Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 6 septembre 2001.)

2 (Conférence de mise en état, sous la présidence de M. le Juge Hunt.)

3 (Audience publique.)

4 (L'audience est ouverte à 11 heures 08.)

5 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous annoncer l'affaire, Madame

6 la Greffière?

7 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit

8 de l'affaire IT-99-36-PT, le Procureur contre Radoslav Brdjanin et Momir

9 Talic.

10 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?

11 L'accusation d'abord.

12 Mme Korner (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Joanna Korner; je

13 représente l'accusation. Pour la première fois aujourd'hui, j'ai deux

14 nouvelles personnes qui m'accompagnent: M. Andrew Cayley, qui est premier

15 substitut mais qui va m'assister ici, et notre substitut d'audience, Mme

16 Gustin qui remplace Mme Erasmus.

17 M. le Président (interprétation): Le conseil de M. Brdjanin?

18 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

19 John Ackerman; je défends les intérêts de M. Brdjanin et j'ai à mes côtés

20 Mme Maglov de Banja Luka ainsi que Mirela Jevtovic.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie et pour le Général

22 Talic?

23 M. de Roux: Je suis Maître Xavier de Roux du Bureau de Paris, assisté par

24 mon associé Me Pitron et par Mme Fauveau.

25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

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1 Cette conférence de mise en état a été convoquée conformément au

2 Règlement. Mais tout d'abord, j'aimerais dire que l'ordonnance initiale

3 qui prévoyait cette date et l'heure de cette conférence avait indiqué

4 l'heure de 10 heures. Je m'étais trompé, je m'en excuse; je crois que même

5 10 heures 30 n'aurait pas beaucoup aidé nos collègues de Paris, mais nous

6 avions prévu cette date de 10 heures 30 et il y avait…, cela n'avait pas

7 été une erreur délibérée.

8 Autre excuse: nous avons le nom de M. Cayley qui n'est pas dans l'ordre

9 qui convient lorsque ceci a été signalé dans l'ordonnance préparée par la

10 Chambre de première instance.

11 Est-ce que, au titre du Règlement, il y a certains aspects relatifs aux

12 conditions de détention, situation que voudrait évoquer l'un ou l'autre

13 des accusés? Est-ce qu'il y a telle ou telle question particulière que

14 vous voudriez discuter?

15 M. Ackerman (interprétation): Non.

16 M. le Président (interprétation): Maître de Roux?

17 M. de Roux: Non, Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

19 Je pense qu'il faut tout d'abord mentionner la date probable de

20 l'ouverture du procès. On vous avait dit qu'il commencerait début janvier.

21 Nous avons constaté que, s'agissant des affaires où il y a des accusés

22 serbes, en général, on demande que ces accusés serbes aient le droit de

23 bénéficier -je pense que l'on peut parler de bénéficier- de la possibilité

24 d'avoir leur fête de Noël orthodoxe qui intervient plus tard que le Noël

25 non orthodoxe et que, pour la plupart des procès, ils commencent après les

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1 vacances d'hiver, donc plutôt au cours de la deuxième semaine du

2 trimestre.

3 Il faut faire beaucoup de préparatifs. Etant donné toutes ces nécessités,

4 on pourrait prévoir le début de ce procès le lundi 14 janvier. Est-ce que

5 ceci pose des problèmes à qui que ce soit?

6 Mais je m'empresse de dire ceci: le 16 novembre, vous savez que c'est à

7 cette date que s'achève le mandat des Juges actuellement en service. Il

8 faudra que l'on procède à l'élection du Président du Tribunal. Ceci sera

9 réalisé par les Juges qui vont commencer leur mandat après cette date du

10 16 novembre. Donc, il y aura ceux qui ont été réélus et ceux qui arrivent

11 au Tribunal.

12 Nous avons pris des dispositions avec le Président en exercice et je dis

13 qu'il y a des possibilités; ce ne sont que des possibilités pour le

14 moment. Quelle que soit l'identité de ce nouveau Président, il faudra

15 peut-être procéder à quelques aménagements. Je peux vous dire que la

16 plupart de ces préparatifs prévoient cependant le début de ce procès-ci au

17 début de l'année prochaine. Je n'entrevois pas de problème à cet égard.

18 Ceci m'amène à évoquer une question qui est tributaire de la date

19 d'ouverture du procès. Il s'agit de la communication de ces quelque dix

20 témoins…

21 Oui, Maître Ackerman? Excusez-moi, je ne vous avais pas vu.

22 M. Ackerman (interprétation): Vous avez demandé nos commentaires à propos

23 de la date d'ouverture du procès. Je me dois de m'exprimer.

24 Je tiens absolument à ce que nous puissions commencer le 14 janvier; je

25 l'espère vivement. Tous les préparatifs sur lesquels j'ai un quelconque

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1 contrôle partent de ce principe du début du procès le 14 mars. Nous avons

2 un problème avec les services de traduction du Tribunal puisque ces

3 services n'assurent pas la traduction dans les délais prévus; et il se

4 peut qu'une fois arrivée la date du 14 janvier, il y ait encore des

5 documents qui attendent d'être traduits alors qu'il nous faut absolument

6 ces documents dans la langue de l'accusé avant le début du procès.

7 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce sont des déclarations

8 préalables ou ce sont simplement des documents qu'il faudrait produire

9 parce qu'ils ont été saisis à Banja Luka?

10 M. Ackerman (interprétation): Non. Pour certains, il s'agit de

11 déclarations préalables de témoins. Nous n'avons pas de traduction de

12 documents de l'anglais, ce qui permettrait à mon client de les examiner.

13 Nous ne sommes pas les seuls à souffrir de ce problème; ça se pose pour

14 toutes les affaires.

15 M. le Président (interprétation): Je pense que c'est là un euphémisme,

16 malheureusement, Maître Ackerman. Il est vrai qu'il y a beaucoup de gros

17 procès, d'importantes affaires qui occasionnent de nombreux problèmes. Si

18 ces documents n'étaient pas produits en français ou en anglais, je

19 comprendrais le problème; s'ils ne sont produits qu'en anglais, vous avez

20 quelques dispositions internes en vue de la traduction.

21 Je ne pense pas que ce soit une réponse satisfaisante, mais à un moment

22 donné il faudra bien commencer ce procès et, s'il y a arrivage de

23 documents après la date de l'ouverture, on en tiendra compte

24 effectivement; des témoins pourront être rappelés, mais je ne pense pas

25 qu'on puisse simplement dire qu'il faudra attendre l'arrivée hypothétique

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1 de tout document qui serait traduit par un service qui n'a pas

2 suffisamment de personnel. On ne peut pas attendre que tout le monde

3 dispose de tous ces documents dans toutes les langues.

4 M. Ackerman (interprétation): Je comprends bien qu'on ne peut pas attendre

5 que soient produits tous les documents pour commencer ce procès, mais il y

6 a certains éléments cruciaux, notamment les déclarations préalables de

7 témoins. C'est peut-être un problème de communication, je n'en sais rien,

8 Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Combien de déclarations préalables

10 n'avez-vous pas reçues en BCS?

11 M. Ackerman (interprétation): Je pense que l'accusation aura un chiffre

12 plus exact que moi, je pense qu'il s'agit peut-être de 25 à 30

13 déclarations, peut-être plus peut-être moins.

14 Lorsque quelqu'un qui fait de la traduction pour moi m'envoie une facture,

15 on me dit qu'il faut les soumettre au service de traduction et au Greffe.

16 Et si je fournis quelque chose au Greffe maintenant, je pense que je

17 devrais attendre l'été prochain pour recevoir ces documents traduits.

18 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il faudra parler au Greffe à

19 ce propos. Mais je vous comprends parfaitement; je vous reçois là-dessus.

20 Madame Korner, est-ce que vous avez une idée de l'état de la traduction?

21 Mme Korner (interprétation): Je n'ai pas compris.

22 M. le Président (interprétation): La déclaration de ces déclarations. Ça,

23 c'est important.

24 Mme Korner (interprétation): J'ai essayé de trouver quelques chiffres. Je

25 sais que nous avons été la cause de ces problèmes de traduction parce que

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1 nous avons fourni ces documents uniquement en anglais. Mais,

2 malheureusement, je ne peux pas vous donner de chiffre exact.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourriez tirer ceci au

4 clair?

5 Mme Korner (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Parce que l'argument bureaucratique

7 qu'on nous avance, c'est que ça devrait sortir d'une poche ou d'une autre;

8 mais cela ne m'impressionne pas beaucoup. Moi, peu importe qui débourse

9 pour ceci, mais il faut ces traductions soient faites.

10 Mme Korner (interprétation): Ecoutez, Monsieur le Président, je vais

11 essayer d'avoir une information, même pendant le cours de cette audience.

12 M. le Président (interprétation): Veuillez le faire, parce que sinon je

13 devrais faire jouer de mon influence dans ce service.

14 Maître de Roux, vous voulez intervenir, me semble-t-il?

15 M. de Roux: Oui, Monsieur le Président.

16 Dans cette affaire, moi, je suis très heureux d'entendre que ce procès est

17 fixé au 14 janvier; personnellement, cette date me convient parfaitement.

18 Encore faudrait-il que d'ici cette date, des questions substantielles qui

19 dépendent de l'accusation soient réglées.

20 Nous avons eu dans cette affaire quatre versions successives de l'Acte

21 d'accusation. Dans le dernier Acte d'accusation, dans la dernière version,

22 l'accusation nous dit maintenant que la responsabilité, donc le procès du

23 général Talic tiendrait au fait qu'il serait collectivement responsable

24 d'une entreprise criminelle, cette entreprise criminelle étant la

25 Republika Srpska, pour la bonne raison qu'elle aurait politiquement mené

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1 une campagne d'épuration ethnique et que cela constituerait un génocide.

2 Nous avons donc à discuter des raisons des déplacements de population.

3 Cela va être le point central de ce procès, de savoir si ce que l'on

4 appelle "l'épuration ethnique" était une volonté politique collectivement

5 partagée ou ces déplacements de population pouvaient avoir une cause

6 alternative.

7 Or, récemment, nous avons demandé à l'accusation: puisque trois généraux

8 musulmans ont été arrêtés et l'un, dans l'Acte d'accusation tel qu'on peut

9 le voir sur l'Internet aurait ou aurait eu les mêmes responsabilités

10 géographiques que le général Talic, ce serait donc en quelque sorte -et

11 toujours d'après l'Acte d'accusation- son adversaire présumé. Dans cette

12 zone, nous constatons un grand nombre de personnes déplacées, d'origine

13 serbe, expulsées de Croatie.

14 Voilà. Donc nous demandons à l'accusation qu'elle nous donne un certain

15 nombre d'éléments sur les charges pesant sur l'adversaire présumé du

16 général Talic pour savoir si les déplacements de population peuvent être

17 le fait de la guerre, peuvent être des fait reprochés éventuellement

18 d'ailleurs à ce général. Je respecte la présomption d'innocence, mais

19 c'est un point crucial dans ce procès puisque nous allons avoir à juger

20 pas seulement des faits mais maintenant -c'est l'Acte d'accusation-, nous

21 allons avoir à juger une politique avec tout ce que cela implique comme

22 système de preuve. Nous avons demandé ces communications à l'accusation

23 et, compte tenu de la date rapprochée du procès, nous souhaiterions que

24 ces communications soient faites dans des délais brefs et qu'enfin, nous

25 ayons une position définitive sur la validité de la dernière version de

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1 l'Acte d'accusation sur laquelle nous avons posé également un certain

2 nombre de questions.

3 Voilà ce que je voulais vous dire. Sur la communication de pièces, je me

4 permets de donner la parole à mon ami, Me Pitron.

5 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si Me Pitron va ajouter

6 quoi que ce soit à ce que vous venez de dire sur ce propos, mais revenons

7 à ce que vous venez de dire.

8 L'Acte d'accusation est un document public. Vous parlez de l'Acte

9 d'accusation à l'encontre de trois généraux musulmans; c'est un document

10 public, nous verrons ce qui est convenu. Il y aura peut-être des

11 allégations d'épuration ethnique dans cet Acte d'accusation.

12 Mais nous, en l'espèce, nous n'allons pas nous demander qui est

13 responsable du début de la guerre ou de la poursuite de cette guerre. Ce

14 qui nous concerne ici, c'est uniquement l'effet de cette cause. Le fait

15 que les Musulmans aient peut-être procédé à l'épuration ethnique des

16 Croates ou que les Croates aient peut-être procédé à l'épuration ethnique

17 des Serbes, en ce qui me concerne, n'est pas affaire pertinente. En

18 l'espèce, il n'est pas possible de justifier un crime en disant que la

19 partie adverse a commis le même crime à l'encontre de votre population. Il

20 est certain que vous serez intéressés à cette affaire; il y a peut-être

21 certains éléments qui vous intéresseront, mais je ne peux pas baser ce

22 procès ou le retarder parce que vous voulez mener une enquête sur

23 l'affaire ou les charges retenues contre ces trois généraux musulmans. Ce

24 n'est pas ce qui va se passer.

25 M. de Roux: Monsieur le Président, avec beaucoup de respect, je vous dirai

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1 que ce n'est pas du tout mon propos. Il n'est pas question, pour la

2 défense, de justifier un crime par un autre crime; il ne s'agit pas de

3 cela. Mais le crime qui nous est reproché est maintenant, dans sa

4 conception, un crime intellectuel. C'est une politique génocidaire,

5 politique génocidaire qui aurait entraîné des circonstances de

6 déplacements de population.

7 Ce qui est donc intéressant, c'est l'établissement du lien de cause à

8 effet et du seul lien de cause à effet entre une politique génocidaire

9 présumée et un certain nombre de faits qui se seraient produits après. Et

10 ce que nous disons, c'est que ces faits peuvent avoir une origine, une

11 cause alternative. Or, nous, défense, c'est ce lien de cause à effet entre

12 la supposée politique et son résultat sur le terrain que nous devons

13 totalement explorer. Et ce sera le procès, évidemment, puisque c'est

14 évidemment un procès historique.

15 Ce n'est pas nous qui le posons ainsi, c'est l'Acte d'accusation qui a

16 décidé de mettre ce procès sur ce registre. Nous sommes bien forcés de

17 suivre l'accusation et de répondre aux arguments de l'accusation.

18 M. le Président (interprétation): Mais si, effectivement, il y a eu

19 épuration ethnique de la part des Croates ou des Musulmans, c'est un fait

20 dont vous êtes au courant depuis longtemps. Le fait qu'il y ait maintenant

21 un Acte d'accusation dressé contre trois généraux musulmans ne modifie pas

22 l'existence de cette situation, si c'était bien la situation qui existait.

23 Ceci ne modifie pas la pertinence de ladite situation, pour autant qu'elle

24 en ait une.

25 Ce qui est certain, c'est que vous avez le droit d'explorer la question,

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1 mais je répète que nous n'allons pas retarder l'ouverture de ce procès de

2 façon à ce qu'il y ait enquête ou examen d'autres procès qui commencent,

3 dont la procédure commence uniquement, à moins que vous ne souhaitiez que

4 votre client ne demeure encore deux ans en détention provisoire pendant

5 que vous menez cette enquête.

6 Cela, ce sont les faits de l'espèce. Il faudra commencer ce procès et il

7 faudrait qu'il se produise quelque chose d'extrêmement important pour

8 justifier un retard à cette ouverture.

9 Maître Pitron, vous vouliez ajouter quelque chose?

10 M. Pitron: Je suis parfaitement d'accord avec ce qu'a dit notre confrère

11 Ackerman sur les problèmes de traduction qui sont extrêmement

12 problématiques dans cette affaire, notre client n'ayant pas la possibilité

13 d'avoir accès à un certain nombre de pièces déterminantes pour sa

14 compréhension des faits qui lui sont reprochés.

15 Et puis, je voudrais mettre l'accent sur un autre élément qui,

16 personnellement, me cause beaucoup de souci, et je dirais même une très

17 grande angoisse, pour la bonne tenue d'un procès au mois de janvier: je

18 veux parler de la communication des pièces par l'accusation.

19 J'attire votre attention, Monsieur le Président, sur le fait que, lors de

20 la dernière audience, le 18 mai, le Procureur s'est engagé devant vous à

21 remettre tous les témoignages qui lui restaient à communiquer pour le 20

22 juin et la totalité des pièces pour, au plus tard, la mi-août.

23 Or, simplement, depuis le 20 juin, nous avons reçu le nom de 34 nouveaux

24 témoins, nous avons reçu plusieurs déclarations de chacun de ces témoins,

25 plus des déclarations d'anciens témoins. Ce qui fait, toujours depuis le

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1 20 juin, environ 60 déclarations dont, vous l'avez rappelé, de nombreuses

2 n'ont jamais été traduites en serbo-croate, a fortiori en français.

3 Pour ce qui concerne les pièces, depuis la mi-août et simplement depuis la

4 mi-août, nous avons reçu 22 classeurs de documents, un certain nombre de

5 vidéos depuis simplement… Et si je me réfère simplement à la période

6 courant, depuis le 18 mai, nous avons reçu 60.000 documents.

7 Et Mme le Procureur nous annonce de nombreuses nouvelles pièces. J'en ai

8 trouvé ce matin au Tribunal en arrivant et il m'en est annoncé de

9 nouvelles pour les prochaines semaines.

10 Alors, naturellement, Monsieur le Président, il est évident que, dans de

11 telles circonstances et même mis à part les problèmes de traduction, et

12 même malgré notre volonté très forte de voir ce procès débuter, nous

13 sommes dans l'impossibilité matérielle de dépouiller l'ensemble de ces

14 documents.

15 Et je ne voudrais pas en rester à une mise en accusation facile de tel

16 département de traduction ou de tel département en charge de la

17 photocopie. Car, si je me réfère aux dates des témoignages notamment qui

18 me sont communiqués, je m'aperçois que, sur la soixantaine de déclarations

19 que je vous ai citées, seules cinq ont été obtenues durant l'année 2001.

20 C'est-à-dire que l'écrasante majorité d'entre elles est entre les mains du

21 Procureur depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années, et que, si

22 j'en ai pas disposé à ce jour, ce n'est pas de mon fait mais uniquement du

23 sien.

24 Alors, encore une fois, je me répète: nous sommes désireux d'avancer dans

25 cette affaire, nous sommes désireux d'avoir un procès mais avant tout

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1 désireux d'avoir un procès équitable. Aujourd'hui et pour janvier

2 prochain, je ne vois pas comment ce procès peut être équitable.

3 Sauf naturellement, Monsieur le Président, ainsi que me le rappelle Me de

4 Roux, si vous avez la volonté d'écarter les pièces qui ont été

5 communiquées tardivement et qui n'ont pas un aspect contradictoire.

6 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous aviez effectivement

7 promis que tout serait communiqué avant la fin de juillet ou la mi-août.

8 Est-ce que vous avez respecté les dispositions de l'Article 68, pour ce

9 qui est des pièces à décharge tout du moins?

10 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous nous sommes

11 exécutés, eu égard à l'Article 66 ainsi que eu égard à l'Article 68, pour

12 ce qui est de tous les documents dont nous sommes pour le moment au

13 courant. L'Article 68 représente une obligation permanente qui se

14 poursuit. Je dois insister sur ceci; ce qui a d'ailleurs été dit dans

15 d'autres affaires.

16 Vous savez que nous recevons de façon constante des documents dans cette

17 institution. Je vous donne un exemple...

18 M. le Président (interprétation): Je crois que nous le savons tous,

19 Madame. Nous savons que l'accusation ne se trouve pas dans une situation

20 aisée puisque des Etats commencent à coopérer, fournissent les documents.

21 Mais ce qui m'inquiète, ce sont ces milliers de documents dont vous

22 disposez depuis déjà le début de l'année dernière. Est-ce que vous avez

23 communiqué à la défense les éléments à décharge relevant de l'Article 68

24 dans une langue que peut comprendre l'accusé?

25 Mme Korner (interprétation): La réponse à votre question est un oui très

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1 global, car la majeure partie de ces documents sont en fait rédigés en

2 langue serbe.

3 M. le Président (interprétation): Les avez-vous communiqués dans une

4 langue comprise par le conseil?

5 Mme Korner (interprétation): Pas toujours, parce que les difficultés de

6 traduction sont énormes. Nous avons proposé de soumettre des résumés; je

7 crois en avoir déjà parlé la dernière fois, Monsieur le Président, et

8 cette offre a été rejetée par les deux conseils de la défense car ils ont

9 dans leur équipe des gens qui parlent et lisent la langue en question.

10 Je dois vous dire, Monsieur le Président, que le Règlement ne prévoit pas

11 que les documents relevant de l'Article 68 soient communiqués dans une

12 langue comprise par l'accusé; ceci ne concerne que les documents sur

13 lesquels nous avons l'intention de nous appuyer. Donc le Règlement nous

14 contraints à notifier à la défense l'existence des documents liés à

15 l'Article 68.

16 M. le Président (interprétation): Donc, si quelque chose arrive en arabe

17 -je n'imagine que ce sera le cas ou que quiconque comprenne cette langue-,

18 vous dites que vous avez respecté le Règlement en produisant ce document?

19 Mme Korner (interprétation): Eh bien, il faudrait essayer de le faire

20 traduire. Mais vous avez raison, le Règlement ne stipule pas la nécessité

21 de traduction.

22 M. le Président (interprétation): Mais pour un procès, il faut que ces

23 documents soient traduits. Je vois bien quels sont les problèmes qui se

24 posent avec la traduction. Nous en avons tous d'ailleurs. Il faut trois

25 semaines pour avoir un projet de traduction de 22 pages.

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1 Mais à moins que la communication des documents à décharge ait été faite,

2 le procès ne peut pas se poursuivre et la défense ne peut pas avoir

3 connaissance de ces documents si personne ne comprend la langue dans

4 laquelle ils sont rédigés.

5 Mme Korner (interprétation): Je peux vous assurer, Monsieur le Président,

6 qu'aucun document n'a été communiqué pour le moment dans une quelconque

7 autre langue. On me reprend toujours quand je me lance dans cette voie.

8 Mais enfin, à ma connaissance en tout cas, au mieux de mes connaissances,

9 ces documents communiqués sont en anglais ou en serbe et ils ne sont ni en

10 arabe ni en allemand ni dans une autre langue.

11 M. le Président (interprétation): Si vous vous souvenez de ce qu'a dit Me

12 Pitron la dernière fois, il a parlé de documents qui lui ont été

13 communiqués en cyrillique et sur CD par ailleurs.

14 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est exact.

15 M. le Président (interprétation): Vous direz peut-être que son client peut

16 lire ces documents, mais son client n'a pas d'ordinateur pour lire le CD,

17 donc fournir ces éléments sur CD n'est d'aucune aide pour personne.

18 Mme Korner (interprétation): Pour autant que nous comprenions l'affaire,

19 Monsieur le Président, le client -je m'appuie, pour dire cela, sur mon

20 expérience personnelle de la défense-, le client, normalement, donne des

21 instructions à ses conseils et c'est sur la base de ces instructions que

22 les avocats qui lisent le serbe ou le bosniaque devraient pouvoir estimer

23 si, oui ou non, le document est pertinent pour la défense.

24 Monsieur le Président, je me rend compte, comme tout le monde d'ailleurs,

25 que ce n'est pas la façon la plus souhaitable de procéder mais

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1 malheureusement, pour le moment, c'est la seule méthode qui soit offerte à

2 nous pour garantir que les documents couverts par l'Article 68 soient

3 communiqués à la défense.

4 M. le Président (interprétation): Mais en dehors des déclarations

5 préalables, il y en a qui n'ont pas été traduites, mais est-ce que vous en

6 avez encore que vous n'avez pas communiquées? Vous nous avez dit que vous

7 en aviez un grand nombre, la dernière fois. Vous en êtes actuellement à la

8 sixième requête pour mesures de protection; est-ce que vous allez vous

9 appuyer sur d'autres déclarations préalables, encore, de témoins?

10 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il y a en a encore… Il

11 y a encore des déclarations émanant de deux types de témoins, si je puis

12 m'exprimer ainsi, mais les documents et le nom des témoins sont en cours

13 de communication actuellement. Il s'agit de témoins provenant

14 d'organisations humanitaires internationales. Nous avons mené des

15 négociations avec ces organisations, nous le faisons déjà depuis plusieurs

16 mois, pour déterminer si oui ou non certains témoins représentant ces

17 organisations ont des chances de témoigner. Ces négociations n'ont pas

18 encore abouti et elles concernent trois témoins.

19 M. le Président (interprétation): S'il s'agit de la Croix-Rouge, je peux

20 vous dire que la réponse est non. C'est toujours non.

21 Mme Korner (interprétation): Oui, nous le savons, mais ces témoins ne

22 proviennent pas de cette organisation.

23 Et puis il y a un autre aspect des choses, à savoir que certains témoins

24 que nous avions l'intention d'entendre initialement ne vont pas témoigner

25 pour diverses raisons; nous devons donc les remplacer.

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1 Et puis nous avons également constaté que dans un cas ou deux où nous

2 avions proféré des allégations relatives très précisément à certains

3 incidents, la réponse est: "oui-dire". Nous pensons néanmoins qu'il est

4 préférable d'entendre des témoins directs.

5 M. le Président (interprétation): Quand est-ce que vous pensez disposer de

6 toutes ces déclarations préalables?

7 Mme Korner (interprétation): En septembre… Mi-septembre, je dirais. Mais

8 je peux d'emblée annoncer que le nombre concerné est très limité et qu'il

9 n'y aura pas de témoignages impliquant directement l'accusé dans ces

10 déclarations dont je viens de parler.

11 M. le Président (interprétation): S'agira-t-il de documents qui seront

12 présentés dans la langue qui convient? Première question. Est-ce que ces

13 déclarations seront disponibles dans les trois langues du Tribunal?

14 Mme Korner (interprétation): Les déclarations concernant les représentants

15 des organisations internationales sont en anglais, les déclarations qu'il

16 est prévu d'utiliser. Je vais me renseigner sur cette question pour les

17 autres déclarations, pour déterminer si oui ou non elles sont recueillies

18 en deux langues.

19 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Madame Korner, ce serait tout à

20 fait tragique si le procès ne pouvait pas commencer en janvier.

21 Mme Korner (interprétation): Je suis d'accord.

22 M. le Président (interprétation): Donc, il n'est pas question d'attendre

23 pour voir et de dire: "la section chargée de la traduction n'est pas

24 efficace". Nous savons qu'elle a des problèmes mais nous savons aussi

25 qu'elle ne dispose absolument pas du nombre de traducteurs nécessaire et

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1 là encore, on en revient toujours à l'argument consistant à déterminer

2 d'où, de quelle poche sort l'argent.

3 Mais le procès doit commencer en janvier car s'il ne commence pas en

4 janvier, il ne pourra être que reporté à juillet ou à septembre de l'année

5 prochaine et ce serait véritablement un tort absolument considérable qui

6 serait fait à ces deux hommes qui sont en prison depuis déjà pas mal de

7 temps. Il faut donc que le Procureur soit le premier à comprendre la

8 chose.

9 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, moi-même et tous les

10 membres du Bureau du Procureur sommes absolument convaincus que ce procès

11 doit commencer car ces homme sont en prison depuis deux ans.

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 Mme Korner (interprétation): Ce n'est pas une question de finances, si je

14 comprends bien, et je compatis entièrement avec les responsables de

15 l'unité chargée de la traduction. Je crois comprendre que le problème est

16 l'impossibilité d'obtenir des traducteurs compétents. S'il s'agit de

17 traduction de documents sensibles, ils ne peuvent pas être traduits à

18 l'extérieur et j'ai cru comprendre que le problème venait du fait qu'il

19 était impossible de trouver du personnel qualifié.

20 M. le Président (interprétation): Oui, bon, écoutez... Vous demandez la

21 parole depuis pas mal de temps.

22 M. Pitron: J'ai entendu que nous allons recevoir de nouveaux témoignages.

23 J'ai entendu que certains d'entre eux ne seraient pas en langue serbo-

24 croate et que nous aurons des problèmes de traduction. Mais j'ai entendu

25 aussi qu'on essayait de faire une analyse exégétique de l'Article 68 du

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1 Règlement de procédure et de preuve pour dire, si j'ai bien compris, que

2 du moment que le Procureur a communiqué les documents, c'est aux avocats

3 de l'accusé de faire le tri, parmi ces documents, entre ce qui est

4 disculpatoire pour lui ou non.

5 L'important, la seule chose vraiment importante, c'est que ce procès se

6 tienne dans des conditions "fair". Or, il ne faut pas oublier que dans

7 cette affaire nous avons, depuis plus de deux ans, plusieurs centaines de

8 milliers de documents. Si le Procureur ne remplit pas son obligation

9 extrêmement claire, aux termes de l'Article 68, de nous dire quels sont

10 les éléments effectivement disculpatoires, nous sommes incapables, dans le

11 laps du temps qui nous est laissé, de les trouver tout seuls.

12 Je le dis très honnêtement, Monsieur le Président, et je pense que c'est à

13 cet effet que l'Article 68 a été créé; c'est pour permettre au procès et à

14 la défense d'accélérer et d'améliorer son travail. Je demande donc

15 instamment au Procureur, non pas de régler des problèmes qui ne relèvent

16 pas de lui, des problèmes de photocopies ou des problèmes de traduction;

17 je lui demande de remplir son obligation légale et de me dire, à très,

18 très bref délai, parmi les centaines de milliers de documents qu'il m'a

19 communiqués -je ne reviendrai pas, Monsieur le Président, sur les

20 problèmes des chats et des chiens écrasés à Banja Luka dans les années

21 1993-, de me dire, parmi les documents qu'il m'a communiqués, ceux-là qui

22 sont disculpatoires pour mon client. A défaut, je ne suis pas en mesure

23 d'assurer correctement sa défense. C'est une obligation légale, je le

24 répète.

25 M. le Président (interprétation): Maître Pitron, je crois que vous

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1 accordez peut-être un poids trop considérable à l'Article 68. Cet Article

2 a pour objet de faire en sorte que ce qui peut laisser penser que l'accusé

3 est innocent, ce qui peut influer sur la crédibilité des pièces de

4 l'accusation, soit communiqué. Il est toujours très difficile de

5 déterminer ce qui peut ou ne peut pas être une atténuation de la

6 culpabilité de l'accusé ou déterminer son innocence, parce que tout dépend

7 aussi de la présentation des arguments de la défense. Donc, il faut tout

8 de même rester du côté de la prudence et le Procureur ne peut que

9 communiquer ce qu'il pense être disculpatoire, mais il ne peut pas vous

10 dire ceci: "Ceci est disculpatoire parce que ce document dit ceci et

11 cela". Il peut vous communiquer un document en vous disant: "Ecoutez, nous

12 ne connaissons pas vos arguments mais nous vous communiquons ceci et nous

13 pensons que peut-être il y aura des éléments disculpatoires dans ces

14 documents". Cela étant dit, le Procureur pourrait sans doute vous dire

15 lesquels, parmi les milliers de documents qui vous ont été communiqués,

16 sont disculpatoires, mais ce en application de l'Article 66 plutôt que de

17 l'Article 68, sans doute.

18 En tout cas, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que le Procureur sache

19 quels sont les éléments à décharge ou pourquoi ces éléments sont à

20 décharge ou quel est l'élément particulier dont vous pourrez tirer profit.

21 Le mieux que le Procureur peut faire, c'est vous dire: "Ecoutez, voilà des

22 documents qui sont pertinents dans le procès, il est possible qu'ils

23 soient disculpatoires". Je crois tout de même qu'il faut être réaliste

24 dans la façon d'aborder les choses.

25 Nous demanderons bien sûr à Mme le Procureur si elle est capable de dire

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1 quels sont les documents qui, peut-être, relèvent davantage de l'Article

2 68 que de l'Article 66. Vous pouvez nous le dire, Madame Korner?

3 Mme Korner (interprétation): La difficulté réside dans le point suivant:

4 certains documents sont composites.

5 M. le Président (interprétation): Peut-être, mais suivons donc la plainte

6 exprimée par Me Pitron, qui l'a d'ailleurs exprimée précédemment, déjà, à

7 savoir que tous ces documents que vous lui communiquez parfois parce

8 qu'ils font partie du Procureur ou d'autres fois parce que ce sont des

9 documents saisis à Banja Luka, ou d'autres fois encore parce qu'ils

10 relèvent de l'Article 68, il faut tout de même que quelqu'un ait une idée

11 des raisons qui font que ces documents sont communiqués. Donc nous ne vous

12 demandons pas sur quelle base vous fondez la possibilité que ces documents

13 soient disculpatoires, mais cela pourrait tout de même être utile s'il y

14 avait quelque chose qui permettait à la défense de les identifier dans une

15 catégorie ou dans une autre. Il faut tout de même que la défense puisse

16 travailler.

17 Mme Korner (interprétation): Oui, nous pouvons faire cela même si cela

18 exigera quelque temps car il faut que nous revenions sur toutes les pièces

19 communiquées. Nous pourrons sans doute déterminer dans la majeure partie

20 des cas quels sont les éléments qui, à notre avis, sont éventuellement

21 disculpatoires.

22 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela pourra se faire par

23 roulement, de façon à ce que les deux accusés puissent avoir une idée des

24 documents qu'il convient de regarder de façon plus précise?

25 Mme Korner (interprétation): Je pense que cela sera possible, Monsieur le

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1 Président. Nous avons deux lots, donc nous pouvons faire cela pour les

2 deux lots.

3 M. le Président (interprétation): Avant que… Je vous prie, n'attendez pas

4 d'avoir fini l'examen de tous les éléments avant de commencer la

5 communication et le transfert de ces informations. Faites-le au fur et à

6 mesure.

7 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est possible, Monsieur le Président.

8 Et pour revenir sur ce que vous avez dit, Monsieur le Président, vous vous

9 souviendrez sans doute qu'il y a pas mal de temps, nous avons écrit à la

10 défense pour lui demander de nous indiquer ce qui l'intéressait. La

11 défense a refusé de répondre.

12 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, et c'est la raison pour

13 laquelle j'ai souligné quelles sont les difficultés que cela crée

14 également à l'accusation. Et maintenant que vous venez de revenir sur

15 votre expérience en tant que conseil de la défense, je pense pouvoir vous

16 dire que j'ai aussi une expérience de ce genre moi-même.

17 Maître Ackerman?

18 M. Ackerman (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

19 revenir, reprendre la parole, car Joanna Korner n'a pas dit quelque chose

20 que j'aurais souhaiter l'entendre dire.

21 Je sais que des interrogatoires de témoins ont eu lieu à Banja Luka dans

22 les 30 à 45 derniers jours: au moins 30. Je crois pouvoir dire que 30 ou

23 35 témoins ont été entendus et Mme Korner n'a rien dit au sujet des

24 déclarations de ces témoins. Elle n'a pas dit que ces déclarations

25 seraient communiquées ou quoi que ce soit de ce genre. Je crois savoir que

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1 pas mal d'éléments ont été recueillis auprès de ces témoins à Banja Luka

2 et qu'il s'agit donc sans doute de témoins que l'accusation va citer à la

3 barre ou, en tout cas, de témoignages qui relèvent de l'Article 68 et qui

4 pourraient être disculpatoires.

5 Donc je ne sais pas exactement à quel moment il faut que j'évoque ce

6 point; je le fais maintenant car je pense qu'il est préférable pour moi de

7 le faire maintenant plutôt que d'attendre et de me rendre compte que je

8 dis trop tard et qu'il faut attendre encore trois mois.

9 M. le Président (interprétation): Ecoutez, cela, c'est un saut qualitatif

10 dans la logique que vous êtes en train de faire. Parce que c'est comme si

11 quelqu'un disait: "Je peux vous aider" et la réponse est: "J'ai passé

12 toute l'année dans l'hémisphère sud".

13 Vous dites que cela relève de l'Article 66 ou 68?

14 M. Ackerman (interprétation): Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

15 M. le Président (interprétation): Soyons réalistes, je vous prie. Vous me

16 semblez un petit peu masochiste dans cette affaire car ce que vous essayez

17 de faire, c'est attirer à votre encontre une masse de documents qui

18 pourraient sans doute être totalement non pertinents. Alors, nous, nous

19 avons entendu le Procureur nous dire qu'elle comprend bien quelles sont

20 ses obligations, qu'elle pense les avoir respectées dans l'application de

21 l'Article 66, que si des documents de ce genre avaient existé, elle vous

22 les aurait communiqués et que, sinon, elle vous communiquera les documents

23 liés à l'Article 68.

24 Mais je vous prie de pas vous montrer masochiste de cette façon en

25 demandant la communication de tous les documents saisis à Banja Luka parce

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1 que cela vous créerait plus de problèmes que cela n'en résoudrait.

2 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, je pense que vous

3 m'avez mal compris. Je ne demande pas au Procureur de me donner tous les

4 documents, absolument tous les documents recueillis à Banja Luka, mais je

5 m'adresse à vous parce que je crois savoir tout de même que certains de

6 ces entretiens ont eu lieu. Nous avons parlé à certaines de ces personnes;

7 nous savons que des déclarations ont été recueillies auprès de certaines

8 personnes. Peut-être y a-t-il dix déclarations, pas plus; je n'en sais

9 rien.

10 Tout ce que je demande, c'est que me soient communiqués les éléments

11 pertinents pour le procès en application de l'Article 68, parce que ce

12 sont des éléments qui vont être utilisés par le Procureur en tant

13 qu'éléments de preuve et que des témoins vont être cités. Si le Procureur

14 nous dit dans un mois qu'il a des éléments à nous communiquer, moi je

15 préfère le savoir tout de suite pour commencer à travailler d'emblée.

16 Madame Korner nous a dit aujourd'hui qu'il n'y aurait que quelques témoins

17 supplémentaires provenant d'organisations internationales, etc.. Moi,

18 j'aimerais pouvoir également l'entendre parler de ces témoins entendus à

19 Banja Luka parce que je sais qu'ils ont été entendus depuis un mois et

20 qu'ils risquent d'avoir un rôle très important dans le procès.

21 M. le Président (interprétation): Permettez-moi de vous dire ce qui suit:

22 si le Procureur vous communique des déclarations trop tard pour vous

23 permettre d'enquêter comme il se doit, le Procureur ne pourra pas

24 s'appuyer sur ces documents. S'il vous communique des éléments en

25 application de l'Article 68 dans les mêmes conditions, eh bien, tant que

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1 le doute existe, la même chose s'appliquera, c'est-à-dire qu'il ne sera

2 pas autorisé à les utiliser.

3 Cela fait 19 ans que je travaille et que je passe ma vie dans les

4 prétoires. Je pense que vous savez organiser votre travail et je ne

5 comprends vraiment pas pourquoi le travail ne peut pas être mieux organisé

6 et pourquoi nous devons subir toutes ces frustrations. Je vous demande

7 simplement de faire en sorte, des deux côtés, que le procès puisse avancer

8 parce que ces deux hommes sont en prison depuis plus de deux ans.

9 Je crois que ce serait une injustice pour tout le monde, notamment et

10 avant tout pour les accusés mais aussi pour les victimes, que le procès

11 soit retardé. Il serait absurde de devoir dire que ces procès ne peuvent

12 commencer que quand tout, tout, tout est réglé. En général, les procès

13 commencent alors qu'il y a quelques petits éléments à régler. Un mois

14 après le début du procès, il y a souvent quelqu'un qui dit au Procureur:

15 "Je peux vous aider sur tel ou tel point". Dans ces conditions, à

16 condition que la défense ait la possibilité de procéder à son enquête

17 avant de citer les témoins à la barre, je pense que tout va bien.

18 Le procès n'est jamais parfait. Depuis le premier procès, depuis le procès

19 Tadic, nous constatons qu'un grand nombre de déclarations de témoins sont

20 véritablement prises en compte par le Tribunal. Ces procès ne peuvent pas

21 aboutir à une justice parfaite mais ce que nous souhaitons, c'est qu'ils

22 aboutissent à la meilleure forme de justice possible, étant entendu que

23 les droits de l'accusé doivent être respectés et protégés. Et "protégés",

24 dans ma dernière phrase, est un mot important.

25 Si des obstacles surgissent au cours du procès, si les droits de l'accusé

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1 ne peuvent être protégés que par des reports ou suspensions, cela posera

2 des problèmes mais ce seront des problèmes, en tout état de cause. Mais,

3 en tout cas, il faut que le procès commence à la date prévue, parce qu'il

4 y aura d'autres possibilités. Un procès de ce genre ne va pas se mener

5 jour après jour sans la moindre interruption. Il y aura d'autres

6 possibilités de parler à des témoins, de les interroger.

7 Tous les procès jugés ici se sont déroulés en général sur la base de trois

8 ou quatre semaines de travail suivies d'une semaine de suspension. Donc,

9 en principe, chacune des parties peut poursuivre ses enquêtes. Nous ne

10 sommes pas ici dans des procès avec jury où le jury est assis, jour après

11 jour, dans le prétoire et où il est impossible de suspendre, ne serait-ce

12 qu'un instant.

13 Donc soyons tout de même réalistes, si vous le voulez bien. Essayons

14 d'être aussi réalistes et aussi efficaces que possible. Parce que ce que

15 j'ai déjà dit à Mme Korner est tout à fait exact: si vous perdez votre

16 tour au mois de janvier, vous devrez attendre jusqu'à la fin d'autres

17 procès. J'ai eu sous les yeux le calendrier pour l'année prochaine; je

18 peux vous dire que tout ce qui commencera l'année prochaine va durer un

19 an, deux ans ou trois ans. Si on ne passe pas à son tour, on attend au

20 moins six mois. Vous vous trouverez donc dans une situation très difficile

21 si vous ratez votre fenêtre de lancement en janvier. N'oubliez pas qu'il y

22 aura six procès menés simultanément.

23 M. Ackerman (interprétation): Je semble avoir quelques difficultés de

24 communication avec vous ce matin, Monsieur le Président. C'est sans doute

25 ma faute.

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1 Je ne souhaite pas que ce procès soit reporté d'une minute. Je veux qu'il

2 commence le 14 janvier. Cela est très important pour moi également. Donc

3 n'essayez pas de me faire dire que je souhaite un report du procès; ce

4 n'est pas le cas. Mais si le Procureur a recueilli des documents dans les

5 trente derniers jours à Banja Luka, il est nécessaire qu'il nous

6 communique… Je demande simplement au Procureur quand il prévoit de me les

7 communiquer pour que je puisse consigner cette date par écrit. S'il

8 prévoit de ne rien me communiquer, pas de problème.

9 M. le Président (interprétation): Je sais qu'au cours d'une conférence de

10 mise en état il peut y avoir un dialogue entre les parties. Et ne

11 m'utilisez pas en tant que boîte aux lettres, je vous prie.

12 Je n'aimerais pas que Mme Korner vous réponde: "Il faut encore que je

13 mène, que je fasse des recherches. C'est la raison pour laquelle je n'ai

14 pas encore communiqué…". Essayons de traiter directement et pleinement des

15 questions qui se posent parce qu'il y a encore d'autres questions à

16 traiter lors de cette conférence.

17 M. Ackerman (interprétation): J'en ai terminé. Merci.

18 Mme Korner (interprétation): Permettez-moi de dire rapidement que j'aurai

19 abordé ce problème à un autre stade, mais puisque Me Ackerman en a parlé

20 maintenant, j'y réponds.

21 Maître Ackerman le sait parce que ceci a fait l'objet de pas mal de

22 publicité: des enquêteurs sont allés à Banja Luka avec des citations à

23 comparaître produites par le Procureur. Il s'agit d'entretiens avec des

24 personnes qui ont un rapport interne avec des événements qui se sont

25 produits en 1992, et des personnes qui n'ont pas été mises en accusation.

Page 355

1 Il n'y a pas eu de déclarations qui aient été recueillies, il y a eu des

2 entretiens.

3 Ces entretiens sont pour le moment en train d'être transcrits et si, à la

4 fin de cette opération -puisque ceci a été réalisé par plusieurs

5 personnes, il est donc difficile de faire le point dès maintenant-, si à

6 ce moment-là, nous constatons qu'il y a des éléments qui relèvent de

7 l'Article 68, à ce moment-là, nous verrons laquelle des options nous

8 choisirons: soit nous informerons la défense du nom et de l'adresse de

9 chacun de ces témoins, mais il apparaît clairement que Me Ackerman s'est

10 déjà entretenu… Je parle de témoins, je parle de témoins ici. Ce ne sont

11 pas des témoins pour le moment, ce sont des personnes et Me Ackerman sait

12 qui sont ces personnes.

13 Ou l'autre option -et tout dépendra de la façon, de l'optique que nous

14 adoptons-: nous pourrons fournir des copies de compte rendu, du

15 transcript. Mais ceci n'a pas encore été dactylographié.

16 M. le Président (interprétation): Un instant. Vous avez des gens au sein

17 du Bureau du Procureur qui ont parlé avec ces gens?

18 Mme Korner (interprétation): Oui.

19 M. le Président (interprétation): Et vous savez, ces personnes savent ce

20 qui a été dit?

21 Mme Korner (interprétation): Oui.

22 M. le Président (interprétation): Et vous dites qu'il y a peut-être des

23 éléments qui ont été dits qui relèvent de l'Article 68?

24 Mme Korner (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Pourquoi ne pas en informer la défense

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1 maintenant, par forme écrite, pour leur fournir plus tard les

2 déclarations?

3 Mme Korner (interprétation): Ce ne sont pas des déclarations, ce sont des

4 entretiens.

5 M. le Président (interprétation): Je vois.

6 Mme Korner (interprétation): Nous pouvons sans aucun doute faire ceci:

7 nous pouvons fournir à la défense la liste de ces personnes.

8 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Attaquons

9 le cœur du problème: pourquoi ne pas dire à la défense quelle était la

10 nature de ces éléments qui pourraient constituer des éléments

11 disculpatoires en vertu de l'Article 68?

12 Mme Korner (interprétation): Parce que ces entretiens se sont poursuivis

13 pendant très longtemps et il est vraiment très ardu de recueillir, de

14 dépouiller ces éléments qui pourraient relever de l'Article 68.

15 M. le Président (interprétation): Vous avez dit que vous aviez plusieurs

16 enquêteurs. Vous pouvez demander à chacun d'entre eux s'il y avait des

17 éléments relevant de l'Article 68 ou qui sont susceptibles de l'être.

18 Est-ce que vous avez un souvenir quelconque de ce qui s'est dit? Si c'est

19 le cas, demandez donc à ces enquêteurs, couchez (?) sur ce principe, pour

20 fournir plus tard les déclarations.

21 On ne peut pas attendre qu'il y ait tous ces documents dactylographiés,

22 vérifiés, traduits. Essayons vraiment de remplir ces véritables

23 obligations, à savoir la communication de l'existence de ces documents.

24 Mme Korner (interprétation): Eh bien, de l'existence de ces documents, ces

25 personnes ont été interviewées, mais ces personnes, elles sont connues de

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1 la défense. Je suppose que, sous une forme ou une autre, la plupart de ces

2 personnes seront utiles à la défense parce que ce sont des gens qui ont

3 pris part aux événements. Par conséquent, je sais qu'il y a déjà eu des

4 entretiens menés par la défense.

5 M. le Président (interprétation): Mais ça, ce n'est pas votre obligation

6 en vertu de l'Article 68.

7 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est d'informer l'existence de certains

8 de ces éléments.

9 M. le Président (interprétation): Oui, si vous avez connaissance de ces

10 éléments qui relèvent de l'Article 68, il faut les communiquer. Je

11 conviens que ce serait préférable de le faire sous forme de déclarations

12 préalables, une fois que tout ceci aura été terminé, mais c'est l'attitude

13 classique dont je me plains si souvent, Madame Korner. Je sais que

14 l'accusation estime qu'elle ne veut pas coopérer en l'espèce; vous l'avez

15 dit clairement, parfaitement clairement. Or c'est une obligation que vous

16 impose le Règlement et nous avons le droit de vous dire qu'il faut essayer

17 d'améliorer votre performance. Il faut le faire parce que, si vous voulez

18 que ce procès commence en janvier, vous devez le faire dès maintenant.

19 Mme Korner (interprétation): Je ne sais pas pourquoi vous dites, Monsieur

20 le Président, que nous ne voulons pas coopérer.

21 M. le Président (interprétation): Eh bien, si vous le voulez, je pourrais

22 vous le dire de façon circonstanciée. Pas maintenant parce que nous avons

23 d'autres arguments plus importants. Mais vous avez, pour autant que je

24 puisse en juger, vous avez veillé à faire précisément le minimum qui vous

25 est imposé. Et vous estimez avoir le droit par exemple d'attendre,

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1 d'attendre d'avoir quelque chose qui soit déjà couché sur papier.

2 Si vous avez ces informations que vous ont communiquées vos enquêteurs, si

3 vous savez que ce procès doit commencer en janvier, vous dites: "Eh bien,

4 nous le ferons lorsque nous aurons déjà toutes ces déclarations

5 dactylographiées".

6 Je crois qu'il faudrait -et la Chambre a le droit de demander- mieux que

7 cela de votre part.

8 Mme Korner (interprétation): Nous allons informer la défense des domaines

9 qui sembleraient relever de l'Article 68.

10 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas ce que ça veut dire. Je

11 ne sais pas très bien ce que ça veut dire: on peut donner la signification

12 qu'on veut à ce mot, à un moment donné ou un autre. Mais ceci ne respecte

13 pas les obligations qui vous incombent au titre de l'Article 68.

14 Mme Korner (interprétation): Eh bien, nous attendons. C'est pour ça que

15 nous attendons la transcription parce que l'on ne peut pas faire mieux

16 pour le moment.

17 M. le Président (interprétation): Vous savez ce que j'ai dit: je n'accepte

18 pas ce que vous me dites. Vous devriez faire mieux. Vous pouvez indiquer

19 le sujet même, la nature de ces éléments, même si vous n'avez pas le

20 libellé exact. Ceci relève de vos obligations.

21 Si l'on avait une année supplémentaire avant le début le procès, on

22 pourrait fort bien attendre d'avoir cette transcription. Mais l'urgence

23 est plus grande et il vous incombe de coopérer.

24 Pour le faire, il faut aider la défense. Il faut faire un peu plus que ce

25 que vous pensez être nécessaire. Je pense que c'est là l'obligation que

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1 nous pouvons exiger de part et d'autre, mais surtout de la part de

2 l'accusation pour ce qui est de la production de ces éléments. Oui, Maître

3 de Roux?

4 M. Ackerman (interprétation): Excusez-moi, est-ce que je peux intervenir

5 pour veiller à ce que le compte rendu soit exact? Nous n'avons pas parlé

6 d'un nombre très faible de personnes.

7 M. le Président (interprétation): Ne vous en faites pas, nous n'allons pas

8 vous demander de respecter la moindre des paroles que vous avez

9 prononcées.

10 Maître de Roux?

11 M. de Roux: Monsieur le Président, je voudrais dire quelque chose de

12 vraiment très simple, parce que, en effet, il faut que ce procès se

13 tienne.

14 Pour que ce procès se tienne, il faut qu'il y ait, disons, un minimum de

15 contradictoire. C'est quand même le minimum que l'on peut attendre d'un

16 procès de cette importance.

17 Pour cela, la seule chose que nous demandons -et ce n'est pas très

18 compliqué-, c'est que l'accusation nous communique ce qui est en sa

19 possession actuellement et dont elle compte se servir dans ce procès,

20 qu'elle connaît maintenant, que ce soit à charge ou que ce soit dans le

21 cadre de l'Article 68, puisque je le répète, nous avons reçu des

22 témoignages qui auraient pu nous être communiqués il y a plus d'un an.

23 Puisque certains des témoignages étaient d'ailleurs joints à la demande de

24 confirmation du premier Acte d'accusation. Alors, il n'y a aucune raison

25 qu'on nous envoie ces documents au dernier moment.

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1 Je souhaiterais que votre Tribunal fixe maintenant -puisque la date du

2 procès est fixée- fixe une date claire après laquelle, sous réserve de ce

3 qui pourrait s'échanger durant le procès bien entendu, une date claire qui

4 permette à la défense de travailler tranquillement et pendant un laps de

5 temps suffisant sans recevoir de nouveau des éléments de l'accusation

6 jusqu'au dernier moment.

7 Il est évident que dans un procès de cette importance -nous allons avoir

8 près de 200.000 documents, je ne sais pas combien de témoins-, il

9 semblerait normal qu'il y ait un délai de temps qui soit donné à la

10 défense pour préparer tranquillement son travail et qu'en conséquence de

11 quoi, les pièces ou les témoignages communiqués après cette date ne soient

12 plus recevables.

13 M. le Président (interprétation): Je pense que tout ceci dépendrait des

14 circonstances qui entourent tel ou tel document, Maître de Roux. J'ai déjà

15 fait part de mon avis sur ce qui va peut-être se passer au cours du

16 procès. Nous regrettons tous de travailler dans des conditions telles

17 qu'elles ne permettent pas un procès parfait.

18 Je suis content de pouvoir vous dire que je ne reprendrai pas mon ancien

19 emploi, parce que je ne voudrais pas être dans l'obligation d'être prêt

20 pour tel ou tel procès. Mais il faut faire face à la réalité et je ne vais

21 pas rendre une ordonnance dans ces termes.

22 Mais ce qui a amené à cette discussion générale, c'est la question de la

23 communication du nom des témoins dont l'identité n'a pas encore été

24 communiquée. Il s'agit de dix témoins.

25 Je vous avais proposé de fixer une date qui régirait cette communication,

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1 mais il faut que je m'assure que le procès commencera bien à la date que

2 j'ai proposée et je commence à me sentir un peu dans une situation où je

3 me dis qu'il y a des raisons qui ne sont pas ici communiquées, qu'on

4 essaie de préparer le terrain pour éviter cette date, de part et d'autre

5 d'ailleurs. Donc je laisse de côté cette question pour le moment.

6 Nous voyons pour le moment quelle est la forme de l'Acte d'accusation le

7 plus récent. Je vais vous expliquer, Madame Korner, pourquoi à mon avis ce

8 que j'avais dit en matière de manque de coopération de votre part est

9 corroboré par les faits. Je lis un extrait de la décision précédente. Vous

10 étiez censée préciser avec suffisamment de précisions dans votre Acte

11 d'accusation sur quelle base vous entendiez mettre en cause la

12 responsabilité du Général Talic en tant que membre de la cellule de crise

13 de la région autonome de Krajina.

14 D'après les documents joints à l'Acte d'accusation au moment du dépôt de

15 ces derniers, vous avez rempli cette obligation au titre de l'Article 20.1

16 de l'Acte d'accusation dont je vous donne lecture. Et je vais essayer de

17 ne pas me divertir au cours de cette lecture:

18 "En tant que commandant du 1er Corps de la Krajina, le fait que le Général

19 Momir Talic était membre de la cellule de crise de la région autonome de

20 Krajina et la mise en œuvre de cette décision a permis à… ou a contribué à

21 la réalisation de ces objectifs."

22 En anglais, c'est vraiment désastreux déjà en tant que langue et on dirait

23 qu'il y a délibérément ici le refus de remplir l'obligation de précision.

24 Ceci est à ce point criblé d'ambiguïté que c'est tout simplement

25 inacceptable. Et je ne peux que me dire que, après avoir bien libellé avec

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1 beaucoup de soin cette ordonnance, c'est délibérément que vous avez donné

2 un caractère très vague à ce paragraphe de l'Acte d'accusation.

3 Qu'est-ce qu'il veut dire? Je vous demande d'ouvrir votre micro.

4 Mme Korner (interprétation): Eh bien, cela dit exactement ce que cela veut

5 dire.

6 M. le Président (interprétation): Eh bien, pour moi, cela ne veut rien

7 dire et je parle anglais depuis plus de 60 ans. Je crois que je maîtrise

8 assez bien la langue anglaise.

9 Mme Korner (interprétation): Nous avons déjà mené cette discussion à

10 plusieurs reprises auparavant. Je crains devoir dire que je ne comprends

11 pas quel est le degré supplémentaire de détail que vous exigez d'un Acte

12 d'accusation qui ne nous ferait pas passer déjà l'administration de la

13 preuve. Est-ce qu'on exige de notre part que l'on dise dans l'Acte

14 d'accusation que, lorsque Momir Talic n'assistait pas à ces réunions, il

15 envoyait un représentant de sa cellule? Je ne le dis pas parce que, pour

16 moi, c'est de l'administration de la preuve que cela relève.

17 M. le Président (interprétation): Rappelez-vous que dans l'ordonnance,

18 nous avons dit que, si vous aviez l'intention d'alléguer qu'il avait

19 participé à la rédaction de ces décisions, vous présentiez ceci comme

20 étant un fait matériel. Or, vous n'avez pas présenté cette allégation.

21 Nous présumons dès lors qu'il vous est impossible de le prouver.

22 Mme Korner (interprétation): Ce que nous disons être en mesure de prouver,

23 c'est qu'il avait été désigné en tant que membre de cette cellule de

24 crise, qu'il a assisté à certaines de ces réunions et que s'il n'était pas

25 présent, d'autres faisant partie de son état-major y étaient envoyés. Nous

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1 estimons que ce sera le rêve de l'administration de la preuve.

2 M. le Président (interprétation): Pas du tout, pas du tout. Nous l'avons

3 dit de façon suffisamment claire dans la décision, que ce ne serait pas le

4 cas.

5 Mme Korner (interprétation): Je vous le dis, Monsieur le Président,

6 manifestement j'ai quelques difficultés qui me sont attribuables; je ne

7 parviens pas à vous soumettre le degré de détail que vous exigez.

8 M. le Président (interprétation): L'accusé, et pas seulement l'accusé, la

9 Chambre de première instance a le droit de savoir la nature des thèses que

10 vous voulez soutenir et desquelles il doit se défendre.

11 La première phrase: "En tant que commandant du 1er Corps de la Krajina"…

12 Est-ce que ceci est censé régir les deux déclarations qui s'ensuivent, à

13 savoir qu'il était membre de la cellule de crise ainsi que la mise en

14 œuvre des décisions de cette cellule?

15 Mme Korner (interprétation): Oui.

16 M. le Président (interprétation): Donc c'est seulement s'il les a mises en

17 œuvre en tant que commandant du 1er Corps de la Krajina, c'est bien cela?

18 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président…

19 M. le Président (interprétation): Non, non, non! Vous dites que c'est à ce

20 point limpide… Vous devriez pouvoir y répondre parce que si vous voulez

21 laisser entendre qu'il a mis en œuvre les décisions d'une autre façon, eh

22 bien, vous ne le dites pas. C'est peut-être ambigu et c'est cette

23 ambiguïté même qui démontre l'absence de précision.

24 Mme Korner (interprétation): Je ne sais pas ce que vous voulez que je

25 dise.

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1 M. le Président (interprétation): Je veux que vous me disiez s'il mettait

2 en œuvre ces décisions à un autre titre que celui de commandant du 1er

3 Corps de la Krajina.

4 Mme Korner (interprétation): Les décisions prises par la cellule de crise

5 de la RAK qui impliquaient les militaires ont été mises en œuvre par lui.

6 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il a mis en œuvre une

7 quelconque de ces décisions à un autre titre que celui de commandant du

8 1er Corps de la Krajina? C'est ma question et c'est ce qui n'apparaît pas

9 clairement dans votre paragraphe.

10 Mme Korner (interprétation): La thèse que nous soutenons, c'est qu'il a

11 mis en œuvre l'aspect militaire de ces décisions.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il a mis en œuvre l'une

13 quelconque de ces décisions à un autre titre que celui de commandant du

14 1er Corps de la Krajina? On peut répondre simplement par un oui ou par un

15 non, n'est-ce pas?

16 Mme Korner (interprétation): Je vous entends bien mais ce n'est pas si

17 simple que cela parce que tout est fonction de la signification que vous

18 donnez à "mise en œuvre" et cela, c'est une question d'administration de

19 la preuve.

20 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question de preuve;

21 c'est une question qui réside à savoir quelle est la nature des thèses que

22 vous voulez présenter à la défense et dont elle doit se défendre. Vous

23 donnez, dans le cadre de l'ordonnance, pour consigne d'identifier avec

24 suffisamment de précision dans l'Acte d'accusation sur quelle base vous

25 entendez mettre en cause sa responsabilité pénale en tant que membre de la

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1 cellule de crise. Ceci n'a pas été respecté par vous.

2 Pour le moment, on dirait que ce paragraphe se contente de dire qu'il a

3 exécuté les décisions de cette cellule à titre de commandant du 1er Corps

4 de la Krajina et vous vous fondez sur le seul fait qu'il était membre de

5 cette cellule. C'est tout ce que ce paragraphe me dit, à moi, et ceci

6 n'est pas une réponse à ce que nous avons demandé.

7 Mme Korner (interprétation): Non, ce n'est pas ce que cela veut dire. Au-

8 delà des faits de l'espèce, nous allons soutenir que pour que la cellule

9 de crise de la RAK dispose de toute l'autorité voulue et l'exigence de…

10 Elle se basait, donc, sur sa cellule. Elle se basait… Il fallait qu'elle

11 ait pour cela l'homme qui commandait les forces armées de la région. Et,

12 en rejoignant la cellule de crise, Talic a prêté son autorité à celle de

13 la cellule de crise en tant que tout, en tant que totalité.

14 M. le Président (interprétation): Même s'il avait été envoyé à cette

15 cellule de crise simplement parce qu'il était commandant du 1er Corps de

16 la Krajina, il n'aurait rien fait de plus?

17 Mme Korner (interprétation): C'est peut-être le cas. Mais ce qu'il n'a pas

18 fait, bien entendu, c'est le fait de se retirer de cette cellule.

19 Permettez-moi de dire ceci, Monsieur le Président, parce que ceci relève

20 de l'administration de la preuve: on a certains éléments de preuve qui

21 montrent qu'il était réticent au fait d'assister à ces réunions.

22 M. le Président (interprétation): Nous n'allons jamais nous entendre sur

23 ce qui est un fait matériel et ce qui est une preuve. Mais je vous assure

24 que pour moi, un fait matériel c'est un fait qui permet de connaître la

25 nature de l'affaire, de la thèse dont doit se défendre M. Talic. Alors,

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1 est-ce que j'ai le droit de penser que vous vous fondez uniquement sur le

2 fait qu'il était membre de cette cellule et le fait qu'il ne s'en est pas

3 retiré?

4 Mme Korner (interprétation): Qu'il s'est basé sur ce fait d'être membre

5 pourrait y ajouter du poids, mais qu'il a aussi aidé à l'exécution des

6 décisions pour lesquelles il fallait une participation militaire.

7 M. le Président (interprétation): Alors moi, j'interprète vos dires de la

8 façon que j'ai déjà évoquée: vous vous fondez sur le seul fait qu'il était

9 membre de la cellule de crise et qu'en tant que commandant du 1er Corps de

10 la Krajina, il a exécuté les décisions de cette dernière?

11 Mme Korner (interprétation): Oui. C'est le mot "seulement", uniquement,

12 qui m'inquiète.

13 M. le Président (interprétation): Oui, parce que c'est à ce point absurde.

14 Or, cela semble être la thèse que vous soutenez.

15 Mme Korner (interprétation): Non!

16 M. le Président (interprétation): Alors, si ce n'est pas le cas, je ne

17 comprends toujours pas la nature de votre thèse.

18 Mme Korner (interprétation): Ce n'est pas le seul fait qu'il ait été

19 membre, c'est le fait d'avoir été membre de cette instance

20 gouvernementale. Et, étant donné qu'il y avait dans cette instance tous

21 les dirigeants venant de tous les aspects de la vie, c'est de cette façon-

22 là qu'on a donné à cette instance la décision ou l'autorité pour que les

23 décisions soient exécutées. C'est ce simple mot, ce mot "simplement" qui

24 m'inquiète.

25 M. le Président (interprétation): Donc c'est sur cette base que vous

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1 cherchez à imputer une responsabilité au général Talic pour des actes

2 commis par d'autres, par d'autres que le 1er Corps de la Krajina. Donc,

3 parce qu'il y aura là obéissance, disons, à cette cellule de crise. Je

4 retire le mot "simplement". Est-ce là la thèse de l'accusation?

5 Mme Korner (interprétation): Il a autorisé que soit utilisé son nom pour

6 donner du poids à des décisions qui ont alors été exécutées. Il s'est donc

7 allié, il a rejoint ces décisions.

8 M. le Président (interprétation): Il a peut-être autorisé que son nom soit

9 utilisé passivement ou que le poste qu'il occupait dans cette cellule de

10 crise… Donc, il a autorisé que son nom soit utilisé pour donner du poids à

11 d'autres lorsqu'ils ont exécuté ces décisions. Donc vous dites, à ce

12 moment-là, qu'il est responsable et c'est la seule raison de sa

13 responsabilité pour des actes commis par d'autres?

14 Mme Korner (interprétation): Je pense que vous avez utilisé déjà cette

15 analogie il y a un certain temps, Monsieur le Président.

16 Il participe à une entreprise commune pour autant, bien sûr, qu'il y ait

17 l'intention requise pour participer à cette entreprise. Nous acceptons

18 effectivement que sa participation principale était militaire, mais

19 lorsqu'on parle de l'aspect gouvernemental de cette affaire en Bosnie,

20 c'est qu'il mettait en œuvre une politique convenue et que la cellule de

21 crise de la région était à un degré en-dessous du niveau de la République.

22 M. le Président (interprétation): Mais ça, c'est ce que vous dites dans

23 l'Acte d'accusation. Vous ne vous basez pas uniquement sur les actions et

24 les actes du 1er Corps de la Krajina; vous vous appuyez sur les actes de

25 tout un lot de personnes que vous qualifiez de façon générale de "forces

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1 serbes de Bosnie". Il est difficile de voir dans quelle mesure le général

2 Talic serait responsable de toutes ces forces, à moins que ceci ne se

3 ramène, ne se réduise à la cellule de crise. Or, ceci constitue une grosse

4 part de la thèse soutenue par l'accusation.

5 C'est pour cela que c'est vital et c'est la raison pour laquelle je dis

6 que la réponse que vous avez fournie à mon ordonnance n'était pas du tout

7 adéquate. Elle était à ce point inadéquate que je suis désolé de conclure

8 qu'il y avait là une action délibérée de votre part afin que vous puissiez

9 louvoyer et vous débrouiller au moment du procès, quelles que soient les

10 circonstances qui se présentent. Ceci ne suffit pas; ce n'est pas assez

11 bon.

12 De toute façon, j'ai pris note de ce que vous avez dit. Ceci sera consigné

13 dans ma décision.

14 Point suivant. On avait exigé de vous que vous déterminiez quels étaient

15 les crimes incriminés et qui relevaient du dessein ou de l'entreprise

16 commune. Vous avez cité tous ces faits, à l'exception d'un: complicité au

17 génocide. Peut-être que la logique de tout ceci apparaîtra au moment du

18 procès; ne nous préoccupons pas de la forme de l'accusation.

19 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi un instant, Monsieur le

20 Président.

21 M. le Président (interprétation): Vous l'avez écrit au deuxième chef:

22 complicité.

23 Mme Korner (interprétation): Oui, parce que la complicité, nous avons le

24 sentiment que, logiquement, il n'est pas possible d'avoir entreprise

25 commune et complicité au génocide. Soit on a l'entreprise commune,

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1 l'intention de commettre le génocide; c'est la seule raison.

2 M. le Président (interprétation): Eh bien, cela va être intéressant comme

3 sujet au moment du procès. Je ne sais pas. Je dis cela en blaguant parce

4 que je pensais que la complicité aurait inclu l'entreprise comprise. Vous

5 savez que, dans les manuels, on parle de "l'entreprise commune" aussi sous

6 la rubrique de "la complicité"; dans la phrase latine, en tout cas.

7 Mais vous êtes aussi censée voir si l'accusé avait l'intention, la mens

8 rea nécessaire pour commettre ce crime: où l'avez-vous fait?

9 Mme Korner (interprétation): Et bien, chacun de ces chefs partageait cette

10 intention et la mens rea requise pour chacun de ces crimes.

11 M. le Président (interprétation): Ou plaidez-vous cela?

12 Mme Korner (interprétation): Au 27.1.

13 M. le Président (interprétation): Le 27.1 dit que "l'objectif de cette

14 entreprise criminelle commune était d'éloigner de façon définitive les

15 habitants croates et musulmans de Bosnie, du territoire que l'Etat serbe

16 avait l'intention…, de l'Etat serbe en commandant ces crimes". On ne dit

17 nulle part qu'il y avait cette intention.

18 Mme Korner (interprétation): Brdjanin et Talic et les autres participants

19 à cette entreprise criminelle partageaient cette intention nécessaire à la

20 commission de ces crimes.

21 M. le Président (interprétation): Mais vous n'avez identifié ceci nulle

22 part, à aucun moment. Vous avez allégué que ces crimes avaient été commis.

23 Par exemple, si vous l'accusiez à titre personnel de génocide, il faudrait

24 à ce moment-là déclarer qu'il avait pour intention de détruire en tout ou

25 en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que

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1 tel. Vous avez affirmé et allégué qu'il avait cette entreprise ou ce

2 dessein commun de commettre ce crime. Vous avez allégué qu'il avait cette

3 intention délictueuse, cet état d'esprit.

4 Mme Korner (interprétation): Si je comprends bien la jurisprudence de ce

5 Tribunal, par contraste avec d'autres systèmes nationaux, nous ne sommes

6 pas censés plaider dans ces termes l'intention délictueuse.

7 M. le Président (interprétation): Vous pourriez me l'indiquer parce que

8 c'est ce que je vous ai demandé. Il n'est pas nécessaire d'aborder tout

9 ceci dans le détail, mais vous alléguez un état d'esprit, une intention:

10 c'est une question d'administration de preuve. Mais il faut alléguer

11 l'intention délictueuse.

12 Mme Korner (interprétation): Si nous affirmons que chacun partageait cette

13 intention délictueuse requise par la commission ou l'intention coupable

14 exigée pour les crimes allégués, il s'ensuit -d'après nous-, aussi sûr que

15 le jour succède à la nuit, il s'ensuit que, pour le génocide, il fallait

16 l'intention de détruire, en tout ou en partie, certaines personnes en

17 vertu de leur ethnicité.

18 M. le Président (interprétation): Je pense qu'en 1996, il y avait une

19 affaire où il a dit qu'il n'était pas nécessaire de plaider l'intention.

20 Cela n'a jamais été suivi. Ici, je vous ai donné l'ordre -c'est bien la

21 nature de l'ordonnance- de dire que, si vous vouliez démontrer ceci, vous

22 deviez montrer que l'accusé était animé de l'intention coupable exigée.

23 Mme Korner (interprétation): C'est exactement ce que nous avons fait:

24 l'intention coupable -comme l'exige le droit ou la jurisprudence telle

25 qu'elle serait établie au moment de l'ouverture de ce procès-, que chacun

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1 de ces accusés devait être animé de cette intention.

2 M. le Président (interprétation): L'élément d'un crime doit être plaidé:

3 si c'est l'intention coupable, il faut le plaider.

4 Mme Korner (interprétation): Je veux être sûre de vous comprendre

5 parfaitement cette fois-ci, Monsieur le Président. Vous nous demandez dans

6 ce paragraphe qui porte sur l'entreprise commune, vous nous demandez de

7 dire que ce crime étant le génocide, l'intention coupable que nous devons

8 prouver est ceci, la persécution c'est ceci, c'est bien ce que vous nous

9 demandez de faire?

10 M. le Président (interprétation): Oui, et je pense que c'était

11 parfaitement limpide à la lecture de l'ordonnance rendue.

12 Mme Korner (interprétation): C'est ce que vous suggérez, Monsieur le

13 Président.

14 M. le Président (interprétation): Oui. Et je vous dis maintenant de façon

15 explicite que c'était bien ce que je voulais dire parce que vous alléguez

16 une entreprise commune; il faut le faire en bonne et due forme. C'est la

17 troisième tentative cette fois-ci que vous entreprenez, il faut essayer de

18 parvenir au but tôt ou tard.

19 L'entreprise commune, c'est devenu quelque chose de populaire surtout à

20 cause de l'arrêt Tadic qui semblait être la réponse à tout. Non, mais ce

21 n'est pas facile d'approuver, et il s'avère difficile aussi de plaider cet

22 aspect.

23 Il faut que vous apportiez la preuve de ceci parce que c'est un fait

24 matériel qui doit être consigné dans l'Acte d'accusation. Je vous accorde

25 qu'il ne faut pas aborder le détail, mais vous auriez à fournir ces

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1 détails si votre déclaration n'était pas claire.

2 Mme Korner (interprétation): Je voudrais maintenant être tout à fait

3 claire pour le dossier d'audience. Vous dites que les termes selon

4 lesquels chacun a partagé l'intention coupable exigée pour les crimes,

5 vous dites ce que nous avons fait est insuffisant?

6 M. le Président (interprétation): Oui. Si vous aviez retenu contre

7 l'accusé en personne, le fait qu'il ait commis ou qu'il aurait commis en

8 personne le crime de génocide, vous auriez dû prouver qu'il avait cette

9 intention?

10 Mme Korner (interprétation): Nous l'avons fait.

11 M. le Président (interprétation): Où.

12 Mme Korner (interprétation): Au chef 1.

13 M. le Président (interprétation): Qu'il avait l'intention de détruire en

14 tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux?

15 Mme Korner (interprétation): Veuillez examiner le chef n°1.

16 M. le Président (interprétation): Oui.

17 (Le Président examine le chef 1.)

18 Mme Korner (interprétation): "…Personnellement contribué ou ordonné

19 campagne ayant pour objectif de détruire les Musulmans et les Croates de

20 Bosnie en tout en partie en tant que groupes nationaux, ethniques, raciaux

21 ou religieux".

22 M. le Président (interprétation): Je vous laisse entendre que le 27.1

23 pourrait être très concis. Vous pourriez faire référence si vous l'avez

24 fait pour chacune des infractions, faire une simple référence. Ce qui me

25 préoccupe et je suis désolé de le formuler de la façon dont je le fais, je

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1 ne voudrais pas que vous ou l'accusation soyez en mesure de dire: "En

2 fait, nous nous fondons sur quelque chose de différent, au moment du

3 procès s'entend".

4 Il faut que vous expliquiez tout ceci, que vous le disiez dans l'Acte

5 d'accusation afin que nous soyons au courant de la thèse que vous allez

6 défendre au moment du procès.

7 Mme Korner (interprétation): Mais comment, et je sais que c'est une

8 question rhétorique -on ne devrait pas poser des questions rhétoriques à

9 un Juge-, mais comment pourrions-nous présenter des allégations

10 différentes? Parce que nous présentons nos thèses dans chacun des chefs

11 d'accusation, chefs qui sont retenus contre Talic. Et en utilisant les

12 mots que nous utilisons, nous acceptons le fait que ce qu'il nous faut

13 prouver, c'est ce qu'il y avait une entreprise commune pour chacun ou un

14 quelconque des crimes.

15 Il se peut qu'à la fin du procès, vous disiez qu'il n'y a pas suffisamment

16 de preuves pour montrer qu'il y avait une campagne ou une entreprise

17 commune en vue de commettre un génocide. Mais il faut être clair. Une

18 entreprise commune, ce n'est rien d'autre que le fait; en fait, c'est la

19 synthèse de ce que nous voulons défendre comme thèse. C'est un homme qui

20 commence à faire une entreprise de sa propre initiative et je crois que

21 nous avons précisé l'intention coupable pour chacun des chefs.

22 M. le Président (interprétation): Je suppose, Madame Korner, ici que je

23 suis coupable d'être un Juge de common law et qu'ici je vois cet aspect

24 sous cet angle-là et pas en tant que crime international. Mais j'ai le

25 sentiment, d'après la façon dont l'accusation s'est comportée jusqu'à

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1 présent, c'est que vous vous donnez encore une certaine marge de manœuvre

2 pour le procès ce que j'essaie d'empêcher.

3 Mme Korner (interprétation): Vous savez que la notion d'entreprise

4 commune, c'est quelque chose qui s'est développé par la jurisprudence et

5 que peut-être qu'au moment de la rédaction de l'Acte d'accusation, on n'y

6 a pas pensé.

7 M. le Président (interprétation): Vous savez que déjà qu'en Nouvelle

8 Galles du Sud, il y a 15 ans de cela, on connaissait les éléments

9 constituants l'entreprise commune. Cela n'a rien de neuf et ceci a été

10 adopté comme étant l'entreprise commune de common law.

11 Mme Korner (interprétation): Je ne veux pas du tout entendre laisser dire

12 ici qu'en tant qu'avocat britannique, je ne sais pas quelle est la nature

13 de l'entreprise commune. Je dis simplement que ceci n'a pas été plaidé de

14 façon spécifique dans d'autres actes d'accusation antérieurs dans ce

15 Tribunal parce que ce concept n'avait pas encore été utilisé dans ce type

16 de droit international.

17 M. le Président (interprétation): Une fois que ceci avait été introduit

18 par le jugement Tadic, je me serais attendu à ce que le Bureau du

19 Procureur se demande comment parvenir à une bonne présentation de cette

20 thèse plutôt que de faire des manœuvres dilatoires.

21 Mme Korner (interprétation): Je pense que vous avez un avis assez négatif

22 de l'accusation.

23 M. le Président (interprétation): C'est assez malheureux malheureusement,

24 mais je suis navré de vous dire que ceci s'est présenté surtout dans le

25 cadre de ce procès.

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1 Mme Korner (interprétation): Peut-être que vous voudriez y réfléchir,

2 Monsieur le Président.

3 M. le Président (interprétation): Quand votre mémoire préalable au procès

4 sera-t-il prêt?

5 La dernière fois que je vous ai posé la question, vous pensiez que ça ne

6 prendrait que quelques semaines.

7 Mme Korner (interprétation): Si vous nous demandez une date précise,

8 Monsieur le Président, je dirais fin octobre parce que nous avons à

9 rassembler énormément d'éléments.

10 M. le Président (interprétation): Je vais garder à l'esprit le fait qu'il

11 faut respecter certains délais, plusieurs jours qui devraient courir avant

12 la conférence préalable au procès. C'est pas moins de six semaines avant

13 la tenue de cette conférence préalable au procès qu'il faudra convoquer,

14 avant la mi-décembre.

15 Mme Korner (interprétation): C'est exact. C'est la raison pour laquelle je

16 vous suggère la date de la fin octobre.

17 M. le Président (interprétation): Ne disons pas fin octobre, j'aimerais

18 avoir quelques jours supplémentaires. Disons 26 octobre. Fort bien. Le

19 mémoire préalable au procès devra être déposé au plus tard le 26 octobre

20 2001.

21 Est-ce que vous avez une estimation réaliste de la longueur du procès?

22 Mme Korner (interprétation): Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec

23 les conseils de la défense. Mais, pour le moment, je peux vous dire que

24 nous avons communiqué les déclarations de quelque 177 témoins. Vous le

25 savez, Monsieur le Président, il y a la procédure régie par l'Article

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1 92bis en ce qui concerne 47 témoins. Mais tout ceci, bien sûr, dépend de

2 l'accord auquel on parviendrait avec la défense et des décisions de la

3 Chambre.

4 M. le Président (interprétation): Et il faudra aussi les présenter pour le

5 contre-interrogatoire.

6 Mme Korner (interprétation): Effectivement. Il est difficile de vous

7 donner une estimation. J'espère que nous parviendrons à des accords,

8 notamment sur certains faits qui n'impliqueraient pas l'un ou l'autre des

9 accusés. Si ce n'est pas le cas, ce sera peut-être difficile.

10 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que vous parviendrez à

11 beaucoup d'accords vu les rapports actuels. Donc estimons que vous devrez

12 vraiment faire la preuve des thèses que vous défendez et que vous avancez.

13 Quelle serait la durée possible du procès?

14 Mme Korner (interprétation): Disons, en fonction des accords possibles,

15 six à huit mois, et puis en fonction des audiences également.

16 M. le Président (interprétation): Avec contre-interrogatoire des deux

17 conseils de la défense: vous tenez compte de ce temps-là?

18 Mme Korner (interprétation): Oui, je sais que c'est un problème qui s'est

19 déjà posé dans d'autres affaires. Je ne sais pas comment vont évoluer les

20 contre-interrogatoires.

21 M. le Président (interprétation): Je pense que vous pourriez…

22 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, disons les choses

23 comme ceci.

24 M. le Président (interprétation): En partant du principe que les contre-

25 interrogatoires ne dureront pas aussi longtemps que les interrogatoires

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1 principaux, parce que même lorsqu'on a un conseil de la défense serbe qui

2 insiste beaucoup et qui s'accroche à chaque mot, le contre-interrogatoire

3 de toute façon ne dure pas aussi longtemps que le principal.

4 Mais est-ce que vous êtes en train de dire que vous avez tenu compte des

5 contre-interrogatoires dans vos calculs?

6 Mme Korner (interprétation): A moins qu'il n'y ait des affirmations selon

7 lesquelles les personnes qui ont été tuées…, qui disent que des gens ont

8 été tués mentent, cela ne devrait pas être… Le temps que j'ai cité devrait

9 inclure le contre-interrogatoire sans le dépasser.

10 Et pendant que je suis debout, j'aimerais dire bien sûr que je n'ai aucune

11 idée des éléments de preuve par experts.

12 M. le Président (interprétation): De quels experts parlez-vous?

13 Mme Korner (interprétation): Je crois savoir qu'il y aura un expert

14 militaire, un expert qui est un historien, un expert dont nous pensons

15 qu'il sera capable d'expliquer l'évolution de la cellule de crise, donc

16 quelqu'un qui est spécialisé en questions constitutionnelles et

17 politiques.

18 M. le Président (interprétation): Mais est-ce que ces témoignages

19 d'experts pourraient être déposés par écrit et ensuite il y aurait contre-

20 interrogatoire?

21 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, absolument. Les

22 déclarations sont demandées à chacune de ces personnes par écrit et, après

23 quoi, il y aura communication, même si le Règlement dit qu'il faut que

24 cela se passe 21 jours à l'avance. Mais en tout cas, il y aura

25 communication dès que les textes auront été reçus.

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1 M. le Président (interprétation): Il me semble que nous pouvons donc

2 estimer la durée du procès pour le moment, comme cela vient d'être fait,

3 et pas davantage. En tout cas, je m'en tiens, moi, à 12 à 18 mois pour que

4 ça soit à peu près exact.

5 S'il y a une modification, nous verrons si tout d'un coup le Procureur

6 manifeste une coopération soudaine avec la défense; cela pourrait

7 raccourcir les choses. A moins que nous ne trouvions que des témoins vont

8 demander un temps plus important pour leur audition, en raison d'un débat

9 particulièrement important ou grave.

10 Mais en tout cas, tenez-vous-en au plus court, je vous en prie.

11 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je pense également

12 qu'il y a une question qui se posera au sujet de l'aspect international du

13 conflit. Mais je pense que, compte tenu des faits qui ont fait l'objet

14 d'un accord, ce procès devrait être gérable.

15 M. le Président (interprétation): Mais rappelez-vous, une demande a été

16 présentée pour que la Juge Mumba soit disqualifiée en raison de sa

17 participation à l'arrêt Tadic par la Chambre d'appel.

18 Alors, est-ce que, lorsque vous parlez de faits de notoriété publique,

19 vous vous souviendrez -je pense- que cette requête a été rejetée? Et je

20 pense que du point de vue des proportions, les proportions ne sont pas

21 comparables à celles d'un petit représentant politique comme Tadic dans

22 son petit village.

23 Au fait, je voudrais dire que la Juge Mumba présidera la deuxième partie,

24 la deuxième subdivision de la Chambre de première instance n°2 et

25 participera au procès Simic à partir de la semaine prochaine. Donc ce

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1 procès devrait durer au moins un an et je pense que vous ne ferez plus

2 objection à sa présence dans cette affaire. Vous serez sans doute soulagée

3 de l'apprendre.

4 Mais en tout cas, il y a des faits qui sont de notoriété publique et qui

5 sont contraignants aujourd'hui pour notre procès parce que, dans les

6 audiences de la Chambre d'appel, j'ai vu, lors d'une occasion, que les

7 accusés n'avaient pas tiré grand profit sur le plan des faits de ces

8 éléments de notoriété.

9 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je pense aux

10 condamnations dans Kvocka par exemple, en rapport avec Omarska, ou bien

11 dans l'affaire que l'on appelle "l'affaire de Keraterm". Je ne me rappelle

12 pas le nom des accusés. Je crois me rappeler qu'il n'a pas été nécessaire

13 de prouver que ce qui s'est passé était bien de la persécution, pour

14 autant que les personnes qui dirigeaient l'endroit aient déjà été

15 condamnées.

16 M. le Président (interprétation): Oui, je pensais que vous aviez traité de

17 la question du conflit international.

18 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais je dois dire

19 que, depuis l'affaire Tadic, la question s'est modifiée de façon très

20 considérable. J'espérais que nous n'aurions plus à en débattre trop

21 longuement. Mais voilà les idées que, moi, j'avais à l'esprit.

22 M. le Président (interprétation): Il y aura sûrement une certaine forme de

23 persuasion exercée sur la défense en vue d'obtenir qu'un accord se fasse

24 sur un certain nombre de questions de ce genre, comme la présentation

25 d'éléments de preuve par la défense dans le cadre de tels accords.

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1 Récemment, le Procureur a demandé une modification du Règlement s'agissant

2 de ces questions. La question a été examinée en plénière mais plutôt que

3 de voir une Chambre de première instance déclarer: "Telle a été la

4 décision dans une autre affaire et nous prenons les conclusions à notre

5 compte", les choses auraient pu se faire plus automatiquement. Mais la

6 modification du Règlement n'a pas été acceptée.

7 L'Article 92bis, par exemple, et sa nouvelle modification autorisent

8 désormais l'utilisation de comptes rendus d'audience d'autres procès et

9 ceci…, et l'emploi de contre-interrogatoire dans d'autres affaires si

10 celui-ci s'avère utile. Mais le Règlement au sujet des faits de notoriété

11 publique demeure ce qu'il était. Donc, nous devrons, malheureusement, je

12 le crains, continuer à opérer dans les circonstances présentes au cas par

13 cas.

14 Mais mon intention en tout cas, et je crois déjà l'avoir dit, mon

15 intention va consister à convaincre la défense de présenter… de soumettre

16 un grand nombre de ces éléments de preuve, en tout cas ceux qui ont trait

17 au camp, par écrit.

18 Mme Korner (interprétation): Très bien.

19 M. le Président (interprétation): Je sais que l'Article 66C) va faire

20 l'objet de nos débats très bientôt. Il n'a pas encore été traité avant les

21 vacances. Et vous souhaitez amender l'Acte d'accusation, n'est-ce pas? Ce

22 sont les deux points auxquels je pensais.

23 Mme Korner (interprétation): Oui, moi aussi.

24 M. le Président (interprétation): Madame Korner, je suis tout à fait

25 désolé des problèmes de communication qui semblent s'être posés entre vous

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1 et moi sur toutes ces questions. J'ai le regret de dire que je me suis

2 convaincu personnellement d'un défaut de coopération avec la partie

3 adverse.

4 Vous vous rappellerez sans doute que lors d'une de nos audiences, l'avant-

5 dernière je crois, nous avons dit que le degré de coopération proposé par

6 le Procureur serait jugé à l'aulne des réponses à notre requête consistant

7 à exprimer une préférence pour une certaine forme de règlement des

8 questions qui surgissent. Malheureusement, j'ai le regret de dire que ceci

9 n'a pas été fait.

10 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je suis tout à fait

11 désolée que vous vous soyez fait cette impression.

12 M. le Président (interprétation): Je me la suis faite très fermement, je

13 le crains.

14 Mme Korner (interprétation): Tout ce que je peux dire, c'est que nous

15 estimions que nous avions dit tout ce qu'il y avait à dire et vous nous

16 dites que nous avons tort, donc nous attendons.

17 M. le Président (interprétation): Mais nous devons avancer. Chaque fois

18 que vous nous dites: "Nous n'avons pas compris ceci ou cela", un problème

19 se pose et c'est la quatrième ou cinquième fois que le problème se pose.

20 Donc je suis au regret de devoir dire que ce procès et ses préparations

21 doivent néanmoins avancer.

22 Y a-t-il autre chose de la part des accusés? Maître Ackerman?

23 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, un point auquel je

24 pense. Je dois dire que je ne pense pas qu'un acte d'accusation puisse

25 être modifié par le biais d'un accord déposé.

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1 M. le Président (interprétation): Je suis d'accord avec vous, mais

2 j'aimerais que la question de l'acte d'accusation soit réglée avant que

3 nous avancions plus loin. L'acte…

4 Excusez-moi, la défense du Général Talic a quelque chose à dire?

5 M. de Roux: Non, Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation): Bien. La date du 14 janvier est

7 maintenue, mais la seule chose que je peux vous dire de façon définitive

8 aujourd'hui, c'est que nous nous efforcerons absolument d'obtenir le

9 procès le meilleur possible. Il ne pourra en aucun cas être un procès

10 parfait dans les circonstances dans lesquelles nous travaillons.

11 Si nous ne commençons pas le 14 janvier, ce procès ne commencera pas avant

12 la mi-2002 au plus tôt et ce serait véritablement une tragédie. Donc, je

13 vous incite tous à contribuer à ce que ce résultat, c'est-à-dire le début

14 du procès au 14 janvier puisse être obtenu.

15 Je suspends à présent l'audience et vous salue tous.

16 ( L'audience est levée à 12 heures 44.)

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