Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 26 mai 2003.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

4 (Mme la Juge Taya n'assiste pas à l'audience.)

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, voulez-

6 vous appeler la cause?

7 Mme Chen (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et Madame la

8 Juge, c'est l'Affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdjanin.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Brdjanin, bonjour. Pouvez-vous

10 m'entendre dans une langue que vous comprenez?

11 M. Brdjanin (interprétation): Oui, bonjour, Monsieur le Président, Madame

12 la Juge, je peux vous comprendre, je vous comprends.

13 M. le Président (interprétation): Qui représente les parties?

14 Mme Korner (interprétation): Joanna Korner assistée de Denise Gustin,

15 commise à l'affaire. Bonjour, Monsieur le Président et Madame la Juge.

16 M. le Président (interprétation): Qui représente Radoslav Brdjanin?

17 M. Cunningham (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame la

18 Juge, David Cunningham pour M. Brdjanin, assisté par Vesna Anic.

19 M. le Président (interprétation): Je voudrais tout d'abord vous informer

20 du fait que nous siégeons aujourd'hui sans Mme la Juge Taya. Je dis cela

21 pour le compte rendu. La Juge Taya, pour des raisons personnelles et

22 d'urgence, lesquelles ont été reconnues par moi-même et le Président du

23 Tribunal, n'est pas en mesure de siéger avec nous ce matin.

24 Par conséquent, en vertu des dispositions de l'Article 15bis du Règlement,

25 15bisA) du Règlement, les 1) et 2), les deux Juges restant de cette

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1 Chambre, nous ordonnons que l'audience en l'espèce se poursuive en

2 l'absence de Mme la Juge Taya pour une durée qui ne devra pas dépasser

3 cinq jours ouvrables, comme envisagé dans cet Article du Règlement.

4 Y a-t-il des questions préliminaires à poser avant de faire entrer le

5 témoin?

6 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, simplement le point

7 suivant: j'ai demandé la semaine dernière que l'on puisse siéger toute la

8 journée d'aujourd'hui et toute la journée de demain parce que les témoins

9 avaient des problèmes concernant leur travail, mais enfin maintenant il y

10 a substitution dans l'ordre de comparution des témoins, de sorte qu'il y

11 en a un qui viendra lundi prochain. Il n'a donc besoin d'être là que

12 pendant une seule journée. Donc demain le témoin suivant sera M. Keiser.

13 Je n'en ai parlé à Me Cunningham qui me dit qu'il est plus que probable

14 qu'il n'aura pas besoin de toute la journée pour M. Hidic et pas plus non

15 plus pour M. Keiser. Mais si nécessaire, nous pourrions juste siéger un

16 tout petit peu plus longtemps pour terminer avec l'audition de M. Keiser.

17 A ce moment-là, on pourrait revenir à un horaire de demi-journée.

18 M. le Président (interprétation): Bien. Très bien. Aujourd'hui nous allons

19 donc siéger?

20 Mme Korner (interprétation): De 9 heures à 12 heures 30, d'après ce que

21 j'ai compris, puis de 14 heures à 16 heures.

22 M. le Président (interprétation): Bien, c'est entendu.

23 M. Cunningham (interprétation): C'est entendu, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation): Et demain, nous siègerons de même, selon

25 les mêmes horaires?

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1 Mme Korner (interprétation): Oui, si nous le pouvons. Monsieur le

2 Président, je sais que M. Keiser est très occupé, il sera donc désireux de

3 partir le plus vite possible.

4 M. le Président (interprétation): Nous tâcherons d'en finir avec M. Keiser

5 demain même si ceci veut dire de siéger un peu plus longtemps si

6 nécessaire.

7 Peut-être, Madame la Greffière, vous pourrez faire les arrangements

8 nécessaires?

9 Mme Korner (interprétation): L'autre chose que je voudrais évoquer: vous

10 avez demandé une liste de témoins pour la fin du procès.

11 M. le Président (interprétation): Oui.

12 Mme Korner (interprétation): Nous nous en sommes occupés pendant le week-

13 end. En fait, nous déposerons une requête en ce qui concerne une partie de

14 cette liste, mais elle sera prête pour les membres de la Chambre demain.

15 M. le Président (interprétation): Bien. Je vous remercie, Madame Korner.

16 Veuillez, s'il vous plaît, maintenant faire entrer M. Hidic.

17 (Le témoin, M. Ahmet Hidic, est introduit dans le prétoire.)

18 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Hidic.

19 M. Hidic (interprétation): Bonjour.

20 M. le Président (interprétation): Veuillez vous lever.

21 Avant que nous ne poursuivions, je vais vous demander de refaire la

22 déclaration solennelle que vous aviez faite lors de l'audience précédente.

23 Est-ce que vous pouvez m'entendre? Vous pouvez m'entendre?

24 Alors veuillez vous lever. Veuillez, s'il vous plaît, faire à nouveau la

25 déclaration solennelle que vous aviez déjà faite lors des audiences

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1 précédentes. Nous pourrons à ce moment-là poursuivre avec votre

2 déposition.

3 M. Hidic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

6 Oui, Madame Korner?

7 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ahmet Hidic, par Mme Korner.)

8 Mme Korner (interprétation): Pourrais-je commencer ce matin par essayer de

9 clarifier la confusion que j'avais créée moi-même à la fin de l'audience

10 jeudi dernier en ce qui concerne certains documents? Qu'il s'agisse de

11 trois documents, en fait il y en avait trois… pardon deux versions d'un

12 même document, nous allons voir qu'il y a également trois autres

13 documents.

14 Pourriez-vous regarder, s'il vous plaît, la pièce à conviction P245 qui se

15 trouve derrière l'onglet 27 et il vous faudra regarder la version

16 originale en BCS. Je ne pense pas que le témoin ait besoin de voir ce

17 texte; c'est juste pour la Chambre.

18 Si vous regardez la dernière page du texte en BCS, vous verrez qu'il y a

19 deux signatures dactylographiées mais une seule signature manuscrite en

20 face.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 M. le Président (interprétation): Oui, je n'avais pas vu le document sur-

23 le-champ, mais oui c'est bien cela.

24 Mme Korner (interprétation): Alors, annexé à la déclaration de M. Hidic,

25 c'est le même document qu'il a fourni à l'enquêteur, lorsqu'il a vu

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1 l'enquêteur. Je vais demander qu'on le lui présente maintenant. Il se peut

2 que nous ayons aussi une copie; l'anglais est identique, mais, comme nous

3 le voyons, ça n'est pas le cas pour la version en BCS.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 Monsieur Hidic, sur ce document, pouvez-vous reconnaître votre écriture

6 manuscrite?

7 M. Hidic (interprétation): Non.

8 Mme Korner (interprétation): Pourrais-je avoir le document pour un

9 instant? C'est de ma faute, Monsieur le Président, on lui a remis le

10 document P245. Nous allons donc le remettre aux membres de la Chambre en

11 même temps. Ceci, c'est pour le témoin, et nous avons les exemplaires pour

12 les membres de la Chambre ainsi que pour le Greffe. Nous sommes en train

13 de faire remettre plusieurs exemplaires, Monsieur le Président.

14 (Intervention de l'huissier.)

15 M. Cunningham (interprétation): Pourrions-nous avoir également un

16 exemplaire de cette pièce à conviction, s'il vous plaît?

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Mme Korner (interprétation): Monsieur Hidic, si vous regardez les parties

19 de cet original qui sont dans votre propre langue, je crois qu'il faut

20 tourner à peu près quatre pages et vous allez voir que sur cet exemplaire:

21 est-ce vous voyez une écriture qui est la vôtre? Est-ce que vous voyez que

22 certains mots sont soulignés?

23 M. Hidic (interprétation): Oui.

24 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Madame la Juge, si

25 vous regardez la dernière page, vous verrez qu'il y a une différence,

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1 c'est-à-dire que sur cet exemplaire-ci, on voit qu'on a prévu en

2 dactylographiant qu'il y aurait deux signatures, mais il n'y a qu'une

3 seule signature manuscrite par rapport à ce qui est dactylographié.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 Monsieur le Président, pourrais-je demander que cette version, qui est

6 donc produite par M. Hidic, reçoive la cote P245.1, A pour l'anglais et B

7 pour la version BCS?

8 (Les Juges consultent le document et se consultent sur le siège.)

9 M. le Président (interprétation): On m'a demandé si c'était la seule

10 différence entre les deux documents.

11 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est bien le cas.

12 M. le Président (interprétation): Mais le dernier paragraphe a été

13 complété et conclut "c'est la seule chose…".

14 Mme Korner (interprétation): La traduction…

15 M. le Président (interprétation): C'est différent, sinon il s'agit bien

16 d'une copie.

17 Mme Korner (interprétation): Je crois que nous avons vu déjà cette

18 question. La traduction est un art plutôt qu'une science. Donc parfois on

19 trouve des mots différents qui apparaissent.

20 M. le Président (interprétation): Pour le fond, il semble qu'il s'agisse

21 de la même chose.

22 Mme Korner (interprétation): Oui.

23 M. le Président (interprétation): Bien, veuillez poursuivre.

24 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie.

25 Monsieur le Président, je crois malheureusement qu'il y a un autre

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1 document qu'il faut voir: si vous voulez bien passer au document suivant

2 qui porte la cote P1833, nous avons déjà produit deux versions de ce

3 document.

4 Excusez-moi, je vous prie de m'excuser. Il semble que nous ayons reproduit

5 ce document. Je ne sais pas pourquoi. 877.3 Donc je vois, je vois.

6 Excusez-moi, je suis en train de me tromper. Voilà, c'est lundi matin.

7 Monsieur le Président, Madame la Juge, pourriez-vous d'abord regarder le

8 document P1833 qui est après l'onglet 28. Nous avons déjà deux versions de

9 cela, vous vous rappellerez que les signatures étaient différentes.

10 Toutefois, M. Hidic a apporté en l'occurrence une troisième version, nous

11 l'avons vérifiée en regardant ces documents, et nous avons quelque chose

12 qui est légèrement différent. Je ne vous dérangerais pas avec tout cela, à

13 l'évidence, s'il n'y avait pas cette espèce d'allégation généralisée que

14 tout ce qui provient de l'A.I.D. est faux ou falsifié ou risque d'être

15 falsifié.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Est-ce qu'on pourrait maintenant remettre la troisième version? Je crois

18 que c'est tout ce qui nous reste à faire et je crois que par erreur nous

19 l'avions produite en tant que 1877. C'est bien cela?

20 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

21 Voici le 1877.1 et le 1877.2.

22 Mme Korner (interprétation): En fait, c'est mon erreur, Monsieur le

23 Président, parce qu'il s'agit du même document avec des versions

24 différentes de celle de 1833.

25 M. le Président (interprétation): Lequel est le même document?

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1 Mme Korner (interprétation): Celui qui a été produit comme 1877 est le

2 même document que celui qui porte la cote 1833.

3 M. le Président (interprétation): Disons ceci 1877.1 n'est certainement

4 pas le même document -enfin au sens plein du terme- que 1833.

5 Mme Korner (interprétation): C'est le même document.

6 M. le Président (interprétation): Oui, je vois. Vous voulez dire la

7 version en BCS?

8 Mme Korner (interprétation): Oui, oui.

9 M. le Président (interprétation): Laissez-moi vérifier.

10 Mme Korner (interprétation): Si vous voyez bien, c'est le compte rendu de

11 la 35e session de...

12 M. le Président (interprétation): Un instant. Lorsque je regarde 1877.1 et

13 ensuite le 1833 dans la version BCS, en haut à gauche, il y a, je vois...

14 Mme Korner (interprétation): On lit 57.

15 M. le Président (interprétation): Ici, j'ai 37. Cela n'est pas sur la

16 marque verte que je vois.

17 Mme Korner (interprétation): Si vous regardez le texte, il est identique.

18 M. le Président (interprétation): J'imagine que c'est bien le cas sauf que

19 je ne parviens pas.

20 Mme Korner (interprétation): Si vous regardez, je veux dire, il s'agit

21 bien de la 35e session tenue le 17 à 19 heures 20.

22 M. le Président (interprétation): Non, Madame Korner, le texte est

23 identique, mais pas les signatures.

24 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est précisément ce que j'essaie de

25 montrer. Si on regarde les deux, les textes sont identiques, les

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1 signatures ne sont pas identiques. Ce ne sont pas les mêmes signatures, il

2 y a donc trois versions de ceci. La première est celle qui nous a été

3 fournie par l'A.I.D. et c'est la pièce à conviction P1833.

4 M. le Président (interprétation): 33.

5 Mme Korner (interprétation): La seconde version est le document que j'ai

6 produit hier -je veux dire jeudi dernier- qui nous a été donnée par M.

7 Hidic le jour où il est venu ou la veille. Et ensuite, il nous a fourni

8 une version antérieure, qui là encore, est marginalement différente. C'est

9 ceci que je demande maintenant de verser au dossier comme pièce à

10 conviction à cause des signatures.

11 M. le Président (interprétation): Mais il y a également le 1877.2 qui est

12 le même document, mais là encore l'ordre des signatures est différent.

13 Mme Korner (interprétation): Oui, c'est cela. Eh bien, il vaut mieux

14 laisser la cote telle quelle, sinon nous allons avoir la plus grande

15 confusion. Mais la version 1877.3 est légèrement différente pour ce qui

16 est des signatures et l'autre version également produite par M. Hidic,

17 j'espère. Nous allons maintenant présenter cette version-ci ayant

18 maintenant créé la confusion la plus totale un lundi matin, excusez-moi,

19 je pense que M. Hidic ferait peut-être mieux de vérifier encore s'il y a

20 bien son écriture manuscrite sur le document.

21 M. le Président (interprétation): Non, je ne l'ai pas. Est-ce que vous

22 êtes maintenant en train de faire distribuer le 1877.3?

23 Mme Korner (interprétation): Oui, et je vais simplement demander à M.

24 Hidic dans un moment d'identifier sur ce document son écriture manuscrite,

25 de nous dire s'il s'agit bien de son écriture manuscrite.

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1 M. le Président (interprétation): Il y a là une signature qui manque.

2 Mme Korner (interprétation): Et comme vous venez de le dire la différence

3 c'est effectivement une signature.

4 Monsieur Hidic, là encore, s'agit-il d'un document qui vous a été fourni

5 par quelqu'un qui avait accès au bâtiment de la municipalité, et sur

6 lequel vous avez écrit à la main?

7 M. Hidic (interprétation): Oui, c'est bien le document que j'ai apporté

8 avec moi et que j'ai remis au Tribunal.

9 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie. Donc Monsieur le Président,

10 ceci deviendra le document portant la cote 1877.3.

11 Et de façon qu'il n'y ait plus de doute, bien que les documents présentés

12 par M. Hidic, qu'ils soient ou non les mêmes fournis par l'A.I.D., en tous

13 les cas les mêmes termes du point de vue texte, mais ils sont tous

14 différents, aucun d'entre eux n'est identique. Pour la majeure partie, les

15 documents qu'il a fournis n'ont pas de version correspondante dans le

16 document A.I.D.

17 Excusez-moi pour cela, Monsieur Hidic, il fallait en tous les cas qu'on

18 réussisse à mettre de l'ordre dans vos documents.

19 Maintenant Monsieur Hidic, je voudrais en revenir enfin aux événements qui

20 ont eu lieu à Petrovac et je voudrais parler de ce qui s'est passé pour

21 les biens à Bosanski Petrovac. Est-ce que je pourrais juste un instant

22 vérifier un document que nous avons déjà vu?

23 Au cours de la période précédent les expulsions, à compter environ du mois

24 d'avril 1992, est-ce que quelque chose s'est passé pour les domiciles ou

25 les affaires et les bâtiments correspondants à la société appartenant à

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1 des Bosniens?

2 M. Hidic (interprétation): Oui.

3 Question: Pourriez-vous décrire brièvement pour la Chambre ce qui s'est

4 passé?

5 Réponse: Si ma mémoire ne me fait pas défaut, vers la fin du mois de mai,

6 une fois que le barrage sur la route conduisant à Bihac a été enlevé, ceci

7 a coïncidé avec les événements qui se sont produits dans la municipalité

8 de Bosanski Petrovac, ceci évidemment concernait des Musulmans, c'est-à-

9 dire des Bosniens.

10 Le 28 mai, une attaque a eu lieu contre la maison d'un Bosnien. Cette

11 maison appartenait à Atif Redzic. Cette attaque a eu lieu au lance-

12 roquettes portable et aux armes chimiques. Dans la matinée suivante, comme

13 la majorité des habitants de Bosanski Petrovac, je suis venu et j'ai vu

14 que cette maison avait reçu des coups de feu et que les projectiles

15 contenaient des produits chimiques parce qu'on pouvait sentir les odeurs

16 très pénibles. J'ai vu également un groupe de représentants politiques des

17 autorités de Bosanski Petrovac, j'ai vu également des policiers, ils

18 parlaient aux gens en expliquant ce qui s'était passé et en répondant aux

19 questions.

20 Peu de temps après cela, en juin, du côté du 2 juin, il y a eu une

21 deuxième attaque sur la partie de la ville habitée par des Musulmans; et

22 le 4 juin, nous avons vu les premières victimes d'une attaque. Une

23 personne a été tuée devant le bar, café "Alpina". Peu de temps, environ

24 une heure avant le couvre-feu, Ahmed Dezic (phon) a été tué.

25 Question: Je vais revenir à la question des personnes tuées dans un

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1 moment. Je voulais simplement d'abord traiter de la question de l'attaque

2 contre les biens, si vous le voulez bien.

3 Réponse: Donc les biens en question étaient pris pour cible. D'abord, il y

4 a eu des attaques contre les bâtiments des entreprises de Bosniens et des

5 magasins ou des ateliers qui se trouvaient au centre de la ville.

6 En une semaine, l'ensemble des biens possédés par des Bosniens, qui leur

7 appartenaient avant cela, a été détruit; et ces attaques se passaient

8 généralement pendant la nuit, pendant la période de couvre-feu. Ces

9 attaques étaient faites à la grenade; on pouvait en voir les traces.

10 Personnellement, j'ai visité la boutique du coiffeur qui avait été

11 détruite la nuit précédente. Je pense que la police est venue. C'était la

12 boutique du coiffeur de mon beau-frère, et je crois qu'ils ont ramassé les

13 restes d'une grenade. Mon beau-frère a fait certaines réparations le même

14 jour, mais le soir même une autre attaque a eu lieu. Cette fois-là ça

15 n'était pas avec des grenades, mais avec un fusil automatique qui a brisé

16 tout ce qui était en verre, et tout ce qui se trouvait dans la boutique a

17 été détruit.

18 Donc comme je l'ai dit, en l'espace d'une semaine, entre le 5, le 6 juin

19 et le 15 juin, toutes les boutiques appartenant à des Bosniens, tous les

20 locaux ont été détruits, pas seulement en ville mais également dans les

21 environs.

22 Et dans l'intervalle, il y a eu également des voitures qui ont été

23 confisquées, des camions qui ont été réquisitionnés, et, apparemment, on

24 disait qu'ils étaient confisqués parce que l'armée avait ordonné leur

25 réquisition. Ce qui fait que parfois même certains documents ou papiers

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1 ont été produits. Toutefois, la plupart des voitures de luxe ont été

2 confisquées, d'habitude par la force en utilisant des armes.

3 Question: Vous nous avez dit qu'à certains moments vous êtes arrivé et la

4 police était déjà là. Est-ce qu'on n'a jamais arrêté qui que ce soit, est-

5 ce que quelqu'un a fait l'objet des poursuites?

6 Réponse: Non. Pendant cette période, les policiers venaient sur place, ils

7 procédaient à des enquêtes, ils photographiaient même les commerces qui

8 étaient endommagés, mais je n'ai eu connaissance d'aucune plainte contre

9 ou aucune poursuite contre les personnes responsables de ces actes de

10 vandalisme pendant la nuit.

11 Question: Est-ce qu'il y avait des mosquées à Bosanski Petrovac?

12 Réponse: Bien sûr que oui, il y en avait à Bosanski Petrovac au centre

13 ville ainsi que dans l'ensemble de la ville prise plus largement. Il y en

14 avait une dans le village de Rasinovac, une troisième, et la quatrième se

15 trouvait Bjelaj. Et depuis la Deuxième Guerre mondiale, elle n'avait pas

16 été réparée; elle n'avait pas été réparée au moment de la nouvelle guerre

17 et elle n'avait pas de minarets.

18 Question: Et qu'est-il arrivé à cette mosquée?

19 Réponse: Eh bien, pour ce qui est des deux mosquées en ville, au cours du

20 mois de juillet, dans la nuit du 7 au 8 juillet, dans la nuit du 8 au 9

21 juillet, ces mosquées ont été dynamitées, elles ont été complètement

22 détruites; le minaret a été détruit. Et du fait de ce dynamitage, les

23 murs, le toit ont été endommagés. On peut dire que ces locaux ont été

24 détruits à plus de 50 voire 60%.

25 Question: Et à quel moment de la nuit ont eu lieu ces déprédations?

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1 Réponse: La première mosquée a été détruite vers minuit, entre minuit et

2 une heure, et l'autre a également été détruite à peu près vers cette

3 heure-là, vers une heure, peut-être un peu après une heure. Je ne me

4 souviens pas de la chose avec précision, mais je sais que c'est à cette

5 heure-là que ces deux mosquées ont été dynamitées.

6 Question: Donc aux petites heures du matin, pas en milieu de journée?

7 Réponse: Oui, après minuit.

8 Question: Je voudrais vous demander de jeter un coup d'œil à la pièce

9 P1863; c'est la dernière pièce que vous trouverez dans votre classeur.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Veuillez vous rapporter au paragraphe n°4, un paragraphe qui devrait être

12 intitulé "Information au sujet des bâtiments détruits suivant leur

13 emplacement". Cela se trouve à la page 5 de la version en BCS, je crois.

14 Il s'agit d'un rapport préparé par les Bosniens en 1997, si bien que ce

15 rapport relate tout ce qui s'est passé depuis le début de la guerre et

16 jusqu'à la guerre. Mais on voit que dans la zone urbaine, 545 bâtiments

17 appartenant à des Musulmans ont été détruits avec des degrés de

18 destruction plus ou moins importants.

19 Mais, moi, je voudrais savoir une chose. Au moment où vous avez quitté

20 Bosanski Petrovac en 1992, combien de maisons, à peu près, avaient été

21 détruites?

22 Réponse: Je sais qu'un certain nombre de bâtiments avaient été incendiés,

23 ils avaient été détruits par le feu. Ensuite, les ruines ont été dégagées

24 dans le cadre des obligations de travail; c'étaient des bâtiments qui se

25 trouvaient en ville. Mais il y avait également beaucoup de vieux bâtiments

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1 musulmans qui n'étaient pas habités. Ces bâtiments ont également été

2 incendiés en septembre 1992.

3 Mais pour ce qui est de ce qu'on voit ici, la plupart des dégâts ont été

4 occasionnés pendant la guerre, c'est-à-dire pendant la période que nous

5 n'avons pas passée à Bosanski Petrovac.

6 Question: Passons maintenant au point suivant "Information au sujet des

7 installations religieuses et culturelles détruites et vandalisées à

8 Bosanski Petrovac", point 5.

9 Si on se penche sur les installations religieuses, on voit qu'il y avait

10 quatre mosquées à Bosanski Petrovac; et à la page suivante, on fait

11 référence à trois mosquées qui ont été détruites.

12 Est-ce que toutes les mosquées que vous connaissez ont été détruites avant

13 votre départ et ont été détruites en juillet 1992? Pour reprendre ce que

14 vous venez de nous raconter au sujet des mosquées.

15 Réponse: Oui.

16 Question: Je vais passer aux meurtres, mais je voudrais y arriver en

17 utilisant ce document rapidement. Au début de ce document, nous avons une

18 liste des personnes qui ont été tuées et qui sont enterrées. Je vous

19 demanderai de vous munir également de la pièce P1878, un rapport du club

20 des expatriés de Zagreb.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 Dans ces deux rapports, on nous décrit des meurtres qui ont eu lieu sur

23 place, et vous avez commencé à nous parler de quelqu'un qui se trouvait à

24 l'extérieur d'un commerce. Ayant pris connaissance de ces deux rapports,

25 pouvez-vous nous dire si ces descriptions -les descriptions des meurtres

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1 qui figurent dans le rapport du club des expatriés, P1878- je voudrais

2 savoir en commençant par ce rapport, si ce qu'on peut y lire correspond à

3 la réalité?

4 Réponse: Oui. Ceci a trait au premier meurtre et la relation de ce meurtre

5 correspond à la réalité?

6 Question: Est-ce que vous-même vous avez été un témoin oculaire de ces

7 meurtres qui ont eu lieu à Bosanski Petrovac?

8 Réponse: Bien sûr, il était difficile d'être témoin oculaire de ce genre

9 de choses parce que ça se passait pendant la nuit, pendant le couvre-feu

10 qui, je crois, n'était imposé qu'aux Musulmans ou plutôt aux Bosniens.

11 Mais comment dire? Pour la population serbe, la vie suivait son cours

12 normal, mais au matin on apprenait ce qui s'était passé. Ces assassinats,

13 de nombreux citoyens ont pu s'en rendre compte.

14 J'ai notamment vu le résultat de certains de ces assassinats pendant la

15 nuit, et il m'est arrivé d'assister aux obsèques des personnes qui

16 malheureusement avaient été assassinées; lorsque c'était possible bien

17 entendu d'assister à ce genre de cérémonies.

18 Moi je peux vous parler d'Osman Hadzic -c'est mon voisin- qui lui aussi a

19 été tué, mais il a été tué dans la période allant du 20 au 24 septembre.

20 J'ai vu son cadavre, il a été abattu. On lui a tiré deux balles dans la

21 tête. La police était sur place, sur place. Ils sont venus, ils ont fait

22 une enquête sur place, et par l'intermédiaire de Mica Atlagic/ Mico

23 Atlovic, mon voisin, ils ont fait en sorte qu'on puisse enterrer le corps

24 dans les 15 à 20 minutes.

25 Nous étions très peu nombreux, je ne me souviens pas exactement combien

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1 nous étions, mais en tout cas, dans le jardin derrière la maison, nous

2 avons creusé une sorte de fosse peu profonde, et nous y avons enterré sa

3 dépouille mortelle.

4 Bien entendu c'était là une chose fort périlleuse parce qu'à cette époque-

5 là il était toujours possible de voir surgir une patrouille à n'importe

6 quel moment, dont le seul travail consistait à patrouiller les zones

7 habitées par les Musulmans à Bosanski Petrovac. Et bien entendu ils

8 ouvraient le feu sur toute personne se trouvant à l'extérieur de son

9 domicile, ils allaient même jusqu'à tuer ceux qui étaient hors de chez

10 eux.

11 Question: Est-ce que cela signifie que vous deviez enterrer les gens après

12 le couvre-feu?

13 Réponse: C'était pendant la journée, cela. Cet enterrement a eu lieu

14 pendant la journée: vers midi ou dans l'après-midi, je ne m'en souviens

15 pas. Mais en tout cas la police a mis un certain temps à arriver sur les

16 lieux. Bien entendu auparavant ils ont identifié le cadavre, et c'est

17 après seulement qu'ils ont mené une enquête sur les lieux. Ce n'est que

18 plus tard qu'ils ont demandé à ce que le corps soit enterré. On ne pouvait

19 pas l'emmener dans le cimetière, donc il a fallu l'enterrer dans le

20 jardin.

21 Question: Mais pourquoi est-ce qu'on ne pouvait pas emmener le corps au

22 cimetière?

23 Réponse: Je pense que c'était impossible du fait de ces patrouilles. J'ai

24 déjà expliqué que ces patrouilles circulaient. Cette Golf blanche de

25 triste réputation circulait dans les quartiers musulmans, et dès qu'ils

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1 voyaient le moindre signe de vie dans les jardins, dans la rue, ils

2 ouvraient immédiatement le feu. La peur régnait. Il était impossible

3 d'aller enterrer quelqu'un au cimetière.

4 Question: Cette Golf de triste réputation, qui était à son volant?

5 Réponse: Généralement, c'étaient des jeunes. Très difficile de vous dire

6 qui ils étaient. Cependant certaines personnes ont donné des noms, je ne

7 peux cependant pas vous le confirmer. J'ai moi-même vu cette Golf, mais je

8 n'ai pas vu les gens qui occupaient le véhicule et qui tiraient à partir

9 de ce véhicule.

10 Question: Oublions un instant les noms de ces personnes. Est-ce que ceux

11 qui étaient à bord de cette Golf et qui tiraient sur les Musulmans? Est-ce

12 que ces personnes portaient des uniformes?

13 Réponse: Oui, ils étaient en uniforme. Cela on pouvait le voir. Ils

14 avaient des chemises ou des tee-shirts gris ou verts olive, et bien

15 entendu, on ne pouvait pas voir s'ils avaient un couvre-chef, ils

16 ressemblaient à n'importe quel soldat de n'importe quelle armée du monde.

17 Je veux dire quand on voit les gens dans ce type d'uniforme, il est très

18 difficile de les distinguer les uns des autres, et puis, je n'ai pas eu le

19 temps de bien voir la chose, de bien les observer.

20 Question: Est-ce que c'étaient des uniformes qui ressemblaient aux

21 uniformes officiels de la police ou bien étaient-ils différents?

22 Réponse: Je pense qu'ils portaient des habits différents, mais je crois

23 qu'ils préféraient porter des uniformes verts olive. Les uniformes à la

24 Rambo, les habits à la Rambo à manches courtes. Les jeunes soldats

25 aimaient porter ce genre d'habits surtout dans ce genre de contexte.

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1 Question: Vous nous avez dit que Muhamed Terzic a été le premier tué. Vous

2 avez commencé à nous en parler, il se trouvait à l'extérieur d'un bar.

3 Etiez-vous présent au moment où il a été tué?

4 Réponse: Non, je n'étais pas là malheureusement. Il n'y avait pratiquement

5 personne, parce qu'auparavant vers le café "Alpina", c'est-à-dire à 300 ou

6 500 mètres du centre-ville, peut-être même un peu plus loin -je ne peux

7 pas vous donner plus de précision à ce sujet-, enfin, bref, il y avait des

8 tirs constamment, ils tiraient même sur les maisons des Musulmans. Et

9 ensuite, je ne sais pas comment cela s'est passé, mais un homme s'est

10 trouvé là dans la rue; en tout cas j'ai appris plus tard, parce que les

11 gens en parlaient, j'ai appris plus tard qu'il était accompagné d'un jeune

12 homme, un Serbe, un ancien collègue à lui. Ils étaient probablement

13 ensemble et il est presque certain, il est tout à fait certain que cet

14 homme lui avait garanti sa sécurité, ce qui a causé sa perte, c'est que ce

15 jeune homme est parti en courant, les tirs ont commencé, et puis ils lui

16 ont fait toutes sortes de choses et ils ont fini par le tuer devant le

17 café "Alpina", sur le trottoir.

18 Le matin on a pu voir l'endroit où il avait été tué, le cadavre avait été

19 enlevé, mais il y avait encore des flaques de sang à l'endroit où on

20 l'avait tué, lorsque les gens ont pu se rendre à cet endroit, voir où cela

21 s'était passé. Cependant, je pense qu'il est bon de mentionner que lors

22 des obsèques de Terzic il y avait des Bosniens, des Musulmans, mais

23 également un grand nombre de Serbes qui étaient ulcérés, choqués par ces

24 actes de vandalisme qui avaient lieu à Bosanski Petrovac, car cette nuit-

25 là il n'y a pas eu que ce seul assassinat=: Sead Husagic a été tué,

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1 c'était encore pire. J'en ai déjà parlé il y a quelques jours. Des

2 grenades à fusil ont été tirées sur sa maison. Il y avait également des

3 produits chimiques qui ont été utilisés. Il se trouve qu'il était dans sa

4 cour, il cherchait son chien qui s'était détaché. Ces hommes donc l'ont vu

5 et lui ont tiré dessus.

6 De toute façon, ils étaient là, ils tiraient partout dans ce quartier

7 musulman. Ils l'ont repéré, ils l'ont attrapé, ils l'ont traîné dans la

8 rue. D'abord, ils l'ont frappé, ensuite ils l'ont blessé aux jambes pour

9 qu'il ne puisse pas s'enfuir et après il a donc été passé à tabac. Les

10 voisins l'ont entendu hurler de douleur, malheureusement personne n'a osé

11 lui porter secours, et le même soir lorsque sa famille a essayé

12 d'intervenir, les représentants de la police sont arrivés, l'ont fait

13 monter dans une voiture, l'ont emmené dans un centre médical -qui est tout

14 près de chez lui- mais deux jours plus tard il a succombé à ses blessures

15 -des blessures extrêmement graves.

16 Il a été ensuite enterré. De nombreux habitants ont assisté à ses

17 obsèques, des Bosniens, des Serbes. C'était l'amertume qui régnait parmi

18 les personnes assistant à cet enterrement. Les gens se disait qu'avant ce

19 genre de choses n'aurait jamais pu se produire, les gens n'auraient pas

20 tout simplement pu être abattus comme ça dans la rue, tués dans la rue. Et

21 cette même nuit, il y a eu des tirs, et les commerces, les habitations des

22 Musulmans ont été visés: une femme avec son enfant de 6 ou 7 ans a été

23 grièvement blessée, ils ont été transférés au centre médical la même nuit,

24 on leur a donné des soins et le lendemain, on leur a expliqué qu'il

25 fallait qu'ils rentrent chez eux, qu'on ne pouvait pas les maintenir au

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1 centre, qu'on ne pouvait rien garantir du tout même pour les blessés. Donc

2 on leur a dit de rentrer chez eux.

3 Question: Quand ces incidents avaient lieu, au bout de combien de temps en

4 aviez-vous connaissance?

5 Réponse: Le même jour, le matin même on apprenait ce qui s'était passé.

6 C'était possible de se rendre sur les lieux, de s'en convaincre par soi-

7 même, de voir les lieux où ce genre d'actes avait été commis. Il restait

8 d'ailleurs des traces de ces événements dans les rues: on pouvait voir des

9 bouteilles des boissons alcoolisées, des bouteilles qui n'étaient pas

10 vides, on pouvait donc en déduire que c'étaient les personnes qui

11 s'étaient rendues coupables de ces actes qui avaient bu.

12 Après notre départ -bien entendu j'ai appris cela en revenant ensuite à

13 Bosanski Petrovac-, j'ai appris que c'était Mico Basta alias "Rambo" de

14 Krnjevsa qui s'était rendu coupable de ces actes. Ils habitaient dans un

15 village qui se trouvait à une vingtaine de kilomètres de Bosanski

16 Petrovac, entre Bosanski Petrovac et Bosanksa Krupa. Il y a des gens du

17 village de Krenjevsa qui l'accompagnaient. Je ne sais pas combien ils

18 étaient, mais tout le monde sait qu'on a essayé de désarmer ce Mico, alias

19 "Rambo" mais ça n'a rien donné.

20 D'après ce que je sais, il est toujours en Republika Srpska, il est en

21 liberté, jamais on ne lui a demandé des comptes pour les crimes qu'il

22 avait commis à Bosanski Petrovac.

23 Question: Vous nous avez parlé de quelqu'un qui a été passé à tabac avant

24 d'être tué. Est-ce qu'il y a eu des passages à tabac de Bosniens à

25 Bosanski Petrovac, sans que ces passages à tabac mènent à la mort, au

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1 décès de la personne concernée?

2 Réponse: Oui, bien sûr. Avant ce passage à tabac, il y a eu d'autres

3 passages à tabac du fait de la police. On a fait sortir des personnes de

4 la ville. Peut-être un mois avant ces événements, des gens ont été passés

5 à tabac, torturés, mais on refusait d'en parler. Certains ont pu même fuir

6 Bosanski Petrovac après avoir été victimes de ces sévices, certains ont

7 profité de cette possibilité et ont pris la direction de Bihac parce que

8 c'était encore possible jusqu'au 27 ou 28 mai à peu près.

9 Question: Je voudrais maintenant que nous parlions de la prison. Hier vous

10 avez -ou plutôt jeudi, jeudi donc-, vous nous avez parlé des gens qui

11 étaient détenus au SJB, vous nous avez dit que vous étiez le gérant d'un

12 entrepôt qui se trouvait à l'extérieur de Bosanski Petrovac. Est-ce que

13 vous avez eu connaissance de l'existence d'une prison aux environs?

14 Réponse: Oui, tout à fait. D'ailleurs je vous ai déjà dit que je

15 travaillais à Bosnaplats; ça se trouve juste aux limites de la ville,

16 entre Bosanski Petrovac et Drvar. Et déjà en 1991 un centre logistique a

17 été mis en place à cet endroit.

18 Bien entendu au début, je ne me suis pas rendu compte de quoi il

19 s'agissait exactement, en quoi consistait ce centre logistique, mais au

20 bout du compte ce centre a véritablement pris les allures d'un centre. Il

21 y avait de plus en plus de gens à cet endroit. Certains travaillaient à

22 l'usine. Je parle de gens qui étaient des officiers de réserve, et

23 certains de ces hommes ont donc été mobilisés en tant que réservistes et

24 on les a vus travailler au centre logistique.

25 Il me semble que j'ai mentionné le nom de Tomo Miscevic, un ingénieur qui

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1 travaillait dans cette entreprise; c'était un capitaine de réserve de la

2 JNA, capitaine ou capitaine de première classe. Enfin peu importe. En tout

3 cas, il était capitaine, ça c'est sûr. C'était un de ceux qui commandaient

4 ce centre de logistique.

5 Il y avait là un mess, une cuisine qui devait approvisionner tout le monde

6 sur le terrain dans cette zone. Ultérieurement, cette cuisine a également

7 servi à assurer l'approvisionnement en vivres du camp qui a été mis en

8 place à Kolunic, au début juillet, dans le village de Drinic ou plutôt au-

9 dessus du village de Drinic, sur la montagne que Klekovac (phon). J'ai

10 entendu cette histoire et ceci a été confirmé par la suite.

11 Question: Ceci a été confirmé par qui?

12 Réponse: Cela a été confirmé par la suite après la libération. Bien sûr,

13 on a dit qu'il y avait des plans qui avaient été élaborés au poste de

14 police. Il s'agissait de mettre en place une prison parce qu'il y avait

15 trop de personnes qui avaient été capturées et il fallait transférer cet

16 endroit et le situer à 100 ou 150 mètres de Bosnaplats, dans la maison de

17 Kartal, alias "Pean". Et il se trouve qu'il y avait deux maisons: une a

18 été incendiée et une a explosé. Il y en avait une dont les matériaux

19 étaient en dur, et c'était difficile de la détruire. Il s'agissait de la

20 convertir en prison étant donné que les fondations étaient bonnes et que

21 la cave était intacte.

22 Question: Je vous prie de regarder le document, s'il vous plaît, P1833 qui

23 est le document de M. Hidic.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Nous avons différentes versions de ce document. C'est indiqué "décision de

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1 la cellule de crise, n°57, le 16 juin".

2 Si nous tournons ou si nous regardons le haut de la page 2 dans le texte

3 traduit, M. Gacesa, qui dirigeait la police, a évoqué une liste de 40

4 personnes qui devaient être organisées… qui étaient un groupe organisé,

5 indépendant, et dont la position était celle d'intégristes musulmans

6 extrêmes. L'idée avait été de les isoler, de les isoler et de les mettre à

7 part. Il ne fallait pas qu'ils soient détenus au poste de sécurité

8 publique de la SJB. Il s'agissait d'isoler ces extrémistes et de les

9 mettre en dehors de Petrovac.

10 Ensuite, la discussion se poursuit, et il est indiqué que le fait de les

11 isoler à l'extérieur de Petrovac pouvait être dangereux. Par conséquent,

12 il s'agissait de les isoler et de les placer dans un lieu qui était bien

13 gardé, lieu qui se situerait à l'extérieur de la ville.

14 Ensuite, nous voyons ici une décision portant sur les différents individus

15 qui étaient en possession d'armes illégales ou qui avaient été consignés

16 dans un registre par les extrémistes musulmans, ce qui constituait une

17 menace éventuelle, et qu'ils devaient être détenus dans un lieu de

18 détention.

19 Ensuite, si nous regardons le paragraphe suivant, il s'agit ici des

20 événements que vous évoquez.

21 Je comprends que vous nous dites que vous saviez que ces deux maisons

22 avaient été détruites ou l'une des maisons?

23 Réponse: La maison n'a pas été détruite. C'étaient les deux maisons qui

24 étaient à côté qui ont été détruites.

25 Question: Vous avez tout à fait raison. Ensuite, vous dites que le SJB a

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1 été déplacé et que tous les propriétaires musulmans qui possédaient de

2 petites maisons à la campagne de Ostrelj.

3 Où se situe en fait cet endroit où ces personnes avaient leurs maisons à

4 la campagne?

5 Réponse: Il s'agissait ici d'un endroit entre Bosanski Petrovac et Drvar.

6 C'était une région montagneuse –1300 mètres-, c'était une zone

7 touristique. Et dans les années 1980, il avait été prévu de transformer

8 cette région en zone résidentielle ou en tout cas en lieu de résidence

9 secondaire où les gens venaient passer le week-end.

10 En 1984, au moment des Jeux olympiques de Sarajevo, une piste de ski a été

11 construite -c'était la troisième piste utilisée pour les Jeux olympiques-,

12 ensuite une deuxième et ensuite une autre à Bosanski Petrovac. Cela a

13 constitué un endroit assez important. Je pense qu'il y avait environ 50 à

14 100 bungalows où les gens venaient passer leurs vacances ou peut-être même

15 davantage. Des personnes de différentes origines ethniques venaient dans

16 cette région passer le week-end, mais la plupart de ces maisons de week-

17 end appartenaient aux officiers serbes de la Deuxième Guerre mondiale, de

18 hauts représentants et d'hommes politiques.

19 Il y avait également des propriétaires musulmans dans la région. Les

20 autres personnes venaient de Bosanski Petrovac, de Bihac, de Banja Luka,

21 et d'autres de Bosanski Petrovac. De toute façon, toutes ces maisons

22 étaient habitées.

23 Question: Pourriez-vous regarder quelques instants P1804 de façon à

24 pouvoir regarder la carte, s'il vous plaît?

25 (Intervention de l'huissier.)

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1 Pouvez-vous voir sur cette carte la ville que vous venez d'évoquer ici en

2 bas de cette carte?

3 Réponse: Oui, tout à fait.

4 Question: Merci. Monsieur l'Huissier, veuillez remettre ce document s'il

5 vous plaît.

6 La question qui m'intéresse ici c'est de savoir si ces propriétaires

7 musulmans de maisons de week-end ont été déplacés ou non?

8 Réponse: A cette époque-là, ces personnes-là n'habitaient pas dans ces

9 maisons de week-end. C'était le début de la guerre. Par conséquent, la

10 plupart de ces personnes ou en tout cas aucun des propriétaires musulmans

11 qui possédaient des maisons dans cette région ne s'y rendait à ce moment-

12 là. Ces maisons étaient vides, personne n'y habitait. Et ces maisons

13 servaient de logement aux officiers serbes ainsi qu'aux troupes serbes,

14 qui même quelque fois y avaient instillé leur poste de commandement.

15 Il y avait un hôtel qui se trouvait à cet endroit-là, qui était en fait

16 une chaîne de restauration Grmec. Il y avait 30 à 50 lits à cet endroit-

17 là, et cet hôtel était également utilisé par l'armée, avait été

18 réquisitionné par l'armée. Il y avait un autre hôtel au nom de Sip à

19 Ostrelj qui était en fait un lieu de vacances pour les employés des

20 sociétés.

21 Question: Merci beaucoup. Je n'ai pas besoin d'en savoir davantage.

22 Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder la pièce 1840, s'il vous plaît?

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Il s'agit ici d'une liste de personnes qui devaient être mises en

25 isolement sur la demande du SJB, au total 29 personnes qui ont été

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1 emmenées au camp de travail de Kozila, le 1er juillet 1992.

2 Premièrement, connaissez-vous ces personnes que vous voyez indiquées? Au

3 n°8, ici, quelqu'un du nom de Muamer Hidic: s'agit-il d'un membre de votre

4 famille?

5 Réponse: Oui. Il s'agit d'un membre de ma famille ainsi que d'un voisin.

6 Je connais la plupart de ces personnes qui figurent sur cette liste. Ces

7 personnes ont d'abord été arrêtées et ensuite détenues au poste de police

8 de Bosanski Petrovac. Ils ont tous été transférés par la suite au camp de

9 Kozila, jusqu'au dernier qui figure sur cette liste. Ils ont tous été

10 emmenés au camp de Kozila à Bosanski Petrovac.

11 Bien sûr, cette liste devrait être bien plus longue, car il y avait un

12 nombre important de personnes de Bosanski Petrovac qui a été emmené, mais

13 il y avait des personnes de Kljuc, de Drvar, de Ohavac (phon), par

14 conséquent des régions plus importantes de Bosanski Petrovac. Il ne s'agit

15 pas simplement de personnes qui ont été emmenées de la ville elle-même,

16 mais des régions avoisinantes.

17 Question: Le camp de Kozila, est-ce un camp différent de celui que vous

18 venez d'évoquer ou s'agit-il d'un camp différent lorsque vous avez parlé

19 de Bosnaplats?

20 Réponse: Il n'y avait pas de camp à proprement parler à Bosnaplats, il

21 s'agissait d'un centre logistique. Le camp lui-même se trouvait à Kocila

22 et la seule prison qu'il y avait avant cela était le bâtiment du poste de

23 police. Mais lorsque celui-ci est devenu trop exigu, les prisonniers ont

24 été transférés à Kozila.

25 Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît? Pardonnez-moi, j'ai

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1 perdu le fil.

2 Question: Encore une fois, Monsieur Hidic, vous venez de répondre à la

3 question, mais je vous ai demandé si Kozila était au même endroit que

4 Bosnaplats. Vous avez indiqué qu'il s'agissait ici de deux lieux

5 distincts.

6 Réponse: Oui, oui, tout à fait.

7 Question: Vous pouvez enlever ce document. Merci.

8 (Intervention de l'huissier.)

9 Je souhaite maintenant passer aux derniers événements qui ont eu lieu à

10 Petrovac. J'aimerais vous parler des obligations de travail. Vous a-t-on

11 forcé ou avez-vous eu des obligations de travail?

12 Réponse: Oui, bien sûr. Toute personne en âge de faire son service

13 militaire ainsi que toute personne… Ceci s'appliquait également aux

14 Musulmans. C'étaient des appels à la mobilisation et portaient le tampon

15 du commandement de Drvar. Ceci prêtait un petit peu à confusion. Chacun

16 était mobilisé.

17 Par la suite, nous étions organisés en groupes, et, dans ces groupes, il y

18 avait toujours des Musulmans. Ils ont été escortés, ces groupes ont été

19 escortés et emmenés en général dans les champs. Il s'agissait ici des mois

20 de juin et de juillet. Il fallait qu'ils construisent des tranchées

21 également pour les câbles, les fils électriques de Bosanski Petrovac et

22 Autotransport Bregovac (phon), aux abords de la ville. Ils devaient

23 assurer la construction de ce bâtiment, ils devaient charger et décharger

24 des troncs d'arbres et, chose importante, ces personnes devaient également

25 nettoyer les bâtiments militaires.

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1 (Le Président quitte le prétoire.)

2 (L'audience, suspendue à 10 heures 15, est reprise à 10 heures 53.)

3 M. le Président (interprétation): Ce qui montre ce que peut faire une

4 petite crevette!

5 Mme Korner (interprétation): Pourriez-vous nous indiquer de quel

6 restaurant il s'agit, s'il vous plaît?

7 Monsieur Hidic, je vous ai posé une question à propos de votre obligation

8 de travail. Nous avons déjà regardé un document qui portait là-dessus,

9 mais puis-je vous demander, s'il vous plaît, en particulier ce qu'on vous

10 a demandé de faire?

11 M. Hidic (interprétation): J'ai été appelé le 24 juillet et je devais me

12 rendre dans la cour de mon ancienne entreprise, Bosnaplats. J'ai commencé

13 par là. Nous ne savions pas où nous allions être emmenés, nous étions une

14 cinquantaine dans un autocar et nous avons également été escortés. Il y

15 avait cinq membres de la police militaire, ainsi qu'un conducteur. Par

16 conséquent, au total, nous devrions être 55, 56 environ dans cet autocar.

17 Nous ne savions pas où nous allions. Mais dans le document qui nous avait

18 été envoyé, on nous a précisé que nous devions apporter des cartes

19 d'identité.

20 Ce matin-là, j'ai donc répondu à l'appel et ces jours-là, en 1991, je ne

21 me sentais pas très bien car je m'étais rendu à l'hôpital à Bihac et à

22 Zagreb et à l'hôpital Jordanovac où j'ai été hospitalisé pendant un mois

23 environ. J'étais encore sous traitement à ce moment-là. Par conséquent,

24 nous sommes allés en direction de Vrtoce, Krnjevsa et ensuite, nous avons

25 pris le chemin de terre en direction de Bosanska Krupa. En approchant

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1 Bosanska Krupa, nous avons emprunté la route en direction de Veliki Radic

2 et sur la gauche, l'école avait été transformée en caserne et cet endroit

3 était quasiment assiégé par l'armée, si je puis dire.

4 Je connaissais la plupart des soldats car c'étaient des gens de la région.

5 Il semblait que les unités de Bosanski Petrovac avaient été postées à cet

6 endroit-là. A partir de là, lorsque nous avons reçu des ordres à nouveau,

7 nous nous sommes dirigés vers Mali Radic, à l'endroit où se trouvait la

8 ligne de front. Nous sommes arrivés dans une région qui s'appelait Radic

9 et, de là, nous avons été emmenés au front où se trouvaient les soldats

10 serbes.

11 Question: Lorsque vous êtes arrivés à cet endroit-là, avez-vous entendu

12 des coups de feu ou des tirs d'obus?

13 Réponse: Oui, nous avons entendu des grenades qui avaient été tirées

14 depuis des chars ou des tirs d'artillerie, pour autant que je sache, à ma

15 connaissance de ce genre de tirs ou tirs d'artillerie. Et on nous a

16 demandé à ce moment-là de rester dans l'autocar. Il faisait assez chaud,

17 je crois qu'il devait s'agir de la journée la plus chaude de 1992. Nous

18 avons attendu dans cet autocar pendant plus de 2 heures. Un des officiers

19 de la police militaire est parti en jeep et en attendant son retour, nous

20 avons entendu des cris, des cris et le bruit d'un véhicule militaire.

21 Nous avons vu un groupe de personnes arriver, des troupes qui portaient

22 des uniformes un peu bigarrés, ils ne portaient pas tous le même uniforme

23 et ce n'était pas un uniforme militaire. J'ai reconnu parmi eux deux

24 hommes que je connaissais parce qu'ils habitaient Bosanski Petrovac. L'un

25 d'eux était Mlado Marjanovic, c'est lui qui conduisait ce véhicule. Il y

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1 avait également Gorinko Jakovljevic, une personne qui avait une maladie

2 congénitale, il était handicapé. Je crois que c'était un journaliste.

3 Question: Puis-je vous arrêter, Monsieur Hidic? C'est important. Nous

4 n'avons pas besoin d'avoir le détail ici. Ces deux hommes étaient-ils

5 Serbes?

6 Réponse: Oui, oui. Ils étaient tous les deux Serbes. Et ceux qui les

7 accompagnaient sont entrés dans l'autocar. Lorsqu'ils l'ont vu, ils l'ont

8 assailli. Ils ont vu qu'il y avait des Musulmans à l'intérieur et ils ont

9 assailli l'autocar, la porte était ouverte, la porte avant et la porte

10 arrière, toutes deux étaient ouvertes et un des gardes a demandé au

11 chauffeur de l'autocar de descendre.

12 Ils sont entrés, ils ont commencé à sortir leurs épées, leurs couteaux.

13 Ils ont commencé à parler avec nous et nous dire: "Ah, voici les Turcs.

14 Nous voulons vérifier leurs pièces d'identité et voir s'ils ont des

15 visas." Leur voix était très forte et intimidante et la façon dont ils

16 nous parlaient nous faisait peur. Ils nous ont posé toutes sortes de

17 questions.

18 A ce moment-là, je ne pouvais pas prêter attention à tout ce qui se

19 passait autour de moi dans l'autocar parce qu'un de ces types-là, qui est

20 entré dans l'autocar, qui est arrivé par l'avant, m'a pris pour cible.

21 J'étais à l'avant avec un autre jeune homme et j'étais assis près de la

22 fenêtre, et ce jeune homme était près du couloir. Il y avait devant nous

23 une petite rambarde et je ne pouvais pas sortir, je ne pouvais pas

24 m'échapper. Ils nous posaient toutes sortes de questions, ils cherchaient

25 des cigarettes et ils voulaient savoir si on portait des alliances ou des

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1 chaînes en or ou des bracelets. Ils nous ont demandé si on avait de

2 l'argent sur nous, et, à ce moment-là, personne n'en avait. Nous n'avions

3 pas d'objets de valeur sur nous car dans les documents que nous avions

4 reçus, nous savions que nous serions appelés à remplir une obligation de

5 travail. Par conséquent, nous n'avions pas ce genre d'objets sur nous.

6 Question: Très bien. Vous avez commencé à nous dire qu'une des personnes

7 rentrées dans le bus vous a pris pour cible. Qu'est-ce qu'ils vous ont

8 fait exactement?

9 Réponse: Il ne m'a rien fait en particulier, mais il tenait une baïonnette

10 à la main et un couteau. Il m'a mis le couteau sur la poitrine, et je n'ai

11 pas bougé, j'étais immobile, j'avais la pointe sur son couteau sur la

12 poitrine, et grâce à une autre personne qu'il a fait avancer dans

13 l'autocar parce qu'il souhaitait lui-même voir s'il y avait quelque chose

14 qui l'intéressait à bord -je pense que c'est ce qui m'a sauvé la vie car

15 la deuxième personne qui est montée dans le bus avait un petit calepin

16 dans la poche, l'a sorti et a commencé à poser des questions concernant

17 différentes personnes, des Musulmans.

18 A ce moment-là, nous répondions en disant: "Non, cette personne n'est pas

19 présente dans l'autocar". Et pour finir, il a lancé des injures et il a

20 dit: "Mais comment se fait-il que ces personnes-là ne soient pas dans

21 l'autocar?". Et il nous a dit: "Mais qui êtes-vous?". Nous avons dit que

22 nous venions de Bosanski Petrovac et il a répondu: "C'est la raison pour

23 laquelle les personnes que je cherche ne sont pas présentes dans cet

24 autobus.". Et les policiers qui étaient censés assurer le garde n'ont pas

25 fait leur travail puisqu'ils ont laissé ces personnes monter dans

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1 l'autocar et les ont autorisées à nous maltraiter de façon différente. Ils

2 nous ont menacés, ils ont donc parcouru l'autobus en long et en large, ils

3 ont pris nos cigarettes, nos briquets; c'est tout ce qu'ils pouvaient

4 prendre du reste. Et ensuite, ils sont descendus de l'autocar.

5 Par la suite, une des personnes qui était dans l'autocar et qui était

6 assise devant, à côté de moi, de l'autre côté du couloir, a demandé au

7 conducteur Mitar Jevic: "Comment se fait-il que le policier a autorisé ces

8 personnes à monter dans l'autocar et à agir ainsi?" Et la réponse qu'il

9 nous a donnée était la suivante: "Est-ce que vous pensez vraiment que nous

10 allions risquer notre vie pour vous? Si ces gens-là souhaitaient prendre

11 quelqu'un ou emmener quelqu'un, cette personne n'aurait pas eu la vie

12 sauve." Nous avons dit que nous avions eu de la chance de ne pas avoir été

13 blessés.

14 Question: Et pour finir, on vous a ramenés à Petrovac ce jour-là et vous

15 n'avez absolument pas accompli cette obligation de travail ce jour-là?

16 Réponse: Je pense qu'ils ne savaient pas pourquoi nous avions été emmenés

17 à cet endroit-là. Et par la suite, toutes sortes d'histoires ou de récits

18 circulaient.

19 Question: Pardonnez-moi si je vous interromps, mais vous parlez de toutes

20 sortes d'histoires. La question que je vous pose: est-ce que vous avez

21 travaillé ce jour-là ou êtes-vous entrés à Petrovac?

22 Réponse: Nous avons été reconduits à Bosanski Petrovac, mais nous n'étions

23 pas censés y arriver avant 19 heures. C'est la raison pour laquelle sur le

24 chemin du retour, lorsque nous avons quitté cette route et emprunté celle

25 de Krnjevsa, nous sommes descendus et nous avons dû marcher sur 20

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1 kilomètres environ, car nous n'étions pas censés arriver à Petrovac avant

2 19 heures.

3 Question: C'est le seul jour où on vous a demandé d'accomplir votre

4 obligation de travail?

5 Réponse: Oui, c'était le seul jour où l'on m'a demandé de faire cela. Il y

6 avait beaucoup de rumeurs qui circulaient là-dessus et jusqu'au jour où

7 j'ai été expulsé de Bosanski Petrovac, on ne m'a jamais demandé de remplir

8 mon obligation de travail. Mais d'autres ont dû s'acquitter de leurs

9 tâches telles que je les ai décrites un peu plus tôt.

10 Question: Bien, avant que je ne traite de la question des expulsions, vous

11 personnellement avez-vous jamais été détenu dans un camp de détention?

12 Réponse: Non.

13 Question: Comment décririez-vous la ville de Bosanski Petrovac au cours de

14 cette période, en particulier entre les mois de juillet et de septembre

15 1992?

16 Réponse: Il y a peu de temps, vous m'avez posé la question, vous m'avez

17 demandé si j'avais été détenu dans un camp. Je vous ai dit que non, mais

18 je pense que Bosanski Petrovac et les Musulmans dans cette ville, entre le

19 mois de juillet et le moment où ils ont été expulsés au mois de septembre,

20 étaient quasiment dans un camp car un certain nombre de restrictions leur

21 avaient été imposées.

22 Question: Très bien. Je souhaite que vous regardiez la pièce P1841, s'il

23 vous plaît. Il s'agit ici d'un document que vous nous avez fourni.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Pourriez-vous regarder la première page, s'il vous plaît? Est-ce votre

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1 écriture, est-ce bien votre écriture? C'est vous qui avez souligné

2 certains éléments et précisé qu'il s'agit du procès-verbal de la cellule

3 de crise qui a organisé sa réunion le 1er juillet?

4 Au point n°1: "Situation concernant l'état de la sécurité dans la

5 municipalité de Petrovac". Il est indiqué qu'il s'agit ici d'une situation

6 délicate eu égard au sentiment de mécontentement exprimé par les Musulmans

7 et à la lumière des différents événements qui se sont produits au front,

8 et il serait indiqué, préférable, de déplacer la population dans le but de

9 protéger les Musulmans, étant donné que le territoire de la municipalité

10 est assez important.

11 Y a-t-il eu des expulsions en tant que telles par opposition aux personnes

12 qui ont quitté cette municipalité entre juillet et août?

13 Réponse: Non.

14 Question: Merci beaucoup. Pourrions-nous maintenant nous tourner vers la

15 pièce P1843?

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Il s'agit ici d'une décision prise par l'assemblée municipale, la

18 commission portant ici sur le déplacement et la réunion de jeudi s'est

19 concentrée, portait sur la décision de mise en place d'une telle

20 commission qui précisait que les Musulmans pouvaient quitter la région de

21 façon volontaire sous certaines conditions; à savoir s'ils signent un

22 contrat d'échange de biens immobiliers et s'ils signent une déclaration

23 portant sur les biens immobiliers en remettant ces biens immobiliers à

24 l'Etat. Bien, alors, ensuite elle précise les différents éléments et les

25 détails de ces contrats.

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1 Aviez-vous connaissance de ce genre de déclaration et aviez-vous dû signer

2 une telle déclaration?

3 Réponse: Oui, bien sûr j'avais connaissance d'une telle déclaration parce

4 que pour ce qui est des échanges, ces échanges avaient déjà été évoqués

5 par le Forum des citoyens. Ils souhaitaient que quelqu'un se rende au

6 cadastre de la municipalité afin d'y vérifier les plans d'occupation des

7 sols. Et entre-temps, ils étaient en contact avec les représentants du

8 peuple serbe qui se situaient sur le territoire de Bosanski, la

9 municipalité de Bosanski Petrovac; et avant qu'ils ne viennent s'installer

10 à Bihac, en d'autres termes, avant qu'ils ne viennent s'installer dans la

11 région de Bihac et de Bosanski Petrovac.

12 Il s'agit ici d'un contrat portant sur l'échange de biens mobiliers et

13 d'échanges entre Bosanski Petrovac et Bihac. Et avant de pouvoir quitter

14 ces lieux, ces personnes devaient honorer toutes leurs factures, régler

15 leurs factures d'électricité, etc., et régler tous leurs impôts. Une fois

16 que vous receviez un papier indiquant que vous vous étiez acquitté de tous

17 ces paiements, vous deviez vous rendre au poste de police, dans le bureau

18 de l'administration de la police, et à ce moment-là vous deviez signer un

19 document en vertu duquel vous renonciez à tous vos biens en quittant

20 Bosanski Petrovac. A partir de ce moment-là, vous n'étiez plus citoyen de

21 la ville dans laquelle vous viviez, dans laquelle vous étiez né.

22 Ceci était une pratique très répandue et les personnes concernées

23 estimaient qu'il s'agissait de quelque chose de tout à fait normal et que

24 les choses devaient se passer ainsi. Bon nombre de Bosniens, bon nombre de

25 Musulmans ont commencé à chercher des partenaires avec lesquels ils

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1 pouvaient signer de tels contrats. Néanmoins de tels contrats n'ont jamais

2 été appliqués.

3 Question: Pardonnez-moi si je vous interromps, mais je vous demande de

4 répondre simplement à la question que je vous pose. Et si j'ai besoin

5 d'informations plus détaillées ou si la Chambre requiert davantage

6 d'informations, je vous poserai d'autres questions.

7 La question très simple que je vous pose est: avez-vous dû signer une

8 telle déclaration portant sur le renoncement de vos biens et la remise de

9 vos biens à l'Etat?

10 Réponse: Non, je n'ai jamais signé une telle déclaration et je n'ai jamais

11 remis tous mes biens à l'Etat, mais j'ai dû me rendre au poste de police

12 et j'ai dû prendre un document qui m'autorisait à quitter la région.

13 Question: Très bien. Pourriez-vous regarder un deuxième document, s'il

14 vous plaît? Il s'agit de la pièce P1844.

15 (Intervention de l'huissier.)

16 Il s'agit ici d'une décision prise le 3 août, décision prise par ces

17 commissaires. Et si vous regardez sous la rubrique "décision", vous verrez

18 qu'il y a le paragraphe qui précède la mention AD3. Il est précisé qui est

19 autorisé à quitter la municipalité de Petrovac. La condition sera la

20 suivante: "Ils peuvent échanger leurs biens immobiliers ou les remettre à

21 l'Etat". Par conséquent il y avait deux méthodes: soit vous pouviez

22 échanger vos biens immobiliers, soit vous pouviez les remettre à l'Etat.

23 Autrement dit, ceux qui ont souhaité échanger leurs biens, ces biens ont-

24 ils été échangés avec des Serbes qui se trouvaient à Bihac et qui

25 souhaitaient venir s'installer à Petrovac?

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1 Réponse: Non. Les Serbes de Bihac étaient déjà à Bosanski Petrovac.

2 Autrement dit, avant le début du conflit, ils étaient venus s'installer

3 entre Bihac et Bosanski Petrovac. Autrement dit, ils étaient déjà venus à

4 Bosanski Petrovac, non pas en tant que réfugiés, mais à la demande du SDS.

5 Ils ont quitté leur maison et sont venus s'installer dans la municipalité

6 de Bosanski Petrovac et toutes les discussions portaient là-dessus,

7 autrement dit portaient sur les échanges.

8 Question: Si un échange avait été organisé par un Musulman à Petrovac,

9 avec qui ce Musulman aurait-il organisé ce type de transactions?

10 Réponse: Un Serbe de Bihac qui se trouvait déjà sur le territoire de la

11 municipalité de Bosanski Petrovac.

12 Question: Ces échanges en ce qui concernait les Musulmans étaient-ils

13 satisfaisants? Autrement dit les Musulmans pouvaient-ils se rendre à Bihac

14 et pouvaient-ils s'installer dans une maison serbe?

15 Réponse: Bien sûr. En tout cas, pour ce qui est du mois de juillet, il

16 était devenu impossible de quitter la région à cause de la guerre. Mais

17 pour ce qui est des listes et pour ce qui est de ces différents contrats,

18 le départ des Musulmans de Bosanski Petrovac en direction de Bihac avait

19 été organisé. Ils pouvaient se rendre dans les régions où les Serbes

20 avaient été propriétaires, et ce, avant le début du conflit.

21 Question: Autrement dit, est-ce que vous dites que sur papier il y avait

22 cet échange, mais que dans la réalité des faits, les Musulmans n'ont

23 jamais réussi à se rendre à Bihac?

24 Réponse: Oui, tout à fait. Il s'agissait simplement d'activités

25 "consignées noir sur blanc", si je puis dire.

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1 Question: Pouvez-vous regarder rapidement, s'il vous plaît, la pièce 1846?

2 Il s'agit ici de deux documents semblables à ceux que nous venons

3 d'évoquer.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 Le premier document porte sur une famille qui s'appelle Hodzic qui allait

6 déménager. Ensuite, le deuxième, il s'agit encore de Hodzic, il s'agit de

7 déclarer qu'ils sont propriétaires et qu'ils le cèdent de façon permanente

8 à l'assemblée serbe de Petrovac, etc.

9 Connaissez-vous cette famille personnellement?

10 Réponse: Oui, bien sûr, je connais cette famille. Ils viennent de Bjelaj.

11 Autrement dit, une région qui se situe à 25 kilomètres de Bosanski

12 Petrovac. C'étaient les Musulmans, plutôt les citoyens bosniens sont

13 restés dans cette région jusqu'au mois de janvier environ. Ce document est

14 daté du 10 juillet. Par conséquent, il s'agit de la date qui se situe

15 après l'expulsion des Musulmans de Bosanski Petrovac. Autrement dit, le

16 groupe de Musulmans est resté à Bjelaj jusqu'à l'année suivante, le 13

17 janvier.

18 Question: Autrement dit, ce document est daté du 10 août 1992, il s'agit

19 donc d'événements qui se sont produits avant?

20 Réponse: Pardonnez-moi, oui ce document est bien daté du 10 août. C'est à

21 ce moment-là qu'il y avait des pourparlers et que ces contrats ont été

22 rédigés.

23 Question: Pourriez-vous regarder s'il vous plaît le document suivant 1848?

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Ce document vient de l'Agence de nouvelles yougoslave, et c'est de M.

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1 Dosen, cet homme que, je crois, vous avez dit que vous connaissez, n'est-

2 ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: M. Dosen. Il dit que: "Le 13 septembre, le départ en masse de

5 Musulmans de la région de Bosanski Petrovac se poursuit, une colonne de

6 sept autocars avec une escorte spéciale a quitté le village de Biscani en

7 direction de Travnik, selon les renseignements reçus du bureau de Petrovac

8 chargé des échanges de population et de biens. Au cours des trois derniers

9 jours, plus de 900 hommes, femmes et enfants d'origine ethnique musulmane

10 ont quitté la région de Petrovac en direction de Bihac et de Travnik.".

11 (Fin de citation.)

12 C'est une description de ce convoi dans le document du Comité des

13 expatriés, qui explique comment en fait ce convoi a été obligé de

14 rebrousser chemin. Si vous voulez bien regarder le document 1849, le

15 document suivant.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 On y trouve la description du SJB de Petrovac. C'est le rapport de Banja

18 Luka, le CJB qui est adressé en fait au chef.

19 Vous avez lu ces deux documents. Est-ce que ces descriptions qui sont

20 contenues dans ces documents, plus particulièrement celui-ci, le 1849,

21 est-ce que c'est une description assez exacte? Je ne veux pas évidemment

22 le passer en revue, Monsieur Hidic, donc s'il vous plaît répondez par oui

23 ou par non.

24 Réponse: Je ne crois pas que ce qui est écrit ici soit tout à fait exact.

25 Il y a certaines affirmations qui sont exactes, mais pour l'ensemble ce

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1 n'est pas exact, tout n'est pas exact, en particulier en ce qui concerne

2 Karanovac lorsque ces autocars ont été ratés.

3 Question: Brièvement, et je veux vraiment dire brièvement Monsieur Hidic,

4 pourriez-vous nous dire ce qui à votre avis est inexact? Tout d'abord,

5 pourriez-vous nous dire comment vous le savez? Est-ce que vous connaissiez

6 des gens qui faisaient partie de ces convois?

7 Réponse: Bien sûr, j'ai appris de ces personnes qui se trouvaient dans le

8 second convoi, si je puis m'exprimer, qu'avant cela deux autocars étaient

9 partis en passant par Vlasic jusqu'à Travnik. Le deuxième était plus

10 grand, donc il y avait un nombre plus important de personnes. Toutefois à

11 cause des opérations de guerre qui étaient en cours dans ces journées au

12 plateau de Vlasic, il n'était pas possible de passer par Karanovac. C'est

13 quelque part au carrefour de la route entre Jajce-Banja Luka, vers Skender

14 Vakuf.

15 Question: Veuillez regarder s'il vous plaît le rapport, vous arrêter là et

16 nous dire ce qui, selon vous, est inexact pour ce qui est des personnes

17 qui étaient emmenées et qui se trouvaient là?

18 Réponse: Il y a simplement une description ici du fait que les policiers

19 qui protégeaient ces gens sur les autocars… On ne dit nulle part comment

20 ces personnes ont été réunies, comment on les a intimidées au cours de la

21 nuit lorsqu'elles se trouvaient à Karanovac. Ceci a été leur sort, non

22 seulement du fait de soldats serbes mais aussi d'une partie de la

23 population locale. La vérité est aussi que ce policier Vibic (phon) dont

24 il est question ici a vraiment accordé une pleine protection en ce sens,

25 et ça je peux l'affirmer. Il a vraiment protégé ces personnes de

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1 l'autocar.

2 Mais lorsque Radojko est venu, la situation est devenue beaucoup plus

3 compliquée, et si je puis dire, les choses sont devenues plus difficiles

4 pour les personnes qui se trouvaient dans des autocars. Et lorsqu'il est

5 parti, il a été possible de permettre à ces personnes de retourner à

6 Bosanski Petrovac pendant la nuit, pendant le couvre-feu. Ils sont arrivés

7 à Bosanski Petrovac et c'est là où ils se trouvaient lorsque le jour s'est

8 levé. Bien entendu, cette nouvelle s'est diffusée comme toutes les bonnes

9 nouvelles.

10 Alors en ce qui concerne l'ensemble du récit, ce qui leur est arrivé ce

11 jour-là à Karanovac, il a juste un détail selon lequel on aurait jeté des

12 grenades à main dans cet autocar et qui roulaient à l'intérieur du car où

13 il y avait essentiellement des femmes et des enfants. C'est l'un de ces

14 détails qui montre de quelle manière ces personnes ont été maltraitées

15 alors qu'elles se trouvaient dans l'autocar.

16 Question: Pouvez-vous… Radojko est un nom que nous avons déjà vu dans les

17 comptes rendus des séances des cellules de crise? Quelles étaient ses

18 fonctions?

19 Réponse: Il était le secrétaire du conseil exécutif; c'est une autorité

20 municipale, et bien entendu il était membre du conseil exécutif du SDS de

21 Bosanski Petrovac. Pour autant que je sache, il était né à Bosanski

22 Petrovac ou quelque part dans les environs, mais avant cela, jusqu'en

23 1991, il vivait en Croatie, à Zagreb. Il avait obtenu un diplôme en droit

24 et c'est là qu'il avait son activité, qu'il travaillait.

25 Question: Bien, ne vous occupez pas de cela. Je voulais simplement savoir

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1 quelles étaient ses fonctions, je n'ai pas besoin de connaître ses

2 antécédents. Je vous remercie.

3 Maintenant pourrions-nous passer à votre propre expulsion. Quand celle-ci

4 a-t-elle eu lieu?

5 Réponse: La réponse précise est le 24 septembre 1992. Nous avons dû

6 quitter la municipalité de Bosanski Petrovac. Bien sûr ceci avait été

7 précédé par des événements tout à fait tragiques, tout à fait tragiques de

8 mon point de vue, qui s'étaient produits le 20 septembre, un dimanche.

9 Appelons ça "le dimanche noir" pour les Musulmans et les Bosniens de

10 Bosanski Petrovac. Parce que ce jour-là, dans la soirée, on a reçu la

11 nouvelle qu'aux lignes de front, 17 soldats serbes avaient été tués, qu'on

12 les avait amenés devant le centre sanitaire et qu'à ce moment-là une

13 alarme avait retenti et que ceux qui étaient libres à ce moment-là, les

14 soldats et les paramilitaires, étaient libres de faire tout ce qu'ils

15 voulaient: ils avaient toute liberté de faire ce qu'ils voulaient dans la

16 municipalité et notamment contre les Musulmans. Alors, ils se sont divisés

17 en troïka, en groupe de trois, et une panique générale s'est emparée de la

18 population qui a commencé à s'enfuir.

19 Question: Excusez-moi, nous avons besoin de clarifier les choses. Là, vous

20 dites que 17 Serbes ont été tués au front. Est-ce que ceci était dans la

21 municipalité de Petrovac?

22 Réponse: Bien entendu, c'était à l'endroit où se trouvait le front, à

23 l'endroit où se trouvait la ligne de front, parce que ce jour-là ces

24 personnes ont été envoyées…

25 Question: Veuillez vous arrêter, s'il vous plaît. Je voudrais vous poser

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1 une série de questions, s'il vous plaît. Premièrement, vous dites -si vous

2 voulez bien répondre à ces questions- que la ligne de front était dans la

3 municipalité de Petrovac. Où est-ce qu'elle se trouvait cette ligne, dans

4 la municipalité?

5 Réponse: Non, bien sûr ce n'était pas dans la municipalité de Petrovac,

6 c'était assez loin de la zone urbaine, peut-être à quelque 40 kilomètres

7 de là. C'est à Grmec, le plateau de Grabez dans le secteur entre Ripac et

8 Pritoka où la ligne de séparation se trouvait, donc c'était tout à fait

9 éloigné du centre de la municipalité de Bosanski Petrovac.

10 Question: Ensuite, vous avez dit que les 17 soldats serbes ont été tués,

11 mais tués par qui?

12 Réponse: Je crois qu'ils ont été tués par des saboteurs qui ont réussi à

13 s'infiltrer au-delà de la ligne de séparation, c'est-à-dire au-delà de

14 l'armée bosniaque.

15 Question: Alors, c'étaient donc des non-Serbes? Est-ce cela?

16 Réponse: Oui, oui, c'était des membres de l'armée bosniaque, oui.

17 Question: Alors, qui a été amené devant le centre sanitaire? Quel centre

18 sanitaire?

19 Réponse: Bien sûr, il s'agit du centre sanitaire de Bosanski Petrovac et

20 c'étaient des soldats serbes qui avaient été envoyés au front ce matin-là.

21 Question: Ils sont donc arrivés devant le centre sanitaire de Bosanski

22 Petrovac. Vous dites qu'ensuite ils se sont partagés en troïka, en groupe

23 de trois. Vous voulez dire en groupe de trois?

24 Réponse: Oui, oui.

25 Question: Et alors ensuite, vous dites que… Ce qui est inscrit au compte

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1 rendu de l'écran n'est pas exact. Il y a le mot "chiropracteur" qui ne

2 convient pas. Ensuite, vous dites qu'une panique générale s'est emparée

3 des gens et qu'est-ce que ces groupes de trois personnes ont commencé à

4 faire?

5 Réponse: Eh bien, bien sûr il y avait des gens qui couraient dans tous les

6 sens, il y avait des tirs d'armes à feu, il y avait des meurtres. Et je

7 crois que pendant ces deux jours, il y a eu davantage de meurtres commis

8 pendant ces deux jours et pendant ces deux nuits que pendant les trois

9 mois qui précédaient.

10 En fait, à partir du moment où la situation de guerre a commencé, si je

11 puis dire les choses comme cela, dans le territoire de la municipalité de

12 Bosanski Samac, le même jour, c'est-à-dire entre les 20 et 21, de

13 nombreuses personnes ont été tuées. Egalement le jour suivant, un très

14 grand nombre de personnes a été tué, pas seulement dans la ville de

15 Bosanski Samac, au centre-ville, mais aussi dans les villages où vivaient

16 des Bosniens. Nous avons parlé de Rasinovac et Bjelaj. Ce nombre a de

17 beaucoup dépassé le nombre de victimes au cours de la période

18 d'intimidation, c'est-à-dire la période de guerre qui va du mois de juin

19 jusqu'au mois de septembre.

20 Question: Comment se fait-il… Disons que la majorité de Musulmans qui, à

21 ce moment-là, ont quitté la municipalité, le 24 septembre, est-ce leur

22 choix ou est-ce qu'ils obéissaient à des ordres?

23 Réponse: Non, non, il n'y avait absolument aucun choix. Les Musulmans

24 n'avaient aucun choix, ils n'avaient pas le choix, mais je crois qu'en

25 l'occurrence, ils ne voulaient plus attendre ce type d'ordres. Il émanait

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1 de la police, de la police militaire, qui avait utilisé un haut-parleur,

2 qui l'utilisait à partir d'un véhicule qui circulait dans les rues où

3 vivaient des Bosniens, et on entendait que tous les Bosniens pouvaient

4 emporter tout ce qu'ils pouvaient porter et que leurs effets personnels

5 pourraient être emportés, qu'ils devraient se réunir au poste d'essence

6 près de l'hôtel et qu'ils seraient ensuite transférés à Travnik, en Bosnie

7 centrale.

8 C'est exactement ce qui s'est passé. Une longue colonne de Musulmans, de

9 Musulmans bosniaques de Bosanski Petrovac, est arrivée sur le plateau à ce

10 moment-là. Il y avait déjà des camions qui attendaient, des remorques et

11 aussi un petit nombre d'autocars, je ne sais plus exactement quel en était

12 le nombre, mais tout était prêt pour transférer et transporter ces

13 Musulmans. Bien entendu, chacun devait payer pour son billet, là aussi, et

14 ces billets étaient d'un prix qui s'élevait à 50 deutschemarks. Je crois

15 que près de 99% des Bosniens de Bosanski Petrovac ont quitté ce jour-là

16 Bosanski Petrovac ou plutôt ont été expulsés de Bosanski Petrovac ce jour-

17 là

18 Question: Et quel est l'itinéraire qui a été suivi pour vous emmener à

19 Travnik?

20 Réponse: Eh bien, c'était suivant la route entre Bosanski Petrovac et

21 Kljuc, puis Mrkonjic Grad en direction de Ker (phon), à partir de la route

22 conduisant à Banja Luka, Karinovac. Puis, il y avait le carrefour ou

23 plutôt il y avait un pont à passer, le pont Vrbac, dans la direction de

24 Skender Vakuf. Et bien entendu, au-delà du plateau de Vlasic, quelque part

25 jusqu'à la ligne dont j'ai parlé en disant que c'était la ligne de

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1 séparation.

2 Toutefois, j'ai remarqué que la ligne de séparation était située beaucoup

3 plus bas par rapport aux Bosniens qui devaient se trouver à cette

4 position. Donc on les a fait descendre des camions, on leur a dit de

5 s'éloigner, de ne regarder nulle part et d'aller dans telle direction, de

6 ne pas quitter cette route parce qu'il y avait des collines et des

7 montagnes de part et d'autre. Ils sont donc partis dans la direction de

8 Turbe, et je ne sais plus quel est l'autre nom… Ah oui! Travnik.

9 Question: Donc pendant la dernière partie de votre trajet, vous étiez dans

10 les autocars ou est-ce que vous avez dû marcher?

11 Réponse: Pendant ce dernier tronçon, qui équivaut à peu près à 20

12 kilomètres, nous avons dû faire le trajet à pied et nous n'avions aucun

13 moyen de transport.

14 Question: Avant qu'on vous envoie pour terminer votre trajet à pied, dans

15 l'autocar dans lequel vous vous trouviez, est-ce que vous avez été

16 fouillé, est-ce que quelqu'un a été fouillé, est-ce que les Serbes vous

17 ont pris quelque chose?

18 Réponse: Bien sûr. Moi je n'étais pas dans l'autocar, j'étais dans un

19 camion qui avait une remorque; l'ensemble de ma famille se trouvait là

20 aussi. Personnellement, je n'ai pas eu cette expérience parce que nous

21 avons -si je puis ainsi m'exprimer- eu de la malchance en chemin, nous

22 avons été arrêtés deux ou trois fois, et peut-être que nous avons perdu

23 deux ou trois heures à cause de cela: notamment les freins sont tombés en

24 panne pour ce camion.

25 Nous sommes arrivés à la ligne où nous étions censés être amenés et où

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1 nous étions censés descendre, et nous étions parmi les derniers. Il était

2 approximativement minuit. Toutefois ceux qui sont arrivés pendant la

3 journée ont effectivement été exposés à des coups, à des attaques. On leur

4 a pris leurs objets de valeur: montres, bijoux, anneaux, bagues, chaînes,

5 etc. Bien entendu, ils étaient là sous la menace d'armes à feu, notamment

6 qui étaient pointées vers leurs enfants. C'est la façon dont on leur a

7 extorqué ces objets de valeur, aussi bien de l'argent que des bijoux

8 notamment.

9 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder la pièce P1861?

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Ceci est une liste apparemment de personnes qui ont vendu des propriétés

12 dans la municipalité de Petrovac.

13 Est-ce que vous connaissez certains noms? Est-ce que vous pouvez montrer

14 pour la première page quelles sont les personnes que vous connaissiez sur

15 cette première page?

16 Réponse: Je connaissais pratiquement toutes ces personnes. Nous sommes une

17 petite ville, nous nous connaissons tous en fait. Un très grand nombre

18 d'entre nous sont même parents ou alliés.

19 Question: Est-ce que les personnes que vous connaissez, est-ce que

20 certaines de ces personnes ont vendu leurs propriétés, leurs biens?

21 Réponse: Personne n'a vendu ses biens ou ses propriétés. Il s'agit de ce

22 dont nous avons parlé tout à l'heure: ces contrats et l'établissement de

23 listes des personnes qui étaient censées passer par cet échange de

24 propriétés dans le secteur de Bihac. Si vous me le permettez, ces

25 personnes avaient vraiment des contrats qui ont été signés, des contrats

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1 avec des représentants de peuple serbe de la région de Bihac.

2 Question: Est-ce que l'une quelconque de ces personnes est arrivée à

3 Bihac?

4 Réponse: Seulement les personnes qui étaient parties de Bosanski Petrovac

5 pour aller à Bihac avant le 27 mai, et bien sûr un groupe qui est passé

6 avec l'aide de la Croix-Rouge internationale. Ce groupe représentait

7 environ 30 à 40 passagers qui se sont rendus sur le territoire de Bihac de

8 façon que leurs familles puissent être réunies.

9 Question: Alors après ce convoi qui a eu lieu le 24 septembre, en gros

10 combien de Musulmans restaient à Bosanski Petrovac?

11 Réponse: Je crois que le chiffre se situe entre 60 ou 70 Musulmans ou

12 plutôt Bosniens qui soit avaient quelque chose à voir avec l'armée serbe

13 -je veux dire par là qu'ils étaient mobilisés- soit il s'agissait de

14 personnes âgées qui ne pouvaient pas partir ou qui avaient des membres de

15 leur famille dans le secteur de Banja Luka, des personnes qui vivaient à

16 l'époque à Banja Luka. Ils pensaient donc que de cette manière ils

17 pourraient atteindre Banja Luka. Un certain nombre d'entre eux ont en fait

18 réussi à le faire.

19 Question: Maintenant regardant ces documents, vous avez vu que tout au

20 long du mois d'octobre, au mois d'octobre, la cellule de crise de la

21 municipalité rendait compte et s'occupait de prendre les décisions

22 relatives aux Musulmans de la municipalité.

23 Monsieur le Président et Madame la Juge, les pièces 1853, 1854 et 1855

24 sont toutes datées du 8 octobre et, en fait, chacune répète effectivement

25 les ordres antérieurs.

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1 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez connaissance de Musulmans qui, à

2 ce stade-là, avaient encore des résidences secondaires, des pavillons dans

3 le secteur de Ostrelj?

4 Réponse: Non. Je crois que j'ai déjà répondu à cette question. Il n'y

5 avait pas de Bosniens là, ils ne résidaient pas là. Ils étaient encore

6 propriétaires de maisons ou de pavillons, là, mais ils ne s'y rendaient

7 pas, ils n'y allaient pas.

8 Question: Si vous voulez bien regarder la pièce 1857 qui se trouve

9 derrière l'onglet 52, vous verrez qu'il y a là la décision initiale du 18

10 juin, mais qui semble avoir été émise à nouveau le 28 octobre. Et toutes

11 celles qui précèdent sont toutes du même jour, le 28 octobre, et, en fait,

12 elles sont effectivement mot pour mot le même texte, elles reprennent mot

13 pour mot le même texte. Et pas comme pour les décisions antérieures, il y

14 a la pièce 1859: "Le poste de sécurité publique de Petrovac reçoit, par

15 les présentes instructions, l'ordre d'accroître le nombre de patrouilles

16 dans le secteur dans lequel un grand nombre de Musulmans habitent et plus

17 particulièrement..."

18 Excusez-moi, peut-être que, Monsieur Hidic, vous avez cela? Vous avez la

19 pièce 1859? Je vous demande si, à partir du 28 octobre, il restait des

20 Musulmans dans la commune de Bjelaj?

21 M. Hidic (interprétation): Oui, il en restait quelques-uns dans la commune

22 locale de Bjelaj.

23 Mme Korner (interprétation): Bien. Monsieur Hidic, je vous remercie

24 beaucoup de votre patience. C'est là toutes les questions que je voulais

25 poser.

Page 16292

1 M. le Président (interprétation): Merci, Madame Korner.

2 Monsieur Hidic, vous vous rappelez que quand vous avez commencé votre

3 déposition ici, la semaine dernière, je vous avais expliqué un point

4 auquel j'attache beaucoup d'importance, à savoir que vous êtes ici en

5 qualité de témoin et vous avez le devoir, la responsabilité et

6 l'obligation de répondre de façon aussi complète et aussi véridique à

7 chaque question qui vous est posée, quelle que soit l'identité de la

8 personne qui vous pose la question.

9 Autrement dit, maintenant on va commencer votre contre-interrogatoire par

10 Me Cunningham, qui est le conseil qui défend M. Brdjanin. Et cette

11 obligation que je viens de mentionner, dont je viens vous de parler à

12 l'instant, s'applique exactement de la même façon aux questions qui vont

13 vous être posées maintenant: vous n'avez pas le droit de faire la moindre

14 distinction entre l'accusation et la défense. Votre devoir est de répondre

15 à chacune des questions qui vous sera posée par Me Cunningham.

16 Vous serez protégé si des questions inappropriées vous sont posées et il

17 vous sera permis de ne pas répondre à certaines questions, mais ceci

18 seulement si la Chambre vous le dit. Sinon, vous êtes prié de répondre à

19 chacune des questions qui vous sont posées.

20 Maître Cunningham, c'est à vous de commencer le contre-interrogatoire.

21 M. Cunningham (interprétation): Avec votre permission, Monsieur le

22 Président, Madame la Juge, puis-je, s'il vous plaît, venir à ce micro?

23 M. le Président (interprétation): Oui, certainement. Assurez-vous bien que

24 le système des micros et des écouteurs fonctionne bien.

25 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ahmet Hidic, par Me Cunningham.)

Page 16293

1 M. Cunningham (interprétation): Puis-je commencer?

2 M. le Président (interprétation): Allez-y.

3 M. Cunningham (interprétation): Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que

4 vous aviez un lien de parenté avec Mehmet Hidic qui est actuellement maire

5 de Bosanski Petrovac. Est-ce bien le cas?

6 M. Hidic (interprétation): Mirsad Hidic?

7 Question: "Mitid", peut-être ma prononciation laisse-t-elle à désirer. Je

8 m'en excuse par avance?

9 M. Hidic (interprétation): Mitad Hidic est quelqu'un avec qui j'ai un lien

10 de parenté, mais il ne s'agit pas d'un parent proche. Et si vous me le

11 permettez, je souhaiterais ajouter qu'au jour d'aujourd'hui, il n'est plus

12 maire. Il a été maire entre 1995 et 1997, pendant la période de

13 transition.

14 M. Cunningham (interprétation): Vous avez des activités au sein du parti

15 local, n'est-ce pas?

16 M. le Président (interprétation): Il convient de préciser de quel parti il

17 s'agit car il existe plus d'un seul parti.

18 M. Cunningham (interprétation): Tout à fait. Au sein de quel parti êtes-

19 vous actif?

20 M. Hidic (interprétation): Le Parti de l'action démocratique ou SDA.

21 Question: Au sein du SDA, quelle position occupez-vous?

22 Réponse: Actuellement je suis président du conseil exécutif du SDA à

23 Bosanski Petrovac.

24 M. Cunningham (interprétation): Et pouvez-vous nous dire, en quelques

25 mots, ce que cela signifie? Quelles sont vos responsabilités à ce titre?

Page 16294

1 M. Hidic (interprétation): Je ne sais pas. Est-ce que vous pourriez

2 préciser votre question? Qu'entendez-vous exactement par là?

3 M. le Président (interprétation): Quelles sont vos responsabilités en tant

4 que président du conseil exécutif du SDA à Bosanski Petrovac?

5 M. Hidic (interprétation): Eh bien, je suis président du conseil exécutif

6 et président de l'organisation municipale du territoire de la municipalité

7 de Bosanski Petrovac.

8 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que cela veut dire

9 "organisation municipale"?

10 M. Hidic (interprétation): Cela signifie...

11 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il s'agit d'un conseil local,

12 d'une… Il y a peut-être un petit problème de traduction, là nous ne

13 comprenons pas très bien ce que vous voulez dire, c'est trop général.

14 Est-ce que vous faites allusion au conseil local?

15 M. Hidic (interprétation): Le conseil exécutif est une structure, un

16 organe exécutif qui se trouve au-dessus de l'organisation municipale, et

17 cet organe est constitué de citoyens de Bosanski Petrovac qui en sont tous

18 membres à titre volontaire.

19 M. Cunningham (interprétation): Dans les documents communiqués par

20 l'accusation, figurent un certain nombre de déclarations. Vous avez eu la

21 possibilité de lire les déclarations que vous avez faites aux enquêteurs

22 du Tribunal, n'est-ce pas?

23 M. Hidic (interprétation): Oui.

24 Question: Nous avons une déclaration du 3 novembre 1999. Est-ce que c'est

25 bien le cas, votre première déclaration?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Nous avons d'autre part une deuxième déclaration en date du 16

3 juillet 2000, vous en souvenez-vous?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Pouvez-vous m'expliquer dans quelle circonstance vous avez donné

6 cette deuxième déclaration du 16 juillet 2000? Je vais essayer de préciser

7 ma question: est-ce que vous-même vous avez pris contact avec des

8 représentants du Bureau du Procureur ou bien est-ce que ce sont eux qui

9 sont venus vous voir?

10 Réponse: Je crois que ce sont eux qui sont venus à Bosanski Petrovac. Ils

11 m'ont cherché et j'ai répondu à leur demande. Enfin je ne sais pas si

12 c'est là votre question, quand vous me demandez comment j'en suis venu à

13 les rencontrer, ces représentants de l'accusation.

14 Question: Et quand ils sont venus dans votre ville, quand ils vous ont

15 cherché, que vous ont-ils demandé de faire?

16 Réponse: Je ne m'en souviens pas avec précision, mais je sais qu'ils m'ont

17 posé des questions, que j'ai répondu à ces questions.

18 Question: Est-ce qu'ils vous ont dit qu'ils avaient besoin d'informations

19 supplémentaires par rapport à votre déclaration précédente? Est-ce qu'ils

20 vous ont dit quoi que ce soit dans ce sens?

21 Réponse: Je ne m'en souviens pas mais je crois qu'effectivement ils ont

22 posé des questions de ce type.

23 Question: D'autre part, j'ai reçu votre déclaration du 30 juillet 2003, où

24 vous avez apporté des précisions à vos déclarations précédentes. Vous en

25 souvenez-vous?

Page 16296

1 Non, je m'excuse, il s'agit de 2001 bien sûr. Vous avez apporté des

2 précisions le 30 juillet 2001 à votre première déclaration. Vous en

3 souvenez-vous?

4 Réponse: Je crois qu'on s'est rencontré une fois, je ne sais pas si

5 c'était en 2001, mais en tout cas au cours de cette réunion on m'a

6 présenté ces documents et j'ai apporté un certain nombre de corrections

7 relatives aux questions qu'on m'avait déjà posées la fois précédente. Je

8 ne sais pas si les erreurs étaient de mon fait ou étaient du fait de la

9 transcription de mes propos, mais en tout cas il s'agissait de corrections

10 mineures qui portaient sur les noms de certaines personnes.

11 Question: Ensuite, on vous a fait venir à La Haye, vous avez rencontré les

12 Procureurs avant de déposer, n'est-ce pas?

13 M. Hidic (interprétation): Oui, oui.

14 M. Cunningham (interprétation): Et à cette occasion, on a produit une

15 autre déclaration qui nous a été communiquée. Vous en souvenez-vous, une

16 déclaration assez brève?

17 Mme Korner (interprétation): En fait, cela n'est pas exact. Cette

18 déclaration a été réalisée avant que je ne rencontre le témoin.

19 M. Cunningham (interprétation): Je vous prie de m'excuser, mais allons

20 droit au but. Le 21 mai 2003, vous avez fait une déclaration dans votre

21 langue maternelle au sujet d'informations supplémentaires que vous aviez à

22 communiquer, n'est-ce pas?

23 M. Hidic (interprétation): Oui, lorsque j'ai donné certains documents que

24 j'avais amenés.

25 Question: Il s'agit là des seules déclarations écrites, ou plutôt je

Page 16297

1 reformule ma question. Est-ce qu'il s'agit là, est-ce que ces quatre

2 déclarations sont les seules déclarations que vous ayez faites au sujet

3 des événements dont vous nous parlez?

4 Réponse: Je ne les ai jamais comptées, mais je crois avoir rencontré les

5 représentants du Procureur à quatre reprises, et je crois que ces quatre

6 réunions ont donné lieu à quatre déclarations.

7 Question: Avez-vous fait d'autres déclarations suite à des entretiens que

8 vous auriez eus avec d'autres personnes que les représentants du

9 Procureur?

10 M. Hidic (interprétation): Il me semble que j'ai mentionné que lorsque je

11 suis arrivé à Travnik en 1992, j'ai fait une déclaration à des

12 représentants de la communauté internationale, mais je ne sais pas

13 exactement de qui il s'agissait.

14 M. Cunningham (interprétation): Fort bien. Je passe à ma question

15 suivante. Avant de déposer, avez-vous rencontré d'autres personnes autres

16 que le Procureur ou les représentants du Bureau du Procureur? Avez-vous

17 rencontré d'autres personnes aux fins de discuter de vos affaires?

18 M. le Président (interprétation): Quoi donc?

19 M. Cunningham (interprétation): Oui, je vous prie de m'excuser Monsieur le

20 Président: pour discuter de votre déposition en l'espèce?

21 M. Hidic (interprétation): Vous me demandez si j'ai rencontré avant? Mais

22 est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que vous voulez dire? Je ne pense

23 pas avoir bien compris ce que vous voulez dire.

24 Mme Korner (interprétation): Je pense qu'on ira plus vite si la question

25 est plus claire, si on parle d'autorité, d'un représentant des autorités

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1 par exemple de la Bosnie-Herzégovine.

2 M. Cunningham (interprétation): Je vais m'y efforcer!

3 M. le Président (interprétation): Allez droit au but Maître Cunningham.

4 M. Cunningham (interprétation): Monsieur Hidic, avez-vous parlé de votre

5 déposition en l'espèce à vos amis de Bosanski Petrovac, par exemple?

6 M. Hidic (interprétation): Je n'ai pas parlé de cela. Mais nous parlons de

7 ce qui s'est passé à Bosanski Petrovac tous les jours. Je ne vois pas à

8 qui vous faites allusion vraiment. Mais je peux vous dire que tous les

9 jours on parle de cela, de tout ce qui s'est passé, et puis à tous les

10 niveaux. On en discute entre nous, on en parle dans un contexte plus

11 administratif, etc.

12 M. le Président (interprétation): En fait, ce que l'on veut savoir c'est

13 si vous avez évoqué avec quelqu'un les faits sur lesquels vous déposez, si

14 vous êtes entré dans les détails, si on vous a dit ce qu'il fallait que

15 vous disiez ou pas, si on asseyait de vous influencer d'une manière ou

16 d'une autre, si on vous a rappelé certains faits que vous devriez

17 mentionner, d'autres que vous ne devriez pas mentionner.

18 En d'autres termes, avez-vous discuté du fait de votre déposition ici dans

19 ce prétoire ainsi que ce que vous alliez dire dans votre déposition? Avez-

20 vous discuté de ce genre de choses avec quiconque que ce soit des

21 représentants de l'autorité ou que ce soit n'importe qui?

22 M. Hidic (interprétation): Cela y est, je comprends maintenant. Quand le

23 conseil de la défense m'a posé sa question, je n'avais pas très bien

24 compris, mais maintenant j'ai compris, je peux donc vous répondre.

25 Non, non je n'ai eu aucun contact, je n'ai eu aucune discussion au sujet

Page 16299

1 de la déposition que je devais donner ici. Non, je n'en ai discuté avec

2 personne.

3 M. Cunningham (interprétation): Je ne sais pas si vous avez sous les yeux

4 votre première déposition du 3 novembre 1999.

5 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'huissier de donner

6 tout de suite au témoin ses quatre dépositions.

7 Mme Korner (interprétation): Trois.

8 M. le Président (interprétation): Quatre.

9 Mme Korner (interprétation): S'il y en a quatre, je ne vois pas très bien

10 d'où sort la quatrième.

11 M. Cunningham (interprétation): En fait la quatrième...

12 M. le Président (interprétation): Nous avons donc les déclarations du 3

13 novembre 1999, du 16 janvier 2000 et du 21 mai 2003.

14 Mme Korner (interprétation): En fait, il y a un certain quatrième

15 document, mais qui est un document 92bis. En fait, il y a trois

16 déclarations, plus un document dans lequel il atteste de la véracité de la

17 teneur de ses déclarations et où il apporte un certain nombre de

18 modifications.

19 M. Cunningham (interprétation): Nous allons nous reporter à votre première

20 déclaration du 3 novembre 1999 et le dernier paragraphe. Je vous en donne

21 lecture -je cite-: "Je faisais des recherches sur ce qui s'était passé à

22 Bosanski Petrovac dans le cadre de mes fonctions. Il s'agissait de placer

23 les événements dans leur ordre chronologique, de trouver des témoins

24 oculaires, etc.". (Fin de citation.)

25 Il me semble qu'il s'agit de la toute dernière partie de votre déclaration

Page 16300

1 de novembre 1999, du 11 novembre 1999. Est-ce que vous avez retrouvé ce

2 passage?

3 M. Hidic (interprétation): Oui.

4 Question: Qu'entendiez-vous par là?

5 Réponse: Il s'agit d'un point d'explication au sujet de la période de la

6 guerre pendant laquelle j'ai eu la possibilité de réunir les déclarations

7 de certains témoins oculaires qui quittaient le territoire de Bosanski

8 Petrovac. Ceci se rapporte donc uniquement à la période de la guerre.

9 Question: Mais il me semble vous avoir entendu dire que cette déclaration,

10 ou ce que ce que vous dites là a trait au fait que lorsque vous êtes

11 retourné à Petrovac, vous êtes allé dans les bâtiments officiels et vous y

12 avez cherché et rassemblé des documents. C'est cela?

13 Réponse: Oui, bien sûr, quand je suis revenu à Bosanski Petrovac, j'ai eu

14 la possibilité, et d'ailleurs j'ai eu accès au bâtiment de la municipalité

15 de Bosanski Petrovac, et là j'ai trouvé tous les documents qui avaient été

16 laissés dans les archives contenues dans ce bâtiment, à Bosanski Petrovac.

17 Question: Il me semble vous avoir entendu dire que ce n'était pas votre

18 priorité numéro un quand vous êtes revenu à Bosanski Petrovac, que ces

19 documents vous avaient été remis ou que vous aviez eu accès à ces

20 documents au bout d'un mois environ?

21 Réponse: Oui, tout à fait. Au début, ou plutôt un mois après le retour des

22 citoyens de Bosanski Petrovac de manière organisée -ce à quoi j'ai

23 d'ailleurs participé-, je suis allé au bâtiment administratif et je m'y

24 rendais tous les jours. C'est là que je travaillais et c'était un travail

25 à caractère humanitaire: j'étais chargé de la coordination de toutes les

Page 16301

1 questions à caractère humanitaire.

2 Et bien sûr, j'ai eu accès à ces documents et tout le monde le savait.

3 Mais non pas parce que je rassemblais ces documents pour quelqu'un

4 d'autre. Moi, je recherchais ces documents pour moi-même, pour compléter

5 ce que j'avais déjà commencé à faire pendant la guerre, ce que j'avais

6 déjà réuni pendant la guerre plutôt. Je voulais corroborer ce que

7 m'avaient raconté les témoins oculaires avec ces documents. Je voulais

8 arriver à établir la vérité pour mes raisons personnelles. Personne ne

9 m'avait donné d'instructions, quelles qu'elles soient. Parce qu'il

10 existait déjà des structures qui abordaient ces questions de manière très

11 précise.

12 Question: Les documents que vous avez remis au Bureau du Procureur, dont

13 les documents que vous avez emmenés avec vous à La Haye, est-ce que ce

14 sont là les seuls documents que vous ayez trouvés, que vous ayez réunis à

15 votre retour de Bosanski Petrovac?

16 Réponse: Non, il ne s'agit absolument pas des seuls documents, il s'agit

17 uniquement d'une des sources documentaires d'un bureau, d'un seul type

18 d'archives. Certaines personnes qui avaient accès à ces documents me les

19 ont remis parce qu'ils savaient que je me chargeais de les réunir. C'est

20 pourquoi j'ai indiqué, à la première page de chaque page document, l'ordre

21 dans lequel ces réunions avaient eu lieu. Je les ai classés au fur et à

22 mesure qu'on me les donnait. Les archives, tout le monde pouvait y avoir

23 accès. La porte des archives ne fermait même pas à clé, personne ne

24 gardait ces locaux en question.

25 Question: Donc, lorsque vous êtes retourné à Bosanski Petrovac, vous avez

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1 réuni un très grand nombre documents, n'est-ce pas?

2 Réponse: Non, je ne dirais pas que c'était vraiment un nombre aussi

3 important que cela, mais j'ai essentiellement récupéré les documents qui

4 m'intéressaient, plus des articles de journaux. Il y a eu beaucoup

5 d'articles de journaux qui sont parus à Bosanski Petrovac, mais je n'ai

6 réuni que ceux qui m'intéressaient moi-même afin de pouvoir déterminer ce

7 qui s'était passé à Bosanski Petrovac, après notre départ.

8 Question: Je vais passer à un autre sujet. On vous a présenté la carte de

9 Bosanski Petrovac que vous connaissez bien entendu: à quelle distance

10 Bihac se trouve-t-elle de Bosanski Petrovac, de la ville?

11 Réponse: 54 kilomètres exactement.

12 Question: Vous nous avez dit que la municipalité de Bosanski Petrovac

13 n'est pas limitrophe avec la Croatie. Mais pouvez-vous nous dire quelle

14 est la distance qui sépare le centre ville de Bosanski Petrovac de la

15 frontière croate?

16 Réponse: La frontière croate? Je n'ai jamais mesuré cette distance, mais

17 le long de la vallée de Luna² jusqu'à Blagaj et Vakuf, je crois que c'est

18 la route qui va à Bosanska Pravac, la route la plus courte. En tout cas,

19 disons qu'à vol d'oiseau, c'est la distance la plus courte entre Bosanski

20 Petrovac à la République de Croatie.

21 Question: Et quelle est la distance approximative?

22 Réponse: 35 kilomètres peut-être. Par la route bien sûr, c'est plus long.

23 Question: Et quand les hostilités, quand les combats ont-ils commencé

24 effectivement en Croatie?

25 Réponse: En 1991 bien entendu.

Page 16303

1 Question: Et au cours de quel mois?

2 Réponse: Je ne sais pas exactement, mais je crois que c'était au cours du

3 deuxième semestre de 1991.

4 Question: Maintenant j'aimerais que nous parlions de 1990 et 1991, puisque

5 vous avez parlé de la manière dont la situation commençait à évoluer à

6 Bosanski Petrovac, et j'aimerais évoquer avec vous certains des événements

7 dont vous avez été témoin à ce moment-là.

8 Le premier sujet que j'aimerais aborder avec vous c'est la façon dont à la

9 fin des années 80 et au début de 1990, vous avez commencé à voir

10 s'organiser des meetings organisés par les Serbes ainsi que leurs partis

11 politiques. Vous nous avez notamment parlé de la tentative d'exhumation

12 des Serbes qui étaient tombés en luttant contre les nazis au cours de la

13 Deuxième Guerre mondiale?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et il me semble vous avoir entendu dire qu'il y a eu des

16 meetings, des réunions autour de ce fait?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Cette idée d'exhumer ces corps, est-ce que c'était pour pouvoir

19 enterrer ces personnes conformément à leur religion?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Mais vous n'y étiez pas défavorable?

22 Réponse: Pas du tout.

23 Question: Vous nous avez expliqué que lors de ces meetings où l'on parlait

24 des partisans qui étaient décédés au cours de la Deuxième Guerre mondiale,

25 vous avez parlé de ces meetings, avez-vous jamais entendu dire que

Page 16304

1 l'accusé se soit exprimé lors de ces manifestations? Avez-vous entendu

2 parler de la chose?

3 Réponse: Tout d'abord, je souhaiterais vous demander de ne pas parler des

4 partisans parce que ce n'est pas des partisans qu'il s'agit ici, mais des

5 représentants du peuple serbe, comme ils le disaient, enfin c'est ce

6 qu'ils disaient.

7 Mais il y a également le deuxième aspect, le reste de la vérité, c'est-à-

8 dire dans ces fosses où gisaient les dépouilles des civils serbes qui

9 avaient été tués pendant la Deuxième Guerre mondiale en 1941 notamment, il

10 y avait également des personnes qui appartenaient à d'autres groupes

11 ethniques, notamment des Croates et des Musulmans qui avaient été emmenés

12 à cet endroit pour être tués.

13 Il ne s'agissait donc pas d'une fosse dans laquelle reposaient les

14 dépouilles des membres d'une seule communauté ethnique, il y en avait

15 d'autres également. Et l'histoire le prouve. Mais ça, ils n'en ont pas

16 parlé, on n'en parlait pas avant. Je vous demande donc de ne pas parler

17 des partisans parce que les partisans -comment dire-, il n'y a pas eu de

18 partisans tués à cet endroit ni précipités dans cette fosse.

19 Question: Je comprends bien. Mais je voudrais savoir si lors d'une de ces

20 réunions, lors d'un de ces meetings organisés dans le cadre de ces

21 exhumations, est-ce que vous avez entendu l'accusé s'exprimer ou avez-vous

22 entendu qu'il se soit exprimé?

23 Réponse: Bien entendu, si vous parlez de l'accusé qui est ici dans le box

24 des accusés dans ce prétoire, non, non. Et d'ailleurs je ne peux pas

25 affirmer que l'accusé n'était pas présent, je n'en sais rien, mais en tout

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1 cas, à ma connaissance, il ne s'est pas exprimer lors de ces réunions.

2 Question: Parlons de ces réunions du SDS ou plutôt, je reformule ma

3 question. En plus de ces meetings qui avaient lieu dans le cadre de

4 l'exhumation des corps, le SDS a également organisé des meetings

5 politiques à la veille d'élection, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Le SDA lui aussi a tenu des réunions?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Et lors de ces meetings auxquels vous avez participé, n'est-ce

10 pas?

11 Réponse: Tout à fait. Les deux meetings. Si vous parlez de la réunion au

12 cours de laquelle le parti a été constitué, oui.

13 Question: Et lors de ces réunions, les représentants du SDS se sont

14 interrogés sur ce qu'ils pouvaient faire pour venir en aide aux habitants

15 de la région?

16 Réponse: Malheureusement cette réunion constitutive -je parle de celle-là-

17 ne traitait absolument pas de ce que le SDS allait faire. L'objectif était

18 bien différent. Les invités à ce meeting ont prononcé des propos qui pour

19 certains étaient terrifiants. Et pour les citoyens de Bosanski Petrovac,

20 il était manifeste que des changements considérables avaient eu lieu, et

21 d'ailleurs cela a été confirmé par les événements qui ont suivi.

22 On a très peu parlé des événements, des éléments essentiels, à savoir ce

23 qu'ils feraient s'ils arrivaient au pouvoir dans le domaine économique ou

24 ce qu'ils feraient pour consolider ou faire évoluer le système politique

25 par rapport à ce qu'il était.

Page 16306

1 Question: Vous nous avez dit qu'il y a eu des changements avec les

2 élections, qu'après les élections il y a eu également d'autres

3 changements, et vous nous avez dit que cela s'est manifesté, notamment,

4 par la diminution des chaînes de télévision. Et je crois ce que vous nous

5 avez dit que ce qui s'était passé était la chose suivante: il y avait à

6 Sarajevo certaines émissions que vous ne pouviez pas recevoir, n'est-ce

7 pas, à Petrovac?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Il s'agit d'un événement qui avait tendance à restreindre les

10 éléments d'actualité et d'information que vous receviez de la télévision,

11 n'est-ce pas, par le biais de la télévision?

12 Réponse: Oui. Les informations ne nous parvenaient que par l'intermédiaire

13 des médias serbes.

14 Question: Par conséquent, vous aviez accès à un nombre moins important de

15 chaînes de télévision et vous aviez également des problèmes d'ordre

16 électrique puisqu'il y avait des pannes de courant et quelquefois vous ne

17 pouviez pas allumer votre poste de télévision, n'est-ce pas?

18 Réponse: Eh bien, étant donné qu'Osijek avait été détruit en 1991, il ne

19 restait que deux programmes qui traitaient de la Bosnie-Herzégovine, à

20 savoir le programme BH n°1 de la télévision de Sarajevo, et les programmes

21 1 et 2 qui passaient par Ostrelj.

22 Par conséquent, les citoyens de Bosanski Petrovac pouvaient également

23 suivre le programme qui était émis par l'émetteur appelé "Peljesevica"; il

24 y avait quelques personnes qui pouvaient suivre ce programme de

25 télévision-là, mais il n'y en avait pas beaucoup. Et certains de Bosanski

Page 16307

1 Petrovac pouvaient suivre ce programme-là. Cela était lié à l'altitude,

2 cela dépendait de l'endroit où était placé le relais. Pardon Radio

3 Sarajevo.

4 Cette radio était très difficile à entendre, même à ses débuts. Cela a

5 commencé en 1991, et c'était quasi inaudible, c'était très difficile de

6 capter Radio Sarajevo. Et en 1992, c'était devenu quasiment impossible. En

7 revanche, nous pouvions bien entendre Radio Belgrade, et là nous pouvions

8 suivre les événements.

9 Question: C'est la question que je souhaite vous poser, je crois que vous

10 avez déjà évoqué ceci quelques heures plus tôt. Vous avez dit que vous

11 entendiez principalement les retransmissions des radios serbes qui

12 tenaient des propos pro-Serbes. Est-ce exact de dire cela?

13 Réponse: Oui, tout à fait, nous ne pouvions suivre quasiment que les

14 programmes serbes étant donné qu'il y avait des pannes de courant, etc.

15 M. Cunningham (interprétation): Une des pièces qui vous a été présentée

16 par l'accusation, à savoir la pièce 1811…

17 Pourriez-vous montrer cette pièce au témoin, Madame la Greffière?

18 Mme Chen (interprétation): 1811.

19 M. Cunningham (interprétation): Oui, 1811, s'il vous plaît.

20 (Intervention de la Greffière.)

21 Vous souvenez-vous, Monsieur Hidic, avoir consulté ce document?

22 M. Hidic (interprétation): Oui.

23 Question: Et je pense que vous nous avez dit que ce document n'était pas

24 daté. Et effectivement sur la première page de ce document il n'y a pas de

25 date indiquée?

Page 16308

1 Réponse: Oui, c'est exact.

2 Question: Vous ne savez pas quand ceci a été diffusé. Seriez-vous d'accord

3 de dire qu'il serait logique de dire qu'au vu de ce document ceci a

4 certainement dû être diffusé après le début des combats menés avec la

5 Croatie?

6 Réponse: Très honnêtement, je ne peux pas vous répondre, je ne peux pas

7 répondre à votre question car il est vrai que je dois dire qu'il s'agit

8 ici d'un point de vue contextuel. Je n'ai que le document ici, mais je

9 n'ai jamais entendu parler de cela.

10 Question: Très bien. Alors avec l'autorisation de la Chambre, je souhaite

11 maintenant vous montrer une autre pièce. Il s'agit de la pièce 1834.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 En regardant ce document, on voit qu'il est daté du 18 juin 1992, n'est-ce

14 pas?

15 Réponse: Oui, c'est bien ce qui est indiqué: le 18 juin 1992.

16 Question: Il me semble qu'il s'agit ici d'une directive de l'assemblée

17 municipale de Bosanski Petrovac, la cellule de crise à l'attention du

18 poste de radio, en indiquant qu'il s'agit de diffuser à la fois des

19 paroles et de la musique afin de préparer la population serbe au combat.

20 Voyez-vous à quel endroit ceci est indiqué dans le document?

21 M. Hidic (interprétation): Je pense que ces propos pouvaient être entendus

22 à la radio locale. Il y avait eu un changement radical opéré par cette

23 station de radio et j'ai pu suivre les propos diffusés par cette radio. Il

24 s'agissait ici non seulement d'encourager la population, comment puis-je

25 l'exprimer, mais je crois qu'il y avait une connotation ethnique.

Page 16309

1 M. le Président (interprétation): Maître Cunningham et Madame Korner, nous

2 sommes donc tombés d'accord avec les interprètes et les techniciens de

3 prolonger de 10 minutes cette audience parce que je ne me suis pas senti

4 bien tout à l'heure. Donc je souhaite remercier les interprètes ainsi que

5 les techniciens.

6 M. Cunningham (interprétation): Merci.

7 Monsieur Hidic, pour ce qui est de ces deux derniers documents que je

8 viens de vous montrer, seriez-vous d'accord pour dire qu'il s'agit ici de

9 documents pro-serbes puisque comme vous l'avez indiqué vous-même, vous

10 avez dit qu'ils portaient une connotation ethnique?

11 M. Hidic (interprétation): Si vous souhaitez que je vous donne ce type de

12 réponse, je ne peux pas le faire malheureusement car, au vu de ces deux

13 documents, je ne peux pas véritablement dire qu'il s'agit d'éléments

14 nationalistes. Ils sont de nature différente, bien évidemment, ils ont été

15 utilisés à un moment donné.

16 Question: Vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'ils étaient destinés

17 à la population serbe plutôt qu'aux Bosniens ou à la population croate,

18 n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, bien sûr, Bien sûr, ceci apparaît très clairement.

20 Question: Très bien. Donc ceci évoque le combat et la survie des Serbes et

21 d'éléments de la sorte, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui, d'après ce que je vois dans cette première proclamation.

23 Question: Et vous ne pensez pas qu'il serait logique de diffuser de telles

24 informations à la radio si l'armée en place à ce moment-là était l'armée

25 serbe?

Page 16310

1 Réponse: Oui.

2 Question: Donc la population bosnienne, les Bosniens, les Musulmans dans

3 la grande majorité avaient renoncé ou n'avaient pas répondu à l'appel de

4 la mobilisation, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui, c'est exact.

6 Question: Et dans vos déclarations, vous évoquez l'appel à la mobilisation

7 au début de l'année 1990 et l'année 1991.

8 Vous souvenez-vous de ces déclarations écrites que vous avez remises à

9 l'accusation? Vous souvenez-vous du terme utilisé dans vos déclarations?

10 Réponse: Je ne sais pas si j'ai vraiment parlé de la mobilisation, cela

11 est fort possible. Il est fort possible que j'ai évoqué ce terme-là dans

12 mes déclarations.

13 M. Cunningham (interprétation): Si vous souhaitez vous rafraîchir votre

14 mémoire, je vous prie de prendre quelques minutes pour regarder ces

15 déclarations. Si vous avez besoin de le faire, je vous en prie prenez

16 quelques instants pour le faire.

17 Mme Korner (interprétation): Pendant ce temps, puis-je soulever un point

18 eu égard à ce document, s'il vous plaît? Il s'agit d'un document pour

19 lequel Me Ackerman a soulevé une objection parce qu'il émanait de l'A.I.D.

20 et que c'était un document qui n'était ni signé ni estampillé. Maintenant

21 il est utilisé, d'après ce que je comprends, pour venir en aide aux

22 arguments de la défense et a été accepté comme tel, comme un document

23 d'origine; autrement les questions n'ont pas de sens.

24 M. Cunningham (interprétation): Monsieur le Président, nous ne renonçons

25 pas à l'objection antérieure qui a été faite.

Page 16311

1 Mme Korner (interprétation): Très bien, Monsieur le Président. Pardonnez-

2 moi, mais je sais qu'il ne s'agit pas ici de l'objection de Me Cunningham,

3 je voulais simplement, pour la 99e fois, préciser ce point. Et très

4 souvent et plus d'une fois, des objections sont faites quant au versement

5 au dossier de certains éléments. Et il a été suggéré que tout ce qui émane

6 de l'A.I.D. aurait pu être falsifié et ce sont des documents qui n'ont pas

7 été signés, qui ne sont pas sous scellés et qui pourraient en fait avoir

8 été inventés.

9 Donc ce qui se passe, se passe de la façon suivante: ce qui est contenu

10 dans le document et les questions qui sont posées au témoin portent là-

11 dessus et pourraient ne pas correspondre à la vérité et pourraient être

12 acceptés en tant que tels maintenant.

13 M. Président (interprétation): Je pense que vous touchez ici un domaine

14 qui est définitivement…

15 Mme Korner (interprétation): Je suis d'accord, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Parce qu'évidemment vous évoquez ici

17 quelque chose qui doit être pris en compte lorsque nous tiendrons compte

18 des objections faites par la défense, eu égard aux documents proposés par

19 l'A.I.D.

20 Mais comme vous le savez certainement, il y a des documents qui émanent de

21 l'A.I.D. qui ne portent pas trace -comme vous le savez-, qui peuvent être

22 utilisés comme documents ou éléments de preuve par la défense et qui ont

23 un certain point; vous le savez.

24 Mme Korner (interprétation): Très bien, Monsieur le Président. Le seul

25 point que je tente de soulever ici, c'est qu'il est assez difficile de

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1 faire la part des choses lorsqu'on regarde le compte rendu d'audience et

2 lorsqu'on fait référence à nouveau à des objections qui ont été faites par

3 la défense. Il est plus simple qu'ils précisent "nous objectons à tout

4 cela".

5 Tout ceci me semble sans fondement. Et ensuite de remettre les documents

6 sur la table, de justifier de leur contenu vis-à-vis du témoin et en

7 acceptant ce que dit le témoin à cet égard.

8 Encore une fois, pour la 999e fois, je demande à Me Ackerman de faire très

9 attention avant de faire de telles objections, des objections aussi

10 générales, toutes les fois qu'elles sont justifiées, et de vérifier, si

11 véritablement ces documents sont utilisés par la suite par la défense,

12 avant de faire une objection ou alors de retirer son objection.

13 M. le Président (interprétation): Maître Cunningham?

14 M. Cunningham (interprétation): Puis-je poursuive, Monsieur le Président?

15 M. le Président (interprétation): Oui.

16 M. Cunningham (interprétation): Monsieur Hidic, par conséquent, je vous ai

17 posé une question eu égard aux déclarations que vous avez faites et je

18 vous ai demandé de vous rafraîchir la mémoire et de vous souvenir de ce

19 que vous avez écrit à propos de la mobilisation. Je souhaite vous parler

20 de cela maintenant.

21 A ce moment-là, ceci s'est passé en 1990 et 1991, il y avait une

22 obligation militaire qui s'appliquait à tout le monde, aux Bosniens, aux

23 Croates et aux Serbes, n'est-ce pas?

24 M. Hidic (interprétation): Tout à fait. C'est ainsi que les choses sont

25 passées dès le début, mais je souhaite vous dire quelque chose de précis.

Page 16313

1 La mobilisation est quelque chose qui s'appliquait à la population de

2 Bosanski Petrovac deux ans avant l'éclatement de la guerre et peut-être

3 même avant. La ville de Bosanski Petrovac a commencé à évoquer la

4 mobilisation beaucoup plus tôt, même bien avant que ces propos soient

5 tenus en 1991.

6 Question: Très bien. Donc la période qui nous intéresse, 1990 et 1991,

7 vous nous avez dit que la plupart des Bosniens n'ont pas répondu à l'appel

8 à la mobilisation, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui, ça c'est exact. La population savait que la présidence de

10 l'Etat ou plutôt la République de Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là,

11 n'approuvait pas cette mobilisation et ne souhaitait pas que ceci soit mis

12 en place à ce moment-là. Et les conscrits militaires qui étaient Bosniens

13 en ont certainement tiré avantage et, par conséquent, ne se sont pas

14 présentés aux différentes unités définies dans leurs documents.

15 Question: Par conséquent, il y aurait des conséquences au plan juridique

16 pour quelqu'un qui ne répondrait pas à l'appel à la mobilisation, n'est-ce

17 pas? Est-il exact de dire cela?

18 Réponse: Je pense qu'il était précisé qu'il y avait des conséquences à

19 cela, mais à ma connaissance personne n'a jamais été tenu de responsable

20 de quoi que ce soit s'il ne répondait pas à cet appel. En tout cas, je

21 n'ai pas connaissance de cela à Bosanski Petrovac, que ce soit à propos

22 d'un Serbe, d'un Bosnien qui aurait été tenu pour responsable pour ne pas

23 avoir répondu à la mobilisation. Parce qu'au début aucun de ces deux

24 groupes ethniques n'a répondu à cet appel.

25 Question: Connaissez-vous des personnes qui ont perdu leur emploi, en

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1 particulier des fonctionnaires travaillant dans le gouvernement, parce

2 qu'ils n'ont pas répondu à cet appel à la mobilisation?

3 Réponse: Bien sûr, ceci s'est produit en 1992. Il y avait une mobilisation

4 générale ou plutôt un ordre portant sur la mobilisation, ordre qui émanait

5 des dirigeants serbes et portait sur la mobilisation elle-même. Je parle

6 ici de la municipalité de Bosanski Petrovac.

7 M. Cunningham (interprétation): Je ne sais pas si vous avez répondu à ma

8 question. Savez-vous s'il y a des gens qui ont perdu leur emploi parce

9 qu'ils n'ont pas répondu à l'appel à la mobilisation?

10 M. le Président (interprétation): Il a déjà répondu. Il a dit: "Bien sûr,

11 ceci s'est produit en 1992." Donc il a bien répondu à la question.

12 M. Cunningham (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

13 Je n'ai pas considéré que "bien sûr" constituait un élément de réponse ou

14 c'était dans l'affirmative. Si nous pouvions maintenant montrer la pièce

15 1815 au témoin.

16 Monsieur Hidic, si nous regardons ce document, ne pensez-vous pas qu'il

17 s'agit ici -au deuxième paragraphe du document- de sanctions qui seront

18 imposées aux personnes et aux conscrits qui refusent de répondre à cet

19 appel à la mobilisation? Au milieu du document.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 M. Hidic (interprétation): Oui, c'est ce que précise ce document. Et je

22 pense que ceci a effectivement été appliqué en partie mais a été appliqué

23 par la suite. Alors pour ce qui est du nombre de personnes qui ont été

24 appelées à Knin et Bihac, il s'agit d'un territoire qui se trouve en

25 Croatie. C'est pour cela que les gens ont évité répondre à cet appel à la

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1 mobilisation, parce qu'ils ne souhaitaient pas se rendre dans ces régions-

2 là. Zeljava est l'aéroport de Bihac. Il s'agit ici d'un territoire en

3 Croatie, et les Bosniens souhaitaient éviter de se rendre en Croatie dans

4 de telles unités parce qu'il y avait dans certains cas, eu égard à

5 l'aspect particulièrement contraignant de cet ordre, puisque les personnes

6 pouvaient être poursuivies si elles ne répondaient pas à cet appel, les

7 gens s'y rendaient (sic). Nous parlons ici de 1991, de la fin de l'année

8 1991.

9 M. Cunningham (interprétation): Monsieur le Juge, vous avez indiqué que

10 vous souhaitiez poursuivre jusqu'à midi 40. Je crois que ce serait le

11 moment opportun pour faire une pause.

12 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons faire une pause

13 et reprendre de 14 heures jusqu'à 16 heures.

14 (Le témoin, M. Ahmet Hidic, est reconduit hors du prétoire.)

15 (L'audience, suspendue à 12 heures 40, est reprise à 14 heures 05.)

16 M. le Président (interprétation): Veuillez introduire le témoin.

17 (Le témoin, M. Ahmet Hidic, est réintroduit dans le prétoire.)

18 Monsieur, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

19 Maître Cunningham, vous avez la parole.

20 (Suite du contre-interrogatoire du témoin, M. Ahmet Hidic, par Me

21 Cunningham.)

22 M. Cunningham (interprétation): Bonjour, Monsieur Hidic. Lorsque nous

23 avons levé l'audience ce matin, nous parlions des changements que vous

24 avez vu se produire dans votre ville natale de Bosanski Petrovac. Je

25 souhaiterais évoquer quelque chose que vous avez abordé avec l'accusation

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1 jeudi dernier, à savoir la façon dont, d'après vous, les Bosniens, hommes

2 et femmes, perdaient leurs emplois.

3 Et avant de lever l'audience, j'ai demandé à ce que l'huissier vous

4 remette la pièce P1819. Je vous avais demandé de vous rafraîchir la

5 mémoire. Il s'agit ici d'un document visant, sur les ordres de Dragan

6 Milanovic, à licencier des directeurs de la compagnie d'électricité, de

7 gaz, etc., le directeur du centre vétérinaire, le directeur de la poste,

8 des télégraphes et des télégrammes.

9 Vous souvenez-vous avoir évoqué ce document ainsi que cet événement, jeudi

10 dernier?

11 Réponse: Oui absolument.

12 Question: Je pense que ces trois directeurs étaient Bosniens, n'est-ce

13 pas?

14 M. Hidic (interprétation): Oui, tout à fait.

15 M. Cunningham (interprétation): Il se trouve que deux des trois qui ont

16 été limogés, un directeur qui était directeur de la poste, des télégraphes

17 et des télégrammes, parce que c'était un expert d'après vous, n'est-ce

18 pas? Est-ce juste de déclarer cela?

19 M. le Président (interprétation): Vous entendez par là que c'est un expert

20 et par conséquent un homme indispensable, c'est pour ça qu'il est resté en

21 poste?

22 Mme Korner (interprétation): J'étais sur le point de dire la même chose. A

23 la page 50 du compte rendu d'audience de jeudi dernier.

24 M. Cunningham (interprétation): Etes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit

25 ici de l'exemple d'un homme bosnien qui a gardé son poste parce que

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1 c'était un expert dans son domaine?

2 M. Hidic (interprétation): Oui, je peux confirmer que vous avez en partie

3 raison. Quoi qu'il en soit, avant le mois de juin ou même dans les

4 premiers jours du mois de juin, il a été remplacé par un Serbe qui était

5 également un membre du parti SDS bien sûr.

6 Question: Et pendant des jours et des mois, si on regarde les différents

7 documents portant sur Petrovac, avez-vous trouvé un quelconque document

8 qui confirme ceci, à savoir ce que vous venez de nous dire?

9 M. Hidic (interprétation): En fait, à la fin du mois de juin de l'année

10 1992, il n'y avait plus de Bosnien qui travaillait, plus aucun Bosnien ne

11 travaillait à Bosanski Petrovac. Ils n'occupaient aucun emploi, que ce

12 soient des gardes ou des médecins.

13 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas répondu à la question.

14 On vous a demandé si vous aviez vu des documents prouvant ou attestant du

15 licenciement de cette personne et de son remplacement par un Serbe. Avez-

16 vous rencontré ou vu des documents qui font référence à ces événements,

17 ces deux événements en question?

18 M. Hidic (interprétation): Oui, il y a le procès-verbal de la cellule de

19 crise qui traite de cette question-là et qui précise que l'ancien

20 directeur a été remplacé par M. Sokunovic. Et ce document précise la date

21 exacte à laquelle ce changement a eu lieu.

22 M. Cunningham (interprétation): S'agit-il d'un document que vous avez

23 apporté avec vous de Bosanski Petrovac?

24 M. Hidic (interprétation): Oui, ce document est parmi les documents que

25 j'ai apportés avec moi.

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1 Mme Korner (interprétation): Je crois Monsieur le Président que c'est un

2 des documents que nous avons vus. Je vais tâcher de vous le trouver.

3 M. Cunningham (interprétation): Après ce que vous venez de dire, vous avez

4 précisé qu'après une certaine date aucun Bosnien… il n'y avait plus un

5 seul Bosnien occupant un poste à Petrovac, est-ce exact?

6 Réponse: Oui, c'est exact.

7 Question: Je souhaite parler de votre propre emploi. Vous étiez directeur

8 financier. Vous avez dit que vous avez travaillé jusqu'à la mi-juin 1992,

9 n'est-ce pas?

10 Réponse: C'est exact.

11 Question: Et à la mi-juin on vous a demandé de ne pas retourner à votre

12 travail, est-ce exact?

13 Réponse: Oui. L'homme qui est venu chercher les clefs m'a dit cela, très

14 précisément.

15 Question: Vous a-t-on demandé un serment d'allégeance vis-à-vis du

16 gouvernement en place?

17 Réponse: Non; on ne me l'a demandé personnellement.

18 M. le Président (interprétation): Maître Cunningham.

19 M. Cunningham (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Pièce 1876, la décision portant sur: "M.

21 Mirsad, agissant en tant que directeur des PTT à Petrovac, etc., a été

22 démis de ses fonctions.". (Fin de citation du passage en question.)

23 M. Cunningham (interprétation): Je vous ai demandé si vous avez dû faire

24 un serment d'allégeance et vous m'avez répondu par la négative. Avec la

25 permission de la Chambre, je souhaite que vous regardiez la pièce 1837 qui

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1 porte sur le licenciement de Senad Mehdin (phon). Pardonnez-moi si j'ai

2 écorché son nom.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 M. Hidic (interprétation): J'ai du mal à lire. J'ai un problème car

5 l'endroit où figure le nom, c'est un petit peu flou. Il y a des taches

6 noires. J'ai du mal à lire ce document.

7 M. Cunningham (interprétation): Puis-je vous poser la question suivante?

8 Vous savez, d'après les conversations que vous avez eues ou d'après ouï-

9 dire, que cette personne a été licenciée, n'est-ce pas?

10 M. Hidic (interprétation): Oui.

11 Question: Il s'agit de la fin du mois de juin, de la mi-juin, n'est-ce

12 pas? En tout cas, à ce moment-là?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Parce que vous ne pouvez pas lire le document étant donné qu'il

15 est flou, en supposant que ce document précise que cette personne a été

16 licenciée parce qu'elle ne souhaitait pas faire un serment d'allégeance au

17 gouvernement en place, à supposer cela, serait-il logique d'avoir un

18 directeur financier ou un directeur comptable agissant en tant que tel, et

19 en temps de guerre si cette personne n'était pas loyale envers le

20 gouvernement?

21 Réponse: Je ne sais pas comment elle a trouvé du travail. Son poste n'a

22 pas été publié. C'est quand la guerre a commencé, mais je ne peux pas

23 vraiment vous donner une réponse concrète. Je suis conscient du fait

24 qu'elle a été licenciée, mais en fait elle n'a pas quitté son travail en

25 passant par la porte, elle a dû sauter par la fenêtre, elle a dû s'enfuir

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1 lorsqu'elle a quitté son emploi. De sorte qu'elle n'est pas sortie en

2 marchant par la porte, mais elle a sauté en quittant l'immeuble.

3 Question: Je vous remercie. Est-ce que vous me dites que des personnes

4 comme Mme Mehdin (phon) -excusez-moi encore une fois si je me trompe de

5 prononciation- d'autres personnes par exemple comme vous-même ont tout

6 simplement été mises à pied, licenciées, remerciées quel que soit le terme

7 qu'on puisse employer parce que vous étiez Bosniens?

8 Réponse: Je n'ai pas reçu le moindre bout de papier, la moindre

9 notification, le moindre avis de ma mise à pied. La seule chose que j'ai

10 vu c'était mon livre de travail que j'ai trouvé dans l'usine après la

11 guerre, et dans ce livret de travail, on disait que j'avais arrêté de

12 travailler le 4 ou le 5 avril. Mais je soutiens toujours que je n'ai

13 jamais reçu de document, de lettre disant que j'aurais dû signer et qui

14 aurait eu quoi que ce soit à voir avec mon travail ou avec mon emploi.

15 Question: Un peu plus tôt, vous avez dit que tout le monde du poste de

16 médecin jusqu'à celui de portier, tous ceux qui étaient Bosniens que ce

17 soit portier ou médecin ont fini par perdre leur emploi. Est-ce que vous

18 vous souvenez que vous avez dit cela?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Et je crois -vous me corrigerez si je me trompe- que vous

21 suggérez tout au moins en partie que la raison était en grande partie que

22 c'était parce que vous étiez des Musulmans, des Bosniens, n'est-ce pas?

23 Réponse: Bien sûr.

24 Question: Alors maintenant, parlons donc de cette période où les Bosniens

25 étaient licenciés, perdaient leur emploi de 1991 à 1992. En remontant en

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1 1991 et 1992, comment était l'économie en 1991 et 1992, si on la compare

2 disons à 1987 et 1988? Est-ce que les choses allaient mieux en 1991, en

3 1992 ou est-ce que c'était pire en 1991, 1992 qu'en 1987, 1988?

4 Réponse: Il m'est très difficile de vous donner une réponse précise parce

5 que je ne suis pas économiste et je sais très peu de chose sur ces

6 questions. Mais après l'élection multipartite, la situation ne s'est pas

7 améliorée dans la ville. La situation était la même, je n'ai pas remarqué

8 de changement notable marquant par exemple une amélioration de la

9 situation pour les habitants. Les seuls changements qui se sont produits

10 étaient ceux qui ont finalement abouti à la guerre.

11 Question: Eh bien, cette guerre qui commence avec la Croatie, seriez-vous

12 d'accord avec moi pour dire que cette guerre qui a commencé -la guerre

13 avec la Croatie- a eu une incidence, a affecté l'économie locale de

14 Bosanski Petrovac?

15 Réponse: Je pense que cela a eu une certaine influence peut-être pas sur

16 Bosanski Petrovac seulement, mais aussi pour l'ensemble de l'ex-

17 Yougoslavie. Il y a eu un certain changement d'abord en Slovénie puis en

18 Croatie, et à l'évidence ceci a conduit à des changements majeurs partout.

19 Question: Eh bien, concentrons-nous sur l'économie de Bosanski Petrovac.

20 Est-ce que la guerre en Croatie a eu un effet négatif? Est-ce que

21 l'économie s'est dégradée, c'est bien cela?

22 M. Hidic (interprétation): Je crois que j'ai déjà dit que je ne suis pas

23 un bon économiste, que ce n'est pas mon domaine, mais j'ai également dit

24 que je n'avais pas noté d'amélioration de la situation. Et je pense et que

25 c'est ça que vous me demandez maintenant. C'est ce que vous disiez avec

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1 votre question précédente.

2 M. Cunningham (interprétation): Je ne vous demande pas de me donner une

3 réponse d'économiste, je vous demande une réponse de quelqu'un qui

4 observait les choses, qui voyait ce qui se passait dans sa communauté, qui

5 voyait ce qui arrivait aux gens ainsi qu'à leur emploi.

6 N'est-il pas vrai que lorsque la guerre a commencé avec la Croatie un

7 certain nombre de personnes -les Croates, les Serbes, les Musulmans- tous

8 étaient affectés par la guerre?

9 M. le Président (interprétation): Je vais essayer de vous aider, Maître

10 Cunningham. Au fur et à mesure que la guerre se développait et progressait

11 et que les choses empiraient, la guerre avec la Croatie, au fur et à

12 mesure que les choses empiraient, je me souviens d'avoir lu dans votre

13 déclaration que vous avez dit qu'au début Bosanski Petrovac n'avait en

14 rien été affectée par la guerre, mais qu'au fur et à mesure que les choses

15 ont commencé à changer, à ce moment-là les choses ont vraiment empiré même

16 à Bosanski Petrovac. Vous avez déclaré le fait que vous n'aviez pas

17 remarqué d'amélioration de l'économie grosso modo dans votre ville.

18 Et au fur et à mesure que nous progressons dans le temps, est-ce que les

19 affaires ont commencé à péricliter? Est-ce que l'économie d'une façon

20 générale a souffert? Est-ce que les gens se trouvaient dans une meilleure

21 ou plus mauvaise situation à la suite de la guerre? Est-ce que l'état de

22 l'économie en général certainement… est-ce qu'elle n'a certainement pas

23 enregistré d'amélioration -vous l'avez déjà dit- mais est-ce qu'on a

24 enregistré le fait que cela a empiré?

25 M. Hidic (interprétation): Si nous nous centrons sur 1991 et sur 1992 bien

Page 16323

1 entendu, il y a eu régression dans ce domaine, parce que les échanges de

2 biens de consommation se sont modifiés, les choses n'étaient plus comme

3 avant, et à ce moment-là, l'ensemble concernait plus particulièrement la

4 région de la Republika Srpska et à ce moment-là je pense que c'était déjà

5 le cas. Une grande partie des échanges du commerce se faisaient avec la

6 Serbie et la Vojvodine, avec lesquelles Bosanski Petrovac avait des

7 relations économiques traditionnelles.

8 En ce qui concerne l'économie, les produits sur lesquels Bosanski Petrovac

9 se fondait, dont il dépendait, c'étaient le bois et les produits du bois;

10 mais la situation s'est modifiée à l'époque. Sipad n'était plus

11 l'entrepreneur le plus important sur le marché, il y avait maintenant de

12 nouveaux entrepreneurs privés, d'autres personnes des directions

13 politiques qui s'engageaient dans ces activités au lieu des sociétés qui

14 appartenaient à l'Etat, ou précédemment des entreprises qui n'utilisaient

15 plus les voies officielles de distribution, celles qui existaient

16 précédemment pour Sipad, Bosanski Petrovac et les autres parties du

17 marché.

18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Cunningham.

19 M. Cunningham (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Monsieur le Témoin, seriez-vous d'accord avec moi qu'un certain nombre de

21 personnes qu'il s'agisse de Bosniens, de Serbes ou de Croates, ont perdu

22 leur emploi à cause du fait que l'économie a empiré en 1992?

23 M. Hidic (interprétation): Non, je ne peux pas être d'accord avec vous.

24 Question: Bien. Alors je vais changer de sujet. L'une des choses dont vous

25 avez parlé jeudi dernier, l'une des choses qui vous préoccupaient et qui

Page 16324

1 vous concernent était la présence militaire et accrue dans la municipalité

2 de Bosanski Petrovac. Est-ce que vous vous rappelez que vous nous avez

3 parlé de cela jeudi dernier?

4 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai dit.

5 Question: Bien. Excusez-moi d'être intervenu si vite, je m'excuse auprès

6 des interprètes.

7 Vous nous avez aussi dit, enfin vous nous avez parlé des armes à Bosanski

8 Petrovac, et je vais vous parler de ces deux sujets. Vous nous avez parlé

9 jeudi dernier, vous avez déposé jeudi dernier, sur le fait que la

10 communauté bosnienne avait reçu pour ordre de rapporter les armes à feu.

11 Est-ce que vous vous rappelez votre déposition à ce sujet?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Est-ce que vous vous rappelez de l'ordre qui émanait du

14 gouvernement local et qui était de rapporter les armes à feu?

15 Réponse: Oui, c'était un ordre rendu public, c'était un ultimatum rendu

16 public.

17 Question: Et lorsque vous avez entendu cet ordre donné publiquement, cet

18 ultimatum, est-ce que vous avez pris l'arme ou les armes que vous aviez et

19 est-ce que vous les avez apportées? Est-ce exact?

20 Réponse: Non. Personnellement non, parce que je ne possédais aucune arme à

21 feu.

22 Question: Bien. C'est mon erreur. Excusez-moi.

23 Maintenant, vous nous avez dit plus tôt que vous étiez de plus en plus

24 préoccupé par la situation qui évoluait à Bosanski Petrovac et, si je

25 comprends bien, vous étiez préoccupé pour votre propre sécurité?

Page 16325

1 Réponse: Mes inquiétudes étaient essentiellement des inquiétudes

2 personnelles pour la sécurité de ma famille et bien sûr de moi-même.

3 Question: Et c'était une inquiétude que partageaient de nombreux autres

4 Bosniens, n'est-ce pas?

5 Réponse: C'est tout à fait exact.

6 Question: Dans votre déposition et votre déclaration, vous avez parlé des

7 chiffres du recensement de 1991 de Bosanski Petrovac qui montraient qu'il

8 y avait un peu plus de 15.000 personnes. Vous rappelez-vous cette partie

9 de votre déposition?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Je crois que vous nous avez dit qu'environ 20%, environ 22% de

12 ces 15.500 personnes étaient des Bosniens. Est-ce exact?

13 Réponse: Il s'agissait de 22,1% exactement.

14 Question: Bien. Alors sur ces 22,1% de la population de la municipalité

15 qui étaient Bosniens, pas un seul de ces 3.000 personnes ou davantage

16 n'avait d'armes, ne conservait d'armes. C'est bien cela que vous avez dit

17 à la Chambre?

18 Réponse: Ce n'est pas ce que j'avais l'intention de dire devant la

19 Chambre. Ce que je voulais dire c'est qu'il y avait des fusils de chasse

20 et il y avait d'autres types d'armes à feu aussi -c'est ce que j'ai dit.

21 Il y avait donc une possibilité d'obtenir toutes sortes d'armes à feu par

22 des voies illicites, et ces armes à feu d'une façon générale venaient du

23 front et des premières lignes; c'étaient des armes qui étaient

24 immatriculées. D'une façon générale, c'était compromettant pour ceux qui

25 les achetaient aux personnes qui les vendaient.

Page 16326

1 Question: Ma question est simple, c'est simplement ceci: sur la base de ce

2 que vous avez vu et de ce que vous avez entendu, vous n'avez pas eu

3 connaissance du fait que certains Bosniens n'auraient pas obéi à cet

4 ordre. Tous les Bosniens ont bien rapporté leurs armes à feu. C'est ça que

5 vous nous dites?

6 Réponse: Ma réponse n'allait pas en ce sens. J'ai simplement confirmé ce

7 que j'ai dit ici jeudi en ce qui concerne le problème des armes et du

8 désarmement. Je veux dire de la manière dont le désarmement s'est déroulé.

9 Question: Et je vous prie de m'excuser, Monsieur Hidic, c'est probablement

10 à cause de la façon dont je pose la question. Je vais faire une dernière

11 tentative: est-ce que vous avez eu connaissance du fait que des Bosniens

12 n'avaient pas obéi à cet ordre de rapporter des armes à feu de quelque

13 type que ce soit?

14 Réponse: Je n'en sais vraiment rien, vraiment je ne sais pas.

15 Question: Bien. D'accord. Vous nous avez dit jeudi ainsi que dans vos

16 déclarations, qu'avant 1991 que dans votre municipalité de Bosanski

17 Petrovac il n'y avait pas d'installation militaire, il n'y avait pas de

18 militaires en service, qu'il n'y avait que des réservistes et la Défense

19 territoriale dans la région. Est-ce que vous vous rappelez nous avoir dit

20 cela?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Et ceci a donc changé en particulier en 1992, ce qui évidemment

23 vous a causé des inquiétudes parce que vous avez vu des soldats, en

24 particulier des soldats serbes, qui étaient en service actif dans votre

25 municipalité?

Page 16327

1 Réponse: Je n'ai pas dit des soldats serbes. J'ai dit l'armée, l'ancienne

2 armée populaire yougoslave qui venait de la Croatie, qui est venue à

3 Bosanski Petrovac. Et je crois que j'ai dit que Bosanski Petrovac était un

4 centre important dans cette partie de la Bosanska Krajina. J'ai vu ces

5 colonnes qui n'en finissaient pas, des colonnes motorisées de l'armée

6 populaire Yougoslave qui se rendaient à Jajce, à Banja Luka, et bien sûr

7 dans la direction de Drvar, et puis en passant par Drvar à Knin.

8 Je pense que c'était cela la réponse que j'ai faite à la question qui

9 m'était posée, la question qui m'avait été posée par le Procureur.

10 Question: Et je suis en train d'essayer de deviner le point que je

11 voudrais, en quelque sorte, affirmer. En 1992, il n'y avait aucune raison

12 pour que des soldats stationnent à Bosanski Petrovac, dans la

13 municipalité, parce que c'était près du front, n'est-ce pas?

14 Réponse: En 1992, la situation était totalement différente. Nous parlons

15 de 1991 et nous parlons de l'armée yougoslave dans le secteur de Bosanski

16 Petrovac. Et je crois, en fait, qu'il s'agissait d'une garnison qui a été

17 déplacée, transférée de Karlovac et qui est venue à Bosanski Petrovac. Et

18 ils se trouvaient à Bosanski Petrovac, ceci jusqu'à Laniste, où se sont

19 trouvées par la suite les casernes. Je pense que c'était une unité du

20 génie ou une unité tactique, quelque chose de ce genre.

21 Question: Mais vous seriez d'accord avec l'idée générale qu'il serait

22 cohérent, d'un point de vue militaire, d'avoir vos soldats près du front,

23 n'est-ce pas ?

24 Réponse: Je ne sais pas ceux qui étaient déployés sur les lignes de front,

25 mais je vous dis ce que j'ai su. Je ne suis pas un stratège militaire, mes

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1 façons de percevoir les choses sont très modestes, très humbles et je vous

2 dis simplement ce que j'ai vu de mes yeux, ce qui était visuel et ce que

3 tout habitant pouvait voir. Tout habitant pouvait voir des choses de ce

4 genre, à savoir des colonnes de l'armée populaire yougoslave, l'ex-armée

5 populaire yougoslave, et ceci dans la région de Bosanski Petrovac.

6 Question: Parlons maintenant des points de contrôle parce que je pense que

7 vous avez dit -et vous me corrigerez si je me trompe- que les points de

8 contrôle ont commencé à être construits vers 1991?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et dans votre déclaration, vous avez dit que le motif

11 fondamental de tout cela était d'empêcher que ne s'infiltrent les soldats

12 ennemis depuis la Croatie. Est-ce que vous vous rappelez avoir dit quelque

13 chose de ce genre dans votre déclaration? Si vous avez besoin de la

14 regarder, faites-le, je vous en prie.

15 M. Hidic (interprétation): Je vais profiter de cette occasion pour le

16 faire.

17 (Le témoin consulte sa déclaration.)

18 M. le Président (interprétation): Maître Cunningham, pourriez-vous lui

19 dire avec précision à laquelle des trois déclarations vous vous référez?

20 M. Cunningham (interprétation): Je parle de sa déclaration initiale.

21 M. le Président (interprétation): En 1999?

22 M. Cunningham (interprétation): 10 novembre 1999. Laissez-moi voir si je

23 peux repérer l'endroit. Si je peux avoir une minute, Monsieur le

24 Président, je vois à la page 3 de la version anglaise, en comptant un,

25 deux, trois paragraphes vers les bas… Excusez-moi, Monsieur le Président,

Page 16329

1 je pense que c'était…

2 Interprète: Est-ce que le conseil pourrait, s'il vous plaît, parler dans

3 le microphone?

4 M. Hidic (interprétation): Oui, oui, j'ai trouvé ce paragraphe.

5 M. Cunningham (interprétation): Et vous lisez bien là que vous avez dit

6 dans cette déclaration que la raison donnée était d'empêcher que ne

7 s'infiltrent des soldats ennemis venus depuis la Croatie.

8 Réponse: Oui, c'est ce que, officiellement, j'avais appris. C'est ce que

9 j'ai appris officiellement, mais je voudrais vous rappeler que j'étais

10 encore dans mon emploi, je travaillais encore au centre logistique. Les

11 gens venaient pour avoir des vivres et d'autres choses. Les gens savaient

12 ce qui se passait dans le territoire de la municipalité de Bosanski

13 Petrovac et ils savaient pourquoi ça se passait.

14 Si c'est nécessaire, je peux même vous dire une anecdote. Un jeune homme

15 de Drvar a été arrêté par erreur…

16 M. Cunningham (interprétation): Je vais poursuivre et vous interrompre

17 parce que je ne pense pas qu'une anecdote soit nécessaire à ce stade. Je

18 ne veux pas être mal élevé avec vous, mais voilà ce que je voulais dire

19 Monsieur Hidic. Je sais que vous n'êtes pas un économiste ni un expert

20 militaire, mais seriez-vous d'accord ou non qu'il est cohérent d'établir

21 des points de contrôle pour empêcher l'ennemi d'entrer dans votre patrie?

22 M. Hidic (interprétation): Oui, oui. Pourrais-je… Ceci avait à voir avec

23 des points de contrôle en Croatie et il ne s'agissait pas de ce genre de

24 chose-là. Ceci n'avait lieu que dans une certaine partie de la région en

25 1991. Non excusez-moi… Oui, si, c'était bien en 1991. De sorte que c'est

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1 dans un certain secteur que ces points de contrôle ont été établis. Ce

2 n'est pas qu'ils aient été établis au sens de la guerre, ce n'était pas

3 comme en 1992 lorsque nous allions à Grabez, j'ai vu ces points de

4 contrôle de combat.

5 M. le Président (interprétation): Un moment Maître Cunningham, je voudrais

6 poser une question au témoin.

7 Témoin, en lisant ce paragraphe précis de votre première déclaration, je

8 vois que vous avez été très précis, très méticuleux. Vous avez expliqué où

9 ces points de contrôle ont été établis et vous avez parlé des routes de

10 Bosanski Petrovac, à Bihac, la route à Drvar, un endroit qui s'appelle

11 Kolunic près de Kljuc, un endroit qui s'appelle Bravsko, la route

12 conduisant à Bosanska Krupa, un endroit qui s'appelle Krnjevsa.

13 Est-ce que la constitution de ces points de contrôle à ces endroits

14 correspond bien, est logique par rapport à la raison qui avait été donnée

15 par les autorités, à savoir d'empêcher que des groupes ennemis ne

16 s'infiltrent à partir de la Croatie? Est-ce que ces points de contrôle

17 étaient bien ce qu'il fallait pour contrôler du point de vue stratégique

18 si possible, empêcher les infiltrations à partir de la Croatie? J'attends

19 votre réponse.

20 M. Hidic (interprétation): Eh bien, je peux dire qu'au début lorsque les

21 points de contrôle ont été établis, l'intention n'était pas celle-là. Il

22 s'agissait de contrôler les routes. De sorte qu'il s'agissait uniquement

23 du contrôle de la circulation, de la circulation civile normale qui avait

24 lieu dans ce secteur, dans cette partie des routes.

25 Lorsque ce point de contrôle a été établi c'était le but premier de ce

Page 16331

1 point de contrôle. Les véhicules qui passaient là étaient essentiellement

2 des camions et des bus ou des autocars, en particulier le bus du soir qui

3 venait de Sarajevo et qui ensuite passait par Bihac jusqu'à notre

4 localité, et également retour de Bihac à Sarajevo. Et bien sûr il y avait

5 d'autres véhicules civils qui étaient arrêtés au point de contrôle.

6 C'était l'un des premiers points de contrôle qui a été établi dans le

7 territoire de la municipalité de Bosanski Petrovac. Et c'était cela

8 l'objectif.

9 M. le Président (interprétation): Et d'après ce que je vois vous avez déjà

10 expliqué à la Chambre que Petrovac n'avait pas de frontière avec la

11 Croatie. Et je n'arrive pas à comprendre par exemple comment un point de

12 contrôle sur la route de Petrovac à Kljuc pouvait en quoi que ce soit être

13 lié à l'idée d'empêcher à des ennemis de s'infiltrer depuis la Croatie

14 parce que Kljuc se trouve à l'Est de Petrovac. C'est exact, n'est-ce pas?

15 M. Hidic (interprétation): C'est très clair, Monsieur le Président.

16 Bosanski Petrovac se trouve à l'est de Bihac, mais pour le reste de

17 l'armée croate près de Slunj, je crois que c'est la dernière ville en

18 territoire croate qui est tombée aux mains de l'armée serbe. Donc ceci

19 était vers la fin de 1991, via Kladusa ces personnes, les réfugiés de

20 cette région ont utilisé toutes les voies possibles qui pouvaient leur

21 permettre de sortir de là, et ils ont traversé Bosanski Petrovac en

22 transit bien sûr. Ils sont partis vers d'autres destinations à partir

23 desquelles ils pourraient être transférés vers la Croatie.

24 M. le Président (interprétation): En tout état de cause vous pouvez

25 continuer, Maître Cunningham.

Page 16332

1 M. Cunningham (interprétation): Je vous remercie. Est-ce que vous

2 connaissiez Midhat Druzic. Est-ce que vous avez connu un homme de ce nom à

3 Bosanski Petrovac?

4 M. Hidic (interprétation): Oui.

5 Question: Et je crois que vous nous avez dit jeudi que ces points de

6 contrôle avaient pour effet de limiter la possibilité pour des non-Serbes

7 d'aller et de venir dans la municipalité, est-ce exact?

8 Réponse: Non. Pas à l'intérieur de la municipalité en dehors de la

9 municipalité.

10 Question: Les non-Serbes n'étaient pas les seules personnes dont les

11 points de contrôle limitaient les mouvements, parce que ces points de

12 contrôle également limitaient les mouvements d'hommes en âge de porter des

13 armes, c'est exact?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et vous nous avez dit précédemment que dans ce processus de

16 constitution de points de contrôle, non seulement des non-Serbes étaient

17 arrêtés et même des Serbes, certains Serbes qui avaient même été détenus,

18 est-ce exact?

19 Réponse: Ce n'est pas qu'ils aient été détenus, c'est qu'on les a fait

20 descendre de ces véhicules et qu'on ne les a pas autorisés à continuer

21 leur trajet pour ceux qui n'avaient pas les papiers nécessaires.

22 Question: Et ceci concerne aussi bien les Serbes que les autres, n'est-ce

23 pas?

24 Réponse: Oui.

25 Question: La violence s'est ensuite manifestée dans votre environnement,

Page 16333

1 je ne vais pas entrer dans les détails, mais je souhaiterais revenir sur

2 certains points avec vous. Et pour beaucoup des ces actes de violence,

3 vous avez appris ce qui s'était passé le lendemain; et d'ailleurs c'était

4 le cas pour l'ensemble des habitants de la communauté, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui, bien sûr.

6 Question: Et il me semble que vous nous avez parlé au moins de deux décès

7 qui ont été suivis de funérailles auxquels ont assisté aussi bien des

8 Bosniens que des Serbes, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui. Les deux premiers assassinats qui ont eu lieu, effectivement

10 ça s'est passé comme ça pour ces deux-là. Ensuite, il s'est peut-être

11 passé quelque chose mais après il y avait moins de Serbes.

12 Question: Vous nous avez dit ce que vous saviez de certains de ces actes

13 de violence, vous avez expliqué que les policiers arrivaient, faisaient

14 une enquête et ensuite s'en allaient. Je prends l'exemple du monsieur qui

15 a été abattu et qui a dû être enterré dans la cour de sa maison. Vous avez

16 dit que pour lui la police était venue sur les lieux et avait procédé à

17 une enquête sur les lieux.

18 Réponse: Oui, une enquête sur les lieux, c'est ce qu'a fait la police ou

19 d'une moins une partie des policiers de Bosanski Petrovac.

20 Question: Est-ce qu'au sein de la population musulmane, bosnienne, on

21 avait l'impression que les policiers ne faisaient pas leur travail, ne

22 faisaient pas tout ce qui fallait pour retrouver les auteurs de ces actes

23 de violence à l'encontre des Bosniens?

24 Réponse: En fait, les Bosniens attendaient l'issue de ces enquêtes, mais

25 jamais on n'a eu connaissance d'aucune poursuite, d'aucune enquête qui

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1 aurait été menée au sujet des crimes commis sur le territoire de Bosanski

2 Petrovac.

3 Question: Et ceci est particulièrement le cas en 1991, n'est-ce pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Sur les bases de ce que vous avez observé, sur la base de ce que

6 vous savez, ne conviendrez-vous pas avec moi qu'il est arrivé que de

7 nombreux officiers de police ou certains officiers de police soient

8 mobilisés, soient envoyés au front et soient obligés de prendre du service

9 d'active?

10 Réponse: Mais pas tous! Il y avait des réservistes effectivement qui

11 étaient au front, mais la plupart des réservistes étaient en ville ou sur

12 les points de contrôle. Ils remplissaient des fonctions en ville ou dans

13 les communautés locales de la municipalité de Bosanski Petrovac.

14 Question: Mais un grand nombre d'entre eux ont été mobilisés pour

15 reprendre du service d'active au front, n'est-ce pas?

16 Réponse: Non, ils allaient de temps à autre sur le front. Ils y allaient

17 de temps à autre et ils étaient censés apporter leur assistance au front,

18 si je puis dire. On ne peut pas dire qu'ils étaient constamment postés au

19 front.

20 Question: Mais vous conviendrez avec moi que chaque jour qu'ils passaient

21 au front était un jour qu'ils ne pouvaient pas consacrer à des enquêtes

22 sur des crimes commis dans la municipalité, n'est-ce pas?

23 Réponse: Je pense qu'il y avait une équipe spécialisée dans les enquêtes

24 sur les crimes et je ne pense pas que les policiers de réserve étaient

25 appelés à faire ce genre de travail ni qu'ils auraient pu le faire.

Page 16335

1 C'étaient des professionnels qui devaient faire ce genre de travail avant

2 et pendant la guerre, c'étaient ces gens-là spécialisés qui procédaient à

3 ce type d'enquêtes sur les lieux des crimes.

4 M. Cunningham (interprétation): Vous avez parlé des dégâts au sein de

5 votre communauté, vous avez parlé d'une maison qui avait été pilonnée, qui

6 avait été détruite, incendiée, et vous dites vous êtes rendu sur place,

7 avoir senti une odeur très forte, très désagréable, une odeur de produit

8 chimique. Vous en souvenez-vous?

9 M. Hidic (interprétation): Oui, quand j'ai parlé de l'attaque des Redzic

10 (phon), des Bosniens, j'ai dit qu'ils avaient été attaqués, qu'on avait

11 lancé des produits chimiques sur leurs maisons et des grenades à fusil.

12 Mais je n'ai pas parlé de ma maison, j'ai parlé d'une maison qui a été

13 l'objet d'une telle attaque. Et au matin, plusieurs habitants se sont

14 rendus sur place ainsi que les représentants du gouvernement politique.

15 Je voudrais insister sur le fait qu'il y avait Dragan Milanovic, un député

16 membre du parlement. Il était là en personne, en chair et en os. Et bien

17 entendu...

18 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je suis en train

19 d'essayer de faire en sorte que vous puissiez en terminer aujourd'hui de

20 votre déposition. C'est ce que fait aussi Me Cunningham, il aimerait bien

21 pouvoir en finir de votre déposition aujourd'hui. Mais pour que nos

22 efforts, pour vous aider, portent leurs fruits, il faut que de vous

23 répondiez aux questions, à l'ensemble des questions, et à rien d'autre.

24 Or ce n'est pas ce que vous faites, vous êtes en train de nous donner des

25 faits -pour certains vous nous les avez déjà donnés-, mais vous ne

Page 16336

1 répondez pas aux questions. La question qu'on vous a posée, c'est de

2 savoir si vous vous souvenez avoir mentionné cet incident, vous auriez dû

3 répondre oui ou non. A ce moment-là, si vous aviez répondu oui, il aurait

4 continué.

5 M. Hidic (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Essayez donc de vous limiter aux

7 questions, de répondre uniquement aux questions. Rien de plus.

8 M. Cunningham (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

9 La question suivante est très simple: est-ce que vous êtes en train

10 d'affirmer qu'on a fait usage d'arme chimique contre les Bosniens?

11 Réponse: Non. Ce n'est pas ce que j'avance quoi que ce soit. Je ne suggère

12 rien. C'est un fait. Il y avait des produits chimiques, des composés

13 chimiques qui ont été utilisés. L'odeur qui se dégageait était une odeur

14 de ce type. De plus, on en sentait bien les effets dans notre système

15 respiratoire.

16 Question: Vous avez parlé des obligations de travail que vous avez dû

17 réaliser. Mais vous n'étiez pas dans l'armée, donc vous étiez tenu, si le

18 gouvernement vous le demandait, de vous soumettre à une obligation de

19 travail?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et ces ordres, est-ce que c'est généralement le ministère de la

22 Défense qui les donnait? Parce que je me souviens que vous nous avez dit

23 que l'ordre qui vous a été donné sortait de l'ordinaire. Alors ce que je

24 veux savoir c'est si ces ordres venaient généralement du ministère de la

25 Défense?

Page 16337

1 Réponse: Non, pas le ministère. Il s'agissait des autorités chargées de la

2 défense nationale sur la municipalité de Bosanski Petrovac.

3 Question: Mais l'ordre que vous avez reçu sortait de l'ordinaire.

4 Expliquez-nous en quelques mots pourquoi vous avez eu le sentiment que cet

5 ordre sortait de l'ordinaire. Est-ce parce qu'il n'émanait pas de

6 l'autorité chargée de la défense nationale dans votre municipalité?

7 Réponse: On voyait "Titov Drvar" sur le cachet que portait ce document et

8 pas Bosanski Petrovac. C'est ça qui m'a frappé. Tout ce que contenait ce

9 document avait trait à Bosanski Petrovac, mais le cachet venait de Titov

10 Drvar, donc c'est ça qui a éveillé mon attention.

11 Question: Et quand ils étaient soumis à des obligations de travail dans

12 votre municipalité, beaucoup de vos compatriotes bosniens ont dû réaliser

13 des travaux agricoles pendant l'été, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Il y en a d'autres qui ont travaillé au creusement de canaux, au

16 centre d'élevage piscicole, etc.?

17 Réponse: Malheureusement à Bosanski Petrovac il n'y a pas de centre

18 d'élevage piscicole. Donc ceci n'a pas été le cas à Bosanski Petrovac.

19 Question: Donc ceux qui étaient appelés à se soumettre à une obligation de

20 travail devaient aider à l'effort de guerre dans le cadre du

21 fonctionnement de l'économie locale?

22 Réponse: Non. Non, ils n'étaient pas employés pour ce faire, ils n'étaient

23 pas salariés, ils ne le faisaient pas pendant les heures de travail. Ils

24 l'ont fait ensuite, après avoir été démis de leurs fonctions. C'est

25 ensuite seulement qu'ils ont dû se soumettre à ce type d'obligation.

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1 Question: Avançons. S'agissant de l'obligation de travail, votre

2 expérience se limite à une journée au cours de laquelle on vous a

3 transporté jusqu'à une zone qui se trouvait à proximité de la ligne de

4 front?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et vous nous avez déclaré à ce moment-là que vous avez vu des

7 hommes en uniforme militaire pendant que vous attendiez dans l'autocar?

8 Réponse: Oui, on était sur la ligne, on s'est vu. D'ailleurs il y a

9 certains de ces hommes que je connaissais.

10 Question: Et lorsque ces hommes sont montés à bord de l'autocar et se sont

11 montrés menaçants, il vous est apparu clairement qu'ils en voulaient à la

12 communauté bosnienne parce que, selon eux, les Bosniens ne faisaient pas

13 ce qu'il fallait pour contribuer à la défense de la municipalité de

14 Bosanski Petrovac?

15 Réponse: Non, il s'agit d'un groupe qui est arrivé. Ils ont reçu par

16 hasard l'information selon laquelle il y avait des Bosniens sur la ligne

17 de front. Ils l'ont reçue en fait avec satisfaction. C'étaient des gens

18 qui étaient différents, qui n'étaient pas vraiment sur la ligne de front.

19 Question: Mais là je ne comprends plus. Vous nous avez parlé d'un groupe

20 d'hommes qui sont montés dans l'autocar et qui se sont montrés menaçants,

21 qui ont tenté de vous intimider. Vous n'êtes donc pas en train de parler

22 des mêmes?

23 Réponse: Oui, effectivement, il s'agit d'un groupe complètement différent.

24 Il s'agit d'un groupe d'hommes qui sont venus dans des véhicules

25 motorisés.

Page 16339

1 Question: Et ces hommes qui sont venus dans des véhicules motorisés, ils

2 n'étaient pas contents parce que vous étiez une équipe de travail,

3 d'ouvriers, et pas des hommes en armes qui seraient venus combattre pour

4 Bosanski Petrovac. C'est cela qui a suscité leur colère, n'est-ce pas?

5 Réponse: Ils n'avaient pas besoin de raisons quelles qu'elles soient, ils

6 n'en ont pas cherché. Ils ont vu des Bosniens et ça leur a suffi pour

7 monter à bord de l'autocar et commencer à nous narguer.

8 Question: Vous nous dites qu'ils vous narguaient, mais vous nous avez

9 également dit que, pour vous intimider, ils ont tenu des propos selon

10 lesquels la communauté bosnienne ne faisait pas ce qu'elle devait faire

11 pour défendre la municipalité de Bosanski Petrovac.

12 M. Hidic (interprétation): Une fois encore vous essayez d'obtenir de moi

13 une réponse différente. Moi ce que je vous dis c'est que peu leur

14 importait qu'on ait contribué à la défense ou pas, tout ce qui importait

15 pour eux c'était que nous étions des Musulmans.

16 M. Cunningham (interprétation): Maintenant j'aimerais parler avec vous

17 d'un certain nombre de documents. Nous aimerions faire en sorte que vous

18 puissiez partir à 16 heures jeudi. Je vais donc vous demander de bien

19 écouter attentivement mes questions. Je vais demander à ce qu'on présente

20 au témoin la pièce P1813. J'aurai besoin de l'huissier pour ce faire.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 M. le Président (interprétation): Maître Cunningham, vous-même et Me

23 Baruch, je souhaiterais qu'avant que vous ne contre-interrogiez un témoin,

24 vous puissiez nous communiquer la liste des pièces à conviction que vous

25 allez utiliser. C'est une pratique que nous avons adoptée ici dans cette

Page 16340

1 affaire.

2 M. Cunningham (interprétation): Je suis désolé, je n'étais pas au courant.

3 M. le Président (interprétation): Maintenant vous en êtes informé et je

4 vous demande de vous y conformer à l'avenir.

5 M. Cunningham (interprétation): Je n'y manquerai pas.

6 M. le Président (interprétation): Veuillez avoir l'amabilité de donner à

7 l'huissier la cote des documents que vous avez l'intention de présenter au

8 témoin, de cette manière il pourra les préparer.

9 (Le conseil de la défense cherche les documents.)

10 M. Cunningham (interprétation): Veuillez accepter mes excuses.

11 M. le Président (interprétation): Inutile de vous excuser. Maître

12 Cunningham, je vous redonne la parole.

13 M. Cunningham (interprétation): Je crois que vous avez sous les yeux la

14 pièce à conviction P1813, et d'après mes notes il s'agit d'une décision de

15 l'assemblée municipale de Petrovac pour se séparer de l'assemblée

16 municipale de Bihac. Il me semble que, jeudi dernier, vous nous avez dit

17 que votre municipalité avait toujours gravité autour de Bihac. Vous

18 souvenez-vous de vos propos à cet égard?

19 M. Hidic (interprétation): Oui.

20 Question: Et dans les motifs qui nous sont donnés ici pour cette

21 séparation de la municipalité de Bihac, vous nous avez dit que certains

22 des motifs évoqués étaient politiques. Et si j'interprète mal votre

23 réponse, n'hésitez pas à m'interrompre, mais vous avez dit -me semble-t-

24 il- que certains des motifs évoqués étaient valables et d'autres non?

25 Réponse: Oui.

Page 16341

1 Question: En quelques mots pouvez-vous me dire ce qui était conforme à la

2 réalité et ce qu'il ne l'était pas? D'abord qu'est-ce qui était vrai?

3 Quels étaient les motifs qui étaient dignes de ce nom?

4 Réponse: C'est très difficile de répondre à cette question, parce que

5 cette décision ne comporte aucun de ces motifs, et d'autre part de

6 nombreux motifs ont été invoqués pour justifier le départ de la

7 municipalité de Bosanski Petrovac de la région de Bihac. En tout cas, une

8 des raisons invoquées c'était une raison économique, ce qui était

9 complètement injustifié parce que la situation économique aussi bien à

10 Petrovac que dans d'autres municipalités se trouvant dans la région de

11 Bihac, la situation économique était très semblable à ce qu'elle était à

12 Petrovac.

13 L'une des raisons données a été l'infrastructure, les communications; ce

14 qui n'était pas justifié parce que juste avant la guerre on a mis la

15 dernière main à un système d'approvisionnement en eau; d'autre part entre

16 Bosanski Petrovac et Krupa on a construit une route en 1991, donc c'était

17 la seule route à l'époque qui précédemment n'était pas asphaltée; et

18 d'autre part toute l'infrastructure de distribution d'électricité était

19 excellente.

20 Donc je vous donne là des raisons au fur et à mesure que je m'en souviens,

21 des raisons invoquées par la municipalité pour quitter l'association des

22 municipalités de Bihac. Je pense donc que cette décision avait un

23 caractère plus politique que voir ethnique. Il ne s'agissait pas d'une

24 décision à caractère économique ou autres.

25 Question: Maintenant, j'aimerais que nous parlions de la pièce P1805. Il

Page 16342

1 s'agit des notes de la cellule de crise en date du 21 mai 1992 au sujet de

2 la réunion qui a eu lieu le 19 mai 1992. Je souhaite ardemment que vous

3 puissiez quitter ce prétoire à 16 heures.

4 Réponse: Moi aussi je serai vraiment très content de pouvoir en terminer

5 aujourd'hui et je vais faire de mon mieux pour que les choses

6 s'accélèrent.

7 Question: Veuillez donc vous contenter -et ne le prenez pas mal- de

8 répondre à mes questions. Nous avons ici un document qui a été invoqué par

9 le Bureau du Procureur au sujet des discussions de la cellule de crise

10 concernant le bétail. Est-ce que vous vous souvenez de ces discussions au

11 sujet du bétail?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Si vous connaissez la réponse tant mieux, sinon tant pis: est-ce

14 que vous savez que le bétail dont on a parlé dans ce procès-verbal,

15 c'étaient des vaches laitières qui avaient besoin de soins particuliers,

16 faute de quoi ce type de bétail risquait de mourir? Si vous connaissez la

17 réponse à ma question tant mieux, sinon peu importe.

18 Réponse: Il me semble qu'il s'agissait de vaches qui venaient de Kupres,

19 d'une ferme d'élevage qui se trouvait sur le territoire de Kupres, elles

20 sont arrivées à Bosanski Petrovac et je crois que c'est de là que venaient

21 la majorité de ces vaches. Bien entendu, il y avait aussi des vaches qui

22 venaient d'autres régions.

23 Question: Changeons de sujet. Je vous présente un nouveau document ou un

24 autre document dont vous avez parlé. Pièce 1807, procès-verbal de la

25 réunion de la cellule en date du 24 mai 1992. Pour que vous puissiez

Page 16343

1 sortir le plus rapidement possible, je vous demande de vous reporter à la

2 quatrième page du document, au n°2, au point n°2 et au point n°3.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 Point n°2. Ici, on voit qu'il y a une décision de la cellule de crise

5 selon laquelle les habitants d'origine musulmane pouvaient rester mais

6 devaient travailler sur la base des besoins effectifs des entreprises

7 concernées, n'est-ce pas?

8 Réponse: Oui, c'est exact. Bien sûr.

9 Question: On parle de la mise en place -au point 3- d'un tribunal

10 militaire pour juger les personnes coupables de vol, de pillage, etc.,

11 n'est-ce pas?

12 Réponse: Je pense qu'effectivement on a mis en place un tribunal. Donc ça

13 c'est vrai.

14 Question: Et il s'agit donc d'une démarche entreprise par les autorités

15 civiles pour réagir aux pillages et aux manifestations, aux infractions à

16 l'ordre public que l'on constatait à l'époque?

17 Réponse: Oui, je crois qu'il s'agit là d'une simple tentative.

18 Question: Nous parlons ici de butins de guerre, et je reprends ici vos

19 termes. Il me semble que la semaine dernière vous avez déclaré, mais je

20 n'ai pas le document sous les yeux, vous avez déclaré que la cellule de

21 crise de Bosanski Petrovac avait demandé de l'aide pour résoudre les

22 problèmes des vols et des pillages dans la région. Est-ce que vous vous

23 souvenez avoir évoqué la chose jeudi?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et on a essayé de récupérer, de confisquer les biens volés, et

Page 16344

1 que ce tout ceci avait été entassé devant le poste de police, n'est-ce

2 pas?

3 Réponse: Oui, ce que les policiers sont parvenus à confisquer et à

4 récupérer auprès d'un certain nombre de personnes.

5 Question: Mais il me semble que vous nous avez dit qu'il a parfois été

6 difficile de restituer ces biens à leurs propriétaires légitimes. On a

7 rencontré des difficultés pour ce faire même si on avait confisqué les

8 biens volés, n'est-ce pas?

9 Réponse: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ces biens n'ont jamais été

10 restitués à leurs propriétaires légitimes. C'est justement là que résidait

11 le problème.

12 Question: J'aimerais présenter au témoin la pièce P1809.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 Page 3, on parle du poste de sécurité publique de Petrovac où ont été

15 détenus les auteurs d'actes criminels, et vous avez souligné un extrait

16 -je cite-: "Les prisonniers en détention pouvaient être employés pour

17 réaliser des travaux d'intérêt général ainsi que des travaux ayant trait

18 aux préparatifs de défense.". (Fin de citation.)

19 Est-ce bien exact?

20 M. Hidic (interprétation): Est-ce que vous pouvez me dire exactement à

21 quelle page on trouve ce passage puisque je n'arrive pas à le retrouver?

22 M. Cunningham (interprétation): Il s'agit de la page 3, tout au bas de la

23 page 3, point 3.

24 M. le Président (interprétation): Vous êtes en train de lui donner les

25 références en vous servant de la version en anglais.

Page 16345

1 M. Cunningham (interprétation): Je vous prie de m'excuser.

2 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la page 2, paragraphe n°3,

3 Monsieur le Témoin: troisième paragraphe à partir du bas de la page:

4 "Pritvorenici ne mogu koristiti zaradu na poslovima (phon)", etc.

5 Est-ce que vous suivez? Vous voyez ce document?

6 M. Cunningham (interprétation): La question que je vais vous poser:

7 maintenant que nous avons identifié l'endroit où se trouvaient les

8 prisonniers, les prisonniers pouvaient être utilisés pour les préparatifs

9 de défense et les travaux d'intérêt général. Est-ce effectivement ce

10 qu'ils ont fait à l'époque à Bosanski Petrovac? Est-ce qu'ils ont aidé aux

11 préparatifs de défense?

12 M. Hidic (interprétation): Non à Bosanski Petrovac, cela n'est pas ce qui

13 s'est produit. Les prisonniers n'ont pas participé aux travaux qui

14 viennent d'être évoqués.

15 M. Cunningham (interprétation): Monsieur le Président, dans le but

16 d'accélérer les questions cet après-midi, je souhaite simplement parcourir

17 mes notes.

18 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

19 M. Cunningham (interprétation): Je souhaite maintenant vous parler de la

20 pièce de l'accusation P1869. Il s'agit des notes de la cellule de crise

21 datées du 3 juin 1992 et qui parlent de la réunion tenue par la cellule de

22 crise à Bosanski Petrovac le 2 juin 1992.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 A la première page de ce document, il y a une annotation qui indique

25 "ordre du jour" où sont évoquées des discussions. Il s'agit du point n°1 à

Page 16346

1 la page 1 de ce document anglais et suite à la page 2. Et ici, il est

2 précisé la manière dont les non-Serbes seront autorisés à quitter le

3 territoire si -et c'est la condition- les Serbes…, on y parle d'un échange

4 de famille à famille. Est-ce que vous voyez le passage en question?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et reprenez-moi si j'ai tort, peut-être que mes dates, les dates

7 que j'avance, ne sont pas exactes. Mais ce qui s'est passé ici est la

8 chose suivante: il s'agissait ici de tenter d'effectuer un échange entre

9 les biens des Bosniens en territoire serbe à Bosanski Petrovac et les

10 biens serbes dans d'autres régions, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui, mais la région en question a été très clairement définie. Et

12 cette définition ne s'appliquait qu'à Bihac. Il s'agit simplement

13 d'effectuer un échange entre Bihac et Bosanski Petrovac. La discussion a

14 surtout porté là-dessus, il s'agit donc de la conversation entre les

15 représentants de haut rang et les dirigeants politiques.

16 Question: Et dans les faits, ces échanges n'ont pas véritablement eu lieu,

17 car les familles bosniennes qui se sont rendues à Bihac ont acquis des

18 biens qui appartenaient auparavant aux Serbes, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui. Il y a très peu de Musulmans de Bosanski Petrovac qui sont

20 partis car les routes étaient déjà fermées, très peu sont arrivés à Bihac.

21 Ils ont emménagé dans un certain nombre de maisons, je ne sais pas si cela

22 faisait partie de l'accord susmentionné car ces personnes n'étaient pas

23 présentes, car les contrats ont été signés dans la municipalité de

24 Bosanski Petrovac et ils étaient partis bien avant cette date-là.

25 M. Cunningham (interprétation): Merci. Puis-je parler de la pièce 245A

Page 16347

1 avec l'accord de la Chambre et l'aide de l'huissier.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Il s'agit ici du procès-verbal consigné à la suite de la réunion de la

4 cellule de crise tenue le 14 juin 1992.

5 Lors de cette réunion, la cellule de crise a évoqué la question de la

6 communauté musulmane. Et ici j'entends, je ne sais pas si mes notes sont

7 exactes, en tout cas l'exemplaire que j'ai ici fait référence aux parties

8 du texte que vous avez soulignées vous-même.

9 M. Hidic (interprétation): Je n'ai pas un exemplaire sous les yeux, rien

10 n'est souligné dans mon exemplaire. Il s'agit ici du procès-verbal de la

11 réunion.

12 M. le Président (interprétation): Pardonnez-moi, il s'agit ici du document

13 qui a été présenté ce matin par Mme Korner et non pas celui qui se

14 trouvait dans le classeur auparavant.

15 Il s'agit du 245.1.

16 Mme Korner (interprétation): Oui, je sais que ceci porte énormément à

17 confusion. Il s'agit de document qui nous a été fourni par l'A.I.D. et les

18 autres sont ceux qui nous ont été fournis par M. Hidic, 245.1.

19 M. Cunningham (interprétation): Simplement pour rétablir les faits, je

20 souhaite poser une question sur ce document que nous avons sous les yeux.

21 Il est vrai que la cellule de crise, ici, parle de Musulmans, des Bosniens

22 qui ont fait un serment d'allégeance. Et il est demandé à ce que ces

23 Bosniens participent aux préparatifs de défense, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui, absolument.

25 Question: Je souhaite maintenant que vous passiez à la page suivante, à la

Page 16348

1 partie du document qui fait référence aux conclusions.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Et dans les conclusions au fil de la lecture, ici, nous constatons qu'il

4 s'agit bien de la cellule de crise de Krajina, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Pardonnez-moi, si je pose ma question un petit peu trop tôt. Il

7 s'agit bien d'une séance de la cellule de crise de Krajina.

8 Voici ma question: en parcourant les documents qui avaient été mis à votre

9 disposition par la municipalité lorsque vous êtes retourné, avez-vous

10 tenté de recueillir tous les documents qui faisaient référence aux

11 réunions de la cellule de crise à Banja Luka?

12 Réponse: Non. Bien sûr que non.

13 Question: Et pourquoi?

14 Réponse: Très honnêtement, je ne sais pas, je ne peux pas répondre à cette

15 question. Mais quoi qu'il en soit, je n'ai pas vu de tels documents, des

16 documents qui auraient été directement liés aux réunions de la cellule de

17 crise à Bosanski Petrovac ainsi que dans la région de Banja Luka. Je n'ai

18 vraiment pas vu de tels documents.

19 Il se peut que j'aie vu des lettres ou des documents qui faisaient

20 référence à d'autres documents de ce type, car il est indiqué ici dans ce

21 document que "la cellule de crise de Petrovac va demander à la cellule de

22 la Région autonome de Krajina", autrement dit je parle du destinataire qui

23 a un lien avec la cellule de crise.

24 Question: Mais vous n'avez pas trouvé de documents qui indiqueraient comme

25 dans ce cas-ci qu'il y a eu un premier contact avec la cellule de crise de

Page 16349

1 Krajina, et vous n'avez pas trouvé de documents là-dessus? Autrement dit,

2 la cellule de crise de Krajina n'a pas réagi à ce moment-là, donc vous

3 n'avez rien trouvé à cet effet?

4 M. Hidic (interprétation): Non.

5 M. Cunningham (interprétation): Puis-je avoir un moment, Monsieur le

6 Président, s'il vous plaît? Je souhaite m'entretenir avec Me Baruch.

7 M. le Président (interprétation): Je vous prie d'éteindre votre

8 microphone, s'il vous plaît.

9 (Le Banc de la défense se concerte.)

10 M. Cunningham (interprétation): Je n'ai plus de question au témoin.

11 M. le Président (interprétation): Pas de son.

12 Mme Korner (interprétation): Puis-je poser une question, s'il vous plaît?

13 Il s'agit en fait d'une question supplémentaire.

14 M. le Président (interprétation): Il s'agit des questions supplémentaires?

15 Mme Korner (interprétation): Non, je vois que vous êtes en train de vous

16 préparer à partir. Il s'agit d'une seule question.

17 M. le Président (interprétation): Non, je mettais simplement mes papiers

18 en ordre.

19 Donc questions supplémentaires posées par Mme Korner.

20 (Interrogatoire principal supplémentaire au témoin, M. Ahmet Hidic, par

21 Mme Korner.)

22 Mme Korner (interprétation): On vous a posé une question à propos de la

23 réunion portant sur la création du SDS à Bosanski Petrovac; question qui

24 vous a été posée par Me Cunningham.

25 M. Hidic (interprétation): Oui, mais je n'ai pas eu l'occasion de répondre

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1 complètement à cette question.

2 Mme Korner (interprétation): La question que je souhaite vous poser: une

3 chose que vous avez dite par exemple, vous avez dit parce qu'on a parlé

4 des différentes activités de ce parti, ce qu'il disait, comment il pouvait

5 aider leurs électeurs, et vous avez répondu "en partie", effectivement

6 vous avez dit que ce n'était pas le cas. Ce parti n'évoquait pas des

7 questions fondamentales et vous avez mis en exergue un certain nombre de

8 points. Ils ont utilisé des termes qui semblent absolument terrifiants.

9 Quels termes ont été utilisés qui étaient absolument terrifiants?

10 M. le Président (interprétation): Ecoutez. Puisque vous posez cette

11 question, c'est une question que j'allais poser moi-même. Il parle

12 d'invités qui participaient à ces rassemblements politiques, puis il

13 utilise le terme "invités". Je ne sais pas s'il s'agit d'une question

14 d'interprétation ou s'il a vraiment utilisé le terme "invité".

15 Peut-être pourriez-vous expliquer, s'il vous plaît? Nous pouvons faire

16 référence au texte.

17 Mme Korner (interprétation): Oui, peut-être.

18 Bien. Monsieur le Témoin, Monsieur Hidic lorsque vous parlez d'invités, à

19 qui faites-vous allusion?

20 M. Hidic (interprétation): Je fais allusion aux personnes qui

21 participaient à cette réunion qui n'habitaient pas dans ces communes

22 locales, qui ne venaient pas de Bosanski Petrovac mais qui venaient

23 d'autres régions de l'ex-Yougoslavie et qui étaient invités pour pouvoir

24 participer à ces réunions en tant qu'invités.

25 Mme Korner (interprétation): Lorsque je vous ai posé des questions jeudi,

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1 vous avez évoqué des personnes comme Biljana Plavsic.

2 M. Hidic (interprétation): Non, Plavsic était présente, mais après

3 l'exhumation de Rizovacka Jama, elle s'est rendue à un rassemblement

4 politique qui avait été organisé à ce moment-là.

5 M. le Président (interprétation): Madame Korner parlait d'invités qui ont

6 participé et qui ont prononcé des termes absolument terrifiants.

7 Mme Korner (interprétation): Vous souvenez-vous en premier lieu qui

8 étaient ces invités? Si vous ne le savez pas, dites-le.

9 M. Hidic (interprétation): Oui, je me souviens très bien. Le premier

10 invité était le Dr Raskovic, membre honoraire. Ensuite Bogdan Kecman qui

11 venait du Kosovo, il est venu accompagné de "Kosovski Bozuri" ainsi que

12 tout le groupe de Stara Pazova qui les accompagnait et qui participait à

13 tous les rassemblements politiques qui avaient trait à la mise en place du

14 SDS dans la région de Bosanski Krajina.

15 Ensuite de Knin, il y avait Pavic. C'est ce dont je me souviens pour

16 l'heure. Si j'avais plus de temps, peut-être que je me souviendrais de

17 davantage de noms de personnes présentes. Par conséquent, il y avait des

18 invités qui venaient de toutes les régions de l'ex-Yougoslavie: Vojvodine

19 et aussi Stara Pazova et de Belgrade, Kosova et de Kninska Krajina et de

20 Knin même. Egalement du territoire, de la région de la Bosnie-Herzégovine.

21 Question: Qu'est-ce qui vous a terrifié, quels étaient ces propos

22 terrifiants que vous avez entendus à ce moment-là?

23 Réponse: Les déclarations de certains orateurs lors de ces rassemblements

24 politiques, qui parlaient de la manière dont le peuple serbe avait été

25 menacé par les Oustachi de Croatie, des Turcs et des Musulmans; des

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1 Musulmans qui revenaient à leurs anciennes croyances, la croyance des

2 pères fondateurs, de leurs ancêtres. Autrement dit, ils auraient à en

3 supporter les conséquences; ils seraient empalés. C'est ce que disait

4 Bogdan Kecman.

5 Rasko Novakovic qui a parlé le plus longuement lors de cette réunion, a

6 parlé du conflit qu'il y avait entre les Croates, qui pouvait éclater

7 entre les Croates, les Oustachi et le peuple serbe. Et le spectre des

8 Oustachi était un spectre qui était très présent et qui pouvait menacer

9 les Serbes. C'est en tout cas ce qui a été précisé lors de ce

10 rassemblement politique.

11 Bien que je sois arrivé en retard, je n'étais pas là dès le début de la

12 réunion, je parle maintenant des discussions qui ont eu lieu entre les

13 représentants du peuple serbe. Ils étaient assez amers. Ils ont parlé des

14 choses qui se sont produites devant l'église où différents étalages ont

15 été montés.

16 J'ai entendu parler de termes, je me souviens maintenant. Il y avait un

17 héros de la Deuxième Guerre mondiale, Kovacevic, qui s'est arrogé le droit

18 de parler ainsi qu'un ancien soldat de la JNA, Marjanovic, Stanko

19 Marjanovic. C'est un des fondateurs du SDS dans la municipalité de

20 Bosanski Petrovac, etc. Et jusqu'à Rajko Novakovic, alias "Muji", qui

21 était président du conseil du SDA, et qui après les élections a été

22 président de l'assemblée municipale de Bosanski Petrovac.

23 Question: Simplement deux choses. Pouvez-vous préciser qui était M.

24 Raskovic?

25 Réponse: M. Raskovic était le fondateur et président. Je ne sais pas quel

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1 était son poste très exactement, mais cet homme occupait un poste très

2 important à cette époque-là à Bosanska Krajina et ainsi que dans la région

3 de Krajina en Croatie. C'est un homme important aux yeux du peuple serbe.

4 Et lors de ce rassemblement politique, c'était un homme qui a reçu tous

5 les honneurs, comme si c'était un chef d'Etat. Il y avait un carrosse qui

6 l'attendait devant.

7 J'ai également oublié de dire qu'il y avait des membres du clergé

8 présents, qui ont pris la parole lors de cette réunion. Mais je crois que

9 leurs discours ont été plus modérés, plus tolérants et plus faciles à

10 comprendre par opposition aux discours faits par les personnes que je

11 viens d'évoquer.

12 Question: Vous avez évoqué M. Kecman à deux reprises. Savez-vous quel

13 poste il occupait en 1990?

14 M. Hidic (interprétation): Ce que je sais à propos de cet homme, c'est

15 qu'à l'origine, il venait de la municipalité de Bosanski Petrovac, de

16 Drinic très exactement, et depuis la Deuxième Guerre mondiale il vivait au

17 Kosovo.

18 On m'a rapporté que c'était le président de cette association appelée

19 Kosouski Bozuri. Je crois qu'il avait un rôle important au sein de cette

20 région lorsqu'il s'agissait de traiter les questions nationales.

21 Mme Korner (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur Hidic. Ce sont là

22 toutes les questions que je voulais vous poser.

23 M. le Président (interprétation): La Juge Janu qui vient de la République

24 tchèque souhaite vous poser une seule question.

25 (Questions au témoin, M. Ahmet Hidic, par Mme la Juge Janu.)

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1 Mme Janu (interprétation): Monsieur Hidic, lorsque vous avez parlé de la

2 pièce 1840, j'ai une seule question à vous poser à propos de ce document.

3 Il s'agit ici d'un ordre lancé par le poste de sécurité publique visant

4 l'isolement, à partir du 1er juillet 1992. Et lorsque vous avez parlé de

5 ce document, vous avez dit que vous connaissiez la plupart des personnes

6 dont les noms figurent sur cette liste.

7 Pourriez-vous aider la Chambre ou éclaircir un point pour nous si vous le

8 savez? En regardant cette liste, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît,

9 si cette liste a été rédigée de façon arbitraire ou de façon très précise?

10 Autrement dit, les personnes dont les noms sont consignés ici sont-elles

11 des personnes importantes ou la liste avait-elle été dressée au hasard?

12 M. Hidic (interprétation): Je vais essayer de vous répondre le plus

13 brièvement possible et de vous donner une réponse aussi précise que

14 possible.

15 La première personne qui figure sur cette liste est Ekrem Didovic, c'est

16 la première personne qui a été arrêtée sur le territoire de Bosanski

17 Petrovac. Il avait travaillé en Allemagne pendant un certain nombre

18 d'années et lors de son retour, il avait monté une société. Par

19 conséquent, c'était un homme d'affaires à Bosanski Petrovac.

20 L'autre personne, Zijad Ramic, alias "Ziga", encore une fois un homme

21 d'affaires qui avait réussi avant la guerre. C'était un entrepreneur ayant

22 son entreprise privée.

23 Ibrahim Hrkic, il vient de Bjelaj, il n'appartient pas à cette même

24 catégorie de personnes.

25 Husein Bajric est un homme que la police a maltraité. Il a été relâché. On

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1 ne sait pas comment il a été relâché du camp de Kozila. Après la guerre,

2 on l'a vu sur le territoire de Bihac ou dans la région de Bihac plus

3 précisément.

4 Kartal Fadil "Kudja" était également un homme d'affaires, et il avait son

5 atelier de réparation automobile.

6 Muhamed Hidic est l'un de mes parents, il a un diplôme universitaire et il

7 a travaillé à SIP, la société SIP. C'était un officier de réserve de la

8 JNA, à savoir l'armée yougoslave légitime et légale. Et on peut voir sur

9 les différents documents que cet homme avait refusé de répondre à l'appel

10 à la mobilisation parce que ce n'était pas l'armée à laquelle il avait

11 appartenu autrefois.

12 Midhat Druzic est également quelqu'un de Petrovac, je le connais fort

13 bien. Cet homme était un employé de Autotransport, c'est un chauffeur de

14 par sa profession. Il s'est trouvé sur cette liste car un ou deux ans

15 avant cette date, il a participé à la construction et à la réparation de

16 la mosquée de Donje Biscevic qui a malheureusement été détruite en 1992.

17 Je ne veux pas prendre trop de votre temps, etc. Je crois que les vingt

18 premières personnes sur cette liste sont des personnes qui ont été

19 capturées et emmenées à Bosanski Petrovac, et une fois que cette prison

20 était devenue trop petite, on les a emmenées dans une prison plus

21 importante, un lieu où elles étaient en isolement, et elles ont été par la

22 suite interrogées et détenues à cet endroit-là.

23 Je ne sais pas si j'ai réussi à répondre à votre question.

24 Mme Janu (interprétation): Merci beaucoup.

25 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas de question à vous poser

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1 personnellement. Ce qui signifie que votre témoignage est maintenant

2 terminé et que vous allez bientôt quitter ce prétoire, accompagné par

3 l'huissier et que vous pourrez rentrer chez vous en toute quiétude.

4 Il me reste deux commentaires à faire. Je souhaite vous remercier, au nom

5 du Tribunal et au nom de mes collègues, Mme la Juge Janu, de la République

6 tchèque, ainsi que Mme la Juge Taya qui a dû s'absenter aujourd'hui. Je

7 vous remercie d'avoir accepté de venir témoigner devant ce Tribunal et je

8 vous souhaite un bon retour chez vous.

9 Vous pouvez maintenant quitter ce prétoire.

10 M. Hidic (interprétation): Je souhaite vous remercier également. Je suis

11 très content d'avoir eu l'occasion de pouvoir venir ici parler de choses

12 que j'ai gardées à l'intérieur ou en mon fort intérieur pendant de

13 nombreuses années. Je suis maintenant très soulagé.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Hidic.

15 (Le témoin, M. Ahmet Hidic, est reconduit hors du prétoire.)

16 Madame Korner, demain nous allons entendre M. Kieser.

17 Mme Korner (interprétation): Très bien. Si c'est possible, Madame

18 Richterova va interroger le témoin. J'espère que nous pourrons en terminer

19 avec ce témoin-là demain.

20 M. le Président (interprétation): Ce que je puis vous promettre, c'est que

21 j'espère que je me sentirai un petit peu mieux car j'ai l'impression

22 d'avoir de la fièvre aujourd'hui.

23 Nous allons commencer à 9 heures, demain matin. Si à aucun moment nous

24 constatons que nous aurons besoin de quelques minutes supplémentaires,

25 faites-moi simplement un signe parce que vous pouvez évaluer la situation

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1 vous-même, je crois. Faites-moi simplement signe. Je ne pense pas que cela

2 soit un problème particulier si nous devrons siéger demain pendant une

3 demi-heure supplémentaire.

4 Mme Korner (interprétation): Bon. S'il semble qu'il s'agisse simplement

5 d'avoir quelques minutes supplémentaires, bien sûr.

6 M. le Président (interprétation): Bien sûr. Je souhaite que vous me le

7 fassiez savoir pour que je puisse en parler avec les interprètes et les

8 techniciens.

9 Mme Korner (interprétation): Mais sinon, de toute façon, nous allons

10 reprendre à 9 heures, jusqu'à 13 heures 45?

11 M. le Président (interprétation): Non, jusqu'à 12 heures 30.

12 Mme Korner (interprétation): De 9 heures à 12 heures 30.

13 M. le Président (interprétation): Et ensuite de 14 heures à 16 heures.

14 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je ne pense pas que…

15 Me Cunningham m'a dit qu'il n'avait pas l'intention d'être très long et je

16 suis tout à fait impressionnée par la concision et l'efficacité de son

17 contre-interrogatoire.

18 Je pense donc que nous en aurons terminé demain.

19 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

20 (L'audience est levée à 15 heures 45.)

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