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1 (Mercredi 12 février 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures O4.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 (L'accusé, M. Radoslav Brdjanin, est introduit dans le prétoire.)
6 M. le Président (interprétation): Oui, Madame la Greffière, pourriez-vous
7 citer l'affaire, s'il vous plaît?
8 Mme Chen (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
9 Juges. Il s'agit de l'affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav
10 Brdjanin.
11 M. le Président (interprétation): Oui, Merci.
12 Monsieur Brdjanin, je souhaite vous dire bonjour. M'entendez-vous dans une
13 langue que vous comprenez?
14 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
15 Juges. Pardonnez-moi, je vous entends bien.
16 M. le Président (interprétation): Pardonnez-moi, c'est moi qui n'ai pas
17 entendu M. Brdjanin. Donc bonjour, Monsieur Brdjanin.
18 La présentation des parties du côté du Procureur, s'il vous plaît?
19 Mme Korner (interprétation): C'est un de ces jours, je suis désolée mais
20 je n'ai pas appuyé sur le bon bouton.
21 Joanna Korner ainsi que Timothy Resch et Denise Gustin, commise aux
22 audiences.
23 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je souhaite dire
24 bonjour à vous trois.
25 La présentation des parties du côté de M. Brdjanin?
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1 M. Ackerman (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
2 Juges. Je suis John Ackerman, en même temps que M. Milan Trbojevic et
3 Marela Jevtovic.
4 M. le Président (interprétation): Bonjour, également à vous trois.
5 Commençons maintenant puisqu'il n'y a pas de question préliminaire à
6 traiter. Monsieur l'Huissier, veuillez faire entrer le témoin, s'il vous
7 plaît.
8 Pensez-vous pouvoir terminer avec ce témoin aujourd'hui?
9 Mme Korner (interprétation): Absolument. C'est vrai qu'il y avait… J'avais
10 fait une… Quelquefois je me trompe lorsque j'ai tous ces documents, mais
11 je pense que nous allons pouvoir terminer aujourd'hui. Il est vrai que je
12 vous avais fait part de cette précaution particulière.
13 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci, Madame Korner.
14 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est introduit dans le prétoire.)
15 Bonjour, Monsieur Kirudja.
16 M. Kirudja (interprétation): (Pas d'interprétation.)
17 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, faire la
18 déclaration solennelle.
19 M. Kirudja (interprétation): (Pas d'interprétation.)
20 M. le Président (interprétation): (Pas d'interprétation)
21 (Interrogatoire principal du témoin, M. Charles Kirudja, par Mme Korner.)
22 Mme Korner (interprétation): (Pas d'interprétation.)
23 Ma question est la suivante… (Pas d'interprétation.)
24 M. Kirudja (interprétation): Il y avait effectivement des réfugiés ou des
25 personnes déplacées qui traversaient la frontière bosniaque dans le
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1 secteur dans lequel les Nations Unies étaient présentes. Mais ceci n'a
2 jamais véritablement posé problème parce que les Serbes nous disaient de
3 facto: "Nous avons des réfugiés ici. Vous ne le saviez pas; il n'y a pas
4 eu de prise de conscience internationale à cet égard, comme vous l'avez
5 fait à propos des non-Serbes. Mais à vrai dire, ils s'en sont occupés eux-
6 mêmes.
7 Il y avait des réfugiés non serbes qui traversaient la frontière et qui
8 arrivaient dans un territoire hostile. Pour ce qui était des Serbes, il
9 n'y avait pas d'hostilité et il n'y avait aucun problème lorsqu'ils
10 passaient la frontière parce qu'il y avait un certain nombre de maisons
11 vides. Si je puis dire, c'était aisé pour eux de s'y installer sans que
12 l'on sache véritablement qui se trouvait où.
13 C'est la raison pour laquelle ceci paraît… Peu de choses ont été dites sur
14 cette question mais c'est vrai que cela peut porter en fait à confusion,
15 mais les choses en fait se passaient ainsi." (Fin de citation.).
16 Mme Korner (interprétation): Autrement dit, pour résumer ce que vous avez
17 dit, les Serbes qui venaient dans votre région étaient logés par d'autres
18 Serbes, si je puis dire, et n'ont pas eu à affronter, comme vous l'avez
19 dit, des conditions hostiles. Et d'après ce que j'ai compris, d'après
20 votre témoignage, très souvent ils étaient pris en charge par d'autres
21 personnes sans que vous-même vous le sachiez, est-ce exact?
22 Pourriez-vous regarder maintenant un ensemble de documents. C'est une
23 liasse en fait qui porte la cote P1669. C'est un ensemble de rapports qui
24 émanent, je crois, de vos supérieurs hiérarchiques datés du 29 juin.
25 (Intervention de l'huissier.)
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1 On peut voir ici, en haut du document, votre lettre qui est une page de
2 couverture, M. Suad Adilovic, c'est exact?
3 Réponse: Oui, c'est l'écriture de quelqu'un d'autre. Il faudrait que je le
4 regarde de plus près, s'il vous plaît, et que je le vois tapé.
5 Question: Ensuite, tournez-vous, s'il vous plaît -ne vous inquiétez pas-,
6 tournez-vous vers la page et les annexes. Il y a une page vierge de cette
7 note ainsi que les annexes. Je crois que cette note comporte une page et
8 les annexes au total représentent 18 pages concernant le sujet
9 susmentionné.
10 Maintenant, nous pouvons regarder l'exemplaire qui est tapé à la machine.
11 C'est une note de service qui est datée du 29 juin.
12 Suad Adilovic, c'est la lettre de ce monsieur, et je fais référence à
13 votre message daté du 29 juin en vertu duquel l'histoire de Bosanski Novi
14 et d'autres points sensibles à la frontière de Bosnie-Herzégovine, est le
15 cœur, constitue en fait le cœur d'une violence sans nom et d'atrocités
16 épouvantables. "Nous avons rédigé un certain nombre de rapports sur ce
17 sujet et je joins les pièces suivantes qui pourront peut-être illustrer le
18 sentiment de frustration que nous avons à l'égard de tout ceci."
19 C'est signé par vous-même. Ensuite, nous avons une liste des rapports.
20 Ceci a été adressé à M. Merhamet. Qui est ce monsieur?
21 Réponse: Ce monsieur travaillait dans le bureau à côté de celui de M.
22 Cedric et M. Cedric Thornberry m'avait demandé de le tenir informé de
23 cette affaire.
24 Question: Pouvons-nous maintenant regarder le document suivant qui est
25 daté du 22 juin 1992, des personnes qui ont été détenues au stade de
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1 football de Bosanski Novi?
2 "Dankon a informé les autorités civiles d'un nouveau groupe qui serait
3 arrivé comportant à peu près 15 personnes qui auraient été détenues dans
4 le stade de football et gardées par des personnes en uniforme de
5 camouflage. Les personnes portaient des drapeaux blancs et envoyaient des
6 signaux SOS aux patrouilles de la Dankon.
7 Veuillez trouver ci-joint une lettre qui a été envoyée au maire de
8 Bosanski Novi par l'UNHCR, le représentant de l'UNHCR ici, à Bosanski, en
9 particulier le dernier paragraphe qui avait pour but de souligner le
10 message qui avait été transmis à plusieurs reprises et ce, oralement à ce
11 monsieur et à ses collègues à Dvor. Meilleures salutations.".
12 Pouvons-nous regarder maintenant le premier paragraphe? Oui, c'est ce
13 que... Pouvons-nous maintenant regarder le premier paragraphe, c'est-à-
14 dire le contingent danois qui vous envoyait des rapports et vous donnait
15 des informations en vertu desquelles plus de personnes étaient maintenant
16 détenues au stade de football de Bosanski Novi? Qu'en est-il en fait de
17 ces signaux SOS? Qu'est-ce que cela signifie?
18 Réponse: Pour comprendre un petit peu les liens qui existent entre ce
19 stade de football et la présence de ce contingent danois, c'est en fait...
20 il y a un lien direct parce que le contingent danois était affecté à Dvor.
21 Et depuis leur tour de contrôle, ils pouvaient observer tout le territoire
22 au-delà de la rivière et pouvaient observer le stade de football de
23 Bosanski Novi. Et l'inverse est également vrai, à savoir si vous êtes de
24 l'autre côté, vous voyez bien le poste de contrôle du contingent danois.
25 Et comme vous avez pu remarquer dans la première note que vous avez lue et
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1 qui servait d'introduction à cette liasse de documents, on a évoqué cette
2 question dans des rapports précédents et ceci, ce nombre, ces nouveaux
3 détenus, est quelque chose auquel nous avons fait référence. Il y avait
4 sans cesse de nouvelles personnes qui étaient amenées à ce stade de
5 football, et les observateurs militaires à Dvor pouvaient, avec leurs
6 jumelles, observer ce qu'il se passait.
7 A cette occasion, nous avons vu la formation de SOS de ces personnes qui
8 étaient détenues dans ce stade de football et ils pouvaient en déduire
9 qu'ils avaient l'intention de se faire voir. C'est-à-dire ceux qui
10 envoyaient ces signaux SOS souhaitaient justement qu'on les voie.
11 Question: Par conséquent, vous avez parlé de la formation de SOS.
12 Autrement dit, ils étaient debout de façon à ce que l'on puisse voir bien
13 clairement les lettres S.O.S?
14 Réponse: Ce que les rapports ont dit, d'après les observateurs militaires,
15 ils pouvaient voir une formation, je ne peux pas vous dire exactement ce
16 qu'il en était, mais ils disaient: "Nous pouvons voir… les soldats
17 disaient qu'ils pouvaient voir la formation d'hommes et de drapeaux, et
18 ceci ressemblait aux lettres S.O.S".
19 Question: Juste quelques instants, s'il vous plaît.
20 Pourrions-nous regarder la carte à nouveau, la grande carte, celle qui est
21 en couleurs, qui porte la cote numéro P1645? Simplement pour que nous
22 puissions nous rappeler de l'emplacement de Dvor dans la municipalité de
23 Bosanski Novi, où se trouvaient Dvor et Bosanski Novi?
24 (Intervention de l'huissier.)
25 Je crois que l'on voit très bien où se situe Bosanski Novi. C'est juste de
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1 l'autre côté de la frontière et de l'autre côté du fleuve, et Dvor est
2 ici. Oui? Merci beaucoup.
3 Monsieur l'Huissier, je crois que vous pouvez enlever cette carte
4 maintenant. Si nous pouvions passer, s'il vous plaît, au document suivant
5 qui est la lettre à laquelle vous avait fait allusion, la lettre qui a été
6 envoyée au maire de Bosanski Novi.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Très bien.
9 Monsieur l’Huissier, je crois que vous l'aviez entre les mains.
10 Réponse: Non, ceci n'est pas la lettre envoyée au maire.
11 Question: Monsieur l'Huissier, pourriez-vous me la donner, s'il vous
12 plaît?
13 M. le Président (interprétation): Avant de remettre ce document sur le
14 rétroprojecteur... Madame Korner, savons-nous… ou est-ce que nous pouvons
15 mettre la première page du document sur le rétroprojecteur? Cela ne pose
16 aucune problème, mais la deuxième page sera peut-être plus difficile
17 compte tenu de la signature qui se trouve au bas de ce document.
18 Mme Korner (interprétation): Je ne sais pas.
19 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman?
20 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, si nous regardons le
21 deuxième paragraphe qui se situe sur la première page, peut-être que cela
22 posera problème. Je ne sais pas. C’est à Mme Korner d’en décider, bien
23 sûr.
24 Mme Korner (interprétation): Non, non, cela ne me pose aucun problème.
25 M. le Président (interprétation): Non, je ne pense pas. C’est à elle d’en
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1 décider, mais je ne pense pas. Merci, en tout cas, Maître Ackerman d'avoir
2 soulevé la question. Mais je laisse le soin à Mme Korner d'en décider.
3 Mme Korner (interprétation): Merci beaucoup. J'en avais tout à fait
4 conscience, mais ceci étant envoyé au maire de Bosanski Novi, M. Pasic?
5 M. Kirudja (interprétation): Oui, absolument.
6 Mme Korner (interprétation): Et daté du 20 juin du HCR des Nations Unies.
7 Vous avez certainement un exemplaire:
8 "Cher Monsieur Pasic, j'aimerais vous remercier beaucoup de votre visite
9 ainsi que celle de M. Radija Tuposku (phon), le 28 mai 1992, réunion avec
10 le coordinateur des affaires civiles M. Kirudja et moi-même.
11 Je souhaite vous assurer que depuis cette réunion, nous avons essayé de
12 veiller à cette situation au plus près. Nous sommes très soucieux du
13 nombre de Musulmans dans votre communauté. Le 30 juin 1992, l'envoyé
14 spécial du HCR, M. James Mendiluce a envoyé un représentant, M. Concolato
15 et moi-même dans la région.
16 Et le 13 juin 1992, nous avons eu l'occasion de passer en revue cette
17 situation avec le maire, M. Barjaktarevic à Dvor. Malheureusement, nous
18 n'avons pas pu venir vous rencontrer et juger de la situation par nous-
19 mêmes. Comme vous vous souvenez certainement, lors de la réunion que vous
20 avez évoquée avec M. Barjaktarevic et M. Hamzagigic, le porte-parole du
21 groupe a été d'accord pour organiser une réunion pour en parler avec eux.
22 Je souhaite par la présente savoir quelles sont les dispositions que vous
23 avez prises pour organiser cette réunion et si possible, nous aimerions
24 également rencontrer M. Izet Muhamedagic ainsi qu'un représentant de la
25 Croix-Rouge locale ou du croissant de Merhamet.
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1 Je souhaiterais beaucoup, j'apprécierais beaucoup que vous puissiez
2 contacter ces deux personnes de façon à pouvoir organiser une réunion qui
3 pourrait se tenir à Dvor. J'aimerais également souligner l'importance du
4 rôle du HCR des Nations Unies comme organisation humanitaire eu égard à
5 leur souci de la protection de ces personnes afin que les droits
6 fondamentaux de ces personnes soient respectés, afin d'éviter la formation
7 de nouvelles colonnes de réfugiés.
8 Je suis tout à fait certain que vous avez conscience de votre niveau de
9 responsabilité à cet égard. Eu égard au transfert de populations important
10 qui a été évoqué, je suis sûr que je n'ai pas besoin de vous rappeler que
11 pendant la Deuxième Guerre mondiale, le transfert de population massif sur
12 des bases purement ethniques et raciales a été déclaré comme des activités
13 criminelles, crime contre l'humanité par le droit international.
14 Vous savez sans doute que le 27 novembre 1991, les partis qui ont
15 participé au conflit sont tombés d'accord lors d'une conférence prise à
16 l'initiative de la Croix-Rouge internationale d'appliquer les dispositions
17 du droit humanitaire et international dans le cadre du conflit actuel.
18 Je pense que vous serez d'accord avec moi sur l'importance de vos
19 responsabilités en la matière et de veiller à ce que ces obligations
20 internationales soient respectées dans votre juridiction.
21 Permettez-moi de joindre à cette lettre un exemplaire des documents
22 portant sur les travaux du HCR des Nations Unies où nous avons évoqué les
23 questions d'assistance aux personnes déplacées dans votre municipalité. Je
24 joins également un questionnaire pour permettre d'évaluer vos besoins en
25 matière d'assistance concernant ces personnes déplacées dans votre
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1 municipalité.
2 Dans l'attente d'une réponse de votre part.".
3 Bien, alors cette lettre, l'avez-vous vue auparavant, avant qu'elle ne
4 soit écrite? Autrement dit, l'avez-vous déjà évoquée avec le représentant
5 du HCR, avant la rédaction de cette lettre ou ne l'avez-vous vue que sous
6 sa forme déjà rédigée?
7 Réponse: Cette lettre, au premier paragraphe fait référence aux réunions
8 qui se sont tenues auxquelles j'ai participées. La lettre qui avait été
9 rédigée avant celle-ci avait pour but d'évoquer cette réunion qui devait
10 être tenue avec les représentants de Bosanski Novi de façon à pouvoir
11 organiser une réunion.
12 Donc cette lettre avait été rédigée à ma demande parce que je souhaitais
13 que les représentants du HCR des Nations Unies participent à cette
14 réunion. J'estimais que ma responsabilité en tant que responsable des
15 affaires civiles de cette mission, ce n'était pas véritablement au plan
16 technique, je n'avais pas véritablement de rôle à jouer concernant le
17 maintien de la paix. Etant donné qu'il s'agissait de cadrer ceci en vertu
18 des obligations internationales du HCR et que le HCR puisse justement
19 cautionner tout ceci. Donc, nous sommes tombés d'accord pour rédiger cette
20 lettre en même temps et qu'il...
21 Question: Le paragraphe qui évoque la question du transfert, du
22 déplacement des populations constitue une infraction grave, un crime
23 contre l'humanité. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez évoqué?
24 Encore une fois, j'aimerais parler de la question de la responsabilité.
25 C'est le HCR des Nations Unies qui a mené les travaux de recherche
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1 concernant cette question. Est-ce qu'ils étaient au courant de cela? Vous
2 avez dit qu'ils ont fait des travaux de recherche, de quoi s'agit-il au
3 juste, d'une question juridique?
4 M. Kirudja (interprétation): Oui, tout à fait mais en ce qui vous
5 concerne.
6 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ackerman?
7 M. Ackerman (interprétation): Monsieur le Président, ça, je crois que
8 c'est au Tribunal d'en décider. Ce n'est pas une question qui peut être
9 posée au témoin. C'est à vous d'en décider. C'est une infraction ici.
10 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez en partie raison.
11 Mme Korner (interprétation): Je vais reformuler la question, Monsieur le
12 Président.
13 M. le Président (interprétation): Vous avez en partie raison. J'allais
14 vous demander en fait de poser la question de façon différente. En fait,
15 j'apprécie tout à fait, Maître Ackerman.
16 Mme Korner (interprétation): Donc eu égard aux conversations que vous avez
17 eues, s'agissait-il ici d'un transfert massif de la population sur les
18 bases ethniques? Laissez de côté maintenant la question du crime ou pas.
19 M. Kirudja (interprétation): C'est exactement cela que je voulais
20 clarifier parce qu'hier j'ai fait allusion au fait que malgré les
21 différentes explications verbales qui nous avaient été données, ce n'était
22 pas la chose à faire. J'ai évoqué hier qu'étant donné que les personnes
23 m'avaient entendu, ils voulaient que je leur dise qui était mon supérieur
24 hiérarchique de façon à ce qu'ils puissent s'en remettre à mon supérieur
25 hiérarchique en fait. Il s'agissait ici d'un transfert très important de
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1 la population: 5.000 personnes, c'est un chiffre très important.
2 Question: Vous et la personne qui a rédigé cette lettre que vous avez
3 évoquée, quelle était la raison en fait de la rédaction de cette lettre?
4 Réponse: Le but était de faire comprendre qu'il s'agissait de quelque
5 chose qui serait difficilement acceptable pour la communauté
6 internationale.
7 Question: Très bien. Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au
8 document suivant qui est la liasse que vous avez envoyée. Et je crois
9 qu'il y a ici, nous voyons le message original qui émanait du Bataillon
10 danois, DanBat.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Je crois qu'il faut essayer…
13 Daté du 20 juin, donc à votre attention. Objet: "Les réfugiés. N°1, le 20,
14 à 10 heures 20." Non, c'est l'heure.
15 Réponse: Oui, c'est l'heure, à 20 heures.
16 Mme Korner (interprétation): A 20 heures, vous avez été contacté par neuf
17 réfugiés à Dubica. Compagnie B à Dubica?
18 M. Kirudja (interprétation): A Dubica, il y a, je crois, des Serbo-croates
19 d'origine...
20 M. le Président (interprétation): Oui d'origine mixte.
21 Mme Korner (interprétation): Oui, merci beaucoup Monsieur le Président.
22 Donc d'origine.
23 Ensuite, vous souhaitiez qu'ils soient protégés par les Nations Unies et
24 vous souhaitiez les faire passer à Zagreb. Ensuite, vous évoquez des
25 patients ayant souvent des problèmes de reins à Dvor et qui avaient des
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1 difficultés à obtenir des médicaments et, précédemment, ils avaient été
2 transportés par avion de Belgrade à Banja Luka, et à Dvor. Ensuite,
3 l'espace aérien a été contrôlé par les forces croates; et DanBat pense que
4 ceci est suspect.
5 Un peu plus tard, votre message fait référence aux scouts de la compagnie
6 E et les 15 personnes qui étaient détenues au stade de Bosanski Novi. Ces
7 15 personnes, qui étaient escortées de personnes en uniforme de camouflage
8 et de personnes autour du stade, déployaient des drapeaux blancs et
9 envoyaient des signaux SOS afin d'attirer l'attention des scouts de
10 DanBat.
11 DanBat ensuite fournit les informations suivantes sur la ville de Dvor et
12 a fait un rapport sur la situation; DanBat est soucieux du sort des
13 personnes dans ce stade.
14 Ensuite, le document suivant devrait être... Peut-être Monsieur l'Huissier
15 pourriez-vous me le remettre, s'il vous plaît?
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Le mieux, c'est que ce soit la copie du témoin qui soit placée sur le
18 rétroprojecteur puisque pour ce qui est de la pièce qui a été versée au
19 dossier, on a fait une copie des deux côtés de la page.
20 M. le Président (interprétation): Cela me convient tout à fait, Madame
21 Korner, mais seulement en bas de la deuxième page, il y a le destinataire?
22 Mme Korner (interprétation): Oui.
23 M. le Président (interprétation): Ici, on évoque le nom de quelqu'un de la
24 Croix-Rouge internationale. Cela m'inquiète.
25 Mme Korner (interprétation): Non, tout ce qui nous préoccupe, ce serait
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1 éventuellement les personnes travaillant pour le HCR des Nations Unies.
2 Ici, nous avons un document qui émane de M. Raffone que vous avez
3 autorisé, qui date du 20 juin.
4 M. Kirudja (interprétation): Oui.
5 Question: Nous voyons que ce document a été adressé au CICR à Zagreb, avec
6 copie pour le HCR des Nations Unies, et son QG de Zagreb chargé des
7 affaires civiles. Cette lettre décrit une réunion à Velika Kladusa avec
8 les représentants des 850 personnes déplacées de Sanski Most; c'est la
9 première fois que l'on parle de Sanski Most, me semble-t-il, n'est-ce pas?
10 Est-ce la première fois effectivement que vous avez eu affaire aux
11 difficultés rencontrées par les habitants de Sanski Most?
12 Réponse: Ce n'est pas la première fois que nous en avons été informés,
13 mais c'est la première fois que les gens eux-mêmes nous en ont parlé. Si
14 vous vous souvenez de la réunion du 27 mai lorsque M. Pasic est venu à mon
15 bureau, à ce moment-là, on nous avait déjà informés de ces problèmes à
16 Sanski Most et ailleurs.
17 Question: Le secrétaire de la Croix-Rouge de Velika Kladusa, M.
18 Muhamedagic, a organisé une réunion avec le représentant des 850 personnes
19 déplacées étant venues de Sanski Most le 12 juin 1992.
20 Cette réunion a eu lieu le 19 juin 1992 au siège de la Croix-Rouge locale.
21 L'officier chargé des affaires civiles du secteur Nord et le responsable
22 du poste de UNCIVPOL de Slunj ont été invités à participer également à
23 cette réunion.
24 Le représentant des personnes déplacées de Sanski Most a demandé à ce que
25 l'on ne révèle pas son nom. Le rapport qui suit repose exclusivement sur
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1 ses propos. Le témoin de cette évacuation forcée a été détenu au gymnase
2 de Sanski Most pendant 7 jours en compagnie de son fils. Ces personnes
3 âgées de 16 à 60 ans ont été détenues au même endroit.
4 Il a déclaré que: "Tous les jours, les personnes qui étaient détenues à
5 cet endroit se comptaient elles-mêmes afin d'être sûres que personne
6 n'avait disparu.". Il a pu calculer que 250 personnes avaient disparu
7 depuis son arrivée puisque ces personnes se voyaient souvent demander de
8 sortir et ne revenaient jamais dans le gymnase. Les gardes qui assuraient
9 la sécurité de cet endroit étaient placés sous la direction d'un homme qui
10 était le commandant de la cellule de crise de Banja Luka, M. Davidovic.
11 "Et à l'époque, la radio locale a signalé que 230 Bérets verts extrémistes
12 étaient emprisonnés au camp de concentration de Banja Luka", a-t-il
13 ajouté. "Ce camp s'appelle Manjaca et se trouve à quelque 30 kilomètres de
14 Banja Luka. Dans ce camp, il n'y a que des prisonniers de guerre dangereux
15 -entre guillemets et entre parenthèses- ("des extrémistes"), des médecins
16 et des membres du SDA", a-t-il expliqué. (Fin de citation.)
17 Fin de la lecture, pour l'instant.
18 Monsieur le Témoin, aviez-vous entendu parler de Manjaca auparavant?
19 Réponse: Non, c'est le début d'un flux d'information qui ensuite nous a
20 amenés à établir un mémo assez controversé. Mais c'est là qu'on a commencé
21 à avoir des détails, et ces détails nous les avons étoffés au fur et à
22 mesure que nous nous sommes entretenus individuellement avec toutes ces
23 personnes.
24 Question: Je reprends la lecture: "Le 11 juin 1992, quelque 1.000
25 personnes sont arrivées au gymnase. Le même jour, les autorités –entre
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1 parenthèses- (les gardes de M. Davinovic), ont mis en place ou ont fait
2 venir 10 autocars et sous la menace d'armes lourdes ont obligé certaines
3 des personnes détenues au gymnase à embarquer à bord de ces autocars. Il a
4 compté quelque 800 personnes.
5 Ces autocars sont allés jusqu'à Bosanska Krupa. A cet endroit, de nouveau
6 sous la menace d'armes, toutes les personnes ont été contraintes de
7 descendre des autocars et de se mettre en file. Nous avons tous dû
8 traverser un pont en marchant au milieu des mines. De l'autre côté, il y
9 avait des Bérets verts et des représentants des autorités locales qui nous
10 attendaient.
11 On a fait en sorte de nous transporter où nous le souhaitions. Le 12 juin
12 1992, le groupe est arrivé à Velika Kladusa et la Croix-Rouge locale a
13 apporté son aide au groupe de personnes. La Croix-Rouge a compté quelque
14 850 personnes: femmes, enfants, etc."
15 L'homme explique que: "Tous les membres du groupe ont été logés chez des
16 habitants, mais qu'il n'y avait pas assez à manger pour eux parce qu'il
17 n'y avait déjà pas assez à manger pour les gens qui habitaient l'endroit.
18 Les représentants des 850 personnes en provenance de Sanski Most ont
19 déclaré qu'elles souhaiteraient pouvoir retourner chez elles ou bien, à
20 défaut, il a demandé s'il était possible que ces personnes soient évacuées
21 de Velika Kladusa pour se rendre en Croatie. Il a expliqué que bon nombre
22 d'entre eux avaient des maisons en Croatie ou bien des parents dans ce
23 pays.
24 Le secrétaire de la Croix-Rouge a déclaré qu'il y avait des informations
25 non confirmées selon lesquelles 3.000 personnes déplacées supplémentaires
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1 allaient arriver à Velika Kladusa en provenance de Bihac.". (Fin de
2 citation.)
3 A ce moment-là, vous-même et les autres organisations humanitaires, quelle
4 était votre perception de ces flux de réfugiés que l'on attendait?
5 M. Kirudja (interprétation): J'ai oublié de mentionner que nous avions
6 également une autre priorité pour essayer d'obtenir autant d'informations
7 que possible et des informations aussi précisent que possible. J'ai déjà
8 dit que le HCR des Nations Unies et le CICR avaient pris la décision de se
9 retirer de Bosnie-Herzégovine, suite au meurtre de l'un de leurs
10 représentants du CICR début mai. Vous vous en souviendrez, je l'ai déjà
11 mentionné précédemment lors de ma déposition.
12 Et à ce moment-là, comme vous pouvez le constater, je m'adresse au CICR
13 dans ce mémo, en particulier à un certain Sean (phon). Je l'avais
14 rencontré un certain nombre de fois et on avait réussi à faire des
15 progrès. On avait réussi à arriver à une sorte d'accord selon lequel il
16 fallait absolument que le CICR retourne sur zones. Nous voulions qu'ils
17 reviennent sur la décision qu'ils avaient prise de s'en aller. De même que
18 le HCR des Nations Unies.
19 On se rendait donc bien compte que c'était quelque chose qui allait bien
20 au-delà de la mission de la Forpronu et Velika Kladusa, c'était à environ
21 20 minutes de Topusko en voiture. Donc nous savons que c'était quelque
22 chose qui allait représenter un problème considérable pour nous si on ne
23 faisait pas quelque chose et si on ne faisait pas participer d'autres
24 organismes relevant des Nations Unies pour régler la situation.
25 M. le Président (interprétation): Maître Ackerman?
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1 M. Ackerman (interprétation): Page 15, ligne 21, le témoin a prononcé un
2 nom qui a été à mon avis mutilé au moment de la transcription au compte
3 rendu d'audience, à moins que j'aie mal compris.
4 M. le Président (interprétation): Non effectivement, il a mentionné un nom
5 et effectivement, cela ressemblait un petit peu à ce que l'on peut lire
6 sur le transcript page 15, ligne 21.
7 M. Ackerman (interprétation): Oui, ligne 21.
8 Mme Korner (interprétation): Veuillez nous répéter le nom, Monsieur le
9 Témoin. C'était M. Schomberg, c'est cela?
10 M. Kirudja (interprétation): Quoi?
11 Mme Korner (interprétation): Vous nous avez dit que vous essayiez
12 d'attirer l'attention de M. Schomberg, c'est cela?
13 M. Kirudja (interprétation): Non, non non, dans ce rapport, on voit bien
14 que je parle à un certain Philippe Noël que j'avais rencontré à plusieurs
15 reprises, et je voulais essayer de leur faire comprendre la nature des
16 difficultés que nous rencontrions. Je crois qu'il le comprenait.
17 Mme Korner (interprétation): Vous avez également fourni un certain nombre
18 d'autres lettres et nous en avons déjà examiné d'autres. Tout ceci ayant
19 été écrit, pour certaines lettres, au début juin. Quel était l'objectif de
20 tous ces courriers envoyés au QG?
21 Réponse: D'abord, et je l'ai déjà dit hier, j'avais beaucoup de mal à
22 faire comprendre à mes chefs, à mon siège, que ce que nous faisions ne
23 dépassait pas notre mission, que nous ne traversions pas la frontière.
24 Donc il fallait que nous nous assurions du fait que c'était quelque chose
25 qui arrivait au quotidien. C'était quelque chose que nous ne pouvions pas
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1 nous permettre d'ignorer. Je parle de tous ces gens qui venaient de ces
2 zones que nous venons d'évoquer. Et le seul endroit où ils pouvaient se
3 réfugier, c'était l'endroit où était hissé le drapeau des Nations Unies.
4 Et deuxième chose, l'enclave musulmane de Bihac, pour eux qui n'étaient
5 pas Musulmans, c'était un endroit qui était moins hostile pour eux que
6 l'endroit d'où ils venaient, mais de l'autre côté, il y avait une zone
7 serbe où étaient déployées les forces des Nations Unies.
8 Et les Serbes, comme je l'ai montré, comme cela se voit bien dans les
9 rencontres que j'ai eues à Dvor, les Serbes participaient à toutes ces
10 activités. Donc nous étions forcément impliqués et nous avions besoin de
11 l'organisation du HCR, de l'organisation du CICR, etc. Il fallait que tout
12 le monde mette la main à la pâte.
13 Question: Maintenant, j'aimerais que nous nous penchions sur le rapport du
14 4 juillet qui a fait quelques remous comme vous l'avez dit. P1671.
15 (Intervention de l'huissier.)
16 Document en date du 3 juillet. Titre: "Aide humanitaire". Page suivante:
17 adressé à Mme Auger.
18 Réponse: Auger.
19 Question: DDCR Belgrade, avec copie à M. Magnusson. C'était qui cette Mme
20 Auger?
21 Réponse: C'était l'adjoint de M. Cedric à Zagreb.
22 Question: Non, là vous me parlez de M. Magnusson.
23 Réponse: Non, de Auger. Magnusson c'était un autre assistant mais il
24 n'avait pas le titre. Mme Auger lui était supérieure dans la hiérarchie.
25 Question: Objet: "Aide humanitaire". Début de lecture du document. Je fais
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1 ici référence à votre mémoire du 1er juillet 1992. "Le stade de football
2 de Bosanski Novi est très clairement visible depuis la ville de Dvor dans
3 la zone protégée par les Nations Unies. Suite aux informations que vous
4 nous avez communiquées à ce sujet, je voudrais préciser que si nous
5 ressentons une certaine frustration, ce n'est pas dû à notre incapacité à
6 enquêter sur cette affaire.".
7 Fin de la lecture pour l'instant.
8 Donc il y avait eu mémo envoyé au général Nambiar?
9 Réponse: Je vais essayer de vous expliquer à nouveau comment les choses se
10 présentaient. A ce moment-là, j'étais furieux, j'étais ulcéré et plus
11 encore. J'avais envoyé un nombre incalculable de mémos au QG de Zagreb. Et
12 voilà que, soudain, on me dit: "Vous n'êtes pas en mesure d'enquêter sur
13 la chose.". Magnusson ne nous a pas compris. Il a mal interprété la
14 question sur ce problème. Et je voulais insister sur le fait que le
15 problème ce n'était pas notre incapacité d'enquêter sur cette affaire. Je
16 voulais être aussi clair que je pouvais. Je voulais enfin qu'ils prennent
17 connaissance, qu'ils reconnaissent les informations que nous leur avions
18 envoyées. Voilà ce que je voulais dire.
19 Question: Vous dites que vous étiez ulcéré. C'était quand? En juillet
20 1992?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Reprise de la lecture. "Je crois que vous avez reçu un grand
23 nombre de rapports, non seulement en provenance de Bosanski Novi, mais
24 aussi en grand nombre d'autres endroits en Bosnie-Herzégovine: Bihac,
25 Asim, Zelika, Kladusa, Bosanska Bubica. Dans ces rapports, nous avons
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1 insisté sur les éléments suivants: nous estimons que les personnes qui se
2 trouvent détenues sur le stade de football ne représentent que la partie
3 émergée de l'iceberg et traduisent une action concernée des autorités
4 locales de Bosnie-Herzégovine, de mettre en place une République serbe de
5 Bosnie-Herzégovine où il n'y aurait plus de Musulmans.
6 Dans le cadre de ce processus, les maires, la police et la Défense
7 territoriale de Bosanski Novi agissant à l'unisson avec leurs homologues
8 ont agit en concertation avec leurs homologues, non seulement dans la zone
9 protégée des Nations Unies: à Dvor, Kostajnica, mais aussi à Bosanska
10 Bubica, Banja Luka, Prijedor , Sanski Most et Kljuc." (Fin de citation.)
11 Dans cette partie de la lettre, vous dites qu'il y avait des activités
12 concertées avec de Dvor, Bubica, Banja Luka, Prijedor, Sanski Most et
13 Kljuc. Vous avez déjà expliqué ce qu'il en était des rapports venant de
14 Prijedor et Sanski Most. Mais Banja Luka, quand est-il de cette ville?
15 M. Kirudja (interprétation): Vous vous souviendrez d'une conversation
16 téléphonique reçue par M. Paolo Raffone où M. Kupresanin avait fait
17 allusion à ces villes et avait dit qu'il y avait quelque 15.000 personnes
18 que l'on pouvait s'attendre à voir venir de cette zone. Ensuite, il nous
19 avait dit que l'assistance de la communauté internationale était
20 absolument nécessaire pour faire face à cette crise.
21 Mme Korner (interprétation): Reprise de la lecture: "Les Serbes paraissent
22 engager dans un processus déterminé consistant à désarmer les Musulmans
23 lorsqu'ils constituent une minorité encerclée comme par exemple à Bosanski
24 Novi ou lorsqu'ils assiègent leurs villes comme par exemple à Bihac.
25 Apparemment, le stade de football est le lieu où sont détenus les groupes
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1 de Musulmans après avoir été arrêtés pendant que leurs maisons font
2 l'objet de "perquisition" –entre guillemets. Les hommes sont isolés et
3 ensuite transportés vers des camps de concentration.
4 Les représentants du HCR des Nations Unies et des affaires civiles ont
5 établi des rapports sur la base des déclarations des Musulmans qui ont pu
6 trouver refuge sous la protection de la Forpronu à Dvor et Kostajnica.
7 Il y a des camps de concentration dans les endroits suivants: Keraterm sur
8 la route de Banja Luka. On estime que 100 à 200 Musulmans y sont détenus
9 dans des conditions inacceptables. Trnopolje, qui se trouve également
10 comme le camp précédent dans une gare routière. Un camp de réfugiés où
11 sont détenus des femmes, des enfants et des hommes âgés: Omarska. Manjaca,
12 en dehors de Banja Luka, un camp où seraient détenus des soldats croates
13 qui auraient été faits prisonniers lors des combats à Kostajnica.
14 Le traitement des Musulmans et des autres minorités dans ces camps est
15 horrible. Ils y subissent régulièrement des passages à tabac, sont privés
16 de nourriture, d'eau et sont détenus dans des conditions inacceptables
17 etc., etc.
18 Aujourd'hui, dans une réunion avec le CICR et le HCR des Nations Unies, la
19 question de l'aide humanitaire a été évoquée. Le HCR nous a informé qu'ils
20 avaient été déployés en Bosnie-Herzégovine et qu'ils avaient bien entendu
21 les informations que nous leur avions communiquées. Ils nous ont aussi
22 informés que le CICR allait envoyer un délégué ou deux dans le secteur
23 Nord, pour qu'ils travaillent soit à Vojnic, soit à Glina. Nous estimons
24 que c'est là une évolution très positive de la situation.
25 Si nous ressentons une grande frustration, cela découle de notre
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1 incapacité de faire quoi que ce soit, à part envoyer des rapports, puisque
2 la Forpronu n'a pas le droit de traverser la frontière.
3 Ces derniers jours, la situation s'est détériorée et on voit que cette
4 situation empoisonne également la situation dans le territoire de la zone
5 protégée par les Nations Unies.
6 On a vu un nombre croissant de personnes désespérées traverser pour
7 chercher refus dans la zone contrôlée par la Forpronu. Hier, un certain
8 Mustafa Ogorinac a traversé la rivière Una à la nage à 5 heures du matin.
9 Il venait d'un camp de Bosanski Dubica. Il est maintenant sous la
10 Forpronu ainsi que deux autres personnes. Il a manifestement subi des
11 sévices corporels.
12 Dans une autre communication, j'ai fait appel à l'envoyé spécial HCR des
13 Nations Unies pour qu'une mesure temporaire soit prise afin de répondre à
14 cette situation, en attendant que le CICR et le HCR des Nations Unies
15 reprennent leurs activités en Bosnie-Herzégovine. Nous avons demandé que
16 nous soit remis un minibus avec un chauffeur pour aider à transporter les
17 personnes qui s'échappent, étant donné qu'il n'est pas autorisé d'utiliser
18 des véhicules des Nations Unies à des fins humanitaires. Nous apprécierons
19 grandement toute aide que vous pourriez nous apporter pour nous fournir un
20 minibus." (Fin de citation.)
21 Donc, c'est quand? Qui vous en avait parlé? C'étaient les personnes
22 réfugiées, les personnes déplacées? Mais je crois qu'il convient que nous
23 attentions quelques instants.
24 (L'huissier quitte le prétoire pour faire arrêter les travaux.)
25 M. Ackerman (interprétation): Pendant que nous attendons, une petite
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1 remarche au sujet du temps et de la façon dont il est utilisé.
2 Mme Korner nous a lu dans leur intégralité deux lettres. Il me semble que
3 les juges sont à même de lire eux-mêmes les documents. Les questions
4 ensuite qui sont posés n'ont trait qu'à un passage très limité des dites
5 lettres. Je me demande si on n'est pas en train de perdre un peu notre
6 temps.
7 (L'huissier réintroduit le prétoire.)
8 M. le Président (interprétation): Madame Korner?
9 Mme Korner (interprétation): Moi, je pense qu'il convient de procéder
10 comme je l'ai fait. D'abord parce qu'on nous regarde et on nous écoute. Et
11 ce n'est pas très utile, je pense, d'examiner simplement de très brefs
12 extraits des lettres; ceci nuit à la compréhension. Et deuxièmement,
13 j'aurais fini aujourd'hui de mes questions.
14 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons continuer de la sorte,
15 mais essayez de vous limiter au maximum parce que dans toutes les lettres,
16 il y a des passages plus ou moins intéressants. Je sais que vous en avez
17 passé certains d'entre eux. Mais en tout cas, bon, je vous laisse le soin
18 de choisir la meilleure façon de procéder.
19 Mme Korner (interprétation): Maintenant que le bruit qui nous empêchait de
20 travailler s'est arrêté, nous pouvons reprendre.
21 C'est quand -donc vous parlez-, c'est quand? Vous en avez appris
22 l'existence grâce aux déclarations des personnes déplacées et des
23 personnes réfugiées?
24 M. Kirudja (interprétation): Oui, une fois encore, il faut se placer dans
25 la situation de l'époque. Nous avions vu tous ces réfugiés, les réfugiés
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1 qui s'étaient réunis à Velika Kladusa. Nous avions installé un grand
2 nombre de réfugiés dans un hôtel à Vojnic. Mes collègues les ont
3 interrogés sans relâche, un par un, toute la nuit, toutes les nuits et
4 ensuite, sur la base de leurs déclarations, ils ont établi ces rapports.
5 Mais il s'agit ici de quelque chose de très concis, ces rapports. Parce
6 que je voulais être le plus clair possible. Je voulais expliquer quelle
7 était la situation à laquelle nous étions confrontés et ce que nous
8 devions faire, quelles en étaient les conséquences.
9 Question: Et à votre connaissance, est-ce qu'il a été fait quoi que ce
10 soit suite à vos mémos?
11 Réponse: Absolument pas. Je n'étais même pas sûr que quiconque soit
12 intéressé par la chose jusqu'à ce que le général Nambiar m'appelle un ou
13 deux jours plus tard. Et il m'a appelé parce qu'il était un peu gêné par
14 ce terme de camp de concentration. Le général Nambiar, c'était quelqu'un
15 de très prudent, quelqu'un avec qui j'ai souvent travaillé et que je
16 respecte énormément.
17 Il m'a téléphoné et m'a demandé si j'étais sûr qu'il s'agissait bien d'un
18 camp de concentration. Je lui ai répondu: "Ecoutez, nous, nous avons écrit
19 ce que nous a dit l'interprète, l'interprète qui traduisait les propos des
20 personnes déplacées, réfugiées. Et par le truchement de ces interprètes,
21 nous avons pu entendre ces personnes nous déclarer: 'il y a à tel ou tel
22 endroit un camp de concentration'.
23 Or, on pouvait très bien s'attendre à des gens venant ou habitant en ex-
24 Yougoslavie qu'ils sachent ce qu'était la signification du mot de camp de
25 concentration parce que la plupart d'entre eux connaissaient parfaitement
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1 ce qu'il s'était passé pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et j'ai dit au
2 général: "Alors, quel terme utiliser? Qu'est-ce que vous voulez qu'on
3 dise?" En fait, il m'avait appelé uniquement parce qu'il était gêné par ce
4 terme de camp de détention.
5 Ensuite, ce qu'il s'est passé, c'est qu'il y a eu une fuite au sujet de ce
6 rapport. Cela a créé beaucoup de remous et quelqu'un est venu me voir et
7 voulait savoir qui avait communiqué ce mémoire à l'extérieure. C'est tout
8 ce que l'on voulait savoir: qui était à l'origine de cette fuite.
9 Question: Est-ce qu'à un moment quelconque, vous avez entendu parler des
10 meurtres qui ont eu lieu dans ce que l'on a appelé la salle 3 à Keraterm,
11 à la fin juillet?
12 Réponse: Non, nous avons essayé de ne pas entrer dans les détails à ce
13 sujet parce que cela se trouvait en Bosnie et ce n'était pas sous le
14 mandat des Nations Unies. Donc nous nous sommes limités dans les détails
15 donnés à la zone qui était la nôtre. On voulait simplement signaler qu'il
16 y avait là tous ces gens ou de l'autre côté de la frontière également, et
17 que tous ces gens venaient de tel et tel endroit.
18 Question: S'agissant maintenant d'Omarska, est-ce que début août vous avez
19 entendu parler des révélations faites par Penny Marshall dans le cadre
20 d'un bulletin d'information à la télévision britannique?
21 Réponse: A un moment donné, il y avait une trentaine de journalistes dans
22 mon bureau au secteur Nord, suite à la communication intempestive de ce
23 mémo.
24 Question: Est-ce que vous vous souvenez à peu près quand cette fuite a eu
25 lieu?
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1 Réponse: Je ne sais pas. Moi, j'étais au secteur Nord. J'avais très peu de
2 contacts à l'extérieur. En tout cas, ces mémos étaient censés être
3 confidentiels. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, comment cette fuite a
4 eu lieu.
5 Question: Bien. Maintenant, nous allons passer au mémo suivant, mémo qui
6 émane de vous-même ou plutôt de M. Raffone, P1672.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 La date de ce document, c'est le 8 juillet. Et le sujet, ce sont les
9 réfugiés qui arrivent de Bosanski Novi. Le 7 juillet 1992, un groupe de 18
10 personnes est arrivé dans le secteur Nord, de la direction de Bosanski
11 Novi, et a demandé à être protégé et à faire...
12 Réponse: Qu'est-ce que c'est? La ligne de confrontation?
13 Question: C'est vers Zagreb ou d'autres pays. L'officier des affaires
14 civiles a parlé avec ce groupe et a arrangé le transfert pour le 8
15 juillet. Est-ce que c'était M. Raffone ou vous?
16 Réponse: C'était M. Raffone.
17 Question: Les informations suivantes se fondent exclusivement sur les
18 déclarations de ces personnes qui ont demandé à rester anonymes par
19 précaution de sécurité. A Bosanski Novi, les Musulmans sont toujours
20 intimidés et menacés par les groupes serbes armés. Cette crise a démarré
21 déjà au mois d'avril 1992. Les personnes avec lesquelles nous avons parlé
22 ont déclaré que tous les Musulmans qui habitent cette ville et dans les
23 villages environnants sont prêts à partir vers la Croatie ou vers d'autres
24 pays en Europe. Déjà, auparavant, nous avons dit que le football à
25 Bosanski Novi est l'un des endroits où se trouvent des centaines et des
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1 centaines de personnes pour les surveiller (sic).
2 Après quoi, ils sont expulsés de ce territoire. Il paraît que tous les
3 Musulmans sont obligés de signer des papiers, enfin une sorte de document
4 dans lequel ils renoncent à tous leurs biens matériels: les automobiles et
5 autres. Et sous serment, ils sont obligés de déclarer qu'ils ne
6 reviendront plus jamais dans leur domicile.
7 Après avoir signé ce document, le commandant de la Défense territoriale de
8 cet endroit ou le chef de la police ou le maire de la ville leur donne une
9 sorte de laissez-passer avec lequel ils peuvent partir de la municipalité
10 dans laquelle ils vivaient et ils peuvent partir vers Dvor. Les autorités
11 de Dvor ne sont pas surprises par le flux de ces personnes expulsées; même
12 ils font des efforts pour les aider à partir vers la Croatie.
13 La stratégie de nettoyage ethnique quand il s'agit des Musulmans a été
14 intensifiée au début du mois de mai 1992. Les incendies de maisons, les
15 déportations, les exécutions en masse et les tirs font partie de la
16 situation actuelle en Bosnie-Herzégovine dans les municipalités de
17 Bosanski Novi, Kostajnica et Dubica. Nous avons appris que la police
18 n'intervenait pas, et certains maires et les Serbes qui travaillent dans
19 les organes des municipalités aident les Musulmans à quitter en sécurité
20 leur domicile. A Bosanski Novi, la police militaire a son siège à l'hôtel
21 Una et il y a des rapports de tortures faites dans cet hôtel.
22 Les personnes avec lesquelles nous avons parlé croient que les leaders
23 politiques sont au courant de ces événements, et il y en a qui confirment
24 que les leaders du SDS, hauts placés, ont donné des ordres pour faire tout
25 cela contre les Musulmans. Il y a des menaces qui disent que pour chaque
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1 Serbe qui serait tué au front, un Musulman serait exécuté.
2 Tous les hommes avec qui on a parlé -il y avait des interviews avec eux au
3 stade de football- ils disent qu'une trentaine de personnes arrivaient
4 quotidiennement au stade de football et, si le stade devenait trop chargé,
5 les témoins sont partis… Donc ils disent aussi que 200 personnes ont été
6 tuées tout près du stade et à peu près 5.000 personnes auraient dû essayer
7 de traverser le pont entre Bosanski Novi et de Dvor.
8 Cette lettre est signée et envoyée dans votre siège, mais les exemplaires
9 de cette lettre ont été envoyés à d'autres organisations également.
10 Quand il s'agit de vous et de votre personnel, sur la base de ce que vous
11 avez vu vous-même, est-ce que toutes ces situations donc dans différentes
12 municipalités auraient pu être des incidents isolés et spontanés?
13 Réponse: Non, parce qu'on a pu en conclure qu'il ne s'agissait pas
14 d'incidents isolés, que les gens traversent la frontière de Bosanska
15 Dubica, ce qui était plus près de notre secteur, jusqu'à Bihac et toute la
16 partie entre ces deux points, toutes ces municipalités se trouvant dans
17 cette partie, nous pouvions facilement en conclure qu'il ne s'agissait pas
18 d'incidents isolés.
19 Question: Les personnes avec lesquelles M. Raffone a parlé pensaient que
20 les leaders politiques étaient au courant de ces événements. Est-ce que,
21 sur la base de vos observations, est-ce que vous avez pu adopter quelques
22 points de vue?
23 Réponse: Je dois attirer votre attention sur le fait que cette lettre est
24 arrivée après avoir parlé avec M. Pasic. Donc M. Raffone a résumé ce qu'il
25 a pu entendre de ces personnes en leur parlant et ce qui représentait une
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1 sorte de confirmation de ce que M. Pasic et ses collègues m'ont demandé.
2 Ce mémorandum provient donc d'autres informations, mais il concerne
3 toujours le même sujet.
4 Question: Donc il parlait des leaders politiques et il confirmait qu'ils
5 étaient au courant de ces événements. Est-ce que c'était votre point de
6 vue?
7 Réponse: Les maires et les chefs de la police étaient au courant de ces
8 événements dans toutes les municipalités.
9 Question: Bien. Maintenant, je vous prie de regarder la pièce à conviction
10 portant la cote 1673, du 12 juillet.
11 (Intervention de l'huissier.)
12 Il faut mettre seulement la page de couverture sur le rétroprojecteur
13 parce qu'il s'agit d'une autre lettre du HCR des Nations Unies.
14 M. le Président (interprétation): (Hors micro).
15 Madame Korner, je vois cela.
16 Mme Korner (interprétation): Vous pouvez enlever cela. Je vous remercie,
17 Monsieur le Président. Il s'agit du même monsieur du HCR dont les lettres
18 ont été examinées ici, n'est-ce pas?
19 M. Kirudja (interprétation): Oui.
20 Mme Korner (interprétation): Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez
21 parlé avec lui avant?
22 M. Kirudja (interprétation): Oui.
23 Mme Korner (interprétation): Donc il s'agit du 12 juillet et maintenant je
24 peux résumer la grande partie de cela.
25 Le 7 juillet, il a reçu un message disant que 79 réfugiés se trouvaient
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1 devant le poste de la police, à Dvor. Lorsque le 8 juillet il est arrivé
2 là-bas, et s'est entretenu avec les membres de Dankon, il a pu constater
3 que les personnes sont revenues à Bosanski Novi. Après quoi, une réunion a
4 été tenue avec l'adjoint du maire et avec le chef de la police, mais il ne
5 pouvait pas être présent dans un court délai à cette réunion. Au cours de
6 cette réunion de trois heures, les Musulmans sont arrivés devant le
7 SIVPOL. Il a dit qu'il a essayé de parler avec les membres de deux
8 familles qui, par la suite, sont retournées à Bosanski Novi.
9 A près, il parle de la situation, la situation donc... On peut en tirer
10 les conclusions. Le 6 juillet 1992, la cellule de crise de Bosanski Novi a
11 adressé une lettre au secteur des affaires civiles du SIVPOL. Dans la
12 lettre, on dit que la cellule de crise a informé que 1230 personnes ont
13 demandé aux autorités les laissez-passer pour pouvoir partir. La
14 municipalité va s'occuper du transport des Musulmans qui ne disposent pas
15 de ses propres moyens de transport. Il y a la copie et la traduction de ce
16 document qui existent.
17 Le 7 juillet, une autre réunion s'était tenue avec le maire, l'adjoint du
18 maire et le président de l'assemblée municipale de Dvor et d'autres
19 représentants de certaines organisations. Et ici, il s'agit des conditions
20 que les gens doivent remplir pour pouvoir quitter ces municipalités.
21 Bosanski Novi nous a informés qu'il y avait 1.300 familles qui ont rempli
22 toutes ces conditions pour partir, et il s'agit entre 3.000 et 5.000
23 personnes en fait. Et il ne s'agit pas des mêmes personnes, des Musulmans
24 qui se trouvaient dans les convois qui sont partis en 1992, qui se sont
25 sauvés ou qui ont été... qui ont réussi à passer les frontières à d'autres
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1 endroits.
2 Le 8 juillet, le représentant de Dvor nous a donné un exemplaire de
3 l'ordonnance de la cellule de crise de la municipalité de Dvor concernant
4 la situation à Bosanski Novi. Et après, ils disent que leur passage ne
5 sera pas possible. L'adjoint du maire a dit que rien ne serait possible
6 sans l'autorisation de la Forpronu.
7 Point 11: le chef de la police a dit que ces circonstances concernant les
8 réfugiés sont apparues 8 à 10 jours avant, mais à cause du grand flux de
9 réfugiés cela est devenu un grand problème. Un grand nombre de personnes
10 ont changé leurs maisons avec les Serbes, et l'adjoint du maire ne voulait
11 pas dire les raisons pour lesquelles les personnes devaient partir.
12 Il y en avait qui étaient déçues après les combats Cazin et Velika
13 Kladusa, avec un grand nombre de Serbes blessés et morts. Les Musulmans
14 avaient peur dans cette région et les demandes de pouvoir partir ont été
15 signées de leur plein gré. Et après, à la télévision de Banja Luka, ils
16 ont dit que les Musulmans et les Serbes ne pouvaient plus vivre ensemble.
17 Ils ont dit que ce n'était pas le maire mais le chef de la cellule de
18 crise de Banja Luka, M. Radoslav Brdjanin.
19 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous lisez trop vite.
20 J'essaye d'aider Me Ackerman.
21 Mme Korner (interprétation): Dans la lettre, la question de l'aide
22 humanitaire était à l'ordre du jour. Dans le paragraphe 14, nous voyons
23 que le 8 juillet le HCR des Nations Unies, les autorités croates et l'OSCE
24 ont été informés de la part de M. Kirudja, coordinateur des affaires
25 civiles. Donc le 8 juillet à la réunion de Zagreb, vous étiez, et vous
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1 avez informé les autorités...
2 M. Kirudja (interprétation): Au mois de juillet?
3 Question: Le 8 juillet 1992. Vous pouvez vérifier.
4 Réponse: Oui, j'étais à Zagreb.
5 Question: Ce n'est pas la fin de cette lettre qui nous importe, mais il
6 faut revenir à la partie où est mentionné M. Brdjanin.
7 Est-ce que c'est le nom qui, au mois de juillet 1992, vous était connu?
8 Réponse: Non.
9 Question: Est-ce que vous avez auparavant entendu parler de lui, excepté
10 dans ce document?
11 Réponse: Non.
12 Question: Merci. Nous pouvons maintenant regarder la suite et regarder le
13 document portant la cote 1674.
14 (Intervention de l'huissier.)
15 C'est de nouveau un mémorandum de M. Raffone du 13 juillet. Il s'agit de
16 100 à 1.000 Musulmans de Bosanski Novi, réfugiés, et, concernant notre
17 conversation téléphonique d'aujourd'hui, vous devez trouver une note du
18 HCR. Il s'agit du flux potentiel de 5.000 réfugiés de Bosanski Novi dans
19 la zone protégée du nord des Nations Unies.
20 Si nous regardons ce document qui n'est pas tout à fait clair, nous
21 pouvons voir qu'il s'agit de la réunion qui s'est tenue le 11 juillet
22 entre le HCR, le maire et le chef de la police de Bosanski Novi, et le
23 thème principal de la réunion était que les autorités des deux côtés ont
24 essayé d'être soutenues par la Forpronu et le HCR pour organiser le
25 transfert de 3.500… entre 3.500 et 5.000 Musulmans de la Bosnie-
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1 Herzégovine.
2 Point 2: La Forpronu et le HCR ont fait comprendre qu'il ne fallait pas
3 s'attendre à participer à cette entreprise parce que les conditions... on
4 ne peut pas assurer la sécurité de cela. Il a rencontré la population
5 musulmane qui voulait partir de leur domicile à Bosanski Novi, mais malgré
6 toutes les explications, ils ont dit qu'ils n'avaient pas d'autres
7 possibilités de partir de Bosanska Krajina et d'aller vers la Croatie et
8 vers la Slovénie et d'autre pays de l'Europe occidentale.
9 Ensuite, en bas, il paraît que le 11 juillet, un certain nombre de bus
10 dans lesquels se trouvaient les Serbes de Bihac du nord et du nord-est de
11 Bihac sont entrés dans la zone protégée du nord des Nations Unies. Cela a
12 été confirmé et nous sommes confrontés encore à un flux de la population
13 serbe, que cette population prendra les maisons croates dans la zone du
14 nord. Il y avait même mention des volontaires venus de Belgrade dans ce
15 contexte.
16 Je pense que, Monsieur Kirudja, vous nous avez dit cela, mais vous, vous
17 n'avez jamais passé la frontière à Bosanski Novi?
18 Réponse: Je me gardais de faire cela parce qu'on m'a déjà dit que mon
19 mandat n'était pas de faire cela. Mais j'ai toujours envoyé quelqu'un
20 d'autre pour le faire.
21 Question: Bien. Maintenant, on va se pencher sur le document portant la
22 cote P1675.
23 (Intervention de l'huissier.)
24 Il s'agit d'un mémorandum de la même date. Il s'agit de 20 bus pleins de
25 réfugiés qui ont réussi à passer la frontière. Aujourd'hui, un groupe de
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1 Bosanski Novi est arrivé à l'entrée principale de Dankon à Dvor et a dit
2 que vendredi, le 15 juillet à midi, 250 bus arriveront à bord desquels se
3 trouveront les réfugiés. Et après, si on regarde la suite du document,
4 tout ça, ce sont les… c'étaient les préparatifs pour la suite des
5 événements. Maintenant, s'agit-il du document portant la cote 1676?
6 (Intervention de l'huissier.)
7 Il s'agit d'un document adressé par M. Raffone.
8 M. Kirudja (interprétation): Il ne s'agit pas du même document, c'est le
9 21 juillet. Cela date du 21 juillet?
10 Mme Korner (interprétation): Je dois voir encore une fois de quoi il
11 s'agit.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 Je m'excuse, Monsieur le Président. Il s'agit d'un autre document. Ce
14 document n'est pas cette pièce à conviction.
15 Oui, merci.
16 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il s'agit du document portant
17 la cote 1676?
18 Mme Korner (interprétation): Ce que je venais de regarder ce n'était pas
19 ça. Jai regardé le document portant la cote 31 que M. Kirudja nous a
20 donné, mais ce n'est pas important. Il s'agit du document que vous avez
21 signé, Monsieur Kirudja, le 21 juillet, n'est-ce pas?
22 M. Kirudja (interprétation): Oui.
23 Question: Je vous prie de faire une pause parce qu'il paraît que j'ai fait
24 une faute de numérotation. Il s'agit donc du 21 juillet et le sujet est
25 "les réfugiés". Nous avons reçu un exemplaire du message d'Andreev." Est-
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1 ce qu'il s'agit du 14 juillet 1992?
2 Réponse: Oui, il s'agit du 14 juillet à 9 heures.
3 Question: Et M. Andreev, qui est cette personne?
4 Réponse: C'était mon collègue à Knin dans le secteur du sud.
5 Question: Donc c'est lui qui a envoyé un message, n'est-ce pas, concernant
6 les réfugiés de Bihac? C'est ce qu'on voit du premier paragraphe?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Je cite: "Je pense que cela doit être considéré comme quelque
9 chose de différent par rapport aux 4.000 réfugiés qui devront voyager dans
10 le secteur Nord. Le HCR a eu l'autorisation du gouvernement croate de
11 laissez-passer ces 4.000 personnes. L'exemplaire de la lettre, dont le
12 contenu est clair et qui vient du président du gouvernement, M. Greguric,
13 est envoyé aussi. Il s'agit de 45 bus et 200 voitures qui voyageront de
14 Bosanski Novi à Karlovac".
15 Ensuite, il parle de la logistique. "Ensuite, nous répétons 10.000
16 réfugiés mentionnés par Andreev, c'est le nombre qui est plus grand que le
17 nombre convenu, quand je dis du secteur Nord. Je vous serais reconnaissant
18 si je pouvais informer les autorités de Knin, etc.".
19 Ensuite, il y a une lettre provenant du gouvernement croate qui est
20 adressée à M. Mendiluce. Il est dit dans cette lettre: "Monsieur, nous
21 avons reçu votre lettre dans laquelle vous avez décrit le nettoyage
22 ethnique à Bosanski Novi et sur lequel votre groupe d'employés de HCR à
23 Zagreb nous a informés.". Ensuite, il est dit dans cette lettre que ces
24 personnes doivent être aidées à passer en Croatie.
25 Monsieur, est-ce que c'était difficile de convaincre le gouvernement
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1 croate d'accepter cela?
2 Réponse: Nous avons estimé à l'époque que cette lettre… Parce que nous
3 avons considéré qu'il fallait aider ces gens, nous étions en contact avec
4 le côté croate qui était d'accord avec nous: c'est-à-dire qu'il ne faut
5 pas permettre à un tel nombre de personnes de se déplacer. Quelques jours
6 avant l'arrivée de cette lettre, à cause d'autres raisons dont je n'étais
7 pas au courant, ils n'ont pas accepté de recevoir ces 4.000 personnes.
8 Question: Je pense que maintenant je peux finir ce thème, même si je me
9 suis trompée quand il s'agit des chiffres. Est-ce que ce convoi, le 23
10 juillet, a pu passer la frontière?
11 Réponse: Oui, mais le nombre de réfugiés n'était pas le même.
12 Question: Est-ce qu'il y avait plus ou moins de personnes du nombre prévu?
13 M. Kirudja (interprétation): Il y en avait plus. Au lieu de 4.000, il y
14 avait 9.000 réfugiés.
15 Mme Korner (interprétation): Oui. Est-ce qu'on peut faire une pause avant
16 de reprendre?
17 M. le Président (interprétation): Oui. Nous allons faire une pause de 25
18 minutes.
19 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 59.)
20 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, peut-être qu'on peut
21 demander au témoin de revenir dans le prétoire. Je ne sais pas où se
22 trouve Me Ackerman. Peut-être que M. l'huissier peut aller chercher le
23 témoin et peut-être que quelqu'un peut demander où se trouve Me Ackerman.
24 (Me Ackerman pénètre dans le prétoire.)
25 En attendant la venue de M. le témoin…
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1 M. Ackerman (interprétation): La porte était fermée et j'étais dans le
2 hall; je ne pouvais pas rentrer. Je représente la défense.
3 Mme Korner (interprétation): J'ai omis de mentionner une partie du
4 document, c'est ce qui me concerne. Il s'agit de la pièce 1672. Si Mme la
5 Greffière veut bien retrouver cette partie du document, s'il vous plaît.
6 M. le Président (interprétation): Faites entrer le témoin.
7 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est introduit dans le prétoire.)
8 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je dois vous dire que
9 je me suis vraiment fait tirer les oreilles par les interprètes, donc je
10 vais faire attention.
11 Monsieur Kirudja, je vais vous demander de regarder la pièce 1672 à
12 nouveau, parce que j'ai omis de mentionner certaines pièces qui avaient
13 été jointes à ce document.
14 Monsieur le Président, ce document comporte la lettre à laquelle nous
15 avons fait référence, la lettre de M. Pasic, et, bien évidemment, les
16 autorités ont fait leur propre traduction de la lettre d'origine. Nous-
17 mêmes, nous avons également fait faire une traduction, ce qui rend la
18 situation un peu plus claire. J'espère que cette traduction est en votre
19 possession.
20 Vous avons passé en revue ces différents documents, les documents de M.
21 Raffone, et je crois, Monsieur Kirudja, qu'il y avait un certain nombre de
22 documents qui avaient été envoyés et en partie traduits par M. Pasic. Est-
23 ce exact?
24 M. Kirudja (interprétation): Oui, Tout à fait.
25 Question: Si nous regardons… S'il vous plaît, je souhaite qu'on vous
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1 remette...
2 Réponse: Pardonnez-moi, c'est peut-être la faute de mes propres
3 interprètes. Je ne suis pas certain que ce soient les interprètes de M.
4 Pasic, mais peut-être étaient-ce les interprètes que j'avais à ma
5 disposition dans le secteur Nord.
6 Question: Très bien, je ne souhaite insulter personne, mais je souhaitais
7 simplement remettre un document qui soit traduit plus exactement. Je
8 demande un moment, s'il vous plaît. J'aimerais que vous ayez la nouvelle
9 traduction.
10 Réponse: Est-ce joint aux documents ici?
11 Mme Korner (interprétation): Je ne sais pas.
12 M. Kirudja (interprétation): Un moment, s'il vous plaît.
13 M. Ackerman (interprétation): Comment puis-je savoir s'il y a une
14 différence entre le nouveau et l'ancien? Je l'ai ou je ne l'ai pas?
15 Mme Korner (interprétation): Un moment, s'il vous plaît, Maître Ackerman.
16 On vous a envoyé un texte qui a été traduit en anglais. Cette traduction a
17 été jointe à l'ensemble des documents originaux. Ces documents ont été
18 traduits soit par les interprètes de M. Kirudja soit par les autorités de
19 Bosanski Novi. Nous avons fait refaire une traduction de ce document qui
20 vous a été remise il y a un certain temps.
21 M. Kirudja (interprétation): Ce que j'ai.
22 Mme Korner (interprétation): Il est inutile de hausser les épaules; vous
23 avez ce document. Et si vous ne l'avez pas, c'est de votre propre faute.
24 M. Ackerman (interprétation): Je ne suis pas en désaccord avec vous,
25 Madame Korner. Je dis simplement que je ne l'ai pas sous les yeux. J'ai
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1 tout à fait confiance en vous en la matière.
2 Mme Korner (interprétation): Très bien. Alors, nous avons un autre
3 exemplaire.
4 Cette lettre est datée du 6 juillet, apparemment de la main de M. Pasic.
5 Il y a un tampon et cette lettre a été signée.
6 M. Kirudja (interprétation): Pardonnez-moi, Monsieur l'avocat, j'ai un
7 exemplaire de la traduction de mon propre mémo en serbe et c'est celui que
8 nous voulons regarder aujourd'hui. Ce n'est pas celui que vous venez de me
9 remettre.
10 Question: Très bien. Pardonnez-moi, Monsieur Kirudja, ceci nous pose
11 quelques difficultés.
12 Réponse: Ne vous en inquiétez pas.
13 Question: Très bien. C'est une traduction faite de la lettre serbe et elle
14 porte un tampon. Et ce document a déjà été traduit.
15 M. Kirudja (interprétation): Je n'ai toujours pas le document sous les
16 yeux.
17 Mme Korner (interprétation): Ah! mon Dieu. Il est inutile de remettre à M.
18 Kirudja la lettre en serbe. Il faut lui remettre la version traduite en
19 anglais, s'il vous plaît.
20 M. Ackerman (interprétation): Le document qui vient de m'être remis par
21 l'huissier il y a quelques instants, qui était censé être en anglais, est
22 en fait tout en serbe.
23 Mme Korner (interprétation): Très bien. Alors regardons le document qui a
24 été traduit par le passé.
25 Très bien. Alors, Monsieur Kirudja, je crois que nous pouvons le résumer
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1 par l'intermédiaire de votre propre traduction. C'est une lettre qui est
2 datée du 6 juillet. Il précisait dans cette lettre qu'il souhaitait que
3 1.233 personnes aient demandé à partir, qu'ils avaient fait les
4 déclarations nécessaires -ces déclarations portant sur les biens
5 immobiliers-, et avaient demandé à ce qu'une réunion soit tenue avec les
6 différents représentants. Il fallait assurer la sécurité de ce convoi, et
7 ceci devait être assuré par les représentants des affaires internes.
8 Egalement ci-joint, je pense, un autre document qui n'a pas été traduit
9 apparemment. Essayons de retrouver ce document.
10 M. le Président (interprétation): Je crois que nous les avons. C'est un
11 document qui émane de la municipalité de la cellule de crise. C'est peut-
12 être la meilleure chose. Nous ne l'avons pas ici, Monsieur Kirudja.
13 Est-ce qu'on peut le mettre sur le rétroprojecteur de façon à ce que nous
14 puisions tous le voir?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Je vois en fait ce document moi-même, il est daté du 8 juillet
17 et évoque les pourparlers qui ont eu lieu à propos d'un mémo venant de
18 Bosanski Novi, la municipalité de la cellule de crise, concernant le
19 départ volontaire.
20 Et puis, nous reviendrons sur ce document qui est sur le rétroprojecteur:
21 "Le poste de sécurité publique de Dvor a reçu des instructions et ne doit
22 pas autoriser le passage de ces personnes. Et la police civile de la
23 Forpronu est entrée en contact avec le gouvernement de la République
24 croate et par la suite devrait établir des autorisations pour permettre au
25 convoi de passer."
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1 Et finalement au paragraphe 3: "A donné les instructions pour renforcer le
2 contrôle aux points de passage à la frontière et empêcher le passage des
3 Musulmans et d'autres groupes ethniques."
4 Je pense que nous avons fait allusion à cela déjà, ou est-ce quelque chose
5 auquel il a été fait allusion déjà dans le document que nous avons déjà
6 vu? Très bien.
7 Ensuite, je pense que ce document final était un document que j'ai omis
8 qui est daté du 9 juillet et qui fait partie en fait de ce même mémo et
9 qui traite de la position du gouvernement croate concernant ces réfugiés.
10 Merci. Nous pouvons maintenant nous débarrasser de cela. C'est un document
11 un petit peu difficile.
12 Réponse: Très bien.
13 Question: Très bien. Monsieur le Président et Mesdames les Juges, la
14 question de traduction, donc j'avoue que je ne l'ai pas. Qu'en est-il de
15 ce document?
16 Monsieur Kirudja, pardonnez-moi, comme je vous l'ai dit, c'est mon système
17 de note qui fait peut-être un petit peu défaut.
18 Revenons-en maintenant à la date du 10 juillet, vous avez eu une réunion
19 avec le maire de Dvor et l'assistant du maire, le maire adjoint de
20 Bosanski Novi; ce qui est consigné dans votre journal.
21 Si vous pouviez regarder cela, s'il vous plaît?
22 Réponse: Oui, j'ai indiqué qu'une réunion a eu lieu. C'est consigné dans
23 mes notes ici.
24 Question: Très bien. Monsieur le Président, ceci est à la page 26 de votre
25 déclaration.
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1 C'est une réunion, vous souvenez-vous ce qu'on vous a demandé lors de
2 cette réunion?
3 Réponse: En fait, mes notes ne précisent pas cela, mais étant donné que
4 cela se tenait à Dvor, encore une fois, c'était dans le cadre de mon
5 mandat. J'avais des réunions régulières qui se tenaient à cet endroit-là.
6 Cela n'aurait pas changé grand-chose quant à savoir qui avait demandé à
7 avoir ces réunions.
8 Question: Je crois qu'il s'agissait de la question des réfugiés. Est-ce
9 qu'il demandait, est-ce qu'il disait qu'il devait s'occuper de 7.000
10 réfugiés de Croatie?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Quoi qu'il en soit ils évoquent la question de la population
13 musulmane?
14 Réponse: Le maire, à l'époque, réitérait toujours les mêmes choses, tout
15 ce que nous avions déjà entendu auparavant de la bouche du maire
16 Borojevic. Je crois qu'à ce moment-là Borojevic avait donné sa démission
17 ou avait été déplacé. Néanmoins, les propos tenus par le maire adjoint
18 étaient très semblables aux propos tenus par le maire précédent.
19 Question: Ont-ils évoqué la question de l'autorisation de passage ou du
20 départ des Musulmans?
21 Réponse: D'après mes notes, ici, il parle toujours de personnes qui
22 traverseraient ce secteur bénévolement. Encore une fois, nonobstant le
23 fait que lors d'une réunion précédente où j'ai clairement indiqué ceci par
24 écrit, ceci n'était pas du tout volontaire.
25 Il semblait nous dire -je cite-: "La Forpronu semble douter du fait que
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1 ces personnes partent de façon bénévole… La Forpronu et le HCR ne semblent
2 pas croire que ces personnes partent de leur plein gré mais qu'elles sont
3 forcées à partir. Lorsque vous comprenez que le problème doit être
4 résolu."
5 En d'autres termes, le maire dit la chose suivante: "Dès que vous changez
6 d'avis, le problème sera résolu. Il ne s'agit pas en fait aux Serbes de
7 Bosanski Novi de demander l'assistance du HCR, il s'agit d'une attitude un
8 petit peu agressive ici."
9 Question: Comment interprétez-vous ce qui a été dit eu égard à ce que
10 l'HCR allait faire et porter assistance à la Forpronu?
11 Réponse: Nous trouverons une solution nous-mêmes.
12 Question: Comment pensez-vous… Comment est-ce que vous avez compris que le
13 problème serait résolu de cette manière?
14 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, déjà il apparaissait tout à fait
15 clairement que personne n'était décidé à agir de la sorte. Le nombre des
16 réfugiés qui ont été évoqués plutôt –à savoir 7.500 réfugiés serbes qui
17 ont été expulsés de Bosanski Novi- cela a été répété plusieurs fois par le
18 maire adjoint… La situation. Il répétait sans cesse comme une cassette qui
19 se répète sans cesse que ces personnes partaient de leur plein gré.
20 Question: Est-ce que le maire a dit autre chose à ce propos?
21 Réponse: Lors de cette réunion en question, je ne suis pas certain.
22 Question: D'après ce que je peux lire en tout cas.
23 Réponse: A moins que vous n'ayez quelque chose de très précis que vous
24 souhaitez que j'évoque!
25 Réponse: A-t-il dit, à un moment donné: "Je suis le maire de tous les
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1 peuples et je m'assurais que les Musulmans ne seront pas expulsés."
2 Réponse: Oui, je vois cela très bien consigné ici mais après avoir dit -je
3 cite-: "Je suis le maire de tous les peuples, de toutes les populations de
4 Bosanski Novi, et j'assurais la protection des Musulmans: ils ne seront
5 pas expulsés."
6 J'ai consigné quelque chose à ce propos dans mes notes. Je pensais en fait
7 à quelque chose comme le stade de football. Je ne sais pas si j'avais
8 d'autres choses en tête à ce moment-là.
9 Question: Tout d'abord, est-ce vous avez accepté cette déclaration qu'il
10 s'assurerait que les Musulmans ne seraient pas expulsés?
11 Réponse: Non, j'ai consigné ceci parce que je savais que ces personnes
12 travaillaient de la sorte. J'avais travaillé avec eux à maintes reprises.
13 Il y avait toujours un pas en avant, un pas en arrière. Et c'était sa
14 manière de me dire qu'il ne souhaitait pas faire du mal à ces gens-là.
15 Mais il ne pensait pas véritablement qu'ils partaient de leur plein gré.
16 C'était ce qu'il essayait de me dire.
17 Question: Très bien.
18 Réponse: Très bien.
19 Question: Très bien. Merci.
20 Revenons un petit peu en arrière maintenant. Nous parlons du 23 juillet et
21 du convoi lui-même. Avant cette date-là, aviez-vous eu des nouvelles de M.
22 Thornberry à propos de cette situation?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Et que vous a dit M. Thornberry?
25 Réponse: M. Thornberry m'a envoyé une note en me disant que: "Vous ne
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1 devez pas manquer ici à participer à l'aide à ces réfugiés qui viennent de
2 Bosanski Novi, de l'autre côté de la frontière de la Bosnie", parce que,
3 d'après M. Thornberry, le mandat du conseil de la sécurité ne pouvait pas
4 être appliqué de l'autre côté de la frontière. Bien évidemment, il avait
5 raison en la matière.
6 Question: Nous pouvons constater d'après ce qui est arrivé néanmoins,
7 quelle était votre opinion au plan moral quel que soit en fait le cadre de
8 votre mandat?
9 Réponse: Pardonnez-moi mon commentaire que j'ai fait un peu plus tôt. Nous
10 étions frustrés à plusieurs reprises à propos de ces rapports et on disait
11 que rien ne se produisait. Ceci a été mal compris et ça a été mal perçu.
12 On pensait que nous étions impliqués de l'autre côté de la frontière en
13 Bosnie. Le message que nous avons envoyé, c'était que nous étions les
14 Nations Unies, et ceci attirait l'attention des différentes personnes en
15 détresse.
16 Ces personnes ne songeaient pas au mandat du conseil de sécurité. Ce
17 qu'elles recherchaient, c'était le drapeau des Nations Unis. Elles
18 voyaient clairement que c'était un endroit où elles pouvaient trouver
19 refuge. Je crois que si on devait aborder la question sous cet angle aussi
20 restreint, c'était un petit peu ne pas comprendre la situation.
21 Question: Très bien. Alors, avançons un petit peu. Passons à la date du 29
22 juillet. Pièce P1657, s'il vous plaît.
23 (Intervention de l'huissier.)
24 Je crois que nous pouvons résumer ce document qui a été envoyé par vous-
25 même et qui traitait du transit organisé par le HCR des Nations Unies. Il
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1 s'agissait en fait des questions logistiques ici.
2 Document suivant s'il vous plaît. Pourrions-nous regarder? Très bien.
3 "Donc vous avez géré l'évacuation". Pardonnez-moi. "Les personnes qui
4 venaient de Bosanski Novi", bien en deçà des chiffres attendus. Et
5 j'aimerais maintenant passer au mois d'août, s'il vous plaît. Pourriez-
6 vous regarder un document qui porte la cote ou le numéro 6737?
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Question: Il s'agit ici d'un rapport quelque peu différent des documents
9 que nous avons vus jusqu'à présent.
10 Réponse: J'ai ici un exemplaire en Serbe.
11 Question: Monsieur Kirudja, on voit clairement que ce document et adressé
12 à M. Thornberry et qu'il vient de vous. Il est indiqué qu'il y a un
13 rapport sur la situation en annexe et portant la date du 22 août 1992.
14 S'agit-il ici d'un rapport de routine, régulier?
15 Réponse: Oui. Ceci vient en sus aux rapports qui m'ont été présentés ici
16 par vous et ce sont des rapports que nous rédigions en vertu des
17 événements qui se produisaient. Egalement à la fin de la semaine, on me
18 demandait de rédiger un rapport de situation qui avait pour but de résumer
19 les événements de la semaine, de les mettre dans le contexte approprié. Et
20 c'est pour cela qu'ils s'intitulaient "rapports de situation concernant la
21 semaine en question".
22 Question: J'aimerais que vous vous tourniez à la troisième page s'il vous
23 plaît de ce même rapport, où il est indiqué "Frontière avec la Bosnie", au
24 paragraphe 9. "La frontière avec la Bosnie-Herzégovine est toujours une
25 zone de conflits et une source de pression sur les réfugiés qui souhaitent
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1 traverser la zone protégée des Nations Unies pour se rendre en Croatie et
2 au-delà. Ensuite, vous indiquez les problèmes qui sont ainsi provoqués.
3 J'aimerais en venir maintenant au paragraphe 12 où vous évoquez la
4 délégation qui s'est rendue là le 19 août. Puis-je simplement vous poser
5 cette question? Auparavant, avez-vous eu des réunions avec M. Mendiluce à
6 propos de l'arrivée attendue de personnes déplacées ou réfugiées
7 supplémentaires?
8 Réponse: D'après mon souvenir, j'avais rencontré M. Mendiluce à plusieurs
9 reprises, et ce, en rapport avec l'arrivée massive d'un nombre de
10 réfugiés; il s'agissait de 9.000 réfugiés qui avaient traversé. Et par la
11 suite, parce que nous les avions prévenus: "Si vous faites ceci, il y aura
12 davantage de réfugiés par la suite."
13 Ce paragraphe 12 évoque la tentative donc de cerner la situation et
14 d'appliquer le "round 2".
15 Question: Très bien.
16 Réponse: Très bien.
17 Question: Ensuite le texte indique: "Le 19 août, le HCR et les affaires
18 civiles ont reçu à Topusko une délégation et neuf représentants: des
19 Serbes, des Musulmans de Sanski Most, de Bosanska Krupa, de Prijedor et de
20 la Bosnie-Herzégovine." Leur intention était de convaincre les Nations
21 Unies de modifier leur politique et d'aider à l'organisation d'un convoi
22 qui devait traverser le secteur Nord et évacuer jusqu'à 100.000 réfugiés,
23 la plupart Musulmans de Sanski Most. 8.000 personnes de Prijedor, 600 de
24 Bosanska Krupa. Une liste très détaillée des 7.892 (sic) personnes
25 destinées à partir a été fournie.
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1 Est-ce qu'on vous a remis cette liste?
2 Réponse: Oui. La date de ce rapport de situation est le 26 août. La
3 réunion s'est tenue un ou deux jours plus tôt. Je pense que le 19 août,
4 les autorités de ces différentes villes se sont présentées à mon bureau;
5 ils sont venus me rendre visite, donc ces personnes de Sanski Most et
6 Prijedor et d'autres villes. Ils sont venus dans mon bureau et ils m'ont
7 donné un chiffre approximatif de personnes qui allaient quitter ces
8 villages. Donc comme suit: Sanski Most 100.000, Prijedor 8.000, Bosanska
9 Krupa 600, etc.
10 En même temps, ils m'ont remis une liste imprimée, qui avait été imprimée
11 sur une imprimante ancienne d'un ordinateur, où les différentes pages
12 étaient attachées les unes aux autres, avec une liste très détaillée des
13 noms et d'autres détails qui m'échappent parce que cette liste, pour
14 quelque raison que ce soit, a été perdue quelque part. Je ne l'ai jamais
15 revue depuis cette dernière fois où je consultais cette liste dans mon
16 bureau.
17 Il y avait donc une liste détaillée tapée à la machine. Nous avons ensuite
18 compté les noms qui figuraient sur cette liste. C'est pour ça que nous
19 avons pu annoncer ce chiffre très précis de 7.782 (sic) noms sur cette
20 liste.
21 Question: Je crois que vous avez fait une note dans votre journal
22 concernant ces personnes qui ont assisté à cette réunion?
23 Réponse: Oui, absolument.
24 Question: Pourriez-vous alors consulter vos notes et nous dire de quoi il
25 en retourne?
Page 14519
1 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, ceci se situe à la page 34 de
2 la déclaration.
3 Réponse: Ce jour-là, il y avait M. Vlado Vrkes, président du SDA de Sanski
4 Most. Il y avait également Dragan Majkic, représentant de la milice de
5 Sanski Most. Il y avait un certain Besim Islamcevic, représentant des
6 Musulmans et des Croates disposés à quitter Sanski Most. Il y avait un
7 certain Esad Hasanovic, représentant des réfugiés musulmans de Bosanska
8 Krupa.
9 Et à Sanski Most à ce moment-là, c'était à Sanski Most -je crois que c'est
10 indiqué-, je crois qu'il y a peut-être d'autres personnes qui ont assisté
11 à cette réunion, mon collègue et des messieurs du HCR, j'ai peut-être
12 cessé d'écrire au moment où ils ont pris la parole; donc je n'ai pas noté
13 leurs propos.
14 Question: Je crois que vous n'avez pas noté les noms des personnes de
15 Prijedor?
16 Réponse: Non. Il me semble en fait que je n'ai pas consigné leurs noms,
17 mais que j'ai commencé à consigner ce qu'ils ont dit.
18 Question: Pouvez-vous nous nous dire s'il vous plaît, d'après vos notes,
19 ce qui a été dit en substance dans cette réunion qui est consignée dans ce
20 court rapport?
21 Réponse: En fait, il s'agissait de demander un "round 2", un deuxième
22 tour, autrement dit d'autoriser de la même manière que ce qui avait été
23 autorisé au mois de juillet, que ces personnes puissent traverser le
24 secteur Nord de la même manière. A ce moment-là, on ne me parlait pas de
25 départs volontaires. C'est une question qui n'était pas évoquée. On m'a
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1 donné des chiffres précis donnant le nombre de réfugiés venant de
2 différents villages. Je viens de vous donner ces chiffres.
3 Et ils ont également entendu le HCR qui réitérait sa position, à savoir
4 "ce n'est pas quelque chose que nous allons autoriser".
5 Question: Je crois que vous avez une note des propos de M. Islamcevic?
6 Réponse: Oui. Il a commencé par dire -et je cite-: "Je suis autorisé à
7 dire que le convoi doit être escorté par la Forpronu. En d'autres termes,
8 j'ai considéré que c'était une suggestion de sa part et il me demandait
9 que ceci vous soit transmis. Autrement dit, j'ai l'autorité pour le
10 faire."
11 Ensuite, il poursuit: "Nous ne voulons pas aller d'une région de la Bosnie
12 à l'autre et nous ne souhaitons pas avoir la guerre. Nous avons des
13 garanties de nos différents parents, nous savons où nous voulons nous
14 rendre et nous voulons dire que les autorités serbes nous traitent
15 équitablement. Nous voulons garantir qu'aucune personne ne sera retirée du
16 convoi de départ et jusqu'à Karlovac, qui était leur lieu de destination
17 où ils devaient passer la frontière croate qui était la frontière de notre
18 secteur également. Et tous les autres itinéraires étaient inconnus, donc
19 c'était l'itinéraire que M. Islamcevic souhaitait qu'ils prennent.
20 Question: Et M. Vrkes a-t-il dit quelque chose?
21 Réponse: Oui. Il a commencé par dire qu'il y a 25.000 Musulmans à Sanski
22 Most. Nous avons reconnu qu'il y avait d'autres chiffres, d'autres
23 réfugiés à Bosanski Krupa. Il n'y a pas indiqué de chiffre. Sanski Most
24 est la seule opstina, municipalité, qui tient compte des trois
25 différentes, qui intègre les trois différentes nationalités d'après les
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1 termes utilisés, à savoir les Serbes, les Croates et les Musulmans. On
2 considère que ce terme est un terme générique et qui évoque les autres
3 nationalités.
4 Ensuite, il poursuit en disant qu'il y avait 50% de Serbes, 50% de
5 Musulmans et de Croates à Sanski Most. Au plan historique, les Musulmans
6 n'étaient pas intégrés à ces régions, à savoir… Sa déclaration était peut-
7 être un petit peu claire à cet égard.
8 Question: Vous a-t-il parlé de ce que devaient faire les personnes qui
9 souhaitaient quitter la région?
10 Réponse: Oui. Je l'ai déjà précisé. Quand on venait me voir quand je
11 participais à ces réunions, je ne consignais pas tout ce qui m'était dit.
12 Il ne faut pas considérer que mes notes soient exhaustives, ce qui était
13 le cas, par contre, pour les rapports que je rédigeais ensuite.
14 Question: Bien. Est-ce que vous avez écrit quelque chose au sujet de ce
15 que M. Vrkes vous a dit sur ce que les gens devaient faire afin de partir?
16 Réponse: Non, je n'ai pas écrit cela dans mon journal.
17 Question: Pouvez-vous nous dire si les représentants de Bosanski Novi,
18 Bosanska Krupa ont dit quoi que ce soit de précis, ou plutôt le
19 représentant de Bosanska Krupa?
20 Réponse: Oui, il a commencé par dire qu'il était déçu par les relations
21 entre nous, disait-il, et le HCR des Nations Unies. Il y a un mois que
22 notre demande était partie et rien n'avait été fait. Donc, un fois encore,
23 il manifestait sa déception.
24 Et, ensuite, il a rendu hommage -je cite-: "A l'aide du gouvernement.".
25 (Fin de citation.) En provenance de Sanski Most. Mais ensuite, il a dit –
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1 je cite-: "Tous les jours, nous sommes forcés de quitter les maisons dans
2 lesquelles nous sommes." Il a souligné -je cite-: "On nous a garanti pour
3 80% d'entre nous des logements et des emplois en Slovénie et dans d'autres
4 pays.". Et il m'a remis un exemplaire du document sur lequel étaient
5 couchées les garanties qu'il avait mentionnées.
6 Il a rappelé que l'hiver s'approchait et que, de ce fait, les conditions
7 de vie de la population empiraient. Il a demandé une aide pour que les
8 gens puissent arriver à leur destination et il a demandé les véhicules
9 nécessaires.
10 Question: Il était Musulman, ce monsieur de Bosanska Krupa?
11 Réponse: Oui, le représentant de Bosanska Krupa a été présenté comme un
12 représentant des Musulmans et des Croates et des immigrants qui quittaient
13 Sanski Most. Et vu son nom, on peut en conclure qu'il était Musulman.
14 Question: Et pour Prijedor? Qu'a dit le représentant de Prijedor, s'il a
15 dit quelque chose?
16 Réponse: Pour lui, je n'ai écrit qu'une ligne -je cite-: "Nous avons 8.000
17 demandes de départ. Il ne s'agit pas uniquement de Musulmans parce qu'il y
18 a aussi des gens qui sont mariés à des personnes d'autres nationalités."
19 Question: Si nous retournons au rapport, paragraphe 12, on peut y
20 constater que le HCR des Nations Unies a réitéré sa politique consistant à
21 ne pas participer à la mise en place de tels convois en provenance de
22 Bosnie, et qu'à la fin de la réunion, la délégation est partie avec le
23 sentiment que les Nations Unies étaient un obstacle à un geste -je cite-:
24 "un geste humanitaire des Serbes envers les Musulmans dans le cadre d'un
25 processus démocratique.".
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1 Vous en souvenez-vous?
2 Réponse: Comme je l'ai dit, ils ont tous dit qu'ils étaient déçus. Nous
3 avons dit que nous ne pouvions pas participer et ils ont été déçus. Donc
4 on peut dire qu'aussi bien les Musulmans que les autres ont été déçus
5 parce que les Musulmans, eux, souhaitaient partir. Et nous ne leur
6 apportions pas d'aide. Enfin, c'était leur point de vue du moins.
7 Bien entendu, s'agissant des Serbes, eux aussi, ils éprouvaient une
8 certaine déception parce que nous leur avons dit, pour reprendre ce que
9 nous avons évoqué ce matin, que ce n'était pas là des activités auxquelles
10 pouvait participer le HCR ou le CICR, du fait de l'ampleur, de la nature
11 de ce genre d'activité qui consistait à chasser les gens de leur foyer et
12 à les transformer en réfugiés.
13 Question: Pour en terminer avec ce rapport -ensuite nous examinerons un
14 certain nombre de documents autres que ceux que vous nous avez donnés-,
15 donc paragraphe 13, il y a eu un rapport en date du 12 août selon lequel
16 10.000 réfugiés devaient traverser et qu'on ne pouvait pas considérer que
17 la participation des Nations Unies à ce convoi revenait à un soutien à la
18 politique de nettoyage ethnique.
19 Bien. Arrêtons-nous un instant. On voit dans le rapport qu'il s'agissait
20 là de nettoyage ethnique. Est-ce que vous utilisiez ce terme déjà à
21 l'époque?
22 Réponse: Nous n'étions pas en train d'essayer de définir ces activités,
23 ces opérations d'une manière ou d'une autre. Parce que nous, nous avions
24 une préoccupation essentielle: les réfugiés. Et quand on est dans une
25 situation un peu difficile où il ne faut pas sortir de son champ de
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1 compétence, on fait aussi attention à la manière de s'exprimer. Il ne
2 fallait pas que nous nous lancions dans des condamnations de sorte que
3 cela aurait mené à un bain de sang. Nous voulions contraindre les Serbes à
4 revoir leur position sans leur nuire. Nous voulions leur faire comprendre
5 que nous voulions avoir une attitude constructive.
6 Deuxièmement, nous voulions bénéficier de leur protection. Donc non ce
7 n'était pas utile, ce n'était pas très constructif d'utiliser ce genre de
8 terme.
9 Question: Pour en terminer avec le rapport, elle n'avait pas d'information
10 sur les 300.000 Musulmans qui seraient coincés dans la ville de Bihac.
11 Toutes les informations venant du HCR vont à l'encontre de ces
12 informations-là. D'autre part, nous risquerions d'entrer en confrontation
13 avec les autorités locales.
14 (Note de l'interprète: Mme Korner lit un document dont ne disposent pas
15 les interprètes.)
16 Récemment les autorités locales ont eu vent d'un rapport qui avait été
17 étouffé par le secrétariat serbe général et elles ont utilisé la chose.
18 Mais il n'y a pas eu de tel rapport. Ensuite, dernier paragraphe, il
19 s'agit d'évacuations médicales. Le reste du rapport, je pense, n'a rien à
20 voir avec notre affaire.
21 M. Kirudja (interprétation): Le rapport en question est sur les centres de
22 concentration. J'en ai parlé tout à l'heure.
23 Mme Korner (interprétation): Ce document n'a pas encore été versé au
24 dossier. Peut-être pourrait-il être versé au dossier sous la cote P1648?
25 M. le Président (interprétation): Il s'agissait du document 37?
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1 Mme Korner (interprétation): Oui. Avant de passer au prochain rapport de
2 situation, j'aimerais, s'il vous plaît, que vous examiniez un certain
3 nombre de documents qui émanent des Serbes eux-mêmes et qui reflètent la
4 situation telle qu'ils la voyaient. On va voir comment on peut faire le
5 lien avec ce que vous-même écriviez à l'époque.
6 D'abord, nous allons examiner le document P709.
7 (Intervention de l'huissier.)
8 Document qui vient de la municipalité de Sanski Most, comité exécutif, 30
9 juillet. Et au point 1 de ce document, on peut lire la chose suivante,
10 troisième paragraphe -je cite-: "Il y a actuellement environ 18.000
11 Croates et Musulmans dans la municipalité de Sanski Most. Pour éviter de
12 faire courir un risque à la population serbe, il est nécessaire
13 d'organiser leur réinstallation volontaire ailleurs.". (Fin de citation.)
14 Nous sommes ici en juillet 1992, et votre réunion a eu lieu en août, le 19
15 août. Ici, on parle de 18.000 Musulmans et Croates dans ce document.
16 Comment peut-on faire le lien avec le propos qu'on vous tenait? De quelle
17 manière est-ce compatible?
18 Réponse: Eh bien, il y a déjà deux choses. C'étaient des Musulmans et des
19 Croates qui étaient à Sanski Most. Donc ça, ça correspond. D'autre part,
20 on essaie de mettre en place une réinstallation de ces gens sur une base
21 volontaire. Bien entendu, ultérieurement nous avons constaté que ce
22 n'était pas quelque chose qui se faisait sur une base volontaire.
23 Question: Est-ce que ces représentants, je pense en particulier à M.
24 Verkec ou à M. Vojnic, est-ce que ces gens ne vous ont jamais dit que les
25 personnes en question constituaient un péril pour les Serbes? Je parle des
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1 Croates et des Musulmans?
2 Réponse: Les Musulmans, lorsque nous étions en leur présence avec leurs
3 collègues serbes, insistaient pour nous dire à quel point on les traitait
4 bien, à quel point les Serbes les traitaient bien, mais ce n'était pas
5 tout à fait les propos tenus par les réfugiés avec lesquels nous nous
6 entretenions.
7 Question: Donc lors de cette réunion, ni M. Vrkes ni M. Brunicic ne vous
8 ont dit: on veut qu'ils partent parce qu'ils constituent un péril pour
9 nous, un péril potentiel?
10 Réponse: Non.
11 Question: Merci. Nous allons maintenant examiner un autre document qui
12 vient de Sanski Most: P716.
13 (Intervention de l'Huissier.)
14 Document du 17 août, deux jours avant la réunion, adressé au chef de la
15 sécurité publique de Banja Luka et signé par cette personne dont vous nous
16 avez dit qu'elle a assisté à la réunion, M. Brunicic, on y lit -je cite-:
17 "Au début août, les organes civils et militaires de la municipalité de
18 Sanski Most ont adopté une décision et pris une initiative selon laquelle
19 les Musulmans et les Croates peuvent présenter aux organes municipaux de
20 l'assemblée municipale une requête écrite ainsi qu'une déclaration de
21 loyauté par laquelle ils demandent à pouvoir rester sur le territoire de
22 la municipalité.
23 Un comité spécial est chargé d'examiner ces demandes. Et le service de
24 sécurité publique a reçu la mission de délivrer ces permis de séjour.
25 Etant donné que les détails ne nous sont pas donnés, que cela ne figure
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1 pas dans les lois existantes, nous voudrions avoir des informations sur la
2 manière de délivrer ces permis.". (Fin de citation.) etc., etc.
3 Je voudrais savoir si, lors de cette réunion avec les représentants de
4 Sanski Most, vous avez parlé des personnes qui voulaient rester après
5 avoir soumis une déclaration de loyauté?
6 Réponse: Non. Lors de cette réunion, nous n'avons pas évoqué cette
7 question mais uniquement ces questions ont été évoquées uniquement lors
8 des réunions précédentes.
9 Question: Je vous ai déjà peut-être posé la question, me semble-t-il, mais
10 je voudrais savoir si ces hommes, l'un ou l'autre de ces hommes, a dit ce
11 que devaient faire les personnes qui souhaitaient quitter le territoire de
12 la municipalité volontairement.
13 Réponse: Les représentants musulmans assistant à la réunion y ont fait
14 allusion. Ils ont déjà dit qu'ils avaient reçu les permis nécessaires des
15 Serbes de l'endroit et ils l'ont dit avec un air de gratitude. Ils ont dit
16 qu'ils étaient prêts à partir mais que nous, à savoir la Forpronu, nous
17 les empêchions de partir.
18 Question: Merci. Maintenant nous allons examiner en partie un document
19 fort volumineux qui porte la cote P717.
20 (Intervention de l'huissier.)
21 Il s'agit là d'un rapport très long, qui a été rédigé après le 14 août. On
22 y parle de plusieurs municipalités, à commencer par la municipalité de
23 Prijedor. Et j'aimerais, s'il vous plaît, que vous vous référiez à la
24 quatrième page du document: "Pré-installation des citoyens de la
25 municipalité de Prijedor." A d'autres endroits, ce rapport émane de la
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1 commission.
2 Je cite: "D'après le SJB de Prijedor, 4 à 5.000 personnes et
3 principalement des Musulmans ont quitté la municipalité avant le conflit
4 armé.". (Fin de citation.)
5 Le conflit armé a commencé à la fin mai, Monsieur Kirudja. Je voudrais
6 savoir si vous avez vu arriver des municipalités venant de Prijedor avant
7 la fin mai?
8 Réponse: Je ne peux pas vous dire avec certitude ce que nous avons fait et
9 ce que nous n'avons pas fait. Moi, j'ai dit qu'il y avait constamment des
10 réfugiés qui venaient mais je ne peux pas répondre précisément à votre
11 question.
12 Question: Deuxième paragraphe -je cite-: "A partir du début du conflit
13 armé dans la municipalité de Prijedor jusqu'au 16 août 1992, en fonction
14 et sur la base de données qui n'ont pas été suffisamment vérifiées,
15 quelques 20.000 citoyens ont quitté la municipalité, et il s'agissait
16 essentiellement de Musulmans et de Croates mais il y avait également des
17 Serbes, des gens appartenant à tous les groupes d'âge.". (Fin de
18 citation.)
19 Je cite: "Le 16 août 1992, le service de sécurité publique de Prijedor a
20 reçu et a traité 13.181 demandes pour mettre fin à l'enregistrement du
21 lieu de résidence de citoyens essentiellement musulmans qui ont exprimé
22 leur désir de quitter la municipalité pour partir en République de
23 Slovénie ou dans d'autres pays d'Europe occidentale. Ce groupe n'a pas
24 encore quitté la municipalité mais est actuellement entre les mains
25 d'organisations humanitaires ou religieuses qui essayent de trouver des
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1 moyens de les réinstaller ailleurs.
2 Le service de sécurité publique de Prijedor n'a pas d'information au sujet
3 de ce qui a été fait par ces personnes de leurs biens immobiliers ni de ce
4 qui a été fait ou de ce qui sera fait par ces personnes de leurs biens
5 immobiliers.".
6 D'après ce paragraphe, trois jours avant votre réunion, il se passait les
7 choses que nous venons de lire. Est-ce que ça correspond à ce qui vous a
8 été dit par les représentants de Prijedor lors de la réunion?
9 Réponse: En partie uniquement parce qu'ils nous ont dit qu'il y avait
10 8.000 personnes concernées. C'est-à-dire une partie simplement des
11 personnes qui sont mentionnées ici. Une partie simplement, un sous-groupe.
12 Question: Ici on dit que: "Ces personnes voulaient partir pour la
13 République de Slovénie ou d'autres pays d'Europe occidentale". Cela, il me
14 semble que vous l'avez mentionné dans votre rapport.
15 Réponse: Oui, ça correspond. Et c'était quelque chose qui revenait, qui a
16 été dit lors de cette réunion, lors de réunions précédentes. C'était en
17 effet une constante.
18 Question: Maintenant nous poursuivons la lecture de ce rapport. Nous en
19 arrivons à la page 7 qui traite de Sanski Most. Page 6 "Centre d'accueil,
20 le gymnase". Il a été mentionné dans le rapport que nous avons étudié.
21 C'était un des centres d'enquêtes ou c'est du moins de cette manière qu'on
22 les désignait. Je cite: "Quelque 3.000 personnes sont parties de la
23 municipalité depuis le début du conflit armé, principalement des femmes,
24 des enfants et des personnes âgées. Ceci d'après les conclusions du SJB ou
25 du centre de sécurité publique de Sanski Most.
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1 Jusqu'au 16 août 1992, quelque 12.000 personnes, principalement des
2 Musulmans, mais également des Croates, se sont présentées au service de
3 sécurité publique de Sanski Most pour annuler leur enregistrement en tant
4 que personnes domiciliées dans la même municipalité.
5 Dans le cadre de la procédure entreprise devant les services compétents de
6 l'assemblée municipale de Sanski Most, ces personnes ont déclaré souhaiter
7 quitter la municipalité pour aller s'installer ailleurs et ont fait des
8 déclarations relatives à leurs biens mobiliers et immobiliers afin que
9 ceux-ci soient consignés dans des listes.". (Fin de citation.)
10 Est-ce que cela correspondant à ce qui vous a été dit lors des réunions
11 qui ont lieu ensuite, trois jours plus tard?
12 Réponse: Oui, mais je le répète, pour Sanski Most, on m'a donné le nombre
13 de 11.000. Ici, on voit le chiffre de 12.000. Moi, j'imagine que ces
14 11.000 personnes dont on nous a parlé, c'était un sous-groupe, sous-groupe
15 par rapport à ces 12.000 qui sont évoqués ici dans le rapport.
16 Question: Maintenant, nous allons passer à la page 8 du rapport. Ici
17 encore, centre d'accueil, et cette fois pour la municipalité de Bosanski
18 Novi.
19 Deuxième paragraphe -je cite-: "Le 2 juin 1992, des membres de l'armée ont
20 amené des citoyens musulmans au stade Mlakve pour assurer la protection
21 desdites personnes. Le nom de ces personnes n'a pas été consigné mais,
22 d'après le centre de sécurité publique, il y avait environ 300 personnes.
23 Ces personnes ont été remises en liberté le 5 juin 1992 et, le 11 juin
24 1992, des membres de l'armée déployés dans la municipalité ont assuré la
25 sécurité de 652 hommes musulmans en âge de porter les armes qu'ils ont
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1 rassemblées.". (Fin de citation.)
2 Monsieur le Témoin, est-ce que ceci correspond au rapport et aux
3 informations que vous avez reçues au sujet du stade?
4 Réponse: Là, j'aimerais bien que vous me précisiez une chose. Moi, je
5 parlais toujours du stade de football. C'est la première fois que je le
6 vois avec un nom propre: Mlakve, Mlakve. Stade de Mlakve, j'imagine qu'il
7 s'agit du stade de football?
8 Question: Oui, je pense pouvoir m'avancer et pouvoir vous dire qu'il
9 s'agit effectivement de cela.
10 Réponse: Moi, j'ai toujours parlé de stade de football, mais,
11 effectivement, les chiffres correspondent. On parle ici de 300 personnes à
12 peu près. Le rapport émanant du bataillon danois a été réalisé suite à un
13 décompte fait en regardant à la jumelle et ils ont dit qu'il y avait
14 environ 350 personnes sur le stade de football. Donc on peut dire qu'on se
15 trouve à peu près dans le même ordre d'idée, le même nombre de personnes.
16 Question: On parle encore une fois du déplacement, de la réinstallation
17 ailleurs de personnes, de la re-localisation de ces personnes. Je vous
18 demande de vous reporter à la page 9. On parle du 12 et du 13 mai 1992 et
19 on dit que 500 personnes sont parties. Ensuite, on dit que 3.500 citoyens
20 d'appartenance ethnique musulmane ont quitté le 9 juin 1992 et pris la
21 direction de Doboj. Ceci semble correspondre aux 5.000 qui sont partis,
22 bien que ce soit moins.
23 Et, ensuite, nous voyons -je cite-: "Conformément à la décision sur la
24 réinstallation volontaire par le gouvernement de la Région autonome de la
25 Krajina et l'ordre de la cellule de crise de la municipalité de Bosanski
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1 Novi sur les critères relatifs au déplacement volontaire et la
2 réinstallation volontaire, 5.680 personnes munies des documents idoines
3 ont quitté la municipalité de Bosanski Novi le 23 juillet 1992 et ont
4 émigré avec l'assistance de la Forpronu et du Commissariat aux réfugiés.
5 Ils sont partis de la municipalité, donc.". (Fin de citation.)
6 Est-ce qu'il ne s'agit pas là d'une estimation fort modeste qui ne
7 correspond pas à la réalité?
8 Réponse: Oui, mais comme je l'ai dit, ici on parle de 5.000 et, dans les
9 documents, on parle de 5680. Mais quand il y a évacuation, quand il y a
10 convoi comme cela a été le cas, il y a toujours des gens qui s'y joignent.
11 C'est ce qu'il s'est passé. Donc en tout, il y avait 9.000 personnes, on
12 ne peut pas en déduire que toutes ces personnes venaient de Bosanski Novi,
13 ces 9.000 personnes.
14 Question: Maintenant, nous allons examiner un dernier document émanant de
15 Prijedor et qui porte la cote P1379.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Page 2 du document qui ne porte pas de date. Ah non! 23 octobre 1992; il y
18 a une date. D'après des estimations, on se trouve au tiers de la page,
19 après la mention des villages qui ont été détruits -je cite-: "D'après
20 certaines estimations, quelque 38.000 Musulmans et Croates ont quitté la
21 municipalité de Prijedor à ce jour." (Fin de citation.)
22 Est-ce que le flux de réfugiés a continué ainsi à se manifester après
23 cette date d'août, après ce jour d'août dont on a parlé?
24 Réponse: Vous parlez du départ de 9.000 personnes?
25 Question: Non, je fais référence à la réunion du 19 août où l'on vous
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1 demande de contribuer au départ de ces personnes et où vous dites que
2 l'ONU ne peut faire cela. Je voudrais savoir si des réfugiés ont continué
3 à traverser votre secteur?
4 Réponse: Oui.
5 Question: En haut de la page 3: "Au fils des jours, on sent que les
6 autorités officielles et les citoyens se détendent, car ils ont
7 l'impression que le départ des Musulmans et des Croates est le signe que
8 tout a été réalisé.". (Fin de citation.)
9 Sur la base de vos discussions avec les maires que vous avez rencontrés,
10 les maires serbes, quelle impression vous êtes-vous fait de leur désir de
11 voir partir les Musulmans et les Croates?
12 Réponse: Globalement, vous voulez dire?
13 Question: Oui.
14 Réponse: Moi, j'ai eu l'impression, sur la base de mes contacts avec eux,
15 que l'énormité de leurs actions c'était quelque chose qu'ils minimisaient
16 délibérément ou bien qu'ils ne voyaient pas de cette manière. Ils ne se
17 rendaient pas compte de l'énormité de ce qu'ils étaient en train de faire.
18 J'ai déjà dit quelque part que, apparemment, il y avait chez eux une
19 certaine dose de naïveté. Une naïveté qui s'appliquait en même temps
20 qu'une démarche très méticuleuse et une très grande détermination à
21 arriver à leurs objectifs. Ce n'était pas tant qu'ils aient dit: "Nous
22 allons arriver à cet objectif".
23 Un exemple, avec Dvor: le premier maire nous dit une chose. Il est
24 remplacé en juin, son adjoint le remplace, et on a l'impression d'entendre
25 mot pour mot les propos du maire précédent. Ensuite on va à Bosanski Novi,
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1 on entend exactement pratiquement mot pour mot la même chose.
2 On a l'impression qu'ils sont en train de jouer un rôle, quelque chose
3 qu'ils ont appris par cœur, qu'ils sont en train de le réciter. Et peu
4 leur importe qu'ils nous rencontrent moi ou mes collègues, peu leur
5 importe que nous leur disions: "Ce que vous faites c'est quelque chose qui
6 a des conséquences incroyables." Ils n'en tiennent absolument pas compte
7 quand on leur tient ce genre de propos.
8 Question: Merci. Nous n'avons plus besoin de ce document. Mais il y a
9 encore une chose que j'ai oubliée avant le 19 août. Je pense qu'il va
10 falloir que vous vous référiez à votre journal.
11 Le 12 août, avez-vous une fois encore rencontré M. Pasic?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Et est-ce qu'il a voulu que vous accueilliez encore plus de
14 personnes n'appartenant pas à la communauté serbe?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-ce qu'il y avait également là un certain Deganovic, un M.
17 Deganovic?
18 Réponse: Oui. C'était le représentant du SDS pour Bosanska Kostajnica.
19 Question: Il y avait un autre représentant du SDS pour Kostajnica?
20 Réponse: C'était la partie bosniaque de Kostajnica?
21 Question: Est-ce qu'il y avait un représentant des Musulmans?
22 Réponse: Oui. C'était M. Saflic Munib qui représentait les Musulmans, les
23 Musulmans qui désiraient s'en aller.
24 Question: Est-ce que l'homme Deganovic, l'homme du SDS, vous a parlé des
25 5.000 personnes?
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1 Réponse: Dans mon texte, le texte original, il y a "0" supplémentaire qui
2 figure. Donc il ne s'agissait pas de 5.000 personnes mais de 500
3 personnes.
4 Question: Ah! Bon, je vois.
5 Réponse: Il y avait donc 164 familles, ce qui représente à peu près 500
6 personnes.
7 Question: Est-ce qu'ils ont dit quoi que ce soit d'autre au sujet des
8 raisons de départ?
9 Réponse: A nouveau ces discours étaient typiques des autres Musulmans que
10 nous avons entendus lors des autres réunions. La majorité voulait partir
11 en Europe de l'Ouest pour rejoindre les membres de leurs familles. Tout
12 d'abord ils avaient peur de partir, mais après les événements de Bosanski
13 Novi. Ils venaient de leur plein gré, désirant partir.
14 Tout simplement, on pourrait dire que ces Musulmans qui sont partis de
15 Bosanski Novi, eh bien, ont incité les autres gens à quitter Bosanska
16 Kostajnica.
17 Question: Est-ce que M. Pasic vous a parlé de Bosanska Krupa aussi?
18 Réponse: Qui? A qui faites-vous allusion?
19 Mme Korner (interprétation): Monsieur Pasic, mais peut-être qu'il y a une
20 erreur. Pouvez-vous nous dire si quoi que ce soit a été dit au sujet de
21 Krupa?
22 M. Kirudja (interprétation): Oui, M. Pasic a commencé son discours quand
23 il s'est adressé à moi, eh bien, en parlant d'une délégation de Sanski
24 Most et Bosanska Krupa et Prijedor. Il parlait donc de la police civile
25 des Nations Unies, car il s'était déjà adressé ce service, et donc ensuite
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1 nous avons soulevé un certain nombre de points. Voulez-vous que j'en fasse
2 état?
3 M. le Président (interprétation): Je dois quitter le prétoire pour un
4 instant. Nous allons reprendre dans quelques instants.
5 (La séance, suspendue à 12 heures 04, est reprise à 12 heures 05.)
6 (Le témoin, sorti en même temps que le Président, est réintroduit dans le
7 prétoire.)
8 M. le Président (interprétation): Oui, Madame Korner, mais nous devons
9 entendre la Juge Taya qui s'est absentée apparemment. Je l'ai incitée à
10 quitter le prétoire. Il fait vraiment froid dans ce prétoire, il faudrait
11 réactiver le chauffage; apparemment, il ne fonctionne pas aujourd'hui.
12 Mme Korner (interprétation): Je pense que Mme Gustin s'est plainte aussi,
13 mais j'ai pensé que c'était son cas particulier, qu'il n'y avait qu'elle
14 qui souffrait.
15 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'ils font quelque chose pour y
16 remédier?
17 (Mme la Juge Taya pénètre dans le prétoire.)
18 Oui, Madame Korner.
19 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, vous étiez en train de nous
20 dire que M. Pasic vous a dit un certain nombre de choses. Vous vouliez les
21 énumérer.
22 M. Kirudja (interprétation): Oui, en effet. Il y a quatre éléments qui
23 sont énumérés dans une page entière. Je voudrais commencer par le premier.
24 Donc il a commencé par dire qu'avant la guerre les Musulmans et les Serbes
25 habitaient à Bosanska Krupa, avec 30% de Serbes et 70% de Musulmans. A
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1 présent, comme il l'a dit: "les Serbes sont partis sur la rive gauche de
2 la rivière Una et les Musulmans sur la rive droite."
3 Ensuite, au point n°2, il a évoqué les raisons pour lesquelles les
4 Musulmans ont quitté la Bosanska Krupa. Tout d'abord, il a dit que les
5 Serbes ne voulaient pas conquérir les terres musulmanes de la République
6 serbe de Bihac. Il a demandé que l'on envoie ce message, à savoir que les
7 Serbes ne voulaient pas conquérir la région de Cazin. C'est comme cela
8 qu'on appelait cette poche de Bihac, la région de Cazin. Et il a demandé
9 que les Musulmans trouvent une solution pacifique en partageant les
10 terres.
11 "Le monde -comme il l'a dit- ne comprenait pas pour quelle raison les
12 Musulmans souhaitaient partir de leur propre gré. Les raisons pour cela
13 sont économiques et politiques. Les Musulmans se trouvent dans une
14 position économique qui est moins avantageuse que celle des Serbes, car
15 ils vivent du commerce.
16 Et il a dit aussi que les Musulmans sont des pantins du SDA et ils ont
17 compris qu'ils ont été trompés par leurs dirigeants politiques. Ils ont
18 compris qu'il était à présent impossible de vivre côte à côte avec les
19 Serbes. Cette défaite politique est liée aussi à la défaite militaire. Et
20 là, il faisait référence évidemment à la défaite militaire des Musulmans.
21 A cause de ces deux facteurs, de ces deux raisons, eh bien, il devenait
22 clair que les Musulmans n'étaient plus en position de sécurité.
23 Et il était clair que les Musulmans n'avaient pas accepté leurs
24 obligations. La constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine
25 leur fournit des droits et des obligations, et ceci à tous les citoyens.
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1 Et parmi ces obligations, se trouve l'obligation de défendre son pays. Et
2 les Musulmans n'étaient pas prêts à respecter cette obligation, à la
3 remplir, et ils ne voulaient pas défendre leur pays.
4 Si le côté serbe n'est pas respecté, eh bien, il y aurait des morts
5 nombreux, de nombreux décès des deux côtés. Si nous devons nous-même
6 résoudre ce problème, nous allons le résoudre très rapidement. Par
7 exemple, il y a 7.000 réfugiés serbes de Croatie à Bosanski Novi et le
8 monde n'a pas pris en compte, n'a pas condamné leurs souffrances."
9 Question: Quand il vous a dit: "Si nous devons résoudre ce problème nous-
10 même, eh bien, nous allons le résoudre très rapidement", qu'est-ce que
11 vous avez compris, quand il vous a dit cela?
12 Réponse: Eh bien, je ne suis pas rentré vraiment dans le détail. Ce que
13 j'ai compris, je l'ai expliqué ce matin. Ils ont dit qu'ils pouvaient le
14 faire tout seuls et qu'ils allaient continuer à le faire de la même façon
15 dont ils l'ont fait jusqu'alors; c'est ce que j'ai compris en tout cas.
16 Question: Je pense qu'il y a eu des discussions au cours de la réunion au
17 sujet de la situation qui prévalait à Bosanska Kostajnica. Mais je
18 voudrais tout d'abord vous demander, donc le maire, est-ce que le maire de
19 Dvor a dit quoi que ce soit au sujet de l'évacuation de la population de
20 Bosanski Novi?
21 Réponse: Oui. Il y a un paragraphe, justement, où j'ai noté que le que le
22 maire de Dvor a dit: "La dernière évacuation était un véritable enfer.
23 Nous ne sommes pas prêts à laisser les réfugiés passer par Dvor à nouveau.
24 A présent, nous devons décider que faire avec les Musulmans, avec les
25 Serbes; une possibilité étant de les laisser à leur destinée. J'espère, et
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1 je répète que les réfugiés ne vont pas traverser Dvor.". (Fin de
2 citation.)
3 Question: Vous avez dit qu'il devait décider ce qu'il devait faire avec
4 les Musulmans et les Serbes.
5 Réponse: Oui, en fait j'ai écrit cela pour abréger. Il fallait dire, j'ai
6 voulu dire: ce que les Serbes allaient faire avec les Musulmans, c'est-à-
7 dire ce qu'ils allaient faire avec les rapports entre les Serbes et les
8 Musulmans.
9 Question: Très bien. Est-ce que les représentants musulmans ont dit quoi
10 que ce soit à ce sujet?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Qu'est-ce qu'ils ont dit?
13 Réponse: Eh bien, ils ont commencé à parler du rôle de la communauté
14 internationale.
15 Question: Très bien.
16 M. Kirudja (interprétation): Et ils ont dit qu'ils se trouvaient dans une
17 situation de guerre -ils parlaient des Musulmans- et qu'il s'agissait
18 d'une guerre entre trois nationalités de Bosnie. Ils parlaient de la peur
19 de représailles à chaque fois qu'il y a des Serbes tués sur la ligne de
20 confrontation. Les Serbes pouvaient empêcher de telles représailles, et
21 là, il faisait allusion et ils faisaient très attention à chaque fois
22 d'être gentils avec les Serbes, de ne pas trop les critiquer, tout au
23 moins en notre présence.
24 Donc, les mouvements de population d'aujourd'hui ne devaient pas être
25 considérés comme le nettoyage ethnique. Ils voulaient nous faire
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1 comprendre... Nous, de toute façon, on ne l'appelait pas le nettoyage
2 ethnique, mais il a dit quelques minutes auparavant qu'il s'agissait d'un
3 conflit de différents peuples et qu'à chaque fois qu'un Serbe était tué
4 sur la ligne de confrontation, eh bien, qu'il craignait pour leur vie.
5 Donc c'était des messages un peu mixtes qu'ils nous envoyaient.
6 Mme Korner (interprétation): Très bien. Eh bien, je n'ai rien d'autre au
7 sujet de cette réunion-là. Je voudrais vous demander, vous poser quelques
8 questions au sujet de Krupa. Et là, je vais vous demander à nouveau
9 d'examiner ce rapport qui a été préparé par l'assemblée municipale des
10 Serbes. Il s'agit d'un document qui ne fait pas partie des pièces à
11 conviction, mais qui a été communiqué et qui porte la cote 2.58. Il figure
12 sur la liste.
13 (Intervention de l'huissier.)
14 M. le Président (interprétation): Le document 1649?
15 Mme Korner (interprétation): Oui. Pourriez-vous à présent vous rendre à la
16 page 5 du document?
17 Mme Korner (interprétation): Si nous examinons le troisième paragraphe qui
18 figure sur cette page-là. "La présidence de guerre a fait une évaluation
19 de la situation et a pris la seule décision possible et appropriée à
20 l'époque en ce qui concerne la population musulmane qui est restée dans
21 les enclaves du territoire serbe de la rive droite de la rivière Una.
22 La première décision portait sur la reddition des armes dans toutes les
23 régions habitées par les Musulmans pour libérer un certain nombre des
24 unités de la défense territoriale serbe qui continuaient à bloquer des
25 villages musulmans.
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1 Cette décision n'a pas été mise en place de façon acceptable et il n'y a
2 pas eu d'accord dans les régions de Kostajnica et Bodic. Cette réponse
3 assez faible ou bien un désaccord total de la part des Musulmans pour
4 appeler à la reddition des armes et la menace d'Alija que Krupa doit
5 devenir verte, quel qu'en soit le prix, a forcé la présidence de guerre de
6 la municipalité serbe de proposer deux possibilités, deux options aux
7 Musulmans. Soit ils peuvent s'auto-organiser avec toutes nos garanties et
8 toute notre protection pour partir et choisir la destination qu'ils
9 souhaitent, ou bien ceci va être fait par des moyens militaires.
10 Tous les villages musulmans dans les régions centrales ont accepté ces
11 transferts temporaires à condition qu'ils puissent partir avec leurs
12 biens. Les régions musulmanes de Kostojnica et Bodic, sur la rive droite
13 de la rivière Una, les régions d'Otok et Crkvina faisaient exception et
14 devaient être faites à l'aide des militaires.
15 Vous savez très bien quel était le résultat et la façon dont cela s'est
16 fait. La chronique de guerre de Krupa va en parler beaucoup plus.
17 Les raisons principales pour adopter la décision portant sur le transfert
18 volontaire de la population sont les raisons suivantes: la sécurité
19 physique du peuple musulman et la gentillesse des Serbes, historiquement
20 prouvée. Nous ne sommes pas prônes à des crimes de guerre ou génocide. Les
21 circonstances de l'époque dans laquelle la diplomatie est celle qui
22 prévaut, eh bien, il y a toujours un petit peu d'espoir qui reste pour
23 résoudre le problème entre les Musulmans et les Serbes.
24 Qu'est-ce que vous a dit M. Pasic au sujet de cette action militaire et
25 tout cela?
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1 Réponse: M. Pasic a fait une sorte de conclusion rapide suite à notre
2 discussion. Eh bien, aussi bien au cours de la dernière réunion à laquelle
3 j'ai fait référence, et la première fois où je l'ai rencontré, je lui ai
4 posé la question au sujet de la nature… de la base de volontariat de ces
5 départs. Eh bien, il a répondu comme ceci: "'Les Musulmans font ceci à
6 cause de leur faiblesse militaire. Le seul problème c'est que nous sommes
7 du point de vue militaire plus forts qu'eux.
8 Question: Très bien. Vous pouvez mettre de côté ces documents. Maintenant,
9 j'aimerais examiner un autre rapport sur la situation que vous avez fourni
10 au mois de septembre. Il s'agit du document 38. Il s'agit en réalité du
11 document qui porte la cote P1679. Il fait partie des pièces à conviction.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 Monsieur le Président, je suis pratiquement sûre de terminer mon
14 interrogatoire aujourd'hui, même peut-être plus tôt que la fin de la
15 journée d'aujourd'hui.
16 Il s'agit d'un rapport sur la situation comme nous pouvons le voir,
17 particulier, un rapport spécial. Et dans le premier paragraphe, il est dit
18 qu'il s'agit d'un rapport habituel. Il s'agit des questions de frontière.
19 Donc apparemment, il y a une visite que le général Nambiar et M.
20 Thornberry ont fait dans la région de Topusko, n'est-ce pas?
21 Réponse: M. Goulding aussi.
22 Question: Qui était M. Goulding?
23 Réponse: C'était le chef des opérations de maintien des UP des Nations
24 Unies à l'époque.
25 Question: Vous mettez en place une frontière et vous avez dit à plusieurs
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1 reprises qu'il s'agissait donc des municipalités bosniennes de Novi,
2 Dubica et l'autre côté des municipalités de Krajina, de Dvor, etc. Et des
3 deux côtés de la frontière se trouvent donc les Serbes, les Serbes de la
4 Krajina serbe. Et donc, il y a aussi peut-être un segment international
5 pro format.
6 Est-ce qu'il y avait une véritable division entre la Republika Srpska d'un
7 côté et la frontière en Bosnie?
8 Réponse: Non, pas vraiment.
9 Question: Au paragraphe 9, on parle de ces segments de frontières qui
10 séparent les deux territoires contrôlés par les Serbes dans la zone qui
11 est sous la responsabilité du bataillon danois et la zone des opérations.
12 Ensuite, vous énumérez les cinq municipalités, Novi, Sanski Most,
13 Prijedor, Banja Luka et Bosanska Dubica. Et là, on fait état de ces
14 phénomènes de nettoyage ethnique.
15 Au mois de septembre, vous l'utilisez donc bien, cette expression?
16 Réponse: Oui, c'est devenu tellement clair qu'on n'avait plus besoin de ne
17 pas le dire. Il s'agissait du nettoyage de la région.
18 Question: Et là vous parlez des passages. Et à la fin du paragraphe 9,
19 vous dites que des camions de marchandises passent par des corridors en
20 arrivant de Belgrade. Ce corridor qui s'est ouvert au mois de juillet avec
21 le support de troupes de Krajina à la tête desquelles se trouvait Milan
22 Martic, aujourd'hui général Martic.
23 Et ensuite, au paragraphe 10, toujours au sujet de ce morceau de
24 frontière, on dit que les réfugiés essaient en masse de traverser le
25 secteur Nord, en direction de Karlovac ou d'autres destinations en Europe.
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1 Donc un flux d'individus arrive tous les jours à Dvor, en passant par
2 Novi. Et en arrivant de Prijedor et Sanski Most, ils cherchent un refuge.
3 La police des Nations Unies évalue qu'il y a à peu près 30 ou 50 personnes
4 qui traversent la frontière pour pénétrer dans Dvor de façon quotidienne.
5 Ceci a continué pendant plusieurs semaines et donc on peut en conclure
6 qu'il y a un plus grand nombre d'individus qui entrent dans le secteur en
7 demandant de la protection et de l'aide.
8 Ensuite, vous expliquez les problèmes que cela pose à la police et au
9 DanBat etc.
10 Au paragraphe 11, le flux de réfugiés est contenu et déstabilise la
11 région. Et vous donnez les raisons pour cela, qui sont bien évidentes: le
12 nombre de réfugiés et de personnes déplacées s'élève à 7.000. Tout ceci
13 est organisé par l'UNHCR. On parle de ce convoi, ce passage qui a eu lieu
14 le 22 juillet.
15 Réponse: Il s'agissait de 9.000 personnes en réalité.
16 Question: Ensuite, une décision de la police a été adoptée. Donc les
17 Nations Unies ne vont pas participer à l'organisation de convois qui
18 correspond à une pratique de nettoyage ethnique. Tout de même, il a été
19 évalué qu'il pourrait y avoir plus de 30.000 personnes dans la région au
20 niveau de ce deuxième segment de la frontière tel qu'il a été décrit plus
21 haut. Si ce nombre, si tous ces gens devaient être transférés, eh bien, le
22 nombre de personnes s'élèvera à 200.000 personnes qui courraient un risque
23 et qui pourraient être évacuées de façon similaire.
24 Ensuite, vous parlez d'une réunion de coordination, de discussions pour
25 empêcher ceci. Mais, au bout du paragraphe, on voit qu'il s'agit d'une
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1 question politique et pas humanitaire. Ensuite, vous évoquez d'autres
2 questions similaires.
3 Monsieur le Président, je vais passer à deux autres documents. Il s'agit
4 du dernier document et je pense qu'il serait convenable de prendre une
5 pause maintenant.
6 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous prenons une pause de 25
7 minutes et, ensuite, nous reprenons l'audience. Merci.
8 (L'audience, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 12 heures 55.)
9 (Le témoin, M. Charles Kirudja, est réintroduit dans le prétoire.)
10 M. le Président (interprétation): Madame Korner?
11 Mme Korner (interprétation): Nous avons allumé le chauffage. Il fait
12 maintenant très chaud, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation): Oui.
14 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, est-ce que l'on peut vous
15 montrer le document, s'il vous plaît, portant la cote n°41?
16 (Intervention de l'huissier.)
17 M. le Président (interprétation): Ceci portera la cote?
18 Mme Korner (interprétation): Non, ce n'est pas cela.
19 M. le Président (interprétation): Il portera la cote 1650, Madame Korner.
20 Mme Korner (interprétation): Je crois qu'on lui a remis le mauvais
21 document; la page de couverture doit ressembler à ceci.
22 Mme Chen (interprétation): Document n°41?
23 Mme Korner (interprétation): Mme Gustin me dit que le document va porter
24 la cote P1684.
25 Monsieur Kirudja, c'est un autre de vos rapports de situation envoyé à M.
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1 Thornberry et M. Andreev.
2 M. Kirudja (interprétation): Pardon?
3 Question: Oui, c'est envoyé à M. Thornberry pour information.
4 Réponse: Oui, c'était dans le but d'informer Viktor Andreev qui était mon
5 homologue dans le secteur Sud à Knin et à Belgrade à ce moment-là.
6 Mme Korner (interprétation): Très bien. Alors passons à la première page,
7 s'il vous plaît. Vous mentionnez ce rapport de situation qui a été rédigé
8 et, ensuite, vous parlez beaucoup dans ce rapport de situation des
9 questions portant sur la frontière, comme il a été précisé dans l'addendum
10 au rapport de situation n°5 que nous avons abordé ce matin.
11 Ensuite, vous parlez de la frontière au paragraphe 4 et vous parlez du
12 nombre croissant de réfugiés de plus en plus désespérés qui viennent de la
13 Serbie du Nord contrôlée par les Serbes et qui n'ont pas eu d'autre choix
14 que de se diriger vers le nord en direction de la zone protégé des Nations
15 Unies. Pendant les quatre derniers jours et demi, plus de 300 réfugiés
16 étaient sous la protection du Bataillon danois à Dvor et 17 à Kostajnica.
17 Ensuite, vous parlez d'autres éléments. Les réfugiés musulmans de la zone
18 protégée des Nations Unies découvrent qu'ils se sont déplacés et ont
19 quitté le territoire serbe qui leur était hostile et se sont rendus dans
20 un territoire également contrôlé. Ils doivent, par conséquent, rester en
21 transit dans la zone de protection des Nations Unies pendant quelques
22 jours, deux jours.
23 Ensuite, vous parlez de la résistance des autorités croates au paragraphe
24 5. "Les Musulmans au cours des ces dernières semaines ont dû se regrouper
25 et se rassembler en clan de façon à pouvoir secouer le joug qui était le
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1 leur.".
2 J'aimerais continuer. Passons à la page 4. Vous parlez de ce que l'on
3 appelle l'alliance serbe de la Krajina en Bosnie et certains aspects que
4 nous avons abordés juste avant la pause. Paragraphe 11, vous avez indiqué
5 dans le rapport de situation précédent que la frontière internationale qui
6 avait été dessinée divise les municipalités contrôlées par les Serbes à
7 Dvor et dans la Krajina des municipalités contrôlées par les Serbes, à
8 Novi, Dudica de l'autre côté de la rivière Una.
9 Hormis ces deux ou trois municipalités, Prijedor, Sanski Most, Banja Luka
10 en Bosnie du Nord qui tombent sous l'autorité de la République serbe de
11 Bosnie-Herzégovine, comme elle s'appelait à ce moment-là, les deux
12 Républiques serbes dépendaient au plan économique du couloir qui les liait
13 à la Serbie et au Monténégro.
14 Il y a aussi des preuves de plus en plus importantes concernant la
15 stratégie militaire commune ou une alliance à cet égard. Et en observant
16 l'organisation militaire sur le terrain, aucun signe ne semble indiquer
17 qu'à Banja Luka, il puisse y avoir un équilibre du pouvoir militaire sur
18 Knin et qu'il y avait eu la proclamation de la République fédérale de
19 Yougoslavie. Le commandement militaire suprême se trouvait à Knin.
20 M. le Président (interprétation): Oui, apparemment.
21 Mme Korner (interprétation): D'après les renseignements fournis à Banja
22 Luka, cela semblerait être entre les deux capitales. Nous avons remarqué
23 que les autorités locales avaient tendance à se retirer à Banja Luka ou à
24 Belgrade lorsque les choses devenaient trop difficiles.
25 Bon, est-ce que l'on peut parler un peu de ça? La zone de contrôle
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1 militaire… pardon, l'équilibre du pouvoir militaire à Banja Luka. Avez-
2 vous eu des informations à ce sujet?
3 Réponse: La phrase qui suit contient un élément de réponse à votre
4 question. Nous parlons du commandement et où ce commandement se rendait.
5 Question: Et la tendance de certaines autorités locales de se retirer
6 régulièrement à Banja Luka ou à Belgrade au moment critique, lors de vos
7 transactions avec les autorités politiques, les autorités locales, avez-
8 vous l'impression qu'ils… ou quel type de pouvoir avaient-ils? Avaient-ils
9 le pouvoir de prendre des décisions?
10 Réponse: Je veux parler de ce qui concerne directement le secteur parce
11 que j'avais une relation d'indépendance avec eux. Chaque municipalité qui
12 faisait partie de ce secteur devait être intégrée à la structure du
13 pouvoir, c'est-à-dire au plan militaire et au plan civil.
14 Au plan militaire, nous en avons parlé suffisamment. Au plan civil, il y
15 avait deux maires. Nous les appelions les maires de municipalité A, B ou
16 C. Il y avait également la police. Le chef de la police pour la
17 municipalité A, B ou C. Et ce dernier groupe avait le moins d'influence,
18 si vous voulez.
19 D'autre part, on entendait beaucoup parler des questions politiques selon
20 lesquelles: "Nous ne pouvons pas vivre avec les Serbes ou avec les autres
21 non-Serbes.". Ils s'exprimaient beaucoup sur les différents événements qui
22 étaient militaires. Et les autorités militaires n'en parlaient pas
23 lorsqu'elles faisaient des déclarations. Par conséquent, toutes les
24 informations sur le plan politique émanaient plutôt des autorités civiles.
25 Mais en même temps, les décisions et actions étaient prises par les
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1 autorités militaires.
2 Question: Vous avez parlé de la tendance qu'ils avaient à se retirer à
3 Banja Luka. Pourquoi faire, en fait, à Belgrade?
4 Réponse: Je dois essayer de me remémorer cela. Je parlais des deux maires
5 et d'autres personnes qui étaient dans ce secteur. En fait, ils étaient
6 entourés par la ligne de confrontation, par les Croates en direction de
7 Karlovac, Sisak et Zagreb. Autrement dit, ils étaient en train de se
8 barricader eux-mêmes. Sans parler du fait que les Serbes étaient
9 barricadés aussi au plan économique. Ils ne pouvaient pas sortir et donc
10 ils ne pouvaient pas acheminer leur essence. Ils ne pouvaient pas se
11 procurer les produits de première nécessité à cause de la guerre. Et
12 l'électricité ne fonctionnait pas parce qu'il y avait des coupures de
13 courant.
14 Donc, tout le système politique et l'infrastructure électrique, toutes les
15 choses normales, comme l'eau, ne pouvaient pas être acheminées puisqu'il
16 n'y avait pas de pompe. C'était une situation où on manquait de tout. Et
17 les Serbes manquaient de tout aussi. Ils souhaitaient, par conséquent,
18 redresser cette situation d'une manière ou d'une autre en se… Et c'était
19 le but de ce corridor qui allait de Banja Luka à Belgrade, parce qu'il
20 s'agissait, en fait, de revenir à une vie économique normale.
21 Question: Donc, dans l'ordre de vos pourparlers avec les maires dans ces
22 régions, à Novi, à Kostajnica, à Dvor, vous ont-ils jamais dit ou avez-
23 vous jamais eu l'impression qu'ils recevaient des ordres de leurs
24 supérieurs hiérarchiques?
25 Réponse: Ils semblaient tous dire la même chose dans la même langue. Et ce
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1 qui semblait indiquer, si vous y pensez un petit peu, si vous associez
2 cela à une chorale, en fait, c'est comme une partition que l'on passerait
3 d'un chanteur à l'autre… Et il y avait très peu de cas où ils
4 s'éloignaient de cette ligne, quelle que soit, en fait, la ligne
5 politiquement correcte. Et on ne trouvait personne qui serait prêt à
6 s'écarter de cette ligne politiquement correcte.
7 Question: Il faut véritablement, pour les besoins du compte rendu
8 d'audience, clairement préciser ce que vous venez de dire.
9 Réponse: S'il s'agissait de Serbes à l'intérieur de ce secteur. Tout ceci
10 était centré sur Knin qui était le centre de coordination des autorités.
11 En revanche, si vous êtes dans la région de Bihac que nous avons évoquée,
12 en dehors de la poche de Bihac, alors j'ai évoqué Banja Luka mais
13 principalement Belgrade.
14 Question: Merci. Très bien. Donc au paragraphe 12, comme il a été évoqué
15 par MM. Owen et Cyrus Vance, au cours de leur dernière visite à Banja
16 Luka, le nettoyage ethnique semble se poursuivre sans relâche. Avez-vous
17 eu l'occasion de rencontrer Lord Owen et M. Vance?
18 Réponse: Oui, j'ai eu l'occasion de rencontrer ces deux personnes, et nous
19 avons passé 7 ou 8 heures en voiture ensemble. A Topusko, nous avons passé
20 la soirée ensemble. Nous avons parlé, nous avions assez de temps pour leur
21 parler à eux deux et rendre compte de la situation.
22 Question: En fait, la suite de ce rapport donne la liste des différents
23 réfugiés qui sont arrivés. Ensuite, si vous voulez bien vous tourner à la
24 page suivante: les agences d'aide humanitaire.
25 Au paragraphe 17, vous déclarez: "Etant donné la situation actuelle, il
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1 semble tout à fait raisonnable de mettre en place au moins un bureau à
2 Dvor, un bureau du HCR à Dvor et un autre à Prijedor. Ce qui permettrait
3 de coordonner les mesures nécessaires pour mettre en place des mesures de
4 protection en Bosnie dans le triangle de Prijedor-Bosanski Novi et
5 Kostajnica-Dubica, afin de porter aide et assistance aux réfugiés qui
6 tentent de croiser la frontière dans la zone protégée par les Nations
7 Unies.".
8 Je ne pense pas que nous ayons besoin en fait de consulter la fin de ce
9 rapport. Très bien. Merci. Je pense que nous avons assigné la cote 1684 à
10 ce document. Ensuite, le dernier document que je souhaite que vous
11 regardiez aujourd'hui: le document 44.
12 M. le Président (interprétation): Donc ce document portera la cote Madame
13 Korner?
14 Mme Korner (interprétation): 1685, Monsieur le Président.
15 M. le Président (interprétation): Merci.
16 Mme Korner (interprétation): En fait, c'est un document difficile à lire.
17 Est-ce qu'il est daté du mois de décembre? Cela se pourrait être le 2
18 décembre 1992?
19 M. le Président (interprétation): Oui. En tout cas, dans l'exemplaire que
20 j'ai cela semble bien être la date.
21 M. Kirudja (interprétation): Oui.
22 Mme Korner (interprétation): Et le document vient, émane de vous, Monsieur
23 Kirudja; je crois que l'on peut comprendre. C'est donc du secteur Nord de
24 la part de M. Kirudja à l'intention de M. Thornberry.
25 L'objet de ce document est un groupe de 600 à 800 réfugiés de Trnopolje.
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1 Conversation téléphonique à propos du sujet susmentionné. L'information
2 nous a été communiquée par le HCR à Banja Luka.
3 Concernant les 600 à 800 réfugiés de Trnopolje qui se dirigent en
4 direction de Bosanski Novi et qui ont peut-être l'intention de traverser
5 le secteur Nord. Ils font partie d'un groupe… ils font partie d'un groupe.
6 Ils sont au nombre de 3.000 détenus à Trnopolje et ont été évoqués en
7 partie.
8 Réponse: Hum, hum.
9 Mme Korner (interprétation): Est-ce le CICR qui les a évacués et qui leur
10 a permis de se rendre en Croatie 15 jours auparavant?
11 On ne sait pas… c'est difficile de lire le reste du document. Je crois
12 qu'ils parlent de Dvor.
13 M. Kirudja (interprétation): "La situation à Dvor où les réfugiés ont
14 l'intention…"
15 M. le Président (interprétation): "D'entrer".
16 Mme Korner (interprétation): "Ont l'intention d'entrer, de rester et c'est
17 une situation difficile pour les réfugiés musulmans."
18 M. Kirudja (interprétation): Oui.
19 Mme Korner (interprétation): Ensuite…
20 M. le Président (interprétation): "La Forpronu, les unités de la
21 Forpronu…" Ont-ils une idée sur la question?
22 M. Kirudja (interprétation): Oui.
23 Mme Korner (interprétation): Je crois que l'exemplaire du Président doit
24 être meilleur que le nôtre.
25 M. le Président (interprétation): Ecoutez, c'est un peu difficile. Je
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1 propose que le témoin lise lui-même. C'est difficile pour nous de
2 déchiffrer le document; il est sans doute en bien meilleur posture que
3 nous tous.
4 Pouvez-vous lire, s'il vous plaît?
5 M. Kirudja (interprétation): "Les unités de la Forpronu ne peuvent pas
6 recevoir un nombre aussi important ni garantir les mesures de sécurité
7 nécessaires."
8 Mme Korner (interprétation): Donc prolonger leur séjour?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Je crois qu'il s'agit ici vraiment des éléments principaux. En
11 fait, cela n'a pas été sur une machine normale. C'est pour cela que c'est
12 difficile à lire.
13 Simplement, à propos de ce document, saviez-vous ou quelque-un vous a-t-il
14 tenu informé de la fermeture de ce camp à Trnopolje, et que c'était un des
15 derniers qui était évoqué dans la liste ici?
16 Réponse: Oui, c'est un des derniers évoqué sur cette liste, sur ce que
17 j'appelle "les camps de concentration". Un soir, ils sont venus et ils
18 étaient dans des conditions très difficiles et très stressantes. Ils
19 faisaient la navette entre Dvor et les régions de Kostajnica où se
20 trouvait le contingent danois. J'étais en contact toute la soirée avec les
21 représentants du HCR pour m'assurer que ces personnes auraient
22 l'autorisation de sortir. Et c'était très tendu parce que comme ils
23 étaient chargés sur des camions, véritablement des camions, il fallait
24 essayer… Ils étaient dans des camions danois et il fallait essayer de
25 contrôler la situation, et nous étions en contact permanent.
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1 Les autorités serbes essayaient aussi de les rassembler, donc à jouer au
2 chat et à la souris toute la nuit, et nous ne voulions pas les relâcher;
3 nous voulions qu'ils puissent sortir.
4 Question: Vous souvenez-vous? Vous avez dit que c'était un groupe mélangé,
5 autrement dit il y avait des hommes, des femmes, des enfants, etc?
6 M. Kirudja (interprétation): Les circonstances ne nous ont pas permis en
7 fait de gérer la situation de cette façon. Une fois qu'ils étaient là, il
8 faisait nuit déjà, il pleuvait, je me souviens, et c'était difficile en
9 fait de gérer la situation et de leur permettre de traverser en toute
10 sécurité.
11 Mme Korner (interprétation): Monsieur Kirudja, merci beaucoup. C'est tout
12 ce que j'ai à vous demander.
13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Kirudja, vous allez
14 maintenant répondre aux questions de Me Ackerman qui va procéder à son
15 contre-interrogatoire.
16 Maître Ackerman, vous êtes donc le conseil principal de Radoslav Brdanin.
17 Maître Ackerman, est-ce que vous souhaitez vous déplacer ou simplement
18 rester où vous êtes?
19 M. Ackerman (interprétation): Je vais me lever et venir ici.
20 M. le Président (interprétation): Très bien, merci. Avez-vous besoin
21 d'aide, Maître Ackerman?
22 M. Ackerman (interprétation): Non.
23 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Charles Kirudja, par Me Ackerman.)
24 Bonjour, Monsieur le Témoin.
25 M. Kirudja (interprétation): Bonjour, Maître.
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1 Question: Il nous reste 25 minutes. On va essayer de les utiliser au mieux
2 et nous poursuivrons demain.
3 Vous avez commencé à déposer lundi et on vous a posé des questions au
4 sujet de l'état d'esprit qui était le vôtre lorsque vous avez été affecté
5 pour la première fois à ce poste dans le cadre de cette mission en
6 Yougoslavie et en Croatie. On vous a demandé si vous aviez des idées
7 préconçues quand vous êtes allé sur place. Vous en souvenez-vous?
8 Réponse: Je me souviens de la question.
9 Question: Quant à moi, si je me souviens bien, vous avez répondu que vous
10 aviez l'esprit complètement ouvert quand vous êtes allé sur place, vous
11 n'aviez aucune idée préconçue, vous ne saviez rien de ce qui se passait
12 là-bas. Vous ne connaissiez même pas la différence entre les Serbes, les
13 Croates, les Musulmans, Serbes de Bosnie, Croates de Bosnie, etc. Tout
14 ceci ne vous disait rien.
15 Réponse: Oui, c'est la teneur de ma réponse.
16 Question: Mais assez vite, après votre arrivée dans ce secteur Nord, vous
17 vous êtes forgé une opinion et une idée partiale, disons.
18 Réponse: Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
19 Question: Etes-vous devenu partial après votre arrivée dans le secteur
20 Nord? Est-ce que vous êtes devenu anti-Serbe et très pro-Musulman?
21 M. Kirudja (interprétation): Non.
22 M. Ackerman (interprétation): Il y a un certain nombre de détails que je
23 souhaiterais évoquer avec vous afin d'avoir des précisions. Lundi, vous
24 avez dit que les bataillons finlandais et français de la Forpronu étaient
25 déployés au début à Banja Luka.
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1 Mme Korner (interprétation): Quand Me Ackerman fait référence à des propos
2 tenus pendant l'audience, peut-il nous indiquer les pages du compte rendu
3 d'audience qui correspondent?
4 M. le Président (interprétation): (Hors micro.) Oui, elle a raison, Maître
5 Ackerman. Mais ce n'est pas la première fois que Me Ackerman se comporte
6 de la sorte. Moi-même, je ne vois pas à quoi on fait référence.
7 M. Ackerman (interprétation): En fait, je n'ai pas parlé du compte rendu
8 d'audience. Je n'ai pas donné de passages précis, mais je vais le faire
9 maintenant. Page 17, ligne 25.
10 Ne vous inquiétiez pas, Madame Korner, un peu de patience et vous verrez,
11 je vais y arriver.
12 Mme Korner (interprétation): Je pensais que vous alliez rapporter les
13 propos du témoin. C'est pour cela que je demandais la page.
14 M. Ackerman (interprétation): Page 17, ligne 25, au sujet des bataillons
15 français et finlandais de la Forpronu, vous avez dit –je cite-: "Ils se
16 sont vite rendu compte que leur présence sur place n'était pas faisable."
17 Ils parlaient de Banja Luka.
18 M. Kirudja (interprétation): Oui.
19 Question: Pouvez-vous nous expliquer votre réponse?
20 Réponse: Je crois que cette question était placée dans le contexte de
21 notre perception initiale de la situation. Et vous vous souviendrez, au
22 début, on avait l'intention d'avoir un quartier général à Sarajevo pendant
23 toute la durée de la mission et on voulait que ce soient des bataillons se
24 trouvant dans la région de Banja Luka qui assurent la logistique.
25 J'ai expliqué que très rapidement, on s'est rendu compte que cela n'allait
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1 pas pouvoir se passer de la sorte, que cela n'allait pas marcher.
2 Question: Et ceci parce qu'on ne pouvait pas atteindre de soutien
3 logistique depuis Banja Luka? C'est ce que vous êtes en train de nous
4 dire?
5 Réponse: Moi, j'ai simplement dit que pour un certain nombre de raisons,
6 cela ne devait pas se passer ainsi et qu'on les a fait aller ailleurs.
7 Question: Plus de précision, s'il vous plaît. Quels sont les éléments
8 précis qui ont fait qu'il n'était pas possible pour eux de rester à Banja
9 Luka?
10 Réponse: Non, je ne peux pas être plus précis.
11 Question: On change de sujet. Passons à quelque chose de complètement
12 différent. Au cours de votre déposition -je signale pour Mme Korner,
13 pendant votre déposition, vous avez parlé de Musulmans réfugiés, Musulmans
14 qui se trouvaient au stade de football, à Karlovac, et qui voulaient
15 passer par le secteur Nord et aller à Bihac.
16 Réponse: Je m'en souviens effectivement.
17 Question: Est-ce que ces gens vous ont jamais expliqué pourquoi ils
18 voulaient se rendre à Bihac?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Que vous ont-ils dit? Pourquoi voulaient-ils aller là-bas?
21 Réponse: Donnez-moi la date et je vous dirai ce qu'ils m'ont dit. Si vous
22 avez la bonté de me rappeler la date, je pourrai vous répondre. Je pense
23 que je ne vous ai pas donné cette information. Je peux cependant le faire,
24 si vous me donnez la date.
25 Question: Je vais essayer. Le 29.
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1 Réponse: Le 29 avril.
2 Question: Oui.
3 Réponse: Oui, je vous ai donné la réponse du général Ninkovic -je cite-:
4 "Il s'agissait de gens qui voulaient passer de Karlovac par le secteur
5 Nord pour se rendre dans la poche de Bihac. Ils ont expliqué que c'était
6 leur région d'origine, qu'ils avaient là de la famille, des parents,
7 qu'ils voulaient aller sur place se rendre compte de ce qu'il se passait."
8 Question: Est-ce que vous avez appris d'une manière ou d'une autre que ces
9 personnes avaient suivi une formation militaire en Croatie et que ces
10 personnes essayaient de rejoindre la poche de Bihac pour se joindre à
11 l'armée musulmane dans ce conflit?
12 Réponse: C'est le général Ninkovic en personne qui a été le premier à me
13 parler de cela.
14 Question: Est-ce que vous avez une idée quelconque de l'endroit d'où
15 venaient ces gens?
16 Réponse: Ils sont venus en véhicule. Il y avait des véhicules qui avaient
17 des plaques d'immatriculation croate, d'autres autrichiennes. Peut-être
18 d'autres, je ne sais pas. En tout cas, il y avait des plaques
19 d'immatriculation autrichiennes sur certains de ces véhicules.
20 Question: En avez-vous déduit qu'il s'agissait de personnes qui
21 précédemment travaillaient, habitaient en Croatie ou en Autriche, et qui
22 ensuite avaient suivi une instruction militaire pour ensuite retourner à
23 Bihac et participer au combat.
24 Réponse: Pour répondre à une partie de votre question, ça effectivement
25 j'ai pu déterminer que ces personnes habitaient en dehors de la Bosnie.
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1 Ça, je peux le dire parce qu'ils l'ont dit eux-mêmes.
2 Maintenant quant à savoir s'il y avait parmi eux des gens qui avaient
3 suivi une formation militaire, rien dans ce stade de football ne pouvait
4 m'amener à une telle conclusion.
5 Question: Mais il me semble que vous avez signalé qu'il s'agissait pour la
6 plupart d'entre eux d'hommes en âge de porter les armes.
7 Réponse: C'est ce que m'a demandé le conseil de l'accusation, il m'a
8 demandé s'il s'agissait de gens qui paraissaient avoir suivi une
9 formation, et j'ai répondu que la seule chose que l'on pouvait constater
10 c'était que c'étaient des hommes musulmans qui étaient en bonne santé.
11 Question: Il aurait été difficile de savoir et de dire rien qu'à les
12 regarder s'ils avaient suivi une formation militaire?
13 Réponse: Parfois on peut le voir à la coiffure. Il y a des gens qui sont
14 coiffés en brosse. On peut en déduire peut-être qu'ils font partie de
15 l'armée. Mais moi je n'ai rien vu de tel.
16 Question: Le 26 mai 1992, vous avez rencontré le maire de Dvor et
17 j'aimerais que vous vous référiez à votre journal.
18 Réponse: C'était quoi la date, s'il vous plaît?
19 Question: 26 mai.
20 Réponse: Le maire de Dvor.
21 Question: Oui, le maire de Dvor au sujet de 5.000 personnes qui quittaient
22 ou qui voulaient quitter Bosanski Novi. Et le maire vous a dit que ces
23 personnes voulaient pouvoir passer en toute sécurité par le secteur Nord
24 et ils voulaient qu'on leur garantisse le passage, la sécurité du passage
25 pour se rendre en Autriche et en Allemagne. C'est ce qu'on vous a dit?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Je crois qu'il vous a également été expliqué qu'il s'agissait là
3 de personnes qui avaient de la famille ou des amis en Autriche et en
4 Allemagne, des gens qui étaient prêts à les accueillir.
5 Réponse: C'est exact.
6 Question: Et on vous a dit que ces personnes souhaitaient partir, qu'elles
7 partaient volontairement?
8 Réponse: Le 26 mai, oui, effectivement, on nous a dit que ces personnes
9 s'en allaient volontairement et qu'elles allaient dans ces deux
10 directions. Ce sont effectivement les informations qui m'ont été
11 communiquées.
12 Question: Deuxième chose, deuxième demande que l'on vous a faite à ce
13 moment-là, c'était que vous fassiez venir une équipe de télévision de
14 l'étranger pour filmer cette opération, pour montrer que ces personnes
15 étaient passées en toute sécurité et qu'elles n'étaient pas restées dans
16 la zone contrôlée par les Serbes?
17 Réponse: C'est exact.
18 Question: Il me semble que vous nous avez dit que cela vous a gêné, cette
19 proposition, et que vous avez eu l'impression qu'il y avait là quelque
20 chose qui clochait, n'est-ce pas?
21 Réponse: A ce moment-là, on peut dire que c'est cela, effectivement, en
22 deux mots.
23 Question: Maintenant si on compare cela avec le groupe de Musulmans se
24 trouvant dans ce stade de football à Karlovac et qui semblait prêt à
25 partir pour aller à Bihac dans une zone ravagée par les combats, donc si
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1 on compare cette situation, est-ce que vous aviez envie de les aider ou
2 vous vous sentiez mal à l'aise à l'idée de les aider?
3 Réponse: Vous voulez que je compare les deux situations, mais je ne peux
4 pas. En premier lieu, pour ce qui est de ces Musulmans, lors des réunions,
5 je n'ai pas eu en face de moi de Musulmans, il n'y avait que des Serbes.
6 Et puis, s'agissant du stade de football de Karlovac, moi je n'ai pas eu
7 affaire à des intermédiaires, j'ai parlé directement à ces personnes.
8 Réponse: Vous vous êtes donc entretenu directement avec ces personnes qui
9 se trouvaient sur le stade de football de Karlovac?
10 Réponse: Oui, je suis allé en personne parmi eux dans ce stade de
11 football, à Karlovac.
12 Question: Ce groupe évoqué lors de vos conversations avec le maire de
13 Dvor, vous avez demandé au maire de Dvor d'où venait ce groupe de gens?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Et on vous a expliqué que ces gens venaient de chez eux, n'est-
16 ce pas?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et il me semble vous avoir entendu dire, mais peut-être que cela
19 figure simplement dans le document, que vous avez dit que vous étiez
20 préoccupé parce que, pour reprendre vos propos -je cite-: "Comment peut-on
21 imaginer que des gens quittent volontairement leur foyer, le confort de
22 leur foyer, pour aller à l'étranger? Cela ne me semblait pas logique."
23 (Fin de citation.)
24 Réponse: Là, je résumais la conclusion à laquelle nous étions parvenus,
25 pas la manière que nous avions d'y parvenir. Et il a également dit un
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1 certain nombre de choses.
2 Question: Mais vous étiez préoccupé par cette idée de voir des gens partir
3 volontairement de chez eux?
4 Réponse: Oui. Il a rapporté les propos de tiers qui n'étaient pas là et
5 qu'il ne représentait pas lui-même.
6 Question: Et qu'est-ce qui a suscité vos doutes, l'idée de personnes
7 partant volontairement pour aller à l'étranger? Vous dites que vous n'avez
8 pas avalé cela.
9 Réponse: Oui, en effet. Mais j'ai également expliqué pourquoi. Parce que
10 j'ai précisé que j'avais demandé au maire de m'expliquer la situation;
11 j'ai précisé que le maire parlait de manière très convaincante au sujet
12 d'un certain nombre de questions et que je le comprenais lorsqu'il parlait
13 au nom des Serbes. Mais je lui ai dit que lorsqu'il parlait au nom des
14 Musulmans, pour moi, cela ne tenait plus debout.
15 Question: Ces personnes de Bosanski Novi, comme vous l'avez dit, c'étaient
16 des gens qui vivaient dans des quartiers où il n'y avait plus de courant,
17 pour beaucoup d'entre eux.
18 Réponse: Je n'ai jamais dit qu'à Bosanski Novi ces gens vivaient dans des
19 endroits où il n'y avait plus de courant.
20 Question: Mais est-ce qu'à Bosanski Novi, il n'y avait pas d'électricité?
21 Réponse: C'est vous qui me le dites.
22 Question: C'est vous qui nous l'avez dit.
23 Réponse: Non. Moi, je parlais du secteur Nord. Du secteur Nord, pas de
24 Bosanski Novi en particulier.
25 Question: Nous allons y venir. Mais est-ce que vous savez que là où ils
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1 habitaient, il y avait pénurie d'alimentation, pénurie en médicaments?
2 Réponse: C'est vous qui me le dites.
3 Question: Moi, je vous dis: le saviez-vous?
4 Réponse: Non.
5 Question: Est-ce que vous savez qu'il y avait là des gens qui pouvaient,
6 qui étaient susceptibles d'être appelés sous les drapeaux?
7 Réponse: Le maire de Dvor me l'avait dit. Il m'avait dit que ces gens
8 refusaient d'aller combattre.
9 Question: Est-ce que vous savez que c'étaient des gens qui habitaient
10 juste à côté de la frontière qui les séparait d'une zone de guerre et que
11 l'on pouvait comprendre qu'ils souhaitaient s'en aller.
12 Réponse: Je vous interromps. Vous me dites de l'autre côté de la
13 frontière, de l'autre côté de cette zone où il y avait une zone de guerre.
14 Mais quelle est la zone de guerre pour vous?
15 Question: Vous étiez dans une zone où il n'y avait pas de guerre grâce aux
16 interventions du secrétaire Vance.
17 Réponse: Oui. J'ai dit que la zone de guerre se trouvait sur le territoire
18 croate occupé par les Serbes. Bosanski Novi n'était pas dans une zone qui
19 était ravagée par la guerre.
20 Question: Ma question est la suivante: nous avons des gens qui habitent
21 Bosanski Novi. De l'autre côté de la frontière, tout près, il y a la
22 guerre. Et probablement ces gens étaient préoccupés, étaient inquiets, ils
23 s'attendaient à ce que la guerre traverse, si l'on veut?
24 Réponse: Je ne sais pas.
25 Question: Mais vous savez que dans une zone où il y a la guerre, les
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1 civils finissent toujours par en pâtir?
2 Réponse: Oui, j'en ai vu de nombreux exemples.
3 Question: Estimez-vous que l'on pourrait raisonnablement conclure que ces
4 personnes, dans la situation où elles se trouvaient à l'époque, où elles
5 vivaient, trouvaient peu de confort dans leur foyer, vu la situation donc?
6 Réponse: Je ne sais pas.
7 Question: Au début de votre déposition lundi -on en a parlé d'ailleurs
8 précédemment-, vous avez dit de manière générale que vous ne connaissiez
9 pratiquement rien de la situation dans la région, au moment où vous y êtes
10 arrivé.
11 J'ai une question à vous poser dans ce sens. Je voudrais savoir si on vous
12 a informé, si on vous a communiqué des informations?
13 Réponse: A quel sujet?
14 Question: Un instant, laissez-moi finir ma question.
15 Est-ce que l'on vous a informé, est-ce que l'on vous "briefait" avant de
16 vous envoyer dans le cadre de cette mission dans la région?
17 Réponse: Oui. Oui, quand on représente les Nations Unies, quand on est
18 envoyé pour participer à une mission, on reçoit des informations.
19 Question: Et cette réunion d'information, où a-t-elle eu lieu?
20 Réponse: Eh bien, c'est au QG de nous informer quelle est la nature, la
21 teneur de la mission.
22 Question: Quelle a été la longueur de cette séance d'information?
23 Réponse: Je ne peux pas me souvenir exactement. Mais d'abord, on reçoit
24 des documents. Ensuite j'ai rencontré M. Thornberry qui, à l'époque, était
25 au siège. J'ai rencontré d'autres personnes, et ce que j'ai fait, c'est
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1 que je les ai écoutées. C'est ce qui s'est passé. Mais la plupart des
2 informations reçues, elles sont reçues sous la forme de documents, de
3 documents des Nations Unies.
4 Question: J'imagine dans ces circonstances, qu'après votre arrivée...
5 Réponse: A Belgrade?
6 Question: A Belgrade, il y a une autre réunion d'information?
7 Réponse: Oui, à Belgrade, le 6 avril.
8 Question: Et la longueur de cette réunion d'information?
9 Réponse: Généralement, on commence par une séance d'information militaire,
10 un briefing militaire. Et d'ailleurs, ça devient une constante pendant
11 toute la mission. On commence avec un rapport de situation qui émane de
12 différents représentants des Nations Unies. Donc il y a un briefing
13 militaire, un briefing qui émane de la police civile et un briefing qui
14 émane des personnes chargées d'affaires civiles.
15 Question: Donc, quand vous êtes arrivé dans le secteur Nord, vous
16 disposiez d'un grand nombre d'informations sur ce qu'il se passait dans
17 cette zone?
18 Réponse: Je crois d'ailleurs l'avoir dit. Je suis même passé par la
19 Slavonie orientale. J'étais sur le terrain. Je suis passé par la Slavonie
20 occidentale pour aller dans le secteur nord.
21 Question: Est-ce que l'on pourrait examiner le document DB134?
22 Mme Korner (interprétation): Nous n'avons pas la liste des documents de Me
23 Ackerman. Est-ce que l'on pourrait nous la communiquer?
24 M. Ackerman (interprétation): Je vous l'ai communiquée il y a quelques
25 minutes à peine.
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1 M. le Président (interprétation): Vous n'avez remis qu'un seul document,
2 Maître Ackerman.
3 M. Ackerman (interprétation): Non, vous devez en avoir deux.
4 (Intervention de l'huissier.).
5 M. le Président (interprétation): Ah oui! Merci.
6 Mme Korner (interprétation): Merci.
7 M. Kirudja (interprétation): Effectivement, je vois le document en
8 question. Il s'agit d'un document des Nations Unies.
9 M. Ackerman (interprétation): Vous constaterez que c'est un document qui
10 est daté du 25 octobre 1991.
11 Réponse: C'est exact.
12 Question: Il s'agit d'un rapport du Secrétaire général des Nations Unies
13 conformément au paragraphe 3 de la résolution 713 du Conseil de sécurité.
14 Il s'agit d'un rapport auquel vous avez indéniablement pu avoir accès
15 avant de partir en mission.
16 Réponse: Oui.
17 Question: Simplement en regardant ce document aujourd'hui -certes nous
18 n'avons pas ici la totalité du document, j'ai sélectionné un certain
19 nombre de pages, si on le souhaite je peux demain amener le rapport dans
20 son intégralité-, est-ce que vous vous souvenez, Monsieur, si vous avez lu
21 ce rapport? Est-ce qu'il s'agit là d'un des documents des Nations Unies
22 que vous avez lu avant de partir en mission?
23 Réponse: Eh bien, je peux vous dire a priori que oui. Dans le cadre de mon
24 briefing, j'ai lu des documents des Nations Unies. Je ne sais pas si ce
25 document particulier faisait partie de ces documents. Je l'ai vraiment
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1 étudié en profondeur. Je ne sais pas si c'est un document que je connais
2 aussi bien que mes propres documents.
3 Question: Je vais vous demander de regarder la deuxième page, page 456,
4 titre "Situation sur le terrain", paragraphe 8.
5 Réponse: Oui.
6 Question: Je cite: "La situation actuelle en Yougoslavie est non seulement
7 très grave mais c'est une situation qui connaît une évolution constante
8 aussi bien en ce qui concerne les discussions politiques sur le terrain
9 que la situation même dans la région.". (Fin de citation.)
10 Vous étiez conscient de cela, n'est-ce pas?
11 Réponse: Vous voulez que je vous dise que c'est bien ce que vous avez lu
12 ou bien vous me parlez de la teneur de ce passage?
13 Question: Je voudrais savoir si vous aviez connaissance de ce dont on
14 parle ici?
15 Réponse: Non, moi à ce moment-là je suis à New York. Quand je lis cela, je
16 lis cela, c'est tout. Et je ne peux rien dire d'autre.
17 Question: Mais quand vous êtes arrivé en Yougoslavie?
18 Réponse: Quoi?
19 Question: Est-ce que vous aviez connaissance de cette situation, de cette
20 évolution constante, de l'incertitude qui régnait? Est-ce que cela
21 correspondait à votre impression quand vous êtes arrivé sur place?
22 Réponse: On s'attendait à voir une zone de guerre et c'est ce que l'on a
23 vu en arrivant.
24 Question: Donc pour répondre à ma question, oui ou non?
25 Réponse: Oui, effectivement, la situation sur le terrain était grave. Et
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1 nous, on était là pour faire en sorte que la situation se stabilise grâce
2 à notre présence. Notre objectif n'était bien entendu pas que la situation
3 empire.
4 Question: Phrase suivante -je cite-: "Les combats qui avaient lieu
5 précédemment en Slovénie se sont calmés et ont complètement cessé en
6 juillet. Il y a eu des combats très nourris, très graves depuis en
7 Croatie. Ces combats-là ont continué et opposent la JNA et des unités
8 militaires ainsi à des forces irrégulières serbes de l'autre côté… des
9 combats très sérieux ont depuis persisté en Croatie opposant l'armée
10 populaire yougoslave, des unités militaires supplémentaires des forces
11 serbes contre les forces territoriales de la République de Croatie ainsi
12 que des unités régulières croates.". (Fin de citation.)
13 Est-ce que c'est ce que vous avez vu sur le terrain?
14 Réponse: J'ai appris cela sur le terrain.
15 Question: "Des zones habitées par des civils ont été soumises à des tirs à
16 vue de batteries d'artillerie, etc., ainsi que... et soumises à des tirs
17 venant d'unités aériennes et d'unités blindées". (Fin de citation.)
18 Est-ce que vous aviez connaissance de cette situation?
19 Réponse: Je suis entré dans la zone par le secteur Est en traversant la
20 ligne de confrontation. J'ai donc bien vu qu'il y avait des combattants
21 des deux côtés.
22 Question: Et cette phrase que vous venez de lire, elle nous indique que la
23 situation était vraiment grave. Il y avait des tirs directs, tirs à vue,
24 il y avait des tirs d'artillerie, des tirs de roquette, des unités
25 blindées et aériennes étaient sur le terrain. Donc c'était vraiment la
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1 guerre.
2 Réponse: Il faut déjà que vous me posiez votre question de manière plus
3 claire, plus précise. Il ne faut pas me poser ainsi ces questions de
4 nature aussi générale sur ma connaissance de la situation avant que
5 j'arrive. Il faut que vous me disiez: quand vous étiez là, est-ce que vous
6 aviez connaissance de telle ou telle chose?
7 Question: Alors, je vais poser ma question. Je cite de nouveau qu'ici,
8 dans ce rapport au Secrétaire général, on parle de tirs d'artillerie, de
9 tirs de roquette, d'interventions d'unités blindées, d'unités navales,
10 etc.
11 Réponse: Oui. La réponse à votre question, c'est que ce rapport est en
12 date d'octobre 1991 et il peut effectivement parler de choses qui se sont
13 passées avant mon arrivée.
14 Question: C'est justement ce dont je parle. Est-ce que vous reconnaissez
15 que ce rapport est exact?
16 M. Kirudja (interprétation): Je ne peux rien vous dire de plus que ce
17 qu'il a dit.
18 Mme Korner (interprétation): Mais comment peut-il répondre! Il ne peut pas
19 dire si c'est exact ou pas puisque, à ce moment-là, il n'était pas là.
20 M. Ackerman (interprétation): Je vais répéter la question d'une autre
21 manière. Avez-vous jamais entendu dire qu'il y avait eu des combats de ce
22 type, des combats extrêmement violents en République de Croatie?
23 M. Kirudja (interprétation): Quand je suis arrivé sur le terrain, quand je
24 me suis déplacé sur le terrain, à ce moment-là, j'ai eu connaissance de
25 ces informations dans les détails, mais uniquement après mon arrivée.
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1 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre, Maître
2 Ackerman.
3 M. Ackerman (interprétation): On continuera demain.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, nous allons
5 poursuivre demain dans le même prétoire à 9 heures.
6 Merci à tous.
7 (L'audience est levée à 13 heures 45.)
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