Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 24 janvier 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Faites entrer les accusés. Je crois

5 qu'il y a une partie de mes écouteurs que je n'ai plus.

6 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

7 Merci, Hermann. Tout est réglé.

8 Monsieur Brdjanin, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous

9 comprenez?

10 M. Brdjanin (interprétation): Oui.

11 M. le Président (interprétation): Général Talic, vous m'entendez dans une

12 langue que vous comprenez?

13 M. Talic (interprétation): Oui, je vous entends, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?

15 Mme Korner (interprétation): Au nom de l'accusation et je bénéficie de

16 l'assistance de Mme Denise Gustin.

17 M. le Président (interprétation): Est-ce que M. Cayley s'occupe toujours

18 de M. Donia?

19 Mme Korner (interprétation): Il s'efforce d'écourter la déposition de ce

20 témoin.

21 M. le Président (interprétation): C'est ce que j'allais vous suggérer.

22 Qui défend M. Brdjanin?

23 M. Ackerman (interprétation): Je m'appelle John Ackerman. J'ai à mes côtés

24 Mme Maglov; j'ai mon assistant judiciaire Milos Perec et l'assistance

25 d'une interprète, Mme Mirkovic.

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1 M. le Président (interprétation): Et pour le général Talic?

2 M. de Roux: Xavier de Roux, avocat, avec Me Michel Pitron et Me Natacha

3 Fauveau.

4 M. le Président (interprétation): Merci. Je vous remercie.

5 Je pense que nous pouvons continuer à entendre la déclaration liminaire du

6 Procureur.

7 Vous avez la parole, Madame Korner.

8 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, avant de continuer

9 avec ce que j'avais à dire, il y a un certain nombre de questions qui

10 découlent de ce que vous avez dit hier, sur la façon dont le procès devra

11 se dérouler, auxquelles je souhaiterais revenir avant que vous n'appeliez

12 à la barre M. Donia.

13 M. le Président (interprétation): Oui, vous y viendrez donc à la fin de

14 votre exposé liminaire.

15 (Déclaration liminaire de Mme Korner.)

16 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

17 J'allais traiter hier du thème des destructions d'édifices culturels et

18 religieux, et des destructions qui ont eu lieu dans cette région au cours

19 de la période que vous examinerez. Vous avez devant vous, sur l'écran, une

20 carte; elle n'apparaît plus, mais elle était à l'écran. Cette carte était

21 projetée et on ne la voit plus à l'écran.

22 La voici.

23 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'ai du mal avec les miracles

24 technologiques ici! Monsieur le Président, Mesdames les Juges, cette carte

25 présente les localités dans lesquelles des édifices religieux ont été

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1 détruits.

2 Je disais hier que l'accusation soutient qu'il ne suffisait pas seulement

3 de rejeter la population non serbe; la tentative, l'objectif des Serbes de

4 Bosnie était de faire en sorte qu'ils ne reviennent jamais dans cette

5 région. De façon à en être sûr, il fallait détruire leurs maisons et, plus

6 important encore, toute trace de leur culture ou de leur religion.

7 Le nombre d'édifices, de mosquées détruites -j'utilise le terme mosquées

8 comme un terme générique; vous entendrez de la bouche d'un expert qu'il

9 vous expliquera qu'une mosquée est un type d'édifice musulman particulier;

10 il y a d'autres mots qui conviennent pour décrire des édifices religieux

11 plus petits; j'utilise donc le terme de façon générique-, nous avons donc

12 établi une liste de la plus grande partie des mosquées et des édifices

13 religieux, également d'édifices catholiques romains au paragraphe 47B), de

14 l'Acte d'accusation. Ce n'est pas une liste exhaustive: vous entendrez

15 parler d'autres mosquées endommagées qui ont échappé à notre attention,

16 mais ces édifices religieux ont été détruits ou endommagés par du

17 pilonnage au cours d'attaques et par des explosifs qui avaient été placés,

18 par l'utilisation de mines et de grenades.

19 Lorsque ces destructions ont eu lieu par des explosifs, c'était en général

20 la nuit. Et il s'est rarement produit qu'un témoin ait été en mesure de

21 dire plus qu'une simple description des personnes qui avaient causé cette

22 explosion et que c'étaient des hommes en uniforme. Mais, dans de nombreux

23 cas, les destructions étaient très professionnelles, très habiles.

24 L'impression est que ceux qui faisaient cette action connaissaient bien

25 les explosifs.

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1 Pour toutes les municipalités que nous allons examiner dans ce procès, il

2 n'y a guère que Banja Luka, en 1992, qui ait échappé à de graves dommages

3 ou à des destructions considérables pour ces mosquées. La mosquée la plus

4 fameuse, la Ferhadiza, qui avait fait l'objet de tant de problèmes l'an

5 dernier, en fait, a été endommagée et pratiquement détruite en 1993 et non

6 pas en 1992.

7 En fait, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, comme vous l'entendez,

8 Banja Luka est pratiquement une exception à toutes les municipalités pour

9 une raison que nous exposerons plus tard.

10 Les municipalités qui, au total, ont connu le plus grand dommage ou

11 destruction de mosquées et d'églises étaient Prijedor et Sanski Most. Et

12 presque tous les événements qui sont produits mettent ces deux

13 municipalités très haut sur la liste.

14 L'accusation dira que la période de destruction intensive de mosquées dont

15 vous entendrez parler s'est produite entre mai et octobre 1992. Il y a eu

16 moins d'églises et d'édifices religieux catholiques détruits, simplement

17 parce qu'il y avait moins d'églises et de bâtiments. Nous avons déjà fait

18 remarquer que la population croate était d'une proportion beaucoup plus

19 petite que les Musulmans dans cette partie du territoire.

20 Si l'on regarde le tableau d'ensemble, ce que l'on voit, c'est une

21 campagne délibérée de dévastations, qui n'est pas accidentelle. Ce qui se

22 passerait: par exemple, on pilonne un village ou, parce que des combats

23 font rage, nous disons qu'ils étaient pris pour objectifs, de façon

24 délibérée, qu'il y avait des destructions délibérées.

25 L'accusation dit qu'il serait impossible à quiconque qui se trouvait dans

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1 cette région à l'époque, indépendamment de personnes qui avaient une

2 autorité, de ne pas se rendre compte de ce qui se passait. En fait, de

3 nombreuses personnes ont porté ce fait à l'attention du général Talic, y

4 compris l'évêque de Banja Luka, l'évêque Komarica qui a publié une lettre

5 adressée aux différentes personnes qui étaient responsables pour se

6 plaindre de ce qui se passait, non seulement pour les édifices religieux,

7 mais aussi pour les prêtres catholiques. A la suite de cela, à cause de

8 ces pressions, le 23 juin 1992 le général Talic a donné un ordre.

9 Je me demande si l'on pourrait, s'il vous plaît, le présenter au

10 rétroprojecteur pour que vous puissiez le voir, Monsieur le Président et

11 Mesdames les Juges? C'est le document 4.646.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Vous verrez, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, que c'est le

14 commandement du Corps de la 1re Krajina, daté du 23 juin 1992.

15 Ah, il n'est pas encore à l'écran.

16 Vous verrez, Monsieur le Président, Mesdames les Juges… Donc:

17 "Commandement du 1er Corps de la Krajina –si on peut tirer un peu le

18 document- Pour empêcher la profanation d'édifices religieux. Conformément

19 aux vues de la République Serbe, le commandement de l'armée de Bosnie-

20 Herzégovine, et pour donner les directives aux membres du 1er Corps de la

21 Krajina pour qu'ils puissent continuer à combattre d'une façon militaire

22 et honorable, j'ordonne par la présente de s'assurer qu'à tous les niveaux

23 de commandement, les édifices religieux ou les cimetières de toute

24 religion ne soient pas profanés dans des opérations de combat ou dans

25 d'autres situations.

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1 Deuxièmement, dans les opérations de combat, on peut au ouvrir le feu sur

2 des édifices religieux seulement lorsque nos forces sont engagées, si l'on

3 tire sur nos forces à partir de tels édifices ou lorsqu'il a été vu qu'ils

4 abritent des ennemis qui refusent de se rendre. L'intensité et le type

5 d'armes utilisées devraient être utilisés pour détruire seulement du

6 personnel ennemi, sans détruire les bâtiments. A cet égard, les membres du

7 Corps sont informés par le présent ordre que l'armée de Bosnie-Herzégovine

8 et la République de Serbie combattront contre l'ennemi d'une façon

9 militaire et honorable en respectant constamment les dispositions des

10 Conventions de Genève.

11 Troisièmement, j'interdis par la présente tout harcèlement ou mauvais

12 traitement des personnes religieuses. Les personnes qui sont connues ou

13 suspectes d'être du côté de l'ennemi devraient être arrêtées et mises en

14 prison par la police militaire, par les services de sécurité ou des

15 membres du Ministère de l'intérieur; la population civile devra être

16 traitée de la même manière.

17 Je considèrerai comme responsables tous les commandants d'unités mais

18 aussi tous les membres des Corps responsables pour la bonne exécution du

19 présent ordre. Pour y parvenir –ceci est écrit à la main-, les commandants

20 d'unité s'assureront que le présent ordre parvient à chacun de leurs

21 hommes".

22 C'est signé "Commandant général de division, Momir Talic". Et tant que je

23 sache, il n'y a pas de contestation qu'il s'agit bien d'un ordre signé par

24 le général Talic.

25 Le 3 août -cet ordre avait été donné en juin-, au même moment, en même

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1 temps que les ordres du général Talic avaient été donnés, à ce moment-là,

2 en prévoyance de la visite des médias et de personnes de missions

3 internationales, il a pris un deuxième ordre en ce qui concerne les

4 édifices religieux.

5 Je vais aller lentement, excusez-moi. Je crois que c'est probablement

6 lorsqu'on lit un document.

7 Je me demande si ce document pourrait être mis sur le rétro projecteur?

8 (Intervention de l'huissier.)

9 M. le Président (interprétation): Le premier était daté?

10 Mme Korner (interprétation): Le 23 juin.

11 M. le Président (interprétation): Ceci est daté du 3 août.

12 Mme Korner (interprétation): Oui, le 3 août, c'est le même jour.

13 M. le Président (interprétation): Donc lorsqu'il y a une référence à

14 l'ordre 5362 du 23 juin 1992, on se réfère à celui que nous venons de voir

15 à l'écran?

16 Mme Korner (interprétation): Exactement. Et vous verrez, comme vous l'avez

17 déjà lu, que, "malgré l'ordre du 23 juin 1992, nous connaissons encore des

18 exemples de démolition de lieux de culte. Nous prévenons tous les

19 commandants d'unité qu'ils doivent empêcher des actes aussi responsables.

20 Ne pas respecter les ordres que j'ai donnés est un acte pénal et sera puni

21 conformément aux règles. Vous êtes prié de fournir un détail et une

22 explication détaillée chaque fois qu'un lieu de culte sera démoli."

23 Et il y a à l'évidence une copie de l'ordre précédent qui était annexée.

24 Je dois ajouter -cela n'est pas à l'écran-, jointe aux deux ordres, il y

25 avait une liste de distribution aux diverses unités auxquelles elle était

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1 adressée.

2 Le motif qui était à la base de ces ordres, le moment où ils ont été

3 donnés est une question que, Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

4 vous devrez décider lorsque vous entendrez les dépositions. Mais ce qui

5 est absolument clair, d'après ces éléments de preuve, c'est que, malgré

6 ces deux ordres officiels, les destructions se sont poursuivies. Et aucune

7 mesure ne semble avoir été prise par rapport aux personnes qui semblent

8 avoir été les auteurs de ces destructions. Ce n'était pas seulement les

9 militaires qui étaient mis au courant, qui avaient ces questions portées à

10 leur attention.

11 A Teslic: un rapport a été publié par le Procureur au sujet de ce qui

12 s'était passé à Teslic entre juin et septembre 1992. A ce qu'il semble,

13 ces rapports faisaient régulièrement partie des fonctions du Procureur qui

14 devait présenter des rapports sur les activités de façon régulière. Je

15 voudrais demander qu'une partie dudit rapport soit placée sur le

16 rétroprojecteur.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Si vous regardez le premier paragraphe, Monsieur le Président, Mesdames

19 les Juges, il est dit que la destruction d'édifices religieux est un crime

20 de guerre contre les civils, contre la population civile à cause de la

21 façon et des circonstances dans lesquelles elle a été perpétrée. Le peuple

22 serbe portera un lourd fardeau de responsabilité devant l'histoire jusqu'à

23 ce que les auteurs de ces actes criminels et d'autres soient traduits en

24 justice.

25 Si l'on pouvait revenir à la page précédente, bien que ce ne soit pas

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1 directement lié à la question?

2 Monsieur le Président, pour le conseil de la défense, ce document a été

3 communiqué comme 4.285.

4 Cette partie du rapport que je viens de montrer fait partie d'un

5 paragraphe qui est intitulé "Situation présente en ce qui concerne les

6 infractions commises." Les infractions commises sont une partie des crimes

7 qui existaient dans la société de ce jour. Un grand nombre d'actes

8 criminels n'ont pas encore été découverts et un grand nombre de crimes

9 étaient tolérés par les autorités pour diverses raisons.

10 Le Bureau du Procureur a connaissance du pillage quotidien des biens, des

11 maisons et des locaux professionnels qui ont été incendiés, détruits, de

12 vols à main armée et de tueries qui sont communiqués pour des motifs

13 particulièrement odieux, d'appartements appartenant à des sociétés ainsi

14 que des habitations privées qui sont occupés de façon illicite.

15 Il n'y a pas de poursuite au pénal pour la plupart de ces actes. Rien

16 qu'en dix jours, il y a eu trois assassinats pour des motifs crapuleux et

17 différents cas d'incendie et de vol à main armée. Seulement dans un seul

18 cas, les auteurs ont été arrêtés et une procédure pénale a été entamée

19 contre eux. Les auteurs des deux autres meurtres n'ont pas été arrêtés à

20 ce jour.

21 Le Procureur et le Président du Tribunal ont personnellement exigé que le

22 commandement de la Brigade serbe de Teslic arrête un complice soupçonné de

23 meurtre. On ne s'explique pas pourquoi ces personnes n'ont pas été

24 arrêtées.

25 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, Teslic était dans la zone sous

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1 la responsabilité du général Talic.

2 M. Pitron: Monsieur le Président, Madame, Monsieur, Madame le Procureur,

3 lorsque nous nous référons à la pièce qui est résumée par Mme Korner, nous

4 nous apercevons qu'il s'agit -elle est rédigée en serbo-croate-, qu'il

5 s'agit d'un document qui ne comporte pas de papier en tête, pas de sceau,

6 qui n'est pas signé, qui est rédigé sur papier blanc et nous en contestons

7 l'authenticité.

8 M. le Président (interprétation): Bien. Alors nous y viendrons par la

9 suite. Mais aux fins de la déclaration liminaire, nous prenons la même

10 procédure qu'hier: tout sera fait comme il convient, sans préjudice, des

11 problèmes tels que celui que vous venez d'évoquer maintenant.

12 En tout état de cause, il s'agit d'un document qui a été communiqué et

13 vous avez reçu le numéro de référence. Donc on devra pouvoir régler la

14 question plus tard. Je vous remercie.

15 Madame Korner, voulez-vous poursuivre?

16 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, l'accusation dit que

17 ce n'est pas inexplicable, qu'une politique délibérée a été suivie par les

18 militaires et par les autorités civiles et militaires de ne pas poursuivre

19 pour ce type d'infractions, en particulier lorsque cela avait été commis

20 contre des non-Serbes. La destruction d'habitations et de biens

21 appartenant à des non-Serbes était beaucoup plus grande, beaucoup plus

22 étendue, presque incalculable -tout ce qui a été détruit, c'est presque

23 incalculable-, et ces destructions peuvent encore être vues par ceux qui

24 se rendent en Bosnie aujourd'hui. Et nonobstant le programme de

25 reconstruction, qu'il se soit agi de destructions voulues avec des

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1 objectifs, en particulier quand cela n'était pas causé par du pilonnage ou

2 par des attaques, mais par des personnes qui faisaient sauter ces maisons

3 ou qui les détruisait en les incendiant, presque toujours après les avoir

4 pillées et après que la population ait été expulsée, parfaitement évident

5 dans les zones où les villages, où les villes avaient une population

6 mixte, c'est-à-dire où il y avait une population serbe, des églises

7 orthodoxes serbes, et ce qui appartenait à des personnes qui n'étaient pas

8 serbes.

9 Cela a été très clairement démontré dans une émission faite par ABC News

10 dans un programme ayant pour titre "Nightline" en novembre 1992, lorsque

11 le reporter qui s'est rendu dans la ville de Kozarac, dans la municipalité

12 de Prijedor, a fait un reportage.

13 Je vais demander qu'on montre un bref passage vidéo. Il est question de

14 nettoyage ethnique et nous savons tous, comme pour les journaux, que les

15 reporters utilisent ce genre de termes, mais on ne se fonde pas, bien sûr,

16 sur ce que dira le reporter. Ce que nous voudrions que vous voyiez,

17 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, ce sont les images.

18 (Diffusion de la vidéo.)

19 Je vous remercie.

20 Monsieur le Président, ce que ce reporter a vu sur place, en novembre

21 1992, était exactement comme cela dans la première partie de 1996, lorsque

22 la région a été visitée pour la première fois par des représentants de

23 votre Tribunal.

24 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, pourrais-je maintenant passer à

25 la question des tueries, des meurtres sur lesquels vous entendrez des

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1 dépositions? Les tueries principales, dans cette affaire, sont énoncées

2 aux paragraphes 38 et 41 de cet Acte d'accusation. Lorsque je dis "les

3 meurtres les plus étendus", c'est, au bas mot, trois ou quatre personnes

4 par incident. Ceci ne comprend pas, pour des raisons évidentes -sans cela,

5 on continuerait page après page-, les nombreux cas de personnes tuées

6 isolément et qui ont eu lieu lorsque des villages ont été pris par les

7 Serbes, par les forces serbes.

8 L'accusation ne veut pas dire que l'un ou l'autre accusé ait pris part

9 personnellement à l'un quelconque de ces meurtres, autrement dit qu'il

10 tenait le fusil ou le pistolet, ou quelle qu'ait été l'arme qui a causé la

11 mort des personnes en question. Mais nous soutenons qu'ils ont la

12 responsabilité, qu'ils sont responsables de ces meurtres dans la mesure où

13 ces morts ont été le résultat direct des politiques qu'ils poursuivaient

14 dans la région autonome de la Krajina.

15 Et en plus, dans le cas de Talic, lorsque les auteurs… On savait que les

16 auteurs étaient des forces sous son contrôle, il n'a pris que peu de

17 mesures pour les faire traduire en justice. C'est une question qui a été

18 évoquée maintes fois par les conseils de Talic au cours de la conférence

19 préalable au procès, qu'on ne nomme pas les auteurs de ces meurtres.

20 Dans de nombreux cas -la majorité, dirions-nous-, l'identité des tueurs

21 n'est pas connue. Ceux qui ont survécu à ces tueries ou qui en ont été

22 témoins sont seulement en mesure de dire que les auteurs étaient des

23 soldats serbes. Et, bien sûr, ceci couvre un certain nombre de

24 possibilités, le fait qu'ils étaient membres de l'armée régulière de la

25 Republika Srpska ou des personnes, des réservistes des unités

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1 territoriales qui auraient été appelées ou qui n'étaient rien de plus que

2 des Serbes locaux qui auraient endossé des uniformes.

3 Rien, dans la région de la RAK, la région autonome de la Krajina, n'a

4 atteint l'amplitude, les nombres de massacres dont le monde a connaissance

5 maintenant qui ont eu lieu à Srebrenica; les chiffres ne sont pas

6 comparables. Mais globalement, il y a eu des meurtres d'un nombre

7 important de personnes, d'hommes, dans des incidents particuliers qui,

8 selon nous, font apparaître un schéma. A Kljuc, le 1er juin 1992, près

9 d'une centaine d'hommes ont reçu l'ordre de se rassembler dans le village

10 de Velagici; on les a emmenés à l'école: ce sont des soldats serbes qu'ils

11 ont conduits dans l'école du village. Trois hommes ont été immédiatement

12 tués devant l'école. Les autres ont reçu l'ordre de quitter le bâtiment

13 et, à ce moment-là, il y a eu des tirs aveugles et pratiquement tous ont

14 été tués.

15 Dans la même municipalité, le 10 juillet, c'est-à-dire juste un mois plus

16 tard, les soldats serbes -et, en l'occurrence, on n'avait aucun doute de

17 qui il s'agissait: c'étaient des membres de l'une des unités territoriales

18 qui avait été mise sous le commandement de Talic, c'était la 17e Brigade

19 d'infanterie légère- réunissaient, rassemblaient un certain nombre

20 d'hommes d'un village nommé Biljani. Là encore, on les a emmenés à

21 l'école. C'est un thème que l'on retrouve presque constamment; c'est

22 toujours à l'école simplement parce que c'était le bâtiment le plus grand

23 disponible.

24 Les hommes qui étaient responsables de l'unité ou l'homme plus exactement,

25 il est connu, on connaît son nom; il s'appelle Marko Samarazija. Certaines

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1 des personnes qui ont survécu l'ont reconnu, certaines des personnes qui

2 ont assisté à ce massacre. A l'école, certains de ces hommes ont été

3 abattus devant le bâtiment à l'école. D'autres ont été abattus dans ou à

4 l'extérieur de bâtiments proches de l'école. Quant au reste des hommes,

5 ils ont été emmenés dans des bus; ils ont été tués ailleurs.

6 Certains de ces hommes ont été arrêtés. Cela était un événement qui a

7 connu une certaine notoriété. Il y a eu une enquête, mais les dossiers

8 montrent que rien n'a été fait contre eux. Ces hommes ont simplement

9 réintégré leurs unités. Quant au commandant, il a démissionné. Il est

10 toujours vivant, en bonne santé, apparemment. D'après ce que nous savons,

11 il déambule tranquillement dans les rues aujourd'hui.

12 A Prijedor, le 24 juillet 1992, il y a eu cet infâme massacre de la salle

13 n°3 dont j'ai déjà parlé. Le 25, le lendemain donc, quelque 90 hommes qui

14 avaient été détenus au stade de football de Ljubija, dans un camp de

15 détention, ont été emmenés dans une mine proche. Là, ils ont été gardés

16 par une dizaine de soldats serbes. A cette mime de fer, on les a emmenés

17 en groupe de trois. Ils ont été exécutés. Les hommes morts, les hommes

18 agonisants ont été jetés dans ce puits.

19 Je parlerai des exhumations dans un instant, mais tout récemment, vous

20 l'avez peut-être appris, il y a eu exhumation sur ces lieux.

21 Le 21 août 1992, environ 200 non-Serbes -je parle de non-Serbes, parce que

22 là il y avait des personnes de plusieurs origines ethniques-, ces quelque

23 200 non-Serbes ont été emmenés dans un convoi à Travnik; ils ont été

24 placés dans deux bus. Ils étaient escortés par la police serbe. Ces bus

25 ont été arrêtés, on a fait descendre les hommes et ils ont été assassinés.

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1 On parle maintenant du massacre du mont Vlasic. Très peu de ces 200 hommes

2 et quelque ont survécu à ce massacre.

3 Mais vous entendrez un au moins de ces hommes, un de ces survivants.

4 A Kotor Varos, ceci se passe en novembre 1992. Je vous l'ai déjà dit, les

5 événements ont commencé plus tard à Kotor Varos, plus tard qu'ailleurs

6 dans la région. Des hommes qui avaient opposé une résistance à l'attaque

7 serbe dans la ville de Vucici, ces hommes ont décidé de s'enfuir. Ils se

8 sont divisés en deux groupes; le premier groupe a décidé de prendre la

9 direction de Travnik. Ce groupe se composait d'hommes, de femmes et

10 d'enfants. Ce premier groupe a été capturé par des membres de la VRS. Ces

11 personnes ont été emmenées dans une école, celle de Grabovica. Il y avait

12 environ 167 hommes. Quant aux femmes et aux enfants, ils les ont séparés

13 des hommes et emmenés dans des bus.

14 Mesdames les Juges, Monsieur le Président, vous aurez l'occasion

15 d'entendre un adulte qui était alors un adolescent. Ils ont dû traverser

16 une haie de soldats avant de pouvoir monter dans des bus ou des camions

17 qui avaient été fournis à cet effet. Les hommes qui eux avaient été gardés

18 dans l'école, ces hommes, on ne les a plus jamais revus. Même si aucun

19 cadavre n'a été récupéré, nous soutenons que, vu les circonstances, il n'y

20 a qu'une seule possibilité: c'est que ces hommes ont été tués ce jour-là.

21 Voilà un bref descriptif de certains des meurtres les plus importants qui

22 se sont produits dans la région. Mais nous le répétons, il y en a eu

23 beaucoup d'autres, peut-être en nombre moins grand, si l'on peut dire,

24 beaucoup d'hommes et de femmes qui ont été tués au cours de ces attaques.

25 Parlons de certains de ces incidents moindres. Parlons, par exemple, de

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1 Sanski Most. Le 31 mai 1992, l'armée serbe lance une attaque sur un

2 village qui est majoritairement musulman, celui de Vrpolje. Là,une fois de

3 plus, on sépare les femmes et les enfants des hommes. Ces derniers sont

4 emmenés sur le pont de Vrpolje. Des meurtres sont commis en route vers ce

5 pont et sur le pont même.

6 Ce même jour, des hommes qui viennent d'un autre village, le village

7 Hrstovo, se protégeaient, cherchaient un abri dans un garage. Ils étaient

8 à peu près vingt. Tous ces hommes ont été tués.

9 A Kljuc, une fois de plus, le 1er juin, le village Provo a été attaqué.

10 Des soldats serbes ont séparé les hommes des femmes et des enfants, les

11 hommes ont été emmenés au village de Peci. Mais en route, sur la route

12 même, une vingtaine d'hommes ont été tués.

13 Ce type de systématicité, le fait qu'on tue des gens sur des ponts, qu'on

14 force des gens à sauter du pont, à sauter dans l'eau, ce type de schéma

15 s'est répété sans cesse dans les municipalités.

16 Est-ce qu'il y a jamais eu de poursuites?

17 Des personnes qui étaient habillées d'un uniforme militaire -il s'agissait

18 de paramilitaires-, des membres de carrière de la VRS, des membres de

19 l'unité territoriale, relevaient de la compétence du tribunal militaire de

20 Banja Luka, pas de tribunaux civils.

21 Et quelle a été l'attitude du général Talic en matière de poursuites?

22 Des infractions graves, nombreuses ont été commises contre la population

23 non-serbe par des soldats se trouvant sous le commandement du général

24 Talic. Mis à part ces meurtres, il y a eu des cas de viols, de vols et

25 d'attaques armées. Dans pratiquement tous les cas, les auteurs de ces

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1 infractions n'ont pas été traduits en justice.

2 Il n'y avait bien un bureau du procureur militaire attaché au 1er Corps de

3 la Krajina. Et lorsqu'il y a eu certains cas d'infractions graves commises

4 par des soldats serbes contre la population non-serbe, effectivement

5 certains de ces cas ont fait l'objet de poursuites, parce qu'ils étaient

6 devenus à ce point connus qu'il était impossible de ne pas engager de

7 poursuites.

8 Mais pratiquement, il y a eu peu de condamnations d'auteurs serbes. Et ne

9 parlons pas des peines qu'ils auraient purgé pour des crimes commis contre

10 des non-serbes. Même lorsqu'il a y a eu des tueries, des massacres comme

11 ceux que je viens de décrire, il était routinier de relâcher les auteurs

12 serbes, que ceux-ci réintègrent leurs unités après leur arrestation

13 initiale et qu'ils n'aient jamais dû passer en justice ou être punis. Les

14 commandants du 1er Corps de la Krajina intervenaient dans la procédure

15 judiciaire pour veiller à ce que leurs hommes ne soient jamais punis.

16 Je vous ai parlé du massacre de Biljani. S'agissant du massacre de

17 Velagici, les soldats qui ont fait l'objet de poursuites et de

18 condamnations, eh bien, ont vu leur condamnation tout simplement annulée

19 et ils n'ont eu à subir aucun blâme pour les actions qu'ils avaient

20 commises.

21 Ce déni de justice a été une vérité alors que, manifestement, il y avait

22 culpabilité, qu'il y avait eu des poursuites en justice et, techniquement,

23 certaines de ces affaires sont toujours en cours aujourd'hui.

24 Comparons ceci avec les meurtres de Serbes commis par d'autres Serbes. Ce

25 type d'infractions a fait l'objet de poursuites tout à fait efficaces,

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1 quelquefois agressives, et a entraîné des peines d'emprisonnement assez

2 longues pour les auteurs.

3 Les crimes dont on pourrait dire qu'ils pourraient avoir une incidence sur

4 une bonne discipline militaire, par exemple la désertion, la rébellion

5 armée, la possession illégale d'arme, ce type de crimes ou d'infractions

6 -je pense surtout à la désertion en ce qui concerne les soldats serbes-

7 ont fait l'objet de poursuites en bonne et due forme.

8 Bon nombre de membres de la population non-serbe ont eux-mêmes fait

9 l'objet de poursuites pour avoir possédé de façon illégale des armes,

10 alors que des ordres avaient été donnés dans le sens inverse. Ils ont été

11 poursuivis et condamnés.

12 On ne peut donc tirer qu'une seule conclusion raisonnable, je l'ai déjà

13 dit, surtout quand on pense au général Talic. La seule conclusion

14 raisonnable, c'est qu'aucune volonté n'était présente, aucun effort

15 raisonnable n'a été déployé pour assurer la poursuite et la condamnation

16 de soldats serbes qui auraient commis des infractions contre des non-

17 Serbes.

18 Permettez-moi de parler rapidement des exhumations.

19 J'espère que vous allez voir apparaître sur vos écrans une carte. Inutile

20 de voir les emplacements mêmes.

21 C'est peut-être parce qu'il y a encore un document sur le rétroprojecteur,

22 je ne sais pas… Voyez-vous cette carte, Monsieur le Président, Mesdames

23 les Juges?

24 (Le Président demandant, semble-t-il, si cette carte apparaît sur les

25 écrans de la défense. Dialogue hors micro.)

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1 En temps utile, manifestement, vu les couleurs, il n'est pas facile de

2 bien projeter cette image, mais vous avez une idée approximative du nombre

3 de sites d'exhumation.

4 Pour avoir une idée de l'ampleur de ce phénomène, à savoir des meurtres

5 commis contre des civils au cours de la période couverte par l'Acte

6 d'accusation, il faut examiner les moyens de preuves médico-légaux qui

7 nous donnent une idée plus précise du nombre de corps exhumés depuis la

8 fin du conflit.

9 Il est utile aussi d'examiner les certificats de décès délivrés par des

10 cours et tribunaux de Bosnie.

11 Au cours du procès, vous entendrez des témoins et notamment un juge qui

12 s'est beaucoup occupé de la question.

13 Apparemment, d'après le système, un membre de la famille peut se présenter

14 au tribunal pour obtenir un certificat de décès, une fois que s'est

15 écoulée une certaine période de temps; je pense qu'il s'agit de cinq ans

16 et non pas de sept ans, comme c'est le cas dans d'autres systèmes

17 judiciaires. Vous en entendrez parler par la suite dans le cadre des

18 dépositions.

19 Je vous ai dit que les exhumations se poursuivent encore. Tout récemment,

20 il y a eu une exhumation à la mine de fer de Ljubija.

21 Dans les 16 municipalités, 2364 corps ont été exhumés de 462 fosses

22 communes ou individuelles. Plus de 2.000 personnes ont été exhumées, mais,

23 de ce nombre, on sait seulement que 1022 ont disparu en 1992; 3,6% des

24 corps restants ont disparu entre 1993 et 1995, à une période postérieure à

25 l'Acte d'accusation. Mais pour ces autres corps, il est impossible de

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1 déterminer l'année du décès.

2 Nous avons énuméré 31 meurtres au paragraphe 38 de l'Acte d'accusation, ou

3 tueries, plus exactement. 452 personnes concernées par 20 de ces incidents

4 ont pu être exhumées et identifiées.

5 Nous énumérons au paragraphe 41 les tueries commises dans les lieux de

6 détention. A cet égard, 240 corps ont été exhumés et ces corps ont été

7 abattus dans quatre de ces tueries.

8 Nous avons reçu des dossiers judiciaires en ce qui concerne 8

9 municipalités; ce sont des certificats de décès qui concernent 1589

10 personnes portées disparues depuis 1992, mais pour lesquelles aucun reste

11 n'a été exhumé.

12 Je suis pratiquement au terme de mon exposé. Avant de procéder à la

13 synthèse de ce qui, selon nous, représente les activités des deux accusés,

14 permettez-moi de vous dire comment nous allons procéder pour la

15 comparution de nos témoins.

16 Pour assurer une bonne cohérence, nous allons procéder municipalité par

17 municipalité. J'espère que nous pourrons respecter approximativement

18 l'ordre chronologique des événements; il se peut que ceux-ci ne donnent

19 pas une image tout à fait fidèle puisque l'un des facteurs révélateurs, en

20 l'espèce, c'est ce système ou ce modèle systématique, ce schéma

21 d'opération. Nous espérons cependant pouvoir vous préparer des graphiques,

22 des chartes qui vous donneront une meilleure idée de la situation. Mais il

23 faut d'abord, pour cela, entendre les témoins.

24 Au cours de mon exposé liminaire, j'ai repris des thèmes, les grands

25 thèmes couverts par les moyens de preuve. Parce qu'effectivement, dans ce

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1 procès, les accusés ne sont pas les auteurs physiques des infractions.

2 Leur responsabilité pénale découle du rôle qu'ils ont joué, de la

3 planification, du fait qu'ils ont incité à la conduite de cette campagne,

4 à l'exécution aussi de cette campagne qui avait pour objectif, selon nous,

5 d'expulser les non-Serbes. Et ils sont aussi responsables, de cette façon,

6 pour les crimes repris dans l'Acte d'accusation.

7 Nous allons commencer par Banja Luka parce que c'était là la base de la

8 cellule de crise de la RAK; c'est là que se trouvait le quartier général

9 du 1er Corps de la Krajina. J'ai déjà parlé de cette municipalité; je vous

10 ai dit qu'elle était peut-être l'exception à la règle.

11 On voit un schéma apparaître dans les autres municipalité au cours de

12 l'année 1992. Cette structure n'apparaît pas de façon aussi discernable

13 dans la municipalité de Banja Luka. On trouve certain des éléments moins

14 forts de la persécution, le fait qu'on nie certains droits fondamentaux,

15 qu'on mette à l'écart des non-Serbes de leur emploi, le fait qu'on déloge

16 des habitants de la municipalité. Mais il y avait des forces de police,

17 des forces paramilitaires; ceci ne fait pas l'ombre d'un doute.

18 On parlera du combi rouge, de cette camionnette rouge qui circulait dans

19 les rues de Banja Luka et qui embarquait des non-Serbes, les passait à

20 tabac, les emmenait au commissariat de police, au poste de police où se

21 poursuivaient les sévices corporels. Mais on n'a pas là l'ampleur qu'ont

22 connue d'autres municipalités en 1992. A cela, il y a sans doute pas mal

23 de raisons. Il était peut-être trop visible de mettre en œuvre, là, les

24 techniques assez brutales et assez rudimentaires qui étaient appliquées

25 dans d'autres municipalités, puisque Banja Luka faisait l'objet de visites

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1 constantes de la part de membres de la communauté internationale. David

2 Owen s'y est trouvé à un certain moment dans le cadre des négociations

3 qu'il menait; il y avait aussi des organisations de secours humanitaire

4 qui avaient pour base Banja Luka.

5 En conséquence, beaucoup des témoins qui viennent de la partie non serbe

6 de la population ont survécu aux événements de 1992. Sans avoir subi autre

7 chose que des actes de harcèlement ou de passages à tabac occasionnels,

8 ces personnes ont pu survivre, ont pu rester à Banja Luka en 1992.

9 Vous allez peut-être penser qu'un des facteurs qui émerge et qui apparaît

10 à l'écoute des témoins, c'est qu'en fait, Banja Luka était progressivement

11 encerclée au fur et à mesure que les Serbes prenaient contrôle des autres

12 municipalités.

13 Qu'en est-il des témoins? Beaucoup de ceux-ci viendront vous parler de

14 crimes qu'ils ont subis, dont ils ont été la cible, eux ou un membre de

15 leur famille, de crimes ou d'infractions dont ils ont été témoins, de

16 crimes odieux, abominables. D'autres viendront vous parler de la situation

17 politique, des aspects politiques de ce qui s'est passé, vous donneront

18 une vue d'ensemble de cette situation. Il n'est pas inutile de se souvenir

19 du fait que ces gens vont vous décrire des événements qui se sont produits

20 il y a maintenant dix ans. On n'a pas besoin d'un expert pour nous

21 rappeler que les souvenirs s'estompent après dix ans.

22 Nous allons aussi appeler à la barre des experts dans des domaines qui

23 sont pertinents dans l'examen de l'Acte d'accusation. Ce sont des gens qui

24 ont analysé des éléments de preuve. Vous aurez ainsi des experts en

25 matière de questions de commandement et de contrôle -ceci est important

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1 pour l'aspect militaire de l'Acte d'accusation-, des experts en

2 destruction de bâtiments religieux, des démographes. Vous savez que nous

3 allons avoir pour premier témoin un historien, le docteur Donia, des

4 experts en matière constitutionnelle. Cela ne sera pas long, mais cet

5 expert vous parlera de son avis en ce qui concerne la cellule de crise; il

6 va vous expliquer certains des termes qui sont récurrents dans les

7 documents et qui seront utilisés par les témoins en l'espèce.

8 Vous aurez la déposition des témoins, bien sûr, mais nous allons également

9 nous fonder sur des moyens de preuve documentaires, documents saisis suite

10 à la délivrance d'un mandat d'arrêt -ce qui s'est fait il y a plusieurs

11 années dans la région-, ou documents fournis par des témoins ou d'autres

12 organisations.

13 Enfin, permettez-moi de revenir à ce qui est véritablement le cœur de ce

14 procès: la responsabilité pénale des accusés.

15 Nous avons exposé ceci dans le mémoire préalable au procès, au regard de

16 chacun des accusés et pour chacune des municipalités. Je me propose

17 simplement de faire une brève synthèse. Qu'est-ce que dit l'accusation?

18 Elle dit que les deux accusés se trouvaient à des postes de

19 responsabilité, les deux accusés étaient proches de ceux qui, par le biais

20 du parti politique du SDS, tout d'abord, et puis lorsque le SDS est devenu

21 le Gouvernement, Gouvernement établi dans ces régions connues sous le nom

22 de Republika Srpska, ces hommes étaient les figures de proue de cette

23 entreprise visant à la création de l'Etat serbe.

24 Radoslav Brdanin, à partir du mois de septembre 1992, avait une

25 implication directe une participation directe à ce gouvernement puisqu'il

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1 en était un des ministres. Quant au général Talic, en sa qualité de

2 commandement du 1er Corps de la Krajina, il faisait ses rapports

3 directement à l'état-major de la VRS et, à toutes fins utiles, à son chef,

4 le général Mladic. Certaines des personnes dont ces hommes étaient

5 proches, se sont vues mettre en accusation par ce Tribunal; elles sont

6 donc mentionnées explicitement dans cet Acte d'accusation: nous parlons de

7 Radovan Karadzic qui n'a pas encore été arrêté, de Momcilo Krajisnik et de

8 Biljana Plavsic. Mais il va de soi qu'il y a d'autres personnes qui n'ont

9 pas été mises en accusation et qui ne sont pas citées, dont ils étaient

10 proches.

11 En l'espèce, l'accusation n'a pas apporté la preuve de la culpabilité de

12 l'une quelconque de ces personnes nommées; ces personnes ne sont pas mises

13 en accusation dans le présent Acte d'accusation.

14 Nous soutenons que l'accusation a apporté la preuve de l'existence d'une

15 entreprise criminelle et que, sciemment et délibérément, ces deux hommes

16 qui sont accusés ici, se sont joints à cette entreprise criminelle et que,

17 dans le cadre de cette entreprise, ils ont joué le rôle qu'il leur était

18 assigné du fait de leur fonction.

19 En ce qui concerne Radoslav Brdanin, nous disons ceci: dès le début de

20 1991 et, en tout cas, à partir du moment où l'association des

21 municipalités de la Krajina de Bosnie a été créée, il était l'une des

22 figures principales, pas seulement dans le domaine politique de la

23 Krajina, mais de façon plus large, sur un front plus large, du fait de ses

24 activités qu'il avait en tant que député représentant le SDS à l'assemblée

25 de Bosnie-Herzégovine et avant la création de l'assemblée serbe. Mais il

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1 était un des membres fondateurs de ladite assemblée du peuple serbe.

2 Des communications téléphoniques interceptées prouvent des contacts

3 directs avec Radovan Karadzic dans les événements qui ont mené au

4 cataclysme de 1999. Le 12 juillet 1991, le SDS a tenu une réunion à

5 Sarajevo à laquelle Brdanin a assisté en tant que délégué de la Krajina

6 bosniaque avec Vojo Kupresanin d'ailleurs.

7 Pendant les discussions, pendant les allocutions, il a exprimé ce qui, de

8 l'avis de l'accusation, est l'expression de sa conviction personnelle: "Je

9 suis un homme qui respecte deux principes: j'obéis et je respecte à ceux

10 qui me sont supérieurs, tous ceux qui sont sous mon commandement doivent

11 m'obéir." Fin de citation. Nous soutenons que ces paroles ne viennent pas

12 d'un homme qui aurait pu être ou qui est prêt à n'être qu'un personnage

13 fantoche sur le plan public.

14 Ces propos démontrent qu'il s'agit d'un homme qui est très engagé vis-à-

15 vis de la création d'un Etat serbe, mais qu'il s'agit également d'un homme

16 prêt à utiliser et à inciter d'autres à utiliser des méthodes illégales,

17 c'est-à-dire la violence pour atteindre ce but.

18 En juin ou juillet 1992, alors que ce qu'il est convenu d'appeler des

19 opérations de combat étaient en cours à Kotor Varos, opérations menées par

20 des unités du 1er Corps de Krajina, Brdanin s'est rendu dans la région; il

21 a été interrogé la télévision.

22 Je demanderai que les images de cette interview soient diffusées dans ce

23 prétoire mais, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous avons une

24 transcription de ce qui est dit en anglais. Vous l'avez n'est-ce pas?

25 Je crois savoir que les conseils de la défense en ont reçu un exemplaire

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1 également. Donc j'aimerais à présent que cette séquence vidéo soit

2 diffusée.

3 (Diffusion de la vidéo.)

4 M. le Président (interprétation): J'aimerais vérifier cela auprès de la

5 défense: c'est une feuille de papier qui a été distribuée hier. Vous n'en

6 avez pas?

7 M. Ackerman (interprétation): Non, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Madame Korner, je suppose que, si ce

9 document a été remis aux Juges, il convient qu'il soit remis également aux

10 membres de la défense. Vous en avez des exemplaires supplémentaires?

11 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président. Nous n'en avons

12 qu'un seul exemplaire.

13 Dans les documents communiqués, il s'agit du document 3.33.

14 M. le Président (interprétation): Il faudrait que cette photocopie soit

15 faite très rapidement avant que vous ne procédiez, Madame Korner.

16 Mme Korner (interprétation): Bien sûr et je vous prie de m'excuser,

17 Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation): Je crois comprendre que ce document a

19 été distribué hier et, depuis hier, ce document a dû s'égarer. Ce ne sera

20 pas la première fois que cela arrive, mais j'aimerais que les conseils de

21 la défense puissent avoir ce document sous les yeux. La photocopie ne

22 prendra que quelques minutes.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

25 Mme Korner (interprétation): Très bien.

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1 Je demanderai donc la diffusion de cette séquence vidéo.

2 (Diffusion de la vidéo.)

3 "-Question: Monsieur Brdjanin, pouvez-vous nous dire quelles sont les

4 raisons de votre venue ici et comment vous appréciez les derniers

5 événements sur le territoire de la municipalité de Kotor Varos?

6 -M. Brdanin: Sachez qu'en tant que président de la cellule de crise de

7 cette région, je dois admettre que, la plupart du temps, je me suis trouvé

8 de passage dans le corridor. Mais la raison de ma venue est simple, à

9 savoir que je dois informer tous les membres de la cellule de crise de la

10 réalité de la situation sur le terrain. Nous devons faire de l'ordre dans

11 notre région qui recouvre bien sûr Kotor Varos et Jajce, et le plus

12 important, s'agissant des batailles que j'ai vues hier, c'est la bataille

13 destinée à obtenir pénétration dans la direction de la Serbie. Nous nous

14 rendons compte que les négociations avec l'ennemi sont devenues

15 impossibles, car ceux qui ont pris les armes doivent être vaincus. Ils

16 doivent remettre leurs armes et le pouvoir serbe total doit leur est

17 imposé."

18 (Fin de la diffusion de la cassette vidéo.)

19 Merci, Monsieur le Président.

20 Nous avons vu ces images. Nous avons vu un char qui était en train de

21 tirer au début de cette séquence. Et comme la traduction le laisse

22 entendre, il s'agit de Radoslav Brdanin qui parle par la suite.

23 Monsieur le Président, l'importance -selon l'accusation- réside dans le

24 fait que l'attitude de Brdanin et son rôle dans la cellule de crise sont

25 très visibles sur ces images:

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1 "Il est de mon devoir en tant que Président de la cellule de crise de la

2 région autonome de me rendre sur le terrain, sur le théâtre de la guerre,

3 mais je dois admettre que je me suis surtout rendu dans le corridor. La

4 raison de ma venue ici, c'est que, tous les lundis, je dois rendre compte

5 aux présidents des cellules de crise s'agissant de la situation politique

6 dans la région. Nous devons nettoyer ou faire de l'ordre dans toute notre

7 région, à savoir dans la région recouvrant Kotor Varos et Jajce. Et la

8 bataille la plus importante à laquelle j'ai pu assister hier est celle qui

9 doit assurer la pénétration en direction de la Serbie. Nous nous rendons

10 compte que les négociations avec l'ennemi sont devenues impossibles, car

11 ceux qui ont pris les armes doivent être vaincus. Ils doivent remettre

12 leurs armes et le pouvoir serbe total doit être imposé ici."

13 (Fin de citation.)

14 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, il peut être utile de rappeler

15 à chacun ici que la municipalité de Kotor Varos était peuplée à 38% de

16 personnes qui s'étaient déclarées serbes, de 30% de personnes qui

17 s'étaient déclarées musulmanes et de 29% de personnes qui s'étaient

18 déclarées croates.

19 L'accusation affirme que Radoslav Brdanin était considéré à jusque titre

20 comme une extrémiste et que, compte tenu du poste qui était le sien,

21 notamment la présidence de la cellule de crise de la RAK, il était pour le

22 moins capable -et nous disons qu'il était capable de beaucoup plus que

23 cela- d'influer sur les actes et les décisions prises au niveau municipal,

24 niveau auquel les crimes ont été commis.

25 Vous entendrez des témoins qui vous parleront de la participation

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1 effective de membres de la cellule de crise à la commission d'un certain

2 nombre de crimes, notamment dans des lieux tels que Sanski Most et Kljuc.

3 Nous affirmons que ces personnes, qui ont pris une part active à la

4 commission de ces meurtres, l'ont fait en toute connaissance de cause et,

5 dirais-je, l'ont fait à l'incitation du président de la cellule de crise

6 régionale de la RAK.

7 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, s'agissant du général Talic, et

8 pour résumer le rôle qui a été le sien, je rappellerai que j'en ai déjà

9 parlé de façon plus détaillée hier; aujourd'hui, j'ajouterai ce qui suit.

10 Le 1er Corps de Krajina était le Corps le plus important et le plus

11 expérimenté de l'armée des Serbes de Bosnie, la VRS. Depuis le moment où

12 il a été créé, il a entrepris de se développer et cette expansion s'est

13 poursuivie au cours de l'été 1992.

14 Ce Corps a pris le contrôle de toutes les unités de la Défense

15 territoriale serbe, ainsi que d'autres formations militaires qui

16 n'opéraient pas encore en tant qu'unités faisant partie de ce Corps.

17 L'armée des Serbes de Bosnie voyait son organisation régie par un document

18 militaire global qui en décrivait la doctrine. Il s'agit d'une série de

19 règles, de lois applicables à l'armée et ces règlements se trouvaient donc

20 codifiés dans ce document régissant tous les niveaux et tous les organes

21 de l'armée.

22 Le général Talic avait appartenu à la JNA précédemment et appartenait

23 désormais à l'armée des Serbes de Bosnie; donc il était militaire depuis

24 trente ans au moment des événements. Nous affirmons qu'il comprenait tout

25 à fait les obligations qui étaient les siennes dans le rôle qu'il jouait

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1 en tant que commandant de ce Corps d'armée.

2 Si l'on se penche rapidement sur quelques-unes des municipalités dans

3 lesquelles il a agi, nous constatons, à lecture des documents provenant du

4 Corps d'armée qu'il dirigeait, nous constatons donc très manifestement

5 qu'à Prijedor, par exemple, il a commandé les opérations militaires

6 dirigées contre la population musulmane civile et contre les groupes armés

7 musulmans, notamment à Kozarac. Nous affirmons qu'à partir de ces

8 documents, il est permis de dire qu'il savait à ce moment-là que les

9 soldats placés sous son commandement se vengeaient de la population civile

10 de Prijedor. Lorsque Hambarine a été attaquée -il s'agit d'un village où

11 la population était majoritairement musulmane et ce village a été attaqué

12 par ces forces-, la population musulmane civile et les maisons habitées

13 par cette population sont devenues la cible de cette attaque. Le général

14 Talic savait que les unités commandées par lui avaient encerclé et

15 totalement fermé la ville de Kozarac.

16 Comme vous avez pu le voir, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, ce

17 sont les images d'une séquence vidéo. Il a rendu compte du fait que 80 à

18 100 Musulmans, hommes musulmans, avaient été tués et que 1.500 avaient été

19 faits prisonniers. Il apparaît en fait que le nombre des tués a dû être

20 considérablement plus important.

21 Vous entendrez des témoins qui vous le diront et qui vous diront que,

22 malgré l'importance de ces chiffres, ceux-ci ont été réduits au moment où

23 le compte rendu a été fait aux supérieurs militaires. Depuis la fin du

24 mois de mai et durant le mois de juin, tant les membres de la VRS que les

25 forces de police serbe ont continué à désarmer, emprisonner et liquider

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1 les membres de la population non serbe.

2 En fait, le général Talic a rendu compte à ses supérieurs du fait que

3 7.000 Musulmans environ avaient été capturés et faits prisonniers dans le

4 camp d'Omarska et de Trnopolje.

5 La sécurité dans le camp de Trnopolje était assurée par une unité qui a

6 été placée sous le commandement du général Talic. Et je n'ai pas besoin de

7 vous rappeler, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, le rapport qui

8 existait entre ce camp et l'autre camp, celui de Manjaca.

9 S'agissant de Sanski Most, à la fin du mois d'avril 1992, toutes les

10 installations les plus importantes de la ville étaient tombées sous le

11 contrôle de la 6e Brigade des Partisans de la Défense territoriale serbe

12 et de la police. Au mois de mai, il a rendu compte du fait que les forces

13 sous son commandement contrôlaient Sanski Most; les forces serbes de

14 l'armée des Serbes de Bosnie ont pilonné les villages de Hrustovo, Mahala

15 le quartier musulman de Sanski Most et le village musulman de Vrpolje.

16 Tous ces lieux étaient peuplés majoritairement de Musulmans. Les pillages

17 des biens musulmans et croates ont été réalisés à grande échelle par les

18 membres de ces unités. Les unités sous son commandement ont participé -en

19 tout cas, c'est ce qu'affirme l'accusation- à la destruction de lieux

20 d'habitation et de bâtiments du culte dans la région de Sanski Most et,

21 pendant tout le mois de mai et le mois de juin, des arrestations de

22 Musulmans et Croates, d'hommes musulmans et croates ont eu lieu à Sanski

23 Most.

24 Ceux qui étaient arrêtés subissaient des interrogatoires et, la plupart du

25 temps, étaient durement frappés. Ce sont les unités sous son commandement

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1 qui ont été responsables du fait que toutes ces personnes ont été amenées

2 au centre de détention de Sanski Most. Encore une fois, ce sont les hommes

3 de ces unités qui assuraient la sécurité dans ces centres de détention et

4 la cellule de crise de Sanski Most a adopté une résolution -dont nous

5 avons un exemplaire- selon laquelle les prisonniers qui étaient des

6 responsables politiques extrémistes nationalistes ou qui n'étaient pas les

7 bienvenus à Sanski Most devaient être envoyés au camp de Manjaca.

8 Tout cela a été fait sous le commandement du général Talic. Pendant toute

9 cette période, il rendait compte à ses supérieurs des opérations en cours

10 et du résultat des tentatives de désarmement qui ont eu lieu en juin 1992.

11 Celinac maintenant. Nous n'en avons pas encore beaucoup parlé, car c'est

12 une municipalité dont la population était en majorité serbe; dans ce type

13 de municipalités, les événements de 1992 n'ont pas été aussi tragiques ou

14 aussi dévastateurs. Mais, même dans ce secteur, le général Talic a mis en

15 oeuvre sa responsabilité et a agi. Il savait qu'au mois d'août 1992, des

16 attaques avaient eu lieu contre le villages de Samici, il savait que des

17 villageois avaient été tués et que des maisons appartenant à des Musulmans

18 avaient été détruites. Au mois d'août, il savait qu'une Brigade

19 d'infanterie légère, placée sous son commandement, s'était vengée -le mot

20 "vengée" est une traduction en anglais du mot utilisé dans les documents

21 vus par l'accusation- donc s'était vengée sur la population musulmane des

22 environs de Celinac. Il savait que ce genre de comportements devenait de

23 plus en plus fréquent.

24 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je pourrais poursuivre encore

25 longuement, vous le constaterez à lecture du mémoire préalable au procès

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1 de l'accusation, mais j'ai choisi ces trois municipalités à titre

2 d'exemple.

3 S'agissant donc du général Talic, l'accusation affirme qu'il avait une

4 conviction idéologique qui le poussait à défendre la cause qu'il a

5 défendue. Il ne s'agissait pas là uniquement d'un officier de l'armée

6 obéissant à des ordres. L'accusation affirme qu'il partageait les mêmes

7 intentions que son coaccusé, Radoslav Brdanin, et que cette intention

8 consistait à expulser les non-Serbes de toutes les régions qui étaient

9 considérées par ces deux hommes comme devant appartenir à l'Etat serbe qui

10 devait être créé grâce à ces méthodes illégales et criminelles.

11 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, l'accusation affirme que ceci

12 est tout à fait visible à lecture des documents qui vous seront présentés

13 sur la base de ce qui a été dit et de tout ce que nous savons au sujet du

14 général Talic.

15 Finalement, comme je l'ai dit au début de ma déclaration liminaire, il

16 appartiendra à vous, Monsieur le Président et Mesdames les Juges, de juger

17 en fonction des éléments de preuve qui vous seront soumis pour déterminer

18 si les charges retenues par l'accusation sont justifiées.

19 A la fin de notre exposé, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous

20 dirons que nous sommes certains que l'accusation a bien prouvé ses

21 affirmations.

22 M. le Président (interprétation): Merci, Madame Korner.

23 Maître Ackerman?

24 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

25 j'ai simplement une objection à soulever et j'aimerais le faire sans être

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1 interrompu.

2 M. le Président (interprétation): Oui.

3 M. Ackerman (interprétation): Madame Korner semble affirmer que M. Brdanin

4 a en tout cas été une personne influente dans cette région et qu'il a pu

5 influer sur certains événements. Je tiens à soulever une objection contre

6 cette affirmation de Mme Korner qui peut avoir une signification en droit.

7 En effet, la défense tient à affirmer de façon énergique -et elle l'a déjà

8 fait devant la Chambre d'appel- que M. Brdjanin n'était pas une personne

9 influente, ne pouvait pas exercer la moindre influence sur d'autres

10 personnes dans un rapport hiérarchique quelconque. Il ne s'agissait pas de

11 subordonnés de M. Brdanin dans cette affaire.

12 Cette décision, qui a été rendue par la Chambre d'appel sur ce point,

13 était exécutoire. Nous disons donc que, sur le plan du droit, il est

14 impossible de continuer à affirmer cela.

15 M. le Président (interprétation): Merci.

16 Madame Korner, aimeriez-vous répondre à cela? Je vous donne un temps bref

17 pour le faire, le plus bref possible, je vous prie.

18 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous ne disons pas

19 qu'il s'agit ici d'influence, mais d'incitation d'ordre et de tous les

20 autres moyens que nous avons décrits pour transmettre des ordres. Si, dans

21 mes propos, il a pu être estimé que j'avais parlé d'influence et que cela

22 pouvait être suffisant pour aboutir à une condamnation, je le regrette; ce

23 n'était pas mon intention. Je n'ai voulu parler que des façons dont les

24 infractions ont été commises et qui sont prises en compte par ce Tribunal.

25 (Questions relatives à la procédure.)

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1 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, encore quelques mots très

2 brefs.

3 Hier, Monsieur le Président, vous avez parlé de l'éventualité qu'un témoin

4 soit traité comme un témoin hostile. Dans un certain nombre de systèmes

5 judiciaires, le mien en particulier, cette situation se présente quand un

6 témoin, qui doit témoigner en reprenant ce qui a déjà été dit dans une

7 déclaration écrite, s'écarte tout à coup de celle-ci et manifeste une

8 attitude hostile à l'égard de la partie qui l'a cité à la barre.

9 Je crois que dans nos systèmes judiciaires, il est impossible de citer un

10 témoin dont vous savez qu'il ne souhaite pas témoigner, pour qu'il le

11 fasse. Je sais que la situation est un peu différente aux Etats-Unis où

12 une personne dont on sait qu'elle va être un témoin hostile peut être

13 citée à la barre, mais dans ce cas-là, la partie qui l'a cité sait dès le

14 départ qu'il s'agira d'un témoin hostile.

15 Je ne connais aucune disposition en vigueur dans ce Tribunal qui permette

16 d'agir ainsi, mais peut-être, Monsieur le Président, pourriez-vous nous

17 éclairer sur ce point. Quel est le système applicable ici?

18 M. le Président (interprétation): Eh bien, le système qui a la préférence

19 de la Chambre de première instance est le suivant: si vous citez à la

20 barre un témoin, ce qui est attendu de vous, c'est que vous n'attaquiez

21 pas ce témoin. Nous parlons des témoins cités par vous ici, donc de

22 témoins avec lesquels vous avez conféré au préalable et dont vous

23 connaissez la teneur de la déposition.

24 Si, à un moment quelconque de sa déposition, ce dernier se retourne contre

25 vous et ne vous donne plus ce que vous aviez prévu de recevoir de sa part,

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1 manifestement, ceci vous placera dans une situation difficile. Et il est

2 fort possible que vous préfériez, dans ce cas, reprendre des déclarations

3 écrites préalables de ce témoin dont la teneur sera contraire à celle des

4 propos du témoin au cours des débats.

5 Donc voilà ce dont je parlais: vous ne serez pas autorisés à contredire un

6 témoin tant que vous n'aurez pas reçu l'autorisation des Juges de la

7 Chambre de première instance pour ce faire. En d'autres termes, dès lors

8 que vous décidez de citer un témoin à la barre, ce témoin est donc un

9 témoin qui agit dans l'intérêt de votre partie et vous n'êtes pas autorisé

10 à discréditer ce témoin. Mais, si à un moment quelconque, vous avez besoin

11 de le discréditer, vous pourrez éventuellement le faire pour peu que les

12 Juges de la Chambre de première instance se soient convaincus qu'il s'agit

13 bien d'un témoin hostile.

14 Voilà la position de la Chambre.

15 Mme Korner (interprétation): Merci, Monsieur le Président, cela nous aide

16 beaucoup.

17 M. de Roux: Je ne suis pas trop habitué à ces pratiques anglo-saxonnes et

18 je voudrais savoir ce que l'on entend par discréditer le témoin. Est-ce

19 qu'une contradiction du témoin est une façon de le discréditer ou faut-il

20 porter atteinte à son honneur, à son honorabilité?

21 Je ne sais pas très bien, je suis un peu perdu dans ces notions qui me

22 sont totalement étrangères.

23 M. le Président (interprétation): Ces notions ne vous sont sans doute pas

24 aussi étrangères que vous le pensez, Monsieur de Roux. Ceci peut arriver à

25 l'accusation mais aussi à la défense.

Page 807

1 Il peut se produire qu'à un moment déterminé, vous citez à la barre un

2 témoin en pensant que celui-ci va aborder un certain nombre de faits qui

3 seront dans l'intérêt de votre client. Or, tout d'un coup, vous êtes

4 surpris de constater que ce témoin subitement devient un témoin hostile,

5 c'est-à-dire qu'il dit le contraire de ce que vous vous attendiez à

6 entendre. Ou encore, il se peut qu'il refuse de répondre à une question

7 pour laquelle vous savez et votre client sait qu'il dispose d'une réponse

8 très simple.

9 Il est possible que, dans ces cas-là, vous ayez besoin de justifier le

10 fait d'avoir cité ce témoin à la barre, car personne ne s'attend à ce

11 qu'en votre qualité de conseil de la défense, très compétent, vous citiez

12 à la barre un témoin qui va nuire aux intérêts de votre client.

13 Dans ce cas donc, la règle applicable est la suivante: quand vous avez

14 choisi de citer un témoin à la barre, vous êtes censé avoir foi dans la

15 crédibilité de ce témoin. Dans le cas contraire, comme je l'ai souligné

16 hier, votre devoir consiste à ne pas citer à la barre des témoins qui ne

17 diront pas la vérité; c'est le devoir de tout conseil de la défense

18 d'ailleurs.

19 Autrement dit, si vous avez produit ce témoin, c'est parce que vous aviez

20 confiance dans le fait que ce témoin allait dire la vérité et que cette

21 vérité serait dans l'intérêt de votre client ou dans l'intérêt d'une bonne

22 administration de la justice, c'est-à-dire de la quête de la vérité.

23 Quand une telle situation se présente, vous êtes en difficulté et il est

24 fort possible que vous éprouviez le besoin de discréditer votre témoin,

25 c'est-à-dire de dire ou de démontrer aux Juges de la Chambre de première

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1 instance que ce témoin, en ce moment précis, est en train de dire des

2 mensonges, car il a l'habitude de mentir, ou qu'il dit des mensonges parce

3 que vous avez amplement connaissance du fait que, par le passé, il a déjà

4 dit le contraire de ce qu'il est en train de dire en ce moment.

5 Ceci justifiera la décision que vous avez prise précédemment de citer à la

6 barre ce témoin pour s'exprimer en faveur de votre client. Autrement,

7 votre production de ce témoin n'aurait aucun sens. Bien sûr, cette

8 pratique est plus accentuée, se voit accorder plus d'importance dans les

9 débats devant les tribunaux anglo-saxons, mais dans ce Tribunal, ici,

10 c'est aussi une pratique adoptée et mise en vigueur.

11 En d'autres termes, vous serez autorisés à traiter ce témoin en tant que

12 témoin hostile, vous serez autorisés à discréditer ce témoin, vous serez

13 autorisés à le mettre face à des déclarations préalables provenant de lui

14 et contradictoires aux propos qu'il tient dans le prétoire, mais

15 uniquement pour peu que vous ayez reçu l'autorisation de le faire des

16 Juges de la Chambre de première instance et si ceci est pertinent.

17 M. de Roux: Monsieur le Président, les systèmes finissent par se

18 ressembler; c'est simplement la façon de s'exprimer qui est différente.

19 M. le Président (interprétation): Plus ou moins.

20 Oui, oui, bien sûr, j'ai utilisé des termes qui sont en général plus

21 fréquemment utilisés dans les systèmes judiciaires appliquant la common

22 law, mais j'espère que ce que je viens de vous dire est tout à fait clair.

23 Cela ne posera pas de problème: c'est plus ou moins une règle qui résulte

24 en fait, qui découle du fait que vous n'êtes pas censés produire un témoin

25 dont vous savez qu'il risque de ne pas dire la vérité.

Page 809

1 Donc, vous devez vous protéger vous-même, bien sûr, et vous devez protéger

2 les débats en général.

3 Oui, Madame Korner?

4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je sais que l'heure de

5 la pause est sans doute arrivée, mais il y a un point que j'aimerais

6 soumettre à votre attention.

7 Vous n'avez pas parlé de l'Article 90H)ii), Monsieur le Président. Peut-

8 être serait-il bon que vous le fassiez, car c'est un Article du Règlement

9 qui n'est peut-être pas très familier à ceux qui représentent le droit

10 romano-germanique. Aux Etats-Unis non plus, d'ailleurs, ce n'est pas une

11 obligation que d'appliquer cet Article.

12 M. le Président (interprétation): Madame Korner, je crois que la façon

13 dont fonctionne ce Tribunal représente déjà un certain risque du point de

14 vue des contre-interrogatoires, pas simplement parce que des conseils

15 comme vous-même viennent de systèmes dans lesquels les contre-

16 interrogatoires font partie du métier, est un art en soi, mais parce que

17 nous avons d'autres juristes, d'autres conseils qui viennent d'un système

18 juridique dans lequel le contre-interrogatoire en tant que tel n'est pas

19 une institution. C'est une des raisons peut-être pour lesquelles ce

20 paragraphe est inclus dans le Règlement.

21 Je crois que je n'ai pas besoin d'expliquer. Je suppose que Me de Roux et

22 Me Pitron les connaissent bien, et je suppose que Me Ackerman connaît

23 également cette disposition. Même si cela n'est pas, cela ne fait pas

24 normalement partie du système juridique des divers Etats, c'est une Règle

25 du Règlement qui doit être observée.

Page 810

1 Je n'ai pas besoin de l'expliquer. Tout ce que je dois expliquer, c'est

2 que vous n'êtes pas censés faire tout un discours au témoin avant de

3 commencer votre contre-interrogatoire. Le témoin peut avoir déposé sur un

4 événement particulier et vous devez présenter le contre-interrogatoire en

5 le faisant porter sur ce qui a été dit par le témoin dans l'interrogatoire

6 principal.

7 En tous les cas, ces dispositions du Règlement sont là. Vous avez H)i),

8 H)ii) et H)iii) et vous êtes censés, plus ou moins, suivre ces

9 dispositions du Règlement. Ce que je peux vous dire, c'est que je

10 n'autoriserai pas de contre-interrogatoire global qui traiterait de

11 futilités.

12 Il faut absolument s'en tenir au Règlement. Si le paragraphe i) dit que le

13 contre-interrogatoire se limite aux points évoqués dans l'interrogatoire

14 principal et aux points ayant trait à la crédibilité du témoin et à ceux

15 ayant trait à la cause de la partie procédant au contre-interrogatoire sur

16 lesquels portent les déclarations du témoin, c'est ce que le contre-

17 interrogatoire doit viser, et s'y limiter.

18 A l'évidence, il y aura des cas où il faudra élargir un peu ou restreindre

19 un petit peu. Mais là encore, je pense qu'il faudra s'adapter aux

20 circonstances et nous ne savons pas encore dans quel sens vont évoluer les

21 choses. Je dois encore un peu attendre et voir quel type de contre-

22 interrogatoire va avoir lieu, et il faudra à ce moment-là que je dirige

23 l'orchestre au fur et à mesure. Mais je ne vais pas expliquer à deux

24 avocats ayant de l'expérience…

25 Mme Korner (interprétation): Je ne demandais pas, Monsieur le Président, à

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1 ce que vous l'expliquiez. Je voulais simplement vous prier d'appeler

2 l'attention des conseils sur ces dispositions.

3 Maître Ackerman, je le sais, a beaucoup de pratique depuis de nombreuses

4 années, mais c'est un problème qui s'est posé dans d'autres affaires parce

5 que ceci ne fait pas partie du système romano-germanique de dire à un

6 témoin: "Dans votre cas, je vous suggère de…", ou "Ce que vous dites

7 est…", ou "Je soutiens que ce que vous dites n'est pas la vérité", ou

8 "Vous vous trompez", quelle que soit la façon dont on veuille le lui dire.

9 A ce moment-là, les témoins partent sans que cet aspect leur ait jamais

10 été présenté et doivent, à ce moment-là, revenir à la barre pour de fortes

11 dépenses, un grand coût pour le Tribunal, avec des prolongations

12 éventuelles et c'est suffisamment important pour que, je crois, il faille

13 en traiter. C'est la seule raison pour laquelle je soulève la question.

14 M. le Président (interprétation): Bien. En tout état de cause, nous allons

15 suspendre la séance maintenant et jusqu'à 11 heures, et je comprends que

16 nous allons reprendre en entendant la déposition de M. Donia.

17 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, mais je voudrais juste dire que

18 Me Ackerman m'a remis un document ce matin, sur lequel il va poser des

19 questions à M. Donia.

20 M. le Président (interprétation): Vous avez besoin de deux jours?

21 Mme Korner (interprétation): Deux jours, oui… Non, je voulais simplement

22 l'occasion… Enfin, je ne sais pas si M. Donia va venir, va recevoir ce

23 document. Je voulais simplement avoir l'occasion d'examiner ce document

24 avant qu'il ne vienne déposer.

25 M. le Président (interprétation): Bien. Est-ce que vous suggérez que nous

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1 commencions un peu plus tard que 11 heures?

2 Mme Korner (interprétation): Oui, s'il vous plaît, Monsieur le Président.

3 Disons à 11 heures 05.

4 M. le Président (interprétation): Bien. Alors, veuillez m'adresser un

5 message pour la question de savoir si 11 heures 05 convient ou si vous

6 préférez 11 heures 10. Entre-temps, vous pourrez préparer vos déclarations

7 liminaires.

8 Je demande confirmation à Me de Roux et à Me Ackerman du fait que, comme

9 ils l'ont dit vendredi dernier ou lundi, ils ne souhaitent pas faire de

10 déclaration liminaire aujourd'hui. Le confirmez-vous?

11 Maître Ackerman?

12 M. Ackerman (interprétation): Je le confirme.

13 M. le Président (interprétation): Maître de Roux?

14 M. de Roux (interprétation): Je le confirme également, Monsieur le

15 Président.

16 M. le Président (interprétation): Je pose la même question aux accusés.

17 Monsieur Brdjanin et général Talic, je vous pose la même question. Vous

18 avez été informés du fait que vous pouviez faire une déclaration qui ne

19 serait pas une déclaration solennelle et qui ne pourrait donner lieu à des

20 questions; vous avez dit ne pas souhaiter vous exprimer.

21 Confirmez-vous la position que vous avez déjà indiquée précédemment?

22 Monsieur Brdjanin?

23 M. Brdjanin (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation): Général Talic?

25 M. Talic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

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1 M. le Président (interprétation): Nous suspendons la séance jusqu'à 11

2 heures 10.

3 (L'audience, suspendue à 10 heures 43, est reprise à 11 heures 13.)

4 M. le Président (interprétation): Pouvons-nous reprendre et entendre la

5 déposition du premier témoin?

6 M. Cayley (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

7 Il y a une série de questions préliminaires qui, j'espère, ne donneront

8 pas lieu à contestation entre les parties.

9 M. le Président (interprétation): Je l'espère aussi.

10 M. Cayley (interprétation): Je l'espère. La numérotation des pièces: vous

11 aviez fait allusion à cette question hier. Et juste avant, je crois,

12 l'exposé de Mme Korner, vous aviez dit que vous utiliseriez la lettre P

13 pour les pièces de l'accusation et D pour les pièces de la défense.

14 Et pour ce système de numérotation, j'ai eu une brève conversation à ce

15 sujet avec Me Ackerman, mais je n'en ai pas parlé avec mes collègues

16 français. Si nous devons utiliser les numéros de communication de

17 l'accusation, nous allons voir que l'ordre dans lequel les pièces se

18 suivent en l'affaire évidemment ne sera pas consécutif, parce que vous

19 auriez un P7, par exemple, P4, P15. A l'évidence l'ordre dans lequel on

20 citera les pièces ne sera pas le même que l'ordre dans lequel elles ont

21 été communiquées.

22 Et ce que j'avais suggéré, c'est que si nous avons un autre numéro, je

23 crois que Me Ackerman a dit hier que nous avions tellement de numéros

24 qu'on ne saurait plus où l'on en était. Si nous allons commencer avec P1,

25 P2, P3 et si nous demandons la version BCS P1Alpha, et s'il y a une

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1 version française P1Bravo, et si il y a une version française P1Charly, et

2 si nous pouvons avoir une version française avant la version anglaise, ça

3 n'a pas d'importance de savoir de quelle manière on procède. Il sera plus

4 clair pour certains d'entre nous si nous continuons à suivre la colonne.

5 M. le Président (interprétation): Personnellement, je n'ai pas

6 d'objection.

7 A condition, premièrement, que l'on tienne bien un schéma de la façon dont

8 ceci se poursuit. Deuxièmement, que ceci ne pose pas trop de problème pour

9 la Greffière adjointe, que ce soit quelque chose qui puisse se traiter. Et

10 je voudrais également entendre de la défense s'ils ont des objections à

11 formuler à ce sujet.

12 Ce qui est le plus important pour moi, c'est que ceci ne crée pas de

13 confusion supplémentaire; deuxièmement, que ça ne soit pas trop difficile

14 à mettre en oeuvre pour le Greffe. Si ceci va bien pour le Greffe, à ce

15 moment-là, on peut aller de l'avant. Et je comprends que mes collègues

16 n'ont pas d'objection à formuler à ce sujet.

17 (Les Juges opinent que non.)

18 Donc vous pouvez commencer. Vous ne prévoyez pas que ceci puisse causer de

19 difficulté particulière?

20 Mme Chen (interprétation): Non, Monsieur le Président, nous sommes très

21 flexibles.

22 M. le Président (interprétation): Bien. Vous pouvez donc aller de l'avant.

23 La Chambre n'a pas d'objection à ce sujet.

24 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 En ce qui concerne le docteur Donia, avant qu'il n'entre, ce que j'ai fait

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1 pour aider mes collègues d'en face, c'est de faire préparer un classeur de

2 documents auquel il se référera dans sa déposition. Il est fait référence

3 à tous ces documents dans les notes de bas de page de son rapport. Et l'un

4 des documents n'a pas été communiqué à la défense -j'en ai déjà informé Me

5 Pitron et Me Ackerman- et je ne l'utiliserai pas dans cette déposition.

6 Mais je l'ai mis dans le classeur pour qu'ils sachent qu'il s'y trouve.

7 Pour l'essentiel, nous allons suivre les documents dans l'ordre où ils s'y

8 trouvent, d'après les onglets, par rapport au numéro de communication, au

9 numéro de note de bas de page. De temps en temps, il faudra qu'on aille en

10 avant et en en arrière, mais chacun a un tableau et un exemplaire avec

11 onglets.

12 Je crois que nous avons mentionné hier le fait que c'est peut-être de la

13 conférence de mise en état de la semaine dernière que vous ne vouliez pas

14 de résumé de l'histoire de la Yougoslavie depuis le VIe siècle et j'ai

15 évidemment adapté la déposition en fonction. Naturellement, on peut lui

16 poser des questions dans le contre-interrogatoire, mais cette partie du

17 rapport sera très abrégée, très raccourcie et n'abordera que les questions

18 qu'on estime pertinentes aux fins de la présente affaire.

19 M. le Président (interprétation): Je voudrais dire clairement les choses.

20 J'ai lu le rapport de M. Donia dans son intégralité. Les premières 23, 24

21 pages, à franchement parler, évidemment il y a beaucoup de documentations,

22 qui sont intéressantes à connaître, intéressantes à lire, mais pour être

23 franc avec vous, je me demande à quel point c'est pertinent aux fins du

24 présent procès.

25 Puis, il y a un certain nombre de pages, quelques pages lorsqu'il traite

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1 plus spécifiquement de certains aspects culturels et religieux qui

2 pourraient être importantes à connaître. Et qu'il donne également son

3 point de vue personnel sur la question. Et qu'il se prononce également sur

4 le jugement d'autres personnes, l'avis d'autres personnes, ce qui a pu

5 causer, ce qui s'est passé sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Et au

6 cours de sa déposition, on verra comment les choses se présentent.

7 Mais pour le moment, je voudrais vous prier de procéder à votre

8 interrogatoire principal de M. Donia dans une direction qui le restreint,

9 le limite le plus possible à ce qui est véritablement pertinent aux fins

10 du présent procès. Ce procès couvre évidemment la compétence du Tribunal

11 et est limité à certains événements qui se sont produits dans le

12 territoire de l'ex-Yougoslavie, et ce, pendant une période particulière.

13 Le procès en question est en outre limité sur certaines questions.

14 Je vous laisse le choix du moment, je laisse ceci à votre jugement, mais

15 je devrai vous arrêter en temps utile, si je pense que vous sortez du

16 domaine ou des paramètres concernant les preuves qui, selon moi, devraient

17 êtres suivies dans la déposition de M. Donia.

18 Mais sentez-vous libre de procéder à l'interrogatoire principal sans avoir

19 crainte d'être interrompu de façon répétée. Je vous laisse autant de

20 liberté que possible.

21 M. Cayley (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Vous aviez dit que la carte était trop petite, alors je présente cette

23 carte, mais je ne demande pas son dépôt au dossier. Le témoin y fera

24 référence brièvement au cours de sa déposition.

25 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous expliquer comment

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1 cette carte va être présentée parce qu'elle ne peut pas être bien vue par

2 la défense. Si? Vous pouvez bien la voir?

3 (La défense opine.)

4 Bon, alors vous pouvez y aller.

5 M. Cayley (interprétation):Oui, on peut maintenant appeler le témoin.

6 M. le Président (interprétation): Qu'on fasse entrer M. Donia.

7 (Le témoin, M. Donia, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): Qui fait ce type de déclaration

9 solennelle? Je vais lui demander ou c'est le Greffier qui demande que la

10 déclaration solennelle soit faite?

11 Mme Chen (interprétation): C'est le Président.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Donia, vous déclarez

13 solennellement de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?

14 M. Donia (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

16 (Le témoin s'assoit.)

17 Oui, Monsieur Cayley?

18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Robert Donia, par M. Cayley.)

19 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Docteur Donia, pourriez-vous nous donner vos coordonnées?

21 M. Donia (interprétation): Oui. Mon nom est Robert J. Donia. Mon nom de

22 famille: D-O-N-I-A. Robert J. Donia.

23 Question: Vous êtes ressortissant des Etats-Unis?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Monsieur Donia, est-ce que vous pourriez très brièvement dire au

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1 Tribunal un résumé de vos études et formation et de votre expérience,

2 ainsi que de vos publications dans les livres et des cours que vous avez

3 donnés, de vos écrits, compte tenu de votre spécialisation?

4 Réponse: J'ai commencé à m'occuper de la question de l'histoire de l'ex-

5 Yougoslavie à partir de 1972, lorsque j'ai commencé un programme de

6 doctorat en histoire à l'université du Michigan.

7 J'ai passé l'année universitaire 1974/75 à Sarajevo pour faire des

8 recherches pour préparer mon mémoire de doctorat. J'ai achevé cette thèse

9 de doctorat en 1976 qui, après certaines révisions, est devenue un livre

10 en 1981 publié sous le titre "L'Islam sous l'aigle à deux têtes et

11 Musulmans de Bosnie et d'Herzégovine, 1878-1914".

12 Après avoir achevé ce travail, j'ai enseigné pendant deux ans à Ohio,

13 l'université d'Ohio, et, pendant un an, j'étais à l'université de

14 l'Oregon. J'ai ensuite passé les 18 années suivantes à Merril Lynch pour

15 la société de Merril Lynch. Pendant cette époque, je n'ai eu aucun rapport

16 avec l'ex-Yougoslavie, si ce n'est qu'en 1994, le professeur John Fine et

17 moi-même avons écrit un livre qui était une enquête sur la Bosnie-

18 Herzégovine, intitulé "La Bosnie-Herzégovine, une tradition trahie".

19 J'ai pris ma retraite de Merril Lynch en 1998 et j'ai travaillé sur une

20 étude de l'histoire de la ville de Sarajevo depuis 1878.

21 Question: Vous avez publié une série d'articles, très récemment, qui

22 avaient trait à l'intérêt que vous portez à la Yougoslavie. Quelle est

23 actuellement votre position universitaire?

24 Réponse: Actuellement, j'appartiens à deux universités, le Centre pour les

25 études de Michigan pour les études russes et orientales, Europe de l'Est,

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1 et je suis également professeur invité au département historique de

2 l'université de Californie à San Diego.

3 Question: Aux cours des dix dernières années, combien de temps avez-vous

4 passé en ex-Yougoslavie?

5 Réponse: Jusqu'à mon départ à la retraite, j'étais en ex-Yougoslavie

6 seulement environ trois semaines par an. Depuis lors, c'est peut-être

7 trois mois par an, au cours de trois ans.

8 Question: Vous avez déposé devant le Tribunal précédemment. Pourriez-vous

9 dire au Tribunal dans quelles affaires vous avez comparu en tant

10 qu'expert?

11 Réponse: J'ai déposé dans l'affaire "l'accusation contre Blaskic". J'ai

12 préparé un exposé, un document pour déposer dans l'affaire "le Procureur

13 contre Kordic et Cerkez". J'ai présenté un exposé écrit dans le cadre du

14 Procureur contre Miroslav Kvocka, dans l'affaire d'Omarska, et j'ai

15 préparé et déposé un exposé écrit dans l'affaire "le Procureur contre

16 Blagojevic, Blagoje Simic et Bosanski Samac".

17 Question: Avez-vous des problèmes personnels ou éthiques qui vous

18 empêcheraient de déposer dans une affaire quelconque?

19 Réponse: Non.

20 Question: Pourriez-vous envisager de déposer pour la défense dans une

21 affaire quelconque?

22 Réponse: J'envisagerais une invitation de travailler avec la défense, oui.

23 M. Cayley (interprétation): En ce qui concerne le rapport que nous vous

24 avons demandé de produire dans la présente affaire, pouvez-vous expliquer

25 aux Juges exactement ce que vous nous avez demandé?

Page 820

1 M. Donia (interprétation): Le Bureau du Procureur m'avait demandé un

2 rapport de fond.

3 M. le Président (interprétation): Permettez-moi de vous interrompre. Je

4 voulais vous demander: est-ce que cette demande était pour un rapport

5 écrit? Est-ce que vous avez précisé ce que vous souhaitiez par "document

6 écrit"?

7 M. Cayley (interprétation): Non, c'était simplement le résultat d'un

8 entretien avec...

9 M. le Président (interprétation): Non, mais est-ce que c'est le résultat

10 d'un document écrit ou d'une discussion? Parce que si c'était le résultat

11 d'un document écrit, à l'évidence il faudrait le présenter.

12 M. Cayley (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président.

13 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.

14 M. Donia (interprétation): Au cours des entretiens, le Bureau du Procureur

15 m'a demandé de présenter un document, un rapport sur les questions

16 historiques des événements allégués dans l'Acte d'accusation, et qui

17 devait comprendre les éléments préalables à la période et également

18 l'évolution immédiate politique et sociale dans la période allant de 1990

19 jusqu'à environ la moitié de 1992.

20 Question: Je sais que, dans nos entretiens, il y a eu un certain nombre de

21 corrections typographiques. Je pense qu'il y a un certain nombre de

22 questions de fait qui devraient être corrigées; je pourrais vous dire de

23 quelles pages il s'agit.

24 Vous pourriez dire au Tribunal quelle sont les corrections qu'il convient

25 de faire?

Page 821

1 M. Donia (interprétation): Je m'excuse du fait qu'il y a plusieurs

2 coquilles dans le texte. Certaines erreurs sont de fond, d'autres

3 proviennent d'informations erronées. J'aimerais surtout corriger ces

4 dernières.

5 A commencer par la page 44, quatrième ligne: je pense qu'il s'appelle Dr

6 Dusko Jaksic; il ne s'agit pas de Drago; je m'excuse auprès de cette

7 personne d'ailleurs.

8 M. le Président (interprétation): Quelle ligne?

9 M. Donia (interprétation): Page 44. Toujours à cette page, il y a en

10 retrait une citation, quatrième ligne du paragraphe suivant, on dit: "Le

11 10 avril 1992". En fait, c'est le 10 avril 1991.

12 Toujours à cette page, paragraphe suivant, cinquième ligne: il y a une

13 phrase qui commence par "les neuf membres" alors qu'il faudrait lire "la

14 plupart des membres".

15 Page 45, après la première citation en retrait, on parle ici du "porte-

16 parole du SDS"; il faudrait lire "porte-parole du SDP".

17 Page 48, l'intitulé du tableau n°2 devrait se lire comme suit:

18 "nationalités et municipalités invitées à rejoindre la Krajina de Bosnie"

19 plutôt que de voir ce qui s'y lit actuellement, à savoir "qui ont

20 rejoint".

21 Page 55, se trouve une autre erreur de date; c'est le premier paragraphe

22 complet qu'on trouve sur cette page: le renforcement d'armement. On parle

23 du 10 juin 1992, alors qu'il devrait s'agir du 10 juin 1991.

24 Et enfin, page 67, le premier paragraphe complet à cette page, deuxième

25 ligne de celui-ci: "l'accord obtenu" non pas "à Bruxelles" mais "à

Page 822

1 Lisbonne". La même erreur se retrouve à la page 66, où l'on voit

2 Bruxelles, alors qu'il faudrait lire Lisbonne.

3 M. Ackerman (interprétation): (Hors micro.)

4 M. le Président (interprétation): Page 57, c'est donc dans le premier

5 paragraphe complet. On voit le paragraphe commence par le mot "Cutinho",

6 on parle de "l'accord de Bruxelles" alors qu'il faut lire "l'accord de

7 Lisbonne". Mais moi, je ne trouve pas le mot "Bruxelles" à la page 66.

8 M. Donia (interprétation): C'est quatre lignes avant la fin de la page.

9 M. le Président (interprétation): Je vois.

10 M. Donia (interprétation): Ceci a été corrigé deux fois. Ou je l'ai dit

11 correctement les deux premières fois et puis il y a une erreur.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est tout?

13 M. Donia (interprétation): C'est tout ce que j'ai pu détecter.

14 M. le Président (interprétation): Vous êtes un bon professeur, vous avez

15 fait peu de fautes.

16 M. Cayley (interprétation): La structure fondamentale de votre rapport est

17 la suivante: il y a quatre parties. En quoi consistent-elles?

18 M. Donia (interprétation): La première partie du rapport, c'est un

19 instantané assez succinct de la situation en Bosnie-Herzégovine et en ex-

20 Yougoslavie en 1990 et 1991, juste avant que n'éclate le conflit armé.

21 Deuxième partie, c'est une brève discussion à propos d'une conception

22 souvent erronée qu'on a de l'histoire de la région. On parle du mythe,

23 ici, des haines tribales anciennes.

24 Troisième section ou partie qui commence à la page 5: c'est un aperçu

25 historique de la migration des Slaves du sud jusqu'en 1990.

Page 823

1 Quatrième partie de ce rapport: il évoque l'évolution suite à 1990, donc

2 ce qui se passe après la chute du communisme et ce qui s'est passé au

3 cours de cette décennie.

4 Question: Est-ce que nous pouvons prendre la première partie et la

5 première page de cette première partie?

6 Dans votre rapport écrit, vous avez au fond isolé deux événements qui,

7 selon vous, ont mené à la guerre en ex-Yougoslavie. Pourriez-vous

8 l'expliquer davantage aux Juges?

9 Réponse: Ils ont précédé la guerre. Il y a d'abord l'effondrement de la

10 Ligue yougoslave des communistes, en janvier 1990; deuxième événement, ce

11 sont les élections pluripartites qui se sont tenues dans chacune des

12 Républiques de l'ex-Yougoslavie, au cours de l'année 1990.

13 Troisième événement saillant, si l'on veut bien comprendre la situation:

14 c'est la tenue d'un recensement au cours du printemps 1991. Ceci nous

15 donne vraiment un aperçu très précis de la composition démographique de

16 l'ex-Yougoslavie.

17 Question: En 1990, la Yougoslavie et plus particulièrement ce qui est

18 intéressant dans ce procès, la Bosnie et la Croatie, la Bosnie-

19 Herzégovine, et dans une moindre mesure, la Serbie et la Croatie nous

20 intéressent… Pourriez-vous dire aux Juges comment se présente la

21 répartition démographique dans ces trois lieux, Serbie et Croatie assez

22 rapidement, et on parlera de façon plus précise, circonstanciée de la

23 Bosnie-Herzégovine.

24 Réponse: En République de Serbie, à l'est de la Bosnie-Herzégovine, on

25 avait bien sûr une majorité de personnes de nationalité serbe. Dans ce

Page 824

1 qu'on a appelé la région autonome, la province de Voïvodine, on avait

2 surtout une population hongroise.

3 Question: Pourriez-vous indiquer ces lieux sur la carte pendant que vous

4 parlez, pour aider les Juges?

5 Réponse: Oui.

6 (Le témoin se lève et les indique sur la carte.)

7 Voici la République de Serbie telle qu'elle existait en 1990. Elle

8 comprend toute cette zone-ci.

9 Il y a la Voïvodine vers le nord, avec une population surtout hongroise

10 et, vers le sud, vous avez bien sûr le Kosovo que beaucoup de Serbes

11 appellent Kosovo Metolija et que les Albanais appellent Kosova. Là, vous

12 avez une majorité albanaise: un peu moins de 90% en 1991.

13 La République de Croatie, qui entoure la Bosnie, a une population dont la

14 majorité est croate; il y a aussi une minorité importante de Serbes,

15 environ 600.000 Serbes, un peu moins de 12% de la population en d'autre

16 termes. Certains de ces Serbes vivaient dans des villes de Croatie,

17 d'autres vivaient dans des territoires qui se trouvent au nord, où il y

18 avait des villages où vivait la population serbe.

19 Il y a aussi d'autres régions ici, dans l'arrière-pays de la côte dalmate.

20 Question: Je précise, pour le dossier de l'audience, qu'il y avait des

21 personnes d'origine serbe, d'ethnicité serbe qui vivaient au nord donc de

22 cette frontière avec la Bosnie-Herzégovine et à l'Est également.

23 Réponse: Oui.

24 Question: A l'ouest, pardon?

25 Réponse: Oui.

Page 825

1 Et fin des années 80, plus exactement en 1990, il y a toute une série de

2 développements qui aboutissent à la montée au pouvoir de Slobodan

3 Milosevic en tant que Président de la ligue des communistes et de la

4 Serbie. Et puis vous avez Franjo Tudjman qui devient Président de la

5 Croatie. Ce qui veut dire que ces Républiques voisines ont des personnes

6 au pouvoir qui, en fait, essaient de répondre à leur public, à des

7 populations qui sont souvent de la même origine, aussi bien au sein de la

8 Bosnie-Herzégovine.

9 La Bosnie-Herzégovine était une République mixte; il n'y avait pas en fait

10 une seule majorité ethnique. C'était la seule des six Républiques où

11 c'était le cas d'ailleurs.

12 Question: Veuillez vous rasseoir.

13 (Le témoin s'assoit.)

14 Puisque vous abordez maintenant la question de la répartition ethnique en

15 Bosnie, est-ce que vous avez, pour évoquer ce point, une carte, la carte

16 2? Je pense que vous pouvez utiliser ma copie; elle fait partie du

17 rapport.

18 Réponse: Je n'ai pas cette carte sous les yeux.

19 Question: Peut-on placer cette carte sur le rétroprojecteur?

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Vous avez déclaré à la Chambre que la Bosnie-Herzégovine était

22 pratiquement la seule République où il y avait véritablement une

23 population mixte. Est-ce que vous pourriez expliquer rapidement aux Juges

24 de quelle façon ces différents groupes ethniques se répartissaient, se

25 distribuaient sur cette République?

Page 826

1 Réponse: En fait, vous aviez une population mixte dans pratiquement tout

2 le territoire de la République reprenant les trois groupes ou

3 nationalités: les Serbes, les Croates et les Musulmans. Rares étaient les

4 régions où l'on pouvait dire qu'il y avait une population qui était

5 uniquement représentative d'une seule nationalité, mais il y a quelques

6 endroits malgré tout, le premier étant la zone que l'on a en bleu, vers le

7 côté inférieur gauche de la carte.

8 M. Cayley (interprétation): Est-ce que vous pourriez nous l'indiquer avec

9 le pointeur?

10 M. Donia (interprétation): La voici.

11 (Le témoin la montre.)

12 C'est surtout associé à des municipalités qui étaient pratiquement à cent

13 pour-cent croates. Au nord-ouest, tout en haut de la Bosnie, on a

14 pratiquement cent pour-cent de population musulmane. Et puis, vous avez

15 cette région frontalière adjacente à la Croatie: la population n'y est pas

16 très dense, c'est surtout une zone rurale, mais là vous avez pratiquement

17 cent pour-cent de Serbes.

18 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Cayley, permettez-

19 moi de vous interrompre un instant.

20 Je suppose que ces deux cartes, vous ne les avez pas préparées vous-même?

21 M. Cayley (interprétation): C'est exact.

22 M. le Président (interprétation): Vous l'avez retirée du recensement?

23 M. Cayley (interprétation): Oui, du recensement de 1991.

24 M. le Président (interprétation): C'est une carte officielle?

25 M. Cayley (interprétation): Non. C'est une des nombreuses cartes préparées

Page 827

1 par des sociétés, des entreprises après le recensement de 1991. Je crois

2 que je fais une référence, une allusion à cette source en annexe.

3 Je dois préciser qu'il est particulièrement ardu de reprendre et de

4 vraiment englober sur une seule carte la réalité démographique de la

5 Bosnie. Je pense celle-ci y parvient le mieux.

6 M. le Président (interprétation): A ce stade de la procédure, il est

7 important, me semble-t-il, de connaître exactement l'origine de cette

8 carte. Qui l'a préparée?

9 Je veux m'assurer que ceci a été préparé par quelqu'un qui était

10 impartial, qui n'a pas d'intérêt particulier à confectionner une carte qui

11 déforme la vérité ou ne représente pas les faits tels qu'ils étaient.

12 M. Cayley (interprétation): Cette référence se trouve à l'annexe B.

13 M. le Président (interprétation): Oui, mais manifestement, ce n'est pas la

14 carte qu'il a préparée de ses soins.

15 M. Cayley (interprétation): C'est exactement le cas.

16 M. le Président (interprétation): Vous pourriez peut-être le dire,

17 Monsieur Donia?

18 M. Donia (interprétation): Cela a été préparé par Alter Media, à Sarajevo.

19 Cela a été publié en 1991.

20 M. le Président (interprétation): Merci, poursuivez.

21 M. Cayley (interprétation): Vous venez de dire que la zone en rouge se

22 trouve pratiquement sur la frontière avec la Croatie et qu'elle était

23 peuplée surtout de personnes d'origine serbe.

24 Auriez-vous d'autres commentaires à faire à l'encontre de cette carte ou à

25 propos de la répartition ethnique en Bosnie?

Page 828

1 M. Donia (interprétation): Il y a des raisons historiques spécifiques qui

2 expliquent pourquoi ces enclaves se sont développées. Je pense que nous

3 pourrons terminer l'examen de cette carte pour le moment.

4 M. Cayley (interprétation): Est-ce que vous voulez en parler maintenant ou

5 plus tard?

6 M. Donia (interprétation): Le tiers septentrional -je vous indique ici

7 cette région-, cette espèce de triangle dans le coin supérieur gauche est

8 appelée Krajina bosniaque du Nord; cette région en fait a partagé le

9 destin.

10 M. le Président (interprétation): Apparemment, la carte a disparu des

11 écrans.

12 M. Cayley (interprétation): Appuyez sur la touche vidéo.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Donia, veuillez répéter ce que

14 vous veniez de dire et nous indiquer cette partie du territoire sur la

15 carte.

16 M. Donia (interprétation): Oui.

17 M. le Président (interprétation): Dans l'intérêt des conseils de la

18 défense.

19 M. Donia (interprétation): Un tiers, ce tiers septentrional de la Bosnie-

20 Herzégovine représente la région qu'on appelle Krajina de Bosnie. Krajina,

21 ça veut dire "terrain frontalier", "zone frontalière". C'est une zone, un

22 territoire qui a connu une histoire qui lui est bien propre, qui lui est

23 particulière en Bosnie-Herzégovine. A certains égards, elle a un

24 homologue, son pendant, si vous voulez, de l'autre côté de la frontière,

25 en Croatie.

Page 829

1 Ceci a débuté au 17e siècle. Une bonne partie de cette frontière est

2 devenue la frontière entre l'empire austro-hongrois et l'empire ottoman.

3 Pendant cette période, les pouvoirs respectifs de ces empires –donc, les

4 Autrichiens et les Ottomans- tenaient à fortifier ces zones frontalières,

5 à les renforcer. Pour ce faire, elles ont poussé, incité ceux qui étaient

6 de religion orthodoxe à migrer, à aller s'installer dans les zones qui se

7 trouvent dans ces deux Krajina, la Krajina du côté croate et la Krajina du

8 côté de la Bosnie. De ce fait, historiquement parlant, il y a beaucoup de

9 Serbes qui se sont installés dans ces régions.

10 Il y a aussi des fortifications à l'extrémité nord-ouest; cela a commencé

11 dès le 17e siècle. Des châteaux ont été bâtis, des fortifications ont été

12 érigées par les Musulmans qui faisaient partie de l'empire ottoman.

13 Ceci explique, dans une large mesure, l'existence de ces enclaves avec une

14 concentration de Musulmans tout en haut, et puis l'enclave où il y a

15 surtout des Serbes, ici, le long de la frontière, mais aussi le long

16 d'autres zones frontalières, ailleurs. Ceci explique aussi la présence de

17 beaucoup de Serbes dans les régions rurales de la Krajina de l'autre côté

18 de la frontière, en Croatie.

19 M. Cayley (interprétation): Est-ce que nous pouvons maintenant passer à la

20 page 5 de votre rapport?

21 Vous y avez un paragraphe qui a pour titre "le mythe des anciennes haines

22 tribales". Qu'entendiez-vous par là? Est-ce que vous pourriez expliquer

23 ces trois paragraphes aux Juges?

24 M. Donia (interprétation): On dit que les Slaves du sud s'entretuent

25 depuis des siècles, vivent dans un climat de haine perpétuelle. Ces idées

Page 830

1 ont vu le jour au cours des années 80, au début des années 90, dans

2 l'Occident.

3 On essayait là de se dissocier, de prendre du recul et de la distance par

4 raccord aux Balkans et à ce qui s'y est passé. Ces idées ont été

5 accueillies par certains nationalistes parmi les Slaves du sud: ceux-ci

6 voulaient présenter l'histoire de leur propre nation comme étant une

7 histoire marquée par toute une série d'actes de répression dirigés contre

8 eux.

9 Mais je n'ai pas rencontré beaucoup d'éléments qui viennent à l'appui de

10 cette idée d'une animosité religieuse ou nationale; ceci, pas en tout cas

11 avant la fin du 19e siècle et le 20e siècle. La plupart du temps,

12 auparavant, avant cette période, pour l'essentiel de la Bosnie-

13 Herzégovine, les gens vivaient côte à côte, vivaient ensemble sans qu'il y

14 ait d'animosité ni de conflit. Il y a eu de la violence, certes, mais

15 c'était surtout de nature sociale, ou des conflits qui pouvaient porter

16 sur l'établissement de frontières, comme vous aviez au cours de la

17 féodalité des contestations de territoire entre fiefs, ce genre de choses.

18 M. le Président (interprétation): Essayez de limiter, dans la mesure du

19 possible, cette partie, car elle ne nous intéresse pas énormément. Nous ne

20 voulons pas savoir ce qui s'est passé au siècle dernier ni au siècle

21 précédent.

22 Essayez de diriger le témoin vers les parties qui sont vraiment

23 pertinentes à la cause, sans trop consacrer de temps à cette question du

24 mythe des haines tribales. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de donner

25 une leçon aux gens qui viennent de la région.

Page 831

1 M. Cayley (interprétation): En matière d'histoire, il y a deux ou trois

2 points qui sont pertinents, me semble-t-il. Je vais les aborder.

3 M. le Président (interprétation): Effectivement. Abordez-les maintenant,

4 s'ils sont pertinents.

5 M. Cayley (interprétation): Docteur Donia, dans la troisième partie de

6 votre rapport, vous procédez à un examen historique qui nous amène aux

7 années 90. Ce qui m'intéresse tout particulièrement, c'est la page 13 de

8 votre rapport. Examinons-la. On parle ici de la montée du nationalisme.

9 Mais auparavant, vous faites, de façon générale, référence à ceci: au sein

10 de la région de la Krajina, lorsque arrive l'année 1990, quels étaient au

11 fond les trois grand groupes, les trois ethnies vivant dans la région?

12 M. Donia (interprétation): Il y avait les Musulmans de Bosnie, les Serbes;

13 il y avait aussi des Croates, moins de Croates que les deux autres

14 groupes.

15 Question: Pourriez-vous, sous l'angle de l'histoire, nous expliquer

16 pourquoi on a assisté à une montée du nationalisme parmi ces trois

17 groupes, pourquoi ils cherchaient à se trouver une espèce d'identité

18 nationale?

19 Réponse: La montée du nationalisme, c'est en fait l'élaboration d'un

20 programme politique qui remonte au 19e siècle -c'est vrai en tout cas pour

21 les Serbes et les Croates- et cela remonte au 20e siècle pour les

22 Musulmans de Bosnie.

23 On épouse ces objectifs politiques, on essaie de trouver une structure

24 étatique sous une forme ou une autre, qui permettrait à un groupe d'avoir

25 son autonomie, son indépendance. Et chacun de ces groupes a essayé de

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1 comprendre son histoire et, ce faisant, ils ont mis l'accent sur des

2 événements particuliers.

3 Question: Nous allons aborder chacun des groupes ethniques, mais pourriez-

4 vous nous expliquer comment l'identité nationale serbe a commencé à

5 prendre forme dans la région?

6 Réponse: En tout cas, la perception nationale serbe est étroitement

7 associée à l'église orthodoxe serbe. La bataille de Kosovo, en 1389, est

8 tout particulièrement intéressante et importante pour comprendre cette

9 formation. Dans la poésie populaire, parmi le peuple, on pense que cette

10 bataille est une bataille où le prince Lazar s'est vu offrir le choix

11 d'avoir un royaume céleste ou terrestre; il a choisi pour le royaume

12 céleste mais, ce faisant, on lui a promis que son royaume terrestre serait

13 recomposé, restitué à l'avenir.

14 Et on fait souvent référence à ce mythe, on y faisait en tout cas souvent

15 référence, même dans les années 1990, parmi les nationalistes serbes.

16 Question: Donc vous dites au fond aux Juges que ces convictions, ces

17 croyances se reflétaient et réapparaissaient dans les années 1990 en

18 Bosnie?

19 Réponse: Oui, réapparaissaient ou étaient reformulées, si vous voulez, en

20 tant que perception propre du peuple serbe.

21 Question: Est-ce que vous voulez aborder rapidement la question des

22 Musulmans et des Croates qui essaient de se trouver une espèce d'identité

23 propre en Bosnie-Herzégovine?

24 Réponse: S'agissant des Croates, ils se sont surtout attachés à leur

25 participation à un Etat qui avait des liens, pendant de nombreux siècles,

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1 avec la Hongrie. Quant aux Musulmans de Bosnie, ils s'étaient convertis à

2 l'islamisme à peu près pendant un siècle et demi après l'empire Ottoman.

3 Ils ont commencé à se percevoir comme étant une nationalité séculaire

4 comparable aux autres groupes dans les années 60. Ils ont été les derniers

5 à mettre en place ce programme national, à avoir cette culture nationale.

6 Question: Passons rapidement à la Seconde Guerre mondiale pour nous

7 attacher surtout à examiner la région de la Krajina.

8 Veuillez expliquer aux Juges ce qui s'est passé en Bosnie au cours de

9 cette guerre et dans quelle mesure ces événements sont importants pour

10 comprendre ce qui s'est passé plus tard, au cours de la décennie des

11 années 1990?

12 Réponse: Il y a beaucoup d'étiquettes et de termes qu'on a utilisés

13 pendant la Deuxième Guerre mondiale, qui ont qualifié le dialogue national

14 des années 1990. En 1941, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie ont été

15 offertes, si vous voulez, par Hitler à un groupe de nationalistes croates

16 extrémistes, les Oustachis. Ils ont mis en place un régime très violent,

17 brutal à Zagreb; ils ont commis des atrocités, des tueries, des meurtres

18 contre les Serbes, les Juifs, les Tziganes; ils ont tué des dizaines de

19 milliers au minimum et sans doute des centaines de milliers de Serbes dans

20 ces territoires.

21 Ces atrocités étaient d'une brutalité particulièrement violente dans la

22 Krajina de Bosnie. Le terme d'Oustachi, par la suite, a été utilisé dans

23 les années 1990 pour parler de cette forme de nationaliste croate que l'on

24 percevait comme étant une menace pour les Serbes.

25 Parallèlement, il y a eu deux mouvements de résidence pendant la Seconde

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1 Guerre mondiale. Il y a eu le mouvement Chetnik, d'une part, qui avait à

2 sa tête un ancien officier de l'armée royale, Draza Mihajlovic, et ce

3 terme Chetnik a été utilisé dans les années 1990 pour qualifier des Serbes

4 extrémistes qui commettaient des atrocités.

5 Etant donné que certains des Musulmans de Bosnie avaient été inclus dans

6 la définition de la nationalité croate par les Oustachis, ce terme

7 Oustachi a souvent été utilisé pour qualifier aussi bien des Croates que

8 certains Musulmans qui avaient rejoint la cause Oustachi.

9 Question: Dans votre rapport, vous parlez à un certain moment -je ne me

10 rappelle pas à quelle page exactement-, d'un certain Chetnik qui défendait

11 l'idée d'une Grande Serbie; vous en parlez dans votre rapport.

12 Pouvez-vous expliquer aux Juges ce que l'on entend exactement par Grande

13 Serbie?

14 Réponse: Au début du 19e siècle, chacune des nations présentes dans les

15 Balkans a acquis le désir de disposer d'un Etat englobant tous les peuples

16 qui vivaient, y compris dans les Etats voisins. Donc la première concernée

17 a été la Grèce; un programme a été mis en place pour les Grecs. Ensuite,

18 un programme de Grande Bulgarie a été instauré, ainsi qu'un programme

19 destiné à obtenir la création d'une Grande Roumanie. Et dans le cadre du

20 développement de leur Etat, les Serbes également ont mis en place un

21 programme ou se sont donné des objectifs consistant à aller vers la

22 création de la Grande Serbie. Ce qui signifiait qu'indépendamment des

23 entités politiques existant à l'époque, tous les Serbes devaient être unis

24 dans un même Etat.

25 Question: Cette idée de la Grande Serbie a-t-elle refait surface en 1990?

Page 835

1 Réponse: Oui.

2 Question: Quelles sont les preuves que vous avez trouvées qui indiquent

3 que les nationalistes serbes s'appuyaient sur cette idée en 1990?

4 Réponse: C'est un thème qui revient de façon récurrente dans les

5 allocutions publiques, ainsi que dans les débats privés organisés dans le

6 cadre de certaines conférences. Il ne s'agit pas de l'expression Grande

7 Serbie que l'on trouve très rarement, mais de l'idée qu'un Etat serbe

8 devait abriter l'ensemble des Serbes. C'est une idée reprise très souvent

9 dans la propagande et dans les allocutions publiques, ainsi que dans des

10 débats à huis clos.

11 Question: Monsieur le Président, vous serez satisfait d'apprendre que nous

12 en sommes arrivés à la fin de la partie historique de l'exposé de M.

13 Donia. Et nous passons maintenant au début des années 1990, c'est-à-dire à

14 la quatrième partie du rapport.

15 Monsieur Donia, pouvez-vous nous dire très rapidement ce qui caractérisait

16 la société que l'on trouvait en Bosnie-Herzégovine, en 1990?

17 Réponse: Je crois que la meilleure façon de décrire cette société consiste

18 à parler de fin d'une société socialiste.

19 Après 45 ans de socialisme, toutes les Républiques de l'ex-Yougoslavie

20 subissaient une crise économique grave. Le secteur public était très

21 important, beaucoup plus important que le secteur privé. Le système

22 gouvernemental était très développé. A partir des années 60, une espèce de

23 socialisme participatif avait été créé, à savoir que la plupart des

24 habitants participaient au travail d'un ou plusieurs groupes

25 socioéconomiques ou politiques.

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1 Le système juridique était particulièrement évolué et a très bien

2 fonctionné jusqu'à la fin des années 80, notamment par le biais d'un

3 certain nombre de tribunaux, avec un système constitutionnel très élaboré

4 qui existait en fait depuis le début depuis la création de l'Etat

5 socialiste.

6 Question: Au début de votre déposition, vous avez dit qu'au cours des

7 années 90, la Ligue des communistes s'était démantelée et vous avez parlé

8 d'un certain nombre de dirigeants manifestant des tendances nationalistes

9 qui s'étaient fait élire en Croatie et en Serbie.

10 Pouvez-vous rapidement, pour que tout soit précis, nous dire ce qui s'est

11 passé en Slovénie et en Croatie avant que nous ne parlions de la Bosnie?

12 Réponse: Eh bien, très rapidement, la Croatie et la Slovénie avaient des

13 parlements qui ont publié des déclarations d'indépendance le 25 juin 1991.

14 Au cours d'une guerre très courte ou plutôt à l'issue d'une guerre très

15 courte de dix jours, la JNA, l'armée populaire yougoslave, a quitté la

16 Slovénie et a laissé la Slovénie suivre son chemin. Ceci a été observé par

17 la communauté internationale qui a agi en tant que médiateur et qui a

18 permis qu'un accord soit conclu entre la JNA et la Slovénie, que l'on

19 appelle l'accord de Brioni. Cet accord a remis à une date ultérieure les

20 déclarations d'indépendance, c'est-à-dire que l'indépendance devait être

21 déclarée en octobre 1991, mais entre-temps, une guerre a éclaté en

22 Croatie, guerre caractérisée par des atrocités contre les civils des deux

23 côtés. Cette dégradation de la situation dans la Yougoslavie fédérale a

24 été accélérée par cette guerre en Croatie qui a duré pendant tout le reste

25 de l'année 1991.

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1 Question: La guerre en Croatie, dans cette guerre qui était contre la

2 population croate?

3 Réponse: En fait, ceux qui se sont opposés à l'armée croate et aux unités

4 de la police croate ont été les membres de la JNA, des groupes

5 paramilitaires locaux organisés par les Serbes, ainsi que des

6 paramilitaires venus de Serbie pour soutenir les Serbes de la région et la

7 JNA.

8 Question: Vous avez dit qu'au cours de cette guerre, des atrocités ont été

9 commises des deux côtés. La guerre, je parle de la guerre en Croatie.

10 Ceci a-t-il eu une influence sur les événements ultérieurs en Bosnie?

11 Réponse: Ceci a eu une grande influence, car les membres des divers

12 groupes qui peuplaient la Bosnie, et notamment les habitants de la Krajina

13 bosniaque, se sont identifiés à leur nationalité. Les Serbes de la Krajina

14 de Bosnie se sont donc en majorité portés volontaires pour aller secourir

15 les Serbes qui se battaient dans l'Etat de Croatie, c'est-à-dire de

16 l'autre côté de la frontière avec la Croatie.

17 Question: Comment s'est terminée la guerre en Croatie?

18 Réponse: Après un grand nombre de cessez-le-feu qui n'ont obtenu aucun

19 résultat, un accord a été conclu le 2 janvier 1992, entre la JNA et la

20 Croatie. Dans le même temps, un accord a été conclu prévoyant le

21 déploiement de représentants des forces des Nations Unies, qui avaient

22 pour rôle de maintenir une ligne de démarcation entre les forces serbes et

23 les forces croates.

24 Question: Vous avez déjà dit que des unités de la JNA se trouvaient en

25 Slovénie et en Croatie. Une fois que ces unités se sont retirées de ces

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1 deux pays, qu'est-il advenu de ces unités de la JNA?

2 Réponse: La plupart des unités de la JNA, qui avaient été stationnées en

3 Croatie, se sont retirées en Bosnie-Herzégovine. L'organisation qui

4 prévalait au sein de la JNA précédemment se fondait sur un certain nombre

5 de quartiers-généraux. Il en existait un, un quartier général de district

6 à Zagreb à partir de décembre 1998. Avec la fin de la guerre en Croatie,

7 il est devenu nécessaire de restructurer la JNA de façon que Sarajevo

8 passe de quartier général d'un Corps d'armée à un quartier général du 2e

9 District militaire. Dans le même temps, les troupes des cinq Corps d'armée

10 qui existaient ont été redistribuées en Bosnie-Herzégovine.

11 Question: Donc vous nous dites que le quartier général de l'armée à

12 Sarajevo est devenu plus important, car le nombre de formations militaires

13 placées sous son commandement s'est accru?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et ceci, en raison du départ de la JNA, de la Croatie dont vous

16 avez parlé déjà, n'est-ce pas?

17 Réponse: En raison de ce retrait et en raison de la restructuration de la

18 JNA.

19 Question: En page 31 de votre rapport, vous évoquez les changements

20 survenus dans la composition ethnique de la JNA en Bosnie-Herzégovine.

21 Avez-vous cette page de votre rapport sous les yeux?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pouvez-vous expliquer aux Juges de cette Chambre ce qu'il est

24 advenu de cette répartition ethnique dans le personnel de la JNA, vers la

25 fin de 1991?

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1 Réponse: Au sein de la JNA avant la guerre en Croatie, on trouvait une

2 composition ethnique qui était véritablement multiethnique. Mais au cours

3 du conflit, en raison du départ d'un grand nombre de non-Serbes de la JNA

4 et en raison de l'appui apporté par la JNA en Croatie à la cause serbe, la

5 JNA est devenue fondamentalement une armée serbe.

6 Et tout à fait à la fin de 1991, nous disposons de preuves indiquant que

7 le Président serbe Milosevic a cherché à faire la même chose avec la JNA

8 en Bosnie. Borislav Jovic, un de ses conseillers, membre de la présidence

9 notamment, a rendu compte du fait que Milosevic avait donné l'ordre à la

10 JNA de concentrer les recrues appartenant au groupe ethnique bosnien dans

11 la République de Bosnie, et de transférer les recrues qui n'étaient pas

12 d'appartenance ethnique bosnienne hors de Bosnie.

13 On a cité le fait que le commandant de la JNA avait déclaré que cette

14 tâche avait, pour l'essentiel, été accomplie. En conséquence, durant cette

15 transformation de la JNA, cette armée est devenue une armée beaucoup plus

16 serbe et beaucoup plus bosnienne dans les dernières mois de 1991 et les

17 premiers mois de 1992.

18 Question: Pour que tout soit clair sur ce plan, je vous demande sur quoi

19 vous fondez votre opinion?

20 Réponse: Eh bien, les informations les plus précises à ce sujet

21 proviennent du journal intime de Jovic, qui a été publié il y a quelques

22 années. On trouve également des informations sur ce sujet dans certains

23 des mémoires dus à un certain nombre d'officiers de l'armée yougoslave de

24 l'époque, ainsi que d'observations faites par des personnes qui

25 observaient la situation du côté bosnien.

Page 840

1 Question: J'aimerais maintenant que nous passions au sujet des élections

2 organisées au début des années 1990.

3 Avant la tenue de ces élections, et je vous demanderai de vous concentrer

4 particulièrement sur la Bosnie-Herzégovine, il a fallu un certain nombre

5 de modifications de la Constitution. Pouvez-vous expliquer aux Juges de

6 cette Chambre quelle était la nature exacte de ces modifications de la

7 Constitution?

8 Réponse: En Bosnie-Herzégovine, deux types d'amendements constitutionnels

9 ont été adoptés: les premiers, en février 1990; ils se sont résumés à une

10 modification de la langue utilisée par suppression de ce vocabulaire

11 socialiste, ainsi qu'à des modifications structurelles pour pouvoir

12 contrer le langage utilisé par la Ligue des socialistes au cours des

13 élections prévues. Dans le même temps, la législation interdisait aux

14 partis de fonder leurs options sur des bases nationales ou religieuses. En

15 juin 1990, la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a donc voté ces

16 deux interdictions et a déclaré ces deux comportements

17 anticonstitutionnels. Et à la veille de la prise de cette décision, les

18 dirigeants nationalistes ont rapidement enregistré des partis politiques

19 pour se préparer aux élections prévues à l'automne.

20 La deuxième série de modifications constitutionnelles a été adoptée le 31

21 juillet 1990. Par ce biais, les bureaux et institutions pour lesquelles

22 les gens seraient appelés à voter au cours des élections de novembre

23 étaient définis, identifiés.

24 Question: Monsieur l'Huissier, je vous demanderai de bien vouloir placer

25 cette carte sur le chevalet.

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1 (Intervention de l'huissier. )

2 Monsieur Donia, dans votre rapport, vous dites que ces modifications de la

3 Constitution n'ont pas simplement touché le gouvernement national de la

4 République de Bosnie-Herzégovine, mais également la façon dont le pays

5 était géré au niveau municipal, au niveau local, ce qui a une grande

6 importance dans la présente affaire.

7 Pouvez-vous, je vous prie, en quelques mots, expliquer aux Juges de cette

8 Chambre quels étaient les niveaux de gouvernement qui existaient dans le

9 pays et quelle était l'importance de ce qu'on appelle les municipalités,

10 dans ce pays?

11 Réponse: Après les modifications de la Constitution, la législation a donc

12 ratifié finalement la situation existante du point de vue des

13 municipalités. Une municipalité se dit "opstina" dans la langue qui est

14 parlée en Bosnie-Herzégovine. Et donc, il était prévu que les élections se

15 déroulent aussi bien au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine

16 qu'au niveau des municipalités, c'est-à-dire des opstina. Ces

17 municipalités étaient donc, pour l'essentiel, les unités de base du

18 gouvernement en Bosnie-Herzégovine, et ce, depuis la fin de l'empire

19 ottoman.

20 Chacune des municipalités disposait de son assemblée. Certaines de ces

21 assemblées étaient vraiment très nombreuses puisque le nombre de leurs

22 représentants allait de 27 à 130, dans certains cas; c'était notamment le

23 cas à Banja Luka qui était la plus grande municipalité.

24 Donc, lorsque la situation existante a été ratifiée, l'assemblée de Bosnie

25 a décidé que seraient élus des milliers de députés membres de ces

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1 assemblées municipales. Il a également été décidé que seraient élus 230

2 membres de l'assemblée de Bosnie, ceux-ci siégeant dans deux Chambres,

3 plus 7 membres pour la Présidence qui était collective.

4 Question: Pour que tout soit clair, je ne vous demanderai pas d'entrer

5 dans tous les détails, mais pourriez-vous nous dire, en utilisant les

6 marques qui sont sur la carte, combien il y avait de municipalités en

7 Bosnie-Herzégovine à l'époque, c'est-à-dire au début des années 90?

8 Réponse: Oui. Je ne les compterai pas une par une, mais il y en avait à

9 peu près… Il y en avait 109, c'est ce que l'on voit sur cette carte.

10 Question: Les frontières des municipalités sont-elles demeurées les mêmes?

11 Réponse: Elles ont changé de temps à autre. Le nombre de municipalités a

12 eu tendance à s'accroître, notamment durant le socialisme.

13 Question: Parlons maintenant des élections multipartites. Il y avait un

14 certain nombre de partis, mais quels étaient les partis principaux qui ont

15 vu le jour à l'issue de ces élections?

16 Réponse: Les trois partis qui ont gagné les élections ont tous été créés

17 sur des bases nationales. Le premier, le parti croate de Bosnie, répondait

18 au nom de HDZ, Communauté démocratique croate; ensuite venait le parti des

19 Serbes de Bosnie, connu sous le nom de SDS, Parti démocratique serbe; et

20 ensuite, le Parti d'action démocratique, le SDA, qui était le parti des

21 Bosniens.

22 Question: Pourriez-vous, en quelques mots, nous parler de ces acteurs, des

23 acteurs principaux de l'action de ces partis politiques?

24 Réponse: Le fondateur et président du parti démocratique serbe était

25 Radovan Karadzic. Le dirigeant du parti musulman, le parti bosnien, le

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1 SDA, était Alija Itzetbegovic. Ces deux hommes venaient de Sarajevo.

2 Karadzic était psychiatre de formation; quant à Itzetbegovic, il est

3 devenu célèbre en tant que dissident pour avoir été emprisonné deux fois

4 sous le socialisme. Le parti croate, le HDZ, a eu Predinovic comme

5 président au départ et cet homme a été remplacé très rapidement après la

6 création du parti HDZ en Bosnie par Stjepan Klujic.

7 Question: Ces partis nationalistes ou nationaux, jusqu'où allait leur

8 influence dans le pays?

9 Réponse: Eh bien, chacun de ces partis était présent dans toutes les

10 municipalités où vivaient un grand nombre des habitants du groupe ethnique

11 correspondant à ce parti.

12 Question: En bref, quel a été le programme de ces trois partis?

13 Réponse: Ces trois partis ont chacun développé leur programme pour les

14 élections au cours de la campagne. Au début de la campagne, un accord a

15 été conclu entre eux; on appelle cela l'accord interpartite. Il prévoyait

16 qu'il n'y ait pas d'attaque d'un parti contre un autre de ces partis. En

17 conséquence, très peu de discours ont eu lieu au cours de la campagne

18 électorale, au cours desquels un parti attaquait directement un autre

19 parti ou son dirigeant.

20 La plupart des discours et des critiques étaient dirigés contre la Ligue

21 des communistes et contre les réformistes que les nationalistes voulaient

22 voir évincer du paysage politique après les élections de novembre.

23 Cependant, les partis n'étaient pas d'accord sur un point fondamental qui

24 a fait l'objet de débats très animés au cours de la campagne, à savoir le

25 lien constitutionnel qui allait exister par la suite en Bosnie-Herzégovine

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1 avec l'ex-Yougoslavie.

2 Le HDZ était partisan d'un relâchement de ce lien entre la Bosnie-

3 Herzégovine et l'Etat fédéral. Le Parti démocratique serbe, pour sa part,

4 a adopté une position très ferme selon laquelle les dispositions fédérales

5 ne pouvaient pas être contrecarrées; donc les dispositions sur lesquelles

6 étaient fondées l'Etat fédéral yougoslave devaient, selon ce parti,

7 demeurer en l'état.

8 Et entre ces deux positions extrêmes, on trouvait celle du SDA qui

9 finalement cherchait à remettre à une date ultérieure toute décision au

10 sujet de cette relation établie constitutionnellement jusqu'à la période

11 ultérieure aux élections. Donc toute sortes d'efforts ont été déployés de

12 la part du SDA pour éviter de traiter de cette question constitutionnelle.

13 Question: Pourquoi le SDA a-t-il adopté cette position assez ambiguë,

14 s'agissant du rapport de la Bosnie-Herzégovine avec la République

15 fédérale?

16 Réponse: C'était un parti qui se situait à mi-chemin et qui souhaitait que

17 la Bosnie-Herzégovine demeure unie. Donc ce parti s'est opposé à toute

18 partition, à toute division du pays et souhaitait trouver une solution qui

19 permettrait à chacun de se satisfaire d'une existence au sein de la

20 Fédération yougoslave ou, en tout cas, dans le respect des dispositions

21 sur lesquelles étaient fondée l'ex-Yougoslavie, et ce, à long terme.

22 Question: Dans votre rapport, vous dites qu'au milieu de la campagne, le

23 SDS, parti des Serbes, a créé un organisme répondant au nom de SNV.

24 Pouvez-vous expliquer aux Juges ce qu'était exactement le SNV et quelle a

25 été la réaction des structures légales existant dans le pays à la création

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1 de cet organisme?

2 Réponse: Le SDS a créé le Conseil national serbe au cours d'une réunion

3 importante tenue à Banja Luka, en octobre 1991. Il l'a fait pour réagir,

4 car il avait été très déçu par l'échec s'agissant des modifications de la

5 Constitution, l'échec enregistré par cette nouvelle Constitution dans

6 l'établissement d'une troisième Chambre législative, qui aurait été connue

7 sous le nom de Chambre des Peuples et par la création de ce conseil

8 national serbe, SNV. Le SDS proposait à ce conseil de jouer le même genre

9 de rôle qui aurait été celui de la Chambre des Peuples, si l'assemblée de

10 Bosnie avait créé cette troisième Chambre avant les élections.

11 M. Cayley (interprétation): Quelle a été la réaction de la cour

12 constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine à la création de cet organisme?

13 M. Donia (interprétation): Eh bien, la cour constitutionnelle.

14 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

15 M. Cayley (interprétation): Si c'est une critique, Monsieur le Président,

16 nous entendons ici un expert qui a écrit un certain nombre de choses dans

17 son rapport, mais je pourrais lui poser des questions moins directives.

18 Mais l'interrogatoire prendrait des semaines.

19 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

20 M. Cayley (interprétation): Excusez-moi, Monsieur Donia, où en étions-

21 nous? Vous étiez au milieu d'une réponse.

22 M. Donia (interprétation): La cour constitutionnelle a déclaré par la

23 suite que la création de ce Conseil national serbe était

24 anticonstitutionnel, au motif qu'il s'agissait d'une usurpation de

25 fonction relevant de l'Etat.

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1 Question: Quelle est, selon votre avis d'expert, la signification de la

2 création de ce SNV?

3 Réponse: Dans la pratique, l'importance de cet organe a été assez minime,

4 car il n'a eu guère d'action après le 11 octobre. Mais le fait important,

5 c'est que le SDS a montré qu'il n'était pas disposé à accepter le résultat

6 du processus électoral puisqu'il a insisté pour créer des institutions

7 garantissant un droit de veto absolu au peuple serbe.

8 Question: Quelle a été la réaction du SDS à la décision de la création de

9 la cour constitutionnelle?

10 Réponse: Eh bien, le parti n'a apporté aucune réponse officielle, mais les

11 dirigeants du parti ont réagi en critiquant l'existence même de la Bosnie-

12 Herzégovine; ils sont remontés jusqu'aux racines constitutionnelles de la

13 Bosnie-Herzégovine en parlant des conférences constitutionnelles tenues en

14 1943.

15 Question: Parlons de l'époque immédiatement ultérieure aux élections

16 nationales tenues en Bosnie. Quel a été le résultat des élections au

17 niveau national et municipal?

18 Réponse: Les partis nationaux, le HDZ, le SDA et le SDA, ont obtenu

19 l'écrasante majorité des voix; ceci a été vrai pour la présidence, les

20 sept membres de la présidence étant membres de ces partis nationaux.

21 Au cours de l'assemblée, une énorme majorité des députés venaient de ces

22 partis nationaux et c'était également le cas au niveau de toutes les

23 assemblées municipales, à une exception près: Tuzla, où le Parti d'action

24 démocratique a eu la majorité. Mais, dans la plupart des municipalités où

25 la population était mixte, on a vu que c'était une combinaison de deux ou

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1 trois des partis nationaux qui l'a emporté au niveau des assemblées

2 locales, c'est-à-dire municipales.

3 Question: Ma collègue me demande de vous demander un éclaircissement. Cela

4 correspond également à ce qu'a demandé le Président, s'agissant des

5 questions directives, lorsque nous parlions du SNV.

6 Qu'a dit la cour constitutionnelle lors de la création de ce SNV?

7 Réponse: Je n'ai pas la citation sous la main, je suis désolé. Je ne peux

8 pas vous la fournir.

9 Question: Revenons aux résultats des élections. Vous avez expliqué de

10 quelle façon les différents partis étaient représentés aux niveaux

11 municipal et national, et vous avez fait également référence à la

12 répartition des postes exécutifs aux niveaux national et municipal, qui

13 avaient un lien avec le résultat des élections.

14 Pouvez-vous expliquer aux Juges comment les postes politiques ont été

15 répartis entre les trois partis?

16 Réponse: L'accord interpartite conclu durant la campagne électorale a été

17 développé et affiné au cours des mois qui ont suivi les élections. Ceci

18 s'est avéré relativement aisé au niveau de la République, c'est-à-dire de

19 la Bosnie-Herzégovine, puisque le parti qui avait obtenu la majorité des

20 voix, le SDA, a été autorisé à désigner le président de la présidence

21 collective composée de sept personnes et ce parti a choisi Alija

22 Itzetbegovic. Le parti arrivé en second aux élections, c'est-à-dire le

23 SDS, a été autorisé à choisir le président de l'assemblée de Bosnie; le

24 SDS a choisi pour ce poste Moncilo Krajisnik. Et le HDZ a été autorisé à

25 choisir le président du comité exécutif, c'est-à-dire dans les faits le

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1 premier ministre.

2 Dans le même temps, l'accord interpartite s'est appliqué au niveau de

3 toutes les municipalités et il s'est agi en fait de ce que j'appellerai

4 pour ma part une crypto constitution parce qu'il a dicté la façon dont les

5 partis allaient se répartir les postes dans les municipalités où la

6 population était mixte; car le même genre de distribution, de répartition

7 a eu lieu dans les municipalités où la population étaient mixtes.

8 Question: Est-ce que ceci a eu lieu dans la région de la Krajina de

9 Bosnie?

10 Réponse: Oui, cela a eu lieu dans un certain nombre de municipalités. De

11 façon typique, dans divers endroits de la Bosnie-Herzégovine, lorsque les

12 chefs locaux ne pouvaient pas trancher ou résoudre des problèmes entre

13 eux, par des négociateurs de Sarajevo provenant du siège qui pourrait

14 dicter comment exactement ces positions pourraient être réparties.

15 Question: Est-ce qu'en fait, ces positions ont été réparties conformément

16 aux votes dans les municipalités, dans toute la Bosnie?

17 Réponse: Oui, ils l'ont été dans la plupart des localités, mais souvent

18 avec des difficultés parce que la façon dont les chefs locaux voyaient les

19 choses était en désaccord avec ce que les dirigeants nationaux avaient

20 décidé.

21 Prijedor est un endroit où un tel désaccord a duré assez longtemps et a

22 posé des problèmes pour la formation de l'assemblée municipale pendant un

23 certain temps.

24 M. Cayley (interprétation): Monsieur le Président, nous passons maintenant

25 à un nouveau domaine. Souhaitez-vous que je poursuive?

Page 849

1 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

2 J'étais en train d'appeler votre attention. Nous allons suspendre la

3 séance dans les sept minutes qui viennent.

4 Préférez-vous pour vous-même et pour M. Donia que la suspension ait lieu

5 maintenant et nous reprendrons dans vingt minutes?

6 M. Cayley (interprétation): Ce serait parfait, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Donc nous suspendons pour environ vingt

8 minutes et nous reprendrons votre déposition, Monsieur Donia.

9 (L'audience, suspendue à 12 heures 35 , est reprise à 12 heures 59.)

10 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Cayley.

11 Juste pour donner une indication, on m'a informé du fait qu'on souhaite

12 que nous en terminions à 13 heures 45, parce qu'il faut à peu près une

13 demi-heure pour préparer la salle pour l'audience qui suit la nôtre, qui

14 commence à 14 heures 15. Il faut donc changer un certain nombre de choses,

15 les bobines, les dossiers. Donc si nous n'avons pas terminé aujourd'hui,

16 il va sans dire que nous terminerons demain.

17 M. Cayley (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

18 En tout état de cause, M. Donia continuera demain, peut-être que le

19 contre-interrogatoire commencera demain, je ne sais pas.

20 M. le Président (interprétation): Cela dépend de la défense. Nous

21 évaluerons la situation demain. Faites entrer M. Donia, s'il vous plaît,

22 Monsieur l'Huissier.

23 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

24 M. Cayley (interprétation): Mme Korner vous adresse ses excuses, elle est

25 en train d'aider dans son texte un nouveau témoin; elle reviendra nous

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1 retrouver demain.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Donia, vous pouvez reprendre

3 votre déposition compte tenu de la déclaration solennelle que vous avez

4 faite précédemment.

5 M. Cayley (interprétation): Je regardais la transcription de ce que vous

6 avez dit avant la suspension et vous avez dit que Radovan Karadzic était

7 le leader du SDP et je pense que c'était peut-être un lapsus?

8 M. le Président (interprétation): C'était le fondateur du SDP.

9 M. Cayley (interprétation): Oui, merci, Monsieur le Président.

10 Quelle est la vérité?

11 M. Donia (interprétation): Cela aurait dû être SDS; je me suis trompé dans

12 le document: à la fois comme fondateur et comme président du SDS.

13 Question: Monsieur Donia, si nous pouvions aller à la page 41 de votre

14 texte: il y a un sous-titre dans le corps du rapport qui parle de

15 "Régionalisation". Pourriez-vous expliquer au Tribunal ce que voulait dire

16 le terme régionalisation dans le contexte, en Bosnie, en 1990 et 1991?

17 Réponse: La régionalisation était le terme utilisé pour une campagne qui

18 avait été entreprise, essentiellement par le SDS, pour établir des zones

19 territoriales dans le pays, qui seraient sous le contrôle d'une seule

20 nationalité, d'un seul parti de la domination. Ce terme était utilisé dans

21 les discussions publiques et dans la presse, et aussi dans les conseils

22 des partis du SDS. Cela visait plus particulièrement trois stratégies qui

23 ont été employées dans différentes situations pour réaliser cette

24 domination territoriale.

25 La première était la formation d'associations régionales des municipalités

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1 qui avaient une population de majorité serbe et qui étaient interposées

2 entre le niveau municipal et le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,

3 entre les deux.

4 La deuxième stratégie était de réagencer l'organisation des municipalités,

5 de telle sorte que les majorités serbes, dans des parties de

6 municipalités, pourraient devenir de nouvelles municipalités ou pourraient

7 s'allier à d'autres municipalités qui avaient déjà une majorité serbe.

8 Et la troisième stratégie, à laquelle cette notion se réfère, était de

9 créer une sorte d'assemblée qu'on appelait soit une assemblée serbe, soit

10 une municipalité serbe, qui était mise en parallèle avec les institutions

11 du gouvernement ou du corps municipal de ces municipalités. C'était les

12 trois stratégies qui correspondaient à l'idée de régionalisation dans

13 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, en 1991 et 1992.

14 Question: Est-ce que la Constitution de Bosnie-Herzégovine a jamais permis

15 une régionalisation?

16 Réponse: La Constitution de Bosnie-Herzégovine permettait qu'il y ait des

17 associations régionales de municipalités, qu'on puisse les former à

18 certains buts, certaines fins limitées, bien définies: pour une

19 coopération économique, pour une coopération culturelle et d'information.

20 C'est un peu comme un district du point de vue des écoles. Et vers

21 1989/1990, il y avait deux associations de municipalités qui existaient

22 dans la zone de la Krajina de Bosnie; la première s'appelait l'association

23 municipale de Bihac et l'autre l'association municipale de Banja Luka.

24 Question: Y avait-il une disposition de la Constitution permettant aux

25 municipalités de s'associer sur la base des nationalités?

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1 Réponse: Il n'y avait pas de disposition constitutionnelle de ce genre.

2 Non.

3 Question: En se centrant plus particulièrement sur la région de la

4 Krajina, qui est pertinente au procès, pourriez-vous expliquer au Tribunal

5 comment la régionalisation s'est opérée dans cette région, en s'arrêtant

6 un instant, pour que les choses soient bien claires et que nous soyons

7 parfaitement équitables? Est-ce que les Musulmans et les Croates se sont

8 engagés dans une opération de régionalisation?

9 Réponse: Oui, les deux l'ont fait. Le HDZ ne s'est pas en premier lieu

10 occupé d'une régionalisation, mais au début de novembre 1991, il a

11 favorisé des associations régionales, la plus importante étant la

12 communauté croate d'Herceg-Bosna. Les Musulmans étaient généralement

13 opposés à une régionalisation mais, dans certains cas particuliers, ils

14 ont organisé des municipalités ou des institutions essentiellement pour

15 réagir à des situations dans lesquelles ils essayaient d'éviter les

16 conséquences d'une régionalisation, en particulier opérée par le SDS.

17 Question: Où est-ce que les Musulmans ont opéré une régionalisation?

18 Réponse: Il y a une opération combinée croato-musulmane qui n'a pas duré

19 longtemps dans la municipalité de Sarajevo, d'Ilijac. Il y a également eu

20 une tentative pour organiser une municipalité musulmane à Banja Luka. Je

21 crois qu'il y a eu une ou deux autres tentatives dans les parties de la

22 Bosnie-Herzégovine; je ne peux pas vous donner pour l'instant des lieux

23 précis.

24 Question: Revenons à ma question d'origine avant que je me sois arrêté: la

25 régionalisation dans la région de la Krajina, est-ce qu'elle a eu lieu

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1 dans cette région?

2 Réponse: La régionalisation a véritablement commencé dans la zone de la

3 Krajina de Bosnie, en 1991. Le SDS a annoncé, en avril 1991, son porte-

4 parole, à une conférence de presse, a annoncé que les dirigeants du parti

5 avaient discuté et projeté une régionalisation dès janvier 1991. En

6 réalité, en avril 1991 les quotidiens… Glas, le quotidien de Banja Luka, a

7 publié une série d'articles qui étaient des interviews de chefs politiques

8 locaux, d'intellectuels locaux qui préconisaient la mise en œuvre d'une

9 approche régionale pour répondre à de prétendues négligences, le fait que

10 le gouvernement central de Sarajevo aurait négligé la région.

11 Et les 10, 11 et 12 avril 1991, l'Assemblée serbe, à peu près dix

12 municipalités, en gros, se sont proclamées, ont pris des décisions en

13 disant qu'elles avaient rejoint la communauté de municipalités de la

14 Krajina bosnienne, qu'on a connue sous le nom, sous l'acronyme, le sigle

15 ZOBK dans la langue locale. Ces déclarations ont été publiées, elles ont

16 donné lieu à des articles de presse dans le Glas, le quotidien, et on

17 invoquait des… Ceci a attiré des réponses, des réactions assez vives des

18 chefs d'autres partis, autres que le SDS.

19 Pourrais-je, Monsieur le Président… Je voudrais faire voir que le Bureau

20 du Procureur a examiné un certain nombre de documents, limité, sur

21 lesquels ces conclusions se fondent, et ces documents étaient les procès-

22 verbaux et les conclusions du ZOBK, des minutes… J'ai examiné pas mal

23 d'articles de presse périodique concernant la Krajina et de l'assemblée de

24 Bosnie, des Serbes de Bosnie.

25 Question: Et puisque nous allons maintenant examiner les documents, je

Page 854

1 peux confirmer, Monsieur le Président: la défense a reçu tous les

2 documents, sauf un que nous n'allons pas utiliser, mais qu'ils ont reçu.

3 Monsieur Donia, si je pouvais revenir un peu en arrière… Vous avez parlé

4 d'avril 1991. Je voudrais revenir en janvier 1991 pendant un instant.

5 La campagne visant à établir le ZOBK, quand a-t-elle commencé?

6 Réponse: Le SDS a annoncé en avril que la campagne, ou les projets et les

7 discussions avaient commencé en janvier 1991. Ceci, en fait, était une

8 discussion, des débats sur… L'idée générale de régionalisation avait été

9 discutée pendant pas mal de temps avant cela. Cela a été discuté de façon

10 intensive dans la presse à partir de mars 1991, mais il n'y avait pas eu

11 de prescription d'organisation particulière ou de recommandation

12 particulière qui aient été issues de ces débats à l'époque.

13 Le premier indice d'une organisation particulière s'est fait jour vraiment

14 le 18 avril 1991, lorsque ces municipalités ont annoncé pour la première

15 fois qu'elles devenaient membres. Le 10 avril 1991.

16 Question: Dans votre rapport vous citez deux des diverses raisons pour

17 lesquelles ceci s'était produit et pourquoi la régionalisation avait lieu

18 et que le gouvernement ne s'était pas particulièrement occupé de la

19 question.

20 Alors, quelles étaient les raisons qui justifiaient cela pour la Krajina?

21 Réponse: Ce que l'on disait à l'époque, dans les discours, on disait qu'il

22 y avait de graves discriminations: concentration des richesses à Sarajevo,

23 discrimination contre la population pauvre. Rien n'était dit qui puisse

24 suggérer une différence particulière dans les niveaux de développement

25 économique dans toute cette campagne, pour autant que j'ai vu. Et en fait,

Page 855

1 j'ai cité M. Dusko Jaksic comme ayant su qu'il n'y avait pas de preuves

2 statistiques de ce qui était avancé.

3 Je crois qu'il y avait une perception généralisée de cela, en partie parce

4 que toute la Bosnie-Herzégovine -et peut-être même la Yougoslavie, en

5 l'occurrence-, à l'époque, était dans un déclin économique très grave et

6 il était facile de comprendre que le voisin se trouvait dans une meilleure

7 situation que soi-même. Mais il ne semble pas qu'il y ait beaucoup

8 d'éléments de preuve que la Krajina de Bosnie était dans une meilleure

9 situation que d'autres lieux en Bosnie-Herzégovine.

10 Question: Avant de passer à l'examen des documents, pourriez-vous regarder

11 la page 42 de votre rapport? Le paragraphe qui traite d'une conversation

12 entre Mirko Pejanovic et Radovan Karadzic en août 1990. Je sais que nous

13 traitons plus particulièrement de la régionalisation dans la Krajina de

14 Bosnie, mais si vous pouviez expliquer la pertinence de cette conversation

15 entre ces deux hommes en août 1990, dans l'ensemble du pays?

16 Réponse: Août 1990,avant l'élection. Mirko Pejanovic qui, à l'époque,

17 était le président du parti politique, qui était né de l'alliance

18 socialiste, cherchait à l'époque à faire en sorte que tous les partis qui

19 concourraient à l'élection se mettent d'accord sur une plate-forme commune

20 pour appuyer la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine et obtenir un

21 changement démocratique. Et c'est une conversation incidente dont il rend

22 compte dans ses mémoires, qui donne à penser que, dès les premiers jours

23 de l'existence du parti, la régionalisation, c'est-à-dire la création de

24 municipalités serbes, était tout à fait à l'esprit et dans les projets du

25 parti, de la direction du parti.

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1 Question: Vous avez mentionné, plus tôt dans votre déposition, qu'un

2 certain nombre de municipalités avaient décidé de rejoindre la ZOBK. Je

3 voudrais maintenant vous montrer un certain nombre de documents.

4 Le témoin a lui-même un jeu de ces documents, mais ces pièces doivent être

5 marquées pour être identifiées. La première pièce du classeur est un

6 document en serbe, en caractères cyrilliques seulement.

7 Vous avez un jeu de documents?

8 M. de Roux: Monsieur le Président, je ne suis pas très compétent dans

9 cette langue.

10 M. le Président (interprétation): Oui, c'est en cyrillique. Mais ce qui

11 compte pour le Tribunal, c'est de savoir et d'être assuré que vous avez

12 exactement le même jeu de documents que celui que nous avons reçu et que

13 le témoin et l'accusation citeront.

14 M. Cayley (interprétation): C'est un problème qui se pose dans certains

15 cas, nous n'avons pas de traduction de ce document en anglais ni en

16 français. Je crois que Me Ackerman pourra être aidé par son interprète qui

17 peut lire le cyrillique. Mme Fauveau peut lire le cyrillique aussi.

18 M. le Président (interprétation): Y a-t-il beaucoup de documents en

19 cyrillique?

20 M. Cayley (interprétation): Très peu.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Cayley, c'est un document très

22 bref, d'environ 40 lignes.

23 M. Cayley (interprétation): C'est exact.

24 M. le Président (interprétation): Peut-être qu'on pourrait faire une

25 traduction orale avant de poser des questions à ce sujet, si quelqu'un est

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1 capable de le faire avant que l'on ne pose des questions au témoin.

2 M. Cayley (interprétation): Les interprètes l'ont, donc ils pourraient le

3 lire. Ce peut être placé sur le rétroprojecteur.

4 M. le Président (interprétation): Ceci pourrait rendre les choses plus

5 faciles pour tout le monde, même pour Me Ackerman.

6 M. Ackerman (interprétation): Ceci est vrai. Je suis un peu dans la

7 confusion parce qu'on disait que c'était l'onglet 1. Est-ce que je vois

8 l'onglet 1?

9 M. Cayley (interprétation): Excusez-moi, c'est la toute première feuille

10 avant l'onglet 1. C'est la façon dont c'était présenté.

11 M. Ackerman (interprétation): Donc c'est en fait ce qui se trouve avant

12 l'onglet 1?

13 M. Cayley (interprétation): Oui.

14 M. Ackerman (interprétation): Je ne trouve pas cela très confortable.

15 Bien. Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président, il faudrait au

16 moins en donner lecture.

17 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas vu ces documents jusqu'à

18 maintenant, parce qu'on ne nous les a remis que ce matin, mais je vois que

19 ceci n'est pas un document très long et qu'on pourra résoudre le problème

20 facilement en ayant une traduction verbale avant qu'on ne commence les

21 questions.

22 Je vais demander aux interprètes, pour autant qu'ils disposent de ce

23 document, de procéder à la traduction orale de ce document en anglais et

24 en français.

25 (Les interprètes demandent que le document soit lu.)

Page 858

1 M. Cayley (interprétation): Pourriez-vous donner lecture de ce document

2 lentement, de cette façon, il pourra être interprété au fur et à mesure de

3 vos propos?

4 M. Donia (interprétation): Je pense que le premier terme est "mada".

5 Interprétation: Bien que l'assemblée municipale de Kljuc se soit réunie le

6 10 avril 1991 et avait, à cette occasion, confirmé son existence…

7 Moi, je suis prêt à poursuivre, si vous le voulez bien.

8 M. le Président (interprétation): Ne serait-il pas plus simple que ce soit

9 traduit par un interprète, un traducteur ou une traductrice en vertu de

10 l'Article 73? Vous savez que ce sont des interprètes assermentés qui ont

11 pour mission spécifique de s'acquitter de cette tâche précise.

12 Je ne suggère pas maintenant que le témoin ne lise pas ce document, mais

13 vous êtes historien, c'est votre métier et leur métier est d'être

14 interprète. Je préférerais que ce soit eux qui nous traduisent directement

15 ce document en français et en anglais. Après tout, ce n'est pas un

16 document qu'a préparé le Dr Donia, c'est un document officiel, si je

17 comprends bien, et je ne m'attends pas à ce que le Dr Donia puisse le

18 traduire pour nous ou le lire tout simplement.

19 Oui, Maître Ackerman?

20 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas si les interprètes préfèrent

21 que quelqu'un lise ce qu'il leur permet d'interpréter. J'ai ici à mes

22 côtés une traductrice tout à fait disposée à lire le document en

23 cyrillique. J'offre cette solution. Pour nous, peu importe.

24 M. le Président (interprétation): Merci de cette offre. Que préférez-vous,

25 Monsieur Cayley?

Page 859

1 M. Cayley (interprétation): L'expérience que j'ai acquise me montre que

2 les interprètes préfèrent que ce soit lu, car c'est leur fonction même.

3 Ils peuvent le lire eux-mêmes, mais je crois qu'il est préférable que

4 quelqu'un lise le texte en cyrillique.

5 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman, vous avez proposé les

6 bons offices de votre interprète: qu'elle commence à lire le texte.

7 Mme Mirkovic (interprétation): Est-ce que je dois être assise ou debout?

8 M. le Président (interprétation): Vous pouvez rester assise. Faites-en une

9 lecture lente, afin qu'il y ait traduction simultanée dans les deux

10 langues officielles du Tribunal. Merci d'avance.

11 Mme Mirkovic (interprétation): Le premier mot est illisible, c'est sans

12 doute ceci: "Bien que l'assemblée municipale de Kljuc, à sa séance du 10

13 avril 1991, eût confirmé son existence et exprimé la décision qu'elle

14 avait prise de rester au sein de la Communauté des municipalités de Banja

15 Luka et élu son représentant à l'assemblée de la communauté, et étant

16 donné que cette communauté avait été auparavant transformée en communauté

17 régionale "Bosanska Krajina", Krajina de Bosnie, et soit devenue par la

18 suite région autonome de la Krajina de Bosnie, et étant donné qu'il y a eu

19 récemment un plébiscite du peuple serbe, étant donné qu'il y a eu déni et

20 négation répétés de l'appartenance de la municipalité de Kljuc dans la

21 communauté régionale par le comité municipal, MBO, il est suggéré que

22 l'Assemblée, lors de sa séance d'aujourd'hui, adopte la décision suivante:

23 premièrement, la décision précédente est confirmée; elle portait sur le

24 fait que la municipalité de Kljuc allait rejoindre la Communauté des

25 municipalités de Banja Luka et il est établi que la municipalité de Kljuc

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1 est une composante de la communauté régionale de Bosanska Krajina, appelée

2 désormais "Région autonome de Bosanska Krajina" ou "Krajina de Bosnie".

3 Deuxièmement, il est également établi que la participation de

4 représentants de l'Assemblée municipale de Kljuc aux travaux de

5 l'assemblée de la communauté régionale, jusqu'à présent, a été une

6 activité légale et légitime.

7 La poursuite de la participation à l'assemblée de la région autonome est

8 confirmée jusqu'à ce que de nouveaux députés soient élus.

9 Troisièmement, en vertu de cette décision, les services administratifs de

10 l'assemblée municipale vont rédiger et soumettre à l'Assemblée de la

11 région autonome les décisions idoines et le président de l'Assemblée

12 signera une fois de plus les documents nécessaires portant sur le fait que

13 la municipalité de Kljuc est membre de la communauté régionale, à savoir

14 la Région autonome de la Krajina de Bosnie.

15 Quatrièmement, la présente décision entre en vigueur le jour de son

16 adoption."

17 Il y a un sceau qui est apposé, puis l'indication "Président de

18 l'Assemblée municipale, Jovo Banac", plus la signature. Est également

19 indiqué un numéro, le 00403770.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame.

21 Vous pouvez désormais poser des questions au témoin sur ce document,

22 Monsieur Cayley, mais tout d'abord, il faudra donner une cote à ce

23 document, comme vous l'avez prévu. Donc ce sera P1.

24 M. Cayley (interprétation): Je vous remercie. Oui, ce sera effectivement

25 la pièce P1 Alpha, puisqu'il s'agit de la version en serbe. J'espère que

Page 861

1 nous aurons une traduction en anglais un jour ou l'autre.

2 Monsieur Donia, je vais maintenant vous poser quelques questions plus

3 précises sur plusieurs documents, dont la défense dispose dans la

4 traduction en anglais.

5 Quelle est l'importance qu'il faut accorder à ces documents?

6 M. Donia (interprétation): Ils portent sur une décision prise par

7 l'assemblée municipale de Kljuc, qui décide de s'associer ou de devenir

8 membre du ZOBK. Parallèlement, elle décide de maintenir sa participation

9 en tant que membre de l'association municipale de Banja Luka. C'est une

10 des multiples municipalités qui ont voté le 10 avril pour prendre ces

11 mesures.

12 Question: Je vais vous montrer plusieurs autres documents dans un instant.

13 Mais au moment où cette décision a été adoptée, est-ce que le ZOBK

14 existait?

15 Réponse: Si la date de ce document est exacte, s'il s'agit bien du 10

16 avril 1991, effectivement le ZOBK n'existait pas.

17 Question: Comment décririez-vous cette décision, parce qu'ici, on parle

18 d'une décision de s'associer, de rejoindre les rangs d'une association ou

19 d'une communauté qui n'existait pas?

20 Réponse: Eh bien, c'est manifestement une initiative prise par une

21 assemblée municipale, par une municipalité.

22 Question: Peut-on montrer au témoin la pièce qui figure à l'onglet n°2? Je

23 pense que le témoin dispose de ses propres documents ou du moins du même

24 jeu que nous.

25 Monsieur l'Huissier, merci de placer la version en anglais de ce document

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1 sur le rétroprojecteur, de le déplacer un peu vers le haut.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 En quoi consiste ce document, Monsieur le Témoin?

4 Réponse: Il s'agit de la décision prise par l'assemblée municipale Titov

5 Drvar, qui décide de rejoindre la ZOBK. Et puis suivent les motifs qui ont

6 présidé à cette décision.

7 Question: Quelle est la date de ce document?

8 Réponse: Là aussi, il s'agit du 10 avril 1991.

9 Relevons également qu'à la page 2 du projet de traduction, on trouve une

10 déclaration qui précise "l'initiative a commencé le 25 janvier.

11 L'Assemblée a décidé de prendre des contacts avec d'autres municipalités

12 en vue de la fondation de la Communauté des municipalités de la ZOBK3".

13 Question: Si vous voulez, nous allons donner à la version en BCS la cote

14 P2 Alpha et, à la version en anglais, la cote P2 Bravo P, même si, dans le

15 classeur, ce sont des documents qui ont été photocopiés recto verso pour

16 faire une économie de papier.

17 (L'interprète précise qu'il s'agit de l'onglet n°1.)

18 Question: Si le témoin peut maintenant examiner les documents figurant à

19 l'onglet 2, je pense que nous pourrons avancer rapidement.

20 Est-ce que vous avez les documents sous les yeux?

21 Réponse: Est-ce qu'on est à l'onglet 3 ou 2?

22 Question: Onglet 2. Il s'agit de la décision prise par l'assemblée

23 municipale de Bosanski Petrovac?

24 Réponse: Effectivement.

25 Question: Veuillez expliquer aux Juges quelle est la nature de ce

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1 document?

2 Réponse: Il porte la date du 10 avril 1991 et il sépare la municipalité de

3 Bosanski Petrovac de celle de Bihac. Ici, nous parlons de la communauté de

4 municipalité de Bihac.

5 M. le Président (interprétation): Mais vous parlez de la date du 10 avril,

6 alors que moi, s'agissant de la séparation de la municipalité de Bosanski

7 Petrovac de Bihac, elle porte une autre date: celle du 26 avril, parce

8 qu'effectivement on a parlé à l'onglet 2, de la décision prise par

9 l'assemblée municipale de Titov Drvar de rejoindre la communauté des

10 municipalités de Bosanska Krajina.

11 Apportons un éclaircissement parce que, dans le premier cas, s'agissant du

12 premier document, vous avez dit que c'était l'onglet 2. Maintenant, vous

13 parlez de nouveau de l'onglet 2 pour un autre document alors que ce n'est

14 pas le cas. Il faut être précis: où commence l'onglet 1? Comme l'a dit à

15 juste titre, tout au début, Me Ackerman: parce que le premier document

16 était en fait avant l'onglet 1 et le deuxième document était avant

17 l'onglet 2.

18 A vous de décider, Monsieur Cayley, comment vous allez procéder. Je ne

19 vais pas me mêler de vos affaires, mais il faut agir de façon uniforme.

20 Donc, si vous voulez qu'on comprenne que, lorsque vous dites "Document

21 onglet 2", c'est le document qui se trouve devant l'onglet 2, on

22 comprendra.

23 M. Cayley (interprétation): On dira: le document qui se trouve derrière

24 l'onglet 2.

25 M. le Président (interprétation): Alors, ce sera "onglet 2" ou "onglet 3"?

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1 M. Cayley (interprétation): Eh bien, ce document, ce sera l'onglet 2.

2 M. le Président (interprétation): Alors, je repose ma question. Vous dites

3 qu'ici, c'est un document qui porte la date du 10 avril alors qu'ici, moi,

4 j'ai celle du 26 avril.

5 M. Cayley (interprétation): De quel document parlez-vous?

6 M. le Président (interprétation): De celui dont vient de parler le témoin.

7 Vous avez dit qu'il s'agissait de la séparation de la municipalité de

8 Bosanski Petrovac de la Communauté intermunicipale régionale de Bihac.

9 M. Cayley (interprétation): Je vais laisser le soin au témoin de répondre.

10 M. Donia (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Le document dont je parlais se trouvait derrière l'onglet 2, avant

12 l'onglet 3. Effectivement, celui-ci porte la date du 26 avril. Fin du

13 premier paragraphe: on précise que cette décision, elle a été adoptée lors

14 de la séance qui s'est tenue le 10 avril 1991.

15 C'était une pratique assez courante; il était assez courant que ces

16 décisions soient enregistrées, si vous voulez, soient déposées dans les

17 archives de la municipalité un certain temps après qu'elles aient été

18 prises.

19 M. le Président (interprétation): Merci. Ceci précise les choses parce

20 qu'effectivement, maintenant, nous avons les deux dates: 26 avril et 10

21 avril. Est-ce que tout est clair? Fort bien.

22 Poursuivez, Monsieur Cayley.

23 M. Cayley (interprétation): Le document de Bosanski Petrovac: lorsque vous

24 examinez le corps de ce document, il montre clairement que cette décision

25 a été prise sous la décision du 10 avril, n'est-ce pas?

Page 865

1 M. Donia (interprétation): Oui.

2 M. Cayley (interprétation): Je vais demander que soit donnée la cote P3

3 Bravo pour la version anglaise à ce document, la version originale portant

4 la cote P3 Alpha.

5 M. Ackerman (interprétation): Je m'interroge…

6 M. le Président (interprétation): Oui?

7 M. Ackerman (interprétation): Est-ce que vous demandez le versement de ces

8 pièces au fur et à mesure qu'il les présente? Je veux savoir à quel moment

9 je peux soulever une objection.

10 M. Cayley (interprétation): D'après ce que j'ai vu, s'agissant de la

11 dynamique qu'il y a entre les deux parties dans ce prétoire, et puisque

12 j'ai déjà été procureur dans d'autres affaires, je pense qu'il y aura

13 beaucoup d'objections et je pense que la façon la plus expéditive ou la

14 plus rapide d'entendre ce témoin, c'est de le laisser parler à propos des

15 documents.

16 Il ne peut pas vous dire d'où viennent ces documents puisqu'il les a

17 obtenus de notre part, mais il peut nous fournir certains éléments quant à

18 l'authenticité puisque -et c'est un expert pour ces questions

19 contemporaines-, c'est une question qu'il vous reviendra de trancher. Vous

20 verrez si vous estimez que ce sont des documents authentiques, mais le

21 meilleur moment pour soulever des objections, c'est plutôt au moment où je

22 vous fournirai, à la fin de la déposition de ce témoin, une liste de ces

23 pièces.

24 Les parties, Me Ackerman comme Me de Roux et M. Pitron, pourront à ce

25 moment-là soulever les objections qu'ils souhaitent faire à la fin. Vous

Page 866

1 pourrez alors, Mesdames les Juges, Monsieur le Président, déterminer si

2 nous avons à présenter des témoins au regard de chacun de ces documents

3 pour déterminer l'authenticité.

4 M. le Président (interprétation): Mais ce n'est pas ce que me demandait Me

5 Ackerman!

6 Il était tout à fait clair: il voulait savoir ce que vous aviez

7 l'intention de faire avec ces documents, en ce moment même. Est-ce que

8 vous en demandez le versement maintenant? Est-ce qu'on leur donne une cote

9 ou est-ce que vous allez en demander le versement officiel plus tard? Ceci

10 aura bien sûr une incidence sur le moment où la défense peut soulever une

11 objection.

12 Mais la question de l'authenticité, ce genre de choses, effectivement nous

13 pourrions l'étudier par la suite en tenant compte de ce que le témoin aura

14 dit dans le cours de sa déposition, mais je ne pense pas que ce soit la

15 chose la plus importante pour le moment.

16 M. Ackerman (interprétation): Monsieur Cayley propose qu'on discute de la

17 question par la suite, à la fin de la déposition, à partir d'une liste.

18 C'est sans doute très commode. Enfin, à vous de décider, Monsieur le

19 Président, mais je pense que ça va peut-être nous rendre la vie un peu

20 difficile.

21 M. le Président (interprétation): Non, ce ne se sera pas un gros problème

22 pour les Juges de la Chambre si ce n'est un problème pour la défense.

23 La seule chose, c'est qu'on demande à un témoin de faire des références

24 spécifiques à des pièces qui ne sont pas encore véritablement

25 officiellement, des pièces de conviction; c'est là que le bât blesse. Je

Page 867

1 préférais une autre solution.

2 Par ailleurs, je comprends que, si je dis à M. Cayley qu'il doit demander

3 le versement officiel de ces pièces maintenant, vous allez soulever toutes

4 sortes d'objections maintenant. Et cela va poser des problèmes pour cette

5 Chambre qui veut entendre le reste de la déposition de M. Donia.

6 Moi, je pourrais fort bien m'accommoder de la présentation de toutes ces

7 pièces en vrac, au moment où le proposait M. Cayley.

8 Ceci vous convient, Maître Ackerman?

9 M. Ackerman (interprétation): Oui, d'accord, nous n'avons pas ici de

10 jurés, nous avons des Juges professionnels.

11 Qu'il soit bien compris que le témoin va fonder certaines des conclusions

12 que vous allez entendre sur des documents qui ne sont pas nécessairement

13 authentiques; c'est cela le problème. C'est une décision que vous allez

14 devoir prendre tôt ou tard, et alors, je suis sûr que vous n'allez pas

15 tenir compte de pièces que vous ne considèrerez pas authentiques.

16 M. le Président (interprétation): Soyez-en sûr!

17 M. Ackerman (interprétation): Je veux simplement être sûr que je peux

18 formuler mes objections en temps utile.

19 M. le Président (interprétation): Mais ce problème, on peut le régler

20 puisqu'à l'évidence, vous savez que la question de l'authenticité de ces

21 documents ne trouvera pas de réponse par la bouche du Dr Donia. Peut-être

22 qu'il va formuler des commentaires, nous fournir son avis de temps à

23 autre, s'agissant de tel ou tel document. Mais je ne suppose pas que ce

24 soit lui qui soit le témoin-clé qui va fournir à l'accusation la preuve de

25 l'authenticité de ces documents.

Page 868

1 M. Cayley (interprétation): Permettez-moi un commentaire suite aux dires

2 de Me Ackerman.

3 Il dit que la Chambre, si elle n'admet pas un document, eh bien, ne va pas

4 tenir compte de l'avis du Dr Donia. Ceci, à mon avis, n'est pas juste

5 parce que c'est un expert des événements de l'époque et il connaît souvent

6 les sources au moment où se produisaient ces événements.

7 M. le Président (interprétation): Vous avez sans doute plus raison que Me

8 Ackerman parce que la recevabilité des documents a priori, c'est une

9 chose. Un document qui a été admis en tant que pièce à conviction, c'est

10 autre chose.

11 La question de la valeur probante de l'authenticité, c'est une question

12 qui est tranchée ultérieurement. S'il s'avère que le document n'est pas

13 authentique ou s'il subsiste des doutes quant à son authenticité, ce

14 document reste dans le dossier de l'audience, mais manifestement sa valeur

15 probante est réduite à néant. Donc ça ne veut pas dire qu'on va enlever le

16 document du dossier de l'audience, il y restera toujours et nos décisions

17 aussi de toute façon peuvent faire l'objet d'appel.

18 M. Ackerman (interprétation): Je ne pense pas que M. Cayley m'ait bien

19 entendu. Je n'ai pas dit qu'il fallait ignorer son témoignage, j'ai dit

20 simplement qu'il fallait peut-être retirer de son témoignage les documents

21 qui ont été prouvés comme étant non authentiques. Je n'ai pas dit qu'il

22 fallait ignorer la totalité de sa déposition.

23 (La Greffière se consulte avec M. le Président.)

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Cayley, je pense que nous avons

25 un problème. Je vous en ai parlé auparavant, je l'avais prévu. Mais Mme la

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1 Greffière d'audience nous avait dit qu'elle pouvait être d'une grande

2 souplesse. Nous avons donc poursuivi l'audience.

3 Mais si je comprends bien, si vous poursuivez maintenant, si vous

4 continuez à donner une nouvelle cote à ces documents qui deviendront des

5 pièces, le Greffe ne pourra pas gérer la situation. Le Greffe préférerait

6 que vous présentiez ces documents maintenant, dotés de leur numéro de

7 référence initial. Une fois que ces documents deviendront officiellement

8 des pièces, ils se verront affectés la cote requise.

9 Ce n'est pas une question de préférence ici. Moi, je préférerais que la

10 Greffière d'audience et le personnel du Greffe travaillent de la manière

11 qui est la plus commode pour eux, qui leur crée le moins de problèmes.

12 Ici, je ne devrais peut-être pas parler de choses qui sont nécessaires,

13 mais je pense de toute façon qu'il nous faut suspendre l'audience.

14 Vous aurez peut-être le temps d'en discuter avec la Greffière d'audience

15 de cette question de cote. Je suis sûr que, demain, nous aurons trouvé une

16 solution avant le début de l'audience. De toute façon, ici, nous n'en

17 sommes qu'au troisième ou quatrième document, ce qui veut dire qu'on peut

18 faire machine arrière et qu'on peut adopter un autre mode de référence.

19 M. Cayley (interprétation): Permettez-moi de vous faire valoir quelques

20 arguments supplémentaires, s'agissant de demain, parce que je pense que ce

21 sera encore beaucoup plus compliqué si on le fait demain.

22 M. le Président (interprétation): Vous avez fait une suggestion qui

23 m'avait été déjà faite par mes assistants juridiques, il y a un certain

24 temps de cela. J'avais étudié la question et je m'attendais à ce que des

25 problèmes surgissent. Lorsque vous en avez parlé aujourd'hui et lorsque

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1 j'en ai parlé à la Greffière d'audience, je pensais qu'il n'y aurait pas

2 de problème, mais j'avais raison de prime abord.

3 Trouvez une solution. Ce qui compte, c'est qu'on ait un système de

4 numérotation des pièces uniforme tout au long du procès.

5 Ce système s'appliquerait à vous, aux Juges et à la défense parce que,

6 plus tard, on va faire des références à des documents déjà versés

7 auparavant. Il faut être sûr qu'on parle du même document. Il ne faut pas

8 que la confusion règne et qu'on perde une demi-heure, voire une heure pour

9 essayer de retrouver un document auquel on fait référence.

10 Je vous laisse le soin de vous occuper de la question. Vous êtes

11 extrêmement compétent, vous savez que le Greffe est très souple sur cette

12 question. Je suis sûr que d'ici à demain matin, vous aurez trouvé une

13 solution. Ce n'est pas un problème aussi grave que ça.

14 Mme Chen (interprétation): Est-ce que les conseils de la défense et le

15 Bureau du Procureur peuvent rester ici, dans le prétoire, après la

16 suspension d'audience, pour voir comment on va gérer tous ces documents?

17 M. le Président (interprétation): Oui. Et j'ajoute à cela que moi, j'avais

18 voulu ne pas faire des propositions quant au système à adopter parce qu'on

19 m'avait donné des garanties: on m'avait dit que, si c'était un nouveau

20 système qu'on allait adopter, il fallait que se soit un système qui crée

21 le moins de problèmes possible au Greffe. En effet, le Greffe a beaucoup

22 de mal à répertorier les pièces à conviction. Ils ont un système en place,

23 en vigueur auquel ils sont habitués, mais il pourrait y avoir de la

24 confusion parce que ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui

25 officient ici ou qui s'occupent des documents. Il faut donc que, dès le

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1 départ et jusqu'à la fin, il y ait le même système en place.

2 Je vous laisse le soin de vous en occuper et vous pourrez peut-être nous

3 dire demain matin, officieusement ou officiellement, ce qu'il en est.

4 Mme Chen (interprétation): Je vous ferai rapport cet après-midi.

5 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

6 L'audience est suspendue jusqu'à demain matin. Nous vous reverrons demain

7 matin à 9 heures précises, Monsieur Donia.

8 L'audience est suspendue.

9 (L'audience est levée à 13 heures 49.)

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