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1 Le mercredi 1er septembre 2004
2 [Jugement]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 30
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour. Monsieur le Greffier
7 d'audience, veuillez annoncer l'affaire, je vous prie.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-99-36-
9 T, le Procureur contre Radoslav Brdjanin.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Brdjanin, bonjour.
11 Je souhaite m'assurer que vous pouvez suivre l'audience dans une langue que
12 vous comprenez.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
14 Juges. Oui, je peux suivre l'audience.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, veuillez vous asseoir.
16 Les parties peuvent-elles se présenter pour l'Accusation ?
17 Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Joanna
18 Korner, je fais présentement partie du bureau du Procureur pour l'occasion.
19 Je suis accompagnée d'Ann Sutherland, Anna Richterova, Julian Nicholls et
20 Colin Black, pour l'Accusation.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Je vous souhaite un bon retour
22 parmi nous.
23 Pour la Défense.
24 M. ACKERMAN : [interprétation] Je m'appelle John Ackerman. Je suis
25 accompagné de David Cunningham et d'Aleksander Vujic.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Ackerman. Je vous
2 souhaite la bienvenue également.
3 Nous allons à présent donner lecture du résumé du jugement en l'espèce. Je
4 lirai lentement.
5 La Chambre de première instance II du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie
6 est réunie aujourd'hui pour rendre son jugement dans l'affaire, le
7 Procureur contre Radoslav Brdjanin.
8 L'accusé avait à répondre de génocide, de complicité de génocide,
9 d'infractions graves aux conventions de Genève, de violations des lois aux
10 coutumes de la guerre et de crimes contre l'humanité, commis dans 13
11 municipalités de Bosanska Krajina, entre le 1er avril 1992 et le 31 décembre
12 1992. Le territoire visé par l'acte d'accusation en l'espèce comprend les
13 municipalités de Banja Luka, Bosanska Krupa, Bosanski Novi, Bosanski
14 Petrovac, Celinac, Donji Vakuf, Kljuc, Kotor Varos, Prijedor, Prnjavor,
15 Sanski Most, Sipovo et, enfin, Teslic.
16 Le procès intenté à l'accusé concernait 12 chefs d'accusation, à savoir :
17 Génocide, chef 1.
18 Complicité de génocide, chef 2; pour avoir participé à une campagne
19 visant à détruire en tout ou en partie les Musulmans et les Croates de
20 Bosnie en tant que groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux comme
21 tels dans les municipalités de la Région autonome de Krajina, si après
22 appelée "la RAK".
23 Persécution, un crime contre l'humanité, chef 3; pour avoir exposé les
24 populations musulmanes et croates de Bosnie à des meurtres, actes de
25 torture et mauvais traitements, pour leur avoir nié leurs droits
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1 fondamentaux, pour les avoir expulsés ou transférés par la force, pour la
2 destruction, l'endommagement délibéré et le pillage de biens dans des zones
3 peuplées majoritairement de Musulmans et de Croates de Bosnie, ainsi que
4 pour la destruction ou l'endommagement délibéré d'édifices religieux et
5 culturels musulmans ou croates de Bosnie.
6 Extermination, un crime contre l'humanité, chef 4.
7 Homicide intentionnel, une infraction grave aux conventions de Genève
8 de 1949, chef 5; pour avoir participé à une campagne dont l'objectif était
9 d'exterminer des membres des populations musulmanes et croates de Bosnie
10 sur le territoire de la RAK, en tuant un nombre important de Musulmans et
11 de Croates de Bosnie dans des zones non-serbes des, camps et autres centres
12 de détention ainsi que pendant les expulsions ou transferts forcés.
13 Torture, un crime contre l'humanité, chef 6.
14 Torture en tant qu'infraction grave aux conventions de Genève de
15 1949, chef 7; pour avoir infligé de grandes douleurs ou souffrances à des
16 Musulmans et des Croates de Bosnie dans les municipalités énumérées plus
17 tôt, Musulmans et Croates de Bosnie qui ont été soumis à des traitements
18 inhumains, notamment, des violences sexuelles, viols, sévices corporels
19 graves et autres formes de mauvais traitements graves perpétrés en
20 différents lieux.
21 Expulsion, un crime contre l'humanité, chef 8.
22 Acte inhumain, transfert forcé, un crime contre l'humanité, chef 9;
23 pour l'expulsion ou le transfert forcé de Musulmans et de Croates de Bosnie
24 se trouvant sur le territoire de la RAK vers des zones sous le contrôle du
25 gouvernement légitime de Bosnie-Herzégovine et vers la Croatie.
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1 Destruction et appropriation de biens non justifiée par des
2 nécessités militaires et exécutée sur une grande échelle de façon illicite
3 et arbitraire, une infraction aux conventions de Genève de 1949, chef 10.
4 Destruction sans motif d'agglomérations, de villes et de villages ou
5 dévastation que ne justifient pas les dirigeants militaires, une violation
6 des lois ou coutumes de la guerre, chef 11.
7 Enfin, destruction ou endommagement délibéré d'édifices consacrés à
8 la religion, une violation des lois ou coutumes de la guerre, chef 12.
9 L'Accusation, sans alléguer que l'accusé ait physiquement commis l'un
10 quelconque des crimes qui lui sont imputés, a soutenu, en revanche, que sa
11 responsabilité individuelle pénale était engagée au regard de l'Article
12 7(1) du statut pour avoir participé à une entreprise criminelle commune
13 dont le but était de chasser définitivement et par la force les habitants
14 musulmans et croates de Bosnie du territoire de l'Etat serbe prévu en
15 commettant pour ce faire les crimes rapportés aux chefs 1 à 12 de l'acte
16 d'accusation.
17 Alternativement, l'Accusation a avancé que l'accusé était
18 individuellement pénalement responsable des crimes reprochés en raison de
19 sa participation à une forme élargie d'entreprises criminelles communes
20 dont le but était de commettre des crimes d'expulsion et de transfert
21 forcé. Les autres crimes visés par l'acte d'accusation ayant été la
22 conséquence naturelle et prévisible de ces crimes. L'accusé est, en outre,
23 poursuivi sur la base de
24 l'Article 7(1) du statut pour avoir planifié, incité à commettre, ordonné
25 ou de toute manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les
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1 crimes reprochés. Sur la base de l'Article 7(3) du statut, pour les crimes
2 commis par ses subordonnés pendant qu'il était leur supérieur hiérarchique.
3 Tout au long du procès qui s'est ouvert le 23 janvier 2002 et a pris
4 fin le 22 avril 2004, la Chambre de première instance s'est vue présentée
5 de nombreux éléments de preuve sous forme de témoignages ou de documents.
6 Au cours des 280 [comme interprété] jours qu'a duré le procès, elle a
7 entendu 135 témoins à charge et 19 témoins à décharge. L'Accusation a
8 également demandé le versement au dossier de 104 déclarations de témoins en
9 application de l'Article 92 bis du règlement. La Chambre de première
10 instance, quant à elle, a cité d'office un témoin à comparaître en
11 application de l'Article 98 du règlement. Au total, 2 736 pièces à
12 conviction ont été admises pour le compte de l'Accusation et 314 pour celui
13 de la Défense. Le dossier de première instance en l'espèce totalise plus de
14 61 000 pages.
15 Aux fins de la présente audience, nous allons brièvement exposer les
16 conclusions de la Chambre de première instance ainsi que ses motifs. Nous
17 tenons, néanmoins, à souligner qu'il ne s'agit que d'un résumé du jugement
18 dont il ne fait, en aucune manière, partie intégrante. Les seules
19 conclusions de la Chambre de première instance faisant autorité, figurent
20 dans le texte écrit du jugement qui sera mis à la disposition des parties
21 et du public à l'issue de l'audience d'aujourd'hui. Je vais commencer à
22 exposer les faits à présent. Premièrement, le plan stratégique et sa mise
23 en œuvre.
24 La mort de maréchal Tito et la désintégration de la Ligue des
25 Communistes en janvier 1990 ont conduit à l'émergence de partis
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1 nationalistes sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie. Les premières
2 élections pluripartites se sont tenues en novembre 1990 en Bosnie-
3 Herzégovine. Le SDA, c'est-à-dire, le Parti de l'Action démocratique des
4 Musulmans de Bosnie; le HDZ, c'est-à-dire, l'Union démocratique croate; et
5 le SDS, c'est-à-dire, le Parti démocratique serbe; ont remporté à cette
6 occasion une victoire écrasante. L'éclatement de la République socialiste
7 fédérative d'Yougoslavie, en particulier, la sécession de la Slovénie et de
8 la Croatie, a eu des répercussions importantes sur la situation
9 sociopolitique en Bosnie-Herzégovine. Dès la fin de l'été de 1991, nombreux
10 sont les hommes en âge de porter les armes qui ont été mobilisés en
11 Bosnie-Herzégovine en vue de rejoindre les rangs de l'armée et de combattre
12 en Croatie. De nombreux Serbes de Bosnie ont répondu à l'appel. Les
13 Musulmans et les Croates de Bosnie, avec le soutien de leurs dirigeants
14 respectifs, n'y ont, pour la plupart, pas répondu, ce qui a accrû les
15 tensions entre les communautés ethniques, notamment, en Bosanska Krajina,
16 région limitrophe de la Croatie.
17 L'angoisse et la peur, ressenties par la population de Bosanska Krajina,
18 étaient également nourries par le comportement menaçant des soldats qui
19 revenaient du front de Croatie, ainsi que par l'afflux de nombreux réfugiés
20 serbes de Croatie dont l'arrivée a provoqué de graves problèmes de
21 logement. Le conflit en Slovénie et en Croatie a eu, par ailleurs, des
22 conséquences désastreuses sur l'économie de la Bosnie-Herzégovine. La libre
23 circulation des biens entre les républiques a été interrompue, et
24 l'ensemble du territoire de la République socialiste fédérale d'Yougoslavie
25 a connu une inflation galopante.
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1 Dans ce climat de tension, les trois grands partis nationalistes, qui
2 avaient chacun leur propre programme national et défendaient des intérêts
3 divergents, n'ont pas réussi à trouver un terrain d'entente, et ont
4 emprunté des chemins opposés. Leur principal point de désaccord porté sur
5 la question du statut constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine, alors que
6 le SDA et le HDZ, après les déclarations d'indépendance de la Slovénie et
7 la Croatie, prenaient la sécession de la République socialiste fédérale
8 d'Yougoslavie, le SDS, pour sa part, défendait fermement l'intégrité de
9 l'Yougoslavie, en tant qu'Etat, afin de garantir que les Serbes continuent
10 de vivre ensemble au sein d'un même Etat, et ne deviennent pas une minorité
11 dans un Etat bosniaque indépendant.
12 Au cours du deuxième semestre de 1991, le maintien de la République
13 socialiste de Bosnie-Herzégovine, au sein de la République socialiste
14 fédérale d'Yougoslavie, est apparu de plus en plus improbable. La Chambre
15 de première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable, que
16 durant cette période, les dirigeants serbes de Bosnie, y compris les
17 membres du comité central et d'autres membres éminents du SDS, ainsi que
18 des représentants serbes de Bosnie et des forces armées, ont conçu un plan
19 visant à relier entre elles les zones peuplées de Serbes en Bosnie-
20 Herzégovine à prendre le contrôle de ces zones et à créer un Etat serbe de
21 Bosnie distinct, dont la plupart des non-Serbes seraient définitivement
22 chassés. Ce plan est appelé tout au long du jugement "le plan stratégique".
23 Les dirigeants serbes de Bosnie savaient que le plan stratégique ne pouvait
24 être mis en œuvre que par la force et la peur.
25 Le 19 décembre 1991, le comité central du SDS a promulgué un document
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1 intitulé, je cite : "Instructions relatives à l'organisation et à
2 l'activité des institutions du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine dans des
3 circonstances exceptionnelles, variante A et B." C'est ainsi que ce
4 document sera appelé tout au long du jugement. Ces instructions prévoyaient
5 les actions amenées dans toutes les municipalités où vivaient les Serbes
6 ainsi que les modalités de la prise du pouvoir par les Serbes de Bosnie
7 dans les municipalités où ils constituaient une majorité de la population,
8 variante A, et dans celle où ils étaient minoritaire, variante B.
9 Le 9 janvier 1992, l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine,
10 nouvellement établie, a adopté une déclaration de proclamation de la
11 République serbe de Bosnie-Herzégovine. Le territoire de cette république
12 comprenait les entités appelées "régions et districts autonomes serbes",
13 notamment, la Région autonome de Krajina. Lors de la 16e séance de
14 l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine, tenue le 12 mai 1992, alors
15 que le conflit armé avait déjà éclaté, Radovan Karadzic a énoncé les six
16 objectifs stratégiques du peuple de Bosnie-Herzégovine. Le premier de ces
17 objectifs était le plus lourd de conséquences, je cite : "La séparation
18 d'avec les deux autres communautés nationales, une séparation des Etats."
19 Ces objectifs stratégiques constituaient un plan visant à prendre le
20 contrôle de certain territoire, à établir un Etat serbe de Bosnie, à
21 défendre des frontières dont le tracé était défini et à séparer les
22 communautés ethniques de Bosnie-Herzégovine, en chassant par la force et de
23 façon définitive la plupart des non-Serbes du territoire de l'Etat serbe de
24 Bosnie ainsi proclamé. Le général de division Ratko Mladic, commandant de
25 l'armée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, nouvellement formée,
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1 la VRS, a accepté que la VRS soit l'instrument de la réalisation de ces
2 objectifs stratégiques politiques qu'il a, effectivement, traduit en
3 priorité opérationnelle de la VRS.
4 La mise en œuvre du plan stratégique s'est faite en plusieurs étapes, de
5 sorte que la Chambre de première instance a pu clairement constater un
6 comportement criminel récurant de la part de ceux qui en étaient chargés
7 dans les municipalités.
8 Avant même l'éclatement du conflit armé, le SDS s'est livré à une guerre de
9 propagande dont les conséquences ont été désastreuses pour toutes les
10 communautés ethniques, instillant la peur et la haine de l'autre, et
11 incitant la population serbe de Bosnie en particulier, à s'élever contre
12 les autres communautés ethniques. En peu de temps, des personnes qui,
13 jusqu'alors avaient cohabité en paix, sont devenues des ennemis. Nombre
14 d'entre elles, essentiellement des Serbes de Bosnie dans la présente
15 affaire, sont devenus des tueurs influencés par des médias qui, à l'époque,
16 étaient déjà contrôlés par les dirigeants serbes de Bosnie. Le recours à la
17 propagande qui faisait partie intégrante de la mise en œuvre du plan
18 stratégique, a instauré un climat dans lequel on était prêt à tolérer que
19 des crimes soient commis et en commettre soi-même.
20 L'un des autres aspects de la mise en œuvre du plan stratégique, a été le
21 licenciement de Musulmans et de Croates de Bosnie occupant des postes-clés
22 au sein de l'armée, de la police et d'autres institutions ou entreprises
23 publiques. Cette pratique qui s'était déjà amorcée à l'époque de la guerre
24 en Croatie lorsque le refus des non-Serbes de répondre à l'appel de
25 mobilisation avait provoqué leur renvoi, s'est intensifiée durant la
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1 période couverte par l'acte d'accusation, et à donner lieu au renvoi de
2 presque tous les Musulmans et Croates de Bosnie des postes qu'ils
3 occupaient, les privant ainsi de tout moyen de subsistance.
4 Les autorités serbes de Bosnie ont exercé en outre de forte pression sur
5 les Musulmans et les Croates de Bosnie, et ce, de manière organisée afin de
6 les contraindre à quitter la région. Les non-Serbes ne bénéficiaient pas du
7 même niveau d'intention ni de la même qualité de soins médicaux dans les
8 hôpitaux que les Serbes de Bosnie. Leur liberté de circulation était
9 considérablement restreinte par la mise en place de postes de contrôle et
10 de couvre-feux, mesures qui ne frappaient aucunement les Serbes de Bosnie.
11 Ils n'étaient pas non plus protégés contre les actes d'harcèlement et les
12 abus commis par les Serbes de Bosnie armés. Les Musulmans et les Croates de
13 Bosnie étaient opprimés et soumis à des pressions à un point tel que le
14 fait de vivre en Bosanska Krajina leur est devenu insupportable.
15 Fin 1991 et début 1992, les trois grands partis nationaux ont commencé à
16 s'armer. Les éléments de preuve en l'espèce révèlent que le SDS recevait un
17 soutien considérable de la part de l'armée, qui a systématiquement fourni
18 des armes légères aux comités locaux du SDS dans les municipalités de
19 Bosanska Krajina revendiquées par les Serbes de Bosnie et aux groupes
20 paramilitaires serbes. La distribution d'armes aux civils serbes de Bosnie
21 a été effectuée par les communautés locales sous la surveillance du SDS et
22 avec le soutien de l'armée et de la police locale. Ces armes ont été
23 distribuées sans tenir compte de quelque manière que ce soit de l'identité
24 de ceux à qui elles étaient remises ni de l'utilisation qui pourrait en
25 être faite. Les Musulmans et les Croates de Bosnie qui se préparaient eux
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1 aussi à la guerre se sont armés en conséquence. Toutefois, les efforts
2 qu'ils ont déployés pour se procurer des armes et les distribuer sont loin
3 d'avoir été aussi intenses que ceux des Serbes de Bosnie, que ce soit en
4 termes de quantité ou de qualité des armes obtenues.
5 Alors que les opérations d'armement suivaient leur cours, des annonces ont
6 été diffusées par les médias, disant que les armes détenues illégalement
7 devaient être remises aux états-majors de la Défense territoriale ou à la
8 police locale dans des délais fixés. Ces annonces dont certaines étaient
9 formulées en des termes neutres invitant tous les groupes militaires et les
10 membres de toutes les communautés ethniques à remettre les armes qu'ils
11 détenaient illégalement, étaient en pratique suivies de mesures appliquées
12 par les forces de la police et de l'armée sous contrôle serbe de manière
13 discriminatoire puisqu'elles ont visé exclusivement les non-Serbes.
14 Dans la pratique, les non-Serbes se sont vus également confisqués les
15 armes qu'ils détenaient légalement. Le désarmement sélectif des non-Serbes
16 a créé un déséquilibre des forces qui les a rendus totalement vulnérables
17 et les a empêchés d'opposer une résistance efficace ou simplement de se
18 défendre.
19 Au printemps 1992, un certain nombre de groupes paramilitaires serbes
20 avaient vu le jour en Bosnie-Herzégovine ou étaient arrivés de Serbie.
21 Certains de ces groupes étaient entraînés et équipés par l'armée et avaient
22 des liens étroits avec celle-ci ou avec le SDS. Les groupes paramilitaires
23 ont instauré un climat de peur et de terreur en commettant des crimes
24 contre les Musulmans et les Croates de Bosnie, notamment des viols, des
25 meurtres, des actes de pillage et de destruction de leurs biens. Ils
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1 tiraient profit de la guerre à des fins d'enrichissement personnel et se
2 livraient à des rapines.
3 Certains groupes paramilitaires serbes ont également participé à des
4 opérations de combat menées par le 1er Corps de Krajina de la VRS sur le
5 territoire de la Région autonome de Krajina. A partir de la mi-juin 1992
6 ont été officiellement intégrés à la structure de la VRS dont ils
7 recevaient leurs ordres. La Chambre de première instance est convaincue que
8 l'armée et le SDS se sont servis des groupes paramilitaires comme d'un
9 outil crucial leur permettant d'exécuter le plan stratégique.
10 Lorsque le conflit armé a éclaté en Bosnie-Herzégovine en avril 1992, les
11 crimes commis à l'encontre de la population civile non-Serbes de Bosanska
12 Krajina se sont multipliés. Ces crimes ont été le fruit d'une coopération
13 étroite entre la police serbe de Bosnie, l'armée et les groupes
14 paramilitaires serbes. Ces agissements criminels récurrents et manifestes
15 permettent d'aboutir à une seule conclusion raisonnable, à savoir qu'ils
16 ont été commis dans le but de mettre en œuvre le plan stratégique conçu par
17 les dirigeants serbes de Bosnie pour prendre le contrôle des territoires
18 revendiqués en vue de la création d'un Etat serbe en Bosnie-Herzégovine et
19 chasser définitivement la plupart des non-Serbes de ces territoires.
20 Les forces serbes de Bosnie ont attaqué des villes, des villages et des
21 quartiers non-Serbes situés dans les 13 municipalités visées dans l'acte
22 d'accusation, que j'ai mentionnées plus tôt. Ces attaques ont pour la
23 plupart été lancées après l'expiration du délai fixé aux non-Serbes pour la
24 remise de leurs armes. Il est arrivé parfois que des incidents provoqués
25 par des non-Serbes servent de prétexte. Les attaques commençaient par un
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1 pilonnage à l'arme lourde. Les villages et quartiers musulmans étaient pris
2 pour cible et les édifices consacrés à la religion étaient pilonnés à
3 l'aveugle, ce qui provoquait des dégâts considérables et faisait des
4 victimes civiles. La plupart des rescapés s'enfuyaient et cherchaient
5 refuge dans les régions avoisinantes. Une fois le pilonnage terminé, des
6 soldats armés pénétraient dans les villages, pillaient et incendiaient les
7 maisons, et expulsaient ou tuaient certains des villageois restés sur
8 place. Parfois des femmes étaient violées.
9 Généralement, les Musulmans et les Croates de Bosnie, vivant dans les
10 villes, villages et quartiers pris pour cible, n'étaient pas en mesure de
11 poser une résistance efficace à ces attaques armées. Ils n'étaient pas
12 correctement organisés et n'avaient pas assez d'armes pour se défendre.
13 Au cours du printemps et de l'été 1992, les forces serbes de Bosnie
14 ont commis des meurtres à grande échelle sur tout le territoire de la
15 Région autonome de Krajina. Le jugement brosse un tableau d'ensemble de ces
16 événements. Nous nous contenterons ici de trois exemples.
17 Le 31 mai 1992, des soldats serbes de Bosnie ont pénétré dans le
18 hameau musulman de Begici, situé dans la municipalité de Sanski Most, et
19 ont rassemblé les habitants. Les hommes ont été séparés des femmes et des
20 enfants. Entre 20 et 30 hommes ont été conduits vers le pont de Vrhpolje où
21 ils devaient embarquer à bord d'autocars. Quatre hommes musulmans de Bosnie
22 ont été tués par Jadranko Palija, alors qu'ils se dirigeaient vers le pont.
23 A leur arrivée sur le pont, les autres hommes ont reçu l'ordre d'enlever
24 leurs vêtements et de se mettre en rangs. De nombreux soldats serbes de
25 Bosnie vêtus d'uniformes différents étaient présents. L'un d'entre eux a
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1 déclaré que 70 Musulmans de Bosnie devaient être tués pour venger la mort
2 de 7 soldats serbes de Bosnie dans la région. Les hommes musulmans de
3 Bosnie ont reçu l'ordre de sauter du pont dans la rivière Sane l'un après
4 l'autre. Quand ces hommes se sont trouvés dans l'eau, les soldats leur ont
5 tiré dessus. Rajif Begic a survécu après avoir nagé sous l'eau suivant le
6 courant sur une centaine de mètres. De l'endroit où il s'est caché, il a pu
7 voir les exécutions commises depuis le pont.
8 La Chambre de première instance a estimé qu'au moins
9 28 personnes avaient été tuées lors de ce massacre. Le 1er juin 1992, une
10 centaine d'habitants de différents hameaux de la municipalité de Kljuc ont
11 été placées en détention dans l'ancienne école primaire de Velagici. Des
12 soldats et des policiers serbes de Bosnie étaient présents. Peu avant
13 minuit, certains détenus ont été conduits dehors et sommés de s'aligner
14 devant le bâtiment. Deux soldats serbes de Bosnie munis de fusils
15 automatiques ont ouvert le feu sur eux. Les soldats ont continué à tirer
16 jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun homme debout. Ils ont ensuite tiré sur
17 ceux qui avaient l'air d'être encore en vie. Il n'y a eu qu'un seul
18 survivant. La Chambre de première instance est convaincue que 77 civils au
19 moins ont été tués lors de ce massacre.
20 Le 21 août 1992, quatre autocars, qui transportaient uniquement des hommes,
21 sont partis du camp de Trnopolje. Arrivés à un carrefour situé non loin de
22 Kozarac, les autocars de Trnopolje ont été rejoints par d'autres autocars
23 remplis de prisonniers venus de Tukovi. Le convoi était escorté par des
24 membres d'une Unité spéciale de la Police du poste de Sécurité publique de
25 Prijedor. En fin d'après-midi, juste avant d'atteindre la ligne de
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1 démarcation séparant les territoires contrôlés par les Serbes de Bosnie et
2 de ceux contrôlés par les Musulmans de Bosnie, peu après, Skender Vakuf et
3 non loin du mont Vlasic, deux des autocars transportant chacun une centaine
4 de passagers se sont arrêtés. A cet endroit, la route est bordée d'un côté
5 par un ravin, de l'autre, par la montagne. Ce lieu est connu sous le nom de
6 Koricanske Stijene. Les hommes sont descendus des cars et ont été emmenés
7 en colonne au bord du précipice où ils ont été sommés de s'agenouiller.
8 Leur responsable, un policier, a déclaré, je cite : "C'est ici que nous
9 allons échanger les morts contre les morts et les vivants contre les
10 vivants." Avant d'être exécutées, les victimes ont imploré leurs bourreaux
11 de les épargner, puis la fusillade a commencé. Certains cadavres sont
12 tombés directement dans le ravin tandis que d'autres étaient poussés dans
13 le précipice par des prisonniers musulmans avant que ceux-ci ne soient eux-
14 mêmes exécutés. Des grenades ont été lancées dans le ravin pour s'assurer
15 qu'il n'y aurait aucun survivant. L'ensemble de l'opération n'a pas pris
16 plus d'une demi-heure. La Chambre de première instance est convaincue que
17 200 hommes au moins ont été tués ce jour-là à Koricanske Stijene.
18 Au printemps de 1992, des camps et d'autres lieux de détention ont été
19 aménagés sur le territoire de la Bosanska Krajina dans des casernes, des
20 bâtiments militaires, des usines, des écoles, des complexes sportifs, des
21 postes de police et d'autres édifices publics. Ces camps et autres lieux de
22 détention ont été créés et contrôlés par les autorités militaires
23 policières ou civiles serbes de Bosnie. Des civils non-serbes ont été
24 arrêtés en masse et détenus dans ces camps et autres lieux. Par exemple,
25 dans la municipalité de Prijedor, à la suite des attaques lancées contre
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1 des villages non-serbes par les forces armées serbes de Bosnie, les femmes
2 et les enfants ont été séparés des hommes, qui ont tous été emmenés en
3 autocar à Trnopolje, Omarska ou Keraterm. Si des membres éminents du SDA et
4 du HDZ ont été parmi les premiers à être arrêtés, la majorité écrasante des
5 personnes arrêtées étaient de simples citoyens arrêtés uniquement en raison
6 de leur origine ethnique. Les conditions de vie dans les camps et dans
7 certains lieux de détention étaient particulièrement effroyables. Les
8 détenus y étaient interrogés, torturés, battus et devaient endurer des
9 conditions de vie inhumaines et dégradantes. Il arrivait régulièrement que
10 des femmes soient violées et les meurtres étaient monnaie courante. Le
11 paroxysme de ces atrocités dans les camps a été atteint avec le massacre de
12 la pièce 3, perpétré au camp de Keraterm par des membres des forces armées
13 serbes de Bosnie, lors duquel au moins
14 190 Musulmans de Bosnie originaires de la région de Brdo, dans la
15 municipalité de Prijedor ont été assassinés.
16 Avant même l'éclatement du conflit armé en Bosnie-Herzégovine, les
17 Musulmans et les Croates de Bosnie vivant en Bosanska Krajina éprouvaient
18 un sentiment croissant d'insécurité et commençaient à quitter la région en
19 se regroupant aux convois. Au fil des événements survenant en Bosanska
20 Krajina et à partir du printemps de 1992, les autorités serbes de Bosnie
21 ont mené une politique active d'expulsion et de répression systématique des
22 Musulmans et des Croates de Bosnie dans toute la Bosanska Krajina. Les
23 autorités serbes de Bosnie ont organisé des convois d'autocars et de trains
24 pour conduire des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants
25 hors des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie soit vers des
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1 territoires contrôlés par les Musulmans de Bosnie en Bosnie-Herzégovine,
2 soit vers la Croatie. Le 12 juin, 1992, le bureau chargé des mouvements de
3 population et des échanges de biens a été créé à Banja Luka, contribuant
4 ainsi à la mise en œuvre de la politique de nettoyage ethnique. La
5 population non-serbe a souvent cherché à partir et a demandé l'organisation
6 des convois qui ont ensuite été mis sur pied par les autorités serbes de
7 Bosnie. Ces civils ne sont cependant pas partis de leur plein gré. Ils ont,
8 au contraire, été contraints de le faire en raison des conditions de vie
9 qui leur étaient imposées. En outre, les autorités serbes de Bosnie ont
10 forcé nombre de ces personnes, avant de partir, à signer des documents par
11 lesquels elles renonçaient à tous leurs biens au profit de la République
12 serbe de Bosnie-Herzégovine. La Chambre de première instance est convaincue
13 que le but de cette mesure, était de dissuader les Musulmans et les Croates
14 de Bosnie qui partaient de revenir un jour dans la région. Dans le même
15 temps, les régions du nord de la Bosnie, ayant fait l'objet d'un nettoyage
16 ethnique, qui avaient été vidées de leurs habitants musulmans et croates de
17 Bosnie et qui n'avaient pas été détruites, ont été repeuplées grâce à
18 l'installation des réfugiés serbes venus de Croatie.
19 La Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute
20 raisonnable que les crimes commis en Bosanska Krajina du mois d'avril 1992
21 à la fin du mois de décembre 1992, ont directement résulté du plan
22 stratégique d'ensemble. Le nettoyage ethnique n'était pas un simple sous-
23 produit des activités criminelles. Il en était l'objectif essentiel. Les
24 conditions de vie imposées à la population non-serbe de Bosanska Krajina
25 ainsi que les opérations militaires dirigées contre des villes et des
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1 villages qui n'étaient pas des cibles militaires, ne servaient qu'un seul
2 but, celui de chasser la population. Dès le mois d'août 1992, la mise en
3 œuvre systématique d'une telle politique discriminatoire était manifeste
4 aux yeux des observateurs neutres présents sur le terrain. Les éléments de
5 preuve produits en l'espèce établissent l'existence d'une stratégie
6 systématique, cohérente et criminelle dont le but était de débarrasser la
7 Bosanska Krajina de tout groupe ethnique autre que celui des Serbes de
8 Bosnie, stratégie mise en œuvre par le SDS et les forces serbes de Bosnie.
9 Durant la mise en œuvre de cette politique, le contrôle effectif sur
10 les structures militaires, policières et civiles serbes de Bosnie, a été
11 exercée de différentes manières par les dirigeants politiques appartenant
12 aux plus hautes instances serbes de Bosnie et à d'autres instances
13 gouvernementales de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Il était
14 impossible de mettre en œuvre une politique systématique de cette ampleur
15 en s'appuyant uniquement sur les actions spontanées ou criminelles de
16 groupes radicaux isolés. En outre, les méthodes utilisées pour mettre,
17 effectivement, en œuvre le plan stratégique, étaient contrôlées et
18 coordonnées par une instance qui coiffait des municipalités concernées,
19 même si certaines d'entre elles se sont distinguées en prenant des
20 initiatives.
21 J'en arrive à présent au point 2, à savoir, le pouvoir exercé à
22 l'échelon régional. Au début de l'année 1991, le SDS s'était déjà lancé
23 dans un programme de régionalisation dont le but ultime était la mise en
24 œuvre du plan stratégique. Le 7 avril 1991, le comité régional du SDS a
25 décidé la création de l'association des municipalités de Bosanska Krajina.
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1 Le 16 septembre 1991, l'assemblée de l'association des municipalités de
2 Bosanska Krajina s'est transformée en assemblée de la Région autonome de
3 Krajina. L'accusé en est devenu le premier vice-président. S'il est
4 difficile de dire précisément quelles municipalités appartenaient à la
5 Région autonome de Krajina à un moment donné, la Chambre de première
6 instance est convaincue que les 13 municipalités énumérées dans l'acte
7 d'accusation, faisaient bien partie de la région autonome de Krajina
8 pendant la période des faits.
9 Bien que l'Articles 4 et l'Article 5 du statut de la Région autonome
10 de Krajina donnent à penser qu'il s'agissait d'une institution
11 pluriethnique, la Région autonome de Krajina était dans une large mesure
12 une autorité exclusivement serbe. La Région autonome de Krajina était
13 investie des pouvoirs politiques généralement dévolus aux municipalités, y
14 compris des pouvoirs en matière de défense. La Chambre de première instance
15 est convaincue que la région autonome de Krajina en tant qu'échelon
16 intermédiaire du pouvoir, a été créée par des dirigeants serbes pour
17 coordonner la mise en œuvre du plan stratégique par les municipalités de la
18 région.
19 Le 5 mai 1992, le comité exécutif de la région autonome de Krajina a
20 adopté une décision portant création de la cellule de Crise de la Région
21 autonome de Krajina et nommant l'accusé, Radoslav Brdjanin à sa tête. La
22 Chambre de première instance est convaincue qu'à l'instar des cellules de
23 Crise municipales, dans leur domaine de compétence respectif, la cellule de
24 Crise de la Région autonome de Krajina a été créée dans le but premier de
25 garantir la coopération à l'échelon régional entre les autorités
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1 politiques, l'armée et la police afin de coordonner la mise en œuvre par
2 les différentes autorités du plan stratégique. Parmi les 15 principaux
3 responsables de la cellule de Crise de la région autonome de Krajina, on
4 peut citer les dirigeants politiques et militaires de la Région autonome de
5 Krajina ainsi que des personnes occupant des fonctions-clés au sein de la
6 Région autonome de Krajina et d'autres encore liées aux groupes
7 paramilitaires. Outre ces principaux responsables, les présidents de
8 cellule de Crise d'autres municipalités ou leurs représentants assistaient
9 aux réunions hebdomadaires de la cellule de Crise de la Région autonome de
10 Krajina. De par sa composition, la cellule de Crise de la région autonome
11 de Krajina, non seulement s'était assurée l'autorité et le pouvoir sur les
12 divers organes représentés, mais veillait à ce qu'aux yeux de la population
13 elle soit perçue comme la détentrice d'une telle autorité et d'un tel
14 pouvoir.
15 En effet, entre le 5 mai 1992 et le 17 juillet 1992, lorsque la
16 cellule de Crise de la Région autonome de Krajina a cessé de fonctionner,
17 elle a assumé tous les pouvoirs et toutes les fonctions de l'assemblée de
18 la région autonome de Krajina et jouait le rôle d'intermédiaire entre les
19 autorités de la République serbe de Bosnie-Herzégovine et les
20 municipalités. La cellule de Crise de la Région autonome de Krajina était
21 la plus haute instance civile de la Région autonome de Krajina. Elle
22 exerçait une autorité de fait sur les municipalités et la police et avait
23 une influence considérable sur l'armée et les groupes paramilitaires
24 serbes. L'étendue et les limites du pouvoir de la cellule de Crise de la
25 Région autonome de Krajina, sont examinées en détail dans le jugement rendu
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1 en l'espèce.
2 La Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute
3 raisonnable que l'accusé, non seulement représentait la cellule de Crise de
4 la Région autonome de Krajina en tant que son président, mais était aussi
5 en tant que personnage central au cœur des rouages de cette instance.
6 L'accusé était le moteur même des principales décisions adoptées par la
7 cellule de Crise de la région autonome de Krajina. C'est la raison pour
8 laquelle la Chambre de première instance conclut que les décisions de la
9 cellule de Crise de la Région autonome de Krajina peuvent être mises à
10 l'actif de l'accusé.
11 Les municipalités, la police et, dans une certaine mesure, l'armée
12 ont, de manière systématique, mis en œuvre les décisions de la cellule de
13 Crise de la Région autonome de Krajina dans trois secteurs-clés :
14 premièrement, le licenciement des non-Serbes; deuxièmement, le désarmement
15 des Unités paramilitaires et de toute personne détenant illégalement des
16 armes, une mesure appliquée exclusivement aux non-Serbes; troisièmement,
17 l'arrestation de la population non-serbe. La Chambre de première instance
18 est d'avis que ces secteurs ont été d'une importance cruciale et décisive
19 pour le succès du plan général de nettoyage ethnique, et qu'ils ont
20 grandement contribué à la mise en œuvre du plan stratégique.
21 Nous en arrivons, maintenant, aux conclusions juridiques de la
22 Chambre.
23 Ceci constitue un résumé du jugement de première instance. Nous
24 n'entrerons pas dans le détail des analyses juridiques de la Chambre. Nous
25 nous contenterons de souligner un certain nombre de points fondamentaux.
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1 La Chambre de première instance est convaincue que toutes les
2 conditions générales d'application de chacun des articles du statut, aux
3 termes desquels Radoslav Brdjanin a été mis en accusation, ont été
4 respectées.
5 S'agissant de l'élément moral du crime d'extermination, la Chambre de
6 première instance a conclu qu'il est analogue à l'élément moral de
7 l'assassinat, en tant que crime contre l'humanité, à la différence,
8 cependant, que l'Accusation est tenue de prouver au-delà de tout doute
9 raisonnable, que l'accusé avait l'intention de procéder à des tueries
10 massives ou de créer les conditions d'existence entraînant la mort d'un
11 grand nombre de personnes. La Chambre de première instance a constaté que
12 les meurtres énumérés dans l'acte d'accusation ont tous été prouvés au-delà
13 de tout doute raisonnable, à l'exception des faits s'étant déroulés à
14 Lisjna, vers le
15 1er juin 1992; à Vrbanjci, le 25 juin 1992; à Kotor Varos, sur la route
16 venant de Kukavica et des secteurs environnants, vers le
17 25 juin 1992; et à Kenjari, dans la maison de Dujo Banovic, vers le 27 juin
18 1992. En résumé, la Chambre de première instance est convaincue, au-delà de
19 tout doute raisonnable, qu'au moins 1 669 Musulmans ou Croates de Bosnie
20 ont été tués par les forces serbes de Bosnie au cours de ces événements, et
21 que toutes les victimes étaient des non-combattants.
22 De surcroît, la Chambre de première instance est convaincue que ces
23 meurtres ont le caractère massif requis pour démontrer l'existence du crime
24 d'extermination. La définition de la torture adoptée par la Chambre de
25 première instance reflète celle de la convention contre la torture et se
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1 lit comme suit, je cite : "Le fait d'infliger intentionnellement, par un
2 acte ou une omission, une douleur ou des souffrances aiguës physiques ou
3 mentales, dans le but d'obtenir des renseignements ou des aveux ou de
4 punir, d'intimider ou de contraindre la victime ou une tierce personne ou
5 encore de lui faire subir une discrimination pour quelque raison que soit.
6 Après un examen de la gravité objective et subjective des mauvais
7 traitements infligés aux victimes, qui fait l'objet d'une longue discussion
8 dans le jugement, la Chambre de première instance a conclu que ces
9 agissements étaient assimilables au fait d'infliger des souffrances ou une
10 douleur aiguë dans un but avoué d'intimidation, de discrimination ou
11 d'obtention de renseignements constituant un acte de torture. La Chambre de
12 première instance souhaite observer que certains actes, tel que le viol,
13 ont par définition le niveau de gravité requis.
14 La Chambre de première instance est satisfaite à la majorité des
15 Juges, que l'élément matériel du crime d'expulsion est constitué par le
16 déplacement forcé de personnes sans motif reconnu par le droit
17 international; par de là les frontières d'un Etat depuis la zone où ces
18 personnes se trouvaient légalement, alors que ce même déplacement dans les
19 limites d'un état constitue l'élément matériel du transfert par la force
20 sanctionné, en tant que crime contre l'humanité sous la rubrique des autres
21 actes inhumains.
22 La Chambre de première instance s'est vue présenter un volume considérable
23 d'éléments de preuve relatifs à l'expulsion ou aux transferts par la force
24 d'une grande proportion de la population musulmane et croate de Bosnie
25 depuis la Région autonome de Krajina vers des zones situées aussi bien à
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1 l'intérieur que l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine. Vu la spécificité des
2 éléments présentés à l'appui des charges retenues dans l'acte d'accusation,
3 la Chambre n'a pu prononcer aucune déclaration de culpabilité quant au
4 transfert à destination de localités autres que Travnik sous le contrôle du
5 gouvernement légitime de Bosnie-Herzégovine ou de Karlovac en Croatie.
6 Après avoir pris en compte tous les éléments de preuve, la Chambre de
7 première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que,
8 pendant la période visée à l'acte d'accusation, on a procédé à partir de la
9 Région autonome de Krajina un grand nombre d'expulsions vers Karlovac et de
10 transfert forcé vers Travnik.
11 La Chambre de première instance est convaincue que tous les cas de
12 destructions et d'appropriation de biens de Musulmans et de Croates de
13 Bosnie perpétrées sur une grande échelle par les forces serbes de Bosnie et
14 répertoriées dans l'acte d'accusation ont été prouvés au-delà de toute
15 doute raisonnable. A l'exception des faits s'étant déroulés à Ramici,
16 Humici, Vrhpolje, Trnova, Sasina, Komusina, Rasjeva, Kamenica, et Sipovo.
17 Cependant, pour pouvoir appliquer l'Article (D) du statut, la Chambre
18 de première instance doit être convaincue au-delà de tout doute raisonnable
19 que les biens détruits appropriés étaient situés en territoire occupé ou
20 qu'ils bénéficiaient de la protection générale prévue par les conventions
21 de Genève.
22 La Chambre de première instance a constaté, quand l'espèce les
23 éléments présentés ne suffisaient pas à prouver aucune -- ne suffisaient à
24 prouver aucune de ces éventualités et a conclu qu'il ne s'était pas produit
25 de violation de l'Article 2 du statut. Ceci est explicité dans le jugement
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1 écrit.
2 En revanche, la protection prévue par l'Article 3(B) du statut,
3 s'étant à tous les biens situés sur le territoire affecté par une guerre, y
4 compris les biens qui se trouvent en territoires ennemis.
5 La Chambre de première instance a conclu que la destruction de biens
6 dans les municipalités en question de la Région autonome de Krajina
7 constitue une violation de l'Article 3(B) du statut.
8 La Chambre de première instance est également convaincue que des
9 édifices consacrés à la religion ont été détruits ou dévastés
10 systématiquement dans les municipalités mentionnées dans l'acte
11 d'accusation, entre avril et déclaration 1992, en violation de l'Article
12 3(D) du statut.
13 S'agissant du crime de génocide, la Chambre de première instance a
14 conclu que les groupes, protégés au sens de l'Article 4 du statut, doivent
15 être définis en l'espèce comme ceux des Musulmans et des Croates de Bosnie.
16 La Chambre de première instance est convaincue que les fractions
17 visées de ces groupes étaient constituées par les Musulmans et les Croates
18 de Bosnie, habitant la Région autonome de Krajina, et qu'elle représentait
19 des parties substantielles des groupes protégés. En l'espèce, l'Accusation
20 a invoqué trois types d'actes différents au titre de génocide.
21 Comme nous l'avons dit précédemment, la Chambre de première instance
22 a conclu que des non-combattants musulmans et croates de Bosnie ont été
23 tués par les forces serbes de Bosnie.
24 La Chambre de première instance est également convaincue au-delà de
25 tout doute raisonnable, que les Musulmans et les Croates de Bosnie
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1 emprisonnés dans des camps et autres centres de détention ont subi des
2 atteintes graves à leur intégrité physique ou mentale, qu'ils leur ont été
3 infligés intentionnellement.
4 De plus, la Chambre de première instance estime que des conditions
5 d'existence dans ces camps et autres centres de détention ont été
6 délibérément infligés aux détenus musulmans et croates de Bosnie, et ces
7 propres, dans certains cas, ont entraîné leur destruction physique. En
8 conséquence, il fallait encore déterminer si ces crimes avaient été commis
9 avec l'intention spécifique de commettre un génocide. Sachant qu'en
10 l'absence de preuve directe de l'élément moral, l'intention spécifique peut
11 malgré tout être déduit des circonstances factuelles, et sachant que, si
12 l'on procède à une telle déduction, celle-ci doit être la seule déduction
13 raisonnable possible, compte tenu des éléments réunis.
14 En l'espèce, la Chambre de première instance n'est pas convaincue que
15 la seule déduction raisonnable possible, à partir des éléments de preuve
16 réunis, soit que les crimes ont été commis dans l'intention spécifique de
17 détruire les groupes des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie de la
18 Région autonome de Krajina, et ceci, notamment, parce que le nombre
19 d'hommes, de femmes et d'enfants musulmans et croates de Bosnie, déplacés
20 par la force de la Région autonome de Krajina, est extrêmement élevé en
21 l'espèce. Surtout, si on le compare au nombre de Musulmans et de Croates de
22 Bosnie soumis aux actes énumérés à l'Article 4.2(A), (B) et (C) du statut,
23 ce fait ne permet pas de conclure que la seule déduction raisonnable,
24 compte tenu des éléments réunis et l'existence de l'intention de détruire
25 en partie les groupes concernés par opposition à l'intention de les
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1 déplacer par la force.
2 Le jugement détaille de manière exhaustive le raisonnement de la
3 Chambre de première instance. Sur la base des éléments présentés en
4 l'espèce, la Chambre de première instance n'a pas conclu au-delà de tout
5 doute raisonnable qu'un génocide avait été commis dans les municipalités
6 concernées de la Région autonome de Krajina, d'avril à décembre 1992.
7 La Chambre de première instance estime que le crime de persécution
8 est constitué par un acte ou une omission qui introduit une discrimination
9 de fait qui dénie au bas fou un droit fondamental reconnu par le droit
10 international coutumier ou conventionnel et qui est commis délibérément
11 avec une intention discriminatoire pour un motif prohibé notamment pour des
12 raisons raciales, religieuses ou politiques. Pour la Chambre de première
13 instance le concept de races inclus ici celui de l'appartenance ethnique.
14 La Chambre de première instance a conclu que la campagne de
15 persécution menée contre les Musulmans et les Croates de Bosnie s'est
16 traduite par des meurtres, des actes de torture et de violentes physiques,
17 des viols et des violences sexuelles, d'incessantes humiliations et
18 dégradations, la destruction et l'appropriation de biens et d'édifices
19 religieux non-serbes, des expulsions et des transferts forcés, ainsi que
20 par le déni de droits fondamentaux, notamment, le droit à l'emploi, la
21 liberté de déplacement, le droit des soins médicaux convenables ou le droit
22 à une bonne administration de la justice.
23 De plus, la Chambre de première instance est convaincue que ces actes
24 étaient discriminatoires de fait et ont été commis par leurs auteurs avec
25 l'intention discriminatoire requise pour les raisons raciales, religieuses
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1 et politiques.
2 Nous allons, maintenant, traiter de la responsabilité pénale de
3 l'accusé. Nous allons, maintenant, traiter de la responsabilité de
4 l'accusé, Radoslav Brdjanin, au regard des crimes qui lui sont reprochés et
5 au titre des divers modes de responsabilités invoqués dans l'acte
6 d'accusation.
7 Pour ce faire, il convient de préciser certaines des questions
8 essentielles examinées par la Chambre de première instance pour déterminer
9 la responsabilité pénale de l'accusé dans le jugement écrit.
10 La Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute
11 raisonnable que tout aussi bien avant que pendant la période visée à l'acte
12 d'accusation, Radoslav Brdjanin était un homme politique de premier plan au
13 sein de la Région autonome de la Krajina et qu'il a occupé des postes clés
14 au niveau municipal, régional et de la république, dont celui de 1er vice-
15 président de l'assemblée de la Région autonome de la Krajina; de président
16 de la cellule de Crise de la RAK; et, plus tard, de vice-premier ministre
17 par intérim, chargé de la production; de ministre des Travaux publics, des
18 Transports et des Services publics; et de vice-président par intérim du
19 gouvernement de la Republika Srpska.
20 La Chambre de première instance est convaincue que de la mi-1991 à la fin
21 1992, l'accusé détenait de droit et de fait un pouvoir faisant de lieu une
22 des personnalités politiques les plus en vue de la Région autonome de
23 Krajina. Ce pouvoir, il avait une double assise.
24 En premier lieu, l'accusé occupait des fonctions politiques au niveau
25 municipal, régional et au niveau de la république. En deuxième lieu, il
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1 était investi d'un pouvoir politique qui lui venait directement des
2 dirigeants serbes de Bosnie et notamment de Radovan Karadzic en personne.
3 La Chambre de première instance est en outre convaincue que l'accusé
4 a adhéré au plan stratégique et qu'il savait que ce plan ne pouvait être
5 mise en œuvre qu'avec l'emploi de la force et de la peur.
6 Parmi toutes les personnalités politiques de la Krajina de Bosnie,
7 c'est l'accusé que les dirigeants serbes de Bosnie ont reconnu comme étant
8 le meilleur représentant des intérêts de la République serbe de Bosnie-
9 Herzégovine. C'est lui qui a été choisi pour jouer un rôle de premier plan
10 dans la coordination de l'application du plan stratégique au sein de la
11 Région autonome de la Krajina.
12 A cet effet, les plus hauts dirigeants de la République serbe de
13 Bosnie-Herzégovine lui ont accordé une autorité et une autonomie étendue
14 dans des domaines d'une importance politique fondamentale marquant ainsi la
15 confiance dont l'accusé jouissait auprès des plus hautes instances
16 politiques.
17 Dans une conversation téléphonique du 31 octobre 1991, Radovan
18 Karadzic, en personne, a assuré à l'accusé qu'il avait les pleins pouvoirs
19 en Krajina de Bosnie et lui a indiqué qu'il devait prendre plus de
20 décisions sans consulter la direction du parti. De plus, dans une
21 conversation entre Radovan Karadzic et un certain Miroslav, le 7 janvier
22 1992, l'accusé a été présenté comme une personnalité expérimentée, très
23 solide politiquement et qui serait capable de s'emparer du pouvoir.
24 Radoslav Brdjanin a largement contribué à la mise en œuvre du plan
25 stratégique au cours de trois phases bien distinctes. Avant la mise en
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1 place de la cellule de Crise de la Région autonome de Krajina en tant que
2 membre de l'assemblée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, tout
3 d'abord, et de l'assemblée de la RAK, en tant que président de la cellule
4 de Crise de la Région autonome de Krajina et, quand celle-ci a cessé
5 d'exister, en tant que ministre du gouvernement de la Republika Srpska.
6 Avant la création de la cellule de Crise de la Région autonome de
7 Krajina, Radovan Karadzic avait déjà des contacts avec l'accusé sur qui il
8 s'appuyait notamment pour mettre sur pied des commandements civils afin de
9 garantir la Défense territoriale et la protection civile du territoire pour
10 faire la liaison avec les officiers de l'armée et préparer la mobilisation
11 de l'armée des serbes de Bosnie ainsi que pour appliquer les mesures de
12 licenciement des non-Serbes.
13 En tant que président de la cellule de Crise de la Région autonome de
14 Krajina, l'Accusation exerçait une autorité de fait sur les autorités
15 municipales et la police et il avait une influence non négligeable sur
16 l'armée et les groupes paramilitaires. De part les décisions de la cellule
17 de Crise de la Région autonome de la Krajina qui peuvent lui être
18 attribuées, l'accusé a contribué à la mise ne œuvre des objectifs des
19 dirigeants serbes de Bosnie au sein de la Région autonome de Krajina.
20 Après la disparition de la cellule de Crise de la Région autonome de
21 Krajina, l'accusé a non seulement conservé son pouvoir politique dans la
22 Krajina de Bosnie, mais il l'a aussi étendu au niveau de la république. Il
23 a continué à rencontrer des dirigeants politiques et militaires d'haut
24 niveau pour discuter de questions relatives à la mise en œuvre du plan
25 stratégique.
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1 La Chambre de première instance a conclus que c'est par le biais
2 d'une campagne de propagande dirigée contre les Musulmans et les Croates de
3 Bosnie et menée pendant les différentes phases de sa carrière politique que
4 l'accusé a apporté une de ses contributions les plus substantielles à la
5 mise ne œuvre du plan stratégique.
6 L'autorité que lui conféraient ses fonctions lui a donné accès aux
7 médias. Il s'en est servi pour faire des déclarations publiques semant la
8 haine et la crainte entre les Serbes de Bosnie d'une part et les Musulmans
9 et les Croates de Bosnie, d'autre part.
10 Non seulement l'accusé a appelé au licenciement des non-Serbes mais
11 il s'est également prononcé publiquement en faveur de leur départ de la
12 Krajina de Bosnie. En outre, l'accusé a ouvertement condamné les mariages
13 mixtes et a publiquement proposé une campagne meurtrière de représailles à
14 consonance ethnique.
15 La Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute
16 raisonnable que si les déclarations publiques de l'accusé ont pu être
17 motivées en partie par son arrivisme, elles étaient cependant délibérées et
18 elles ont eu un impact désastreux sur toutes les communautés ethniques.
19 Elles ont poussé au crime les Serbes de Bosnie et ont contribué à créer un
20 climat dans lequel on était prêt à tolérer et à perpétrer des actes
21 criminels. Un climat dans lequel les Serbes de Bosnie de bonne volonté ont
22 été dissuadés d'apporter une assistance quelconque aux non-Serbes.
23 La population non-serbe de la Krajina de Bosnie a perçu les
24 déclarations publiques de l'accusé comme étant une menace directe les
25 mettant en demeure de quitter les zones occupées par les Serbes de Bosnie.
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1 Ils sont nombreux à être partis craignant d'être en danger de mort. Un
2 certain nombre de témoins ont déclaré que les déclarations publiques de
3 l'accusé constituaient la raison principale de leur départ de la région.
4 La Chambre de première instance est d'autre part convaincue que
5 l'accusé avait une connaissance précise des crimes commis dans le cadre de
6 la mise en œuvre du plan stratégique pendant la période et dans la région
7 visée à l'acte d'accusation.
8 Nous allons, maintenant, mettre en évidence les conclusions générales
9 de la Chambre de première instance en ce qui concerne les modes de
10 responsabilité invoquée dans l'acte d'accusation. Pour que la
11 responsabilité pénale de l'accusé soit engagée au titre de l'entreprise
12 criminelle commune, l'Accusation doit démontrer l'existence d'un projet
13 commun assimilable à ou supposant un accord conclus aux fins de commettre
14 un crime sanctionné par le statut entre l'accusé et les auteurs directs des
15 crimes concernés des auteurs qui sont des membres de la police de l'armée
16 et d'organisations paramilitaires.
17 L'Accusation n'ayant pas invoqué l'existence d'une entreprise
18 criminelle commune liant l'accusé à la police, la Chambre de première
19 instance s'est interrogée sur l'existence éventuelle d'une entreprise
20 criminelle commune réunissant l'accusé et les membres de l'armée des
21 organisations paramilitaires. Ce faisant, la Chambre de première instance
22 s'est référée au plan stratégique.
23 Comme nous l'avons indiqué précédemment, la Chambre de première
24 instance a conclus que l'accusé avait adhéré au plan stratégique. Elle est
25 également convaincue que bon nombre des auteurs directs des crimes
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1 concernés ont fait de même et œuvré à son implication; cependant, la
2 Chambre de première instance est d'avis que la simple adhésion au plan
3 stratégique par l'accusé, d'une part, et par bon nombre des auteurs directs
4 des crimes, d'autre part, ne serait être assimilée à un accord conclus par
5 eux pour commettre un crime concret.
6 Il est, en effet, possible que l'accusé et les auteurs directs des
7 crimes concernés ait adhéré au plan stratégique et conçu l'intention
8 criminelle de commettre des crimes dans le but d'appliquer le plan
9 stratégique indépendamment les uns des autres, et sans qu'il existe une
10 entente ou un accord relatif à la perpétration des crimes. La Chambre de
11 première instance s'est en outre demandée si l'existence d'une entente ou
12 d'un accord de ce type entre l'accusé et les auteurs directs des crimes
13 pouvait être déduite du fait qu'ils avaient agi à l'unisson pour mettre en
14 œuvre le plan stratégique. Vu la distance concrète et structurelle séparant
15 l'accusé des auteurs directs des crimes en question, et vu le fait que ces
16 auteurs le plus souvent n'ont pas pu être identifiés, la Chambre de
17 première instance n'est pas convaincue que la seule conclusion que l'on
18 puisse raisonnablement tirer de l'action concertée de l'accusé et des
19 auteurs des crimes directs aux fins de l'application du plan stratégique
20 est que l'accusé avait conclus un accord avec les auteurs directs pour que
21 ces crimes soient commis. La Chambre de première instance estime en fait
22 que les éléments de preuve réunis permettent d'autres déductions
23 raisonnables.
24 La Chambre de première instance est d'avis que l'entreprise
25 criminelle commune ne constitue pas un mode de responsabilité adéquat pour
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1 rendre compte de la responsabilité pénale individuelle de l'accusé étant
2 donné la portée extraordinairement vaste d'une affaire dans laquelle
3 l'Accusation tente d'inclure dans une entreprise criminelle commune une
4 personne aussi éloignée que l'accusé des crimes perpétrés et visés à l'acte
5 d'accusation. La Chambre de première instance rejette l'entreprise
6 criminelle commune en tant que mode de responsabilité en l'espèce.
7 La Chambre de première instance rejette également le mode de
8 responsabilité constitué par le fait d'avoir planifié au titre de l'Article
9 7(1) du statut. La Chambre a, en effet, conclu que, sur la base de la
10 responsabilité individuelle de l'accusé, qui a été établie et que nous
11 allons bientôt évoquée, les preuves présentées sont insuffisantes pour
12 conclure que l'accusé a participé à la préparation directe des crimes
13 concrets.
14 S'agissant de la responsabilité pénale au tire de l'Article 7(3) du
15 statut, la Chambre de première instance a conclu que, même si la cellule de
16 Crise de la Région autonome de Krajina exerçait de fait un pouvoir sur les
17 autorités municipales et sur la police et même si elle avait eu une
18 influence sur l'armée, les organisations paramilitaires l'accusaient en
19 tant que président de la cellule de Crise de la Région autonome de Krajina
20 ou à toutes les autres fonctions qu'il a occupées, d'avril à décembre 1992,
21 n'exerçait pour ce qui le concernait pas un contrôle effectif sur les
22 membres des autorités municipales de la police, de l'armée ou des
23 organisations paramilitaires, contrôle qui lui aurait donné la capacité
24 matérielle d'empêcher ou de punir la perpétration de crimes de leur part.
25 De ce fait, la Chambre de première instance rejette la responsabilité du
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1 supérieur hiérarchique au sens de l'Article 7(3) du statut en tant que mode
2 de responsabilité possible.
3 Les autres modes de responsabilité découlant de l'Article 7(1) du
4 statut ont été passées en revue successivement pour chacun des crimes
5 figurant à l'acte d'accusation et la Chambre de première instance est
6 parvenue aux conclusions suivantes :
7 En ce qui concerne les homicides intentionnels, la Chambre de
8 première instance est convaincue que les décisions prises par la cellule de
9 Crise de la Région autonome de Krajina, au sujet du désarmement entre le 9
10 et le 18 mai 1992, ont apporté une aide matérielle aux forces serbes de
11 Bosnie dans leurs attaques contre des villes, villages et zones non-serbes
12 et que ces décisions sont imputables à l'accusé. La Chambre de première
13 instance est, par ailleurs, convaincue que l'accusé savait qu'au cours de
14 ces attaques armées, les forces serbes de Bosnie commettraient un certain
15 nombre de crimes, y compris l'homicide intentionnel de non-Serbes, et que
16 les membres des forces serbes de Bosnie commettant ces homicides étaient
17 animés de l'intention nécessaire de tuer. De par les décisions relatives au
18 désarmement prises par la cellule de Crise de la Région autonome de
19 Krajina, l'accusé a eu un impact substantiel sur la perpétration de ces
20 meurtres. En conséquence, la Chambre de première instance est convaincue
21 que l'accusé a aidé et encouragé les meurtres commis par les forces serbes
22 de Bosnie dans le cadre des attaques armées menées contre des villes,
23 villages et zones non-Serbes après le 9 mai 1992. La Chambre de première
24 instance estime qu'il n'a pas été prouvé que ces mêmes décisions de la
25 cellule de Crise de la Région autonome de Krajina ou tout autre acte de
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1 l'accusé engage sa responsabilité pénale pour les autres meurtres visés à
2 l'acte d'accusation.
3 La Chambre de première instance n'est pas convaincue que les éléments
4 de preuve établissent au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé savait
5 qu'en rendant les décisions de la cellule de Crise de la Région autonome de
6 Krajina sur le désarmement, il contribuerait à un nombre de meurtres tels
7 qu'il y aurait crime d'extermination. Il n'a pas non plus été établi au-
8 delà de tout doute raisonnable que l'accusé savait que les membres des
9 forces serbes de Bosnie avaient l'intention de perpétrer des meurtres sur
10 une telle échelle qu'il en résulterait un crime d'extermination.
11 Appliquant aux actes de torture allégués dans l'acte d'accusation, le
12 même raisonnement qu'aux homicides intentionnels, la Chambre de première
13 instance a conclus que l'accusé a aidé et encouragé les actes de torture
14 commis par les forces serbes de Bosnie dans le cadre des attaques armées
15 menées contre des villes, villages et zones non-Serbes après le 9 mai 1992,
16 date de la promulgation de la première décision de la cellule de Crise de
17 la Région autonome de Krajina au sujet du désarmement. De plus, la Chambre
18 de première instance est convaincue que l'accusé a aidé et encouragé la
19 perpétration des actes de torture sous-jacents commis par les forces serbes
20 de Bosnie dans des camps ou autres centres de détention sur tout le
21 territoire de la Région autonome de Krajina. Il a été établi au-delà de
22 tout doute raisonnable, qu'à l'exception de l'école primaire de Jasenica et
23 de l'école Petar Kocic, tous les camps et centres de détention évoqués au
24 procès, ont été mis en place après l'établissement de la cellule de Crise.
25 Il existe suffisamment de preuves montrant que la mise en place de ces
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1 camps et le centre de détention faisaient partie intégrante du plan
2 stratégique et que l'accusé savait pertinemment quels étaient la nature de
3 ces camps et centres de détention et qu'il savait que les détenus y étaient
4 torturés. Jamais au cours de son mandat de président de la cellule de Crise
5 de la Région autonome de Krajina, il n'a pris position contre ces
6 agissements, que ce soit en publique ou au cours des réunions de la cellule
7 de Crise. Il a au contraire adopté une attitude de laissez faire et ses
8 déclarations publiques sur la question ont envoyé un signal regrettable à
9 ceux qui perpétraient ces crimes dans les camps et les centres de
10 détention. En conséquence, la Chambre de première instance est convaincue
11 que son inaction et ses prises de position publique au sujet des camps et
12 des centres de détention ont constitué un soutien moral et un encouragement
13 aux membres de l'armée et de la police serbe de Bosnie pour qu'ils
14 continuent à gérer ces lieux de détention de la manière présentée à la
15 Chambre de première instance au procès.
16 S'agissant des crimes d'expulsion et de transfert par la force, la Chambre
17 de première instance est convaincue que les décisions de la cellule de
18 Crise de la Région autonome de Krajina des 28 et 29 mai 1992, en faveur du
19 déplacement et de la réinstallation de la population non-Serbes ont amené
20 les autorités municipales et la police qui les ont mis en œuvre à commettre
21 ces crimes d'expulsion et de transfert par la force. La Chambre de première
22 instance estime également que la seule conclusion que l'on puisse
23 raisonnablement tirer de l'examen des termes de ces décisions est qu'elle
24 constituait ni plus, ni moins, qu'une incitation directe à expulser ou
25 transférer par la force des non-Serbes à partir du territoire de la Région
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1 autonome de Krajina. Ceci est confirmé par les déclarations sans équivoque
2 de l'accusé, réitéré à partir du début du mois d'avril 1992 et dans
3 lesquels il appelait la population non-Serbes à quitter la Krajina de
4 Bosnie et affirmait que seul un pourcentage limité de non-Serbes serait
5 autorisé à rester. La Chambre de première instance est convaincue qu'à
6 l'exception de la tentative avortée de déplacements de la population
7 musulmane de Bosnie, de Gornji Agici, Donji Agici et Crna Rijeka à Bosanski
8 Novi, le 24 mai 1992, toutes les expulsions vers Karlovac et tous les
9 transferts forcés vers Travnik à partir de la Région autonome de Krajina,
10 et qui sont décrits en détail dans le jugement, tout ceci a eu lieu après
11 l'adoption de décisions de la cellule de Crise de la Région autonome de
12 Krajina mentionnée précédemment.
13 De plus, l'adhésion de l'accusé au plan stratégique dans les crimes
14 d'expulsion et de transfert forcé constitue une partie intégrante et il a
15 coordonné la mise en œuvre à son poste de président de la cellule de Crise
16 de la Région autonome de Krajina, qui ont prouvé qu'il avait l'intention
17 d'inciter à la perpétration des crimes d'expulsion et de transfert forcé.
18 Sur cette base, la Chambre de première instance a conclu que l'accusé avait
19 incité à commettre ces expulsions et transferts forcés.
20 De plus, la Chambre de première instance est convaincue que l'accusé
21 a aidé et encouragé l'exécution de ces crimes par ses déclarations
22 publiques incendiaires et discriminatoires, par les décisions prises au
23 sujet du désarmement et qui ont déjà été mentionnées et, enfin, par la
24 décision de la cellule de Crise de la Région autonome de Krajina, du 12
25 juin, 1992, de créer une agence chargée du déplacement et de l'échange des
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1 populations à Banja Luka.
2 Pour le crime de destruction, la Chambre de première instance reprend le
3 raisonnement appliqué à l'homicide intentionnel, à savoir que les décisions
4 de la cellule de Crise de la Région autonome de Krajina, au sujet du
5 désarmement, ont constitué une aide matérielle à destination des forces
6 serbes de Bosnie dans leurs attaques de villes, villages et zones non-
7 serbes.
8 De plus, l'accusé savait que des crimes seraient commis et,
9 notamment, ceux de destruction, sans motif d'agglomérations, de villes et
10 de villages ou les dévastation non justifiées par les exigences militaires.
11 La Chambre de première instance, étant convaincue que l'accusé a aidé et
12 encouragé la destruction, sans motif d'agglomérations, de villes et de
13 villages ou les dévastations non justifiées par les exigences militaires
14 commises par les forces serbes de Bosnie dans des villes, villages et zones
15 non-serbes à Bosanski Novi, Bosanski Petrovac, Celinac, Donji Vakuf, Kljuc,
16 Kotor Varos, Prijedor, Sanski Most, Sipovo et Teslic, après le 9 mai, 1992.
17 Appliquant le même raisonnement et après un examen attentif des éléments de
18 preuve, la Chambre de première instance est convaincue que l'accusé a aidé
19 et encouragé la destruction ou l'endommagement délibéré d'édifices
20 consacrés à la religion et commis par les forces serbes de Bosnie dans le
21 cadres des attaques armées qu'elles ont menées contre des villes, villages
22 et zones non-serbes à Bosanski Novi, Bosanski Petrovac, Celinac, Donji
23 Vakuf, Kljuc, Kotor Varos, Prijedor, Prnjavor, Sanski Most, Sipovo et
24 Teslic après le 9 mai, 1992.
25 Enfin, s'agissant du crime de persécution, la Chambre de première instance
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1 a précédemment établi la responsabilité de l'accusé pour avoir aidé et
2 encouragé certains crimes d'homicide intentionnel, de torture, de
3 destruction et de dévastation d'agglomérations, de villes et de villages et
4 d'édifices consacrés à la religion, ainsi que d'expulsion et de transfert
5 forcé. L'accusé a également été reconnu responsable d'avoir incité à
6 commettre certains actes d'expulsion et de transfert forcé. La Chambre de
7 première instance est de plus convaincue que l'accusé a aidé et encouragé
8 la perpétration de persécution sous forme d'actes de violence physique, de
9 viol et violence sexuelle, d'incessantes humiliations et dégradations ainsi
10 que d'appropriation de biens. En outre, la Chambre de première instance est
11 convaincue que l'accusé a ordonné que soit dénié le droit fondamental à
12 l'emploi des Musulmans et des Croates de Bosnie dans les municipalités
13 précédemment mentionnées, par une décision de la cellule de Crise de la
14 Région autonome de Krajina du 22 juin, 1992 prévoyant le licenciement de
15 pratiquement tous les non-Serbes dans la Région autonome de Krajina, ce qui
16 constitue un acte de persécution.
17 De surcroît, la Chambre de première instance a conclu que l'accusé a
18 aidé et encouragé la persécution, s'agissant du dénie de la liberté de
19 déplacement et du droit à une bonne administration de la justice pour ce
20 qui concerne les communautés ethniques précédemment mentionnées. Cependant,
21 la Chambre de première instance a estimé que les preuves, qui lui ont été
22 présentées, ne lui permettent pas d'établir la responsabilité de l'accusé
23 pour dénie du droit à des soins médicaux convenables.
24 Pour tous ces actes, la Chambre de première instance est convaincue
25 que, non seulement les auteurs directs des crimes, mais l'accusé lui-même
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1 étaient animés d'une intention discriminatoire à l'égard des victimes
2 musulmanes et croates de Bosnie.
3 La peine. La Chambre de première instance a évalué les facteurs pertinents
4 pour déterminer la gravité des crimes dont l'accusé a été reconnu coupable.
5 En l'espèce, vu la gravité des crimes allégués dans l'acte d'accusation, vu
6 les circonstances aggravante qu'elle a invoquées et vu l'absence présumé de
7 toutes circonstances atténuantes majeures, l'Accusation a soutenu que seul
8 une peine d'emprisonnement à vie pouvait rendre compte de la responsabilité
9 pénale de l'accusé.
10 La Défense a opposé, à titre préliminaire, que la procédure ne prévoyant
11 pas la tenue d'une audience distincte ad hoc consacrée à la fixation de la
12 peine, suite à une déclaration de culpabilité, elle ne pouvait dûment
13 argumenter sur cette question. La Chambre de première instance souscrit à
14 cet argument et expose ses motifs dans le jugement. La Défense a toutefois
15 soulevé plusieurs arguments en vu de la fixation de la peine, qui sont
16 examinés en détail dans le jugement et que nous allons maintenant évoqués
17 pour certains d'entre eux.
18 La Chambre de première instance a jugé que les éléments suivants
19 constituaient des circonstances aggravantes auxquelles elle a attribué le
20 poids qui convenait lorsqu'elle a fixé la peine, ainsi que cela est indiqué
21 dans le jugement : la position d'haut dirigeant de l'accusé, le statut et
22 la vulnérabilité des victimes, l'effet des crimes sur les victimes, la
23 nature volontaire de la participation de l'accusé, la durée de la période
24 pendant laquelle a été adoptée le comportement criminel et, dans une
25 moindre mesure, comme cela est expliqué dans le jugement, l'éducation de
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1 l'accusé.
2 Cependant, la Chambre de première instance a jugé que les éléments suivants
3 constituaient des circonstances atténuantes auxquelles elle a attribué le
4 poids qui convenait au moment de fixer la peine, ainsi que cela est indiqué
5 dans le jugement. Certains de ces éléments se sont vus attribués une grande
6 importance et d'autres moins. Je les cite : la participation de l'accusé à
7 la décision de fournir un abri aux Musulmans de Bosnie de Celinac, le fait
8 qu'il a traité tous les citoyens de la même manière, l'inquiétude qu'il a
9 exprimé à propos des paramilitaires, de certains d'entre eux du moins, sa
10 participation à la décision de procéder à l'arrestation de membres du
11 groupe des Mice, sa situation familiale, son âge, les quelques discours
12 qu'il a prononcés condamnant les profiteurs de guerre, son attitude
13 respectueuse au cours du procès à l'égard des témoins à charge, je
14 mentionne, en particulier, un de ces témoins, son comportement général
15 pendant toute la procédure -- tout le procès, et enfin, les remords qu'il a
16 exprimés dans certaines circonstances.
17 Enfin, en conformité avec le statut et le règlement, la Chambre de première
18 instance s'est référée à la pratique générale des tribunaux de l'ex-
19 Yougoslavie en manière de fixation de la peine, même si elle a reconnu ne
20 pas être liée par elle. La Chambre a noté que la code pénale de la RSFY en
21 vigueur en 1992 prévoyait les peines suivantes : l'infliction d'une amende,
22 la confiscation de biens, l'emprisonnement et la peine capitale. La peine
23 maximale de réclusion criminelle était de 15 ans, exception faite de crimes
24 passibles de la peine de mort en cas de circonstances particulièrement
25 aggravantes ou de conséquences particulièrement graves, auxquels cas la
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1 peine maximale d'emprisonnement était de 20 ans.
2 La Chambre de première instance, en application de l'Article 87(C)du
3 règlement, décide de prononcer, en l'espèce, une peine unique, celle-ci
4 reflétant, en effet, mieux le comportement criminel de l'accusé, qui se
5 caractérise par des agissements criminels récurrents commis dans un cadre
6 temporel limité.
7 Nous sommes arrivés maintenant aux dispositifs du jugement.
8 Radoslav Brdjanin, veuillez vous lever.
9 Par ces motifs, la Chambre de première instance, après avoir examiné tous
10 les éléments à charge et à décharge, vous déclare non coupable de chef 1,
11 génocide; chef 2, complicité de génocide; chef 4, extermination, un crime
12 contre l'humanité; chef 10, destruction et appropriation de biens non
13 justifiée par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle
14 de façon illicite et arbitraire, une infraction grave aux conventions de
15 Genève de 1949.
16 En vertu de l'Article 7(1) du statut, la Chambre de première instance vous
17 déclare coupable de chef 3, persécutions et crimes contre l'humanité,
18 incorporant le chef 6, torture; le chef 8, expulsion; et le chef 9,
19 transfert forcé, un acte inhumain; chef 5, homicide intentionnelle, une
20 infraction grave aux conventions de Genève de 1949; chef 7, torture, une
21 infraction grave aux conventions de Genève de 1949; chef 11, destruction
22 sans motif d'agglomérations, de villes et de villages ou dévastation que ne
23 justifient pas les exigences militaires, une violation des lois ou coutumes
24 de la guerre; et, enfin, chef 12, destruction ou endommagement délibéré
25 d'édifices consacrés à la religion, une violation des lois ou coutumes de
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1 la guerre.
2 Radoslav Brdjanin, la Chambre de première instance vous condamne à peine
3 unique de 32 ans d'emprisonnement et dit que vous avez droit à ce que soit
4 décompté de la durée totale de la peine la période de cinq ans, un mois et
5 26 jours que vous avez passé en détention préventive, calculée à compter de
6 la date de votre arrestation le 6 juillet, 1999, jusqu'à la date du présent
7 jugement, ainsi que toute période supplémentaire que vous passerez en
8 détention dans l'attente d'une éventuelle décision en appel.
9 Finalement, en application de l'Article 103(C) du règlement, vous resterez
10 sous la garde du Tribunal jusqu'à ce que soient arrêtées les dispositions
11 nécessaires à votre transfert vers l'Etat dans lequel vous purgerez votre
12 peine.
13 L'audience est levée.
14 --- L'audience est levée à 16 heures 10.
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