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1 (Vendredi 2 février 2001.)
2 (Audience sur requête et conférence de mise en état.)
3 (L'audience est ouverte à 10 heures 30.)
4 (Audience sur requête.)
5 (Audience publique.)
6 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez citer
7 l'affaire.
8 Mlle Lauer: Affaire IT-99-36-PT, le Procureur contre Radoslav Brdjanin et
9 Momir Talic.
10 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?
11 D'abord, l'accusation?
12 Mme Korner (interprétation): Je m'appelle Joanna Korner; je suis avec ma
13 collègue Anna Richterova. Nous sommes aidées par Mme Adele Erasmus, qui
14 s'occupe de l'affaire préparée par l'accusation.
15 M. le Président (interprétation): Merci. Pour la défense?
16 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je suis John
17 Ackerman et je défends Radoslav Brdjanin.
18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Et pour le général
19 Talic?
20 M. de Roux: Je m'appelle Xavier de Roux et, avec Michel Pitron, qui
21 devrait être là, nous défendons M. Momir Talic.
22 M. le Président (interprétation): Nous constatons l'arrivée de Me Pitron.
23 Tout d'abord, Monsieur Brdjanin, êtes-vous en mesure de suivre les débats
24 dans une langue que vous comprenez?
25 M. Brdjanin (interprétation): Oui.
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1 M. le Président (interprétation): Et vous aussi, Monsieur le Général
2 Talic?
3 M. Talic (interprétation): Oui, merci.
4 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Nous allons commencer
5 par la requête de mise en liberté provisoire déposée par le général Talic.
6 Qui de vous deux va présenter ladite requête? Maître de Roux, la requête
7 d'autorisation a déposé une réponse qui s'est perdue quelque part entre
8 les services de la traduction et le Greffe. Nous l'avons désormais
9 obtenue. Nous avions accordé ce droit. Ceci soulève au moins une nouvelle
10 question, en tout cas, s'occupe d'une nouvelle question soulevée dans la
11 réponse de l'accusation.
12 Mais si vous me permettez de le dire, ceci ne fait que répéter ce que vous
13 avez déjà dit dans votre requête. Aussi, nous vous autorisons à déposer
14 cette écriture. Cela vous permettra de faire l'économie d'une intervention
15 orale au cours des débats. Et l'accusation pourra réagir aussi oralement,
16 à la fin de la présentation orale.
17 Maître de Roux, vous avez la parole.
18 M. de Roux: Monsieur le Président, Madame, Monsieur, j'ai l'honneur
19 aujourd'hui de demander la mise en liberté du général Talic pour un
20 certain nombre de raisons qui sont simples et que je vais m'efforcer de
21 vous exposer brièvement.
22 Le général Talic...
23 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, Maître de Roux, nous avons
24 reçu les requêtes écrites, aussi bien dans la requête même que la réponse:
25 inutile de répéter. Mais si vous voulez ajouter quoi que ce soit, vous
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1 êtes libre de le faire.
2 A quel moment voulez-vous citer vos témoins?
3 M. de Roux (interprétation): Je vais citer ce témoin dans un instant,
4 Monsieur le Président, témoin que nous avons.
5 (Sans interprétation)) Mais je voudrais répéter brièvement ce qui me
6 semble être le cœur de cette affaire.
7 Une arrestation, une détention de 17 mois et depuis? Et depuis, un Acte
8 d'accusation que votre Cour, dans son audience du mois de novembre, a
9 trouvé si vague qu'elle a demandé à l'accusation de nous en fournir une
10 version plus précise. Depuis, nous n'avons rien reçu de l'accusation.
11 Je pense qu'il y a un principe qui s'applique dans tous les pays du monde,
12 qui est celui de distinguer la détention de l'accusation. L'accusation
13 accuse, pour l'instant, dans des termes très généraux, très vagues. Nous
14 ne sommes pas en matière de responsabilité collective; vous ne jugez pas
15 la responsabilité collective d'un gouvernement ou d'un Etat, d'un peuple,
16 vous jugez un homme. Et pour cela, il convient que l'Acte d'accusation
17 comporte des faits suffisamment précis. Vous avez constaté que ce n'était
18 pas le cas.
19 L'accusation n'a pas remédié à ces difficultés. Je pense qu'il est temps
20 de demander l'application de l'Article 65 du Règlement, de votre Règlement
21 de Procédure et de Preuve, de façon que, devant cette situation et devant
22 un procès qui n'a pas d'horizon -je ne sais pas quand il prendra place-,
23 le général Talic puisse retrouver la liberté sous certaines conditions et
24 dans des conditions qui vont vous être exposées par le témoin que nous
25 avons fait citer et qui est le ministre de l'Intérieur de la Republika
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1 Srpska, nouveau gouvernement de la Republika Srpska, puisque des élections
2 ont eu lieu il n'y a pas si longtemps.
3 Pour auditionner ce témoin, je vais passer la parole à mon confrère,
4 Michel Pitron.
5 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie. Maître Pitron?
6 M. Pitron: Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, bonjour.
7 (Le témoin est introduit dans la salle.)
8 M. le Président (interprétation): Nous allons peut-être d'abord demander
9 au témoin de donner lecture de la déclaration solennelle. Après quoi, vous
10 pourrez lui poser les questions que vous voudrez.
11 Monsieur le Témoin, veuillez lire la déclaration solennelle que vous
12 trouvez dans les documents qui vous ont été remis.
13 M. Bundalo (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur, veuillez vous asseoir. Merci.
16 M. Bundalo (interprétation): Merci.
17 M. Pitron: Monsieur le Président, Madame, Monsieur du Tribunal, vous
18 disposez dans votre dossier de plusieurs documents et spécialement des
19 garanties fournies par le gouvernement de la Republika Srpska du 10
20 novembre 2000, signées par le Premier ministre, M. Dodik, d'un document
21 qui s'appelle "Conclusions", qui est signé par le nouveau Premier
22 ministre, M. Ivanic, en date du 25 janvier 2001, qui reprend les garanties
23 contenues dans le document précédent, et d'un autre document signé par le
24 même Premier ministre, de la même date, qui autorise le ministre des
25 Affaires intérieures, ici présent, à se présenter au nom de son
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1 gouvernement devant vous.
2 Vous disposez enfin de deux autres documents: une déclaration de M.
3 Bundalo, ministre dans le gouvernement de la Republika Srpska, et des
4 promesses et garanties fournies par le général Momir Talic.
5 Donc je voudrais, en votre présence, poser un certain nombre de questions
6 à M. le ministre afin qu'il éclaircisse la portée des garanties qui ont
7 été fournies par le gouvernement de la Republika Srpska et les moyens
8 qu'il a de les faire respecter.
9 (Interrogatoire principal de M. Perica Bundalo par Me Pitron.)
10 Monsieur Bundalo, pouvez-vous, s'il vous plaît, nous décliner vos nom,
11 prénom, profession et votre position actuelle?
12 M. Bundalo (interprétation): Je suis Perica Bundalo, de formation juriste
13 diplômé. A partir du 12 janvier de cette année, je remplis la fonction de
14 ministre des Affaires intérieures du gouvernement de la Republika Srpska.
15 Question: Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous décrire exactement
16 quelles sont vos fonctions?
17 Réponse: Ma fonction consiste à être ministre au gouvernement de la
18 Republika Srpska, c'est-à-dire, un des 19 ministres. Je suis à la tête du
19 ministère de l'Intérieur qui compte plus de 9.000 hommes dans ses
20 effectifs, ayant bien délimité toutes les compétences qui sont les siennes
21 dans le domaine des Affaires étrangères et selon la loi du gouvernement,
22 ainsi que d'après les prescriptions en vigueur.
23 Question: Monsieur le Ministre, je voudrais que vous vous adressiez au
24 Tribunal. Est-ce que vous connaissez le général Talic?
25 M. Bundalo (interprétation): Je ne connais pas personnellement le général
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1 Talic. Pourtant, c'est de la part de la presse et des médias que j'ai
2 appris son nom, son prénom et ses fonctions accomplies par lui au temps de
3 la guerre et après la guerre.
4 Ce que je peux dire, c'est qu'au temps de la guerre, il a été commandant
5 du 1er Corps d'armée de l'armée de la Republika Srpska; après la guerre,
6 il a été chef de l'état-major de l'armée, du grand quartier général de
7 l'armée de la Republika Srpska.
8 En tant que citoyen, je crois pouvoir dire qu'il a joui d'une grande
9 réputation dans le peuple, dans l'armée et que son arrestation a été pour
10 le moins -puis-je dire- une grande surprise pour tous.
11 Question: Monsieur le Ministre, je me réfère au document qui a été signé
12 par M. Ivanic, Premier ministre, le 25 janvier 2001, et qui vous a
13 autorisé à comparaître en qualité de témoin devant le Tribunal. Avez-vous
14 vu ce document?
15 Réponse: Oui, je l'ai vu.
16 Question: Etes-vous au courant des garanties qui ont été fournies par la
17 Republika Srpska concernant le général Talic?
18 Réponse: Oui, je suis au courant du texte des garanties fournies par le
19 gouvernement préalable, celui de M. Dodik. De même, j'ai eu connaissance
20 des garanties mises en place par le gouvernement actuel. C'est dans ce
21 contexte-là que je me propose de dire qu'avant que la décision ne soit
22 prise au gouvernement, des consultations ont été faites entre moi-même et
23 M. le Premier ministre en vue de fournir de plus amples informations, à
24 savoir dans quelle mesure le ministère de l'Intérieur serait capable
25 d'endosser toute responsabilité issue de ce texte de garantie.
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1 J'ai voulu assurer M. le Premier ministre, M. Ivanic, du fait que le
2 ministre de l'Intérieur est capable de remplir toutes les conditions ainsi
3 réunies et que les garanties ont été réitérées ainsi.
4 Question: Monsieur le Ministre, je voudrais revenir un petit peu sur ma
5 question. Vous nous dites avoir connaissance donc de ce document. Est-ce
6 que vous pouvez nous préciser si le document concernant les garanties
7 relatives au général Talic a été discuté par vous-même, au niveau du
8 gouvernement, et s'il a fait l'objet d'une discussion et d'un consensus?
9 Réponse: J'ai déjà dit que, préalablement, j'ai pu parler avec M. le
10 Premier ministre, de même que j'ai pu avoir des conversations avec mes
11 collaborateurs directs et les plus proches pour parler de toutes
12 circonstances humaines, légales et autres pour que les garanties soient
13 remplies et respectées.
14 De même, en est-il pour parler de tous les postes de police, à savoir
15 celui de Banja Luka qui, lui, suppose être doté de tout moyen nécessaire
16 en effectifs et technique pour remplir les garanties.
17 Il y a eu un consensus absolu et total auprès du gouvernement lorsqu'il
18 s'est agi de mettre en place et de respecter ces garanties.
19 Question: Monsieur le Ministre, je viens maintenant au second document qui
20 est votre propre déclaration. Vous connaissez ce document. Est-ce que la
21 signature en bas de ce document est bien la vôtre?
22 Réponse: Oui, il s'agit bien de ma signature.
23 Question: Dans ce document, vous envisagez différentes mesures possibles
24 pour appliquer les garanties données par le gouvernement. Pouvez-vous nous
25 dire, de manière concrète, quelles sont les mesures que la police pourra
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1 prendre?
2 Réponse: Toutes les mesures issues de cette procédure concernant le suivi,
3 la sécurité, la surveillance de la personne, ainsi que le prévoient la loi
4 et les prescriptions du ministère de l'Intérieur, depuis le moment où le
5 général Talic sera repris, depuis ce moment-ci jusqu'à son suivi en
6 Republika Srpska, sa surveillance quotidienne, sa sécurité, pour empêcher
7 éventuellement tout contact avec des témoins, rendre impossible toute
8 fuite et évasion, ensuite rapporter régulièrement et en temps utiles au
9 Tribunal, à la lumière des garanties mises en place, et éventuellement
10 jusqu'à sa nouvelle comparution lorsqu'il sera cité au Tribunal une
11 nouvelle fois.
12 Question: Pouvez-vous nous confirmer de manière précise que la
13 surveillance que vous êtes capable de mettre en place empêchera le général
14 de rencontrer quiconque qui ne serait pas autorisé par le Tribunal?
15 Réponse: Je peux le confirmer de façon absolue. Tous les préalables ont
16 été respectés et toutes les conditions sont réunies pour que cette
17 exigence soit respectée.
18 M. Pitron: Monsieur le Ministre, je vous remercie. J'en ai terminé pour
19 l'instant, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous avez la parole.
21 (Contre-interrogatoire de M. Perica Bundalo par Mme Korner.)
22 Mme Korner (interprétation): Monsieur Bundalo, votre gouvernement est
23 entré en fonction, est arrivé au pouvoir -je pense- après les élections
24 qui ont bien eu lieu en novembre, n'est-ce pas?
25 M. Bundalo (interprétation): Oui, c'est bien cela.
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1 Question: Le gouvernement de la Republika Srpska se compose de plusieurs
2 parties, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Ce gouvernement comprend notamment certains membres du parti
5 SDS. Ce parti a été fondé par M. Karadzic.
6 Réponse: Cela ne m'est pas connu. Autant que je sache, au gouvernement, il
7 y a des ministres du parti du Progrès démocratique -parti auquel
8 j'appartenais d'ailleurs jusqu'au moment où j'ai pris en charge ces
9 fonctions-, il y a des ministres qui sont adhérents du Parti socialiste et
10 puis vous avez des ministres qui sont hors parti.
11 Question: Je vais reformuler ma question: est-ce qu'il y a, parmi les
12 membres du gouvernement, des personnes qui sont des membres du SDS?
13 Réponse: Cela ne m'est pas connu.
14 Question: Est-ce que cela veut dire qu'il n'y en a pas?
15 Réponse: Je pense qu'il n'y en a pas.
16 Question: Je ne veux pas trop insister sur ce point, Monsieur Bundalo,
17 mais en votre qualité de ministre de l'Intérieur, est-ce que vous ne savez
18 pas quelle est l'appartenance à tel ou tel parti des ministres du
19 gouvernement?
20 Réponse: Je crois que j'ai déjà répondu à cette question.
21 Question: Une petite chose. Au début de votre déposition, vous
22 nous avez dit que vous aviez discuté avec M. Ivanic, Premier ministre du
23 gouvernement, la question de savoir si ce nouveau gouvernement allait
24 confirmer les garanties fournies par l'ancien, le précédent gouvernement
25 dirigé par le Premier ministre, M. Dodik. Est-ce bien exact?
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1 Réponse: J'ai eu des conversations avec lui dans le sens où je devais
2 assurer, pour ma part et de mon côté, s'il y a des potentiels humains et
3 techniques pour endosser notamment cette garantie.
4 C'est à cette lumière que j'ai voulu assurer M. le Premier ministre pour
5 dire que de telles conditions existent. C'était le préalable à une prise
6 de décision par le gouvernement pour évidemment réitérer la prise de
7 décision de l'ancien gouvernement.
8 Question: Est-ce que je dois comprendre que vous ne vous considériez pas
9 lié par quelque garantie que ce soit qui aurait été apportée par
10 l'administration précédente?
11 Réponse: Je n'ai pas compris votre question.
12 M. le Président (interprétation): Je pense que ce que vous dites, c'est
13 qu'avant cette discussion, vous ne vous sentiez pas lié. C'est bien cela?
14 Il faudrait peut-être élucider cela pour que ce soit plus clair.
15 Mme Korner (interprétation): Avant cette discussion, votre gouvernement ne
16 se sentait pas lié par les garanties fournies par le gouvernement
17 précédent?
18 M. Bundalo (interprétation): Le gouvernement est un gouvernement
19 légaliste, mais lorsqu'il s'agit de questions concrètes à l'ordre du jour,
20 comme toute autre question concrète, eh bien, elles seront examinées et le
21 gouvernement saura dire si, oui ou non, il devra les endosser.
22 Question: Bien. Je vais poursuivre si vous le voulez bien.
23 Votre Président, au moment où il a été élu, a déclaré que la question de
24 M. Sarovic -je pense bien prononcer son nom- signifiait que la coopération
25 avec ce Tribunal, ce Tribunal de La Haye, était un défi et une question
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1 difficile. Est-ce que vous vous associez à ses propos?
2 Réponse: Je n'ai rien à ajouter à cette constatation.
3 Question: Vous êtes donc du même avis, n'est-ce pas, Monsieur Bundalo, à
4 savoir que la coopération avec ce Tribunal est un défi et une question
5 difficile?
6 Réponse: Je pense que votre question sort du cadre de ce qui suppose être
7 ma présence aujourd'hui et la fonction qui serait la mienne pour traiter
8 de cette matière, mais je dois avouer que cette question était bien
9 sensible et délicate quant à mon gouvernement.
10 Question: Est-ce que votre gouvernement a mis en place quelque mesure que
11 ce soit visant à procéder à l'arrestation de certaines des personnes mises
12 en accusation par ce Tribunal, résidant dans la Republika Srpska?
13 M. Pitron: Je vous prie de bien vouloir m'excuser mais il me semble,
14 Monsieur le Président, que nous sortons totalement du cadre dans lequel M.
15 le Ministre a été invité. Je fais donc objection au type de questions
16 posées par l'accusation.
17 M. le Président (interprétation): Ceci est très important et tout à fait
18 d'intérêt particulier dans le cadre de la question qui est posée, comme
19 nous l'avons dit très clairement dans la décision Brdjanin.
20 Poursuivez.
21 Mme Korner (interprétation): Je vais répéter la question, Monsieur
22 Bundalo. Est-ce que votre gouvernement a mis en place quelque mesure que
23 ce soit visant à l'arrestation de personnes qui ne l'auraient pas encore
24 été, de personnes mises en accusation par ce Tribunal contre lesquelles
25 des actes d'accusation ont été dressés?
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1 M. Bundalo (interprétation): Je dois dire que ce gouvernement a été élu à
2 la session de l'Assemblée nationale du 12 janvier dernier et que, pendant
3 les dix ou douze jours qui ont suivi, on devait évidemment s'occuper de la
4 passation des pouvoirs. Ce n'est que le 26 janvier dernier que j'ai pris
5 toutes mes fonctions. Donc nous ne sommes pas en mesure de faire quoi que
6 ce soit de concret, sauf de nous occuper du quotidien comme affaires du
7 gouvernement.
8 Par conséquent, il s'agit de mon assurance personnelle comme quoi ce
9 gouvernement aura une attitude à l'égard de ce Tribunal sous un autre
10 angle et dans une autre lumière qu'avant. C'est un sentiment personnel
11 dont je fais état ici.
12 Question: Ce qui veut dire qu'il n'y a pas eu encore de discussion sur la
13 question de savoir si votre gouvernement a ou non l'intention d'essayer de
14 procéder à l'arrestation de personnes qui ont été mises en accusation, par
15 exemple à celle de Zeljko Mejakic, de Momcilo Gruben.
16 Réponse: Tout simplement, jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu le temps
17 ni la possibilité d'entamer quoi que ce soit sur ce sujet-là.
18 Question: Si vous me le permettez, je voudrais maintenant passer à la
19 question du général Talic lui-même.
20 N'est-il pas exact de dire que votre gouvernement s'intéresse davantage au
21 bien-être du général Talic qu'à celui de pratiquement quelque autre
22 personne que ce soit en attente de procès?
23 Réponse: Je ne dirai pas qu'il en est ainsi. Autant que j'ai pu être
24 informé, nous avons également pris en charge quelques autres garanties
25 portant sur la mise en liberté d'autres personnes accusées et détenues par
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1 le Tribunal ici. Par conséquent, il ne s'agit pas de préciser quoi que ce
2 soit au sujet du général Talic dans ce sens-là.
3 Question: Ce n'est pas tout à fait exact, n'est-ce pas, Monsieur Bundalo?
4 Le général Talic est le seul accusé mis en accusation par ce Tribunal pour
5 lequel la Republika Srpska a pris la responsabilité de la défense, n'est-
6 ce pas?
7 Réponse: C'est peut-être la seule chose qui vous serait connue. Pour ce
8 qui est de mes informations à moi, il me semble que la présentation et la
9 mise en place d'autres garanties pour d'autres accusés est en cours.
10 Question: Je ne parle pas de garanties, je parle de la responsabilité
11 assumée pour, par exemple, les instructions données au conseil de la
12 défense et à la rémunération de ces derniers.
13 Réponse: Je n'en suis pas informé du tout.
14 Question: Vous ne le savez pas?
15 Réponse: Je n'ai aucune information là-dessus et ceci, me semble-t-il,
16 n'est pas du domaine des compétences qui sont les miennes.
17 Question: Fort bien. Etiez-vous au courant, étiez-vous informé des
18 propositions faites par le général Talic à ce Tribunal, s'agissant des
19 garanties personnelles qu'il donne, assurant qu'il reviendra au Tribunal
20 au moment de son procès?
21 Réponse: Je ne suis pas informé quant à ses garanties personnelles ici. Je
22 suis venu pour parler des garanties qui pourraient être assurées par mon
23 gouvernement et par le ministère.
24 Question: Par conséquent, vous n'avez pas été informé des garanties
25 personnelles qu'il nous ferait?
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1 Réponse: Je n'en ai pas été informé, mais je pense, nonobstant que l'un et
2 l'autre volets doivent être considérés dans un contexte général pour
3 qu'une décision soit prise de façon commune quant à la mise en liberté du
4 général Talic, qu'il faut certainement faire droit à ce qu'il dit pour
5 donner des garanties personnelles, mais je crois qu'il faut respecter
6 également les garanties offertes par le gouvernement, ce dont je parle
7 aujourd'hui.
8 Question: Très bien. Etiez-vous informé du fait qu'une offre a été faite
9 selon laquelle le général Talic en personne se propose d'offrir une
10 caution? En d'autres termes, d'offrir une réserve en argent?
11 Réponse: Je ne sais rien là-dessus.
12 Question: A votre connaissance, a-t-on discuté de la question de savoir si
13 cet argent allait être avancé par la Republika Srpska?
14 Réponse: Je n'ai aucune information là-dessus.
15 Question: Etiez-vous informé du fait que le général Talic offrait pour
16 garantie notamment qu'il n'allait pas discuter de l'affaire qui le
17 concerne avec toute autre personne que ses conseils?
18 Réponse: Ceci fait partie des garanties que nous sommes en train d'offrir
19 en ce jour. Entre autres garanties, nous voulons vous assurer qu'il fera
20 tout pour ne pas avoir de contact, ni sur l'affaire dont il fait l'objet
21 non plus qu'avec des témoins dans d'autres affaires. Ceci fait partie
22 intégrante de l'ensemble des garanties que nous offrons aujourd'hui.
23 Question: Oui. On ne pense pas seulement au témoin. La garantie, cette
24 couverture assurée, concerne apparemment toute autre personne.
25 Réponse: Je suis entièrement d'accord pour toute autre personne également.
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1 Question: Vous, vous avez proposé qu'il y ait une patrouille de police qui
2 le suive jour et nuit.
3 Réponse: Oui, cela est exact.
4 Question: Est-il suggéré, proposé que cette patrouille de police l'empêche
5 de pénétrer dans des maisons qui appartiennent à autrui?
6 Réponse: Je suis tout à fait sûr de pouvoir dire que, dans notre
7 organisation du travail, nous bénéficions d'entités et d'effectifs qui
8 sont spécialement entraînés et formés pour suivre et surveiller des
9 personnes. Ces effectifs-là, se trouvant sous mon commandement direct,
10 seraient donc chargés de suivre M. Talic et de vous en rapporter à vous,
11 ici, au Tribunal, sous forme de bulletins périodiques, de rapports
12 périodiques selon vos exigences. C'est-à-dire que nous devons tout faire
13 pour assurer qu'il ne puisse avoir de contact avec une autre personne.
14 Question: Pour empêcher tout contact?
15 Réponse: Tout contact, si cela évidemment a été exigé dans le cadre des
16 garanties que nous offrons.
17 Question: Je voudrais poser une question à propos d'une personne en
18 particulier. Est-ce que vous connaissez un homme qui s'appelle Bosko
19 Kelecivic?
20 Réponse: Ce nom m'est connu. Je ne connais pas personnellement cette
21 personne-là.
22 Question: Pour le moment, est-ce que cet homme n'est pas le chef des
23 renseignements en Republika Srpska?
24 Réponse: Ceci m'est inconnu. Si oui, probablement qu'il sera remplacé très
25 bientôt.
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1 Question: Excusez-moi, excusez-moi! Vous dites ne pas être au courant,
2 mais vous dites que même s'il est à ce poste, bientôt, il sera remplacé à
3 ce poste. Comment le savez-vous si vous n'êtes pas au courant?
4 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si c'est ce qu'il a dit.
5 Ce témoin dit connaître le nom de cette personne mais ne pas connaître la
6 personne personnellement.
7 Mme Korner (interprétation): Je vais reformuler la question: est-ce qu'il
8 est ou est-ce qu'il n'est pas le responsable des renseignements?
9 M. Bundalo (interprétation): Je ne le sais pas.
10 Question: Vous vous souvenez du gouvernement, Monsieur Bundalo. Qui est le
11 chef des renseignements dans ce gouvernement?
12 Réponse: Les services secrets ne relèvent pas du domaine de compétence du
13 ministre de l'Intérieur et l'intitulé même des services secrets vous en
14 dit long pour savoir qu'on sait très peu de choses quant aux hommes qui
15 coiffent les différents secteurs du secret. Autant que je sache, le
16 gouvernement qui a été élu lors des toutes dernières élections
17 parlementaires a pris le pouvoir au mois de janvier. De nombreux
18 changements de personnels ont été prévus dans tous les segments de
19 l'administration d'Etat et je crois pouvoir en juger que le chef
20 responsable de ces secrets sera remplacé.
21 Question: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que le chef des
22 services secrets, que les services secrets n'ont pas de comptes à rendre
23 au gouvernement?
24 Réponse: D'après les prescriptions en vigueur, réglementant entre autres
25 le travail des services secrets, des services de sécurité, ces services
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1 doivent répondre directement au Président de l'Etat, au chef de l'Etat et,
2 dans une moindre mesure, au Premier ministre. Et je souligne bien, en
3 partie seulement au Premier ministre, mais certainement ces secrets-là ne
4 répondent pas au gouvernement en tant que corps collégial.
5 Question: Par conséquent, toute garantie que vous pourriez offrir à cette
6 Chambre, à ce Tribunal ne couvrirait pas, n'engloberait pas les services
7 secrets ni le chef responsable des activités des services secrets?
8 Réponse: Quant aux garanties, je voudrais faire quelque chose ici, au nom
9 du gouvernement de la Republika Srpska et au nom du ministère de
10 l'intérieur, qui approuvent entièrement et soutiennent derrière tout ce
11 qui a été dit pour mettre en place des garanties, pour assurer que nous
12 sommes en mesure de réunir toutes les conditions requises par les
13 exigences de ce Tribunal.
14 Question: J'aurais encore deux questions à poser concernant M. Kelecevic.
15 Est-ce que vous saviez qu'il était le chef d'état-major et le commandant
16 en second du général Talic?
17 Réponse: En tant que citoyen, je sais qu'il avait rempli des fonctions
18 militaires de très haut gradé, pour ce qui est évidemment te la période
19 antérieure. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant.
20 Question: Est-ce que vous savez s'il y a eu des contacts entre le général
21 Talic et M. Kelecevic depuis l'arrestation du général Talic?
22 Réponse: Je n'ai pas d'information là-dessus.
23 Question: Et, d'après ce que vous nous dites, vous ne seriez pas en mesure
24 de nous faire une déclaration ni dans un sens ni dans l'autre?
25 Réponse: Je dois vous rappeler que M. Talic a été arrêté il y a 17 mois,
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1 que je ne suis à la fonction qui est la mienne actuellement que depuis
2 vingt jours et que, pendant la période antérieure, je n'ai jamais fait
3 partie du monde de la grande politique, de la politique au sommet, de
4 l'Etat, non plus que je n'avais à remplir de fonctions de ce genre. Par
5 conséquent, des informations de ce caractère-là sont tout à fait à mon
6 insu.
7 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Bundalo.
8 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous avez cité deux noms
9 précédemment, ceux de Mejakic et de Gruben.
10 Mme Korner (interprétation): Oui, Mejakic.
11 M. le Président (interprétation): Oui, merci. Ils font l'objet d'actes
12 d'accusation publiques?
13 Mme Korner (interprétation): Oui.
14 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce sont les seuls vivant en
15 Republika Srpska qui soient dans ce cas?
16 Mme Korner (interprétation): Non. J'ai donné quelques exemples.
17 M. le Président (interprétation): A vous de savoir si vous voulez donner
18 d'autres noms.
19 Mme Korner (interprétation): Monsieur Bundalo, connaissez-vous le nom de
20 Dusan Knezevic?
21 M. Bundalo (interprétation): Ce nom ne m'est pas connu, je n'en ai jamais
22 entendu parler.
23 Question: Il a été mis en accusation dans le cadre des camps d'Ormaska et
24 de Keraterm.
25 Réponse: Je n'en sais rien.
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1 Question: Predrag Banovic, mis en accusation dans le cadre du camp de
2 Keraterm?
3 Réponse: Ceci m'est inconnu.
4 Question: Ranko Cesic, mis en accusation par rapport aux incidents de
5 Brko?
6 Réponse: Je ne le connais pas.
7 Question: Milan et Sredoje Lukic, mis en accusation dans le cadre de
8 Visegrad?
9 Réponse: Je ne les connais pas.
10 Question: Blagoje Simic, mis en accusation dans le cadre de Bosanski Samac
11 Réponse: Je l'ai appris quant à cet Acte d'accusation dans la presse et
12 dans les médias, mais je ne connais pas l'homme personnellement.
13 Question: Gojko Jankovic ainsi que Radovan Stankovic, mis en accusation
14 par rapport à Foca.
15 Réponse: Je ne les connais pas non plus.
16 Question: Et enfin, Karadzic?
17 Réponse: Le nom, je le connais.
18 Question: Qui vit à Pale.
19 Réponse: Je l'ignore.
20 Question: Vous ne savez pas que Radovan Karadzic, l'ancien Premier
21 ministre de la Republika Srpska, vit aujourd'hui à Pale?
22 Réponse: Je ne le sais pas. Probablement.
23 Mme Korner (interprétation): Oui, je vous remercie.
24 M. le Président (interprétation): Interrogatoire supplémentaire, Monsieur
25 Pitron?
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1 M. Pitron: Non, Monsieur le Président. Je crois que l'interrogatoire a été
2 très complet. J'aurais en revanche une brève remarque de synthèse à faire.
3 M. le Président (interprétation): Mais tout d'abord, je vais peut-être
4 permettre au témoin de se retirer, à moins que vous ne vouliez qu'il
5 reste.
6 Monsieur, je vous remercie d'être venu déposer devant nous. Vous pouvez
7 désormais disposer.
8 M. Bundalo (interprétation): C'est moi qui vous remercie.
9 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
10 M. le Président (interprétation): Maître Pitron?
11 M. Pitron: Monsieur le Président, Madame, Monsieur, je crois que l'épisode
12 que nous venons de vivre est particulièrement illustratif des deux
13 conceptions qui s'opposent devant ce Tribunal entre l'accusation et la
14 défense.
15 Nous avons des éléments concrets et nous avons des éléments abstraits.
16 Qu'est-ce que nous avons de concret sous les yeux? Nous avons une personne
17 qui est détenue depuis 17 mois, contre laquelle n'existe aucun Acte
18 d'accusation structuré; et le Tribunal n'a pas manqué de le relever, lors
19 de son audience de novembre dernier, en demandant à Mme le Procureur de
20 bien vouloir être un petit peu plus précise quant aux charges qu'elle
21 articule contre notre client.
22 Nous avons un dossier dans lequel la majorité des témoins nous sont
23 inconnus, autant par leurs noms que par des pans entiers, des parties
24 entières de leurs déclarations.
25 En face de cela, que pouvons-nous faire? Nous avons d'abord attendu. Et je
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1 dois le dire, nous avons attendu avec confiance car nous n'avons pas douté
2 que l'accusation serait capable de conforter ses accusations et que nous
3 serions capables de nous défendre.
4 Mais au bout de 17 mois, Monsieur le Président, Madame, Monsieur, sans
5 Acte d'accusation précis, sans témoin connu, avec 40.000 pièces au dossier
6 dont plusieurs dizaines de milliers ne concernent pas notre client, il
7 nous a semblé que nous étions sortis du procès pour entrer dans, ce que
8 nous appelons en France, une comédie judiciaire. Et sur ce fondement, il
9 nous a semblé que nous étions désormais fondés à demander à ce que la
10 justice suive son cours dans des conditions qui ne soient pas inhumaines
11 pour notre client, c'est-à-dire dans des conditions qui lui permettent
12 d'être libre et surveillé.
13 En face de ces éléments concrets, que vient-on de vous opposer durant les
14 minutes qui viennent de se passer? On vient de remettre en cause la
15 légitimité d'un gouvernement démocratiquement élu. On vient de vous dire,
16 de citer le nom de plusieurs personnes qui nous sont inconnues, qui n'ont
17 strictement rien à voir avec notre affaire. On vient systématiquement de
18 renier les garanties qui ont été affirmées par le ministre de l'Intérieur,
19 qui vous a dit, de toutes les manières possibles, qu'il était en mesure
20 d'assurer la surveillance quotidienne, nocturne et diurne du général
21 Talic.
22 En face d'un certain nombre d'éléments concrets qui tous démontrent une
23 volonté inique, à notre sens, de maintenir en détention le général Talic,
24 on ne vous a opposé que des accusations non fondées contre les assertions
25 d'un ministre démocratiquement élu.
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1 Il me semble que les conditions sont aujourd'hui réunies pour que votre
2 Tribunal, dans sa sagesse, admette qu'il n'est pas nécessaire pour que la
3 justice passe, que l'accusé soit maintenu en détention.
4 Bien plus, il me semble qu'il serait normal, j'allais dire -et j'espère
5 que les mots seront bien traduits en anglais- qu'il serait de l'honneur de
6 ce Tribunal qu'il admette de considérer qu'on peut être général, serbe et
7 de bonne foi, et ne pas se dérober à ses Juges.
8 Dois-je rappeler, et j'en terminerai par là, que la plus haute autorité de
9 la Republika Srpska, spontanément, n'a pas hésité à se présenter devant
10 votre Tribunal sans qu'il soit besoin de la faire chercher par les forces
11 de police en la personne de Mme Plavsic. Pourquoi ce qu'elle a fait, le
12 général national ne le ferait-il pas?
13 Je vous remercie.
14 M. le Président (interprétation): Maître Pitron, je crois qu'il faut que
15 je vous pose la question suivante afin que vous puissiez y répondre. Mais
16 vous vous souviendrez, parce que vous étiez présent, que le 11 janvier de
17 l'an 2000, votre client a dit la chose suivante -je cite-: "Autant que je
18 le sache, tous les crimes qui ont été commis par des personnels militaires
19 pendant la guerre sont jugés par des tribunaux militaires ou des tribunaux
20 militaires internationaux des Etats en présence. Ceci est normal et juste,
21 parce que le système judiciaire militaire est là pour traiter de
22 l'organisation militaire dont il a une bonne connaissance et je pense
23 personnellement que la justice et le droit ne seront servis que si je suis
24 jugé par un tribunal militaire, à savoir des généraux qui ont pris part à
25 la guerre". Fin de citation.
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1 Qu'avez-vous à dire à cela?
2 M. Pitron: Je me rappelle effectivement de cette citation de mon client.
3 Comme vous le rappelez, Monsieur le Président, cette citation est
4 intervenue lors d'une des premières audiences qui ont eu lieu, quelques
5 mois après la détention, dans un contexte tout à fait différent de celui
6 qui est le nôtre aujourd'hui.
7 A l'époque, aucune garantie n'avait été demandée ni envisagée, le général
8 n'avait connaissance d'aucune des pièces du dossier pratiquement, nous
9 n'avions pas eu avec lui les discussions que nous menons depuis de
10 nombreux mois et je crois pouvoir dire très sincèrement que la mesure des
11 accusations qui étaient portées contre lui et de ce procès lui était
12 inconnue.
13 Janvier 2000, janvier 2001: douze mois ont passé, douze mois
14 d'incarcération, douze mois d'isolement, douze mois de réflexion, douze
15 mois pendant lesquels les autorités de la Republika Srpska ont été
16 sollicitées pour donner des garanties, douze mois qui font -à mon avis-
17 que l'on ne peut opposer aujourd'hui au général la citation que vous venez
18 de faire.
19 Ceci dit, Monsieur le Président, le plus simple n'est-il pas d'interroger
20 directement le général sur ce point?
21 M. le Président (interprétation): C'est à vous d'en décider, Maître
22 Pitron.
23 Madame Korner, je ne vous avais pas demandé si vous souhaitiez entendre
24 des témoins parce que vous n'avez déposé aucun document suite à
25 l'ordonnance portant calendrier.
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1 Mme Korner (interprétation): (Hors micro.)
2 M. le Président (interprétation): Donc que souhaitez-vous dire, Madame
3 Korner?
4 Mme Korner (interprétation): Nous n'allons citer aucun témoin. Nous avons
5 très clairement exposé notre point de vue dans nos réponses écrites. Donc
6 je n'ai rien à ajouter.
7 M. le Président (interprétation): Il y a quelque chose dans votre réponse
8 écrite sur lequel je souhaiterais vous interroger.
9 Je comprends bien que tout ceci est fait par ordinateur et, une fois que
10 c'est dans l'ordinateur, il semble que cela gagne une certaine autorité
11 que cela ne mérite peut-être pas.
12 Mais l'affaire Neumeister, en Autriche, à laquelle on fait référence dans
13 toutes ces affaires, une fois qu'on a lu cette affaire, on se rend compte
14 que cela ne va pas du tout dans le sens des affirmations de l'accusation.
15 Pourtant vous ne cessez de le répéter, même après que nous avons attiré
16 votre attention sur cette erreur.
17 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il ne s'agit pas ici
18 d'une défense, c'est une erreur.
19 Nous avons présenté notre réponse très vite puisque la demande a été
20 présentée juste avant les vacances judiciaires de Noël et, comme vous le
21 dites justement, on fait du copier-coller avec ce qu'il y a dans nos
22 programmes. Du fait de la rapidité de préparation et de réponse, il y a un
23 certain nombre d'erreurs qui se sont glissées.
24 M. le Président (interprétation): Mais peut-être quelqu'un pourra-t-il
25 remédier à ce problème en modifiant le programme en question.
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1 Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose?
2 Mme Korner (interprétation): Non.
3 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance va
4 délibérer quant à la requête aux fins de mise en liberté et nous espérons
5 pouvoir rendre cette décision la semaine prochaine.
6 Maintenant, en ce qui concerne la conférence de mise en état en tant que
7 telle.
8 (Conférence de mise en état.)
9 Madame Korner, est-ce que je peux vous demander, vous poser un certain
10 nombre de questions au sujet des justifications? Nous sommes un peu
11 préoccupés par ce qui semble être une sorte de myopie en ce qui concerne
12 ce document.
13 Troisième mesure de protection: au paragraphe 9, nous avons essayé de vous
14 expliquer ce qui devait être communiqué aux parties dans une telle
15 requête.
16 Au premier paragraphe de l'exemple que nous vous avons donné, nous avons
17 dit que le témoin vivait dans une municipalité où une institution avait
18 stipulé qu'il y avait un grand nombre de représailles si l'on savait qu'un
19 Musulman de Bosnie s'apprêtait à témoigner contre un Serbe de Bosnie.
20 Après cet exemple, nous avons précisé que les détails supplémentaires
21 peuvent être donnés de manière ex parte pour identifier la municipalité
22 concernée.
23 Dans vos justifications, vous ignorez ceci complètement et vous nous dites
24 que ce que nous vous demandons de faire, c'est de révéler à l'accusé la
25 municipalité où habite le témoin en question. Ensuite, sur cette base,
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1 vous revenez sur votre propre argumentation.
2 Mme Korner (interprétation): (Hors micro.) …
3 Monsieur le Président, il faudrait, s'il vous plaît, que vous m'indiquiez
4 de quel passage vous parlez. J'ai reçu en effet un document qui émane de
5 M. Bohlander, qui a été également remis aux conseils de la défense,
6 document qui stipule que nous ne nous conformions pas à la décision prise
7 par la Chambre. Il est possible qu'il y ait quelque chose qui m'échappe.
8 Moi, il me semblait que nous nous étions conformés, autant que possible, à
9 l'ordonnance de la Chambre pour les raisons que nous avons établies très
10 clairement.
11 L'une des difficultés que nous rencontrons, dans le cadre de l'application
12 de la démarche proposée par la Chambre et le modèle que vous nous avez
13 proposé, la façon de procéder que vous nous avez proposée, c'est qu'en
14 identifiant l'institution qui a eu des contacts ou qui s'est occupée de la
15 municipalité concernée, avec les détails qui restent dans la version non
16 expurgée, eh bien, on peut identifier la personne en question.
17 M. le Président (interprétation): Eh bien, prenons les choses dans
18 l'ordre.
19 Le Bureau du haut représentant a fourni un rapport que vous nous avez
20 communiqué et qui traite de pratiquement toutes les municipalités de la
21 Republika Srpska. Donc ce que vous dites en ce qui concerne ce rapport,
22 c'est qu'il ne parle que de quelques municipalités. Donc il n'y a rien qui
23 permette là d'identifier une personne en faisant référence à un rapport du
24 haut représentant.
25 Mme Korner (interprétation): Moi, j'examine les différents témoins.
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1 M. le Président (interprétation): Mais laissez-moi finir, s'il vous plaît.
2 J'ai dit que je procéderai par ordre.
3 Au paragraphe 6, vous nous parlez de vos préoccupations et vous nous
4 parlez de la communication prématurée de ces informations. Et à la page 5
5 de votre document, vous dites que "selon l'accusation, si les informations
6 communiquées par le biais d'une procédure ex parte sont divulguées à ces
7 personnes, celles-ci pourraient les utiliser pour connaître l'identité des
8 témoins et établir que les témoins ou leur famille sont revenues en un
9 lieu spécifique de la Republika Srpska ou qu'ils en ont l'intention".
10 S'il y a bien un exemple clair dans l'exemple que nous vous avons donné,
11 c'est que tout ceci ne serait pas révélé à ce stade de la procédure.
12 Mme Korner (interprétation): Oui.
13 M. le Président (interprétation): Donc il me semble que tout ceci montre
14 très clairement que, si vous aviez fait ce que nous vous demandons de
15 faire, à savoir indiquer qu'un témoin bien précis habite, travaille ou a
16 l'intention de retourner ou a des relations professionnelles dans une
17 municipalité, sans l'identifier, sauf à dire qu'il s'agit d'une des
18 municipalités dont le rapport du haut représentant stipule qu'elle
19 présente, qu'il s'y pose des problèmes pour les témoins musulmans
20 potentiels, eh bien, il me semble qu'on ne peut pas dire, comme vous
21 l'affirmez, que vous ne pouvez pas vous conformer à nos instructions.
22 Tout ce que vous avez fait dans votre document, en dépit de tout ce que
23 nous vous avons dit dans la troisième décision relative aux mesures de
24 protection et dans d'autres documents, tout ce que vous avez dit, c'est de
25 dire que chacun de ces témoins, c'est quelqu'un qui va témoigner de façon
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1 directe contre l'accusé. C'est tout ce que vous avez dit.
2 Vous n'avez rien révélé d'autre. Vous n'avez donné à la défense aucunement
3 la possibilité de décider si elle s'oppose ou elle accepte les mesures de
4 protection que vous demandez.
5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je souhaiterais vous
6 référer à la page 5 de la décision de la Chambre: donc le type de démarche
7 que vous nous recommandez d'adopter.
8 M. le Président (interprétation): Oui.
9 Mme Korner (interprétation): Vous avez donc dit, Monsieur le Président,
10 que nous n'avons même pas stipulé quelle était l'appartenance ethnique des
11 témoins. A cela, nous avons répondu dans tous les cas, nous y avons
12 remédié dans tous les cas.
13 D'autre part, nous avons donné des informations supplémentaires relatives
14 à la nature des personnes concernées et à la nature des éléments de preuve
15 qui vont être donnés par cette personne. Et je crois qu'il n'y a que deux
16 témoins pour lesquels il a été précisé qu'il était possible qu'ils
17 donneraient des preuves, des éléments de preuve directs contre l'un des
18 deux accusés. Je suis en train de vérifier la chose.
19 M. le Président (interprétation): Moi, je pense que l'argument le plus
20 fort que vous pouvez apporter à votre demande de report de la
21 communication de l'identité du témoin, c'est de prouver que ce témoin est
22 en danger. Or, la défense n'a absolument aucune idée de la chose, ne peut
23 se faire aucune idée de la chose sur la base des documents que vous lui
24 avez communiqués.
25 Mme Korner (interprétation): Oui, je comprends bien ce que vous me dites
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1 sachant que nous aurions pu nous référer uniquement aux documents du haut
2 représentant sans faire référence à aucun autre document.
3 M. le Président (interprétation): Ceci est tout à fait clair. On ne peut
4 pas l'interpréter d'une autre manière.
5 Mme Korner (interprétation): Oui, mais la question du danger effectif
6 couru par les témoins -nous le disons dans notre requête ex parte-, c'est
7 que l'on pourrait identifier ces témoins.
8 M. le Président (interprétation): Mais dans la lettre de M. Bohlander,
9 nous avons spécifié tout à fait clairement ce que nous souhaitons que vous
10 communiquiez à la défense, à savoir que le témoin habite, travaille, a
11 l'intention de retourner dans une municipalité qui a été décrite par le
12 Bureau du haut représentant comme présentant un danger pour les témoins
13 musulmans qui souhaitent témoigner contre des Serbes, et ceci sans
14 divulguer le nom de la municipalité concernée.
15 Or, si j'ai bien compris votre réponse, c'est que vous avez répondu à tout
16 cela dans votre requête. Or ce n'est pas le cas puisque, dans votre
17 requête, vous ne commencez même pas à traiter de la question.
18 Mme Korner (interprétation): Si c'est ce qu'a dit M. Bohlander, à ce
19 moment-là, je pense que cela n'est pas conforme à notre réponse.
20 M. le Président (interprétation): Qu'avez-vous à dire?
21 Mme Korner (interprétation): Eh bien, moi, j'ai dit que ce n'était pas ce
22 que nous avions compris et qu'il était possible que vous souhaitiez des
23 informations supplémentaires à celles qui sont contenues dans la requête.
24 M. le Président (interprétation): Mais je ne vois absolument pas comment
25 vous avez pu interpréter la chose de cette façon.
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1 Mme Korner (interprétation): Il est possible que je n'ai pas effectivement
2 compris dans les détails ce que vous nous avez demandé. Mais si vous nous
3 dites qu'il nous faut ajouter dans notre justification les termes "et
4 envisage de retourner dans cette municipalité, sur la base du rapport du
5 haut représentant", eh bien, je suis désolée mais cela peut être fait, en
6 effet.
7 M. le Président (interprétation): Mais vous semblez nous présenter, vous
8 contenter de nous présenter des excuses. Et ceci commence à me préoccuper
9 puisqu'il y a plus d'un an que vous vous occupez de cette affaire et
10 j'aurais espéré que vous ayez une vision plus claire de l'affaire.
11 Il semble qu'il y ait un petit problème au niveau de cette équipe de
12 l'accusation et j'ai parlé tout à l'heure de "myopie délibérée" puisqu'on
13 semble perdre toute vision d'ensemble de l'affaire. Je pense que nous
14 sommes en droit d'attendre une assistance meilleure de la part de l'équipe
15 du Procureur. Nous n'avons cessé d'attirer votre attention sur ces
16 questions: alors soit vous le faites, soit nous nous le faisons.
17 Mais je pense qu'à moins que les accusés ne reçoivent ces pièces, ces
18 documents et n'aient la possibilité de présenter des requêtes ou des
19 réponses au sujet de ces documents, nous ne pouvons pas prendre de
20 décision digne de ce nom, c'est-à-dire que ce que nous allons faire, nous
21 allons simplement vous ordonner de communiquer ces documents ou les noms
22 des témoins.
23 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je ne vois pas dans
24 quelle mesure la défense serait assistée dans les arguments qu'elle va
25 vous présenter si l'on disait, en l'espace d'une phrase, "ce témoin-ci en
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1 question a l'intention de rentrer ou de faire quoi que ce soit, de se
2 retrouver dans une municipalité qui se trouve parmi celles mentionnées
3 dans le rapport du Bureau du haut représentant". Comment est-ce que ceci
4 serait utile?
5 M. le Président (interprétation): Parce que ceci nous permettrait
6 davantage de vous accorder les mesures de protection que vous demandez, or
7 la défense n'a pas la possibilité de comprendre de quoi il retourne ni
8 d'avancer des arguments.
9 Je ne sais pas trop d'ailleurs ce qu'ils pourraient dire, les conseils de
10 la défense.
11 A mon avis, il serait utile de dire qu'une personne qui vit dans la région
12 et qui pourrait faire l'objet de certains sévices ou de violences dans
13 cette région si son identité venait à être révélée, je pense que c'est un
14 argument que vous pouvez avancer. Si vous y renoncez, si vous ne voulez
15 pas que nous examinions cet argument, à ce moment-là, inévitablement, vous
16 serez déboutée.
17 Mme Korner (interprétation): Je crois que l'une des difficultés qui
18 s'étaient posées lorsque nous avons abordé cette question-ci, c'est que
19 lorsque nous avons examiné le corps de la déclaration qui est tout à fait
20 sans expurgation, là on voit les faits tels qu'ils sont, on a l'identité
21 du témoin, c'est qu'en disant qu'un témoin a l'intention de retourner dans
22 une municipalité.
23 Mettons, par exemple -et ici je ne choisis pas de témoin en particulier-,
24 je parle de Kotor Varos: de cette façon-là, on sait que le témoin vient de
25 Kotor Varos. Il ne serait pas difficile du tout, si une enquête était
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1 menée, de découvrir l'identité de ce témoin.
2 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas ce que vous avez affirmé.
3 Mme Korner (interprétation): Si!
4 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il faudrait que vous
5 étoffiez davantage cet aspect-là. Ce n'est pas ici une paranoïa galopante
6 qui sévit. Je pense que nous, nous devons équilibrer les droits de
7 l'accusé face aux exigences de l'accusation.
8 Si l'accusation n'est pas satisfaite de notre déclaration, selon laquelle
9 il faut communiquer l'identité de ces témoins, votre réponse sera que vous
10 n'allez pas présenter ce témoin. Nous ne sommes pas ici pour veiller à ce
11 que l'accusation puisse présenter sa cause sous le meilleur jour possible.
12 Nous sommes ici pour veiller à ce que l'accusation présente une cause à
13 laquelle puisse, en toute équité, répondre l'accusé.
14 Mme Korner (interprétation): Puis-je prendre votre réponse par paliers?
15 C'est bien ce que nous avons dit tout d'abord dans notre requête, mais
16 étant donné les formalités que doit remplir quelqu'un qui veut rentrer au
17 pays, nous devons dire que, dans une requête inter partes, un témoin a
18 l'intention de rentrer dans telle ou telle municipalité, ce qui va
19 inévitablement dévoiler l'identité à ce stade-ci de ce témoin.
20 C'est ce que nous disons au paragraphe 8, pages 5 à 6. Ce sera mon premier
21 point pour répondre à votre question.
22 Deuxième réponse, par rapport à cette accusation que je prends pour une
23 accusation personnelle, à savoir celle de paranoïa à l'égard de la
24 protection des témoins. En Republika Srpska et ailleurs, vous avez pu le
25 constater à l'examen du rapport, ces endroits ne sont pas des pays
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1 policés, civilisés au sens où nous le savons d'après dans les pays dont
2 nous sommes, nous, originaires.
3 Je tiens à suivre le libellé du Statut, je tiens à suivre aussi le
4 libellé, les termes même du Règlement.
5 M. le Président (interprétation): Poursuivez, poursuivez.
6 Mme Korner (interprétation): Ces textes obligent l'accusation à demander
7 la protection de témoins et de victimes qui risquent d'être mis en danger
8 par le fait qu'ils viennent déposer contre des accusés.
9 Permettez-moi de m'attarder un instant sur ce point. Ces accusés, à
10 l'exception d'un autre procès qui se tient dans ce procès, sont les
11 accusés qui se trouvent au plus haut niveau possible. Les garanties du
12 genre de celles qui ont été offertes à l'encontre du général Talic
13 montrent l'importance qu'accordent la Republika Srpska et d'autres à
14 l'acquittement ou même, mieux encore, au fait qu'il y ait absence de
15 jugement, de procès.
16 Lorsque nous devons expliquer à des témoins le caractère de l'homme à
17 propos duquel ils vont déposer, de façon directe ou de façon indirecte, si
18 l'on dit à ces témoins que leur identité va être communiquée, divulguée
19 immédiatement à la défense de cet accusé ou dans les délais prescrits
20 avant le début du procès, vous pouvez vous imaginer quelle sera souvent la
21 réponse de ce témoin. Nous vous l'avons souvent dit: ils vont refuser de
22 venir témoigner. Et sans la déposition de témoins, il n'y aurait pas de
23 procès.
24 Nous ne demandons pas à retenir, à garder par-devers nous le nom,
25 l'identité de ces témoins à perpétuité. Tout ce que nous demandons pour le
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1 moment, c'est qu'il y ait report de la communication, que cette
2 communication soit différée jusqu'au moment où vous l'ordonnerez, Madame
3 et Messieurs les Juges, un nombre X de journées précédant le début du
4 procès. A ce moment-là, ces identités seront communiquées.
5 Pour le moment, je ne fais que respecter et appliquer le Règlement et le
6 Statut de ce Tribunal. C'est un acte d'équilibrage qui, en fin de compte,
7 se résume à privilégier l'accusé puisqu'il va finir par recevoir ces noms.
8 Pour le moment, nous demandons simplement à reporter la communication de
9 l'identité de témoins qui -et les éléments le prouveront- peuvent vous
10 parler directement et de façon exacte de ce qui s'est passé.
11 M. le Président (interprétation): Mais la rédaction de votre document
12 portant titre justification est telle que l'accusé ne sait même pas que
13 ces personnes ou habitent en Republika Srpska, ou puissent y rentrer, ou
14 avoir des rapports commerciaux en Republika Srpska ou dans une
15 municipalité mentionnée dans le rapport du Bureau du haut représentant,
16 comme étant une municipalité à risque.
17 C'est la raison pour laquelle je vous ai expliqué, vraiment de façon
18 circonstanciée dans ces différentes décisions, ce qu'il en était et vous
19 l'avez ignoré.
20 Mme Korner (interprétation): Non, nous ne l'avons pas ignoré.
21 M. le Président (interprétation): Si. Vous l'avez fait et je tiens compte
22 de ce que vous avez dit. Et vous avez reconnu vous-même que vous deviez
23 vous excuser pour le fait que vous aviez omis de fournir cette
24 information.
25 Nous avons permis tout ce temps à devoir vous expliquer en mots
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1 monosyllabiques ce qu'il en était afin que vous compreniez enfin. Excusez
2 la brutalité et la franchise avec laquelle je m'exprime, mais ce n'est pas
3 la première fois que nous devons agir de la chose par rapport à
4 l'accusation.
5 Chose suivante que je voudrais évoquer avec vous: si l'on tient en compte
6 que ce procès -tout est bien sûr fonction des élections qui se feront aux
7 Nations Unies- va peut-être commencer en mai ou en juin, la défense aura
8 de moins en moins de temps pour se préparer et pour mener ses enquêtes
9 préparatoires. Vous parliez de journées, de quelques journées précédant le
10 début du procès. Selon le nombre de témoins dont l'identité ne sera pas
11 révélée à ce stade-ci, cela veut dire que la défense aura besoin de
12 beaucoup de temps pour mener une enquête sur ces dits témoins. Et c'est ce
13 que nous avions dit dans notre première décision, s'agissant de la
14 première requête des mesures de protection: cela va prendre bien plus que
15 les trente jours qui, selon vous, étaient suffisants.
16 Mme Korner (interprétation): Permettez-moi de vous donner quelques
17 chiffres afin que vous ayez une idée plus précise de la situation.
18 En fait, pour l'heure, nous avons communiqué quelque 88 témoins
19 sous une forme ou sous une autre. Parmi ces 88 témoins, et si je me trompe
20 -Mme Erasmus me corrigera puisque c'est elle qui s'est occupée de la
21 question de la communication-, parmi ce nombre, il n'y a que neuf témoins
22 pour lesquels il y a eu expurgation des éléments d'identification.
23 Non? Excusez-moi, je me trompe.
24 M. le Président (interprétation): Nous en avons déjà plus que neuf9, dès
25 maintenant.
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1 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, oui! Excusez-moi.
2 Sur ces 87 -je me corrige, il s'agit de 87 témoins-, 68 ont été
3 communiqués sans qu'il y ait la moindre expurgation, à l'exception des
4 éléments permettant de déterminer le lieu où se trouvent ces personnes
5 pour lesquelles nous avons eu l'autorisation par vous-mêmes d'apporter des
6 expurgations.
7 Onze témoins font l'objet de demande de mesures de protection.
8 Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président...
9 M. le Président (interprétation): Il y en a encore huit sur la liste.
10 Mme Korner (interprétation): Effectivement. Et pour neuf de ces personnes,
11 nous avons informé la défense de notre intention de ne pas les citer.
12 J'ai quelque difficulté à trier les choses aussi bien que vous, Monsieur
13 le Président, parce que pour le moment, il y a des requêtes séparées qui
14 font l'objet…, qui tombaient sous le coup de votre ordonnance de
15 communication et qui font l'objet d'un appel pour le moment, dont nous
16 n'avons pas encore été informés.
17 M. le Président (interprétation): Bon, ceci n'est pas très éloigné mais je
18 ne sais pas exactement quelle en sera l'issue. Je ne veux pas que
19 maintenant, il y ait une attente parce qu'on attend une décision qui sera
20 prise par la Chambre d'appel. Nous, il nous faut avancer, il nous faut
21 nous en tenir à notre position jusqu'au moment où la Chambre d'appel nous
22 dirait que nous avons eu tort.
23 Nous avons ce droit, vous ne l'avez pas.
24 Et ceci m'amène à la question suivante que je voulais aborder avec vous,
25 dans le cadre de la conférence de mise en état.
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1 En novembre 2000, rappelez-vous, j'ai eu des choses à vous dire à propos
2 de la forme qu'avait l'Acte d'accusation. Vous avez accepté la
3 responsabilité que vous aviez, pour le fait que vous ne connaissiez pas le
4 Règlement ni les décisions prises, même si j'ai suggéré à un moment donné
5 que vous aurez peut-être la chance d'avoir une autre Chambre qui soit
6 saisie de l'affaire.
7 Mais je dois vous rappeler qu'ici, c'est nous qui statuons, c'est nous,
8 cette Chambre-ci, qui statuons sur les requêtes déposées en vertu de
9 l'Article 72. C'est ce que nous avons dit dans Krnojelac et c'est ce que
10 nous allons appliquer. Donc je vous avais avertie qu'il fallait que votre
11 Acte d'accusation soit modifié d'ici au 17 novembre, avec les détails
12 requis dans l'affaire Krnojelac.
13 La décision prise, s'agissant de la requête en vertu de l'Article 72, a
14 été suspendue jusqu'au moment où arrivera la décision Celebici sur le
15 cumul des charges. C'est un tout petit point par rapport à l'obligation de
16 remodifier un Acte d'accusation: soit on les laisse en tant que charges
17 alternatives où il n'y a pas cumul, soit on considère qu'il y a cumul de
18 charges. Et normalement, on devrait avoir une décision à la fin de ce
19 mois. On attend la décision de Celebici le 20 de ce mois. Donc vous aurez
20 très peu de temps qui vous sera disponible pour déposer un nouvel Acte
21 modifié.
22 Je vous préviens: vous n'aurez peut-être que deux semaines pour le faire.
23 En d'autres termes, on peut espérer avoir un Acte d'accusation en bonne et
24 due forme vers le milieu du mois de mars.
25 Si ce procès commence effectivement au mois de mai, vous devrez sans doute
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1 communiquer le nom de ces témoins avant le début du procès, du moins la
2 majorité de ces noms. Je vois bien que, pour l'un ou l'autre de ces noms,
3 d'après ce que vous avez dit en "ex parte", la communication se fera un
4 peu plus tard.
5 Je ne sais pas: cette position, qu'elle soit de principe ou paranoïaque,
6 quelle que soit votre option, ne couvrira qu'une période très courte de
7 temps.
8 Il y a autre chose qui est un peu en coulisse. Le Président a rendu une
9 ordonnance quelque peu différente de l'ordonnance précédemment rendue par
10 lui-même. Ordonnance dans laquelle il vous demande, ou plutôt il vous
11 autorise à présenter une requête devant la présente Chambre afin que vous
12 soit accordées d'autres mesures de protection. Il y a eu maintenant dépôt
13 de ladite écriture. Est-ce que vous avez discuté avec la défense de cette
14 question?
15 Mme Korner (interprétation): Nous n'avons pas reçu de réponse à cet égard
16 et les conseils de la défense n'ont pas non plus soulevé cette question
17 avec moi dans quelque échange de correspondance qui a été occasionné par
18 d'autres questions.
19 Nous demandons simplement qu'il y ait cohérence dans les ordonnances
20 rendues, vous l'aurez constaté.
21 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous demandez en fin de compte
22 aussi que soit remédié à ce que vous estimez être une différence entre la
23 Chambre III et le Président.
24 Je pensais que nous avions bien exprimé notre position au moment où nous
25 avons été chargés de la chose par la Chambre I, à savoir de déterminer
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1 quelle démarche serait adoptée. Mais vous n'avez pas laissé entendre de
2 quelle façon ceci s'intégrait dans le problème qui semble être survenu
3 entre le Président et la Chambre de première instance quant à la démarche
4 que nous avons, nous, adoptée après délégation qui nous a été faite par la
5 Chambre I.
6 Mme Korner (interprétation): Je pense que c'était simplement une
7 suggestion. Nous voulions simplement attirer votre attention sur le fait
8 que, même si le Juge Jorda avait rendu une ordonnance qui était prête à
9 couvrir les documents du procès Kovacevic, c'était vrai aussi pour le Juge
10 May.
11 Il y avait eu des modifications du Règlement apportées récemment, qui
12 permettaient désormais aux Juges de consulter les Juges de la Chambre
13 initiale. Je ne pense pas que nous ayons formulé la moindre suggestion.
14 Nous vous faisions valoir tout simplement qu'au moment où vous alliez
15 rédiger une ordonnance, il fallait que cette dernière soit dans le droit
16 fil des ordonnances déjà rendues dans une autre affaire.
17 M. le Président (interprétation): Ce n'était pas très clair, mais
18 maintenant que c'est pour moi, je comprends. Très bien.
19 Est-ce que vous vouliez soulever d'autres questions dans le cadre de cette
20 conférence de mise en état?
21 Mme Korner (interprétation): Non, ce n'est pas le cas.
22 M. le Président (interprétation): Maître de Roux, Maître Pitron, avez-vous
23 quoi que ce soit à ajouter suite à ce que Mme Korner a dit tout d'abord?
24 M. de Roux: Monsieur le Président, vous avez dit très largement ce que
25 pense la défense dans cette affaire et la difficulté où nous sommes pour
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1 mener à bien notre tâche, puisque nous sommes depuis des mois dans cette
2 affaire de témoins protégés ou non protégés.
3 On vous a indiqué que 68 noms de témoins avaient été donnés: cela est
4 parfaitement juste. Mais encore faut-il savoir l'importance de ces
5 témoins: entre les 68 communiqués, on trouve d'ailleurs d'éminents
6 professeurs pour nous raconter l'histoire des Balkans et puis les témoins
7 dont nous ne savons rien. Et cela malgré le principe posé clairement par
8 le Président Jorda.
9 Nous avons bien reçu une lettre de Mme Korner qui y faisait allusion tout
10 à l'heure, mais elle est de lundi. Elle est de lundi dernier. Nous n'avons
11 pas encore répondu parce qu'elle est de lundi. Je crois que nous sommes
12 réellement...
13 Enfin, en ce qui concerne la pièce fondamentale qui est l'Acte
14 d'accusation, la pièce fondamentale, nous allons être à la troisième
15 version et nous attendons toujours cette troisième version.
16 Vous nous dites que le Tribunal -et nous en prenons note avec plaisir
17 d'ailleurs- pourrait se réunir au mois de mai prochain pour entendre cette
18 affaire. Encore faut-il...
19 M. le Président (interprétation): J'ai dit, bien sûr, "sous réserve du
20 résultat des élections". Si l'un ou l'autre des Juges ou les trois Juges
21 n'étaient pas réélus, la situation serait tout à fait différente. Mais
22 nous espérons sans aucun doute que nous aurons de toutes façons déjà pu
23 aborder ce procès dont on peut espérer l'ouverture en mai.
24 M. de Roux: La vie est souvent faite d'élections et de succès aux
25 élections.
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1 (Sourires.)
2 Ceci étant, je crois que nous sommes toujours dans la même position.
3 Monsieur le Président.
4 Je ne veux pas revenir sur ce que vous avez largement dit, mais il y a un
5 dernier point que vous n'avez pas abordé, qui est la question des éléments
6 à décharge.
7 L'accusation nous dit récemment, il y a une dizaine de jours: "Dites-moi
8 quelles sont les pièces à décharge que vous souhaitez". Je crois que la
9 règle de procédure dit que, lorsqu'il existe des pièces à décharge dans le
10 dossier, le Procureur doit en donner communication à la défense. Or, là,
11 on inverse les rôles: on nous demande de demander des pièces que nous ne
12 connaissons pas par nature puisqu'elles sont dans les documents du
13 Procureur et on nous dit: "Dites-nous les pièces que vous voulez à
14 décharge".
15 C'est encore une troisième façon étrange pour l'accusation de prendre ce
16 dossier et nous souhaiterions sur ce point des pièces à décharge que
17 conformément au Règlement de Procédure, s'il existe des pièces à décharge,
18 si le Procureur a des pièces à décharge, qu'il veuille bien nous les
19 communiquer. Merci.
20 M. le Président (interprétation): Madame Korner, par le passé, vous nous
21 avez dit que vous aviez plein d'équipes à l'étage supérieur, qui
22 examinaient tous les documents pour retrouver ces documents. C'est une
23 obligation qui vous incombe.
24 Mme Korner (interprétation): J'aimerais vous donner lecture d'une lettre
25 que nous avons envoyée tant à Me Ackerman qu'à Me de Roux et Me Pitron.
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1 "Comme vous le savez, l'accusation se trouve sous l'obligation permanente
2 imposée par l'Article 68 du Règlement de Preuve et de Procédure de
3 communiquer des pièces à décharge. Nous continuons à examiner des
4 documents à la recherche de ces pièces à décharge, à partir de ce que
5 nous, nous voyons comme pièces qui pourraient être considérées comme
6 pièces à décharge. S'il y a des documents ou des domaines qui intéressent
7 particulièrement la défense, dites-le nous et nous demanderons à notre
8 personnel d'examiner les dossiers à la recherche de telles pièces".
9 Donc contrairement à ce que Me de Roux nous dit, il a reçu une réponse de
10 son partenaire, Me Pitron, dans des termes qui n'étaient pas, à mon avis,
11 particulièrement polis. Mais là, à mon avis, c'est une autre affaire.
12 Voilà comment se présente la situation, Monsieur le Président. Nous sommes
13 à la recherche de tous les documents que nous avons, à l'aide de personnes
14 chargées de cette tâche, pour trouver des documents qui, pour nous,
15 relèvent de l'Article 68, pièces à décharge, par rapport aux pièces
16 jointes à l'Acte d'accusation.
17 Mais il se peut qu'il y ait d'autres questions que la défense voudrait
18 nous demander d'examiner. Mais nous ne sommes pas du tout informés à ce
19 propos parce que nous ne connaissons pas la nature de la défense.
20 M. le Président (interprétation): J'étais sur le point de dire cela. Vous
21 ne pouvez procéder à cet examen qu'à partir de votre compréhension de ce
22 qui vous est demandé?
23 Mme Korner (interprétation): Oui.
24 M. le Président (interprétation): Et à partir du mémoire préalable au
25 procès, déposé par la défense, vous devrez faire davantage de travail
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1 mais, pour le moment, vous ne pouvez faire qu'à partir de ce dont vous
2 disposez. Nous le comprenons bien.
3 Est-ce que vous avez trouvé sur cette longue période de temps des pièces à
4 décharge?
5 Mme Korner (interprétation): Oui, elles ont été trouvées et communiquées.
6 M. le Président (interprétation): Et vous poursuivez cet exercice?
7 Mme Korner (interprétation): Oui.
8 M. le Président (interprétation): Si vous me permettez de le dire, votre
9 lettre aurait pu dire, de façon plus efficace: "Dites-nous quels sont les
10 éléments qui, à votre avis, seront soulevés au moment du procès et, en
11 fonction de cela, nous poursuivrons la recherche de documents".
12 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est une façon de le dire. Nous avions
13 pensé pouvoir mettre des gants.
14 M. le Président (interprétation): Le temps de mettre des gants est révolu
15 dans ce procès, je pense.
16 Je pense que nous avons résolu les questions concernant M. le général
17 Talic.
18 Maître Ackerman, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous
19 n'avons pas reçu de votre part de réponse à ce document portant le titre
20 "Justification déposée par l'accusation".
21 M. Ackerman (interprétation): Oui, et c'est à dessein que ce fut le cas.
22 M. le Président (interprétation): Tant que nous comprenons bien, si vous
23 n'avez pas l'intention de répondre, nous n'attendrons pas un tel document.
24 M. Ackerman (interprétation): Je ne voulais pas répondre à ce document-là
25 parce que, pour moi, toute cette question est en fait hors de contrôle. Je
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1 pense qu'elle devra sans doute se résoudre seule, me semble-t-il, avant
2 que l'accusation ne permette à la Chambre de première instance de trouver
3 une solution, avant le début du procès.
4 Je voulais attirer votre attention, Messieurs les Juges, sur ce qui
5 devient une question importante vu votre annonce faite d'une date
6 d'ouverture du procès imminente.
7 Nous n'avons pas reçu certains documents. Et quand je dis "certains", je
8 devrais dire plutôt "un nombre considérable de documents" qui ne nous ont
9 pas été communiqués. Or, ce sont des documents d'une importance sans doute
10 cruciale si nous voulons bien préparer notre défense.
11 Il y a, parmi ces documents, un groupe de documents saisis par
12 l'accusation au poste de sécurité publique CSB de Banja Luka. Il m'a été
13 dit, à un moment donné, que ces documents avait été scannés, se trouvaient
14 sur CD-Rom et allaient m'être remis dans les jours qui suivaient. Mais
15 ceci m'a été dit en août de l'an dernier, me semble-t-il.
16 Puis, on m'a dit qu'on avait fait une erreur et que, parmi les documents,
17 avaient été découverts certains documents très sensibles qu'il ne fallait
18 pas me communiquer. Là, j'ai protesté vivement, vous pouvez l'imaginer!
19 Puis quelque chose s'est passé: il a fallu redémarrer tout le processus à
20 zéro, on avait apparemment recommencé le scannage de tous les documents au
21 mois de novembre. Ce processus se poursuit encore aujourd'hui. Il se
22 pourrait qu'il y ait de 25.000 à 30.000 pages de documents que nous
23 n'avons jamais eu l'occasion de voir. Et lorsque nous allons enfin
24 recevoir ces documents, ils seront en BCS, ils ne seront pas traduits; il
25 faudra alors que moi, je demande à la seule personne qui m'est autorisée
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1 par le Greffe de m'aider et de l'atteler à cette tâche considérable qui
2 est de parcourir tous ces documents, afin que cette personne attire mon
3 attention sur tout élément qui risque d'être pertinent pour la défense de
4 mon client.
5 Il se pourrait fort bien qu'un de ces documents soit aussi important pour
6 procéder au contre-interrogatoire du tout premier témoin à charge cité
7 dans cette affaire.
8 Sans trop comprendre et sans trop connaître les tenants et aboutissants de
9 ce dossier, il semblerait qu'il y ait beaucoup d'éléments importants qui
10 n'ont pas encore été communiqués à la défense, ce qui veut dire qu'il y a
11 toute une foison de documents importants qu'il faudra contourner, d'une
12 façon ou d'une autre, parce qu'il y a des retards successifs.
13 Je ne veux ici rejeter la faute de ces retards sur personne. Je pense que
14 tout ceci tient aussi aux rouages du fonctionnement du Bureau du
15 Procureur, mais du fait de ces retards, ce que je crains, c'est que je ne
16 serai pas en mesure de me présenter devant vous, que ce soit en mai ou en
17 juin, et pour vous dire que je ne serai pas prêt à commencer ce procès.
18 Parce que je n'aurais à ce moment-là sans doute examiné que moins de la
19 moitié des documents qui m'auront été communiqués avant le début de ce
20 procès.
21 D'où ma vive, très vive inquiétude face à ces problèmes de communication
22 et à la façon dont ils pourraient être résolus.
23 S'agissant des témoins, apparemment, d'après mes notes, il y a 22 témoins
24 qui pourraient donner des informations très importantes, mais pour
25 lesquels nous n'avons pas le moindre renseignement. Ce qui nous empêche de
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1 lancer la moindre enquête s'agissant de ces témoins.
2 C'est un problème qui subsiste, entre autres. Mais il y en a beaucoup
3 d'autres qui demeurent avant l'ouverture possible de ce procès.
4 Et je peux vous dire, bien sûr, que je suis prêt à défendre mon client,
5 mais il faut que ce soit dans de bonnes conditions. Je suis d'autant plus
6 lésé que je ne suis pas autorisé à avoir un coconseil. Ceci m'est interdit
7 par le Greffe. Personne n'est donc en mesure de m'aider; je travaille
8 pratiquement tout seul. J'ai bien quelques personnes qui travaillent en
9 Republika Srpska, mais pas comme pourrait le faire un coconseil qui me
10 serait attaché, qui pourrait mener des enquêtes et aussi faire le tri des
11 documents qui n'ont pas encore été traduits.
12 Je n'ai personne qui soit à mes côtés et qui puisse m'éclairer sur toutes
13 ces questions comme ce peut être le cas pour Me de Roux et Me Pitron
14 puisqu'ils ne doivent pas demander au Greffe l'assistance qu'ils peuvent
15 obtenir.
16 Voilà quelle est ma situation. Je voulais vous en faire part maintenant
17 plutôt que plus tard pour vous dire que mon inquiétude va croissant vu la
18 situation.
19 M. le Président (interprétation): Vous venez de parler d'un dernier point,
20 celui du coconseil. Je pense qu'aujourd'hui la directive a changé, ce qui
21 veut dire que vous pouvez être aidé par un coconseil qui se chargera
22 notamment de la préparation du procès. Je pense que vous faisiez partie de
23 ces conseils de la défense qui ont pu convaincre la plénière des Juges à
24 modifier la directive.
25 M. Ackerman (interprétation): Oui, en effet, j'étais un des agitateurs en
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1 question et nous avons bien réussi d'ailleurs. Donc ceci a été modifié et
2 nous sommes maintenant dans une situation où on pourrait choisir cette
3 option à ce stade de la mise en état. Mais si c'était la solution que je
4 souhaitais, eh bien, cela reviendrait simplement à diviser le nombre
5 d'heures nécessaires avec un autre coconseil; cela ne me donnerait pas
6 d'heures supplémentaires.
7 M. le Président (interprétation): Qu'en est-il de ces documents? Je me
8 souviens de ce CD dont vous souhaitiez d'ailleurs qu'on vous le remette
9 puisque sa valeur s'élevait à plusieurs milliers de dollars.
10 Mme Korner (interprétation): Les documents auxquels on vient de faire
11 référence n'ont pas été mis sur CD parce qu'il a fallu les scanner à
12 nouveau.
13 M. le Président (interprétation): Pourquoi? Est-ce qu'il y a eu des
14 expurgations?
15 Mme Korner (interprétation): Eh bien, c'est parce qu'il y a beaucoup de
16 documents qui n'étaient pas lisibles.
17 M. le Président (interprétation): Je vous interromps pour vous poser une
18 question au sujet du nombre de ces documents.
19 Maître Pitron nous a parlé de beaucoup de ces documents, par exemple, au
20 sujet des problèmes de circulation en Republika Srpska, etc. Est-ce que
21 ceci est destiné à nous montrer que l'état-major de crise opérait un
22 contrôle sur la Republika Srpska? Est-ce que c'est l'objectif de ces
23 documents?
24 Mme Korner (interprétation): Je ne pense pas que Me Pitron ait très bien
25 expliqué de quoi il s'agissait.
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1 M. le Président (interprétation): Non, il faisait simplement une remarque
2 au sujet de la non-pertinence apparente de ces documents et je me
3 demandais donc si vous essayiez par là de démontrer le contrôle exercé par
4 l'état-major de crise dans certains domaines.
5 Mme Korner (interprétation): Non, il y a eu deux types de documents
6 communiqués, deux types de communications de documents.
7 Premièrement, nous communiquons sur papier des documents sur lesquels nous
8 avons l'intention de nous appuyer et qui tombent sous le coup de l'Article
9 68. Mais aux termes de l'Article 66 B du Règlement, les conseils de la
10 défense des deux accusés nous ont demandé communication intégrale des
11 documents de Banja Luka. Il s'agit des documents qui ont été saisis à
12 Banja Luka. En conséquence, ces documents ont été mis sur CD-rom et il y a
13 dans ces documents des documents qui ont été saisis au QG du premier corps
14 de la Krajina, qui présentent un grand intérêt pour les conseils de la
15 défense du général Talic. Et il est exact que, parmi ces documents, vous
16 avez tous les documents. Donc, effectivement, il y a des documents qui
17 n'ont absolument aucune pertinence, c'est évident, aucune pertinence pour
18 nous ni pour la défense, mais ils ont demandé la communication intégrale
19 des documents. C'est pourquoi vous avez des documents relatifs aux
20 violations des règles de circulation, etc.
21 En ce qui concerne les documents qui intéressent Me Ackerman, il y a deux
22 problèmes. Premièrement, ces documents ne sont pas encore sur disque et à
23 même d'être communiqués. Deuxième chose -et il l'a dit tout à fait
24 justement-: dans cette série de documents, il y a des documents que nous
25 qualifions de sensibles. Un échange de correspondances a eu lieu avec M.
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1 Ackerman cette semaine et nous avons essayé de lui expliquer ce que nous
2 entendions par documents sensibles. Nous sommes en audience publique donc
3 je ne pense pas qu'il convienne d'entrer dans les détails au sujet de ces
4 documents sensibles. Me Ackerman s'est opposé à ce que nous enlevions des
5 documents de l'ensemble de ces documents, des documents que nous
6 considérons comme sensibles, et moi, j'ai décidé que, lorsque ces
7 documents auront été retirés de l'ensemble des autres documents, la
8 Chambre pourrait prendre une décision à leur sujet.
9 Je dois dire, et je le dis à Me Ackerman, que nous estimons qu'il ne
10 serait pas utile de communiquer ces documents particuliers. Moi, ce que
11 j'ai proposé à Me Ackerman, c'est la chose suivante: ces documents sont
12 ici, il peut les examiner, les trier, seul, avec l'aide d'un interprète.
13 J'imagine et je comprends bien que cela prend beaucoup de temps. Nous
14 sommes conscients du fait que la date d'ouverture du procès approche. Nous
15 savons également qu'il s'agit d'un ensemble de documents qui présentent un
16 intérêt pour le conseil de la défense de M. Brdanin. Nous faisons tout ce
17 qui est en notre pouvoir pour communiquer ces documents.
18 M. le Président (interprétation): Mais n'est-il pas usuel que l'accusation
19 traduise les documents sur lesquels elle souhaite s'appuyer?
20 Mme Korner (interprétation): Oui, et à moins que je ne me trompe, nous
21 avons déjà sélectionné un certain nombre de documents qui ont été
22 communiqués il y a un certain temps, mais je crois que Me Ackerman
23 souhaite avoir tous les documents pour pouvoir les examiner sur CD.
24 M. le Président (interprétation): Mais il ne s'agit pas de documents sur
25 lesquels vous comptez vous appuyer?
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1 Mme Korner (interprétation): Ce sont les documents que nous communiquons
2 vu la demande formulée au aux termes de l'article 66 B.
3 M. le Président (interprétation): Oui?
4 M. Ackerman (interprétation): Un mot s'il vous plaît, Monsieur le
5 Président.
6 M. le Président (interprétation): Allez-y.
7 M. Ackerman (interprétation): En ce qui concerne ces documents dont nous
8 venons de parler, je voudrais dire la chose suivante. Un petit historique:
9 lorsque nous avons commencé notre enquête à Banja Luka, j'ai demandé à mon
10 enquêteur d'aller au bâtiment municipal et de commencer à passer en revue
11 les documents qui se trouvaient là et nous avons constaté que l'accusation
12 nous avait battus au poteau et qu'ils avaient non seulement pris des
13 exemplaires de ces documents, mais qu'ils avaient tout embarqué, si je
14 puis dire, emporté tous les documents appartenant à trois institutions
15 officielles de Banja Luka.
16 Donc il n'y avait plus de documents et, de ce fait, le Procureur est en
17 possession de tous les documents que nous considérons comme extrêmement
18 utiles pour notre enquête. C'est pourquoi j'ai demandé à Mme Korner de
19 nous faire communication de tous ces documents, pour que nous puissions
20 remplir notre mission. C'est ce que nous aurions fait à Banja Luka si
21 l'accusation n'avait pas fait ce qu'elle a fait.
22 Donc ce sont bien des documents pour lesquels il convient que l'accusation
23 nous fournisse une traduction.
24 M. le Président (interprétation): Etes-vous intervenus auprès du Greffe au
25 sujet du coût éventuel de ces traductions?
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1 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas l'intention de traduire ces
2 documents à moins que j'en trouve certains qui soient extrêmement utiles.
3 Il y a donc la personne qui m'a été attribuée par le Greffe et qui passe
4 ses journées à passer en revue ces documents pour déterminer s'il y en a
5 qui pourraient m'être utiles. Elle fait ceci depuis trois mois et elle
6 n'est même pas arrivée à la fin de la première série de documents. Donc à
7 ce rythme, j'imagine qu'elle en aura terminé à peu près en 2003.
8 M. le Président (interprétation): Mais peut-être serait-il utile de
9 signaler la chose au Greffe? On vous accordera peut-être une aide
10 supplémentaire. Le Greffe comprend ce genre de situation, mais il semble
11 difficile qu'il puisse refuser de vous accorder une aide supplémentaire.
12 M. Ackerman (interprétation): Oui, effectivement, je suis tout à fait
13 d'accord et je crois que je pourrais sans doute obtenir une aide
14 supplémentaire.
15 M. le Président (interprétation): Dernière chose à régler. Il s'agit,
16 Madame Korner, de la communication des documents qui actuellement ont été
17 déposés sur une basse ex parte. Est-ce que nous allons vous laisser le
18 soin d'en parler ou de révéler ces documents, ou est-ce que nous allons le
19 faire nous-mêmes?
20 Mme Korner (interprétation): Nous allons ajouter un addendum aujourd'hui.
21 M. le Président (interprétation): Moi, je ne m'opposerai pas à ce que vous
22 ajoutiez quelque chose au sujet de ces témoins disant que soit ils
23 habitent là, ou qu'ils envisagent de retourner à cet endroit, ou qu'ils
24 s'y rendent régulièrement, sans déterminer si tel ou tel témoin entre dans
25 telle ou telle catégories. Mais c'est votre argument le plus fort, le plus
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1 fort pour obtenir un report de la communication de ces pièces. Je pense
2 qu'il va falloir que vous entrepreniez quelque chose dans cette direction,
3 ou bien c'est nous qui allons prendre les choses en main.
4 Autre chose que nous avons stipulé dans notre lettre, c'est de savoir si
5 certains témoins ont déjà été menacés. J'estime aussi que ça, c'est
6 quelque chose que l'on peut révéler sans pour autant identifier les
7 circonstances dans lesquelles cela s'est produit.
8 Mme Korner (interprétation): Il s'agit d'un témoin bien précis.
9 M. le Président (interprétation): Mais je croyais qu'il y en avait deux.
10 Mme Korner (interprétation): Oui, deux. C'est pourquoi nous avons présenté
11 la chose ex parte, parce qu'étant donné la nature du rapport, on se rendra
12 très bien compte de quoi on parle.
13 M. le Président (interprétation): Peut-être pourrez-vous nous faire savoir
14 la chose ex parte parce que moi, je ne comprends pas très bien pourquoi
15 vous n'êtes pas en mesure de dire tout simplement: "Eh bien, ces personnes
16 ont reçu des menaces".
17 "L'une de ces personnes dit qu'il ou elle connaissait un témoin qui, dans
18 une affaire, avait été menacé." Alors ça, avec ce genre d'information, il
19 est très difficile d'identifier le témoin en question!
20 Mme Korner (interprétation): Il n'y a qu'un exemple dans lequel cela
21 s'applique. A ce moment-là, il serait très facile d'identifier le témoin
22 en question.
23 M. le Président (interprétation): Mais il faudra nous expliquer la chose
24 ex parte. Quand pourrons-nous faire cela? Parce que la semaine prochaine
25 nous ne siégions pas dans Krnojelac. Donc si c'était possible, nous
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1 souhaiterions régler toutes ces questions afin de faire avancer l'affaire
2 pour donner suffisamment de temps aux parties.
3 Mme Korner (interprétation): Disons lundi.
4 M. le Président (interprétation): Fort bien.
5 Mme Korner (interprétation): Ceci sera déposé avant 16 heures.
6 M. le Président (interprétation): Ensuite, nous souhaiterions une réponse
7 de la part de la défense du général Talic suite aux éléments communiqués
8 par l'accusation afin que nous puissions rendre une ordonnance.
9 Je sais que vous avez le droit normalement d'attendre une version en
10 français de ce document, mais il faut que vous gardiez à l'esprit le fait
11 que vous serez sans doute en mesure de lire la version en anglais. Je
12 voudrais donc vous demander de ne pas attendre la traduction en français
13 afin que nous puissions faire avancer les choses aussi rapidement que
14 possible et profiter de l'occasion qui nous sera donnée de traiter cette
15 question la semaine prochaine.
16 Maintenant, est-ce que quelqu'un souhaite évoquer un autre point? Merci.
17 Nous levons l'audience.
18 (L'audience est levée à 12 heures 15.)
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