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1 (Mardi 17 septembre 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 14 heures 18.)
3 (Audience publique.)
4 (Seul l'accusé M. Radoslav Brdjanin est présent dans le prétoire.)
5 (Questions relatives à la procédure.)
6 M. le Président (interprétation): Oui, Madame la Greffière, pouvez-vous
7 annoncer l'affaire, s'il vous plaît.
8 Mme Chen (interprétation): Oui. Il s'agit de l'Affaire IT-99-36-T, le
9 Procureur contre Radoslav Brdjanin et Momir Talic.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Brdjanin, bonjour. Est-ce que
11 vous m'entendez dans une langue que vous comprenez?
12 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, je vous
13 entends et je vous comprends.
14 M. le Président (interprétation): Je vous en remercie. Vous pouvez vous
15 rasseoir. Je vais demander aux Procureurs de se présenter.
16 Mme Korner (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.
17 Joanna Korner et Anna Richterova, Julian Nicholls et Ann Sutherland, avec
18 notre assistante Denise Gustin.
19 M. le Président (interprétation): Radoslav Brdjanin?
20 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.
21 Je m'appelle John Ackerman. Avec Milan Trbojevic et Marela Jevtovic, je
22 représente les intérêts de M. Brdjanin.
23 Mais, apparemment, le transcript ne fonctionne pas.
24 M. le Président (interprétation): Cela ne fonctionnait pas sur mon écran
25 non plus, mais, apparemment, quand j'ai appuyé sur la touche vidéo, cela
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1 s'est mis à marcher.
2 M. Ackerman (interprétation): Oui, apparemment, ça marche.
3 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui. Toutefois, si cela ne
4 marche pas, vous me le direz.
5 M. Ackerman (interprétation): Cela marche sur mon écran, mais apparemment,
6 sur les ordinateurs portables, cela ne marche pas.
7 M. le Président (interprétation): En ce qui concerne les ordinateurs
8 portables, eh bien, vous devriez tout d'abord vous assurer que le portable
9 est dûment connecté. Le système fonctionne. Peut-être que, tout
10 simplement, vous n'êtes pas connecté, comme c'est entendu.
11 M. Ackerman (interprétation): Je vais essayer de me reconnecter.
12 M. le Président (interprétation): Très bien.
13 M. Ackerman (interprétation): Cela ne marche toujours pas.
14 (Intervention de la Greffière.)
15 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, est-ce que
16 l'ordinateur portable qui se trouve au premier rang fonctionne? Oui ou
17 non?
18 M. Zecevic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais le nôtre ne
19 marche pas.
20 Mme Chen (interprétation): Je vais appeler le technicien.
21 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, les écrans principaux
22 de tout le monde fonctionnent, donc nous pouvons continuer.
23 M. le Président (interprétation): Oui, oui, mais je pense que ceci ne nous
24 suffit pas, Madame Korner, car moi, je me préoccupe de ce qui se passe
25 dans le prétoire et il est vrai qu'à plusieurs reprises j'ai vu Me
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1 Ackerman en train de faire du "copier-coller" sur son ordinateur.
2 Mme Korner (interprétation): Oui, vous avez raison, bien sûr, mais ce
3 n'est peut-être pas vital pour la continuation de l'audience.
4 M. le Président (interprétation): Eh bien, il faut qu'il s'exprime pour
5 lui-même. On va le demander à Me Ackerman.
6 M. Ackerman (interprétation): Eh bien, puisque l'autre ordinateur portable
7 fonctionne, nous allons peut-être en avoir besoin aujourd'hui, juste pour
8 transférer le transcript à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Donc nous
9 pouvons le faire à partir de l'autre ordinateur portable.
10 M. le Président (interprétation): Très bien.
11 Le conseil du général Talic? Maître Zecevic.
12 M. Zecevic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Slobodan
13 Zecevic, assisté de Natasha Ivanovic-Fauveau pour le général Talic.
14 M. le Président (interprétation): Pour le compte rendu d'audience, je dois
15 dire que le général Talic n'est pas présent et je vais lire la
16 renonciation qu'on a fournie aux Juges de la Chambre, signée par le
17 général Momir Talic en date d'aujourd'hui, le 17 septembre.
18 Donc je vais vous la lire en anglais, et voici ce qui est écrit: "Moi,
19 Momir Talic, je signe cette renonciation qui m'a été présentée. Je suis
20 conscient de mon droit de consulter mon conseil à ce sujet. Je n'ai pas
21 été forcé à le signer. Je renonce à mon droit d'être présent à l'audience
22 du mardi 17 septembre 2002.
23 Signé: La Haye, le 17 septembre, Momir Talic". (Fin de citation.)
24 Donc c'était pour le compte rendu d'audience.
25 Est-ce qu'il y a quoi que ce soit dont vous voulez parler avant de
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1 commencer?
2 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, il y a quelque
3 chose dont je voudrais parler. Mais, tout d'abord, nous sommes en audience
4 publique et je pense qu'à la lumière de la demande faite par la défense
5 pour lever la confidentialité et par rapport à certaines choses qui ont
6 été rapportées, eh bien, je voudrais en parler avec vous à la fin de
7 l'audience, car quelque chose qui a été normalement dit à huis clos a été
8 publié dans la presse.
9 Cependant, à moins qu'il n'y ait pas d'objection de la part des conseils
10 de la défense, je pense que nous devrions continuer en audience publique.
11 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des objections de la
12 part des conseils de la défense?
13 M. Zecevic (interprétation): Non, pas d'objection.
14 M. le Président (interprétation): Et Maître Ackerman?
15 M. Ackerman (interprétation): Non.
16 M. le Président (interprétation): Eh bien, tout d'abord, je voulais vous
17 proposer, avant de parler de la mise en liberté provisoire, je voulais
18 vous proposer justement de continuer à siéger en audience publique.
19 Puisque nous avons déjà parlé de l'état de santé du général Talic en
20 détail -nous l'avons fait à huis clos-, il n'y a pas de raison, à présent,
21 de continuer à huis clos.
22 Nous allons donc débattre de quelques points préliminaires concernant
23 l'ordre du jour d'aujourd'hui. Nous allons procéder pas à pas.
24 Donc il y a une requête dont vous venez de faire référence, Madame Korner,
25 une requête faite par les conseils de la défense du général Talic
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1 demandant aux Juges de la présente Chambre de lever la confidentialité.
2 Nous avons déjà décidé à ce sujet.
3 Ensuite, il s'agira de débattre de la requête portant la mise en liberté
4 provisoire. Nous n'avons pas encore parlé de cela encore, mais nous avons
5 parlé, en revanche, de l'état de santé du général Talic.
6 Et ensuite, le Procureur a demandé la prorogation des délais jusqu'au jour
7 d'aujourd'hui. Est-ce que vous maintenez votre requête, c'est-à-dire que
8 l'on lève la confidentialité?
9 M. Zecevic (interprétation): Oui.
10 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des objections de la
11 part du Bureau du Procureur?
12 Mme Korner (interprétation): Non, non. Au contraire. Il y a eu beaucoup de
13 plaintes faites par les conseils de la défense concernant les demandes de
14 huis clos. Mais en ce qui concerne les huis clos que nous avons eus
15 récemment, eh bien, nous les avons eus précisément à la demande des
16 conseils de la défense à juste titre. Nous n'avons donc rien contre cela.
17 Dans notre réponse à la défense qui a demandé la mise en liberté
18 provisoire, nous avons justement demandé que l'on lève la confidentialité.
19 M. le Président (interprétation): Et justement, j'arrive à cela. C'est
20 donc une conséquence tout à fait logique. Vous avez fait cette demande de
21 façon confidentielle. Vous nous l'avez fournie à 12 heures aujourd'hui,
22 mais maintenant vous n'avez apparemment plus besoin de confidentialité
23 quant à cette requête.
24 Mme Korner (interprétation): Oui, elle a été faite de façon confidentielle
25 justement parce que les autres audiences se sont déroulées de façon
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1 confidentielle. Maintenant, il n'y a plus de raison à ce que l'on ne lève
2 pas la confidentialité par rapport à cette requête.
3 M. le Président (interprétation): La première de cette décision que nous
4 allons prendre, c'est une décision orale faisant suite à la demande de
5 mise en liberté provisoire de la part du général Talic. La réponse du
6 Procureur qui a été fournie aujourd'hui, nous allons en parler, et nous
7 allons aussi parler de la procédure qui s'en est suivie.
8 Suite à cette requête faite par le général Talic, nous avons entendu des
9 témoignages concernant l'état de santé du général Talic et tout ceci ne
10 reste pas confidentiel, bien que ces audiences se sont tenues à huis clos.
11 C'est donc la première décision que nous prenons.
12 Ensuite, la deuxième chose dont je voudrais discuter avec vous -et ceci ne
13 durera pas plus que quelques minutes-, il s'agit de la demande, de la
14 requête qui a été soumise en français par les conseils du général Talic.
15 Dans cette requête, on demande aux Juges de la Chambre d'entendre,
16 d'accueillir le représentant de la République Fédérale de Yougoslavie, et
17 cela par rapport à la requête qui a été soumise à la Chambre concernant la
18 mise en liberté provisoire du général Talic.
19 Est-ce que le Procureur a quoi que ce soit contre la comparution dans ce
20 prétoire d'un représentant de la République Fédérale de Yougoslavie? Est-
21 ce que vous objectez à ce qu'éventuellement nous entendions sa déposition?
22 Mme Korner (interprétation): Non, pas du tout.
23 M. le Président (interprétation): Eh bien, c'est la deuxième décision que
24 nous faisons, à savoir concernant la requête aux fins d'audition du témoin
25 qui a été fournie hier. Elle a été soumise hier, le 16 septembre. Eh bien,
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1 nous y faisons droit. Et nous allons vous dire à quel moment nous allons
2 pouvoir faire entrer dans le prétoire ce représentant de la République
3 Fédérale de Yougoslavie.
4 Le troisième point que j'ai voulu clarifier, eh bien, il s'agit d'une
5 question directe que je souhaite poser à Maître Zecevic.
6 J'imagine que vous avez reçu la réponse fournie par le Procureur à peu
7 près au même moment que nous. Est-ce que vous avez suffisamment de temps
8 pour la lire et pour y réfléchir? Est-ce que vous êtes prêt à y répondre?
9 Ou bien est-ce que vous avez besoin de plus de temps? Est-ce que vous avez
10 besoin d'une prorogation de délai?
11 M. Zecevic (interprétation): Non, nous n'avons pas besoin de proroger les
12 délais. Nous sommes prêts à y répondre.
13 Mme Korner (interprétation): Je dois ajouter que nous nous sommes
14 rencontrés ce matin. J'ai aussi discuté hier avec Me Fauveau. Donc nous
15 savons à peu près quelles sont nos positions.
16 M. le Président (interprétation): Eh bien, je vais vous proposer de
17 procéder de la façon suivante. Plutôt que de demander à Me Zecevic de nous
18 fournir les bases de sa requête portant libération provisoire du général
19 Talic, je vais plutôt m'adresser à vous, Madame Korner, et vous demander
20 de nous donner les raisons de votre réponse, la réponse que vous nous avez
21 donnée aujourd'hui. Et ensuite, je vais donner la parole à Me Zecevic.
22 Mme Korner (interprétation): Eh bien, pour nous, notre position est très
23 claire, et nous pensons que nous l'avons très clairement exprimée.
24 M. le Président (interprétation): Oui, c'est exprimé assez simplement,
25 mais dans une partie de votre réponse, j'ai besoin de quelques
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1 explications.
2 A un moment donné, vous dites, au paragraphe n°4, dernière phrase: "Le
3 Juge de la Chambre, dans la phase préalable au procès, a demandé la
4 détention du général Talic avant et au cours du procès, et ses raisons
5 n'ont pas disparu tout simplement parce que sa santé s'est détériorée."
6 (Fin de citation.)
7 Ensuite, au paragraphe 5: "La perception de l'opinion publique d'une telle
8 mise en liberté provisoire pourrait être très préjudiciable à l'autorité
9 du Procureur et à sa capacité de conduire les enquêtes sur le territoire
10 de l'ex-Yougoslavie et dans les autres procès à La Haye. Les victimes et
11 les autres témoins qui ont accepté de coopérer avec le Procureur ne seront
12 pas favorables à une éventuelle mise en liberté provisoire de M. Talic,
13 quelles que soient les circonstances. Au contraire, dans le contexte de
14 leurs propres souffrances, ils ne comprendront pas les motifs humanitaires
15 qui seraient derrière une telle libération. Le Procureur propose donc une
16 autre stratégie." (Fin de citation.)
17 Donc, d'après vous, on demande que l'on transfère M. Talic dans la
18 République fédérale de Yougoslavie pour qu'il y soit soigné des soins
19 qu'il demanderait et, ensuite, il faudrait tout de même reconnaître que M.
20 Talic est un accusé en état d'arrestation qui est, selon les preuves prima
21 faciae, responsable de la mort et des souffrances de milliers de
22 Musulmans, etc.
23 Ensuite, vous proposez que M. Talic reste en détention, pas à La Haye mais
24 à Belgrade, dans un hôpital où il serait traité et quel que soit le
25 traitement qu'il endure. Parce que les docteurs nous ont expliqué, par
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1 exemple, que, dans le cadre d'une chimiothérapie, vous vous rendez pour
2 quelques heures à l'hôpital et ensuite vous sortez. Donc, est-ce que vous
3 vous attendez à ce que cette Chambre de première instance délivre un ordre
4 aux autorités de la République fédérative de Yougoslavie en hôpital,
5 notamment en hôpital militaire de sa capitale, pour s'assurer qu'ils vont
6 jouer le rôle de quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye en ce
7 qui concerne la détention de l'accusé Talic le temps qu'il va y rester.
8 Et ensuite, si le général Talic continue à être soigné et si, par exemple,
9 il considère qu'il n'est pas en mesure de revenir au Tribunal pour rester
10 dans le quartier pénitentiaire ici à La Haye, eh bien, de quelle façon
11 ceci changera-t-il la perception des victimes et des témoins? Car le
12 général Talic ne sera pas à La Haye, de toute façon, il va plutôt se
13 trouver dans un hôpital. Vous pourrez l'appeler un hôpital pénitentiaire,
14 mais de quelle façon ceci va-t-il changer la perception de l'opinion
15 publique?
16 Mme Korner (interprétation): Eh bien, tout d'abord, tout cela dépend de
17 l'accord de la part des autorités fédératives de Yougoslavie. Nous avons
18 été en contact par ce monsieur qui se trouve ici à La Haye aujourd'hui, je
19 ne sais pas quel est son nom.
20 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il est au courant de
21 cela.
22 Mme Korner (interprétation): Nous avons été en contact avec M. Djeric, qui
23 est ministre des Affaires étrangères, et nous avons informé le Conseil de
24 la Défense de la réponse qu'il nous a fournie.
25 En principe, la République fédérale de Yougoslavie n'y voit pas de
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1 problème, mais ils ont besoin d'une décision gouvernementale, qui ne peut
2 pas être prise avant que le gouvernement ne se réunisse. Et ils pensent
3 que ceci pourrait se faire jeudi. Jeudi prochain, il pourra nous fournir
4 une réponse.
5 Ensuite, vous nous avez demandé de quelle façon ceci pourrait changer la
6 perception de l'opinion publique. Si un accusé est mis en liberté
7 provisoire, eh bien, il devient un homme libre et sa circulation n'est pas
8 restreinte. Donc, c'est un homme libre, alors même que le procès où il est
9 accusé de génocide et d'autres violations graves du droit humanitaire est
10 en cours. Et il a été montré, par des preuves présentées, qu'il a
11 participé à ces crimes.
12 Le public en Bosnie et dans le territoire de l'ex-Yougoslavie qui sont des
13 victimes de ces crimes ne comprendrait pas pourquoi cet homme ne reste pas
14 en détention alors qu'il devrait subir un procès, qu'il devrait être jugé,
15 quel que soit son état de santé.
16 Donc le Procureur serait d'accord pour qu'on le transfère en dehors de la
17 juridiction de ce Tribunal, mais à condition qu'il reste en détention,
18 même s'il est soigné, même s'il s'agit d'un établissement de soins
19 médicaux. Mais, à partir du moment où il sera à nouveau en mesure d'être
20 placé en quartier pénitentiaire des Nations Unies et à suivre le procès,
21 eh bien, il faut le faire revenir et terminer le procès.
22 Donc peut-être avons-nous tort, mais nous, en tant que Bureau du Procureur
23 qui -depuis un certain nombre d'années déjà- avons affaire avec des
24 témoins et des victimes, nous considérons, en tant que Bureau du
25 Procureur, que dans tous les procès que nous avons eu à présenter ici nous
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1 avons eu différentes victimes de différentes appartenances ethniques. Il
2 s'agissait parfois de Musulmans, mais aussi parfois de populations croate
3 de Bosnie, serbe, etc. Mais nous considérons que le public doit savoir que
4 les personnes accusées de ces violations, quel que soit leur état de
5 santé, ces personnes, ces accusés ne peuvent pas librement se promener
6 dans les rues de Banja Luka ou de Belgrade. Et c'est très important en ce
7 qui concerne la ville de Banja Luka notamment.
8 Monsieur le Président, il s'agit d'un procès en cours; qu'il s'agisse du
9 général Talic ou de M. Brdjanin, il vous appartient de prendre une
10 décision. Mais la présence du général Talic qui va se promener dans les
11 rues -comme vous l'avez bien dit, à juste titre, les traitements
12 hospitaliers ne durent pas toute la journée- eh bien, nous considérons que
13 ceci ne motivera pas les témoins pour venir témoigner à ce procès.
14 La perception: vous m'avez demandé quelle serait la perception de
15 l'opinion publique concernant par exemple les mesures de protection pour
16 le témoin ou bien de menaces. Objectivement, il ne s'agit pas d'une menace
17 à haut risque mais, du point de vue psychologique, en ce qui concerne la
18 personne qui va venir témoigner, la présence des autres groupes ethniques
19 pose problème. Ceci peut faire peur et pour cette raison-là les témoins
20 pourraient ne pas venir. C'est pour cela que nous demandons que l'on aide,
21 du point de vue humanitaire, le général Talic, c'est-à-dire de lui
22 permettre de recevoir des soins dans son propre pays, d'être soigné dans
23 une langue qu'il comprend. Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus.
24 Nous aurions pu ne pas être d'accord. Nous aurions pu dire qu'il y a des
25 spécialistes de très haut niveau -et nous les avons vus il y a quelques
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1 jours- qui travaillent dans ce pays, et nous aurions pu demander qu'il
2 reste aux Pays-Bas et qu'il soit soigné dans des soins ambulatoires aux
3 Pays-Bas et qu'il reste dans le quartier pénitentiaire.
4 Mais nous avons de la compassion pour ce qui arrive au général Talic, et
5 c'est pour cela que nous sommes prêts à le laisser revenir en Yougoslavie.
6 Mais aux conditions qui nous permettraient de s'attendre à l'avoir ici
7 suivre le procès à partir du moment où il sera apte à le faire.
8 M. le Président (interprétation): Si je comprends bien, il y avait deux
9 options: soit qu'il reste ici au centre de détention, qu'il y reçoive le
10 traitement nécessaire mais tout en restant en détention ici même au
11 quartier pénitentiaire de La Haye?
12 Mme Korner (interprétation): Oui, tout à fait.
13 M. le Président (interprétation): Et l'autre option, c'est exactement la
14 même situation, le même cas de figure mais en Yougoslavie?
15 Mme Korner (interprétation): Exact.
16 M. le Président (interprétation): Et cela a été votre option de
17 préférence?
18 Mme Korner (interprétation): Oui, parce que nous éprouvons une certaine
19 compassion pour le général et la situation dans laquelle il se trouve.
20 Cependant, nous devons être conscients du devoir qui est le nôtre envers
21 ceux que nous représentons en l'espèce, à savoir les victimes.
22 M. le Président (interprétation): Fort bien.
23 Maître Zecevic, pourriez-vous, s'il vous plaît, faire connaître à la
24 Chambre quelle est votre position s'agissant de la proposition qui a été
25 faite par Mme Korner?
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1 M. Zecevic (interprétation): Avec plaisir, Monsieur le Président.
2 En premier lieu, et si nous avons bien compris la position du Bureau du
3 Procureur, il semble que l'accusation ait mal compris ce que nous
4 demandons par le biais de notre requête. Ce que nous demandons dans notre
5 requête, ce n'est pas que le général Talic soit libre complètement; on
6 demande simplement sa mise en liberté provisoire. Et conformément à la
7 jurisprudence du Tribunal, on sait que l'accusé, lorsqu'il bénéficie d'une
8 mise en liberté provisoire, l'a dans des conditions extrêmement strictes
9 qui sont fixées par la Chambre de première instance au cas par cas.
10 Il va donc sans dire, si je puis m'exprimer ainsi, que l'accusé s'attendra
11 à pouvoir être ramené au Tribunal sur ordonnance de la Chambre qui l'aura
12 mis en liberté provisoire. Et généralement, on prend des garanties au
13 Tribunal avant d'accorder une mise en liberté provisoire quelle qu'elle
14 soit à un accusé.
15 Maintenant, s'agissant de la réponse de l'accusation. Avec tout le respect
16 que nous lui devons, la défense du général Talic estime que la réponse qui
17 a été faite par le Bureau du Procureur est une réponse qui revient à dire
18 oui et non en même temps.
19 D'une part, le Procureur s'oppose à la requête aux fins de mise en liberté
20 provisoire mais, dans le même temps, le Procureur dit être en faveur du
21 fait que le général Talic soit soigné à l'Académie militaire médicale à
22 Belgrade.
23 La requête aux fins de mise en liberté provisoire, nous l'avons déposée
24 essentiellement à cause de l'état de santé de notre client. C'est la
25 raison qui sous-tend notre requête aux fins de mise en liberté provisoire
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1 déposée récemment.
2 Si nous comprenons bien, le Procureur ne s'oppose pas, c'est d'ailleurs
3 dit clairement dans la requête. L'accusation nous dit ne pas être opposée
4 à reconnaître le fait que le général Talic est gravement malade et qu'il a
5 besoin d'un traitement médical. La seule chose avec laquelle l'accusation
6 n'est pas d'accord, ce sont les conditions dans lesquelles s'effectuerait
7 la mise en liberté provisoire.
8 C'est pourquoi notre position est la suivante. L'Article 54 ne saurait
9 s'appliquer en l'espèce. La jurisprudence du Tribunal dans d'autres
10 affaires, dans une affaire très semblable, celle du général Djukic, a
11 montré très clairement que les dispositions de l'Article 65 peuvent
12 s'appliquer.
13 Le général Djukic a été mis en liberté provisoire pour des raisons
14 humanitaires étant donné la nature et la gravité de la maladie dont il
15 était atteint.
16 Dans sa réponse, l'accusation nous donne un grand nombre de faits sur
17 lesquels je ne souhaite pas m'étendre devant la Chambre de première
18 instance.
19 Vous avez, en effet, entendu des témoins et je pense que vous êtes,
20 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, à même de déterminer ce que
21 vous ont dit les témoins.
22 Cependant, je souhaiterais faire deux observations. Il y a la réponse de
23 l'accusation, vous venez d'en donner lecture en partie. On nous donne une
24 observation...
25 M. le Président (interprétation): Je m'excuse de vous interrompre, mais je
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1 pense que nous pouvons permettre l'entrée dans le prétoire du représentant
2 de la RFY, car il sera forcément nécessaire de lui poser un certain nombre
3 de questions et il va falloir l'entendre sur un certain nombre de points.
4 (Les Juges se concertent sur le siège.)
5 Un instant, Maître Zecevic. Attendez, s'il vous plaît, l'entrée de ce
6 monsieur, car je vois à peu près ce que vous allez nous dire et je pense
7 qu'il est mieux que ce représentant de la RFY soit ici, afin de pouvoir
8 vous entendre.
9 En fait, vous deux, je souhaiterais que vous évoquiez les points suivants,
10 à savoir la situation telle qu'elle se présente réellement.
11 (Le conseiller de l'ambassade de la République fédérale de Yougoslavie, M.
12 Slavoljub Caric, est introduit dans le prétoire.)
13 Ce qui signifie concrètement, en premier lieu, les questions suivantes, à
14 savoir: est-ce que le général Talic est apte à assister à son procès ou à
15 rester au quartier pénitentiaire? Ça, c'est essentiel.
16 Mais ce qui est peut-être encore plus important, c'est ce que nous avons
17 évoqué vers la fin de la dernière audience en l'espèce, à savoir la chose
18 suivante: si le général Talic devait être maintenu en détention ici même à
19 La Haye, serait-il possible que cela soit compatible à ses droits
20 fondamentaux? Est-ce qu'il serait possible, tout en préservant ses droits
21 fondamentaux, de le maintenir en détention, de poursuivre le procès tout
22 en lui faisant bénéficier du traitement médical dont il a besoin, ayant
23 conscience du pronostic qui nous a été présenté par les trois médecins,
24 les deux médecins extérieurs et le médecin du quartier pénitentiaire?
25 Si on prend ces trois opinions ensemble, on a une idée assez claire de la
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1 situation, bien qu'il y ait quelques divergences.
2 La réalité de la situation est la suivante: on m'a fait savoir qu'il est
3 impossible de garder un détenu ici à La Haye tout en garantissant en même
4 temps que ce détenu bénéficie d'un traitement médical ou, le cas échéant,
5 d'une hospitalisation, et ceci, sur une longue période. Ceci est
6 complètement exclu. Je me suis renseigné à ce sujet et on m'a dit qu'il
7 existait un accord, même pas écrit, mais un accord informel, tacite, entre
8 le Tribunal et les autorités néerlandaises, faisant que tout détenu ayant
9 besoin d'un traitement médical bénéficiera de ce traitement, certes.
10 Mais là, nous parlons de périodes de temps brèves. Nous ne parlons pas de
11 traitement se poursuivant sur de longues périodes. Pour l'instant, la
12 question ne s'est pas posée entre le Tribunal et le Gouvernement
13 néerlandais, mais je pense qu'il faut appeler un chat un chat, et c'est là
14 le point de départ.
15 Il est possible que la situation soit acceptable, une situation que nous
16 pouvons accepter sans difficulté, sans obstacle, sans violation des droits
17 fondamentaux du général Talic, mais aujourd'hui c'est aujourd'hui, et tout
18 peut changer dès demain.
19 Or il est possible que demain, à l'avenir, la situation soit complètement
20 inacceptable. L'accusation a raison de dire dans sa requête que la
21 situation n'est pas claire. On ne sait pas à quoi s'attendre ici. Il est
22 possible que la situation reste en l'état pendant plusieurs mois, mais il
23 est fort possible aussi qu'il y ait détérioration très rapide.
24 Et je pense que l'accusation a fait preuve de beaucoup de sagesse dans son
25 attitude en ne s'opposant pas radicalement à votre demande aux fins de
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1 mise en liberté provisoire. Cela, il faut le reconnaître. L'accusation
2 comprend bien tous les tenants et les aboutissants du problème qui nous
3 intéressent aujourd'hui.
4 Autre problème que j'identifie ici, c'est le suivant: le Règlement
5 autorise le Tribunal à maintenir en détention un accusé soit dans les
6 locaux prévus à cet effet ici à La Haye, soit dans des locaux fournis par
7 un pays tiers ou disponibles dans un pays tiers, et on peut lire -je
8 cite-: "Dans des circonstances exceptionnelles, l'accusé peut être détenu
9 dans des locaux se situant à l'extérieur du pays hôte". (Fin de citation.)
10 Si bien que la requête présentée ou plutôt la proposition, pour reprendre
11 les termes de l'accusation, la proposition de l'accusation est une
12 proposition qui est prévue et qui correspond à l'extrait du Règlement dont
13 je viens de donner lecture.
14 Ce que j'attends de vous, Maître Zecevic, c'est une réponse à la question
15 que j'ai déjà posée à l'accusation. Pour vous, quelle différence y a-t-il
16 entre une ordonnance prévoyant ou portant mise en liberté provisoire de
17 votre client, qui s'accompagnerait de toutes les mesures visant à lui
18 assurer un traitement médical adéquat avec les garanties habituelles, et,
19 d'autre part, une ordonnance telle que celle qui est préconisée par
20 l'accusation, qui lui permettrait de se trouver dans son pays natal auprès
21 de sa famille, de recevoir les soins médicaux adéquats et qui présenterait
22 également les garanties qui sont généralement exigées dans le cadre de
23 mise en liberté provisoire au cas où son retour au Tribunal s'avèrerait
24 nécessaire? Pour vous, quelle différence y a-t-il entre ces deux cas de
25 figure?
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1 M. Zecevic (interprétation): Monsieur le Président, j'imagine que vous,
2 puisque vous me posez la question, vous ne voyez pas de différence entre
3 les deux. Moi non plus.
4 M. le Président (interprétation): Non, non. J'ai posé la question à Mme
5 Korner, je voulais savoir pourquoi elle avait opté pour une solution
6 plutôt que pour l'autre. Je vous pose exactement la même question: je
7 voudrais savoir pourquoi vous êtes défavorable à la solution de Mme Korner
8 et vous insistez sur votre solution.
9 M. Zecevic (interprétation): En premier lieu, Monsieur le Président, nous
10 avons déposé notre requête aux fins de mise en liberté provisoire en vertu
11 de l'Article 65 du Règlement. Nous pensons qu'il s'agit du seul article
12 qui a trait à la liberté provisoire. Ce dont vous venez de donner lecture,
13 c'est un extrait de l'Article 64, si je ne me trompe. Je pense avoir une
14 connaissance suffisante du Règlement. Et la requête de l'accusation n'a
15 pas été déposée au titre de l'Article 64, en invoquant l'Article 64, mais
16 c'est plutôt l'Article 54 qui a été invoqué.
17 La raison pour laquelle nous sommes opposés à cette proposition, c'est
18 que, dans cette réponse de l'accusation, on ne comprend pas comment
19 l'accusation envisage le côté pratique de la chose puisque ça fait entrer
20 en jeu tellement d'institutions et ça prendrait énormément de temps. Or,
21 comme je l'ai déjà dit, la chose dont nous disposons le moins, c'est le
22 temps, malheureusement, étant donné l'état médical de mon client.
23 M. le Président (interprétation): Un instant.
24 M. Zecevic (interprétation): Oui.
25 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas exact parce que, si votre
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1 client a besoin de soins médicaux ici, à La Haye, il peut les recevoir
2 dans les heures qui suivront. Je ne pense pas que la qualité des
3 traitements qu'il pourrait recevoir ici serait en quoi que ce soit
4 inférieur à ce dont il bénéficierait à Belgrade.
5 M. Zecevic (interprétation): Certes, Monsieur le Président, mais vous avez
6 dit vous-même que ce genre de traitement ne peut être fourni au quartier
7 pénitentiaire, et que si le traitement commençait ici, il faudrait
8 également qu'il se poursuive et qu'il se termine ici.
9 M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas exact. Il y a deux
10 interventions qui peuvent être envisagées: l'une consiste à faire la
11 jonction entre son thorax et sa plèvre; c'est une intervention très simple
12 finalement; l'autre intervention, c'est la chimiothérapie. Ça, c'est
13 quelque chose qui peut être commencé tout de suite et qui peut être
14 poursuivi à Belgrade ou ailleurs, sans aucun préjudice pour sa santé, à
15 supposer qu'il puisse se déplacer et que les docteurs affirment qu'il ne
16 courrait aucun risque en voyageant, en se déplaçant.
17 M. Zecevic (interprétation): Oui, mais...
18 M. le Président (interprétation): Je ne parle pas ici de traitement
19 médical au quartier pénitentiaire, mais à La Haye. Je peux vous garantir
20 pratiquement que ce serait le traitement approprié.
21 M. Zecevic (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois, la
22 première intervention que vous avez mentionnée, c'est une intervention qui
23 reviendrait à diminuer la quantité de fluide qui pénètre actuellement dans
24 ses poumons, une quantité qui est actuellement très importante, trop
25 importante. En fait, le seul traitement qui a été préconisé par les
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1 médecins, c'est la chimiothérapie; c'est le seul traitement qui a été
2 évoqué. Et si j'ai bien compris, le médecin en chef du quartier
3 pénitentiaire ainsi que le directeur du quartier pénitentiaire, ils ont
4 exprimé les plus grandes réserves quant à la possibilité de mener ce
5 traitement aux Pays-Bas, dans un hôpital des Pays-Bas pour des raisons de
6 sécurité; étant donné également que les hôpitaux auraient beaucoup de
7 réticence à accepter de tels patients.
8 De toute façon, je ne vais pas entrer ici dans une telle discussion dans
9 un domaine qui n'est pas le mien, parce que c'est un domaine qu'il faut
10 laisser aux médecins et aux spécialistes en la matière.
11 M. le Président (interprétation): Mais vous n'avez toujours pas répondu à
12 ma question.
13 Partons du principe, pour l'instant, que ce que vous venez de nous dire,
14 sur la base de déclarations d'autres personnes, partons du principe que ce
15 que vous dites est vrai à cent pour-cent, à savoir qu'il est impossible de
16 garantir à 100% au général Talic ses droits à un traitement médical
17 adéquat, etc., à La Haye, dans la situation actuelle.
18 Etant donné également ce que nous ont dit les médecins consultés, à savoir
19 que quelques jours de plus ou de moins ne vont pas changer grand-chose à
20 la situation -puisque la situation ne s'est pas détériorée au point qu'il
21 faille intervenir tout de suite-, pourquoi est-ce que la seule option qui
22 nous resterait serait-elle celle de la mise en liberté provisoire,
23 l'exclusion de la proposition présentée par le Bureau du Procureur?
24 C'est là-dessus que je souhaiterais vous entendre et c'est là-dessus que
25 je veux entendre vos arguments, que je veux que vous me convainquiez.
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1 M. Zecevic (interprétation): Monsieur le Président, je viens de le dire,
2 nous avons appuyé notre requête sur l'Article 65 qui prévoit la mise en
3 liberté provisoire des accusés dans certaines circonstances. La
4 jurisprudence du Tribunal pénal international ne reconnaît que cet Article
5 aux fins de mise en liberté provisoire, c'est l'Article 65. Jamais, à ma
6 connaissance, d'autres articles, tels que l'Article 52 n'a jamais été
7 invoqué, n'a jamais été employé dans ce cadre. C'est la raison pour
8 laquelle, dans le cadre de la rédaction de notre requête, nous nous sommes
9 appuyés sur l'Article 65.
10 Et ce que je veux vous dire, c'est la chose suivante: nous ne voyons pas
11 vraiment où est la différence entre notre requête à nous et le point de
12 vue défendu par le Procureur parce que le Procureur, en fait, ne nous
13 parle que des conditions de la mise en liberté provisoire; c'est tout.
14 M. le Président (interprétation): Vous nous dites donc que, de par le fait
15 du point de vue du droit, le Procureur, dans sa proposition, présente une
16 proposition de mise en liberté provisoire qui n'en est pas une?
17 M. Zecevic (interprétation): C'est tout à fait ce que j'ai dit parce que,
18 en fait, c'est pour cela que j'ai dit qu'il disait à la fois oui et non.
19 M. le Président (interprétation): Vous nous dites donc, en fait, que le
20 Bureau du Procureur essaye de sauver la face par cette réponse?
21 M. Zecevic (interprétation): Je ne dis rien de la sorte. Je vous fais
22 simplement part de mon opinion au sujet de cette réponse que nous avons
23 reçue, il y a à peine deux heures.
24 M. le Président (interprétation): Oui, mais je vous répète une fois de
25 plus…
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1 M. Zecevic (interprétation): Je suis tout à fait en mesure de vous donner
2 mes arguments à ce sujet, si vous me le permettez, Monsieur le Président.
3 M. le Président (interprétation): S'il vous plaît, allez-y.
4 M. Zecevic (interprétation): Précédemment déjà, j'ai dit que je voulais
5 faire deux observations au sujet de la réponse du Procureur.
6 En premier lieu, il y a la perception de l'opinion publique qui a été
7 invoquée. La défense se demande si cette perception de l'opinion publique
8 est prévue par le Pacte international pour les droits civils et
9 politiques, et la Convention européenne relative à la protection des
10 Droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11 Madame Korner nous disait que notre client se voit accusé de crimes
12 extrêmement graves, mais nous avons d'autre part, ici, Mme Plavsic qui est
13 accusée de génocide et qui a bénéficié d'une mise en liberté provisoire.
14 Et cela n'a absolument pas gêné le Bureau du Procureur. On n'a pas invoqué
15 à ce moment-là la perception de l'opinion publique.
16 C'est pourquoi, dans le cas d'espèce, quand nous nous trouvons face à une
17 situation dramatique du point de vue médical; nous ne pouvons pas accepter
18 cette déclaration selon laquelle l'opinion publique serait affectée de
19 manière négative par la mise en liberté provisoire de notre client.
20 D'autre part, dans sa réponse, le Procureur nous dit qu'il y a des
21 éléments de présomption qui tendent à prouver la responsabilité...
22 M. le Président (interprétation): S'il vous plaît, non. Passez à votre
23 argument suivant.
24 M. Zecevic (interprétation): Je comprends bien. Et d'ailleurs, c'est
25 exactement mon opinion, à moi aussi.
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1 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, la jurisprudence du Tribunal a
2 été citée dans notre requête aux fins de mise en liberté provisoire.
3 Le cas qui se rapproche le plus du nôtre est celui qui concerne le général
4 Djukic en 1996. Dans sa décision du 24 avril 1993, la Chambre de première
5 instance a conclu que l'accusé Djukic était atteint d'une maladie
6 incurable en phase terminale.
7 D'autre part, la Chambre de première instance a conclu que l'état très
8 grave du général Djukic était incompatible à tout maintien en détention de
9 l'accusé, et que les soins palliatifs dont il avait besoin nécessitaient
10 pour lui de se trouver dans un environnement différent.
11 Au bout du compte, la Chambre de première instance a donné droit à la
12 requête aux fins de mise en liberté provisoire, pour des raisons ayant
13 trait au respect de ses droits humains uniquement, et l'a autorisé à
14 quitter immédiatement les Pays-Bas pour rejoindre sa famille.
15 Nous estimons que cette décision est tout à fait dans le droit fil des
16 différentes dispositions des textes ayant trait aux droits de l'homme, par
17 exemple les règles qui ont trait au traitement des prisonniers, la
18 Convention universelle des Droits de l'homme, ainsi que le règlement
19 gouvernant les conditions de détention ici même, ainsi que diverses autres
20 conventions passées de par le monde.
21 Dans l'affaire Alagic et Kubura, la Chambre de première instance a accordé
22 la mise en liberté provisoire, le 19 décembre 2001, en disant que
23 l'Article 65 du Règlement de procédure et de preuve devait être interprété
24 au vu du Pacte international pour la défense des droits civils et
25 politiques et de la Convention européenne relative à la protection des
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1 Droits de l'homme et des libertés fondamentales.
2 De plus, la Chambre de première instance a conclu -je cite-: "Il convient
3 d'interpréter l'Article 65 en fonction des cas particuliers, au cas par
4 cas, et en fonction de la situation de la personne concernée, non pas dans
5 l'abstrait."
6 D'autre part, la Chambre de première instance a insisté sur le fait que
7 les mesures de procédure ne devaient pas être excessives et abusives, et
8 que s'il convenait d'appliquer une mesure de clémence, ceci devait être
9 également fait.
10 La position de la défense, c'est que l'Article 65 donne la possibilité à
11 la Chambre de première instance de donner l'ordre de remettre l'accusé en
12 liberté provisoire, et qu'il y a deux conditions à respecter:
13 premièrement, c'est que la Chambre de première instance soit convaincue
14 que l'accusé reviendra comparaître si cela est nécessaire, et d'autre part
15 qu'il ne fera pas courir de danger à des témoins, ou à des victimes ou à
16 des tiers.
17 Autre chose, c'est qu'il convient d'entendre le pays tiers où l'accusé
18 souhaite se rendre. Ce pays a déjà dit à la Chambre de première instance
19 qu'il ne s'opposait pas à la mise en liberté provisoire, et la Republika
20 Srpska a déjà déposé une garantie auprès du Tribunal qui est reconnue par
21 la jurisprudence du Tribunal.
22 D'autre part, nous avons ici le représentant de la République fédérale de
23 Yougoslavie qui est prêt à déposer au sujet du fait que la RFY est prête à
24 fournir des garanties au Tribunal, à faire en sorte que l'accusé revienne
25 à La Haye si cela s'avère nécessaire.
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1 S'agissant des victimes et des témoins, la défense insiste sur le fait
2 qu'il n'y a aucun témoin ou victime qui habite à Belgrade en Yougoslavie.
3 C'étaient des gens qui venaient de la municipalité de Banja Luka et aucun
4 d'entre eux n'habite actuellement à Belgrade.
5 D'autre part, l'état de santé de notre client fait qu'il n'est pas en
6 mesure de suivre son procès et de bénéficier d'un traitement médical en
7 même temps.
8 L'Article 65 donne à la Chambre de première instance la possibilité de
9 fixer toutes garanties qu'elle estimera nécessaire dans le cas d'espèce.
10 Donc ici, la défense agit sur la base de la situation qui concerne notre
11 client, à savoir que notre client doit bénéficier aussi rapidement que
12 possible d'un traitement médical. Et nous n'avons rien à dire s'agissant
13 des conditions qui vont être posées avant de lui octroyer sa mise en
14 liberté provisoire.
15 Nous accepterons toutes les conditions qui seront mises, à condition que
16 cela corresponde à la jurisprudence du Tribunal et des conditions qui
17 seraient compatibles à la possibilité pour notre client de bénéficier des
18 traitements dont il a besoin.
19 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, en l'espèce, nous avons entendu
20 trois experts dont l'un est le médecin en chef du quartier pénitentiaire
21 de Scheveningen, et nous avons également entendu deux spécialistes
22 cancérologues qui ont déposé devant la Chambre de première instance pour
23 vérifier ou confirmer le diagnostic qui avait été posé par le médecin-chef
24 du quartier pénitentiaire, et ils l'ont fait. Ces deux spécialistes ont
25 étudié les documents, les dossiers médicaux, ils ont procédé à un examen
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1 médical de notre client, à une biopsie, et ils en sont venus à la
2 conclusion qu'il s'agissait d'une maladie qui était à un stade très
3 avancé, incurable, extrêmement grave. Ils ont également dit que l'état de
4 santé de notre client allait se détériorer extrêmement rapidement. Ils ont
5 également tous dit que la chimiothérapie était le seul moyen de permettre
6 à l'accusé de voir son existence se poursuivre un peu plus longtemps.
7 D'autre part, le directeur de la prison nous a dit qu'il était impossible
8 d'assurer un traitement de chimiothérapie au quartier pénitentiaire et que
9 cela ne serait peut-être pas possible dans un hôpital néerlandais.
10 Le médecin-chef du quartier pénitentiaire des Nations Unies, dans le cadre
11 de ses fonctions et de ses responsabilités conformément à l'article 33 des
12 règlements de détention du quartier pénitentiaire, a dit que l'accusé
13 n'était pas apte à rester en détention et qu'il n'était pas en mesure
14 d'assister à son procès.
15 Son état de santé, c'était ce qui préoccupait au plus au point le médecin-
16 chef et les deux spécialistes, mais, avec tout le respect que nous devons
17 à tous ces spécialistes, ces médecins n'ont pas de connaissance spécifique
18 sur le maintien en détention de patient atteint de telle maladie,
19 contrairement à l'opinion du médecin-chef du quartier pénitentiaire qui,
20 lui, a une connaissance très étendue en la matière.
21 Que l'accusé puisse assister encore à son procès une semaine importe peu,
22 parce que nous estimons qu'il pourra encore assister à son procès une
23 semaine et pas plus.
24 Cela ne change rien au procès, mais cela aura sans doute des implications
25 très graves sur la thérapie dont il pourra bénéficier dans les quelques
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1 mois à venir. Et cela, c'est un droit dont tout être humain doit pouvoir
2 bénéficier. Le droit à bénéficier d'un traitement médical adéquat est un
3 droit humain fondamental et on en prive notre client. Il y a déjà huit
4 jours qui se sont écoulés depuis qu'on nous a fait savoir quel était
5 l'état médical de notre client; et toute journée supplémentaire diminue la
6 possibilité pour lui de bénéficier d'un traitement utile.
7 De surcroît, son état général en ce moment implique que l'on peut choisir
8 entre plusieurs thérapies possibles. Mais, compte tenu du fait que sa
9 santé continuera à se détériorer, il y aura de moins en moins d'options.
10 Le Procureur, dans sa réponse, a indiqué qu'il était satisfait que le
11 général Talic soit malade d'une maladie incurable et le Procureur
12 reconnaît le problème que pose la thérapie s'il la recevait pendant sa
13 détention au sein du quartier pénitentiaire. Et, en effet, le Procureur
14 reconnaît les faits pertinents de la décision de cette Chambre concernant
15 notre requête aux fins de mise en liberté provisoire, mais s'y oppose.
16 La défense, pour toutes ces raisons que je viens d'énumérer dans notre
17 requête, demande, avec tout le respect que nous vous devons, que notre
18 client soit mis en liberté provisoire.
19 M. le Président (interprétation): Merci.
20 Je souhaite, avant de donner la parole à Mme Korner, m'opposer à la
21 suggestion que vous avez faite selon laquelle le fait d'avoir reporté
22 l'audience jusqu'à la journée d'aujourd'hui a porté atteinte aux intérêts
23 et aux droits fondamentaux de votre client.
24 Dans la dernière déclaration du médecin du quartier pénitentiaire,
25 lorsqu'il a reçu la question de savoir si quelques jours ou une semaine
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1 allaient changer quelque chose au niveau de la situation de santé du
2 général Talic, la réponse était non. Et il s'agissait là de la même
3 personne qui a catégoriquement dit, dans un certificat médical, qu'il
4 n'était pas apte à être maintenu en détention.
5 Donc nous n'avons pas porté préjudice à la santé du général Talic.
6 M. Zecevic (interprétation): Je n'ai pas du tout dit que la Chambre a
7 violé les droits.
8 M. le Président (interprétation): Nous pouvons vérifier.
9 M. Zecevic (interprétation): J'ai dit que, pendant huit jours, il a été
10 privé de ses droits fondamentaux, oui.
11 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?
12 Mme Korner (interprétation): Juste deux points que je souhaite soulever
13 concernant la question du Dr Falke.
14 Tout d'abord, ce genre de requêtes n'a pas fait l'objet de discussions en
15 vertu de l'Article 65 et, compte tenu de cela, la Chambre de première
16 instance a attiré notre attention sur l'Article 64. Mais il est tout à
17 fait clair que la Chambre de première instance a le droit de prendre la
18 décision qu'elle considère comme appropriée.
19 De toute façon, le Procureur s'oppose à la mise en liberté provisoire en
20 vertu de l'Article 65 et demande une ordonnance aux fins de faire en sorte
21 que le général Talic soit placé en dehors du quartier pénitentiaire de La
22 Haye.
23 S'agissant du général Djukic, ce que je peux dire, c'est que la situation
24 était tout à fait différente. Le général Djukic était mis en accusation et
25 son procès n'avait pas commencé. Et je suis déçue que les Juges de la
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1 Chambre ne soient pas prêts à prendre en considération le fait que nous
2 avons entendu et vu un certain nombre de moyens de preuve ici impliquant
3 le général Talic.
4 Parce que c'est cela la différence principale. Dans l'affaire Djukic,
5 aucun moyen de preuve n'a été présenté.
6 M. le Président (interprétation): Mais vous savez, ceci a des implications
7 doubles. Parce que, si c'est vous qui avez raison, à savoir qu'il s'agit
8 ici d'une affaire en cours et que les moyens de preuve prima facie ont
9 déjà été fournis -des moyens de preuve qui accusent et condamnent le
10 général Talic-, dans ce cas-là, vous devriez avoir moins d'inquiétude que
11 si nous nous trouvions à un stade préalable au procès sans avoir entendu
12 un seul témoin.
13 Mme Korner (interprétation): Je n'arrive pas à suivre tout à fait ce que
14 vous dites.
15 Nous soulevons cette objection parce que l'opinion publique a entendu les
16 moyens de preuve et le général Talic aussi. Justement, nous en avons
17 discuté la semaine dernière. Le problème est incertain: peut-être la
18 chimiothérapie va-t-elle alléger la situation du général Talic
19 suffisamment pour qu'il puisse suivre la procédure lui-même?
20 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous avez vu le dernier
21 document que nous avons reçu de la part du Dr Baas selon lequel son
22 pronostic est qu'il reste tout au plus un an encore au général Talic,
23 alors que nous savons tous que ce procès ne sera pas terminé d'ici là.
24 Mme Korner (interprétation): Théoriquement parlant, bien sûr, il est
25 toujours possible de discuter de plusieurs options et d'essayer de
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1 conclure ce procès contre le général Talic d'ici quelques mois en
2 éliminant un grand nombre de moyens de preuve prévus. C'est possible,
3 mais, bien sûr, je sais que le Dr Baas a indiqué qu'un tout petit
4 pourcentage de personnes survivent pendant plus longtemps, mais il y a un
5 autre médecin qui a dit que 40% de personnes restent en vie pendant deux
6 ans.
7 M. le Président (interprétation): De toute façon, la situation ne va pas
8 s'améliorer avec le temps, mais va certainement se détériorer et
9 certainement à un certain moment -et là, c'est sûr, quelle que soit la
10 décision prise aujourd'hui-, mais compte tenu du cours normal du
11 développement d'une telle maladie, il est certain qu'il n'y aura plus
12 d'autres options, il n'y aura qu'une seule option possible.
13 Donc est-ce que cela veut dire que nous devons attendre un tel moment ou
14 bien est-ce que nous devons appliquer les critères humanitaires qui ont
15 été appliqués dans l'affaire Djukic, même si Djukic était dans un stade
16 avancé, plus avancé que celui de Talic?
17 Parce que, si vous avez lu le document portant sur Djukic, il y a deux
18 points importants. D'un côté, c'est que la décision est prise uniquement
19 sur les bases humanitaires et, deuxièmement, que cette personne n'était
20 pas apte à ce moment-là à être présente au procès.
21 Nous avons les déclarations de deux experts indiquant que cette personne,
22 à présent, est apte à être présente au procès, mais la situation va se
23 détériorer. Donc je souhaite entendre votre opinion au sujet de cela,
24 quand vous voulez.
25 Mme Korner (interprétation): Oui, mais justement, je suis en train de
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1 traiter de cela. Bien sûr, la situation va finir par se détériorer et,
2 effectivement, le Dr Falke a dit que le général Talic a reçu une peine de
3 mort, mais la question est de savoir quelle sera la durée.
4 Le problème, c'est que le général Talic peut recevoir un traitement, à
5 savoir une chimiothérapie qui va peut-être lui prolonger la vie, mais
6 cette durée de vie est tout à fait incertaine et cela peut aller jusqu'à
7 cinq ans.
8 Dans un tel cas de figure, le Procureur déclare qu'il s'agit ici de
9 quelqu'un dont le procès a commencé, un procès pour le génocide, et nous
10 considérons que cette personne est coupable du génocide; nous sommes en
11 train de présenter les moyens de preuve pour prouver cela.
12 Nous comprenons la situation actuelle. Peut-être qu'il est en forme en ce
13 moment, mais il a besoin d'un traitement. Nous acceptons cela. Donc il va
14 recevoir ce traitement tout en restant en détention et, si le pronostic ne
15 s'améliore, si sa situation de santé ne s'améliore pas, ça, c'est un cas
16 de figure.
17 Mais si sa santé s'améliore, nous considérons qu'il est approprié que
18 cette personne soit jugée de ses crimes. Il n'est pas normal que des
19 morts, des dizaines de milliers de personnes ne soient pas traitées devant
20 un Tribunal. C'est pour cette raison, dans l'intérêt des victimes et de la
21 justice, que nous adoptons cette position.
22 A ce stade, nous savons qu'il a besoin d'un traitement et, en tant que
23 Bureau du Procureur, nous sommes prêts à accepter la requête aux fins
24 qu'il soit traité dans son propre pays, à savoir l'ex-Yougoslavie. Mais
25 nous considérons qu'il ne serait pas du tout approprié que ceci se déroule
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1 à Banja Luka. Donc nous sommes préparés à accepter qu'un tel traitement
2 soit suivi par lui dans un hôpital de Belgrade si, bien sûr, la République
3 fédérale de Yougoslavie donne son aval.
4 M. le Président (interprétation): D'accord.
5 Un instant, Madame Fauveau, je vais vous donner la parole tout de suite.
6 Mais j'ai une question directe pour vous. Je comprends tout à fait votre
7 préoccupation concernant la perception de l'opinion publique, donc qu'il
8 n'y ait pas de malentendu: ne pensez pas que nous ne sommes pas préoccupés
9 par cette même situation.
10 Mais expliquez-moi la chose suivante: de quelle manière les victimes et
11 les témoins impliqués dans cette affaire et dans d'autres affaires -qui
12 vont peut-être être jugées devant ce Tribunal par la suite-, de quelle
13 manière est-ce qu'ils seront plus heureux s'ils savent que le général
14 Talic, plutôt que d'être maintenu dans le quartier pénitentiaire, ici, à
15 La Haye, sous la garde des gardes et la surveillance de vous-même et du
16 commandant du centre pénitentiaire, est à l'hôpital militaire de Belgrade,
17 surveillé par quelqu'un de Belgrade et gardé aussi, je suppose, par
18 quelqu'un de Belgrade?
19 Est-ce que vous croyez réellement que les témoins et les victimes seraient
20 plus à l'aise dans une telle situation, plutôt que de savoir que cette
21 personne est mise en liberté de manière provisoire, mais sous surveillance
22 pour que la Chambre puisse être sûre que les conditions seront remplies,
23 les garanties?
24 Mme Korner (interprétation): Si nous ne le pensions pas, nous n'aurions
25 pas donné notre accord. Nous avons donné notre accord pour une mise en
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1 liberté provisoire dans un lieu autre que Banja Luka -en ce qui concerne
2 Banja Luka, nous ne serions pas d'accord- mais par exemple à Belgrade. Et
3 nous avons discuté de cela avec le Procureur, et Mme la Procureure
4 considère qu'effectivement il y a une différence entre ces deux
5 situations.
6 M. le Président (interprétation): Maître Fauveau?
7 Mme Fauveau: Monsieur le Président, je vais tout faire pour éviter de
8 répéter ce que mon collègue a déjà dit.
9 En revanche, il y a quand même quelque chose que je dois ajouter. C'est
10 vrai qu'il y a une semaine, il y a aujourd'hui justement une semaine que
11 les deux experts ont dit que le général Talic était peut-être capable
12 d'assister à ce procès, mais l'un d'eux a dit qu'il était capable pour
13 encore une semaine et l'autre…, il a dit qu'il était certainement capable
14 pour une semaine et qu'après deux semaines, il se garderait bien de faire
15 aucune supposition.
16 Donc en ce moment même, nous n'avons aucune certitude que le général Talic
17 est capable de venir ici au procès. En revanche, on a une certitude qu'il
18 n'est pas capable, parce que le médecin de l'Unité de détention a dit que
19 le général Talic n'est pas capable d'assister au procès. C'est vrai qu'il
20 a dit qu'il pouvait encore être en Unité de détention pendant deux jours,
21 mais ce n'est pas la même chose d'être en unité de détention et assister
22 ici au procès. Assister ici au procès, c'est-à-dire avoir toutes les
23 capacités mentales pour pouvoir suivre ce procès et pour pouvoir
24 participer à sa défense.
25 Je crois qu'il y a deux choses qui sont importantes dans ce cas.
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1 La première est que le général Talic reçoive le plus vite possible un
2 traitement médical approprié et je ne m'attarderais pas là-dessus parce
3 que mon collègue a couvert tout ce qui concerne ce sujet.
4 Je dirais aussi que, justement, le problème de sa capacité d'être ici et
5 d'assister au procès, c'est cela qui fait de sa détention où il trouve
6 encore une question assez douteuse. En effet, quel est le but de la
7 détention? Le but de la détention, le seul et unique est d'assurer la
8 présence de l'accusé au procès.
9 Ici, il n'est pas capable d'être. Pourquoi dans ce cas le détenir? C'est
10 la question que je pose à Mme Korner et c'est la question que je pose à
11 vous.
12 Quel est le but de la détention dans cette situation où on est sûr qu'il
13 ne verra pas la fin de ce procès?
14 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner?
15 Mme Korner (interprétation): La réponse est que nous ne demandons pas
16 qu'il reste au quartier pénitentiaire, mais qu'il y reste le temps
17 nécessaire d'obtenir une image claire, qu'il reste en détention, mais
18 cette détention peut se dérouler aussi dans un hôpital de Belgrade.
19 M. le Président (interprétation): Je ne vous ai pas demandé, Maître
20 Ackerman, si vous aviez des choses à exprimer, mais je suppose que non.
21 Monsieur, c'est à vous que je m'adresse maintenant.
22 La Chambre de première instance souhaite tout d'abord vous remercier de
23 votre intérêt d'être venu nous aider dans le cadre de ce débat.
24 Et la raison est également le fait que le général Talic demande à ce
25 Tribunal de l'autoriser non pas seulement d'être mis en liberté
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1 provisoire, mais aussi de recevoir, de suivre un traitement médical dans
2 votre pays à Belgrade.
3 Par conséquent, conformément à notre Règlement, nous sommes dans
4 l'obligation d'entendre votre point de vue également. Votre gouvernement
5 nous a fourni ce que j'appellerai "une lettre d'intention provisoire
6 relative aux garanties". Et je suis sûr que vous êtes au courant.
7 Pour le compte rendu d'audience, j'indique qu'il s'agit d'une lettre
8 d'intention qui n'est pas définitive, mais qui informe le Tribunal que,
9 d'ici quelque temps, il pourra recevoir une information et un document
10 complet contenant les garanties auxquelles nous nous attendons normalement
11 de la part du pays dans lequel rentre un accusé.
12 Je vais vous informer un peu plus du contexte, parce que je ne sais pas si
13 vous êtes au courant de tout. Le développement récent s'agissant de la
14 requête présentée par le général Talic aux fins de sa mise en liberté
15 provisoire est le suivant.
16 Le Procureur s'oppose à sa mise en liberté provisoire de droit, mais
17 propose néanmoins une alternative, à savoir que le général Talic soit
18 transféré à l'hôpital militaire de Belgrade où il recevrait les soins
19 médicaux que cet hôpital peut lui administrer et qu'il souhaiterait
20 recevoir.
21 Et donc du point de vue du droit, et notamment en ce qui concerne le
22 Règlement de ce Tribunal relatif à la détention provisoire, les autorités
23 de Belgrade assumeraient dans ce cas-là de fait le rôle du quartier
24 pénitentiaire de La Haye, le quartier pénitentiaire de ce Tribunal des
25 Nations Unies. Donc ils assumeraient la responsabilité de maintenir le
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1 général Talic en détention à l'hôpital militaire, non pas seulement afin
2 qu'il reçoive un traitement, mais qu'il y reste le temps voulu sous
3 surveillance et gardé par les gardes.
4 Et normalement, nous demanderions des garanties de la part de la
5 République fédérale de Yougoslavie ou de la Republika Srpska ou de la
6 Bosnie-Herzégovine. Il s'agit toujours plus ou moins des mêmes garanties,
7 mais ici, nous allons au-delà de ces garanties habituelles, à savoir le
8 Procureur...
9 Tout d'abord, est-ce que vous saviez tout cela?
10 (Intervention de M. Slavoljub Caric, conseiller de l'ambassade de la
11 République fédérale de Yougoslavie.)
12 M. Caric (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
13 Merci, Mesdames les Juges.
14 Permettez-moi de me présenter. Tout d'abord, je m'appelle Slavoljub Caric;
15 je suis le conseiller de l'ambassade de la République fédérale de
16 Yougoslavie…
17 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.
18 M. Caric (interprétation): Merci.
19 Et je suis le représentant officiel de la RFY dans cette affaire et lors
20 de cette audience.
21 Merci d'avoir fait des compliments à notre gouvernement et merci d'avoir
22 présenté les développements dans l'affaire courante.
23 Je suis au courant de la lettre de M. Sarkic, l'adjoint du ministre de la
24 Justice de la République fédérale de Yougoslavie. Je veux simplement
25 ajouter une explication. Permettez-moi de lire cela en langue serbe.
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1 "Monsieur le Président, Mesdames les Juges, concernant la requête aux fins
2 de la mise en liberté provisoire de l'accusé, permettez-moi de vous
3 informer du fait que le ministère de la Justice de la Yougoslavie a
4 proposé que l'on donne des garanties pour la mise en liberté provisoire du
5 général Talic. La pratique montre que jusqu'ici, à chaque fois, le
6 Gouvernement fédéral acceptait ce genre de propositions.
7 Pour des raisons techniques, compte tenu du fait qu'un grand nombre de
8 ministres du Gouvernement fédéral étaient absents, le Gouvernement fédéral
9 n'a pas pu convoquer une séance régulière pour prendre une décision à ce
10 sujet. Nous nous attendons à ce que le Gouvernement fédéral prenne en
11 considération cette question, qu'il prenne une décision lors de la séance
12 suivante, qui doit être tenue le jeudi 19 septembre 2002.
13 Je souhaite vous rappeler le fait qu'auparavant, lorsque ce Tribunal
14 prenait des décisions portant sur la mise en liberté provisoire des
15 accusés -Biljana Plavsic, Milorad Jokic et Momcilo Gruban-, les autorités
16 yougoslaves compétentes étaient prêtes à assumer les responsabilités
17 suivantes: prendre en charge l'accusé de la part des autorités
18 néerlandaises, à Schiphol, le jour fixé par le Tribunal et l'escorte lors
19 de son transfert vers la RFY, qu'ils l'escortent de l'aéroport Schiphol
20 jusqu'aux autorités néerlandaises le jour fixé par le Tribunal, fassent en
21 sorte que l'accusé contacte un poste de police quotidiennement, fassent
22 des rapports au sujet de cela et transmettent ces rapports au Tribunal
23 pour que le Tribunal soit immédiatement informé au cas où l'accusé ne
24 serait pas présent. En cas de fuite de la part de l'accusé, leur
25 responsabilité serait de l'arrêter immédiatement et d'en informer
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1 immédiatement le Tribunal.
2 C'est tout ce que j'ai à dire, Monsieur le Président, concernant la
3 position de mon Gouvernement, conformément aux instructions que j'en ai
4 reçu.
5 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur. Je vais
6 continuer à vous donner plus de détails concernant la proposition faite
7 par le Procureur. Parce que ceci va au-delà des garanties habituelles.
8 Mme Korner (interprétation): Je pense que cet homme ne peut pas traiter de
9 cela.
10 M. le Président (interprétation): Oui, mais il doit être informé, donc il
11 va informer la capitale de votre réponse et ensuite, il va nous informer
12 parce que nous ne pouvons pas nous baser uniquement sur votre proposition.
13 Mme Korner (interprétation): Oui, mais comme je vous l'ai déjà dit, nous
14 allons être en contact directement avec un monsieur appelé "Djeric".
15 M. le Président (interprétation): Oui, c'est la personne qui a signé cette
16 lettre que nous venons de recevoir.
17 Mme Korner (interprétation): Ah oui! D'accord. Mais il nous a déjà informé
18 du fait… du même contenu de la lettre que cette personne nous a lue. Il
19 nous a donc dit que le gouvernement allait se réunir jeudi matin et il n'y
20 aura pas de décision avant. Et les conditions énumérées dans notre réponse
21 sont les conditions que nous avons transmises en annexe de notre requête
22 afin d'obtenir l'information sur la volonté de la République fédérale de
23 Yougoslavie de remplir ces conditions, mais de toute façon, nous pouvons
24 lui donner un exemplaire de cette requête.
25 M. le Président (interprétation): D'accord.
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1 Il est 15 heures 45. Je pense que ceci a été extrêmement difficile pour
2 les interprètes, cette dernière heure et demie. Nous allons donc faire une
3 pause d'une demi-heure.
4 Entre-temps, Madame la Greffière d'audience, veuillez remettre un
5 exemplaire de la réponse du Procureur au conseiller de l'ambassade.
6 (S'adressant à M. Caric.)
7 S'il vous plaît, veuillez examiner cela puisque, en principe, nous
8 souhaiterions savoir quelle est la réponse concrète de votre gouvernement
9 à cela, aux conditions qui se trouvent en annexe de la proposition du
10 Procureur.
11 Mis à part les garanties qui sont habituellement prévues pour une mise en
12 liberté provisoire habituelle, il existe des différences. Un certain
13 nombre d'éléments sont communs entre les deux et puis, il y a un certain
14 nombre de distinctions. Bien sûr, nous devons savoir quelle est la
15 position de votre gouvernement parce que, bien sûr, la décision va se
16 fonder, entre autres choses, sur cette réponse.
17 Nous allons donc reprendre nos travaux d'ici une demi-heure.
18 Et il faudra faire introduire cette personne dans le prétoire dès que nous
19 recommencerons nos travaux.
20 Monsieur Brdjanin, si vous souhaitez rester ici, vous le pouvez, et si
21 vous souhaitez regagner le quartier pénitentiaire, vous pouvez le faire
22 également. Il vous revient, à vous, de prendre la décision. Vous pouvez en
23 discuter avec votre conseil.
24 (L'audience, suspendue à 15 heures 48, est reprise à 16 heures 34.)
25 M. le Président (interprétation): Oui, le représentant de la République
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1 fédérale de Yougoslavie?
2 Mme Korner (interprétation): J'ai vérifié le nom de ce monsieur encore une
3 fois et il s'agit, en effet, de Vladimir Djeric, D-J-E-R-I-C. C'est avec
4 lui que je me suis entretenu. C'est le conseiller du ministre fédéral des
5 Affaires étrangères. Il est Président du conseil national chargé de
6 coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
7 M. le Président (interprétation): Très bien. C'est toujours bon à savoir.
8 (Le conseiller de l'ambassade de la République fédérale de Yougoslavie, M.
9 Slavoljub Caric, est introduit dans le prétoire.)
10 M. le Président (interprétation): Monsieur, comme j'ai essayé de vous
11 expliquer, nous allons vous remettre ce document, à savoir la réponse du
12 Procureur faisant suite à la requête demandant la libération provisoire.
13 Eh bien, nous ne vous donnons pas ce document pour avoir des commentaires
14 de votre part, sûrement pas. Ce document a pour but de vous donner
15 quelques explications à ma place. Ainsi, je n'ai pas à vous expliquer
16 toute la procédure et je vous demanderai éventuellement de transmettre ou
17 d'en référer à votre ambassade ou bien au gouvernement à Belgrade.
18 A la fin de la journée, Monsieur, de la journée au cours de laquelle le
19 gouvernement yougoslave va se réunir et prendre sa décision, eh bien, nous
20 allons vous demander une décision sur deux alternatives.
21 Tout d'abord, la possibilité de transférer à Belgrade, sous les conditions
22 présentées par les Procureurs dans leur réponse, en vertu du Règlement de
23 ce Tribunal, mais mis en oeuvre de fait par les autorités de Belgrade.
24 Et ensuite, sous toutes les conditions qui suivent les mises en liberté
25 provisoire que votre gouvernement connaît parce que vous nous avez déjà
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1 expliqué qu'au cours du passé, il y a eu de telles mises en liberté
2 provisoire qui ont été accordées par le Tribunal en acceptant les
3 garanties de votre gouvernement, à savoir le Gouvernement de la RFY.
4 Si vous avez d'autres commentaires, eh bien, vous pouvez le faire. Dans le
5 cas contraire, vous pouvez rester présent pour suivre le reste des débats.
6 Mais si, à un moment donné, vous considérez qu'il vaut mieux, pour vous,
7 partir, quitter le prétoire, eh bien, vous me demanderez la permission et
8 je vous autoriserai à quitter le prétoire.
9 M. Caric (interprétation): Merci, Monsieur le Président, de vos
10 explications. Merci de m'avoir fourni cette réponse à la requête demandant
11 la mise en liberté provisoire du général Talic.
12 Je voudrais clarifier un point. J'ai reçu les instructions très claires de
13 mon gouvernement et ils m'ont instruit, ils m'ont demandé de vous proposer
14 les conditions que je vous ai exposées au cours de mon discours.
15 C'est exactement les mêmes garanties que celles qui ont été promises par
16 M. Djeric, qui est le conseil du ministre des Affaires étrangères de la
17 République fédérale de Yougoslavie. Evidemment, c'est une autre personne,
18 ce n'est pas moi, mais nos points de vue sont les mêmes. Donc il n'y a
19 rien de plus, rien de moins à dire.
20 Je peux cependant vous informer du fait, vous, Monsieur le Président et
21 Messieurs les Juges, que les autorités yougoslaves pertinentes ont examiné
22 toutes les conditions proposées de façon très attentive et exhaustive et
23 vous faire savoir le plus rapidement possible quelles sont les conditions
24 acceptables pour nous.
25 Evidemment, le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie est
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1 tout à fait conscient de l'urgence et de tous les aspects de l'affaire,
2 car moi-même je considère qu'il n'est nul besoin de compliquer les choses
3 et de trop attendre. Je vous en remercie.
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Eh bien, je pense que nous pouvons en
6 conclure que la première partie de débats est close.
7 Est-ce qu'il y a quoi que ce soit d'autre que vous souhaitez dire au sujet
8 de l'affaire?
9 Car il y a trois décisions possibles que les Juges pourront prendre. La
10 première consiste à rejeter tout simplement la requête de mise en liberté
11 provisoire; la deuxième est de l'accepter, d'y faire droit; et la
12 troisième est d'accepter la proposition faite par le Bureau du Procureur.
13 Je ne vois pas d'autre solution. Peut-être qu'il y a une quatrième
14 solution qui consisterait à composer les deux dernières possibilités que
15 je viens de mentionner.
16 Vu ces trois possibilités, à savoir la première, par exemple, le rejet de
17 cette mise en liberté provisoire; je vais à peine m'y attarder. En ce qui
18 me concerne, il y a toute une suite, tout un tas de conséquences qui vont
19 aller de la présence de l'accusé Talic dans le prétoire ou bien son
20 absence; ensuite, de quelle façon il pourrait continuer à séjourner dans
21 le quartier pénitentiaire et y être soigné.
22 Nous avons déjà reçu les témoignages de trois médecins qui ont témoigné
23 ici et ils ont été tous d'accord pour dire que, surtout en ce qui concerne
24 la chimiothérapie, à cause des cycles que cela comprend, eh bien, il y
25 aurait des périodes au cours desquelles le général Talic ne serait pas en
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1 mesure d'être présent dans le prétoire. Et ensuite, la réalité de la
2 situation telle qu'elle se présente, à savoir l'état de santé du général
3 Talic, qui ne peut que s'empirer; de toute façon, il n'y aura pas
4 d'amélioration.
5 Ensuite, la deuxième possibilité: si nous nous décidons de faire droit à
6 la requête et d'accorder la mise en liberté provisoire, dans ce cas-là, le
7 général Talic va retourner dans son pays. Souvent, il est de pratique dans
8 la jurisprudence du Tribunal que la condition qui accompagne une mise en
9 liberté provisoire est la garantie de l'accusé qu'il renonce à son droit
10 d'être présent au cours de sa liberté provisoire.
11 Eh bien, dans le cas présent, vous allez voir que la situation est
12 complètement différente, car cette personne se trouve en phase terminale
13 d'une maladie grave qui pourrait, de temps en temps, nous amener dans une
14 situation où il ne serait pas en mesure de renoncer à son droit d'être
15 présent dans le prétoire.
16 Et c'est un autre problème qui pourrait se poser. Autrement dit, je dis
17 clairement que toute proposition indiquant que le général Talic pourrait
18 aujourd'hui, le 17 septembre de l'an 2002, garantir qu'à partir
19 d'aujourd'hui il renonce à son droit d'être présent, de façon irrévocable
20 et sans condition, c'est quelque chose que, du point de vue légal, les
21 Juges de la Chambre ne peuvent pas accepter parce que la situation
22 pourrait changer du point de vue médical, de temps en temps. Et pas
23 seulement du point de vue médical: il pourrait changer tout simplement.
24 Ensuite, la troisième possibilité: si le général Talic retourne ou est
25 transféré à Belgrade où il est gardé en détention, nous allons devoir face
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1 à peu près aux mêmes problèmes que ceux que je viens d'énumérer il y a
2 quelques instants, à savoir la renonciation de sa part quant à son droit
3 d'être présent aux audiences. Mais il y a aussi d'autres problèmes qui
4 pourraient se poser en ce qui concerne sa présence éventuelle au Tribunal.
5 Ensuite, il y a son état de santé, c'est la réalité. Son état de santé,
6 nous savons tous qu'il n'y a pas eu un seul pronostic qui a été optimiste
7 parmi les trois que nous avons entendus. Ils diffèrent quelque peu, mais
8 ces pronostics sont mauvais. Ceci aura un effet sur l'avenir du procès et
9 par rapport à la décision que la Chambre va devoir prendre incessamment.
10 Je vous demande si vous avez quoi que ce soit à ajouter par rapport à tout
11 cela. Je suis sûr que vous avez beaucoup réfléchi à ce sujet.
12 Mme Korner (interprétation): Vous venez de nous dire quelles sont les
13 possibilités et, avant que vous ne preniez une décision, il est difficile
14 de dire ce qu'on va vous demander de faire. Par exemple, si vous décidez
15 de rejeter cette demande de mise en liberté provisoire que vous venez
16 d'évoquer ou bien si vous acceptez la proposition du Procureur, à savoir
17 de détenir l'accusé ailleurs, en dehors du quartier pénitentiaire des
18 Nations Unies, ou bien autre chose, je dois vous dire qu'avant d'entendre
19 ce qu'a à nous dire ce monsieur qui vient de la part de la République
20 fédérale de Yougoslavie, nous ne pouvons rien faire. De toute façon, vous
21 avez déjà reçu d'une certaine manière les garanties de la part de la
22 République fédérale de Yougoslavie.
23 M. le Président (interprétation): Pour l'instant, nous n'avons pas reçu de
24 telles garanties. Nous avons reçu des garanties de la Republika Srpska,
25 mais ceci fait partie de la chaîne, pour ainsi dire.
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1 Mme Korner (interprétation): Nous résisterons à toute proposition faisant
2 que le général Talic pourrait se retrouver à Banja Luka. Nous avons donné
3 toutes les raisons, mais nous sommes sûrs que vous allez réfléchir à cela.
4 La seule concession que nous sommes prêts à faire, c'est d'accepter de
5 transférer l'accusé du quartier pénitentiaire à Belgrade. Et si vous le
6 voulez, je peux vous en parler.
7 M. le Président (interprétation): Allez-y.
8 Mme Korner (interprétation): Si l'on envoyait le général Talic à Banja
9 Luka -nous nous attendons encore à présenter des témoins, et si pas de
10 Banja Luka, alors de régions environnantes-, nous considérons que ceci
11 aura un impact déterminant pour la suite du procès qui va continuer au
12 moins à charge par rapport à M. Brdjanin.
13 Donc vous êtes tout à fait au courant de toutes les demandes portant
14 mesures de protection que nous avons faites, des difficultés que nous
15 avons rencontrées.
16 Récemment, il y a eu un rapport concernant la situation qui prévaut dans
17 différentes municipalités, et c'est pour cela que nous considérons que
18 renvoyer le général Talic à Banja Luka, avec toute la liberté de
19 circulation que cela comprend dans Banja Luka et ailleurs, eh bien, nous
20 considérons que ceci présenterait un problème au Tribunal en ce qui
21 concerne la présentation des moyens à charge à venir.
22 Et ensuite, il n'y a pas de raison pour qu'il aille à Banja Luka au lieu
23 d'aller à Belgrade. Sa famille peut le visiter à Belgrade: si j'ai bien
24 compris, il s'agit d'un voyage de quelques heures. Donc je ne sais pas si
25 vous avez réfléchi à cette possibilité de le renvoyer à Banja Luka.
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1 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas encore pris notre
2 décision.
3 Mme Korner (interprétation): Eh bien, dans ce cas-là, je vous demande, je
4 vous prie de ne pas le faire.
5 M. le Président (interprétation): Dans la demande de mise en liberté
6 provisoire, on parle -et je suis sûr que vous avez vu cela- de l'hôpital
7 militaire de Belgrade. C'est comme cela que je l'ai compris, car ce sont
8 les soins dont aura besoin le général Talic et c'est son choix de
9 préférence. Il voudrait être soigné dans l'hôpital militaire de Belgrade.
10 Mme Korner (interprétation): Si vous me le permettez, je voudrais vous
11 lire quelque chose. "L'accusé va rester dans la municipalité de Banja Luka
12 sauf pour les visites occasionnelles au centre médical de Belgrade,
13 l'hôpital militaire pour y subir des tests, recevoir des soins médicaux,
14 etc. Et c'est la seule institution spécialisée dans le territoire de
15 Bosnie-Herzégovine et sur le territoire de la République Fédérale de
16 Yougoslavie qui peut traiter de telles maladies. Et c'est le seul endroit
17 où l'accusé peut être traité de façon satisfaisante." (Fin de citation.)
18 Je dois donc vous dire que le Procureur est d'accord uniquement pour le
19 traitement et c'est uniquement pour le besoin de traitement que nous
20 concédons pour qu'il puisse être libéré.
21 M. le Président (interprétation): Je vous ai dit que, pour moi, c'est très
22 difficile d'imaginer une situation où le général Talic va être admis dans
23 le centre hospitalier militaire de Belgrade pour y être soigné et qu'il va
24 y rester quelques semaines ou quelques mois, car les gens qui se trouvent
25 dans les mêmes conditions que lui vont être soignés à l'hôpital pendant
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1 une, deux ou trois heures et ensuite ils vont retourner chez eux. Et c'est
2 uniquement à la fin, à la phase complètement terminale de la maladie que
3 l'on propose de soins palliatifs et l'hospitalisation.
4 Mme Korner (interprétation): Eh bien, vous n'avez pas vraiment fait
5 référence à ce paragraphe.
6 M. le Président (interprétation): Mais j'y pense. J'y pense. Et c'est le
7 premier paragraphe qui se trouve dans la partie qui conclut cette requête
8 de mise en liberté provisoire. Comment voulez-vous que je ne l'ai pas vu?
9 Mme Korner (interprétation): Oui, mais je voudrais vous dire quelque
10 chose. Je voudrais être très claire à ce sujet. Vous nous avez demandé
11 quel est le rapport de l'opinion publique avec tout cela? Eh bien, vous
12 allez voir que nous parlons de l'hôpital; et il s'agit d'un hôpital, il ne
13 s'agit pas d'un lieu de détention. Il peut se trouver en résidence
14 surveillée à Belgrade par exemple, mais dans ce cas-là il s'agit d'une
15 détention. J'imagine qu'il ne s'agit pas d'un hôpital simple, il s'agit
16 d'un hôpital qui relève de l'autorité de l'académie militaire, mais je ne
17 suis pas sûre à cent pour cent. De toute façon, nous sommes absolument
18 opposés à la possibilité de le laisser aller à Banja Luka.
19 M. le Président (interprétation): Si les docteurs venaient aujourd'hui
20 pour nous dire que sa condition se détériorait de façon considérable,
21 s'ils changent le point de vue exprimé la semaine dernière, car nous
22 n'avons pas pensé à cela, qu'est-ce qui va se passer? Comment voulez-vous
23 que nous prenions une autre décision, une décision différente de celle qui
24 a été prise dans l'affaire Djukic?
25 Mme Korner (interprétation): Si cela se fait, eh bien, on peut faire une
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1 requête suite à cette nouvelle situation et les Juges de la Chambre
2 peuvent aussi changer leur ordonnance. Mais, pour l'instant, c'est la
3 situation telle qu'elle est. Rien n'est vraiment clair. La situation du
4 général Djukic était complètement différente et aussi la situation de
5 Gruban, de Plavsic ne sont pas les mêmes. Il n'y a pas eu de procès qui
6 ont commencé en ce qui concerne ces autres accusés.
7 Ici, la situation est complètement différente. Le procès a commencé au
8 mois de janvier et si la situation se détériore, eh bien, en l'espace de
9 24 heures vous pouvez changer votre ordonnance.
10 M. le Président (interprétation): Et donc il va à Banja Luka.
11 Mme Korner (interprétation): Mais c'est une autre chose. Nous devrions
12 attendre la situation telle qu'elle est.
13 M. le Président (interprétation): Et donc est-ce que vous seriez contre
14 son retour à Banja Luka, à ce point-là?
15 Mme Korner (interprétation): Je ne peux pas dire quelle sera la situation,
16 qu'est-ce qui va se passer si la situation se détériore tout d'un coup.
17 Nous parlons de la situation présente. Il souffre d'un cancer incurable,
18 on ne sait pas combien de temps il va vivre encore. Pour l'instant,
19 contrairement à ce qu'a dit le Dr Falke, il se trouve dans un état
20 physique acceptable; il peut rester en détention, il peut être présent au
21 procès. Et nous, du point de vue humanitaire, nous ne voulons pas
22 l'empêcher de recevoir des soins destinés à prolonger sa vie. Mais ce
23 n'est pas ça le problème; nous devons faire face à la situation telle
24 qu'elle est aujourd'hui.
25 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela va au-delà de la
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1 situation telle qu'elle est, car vous avez la réalité de la situation.
2 Si nous étions sûrs des choses, nous devons envisager ce qui va se passer
3 d'ici quelques années, car, en dépit de quelques points qui restent peu
4 certains, il est sûr que nous avons ici un cancer. Nous avons des
5 métastases. Pour l'instant, ce cancer est limité, mais il est incurable,
6 il n'est pas opérable. Et la chimiothérapie pourrait prolonger sa vie de
7 quelques mois. C'est le pronostic que nous avons, mais nous ne pouvons pas
8 soigner le patient.
9 Mme Korner (interprétation): Mais, justement, vous êtes en train de dire
10 exactement ce que je veux dire. Vous êtes en train de parler d'aujourd'hui
11 et pas de ce qui va se passer à l'avenir.
12 Actuellement, ce qui est urgent –et cela, je l'accepte-, c'est qu'il
13 commence à suivre le traitement dont il a besoin et qu'il souhaite parce
14 que nous ne savons pas, pour l'instant, si le général Talic souhaite
15 suivre une chimiothérapie. Le choix est entre ses mains.
16 Mais nous ne sommes pas en train, ici, de répondre à des questions
17 hypothétiques mais à la situation actuelle. Je peux vous dire que,
18 s'agissant de la situation actuelle, s'il est mis en liberté provisoire et
19 qu'il peut retourner à Banja Luka, nous parlons d'un homme qui est dans un
20 état physique tel qu'il est en mesure d'aller se promener, jouer au
21 tennis, etc. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui est cloué à son lit de
22 mort.
23 M. le Président (interprétation): Bien.
24 Maître Zecevic, avez-vous quoi que ce soit à ajouter?
25 M. Zecevic (interprétation): Oui, Monsieur le Président?
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1 M. le Président (interprétation): En réponse à Mme Korner.
2 M. Zecevic (interprétation): Oui, en quelques mots simplement.
3 Tout d'abord, je souhaiterais indiquer de l'Article 65B) stipule que "la
4 mise en liberté provisoire ne peut être ordonnée que si la Chambre a la
5 certitude que l'accusé ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou
6 tout autre personne".
7 Donc, d'après moi, l'argument qui aurait dû être présenté par l'accusation
8 aurait dû être de nous dire si, d'après eux, l'accusé, remis en liberté
9 provisoire, présenterait un danger quelconque ou pas. C'est la seule chose
10 que j'ai à dire à ce sujet.
11 S'agissant des autres arguments présentés par mon éminente consœur,
12 j'essaie désespérément de comprendre. Si j'ai compris, est-ce que nous
13 sommes donc censés attendre que l'état de santé de notre client se
14 détériore ou qu'il soit sur son lit de mort avant de pouvoir statuer sur
15 sa requête aux fins de mise en liberté provisoire? Je vous ai déjà fait
16 part de nos arguments à ce sujet et je ne souhaite pas me répéter.
17 S'agissant de Belgrade et de Banja Luka, de cette question-là, la défense
18 souhaiterait avoir la possibilité de modifier sa requête pour ajouter la
19 municipalité de Belgrade. Un des fils du général Talic habite à Belgrade
20 et donc il pourrait résider dans son appartement dans la municipalité de
21 Belgrade au même moment où il suivrait cette thérapie.
22 M. le Président (interprétation): Vous voulez remplacer l'un par l'autre?
23 M. Zecevic (interprétation): Non, ajouter simplement Belgrade parce que
24 nous ne souhaitons pas remplacer Banja Luka.
25 M. le Président (interprétation): Mais c'est l'un ou l'autre.
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1 M. Zecevic (interprétation): Oui. Soit l'un, soit l'autre.
2 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous souhaitez formaliser la
3 chose?
4 M. Zecevic (interprétation): Oui, si vous me permettez de le faire
5 oralement.
6 M. le Président (interprétation): Oui.
7 M. Zecevic (interprétation): Eh bien, au terme des recours demandés, point
8 A)i)… Mais, un instant, je vous prie.
9 M. le Président (interprétation): La façon dont je comprends les choses,
10 sans vouloir vous influencer, c'est qu'il s'agirait d'une alternative.
11 L'accusé restera dans les limites de… ce serait la municipalité de
12 Belgrade?
13 M. Zecevic (interprétation): Oui.
14 M. le Président (interprétation): Où il suivrait un traitement adéquat à
15 l'hôpital militaire, etc. Mais tout en indiquant très clairement que, si
16 c'est là l'option choisie, cela ne signifierait pas pour autant qu'il ait
17 le droit de se rendre à Banja Luka à n'importe quel moment sans,
18 auparavant, obtenir l'autorisation de la Chambre du Tribunal.
19 M. Zecevic (interprétation): Oui.
20 M. le Président (interprétation): Je souhaite vous donner le temps pour
21 formuler la chose car ce n'est pas quelque chose que l'on doit faire à la
22 légère. Je pense que cela vaut mieux, car moi-même, je souhaiterais
23 pouvoir demander à l'accusation de répondre si elle le souhaite.
24 Mais maintenant, l'accusation a une idée de ce que vous proposez, de cette
25 alternative.
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1 Et si vous souhaitez intervenir à ce sujet, Madame Korner, vous pouvez le
2 faire maintenant, mais vous pouvez également attendre la version écrite de
3 cette nouvelle requête et ensuite, présenter vos arguments.
4 Mme Korner (interprétation): Je ne pense pas que cela change quoi que ce
5 soit, ce que nous disons. Nous disons, quant à nous, qu'on doit parler ici
6 d'une forme de détention. Or, la défense nous dit: "Non, non. C'est une
7 mise en liberté provisoire".
8 Nous répondons qu'il doit rester en détention, même si c'est dans
9 l'appartement de son fils dont nous entendons parler pour la première
10 fois.
11 M. le Président (interprétation): Moi-même, je suis dans la même situation
12 que vous, mais l'avantage au moins, c'est que, de cette manière, il n'est
13 plus question de Banja Luka et on répondrait ainsi aux préoccupations tout
14 à fait compréhensibles de l'accusation. Ça, c'est la première chose.
15 Et en deuxième lieu, dans le cadre de votre intervention, vous avez évoqué
16 le fait qu'il ne sera peut-être pas possible de le maintenir en détention
17 ad vitam aeternam dans l'hôpital militaire et qu'à ce moment-là, il
18 faudrait envisager une forme de résidence surveillée. Là, je suis en train
19 de vous parler au fur et à mesure que je réfléchis. J'essaie de concilier
20 ce que vient de nous dire Me Zecevic avec ce que vous-même vous avez
21 déclaré.
22 Mme Korner (interprétation): Oui, il faut être réaliste. Si l'hôpital en
23 question est le seul hôpital spécialisé et s'il n'est pas nécessaire qu'il
24 reste à l'hôpital, à ce moment-là, il faut trouver un autre endroit pour
25 qu'il reste. Mais ça, c'est quelque chose dont on pourra discuter
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1 ailleurs.
2 Mais pour l'instant, jusqu'à ce que la question soit parfaitement claire,
3 après qu'il aura suivi ce traitement, nous parlons de détention, et si
4 cette détention doit se faire à l'hôpital et si, d'autre part… ou si
5 d'autre part il reste dans l'appartement de son fils à Belgrade, eh bien,
6 à ce moment-là, cela nous agréerait.
7 M. le Président (interprétation): Bien.
8 Monsieur, nous avons ici un élément supplémentaire qu'il convient que vous
9 rajoutiez au rapport que votre ambassade va communiquer à votre
10 gouvernement. En d'autres termes, je ne veux pas ici vous dire que c'est
11 là la conclusion que va tirer la Chambre de Première instance, mais je
12 souhaite simplement attirer votre attention sur la chose suivante.
13 Si nous arrivions à la conclusion que nous allons libérer le général
14 Talic, à condition qu'il soit maintenu en résidence surveillée à Belgrade
15 en ayant la possibilité de suivre un traitement médical à l'hôpital
16 militaire de l'école militaire de Belgrade, il n'en resterait pas moins
17 que les autorités de Belgrade auraient encore un certain nombre de
18 responsabilités leur incombant.
19 C'est-à-dire que j'imagine qu'à Belgrade, quand quelqu'un est mis en
20 résidence surveillée, il convient de procéder, de prendre des mesures pour
21 le surveiller. Donc voilà le type de responsabilité qui, dans ce cas de
22 figure, incomberait à votre Gouvernement de Belgrade. Il faudrait donc que
23 le Gouvernement de Belgrade soit prêt à assumer ses responsabilités avant
24 même que nous puissions adopter cette solution-là.
25 Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir? Oui, Maître Ackerman?
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1 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, il y a trois
2 paragraphes, paragraphe 7 de la réponse de l'accusation.
3 M. le Président (interprétation): Un instant, je prends le document.
4 M. Ackerman (interprétation): JHI. Et ça, ça m'inquiète un petit peu ce
5 qu'on peut y lire ici en tant que conseil de la défense de M. Brdjanin.
6 Je vais partir du principe et présupposer que le général Talic va
7 retourner en ex-Yougoslavie et que va se passer ce qui doit se passer
8 quand quelqu'un est à l'article de la mort, à savoir que cette personne
9 est en mesure de voir ses amis les plus proches et qu'ils puissent, eux,
10 le voir.
11 Je ne souhaiterais pas me trouver moi-même dans une situation où le
12 Procureur, ultérieurement au cours du procès, nous dise que le témoin que
13 je souhaite interroger ou que je souhaite convoquer ne peut pas l'être
14 parce qu'il s'est entretenu avec le général Talic avant sa mort en
15 violation du paragraphe H de ces conditions. Il est possible qu'il y ait
16 des gens qui entrent dans cette catégorie, des gens que je souhaiterais
17 citer à la barre dans le cadre de la défense de M. Brdjanin.
18 Et s'agissant des paragraphes H et I, je ne vois pas leur raison. Et de
19 toute façon, s'il n'est pas ici à La Haye, il ne pourra pas avoir de
20 contact avec son co-accusé qui, lui, est ici.
21 M. le Président (interprétation): Mais il peut avoir des contacts avec lui
22 actuellement.
23 M. Ackerman (interprétation): Oui, fréquemment. Donc je ne vois pas très
24 bien la raison d'être de ces paragraphes. Ça ne me semble rien avoir à
25 faire avec la situation de M. Talic à Belgrade ou ailleurs.
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1 Mme Korner (interprétation): Je pense que Me Ackerman devrait lire la
2 requête qui a été présentée au nom du général Talic par ses conseils,
3 parce qu'ici on reprend les paragraphes 4, 5 et 6 des "recours et des
4 mesures de réparation demandées".
5 M. Ackerman (interprétation): Peu m'importe qui a inventé ce texte, que ce
6 soit la défense ou l'accusation, du moment que cela a un impact sur mon
7 travail et moi-même.
8 Mme Korner (interprétation): Ce qui pour nous est important, c'est qu'il y
9 ait un procès. Lui, il fait pareil: il est impliqué par ce procès, il va
10 aller se promener à Banja Luka où il y a des témoins, des victimes, etc.
11 C'est là que se trouvent les préoccupations qui sont les nôtres. Je ne les
12 ai pas évoquées précédemment, c'est Me Ackerman qui nous en parle, parce
13 que pour l'instant nous sommes tous intervenus pour parler au sien de
14 principes de défense des droits humanitaires de chacun.
15 M. le Président (interprétation): Bien, merci. Y a-t-il d'autres
16 observations, d'autres arguments que vous souhaitiez présenter?
17 Maître Ackerman et Madame Korner, s'agissant de vos dernières
18 interventions, tout d'abord le Tribunal n'a rendu que peu d'ordonnances
19 portant mise en liberté provisoire et les conditions ont été différentes
20 d'un cas à l'autre.
21 Il y a des conditions qui sont standards et qui se retrouvent dans toutes
22 ces ordonnances. Madame Korner a raison en insistant sur le fait que nous
23 sommes ici dans un procès en cours. Et vous avez peut-être d'ores et déjà
24 fait connaître certains des témoins que vous souhaitez entendre. Donc
25 l'accusé, le général Talic, connaît l'identité des personnes que vous
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1 allez citer à la barre. Puis-je vous demander de répondre sur ce point?
2 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, ce n'est pas le cas.
3 Je comprends la position du Procureur et je n'ai pas d'objection à faire
4 pour qu'on l'empêche de rencontrer des personnes qui vont déposer pour
5 l'accusation mais, moi, je pense que c'est une question complètement
6 différente.
7 Mais, moi, je ne veux pas qu'à l'avenir on me fasse une objection
8 s'agissant d'un témoin que je souhaite citer à la barre, en me disant que
9 ce témoin a parlé avec le général Talic avant la mort de celui-ci.
10 M. le Président (interprétation): Procédons par ordre. Donc Talic n'aura
11 pas de contact avec son co-accusé. Ça, c'est quelque chose qui ne doit pas
12 nous poser problème, c'est une condition indéniablement qui est
13 compréhensible, mais qui ne devrait causer aucune difficulté.
14 Talic n'aura aucun contact, de quelque sorte que ce soit, ou
15 n'interviendra auprès de personnes devant témoigner ici. Pourquoi devrait-
16 il intervenir auprès de quelqu'un qui va déposer ici, Maître Ackerman?
17 Cela, il ne devrait jamais avoir à le faire.
18 M. Ackerman (interprétation): Mais la question, c'est de savoir de quel
19 procès on va parler.
20 M. le Président (interprétation): Ce sera son procès. On ne parle pas du
21 procès de Brdjanin, on parle de son procès.
22 M. Ackerman (interprétation): Mais si c'est un procès où les instances
23 sont jointes à ce moment-là, c'est peut-être son procès.
24 M. le Président (interprétation): C'est un procès où les instances sont
25 jointes, mais cela il convient de le préciser. Bien.
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1 Autre chose, Talic ne parlera de son affaire avec personne à l'exception
2 de son conseil. Est-ce que cela vous inquiète? Bien.
3 Souhaitez-vous intervenir, Madame Korner?
4 Mme Korner (interprétation): J'étais un petit peu inquiète, mais en fait
5 ce que vous dites c'est qu'on peut interpréter les choses d'une différente
6 façon. Si j'ai bien compris, l'absence de contact avec son co-accusé,
7 c'est quelque chose que vous allez exiger?
8 M. le Président (interprétation): Oui, bien sûr.
9 Mme Korner (interprétation): Oui, mais on avait mal compris la chose au
10 sein de mon équipe. Sinon, je n'ai rien d'autre à ajouter.
11 M. le Président (interprétation): Oui, que nous accordions la mise en
12 liberté provisoire ou non.
13 Mme Korner (interprétation): Oui. Tout ce que je veux savoir, c'est si
14 vous avez l'intention de statuer avant la réception des garanties de la
15 République Fédérale de Yougoslavie?
16 M. le Président (interprétation): Mais jusqu'à 14 heures 30, Madame
17 Korner, nous n'avions absolument aucune idée de votre réponse. Vous pouvez
18 vous asseoir, si vous le souhaitez.
19 Votre réponse a créé un certain nombre de difficultés, car nous savions
20 que nous aurions ici un représentant de la République Fédérale de
21 Yougoslavie, alors que nous disposons d'un document qui stipulait qu'il
22 n'y aurait absolument aucune garantie avant la session du Parlement cette
23 semaine.
24 Et avant l'audience d'aujourd'hui, avant d'entendre le monsieur qui est
25 ici dans ce prétoire, nous ignorions s'il avait connaissance de votre
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1 réponse, parce qu'il était indéniable qu'il lui faudrait prendre contact
2 avec son ambassadeur en premier lieu, et ensuite envoyer les documents
3 habituellement envoyés dans ces cas-là à sa capitale. Mais maintenant,
4 nous avons deux possibilités qui s'offrent à nous.
5 La première possibilité, c'est d'accepter la mise en liberté provisoire,
6 de donner droit à cette requête. Et ceci pourrait être fait avec la
7 condition que nous exigerions toutes ces garanties et que la mise en
8 liberté entrerait en vigueur au moment où ces garanties seraient données.
9 Mais ce que vous, vous proposez, Madame, présuppose une autre décision.
10 Nous pensons qu'il serait très mal venu de décider que oui, il faut qu'il
11 y ait résidence surveillée ou détention à l'hôpital de l'école militaire
12 de Belgrade. Il serait mal venu de prendre une telle décision avant
13 d'avoir des informations que j'ai évoquées. On ne peut pas prendre ce
14 genre de décision et dire: "Nous prenons cette décision si nos conditions
15 sont acceptées".
16 Je pense que demain nous devrions être en mesure de prendre une décision
17 si on adoptait ce genre de logique, mais il y aurait beaucoup de "si" qui
18 entrerait en ligne de compte à ce moment-là.
19 Mme Korner (interprétation): Je comprends très bien. Je vous prie de
20 m'excuser que vous n'ayez reçu notre réponse qu'à 12 heures 30. Je ne vais
21 pas pinailler, mais je crois qu'en fait nous vous l'avions remise une
22 demi-heure plus tôt. Mais peu importe. Mais vous saviez que la Procureure
23 n'est revenu qu'hier au Pays-Bas et nous avons dû nous conformer à ses
24 instructions. C'est la raison pour laquelle vous n'avez reçu notre réponse
25 que ce matin, je m'en excuse.
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1 S'agissant de la poursuite du procès, nous avons deux options, c'est
2 exact.
3 Première chose, on voit le procès se poursuivre en l'absence du général
4 Talic et avec un document portant renonciation de sa part. Et d'après ce
5 que nous a dit Me Zecevic, ce document, nous allons le recevoir. Mais vous
6 avez déjà évoqué les problèmes qui se poseraient à ce moment-là, Monsieur
7 le Président, des problèmes considérables.
8 Si vous souhaitez que je vous donne notre décision s'agissant des
9 propositions qui s'offrent à vous, je vais devoir vous demander une
10 suspension d'audience pour que je puisse en référer à Mme la Procureure.
11 M. le Président (interprétation): Le problème, Madame Korner, se posera à
12 un stade ultérieur et je suis sûr que vous adopterez la démarche adéquate,
13 la démarche la plus appropriée.
14 Mais le problème est le suivant: si Me Zecevic se levait maintenant et
15 nous disait: "Le fils du général Talic est prêt à accueillir son père dans
16 le cas d'un séjour en résidence surveillée", je voudrais encore savoir
17 quelles garanties nous donnerait la République fédérale de Yougoslavie.
18 Moi-même, tout au long de ma carrière, j'ai eu l'occasion de délivrer des
19 ordonnances portant mise en résidence surveillée, mais je me trouvais dans
20 des situations où je savais pertinemment la façon dont les choses allaient
21 être organisées.
22 Mme Korner (interprétation): Oui, je comprends bien. Je suis simplement en
23 train de vous présenter la palette des options qui pourraient se présenter
24 à nous.
25 La deuxième option, c'est qu'il y ait disjonction d'instances, que le
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1 procès du général Talic soit disjoint de l'autre procès, que l'on
2 poursuive un procès concernant exclusivement M. Brdjanin. Je vais être
3 très claire: si c'est ce que vous décidez...
4 M. le Président (interprétation): Nous pourrions le décider sans que vous
5 le demandiez.
6 Mme Korner (interprétation): Tout à fait, c'est à vous de le décider. Et,
7 à ce moment-là, je dois dire très clairement que nous demanderions du
8 temps parce qu'il nous faudra voir la démarche qu'il conviendra d'adopter
9 pour aborder ce nouveau procès.
10 M. le Président (interprétation): C'est manifeste, vous disposerez
11 d'autant de temps que cela sera nécessaire parce que vous aurez à traiter
12 de bon nombre de municipalités dont l'une est considérable.
13 Mme Korner (interprétation): Oui. Puis, il y a toutes sortes de questions
14 d'ordre administratif, mais je ne sais pas si vous souhaitez que je les
15 évoque aujourd'hui.
16 Premièrement, par exemple, si l'on poursuit le procès uniquement contre M.
17 Brdjanin, vous nous dites: "Vous aurez tout le temps dont vous voudrez".
18 Nous, nous demanderons une semaine qui commencera à courir à la fin de
19 cette semaine.
20 M. le Président (interprétation): Quand je dis autant de temps que vous le
21 souhaitez, c'est dans la limite du raisonnable, bien entendu.
22 Mme Korner (interprétation): Ensuite, nous demanderons, pour rattraper le
23 temps perdu, de continuer pendant la semaine que vous aviez prévue comme
24 semaine de vacances ou d'interruption du procès. Vous avez peut-être déjà
25 prévu quelque chose pour cette semaine, Me Ackerman a peut-être déjà des
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1 projets. Donc, en fait, cela signifie que nous aurons besoin d'une
2 interruption des audiences de deux semaines.
3 La question qui se posera ensuite, c'est celle du temps que vous nous
4 accorderez pour en terminer avec la présentation de nos moyens dans ce
5 procès.
6 M. le Président (interprétation): Mais cela se posera uniquement si nous
7 en arrivons à ce stade, à savoir s'il y a disjonction des deux instances,
8 à savoir si l'un des procès est mis en veilleuse et si l'autre se
9 poursuit.
10 Nous savons pertinemment qu'il faudra, à ce moment-là, entreprendre une
11 réflexion et que devrez vous-même réfléchir à votre stratégie, à la
12 stratégie de présentation de vos moyens. Cela, c'est tout à fait
13 compréhensible.
14 Mme Korner (interprétation): Exactement.
15 M. le Président (interprétation): C'est tout à fait compréhensible et
16 c'est plus facile à dire qu'à faire, vu la manière dont se présente l'Acte
17 d'accusation. J'y ai moi-même réfléchi au cours de ce week-end; j'ai relu
18 l'Acte d'accusation et je me suis rendu compte qu'à ce moment-là, votre
19 travail n'en sera nullement facilité, que dans le cas d'espèce actuelle;
20 vous aurez besoin de temps.
21 Mais c'est un exercice qu'on pourra faire au fur et à mesure également,
22 puisqu'on pourra procéder municipalité par municipalité. C'est donc un
23 exercice d'énorme envergure, mais que l'on pourra traiter sur une période
24 de temps assez longue, au fur et à mesure.
25 Je ne vois pas d'autres options, en fait, quelle que soit notre décision.
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1 Même si nous décidions de ne pas accorder la mise en liberté provisoire,
2 il faudrait bien que vous vous y adaptiez.
3 Mme Korner (interprétation): Oui, mais ce serait un peu différent quand
4 même.
5 M. le Président (interprétation): Oui, ce serait différent, mais même si
6 les choses n'évoluent pas la semaine prochaine, ce serait le mois suivant,
7 etc. A ce moment-là, il serait peut-être plus difficile pour vous de
8 réviser votre stratégie en l'espèce. En tout cas, ça ne va pas être
9 facile.
10 Mme Korner (interprétation): La question maintenant, c'est de savoir quand
11 vous allez rendre votre décision: est-ce que ce sera jeudi après-midi, une
12 fois que la République fédérale aura pris sa décision?
13 M. le Président (interprétation): Nous pourrions, Madame Korner, si nous
14 le souhaitions, rendre une décision demain ou même ce soir, puisque nous
15 pourrions tout à fait rester ici aussi longtemps que cela s'avérerait
16 nécessaire. Mais nous sommes face à de grandes incertitudes. C'est ça
17 qu'il est important d'avoir à l'esprit.
18 Nous avons une responsabilité envers le Tribunal.
19 Deuxième chose, il faut être bien conscient des droits fondamentaux de
20 l'accusé.
21 Et troisièmement, quelle que soit notre décision, est-ce que cette
22 décision peut être véritablement mise en œuvre? Est-ce qu'elle peut être
23 garantie?
24 Je ne veux pas dire ici que nous remettions en doute la bonne foi et les
25 garanties données par la République fédérale de Yougoslavie, mais nous ne
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1 sommes pas en mesure maintenant de savoir si la République fédérale de
2 Yougoslavie est prête à donner ces garanties. Voilà l'autre problème
3 auquel nous sommes confrontés. Parce que, sinon, nous aurions déjà rendu
4 une décision dans un sens ou dans un autre.
5 Mais imaginons, par exemple, que nous vous suivions, que nous décidions
6 d'adopter l'option que vous nous proposez, à savoir détention de l'accusé
7 à l'hôpital militaire de Belgrade et imaginons que, vendredi, le
8 Gouvernement de Yougoslavie nous fasse savoir qu'il n'est pas prêt à
9 accepter cette solution, à ce moment-là, nous nous serions déjà trop
10 engagés. Alors, à ce moment-là, quelle serait notre option? Banja Luka?
11 Mme Korner (interprétation): Oui, je sais bien. Vous ne pouvez pas prendre
12 de décision définitive jusqu'à jeudi. C'est cela que je veux dire.
13 M. le Président (interprétation): A moins d'avoir un indice de la part de
14 votre ambassade qu'il y a au moins une probabilité de réponse de la part
15 de votre gouvernement. Normalement, nous avons déjà un indice indiquant
16 qu'il ne risque pas d'y avoir des problèmes. Là, nous parlons des
17 garanties habituelles qui sont liées à la mise en liberté provisoire.
18 Et peut-être que vous pourriez nous confirmer cela dès aujourd'hui, sans
19 attendre la décision de votre parlement. Peut-être que vous pouvez même
20 aller plus loin et communiquer votre rapport à la capitale, et ensuite
21 nous renvoyer à nous une note ou une communication formelle qui aurait au
22 moins la même valeur qu'une lettre d'intention et qui nous laisserait
23 comprendre que le gouvernement yougoslave probablement n'aura pas
24 d'objection à ce qu'il soit détenu dans l'hôpital militaire ou en
25 résidence surveillée.
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1 Nous avons besoin de savoir que Belgrade est prêt à accorder ces garanties
2 au sujet du général Talic.
3 Donc si vous êtes à même de nous donner un indice, nous pourrions, dans ce
4 cas-là, peut-être, anticiper notre décision sans reporter cela jusqu'à la
5 fin de la séance convoquée par le gouvernement yougoslave. Dans ce cas-là,
6 nous pourrions, à partir de là, voir où nous en sommes.
7 M. Caric (interprétation): Oui, Monsieur le Président, cela ne fait aucun
8 doute que le gouvernement a l'intention d'accorder les garanties relatives
9 à la mise en liberté provisoire de M. Talic. Il n'y a aucun doute au sujet
10 de cela.
11 Le seul doute porte sur les conditions de ces garanties. Et je peux vous
12 promettre que je vais vous informer dès que possible, dès que j'aurai reçu
13 le moindre signe de la part de Belgrade concernant ces conditions.
14 C'est tout ce que je peux vous dire pour le moment.
15 M. le Président (interprétation): D'accord. Je pense que c'est une réponse
16 de diplomate et je suis prêt à l'accepter dans les circonstances
17 actuelles. Je pense que vous avez traité ce sujet de manière tout à fait
18 raisonnable devant notre Tribunal, et le Tribunal vous en remercie, vous
19 et votre gouvernement.
20 Et puis, dernier point ayant trait à la situation nouvelle dont je
21 souhaite parler, c'est que, bien évidemment, nous pourrions prendre une
22 décision, que ce soit l'une ou l'autre parmi les trois options,
23 aujourd'hui ou demain ou après-demain.
24 Entre-temps, nous avons le devoir de faire en sorte que le général Talic
25 ne se trouve pas dans une situation où l'on porterait atteinte à sa santé,
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1 même si ceci porterait sur une seule journée de trop en détention au sein
2 du quartier pénitentiaire ici.
3 Donc je vais donner l'ordre au Greffe de communiquer avec le directeur du
4 quartier pénitentiaire qui recevra l'aide ou les conseils du médecin
5 officiel du quartier pénitentiaire et qui va contacter le général Talic et
6 établir ou constater avec lui si celui-ci souhaite entamer un quelconque
7 traitement ici à la Haye, en attente de la décision de cette Chambre de
8 première instance relative à sa requête de mise en liberté provisoire.
9 Tout traitement nécessaire sera administré au général Talic si le médecin
10 officiel du quartier pénitentiaire considère que ceci est nécessaire.
11 Cette décision doit entrer en vigueur immédiatement.
12 La même disposition porte sur l'autre intervention, notamment si les
13 propos tenus par le Dr Falke et les deux médecins s'avèrent vrais et si
14 l'intervention qu'ils ont proposée s'avère nécessaire compte tenu du fait
15 qu'une semaine s'est écoulée depuis leur déposition.
16 Madame la Greffière, autrement dit, je souhaite expliquer que nous avons
17 reçu des indices selon lesquels les effusions de la plèvre étaient déjà en
18 train d'apparaître; et ceci peut nécessiter deux sortes de traitement,
19 soit l'extraction du liquide, soit une intervention chirurgicale qui a été
20 mentionnée avec le collage de la plèvre. Si ceci, si l'une ou l'autre de
21 ces deux options s'avère nécessaire, dans ce cas-là, le Tribunal et la
22 Chambre de Première instance souhaitent attirer l'attention de la personne
23 responsable pour le quartier pénitentiaire pour que ce traitement soit
24 administré au général Talic.
25 Bien évidemment, nous ne siégerons pas demain mais, si pour une quelconque
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1 raison, vous considérez qu'il est nécessaire de le faire demain, nous
2 serons à votre disposition. Informez-nous-en.
3 Oui, Maître Ackerman?
4 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, Mme Korner a
5 brièvement parlé des évolutions possibles de cette affaire et je ne
6 souhaite pas garder le silence. Donc je vais simplement partager un
7 certain nombre de mes pensées avec vous.
8 La semaine dernière, à un moment, vous avez compris, Monsieur le
9 Président, quel sera l'impact sur ce procès, l'impact énorme sur ce
10 procès. Je souhaite simplement indiquer un certain nombre de choses qui
11 vont influencer cela.
12 Il y a un peu plus de deux ans, nous nous sommes assis avec les avocats du
13 général Talic et nous nous sommes mis d'accord sur un partage de
14 responsabilités concernant la préparation de cette affaire. Suite à cet
15 accord, je n'ai pas pris de responsabilité concernant les aspects
16 militaires de cette affaire.
17 Par conséquent, nous n'avons pas lu ni prêté attention au document
18 militaire dans cette affaire, alors que plus que la moitié des documents
19 existants sont de nature militaire. Nous n'avons pas mené des enquêtes
20 concernant les aspects militaires de cette affaire, nous n'avons pas
21 contacté de témoins portant sur les aspects militaires de cette affaire.
22 Madame Fauveau m'a dit que j'aurai besoin d'au moins un an pour pouvoir
23 traiter de ce volet de l'affaire. Je ne souhaite même pas imaginer
24 proposer de reporter ce procès d'un an, mais j'ai besoin d'accomplir et
25 d'effectuer beaucoup de travail afin de pouvoir traiter de ce volet de
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1 l'affaire.
2 En ce qui concerne un certain nombre de témoins, c'était surtout moi le
3 responsable. Et en ce qui concerne les autres témoins, ils étaient surtout
4 dans la compétence de l'autre équipe de la défense.
5 Je suis en train de chercher la solution et je ne peux pas en parler en
6 audience publique, mais je peux vous dire que nous avons des discussions
7 et des négociations, que ce soit avec le Procureur ou avec le Greffe. Si
8 ceci aboutit, il n'y aura pas de grand problème, mais, sinon, il y aura
9 vraiment un problème important qui se posera devant nous. Tout ce que je
10 peux vous dire, c'est que, aujourd'hui, je suis en train d'essayer de
11 résoudre cela. Mais en même temps, ceci dépendra de la suite des
12 événements liés au général Talic.
13 M. le Président (interprétation): Si j'ai bien compris, on peut penser
14 éventuellement à la disjonction d'instances? Est-ce que j'ai bien compris?
15 M. Ackerman (interprétation): Oui, c'est une solution possible.
16 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci. Nous pouvons terminer
17 nos travaux pour la journée d'aujourd'hui et je peux vous assurer, Maître
18 Ackerman, que vos problèmes sont les miens.
19 Mme Korner (interprétation): Il existe une autre question liée au rapport
20 publié dans une autre publication dont je n'avais jamais entendu parler
21 auparavant, appelée "Dani". Nous avons trouvé cela sur Internet.
22 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, vous allez vous rappeler le
23 fait que la défense du général Talic, pour des raisons évidentes, avait
24 indiqué qu'il fallait que ce sujet soit traité de manière confidentielle,
25 à huis clos. Et nous avons accepté cela.
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1 Le rapport paru vendredi, que nous avons trouvé sur Internet et que nous
2 avons remis aux Juges et aux conseils de la défense, décrit, non pas
3 seulement en public, la situation en disant que le général Talic souffrait
4 d'un cancer des poumons découvert par hasard. Puis de nombreux détails ont
5 été obtenus, à savoir que le diagnostic médical portait sur du liquide
6 dans les poumons, qu'il s'agissait de métastases d'un cancer et, d'après
7 les sources de "Dani", les médecins néerlandais estimaient que Talic
8 allait vivre encore deux mois.
9 Monsieur le Président, voici ce qui me préoccupe: un huis clos est tenu
10 pour que les témoins, qui ont de réelles peurs pour leur sécurité, sachent
11 qu'ils sont protégés. Mais, ici, cette confiance peut être minée.
12 Le rapport continue. D'après ce que "Dani" a appris lors de la séance
13 tenue mercredi, on était en train de discuter de l'avenir: "Le Procureur
14 souhaite continuer le procès en l'absence de l'accusé; la défense a
15 accepté cela. Cependant, ils n'acceptent pas l'autorisation du général
16 Talic".
17 Ensuite, il est dit: "Parmi les choses qui ont provoqué le plus de
18 problèmes lors des discussions, c'était la route du voyage du général
19 Talic à Belgrade."
20 Bien sûr, ceci est complètement absurde et complètement inventé, mais ce
21 rapport se fait passer pour un rapport de la discussion à huis clos.
22 Et je propose, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que vous citiez
23 ce journaliste à la barre pour qu'il explique aux Juges pourquoi ce
24 rapport a été publié et pourquoi il déclare qu'il est au courant de ce qui
25 avait été dit à huis clos.
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1 M. le Président (interprétation): Oui.
2 Est-ce que vous avez des observations à faire, Maître Zecevic?
3 M. Zecevic (interprétation): Nous avons été informés ce matin de cela,
4 lorsque Mme Korner nous a donné un exemplaire de cela. Nous sommes
5 complètement étonnés, tout comme Mme Korner, parce que, effectivement, les
6 informations contenues sont des informations confidentielles portant sur
7 la situation de santé de notre client.
8 Néanmoins, nous avons été informés du fait que, lors de la conférence de
9 presse, des questions ou une question a été posée à M. Landale, le porte-
10 parole du Tribunal, concernant ce même sujet. C'est pour cela que nous
11 avons soumis la requête proposant de lever la confidentialité, parce qu'il
12 est évident que le contenu du huis clos est devenu connu par le public.
13 M. le Président (interprétation): Oui, mais c'est très malheureux.
14 M. Zecevic (interprétation): Oui, absolument, parce que maintenant nous
15 sommes en audience publique et je suis content parce que je peux faire une
16 déclaration.
17 L'unique raison pour laquelle nous avons été à huis clos était de nous
18 permettre de découvrir les vrais détails concernant l'état de santé actuel
19 de l'accusé, donc le diagnostic et le pronostic à ce stade. Nous étions
20 prêts à assumer la responsabilité pour protéger sa vie privée.
21 Mais, au-delà de cela, il est certain que, au-delà de ce stade, nous
22 devions passer en audience publique. C'était de notre responsabilité
23 puisqu'il s'agit d'informations importantes pour l'opinion publique, qui
24 doivent devenir transparentes.
25 Mais moi-même, je suis étonné du contenu de cet article. Moi-même,
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1 j'entends parler de cette publication pour la première fois de ma vie. Et
2 c'est très malheureux parce qu'il ne s'agit pas là d'une répétition ou
3 d'une fabrication sur la base de ce qui a été dit lors de la conférence de
4 presse tenue par M. Landale. Mais cela va au-delà parce qu'il y a une
5 partie qui est vraie, une partie qui ne l'est pas, des spéculations et une
6 partie tout à fait imaginaire, je dirai, mais ceci n'est pas du tout juste
7 ni correct. Parce que comment pouvons-nous garantir la confidentialité de
8 ce qui est dit à huis clos? Si nous ne pouvons pas le faire, nous avons
9 réellement un problème.
10 Madame Korner, vous avez donc fait une demande, une requête verbale et le
11 Tribunal donnera suite à cela.
12 Le Greffe devra fournir à cette Chambre les détails concernant la personne
13 qui doit être convoquée devant ce Tribunal. Vous devriez communiquer...
14 Mme Korner (interprétation): Je ne sais pas quel est le nom de la
15 personne. On m'a dit que cette personne est régulièrement présente dans la
16 galerie du public, mais apparemment aujourd'hui elle n'est pas venue. Je
17 n'en suis pas surprise.
18 M. le Président (interprétation): Vendredi non plus ou mercredi.
19 Mme Korner (interprétation): Oui, certainement pas dans le prétoire.
20 M. Zecevic (interprétation): Nous ne connaissons pas le journal ni le
21 journaliste, bien sûr.
22 M. le Président (interprétation): D'accord, mais vous pourrez peut-être
23 trouver l'identité de cette personne, parce que nous ne pouvons pas
24 convoquer un fantôme.
25 M. Ackerman (interprétation): Je peux vous aider peut-être. Je pense que
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1 mercredi soir, lorsque je suis parti, à la Radio Banja Luka, on pouvait
2 entendre pratiquement un rapport complet de ce qui s'est passé et tout le
3 monde à Banja Luka était au courant. Et ma conclusion était que cette
4 information émanait certainement du quartier pénitentiaire. Je n'en suis
5 pas sûr.
6 M. le Président (interprétation): Mais même votre client n'est pas décrit
7 de manière très favorable dans ce rapport.
8 M. Ackerman (interprétation): Je n'ai pas lu cela de manière détaillée.
9 M. le Président (interprétation): Oui, mais la référence n'est pas
10 favorable du tout.
11 M. Ackerman (interprétation): Oui, oui, j'ai vu cela et ce n'est pas du
12 tout gentil. Je suis d'accord avec vous.
13 M. le Président (interprétation): Je n'aime pas ça du tout.
14 M. Ackerman (interprétation): Nous non plus.
15 M. le Président (interprétation): De toute façon, nous serons à votre
16 disposition demain si nécessaire. Si vous êtes à même, Monsieur le
17 Représentant, de nous fournir une décision demain, avant la décision
18 finale qui doit être prise jeudi, veuillez nous en informer, parce que,
19 dans ce cas-là, peut-être nous pourrons prendre notre décision dès demain.
20 Merci.
21 (L'audience est levée à 17 heures 54.)
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