable. Elle date de 1996 et rien ne transparaît du raisonnement qui a amené la Chambre à cette conclusion. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors. On s’est efforcé depuis de trouver un juste milieu entre l’attention qu’il convient d’accorder à la protection des victimes et des témoins et le respect des droits de l’accusé. La conclusion à laquelle est parvenue la présente Chambre de première instance (ainsi qu’en d’autres occasions dans le cadre de la présente espèce) est que l’article 20.1 du Statut du Tribunal donne la priorité aux droits de l’accusé sur le besoin de protéger les victimes et les témoins98. L’Accusation a souscrit à ce point de vue99. Parmi ces droits, figure celui d’un accusé à être libéré dans l’attente de son procès pour autant - pour reprendre les termes de l’article 65 B) - qu’il ait convaincu la Chambre de première instance que, notamment, «il ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne». Le fait que l’accusé soit plus à même d’exercer des pressions doit entrer en ligne de compte au moment d’en décider, mais il ne suffit pas en soi à refuser la mise en liberté provisoire.

37. Par ailleurs, Talic soutient qu’un accusé qui a été mis en liberté provisoire n’a aucun intérêt à se mettre en rapport avec les témoins, car il sait que cela entraînerait la révocation de sa mise en liberté provisoire ; cela serait contraire à sa personnalité, à ses principes et à sa morale100. La Chambre de première instance fait tout d’abord remarquer qu’on ne pourrait guère dire de ce constat qu’il est universel. Tout dépend si l’accusé croit que ses actes seront découverts. Deuxièmement, il ne donne pas la garantie que les témoins ne seront pas approchés indirectement, par un intermédiaire.

38. Cependant, si la Chambre de première instance conclut qu’elle n’est pas convaincue que Talic se présentera à son procès, elle n’a pas à se demander si, une fois libéré , Talic mettra en danger une victime, un témoin ou toute autre personne. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de supputer les chances que Talic, une fois libéré, montre aux autorités de la Republika Srpska des déclarations de témoin expurgées - même si c’est directement et précisément nécessaire à la préparation de sa défense - sachant qu’elles pourraient à partir de là identifier le témoin et qu’il révèle ainsi l’identité de témoins auxquels des mesures de protection ont été accordées . C’est une question qui a été indirectement soulevée à la fin de l’an dernier, en rapport avec la possibilité que l’équipe de la Défense puisse l’avoir fait101. Il n’est pas non plus nécessaire, dans ces circonstances, de s’attarder sur la mesure proposée par le Ministère de l’intérieur, en la personne de M. Bundalo, à savoir que la police pourrait fournir une protection «appropriée» aux témoins à charge si leurs noms lui étaient communiqués102, si ce n’est pour dire qu’une telle procédure pourrait poser des problèmes.

39. La Chambre de première instance n’entend pas rejeter la demande au motif que Talic ne l’a pas convaincue qu’il ne mettrait pas en danger une victime, un témoin ou toute autre personne. Elle s’abstiendra simplement de porter un jugement en la matière.

5. Un nouvelle question relative à la présentation des faits

40. Il a été question plus haut à l’insertion dans le nouvel acte d’accusation modifié de l’allégation selon laquelle Talic aurait «commis» des crimes au sens de l’article 7.1 du Statut du Tribunal, alors que l’Accusation admet n’avoir aucune preuve qu’il les a matériellement perpétrés lui-même103. L’Accusation prétend avoir le droit de formuler pareille allégation, car Talic a souscrit à l’objectif commun de perpétrer ces crimes. La Chambre de première instance n’accepte pas cet argument.

41. L’article 7.1 du Statut dispose que :

Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 5 du présent Statut est individuellement responsable dudit crime.

L’Accusation affirme que, dans l’affaire Le Procureur c/ Tadic104, la Chambre d’appel a conclu que le terme «commis» à l’article 7.1 du Statut recouvrait la notion d’objectif commun105.

42. La Chambre de première instance n’interprète pas l’Arrêt Tadic relatif à la sentence de la même façon. Les passages de l’Arrêt qui nous intéressent sont les suivants :

186. [...] L’article 7 1) définit aussi les critères de la responsabilité pénale individuelle au sens des dispositions du Statut. Tout acte relevant de l’une des cinq catégories visées par cette disposition peut engager la responsabilité pénale individuelle de l’auteur ou de quiconque ayant participé au crime d’une des manières décrites dans ladite disposition.

187. À la lumière des principes généraux qui précèdent, il convient de déterminer si la responsabilité pénale pour avoir participé à un but criminel commun relève de l’article 7 1) du Statut.

188. Cette disposition couvre d’abord et avant tout la perpétration physique d’un crime par l’auteur lui-même, ou l’omission coupable d’un acte requis en vertu d’une règle de droit pénal. Toutefois, on considère que la perpétration de l’un des crimes visés aux articles 2, 3, 4 ou 5 du Statut peut aussi revêtir la forme d’une participation à la réalisation d’un dessein ou d’un but commun.

Ensuite, après avoir longuement examiné la question de l’existence de la notion de «dessein commun», également appelé «objectif commun», en droit international coutumier, la Chambre d’appel a conclu que l’objectif commun est «une forme de responsabilité au titre de coauteur» :

220. En résumé, la Chambre d’appel estime que la notion de dessein commun en tant que forme de responsabilité au titre de coauteur est bien établie en droit international coutumier et qu’elle est de plus consacrée, implicitement il est vrai, dans le Statut du Tribunal international.

43. Une forme de responsabilité du coauteur ne saurait être la même que celle engagée par des crimes matériellement perpétrés par l’accusé lui-même. La description que donne la Chambre d’appel de l’article 7.1 - «cette disposition couvre d’abord et avant tout la perpétration physique d’un crime par l’auteur lui-même» - exprime le sens naturel et commun du terme «commis» tel qu’il est employé à l’article 7. 1 du Statut. L’objectif commun en tant que forme de responsabilité du coauteur se retrouve tout naturellement dans les termes «ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime» de l’article 7.1 du Statut. Permettre à l’Accusation d’inclure dans le terme «commis», tel qu’utilisé à l’article 7.1, à la fois la perpétration matérielle du crime par l’accusé lui-même et son adhésion à un objectif commun qui était de perpétrer ce crime garantirait pratiquement l’ambiguïté de l’exposé des faits que la Chambre d’appel a déjà critiquée à deux reprises106.

44. L’Accusation se fonde sur l’acception du terme «perpétration» tel qu’utilisé par la Chambre d’appel à la deuxième phrase du paragraphe 188, et qui conduit à la conclusion inverse. Toutefois, à la lumière de la définition claire donnée par la Chambre d’appel après examen approfondi de la notion d’objectif commun en tant que forme de responsabilité du coauteur, il est évident que le terme «perpétration » dans ce contexte a été employé dans son sens générique, et non dans l’acception particulière qu’il a lorsqu’il est utilisé à l’article 7.1.

45. Les Chambres de première instance ont le devoir de s’assurer que les actes d’accusation ne sont pas ambigus. Les arguments de l’Accusation en l’espèce aboutissent nécessairement à des ambiguïtés. Ils sont rejetés.

6. Dispositif

46. Par ces motifs, la requête de Momir Talic aux fins de mise en liberté provisoire dans l’attente de son procès est rejetée.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 28 mars 2001
La Haye (Pays-Bas)

(signé)
Le Juge David Hunt
Président de la Chambre de première instance

[Sceau du Tribunal]


1 - Requête aux fins de mise en liberté, 8 décembre 2000 («la Requête»).
2 - Réponse du Procureur à la «Requête aux fins de mise en liberté» déposée par le conseil de l’accusé Momir Talic, 20 décembre 2000 («la Réponse»).
3 - Requête, point III. (Les garanties fournies par le général Talic), et sous-point B.(Les garanties des pouvoirs publics), par. 2, p. 10.
4 - L’audience s’est tenue le 2 février 2001, la date la plus proche à laquelle la Défense estimait pouvoir être prête à entamer la procédure.
5 - Chef 1, article 4 3) a) du Statut du Tribunal.
6 - Chef 2, article 4 3) e) du Statut.
7 - Chef 3, article 5 h) du Statut.
8 - Chef 4, article 5 b) du Statut.
9 - Chef 8, article 5 d) du Statut.
10 - Chef 9, article 5 i) du Statut.
11 - Chef 6, article 5 f) du Statut.
12 - Chef 7, article 2 b) du Statut.
13 - Chef 5, article 2 a) du Statut.
14 - Chef 10, article 2 d) du Statut.
15 - Chef 11, article 3 b) du Statut.
16 - Chef 12, article 3 d) du Statut.
17 - Nouvel Acte d’accusation modifié, en date du 9 mars 2001 et déposé le 12 mars 2001, par. 5 et 6. Bien que la Requête se fonde sur l’acte d’accusation précédent (qui date du 17 décembre 1999), «l’acte d’accusation modifié», il est plus réaliste, et donc préférable, d’examiner la Requête à la lumière de l’acte d’accusation actuel. Talic n’en est pas pénalisé, car la Chambre de première instance a également examiné l’argument qu’il tirait des insuffisances de l’acte d’accusation précédent : par. 19 à 22 infra.
18 - Ibid, par. 36, 50 et 51, 58 et 59.
19 - Ibid, par. 12, 13 et 15.
20 - Nouvel Acte d’accusation modifié, 12 mars 2001, par. 4. Cet argument est examiné à la partie 5 infra.
21 - Article 7.1 du Statut du Tribunal.
22 - Nouvel Acte d’accusation modifié, par. 24 à 26 et 33.
23 - Ibid, par. 27.
24 - Article 7.3 du Statut du Tribunal.
25 - Nouvel Acte d’accusation modifié, par. 25.
26 - Décision relative aux requêtes de Momir Talic aux fins de la disjonction d'instance et aux fins d'autorisation de dépôt d'une réplique, 9 mars 2000, par. 4 ; Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par Momir Talic pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 20 février 2001 («Décision Talic relative à l’exception préjudicielle»), par. 2. Il convient toutefois de noter que ces décisions se fondent sur l’acte d’accusation antérieur (l’acte d’accusation modifié) qui ne comporte pas exactement les mêmes allégations que l’acte d’accusation actuel (le nouvel Acte d’accusation modifié).
27 - Requête aux fins de mise en liberté, 1er décembre 1999, par. 4 ; rejetée ; Décision relative à la Requête aux fins de mise en liberté, 10 décembre 1999, par. 18 ; Requête aux fins de mise en liberté, 18 décembre 2000, par. 3 ; rejetée ; Décision relative aux Requêtes de Momir Talic (1) aux fins de rejeter l’acte d’accusation, (2) de mise en liberté et (3) d’autorisation de déposer une réplique à la réponse de l’Accusation à la Requête aux fins de mise en liberté, 1er février 2000 («Décision relative à la deuxième Requête aux fins de mise en liberté»), par. 23 ; La demande d’autorisation d’interjeter appel a été refusée dans : Le Procureur c/ Brdanin et Talic, Affaire n° IT-99-36-AR73.2, Décision relative à la demande d’interjeter appel, 1er mars 2000, p. 3.
28 - Requête, partie III (Les garanties fournies par le général Talic), sous-point A (Les garanties personnelles), par. 2 (p. 10), voir également la Réplique, par. 3.1.
29 - Réponse, par. 17.
30 - Demande d’autorisation de réplique et la Réplique à la Réponse du Procureur en date du 20 décembre 2000, 11 janvier 2001, («la Réplique»), par. 3. Le «Protocole de Londres» de 1831 sert de référence.
31 - Ce document comprenait une disposition prévoyant que la conclusion ne serait pas publiée dans le journal officiel de la Republika Sprska.
32 - Déclaration du Ministre dans le Gouvernement de la Republika Srpska, déposée en complément à la Requête aux fins de mise en liberté en date du 8 décembre 2000, 26 janvier 2001.
33 - Compte rendu d’audience, 2 février 2001, p. 241.
34 - Ibid, p. 233 et 234.
35 - Ibid, p. 242 et 243.
36 - Ibid, p. 231.
37 - Ibid, p. 236.
38 - Ibid, P. 236. Reuters a cité ces termes s’agissant du discours d’inauguration du nouveau Président de la Republika Srpska, Mirko Šaravic : Réponse, par. 17.
39 - Ibid, p. 237.
40 - Ibid, p. 237.
41 - Ibid, p. 239.
42 - Le Procureur c/ Karadžic et Mladic, Examen de l’acte d’accusation, (1995) II ICTY JR 1153.
43 - Compte rendu d’audience, p. 245.
44 - Ibid, p. 237 à 239.
45 - Réplique, par. 4.
46 - Il est fait référence à l’article 11 1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme :
Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. (..)
L’article 14 2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques(«le Pacte international») :
Toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
L’article 6 2) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales («la Convention européenne») :
Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
L’article 8 2) de la Convention américaine relative aux droits de l’homme («la Convention américaine») :
Toute personne accusée d'un délit est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie
L’article 7 1) b) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples :
Chaque individu a le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente.
L’article 21 3. Du Statut du Tribunal :
Toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut.
L’article 66 du Statut de la Cour pénale internationale :
1. Toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour conformément au droit applicable.
2. Il incombe au Procureur de prouver la culpabilité de l'accusé.
47 - Requête, p. 2, 3, 8 et 9 ; Réplique, par. 2.
48 - Article 9 3) du Pacte international :
La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l'intéressé à l'audience [...].
Article 5 3) de la Convention européenne :
Toute personne arrêtée ou détenue [...] a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience.
Article 7 5) de la Convention américaine :
Toute personne arrêtée [...] devra être jugée dans un délai raisonnable ou libérée sans préjudice de la poursuite de l'instance. La mise en liberté de l'accusé peut être conditionnée à des garanties assurant sa comparution à l'audience
Résolution 43/173 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, Ensemble de principes pour la protection des personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, 9 décembre 1988, Principe 38 :
Toute personne détenue du chef d’infraction pénale devra être jugée dans un délai raisonnable ou mise en liberté en attendant l’ouverture du procès.
49 - Affaire Neumeister, Jugement du 27 juin 1968, Series A, Jugement et Décisions (Cour européenne des droits de l’homme), Vol. 8 («Affaire Neumeister»), par. 4.
50 - Décision relative à la Requête de Radoslav Brdanin aux fins de mise en liberté provisoire, 25 juillet 2000 («Décision Brdanin»), par. 12 et 13 ; Demande d’autorisation d’interjeter appel refusée : Le Procureur c/ Brdanin et Talic, Affaire IT-99-36-AR65, Décision relative à la requête aux fins d’interjeter appel, 7 septembre 2000 («Décision relative à la demande de Brdanin»), p. 3. Les nombreuses décisions prises par la Chambre de première instance étayant ces propos sont énumérés aux notes en bas de page 31 et 32 de la Décision Brdanin.
51 - Décision Brdanin, par. 18 ; Décision relative à la demande de Brdanin, p. 3.
52 - Requête, p. 5.
53 - Compte rendu d’audience, 2 février 2001, p. 229.
54 - Ibid, p. 247.
55 - Décision Talic relative à l’exception préjudicielle.
56 - Nouvel acte d’accusation modifié, 9 mars 2001, déposé le 12 mars 2001.
57 - Requête, p. 5.
58 - Décision relative à la Requête aux fins de mise en liberté, 10 décembre 1999 ; Décision relative à la deuxième Requête aux fins de mise en liberté. La demande d’autorisation d’interjeter appel de la Décision relative à la deuxième Requête aux fins de mise en liberté a été refusée : Décision relative à la demande d’interjeter appel, 1er mars 2000.
59 - Décision relative à la deuxième Requête aux fins de mise en liberté, par. 18 à 21.
60 - Décision Talic relative à l’exception préjudicielle.
61 - Décision relative à la Requête de Radoslav Brdanin aux fins de mise en liberté provisoire, 25 juillet 2000 («Décision Brdanin») par. 22 à 25 ; Demande d’autorisation d’interjeter appel refusée dans : Le Procureur c/ Brdanin et Talic, Affaire n° IT-99-36-AR65, Décision relative à la Requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel, 7 septembre 2000 («Décision relative à la Requête aux fins d’autorisation de Brdanin»).
62 - Requête, p. 7.
63 - Décision Brdanin, par. 24 à 28.
64 - Requête, p. 6. La lettre du général Nambiar, en date du 6 avril 1999, est jointe à la Requête.
65 - Ibid, p. 7.
66 - Réplique, par. 2.
67 - Le Procureur c/ Delalic, Affaire n° IT-96-21-T, Décision relative à la Requête de l’accusé Mucic aux fins de précisions, 26 juin 1996, par. 7 et 8 ; Le Procureur c/ Blaškic, Affaire n° IT-95-14-PT, Décision sur l'exception préjudicielle soulevée par la Défense aux fins de rejeter l'acte d'accusation pour vices de forme (imprécision /notification inadéquate des charges), 4 avril 1997, par. 20 ; Le Procureur c/ Kupreškic, Affaire n° IT-95-16-PT, Ordonnance relative à la Requête aux fins de retirer l'acte d'accusation à l'encontre de l'accusé Vlatko Kupreškic, 11 août 1998, p. 2 ; Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’Exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999, par. 20.
68 - Ibid, p. 8.
69 - Voir, par exemple, l’Arrêt de la Chambre d’appel dans Le Procureur c/ Delalic, Affaire n° IT—96-21-A, Arrêt, 20 février 2001, par. 189 à 198.
70 - Partie 3, supra.
71 - Requête, p. 9.
72 - Voir article 101 B) ii) du Règlement.
73 - Décision Brdanin, par. 15.
74 - Milomir Stakic, Serbe de Bosnie, a été mis en accusation le 13 mars 1997 pour des crimes qu’il aurait commis dans la région connue actuellement sous le nom de Republika Srpska. Il a été arrêté par les autorités locales fin de la semaine dernière sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie. Rien ne porte à croire que les autorités de la Republika Sprska aient joué un rôle quelconque dans cette arrestation.
75 - Talic affirme que la récente reddition au Tribunal de Biljana Plavšic, de son plein gré («l’ancienne Présidente de Republika Sprska») est la meilleure preuve que les responsables de haut rang en Republika Srpska coopèrent pleinement avec le Tribunal, et qu’il faut donc accorder toute leur valeur aux garanties qu’ils offrent : Réplique, par. 3.2. Avec tout le respect que nous devons au Conseil de Talic, cet argument apparaît à la Chambre de première instance comme totalement dépourvu de sens.
76 - Requête, p. 11.
77 - Ibid, p. 11.
78 - Cette comparaison a été faite dans l’Opinion individuelle du Juge Robinson, dans le Procureur c/ Simic, Décision relative à la Requête aux fins d’assistance judiciaire de la part de la SFOR et d’autres entités, 18 octobre 2000, («Décision relative à la SFOR»), par. 6.
79 - Accord cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et documents connexes.
80 - Susan Lamb fournit des détails précieux de cette situation juridique dans son ouvrage «The Powers of Arrest of the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia», British Year Book of International Law (1999), 167 (et nommant les pages 188 à 194). Elle en conclut que, aussi bien aux termes de l’Accord de paix de Dayton qu’en vertu du droit international coutumier, la SFOR est compétente pour arrêter des personnes mises en accusation par le Tribunal, mais n’est pas tenue de le faire.
81 - Décision relative à la SFOR, par. 39 à 42.
82 - Résolution du 16 décembre 1995, citée par Susam Lamb (p. 191).
83 - Décision Brdanin, par. 17.
84 - La Chambre de première instance souligne que la perspective d’une peine très lourde est le seul facteur qu’elle ait pris en compte : cf les deux décisions suivantes rendues par la Cour européenne des droits de l’homme : Affaire Neumeister, par. 10 ; Affaire Stogmuller, 10 novembre 1969, A 9, par. 15.
85 - Ibid, par. 16.
86 - Paragraphe 8, supra.
87 - Requête, p. 11.
88 - 11 janvier 2000, compte rendu d’audience en anglais, p. 6 et 64.
89 - 2 février 2001, compte rendu d’audience, p. 248 à 250.
90 - Réponse, par. 18 et 19.
91 - Paragraphe 19.
92 - Le Procureur c/ Delalic, Affaire n° IT-96-21-T, Décision relative à la Requête aux fins de mise en liberté provisoire déposée par l’accusé Zejnil Delalic, 25 septembre 1996 (déposée le 1er octobre 1996), par. 34.
93 - Décision Brdanin, par. 19.
94 - Affaire IT-95-14-T, Décision portant rejet d’une requête aux fins de mise en liberté provisoire, 25 avril 1996 (version en anglais déposée le 1er mai 1996).
95 - Ibid, p. 5.
96 - Paragraphe 19, note de bas de page 48.
97 - Décision relative à la Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection, 3 juillet 2000 («Première Décision relative à des mesures de protection»), par. 26 ; Décision relative à la deuxième Requête aux fins de mesures de protection, 27 octobre 2000 («Deuxième décision relative à des mesures de protection»), par. 19 ; Décision relative à la quatrième Requête de l’Accusation aux fins de mesures de protection, 15 novembre 2000 («Quatrième Décision relative à des mesures de protection»), par. 16.
98 - Premier Décision relative à des mesures de protection, par. 20 ; deuxième Décision relative à des mesures de protection, par. 18.
99 - Ibid.
100 - Requête, p. 10.
101 - Quatrième Décision relative à des mesures de protection, par. 13 ; Décision relative à la Requête de l’Accusation aux fins de la délivrance d’une ordonnance au Conseil de la Défense, 30 novembre 2000, par. 10 ; Observations de la Défense relatives à la Décision du 30 novembre 2000, 8 décembre 2000.
102 - Paragraphe 12, supra.
103 - Paragraphe 4, supra.
104 - Affaire n° IT-94-1-A, Arrêt, 15 juillet 1999 («Arrêt Tadic relatif à la sentence»).
105 - Nouvel acte d’accusation du Procureur, 12 mars 2001, par. 3 i).
106 - Le Procureur c/ Aleksovski, Affaire n° IT-95-14/1-A, Arrêt, 24 mars 2000, par. 171, note en bas de page 319, qui cite Le Procureur c/ Krnojelac, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000, par. 60 ; Le Procureur c/ Delalic, Affaire n° IT-96-21-A, Jugement, 20 février 2001, par. 351.