Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 19 juin 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 28.)

3 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

4 (Audience publique.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président (interprétation): Oui, Madame la Greffière d'audience,

7 veuillez citer le numéro de l'affaire, tout d'abord.

8 Mme Chen (interprétation): Il s'agit de l'affaire n°IT-99-36-T, le

9 Procureur contre Radoslav Brdjanin et Momir Talic.

10 M. le Président (interprétation): Merci.

11 Monsieur Brdjanin, bonjour. Est-ce que vous m'entendez dans une langue que

12 vous comprenez?

13 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. J'entends et

14 je comprends.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez vous asseoir.

16 Général Talic, bonjour à vous. Est-ce que vous m'entendez dans une langue

17 que vous comprenez?

18 M. Talic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je vous entends

19 et je vous comprends.

20 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez vous asseoir.

21 Le Procureur peut-il se présenter?

22 M. Koumjian (interprétation): Bonjour. Nicholas Koumjian avec Julian

23 Nicholls et avec notre assistante, Denise Gustin.

24 M. le Président (interprétation): Merci. Et la défense de Radoslav

25 Brdjanin?

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1 M. Ackerman (interprétation): Bonjour. Je suis John Ackerman et je suis

2 ici avec mon coconseil Milan Trbojevic et Mme Marela Jevtovic.

3 M. le Président (interprétation): Pendant un moment, je pensais que vous

4 attendiez l'interprétation en BCS.

5 Continuez. La défense de M. Talic?

6 M. Zecevic (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Slobodan Zecevic, et je

7 comparais avec ma chère collègue Natasha Ivanovic-Fauveau.

8 M. le Président (interprétation): Merci. Y a-t-il des questions

9 préliminaires?

10 M. Koumjian (interprétation): Oui, brièvement.

11 On m'a demandé -c'est-à-dire Mme Richterova et Mme Korner- de demander à

12 la Chambre de changer le Statut des deux témoins suivants, à savoir BT14

13 avec le numéro de la divulgation 7.139, et BT15, n°7.143. Et la raison est

14 liée au fait qu'ils viennent de hameaux extrêmement petits, et la plupart

15 des personnes dont ils vont traiter sont liées par des liens de parenté.

16 Donc probablement, ils risquent de dévoiler leur identité s'ils déposent

17 en audience publique.

18 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman?

19 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, vous savez que je

20 suis opposé aux séances à huis clos. Je pense qu'il faudrait fonctionner

21 ici publiquement.

22 M. le Président (interprétation): Maître Zecevic?

23 M. Zecevic (interprétation): Nous sommes entièrement d'accord avec la

24 position de Me Ackerman; nous sommes contre le huis clos aussi.

25 M. le Président (interprétation): Et le premier de ces témoins devrait

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1 comparaître aujourd'hui?

2 M. Koumjian (interprétation): Nous pensons que ce témoin va commencer à

3 déposer demain. En fait, Mme Richterova va interroger les deux témoins, et

4 elle va rencontrer le deuxième témoin cet après-midi.

5 M. le Président (interprétation): De qui parlez-vous lorsque vous dites

6 "le deuxième témoin"?

7 M. Koumjian (interprétation): BT15. Elle a une réunion avec ce témoin

8 maintenant.

9 M. le Président (interprétation): Et BT14 est ici, à La Haye?

10 M. Koumjian (interprétation): C'est cela, il est à La Haye.

11 M. le Président (interprétation): BT15 est à La Haye aussi?

12 M. Koumjian (interprétation): Oui, tous les deux sont à La Haye.

13 M. le Président (interprétation): Donc, en fait, nous pouvons commencer

14 BT14 demain, c'est-à-dire jeudi, et BT15 vendredi?

15 M. Koumjian (interprétation): Je pense que…

16 M. le Président (interprétation): Je pose des questions parce que j'essaie

17 de faire de mon mieux afin de modifier l'audience vendredi pour que l'on

18 siège dans la matinée plutôt que dans l'après-midi, mais on m'a répondu

19 que peut-être ce serait difficile puisque le témoin, peut-être, ne sera

20 pas arrivé à La Haye.

21 M. Koumjian (interprétation): C'est exact.

22 M. le Président (interprétation): Mais comment est-ce possible, si le

23 témoin BT14 va déposer demain et BT15 est le suivant, alors que cette

24 personne est déjà à La Haye?

25 M. Koumjian (interprétation): Si j'ai bien compris, Mme Richterova pense

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1 qu'elle va terminer ces deux témoins demain. Et si elle ne peut pas le

2 faire, dans ce cas-là, effectivement, nous aurons un problème puisque le

3 témoin suivant arrivera seulement vendredi, vendredi après-midi.

4 M. le Président (interprétation): Oui?

5 M. Koumjian (interprétation): Donc, en fait, ce témoin...

6 M. le Président (interprétation): Traitons de ces sujets au fur et à

7 mesure que la situation évoluera.

8 (Les Juges se consultent sur le siège.)

9 Voici notre ordonnance à l'égard de la demande du Procureur, la requête du

10 Procureur aux fins de procéder à un huis clos pour l'audience de ces deux

11 témoins.

12 Pour le moment, nous décidons que le premier témoin sera entendu à huis

13 clos, sous réserve de notre décision. A n'importe quel moment, nous

14 permettons de modifier cela et de repasser en audience publique, si nous

15 arrivons à la conclusion qu'il n'est pas justifié de demander un huis clos

16 pour le témoin. Et nous aurons la même approche pour le deuxième témoin,

17 mais nous allons annoncer notre décision finale ultérieurement, avant la

18 comparution de ce deuxième témoin.

19 Donc, pour le moment, nous acceptons la requête sous réserve d'arriver à

20 une décision différente.

21 Et puis, demain, nous allons également décider de la question de savoir si

22 nous pourrons bénéficier de ce prétoire vendredi matin. Et si c'est

23 possible, je préférerais siéger dans la matinée plutôt que dans l'après-

24 midi, si tout le monde est d'accord parce que sinon, nous allons siéger

25 dans l'après-midi. D'accord?

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1 M. Koumjian (interprétation): Mme Korner a demandé l'après-midi parce

2 qu'elle va rencontrer le témoin seulement vendredi dans la matinée.

3 M. le Président (interprétation): Mais il y a cinq minutes, vous avez dit

4 que Mme Richterova est en train de rencontrer BT15 maintenant?

5 M. Koumjian (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Mais vous parlez de quel témoin? Le

7 troisième?

8 Mais si vous pensez que nous aurons l'occasion d'entendre, d'ici vendredi

9 matin, le troisième témoin, dans ce cas-là, vous me donneriez une très

10 bonne nouvelle parce que ce sera la première fois que cet optimisme

11 devienne aussi réaliste. Je vois.

12 M. Koumjian (interprétation): Nous préférons nous occuper de ce témoin,

13 même si nous devons changer d'ordre.

14 M. le Président (interprétation): Je me souviens que, s'agissant de ce

15 témoin, nous nous sommes mis d'accord sur la date de sa comparution. Mais

16 j'ai l'impression que ce n'est pas la bonne date; je vais essayer de

17 trouver le document.

18 Entre-temps, peut-être qu'on pourrait introduire le témoin?

19 M. le Président (interprétation): Ma secrétaire avait écarté les listes

20 précédentes, pensant que nous n'avions plus besoin de cela.

21 Donc il y a le témoin 7.52: si mes souvenirs sont bons, Mme Korner nous a

22 dit que cette personne avait demandé ou bien il était prévu que cette

23 personne vienne à une date précise. C'était quelle date?

24 M. Koumjian (interprétation): Le 21, je pense, ce vendredi.

25 M. le Président (interprétation): D'accord, je vois. Dans ce cas-là,

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1 effectivement, je pense qu'il faudrait siéger dans l'après-midi, mais

2 vraiment je ne vois pas comment il serait possible de terminer les deux

3 autres témoins pendant la journée d'aujourd'hui et demain.

4 Oui, Maître Ackerman?

5 M. Ackerman (interprétation): Je souhaite simplement dire que le témoin

6 7.139, le témoin prochain, en ce qui concerne ce témoin, nous avions

7 accepté que l'on procède par le biais de l'Article 92bis et la défense

8 Talic souhaite le contre-interroger, mais nous n'aurons pas de questions.

9 M. le Président (interprétation): Mais je pense que Mme Fauveau n'avait

10 pas accepté cela?

11 M. Ackerman (interprétation): C'est exact.

12 M. le Président (interprétation): Oui, je me souviens aussi, peut-être que

13 je me trompe.

14 M. Ackerman (interprétation): Simplement, je vous dis que nous n'aurons

15 pas de question pour ce témoin; donc peut-être qu'effectivement, demain,

16 nous pourrons terminer les deux témoins.

17 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci, Maître Ackerman.

18 (Le témoin, M. Faik Biscevic, est introduit dans le prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Biscevic.

20 M. Biscevic (interprétation): Bonjour.

21 M. le Président (interprétation): J'espère que vos patients de votre

22 cabinet dentaire ne devront pas attendre autant que vous aujourd'hui. Ne

23 vous inquiétez pas, mais je vous dois encore une fois mes excuses.

24 Veuillez de nouveau lire la déclaration solennelle que vous avez déjà lue

25 hier et ensuite, nous pourrons poursuivre l'interrogatoire principal.

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1 M. Biscevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

4 M. Biscevic (interprétation): Je vous en prie.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nicholls, le témoin est à vous.

6 (Interrogatoire principal du témoin, M. Faik Biscevic, par M. Nicholls.)

7 M. Nicholls (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

8 Bonjour.

9 M. Biscevic (interprétation): Bonjour.

10 Question: Hier, à la fin de l'audience, nous venions de terminer de parler

11 de ce qui s'est passé à la radio à Magarice, avant que l'on vous amène au

12 bâtiment du MUP. Mais j'ai juste une question que je souhaite vous poser

13 pour clarifier ce que vous avez dit hier.

14 Vous avez parlé de la pratique selon laquelle on annonçait que les non-

15 Serbes devaient rendre toutes leurs armes et vous avez dit que,

16 normalement, c'était diffusé par la radio, que c'est ainsi que vous étiez

17 informés du fait que vous deviez rendre les armes, et vous avez donné

18 l'exemple de la manière dont vous avez entendu cela à la radio à Sanski

19 Most et que, par la suite, vous avez rendu votre fusil de chasse.

20 Voici ma question. Est-ce que vous savez quelles sont les autorités qui

21 ont diffusé cette information, qui ont émis ces ordres? Est-ce qu'il

22 s'agissait des autorités locales civiles ou militaires?

23 Réponse: La radio Sana diffusait les informations fournies par les

24 autorités civiles, au nom de l'armée. Puisque toutes les armes étaient

25 rendues au MUP, il y avait un département militaire là-bas. Donc le

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1 département militaire de Sanski Most s'y trouvait également; c'est là

2 qu'on rendait les armes.

3 Question: Merci. Nous allons maintenant parler de votre transfert au MUP,

4 qui a eu lieu approximativement le 29 mai 1992. Est-ce exact?

5 Réponse: Le 27.

6 Question: Et le MUP se trouve plus ou moins dans le centre-ville?

7 Réponse: Oui, c'est dans le centre. Le 27, j'ai été arrêté, mais vous avez

8 raison: c'est le 29 que j'ai été amené au MUP de Sanski Most. C'est vous

9 qui avez raison.

10 Question: Et lorsqu'on vous a amené au MUP, est-ce que vous avez pu voir

11 la situation qui régnait dans la ville de Sanski Most depuis la voiture

12 dans laquelle vous étiez?

13 Réponse: C'était au milieu de la nuit; il n'y avait pas d'électricité, la

14 ville était dans l'obscurité totale, donc il n'était pas possible de voir

15 quoi que ce soit.

16 Question: Très bien. Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivé au MUP?

17 Réponse: Après minuit?

18 Question: Ma question était de savoir ce qui s'est passé lorsque vous êtes

19 arrivé au MUP: qu'est-ce qui vous est arrivé vers minuit, lorsque vous

20 êtes arrivé au MUP?

21 Réponse: Lorsque je suis arrivé, ils m'ont placé dans la première cellule

22 dans laquelle se trouvait environ dix personnes déjà capturées. Et, par la

23 suite, j'ai appris qu'un certain nombre d'entre eux y avaient été depuis

24 deux ou trois jours. Il s'agissait de mes collègues, des citoyens de renom

25 qui ont tous été capturés chez eux et qui ont été placés dans la même

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1 cellule que moi; deux autres amis ont été dans une autre cellule, pas avec

2 moi, mais dans cette autre cellule, il y avait également d'autres

3 personnes, encore une fois des gens que je connaissais, des citoyens de

4 Sanski Most.

5 Question: Je souhaite vous poser la question de savoir qui étaient les

6 personnes dont vous parlez. Lorsque vous dites "ils m'ont placé dans une

7 cellule", de qui parlez-vous?

8 Réponse: Eh bien, ces trois soldats qui m'ont amené: ils m'ont pris par la

9 main, ils m'ont amené jusqu'au MUP, ils m'ont fait traverser la cour

10 jusqu'à la prison. C'est là qu'ils ont ouvert la porte, déverrouillé la

11 porte et qu'ils m'ont tout simplement poussé à l'intérieur.

12 Question: Très bien. Je souhaite maintenant vous montrer un certain nombre

13 de photographies et vous demander si vous reconnaissez ce qui y est

14 représenté.

15 Peut-être que Denise pourrait m'aider en plaçant la première photographie

16 sur le rétroprojecteur?

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Réponse: On ne voit pas très bien ici. Je suppose que c'est à cause de la

19 lumière qui tombe directement sur l'écran; donc on ne voit vraiment pas

20 bien l'image. Je ne vois que des contours.

21 (La lumière est baissée.)

22 Question: C'est un peu mieux.

23 Bien évidemment, il s'agit ici d'un couloir. Est-ce que vous pouvez nous

24 dire ce que représente ce couloir? Où il était?

25 Réponse: C'est le couloir qu'on prenait pour arriver vers les cellules et

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1 les toilettes qui se trouvaient au fond du couloir, à gauche.

2 Question: Est-ce que, sur cette photographie, il y a quoi que ce soit qui

3 diffère par rapport à vos souvenirs de cet endroit de l'année 1992,

4 lorsque vous y étiez?

5 Réponse: Je ne vois pas très bien sur cette photographie. Est-ce que je

6 peux me pencher sur l'original pour mieux voir?

7 Question: Oui.

8 Peut-on remettre cette photographie qui est sur le rétroprojecteur au

9 témoin?

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Réponse: A droite, en sortant dans le couloir, il y avait un tas de

12 papiers, papiers d'archives; on utilisait cela régulièrement puisqu'on

13 n'avait pas d'autres papiers. Les fumeurs, ils prenaient des feuilles, ils

14 trouvaient des feuilles et puis ils utilisaient ce papier pour rouler

15 leurs cigarettes. Maintenant, je ne vois pas ici ce tas de papiers.

16 Et en ce qui concerne cette porte vitrée, à l'époque, je pense qu'elle n'y

17 était pas. Maintenant, on voit une porte.

18 M. Nicholls (interprétation): Merci.

19 Peut-on remettre au témoin la deuxième photographie?

20 (Intervention de l'huissier.)

21 M. le Président (interprétation): Avant de remettre la deuxième

22 photographie au témoin, ceci aura quelle cote?

23 M. Nicholls (interprétation): P828.

24 M. le Président (interprétation): Pour le compte rendu d'audience,

25 j'indique que le témoin répondait aux questions relatives à ce qui vient

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1 d'être versé au dossier en tant que pièce à conviction P828.

2 M. Biscevic (interprétation): Est-ce que je peux parler?

3 En ce qui concerne cette deuxième photographie, je pense que plus

4 probablement, c'était ma cellule. La porte était en fer, comme chez moi,

5 et ce qui est différent, ce sont les matelas qu'on voit ici parce que,

6 dans le temps, il n'y avait que des planches sur lesquelles il était

7 possible de s'allonger.

8 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Zecevic?

9 M. Zecevic (interprétation): Nous aimerions voir ce dont le témoin est en

10 train de parler. Il existe un autre exemplaire qui pourrait être remis au

11 témoin, et nous aimerions vraiment pouvoir suivre ce dont le témoin parle.

12 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez tout à fait raison.

13 Effectivement, on peut voir très peu sur l'écran. Moi-même, j'ai du mal à

14 voir et je suppose que le témoin a raison. Peut-être est-ce un problème

15 provoqué par la lumière trop forte. Si l'on baisse la lumière, peut-être

16 verra-t-on mieux?

17 (La lumière est baissée dans le prétoire.)

18 Effectivement, on voit mieux maintenant.

19 Bien sûr, tout le monde a le droit de voir la photographie pendant que le

20 témoin en parle et surtout, bien sûr, les accusés eux-mêmes.

21 Oui, excusez-nous, Monsieur, de cette interruption. Poursuivez.

22 M. Biscevic (interprétation): Je vois maintenant qu'il y a deux lits dans

23 cette pièce, séparés avec des couvertures. A l'époque, pendant qu'on y

24 était enfermés, ce n'était pas le cas. Il y avait simplement une partie un

25 peu plus élevée par rapport au sol, élevée de quelques centimètres;

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1 c'était ladite première cellule dans laquelle j'étais détenu. Il n'y avait

2 pas de serrure, il n'y avait pas de poignée dans cette cellule, mais on

3 plaçait la poignée seulement au moment où on déverrouillait la porte. Et

4 puisque la serrure ne fonctionnait pas, à chaque fois, on devait se lever

5 et pousser la porte de l'intérieur pour que l'on puisse ouvrir la porte et

6 ensuite le garde venait. La porte était toujours fermée à clef, et

7 parfois, la... En fait, il faut savoir que pratiquement c'était une pièce

8 qui était hermétiquement fermée.

9 La fenêtre était de 40 sur 60 centimètres. Il y a deux types de serrure

10 pour ne pas permettre à qui que ce soit d'entrer ou de sortir du bâtiment.

11 Et depuis l'intérieur, il y avait une sorte de tôle qui couvrait les trous

12 d'un diamètre d'environ 4 millimètres, mais ces trous étaient très petits;

13 nous étions entre 16 et 20 dans cette pièce parfois, donc, il n'y avait

14 pas suffisamment d'air. Il faisait très chaud, il n'y avait pas d'air et

15 les dimensions de la pièce étaient d'environ 2,5 mètres sur 4 ou 5 mètres.

16 Donc il n'y avait pas suffisamment de place pour tout le monde pour que

17 l'on puisse s'asseoir et il était inimaginable de s'allonger. En plus, on

18 ne pouvait pas se déplacer parce que si les gardes entendaient que quelque

19 chose se passait, la police entrait tout de suite pour nous battre.

20 Et je souhaite ajouter encore quelque chose: la pièce était très petite et

21 très chaude, et on y passait la nuit. Mais il était tellement chaud que

22 nous respirions à flot, que le sol était en fait complètement mouillé à

23 cause notre transpiration. Donc, ceux qui dormaient à un endroit un peu

24 plus élevé avaient un peu plus de chance et les autres, ils étaient

25 carrément dans l'eau ou dans la sueur accumulée.

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1 M. Koumjian (interprétation): Merci. Nous allons parler des conditions de

2 vie plus tard, mais pour le moment, je souhaite simplement vous montrer

3 ces photographies et vous demander de dire aux Juges quelle est la

4 différence entre ces photographies et la situation telle qu'elle prévalait

5 en 1992, d'après vos souvenirs. Et je pense que vous avez expliqué la

6 différence au niveau de la serrure et des lits qui ne se trouvaient pas

7 dans la pièce.

8 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce sera la pièce P829?

9 M. Nicholls (interprétation): Oui.

10 M. le Président (interprétation): D'accord. Pour le compte rendu

11 d'audience, j'indique que le témoin répondait aux questions concernant le

12 document P829.

13 M. Nicholls (interprétation): Peut-on maintenant montrer au témoin la

14 troisième photographie? Est-ce que l'on peut placer cela sur le

15 rétroprojecteur aussi?

16 (Intervention de l'huissier.)

17 M. le Président (interprétation): Ce document sera la pièce à conviction

18 P830.

19 M. Nicholls (interprétation): Oui.

20 M. Biscevic (interprétation): C'est ma cellule vue de l'intérieur. On y

21 voit un radiateur qui s'y trouvait, et puis également la porte d'entrée.

22 M. Nicholls (interprétation): Donc nous voyons ici la pièce, prise du fond

23 de la pièce, si la personne a le dos tourné vers le mur où se trouve la

24 fenêtre. Est-ce exact?

25 M. Biscevic (interprétation): Oui, c'est exact.

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1 Question: Concernant les dimensions de la cellule, sur la base des

2 dimensions de la porte et du radiateur, est-ce que vous diriez qu'il

3 s'agit des mêmes dimensions que ce dont vous vous souvenez depuis 1992?

4 Réponse: Je le pense.

5 Question: Ce sera la pièce P830 et puis, il y aura encore une

6 photographie. La photographie suivante sera P831.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Est-ce que vous êtes prêt à regarder cette photographie? Est-ce que vous

9 pouvez me dire si vous la reconnaissez et la décrire?

10 Réponse: Oui, c'est assez clair, ici. Vous pouvez voir que c'est une

11 feuille de métal qui a été utilisée pour couvrir la fenêtre; c'est de 60

12 sur 40 centimètres. Vous pouvez voir les trous que quelqu'un avait forés.

13 Le diamètre de ces trous était de 4 millimètres; c'était notre seule

14 source d'air et de lumière puisqu'il n'y avait pas d'autres fenêtres. Tout

15 ce que nous avions, c'était cette feuille de métal.

16 Question: Et cette feuille de métal est la même, ou elle ressemble à celle

17 que vous aviez sur la fenêtre en 1992?

18 Réponse: Oui, c'est à peu près comme cela; c'est probablement la même.

19 Question: Merci. La dernière photographie.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Donc, ce serait la pièce P831.

22 Merci. Maintenant, j'aimerais revenir en arrière et que vous nous donniez

23 en détail ce que vous aviez commencé à nous raconter avant que nous

24 n'ayons vu la cellule n°1. Lorsque vous êtes arrivé et que vous avez été

25 placé par les gardes dans cette cellule, combien d'hommes étaient avec

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1 vous dans cette cellule au cours de la première nuit?

2 Réponse: Sept ou huit hommes, je pense. J'ai été amené seul; les deux

3 autres ont été emmenés dans une autre cellule. Je ne sais pas combien

4 d'autres personnes étaient dans l'autre cellule. Nous, on était sept ou

5 huit dans la mienne.

6 Question: Et cette première nuit où vous êtes arrivé, est-ce qu'on vous

7 maltraité ou battu quand vous êtes arrivé au MUP?

8 Réponse: Quand je suis arrivé, j'avais déjà été battu et j'étais

9 pratiquement inconscient. Et la seule chose qui comptait pour moi à

10 l'époque, c'est que lorsqu'ils ont vu de quoi j'avais l'air quand je suis

11 arrivé, ils m'ont donné de l'espace pour que je puisse me coucher. Donc,

12 j'ai eu la chance de pouvoir me coucher sur cette planche, et les autres

13 ont dû rester assis. Quand ils ont vu mon dos et dans quel état j'étais,

14 c'est comme ça qu'ils m'ont traité, pour que je puisse me coucher.

15 Question: Est-ce que vous connaissiez les hommes qui étaient avec vous

16 dans la cellule?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Qui étaient-ce? De quel genre de personnes s'agissait-il?

19 Réponse: Des gens de Sanski Most, des citoyens distingués, des personnes

20 éduquées, des hommes d'affaires, des gens à l'aise. En fait, ils n'étaient

21 pas tous actifs dans les partis politiques. Certains d'entre nous

22 travaillaient, mais il y en avait d'autres mais d'autres qui

23 n'appartenaient à aucun parti. Et il y avait également un catholique que

24 je ne connaissais pas auparavant; il était directeur de banque et il avait

25 été licencié et emmené directement dans la cellule.

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1 Question: Corrigez-moi si je me trompe, mais vous êtes resté dans cette

2 cellule n°1 pendant trois mois environ, 95 jours?

3 Réponse: 95 jours.

4 Question: Il y avait… Vous avez dit qu'il y avait sept hommes dans la

5 cellule quand vous êtes arrivé. Est-ce que ce nombre est resté constant?

6 Quel était le plus grand nombre de gens présents dans la cellule au cours

7 de ces 95 jours?

8 Réponse: Eh bien, normalement, pratiquement tous les jours, les gens

9 étaient amenés, interrogés et, vraisemblablement, emmenés à Betonirka,

10 Krings ou à la salle de sport, parce qu'il y avait plus de place là-bas.

11 Et les gens qui avaient été interrogés ne revenaient pas dans notre

12 cellule. Certains restaient plusieurs jours, d'autres restaient plus

13 longtemps, mais les cinq… Nous étions à cinq tout le temps dans la

14 cellule, depuis le premier jour.

15 Question: Et vous rappelez-vous des noms des cinq personnes qui étaient

16 dans cette cellule dont vous parlez?

17 Réponse: Oui, il y avait moi-même, Kurbegovic Redzo, Sabic Suad, Zikrija

18 Batic et Faruk Botonjic. Redzo était ingénieur civil; moi, j'étais

19 dentiste; Sabic Suad était un Procureur, M. Batic et M. Botonjic étaient

20 dans le MUP; ils étaient policiers et avaient été licenciés.

21 Question: Quel était le nombre de personnes le plus important? Je

22 comprends qu'ils entraient et sortaient tout le temps, certains venaient à

23 titre transitoire.

24 Réponse: A un moment donné, nous étions 20. Donc nous étions les uns sur

25 les autres parce que cette pièce était de 8 ou 9 mètres carrés et ne

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1 pouvait pas contenir les 20 personnes. Les gens qui y étaient amenés

2 avaient tous été battus: donc ces gens venaient d'être battus, ils doivent

3 être debout sur une jambe ou s'asseoir. En fait, ça ne les intéressait

4 pas; ils étaient simplement heureux d'être quelque part où on ne les

5 battait pas, ils étaient contents de ne plus être torturés.

6 Question: A-t-on apporté des soins médicaux à ces gens qui avaient été

7 battus, ou vous-même pendant que vous étiez là? Est-ce que quelqu'un a été

8 traité par un docteur pendant que vous étiez prisonnier?

9 Réponse: Ils ne se servaient que de bâtons, là, et personne n'a reçu de

10 traitement militaire. Personnellement, j'ai essayé d'aider. Au début, il y

11 avait un infirmier également dans la salle, il a essayé d'aider, mais il a

12 été transféré ailleurs. Il était infirmier, donc il a aidé des gens dans

13 la deuxième cellule et moi dans la première. Nous devions tout faire, tout

14 ce que nous pouvions avec nos doigts et l'eau que nous avions à notre

15 disposition.

16 Question: Dites-nous le genre de toilettes et d'installations que vous

17 aviez pour les toilettes et les douches, pendant que vous étiez là,

18 pendant ces trois mois.

19 Réponse: Quand nous sommes arrivés dans les cellules, la première chose

20 qu'on m'a ordonné à moi et à Redzo Kurbegovic, c'est de nettoyer deux

21 toilettes qui étaient au bout, derrière ces trois cellules. Je suppose

22 qu'ils s'étaient servis de ces toilettes, peut-être certains prisonniers

23 s'en étaient servis, je ne sais pas, mais les toilettes étaient bouchées

24 et il y avait peut-être 50 centimètres d'excréments et de papiers dans ces

25 toilettes. Il était difficile d'ouvrir la porte pour y pénétrer. Ils nous

Page 7064

1 ont forcés à les nettoyer à mains nues et de nettoyer également les

2 tuyauteries pour qu'on puisse se servir des toilettes. C'est ça que nous

3 avons dû faire le premier jour.

4 Ensuite, nous étions contents d'avoir pu le faire de sorte de pouvoir se

5 servir des toilettes, en fait. Le matin, on nous donnait cinq minutes au

6 moment des déjeuners pour nous servir des toilettes et cinq minutes

7 également le soir.

8 Question: Il est assez clair sur ces photos qu'il n'y avait pas de

9 toilettes ou d'eau courante dans les cellules pour vous. Est-ce exact?

10 Réponse: Il n'y avait rien dans les cellules. Il y avait un petit lavabo,

11 un petit robinet devant ce lavabo, mais, pour l'eau, je suppose que

12 c'était une pompe qui marchait à l'électricité. Et puisque la pompe ne

13 marchait pas, nous ne pouvions pas nous servir de ce lavabo ni de ce

14 robinet, pratiquement jamais. Dans la salle où nous étions, il n'y avait

15 rien d'autre. Ils n'ouvraient la porte que cinq minutes le matin et cinq

16 minutes le soir, pour que nous puissions aller déjeuner, dîner et nous

17 servir des toilettes. Et entre-temps, nous nous débrouillions en nous

18 servant de récipients qui avaient contenu du jus, des conteneurs d'un

19 litre; nous nous servions également de nos sous-vêtements, de nos

20 chemises. Il y avait beaucoup de gens qui avaient la diarrhée, donc ils se

21 servaient de leurs vêtements et des serviettes pour la toilette.

22 Question: Et dites-moi combien de fois vous avez pu vous laver, prendre

23 une douche ou vous baigner dans ces conditions?

24 Réponse: Pendant 62 jours, nous n'avons pas changé de sous-vêtements ou de

25 vêtements. Et le 62e jour, un garde serbe qui, comme je l'ai appris plus

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1 tard, était un ingénieur agricole, est venu un matin. Il a ouvert la

2 cellule parce que, normalement, c'est lui qui apportait la nourriture. Il

3 nous a alignés, il a pris un autre soldat pour nous escorter. Nous avons

4 traversé la cour et là, il y avait un terrain de football, de l'autre côté

5 de la prison; il y avait là des cabines de douche pour les joueurs de

6 football. Le 62e jour, on nous a permis de nous y rendre et de nous laver.

7 Nous avons eu trois minutes pour nous laver et laver nos vêtements.

8 Nous étions vraiment très heureux de le faire. Evidemment, nous nous

9 sommes lavés à la main, sans aucun savon et, ensuite, nous sommes rentrés

10 avec des vêtements mouillés, mais très heureux d'avoir pris une douche

11 après 62 jours. Une fois encore, au cours de ces 95 jours

12 d'emprisonnement, nous avons été emmenés pour prendre une douche.

13 Question: Pouvez-vous nous dire comment vous avez pu compter le nombre de

14 jours où vous y étiez, savoir comment vous étiez le 62e jour?

15 Réponse: La tôle qui était sur la fenêtre contenait des trous, comme je

16 vous l'ai dit. Donc, au cours des premiers jours, nous espérions pouvoir

17 être libérés. Ensuite, nous avons commencé à compter entre nous si on

18 était le neuvième ou le dixième jour. Et j'ai eu l'idée de prendre un bout

19 de papier et de commencer à remplir les trous de la tôle; donc nous

20 déplacions ce bout de papier tous les jours vers un trou différent. C'est

21 ainsi que nous avons pu compter les jours.

22 J'aimerais ajouter autre chose. Au début surtout, dans la première, la

23 deuxième et la troisième cellule, il était très difficile de se servir des

24 toilettes parce qu'ils nous disaient: "La troisième cellule a trois

25 minutes pour se servir des toilettes et prendre le petit déjeuner". Donc

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1 il fallait courir. Un garde est venu, il a pris deux hommes de notre

2 cellule, il les a emmenés derrière l'endroit où nous mangions. Là,

3 derrière, il y avait une pièce derrière laquelle il y avait environ 1,5

4 mètre entre ce mur et le bâtiment de Betonirka. Il nous a dit de creuser

5 un trou d'un mètre de large. Ils ont placé deux planches, et c'était donc

6 une toilette de fortune dont nous nous sommes servis parce que l'autre

7 toilette était très encombrée par tout le monde.

8 Question: Et dans ce petit espace avec autant de gens, comment pouviez-

9 vous dormir la nuit? Comment est-ce que vous vous y preniez pour dormir?

10 Réponse: On ne pouvait pas dormir, là. Pendant la journée et le reste du

11 temps également, nous étions simplement assis tranquillement. Il fallait

12 nous tenir très serrés, avec nos jambes très proches de notre corps, les

13 uns à côté des autres, et faire la sieste si nous le pouvions. Au cours de

14 24 heures, des gens dormaient pendant la journée, d'autres pendant la

15 nuit, mais il n'y avait pas de schéma typique pour dormir. En fait, on se

16 débrouillait en position assise.

17 Donc, quand nous sommes arrivés à Manjaca après 95 jours, nous étions

18 pratiquement handicapés -j'avais perdu 32 kilos au cours de ces 95 jours-,

19 et j'étais simplement heureux de pouvoir m'étirer.

20 Question: Et lorsque vous partiez, quand vous alliez aux toilettes, au

21 moment où vous alliez prendre une douche, est-ce que vous pouviez prendre

22 de l'exercice, à un moment ou l'autre? Est-ce que vous pouviez vous

23 dégourdir les jambes?

24 Réponse: Seulement si le garde appelait l'un d'entre nous. Les soldats

25 étaient là, les soldats mangeaient dans la cantine et normalement, on nous

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1 amenait à la cantine pour la nettoyer. Donc, c'était la seule possibilité

2 pour nous de prendre un peu d'exercice. A part cela, non, nous ne

3 quittions jamais la cellule.

4 Question: Et pourriez-vous me dire quelle était la qualité de l'air et la

5 température dans cette cellule au cours de ces mois d'été à Sanski Most,

6 pendant que vous étiez prisonnier?

7 Réponse: Nous avons été emprisonnés fin mai et en août, le 27 août, nous

8 avons quitté cet endroit.

9 En Bosnie, juin, juillet et août sont des mois d'été, avec une véritable

10 chaleur d'été, avec des températures au-dessus de 30 degrés. Donc, c'était

11 étouffant, humide; il pleut très rarement. Et donc, ces cellules dans

12 lesquelles nous étions sentaient vraiment mauvais.

13 Le matin, lorsque les gardes venaient pour ouvrir les cellules,

14 d'habitude, ils devaient tenir un mouchoir sur leur nez. Et pendant que

15 nous mangions, la porte restait ouverte pendant trois à cinq minutes, et

16 c'était vraiment une chance parce que c'est le seul moment où on pouvait…,

17 où il y avait de l'air frais dans cette salle. Et le reste du temps, nous

18 étions enfermés.

19 Question: Et quel genre de nourriture vous donnait-on le matin et le soir,

20 pendant que vous étiez là?

21 Réponse: Le matin, au début, quand la guerre a été déclarée et qu'ils nous

22 ont mis là, les soldats mangeaient sur place. Donc, il y avait plus de

23 nourriture et il restait beaucoup de restes pour nous après que les

24 soldats aient mangé. Par la suite, il devenait habituel de couper un pain

25 en un grand nombre de morceaux, et chacun d'entre nous recevait une

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1 tranche de pain et quelque chose à boire; la taille de la tranche

2 dépendait du nombre de personnes présentes et en combien de morceaux on

3 coupait le pain.

4 Pour notre deuxième repas, nous avions ce qui restait et, là encore, une

5 tranche de pain.

6 Question: Vous avez dit que vous aviez perdu 30 kilos environ pendant que

7 vous étiez en prison, pendant que vous étiez là?

8 Réponse: 32 kilos.

9 Question: Pendant que vous étiez dans la cellule, est-ce que vous et les

10 prisonniers que vous connaissiez de Sanski Most aviez le droit de parler

11 entre vous? Est-ce que vous aviez le droit de faire quelque chose pour

12 faire passer le temps?

13 Réponse: Quand nous allions aux toilettes, nous voyions cette fenêtre de

14 ce côté-là, et nous passions devant. Et nous pouvions voir qu'il y avait

15 toujours une chaise sous la fenêtre; il y avait toujours quelqu'un, là,

16 qui était debout et qui écoutait ce que nous disions. Donc, si nous avions

17 une conversation entre nous, il fallait parler très doucement pour qu'on

18 ne puisse rien entendre. En une occasion, il y a eu des soldats serbes qui

19 ont fait exploser une bombe. Il était assez grossier. Il cognait contre la

20 porte, il demandait à être libéré et ils l'ont battu, tant qu'il parlait

21 et tant qu'il continuait à parler. Alors, nous n'osions plus rien dire et

22 nous n'osions plus faire de bruit.

23 Question: Dites-moi: quand est-ce que vous avez été battu pour la première

24 fois au MUP? Vous avez dit que vous aviez été battu avant d'arriver.

25 Réponse: Etant donné que j'avais déjà été battu en arrivant, j'avais du

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1 sang dans mon urine et je n'allais pas bien du tout, je n'ai pas été

2 battu. Je n'étais pas battu pendant les quelques premiers jours, les

3 autres non plus. Nous étions simplement là, prisonniers. Ils nous

4 nourrissaient, etc.

5 Le deuxième jour, ils m'ont appelé, ainsi que Kurbegovic, Ferid Burnic,

6 Hase Osmancevic; ils nous ont pris au bâtiment du MUP. J'ai été emmené en

7 haut, je crois, au n°32. Je suis arrivé à 11 heures du matin, j'y suis

8 resté jusqu'à 6 heures du soir; ils m'ont interrogé, là-bas.

9 M. Nicholls (interprétation): Est-ce que vous pouvez me dire rapidement ce

10 que vous voulez dire par "interroger" et ce qui vous est arrivé dans cette

11 salle?

12 M. Biscevic (interprétation): Lorsque je suis entré dans cette salle, près

13 de la porte, il y avait une chaise. Ils m'ont dit de m'asseoir.

14 M. le Président (interprétation): Au lieu de dire "ils", si vous savez de

15 qui il s'agit, est-ce que vous pouvez donner leurs noms, pour éviter

16 d'autres questions par la suite? Merci.

17 Donc, combien d'entre eux y avait-il? Est-ce que vous connaissez leurs

18 noms? Est-ce qu'il s'agissait de policiers? Allez-y.

19 M. Biscevic (interprétation): Eh bien, à cette occasion, il y avait des

20 officiers professionnels que je connaissais; ils travaillaient au MUP. Ils

21 étaient enquêteurs, en temps de paix. Dosenovic Mima était chef de

22 secteur, Mima Dosenovic était donc le chef. Stojinovic, je crois, c'était

23 son prénom, Darinko, c'est lui qui prenait des notes; il était assis de

24 l'autre côté de la table.

25 Rajkica Stanic était juge à Sanski Most. Depuis que les Serbes avaient

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1 pris le pouvoir, il portait un uniforme militaire et il servait de

2 coordinateur; il transportait des documents d'une salle à l'autre, il

3 coordonnait les travaux. Il y avait également deux soldats, dont je ne

4 connais pas le nom, qui battaient les gens.

5 D'habitude, ça se passait comme ça: il y avait Mima qui commençait

6 l'interrogatoire, je devais m'asseoir sur une chaise, je ne pouvais pas me

7 déplacer ou me lever. Il faisait l'interrogatoire, il battait les gens

8 avec les mains et avec les pieds. Une fois qu'il devenait fatigué, après

9 une heure et demie, il partait, il quittait la salle, et entre-temps,

10 Rajkica entrait et ils parlaient entre eux. Donc, quand Mima était

11 fatigué, après, les deux soldats venaient avec des bâtons. Ils ne nous

12 interrogeaient pas, ils ne nous disaient rien à ce moment-là, ils nous

13 battaient simplement.

14 Au début, lorsqu'il y avait Mirzet Karabeg et Burnic Ferid, ils

15 venaient... Enfin, ils ont été amenés. Ils étaient face au mur. On ne leur

16 permettait pas de me regarder, on leur demandait simplement de confirmer

17 certaines choses dont j'étais accusé. Naturellement, ils ont tout confirmé

18 lorsqu'on leur demandait.

19 Question: Donc vous étiez battu par des officiers de police en civil avant

20 ce conflit? Enfin, des gens qui étaient civils avant le conflit, et

21 également par des soldats, est-ce exact?

22 Réponse: Oui. Ils prenaient chacun leur tour, les officiers, les

23 policiers. Et il y a des soldats qui venaient, qui ne nous interrogeaient

24 pas et qui nous battaient. Lorsque les soldats sortaient, Mima revenait

25 continuer son interrogatoire.

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1 Question: Brièvement, quel genre de questions posait-il? Donc les gens à

2 qui on a demandé de confirmer ce que vous aviez dit, en fait, qu'est-ce

3 que ces interrogateurs voulaient obtenir comme informations?

4 Réponse: Ils voulaient que j'avoue que j'étais coupable de tout ce qui se

5 passait, que tout était de ma faute. Ils voulaient que j'avoue que j'avais

6 armé des Musulmans. Ils voulaient que j'avoue que j'avais des armes. J'ai

7 tout nié. Ensuite, Mima qui m'interrogeait a insulté ma mère. Et puis il

8 m'a dit: "Bon. Eh bien, tout le monde vous accuse. Et d'après vous, vous

9 êtes innocents". Il avait cinq balles de différents calibres et il m'a

10 demandé quelle balle il devait utiliser pour me tuer. Je lui ai dit: "Eh

11 bien, la plus grosse".

12 A la fin, il y avait un photographe à qui j'avais emprunté de l'argent et

13 que je n'avais pas rendu à la fin. Ce photographe a parlé dans les cafés,

14 il a dit que je n'avais pas rendu l'argent. Alors, je suppose que c'était

15 un informateur de Mima. Mima a dit: "Bon, vous avez emprunté de l'argent à

16 des gens". J'ai dit: "Bon, eh bien, appelez cet homme-là et faites-lui

17 dire que j'ai emprunté de l'argent pour pouvoir acheter des armes".

18 En fait, c'est tout ce qu'il voulait. Une fois qu'il se fatiguait, il

19 partait et les soldats entraient. Et s'ils n'étaient pas satisfaits de la

20 façon dont j'avais été battu, ils me mettaient les jambes sous la chaise

21 pour que je ne puisse plus bouger et ils me battaient partout, sous la

22 plante des pieds. Je n'ai plus pu marcher pendant 20 jours. J'avais

23 également du sang dans les urines pendant plus d'un mois parce que j'avais

24 été battu partout. J'ai été battu de 11 heures à 6 heures.

25 Question: Vous venez de décrire ces passages à tabac. Combien de fois

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1 environ avez-vous été battu pendant que vous étiez prisonnier au MUP?

2 Réponse: Ce jour-là, nous avons terminé à 6 heures du soir, et il a dit:

3 "Nous continuerons nos conversations le lendemain. Mais, étrangement,

4 lorsque je suis arrivé le lendemain matin, il ne m'a pas battu du tout; il

5 m'a demandé de signer un document que j'ai signé sans lire. Ensuite, je

6 n'ai jamais vraiment été battu aussi fort que le premier jour parce que

7 lors de ce premier interrogatoire, il voulait simplement me briser, il

8 voulait que je signe tout ce qu'il voulait que je signe. Et on faisait ce

9 qu'on nous disait de faire parce c'était ce qu'il y avait de plus facile.

10 Ensuite, étant donné qu'il n'y avait que les dirigeants civils dans notre

11 cellule, et nous étions cinq dans la première cellule, six dans la seconde

12 et trois dans la troisième, nous avons reçu ce qu'ils appelaient "un

13 traitement spécial". Et on nous gardait pendant huit heures. En fait, ce

14 traitement spécial revenait au fait que personne d'autre ne pouvait entrer

15 dans nos cellules, sauf ces gardes.

16 Ces locaux se trouvaient dans la zone où il y avait des soldats et des

17 policiers. En permanence, les soldats entraient à n'importe quelle heure;

18 ils tiraient s'ils le voulaient, enfin, ils faisaient tout ce qu'ils

19 voulaient. Et donc parfois, si un garde le souhaitait, après les heures de

20 travail, après 2 heures de l'après-midi, il pouvait remettre les clefs de

21 notre cellule à des soldats pour que les soldats puissent entrer et faire

22 ce qu'ils voulaient. Et ça, ça se passait tous les jours, en dépit du fait

23 que nous étions –comme ils l'ont dit- des gens qui méritaient un

24 traitement particulier. Tout le monde pouvait entrer et nous battre, s'ils

25 le voulaient.

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1 Question: Avez-vous été condamné pour des peines pénales durant cette

2 période?

3 Réponse: Tout d'abord, ils nous ont menacés et ils nous ont accusés en

4 disant que les Musulmans et les Croates nous traduiraient en justice. Et

5 puis, ensuite, ils ont dit que nous ferions l'objet de procédures

6 officielles. Et ensuite, jusqu'à Manjaca, rien ne s'est passé de ce type;

7 nous n'avons pas fait l'objet de procédures juridiques. Nous avons été

8 emmenés à Manjaca.

9 Question: Est-ce que vous avez rencontré les représentants de la Croix-

10 Rouge lorsque vous étiez détenus?

11 Réponse: En juillet, le garde qui nous avait incarcérés nous a dit qu'on

12 devait prendre nos affaires et nous a dit que l'on ne devait pas fermer la

13 porte, que l'on devait savoir, qu'on devait également balayer la pièce,

14 qu'on devait mettre tout ceci en ordre. On était surpris, tout d'abord

15 parce que pour la première fois, ce jour-là, nous avions la possibilité de

16 nous voir, toutes les personnes qui étaient là.

17 Car en fait, le principe était le suivant: on sortait, on mangeait

18 rapidement, on buvait rapidement et puis on revenait, et la porte de notre

19 cellule était fermée. Et une autre porte d'une autre cellule se rouvrait

20 de façon à ce que l'on ne puisse pas se voir et qu'on ne puisse pas

21 organiser quoi que ce soit. Donc, c'est la première fois que nous avions

22 la possibilité de nous rendre dans la cour.

23 Nous étions assis pendant environ une heure, et un représentant de la

24 Croix-Rouge est arrivé; je crois qu'il était français, il était accompagné

25 d'un interprète. Il est venu avec des registres et il a inscrit nos noms

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1 sur ce registre et nous a dit que nous avions donc été inscrits au niveau

2 de la Croix-Rouge et il nous a donné la possibilité de contacter nos

3 familles.

4 Nous avons pu avoir un papier et pu écrire un message, un message d'un

5 maximum de dix mots. Il a parlé à chaque personne, à toutes les personnes

6 qui étaient détenues dans cette cellule; il nous a demandé d'où on venait,

7 quels étaient les chefs d'accusation retenus contre nous. Nous avons été

8 en mesure de parler pendant 30 secondes ou une minute à ce représentant.

9 Question: Est-ce que les conditions de détention se sont améliorées après

10 cette visite?

11 Réponse: Non. Non, non. Lorsqu'il est reparti, tout est revenu comme

12 avant.

13 Question: Est-ce qu'à un moment donné, vous avez eu la possibilité de

14 revoir la visite d'amis, de membres de votre famille ou d'autres

15 personnes?

16 Réponse: Un peu plus tard, peut-être vers la fin du mois de juillet, ou en

17 août, ils nous ont permis ces visites, car étant donné qu'il n'y avait pas

18 beaucoup de nourriture pour les soldats, étant donné que nous n'avions

19 quasiment rien pour le repas du déjeuner, ils nous ont permis, les

20 samedis, d'avoir des visites durant la matinée. Etant donné que je n'avais

21 personne, à part un cousin et la petite amie de mon fils, ils sont venus

22 me rendre visite les samedis; c'était quelques samedis avant qu'on ne soit

23 emmenés à Manjaca.

24 Question: Avant de continuer, est-ce que quelqu'un de particulier a été

25 identifié pour des passages à tabac encore plus graves ou des coups encore

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1 plus graves? Est-ce que quelqu'un a été identifié pour des punitions plus

2 "spéciales" encore?

3 Réponse: Je vais le répéter: du 25 au 27, vous aviez les leaders, les

4 dirigeants des partis qui avaient été sortis de leurs maisons et qui

5 avaient ensuite incarcérés. La seule personne qui n'avait pas été

6 incarcérée était le secrétaire du Parti, Emir Seferovic.

7 Un mois et demi plus tard, lorsque nous nous sommes levés et que nous

8 sommes allés au déjeuner, je crois que Suad Sabic avait son blouson en

9 cuir qui était dans la cour; il nous a dit qu'ils avaient été capturés et

10 qu'ils avaient fait rentrer Emir Seferovic; c'était un des hommes

11 d'église.

12 Tous les jours, après le déjeuner, il y avait des passages à tabac. Au

13 moment de la soirée, en plus des passages à tabac que nous, nous

14 subissions, ils les battaient, mais pas seulement toutes les soirées,

15 également le matin étant donné que les deux étaient seuls dans la cellule.

16 Ils les sortaient de manière séparée pour qu'ils puissent manger.

17 Lorsqu'ils revenaient après le repas, quatre ou cinq étaient mis dans la

18 cellule et vous entendiez les cris, les gémissements. Et puis, les

19 tortionnaires rigolaient, leur disaient ce qu'ils avaient fait, comment

20 ils les avaient battus. Ceci se passait de manière régulière: ces deux

21 prisonniers étaient battus de manière journalière.

22 Question: Vous avez utilisé le nom de Kamber, également le nom de Hasib,

23 mais il s'agit de la même personne?

24 Réponse: Oui. Hasib Kamber est la même personne et puis, vous avez

25 également Emir Seferovic, qui est également une autre personne. Je

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1 voudrais également vous rappeler que ces soldats, lorsqu'ils partaient,

2 vous aviez en fait une nouvelle équipe de roulement et, après 25 jours, il

3 y avait un retour du front: après le retour du front, ils se rendaient

4 dans l'aire de jeux qui était à côté du bâtiment où nous étions détenus et

5 ils étaient alignés. Monsieur Basara donnait un discours.

6 Ceci se passait tout le temps. Je ne sais pas si M. Talic était là, mais

7 il y avait des officiers qui étaient là. Ils encourageaient leurs soldats.

8 C'était relativement difficile, car ils ouvraient le feu; il n'y avait

9 vraiment aucune limite. Et une fois que les officiers avaient prononcé

10 leur discours, ils quittaient cette aire de jeux et vous aviez des hommes

11 qui restaient dans cette aire de jeux, qui se saoulaient, qui allaient

12 dans la cour de la prison, qui obtenaient les clefs de l'officier de

13 permanence et pouvaient faire ce qu'ils voulaient pendant le temps qu'ils

14 souhaitaient. C'est quelque chose qui se passait de manière régulière

15 lorsque les soldats revenaient du front.

16 Question: Une dernière question à ce sujet. Savez-vous qui était la

17 personne responsable du MUP? Qui dirigeait le MUP à l'époque où vous étiez

18 détenu?

19 Réponse: Vous parlez des premiers jours? Il s'agissait de Drago Vrucinic,

20 qui était responsable donc au début, et puis Mico Krunic était responsable

21 pour Betonirka, mais je ne sais pas qui étaient les autres responsables.

22 Question: Quand avez-vous quitté le bâtiment du MUP? Quand êtes-vous sorti

23 de ce bâtiment?

24 Réponse: Le 26 avril.

25 Question: Je ne sais pas s'il y a un problème de traduction, mais ce que

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1 je vous demande… C'est que vous êtes arrivé autour du 28 ou 29 mai et je

2 vous demande: quand est-ce que vous avez quitté le MUP après ces 95 jours

3 où vous avez été incarcéré? Quand avez-vous été transféré?

4 Réponse: 95 jours. Nous étions présents pendant 95 jours.

5 Question: Après ces 95 jours, que s'est-il passé? Où êtes-vous allé?

6 Réponse: Comme tous les matins, nous prenions notre petit déjeuner, nous

7 allions aux toilettes et puis, nous retournions dans notre cellule. Vers

8 11 heures, nous avons entendu parler les gardes de quelque chose; nous

9 pouvions les entendre dans la cour.

10 Les portes de nos cellules étaient ouvertes; le garde de permanence est

11 arrivé et nous a dit: "Ramassez vos affaires et sortez". La même chose

12 s'est passée dans les autres cellules et nous avons entendu Kamber et

13 Seferovic dire que nous, nous restions et que les autres partaient.

14 Lorsque nous sommes sortis, ils nous ont fait nous aligner et nous avons

15 vu qu'un bus était arrivé dans la cour et qui attendait. La porte était

16 ouverte. Ils nous ont dit: "Entrez dans le bus".

17 M. Nicholls (interprétation): Je ne sais pas quand est-ce que la pause va

18 être faite?

19 M. le Président (interprétation): Si c'est approprié, nous pouvons faire

20 la pause maintenant, mais il nous reste encore cinq minutes. Si nous

21 pouvons faire la pause maintenant, nous recommencerons 5 minutes plus tôt.

22 M. Nicholls (interprétation): Merci.

23 M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause de 15

24 minutes et nous reprendrons notre séance à 4 heures moins 5. Merci.

25 (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures.)

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1 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nicholls, vous pouvez

2 continuer.

3 M. Nicholls (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

4 Nous parlions donc de votre transfert au camp de Manjaca, et c'était à la

5 fin du mois d'août 1992. Vous nous disiez comment on vous l'avait annoncé,

6 qu'on vous avait dit de sortir et qu'on vous a alignés devant le bus. Est-

7 ce que vous pourriez continuer et nous dire comment vous êtes montés à

8 bord de ce bus, ce matin-là?

9 M. Biscevic (interprétation): Nous sommes montés dans le bus. Un autre

10 officier de police nous attendait, et puis, il nous a dit: "Asseyez-vous.

11 Que personne ne se lève. On va vous faire partir, mais rien de sérieux ne

12 va vous arriver".

13 Nous avons donc quitté la cour de la prison et nous sommes passés par une

14 rue qui permet de sortir de Sanski Most et qui permet d'arriver à Bosanska

15 Krupa. Nous avons pris cet itinéraire et nous pensions que nous allions

16 faire l'objet d'un échange car il y a la frontière, là-bas, ou plutôt la

17 ligne de démarcation entre l'armée et les positions serbes. Mais nous ne

18 sommes pas allés en direction de Krupa. Mais il y avait un emplacement où

19 il y a une usine qui s'appelle "Krings"; le bus est passé par là et les

20 personnes qui étaient dans le hall de cette usine "Krings" sont également

21 montés dans le bus.

22 Il y avait environ 45 à 50 personnes qui étaient dans le bus, et des

23 personnes qui sont sorties du hall de "Krings". Et puis, nous sommes

24 retournés en direction de la prison, mais nous ne sommes pas arrivés

25 jusqu'à la prison. Nous sommes passés devant la prison et nous avons pris

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1 une voie détournée en direction de Kljuc.

2 Et puis, nous pensions que nous allions faire l'objet d'échange ou que

3 nous allions, donc, dans une autre direction.

4 Question: Je vais vous arrêter là.

5 Lorsque vous dites qu'à "Krings", il y avait des personnes qui sont

6 rentrées, c'étaient certaines de vos personnes? Qu'est-ce que vous

7 entendez par là? Qui étaient ces personnes qui sont montées dans le bus au

8 niveau de l'usine "Krings"?

9 Réponse: Eh bien, nous avons reconnu beaucoup de personnes; il s'agissait

10 de Musulmans et de Croates. Et un peu plus tard, on nous a dit qu'ils

11 étaient dans cette usine "Krings"; c'est comme ça qu'ils sont montés dans

12 le bus.

13 Question: Et s'agissait-il de civils, à votre connaissance?

14 Réponse: Oui, c'étaient tous des civils.

15 Question: Oui, continuez. Vous disiez donc que vous étiez retournés en

16 direction de la prison en espérant que vous alliez faire l'objet

17 d'échanges; vous n'êtes, en fait, pas arrivés au MUP. Alors, ensuite, où

18 êtes-vous allés?

19 Réponse: Nous sommes allés en direction de Kljuc et lorsque nous sommes

20 arrivés dans le village de Vrhpolje qui est à côté de la rivière Sana, où

21 il y a un pont et il y a un carrefour, à la gauche, il y a une route

22 goudronnée. Je suis un chasseur, donc je connais très bien cette région,

23 et je me suis rendu compte qu'il y avait la montagne Mulez -c'est comme ça

24 qu'on l'appelle-, et il y avait également le village serbe de Oljace. Et

25 derrière ce village, il y a Manjaca. Donc, nous étions sûrs que nous

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1 allions en direction du village de Manjaca, et cela s'est avéré vrai

2 puisque nous sommes arrivés en direction de Manjaca.

3 Question: Et environ combien de civils étaient acheminés avec vous en

4 direction de Manjaca, ce jour-là? J'essaie d'avoir une idée du nombre de

5 personnes qui ont fait l'objet de ce transfert dans les circonstances que

6 vous avez mentionnées.

7 Réponse: Environ 50. Il y a 40 places dans le bus, mais il y avait un peu

8 plus de personnes que cela dans ce bus. Donc, je dirais qu'il y avait

9 environ 50 personnes; nous n'avons pas compté le nombre de personnes, mais

10 ça devrait être à peu près ce chiffre.

11 Question: Et pour être clair, est-ce que toutes les personnes qui étaient

12 dans la cellule n°1 dans le MUP ont fait l'objet de ce transfert en

13 direction de Manjaca, ce jour-là?

14 Réponse: Oui, c'est exact.

15 Question: Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés au camp de Manjaca?

16 Qui avez-vous trouvé au camp, et que s'est-il passé ensuite?

17 Réponse: Lorsque nous sommes arrivés devant le camp de Manjaca, on nous a

18 demandé de sortir et de nous aligner par groupes de quatre, donc de nous

19 aligner devant l'entrée du camp de Manjaca. Et on a vu que de l'autre

20 côté, il y avait d'autres personnes que l'on avait fait s'aligner

21 également, et qui regardaient vers l'extérieur.

22 On ne savait pas ce qui se passait, mais un peu plus tard, on s'est rendu

23 compte que des personnes âgées et des enfants étaient à Manjaca; un bus

24 est venu les chercher et les a ramenés à Sanski Most.

25 Lorsqu'ils ont ouvert la porte du camp, nous sommes rentrés dans le

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1 complexe de ce camp. Ils nous ont dit de nous asseoir sur l'herbe et

2 d'attendre les ordres, et ils nous ont demandé de ne pas parler, etc.

3 Il y avait peut-être une remise ou un entrepôt. Ils nous ont dit de

4 rentrer dans cet entrepôt, un par un. Jusqu'à dix personnes ont pu rentrer

5 dans cette remise. Et puis, ils nous ont fouillés et nous ont demandé de

6 produire ce que l'on avait sur nous.

7 Comme je comme je vous l'ai dit, le samedi, nous avions des visites, et

8 nos visiteurs nous apportaient des vêtements, des couvertures et une

9 brosse également, en deux parties, qui était facile à transporter, une

10 sorte de brosse à dents. Lorsqu'on a été déshabillés, on a dû faire face

11 au mur.

12 Les gardes portaient des uniformes de camouflage. Ils ont regardé tout ce

13 qu'on avait, nos effets personnels, et ils ont pris ce qu'ils

14 souhaitaient. Ils ont dressé la liste de nos noms et ils ont dit d'aller

15 dans le camp n°2 et la partie n°5. Etant donné que nous étions environ 50,

16 nous sommes entrés dans ce camp n°2 où ils nous ont enregistrés; ils nous

17 ont fait nous aligner, comme ceci s'est passé dans le premier camp,

18 c'était donc dans le contexte du premier camp.

19 Ils nous ont ensuite emmenés dans le deuxième camp et ils nous ont montré

20 les étables. Nous sommes rentrés dans une de ces étables, et tout le monde

21 a essayé de trouver un endroit pour s'installer.

22 Question: Vous avez dit qu'il y avait des soldats dans le camp et vous

23 avez également utilisé les termes "eux" ou "ils" au pluriel. Alors, je

24 voudrais savoir qui gérait ce camp: est-ce qu'il s'agissait de soldats?

25 Réponse: Lorsque nous avons quitté la prison de Sanski, un officier de

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1 police en uniforme ainsi que le garde qui était au premier rang dans le

2 bus portait un uniforme différent, un uniforme bleu. Un peu plus tard,

3 nous nous sommes rendu compte que ces policiers qui étaient donc de la

4 police civile n'avaient pas accès à ce camp. Et les personnes qui

5 portaient des uniformes de camouflage étaient là, il y avait des soldats

6 de la JNA, ils avaient accès au camp; et au-delà l'enceinte, là, il y

7 avait des policiers en uniforme bleu mais il y avait donc une différence

8 très distincte entre ces deux forces de police.

9 M. Nicholls (interprétation): Merci. Vous avez dit qu'on vous avait

10 attribué l'étable n°5 et que vous avez essayé de trouver un emplacement

11 pour vous installer. Est-ce que vous pouvez décrire l'intérieur de ce

12 bâtiment, de cette étable dans laquelle vous avez été détenu?

13 M. le Président (interprétation): Avez-vous une photographie ou quelque

14 chose qu'on peut montrer au témoin, de façon à accélérer l'interrogatoire?

15 M. Nicholls (interprétation): J'allais simplement lui demander de décrire

16 d'après sa mémoire. Je n'allais pas utiliser de photographie. Si vous le

17 préférez, nous pouvons peut-être trouver une photographie de ce bâtiment.

18 M. le Président (interprétation): Nous avons vu des vidéos, nous avons

19 plusieurs photographies également.

20 Mais, de toutes façons, continuez, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous

21 pouvez vous rappeler des conditions de détention de cette étable dans

22 laquelle vous étiez détenu à Manjaca? Est-ce que vous pouvez décrire cette

23 localité, s'il vous plaît?

24 M. Biscevic (interprétation): C'était un complexe immense et un bâtiment

25 également de 80 mètres de long et de 20 mètres de large. Au milieu, il y

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1 avait une partie surélevée qui était en béton de 6 mètres de long. Il y

2 avait des barres en métal sur les côtés, de façon à ce que le bétail ne

3 puisse pas monter. Il y avait des portes de chaque côté afin que les

4 tracteurs avec des remorques puissent entrer dans le bâtiment de façon à

5 alimenter le bétail. A gauche et à droite, un mètre plus bas, il y avait

6 une partie ou les codétenus pouvaient s'installer des deux côtés. Et au

7 niveau du parterre, un peu plus bas, il y avait deux rangées de détenus et

8 leurs visages étaient tournés vers l'extérieur; lorsqu'ils dormaient,

9 leurs pieds étaient en direction de l'intérieur du bâtiment. Il n'y avait

10 pas vraiment de plafond, il y avait simplement un toit simplement, et il y

11 avait suffisamment d'air car ce n'était pas un bâtiment qui était fermé de

12 manière hermétique.

13 Question: Et vous avez dit et vous avez décrit qu'au MUP en raison du

14 confinement, vous aviez du mal à marcher et que l'air également n'était

15 pas bon du tout dans la cellule n°1. Alors, est-ce que vous voulez dire

16 que lorsque vous arriviez à Manjaca les conditions de détention étaient

17 meilleures? Est-ce exact? Vous aviez plus d'air et vous pouviez plus

18 bouger?

19 Réponse: C'est exact. Et également quelque chose qui était mieux pour

20 nous: c'est que nous avions suffisamment d'air, c'est ce qui était

21 important. Il n'y avait pas vraiment de faux plafonds, donc il y avait

22 beaucoup d'air et on pouvait bien respirer, on pouvait respirer librement.

23 Et puis, troisièmement, étant donné qu'il y avait beaucoup de personnes,

24 au petit-déjeuner et pour les repas, on pouvait se rendre aux toilettes et

25 on pouvait également sortir et être à l'air libre au soleil pendant

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1 quelques heures, ce qui était une amélioration importante par rapport aux

2 conditions de détention dans la cellule. C'est la raison pour laquelle

3 j'ai dit que les conditions étaient meilleures que dans la cellule.

4 Question: Vous étiez incarcérés à Manjaca de la fin du mois d'août jusqu'à

5 votre libération, le 15 novembre. Durant cette période, est-ce que les

6 conditions de détention se sont améliorées ou se sont empirées au cours

7 des mois?

8 Réponse: Lorsque nous sommes arrivés au camp, les codétenus un peu plus

9 âgés à Manjaca nous ont dit que la situation était excellente par rapport

10 aux conditions de détention auparavant dans ce camp. Ils nous ont dit

11 qu'une équipe d'inspection internationale s'était rendue sur les lieux,

12 était rentrée dans le camp et, après cela, la situation s'était améliorée

13 et que les choses étaient devenues de mieux en mieux.

14 Question: Est-ce que vous avez rencontré des représentants de la Croix-

15 Rouge ou d'autres organisations humanitaires lorsque vous étiez à Manjaca?

16 Est-ce que vous leur avez parlé en personne? Je parle de vous

17 personnellement.

18 Réponse: Oui, j'en ai rencontré.

19 Question: Combien de fois?

20 Réponse: J'étais un expert médical. Il y avait quelqu'un de la Croix-Rouge

21 qui venait tous les jours, c'était un expert médical qui contrôlait la

22 nourriture. Il y avait des codétenus qui avaient beaucoup maigri et qui

23 n'étaient pas en mesure de marcher, donc au début, ils distribuaient du

24 lait et de l'huile ainsi que du sucre et les codétenus qui ne pouvaient

25 pas marcher étaient nourris de cette manière. Vous aviez également une

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1 infirmière qui venait chaque jour et qui s'assurait que ces rations

2 étaient distribuées.

3 Les personnes qui préparaient la nourriture étaient des personnes que je

4 connaissais de Sanski Most; et lorsqu'on leur parlait, on disait: "C'est

5 un de vos collègues, il a une formation médicale", donc nous avons parlé

6 de ça.

7 Question: Vous parlez de la nourriture. Est-ce que vous pouvez décrire le

8 type de nourriture et les rations que vous receviez chaque jour à Manjaca?

9 Réponse: Lorsque nous sommes venus, eux, ils disaient que la nourriture

10 était excellente. Nous recevions un quart de pain le matin, on recevait du

11 lait ou du cacao ou du thé, et puis, nous recevions également une conserve

12 de poisson pour le petit déjeuner. Et puis, pour le déjeuner, on recevait

13 de la nourriture chaude. Et ceux qui recevaient ça en premiers, ils

14 recevaient la nourriture de meilleure qualité, plus dense.

15 Mais les détenus qui arrivaient plus tard, puisqu'il n'y avait pas

16 suffisamment de nourriture, afin d'augmenter la quantité, d'habitude les

17 cuisiniers ajoutaient de l'eau; donc on recevait la nourriture avec

18 beaucoup d'eau et peut-être quelques grains de haricots ou des petits

19 pois. Et parfois, vers la fin, il n'y avait plus rien: dans ce cas-là, on

20 recevait un morceau de pain. Ça, c'était le déjeuner. Puis il n'y avait

21 pas de dîner.

22 Je souhaite ajouter que, lorsque j'y étais, vers la fin, à ce moment-là,

23 Mehmed avait commencé à envoyer de la viande de temps en temps, le

24 mercredi. Et moi, j'ai pu voir ça aussi. D'habitude, il s'agissait de veau

25 que l'on faisait acheminer aux détenus. Mais, dès le lendemain, il n'y en

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1 avait pratiquement plus. On avait beaucoup de chance si on recevait un

2 petit morceau de veau parce que les gardes nous expliquaient qu'en fait,

3 les soldats avaient emporté cela chez eux. Donc, en fait, on recevait très

4 peu de tout ça.

5 Question: Donc, parfois un détenu pouvait recevoir suffisamment de

6 nourriture et suffisamment d'eau en fonction du moment auquel on leur

7 permettait de prendre leur repas. Est-ce exact?

8 Réponse: Ce n'était jamais suffisant. Il y avait une assiette qu'on

9 recevait, mais personne ne vous demandait si ça suffisait ou pas. Mais si

10 on était parmi les premiers, c'était mieux parce que c'était plus dense

11 et, après, ça l'était de moins en moins.

12 Question: Dont vous dites que, même si vous étiez parmi les premiers et

13 que vous receviez de la nourriture plus dense, c'était un peu mieux mais

14 pas suffisant?

15 Réponse: Eh bien, tout ce qu'on recevait, c'était une assiette et un quart

16 de pain. C'était ça. Et puis, il n'y avait pas de déjeuner et dîner:

17 c'était un repas entre le déjeuner et le dîner. C'était tout.

18 Question: Quelle était la qualité de l'eau que vous buviez à Manjaca? Est-

19 ce que vous pouvez nous expliquer également comment vous la receviez?

20 Réponse: Il y avait un grand problème à Manjaca à cause de la pénurie

21 d'eau. Il n'y avait pas suffisamment d'eau potable et l'eau qui existait

22 était de très mauvaise qualité. Donc, compte tenu de ce problème d'eau,

23 lorsque les représentants de la Croix-Rouge sont venus, nous avons demandé

24 d'obtenir suffisamment d'eau, au moins pour pouvoir boire suffisamment. A

25 ce moment-là, la Croix-Rouge a envoyé des jerricans en plastique de quatre

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1 litres, qui servaient à cinq détenus.

2 A deux ou trois kilomètres du camp, il y avait un lac où l'on faisait

3 s'abreuver le bétail. Tous les jours, on s'organisait pour que 100 ou 200

4 ou 300 détenus y aillent avec des jerricans pour chercher de l'eau,

5 puisque cette eau était sale et ne devait pas vraiment être utilisée. Moi,

6 une fois, lorsque j'y étais, j'ai commencé à ramasser l'eau et, à ce

7 moment-là, le policier qui nous escortait est venu et a uriné là où je

8 prenais l'eau. J'ai dû en prendre quand même; je ne pouvais pas refuser

9 parce que toutes les raisons étaient bonnes pour nous battre. A ce moment-

10 là, on buvait cette eau-là. Ceci a provoqué des diarrhées en masse. La

11 plupart des détenus souffraient de ce genre de problèmes d'estomac et

12 après, la Croix-Rouge nous a apporté des cachets qu'on mettait dans l'eau

13 pour désinfecter. Ceci nous a permis d'améliorer la qualité de l'eau, dans

14 une certaine mesure.

15 Question: Vous dites que les détenus tombaient malades parfois à cause de

16 cette eau. Est-ce que vous pouvez nous dire quels étaient les soins

17 médicaux qui étaient administrés à ces malades, à ces patients à Manjaca,

18 pour autant que vous le sachiez?

19 Réponse: D'habitude… J'ajouterai simplement que, lorsque je suis arrivé,

20 la situation était déjà nettement meilleure puisque, à ce moment-là, cet

21 infirmier venait dans la baraque, il demandait qui était malade, il

22 enregistrait les noms; puis il y avait le Dr Sabanovic et Mehmed -dont je

23 ne connais pas le nom de famille- et, à ce moment là, il recevait des

24 patients, ils les aidaient dans la mesure du possible.

25 Moi, en tant que médecin dans ma cellule, compte tenu du fait que beaucoup

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1 de gens avaient des blessures, des plaies sur le corps, moi, j'essayais de

2 les aider, je leur donnais des conseils et ils allaient voir également le

3 médecin; ils passaient un examen médical là-bas et ils recevaient les

4 soins dans la mesure du possible.

5 Question: Avez-vous travaillé en tant que dentiste pendant que vous étiez

6 à Manjaca? Est-ce que vous avez donc effectué quoi que ce soit dans le

7 cadre de votre expertise personnelle?

8 Réponse: Oui, lorsque je suis venu à Manjaca, Flat Leopold, un collègue à

9 moi de Kljuc, qui était dentiste lui aussi, y était déjà. Compte tenu du

10 fait que son père était allemand, lui aussi a été capturé en tant que

11 commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et puisque son père était

12 allemand, je suppose qu'il a pu faire en sorte qu'on le libère peu de

13 temps après mon arrivée à Manjaca. Pendant assez longtemps, il n'y avait

14 personne pour s'occuper de ce genre de choses.

15 Asim, cet infirmier qui s'y trouvait, il essayait de faire quelque chose

16 parce qu'il y avait 3.000 détenus. A chaque fois, il y avait quelqu'un qui

17 souffrait de problèmes de dents, donc il essayait de faire de son mieux

18 pour les extraire, par exemple, mais souvent il les cassait. Par la suite,

19 on faisait venir ce patient à moi; moi, j'observais la situation pour voir

20 si personne n'était dehors, donc je courais et je réglais la situation.

21 Mais après, je pense que quelqu'un a dit au commandant du camp que, dans

22 l'étable 5, il y avait un dentiste. Donc il a fait appel à moi et il a dit

23 que je pouvais venir et m'acquitter de mes tâches dans cette même pièce où

24 travaillait Asim, l'infirmier, et le Dr Sabanovic.

25 C'était une pièce aux dimensions d'environ 4 mètres sur 4. J'avais un

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1 petit atelier et puis j'avais une caisse d'outils que quelqu'un a

2 apportée, mais il ne s'agissait pas des outils normaux qu'on utilise

3 d'habitude pour extraire les dents, mais lorsque le patient arrivait, on

4 employait par exemple les anesthésiques que l'on recevait de la part de la

5 Croix-Rouge. Donc on pouvait atténuer les choses pour les patients. Alors,

6 effectivement, je travaillais comme dentiste dans la mesure du possible.

7 Question: Avez-vous eu suffisamment d'anesthésiques, suffisamment pour les

8 gens que vous receviez?

9 Réponse: Suffisamment? Non, parce que personne ne nous demandait si ça

10 suffisait ou pas. Nous travaillions le plus souvent sans anesthésie.

11 D'habitude, on administrait une toute petite quantité pour presque faire

12 semblant, pour faciliter les choses. Donc, d'habitude, je donnais une

13 toute petite quantité. Et parfois, si la personne était plus courageuse,

14 je n'utilisais rien. Et parfois, la dent se cassait parce que, par

15 exemple, les patients jeunes étaient forts et il fallait quand même

16 extraire la dent, mais dans ce cas-là, il fallait vraiment créer une

17 grande plaie pour terminer la tâche. Mais c'était la seule manière de

18 régler la situation parce que, si on laissait les restes de la dent dans

19 la bouche, cela aurait été pire. Donc, je faisais ce que je pouvais.

20 Question: Vous avez dit que parmi les patients, il y en avait qui étaient

21 très jeunes. Et avant, vous avez dit qu'un bus était parti avec des

22 femmes, des personnes âgées et des enfants, je crois. Est-ce que vous

23 pouvez nous dire quel était l'âge, la tranche d'âge des gens que vous avez

24 vus à Manjaca pendant que vous y étiez? Est-ce que vous pouvez nous dire

25 quelles étaient la personne la plus jeune et la plus vieille?

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1 Réponse: Eh bien, il y avait des enfants. Quand je dis "un enfant", je

2 parle des enfants de 16, 17 ans. Et puis, il y avait aussi un nombre de

3 vieillards. On voyait souvent un homme âgé de 70 ans, par exemple, qu'ils

4 considéraient comme un combattant dangereux. Puis, il y avait des enfants

5 qui souffraient de malnutrition, qui avaient l'air encore plus misérable

6 que ça n'aurait dû être le cas. Puis, il y avait des personnes mentalement

7 retardées aussi, qui nous faisaient parfois rire, mais ils les

8 considéraient comme combattants aussi. Donc, il y avait toutes sortes de

9 gens.

10 Il y avait un car qui est parti, mais il y avait suffisamment d'enfants

11 pour remplir deux, trois cars. Donc, il y a eu des enfants qui sont restés

12 et qui ont été libérés le 15 novembre. Le jour où nous, les personnes plus

13 âgées, nous avons été libérées, ce même jour, ils ont permis également à

14 ces enfants-là de quitter Manjaca.

15 M. Nicholls (interprétation): Est-ce que vous connaissiez ou bien est-ce

16 que vous avez reconnu personnellement qui que ce soit de Sanski Most qui

17 était âgé de moins de 18 ans, donc les personnes de 16, 17 ans?

18 M. le Président (interprétation): Après son arrivée?

19 M. Nicholls (interprétation): Oui.

20 M. le Président (interprétation): Donc, après fin août, entre fin août et

21 le mois de novembre, lorsque vous avez quitté Manjaca.

22 M. Biscevic (interprétation): Je connaissais deux garçons: Senad Kalic et

23 Sabic, dont je ne connais pas le prénom, puisque c'était le fils de la

24 sœur de Suad Sabic, un collègue à moi; et puis, un autre garçon que je

25 connaissais plutôt bien. Et puis, ce Kalic Senad, je le connaissais

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1 puisqu'il était mentalement retardé et il vivait pas loin de chez moi,

2 donc lui aussi, je le connaissais.

3 Ça, c'étaient des enfants qui étaient dans mon étable, mais il y en avait

4 dans d'autres étables aussi.

5 M. Nicholls (interprétation): Vous dites qu'on considérait que ces

6 personnes-là étaient des soldats. Pour autant que vous le sachiez, est-ce

7 que les gens qui vous entouraient étaient effectivement des soldats? Est-

8 ce que vous pouvez décrire les personnes que vous connaissiez qui y

9 étaient en même temps que vous? Là, je parle de votre expérience

10 personnelle, et non pas des choses que vous avez apprises par la suite.

11 M. Biscevic (interprétation): Toutes les personnes que je connaissais

12 étaient des civils, et ça, je vous le garantis à 100%. Je sais d'où on les

13 a fait venir, je sais ce qu'on leur a imputé et je sais simplement que

14 ceci n'est pas du tout conforme à la vérité.

15 Question: Pendant la période que vous avez passée à Manjaca, est-ce que

16 vous avez été passé à tabac où est-ce que vous avez été soumis aux mauvais

17 traitements par les gardes?

18 Réponse: Les personnes âgées dans le camp, ou bien les gens qui y étaient

19 avant nous, ils nous disaient qu'à chaque fois, lorsque la nuit tombait,

20 on faisait sortir des détenus et on les passait à tabac. Lorsque nous y

21 sommes arrivés, ceci n'était plus le cas.

22 Le soir, lorsque l'on fermait les portes de l'étable, la situation était

23 calme. Autour de Manjaca, autour de notre camp, à l'extérieur de la

24 clôture, il y avait des bergers allemands qui se trouvaient à cinq, six

25 mètres, donc c'est eux qui gardaient le camp pour que personne ne sorte.

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1 Et dans la soirée, vers 6, 7 heures du soir, ils se mettaient à aboyer et

2 à ce moment-là, on m'a dit que c'était pareil; pendant qu'on passait les

3 gens à tabac, les chiens se mettaient à aboyer et à gémir, eux aussi, en

4 même temps où les détenus que l'on tabassait gémissaient. Et il était

5 intéressant de voir que les chiens avaient retenu ce moment et ont

6 continué à gémir alors que les passages à tabac avaient cessé.

7 Donc, ce passage à tabac systématique avait cessé d'exister avant mon

8 arrivée. Mais parfois, si par exemple quelqu'un parlait fort, on passait

9 la personne à tabac; parce qu'ils fermaient la porte à 5 heures, et ils

10 disaient que le silence devait être absolu. Mais il y avait beaucoup de

11 personnes dans une étable, donc le silence absolu n'était pas possible

12 avec 5 à 600 personnes.

13 S'ils entendaient un son, ils couraient à l'intérieur de l'étable. Et dans

14 chacune des étables, il y avait une personne qui était responsable pour

15 l'étable; chez nous, c'était Muhamed Boskovic. Et cette personne, Sarenac,

16 on l'appelait, ce soldat, simplement, il venait, il disait au chef de

17 l'étable: "Comme il y a beaucoup de bruit ici, tu dois faire sortir dix

18 personnes", et c'est lui qui devait choisir, parmi nous, les cinq ou dix

19 personnes qu'il fallait faire sortir pour qu'on les passe à tabac; et

20 ensuite, c'est lui qui les ramenait. Ou bien, par exemple, pendant qu'on

21 mangeait, près de la cuisine. Bien sûr, lorsque les gens recevaient de la

22 nourriture, ils se mettaient à parler, vous savez.

23 Il y avait toutes sortes de personnes, des personnes dont les nerfs

24 avaient lâché, des personnes mentalement retardées, etc. Et si, par

25 exemple, quelqu'un parlait un peu plus fort ou créait un incident de ce

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1 genre, ce même Sarenac; d'habitude, il faisait sortir la même personne

2 devant nous tous, devant tous les détenus de l'étable. Il devait se mettre

3 devant lui, pencher la tête en avant et mettre les mains derrière les dos

4 et lui, il le tabassait autant qu'il le voulait. Et s'il le faisait tomber

5 par terre, ce qui était d'habitude le cas, l'autre devait se lever de

6 nouveau, pencher la tête, mettre de nouveau les mains derrière le dos,

7 pour qu'il puisse continuer à le battre.

8 Et si, par hasard, il se révoltait ou s'il essayait de résister en levant

9 la main par exemple, dans ce cas-là, deux personnes faisaient sortir cette

10 personne en dehors du camp, dans une pièce appelée "le Palais blanc".

11 C'est une pièce qui servait au passage à tabac; là, ils s'adonnaient à

12 cela pleinement, en tabassant la personne tant qu'ils le voulaient. Mais

13 pour nous, c'était un incident quotidien et nous ne faisions pas tellement

14 attention à cela puisque, par rapport à la situation d'avant, c'était

15 quand même une amélioration.

16 M. Nicholls (interprétation): Merci. Ma question était également de savoir

17 si vous, personnellement, aviez été passé à tabac ou frappé pendant votre

18 séjour à Manjaca. Donc là, je parle de vous personnellement et pas

19 d'autres personnes.

20 M. le Président (interprétation): Répondez, s'il vous plaît, par oui ou

21 non. Est-ce que vous avez été passé à tabac? Si oui, dites-nous cela et,

22 si non, dites-nous simplement non. Non? Vous n'avez pas été passé à tabac?

23 M. Biscevic (interprétation): Si.

24 M. le Président (interprétation): Ce qu'il dit, c'est qu'il n'a pas été

25 passé à tabac.

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1 M. Biscevic (interprétation): Si, une fois, je l'ai été.

2 M. Nicholls (interprétation): Vous avez dit qu'à 5 heures, il fallait que

3 le silence règne et qu'on fermait les étables? C'est exact?

4 M. Biscevic (interprétation): Oui.

5 Question: Et pour que les choses soient claires, dites-nous simplement,

6 s'il vous plaît, à quelle heure vous vous leviez le matin? Quand est-ce

7 que le jour commençait pour vous?

8 Réponse: Eh bien, le jour commençait à 5 heures du matin aussi. Ces

9 soldats, ces policiers militaires entraient dans le camp et ils criaient.

10 Au moment où ils criaient, tout le monde devait sauter; personne ne devait

11 plus rester allongé. La pratique qui existait était la suivante: comme les

12 toilettes avaient été creusées en dehors des étables, nous devions nous

13 aligner et dix détenus étaient autorisés d'aller se servir des toilettes;

14 dix par dix. Ensuite, on commençait à servir le petit déjeuner et puis, on

15 servait cela aux détenus selon les étables, une par une. Après cela,

16 compte tenu du fait que la plupart des détenus devaient travailler, on

17 déterminait quels étaient les détenus qui devaient travailler et qui

18 allait rester dans le camp. Donc on était actifs pendant toute la journée.

19 Question: Nous allons parler maintenant de votre libération et des

20 circonstances entourant votre libération de Manjaca. Est-ce que vous vous

21 souvenez de la date à laquelle cela s'est passé?

22 Réponse: Le 15 novembre, toutes les personnes âgées de plus de 50 ans et

23 tous ceux qui étaient plus jeunes que 18 ans ont été libérés.

24 Question: Et est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est passé? Comment

25 avez-vous été relâché et où êtes-vous parti?

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1 Réponse: Cinq, six jours avant la libération, déjà avant, on avait entendu

2 parler de cela et du fait que la Croix-Rouge cherchait des pays tiers qui

3 pourraient nous accueillir; nous avons été convoqués. Moi, j'ai été

4 convoqué dans une pièce, dans le premier camp puisqu'un officier voulait

5 me voir. Il a voulu donc me voir; il a donc parlé avec moi et m'a dit que,

6 comme j'étais âgé de plus de 50 ans, j'allais être relâché le 15 novembre,

7 qu'il avait été décidé de libérer les personnes de plus de 50 ans et de

8 moins de 18 ans. Comme je faisais partie de cette catégorie de gens,

9 j'allais être libéré.

10 Question: Et ensuite, vous avez été libéré et vous avez pris un car dans

11 le cadre d'un convoi, je crois? Est-ce exact?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et où êtes-vous allé? Quelle était votre destination finale

14 après votre libération de Manjaca?

15 Réponse: Il y avait un centre d'accueil en Croatie, à Karlovac, et nous

16 sommes tous allés là-bas à Karlovac.

17 Question: Avant de terminer, je souhaite que l'on reparle de ce qui vous

18 est arrivé après le 27 mai, lorsque vous avez été arrêté jusqu'en

19 novembre. Je souhaite que l'on parle un peu aussi de vos biens personnels

20 et d'autres membres de votre famille.

21 A l'époque, en 1992 -corrigez-moi si je me trompe-, mais à l'époque, à

22 Sanski Most, vous aviez deux cabinets dentaires, vous aviez un magasin

23 d'orfèvrerie, vous aviez une maison de campagne ou une baraque près de

24 Sanski Most, une sorte de ferme.

25 Qu'est-ce qui est arrivé à ces biens, sans entrer dans les détails? Est-ce

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1 que vous pouvez nous dire que, parmi ces biens, quelque chose est resté

2 intact lorsque vous êtes rentré en 1995?

3 Réponse: Tout a été pillé, détruit; je n'ai plus rien trouvé.

4 Question: Est-ce que vous avez jamais appris ce qui était arrivé à votre

5 maison ou appartement? De quelle manière ceci a été détruit?

6 Réponse: Le même jour où j'ai été emmené moi-même, à 4 heures, ils sont

7 venus chercher ma femme et un autre membre de ma famille, ou mes enfants.

8 Pas seulement eux, mais ils ont fouillé tout le quartier. Ils ont séparé

9 les hommes des femmes et enfants. Donc ma maison a été désertée ce même

10 jour. Une voisine est restée chez elle; elle a vu un grand camion qui est

11 arrivé avec des soldats; les soldats faisaient sortir tout ce qu'ils

12 considéraient comme objets de valeur de mon cabinet. Et j'ai entendu dire

13 par la suite qu'ils ont incendié le reste; donc tout a brûlé. Ils ont

14 également pris mon véhicule; comme j'avais une Mercedes, de type

15 américain, ils ont saisi cela aussi parce que les militaires trouvaient

16 certainement cela très intéressant. Ils ont d'ailleurs pillé tout le

17 reste, tout ce qu'il y avait.

18 Question: Donc tous vos biens et toutes vos propriétés ont été pillées ou

19 détruites après votre arrestation en mai 1992?

20 Réponse: Tout a été détruit. Je n'ai rien retrouvé dans son intégralité.

21 Tout a été détruit, démoli.

22 Question: Vous nous avez dit auparavant que, le matin où vous avez été

23 arrêté, votre fils Haris, pendant une accalmie dans le pilonnage, est

24 sorti afin d'accompagner sa petite copine chez elle. Est-ce exact?

25 Réponse: Oui.

Page 7097

1 Question: Est-ce que vous pouvez me dire ce qui est arrivé à votre fils

2 Haris après cela?

3 Réponse: Comme, à 11 heures, ils ont commencé à pilonner de nouveau et

4 qu'il n'était pas rentré entre-temps, on m'a capturé une heure plus tard,

5 et ma femme et mes autres fils, on les a amenés, alors que Haris, qui se

6 trouvait dans la maison de sa copine, c'est là qu'on l'a capturé. C'est là

7 qu'on est venu l'expulser. On l'a expulsé de là-bas.

8 Question: Est-ce qu'il a été amené à la salle de sport à Sanski Most?

9 Réponse: Je pense qu'il a été amené à la salle de sport, mais peu de temps

10 après, il a été pris, il a été amené au lycée dans la rue Kljucka. Et

11 puis, je pense qu'il a passé aussi deux jours à Betonirka. Ensuite, le 6

12 juin, il a été amené à Manjaca dans le cadre du premier groupe qui y est

13 allé.

14 Question: Qu'est-ce qui est arrivé à votre fils Haris Biscevic le 6 juin,

15 lorsqu'il est arrivé à Manjaca?

16 Réponse: A ce moment-là, le premier groupe de détenus a été amené à

17 Manjaca. Lorsqu'ils sortaient du véhicule, les soldats les passaient à

18 tabac. Entre-temps, on a fait appel des noms de six d'entre eux en leur

19 disant qu'ils devaient regagner le camion, et mon fils Haris Biscevic

20 faisait partie de ces six personnes. Ils avaient été passés à tabac. Ils

21 étaient à moitié morts, on les a mis comme ça dans le camion et on les a

22 amenés dans une direction. Je ne sais rien de plus au sujet de cela encore

23 aujourd'hui.

24 Question: Vos deux autres fils Edin et Nedim, ce sont des jumeaux, est-ce

25 exact?

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1 Réponse: C'est exact.

2 Question: Dites-moi brièvement ce qui est arrivé aux jumeaux ce même jour,

3 le jour de votre arrestation, en mai 1992?

4 Réponse: Moi, on m'a amené à 1 heure, et eux, on les a amenés avec ma

5 femme à 4 heures. Ils ont mis ma femme d'un côté et eux deux de l'autre,

6 et on les a amenés au gymnase avec tous les hommes de notre quartier. Ils

7 sont restés dans la salle de sport, ils ne sont pas sortis de là-bas. Et

8 le 6, lorsque Haris a été amené, l'un des jumeaux a été emmené lui aussi,

9 Nedim. Et Edin, lui, est encore resté dans la salle de sport.

10 Question: Savez-vous ce qu'il est advenu d'Edin, qui est resté dans la

11 salle de sport?

12 Réponse: Edin, qui est resté dans la salle de sport, est resté là jusqu'au

13 7 juillet. Ensuite, le camp de la salle de sport a été fermé, de sorte que

14 tous ceux qui étaient dans l'usine de Krings à Betonirka et à la salle de

15 sport ont été chargés dans des camions et emmenés à Manjaca.

16 Question: Voulez-vous continuer, s'il vous plaît?

17 Réponse: Puisqu'il y avait beaucoup de Musulmans et de Croates sur place,

18 je crois qu'ils ont utilisé trois camions de 10 mètres de long et ils ont

19 mis à bord tous ceux qui restaient dans la salle de sport. Le quatrième

20 camion avait une bâche, et ce camion a été conduit à Betonirka où quatre

21 ou cinq Musulmans ou Croates étaient battus tous les jours. Les gens

22 étaient battus là 24 heures sur 24, toute la journée, toutes les nuits,

23 tous les jours. En plus, des officiers qui les battaient...

24 M. Nicholls (interprétation): Ce que je voudrais savoir, c'est que vous me

25 disiez ce qui est arrivé à vos fils, d'après ce que vous savez, votre fils

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1 Edin, à Manjaca?

2 M. Biscevic (interprétation): C'était une introduction pour que vous ayez

3 une meilleure idée de ce qui est arrivé à mon fils. Puisque c'était le

4 mois de juillet, il faisait très chaud et les passages à tabac à Betonirka

5 se faisaient 24 heures sur 24. Ces gens, une soixantaine de gens, qui

6 étaient complètement épuisés, ont été mis dans un camion recouvert d'une

7 bâche, fermé hermétiquement, et il y avait peut-être quelques bidons

8 d'eau. En plus, un des camions avait un pneu plat, donc ils ont dû encore

9 passer plus de temps au soleil, c'est-à-dire les prisonniers. Et en route

10 vers Manjaca, ils sont morts les uns après les autres par manque d'air.

11 Une fois arrivés à Manjaca, il y avait 18 morts à bord du camion, et

12 quatre qui présentaient encore quelques signes de vie.

13 Une fois qu'ils sont arrivés à Manjaca, ils sont descendus du camion, ils

14 ont commencé à les appeler. Au moment où ils faisaient l'appel, personne

15 n'est sorti du camion, donc ils ont regardé à l'intérieur pourquoi

16 personne ne sortait, et ils ont vu beaucoup de corps dans le camion. Ils

17 ont paniqué et ils donc appelaient le Dr Meho Sabanovic d'urgence.

18 Le commandant s'est précipité là également et il a dit: "Y a-t-il

19 quelqu'un ici qui ait des connaissances médicales pour aider ces gens?"

20 Mon fils Edin, qui était dans un autre camion et qui avait eu tout l'air

21 nécessaire, s'est porté volontaire comme quelqu'un ayant une expérience

22 médicale; un autre homme également. Ils ont essayé d'apporter les premiers

23 secours à ces gens, ils ont jeté de l'eau sur eux, ils leur ont fait la

24 respiration artificielle, mais cela n'a pas beaucoup servi.

25 Le commandant est venu et il a dit: "Je n'accepterai pas de prisonniers

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1 morts! Emmenez-les". Ils ont donc chargé ces 18 corps sur le camion avec

2 ceux qui avaient récupéré entre-temps. Et mon fils est monté à bord de ce

3 bus également. Ils lui ont donné un jerrican de 20 litres d'eau pour

4 pouvoir arroser les gens qui en avaient besoin.

5 Il y a trois ou quatre mois, nous avons découvert à Sanski Most 18 de ces

6 corps, et le corps de mon fils n'était pas là avec les corps des cinq

7 autres personnes qui étaient montées à bord du camion. Je ne sais pas ce

8 qui leur est arrivé. Si ce Tribunal ou quelqu'un d'autre, y compris M.

9 Talic, peut nous aider à les trouver, je lui en serais très reconnaissant.

10 (Le témoin pleure.)

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez une pause?

12 M. Biscevic (interprétation): Non.

13 M. le Président (interprétation): Si vous avez besoin d'une pause, dites-

14 le-moi, s'il vous plaît.

15 M. Biscevic (interprétation): Merci beaucoup, mais pas maintenant.

16 M. Nicholls (interprétation): Votre troisième fils, Nedim, vit toujours à

17 Sanski Most avec vous. Il a également été emmené à Manjaca, mais j'ai cru

18 comprendre qu'il avait été libéré avant que vous n'arriviez à la fin août,

19 donc vous ne l'avez pas vu là? Est-ce exact?

20 M. Biscevic (interprétation): Oui, c'est exact.

21 Question: Et vous êtes arrivé ici, l'autre jour; vous m'avez dit qu'il

22 avait pu être libéré et qu'un ami de la famille à Banja Luka avait pu

23 obtenir sa libération; est-ce exact?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce que vous pouvez décrire très brièvement à la Chambre qui

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1 était cette personne qui a fait libérer votre fils, et comment elle a pu y

2 arriver?

3 Réponse: La belle-fille de ma sœur est ingénieur; elle travaille dans un

4 bureau où travaillait Nino Granic, qui était également ingénieur civil.

5 Question: Nino Granic? Pourriez-vous répéter le nom, s'il vous plaît?

6 Réponse: Le Président de la Région autonome de la Krajina.

7 Question: Plutôt que de faire cela, est-ce que vous pourriez montrer ce

8 document? Il s'agit du ERN 01329897.

9 Ce sera le document P832.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Il y a également une traduction que nous avons préparée, mais il n'y a pas

12 de numéro ERN.

13 Est-ce que vous reconnaissez ce document qu'on vient de vous remettre?

14 Réponse: Oui, c'est un document que mon fils m'a donné quand je suis venu

15 ici; il l'avait sur lui, il le gardait. Ce document montre que le 20 juin,

16 mon fils a été libéré du camp de Manjaca par Vojo Kupresanin.

17 Question: Je crois que si vous regardez la date -elle n'est peut-être pas

18 claire sur votre copie; la date à gauche- est-ce que ce n'est pas le 26

19 août 1992?

20 Réponse: Oui, je suis arrivé le 27 août et mon fils a été libéré la veille

21 de mon arrivée, le 26 août. Cette date est exacte.

22 Question: Après la libération de votre fils, après cet ordre, on lui a

23 donné ce document à Banja Luka pour sa propre protection, pour montrer

24 qu'il avait été officiellement libéré?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et on vous a remis ce papier juste avant que vous ne veniez ici

2 pour votre témoignage?

3 Réponse: Oui, mon fils me l'a remis.

4 Question: Si on pouvait remettre à M. Biscevic la dernière pièce…

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Le certificat de remise de la Croix-Rouge, ERN01329898. Il s'agit d'un

7 document qu'on a remis à votre fils pour certifier… Excusez-moi… donc,

8 pour certifier son transfert de Banja Luka à Zagreb en décembre 1992; est-

9 ce exact?

10 Réponse: Oui, c'est exact.

11 Question: Entre sa libération de Manjaca, la veille de votre arrivée, en

12 août 1992, et décembre 1992, où était-il à Banja Luka? Où résidait-il?

13 Réponse: Il habitait chez ma sœur, à Banja Luka.

14 Question: Et ensuite, lorsqu'il a été transféré à Zagreb, vous avez pu

15 retrouver votre fils Nedim et votre épouse, et vivre à nouveau ensemble?

16 Réponse: Oui. Puisque nous avons une maison à Zadar, il est venu à Zadar

17 et nous continué à vivre ensemble.

18 Question: Et en 1995, vous êtes tous rentrés à Sanski Most et vous avez

19 tout recommencé?

20 Réponse: Oui.

21 M. Nicholls (interprétation): Je n'ai plus de questions, Monsieur le

22 Président.

23 M. le Président (interprétation): Avant de commencer le contre-

24 interrogatoire, lorsqu'on vous a montré la pièce P832, qui est le document

25 que votre fils Nedim a reçu lorsqu'il a été libéré de Manjaca, vous avez

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1 dit que ce document montre qu'il était libéré par Vojo Kupresanin.

2 Est-ce que vous pourriez montrer à nouveau ce document, s'il vous plaît?

3 (Intervention de l'huissier.)

4 Pourriez-vous expliquer à la Chambre pourquoi vous avez dit qu'il avait

5 été libéré par Vojo Kupresanin? Je remarque qu'en bas de la page, il est

6 reçu par Vojo Kupresanin et remis par une commission composée de trois

7 personnes.

8 Connaissez-vous les événements qui se sont produits le jour où votre fils

9 a été libéré? En fait, est-ce que ce document veut dire que Vojo

10 Kupresanin s'est rendu là en personne et a pris, en personne, possession

11 de votre fils?

12 M. Biscevic (interprétation): Je peux répondre à cette question?

13 M. le Président (interprétation): Oui, c'est une question que je vous

14 pose.

15 M. Biscevic (interprétation): Donc la belle-fille de ma sœur est ingénieur

16 civil. Granic était le directeur de ma sœur dans l'entreprise et il me

17 connaissait personnellement. Vojo Kupresanin et Nino Granic étaient

18 parents. Donc Nino Granic a été persuadé par ma belle-fille de demander à

19 Vojo Kupresanin de libérer mon fils. Donc c'est par relation privée que ça

20 s'est fait. Ils sont allés chercher mon fils à Manjaca et ils l'ont emmené

21 dans une voiture privée, ils l'ont emmené à Banja Luka et l'ont remis à

22 ma… enfin, ils l'ont conduit à la maison de ma sœur et ils lui ont remis

23 mon fils.

24 M. le Président (interprétation): Très bien, merci.

25 Qui va commencer? Vous avez le choix de commencer maintenant, sachant que

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1 nous allons faire une pause d'ici 12 à 13 minutes, ou on peut faire une

2 pause maintenant et commencer immédiatement après la pause. C'est comme

3 vous préférez.

4 M. Zecevic (interprétation): Cela m'est tout à fait égal.

5 M. le Président (interprétation): Vous pouvez commencer maintenant.

6 Maître Ackerman?

7 M. Ackerman (interprétation): Je ne sais pas si vous voulez éclaircir les

8 réponses, mais la question c'est: "ils sont allés chercher mon fils, ils

9 l'ont emmené dans une voiture privée". Je ne sais pas qui sont ces "ils".

10 M. le Président (interprétation): J'ai compris que c'était Vojo Kupresanin

11 et Granic; c'est ça que j'ai compris. Si j'ai mal compris, s'il vous

12 plaît, corrigez-moi, s'il vous plaît.

13 M. Biscevic (interprétation): Vous m'avez bien compris, c'est ce qui s'est

14 passé.

15 Vojo Kupresanin et Granic ont emmené mon fils à Banja Luka dans une

16 voiture privée et l'ont remis à ma sœur.

17 M. le Président (interprétation): Merci.

18 Le premier contre-interrogatoire sera fait par l'équipe de la défense du

19 général Talic, M. Slobodan Zecevic.

20 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Faik Biscevic, par Me Zecevic.)

21 M. Zecevic (interprétation): Bonjour, Monsieur Biscevic. Je m'appelle

22 Slobodan Zecevic. Je vais vous poser quelques questions concernant la

23 déclaration que vous avez faite ou alors concernant votre témoignage

24 devant ce Tribunal.

25 Monsieur Biscevic, si, à un moment ou l'autre, vous voulez une pause,

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1 dites-le-moi.

2 M. Biscevic (interprétation): Ça ne me pose pas de problème. Allez-y.

3 M. Zecevic (interprétation): Monsieur, vous étiez président du SDS de

4 Sanski Most et vous avez occupé ces fonctions pendant un an; est-ce exact?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Ensuite, vous êtes devenu membre du comité exécutif de la SDA?

7 Réponse: Oui, et j'étais membre du comité principal et, plus tard, j'ai

8 également été membre du conseil principal pendant cette année. Pendant que

9 j'occupais cette fonction, j'étais membre de la commission; j'étais

10 également président de l'assemblée.

11 (L'interprète précise qu'elle n'a pas la traduction.)

12 M. Zecevic (interprétation): Je voulais vous demander de faire une pause

13 parce que nous parlons tous les deux la même langue. Alors, s'il vous

14 plaît, pouvez-vous faire des réponses assez brèves -si possible, oui ou

15 non- pour que les choses soient aussi courtes que possible parce que j'ai

16 toute une série de questions à vous poser.

17 Donc, s'il vous plaît, est-ce que vous pouvez vous arrêter après la

18 question pour l'interprète?

19 M. le Président (interprétation): Cela s'applique à vous également, Maître

20 Zecevic. Cela s'applique également à vous, Maître Zecevic. En fait, ce qui

21 est important, c'est que la question ne suive pas immédiatement la réponse

22 du témoin.

23 M. Zecevic (interprétation): Je suis tout à fait conscient de cela.

24 M. le Président (interprétation): J'en suis heureux.

25 M. Zecevic (interprétation): Je voulais simplement être utile pour la

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1 Chambre.

2 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Zecevic.

3 M. Zecevic (interprétation): Vous devez certainement être au courant que

4 la situation internationale se détériorait dans les années 90 en ville?

5 M. Biscevic (interprétation): Lorsque je suis devenu président, les

6 relations entre les trois groupes, les Musulmans, les Croates et les

7 Serbes, il n'y avait pas de problème, tout était normal.

8 Question: Vous êtes devenu président immédiatement après les élections, en

9 1990. Est-ce exact?

10 Réponse: Oui, en août 1990.

11 Question: Cela veut dire que jusqu'en août 1991, il n'y a pas eu de

12 problème?

13 Réponse: Au départ, au début.

14 Question: Alors, en 1991 vous avez déjà pu voir qu'il y avait certains

15 problèmes?

16 Réponse: Pas au début.

17 Question: Donc dites-moi, cette situation interethnique s'est détériorée

18 suite à la situation en ex-Yougoslavie. Est-ce exact?

19 Réponse: Oui.

20 M. Zecevic (interprétation): Hier, vous nous avez dit à la page 53 du

21 transcript officieux…

22 M. le Président (interprétation): On vient d'attirer mon attention sur ce

23 qui apparaît dans le transcript, d'après la Juge Taya. Vous avez parlé de

24 situation internationale qui se détériorait. Vous avez dit "interethnique"

25 et non pas "internationale", la situation interethnique et non pas la

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1 situation internationale.

2 Merci. Merci, Juge Taya.

3 M. Zecevic (interprétation): Merci.

4 Hier, pendant que vous faisiez votre témoignage, vous avez dit que la

5 guerre avait commencé en Croatie en 1991 et que la situation a beaucoup

6 empiré.

7 M. Biscevic (interprétation): Pas au début. Au début, nous étions appelés

8 des "forces de réserve". Rasula Nedeljko et Tunic Ante ont essayé de

9 calmer les soldats. Ils ne voulaient pas aller en Croatie de Sanski Most.

10 Nous avons essayé de régler la situation, il y avait des véhicules

11 officiels. Nous sommes allés visiter les soldats et nous leur avons parlé.

12 C'est ce qui s'est passé au début.

13 Question: Si je vous ai bien compris, vous avez dit hier dans votre

14 témoignage que la position du parti SDA, c'était des réservistes; même

15 s'ils avaient été appelés à se joindre à l'armée, leur position était

16 qu'ils ne devraient pas répondre à cet appel?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Au moment où ceci était contraire au règlement?

19 Réponse: Oui.

20 M. Zecevic (interprétation): Le règlement de la JNA, l'armée populaire

21 yougoslave? Je voulais simplement expliquer quelque chose, éclaircir

22 quelque chose: je suppose qu'il s'agit du règlement fédéral de la

23 République fédérative de Yougoslavie et de la République fédérative

24 socialiste de Yougoslavie et de la République fédérative serbe de Bosnie-

25 Herzégovine?

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1 M. Biscevic (interprétation): La JNA, pas l'Etat yougoslave. Donc c'est

2 eux qui ont fait cet appel.

3 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je voudrais également vous

4 rappeler de faire une pause tout de suite après que la défense aura posé

5 sa question, parce que vous commencez à répondre avant que la question ne

6 soit terminée, ce qui pose beaucoup de problèmes aux interprètes. Ils me

7 font des signes de partout. Je vous remercie.

8 M. Zecevic (interprétation): Quand j'ai dit "les règlements", je parle des

9 lois au sens que ne pas répondre à un appel était un délit dans l'ex-

10 République socialiste de Yougoslavie? Non?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Hier, vous nous avez dit au cours de votre témoignage, à la page

13 58, lignes 22 à 25, vous avez dit que non seulement la SDA avait pour

14 position que les soldats ne devaient pas répondre à l'appel, mais vous

15 avez même dit que vous aviez interdit aux gens de répondre à l'appel?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Dites-moi, après, on a pris certaines décisions: pour ceux qui

18 n'ont pas répondu à l'appel, on a dit qu'il fallait qu'ils remettent leurs

19 armes et leurs uniformes?

20 Réponse: J'ai dit que c'était un plan de la JNA, ce n'est pas par accident

21 qu'ils ont dit qu'il fallait rendre leurs armes et leurs uniformes. Cela

22 n'a pas été fait par accident.

23 Question: J'aimerais éclaircir un point: les gens dont je parle ont reçu

24 des avis de mobilisation. Est-ce exact?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Ils ont consciemment refusé de répondre à ces avis de

2 mobilisation. Est-ce exact?

3 Réponse: Oui, ils ont refusé de répondre à la JNA.

4 Question: Bien. D'après leur carnet militaire, ils étaient membres

5 officiels des forces de réserve de la JNA?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Etant donné qu'ils ont fait cela volontairement, l'armée, au

8 lieu de lancer des poursuites contre eux, a simplement décidé de leur

9 ordonner de rendre leurs armes et leurs uniformes?

10 Réponse: Les avis de mobilisation que les Musulmans ont reçu avaient été à

11 la JNA mais, dans ce cas, ils sont allés en Croatie; ils sont allés au

12 front et ils sont revenus à Sanski Most dans des boîtes. Alors, nous leur

13 avons dit: "Ne répondez pas à l'appel. Si c'est nécessaire, protégez vos

14 maisons. Ne vous occupez donc pas de la Yougoslavie."

15 M. Zecevic (interprétation): Nous parlons de 1991?

16 M. Biscevic (interprétation): Oui, 1991. Vous pouvez voir au cimetière les

17 gens qui sont morts dans la JNA à l'époque, ne sont pas à blâmer. En fait,

18 c'est simplement parce que leurs noms n'étaient pas bons qu'on leur a tiré

19 dans le dos.

20 M. le Président (interprétation): Arrêtons-nous là. Nous allons reprendre

21 à 5 heures 30.

22 (L'audience, suspendue à 17 heures 15, est reprise à 17 heures 32.)

23 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Koumjian?

24 M. Koumjian (interprétation): Très rapidement, Mme Korner voulait savoir

25 s'il était possible…

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1 M. le Président (interprétation): Oui, d'avoir une audience le samedi?

2 (Rires.)

3 Allez-y.

4 M. Koumjian (interprétation): Lundi matin plutôt que lundi après-midi? On

5 pourrait changer avec l'affaire Stakic: il semble que cette autre Chambre

6 d'audience n'ait pas de problème. La raison est que nous allons avoir le

7 témoin, M. McLeod, qui va terminer sa déposition le matin et qui doit

8 continuer dans le procès Stakic dans l'après-midi.

9 M. le Président (interprétation): Lundi? Attendez! Le 21, c'est vendredi,

10 n'est-ce pas? Le 24, nous avons une audience l'après-midi. Et le procès

11 Stakic, c'est le matin.

12 M. Koumjian (interprétation): Oui, et nous voulons échanger, intervertir

13 en fait.

14 M. le Président (interprétation): Eh bien, essayons de voir avec la

15 défense pour savoir s'ils sont d'accord?

16 M. Zecevic (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

17 malheureusement, nous avons expliqué à nos éminents collègues que ce

18 n'était pas possible parce que moi-même et ma collègue, Mme Fauveau, nous

19 avons d'autres obligations privées qui étaient prévues à l'avance pour

20 lundi matin. Donc, malheureusement, nous ne sommes pas en mesure

21 d'accepter.

22 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman?

23 M. Ackerman (interprétation): S'ils ne sont pas là, ça ne rime à rien que

24 moi, je sois là.

25 M. le Président (interprétation): Eh bien, dans ce cas-là, Monsieur

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1 Koumjian, vous avez votre réponse. Je crois que le témoin devra déposer

2 tout d'abord dans le procès Stakic et puis continuer ici. Sinon…

3 M. Koumjian (interprétation): Nous ferons de notre mieux.

4 M. le Président (interprétation): Faites passer ce message à Mme Korner et

5 je suis sûr que vous trouverez un moyen ou que, d'une manière ou d'une

6 autre, eh bien, peut-être que nous pourrons terminer tout cela vendredi,

7 je ne sais pas. Ou peut-être qu'on peut demander aux Juges du procès

8 Stakic de commencer vendredi. Je ne sais pas.

9 Toujours est-il que, Monsieur Biscevic, vous êtes un homme instruit, très

10 instruit; je peux m'en rendre compte. Etant donné que vous êtes très

11 instruit, vous avez certainement remarqué immédiatement que j'ai décidé de

12 faire la pause au moment où j'ai fait la pause, car je sentais que vous

13 réagissiez d'une certaine manière à la série de questions qui vous ont été

14 posées par Me Zecevic, qui aurait pu avoir tendance à vous faire vous

15 affronter tous les deux.

16 Je sais que vous allez très bien me comprendre: Me Zecevic, comme les

17 autres avocats de la défense, a une fonction à remplir ici, ils doivent

18 défendre leur client et ils doivent également prêter leur assistance à

19 cette Chambre d'instance dans la recherche de la vérité. Ce faisant, ils

20 ont une fonction, une obligation vis-à-vis du client.

21 Durant le contre-interrogatoire, je suis sûr qu'il y aura des moments où

22 ils vous poseront des questions, des questions qui ne rendront pas votre

23 rôle, en tant que témoin qui dépose ici, aussi facile que vous auriez pu

24 vous l'imaginer.

25 Je suis sûr que vous comprendrez que nous ne pouvons pas permettre des

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1 situations où vous allez commencer à argumenter ou à élever la voix. Que

2 ce soit vous, que ce soit lui ou quelqu'un d'autre, personne n'est

3 autorisé à le faire. Donc essayez de comprendre qu'il s'agit de leurs

4 obligations: qu'ils ont les intérêts de leurs clients à cœur et que,

5 lorsqu'ils vous posent une question, essayez de répondre à cette question

6 de manière aussi civile que possible, en tant qu'homme instruit.

7 Cela dit, Maître Zecevic, je vous demande de continuer et également de

8 prendre tout ceci en compte dans les questions que vous posez à votre

9 témoin.

10 M. Zecevic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bien sûr, je le

11 ferai.

12 Monsieur Biscevic, nous nous en étions arrêtés au moment où vous aviez

13 mentionné que six à sept personnes, qui avaient été tuées et enterrées,

14 ont été tuées lorsqu'elles étaient membres de la JNA. Est-ce exact?

15 M. Biscevic (interprétation): Oui.

16 Question: Est-ce que vous connaissez ces personnes?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce que vous pouvez nous donner des noms, si vous vous en

19 souvenez?

20 Réponse: Pasakada, il était un officier actif dans la JNA; il a été

21 enterré à Sanski Most. Et sa mère a demandé à ses voisins serbes, à la

22 libération de Sanski Most, où ils partaient, et on lui a tiré dans le

23 front, elle a été tuée par les officiers de cette armée, JNA; c'est ainsi

24 qu'ils ont exprimé leur gratitude à son endroit. Si vous le voulez, je

25 peux vous amener au cimetière pour vous dire ce qui est marqué sur sa

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1 pierre tombale.

2 Question: Monsieur Biscevic, je vous ai simplement demandé de nous donner

3 des noms, si vous vous en souvenez.

4 Réponse: Oui, je vous ai dit pas Pasakada; c'était le nom de la mère; j'ai

5 oublié le nom du jeune homme. J'avais de nombreux patients et je ne peux

6 pas me souvenir de tous leurs noms, mais il est enterré au cimetière de

7 Sanski Most.

8 Question: Donc c'était un officier d'active de la JNA?

9 Réponse: Oui, c'est cela: l'armée populaire yougoslave.

10 Question: Nous ne parlons donc pas de réserviste ici?

11 Réponse: Non, nous parlons d'officiers d'active, de soldats d'active.

12 Question: Mis à part cet officier d'active, vous ne vous souvenez pas

13 d'autres noms?

14 Réponse: Eh bien, si vous insistez, je peux peut-être vous donner les

15 noms.

16 Question: Monsieur Biscevic, vous savez probablement que tout ce qui avait

17 trait au recrutement, à la mobilisation et à toutes les questions de

18 personnel, au niveau des conscrits et des réservistes, était géré par les

19 secrétariats municipaux de la défense dans l'ex-Yougoslavie. Est-ce exact?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Ceci signifie que ces secrétariats municipaux existaient au sein

22 des différentes municipalités. Est-ce exact?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, me dire s'il y avait des

25 concitoyens qui ont répondu à ces appels de mobilisation?

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1 Réponse: Oui, il y avait des Musulmans qui y ont répondu.

2 Question: Ils revenaient du front et ils ramenaient avec eux cette

3 ambiance guerrière. Est-ce exact?

4 Réponse: L'armée serbe n'était pas intéressée par ces personnes.

5 Question: Je voudrais vous demander de répondre à ma question. Je vous ai

6 posé la question suivante: lorsque ces personnes rentraient après des

7 permissions, lorsqu'ils revenaient du front, ils ramenaient avec eux cette

8 ambiance de guerre qu'ils ramenaient avec eux à Sanski Most?

9 Réponse: Oui, ils revenaient, ils prenaient un bain, ils se reposaient.

10 Question: Vous nous avez dit hier que ces personnes revenaient, ramenaient

11 des armes du front avec eux, qu'ils se soûlaient à Sanski Most. Est-ce

12 exact?

13 Réponse: Oui, beaucoup d'entre eux faisaient cela, c'était une attitude

14 classique.

15 Question: Et vous nous avez dit hier que ceci a suscité certains incidents

16 à Sanski Most?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Vous nous avez également dit que la police de Sanski Most

19 faisait des enquêtes sur ces incidents, mais n'est pas arrivée à trouver

20 les auteurs de ces incidents, suite à quoi vous avez proposé que des

21 patrouilles conjointes soient établies?

22 Réponse: Oui, au départ. Mais après, l'armée a pris une position très

23 tranchée et a ignoré le reste de la population.

24 Question: Nous parlons de 1991, est-ce exact?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Monsieur Biscevic, est-ce que vous pouvez nous dire s'il est

2 vrai que le SDA, de son propre chef, a organisé des patrouilles avec des

3 représentants d'une seule ethnicité, les patrouilles qu'on appelait

4 "Mahala"?

5 Réponse: Oui, il s'agissait d'un quartier musulman.

6 Question: Mahala est un quartier de Sanski Most; est-ce exact?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Ces patrouilles composées de représentants d'un seul groupe

9 ethnique, est-ce qu'ils étaient également membres du SDA?

10 Réponse: Non.

11 Question: Mais ils étaient tous musulmans, est-ce exact?

12 Réponse: Mais bien sûr, puisqu'il s'agissait d'un quartier exclusivement

13 musulman.

14 Question: Est-ce que ces patrouilles étaient armées?

15 Réponse: Non.

16 Question: Dites-moi s'il vous plaît, si durant cette période, c'est-à-dire

17 jusqu'à la fin de 1991, la police de Sanski Most était composée d'un seul

18 groupe ethnique?

19 Réponse: Eh bien, jusqu'à la fin mai, il s'agissait d'une force de police

20 mixte. Et ensuite, il s'agissait de la police serbe.

21 Question: Donc, jusqu'en mai 1992, il y avait une force de police mixte à

22 Sanski Most?

23 Réponse: Eh bien, la répartition était 80/15.

24 Question: Merci. Dites-moi, vous aviez des réunions au niveau de la ville

25 et au niveau municipal pour essayer d'apaiser la situation et d'éviter une

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1 escalade?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Et vous n'avez pas réussi?

4 Réponse: Pas du tout.

5 Question: Vous nous avez dit hier que c'étaient principalement des

6 propriétés non-serbes qui avaient été détruites?

7 Réponse: Oui, tout à fait.

8 Question: Est-ce que vous vous souvenez que le 14 avril 1992, une bombe a

9 été lancée sur un café serbe?

10 Réponse: Oui. Et ça a été fait par des Serbes, par le fils de Lazic Mico.

11 Ce n'était pas un Serbe loyal, et les Serbes ont fait cela car ils

12 voulaient s'assurer qu'il soit plus loyal.

13 Question: Oui, mais c'est une propriété serbe qui avait été détruite?

14 Réponse: On a prouvé plus tard qui était l'auteur de cette attaque, qui

15 avait lancé cette bombe.

16 M. Zecevic (interprétation): Est-ce que ceci a été établi par la police ou

17 par quelqu'un d'autre?

18 M. Biscevic (interprétation): Par nous, les responsables politiques.

19 Lorsque nous avons tenu une réunion, nous leur avons dit: "Regardez ce qui

20 s'est passé".

21 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

22 Veuillez respecter une pause. Parce que vous n'attendez pas pour votre

23 réponse.

24 M. Zecevic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Pouvez-vous

25 nous dire si des poursuites ont été lancées, suite à cela?

Page 7117

1 M. Biscevic (interprétation): Nous avons demandé que ceci soit fait, mais

2 en vain. Nous n'avons pas pu identifier les auteurs.

3 Question: Donc, dans cet incident spécifique, lorsqu'une bombe a été

4 lancée sur un café dont le propriétaire était un Serbe, vous, en tant que

5 responsable politique, est-ce que vous savez qui étaient les auteurs?

6 Réponse: Oui, car ils ont eu une altercation, ils ont révélé qui c'était.

7 Question: Donc vous avez fait un rapport à la police, mais rien n'a été

8 fait à ce sujet?

9 Réponse: Une fois qu'ils ont su qui était l'auteur, rien n'a été fait.

10 Question: Et tous les autres incidents où il y a eu des propriétés croates

11 et musulmanes qui ont été endommagées, est-ce que vous vous ne saviez pas,

12 en tant que responsables politiques?

13 Réponse: Eh bien, nous savions tout mais nous ne pouvions rien faire. Nous

14 savions qu'il y avait Medini et "Njunja" qui faisaient cela dans la ville,

15 mais on ne pouvait rien faire. On ne pouvait rien faire car on voyait, on

16 le voyait, on voyait qu'ils lançaient des bombes. Mon fils a vu la

17 Mercedes blanche à partir de laquelle la bombe a été lancée, mais rien n'a

18 été fait.

19 Question: Ce que je vous demande, ce que je voudrais savoir, c'est si ces

20 faits ou ces incidents que vous avez révélés aujourd'hui avaient été

21 portés à la connaissance de la police, à l'époque?

22 Réponse: Rien n'a été fait à ce sujet.

23 Question: Donc la police, qui était responsable de maintenir l'ordre

24 public à Sanski Most, n'a rien fait au sujet de ces incidents?

25 Réponse: Eh bien, s'ils considéraient que quelque chose pouvait ou devait

Page 7118

1 être fait, ils s'acquittaient totalement bien de leurs responsabilités.

2 Dans les autres cas, ils ne faisaient rien.

3 Question: Vous avez mentionné une personne répondant au nom de "Njunja"?

4 Vous connaissez peut-être la formation paramilitaire dont il était le

5 commandant, le SOS?

6 Réponse: Le SOS avait été établi un peu plus tard à Sanski Most, et

7 "Njunja" était le président de cette unité. Et un peu plus tard, on a

8 planté une bombe sous véhicule et il a explosé avec sa voiture.

9 Question: Maintenant, revenons à la question de la mobilisation.

10 Etant donné que les Musulmans ne répondaient pas à ces avis de

11 mobilisation qui allaient à l'encontre des réglementations obligatoires ou

12 qui avaient force contraignante, ceci signifiait qu'ils ne devenaient pas

13 membres de la Défense territoriale, car ils ne répondaient pas à ces avis

14 de mobilisation?

15 Réponse: Nous avions dit très clairement, et de manière univoque, que si

16 les avis de mobilisation portaient sur la municipalité de Sanski Most,

17 nous pouvions y répondre. Cependant, s'il s'agissait d'être mobilisé pour

18 le front en Croatie, nous ne le ferions pas.

19 Question: Ces personnes qui ont sciemment refusé de répondre à ces avis de

20 mobilisation, ils ont dû rendre leurs armes et leurs uniformes. Est-ce

21 exact?

22 Réponse: Oui, c'est exact. Ils ont dû remettre les armes et les uniformes

23 qu'on leur avait fournis.

24 Question: Et ces armes, comme vous nous l'avez dit, étaient stockées au

25 SUP de Sanski Most?

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1 Réponse: Oui, il y avait un bureau militaire dans les bâtiments du SUP.

2 Question: Et le stockage de ces armes qui avaient été rendues a commencé

3 en 1991, n'est-ce pas?

4 Réponse: Non, en 1992. Et non en 1991.

5 Question: Et pouvez-vous me dire si cette zone de stockage était

6 surveillée par la police?

7 Réponse: Je sais que le fils de Mico Lazic est venu me voir, celui dont le

8 café avait été bombardé, car il n'avait pas été actif dès le départ. Il

9 est venu dans un camion, il est venu chez moi et il a confisqué les armes

10 dans le quartier; il les a emportées au bureau militaire. Nous n'avons pas

11 obtenu de récépissé ni d'explication à ce sujet.

12 Question: Je ne vous ai pas demandé de vos armes en tant que civil: je

13 parlais des armes qui avaient saisies au niveau des réservistes ou des

14 conscrits militaires.

15 Réponse: Oui, ils ont dû les remettre au bureau militaire et ceci a été

16 entré sur un registre.

17 M. Zecevic (interprétation): Vous nous avez dit hier que ces armes étaient

18 stockées dans les bâtiments du SUP?

19 M. Biscevic (interprétation): Oui, il y avait deux bâtiments: un bâtiment

20 de la Défense territoriale et un bâtiment du SUP.

21 M. le Président (interprétation): Je ne peux pas vous répéter cela toutes

22 les cinq minutes: vous ne l'avez pas laissé finir la question. Donc,

23 Maître Zecevic, répétez cette question et je suis sûr que le témoin

24 appliquera les pauses que j'ai recommandées à vous deux. Votre question,

25 c'était?

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1 M. Zecevic (interprétation): Oui, une seconde.

2 M. le Président (interprétation): Vous avez dit hier que ces armes étaient

3 stockées dans le SUP. Vous avez été arrêté par le témoin à ce moment-là.

4 Je ne sais pas ce que vous alliez lui demander.

5 Certainement, parce qu'un peu plus tard vous avez posé une question pour

6 savoir si c'était surveillé, si l'entrepôt était surveillé par la police

7 ou pas. Et il a répondu, mais cela n'avait rien à avoir avec la question

8 qui avait été posée.

9 M. Zecevic (interprétation): Oui, Monsieur le Témoin, nous voulons avoir

10 une précision. Ces armes étaient stockées dans le bâtiment du SUP; dans ce

11 bâtiment du SUP. Il y avait également le secrétariat municipal pour la

12 défense de la population. Est-ce exact?

13 M. Biscevic (interprétation): Oui.

14 M. Zecevic (interprétation): Est-ce que ceci satisfait cette Chambre

15 d'audience?

16 M. le Président (interprétation): Oui. Mais avant de finir votre question,

17 assurez-vous qu'il y a une pause suffisante, car je ne comprends votre

18 langue et les autres Juges ne comprennent pas la langue, et l'accusation

19 ne comprend pas non plus votre langue. Donc nous devons attendre les

20 interprètes. Il y a également M. Ackerman, au niveau de la défense, qui ne

21 comprend pas le BCS. Donc nous devons attendre jusqu'à ce que nous

22 obtenions l'interprétation. Quelquefois, cette interprétation n'est pas

23 terminée et vous commencez déjà à répondre à cette question. C'est la

24 raison pour laquelle je vous arrête assez souvent. Sinon, ceci crée des

25 problèmes de compréhension pour tout le monde.

Page 7121

1 Mais oui, il a répondu à votre question.

2 M. Zecevic (interprétation): Merci.

3 Monsieur Biscevic, le secrétariat municipal est un organe civil, n'est-ce

4 pas?

5 M. Biscevic (interprétation): Au départ, ça l'était.

6 Question: Lorsque vous dites "au départ", qu'est-ce que vous voulez dire

7 par là?

8 Réponse: Lorsque la 6e Brigade de Krajina est venue à Sanski Most, M.

9 Basara a pris tout en charge. La TO, dirigée par un Serbe pendant

10 plusieurs années, a été remise aux Musulmans quelques mois auparavant et

11 les Musulmans qui dirigeaient la Défense territoriale se sont retrouvés à

12 Manjaca. Donc vous pouvez voir le pouvoir qu'il avait.

13 Question: Donc, selon vous, jusqu'à l'arrivée de la 6e Brigade de la

14 Krajina, c'était une instance civile?

15 Réponse: Oui, oui.

16 Question: Est-ce que l'état de guerre a été proclamé en Bosnie-

17 Herzégovine?

18 Réponse: Je ne sais pas.

19 Question: Au moment où la 6e Brigade de Krajina est arrivée, est-ce que

20 l'état de guerre a été proclamé?

21 Réponse: A ce moment-là, on a dit que l'armée permettait de garantir la

22 paix entre les Musulmans, les Croates et les Serbes, et que les hommes

23 politiques pouvaient argumenter tant qu'ils voulaient, mais que l'armée

24 permettrait de garantir la paix. Et que personne ne serait blessé.

25 Question: Très bien. Vous nous avez dit hier, à la page 56 du compte rendu

Page 7122

1 d'audience officieux, lignes 2 et 3, vous avez dit que vous avez rencontré

2 M. Basara lorsqu'il est venu à Sanski Most avec la 6e Brigade de Krajina,

3 en mars 1992. Est-ce exact?

4 Réponse: Oui, c'est à ce moment-là que M. Basara est venu à la réunion qui

5 s'est tenue à la municipalité. Il a dit qu'il était venu avec ses soldats

6 afin de se reposer, afin de nous rencontrer et que nous, on le rencontre.

7 Il a dit que nous allions garder le contact et résoudre ensemble tous les

8 problèmes, que les hommes politiques pouvaient faire ce qu'ils voulaient,

9 mais que l'armée garantissait la paix. Et nous avons accepté cela tel

10 quel.

11 Question: L'huissier peut-il montrer au témoin le document P608?

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Monsieur Biscevic, je vais vous montrer un document; c'est un ordre donné

14 par le commandement du 5e Corps d'armée en date 1er avril 1992. Est-ce que

15 vous l'avez vu?

16 Réponse: Je vois mais je ne l'ai pas lu. Je devrais le lire.

17 Question: Veuillez lire le paragraphe 1, deuxième paragraphe, qui commence

18 par: "Après la marche…".

19 Réponse: D'accord.

20 Question: Est-ce que vous pourriez nous lire cela?

21 Réponse: "Après la marche, déployer l'unité dans la région Sanski Most –

22 Kamengrad – Dabar – Tomina, avec la tâche suivante: obtenir le contrôle

23 total du territoire, empêcher les conflits interethniques, placer des

24 points de contrôle et sécuriser les établissements d'importance

25 particulière, établir la coopération totale avec les instances du

Page 7123

1 gouvernement de Sanski Most, la municipalité de Sanski Most, et collaborer

2 avec la Défense territoriale et les unités de police".

3 Question: Est-ce que vous pouvez voir la page suivante? C'est signé par le

4 général Momir Talic; est-ce exact?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Merci. Vous voyez, sur ce document, que la date est celle du 1er

7 avril 1992?

8 Réponse: Oui.

9 M. Zecevic (interprétation): Merci.

10 Merci, Monsieur l'Huissier. Est-ce que vous pourriez montrer le document

11 P609 maintenant?

12 M. le Président (interprétation): Oui, le Juge Janu a raison de dire que

13 vous n'avez pas posé la question.

14 M. Zecevic (interprétation): Oui, mais il y a un autre document semblable

15 et je vais poser des questions par la suite, avec votre permission.

16 M. le Président (interprétation): Oui, oui, allez-y.

17 M. Zecevic (interprétation): P609.

18 Monsieur Biscevic, vous voyez qu'il s'agit d'un rapport de combat envoyé

19 par le commandement du 5e Corps d'armée, le 2 avril 1992, au commandement

20 du 2e District militaire. Je vous demanderai de bien vouloir lire le

21 premier paragraphe, la deuxième partie.

22 M. Biscevic (interprétation): "Au cours de la journée, on a procédé au

23 retrait de 6/10e de la 6e Brigade de la 10e Division Partizan, qui a été

24 retirée du combat à Demirovac, Draksenic et Josik, dans le but de préparer

25 et forcer la marche pendant la nuit du 2 au 3 avril 1992, le long des

Page 7124

1 villages de Josik, Bosanska Dubica, Knezica, Prijedor, Ostra Luka, Sanski

2 Most, Kamengrad, Dabar, Sanski Most, Tomina village, avant 6 heures le 3

3 avril 1992."

4 M. le Président (interprétation): Peut-être faut-il corriger cela dans le

5 transcript?

6 M. Zecevic (interprétation): J'ai dit: le deuxième paragraphe.

7 M. le Président (interprétation): Il faut corriger cela dans le transcript

8 dans ce cas-là, parce que d'après le transcript, vous avez dit de lire le

9 premier paragraphe, point 2, mais apparemment, il a lu ce que vous avez

10 demandé. Mais pour le compte rendu d'audience, vous devez corriger que ce

11 n'était pas le paragraphe en question.

12 M. Zecevic (interprétation): Monsieur Biscevic, je vous demanderai de lire

13 la page 3, point 3 ou paragraphe 3, qui commence par les mots "J'ai

14 décidé".

15 (Mme Korner fait son entrée dans le prétoire.)

16 M. le Président (interprétation): C'est la page suivante, Monsieur

17 l'Huissier.

18 M. Zecevic (interprétation): Dans la version en serbe, c'est la page 3 et,

19 en anglais, c'est la page 2.

20 M. le Président (interprétation): Oui, c'est un peu plus loin, Monsieur

21 l'Huissier. Très bien, vous pouvez vous arrêter là: "J'ai décidé".

22 M. Zecevic (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous lire cela?

23 M. Biscevic (interprétation): "J'ai décidé le retrait de la 6e… 6/10e … du

24 combat. Etablir le contrôle total dans la région vaste de Sanski Most,

25 utiliser d'autres forces regroupées dans la zone de responsabilité sud, au

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1 sud de la rivière Sava, afin d'empêcher que l'on place les barricades sur

2 les routes, afin de permettre la libre circulation, protéger la population

3 et empêcher des conflits interethniques".

4 M. Zecevic (interprétation): C'est bon, arrêtez-vous là.

5 Question: Est-ce que ceci a été signé, encore une fois, par le général

6 Momir Talic?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Monsieur Biscevic, vous avez vu les dates figurant sur ces

9 documents, ce qui indique que la 6e Brigade de la Krajina était venue à

10 Sanski Most le 3 avril 1992?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que vous permettez la possibilité que ceci se soit passé

13 effectivement début avril?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Merci. Je vous pose cette question compte tenu du fait que, dans

16 la déclaration que vous avez fournie aux enquêteurs du Bureau du Procureur

17 -vous l'avez fait à deux reprises: en 1997 et puis deux fois encore en

18 1999-, vous avez dit, à un moment, même que ceci s'était passé en janvier,

19 février 1992?

20 (Madame Korner sort du prétoire.)

21 Réponse: Non, ce n'était certainement pas en janvier, février. Peut-être

22 avais-je dit que c'était en mars?

23 Question: Très bien. Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que, le

24 plus probablement, c'était le 3 avril 1992? Est-ce exact?

25 Réponse: On vient de constater que c'était le cas.

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1 Question: Dites-moi, s'il vous plaît, en ce qui concerne ces ordres

2 contenus dans les deux documents que vous venez voir, ceci est

3 pratiquement conforme à cent pour-cent à ce que M. Basara vous a dit lors

4 de la réunion, lorsque vous l'avez rencontré, au moment de la réunion qui

5 s'est tenue dans la municipalité?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Dites-moi, s'il vous plaît…

8 Monsieur l'Huissier, merci, je n'ai plus besoin de ce document.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Monsieur Biscevic, la situation en Bosnie-Herzégovine, depuis début avril

11 et par la suite, s'est détériorée de manière drastique, n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Des conflits armés avaient éclaté à Sarajevo au début du mois

14 d'avril et, par la suite, ailleurs en Bosnie aussi?

15 Réponse: Oui.

16 Question: A cette époque, des opérations étaient encore en cours dans la

17 Slovénie occidentale, une région qui est relativement proche de la vôtre,

18 n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Nous allons reparler de Sanski Most.

21 D'après les informations dont nous disposons, le MUP et les événements

22 liés au bâtiment de la municipalité ont eu lieu le 17 avril 1992. Hier,

23 vous avez dit que c'était le 25, 26 avril. Est-ce que vous pourriez nous

24 dire si c'était le 25, le 27 ou peut-être le 17, si vous vous en souvenez?

25 Réponse: C'était en 1992. Aujourd'hui, on est en 2002. J'admets que peut-

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1 être j'ai fait une erreur au niveau de la date.

2 Question: Ce jour-là, lorsque le MUP a été divisé, vous êtes entré dans le

3 bâtiment de la municipalité?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Dans le bâtiment de la municipalité, mis à part les dirigeants

6 du SDA, les leaders du HDZ de Sanski Most y sont allés également, n'est-ce

7 pas?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Et puis, également les policiers qui n'étaient pas membres du

10 groupe ethnique serbe y sont entrés également dans ces bâtiments de la

11 municipalité, n'est-ce pas?

12 Réponse: Puisqu'ils ont été expulsés par la force du SUP, ils l'ont fait

13 effectivement.

14 Question: Et dites-moi, s'il vous plaît, vous avez également dit qu'un

15 certain nombre de civils sont entrés dans le bâtiment.

16 Réponse: Oui.

17 Question: Quel était le nombre approximatif des personnes qui se

18 trouvaient dans le bâtiment de la municipalité, si vous vous en souvenez?

19 Réponse: Je n'y étais pas cette nuit-là, donc je ne sais pas.

20 Question: Dites-moi: pendant ce temps, en mars/avril 1992, est-ce qu'il y

21 a eu des pourparlers entre les dirigeants du SDS et SDA, donc les partis

22 SDS et SDA, portant sur le partage de la municipalité de Sanski Most?

23 Réponse: Jusqu'à l'attaque contre l'assemblée municipale, on s'asseyait

24 autour d'une même table tous les jours et on discutait de tous les

25 problèmes.

Page 7128

1 Question: Est-ce que vous avez parlé en termes concrets d'un éventuel

2 partage de la municipalité de Sanski Most, selon des critères ethniques,

3 si vous vous en souvenez?

4 Réponse: Ceci était exigé par le SDS. Tout ce qu'on pouvait faire, c'était

5 de rester assis avec eux et de parler de cela.

6 Question: Et vous n'étiez pas d'accord avec cela? Le parti SDA n'était pas

7 d'accord avec une telle proposition?

8 Réponse: Non.

9 Question: Dites-moi, dans ce bâtiment de la municipalité, les membres de

10 la police serbe, ils étaient armés, n'est-ce pas?

11 Réponse: Je pense que l'un d'eux portait un fusil.

12 Question: Et vous n'avez pas vu d'autres armes?

13 Réponse: Pas cette nuit-là.

14 Question: Hier, vous nous avez dit que le dimanche 19 avril -peut-être ce

15 n'est pas la date que vous avez donnée, vous avez dit le 27 avril, mais

16 bon-, disons le jour des événements dans la municipalité, lorsque vous

17 êtes sorti de la municipalité, vous êtes allé à votre ferme. Est-ce exact?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Après cela, vous n'êtes plus rentré à la municipalité, est-ce

20 exact? Cette nuit-là?

21 Réponse: On venait d'ériger les barricades. Il n'était pas possible d'y

22 entrer puisqu'il y avait des soldats, l'armée était là et puis les

23 barrages routiers aussi.

24 Question: Et par la suite, vous avez appris que, vers 22 heures, un obus

25 avait été tiré sur la municipalité, sur le bâtiment de la municipalité?

Page 7129

1 Réponse: Je suppose que c'était le signe pour qu'on commence à tirer de

2 manière généralisée, parce que, juste après, on a commencé à tirer

3 partout, en utilisant toutes sortes d'armes à Sanski Most.

4 Question: Et immédiatement avant, avez-vous entendu un échange de tirs,

5 donc avant que ces projectiles aient été tirés, si vous vous en souvenez?

6 Réponse: Je me souviens très bien. Pour nous, c'était habituel. On tirait

7 de partout, parce que vous aviez des groupes d'hommes ivres et armés qui

8 tiraient autant qu'ils le souhaitaient.

9 Question: Quand vous dites que vous n'étiez pas sur place, est-ce que

10 quelqu'un vous a dit que ce qui a précédé ce tir de projectiles, c'était

11 un conflit entre la police, qui était devant le bâtiment de la

12 municipalité, à un certain nombre de personnes qui se trouvaient à

13 l'intérieur?

14 Réponse: Je n'ai pas compris votre question.

15 Question: Compte tenu du fait que vous n'étiez pas sur place, comme vous

16 l'avez dit, je vous ai demandé si quelqu'un vous a raconté ou bien si vous

17 avez entendu parler du fait qu'avant que l'on ne tire ce projectile, un

18 conflit armé s'était déclaré entre les forces de la police qui se

19 trouvaient devant le bâtiment, d'un côté, et, de l'autre, les personnes

20 qui étaient à l'intérieur du bâtiment de la municipalité à ce moment-là.

21 Réponse: Je ne peux pas vous dire cela parce que je n'y étais pas.

22 Question: Ma question était de savoir si vous aviez entendu parler de

23 cela. Merci.

24 Ce jour-là, vous avez dit que vous êtes allé à la ferme. Est-ce exact?

25 Réponse: Oui.

Page 7130

1 Question: Mais hier, vous nous avez dit qu'après que l'on avait abandonné

2 le bâtiment de la municipalité, que vous-même, vous êtes allé passer la

3 nuit dans le village de Sehovici.

4 Réponse: Sehovci?

5 Question: Oui, Sehovci, excusez-moi. Est-ce exact?

6 Réponse: Non, pas moi, mais les gens qui étaient dans le bâtiment de la

7 municipalité. Donc lorsque j'ai parlé de cela, je parlais du SDA et du HDZ

8 et des gens qui étaient là-bas.

9 Question: Donc vous-même, vous n'étiez pas à Sehovci?

10 Réponse: Je vous ai déjà dit que je n'y étais pas.

11 (Mme Korner fait à nouveau son entrée dans le prétoire.)

12 Question: Le lendemain, le général Talic est arrivé en hélicoptère et vous

13 n'avez pas assisté à cette réunion-là, n'est-ce pas?

14 Réponse: Non, effectivement.

15 M. Zecevic (interprétation): Mais, d'après ce que l'on vous a raconté par

16 la suite, comme vous l'avez dit hier, il a répété les mêmes choses que

17 celles qui étaient contenues dans l'ordre que l'on a lu tout à l'heure et,

18 en fait, il a tenu les mêmes propos que ceux tenus par M. Basara en début

19 avril, disant que l'armée allait empêcher...

20 M. Biscevic (interprétation): Oui, lui aussi disait que la JNA était le

21 garant de la paix à Sanski Most entre les Musulmans et les Serbes, et les

22 Croates. Et que c'était lui personnellement qui garantissait cela.

23 M. le Président (interprétation): Maître Zecevic, si j'ai bien compris, le

24 Procureur souhaite soulever une question pendant cinq minutes. Ou peut-

25 être plus?

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1 M. Zecevic (interprétation): J'ai encore juste une question.

2 M. le Président (interprétation): Oui, oui, vous avez encore cinq, six

3 minutes. Mais je voulais simplement vous avertir. Donc faites une pause ou

4 arrêtez-vous au moment où ceci vous conviendra.

5 M. Zecevic (interprétation): J'aurai juste une question de plus concernant

6 ce sujet et ensuite je passerai à autre chose. Ce sera donc le moment

7 idéal pour interrompre.

8 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Zecevic.

9 M. Zecevic (interprétation): Est-ce que vous savez que M. Karabeg, deux

10 jours après cette réunion avec M. Talic, a parlé avec lui de nouveau par

11 téléphone?

12 M. Biscevic (interprétation): Oui.

13 Question: Merci. Est-ce qu'il vous a dit ce dont ils se sont entretenus,

14 si vous vous en souvenez? Ou peut-être qu'il s'agissait des mêmes

15 problèmes?

16 M. Biscevic (interprétation): Monsieur Talic lui garantissait la paix et

17 la sécurité, et que cette attaque contre la Sana était une erreur, que

18 ceci n'allait pas se reproduire, que la situation allait être calme et

19 dépourvue de conflit à Sanski Most.

20 M. Zecevic (interprétation): Merci. Monsieur le Président.

21 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Zecevic.

22 Monsieur Biscevic, nous devons nous en arrêter là pour la journée

23 d'aujourd'hui. Nous allons poursuivre demain. On va vous escorter

24 aujourd'hui comme ceci était le cas hier. C'est l'huissier qui va vous

25 escorter.

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1 Nous reprendrons nos travaux demain matin à 9 heures et non pas dans

2 l'après-midi.

3 M. Biscevic (interprétation): S'il vous plaît?

4 M. le Président (interprétation): Nous allons reprendre nos travaux demain

5 à 9 heures du matin et non pas dans l'après-midi.

6 M. Biscevic (interprétation): Merci beaucoup.

7 (Le témoin, M. Faik Biscevic, est reconduit hors du prétoire.)*

8 M. le Président (interprétation): Madame Korner?

9 (Questions relatives à la procédure.)*

10 Mme Korner (interprétation): Je suppose que je vous fais peur en

11 apparaissant ici, mais, en fait, ceci concerne le témoin.

12 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas moi qui ai peur de

13 cela!

14 Mme Korner (interprétation): Vous allez vous rappeler peut-être, Monsieur

15 le Président, du fait que M. McLeod est un homme d'affaires pour qui c'est

16 difficile de venir ici. Il est venu, il a mis trois jours à notre

17 disposition: vendredi, lundi et mardi, mais il doit absolument terminer

18 mardi parce qu'il a une présentation à Glasgow mercredi.

19 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas loin.

20 Mme Korner (interprétation): Il y a un problème inattendu puisque dans

21 l'affaire Stakic, ils vont siéger lundi seulement de 10 heures jusqu'à 13

22 heures 45, et mardi…

23 M. le Président (interprétation): Attendez, lundi?

24 Mme Korner (interprétation): Jusqu'à 2 heures moins le quart, donc une

25 heure de moins, et mardi, ils vont siéger de 9 heures jusqu'à une heure

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1 moins le quart, donc en perdant encore une heure.

2 Si j'ai bien compris, peut-être que le témoin de demain va également

3 déposer vendredi. Mais le problème, c'est que, si nous ne terminons pas ce

4 témoin d'ici vendredi ici, bien évidemment, il ne pourra pas commencer sa

5 déposition dans l'affaire Stakic. Il ne peut pas le faire en plein milieu

6 de sa déposition dans cette affaire-ci. Et c'est pour cela que, lorsque

7 nous avons parlé de ce problème avec le Juge Schomburg, il a dit qu'il

8 acceptait que sa Chambre change de place avec la nôtre afin de siéger

9 pendant les horaires normaux lundi.

10 Si j'ai bien compris, Me Ackerman a dit qu'il n'avait rien contre cela et

11 la défense de M. Talic également. En fait, je fais appel à vous pour que

12 cet arrangement soit mis en place parce que sinon il serait très, très

13 difficile de faire venir le témoin de nouveau afin d'être contre-

14 interrogé.

15 M. le Président (interprétation): Je ne vais pas demander au conseil de la

16 défense d'expliquer son point de vue. Mais peut-être Me Zecevic ou Mme

17 Fauveau pourrait rencontrer Mme Korner, pourrait faire face à la demande

18 de Mme Korner.

19 M. Zecevic (interprétation): J'aimerais beaucoup faire face à la demande

20 du Procureur et de ce Tribunal, mais, vous savez, je n'ai pas

21 d'alternative. J'ai dit que, de mon point de vue, ceci n'est pas

22 acceptable parce que moi, je me suis retrouvé au milieu de cette affaire,

23 cela fait seulement 14 jours que c'est le cas, il y a encore un grand

24 nombre de points que je n'ai pas pu traiter, mais là, il s'agit de quelque

25 chose que je ne peux pas reporter. Il s'agit d'une question personnelle.

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1 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance ne vous

2 demande pas les détails, Maître Zecevic.

3 M. Zecevic (interprétation): J'essaie de vous venir en aide.

4 Mme Korner (interprétation): Il y a encore d'autres conseils de la

5 défense. Je ne sais pas, du point de vue de Mme Fauveau; peut-être qu'elle

6 a un problème personnel aussi?

7 Mme Fauveau: Non, je n'ai pas de problèmes personnels, mais j'ai un

8 problème professionnel. Comme vous le savez, je travaille pour un cabinet

9 d'avocats à Paris et il m'est très difficile de procéder à des changements

10 de dernière minute.

11 Mme Korner (interprétation): Très bien. Peut-être avais-je des espoirs

12 trop élevés.

13 M. le Président (interprétation): Quand est-ce qu'il arrive, M. McLeod?

14 Mme Korner (interprétation): Il arrive demain soir, plutôt tard, à cause

15 de ses engagements professionnels. Je vais le citer à la barre vendredi;

16 peut-être, si c'est possible, vendredi un peu plus tôt?

17 M. le Président (interprétation): J'avais proposé que l'on commence

18 vendredi matin.

19 Mme Korner (interprétation): Oui, mais j'aurais besoin de le voir plus tôt

20 dans la matinée; je ne sais pas si vous êtes prêts à ce que l'on commence

21 un peu plus tôt, peut-être vers la mi-matinée, et ensuite, que l'on

22 travaille pour le reste de l'après-midi également.

23 M. le Président (interprétation): Nous pouvons faire cela.

24 Mme Korner (interprétation): Je vous en serais très reconnaissante.

25 M. le Président (interprétation): Peut-être pourrions-nous faire cela, à

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1 moins que ça ne pose problème à la défense? Parce que nous sommes prêts à

2 faire face aux demandes des deux parties, mais si la défense dit non, nous

3 ne pouvons pas le faire.

4 Mme Korner (interprétation): Ecoutez, je pense que je n'ai pas besoin de

5 beaucoup de temps afin de parler avec M. McLeod. Peut-être, si nous

6 pouvions commencer vendredi un peu plus tôt… Parce que je vois que M.

7 Biscevic est toujours contre-interrogé et puis, demain, nous aurons deux

8 témoins, mais je pense que nous allons les terminer. Donc si nous pouvons

9 commencer, disons, à midi, vendredi ou à l'heure qui vous convient…

10 M. le Président (interprétation): Moi, ça m'arrange si, de votre point de

11 vue, c'est acceptable.

12 Mais, voyons… Après M. Biscevic, vous avez encore deux témoins?

13 Mme Korner (interprétation): Oui, dont la déposition sera brève.

14 M. le Président (interprétation): D'après ce que j'ai compris aujourd'hui,

15 l'optimisme que j'ai mentionné risque de devenir réel, concernant la

16 possibilité de terminer ces deux témoins demain?

17 Mme Korner (interprétation): Oui, je pense que ce sera possible.

18 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce serait approprié si on

19 commençait demain à une heure, si on essayait de terminer ce témoin et si

20 on reportait la déposition de ces deux autres témoins jusqu'à la journée

21 de lundi? Est-ce que cela poserait beaucoup de problèmes au Procureur?

22 Mme Korner (interprétation): Je ne pense pas que ceci nous poserait des

23 problèmes.

24 M. le Président (interprétation): Mais ça voudrait dire que vous pourriez

25 commencer la déposition de M. McLeod dès que possible, après l'avoir vu,

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1 et donc nous pouvons procéder ainsi. Ensuite, lundi…

2 En fait, vendredi, nous pouvons siéger toute la journée si vous le voulez;

3 je suis même prêt à accepter cela. Mais cela dépend aussi de l'équipe de

4 la défense.

5 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, si nous siégions, est-

6 ce que je peux demander la chose suivante? Il faut savoir que dans

7 l'affaire Milosevic, ils vont siéger de 9 heures 30 jusqu'à 4 heures 30,

8 et peut-être puis-je faire la suggestion suivante, à savoir de commencer

9 vers 11 heures du matin vendredi?

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que la défense est d'accord?

11 Mme Fauveau: J'ai parlé avec Me Ackerman et nous nous sommes mis d'accord,

12 c'est Me Ackerman qui fera, le premier, le contre-interrogatoire. D'après

13 ce qu'on a convenu, il a été assez clair pour moi que je ne ferai pas le

14 contre-interrogatoire vendredi, mais lundi. Donc, il m'est impossible de

15 le préparer maintenant pour vendredi. Je peux être ici toute la journée de

16 vendredi s'il le faut, mais le contre-interrogatoire du témoin 7.52, je

17 voudrais vous demander de m'accorder de le faire lundi.

18 Mme Korner (interprétation): Oui, merci beaucoup. Je vous suis très

19 reconnaissante. Je crois que ce serait la meilleure solution.

20 M. le Président (interprétation): Ce serait l'après-midi et non pas le

21 matin, alors, lundi?

22 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est exact.

23 M. le Président (interprétation): Il aurait terminé l'interrogatoire

24 principal?

25 Mme Korner (interprétation): Je crois qu'il aurait tout terminé vendredi,

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1 comme je l'ai dit.

2 M. le Président (interprétation): Vous avez toujours le problème que Mme

3 Fauveau ne pourra pas faire le contre-interrogatoire vendredi, ne sera pas

4 prête.

5 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, je n'avais pas compris.

6 En fait, la seule façon dont ça puisse marcher, c'est que l'on siège plus

7 longtemps jusqu'à la fin du contre-interrogatoire. Je pensais que M.

8 Zecevic ou Mme Fauveau pourraient être prêts à faire le contre-

9 interrogatoire de M. McLeod. En fait, tout ce qu'il y avait, c'était un

10 témoin qui serait très bref.

11 Mme Fauveau: Oui, bien sûr que je le ferai. Mais mon conseil principal

12 vient d'arriver dans l'affaire. Effectivement, j'ai maintenant plus de

13 travail qu'il y a une semaine.

14 M. le Président (interprétation): Je comprends.

15 Mme Fauveau: Comment puis-je préparer trois témoins en deux jours?

16 M. le Président (interprétation): C'est pourquoi j'avais fait cette

17 proposition, Madame Korner: parce que quelquefois, vous sous-estimez que

18 j'ai déjà discuté de tout ça.

19 C'est pourquoi je me demandais si on ne pourrait pas laisser tomber le

20 deuxième de ces trois témoins et s'en tenir à un seul. Et de cette

21 manière, vous ne devriez pas faire le contre-interrogatoire du deuxième

22 témoin.

23 Mme Korner (interprétation): (Inaudible.)

24 Mme Fauveau: (Inaudible.)

25 M. le Président (interprétation): Vous étiez déjà prête.

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1 Mme Fauveau: (Inaudible)… en plus, il s'agit de témoins qui ne sont pas

2 très volumineux. Je suis sûre que vous avez vu la quantité des

3 déclarations du témoin 7.52; je crois qu'il y a deux classeurs.

4 Mme Korner (interprétation): Je crois que c'est très clair; peut-être y a-

5 t-il un malentendu? C'était pour qu'on n'en reste pas aux transcripts

6 précédents de M. McLeod; il déjà témoigné deux fois, mais sur des régions

7 complètement différentes de la Bosnie. La raison pour laquelle on l'a

8 appelé, dans ce cas, c'est pour traiter de sa visite à Manjaca à la fin du

9 mois d'août, et un peu avant qu'il ne parte. Il n'a jamais témoigné sur ce

10 point auparavant. Il a tenu un journal; et les parties du journal qui

11 concernent son témoignage sont très brèves.

12 M. le Président (interprétation): Bon, la nuit porte conseil. Peut-être,

13 si vous le trouvez le temps demain matin, vous pourrez peut-être en

14 discuter entre vous?

15 Mme Korner (interprétation): Oui. En fait, la raison pour laquelle je suis

16 venue maintenant, alors que je n'ai pas fini de siéger, c'est que je

17 voulais vous informer qu'il n'y avait pas de changement de salle

18 nécessaire.

19 M. le Président (interprétation): Pas pour le moment, parce que... Si un

20 changement d'horaire peut poser un problème aux équipes de la défense, il

21 faut que j'en tienne compte manifestement. Donc, nous reprendrons cela

22 demain matin. Essayez de résoudre cela entre vous, entre-temps.

23 Maître Ackerman?

24 M. Ackerman (interprétation): J'ai quelque chose à dire, mais peut-être

25 faudrait-il le dire demain matin, quand j'aurai eu le temps de vérifier

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1 certaines choses.

2 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ackerman. (Hors micro.)

3 (L'audience est levée à 18 heures 36.)

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